Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 15 janvier 2003.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 07.)

4 M. le Président (interprétation): Bonjour, veuillez prendre place.

5 Madame la Greffière, veuillez nous donner le numéro de cette affaire.

6 Mme Dahuron (interprétation): Bonjour. Affaire IT-97-24-T, le Procureur

7 contre Milomir Stakic.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 Présentation des parties?

10 M. Koumjian (interprétation): Nicholas Koumjian, Ann Sutherland, Ruth

11 Karper pour l'accusation.

12 M. le Président (interprétation): La défense?

13 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

14 Monsieur le Juge, Branko Lukic, John Ostojic, Danilo Cirkovic pour la

15 défense.

16 M. le Président (interprétation): Avant de reprendre l'audition du témoin

17 d'aujourd'hui, je souhaiterais vous annoncer que nous allons une réunion

18 65ter-I) ce jour à 15 heures dans mon bureau.

19 Je vais maintenant demander à l'huissier de bien vouloir faire entrer le

20 témoin.

21 (Le témoin, Mme Borislavska Dakic, est introduit dans le prétoire.)

22 M. le Président (interprétation): Bonjour, Madame Dakic. Veuillez-vous

23 asseoir.

24 Mme Dakic (interprétation): Bonjour.

25 M. le Président (interprétation): Toutes les parties prenantes ainsi que

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1 vous-même, Madame le Témoin, avez-vous eu le temps de réfléchir à ce que

2 vous avez dit vous-même dans le cadre de votre déposition? Et avant de

3 vous demander, comme je l'ai fait à plusieurs reprises, si on passe en

4 revue ce que vous avez déclaré, vous estimeriez maintenant apporter un

5 certain nombre de précisions voire des corrections à vos propos, je dois

6 vous cautionner de deux manières.

7 En premier lieu, tout ce qui a peut-être été erroné ou incorrect par le

8 passé ne s'applique pas à des événements pour lesquels ce Tribunal est

9 compétent. Cependant, si vous deviez donner une réponse qui aurait pour

10 conséquence de vous incriminer, vous avez le droit de ne pas répondre à

11 cette question. Et ce faisant, tout en disant bien entendu toujours la

12 vérité, vous ne serez susceptible d'aucun type d'enquête à La Haye.

13 Cependant, si l'accusation avait des motifs valables lui permettant

14 d'estimer que votre déposition, en partie au moins, n'était pas conforme à

15 la vérité, la Chambre peut, à la demande de l'accusation ou bien d'office,

16 agir en terme de l'Article 91, c'est-à-dire en fonction des conséquences

17 de vos actes si vous n'aviez pas dit la vérité comme vous vous y êtes

18 engagée dans le cadre de votre déclaration solennelle.

19 Je ne veux pas entrer dans les détails de cette procédure, mais je vous

20 rappelle que le faux témoignage sous déclaration solennelle est passible

21 d'une amende ne pouvant excéder 100.000 euros ou d'une peine

22 d'emprisonnement de 7 ans maximum ou des deux. Il s'agit de l'Article 91

23 alinéa G) dans sa première phrase.

24 Nous allons donc maintenant poursuivre votre déposition et je vous prie de

25 garder ce que je viens de vous dire à l'esprit. Je vous demande à vous, en

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1 tant que juriste, si vous avez compris la mise en garde que je viens de

2 vous faire?

3 Mme Dakic (interprétation): Oui.

4 M. le Président (interprétation): Merci.

5 Maintenant, si vous réfléchissez à ce qui a été dit hier, estimez-vous

6 qu'il est nécessaire que vous ajoutiez quelque chose ou que vous apportiez

7 des corrections à ce que vous avez dit hier?

8 Mme Dakic (interprétation): Non, je n'ai rien à ajouter. Je n'ai rien à

9 corriger non plus.

10 (Questions au témoin, Mme Borislavska Dakic, de M. Le Président.)

11 M. le Président (interprétation): Merci.

12 Maintenant je vais aborder avec vous un certain nombre de détails à

13 nouveau. Vous nous l'avez déjà dit, vous n'étiez pas présente lorsque la

14 demande de la défense est arrivée, demande par laquelle la défense

15 souhaitait se voir remettre des documents relatifs à l'état de santé de

16 l'un de nos témoins. Est-ce bien exact?

17 Mme Dakic (interprétation): Pour ce qui est de cette demande, en premier

18 lieu, quelqu'un de l'équipe de la défense est venu et s'est informé pour

19 savoir comment et de quelle manière il pouvait faire une demande pour

20 obtenir des éléments nécessaires à une affaire jugée par le Tribunal. Et

21 j'ai dit à cette personne, à ce représentant de la personne défense, que

22 lorsqu'on demandait à se voir remettre des documents, il fallait que ce

23 soit le directeur du centre médical qui en donne l'autorisation. La

24 défense s'est adressée au directeur du centre médical et, à ce moment-là,

25 il n'était plus nécessaire de se tourner vers moi pour obtenir ces

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1 documents. Je vous l'ai d'ailleurs dit hier, je vous ai dit que ce n'était

2 pas la première fois qu'on recevait des demandes de ce genre au centre

3 médical.

4 Question: Pouvez-vous nous dire qui est cette personne qui a pris contact

5 la première fois avec vous?

6 Réponse: Radulovic Predrag.

7 Question: Et si je me souviens bien, vous nous avez dit que lorsque la

8 demande elle-même est parvenue au centre, vous n'étiez pas présente. Mais

9 de toute façon, on vous en a parlé ou on vous l'a montrée du moins.

10 Est-ce que vous pouvez nous dire quelle signature portait cette demande?

11 Réponse: Il y avait un cachet sur cette demande, le cachet du cabinet

12 d'avocat. Je n'ai pas lu avec grande attention la requête en question.

13 Dans la requête, on disait que la défense de M. Stakic souhaitait obtenir

14 des documents relatifs à l'état de santé d'une certaine personne. Et moi,

15 à cette occasion, j'ai eu à faire la chose suivante.

16 Plus tard, cette requête a été transmise au service conservant tous ces

17 documents. Ces documents, ils ne sont pas dans mon bureau, dans mon

18 service, mais ils relèvent du service chargé de la médecine du travail. Et

19 lorsqu'on a trouvé le dossier en question, je n'ai pas examiné le dossier

20 médical de la personne en question parce que ces dossiers comportent des

21 codes qui sont utilisés et suivis par les médecins. Ils suivent une

22 nomenclature qui a été édictée par le ministère de la Santé, une

23 nomenclature à laquelle je ne connais rien. C'est pourquoi je ne me suis

24 pas penchée sur ces documents.

25 Question: Ultérieurement, ces documents ont été envoyés à la défense,

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1 n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Est-ce qu'une lettre était jointe à ces documents?

4 Réponse: Moi-même, je n'ai rédigé aucune lettre. Personne ne m'a demandé

5 de rédiger une lettre. Vous dire si quelqu'un d'autre, une secrétaire ou

6 autre, a rédigé une lettre pour accompagner ces documents, je ne saurais

7 vous le dire.

8 Question: Si on devait essayer de retrouver ces documents, où les

9 trouverait-on? Est-ce que ces documents se trouvent dans l'un de vos

10 dossiers?

11 Réponse: Il faudrait aller dans les archives parce que tout ce que nous en

12 voyons, tout ce que nous recevons, normalement est classé dans les

13 archives ou du moins dans les dossiers du centre médical.

14 Question: Non, ma question était concrète. Je voudrais savoir si ceci se

15 trouve dans un de vos dossiers à vous.

16 Réponse: Oui, à moins que quelqu'un ne les ait détruits, ces documents. Il

17 arrive à l'occasion que des documents disparaissent des dossiers. Mais

18 toute destruction de documents contenus dans les dossiers est sanctionnée

19 par la loi et peut entraîner des procédures disciplinaires,

20 administratives.

21 Question: Malheureusement, je ne me suis jamais rendu à Prijedor.

22 Veuillez, s'il vous plaît, répondre à la question suivante: est-il exact

23 que lorsque cette... ou plutôt, je me reprends, lorsque cette lettre est

24 arrivée, est-ce qu'elle est arrivée à Prijedor ou à l'unité d'Omarska?

25 Réponse: Non, il n'y a rien qui arrive à Omarska. Tous les envois portant

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1 l'adresse du centre médical sont conservés à la poste jusqu'à ce que la

2 personne chargée de récupérer le courrier se rende à la poste pour y

3 récupérer tous les envois portant l'adresse du centre médical. Et, à ce

4 moment-là, ceci est amené au centre médical.

5 Question: Et qui a procédé à la recherche de ce document au centre

6 médical?

7 Réponse: Un des infirmiers ou un des techniciens du service de la médecine

8 du travail, la personne chargée de trouver ce document parmi des milliers

9 d'autres documents. Je ne peux pas vous dire qui elle est.

10 Question: Donc vous affirmez et vous maintenez qu'étant responsable de

11 l'assistance juridique au sein de ce centre médical, on ne vous a jamais

12 contactée avant d'envoyer les documents à la défense pour savoir si cette

13 démarche était bien conforme à la loi?

14 Réponse: Non, pas pour savoir si c'était conforme à la législation. Je

15 vous ai déjà expliqué pourquoi lorsque la défense du Dr Stakic a pris

16 contact avec nous, je vous ai expliqué pourquoi nous avons estimé qu'il

17 était de notre devoir de remettre ces documents au Tribunal.

18 Un an, à peu près, auparavant, la SFOR est venue dans notre centre et ses

19 représentants nous ont dit avoir besoin de documents qui seraient utilisés

20 ici au Tribunal. A l'époque, je n'étais pas présente. C'est Zdravko

21 Salabalija qui était présent, c'était un des techniciens en chef. La SFOR

22 a emporté un certain nombre de documents du centre médical. Et dans le...

23 J'ai pensé que c'était la même chose qui se passait, ainsi que d'ailleurs

24 mes supérieurs.

25 Lorsque la défense a pris contact avec nous, nous avons pensé, que dans

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1 l'intérêt de la vérité, dans l'intérêt de la justice, nous étions supposés

2 remettre les documents qui nous étaient demandés. Nous n'avons jamais

3 refusé de répondre de manière positive à une telle demande lorsque nous

4 l'avons reçue.

5 Question: Mais vous savez que de telles requêtes présentées par la SFOR

6 sont toujours accompagnées d'une ordonnance aux fins de perquisitions

7 signées par un Juge. Est-ce que vous le savez, n'est-ce pas?

8 Mme Dakic (interprétation): Moi, je n'ai vu aucun document de ce type

9 parce que je n'étais pas là ce jour-là, mais j'imagine que la SFOR avait

10 une ordonnance du Tribunal pour la saisie, la confiscation de ces

11 documents.

12 M. le Président (interprétation): Afin de passer à un autre sujet, je

13 souhaiterais encore vous demander la chose suivante: hier, la défense ou

14 plutôt l'accusation a soumis deux articles, les Articles 13 et 14 de la

15 loi sur la protection de la santé en Republika Srpska. Si j'ai bien

16 compris, le versement au dossier de ces documents a été demandé.

17 Mme Sutherland (interprétation): Un instant, je vous prie, Monsieur le

18 Président.

19 M. Koumjian (interprétation): Non, nous ne demandons pas le versement au

20 dossier. Je vais vous expliquer pourquoi, mais je préférerais le faire

21 dans le cadre de la réunion 65ter.

22 (Le Banc de l'accusation se concerte.)

23 M. le Président (interprétation): Dans ces conditions, j'aimerais bien

24 entendre la défense.

25 M. Lukic (interprétation): Si on évoque cette question, je crois qu'il

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1 faudrait que l'on ait sous les yeux la loi relative à la coopération entre

2 le Tribunal et la Republika Srpska. C'est sur la base de cette loi que

3 nous avons demandé un tel document.

4 M. le Président (interprétation): Mais ça, c'est autre chose. Ce n'est pas

5 de cela que l'on parle en ce moment, donc je ne veux pas entrer dans une

6 telle discussion. C'est simplement une question que j'ai: je voudrais

7 savoir si on demande le versement au dossier de l'Article 13 et au

8 chapitre 14, de l'Article 98, paragraphe 5 de la loi dont je viens de vous

9 parler.

10 (Le Banc de la défense se concerte.)

11 (Les Juges se concertent sur le siège.)

12 M. Lukic (interprétation): Nous préférerions en discuter avec l'accusation

13 au cours de la réunion 65ter.

14 M. le Président (interprétation): Un document ne peut être versé au

15 dossier qu'en audience publique. Donc le document sera versé au dossier

16 sous la cote J. Qu'elle et la cote suivante?

17 Mme Dahuron (interprétation): J25.

18 M. le Président (interprétation): J25.

19 Hier soir, dans la soirée, on nous a présenté et on vous a présenté,

20 Madame, un certain nombre de listes de noms. Oublions un instant la

21 question de savoir si de telles listes doivent porter ou non une

22 signature.

23 S'agissant des personnes dont nous pouvons lire les noms sur ces listes et

24 dont nous savons qu'elles figurent soit sur la liste des personnes portées

25 disparues ou dont nous savons qu'elles ont été tuées ou pour lesquelles

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1 nous avons des informations sur ce qui leur est arrivé, uniquement sur la

2 base de l'analyse de l'ADN, donc s'agissant de toutes ces personnes, de

3 ces listes, des noms qui figurent sur ces listes, je voudrais savoir si

4 pendant la période où vous avez travaillé au centre médical, vous avez eu

5 connaissance du fait que les une après les autres, les médecins musulmans

6 -vous avez dit qu'ils n'étaient pas les seuls concernés-, mais que les uns

7 après les autres, les médecins musulmans ont disparu?

8 Mme Dakic (interprétation): Je ne savais pas qu'ils disparaissaient. En

9 fait, je ne savais absolument pas ce qu'il leur arrivait. J'ignorais s'ils

10 étaient simplement partis ou si on les avait emmenés au centre d'enquête.

11 Il était impossible d'obtenir des informations. En tout cas, moi, je

12 n'étais pas à même d'obtenir ce type d'information. Tout ce que je savais

13 à l'époque, c'est qu'un certain nombre de personnes ont cessé de venir au

14 travail ou bien j'ai cessé de voir un certain nombre de personnes en

15 ville. Vous dire où les gens se trouvaient à l'époque me serait

16 impossible. Je n'étais pas à même de le dire.

17 Question: Hier, vous nous avez dit, et votre logique est irréfutable, vous

18 nous avez dit que tout le monde connaissait tout le monde à Prijedor parce

19 que c'est une ville relativement petite. Souhaitez-vous donc continuer à

20 affirmer que vous ignoriez tout de ce qui était arrivé de ces personnes, à

21 ces personnes, à ces médecins que vous connaissiez très bien puisqu'ils

22 travaillaient au centre médical comme vous?

23 Réponse: Monsieur le Président, je ne connaissais pas tous les médecins du

24 centre médical. Il y avait en tout quelque 1.200 personnes au centre

25 médical à cette époque, il était impossible de connaître tout le monde.

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1 Certaines rumeurs circulaient au sujet d'arrestations et, vers cette

2 période, j'ai entendu dire que quelqu'un qui s'appelait Kiki avait été

3 tué. Lorsque les accords de Dayton ont été signés quand tout a été terminé

4 sur le territoire de la municipalité de Prijedor, il y a deux ou trois

5 ans, j'ai appris que ce dénommé Kiki, ce M. Kiki, en fait, était toujours

6 de ce monde.

7 Pour ce qui est des informations au sujet de quelqu'un selon lesquelles il

8 aurait été tué, il aurait disparu, il serait parti, ce genre d'information

9 ne pouvait pas, n'était pas forcément fiable et véridique. Je n'étais pas

10 à même de savoir avec une certitude absolue qui étaient les personnes qui

11 avaient été emmenées là ou ailleurs ou qui s'étaient rendues, qui étaient

12 parties dans telle ou telle direction. C'était quelque chose que je

13 n'étais pas à même de savoir. Toutes sortes de rumeurs circulaient, on ne

14 pouvait pas tout croire.

15 Question: Je vais rester le plus concret possible. Je répète: vous n'avez

16 jamais été impliquée dans la mise à pieds de membres du personnel du

17 centre médical Mladen Stojanovic à Prijedor? Et je parle de toutes les

18 unités de ce centre médical.

19 Réponse: Au cours de l'année 1992 et 1993, non.

20 Question: Et vous n'avez jamais vu ces listes?

21 Réponse: Je n'ai jamais examiné ces listes en détail, mais ces listes

22 étaient à la disposition, au service du personnel, parce que ce service…

23 Donc, je ne pouvais pas entrer dans ce service et examiner ces listes,

24 c'est-à-dire il était inconcevable pour moi de venir au chef de ce service

25 à l'hôpital ou au centre médical et de lui demander ces listes. J'aurais

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1 pu peut-être les voir si ces listes avaient été sur un bureau comme cela.

2 Donc, dans ce cas-là, j'aurais pu les voir.

3 Question: Pendant cette période, il n'y a aucun doute qu'il n'y avait pas

4 assez de médicaments, comme plusieurs témoins l'on dit parce qu'il

5 s'agissait de la guerre et il y avait une grande pression qui régnait. Et

6 nous savons qu'un certain nombre de personnes sont revenues de la Croatie

7 qui était en guerre, qui sont revenues à Prijedor; il y avait plusieurs

8 incidents qui se sont produits. Et pendant ces incidents, il y avait des

9 blessés, bien sûr. Mais n'était-il pas nécessaire de trouver tout de suite

10 les autres médecins qui auraient remplacé ces médecins qui ont quitté, qui

11 n'étaient plus présents au centre médical?

12 Réponse: Nous n'avons pas demandé d'autres médecins pour remplacer ces

13 médecins qui étaient partis. Au cours de l'année 1992, 1993 et 1994, un

14 petit nombre de médecins sont arrivés, c'est-à-dire après la chute des

15 municipalités de Petrovac, de Kljuc au cours de l'année 1993, de Drvar,

16 Grahovo, Livno, dans toutes ces municipalités dans la Krajina occidentale,

17 la population commençait à se déplacer, et avec eux les médecins aussi

18 commençaient à se déplacer et à arriver sur le territoire de la

19 municipalité de Prijedor, de Banja Luka, de Gradiska ou d'une autre ville

20 en Republika Srpska.

21 Ils se sont présentés dans ces municipalités dans des centres médicaux et

22 ils se sont présentés aux directeurs de ces organismes médicaux. Il y en

23 avait, parmi eux, qui ont commencé à travailler dans ces centres médicaux

24 et il y en a qui sont restés dans ces municipalités. Cela dépendait

25 également du fait où ils pouvaient trouver un logement. Mais, entre temps,

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1 il y avait d'autres médecins qui ont fini leurs études de médecine et qui

2 sont arrivés à travailler dans des hôpitaux, dans des centres médicaux.

3 Question: Est-ce qu'en 1992 vous avez participé, vous avez au moins… est-

4 ce que vous avez essayé vous-même d'aider d'une certaine façon à remplacer

5 les médecins qui auraient disparu ou qui ont été licenciés ou qui sont

6 partis?

7 Réponse: Non.

8 Question: Et cela sera ma dernière question concernant quelque chose que

9 vous avez dit hier. Hier, vous avez dit que, pour vous, il est très

10 difficile de comprendre pourquoi tout ce qui s'était passé s'est produit à

11 Prijedor, quelles étaient les raisons de tous ces événements.

12 Vous, en tant que citoyenne de Prijedor, et comme vous avez dit déjà que

13 tout le monde connaissait tout le monde dans cette ville, vous connaissiez

14 plusieurs personnes dont vous avez évoqué les noms: à votre avis, qui est

15 responsable de tout ce qui est arrivé à Prijedor au cours de l'année 1992?

16 Réponse: Il m'est difficile de dire qui est coupable pour ces événements,

17 mais par rapport à tous les événements qui se sont produits avant le mois

18 d'avril et avant la fin du mois de mai 1992, c'est-à-dire par rapport au

19 souhait du peuple musulman et du peuple croate de voir la Bosnie-

20 Herzégovine séparée de l'ex-Yougoslavie, et par rapport au désir de la

21 population serbe de rester dans le cadre de l'ex-Yougoslavie dans lequel,

22 à part les Serbes de Bosnie-Herzégovine, il y avait des Monténégrins, des

23 Hongrois, des Albanais au Kosovo, de la population au Sandjak aussi et

24 beaucoup d'autres peuples a probablement provoqué de tels événements.

25 La personne ou les personnes qui sont coupables, qui sont responsables de

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1 tout cela, je ne peux pas vous les citer, c'est-à-dire pour pouvoir dire

2 qui est responsable, j'aurais besoin de plus de faits et de connaissance.

3 Mais à mon avis, tout cela a commencé lorsque les Croates et les Musulmans

4 ont exprimé leur désir que la Bosnie-Herzégovine sorte de l'ex-

5 Yougoslavie.

6 Question: Vous voyez cela, vous avez votre vision des choses. Mais pour

7 être plus concret quand il s'agit des événements à Prijedor: quand, pour

8 la première fois, avez-vous entendu que les camps ou les centres

9 d'enquêtes ont été créés?

10 Réponse: Je l'ai entendu pour la première fois peut-être à la fin mai,

11 tout de suite après ces combats qui se sont produits à partir du 22 mai et

12 plus tard sur le territoire de la municipalité de Prijedor. Moi, je

13 passais à côté de Keraterm où j'ai vu les personnes se trouvant dans la

14 cour de Keraterm. J'ai vu au portail de cette cour, les membres de leur

15 famille qui leur apportaient des vêtements ou d'autres objets. Mais moi,

16 je ne pouvais pas m'approcher de ce portail parce que c'était la guerre et

17 je ne pouvais pas me déplacer librement par tout et m'informer.

18 J'ai entendu parler dans le centre médical d'Omarska, que, sur le

19 territoire de la mine de Ljubija à Omarska, dans le hangar il y a des

20 personnes qui, à ma connaissance, ont été arrêtées soit au cours des

21 combats soit sur le territoire sur lesquels les combats se sont produits,

22 mais je n'ai jamais pu apprendre quelque chose d'autre là-dessus.

23 Je vous ai déjà dit que pendant cette période les membres des forces de

24 police qui s'occupaient de ces personnes qui se trouvaient dans ces

25 bâtiments, ces forces de police se sont adressées à nous pour demander de

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1 l'aide médicale destinée à ces personnes, et les médecins avec les

2 infirmières partaient parfois. Parfois aussi certains parmi ces détenus

3 ont été amenés dans les locaux du centre médical pour être soignés.

4 Mais moi, dans ces occasions-là, je n'ai jamais pu entrer dans ces locaux.

5 Est-ce que cela est arrivé pendant les jours où j'étais absente? Je

6 suppose que oui.

7 Question: Est-ce que vous connaissez Mme Minka Cehajic?

8 Réponse :Oui.

9 Question: Est-ce que vous avez parlé avec elle à propos du sort de son

10 mari?

11 Mme Dakic (interprétation): Je n'ai pas parlé avec elle du sort de son

12 mari, mais j'ai parlé du sort de ses enfants, c'est-à-dire j'étais assise

13 dans la pièce lorsque Mme Minka Cehajic, Dr Minka Cehajic, c'était peut-

14 être à la fin août ou début septembre, lorsqu'elle est arrivée au centre

15 médical. On l'a saluée et on lui a demandé où se trouvaient ses enfants.

16 Elle nous a répondu que grâce à ses collègues à elle, sa fille et son fils

17 sont partis à Zagreb chez son frère. Et à cette occasion, elle a remercié

18 ce collègue qui l'a aidé pour cela.

19 Tout ce qu'elle a dit à propos de son mari, à l'époque, enfin, elle a dit

20 qu'elle n'était pas certaine de son sort. C'était une situation

21 désagréable parce que moi, je n'étais pas très proche d'elle pour lui

22 demander tout cela.

23 Est-ce que le Dr Cehajic a dit quelque chose de plus à quelqu'un d'autre,

24 je n'en sais rien. Notre conversation portait seulement sur les questions

25 concernant ses enfants.

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1 M. le Président (interprétation): Le Juge Vassylenko?

2 (Questions au témoin, Mme Borislavska Dakic, de M. le Juge Vassylenko.)

3 M. Vassylenko (interprétation): Madame Dakic, pouvez-vous nous dire quel

4 est le nom de la personne? Pouvez-vous nous dire l'endroit où vous avez

5 habité et où le parti radical de Velkjo Guberina a été constitué?

6 Mme Dakic (interprétation): C'était à Omarska.

7 Question: Est-ce que vous étiez présente à la réunion de ce parti?

8 Réponse: Non.

9 Question: Et comment avez-vous appris que le Dr Stakic a été élu président

10 du conseil de ce parti pour Omarska, je suppose?

11 Réponse: C'était facile parce que cette réunion constituante de ce parti…

12 Je pouvais observer tout cela depuis la fenêtre de ma maison et, à ce

13 rassemblement, il y avait beaucoup d'habitants d'Omarska. Il est normal

14 que le lendemain donc… il était un secret de polichinelle que M. Stakic a

15 été élu président du conseil de ce parti pour la région d'Omarska.

16 Est-ce qu'il était compétent pour une région plus vaste? Je ne sais pas,

17 mais à mon avis c'était pour Omarska qu'il a été élu président du conseil.

18 Question: Vous avez dit que le parti radical vous était plus proche, vous

19 était plus familier. Qu'est-ce que vous avez entendu par cela?

20 Réponse: Non. Il y avait probablement un malentendu parce que, moi, je

21 n'appartiens à aucun parti politique. Peut-être que lorsque j'ai parlé de

22 ce rassemblement, de cette réunion du parti radical, j'ai pensé dire que

23 ce rassemblement s'est tenu, cette réunion s'est tenue à proximité de ma

24 maison.

25 Moi, je ne suis membre d'aucun parti politique, y compris le parti

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1 radical.

2 Question: (Hors micro.) Je m'excuse.

3 Est-ce que vous avez vu M. Stakic dans le cadre de cette réunion?

4 Réponse: Je ne pouvais pas le voir parce qu'il y avait beaucoup de

5 personnes présentes à cette réunion et je me trouvais à peu près à 150

6 mètres. J'étais à la fenêtre de ma maison et je ne pouvais pas donc

7 regarder les visages de toutes les personnes à cette distance.

8 Mais un ou deux jours avant la réunion, il était connu que M. Guberina

9 arriverait à Omarska et que cette assemblée constituante se produirait. Et

10 tout le monde aurait pu assister à cette réunion.

11 Question: Hier, vous avez dit qu'au mois d'avril 1992, les Musulmans ont

12 commencé à quitter Prijedor. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les

13 Musulmans ont commencé à quitter Prijedor?

14 Réponse: Je ne peux pas vous dire comment les gens se sentaient… et

15 pourquoi les gens ont pris la décision de partir, mais il faut dire qu'un

16 grand nombre de membres de familles sur la municipalité de Prijedor, même

17 avant 1992, travaillaient dans les pays de l'Europe occidentale, à partir

18 des années 70.

19 Pendant cette période, entre les années 70 et jusqu'aux années 90,

20 pourquoi les familles ont décidé de partir? Je ne sais pas, parce que je

21 ne leur posais pas cette question. Mais il y avait encore une raison pour

22 cela.

23 Vous savez que déjà en 1991, il y avait des mobilisations fréquentes des

24 hommes en âge de porter les armes et qui étaient donc soumis à cette

25 obligation de répondre à cet appel à la mobilisation de la JNA. Il y avait

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1 des manœuvres et peut-être qu'à cause de cela, peut-être que mon fils ou

2 le fils de quelqu'un d'autre ou le mari de quelqu'un d'autre serait dans

3 une telle situation d'avoir à répondre à cet appel à la mobilisation. Et

4 c'était peut-être une des raisons pour laquelle la population, cette

5 partie de la population qui ne soutenait pas la JNA, voulait ne pas être

6 présente, partir chez leurs cousins ou d'autres membres de la famille.

7 Question: Hier, vous avez déclaré qu'un soldat serbe a été tué à Hambarine

8 et que tout de suite après la guerre a commencé. Est-ce que vous pensez,

9 est-ce que vous avez cru que l'assassinat d'un soldat serbe, d'un seul

10 soldat serbe aurait été une raison raisonnable pour commencer la guerre

11 contre les civils musulmans?

12 Réponse: Je ne sais pas si pendant cette attaque un soldat a été tué, mais

13 je ne sais pas s'il s'agissait d'un seul soldat ou de plusieurs soldats à

14 ce moment-là. Je ne sais pas quelles évaluations ont été établies par les

15 officiers de l'armée et ce qui s'était produit donc à cette époque et ce

16 qui a été nécessaire, selon leurs critères, pour riposter, tout cela

17 dépendait des règles de ce service.

18 M. Vassylenko (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de

19 question.

20 M. le Président (interprétation): Madame la Juge Argibay?

21 (Questions au témoin, Mme Borislavska Dakic, de Mme la Juge Argibay.)

22 Mme Argibay (interprétation): Bonjour. J'ai deux ou trois questions à vous

23 poser.

24 Je vais vous poser ces questions en tenant compte du fait que vous êtes

25 juriste et civile. Je ne veux pas vous poser des questions de nature

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1 militaire.

2 Dites-moi, en avril 1992, la prise du pouvoir s'est produite à Prijedor,

3 n'est-ce pas?

4 Mme Dakic (interprétation): Oui, je pense que cela s'est produit le 30

5 avril 1992.

6 Question: Est-ce que vous pensez que le système démocratique permettait

7 une telle prise de pouvoir à l'époque?

8 Réponse: Selon les normes de ce système qui étaient en vigueur sur le

9 territoire de Bosnie-Herzégovine, tout le monde aurait dû vivre ensemble

10 en sûreté. Pourquoi la prise du pouvoir s'est produite? Mais moi, je n'ai

11 pas participé à la prise de telle décision. Je n'ai pas... Je n'étais pas

12 censée être impliquée à la prise de telle décision, et je ne peux pas vous

13 dire quoi que ce soit là-dessus. C'est-à-dire sur les raisons pour que ces

14 décisions soient prises.

15 Question: Je ne vous ai pas demandé de me dire les raisons, les causes de

16 cela, je vous ai demandé de me dire quelque chose sur le système

17 démocratique, c'est-à-dire sur les autorités démocratiquement élues. Est-

18 ce que vous pensez que la prise du pouvoir est quelque chose de tout à

19 fait légal selon les normes d'un tel système?

20 Réponse: Non, je pense que les autorités élues doivent exercer leurs

21 fonctions jusqu'au moment où aux élections régulières ou les élections

22 anticipées ne soient réélues ou pas élues de nouveau.

23 Question: Donc vous êtes d'accord que les autorités qui ont pris le

24 pouvoir après cet événement n'étaient pas les autorités légales?

25 Réponse: Il m'est difficile d'en parler en tant que citoyenne et en tant

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1 que juriste. Vous savez qu'au début de l'année 1992, il y avait les

2 députés de nationalité serbe qui sont partis de l'assemblée nationale de

3 Bosnie-Herzégovine et que l'assemblée de la Republika Srpska a été

4 constituée. Donc, dans ce sens, il y avait des lois qui ont été adoptées

5 et d'autres décisions aussi. Et quand il s'agit de la légalité, de la

6 légitimité de tout cela, je ne peux rien vous dire.

7 Question: Je ne suis pas sûre de vous avoir bien comprise. Vous dites que

8 les députés serbes sont partis de l'assemblée nationale de Bosnie-

9 Herzégovine. Pourquoi sont-ils partis?

10 Réponse: Ils sont partis eux-mêmes parce que le fonctionnement de

11 l'assemblée nationale, à ma connaissance, et selon ce que j'ai pu voir

12 dans les médias, ce fonctionnement, c'est-à-dire les députés du peuple

13 musulman et du peuple croate, lors de la prise d'importantes décisions,

14 l'ont emporté sur les députés serbes.

15 Dans une telle situation, les députés du peuple serbe ne pouvaient jamais

16 avoir la majorité lors de la prise de ces décisions ni assurer les

17 intérêts du peuple qu'ils représentaient, compte tenu du fait que la

18 Bosnie-Herzégovine est un pays composé de trois peuples constitutifs.

19 Et depuis toujours, en Bosnie-Herzégovine, les Serbes, les Musulmans et

20 les Croates vivaient ensemble et encore plusieurs autres peuples

21 minoritaires. Et il était normal que ces trois peuples soient d'accord

22 pour prendre des décisions par voie du consensus. Si un peuple, c'est-à-

23 dire si les représentants de ces trois peuples ne peuvent pas se mettre

24 d'accord avec les représentants de deux autres peuples, alors il est

25 normal qu'ils se sentent menacés parce que ces deux autres peuples avaient

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1 toujours la majorité.

2 Question: Si, dans un système démocratique, vous n'avez pas la majorité

3 des voix, cela veut dire, n'est-ce pas, que vous êtes minoritaire?

4 Réponse: Si je n'ai pas la majorité des voix, cela veut dire que je suis

5 minoritaire et que je n'ai probablement pas raison. Mais au cours des

6 années 1991 et 1992, dans le cadre de l'assemblée nationale, il ne

7 s'agissait pas de cela. Parce qu'il est normal d'accepter la volonté de la

8 majorité, mais il n'est pas normal, si aucun des représentants du peuple

9 serbe ne vote pour une loi et s'ils veulent donc amender ce projet de loi,

10 que cela ne soit pas accepté. Ce n'est pas normal.

11 Cela aurait été la même chose s'il s'agissait des représentants d'un autre

12 peuple musulman ou croate. Il était possible que la majorité soit composée

13 des représentants du peuple serbe et du peuple musulman; dans ce cas-là,

14 les représentants du peuple croate se seraient trouvés dans cette

15 situation. Parce que cette composition mixte, quand il s'agit de la

16 population de la Bosnie-Herzégovine, ne mène jamais à quelque chose de

17 bien.

18 Question: Il y a quelque moment, vous avez dit à la page 18, à la ligne 13

19 ou 14, qu'ils commençaient à se sentir menacés. De quel type de menaces

20 pensez-vous qu'il s'agissait?

21 Réponse: Je ne comprends pas la teneur de votre question. Je ne sais pas

22 comment y répondre. Est-ce que vous vous référez au groupe ethnique

23 musulman dans la municipalité de Prijedor?

24 Question: Non, je crois que vous étiez en train de parler des membres du

25 groupe ethnique serbe.

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1 Réponse: Oui, ils n'étaient pas menacés personnellement. Ce qui était

2 menacé, c'étaient les intérêts de la population qui les avaient élus

3 membres de l'assemblée; et il incombe aux membres de l'assemblée de

4 veiller à protéger les intérêts de la population qu'ils représentent. Je

5 n'ai jamais voulu dire qu'ils étaient menacés personnellement en tant

6 qu'individus mais que, compte tenu des circonstances, les intérêts de la

7 population qu'ils représentaient avaient été menacés.

8 Question: Et lorsque vous parlez de ces intérêts, est-ce que vous pensez

9 qu'ils étaient mieux défendus en quittant l'assemblée et en formant un

10 gouvernement que l'on pourrait qualifier de "parallèle"?

11 Réponse: Compte tenu du fait que les Croates et les Musulmans, et plus

12 particulièrement les Musulmans, souhaitaient que la Bosnie-Herzégovine

13 devienne un Etat indépendant et souverain, et compte tenu du fait que la

14 population serbe voulait que la Bosnie-Herzégovine continue à faire partie

15 de l'ex-Yougoslavie, il est évident que ces deux intérêts allaient à

16 l'encontre l'un de l'autre.

17 Question: Vous n'avez pas répondu à ma question, mais cela n'est pas

18 grave. Mais est-ce que vous pouvez me dire à quelle date la Bosnie-

19 Herzégovine a été accueillie comme membre de l'organisation des Nations

20 Unies? Est-ce que vous pouvez m'en donner la date?

21 Mme Dakic (interprétation): Non, je ne m'en souviens pas. Je ne me

22 souviens pas exactement de cette date.

23 Mme Argibay (interprétation): Je vous remercie.

24 (Questions supplémentaires au témoin, Mme Borislavska Dakic, de Monsieur

25 le Président.)

Page 10414

1 M. le Président (interprétation): Lorsque vous avez répondu aux questions

2 posées par le Juge Vassylenko, pourquoi il s'agissait uniquement des

3 Musulmans qui quittaient le territoire et ceci même avant avril 1992,

4 comment est-il possible qu'il y a quelques moments seulement, à la page

5 11, lignes 8 à 10, vous avez dit qu'il s'agissait probablement du fait que

6 la population musulmane et croate essayait, était en fait à l'origine de

7 la situation? Pensez-vous vraiment, comme vous l'avez dit dans votre

8 déposition, que ces personnes ont quitté le territoire en raison de la

9 menace?

10 Mme Dakic (interprétation): Non, il ne s'agissait pas uniquement des

11 Musulmans et des Croates qui fuyaient la région ou le territoire. Il y

12 avait également de nombreux Serbes qui ont quitté le territoire, mais je

13 vous ai déjà dit que je ne dispose pas de suffisamment d'informations et

14 de connaissances...

15 M. le Président (interprétation): Mais vous ne pouvez pas modifier votre

16 déposition. Hier, vous avez déclaré à la page 8, lignes 13 à 14, vous avez

17 précisément dit spontanément qu'il s'agissait des Musulmans qui avaient

18 quitté le territoire. Et suite à cette réponse, le Juge Vassylenko vous a

19 posé une autre question et vous avez répondu dans le même sens.

20 Et je peux également vous préciser que lorsqu'on a parlé de Trnopolje,

21 vous nous avez dit hier, et je dois peut-être revérifier l'heure exacte à

22 laquelle vous avez prononcé ces mots. Je crois qu'il s'agissait de 15

23 heures 08: "Il y avait une personne que… Si vous vous rendez à Trnopolje,

24 si vous êtes enregistré là-bas, à ce moment-là, il sera plus aisé pour

25 nous de quitter le territoire de la Republika Srpska".

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1 Par conséquent, est-ce bien votre témoignage que les personnes qui se

2 trouvaient à Trnopolje étaient là-bas présentes de leur propre gré, et

3 qu'elles se sont portées volontaires pour se déplacer, pour se rendre à

4 Trnopolje?

5 Réponse: Non, ce n'était pas le cas de toutes les personnes. Certaines

6 personnes que je connaissais, oui.

7 Question: Et n'avez-vous jamais entendu…?

8 Réponse: Je ne sais pas.

9 Question: N'avez-vous jamais entendu parler d'un incident qui se serait

10 produit à bord d'un autocar qui a quitté Trnopolje en direction du Mont

11 Vlasic?

12 Réponse: Non. Où est-ce que cet incident se serait produit? Qu'est-ce que

13 vous essayez de dire?

14 Question: Si vous ne savez rien au sujet de cet incident, je vous invite à

15 le faire.

16 Mme Dakic (interprétation): Non, je ne le sais pas.

17 M. le Président (interprétation): Par conséquent, il nous incombe

18 d'évaluer nous-mêmes la totalité de votre témoignage en nous attachant

19 plus particulièrement aux précisions que vous avez apportées.

20 J'invite à présent la défense à poser des questions supplémentaires.

21 M. Lukic (interprétation): Nous n'avons pas de questions à poser.

22 M. le Président (interprétation): Et s'agissant de l'accusation? Y a-t-il

23 des questions?

24 Mme Sutherland (interprétation): Je vous prierai de bien m'accorder

25 quelques minutes, merci.

Page 10416

1 (Le Banc de l'accusation se concerte.)

2 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, Mme Borislavska Dakic,

3 par Mme Sutherland.)

4 Mme Sutherland (interprétation): J'aimerais poser une question, Monsieur

5 le Président.

6 Madame le Témoin, pensez-vous que les Musulmans ont quitté la région de

7 Prijedor parce qu'ils craignaient pour leur vie?

8 Mme Dakic (interprétation): Oui, ils avaient probablement peur, parce que

9 nous avions tous peur pour notre survie, pour la survie de notre famille.

10 Dans le territoire de la municipalité de Prijedor, il y avait de

11 nombreuses personnes armées et à chaque fois que l'on voit des armes, vous

12 savez que vous n'êtes pas en sécurité.

13 Question: Avez-vous entendu un incident concernant une personne dénommée

14 Zoran Zigic qui s'est rendu à l'hôpital de Prijedor et qui a poignardé un

15 patient dans le thorax?

16 Réponse: Oui, j'en ai entendu parler.

17 Question: Ce patient était de nationalité musulmane?

18 Réponse: Oui, j'ai entendu cela.

19 Question: Et il s'est simplement, il a pu quitter l'hôpital et il n'a

20 jamais été arrêté en 1992 pour avoir commis cet acte?

21 Mme Dakic (interprétation): A ma connaissance, peut-être qu'il a été

22 arrêté pendant quelques jours, mais, à ma connaissance, ceci n'était pas

23 le cas. Mais je sais également que cette personne, M. Zigic, a reproduit

24 cet acte par la suite.

25 Mme Sutherland (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions à poser,

Page 10417

1 Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas d'autres questions à vous

3 poser.

4 Monsieur l'huissier, je voudrais vous prier de bien vouloir accompagner le

5 témoin en dehors du prétoire.

6 (Le témoin, Mme Borislavska Dakic, est reconduit hors du prétoire.)

7 (Questions relatives à la procédure.)

8 M. le Président (interprétation): Je voudrais à présent inviter la défense

9 à présenter le témoin suivant.

10 M. Lukic (interprétation): Le prochain témoin sera présent à 10 heures 30.

11 Peut-être qu'il serait bon de marquer une pause.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous avons déjà parlé de la

13 question des mesures de protection accordées à ce témoin?

14 M. Lukic (interprétation): Il n'y a pas de mesures de protection à

15 envisager pour ce témoin.

16 M. Koumjian (interprétation): Peut-être que nous pourrions utiliser le

17 temps qui nous incombe encore?

18 M. le Président (interprétation): Y a-t-il d'autres informations que vous

19 souhaitez présenter lors de l'interrogatoire en guise de pièces à

20 conviction?

21 M. Lukic (interprétation): Peut-être que nous utiliserons une carte, mais

22 cette carte a déjà été versée au dossier.

23 M. le Président (interprétation): Par conséquent, il n'y a aucun élément

24 novateur. Il n'y aura pas de surprise aujourd'hui.

25 M. Lukic (interprétation): Non, il n'y pas d'éléments nouveaux, Monsieur

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1 le Président.

2 M. Koumjian (interprétation): Peut-être qu'il serait bon d'utiliser le

3 temps dont nous disposons pour demander à la défense si elle disposait

4 déjà d'une liste des témoins envisagés pour la semaine prochaine.

5 Je suis quelque peu perplexe parce que j'aimerais savoir quel est le nom

6 du témoin qui déposera demain, parce qu'à un moment donné j'avais demandé

7 à ce qu'il y ait un changement dans l'ordre de comparution. Mais à ce

8 stade, l'accusation est prête à entendre n'importe quel témoin. Je m'en

9 remets à la défense.

10 M. Lukic (interprétation): Nous allons faire droit à la demande du

11 Procureur. Par conséquent, nous avons interverti l'ordre.

12 M. le Président (interprétation): Quel serait le témoin suivant?

13 M. Lukic (interprétation): Il s'agit du témoin n°020 qui s'appelle Dragic

14 Milovan.

15 M. le Président (interprétation): Et il sera suivi par le témoin 040,

16 n'est-ce pas exact? Ensuite j'ai cru comprendre que le n°58 peut être

17 biffé de la liste.

18 M. Lukic (interprétation): Non, Monsieur le Président. Il se présentera la

19 semaine prochaine. Il y a eu un petit problème, sa maison a été endommagée

20 en raison des conditions particulièrement sévères qui sévissent

21 actuellement en Bosnie. Donc il se présentera la semaine prochaine.

22 M. le Président (interprétation): Par conséquent, quand pouvons-nous

23 recevoir la liste de ces témoins envisagés pour la semaine prochaine?

24 M. Lukic (interprétation): Nous essaierons de vous la remettre demain.

25 M. Koumjian (interprétation): J'aimerais par conséquent savoir s'il est

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1 exact de dire que ce témoin sera le premier à déposer la semaine

2 prochaine, parce que nous avons déjà entamé certaines recherches au sujet

3 de cette personne.

4 Et afin d'éviter toute confusion, nous aimerions que Me Lukic nous fasse

5 part de l'ordre qui sera suivi pour le reste de la semaine. Il a été

6 encore question des témoins 47 et 40, et nous avions demandé que le numéro

7 40 soit le dernier. Et il nous avait répondu que ceci était possible.

8 M. le Président (interprétation): De combien de temps pensez-vous avoir

9 besoin pour le témoin suivant à savoir le n°30?

10 M. Lukic (interprétation): D'après le résumé de la déposition, nous

11 pensons avoir besoin de deux heures voire deux heures et demie.

12 M. le Président (interprétation): Par conséquent, nous pouvons en déduire

13 que le témoin n°20 pourrait éventuellement être appelé à comparaître. Par

14 conséquent, je propose de marquer dès à présent une pause et de reprendre

15 nos débats à 10 heures 50.

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 20, est reprise à 11 heures 04.)

17 M. le Président (interprétation): Veuillez prendre place.

18 Je voudrais à présent inviter l'huissier à faire entrer le témoin dans le

19 prétoire.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 (Le témoin, M. Milovan Dragic, est introduit dans le prétoire.)

22 M. le Président (interprétation): Bonjour. Je vous remercie de vous être

23 déplacé. Je voudrais tout d'abord vous demander si vous pouvez m'entendre

24 et me comprendre dans une langue que vous comprenez. Je voudrais à présent

25 vous inviter à prononcer la déclaration solennelle.

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1 M. Dragic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 M. le Président (interprétation): Merci. Veuillez prendre place. Je passe

4 à présent la parole à la défense.

5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Milovan Dragic, par Me Lukic.)

6 M. Lukic (interprétation): Bonjour, Monsieur Dragic.

7 M. Dragic (interprétation): Bonjour.

8 Question: Aux fins du compte rendu d'audience, pouvez-vous décliner votre

9 identité.

10 Réponse: Je m'appelle Milovan Dragic.

11 Question: Quand êtes-vous né?

12 Réponse : Le 19 mars 1953.

13 Question: Où êtes-vous né?

14 Réponse: Dans la municipalité de Gradiska à Orahovac.

15 Question: Où vivez-vous actuellement?

16 Réponse: A Prijedor.

17 Question: Quelle est votre profession?

18 Réponse: Je suis diplômé en économie.

19 Question: Après avoir entendu vos données personnelles, j'aimerais vous

20 poser une question au sujet des événements qui ont précédé le mois d'avril

21 1992.

22 Avez-vous pu observer des événements peu usuels en 1991 déjà? Quelle était

23 la situation en Bosnie-Herzégovine à cette époque-là? Par cette question,

24 je voulais vous demander si la guerre en Slovénie et en Croatie et si la

25 mobilisation, les appels à la mobilisation avaient eu des répercussions en

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1 Bosnie-Herzégovine?

2 Réponse: Il est évident que les événements dans l'environnement, dans la

3 zone de la municipalité de Prijedor ont eu une incidence sur la population

4 locale et sur la situation générale qui régnait dans la municipalité de

5 Prijedor.

6 Il est un fait de notoriété publique qu'au début 1991, les forces de la

7 JNA en Slovénie se sont confrontées à la Défense territoriale de la

8 Slovénie. Et suite à cela, la Slovénie s'est séparée de l'ancienne

9 fédération. La situation en Slovénie a bien évidemment eu des

10 répercussions sur l'ensemble des républiques y compris la Bosnie-

11 Herzégovine et par conséquent y compris dans la municipalité de Prijedor.

12 L'évolution de la situation en Slovénie s'est poursuivie en Croatie, dans

13 la République de Croatie. Il y a eu un conflit armé à proximité de la

14 République de Bosnie-Herzégovine c'est-à-dire près de la municipalité de

15 Prijedor. Dès 1991, il y avait déjà plusieurs réfugiés qui provenaient de

16 la République de Slovénie et qui s'étaient rendus dans la République de

17 Bosnie-Herzégovine et plus particulièrement dans la municipalité de

18 Prijedor.

19 S'agissant de la municipalité de Prijedor et l'attitude de la population

20 face aux événements qui se déroulaient en Croatie, la population a

21 commencé à se déplacer sur une grande échelle depuis la municipalité de

22 Prijedor. Il s'agissait de personnes qui appartenaient aux groupes

23 ethniques croate et musulman. Ce processus s'est intensifié après le

24 départ des membres de la JNA vers le théâtre de la Slavonie occidentale en

25 République de Croatie.

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1 Le départ de la population ainsi que le départ des Musulmans et des

2 Croates s'effectuaient par autocars. Il y avait des départs quotidiens de

3 personnes à bord d'autocars. En fonction du jour, il y avait peut-être

4 deux ou trois, voire davantage d'autocars qui quittaient la municipalité

5 de Prijedor sur une base quotidienne. Si l'on situe cela d'un point de vue

6 d'une période et si l'on tient compte du fait que ces événements se sont

7 poursuivis pendant cinq mois, entre juillet et décembre 1991, on parvient

8 à un chiffre global de personnes qui ont quitté la municipalité de

9 Prijedor. Il s'agissait, comme je vous l'ai déjà dit, de personnes de

10 nationalités musulmane et croate.

11 S'agissant à présent de la situation politique qui régnait au sein de la

12 municipalité de Prijedor, il faut tenir compte du fait que la Bosnie-

13 Herzégovine, vers la fin de l'année 1990, a connu les premières élections

14 multipartites et, suite à ces élections, un nouveau gouvernement a vu le

15 jour dans la municipalité de Prijedor. Ce gouvernement se composait de

16 Serbes et de Musulmans à hauteur de 50% pour chaque groupe ethnique. Cette

17 structure, cette division de pouvoir reflétait la composition de la

18 population d'après le recensement effectué en 1991.

19 J'aimerais brièvement revenir sur les trois derniers mois de 1991, période

20 au cours de laquelle la Fédération de la Yougoslavie existait encore et

21 période au cours de laquelle l'armée officielle était encore la JNA.

22 La JNA a commencé à mobiliser les hommes, et les hommes qui étaient

23 appelés par la JNA étaient envoyés sur la ligne de front en Slovénie

24 occidentale, en République de Croatie. Les hommes serbes ont répondu aux

25 appels à la mobilisation dans une plus grande mesure, et les hommes

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1 musulmans et croates ont répondu de façon plus limitée. Toutefois, la

2 plupart des Musulmans n'ont pas répondu aux appels à la mobilisation.

3 La raison pour laquelle ces Musulmans n'ont pas répondu, n'est connue que

4 d'eux. Toutefois, à l'époque, on considérait qu'il s'agissait là d'un acte

5 de désobéissance ou d'un manque de respect des dispositions de la

6 législation qui était appliquée dans l'Etat où nous vivions. Ces personnes

7 qui étaient envoyées en Slavonie occidentale étaient celles qui avaient

8 répondu aux appels à la mobilisation.

9 Les Musulmans ont organisé des protestations, et, à une reprise, cette

10 protestation a eu lieu devant le bâtiment municipal. Ils ont invité les

11 personnes à ne pas répondre aux appels à la mobilisation parce qu'il était

12 manifeste que ceci n'était pas largement accepté par la population, parce

13 que toute absence de réponse à un appel à mobilisation par un organe

14 officiel de l'état constituait une violation de la loi qui était

15 appliquée.

16 Par conséquent, une personne qui ne répondait pas à l'appel à la

17 mobilisation pouvait être poursuivie par le tribunal militaire. Pour des

18 raisons politiques et aux fins de la création d'une Bosnie-Herzégovine

19 indépendante, la plupart de la population musulmane et certains Croates

20 n'ont pas répondu aux appels à la mobilisation et ne se sont pas déplacés

21 sur la ligne de front en Slavonie occidentale.

22 Pour ce qui est de l'année 1992 et de la situation politique dans la

23 municipalité de Prijedor, et là je parle des trois premiers mois de

24 l'année, du 1er janvier au 31 mars 1992, on peut dire, en quelques mots,

25 que la situation politique était relativement stable.

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1 En effet, pendant cette période, j'étais membre du conseil exécutif de la

2 municipalité de Prijedor: j'occupais le poste de secrétaire à l'économie

3 et aux activités sociales. J'étais tout à fait au courant de la situation

4 politique sur la totalité du territoire de la municipalité.

5 Question: Je vous prie de m'excuser, mais j'aimerais avoir une précision.

6 Est-ce que vous êtes en train de nous dire que la situation politique

7 était stable ou instable? Et ensuite vous pourrez poursuivre.

8 M. Dragic (interprétation): Comme je l'ai dit, pendant les trois premiers

9 mois de 1992, la situation politique était instable. A titre d'exemple, je

10 peux vous dire que les Musulmans membres du conseil exécutif ont mené un

11 boycott. Il est arrivé à plusieurs reprises qu'ils boycottent ouvertement

12 certaines décisions, et certaines décisions relatives à la construction du

13 bâtiment d'une école primaire dans le quartier d'Urije sur le territoire

14 de la municipalité de Prijedor.

15 Or, la construction de ce bâtiment du groupe scolaire avait déjà commencé

16 avant 1991. Mais pour continuer les travaux de construction, il était

17 nécessaire que le conseil exécutif prenne une décision dans ce sens. Il

18 faut savoir que la composition ethnique du conseil exécutif était le

19 suivant: il y avait 4 Musulmans et 4 Serbes.

20 A plusieurs reprises, disons trois ou quatre fois, le conseil n'a pas pu,

21 n'a pas adopté cette décision et, en conséquence, on n'a pas pu finir les

22 travaux de construction du bâtiment. Si bien que les enfants qui

23 habitaient dans cette région, dans ce quartier, n'avaient pas d'école. On

24 était obligé d'utiliser des locaux en ville, des locaux qui étaient loués

25 par l'école secondaire d'ingénierie électrique.

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1 Voici un exemple que je peux vous donner pour illustrer mon propos selon

2 lequel le gouvernement ne fonctionnait plus et pour vous montrer que les

3 Musulmans ne pouvaient pas accepter ou refusaient d'accepter la réalité

4 des choses; à savoir, ici, en l'espèce, la nécessité pour le conseil

5 exécutif de prendre cette décision. Mais non, ce n'était pas possible.

6 Cependant, au début de 1992, au début du mois d'avril 1992, le conseil

7 exécutif a pris cette décision parce que l'un des membres musulmans du

8 conseil, suite à des garanties que nous lui avions données et suite aux

9 prières que nous lui avions adressées, a voté en faveur de la proposition

10 lors d'un vote; si bien qu'on est arrivé à un résultat de 4 pour… 5 pour

11 et 3 contre; si bien que la décision a pu être adoptée, au bout du compte.

12 Cependant, ce qu'il est intéressant de constater, c'est que ce même homme,

13 ce Musulman, a été suspendu de ses fonctions le lendemain matin. Pourquoi?

14 Eh bien, parce que, justement, il avait voté comme les membres serbes du

15 conseil.

16 M. le Président (interprétation): Je vous interromps.

17 J'imagine qu'en 1992, c'était quelque chose qui avait un intérêt

18 particulier pour vous, mais j'aimerais bien que la défense m'explique un

19 petit peu en quoi cela intéresse notre affaire.

20 M. Lukic (interprétation): On pourra constater que ces questions sont

21 pertinentes en regardant le 4e Acte d'accusation modifié et toute la

22 période qu'il concerne.

23 M. le Président (interprétation): Nous avons ici le résumé de la

24 déclaration du témoin. Et nous l'avons entendu, il nous parle d'une école,

25 la construction d'une école acceptée, refusée, acceptée, etc. Je voudrais

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1 savoir ce que cela a à voir avec l'Acte d'accusation modifié.

2 M. Lukic (interprétation): Vous-même, Monsieur le Président, avez posé

3 aujourd'hui des questions au sujet de la prise de contrôle à Prijedor et

4 nous pensons qu'il est nécessaire d'expliquer pourquoi cette prise de

5 contrôle a eu lieu.

6 Ce témoin était membre du comité exécutif de la municipalité de Prijedor

7 qui était impliqué dans les événements politiques, dans les affaires

8 politiques de la municipalité de Prijedor avant la prise de contrôle de

9 cette ville; si bien que nous estimons qu'il est à même d'expliquer quelle

10 était la situation politique dans la municipalité à l'époque.

11 M. le Président (interprétation): Certes, il peut l'expliquer de manière

12 générale, mais je ne pense pas qu'il convienne d'entrer dans les détails

13 en nous parlant d'une école secondaire, d'une école primaire; ce genre de

14 chose ne nous intéresse pas.

15 Je vous demande, s'il vous plaît, de vous limiter aux questions qui sont

16 indiquées dans la synthèse de ces déclarations, les relations entre le

17 pouvoir exécutif et l'assemblée municipale. Je ne pense pas que nous

18 puissions entrer dans tout le détail de tout ce qui s'est passé à Prijedor

19 à ce moment-là; il n'est pas possible de parler de chaque bâtiment que

20 compte cette ville.

21 M. Lukic (interprétation): Vous aviez enlevé vos écouteurs mais le témoin,

22 pendant que vous les aviez enlevés, a expliqué ce qui était arrivé au

23 membre du SDA qui avait essayé de coopérer: il a été remplacé dès le

24 lendemain. Nous pensons donc que ceci est du plus grand intérêt pour nous;

25 cela montre la façon dont se comportait le SDA, à l'époque.

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1 M. le Président (interprétation): Rassurez-vous, je suis avec beaucoup

2 d'attention le compte rendu d'audience. Veuillez, s'il vous plaît, vous

3 limiter aux questions pertinentes.

4 M. Lukic (interprétation): Les organes du pouvoir exécutif, à votre avis,

5 fonctionnaient-ils correctement ou pas à l'époque? Les secrétariats, par

6 exemple, qui étaient contrôlés par des membres du SDA? Est-ce qu'ils

7 opéraient sans tenir aucun compte des décisions prises par le conseil

8 exécutif?

9 M. Dragic (interprétation): Pendant toute cette période, c'est-à-dire la

10 période qui a commencé avec le début de l'année 1992 jusqu'à la fin du

11 mois d'avril 1992, on peut dire en quelques mots que le pouvoir exécutif

12 ne fonctionnait pas. Mais j'ai déjà dit dans ma réponse précédente, le

13 pouvoir exécutif se répartissait entre les Serbes et les Musulmans. Et on

14 peut dire que c'était le pourcentage de 50% qui s'appliquait à chacun des

15 groupes. Ou on peut dire qu'il y avait quatre membres de chaque côté.

16 Et je pourrais vous donner nombre d'exemples de secrétariats qui ne

17 fonctionnaient pas, qui n'appliquaient pas les décisions du comité

18 exécutif. Il s'agissait de secrétariats qui se trouvaient sous la

19 direction de Musulmans. Il était manifeste qu'ils avaient reçu des

20 instructions d'ailleurs, sans doute des instructions qui venaient de leurs

21 parrains politiques ou pour être plus précis, des dirigeants de leur parti

22 politique, des dirigeants du SDA. Il semble donc que les décisions

23 politiques leur tenaient plus à cœur, étaient plus importantes pour eux

24 que les décisions prises par les institutions pour lesquelles ils

25 travaillaient. Et je parle là des décisions rendues par le comité

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1 exécutif.

2 Donc on peut dire qu'il y avait violation patente des législations en

3 vigueur du fait de ces gens et dans le cadre même de leur travail… Si

4 c'est nécessaire, je peux même vous donner des précisions et des exemples

5 précis.

6 M. le Président (interprétation): Oui. Ça m'intéresserait. Je voudrais

7 savoir s'il s'agit de votre part uniquement de spéculations ou si vous

8 avez des éléments de preuve permettant d'établir que, du côté des

9 Musulmans, on faisait systématiquement obstruction, comme vous venez de le

10 déclarer.

11 M. Dragic (interprétation): Un exemple: le comité exécutif a pris une

12 décision au terme de laquelle certains secrétariats ne devaient plus

13 engager personne de nouveau parce que ce n'était pas prévu par

14 l'organisation du travail interne et la répartition des tâches pour les

15 institutions administratives.

16 L'administration municipale chargée du revenu, disons, les impôts étaient

17 dirigés par Meho Tursic, un Musulman. Or, lui, il engageait de nouvelles

18 personnes pour son bureau. Cela veut dire qu'il agissait contrairement aux

19 décisions qui avaient été prises par le comité exécutif.

20 Pire encore, les personnes qui étaient ainsi engagées ne disposaient pas

21 des compétences adéquates pour les emplois qu'ils étaient censés remplir.

22 Et ces personnes n'avaient pas les compétences requises dans les documents

23 relatifs à l'organisation interne de ces structures.

24 De surcroît, le secrétariat chargé de l'urbanisme, du logement et des

25 services communaux ainsi que des biens immobiliers, lui aussi, s'est rendu

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1 coupable d'infractions aux lois en vigueur. Là aussi, on a refusé de s'en

2 tenir aux décisions rendues par le comité exécutif.

3 Ces infractions au règlement, ce mépris manifesté pour les décisions du

4 conseil exécutif, on l'a vu dans le fait que des terrains qui

5 appartenaient à la ville ont été donnés à des Musulmans. Il y a certaines

6 parcelles de terrains qui appartenaient à la ville et qui ont été tout

7 simplement donnés à des Musulmans, en dépit du fait que les lois en

8 vigueur, qui étaient déjà en vigueur avant la guerre et qui le sont de

9 nouveau aujourd'hui, après la signature des accords de Dayton, en dépit du

10 fait donc que ces lois étaient là. Et ces lois stipulent que lorsque des

11 terrains appartenant à la ville sont donnés à des personnes physiques ou

12 autres, ceci peut se faire uniquement par le biais de l'assemblée

13 municipale. Ceci ne peut pas se faire sur la base d'une décision d'une

14 seule personne ou d'un membre d'une des institutions quelle qu'elle soit.

15 Et on peut apporter des preuves concrètes des deux exemples que je viens

16 de vous citer, à condition, bien entendu, que les documents pertinents

17 aient été conservés à la municipalité de Prijedor. Ces deux exemples

18 prouvent que certains des membres du comité exécutif et que certains

19 organismes de l'administration dirigés par des Musulmans ont été en

20 infraction de la loi et ont agi en ne tenant aucun compte, même en allant

21 à l'encontre des décisions prises par le comité exécutif.

22 M. Lukic (interprétation): Après la prise de contrôle de la ville, le 30

23 avril 1992, quel poste occupiez-vous?

24 M. Dragic (interprétation): Après la prise de contrôle dans la ville,

25 après le 30 avril 1992, j'occupais le poste de directeur des services

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1 communaux. Il s'agissait d'un organisme relevant de l'administration

2 municipale. Les activités principales de cette organisation, de cette

3 institution avaient trait à la construction de logements et de locaux

4 commerciaux pour les entreprises sur la municipalité de Prijedor.

5 Une autre des missions était la maintenance de la voirie ainsi que la mise

6 en vigueur d'un programme relatif au partage des frais, au partage des

7 dépenses dans la partie strictement urbaine de la municipalité. Cela

8 recouvrait également la gestion du parc immobilier public. Il faut savoir

9 que tous les appartements appartenaient à la municipalité, étaient

10 publics. Prijedor possédait… La municipalité, disons, possédait quelque

11 5.600 appartements. Et l'organisme que je dirigeais était chargé des

12 investissements relatifs à la maintenance de ces locaux.

13 Question: Après la prise de contrôle de la ville, le 30 avril 1992,

14 comment se présentait la situation et que s'est-il produit à la fin du

15 mois de mai ou au cours de la deuxième quinzaine du mois de mai?

16 Réponse: Si on s'intéresse à la situation politique dans la municipalité

17 de Prijedor ou aux partis politiques détenant le pouvoir, je vous ai déjà

18 dit que les institutions gouvernementales ou les institutions détenant le

19 pouvoir ne fonctionnaient pas très bien. Et à l'appui de mes dires, je

20 vous ai donné un certain nombre d'arguments.

21 La raison essentielle expliquant pourquoi on avait mis en place de

22 nouvelles institutions qui fonctionneraient, elles, c'était que les

23 organes de la République de Bosnie-Herzégovine à l'époque avaient envoyé

24 un ordre par le biais de leurs propres institutions, à savoir par le biais

25 du ministère de l'Intérieur, ordre d'attaquer la caserne et les locaux

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1 militaires à Prijedor; ceci afin de confisquer l'équipement militaire et

2 de bloquer les routes autour de Prijedor. Cet ordre a été envoyé par le

3 biais du bureau de Prijedor, du ministère de l'Intérieur. Et l'ordre a été

4 signé par le ministre de l'Intérieur en personne, le ministre de

5 l'Intérieur de l'époque, Alija Delimustafic.

6 Pour résumer, cette décision, je dirai qu'il s'agissait d'une attaque à

7 l'encontre des Serbes. Après la prise de contrôle de la ville, il faut

8 dire que c'est quelque chose qui s'est passé sans aucune effusion de sang,

9 sans qu'un seul coup de feu soit tiré, sans que personne ne soit blessé ou

10 ne trouve la mort. Et là, je parle des non-Serbes.

11 On a mis en place un nouveau gouvernement à Prijedor avec des Serbes

12 aussi. Et le principal organe de cette structure, c'était toujours le

13 comité exécutif. Il y avait également des organes administratifs et un

14 secrétariat qui avaient été mis en place conformément à la législation

15 relative à l'administration de l'Etat qui à l'époque était en vigueur.

16 En mai, on a assisté à des attaques ouvertes contre les Serbes. De quelle

17 manière ces attaques se sont-elles manifestées? Il y a eu une attaque

18 armée contre la caserne de Prijedor. Des Serbes ont été assassinés. Si je

19 me souviens bien, le premier assassinat a eu lieu au tout début du mois de

20 mai. Je pense que cette personne s'appelait M. Dzapa, et qu'il a été tué

21 de dos. Et dans le quartier de Hambarine, il y avait une attaque armée

22 contre la voiture dans laquelle se trouvaient les Serbes et les Croates.

23 Et à cette occasion, si je m'en souviens bien, il y a deux personnes qui

24 ont trouvé la mort et qu'il y a eu deux personnes gravement blessées.

25 Dans la ville, la situation était tendue. C'était à la fin mai, lorsque la

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1 situation a atteint son paroxysme quand il s'agit de ces tensions parce

2 que l'attaque armée contre Prijedor s'est produite, et cela s'est produit

3 de façon qu'il y avait des combats qui se sont produits dans différentes

4 directions.

5 Pendant cette attaque, environ 15 membres, soldats ont été tués. Et il y

6 avait un grand nombre de blessés parmi les membres de l'armée. Il y avait

7 également des dégâts matériels. Il y avait des incendies aussi. Donc, les

8 dégâts des biens étaient considérables.

9 C'est tout ce que je voulais dire là-dessus.

10 Question: Est-ce que vous savez comment Kozarac et pendant combien de

11 temps, cette ville s'était-elle préparée pour cette attaque?

12 Ainsi que de nous dire ce qu'il est arrivé à Kozarac avant le pouvoir de

13 contrôle, avant le passage des convois militaires?

14 Réponse: Il y a une donnée assez intéressante quand il s'agit de cette

15 communauté locale de Kozarac appartenant à la municipalité de Prijedor.

16 Cette communauté locale avait entre 18.000 et 20.000 habitants avec la

17 population habitant dans des villages environnants. A la fin de l'année

18 1911, dans la municipalité de Prijedor beaucoup de journalistes sont

19 arrivés, des représentants des médias étrangers.

20 A cette occasion, le président du conseil exécutif a organisé une

21 conférence de presse à laquelle j'ai assisté. Après cela, une vidéo a été

22 projetée qui parlait des préparatifs de la population de la communauté

23 locale de Kozarac à se soulever. Je ne sais pas qui était l'auteur de

24 cette vidéo, mais cette vidéo est intéressante parce que ça durait à peu

25 près trois heures, et nous pouvions voir dans cette vidéo tous les détails

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1 de préparatifs à l'attaque armée. Bien sûr, après avoir vu cette vidéo,

2 toutes les personnes présentes à cette conférence, lorsqu'elles ont vu

3 cela, elles ont été prises de panique parce qu'elles ne pouvaient pas

4 croire, tout simplement, que quelque chose de la sorte se produise pas

5 très loin d'elles, dans leur environnement le plus proche.

6 M. le Président (interprétation): Puis-je vous interrompre un instant

7 parce que nous devons faire une pause maintenant. La Chambre a examiné le

8 résumé de votre déclaration et le compte rendu, surtout la partie où la

9 défense a légué les raisons d'avoir convoqué ce témoin. Nous parlons

10 maintenant des questions qui n'ont pas été prévues dans le résumé. Nous

11 considérons qu'il est important que nous soyons prêts à pourvoir suivre le

12 témoignage de ce témoin. C'est la raison pour laquelle l'audience est

13 suspendue jusqu'à 12 heures 30.

14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

15 (La séance, suspendue à 11 heures 55, est reprise à 12 heures 37.)

16 M. le Président (interprétation): S'il vous plaît, Monsieur l'Huissier,

17 veuillez faire entrer tout de suite le témoin dans le prétoire.

18 (Le témoin est réintroduit dans le prétoire.)

19 M. Lukic (interprétation): Avant de recommencer l'interrogatoire de ce

20 témoin, vous m'avez demandé où vous pouviez trouver ma dernière question.

21 J'ai posé la question concernant les convois militaires qui passaient par

22 Kozarac; c'était la dernière phrase dans le compte rendu où j'ai dit que

23 les Musulmans armés, ayant les mitrailleuses, les fusils automatiques ont

24 empêché les convois de passer. Peut-être que le témoin a donné une réponse

25 plus longue, mais je pense qu'il faut être patient et laisser le témoin

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1 expliquer toute la situation.

2 M. le Président (interprétation): On va revenir à ce sujet, un peu plus

3 tard.

4 S'il vous plaît, poursuivez.

5 M. Lukic (interprétation): Monsieur Dragic, lorsque je vous ai demandé, au

6 sujet des convois militaires qui passaient par Kozarac avant la guerre, il

7 s'agissait d'un ou plusieurs convois et lorsque je vous ai demandé la

8 situation à Kozarac avant la guerre et avant les conflits, vous avez

9 commencé à nous expliquer par la suite que vous avez vu une vidéo là-

10 dessus.

11 Est-ce que vous pourriez nous dire maintenant ce que vous aviez vu dans

12 cette vidéo concernant Kozarac et le passage de ces convois par Kozarac

13 avant les conflits?

14 M. Dragic (interprétation): J'ai déjà dit que toute personne qui avait

15 l'occasion de voir cette vidéo dont la durée est de 180 minutes, à peu

16 près, tous ceux qui l'ont vue ont été stupéfaits par le nombre de Bérets

17 Verts, des membres des Bérets Verts, par les armes dont ils disposaient et

18 par l'organisation de leurs activités. Il était évident qu'il s'agissait

19 d'unités organisées où régnait une discipline militaire qui entendait

20 également les appels matinaux de cette unité; ce qui nous a fait penser à

21 notre service militaire dans la JNA.

22 Bien sûr, dans cette vidéo, nous avons pu voir beaucoup de visages qui

23 nous étaient connus; ce qui a provoqué une certaine surprise auprès des

24 personnes présentes à ce visionnage. Nous avons vu les personnes avec qui

25 nous… avec lesquelles nous nous rencontrions tous les jours et qui sont

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1 devenues presque en une nuit les membres des Bérets Verts. Et leur

2 objectif était de se préparer à organiser une attaque armée contre la

3 population serbe.

4 J'ai eu l'occasion de voir ces formations de tout près, c'est-à-dire, en

5 rentrant de Banja Luka en voiture de service, j'ai rencontré des barrières

6 sur ma route entre Banja Luka et Prijedor à Kozarac. J'ai pu voir un

7 convoi qui a été arrêté. C'était un convoi militaire ayant des équipements

8 militaires qui a été arrêté au carrefour qui sépare la route entre Banja

9 Luka et la communauté locale de Kozarac, dans la direction de Prijedor.

10 Cette partie de la route était inaccessible et notre passage vers Prijedor

11 était possible seulement en empruntant une autre route qui contournait,

12 enfin, qui passait par Kozarac.

13 Donc, en empruntant cette autre route, nous sommes passés à côté d'un

14 cimetière musulman. Dans ce cimetière, j'ai vu un grand nombre de membres

15 des Bérets verts au sol, couchés au sol en ayant des armes automatiques

16 entre leurs mains. Lorsque nous sommes passés à côté du cimetière, les

17 Bérets verts nous ont arrêtés. Dans la colonne où je me trouvais, il y

18 avait encore trois ou quatre véhicules qui faisaient la tête de la

19 colonne. La colonne a été arrêtée pour un moment, mais ils nous ont

20 bientôt laissé passer en empruntant cette route de déviation.

21 Lorsque je suis arrivé à Prijedor dans l'institution où j'ai travaillé,

22 j'ai raconté à mes collègues ce qui s'était passé sur cette route. Ils

23 étaient surpris d'entendre cela, ils avaient peur également, ils ne

24 pouvaient pas y croire; c'est-à-dire croire que les formations comme cela,

25 disposant de ces armes, existaient.

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1 Question : S'il vous plaît, dites-nous: quand avez-vous rencontré ces

2 barrières érigées à Kozarac? Est-ce que vous pouvez vous souvenir du temps

3 exact?

4 M. Dragic (interprétation): Vous pensez à l'heure de la journée ou quand

5 c'était l'après midi?

6 M. Lukic (interprétation): Je pense à la date, lorsque cela est arrivé.

7 Vous pouvez vous arrêter un instant, s'il vous plaît.

8 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux demander si tout va

9 bien ou... Est-ce que tout va bien? Oui? Merci. Vous pouvez poursuivre.

10 M. Lukic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Pouvez-vous nous dire à quelle date cela s'est produit?

12 M. Dragic (interprétation): Je ne peux pas vous préciser la date de

13 l'événement, mais c'était au mois d'avril 1992.

14 Question: Merci. Vous étiez membres du conseil exécutif de la municipalité

15 de Prijedor avant la prise de contrôle dans la ville, donc pendant la

16 période où M. Cehajic a été président de l'assemblée municipalité de

17 Prijedor. Est-ce que vous n'avez jamais vu M. Cehajic donner des ordres à

18 l'armée, et s'il avait le droit de donner des ordres à l'armée?

19 Réponse: En tant que membre du conseil exécutif de la municipalité de

20 Prijedor, je connaissais le président de l'assemblée municipale de

21 Prijedor, M. Muhamed Cehajic, mais je ne sais pas si M. Cehajic a donné

22 des ordres à l'armée parce qu'il ne disposait pas de prérogatives

23 législatives pour le faire.

24 Mais concernant votre question, je me souviens d'un événement sur lequel

25 beaucoup de bruits qui se sont répandus dans la ville. Quand M. Cehajic

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1 avec le président de son parti politique, Mirsad Mujadzic, et avec une

2 autre personne qui s'appelait Medunjanin, dont j'ai oublié, ont rendu

3 visite à la caserne Zarko Zgoljanin à Prijedor. Et lors de cette visite,

4 pour moi, ce qui s'est répandu dans la ville est... c'est-à-dire que les

5 appels à la mobilisation n'étaient pas adressés aux Musulmans, et si cela

6 continue, il y aurait des manifestations, des protestations organisées de

7 la population musulmane devant le bâtiment de la municipalité de Prijedor

8 et devant la caserne Zarko Zgoljanin de Prijedor.

9 Comme vous pouvez en déduire, cette conclusion a été rendue par cette

10 délégation qui est arrivée dans la caserne, et c'était contraire à la

11 législation et à la constitution en vigueur en Bosnie-Herzégovine, c'est-

12 à-dire contre la législation relative à la défense nationale. Mais c'est

13 ce qui s'est produit parce qu'ils ont estimé qu'ils disposaient d'un droit

14 de le faire.

15 Question: Est-ce que vous savez si le président du conseil exécutif,

16 pendant que vous étiez membre du conseil exécutif de l'assemblée

17 municipale de Prijedor, a jamais donné des ordres à l'armée?

18 Réponse: Pendant que j'occupais la fonction du secrétaire aux affaires

19 économiques au sein du conseil exécutif de la municipalité de Prijedor, si

20 une telle décision ou une telle conclusion avait été adressée aux membres

21 de l'armée, je l'aurais apprise. Mais pendant que j'occupais cette

22 fonction, il n'y avait pas de telle demande de la part du président du

23 conseil exécutif.

24 Question: Est-ce que vous n'avez jamais vu ou jamais entendu que le

25 président du conseil exécutif de l'assemblée municipale de Prijedor ait

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1 jamais donné des ordres à la police?

2 Réponse: Pendant la période où j'ai occupé cette fonction au sein du

3 conseil exécutif de la municipalité de Prijedor, je n'ai pas eu

4 connaissance de ce genre de chose. Je ne sais pas qu'il ait jamais, ce

5 président, envoyé des ordres à la police. Et de toute façon, de tels

6 ordres auraient été illégaux et anticonstitutionnels parce que le

7 président n'avait pas de compétence s'agissant de la police à la

8 différence d'autres organes.

9 Question: Le président de l'assemblée municipale, en vertu de la

10 législation en vigueur à l'époque, pouvait-il délivrer des ordres à la

11 police, et n'avez-vous jamais entendu dire que M. Cehajic a donné des

12 ordres à la police?

13 Réponse: Le président de l'assemblée, M. Cehajic Muhamed, pendant que moi-

14 même j'étais secrétaire, à ma connaissance, n'a jamais ordonné à la police

15 de faire quoi que ce soit parce qu'encore une fois, je le répète, il

16 n'avait pas l'autorité pour le faire. Juridiquement il ne pouvait pas le

17 faire et la police, d'ailleurs, n'aurait pas suivi de tels ordres

18 puisqu'il n'avait pas, ce président de l'assemblée, la possibilité de

19 donner des ordres à la police.

20 Et si on parle du poste de sécurité, du poste de police de Prijedor, eh

21 bien, la police recevait ses ordres du centre de la sécurité de Banja Luka

22 ou du… ou les ordres venaient du ministère de l'Intérieur, venaient de

23 Banja Luka.

24 Question: Monsieur Dragic, donc, en 1992 vous avez vous-même été mobilisé

25 ou plutôt en 1991 vous avez été mobilisé, vous avez été envoyé en Slavonie

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1 occidentale. Pendant la période de temps que vous avez passé au front, je

2 souhaiterais savoir s'il ait jamais arrivé qu'un organe investi d'un

3 pouvoir quelconque au sein de la municipalité vous ait donné des ordres

4 quels qu'ils soient?

5 Réponse: En 1991, à la fin du mois d'août et au début du mois de

6 septembre, à l'époque, j'étais toujours le secrétaire aux affaires

7 économiques et aux activités sociales à Prijedor et, pendant cette

8 période, j'ai reçu une convocation de l'armée, de l'armée populaire

9 yougoslave.

10 Bien entendu, à cette époque, la JNA constituait le seul organisme armé

11 légitime. C'était la seule armée légitime là où je me trouvais. J'ai

12 répondu à cette mobilisation. Je suis allé au front en Slavonie

13 occidentale et j'étais officier des transmissions au commandement de la

14 43e Brigade de la JNA. Nous étions éloignés de la ligne de front en tant

15 que telle. J'ai passé environ 45 jours à cet endroit.

16 Question: Pendant ces 45 jours passés en Slavonie occidentale, n'est-il

17 jamais arrivé qu'un organe municipal investi d'une autorité civile ou

18 qu'un homme politique de la municipalité, d'une municipalité, est-il

19 arrivé que quelqu'un soit venu au commandement de votre brigade et ait

20 donné des ordres ou bien est-ce que ce poste de commandement n'a jamais

21 reçu des ordres écrits de ce style?

22 Réponse: Comme je l'ai dit, il y a un instant encore, j'étais en Slavonie

23 occidentale à Bijele Stijene, pour être précis. C'est là que j'ai passé

24 environ 45 jours. Et pendant ces 45 jours, aucun ordre oral ou écrit

25 émanant des autorités civiles de Prijedor n'a jamais été reçu. Si j'en

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1 avais reçu un, j'aurais trouvé la chose ridicule étant donné que j'étais

2 membre d'une unité de la JNA à cet endroit.

3 Aux termes de la constitution de l'ex-Yougoslavie et aux termes de toutes

4 les lois pertinentes, y compris la loi relative à la défense nationale, la

5 JNA prenait ses décisions de manière indépendante. Et aucune autorité

6 civile quelle qu'elle soit, à quelque niveau que ce soit, n'aurait jamais

7 pu donner d'ordre à la JNA. Rien de tel ne s'est jamais produit.

8 Question: Merci. Les autorités civiles de Prijedor, après l'éruption des

9 combats, ces autorités se sont-elles plaintes du fait que beaucoup de gens

10 avaient été incorporés dans l'armée, si bien qu'il était impossible de

11 mener à bien les affaires civiles comme c'était nécessaire. Est-ce que les

12 autorités civiles auraient pu donner des ordres afin qu'un certain nombre

13 de soldats soient libérés de leurs obligations militaires?

14 Réponse: Oui, sans doute. Quand quelqu'un allait à la JNA pour être versé

15 dans une des unités, c'étaient les autorités civiles qui, à ce moment-là,

16 se trouvaient en difficulté. C'étaient elles qui perdaient au compte,

17 puisqu'elles perdaient du personnel, des gens qui rejoignaient les rangs

18 de l'armée, des gens qui précédemment avaient occupé des postes civils;

19 ils avaient des emplois civils avant d'être versés dans les rangs de

20 l'armée populaire yougoslave, JNA.

21 Mais quoi qu'il en soit, quand les gens quittaient les rangs, qu'ils

22 quittaient une institution civile pour rejoindre les rangs de l'armée, à

23 ce moment-là, les institutions concernées manquaient de personnel. Mais,

24 en dépit de ces difficultés manifestes, eh bien, les autorités civiles ne

25 pouvaient rien faire; elles n'y pouvaient rien. Les autorités civiles ne

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1 pouvaient rien faire pour ramener ces personnes du front ou des unités de

2 la JNA.

3 Question: En sus du droit de mobiliser de la population, est-ce que

4 l'armée avait le droit de s'approprier des équipements et du matériel? Et

5 quels étaient les organismes par le truchement desquels l'armée mobilisait

6 les hommes et se procurait des équipements? Pouvez-vous nous le dire?

7 Réponse: Au terme de la loi relative à la défense nationale, les organes

8 investis de l'autorité militaire, en cas de mobilisation, en cas de

9 mobilisation des hommes, en cas de mobilisation d'effectifs -pour

10 reprendre le terme usuel-, la loi relative à la défense nationale les

11 autorisait à mener à bien une telle mobilisation. Et ils étaient également

12 en droit de confisquer des équipements. Je vous parle là d'équipements; je

13 pense, par exemple, à des équipements de transport, des équipements

14 techniques aussi. Et même les animaux de trait pouvaient être

15 réquisitionnés, les animaux utilisés justement pour tirer ce type

16 d'équipements; des chevaux, par exemple.

17 Question: Savez-vous par le truchement de quel organisme exactement

18 l'armée était en mesure de mobiliser les hommes et de réquisitionner les

19 équipements?

20 Réponse: L'armée -ou les diverses composantes de l'armée- mobilisait les

21 hommes, réquisitionnait les équipements, au niveau municipal, par le biais

22 des secrétariats à la défense nationale. Il s'agissait là d'organes

23 municipaux, du moins pendant un certain temps, parce qu'il y a une autre

24 période pendant laquelle ces secrétariats étaient des organes au niveau de

25 la République.

Page 10442

1 Question: Mais quand le secrétariat à la défense nationale était encore un

2 organisme ou un organe municipal, est-ce que le secrétariat recevait ses

3 ordres de la municipalité ou bien du secrétariat national chargé de la

4 défense nationale?

5 Réponse: Ce secrétariat, comme je l'ai dit, a été, pendant une certaine

6 période de temps, un organisme municipal. Et puis, il y a une autre

7 période pendant laquelle cet organisme relevait de la République. Mais,

8 dans les deux cas de figure, cette structure n'a jamais reçu d'ordres des

9 autorités civiles; ces organes ne pouvaient recevoir d'ordres que des

10 autorités militaires.

11 Question: Dans le cadre de cette affaire, on nous a expliqué qu'il

12 arrivait que des unités de la police soient envoyées au front. Est-ce que

13 le ministère de l'Intérieur avait l'autorité d'envoyer ses employés au

14 front ou bien est-ce que c'était également quelque chose qui était fait

15 par les autorités militaires?

16 Réponse: Eh bien, pour ce qui est de la police, si on s'intéresse un petit

17 peu à la manière dont était organisée la police, on voit que la police

18 avait à la fois des forces régulières et des forces de réserve. Et la loi

19 stipulait que les réservistes de la police ne pouvaient être mis à

20 contribution que dans des situations exceptionnelles.

21 Pour ce qui est de votre question, s'agissant des réservistes de la

22 police, la décision d'envoyer des réservistes de la police dans une zone

23 de guerre, une telle décision ne pouvait être prise que par l'armée.

24 Question: Suite à la prise de Prijedor le 30 avril 1992, et vous nous avez

25 dit déjà quelle fonction vous occupiez, je voudrais savoir si après cette

Page 10443

1 prise de Prijedor, je voudrais savoir de quel organe de l'autorité

2 municipale vous releviez? De qui releviez-vous entre le 30 avril et le 30

3 septembre 1992? Qui était votre chef?

4 Réponse: Au début de mon témoignage, je vous ai expliqué que l'organisme

5 que je dirigeais était un organisme municipal administratif et, en tant

6 que tel, il relevait du comité exécutif de la municipalité de Prijedor.

7 Pour être plus précis, de son président.

8 En vertu du règlement relatif aux travaux du conseil exécutif, les

9 organismes administratifs et municipaux devaient envoyer des rapports

10 relatifs à leurs activités au président du conseil exécutif de la

11 municipalité. Ces rapports d'activités étaient semestriels et se

12 rapportaient à deux périodes de temps bien distinctes. La première période

13 allant du 1er janvier au 30 juin, et la deuxième du 1er juillet au 31

14 décembre.

15 Question: Est-ce qu'il ne vous est jamais arrivé d'envoyer un rapport à la

16 cellule de crise? Est-ce que vous receviez des ordres émanant de la

17 cellule de crise?

18 Réponse: Comme je vous l'ai déjà dit…

19 Question: Je m'excuse, mais aviez-vous connaissance de l'existence de la

20 cellule de crise et, pour vous, que représentait cet organe?

21 Réponse: Pour ce qui est du premier volet de votre question, je vous ai

22 déjà dit que l'organisme que je dirigeais avait son propre règlement et

23 relevait du conseil exécutif à qui il envoyait deux fois par an un

24 rapport. C'était le seul organisme dont nous relevions.

25 Quand j'ai rempli ces fonctions pendant la période de temps concernée,

Page 10444

1 j'ai entendu parler de la mise en place d'une cellule de crise au sein de

2 la municipalité de Prijedor, mais j'ignorais quels en étaient les membres

3 et j'ignorais où, concrètement, se situait cet organisme, où se trouvait

4 son siège.

5 Pendant toute l'année 1992, vu la nature de mes fonctions, je travaillais

6 au bâtiment de la municipalité de Prijedor chaque jour. J'ai participé à

7 des réunions avec le président du conseil exécutif ainsi qu'avec les

8 secrétaires des différents organes administratifs. Ces consultations,

9 cette coopération essentielle avec les membres du comité exécutif

10 traduisait le fait que l'institution que je dirigeais était chargée à

11 l'époque de remplir une des fonctions les plus essentielles que l'on

12 puisse imaginer dans une municipalité civile et au niveau des organismes

13 civils, et ceci à cause de la nature des missions de l'organisme que je

14 dirigeais.

15 Pour cette raison, il était nécessaire que j'ai des contacts au quotidien

16 avec le président du conseil exécutif ainsi qu'avec les membres de ce

17 conseil. Et comme je l'ai déjà dit au départ, j'ai entendu parler de

18 l'existence de la cellule de crise. Mais pendant que j'occupais mon poste

19 jusqu'en janvier 1993, je n'ai rien remarqué qui aurait pu effectivement

20 me signaler l'existence de cet organisme, de cette cellule de crise.

21 M. Lukic (interprétation): Pourriez-vous nous communiquer les noms des

22 membres du conseil exécutif avec lesquels vous aviez des contacts

23 fréquents?

24 M. Dragic (interprétation): Alors que j'occupais la fonction de directeur

25 des services communaux à Prijedor, qui était, comme je vous l'ai expliqué,

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1 un organe d'administration municipal, les contacts quotidiens pendant les

2 heures de travail, bien évidemment, se faisaient avec le président du

3 conseil exécutif. A cette époque-là, il s'agissait de feu M. Milenko

4 Vasevic, un médecin.

5 M. le Président (interprétation): Nous souhaitons marquer une pause de

6 quelques minutes.

7 (Les Juges se concertent sur le siège.)

8 Monsieur le Témoin, sur la base de votre témoignage et surtout à la page

9 46, depuis le début de cette page, et par la suite lorsque vous nous avez

10 expliqué que "vous n'aviez rien constaté qui permettrait de révéler

11 l'existence de cette cellule de crise", et à la lumière des autres

12 déclarations que vous avez prononcées et qui, à nos yeux, pourraient, je

13 répète, pourraient ne pas être avérées, la Chambre de première instance

14 décide, de sa propre initiative, de vous adresser un avertissement.

15 Je vous rappelle que vous êtes tenu de dire la vérité et je dois vous

16 informer des conséquences qui pourraient se manifester si vous ne

17 respectez pas nos dispositions. Je dois vous informer, en mettant de côté

18 toutes les dispositions relatives à la procédure… est la suivante, à

19 savoir: une amande de 100.000 euros ou un emprisonnement, donc une durée

20 d'emprisonnement de sept ans.

21 Vous devez savoir, et je vous invite à réfléchir à ces conséquences,

22 jusqu'à présent personne n'a procédé à une enquête à votre encontre. Mais

23 à la lumière du témoignage que vous avez déposé jusqu'à présent, ces

24 données, sachez-le, pourraient être utilisées par l'accusation pour

25 entamer une procédure à votre encontre en alléguant un faux témoignage.

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1 Bien évidemment vous avez le droit de corriger votre témoignage si vous le

2 souhaitez, mais je vous invite à faire attention aux conséquences de votre

3 déposition.

4 Je vous remercie.

5 M. Dragic (interprétation): Est-ce que je puis à présent apporter une

6 réponse? Est-ce que je peux répondre?

7 M. le Président (interprétation): Si l'on peut répéter la question, oui?

8 M. Dragic (interprétation): Non, je ne me référais pas à la question qui

9 m'avait été posée par la défense. Je voulais simplement répondre à

10 l'avertissement que vous avez lancé à mon égard.

11 M. le Président (interprétation): C'est votre droit, je vous en prie.

12 M. Dragic (interprétation): Avant de commencer à donner ma déposition,

13 j'ai prononcé la déclaration solennelle. Et je n'ai dit que la vérité dans

14 mon témoignage. Vous-même et les autres membres de cette Chambre avaient

15 sous-entendu que, peut-être, je ne disais pas la vérité dans mon

16 témoignage. Je ne sais pas dans quelle partie vous pensiez que je n'ai pas

17 dit la vérité. Tous les propos que j'ai tenus peuvent être prouvés. Je

18 peux apporter la preuve quant à leur véracité.

19 M. le Président (interprétation): Comme nous l'avons fait par le passé,

20 vous aurez la possibilité de revoir, de passer en revue le compte rendu

21 d'audience étant donné que nous ne pourrons pas achever votre

22 interrogatoire aujourd'hui. Par conséquent, si à un stade ultérieur vous

23 souhaiteriez revenir sur une ou plusieurs réponses, vous aurez cette

24 possibilité.

25 Je vous remercie.

Page 10447

1 M. Lukic (interprétation): Monsieur le Témoin, corrigez-moi si je me

2 trompe, mais je pense pour ma part que vous aviez dit que vous pouviez

3 étayer tous vos propos par des documents, en présentant des documents.

4 M. Dragic (interprétation): Lorsque j'ai prononcé ces mots, il s'agissait

5 de mes activités au sein de l'institution qui relevait du conseil

6 exécutif. Je parlais des rapports traitant des activités du département

7 chargé des services communaux qui étaient adressés au président du conseil

8 exécutif et ces documents auraient dû être consignés et classés par

9 l'organe destinataire.

10 En deuxième lieu, le département chargé des services communaux dispose de

11 son propre système de classement. Tous les documents qui doivent être

12 classés en vertu de la loi attesteront de l'activité d'un organe donné au

13 cours d'une période de temps précise. Quelles étaient les activités

14 précises qui ont été entreprises, avec qui il y avait eu des contacts et à

15 qui il rendait des comptes? Il s'agissait donc de personnes juridiques.

16 Question: Avant l'interruption de la Chambre, vous aviez commencé à nous

17 donner les noms des personnes qui étaient les membres du conseil exécutif

18 et avec lesquelles vous aviez des contacts pendant la période comprise

19 entre avril et septembre 1992.

20 Réponse: Oui, en effet. J'avais commencé à vous donner ces noms. Je vous

21 ai dit qui était le président du conseil exécutif. Les autres membres du

22 conseil exécutif étaient les suivants: il s'agissait de secrétaires des

23 organes municipaux respectifs.

24 Il y avait le secrétaire des affaires économiques. Il s'appelait Ranko

25 Travar. Il avait un diplôme en économie.

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1 Ensuite, il y avait le secrétaire aux affaires de la planification et de

2 l'urbanisme qui était également chargé du logement et des biens

3 immobiliers. Il s'agissait de M. Vojo Pavivic. Il était juriste.

4 Le secrétaire chargé du secrétariat du cadastre et de toutes les questions

5 relatives à la géodésie était M. Radenko Banovic. Et il était diplômé en

6 géodésie.

7 Il s'agissait là des trois secrétariats principaux. Il y avait encore le

8 secrétaire qui était responsable des affaires administratives à caractère

9 général. Je ne suis pas certain de moi, mais je pense que ce secrétariat

10 était dirigé à l'époque par Mme Vera Stojic. Et elle était diplômée en

11 affaires juridiques.

12 Question: Est-ce que toutes ces personnes occupaient les bureaux qui

13 étaient attribués aux chefs des différents secrétariats?

14 Réponse: Dans le cadre de mes contacts avec les chefs des différents

15 secrétariats, je devais me rendre dans les bureaux du conseil exécutif de

16 la municipalité de Prijedor, c'est-à-dire dans les bureaux qui étaient

17 occupés par les chefs des différents secrétariats dont je vous ai donné

18 les noms.

19 Ces bureaux étaient occupés par les chefs des différents organes

20 administratifs avant la guerre, pendant la guerre et après la guerre

21 également. A ce jour, ces bureaux sont toujours occupés par les chefs de

22 ces départements. Bien évidemment il ne s'agit pas des mêmes personnes,

23 mais ces bureaux et les fonctions n'ont pas changé. Les chefs actuels des

24 organes administratifs ou comme on les appelle actuellement, d'après la

25 législation sur l'administration locale, les chefs des départements

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1 occupent encore ces mêmes bureaux.

2 Avant 1992, on les appelait "secrétaires des secrétariats" et actuellement

3 on les appelle "chef des départements". Et ceci suite aux dispositions de

4 la nouvelle loi qui concerne l'administration locale.

5 Question: Est-ce qu'un couvre-feu a été appliqué au niveau de la

6 municipalité de Prijedor? A qui s'appliquait ce couvre-feu? Et comment

7 pouvait-on se déplacer alors que ce couvre-feu avait été mis en place?

8 Réponse: Oui, en effet on a mis en place un couvre-feu à Prijedor. Celui-

9 ci s'appliquait à tous les citoyens de la municipalité de Prijedor. Je

10 pense que ce couvre-feu pour autant que je m'en souvienne était en vigueur

11 entre dix heures du soir et six heures le lendemain matin.

12 Au cours de ce couvre-feu, personne n'était autorisé à se déplacer, c'est-

13 à-dire que cette interdiction s'appliquait à la population civile quelle

14 que soit son appartenance ethnique. La population civile ne pouvait se

15 déplacer que si elle était titulaire d'une autorisation ou d'un permis qui

16 émanait de la police.

17 Question: Peut-être qu'il serait bon de marquer une pause à présent.

18 M. le Président (interprétation): Je pense que l'heure est en effet venue

19 de marquer une pause.

20 J'aimerais saisir cette occasion pour vous demander, pour vous prier de ne

21 prendre contact avec personne au sujet de ce dossier ou au sujet d'autres

22 dossiers, ou de prendre contact avec personne que vous connaîtriez sur le

23 territoire de l'ex-Yougoslavie et plus particulièrement aucun représentant

24 d'une ou de l'autre des parties pendant votre séjour ici, à La Haye.

25 Nous reprendrons nos travaux demain matin à 9 heures.

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1 Par ailleurs, je tiens à vous dire que je vous rappelle que vous pouvez

2 revoir votre déposition concernant l'existence d'une cellule de crise. Je

3 vous invite à creuser votre mémoire afin de voir si vous vous souvenez de

4 quoi ce soit en ce qui concerne la constitution d'une cellule de crise, la

5 composition de celle-ci et peut-être de votre collaboration avec cette

6 cellule de crise.

7 Il s'agira là d'un des points décisifs qui nous amènera peut-être à

8 prendre une mesure dont je vous ai déjà évoqué la teneur préalablement.

9 Parce qu'il s'agit là de points pour lesquels la Chambre de première

10 instance estime qu'elle a des raisons de croire que le témoignage que vous

11 avez donné aujourd'hui n'est pas complet.

12 Or je vous rappelle que vous vous êtes engagé à dire la vérité et ceci

13 signifie également que vous êtes tenu de dire spontanément tout ce que

14 vous savez et de ne rien essayer de cacher. Je vous invite à vous mettre

15 en rapport avec le représentant du Greffe, si vous le souhaitez, afin que

16 vous puissiez consulter le compte rendu d'audience de ce matin. De la

17 sorte, vous auriez la possibilité de revoir vos propos et, si vous le

18 souhaitez, vous pouvez vous faire assister d'un interprète.

19 Mais je crois que vous vous souvenez de la déposition que vous avez faite

20 au sujet de l'existence de la cellule de crise et je pense que vous pouvez

21 également savoir qu'elle va être votre réaction demain.

22 Par conséquent, nous allons lever nos travaux et nous reprendrons demain

23 dans la salle d'audience n°1.

24 (La séance est levée à 13 heures 49.)

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