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1 (Lundi 24 février 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 14 heures 50.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous, je vous prie, appeler
5 l'affaire?
6 Mme Thompson (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-97-24-T, le
7 Procureur contre Milomir Stakic.
8 M. le Président (interprétation): Merci. Est-ce que l'accusation pourrait
9 se présenter?
10 M. Koumjian (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Nicholas Koumjian et
11 je suis accompagné de Michael McVicker, assisté de Mme Ruth Karper.
12 M. le Président (interprétation): Bonjour. Et qu'en est-il pour la défense
13 qui se trouve à La Haye présentement?
14 M. Ostojic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
15 John Ostojic et je représente les intérêts de Milomir Stakic.
16 M. le Président (interprétation): Merci.
17 Je viens d'apprendre que le lien vidéo n'est pas tout à fait stable, mais
18 on m'apprend à l'instant qu'effectivement, on peut commencer. Très bien.
19 Nous pouvons donc commencer.
20 Bonjour, Madame la Greffière. Est-ce que vous pouvez m'entendre dans une
21 langue que vous comprenez?
22 Mme Dahuron (interprétation): Est-ce que vous m'entendez?
23 M. le Président (interprétation): Nous vous entendons très mal.
24 Mme Dahuron (interprétation): Je vais essayer de dire quelque chose: est-
25 ce que vous m'entendez maintenant?
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1 M. le Président (interprétation): Oui, c'est un peu mieux.
2 Est-ce que tout le monde peut entendre Mme Dahuron?
3 Je demanderai que les personnes présentes à Banja Luka se présentent pour
4 le compte rendu d'audience.
5 Mme Dahuron (interprétation): Présentement, nous avons dans notre bureau
6 le technicien audio-visuel. Malheureusement, (inaudible)… Il y a donc le
7 représentant de l'unité audio-visuelle et moi-même.
8 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous faire entrer le témoin, je
9 vous prie?
10 Mme Dahuron (interprétation): Très bien.
11 (Le témoin, M. Zoran Becner, est introduit dans le prétoire.)
12 M. le Président (interprétation): Nous avons aujourd'hui deux caméras: une
13 qui couvre la pièce au complet et une caméra pour le témoin.
14 Pourrais-je demander à Me Ostojic s'il demande des mesures de protection
15 pour ce témoin avant que l'on ne commence?
16 M. Ostojic (interprétation): Non, Monsieur le Président, pas à ce que je
17 sache. Nous pourrions peut-être poser la question au témoin même, afin de
18 nous assurer qu'il ne désire pas bénéficier de mesures de protection.
19 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin. Vous êtes à
20 Banja Luka et je vous demanderais de nous dire si vous m'entendez dans une
21 langue que vous comprenez.
22 M. Becner (interprétation): Oui, je vous entends.
23 M. le Président (interprétation): Merci. Pourriez-vous, je vous prie,
24 prononcer la déclaration solennelle?
25 M. Becner (interprétation): Oui, certainement. Je déclare solennellement
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1 de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez-vous
3 asseoir.
4 M. Becner (interprétation): C'est moi qui vous remercie.
5 M. le Président (interprétation): Avant de commencer, je souhaiterais vous
6 poser la question suivante: aimeriez-vous bénéficier des mesures de
7 protection qui vous seraient octroyées à ce moment-ci? Y a-t-il une
8 nécessité pour cela ou bien désirez-vous témoigner en audience publique?
9 M. Becner (interprétation): Non, ce n'est pas nécessaire. Je ne demande
10 pas de mesures de protection. Ce que j'ai à dire, je peux le dire en
11 audience publique et ouvertement, devant tout le monde.
12 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de nous avoir dit ceci.
13 Vous êtes appelé de la part de la défense, vous êtes un témoin de la
14 défense, et je demanderai au conseil de la défense de commencer
15 l'interrogatoire principal.
16 (Interrogatoire principal du témoin, M. Zoran Becner, par Me Ostojic.)
17 M. Ostojic (interprétation): Bonjour. Je m'appelle John Ostojic et je suis
18 accompagné de mon coconseil. Nous allons donc commencer l'interrogatoire
19 principal. Mon coconseil s'appelle Branko Lukic et nous représentons les
20 intérêts du docteur Milomir Stakic.
21 M. Becner (interprétation): Je vous remercie. Bonjour d'abord et je
22 voudrais vous dire que j'espère que je vais pouvoir apporter de nouvelles
23 lumières quant à la personnalité du docteur Milomir Stakic. Je
24 souhaiterais apporter un apport quant à la façon dont il est perçu.
25 Question: Merci Monsieur. Je souhaiterais vous poser quelques questions et
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1 vous dire que, si vous ne comprenez pas une question ou si vous n'entendez
2 pas très bien, je vous demanderais de bien nous le dire et nous demander
3 de préciser quelque question qu'elle soit, si des questions vous sont
4 incomprises. Est-ce que vous m'avez compris?
5 Réponse: Oui, certainement. Je vous comprends.
6 Question: Pour le compte rendu d'audience, Monsieur, pourriez-vous, je
7 vous prie, décliner votre identité? D'abord, donnez-nous votre prénom et
8 ensuite votre nom de famille.
9 Réponse: Je m'appelle Zoran Becner.
10 Question: Monsieur Becner, pourriez-vous nous parler de vous? Dites-nous,
11 s'il vous plaît, où résidez-vous présentement et avec qui?
12 Réponse: Je suis présentement à Prijedor; c'est moins lieu de résidence
13 permanent. J'habite la rue qui s'appelle Srpskih Velikana, n°23. De
14 profession, je suis docteur en science économique et j'enseigne à l'Ecole
15 supérieure d'économie de Prijedor; j'enseigne également à la faculté des
16 Affaires commerciales de Novi Sad. Je suis marié, père de deux enfants et
17 je suis fier de dire que j'ai trois petits-fils.
18 Question: C'est merveilleux. Monsieur, dites-nous, quand avez-vous reçu
19 votre doctorat dans le domaine de l'économie?
20 Réponse: Le titre de docteur en sciences économiques, je l'ai eu en l'an
21 2000, à l'université de Belgrade.
22 Question: Pourriez-vous nous dire brièvement qu'en est-il de votre poste,
23 du poste que vous occupez? C'est-à-dire que vous nous avez dit que vous
24 enseigniez présentement. Pourriez-vous nous dire qu'en est-il pour les
25 dernières 10 à 15 années? Où travailliez-vous et quels sont les postes que
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1 vous occupiez pendant ces années-là?
2 Réponse: J'ai travaillé à plusieurs endroits, et j'avais plusieurs
3 fonctions. J'ai été secrétaire d'une école de musique à Prijedor; j'ai
4 également été chef du bureau de transports de ZTP à Sarajevo et nous
5 avions également un bureau à Prijedor. J'ai été le directeur de l'école de
6 conduite à Prijedor et, par la suite, j'ai été propriétaire de l'école
7 Zoka, l'école de conduite qui s'appelait Zoka, à Prijedor.
8 Depuis 1994, j'ai fondé l'Ecole supérieure des Sciences économiques et des
9 affaires de Prijedor et j'y enseigne depuis.
10 Question: Merci. Je suis navré de vous poser cette question, mais je
11 voudrais vous demander de bien vouloir nous dire quelle est votre
12 appartenance ethnique?
13 Réponse: Je suis issu d'une famille mixte. Mon père est Allemand, alors
14 que ma mère est d'origine croate. Je me considère et l'on me considère
15 comme étant Croate. C'est ainsi que j'ai été enregistré.
16 Question: Vous dites que vous êtes enregistré en tant que Croate. Vous
17 vous déclarez Croate. En 1992, est-ce que cette situation était la même?
18 Réponse: C'était ce qui était écrit dans tous les documents. Je n'avais
19 pas d'avis personnel. Je ne pouvais pas me déclarer comme étant autre
20 chose. C'est ce qui est écrit dans les documents officiels.
21 Question: Monsieur, pourriez-vous nous dire quelle était la situation en
22 Bosnie du Nord et de l'ouest en 1992, à l'été et au printemps de 1992?
23 Réponse: A l'époque, j'étais propriétaire d'un commerce et j'enseignais.
24 Je n'étais pas impliqué dans la politique, mais tout le monde a pu
25 remarquer que la situation était devenue plus intense pour ce qui est des
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1 questions ethniques. J'étais une personne qui soutenait l'ex-Yougoslavie,
2 j'étais pour l'ex-Yougoslavie. Par contre, nous avons pu voir que les
3 choses se sont déroulées de façon bien différente.
4 Question: Monsieur, si vous permettez, je vais vous poser une question qui
5 pourrait être comprise comme une question directive. Est-ce que vous avez
6 participé, à quelque moment que ce soit, à la vente de fusils de chasse ou
7 d'armes quelconques?
8 Réponse: Je vous ai dit quels étaient les emplois que j'occupais, mais il
9 est vrai que j'ai omis de dire -je ne l'ai pas fait expressément-, mais je
10 tenais également un commerce. C'était un magasin qui avait également des
11 armes à feu et qui vendait des fusils de chasse.
12 Question: Est-ce que c'était au cours du printemps et de l'été 1992, ou
13 est-ce que vous étiez propriétaire de ce commerce avant ou après cette
14 période?
15 Réponse: Je souhaiterais être précis. Ce commerce était ouvert jusqu'au
16 début des conflits, c'est-à-dire tout juste avant le mois de mai 1992,
17 mais à l'époque, tous les commerces étaient fermés et le mien avait
18 également fermé ses portes.
19 Question: Monsieur, je souhaiterais vous ramener à la période qui précède
20 le moment où vous avez fermé les portes de votre commerce. Est-ce que vous
21 pourriez nous dire si, tout d'un coup, vous aviez une augmentation quant
22 aux ventes d'armes à feu, des fusils des chasses et des munitions?
23 Réponse: Non, nous n'avons pas vendu plus d'armes à feu et de fusils de
24 chasse, même si la demande en était assez importante. Nous avions le droit
25 et nous étions enregistrés auprès des autorités; nous vendions ces armes
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1 de façon légale. Donc il y avait une compagnie qui s'appelait Zastava;
2 elle était de Prijedor et nous avions un contrat avec cette dernière qui
3 nous -moi et mes collègues, c'est-à-dire aux autres commerçants-,
4 approvisionnait en munitions et fusils de chasse. J'avais un tout petit
5 magasin qui était à 3,5 kilomètres de la ville et ce commerce était
6 surtout visité par mes amis, des chasseurs.
7 Et j'enseignais également, j'enseignais la chasse. J'ai fait mes études
8 dans le domaine de la chasse et mon doctorat, je l'ai eu aussi avec une
9 thèse concernant la chasse. C'est la raison pour laquelle j'étais
10 particulièrement à la chasse; c'est la raison pour laquelle j'avais un
11 magasin qui vendait des fusils de chasse.
12 Question: Décrivez-nous quels sont ces fusils de chasse que vous vendiez:
13 quelles sont les armes que vous vendiez? Quels genres d'animaux chassiez-
14 vous avec ces armes?
15 Réponse: Il s'agit de fusils de chasse, exclusivement des carabines de
16 chasse et des fusils de chasse appelés "Sacmarica". Je vendais des
17 munitions pour ce même genre de fusils et nous nous servions de ces armes
18 pour chasser les animaux sauvages, petits et grands.
19 Question: Je souhaiterais vous ramener à quelque chose que vous avez dit
20 concernant le moment où vous avez fait la connaissance du docteur Stakic.
21 Pouvez-vous nous dire comment vous avez fait sa connaissance? Justement
22 vous en avez parlé dans votre résumé.
23 Réponse: Je connaissais le docteur Stakic même avant la guerre, mais je le
24 connaissais en tant que connaissance. Quand il passait dans la rue, je le
25 saluais. Pour ainsi dire, c'était un médecin tout à fait ordinaire à
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1 Prijedor. Je l'ai connu un petit peu mieux en 1993 car il était chef d'une
2 entreprise et c'est l'entreprise qui s'appelle "Medicina Rada" de
3 Prijedor, donc "Médecine du travail de Prijedor"; il y avait un accord
4 selon lequel il nous fallait coopérer avec lui, c'est-à-dire que nous
5 coopérions avec lui et c'était mon école de conduite qui coopérait avec ce
6 Centre de médecine du travail. C'est nous qui émettions les permis de
7 conduire aux conducteurs futurs. Nous avons coopéré, nous avons travaillé
8 ensemble pendant un an et notre travail, nos contacts étaient très bons.
9 C'était un homme qui était un homme assez agréable; il respectait sa
10 famille et il respectait également les personnes avec lesquelles il
11 travaillait.
12 Question: Monsieur, pendant la période pendant laquelle vous connaissiez
13 le docteur Stakic, auriez-vous remarqué que le docteur Stakic ait pu
14 prononcer des propos malencontreux à l'égard des Musulmans, de Croates ou
15 d'autres non-Serbes?
16 Réponse: Pour ce qui est du docteur Stakic, j'ai été en contact avec lui
17 plusieurs fois par semaine, soit dans son bureau -j'allais le voir dans
18 son bureau et nous parlions d'affaires à ce moment-là-, mais il nous
19 arrivait également d'aller prendre un verre dans un des cafés
20 environnants. Je n'ai jamais remarqué à aucun moment qu'il tenait des
21 propos ethniques ou des propos qui étaient désagréables envers qui que ce
22 soit.
23 Je voudrais également dire que j'avais plusieurs collègues qui avaient des
24 écoles de conduite et qui étaient Serbes plutôt, mais je ne sais pas pour
25 quelle raison le docteur Stakic m'a engagé, moi, pour coopérer, collaborer
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1 avec lui; je n'étais donc pas Serbe à l'époque, je ne le suis toujours
2 pas. Mais il n'a jamais montré en ma présence de signes de nationalisme,
3 de haine envers des non-Serbes. Et il n'a jamais tenu des propos outrageux
4 contre la religion de qui que ce soit.
5 Question: Vous, en tant que Croate, pourriez-vous nous dire si le docteur
6 Stakic vous traitait comme Serbe ou est-ce qu'il avait une façon
7 différente de s'adresser à vous?
8 Réponse: Il ne faisait absolument aucune différence. Très souvent, nous
9 étions avec d'autres personnes. Si l'on sortait, par exemple, prendre un
10 verre après le travail, nous nous sommes souvent retrouvés avec d'autres
11 personnes. Nous parlions de toutes sortes de sujets. Nous faisions des
12 blagues et il n'a jamais montré de signes de discrimination pour ce qui
13 est de ma présence à moi. Toujours est-il que je n'ai jamais remarqué quoi
14 que ce soit de désagréable de sa part.
15 Question: Monsieur, pourriez-vous nous dire si, pendant que vous étiez
16 avec le docteur Stakic, pendant que vous le fréquentiez, est-ce que vous
17 l'avez vu être violent envers quelqu'un ou menacer quiconque?
18 Réponse: Je n'ai rien remarqué de la sorte, jamais, même pas un seul
19 instant. Personnellement, je le considérais comme étant un médecin, un
20 homme qui était un homme très humain. A chaque fois que l'on a parlé
21 ensemble, nous avons parlé de la vie normale.
22 Question: Pendant que vous vous entreteniez avec le docteur Stakic, est-ce
23 que vous avez entendu ce dernier vous parler d'idéologie radicale? Vous a-
24 t-il parlé de politique nationaliste?
25 Réponse: Non. Et je le dis de façon très claire: en ma présence, jamais,
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1 il n'a dit des choses semblables. Et je crois qu'il n'aurait jamais dit de
2 choses semblables à d'autres personnes non plus. Prijedor est une toute
3 petite ville et, si l'on tient des propos nationalistes, cela ne saurait
4 être dissimulé.
5 Question: Pourriez-vous nous décrire, je vous prie, comment le docteur
6 Stakic s'est-il comporté avec vous, en privé et en public? Ce que j'essaie
7 de déterminer et j'essaie de comprendre si le docteur Stakic vous a traité
8 de façon différente lorsque vous étiez avec lui en public et s'il se
9 comportait avec vous de la même façon lorsque vous étiez ensemble, tout
10 seuls?
11 Réponse: Je vais essayer d'être un petit peu plus clair.
12 Pour ce qui est de notre rapport personnel et des rapports de travail,
13 nous avions beaucoup… C'était toujours la même chose, il me traitait de la
14 même façon. J'ai toujours été traité très bien, avec beaucoup de respect.
15 Il m'arrivait également d'entrer dans son bureau sans m'annoncer et il
16 partageait toujours ses opinions avec moi. Chaque fois que j'avais besoin
17 de ses conseils, il me donnait ses conseils sans aucun problème. Il n'a
18 jamais eu de propos discriminatoires envers personne.
19 Question: Monsieur, pourriez-vous, dans vos propres termes, décrire, s'il
20 vous plaît, la personnalité du docteur Stakic, à savoir celle que vous
21 avez observée vous-même à propos de son intégrité, son caractère et son
22 honnêteté?
23 Réponse: Je ne suis pas psychologue. Je vous ai dit que je suis un
24 économiste par profession. Je suis néanmoins humain et je suis à même de
25 reconnaître ces personnes qui sont comme moi. Autrement dit, je n'aimerais
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1 rien dire contre une autre profession. Néanmoins, je souhaite répondre à
2 votre question.
3 Le docteur Stakic, de par son apparence et son comportement, est quelqu'un
4 qui m'est apparu comme un homme bon. Et le docteur Stakic a été bien reçu
5 par tout un chacun. Il n'a jamais imposé son point de vue à d'autres ou,
6 en tout cas, je ne l'ai jamais vu en train d'imposer son point de vue à
7 d'autres personnes. Par conséquent, je dirais que c'est un homme calme et
8 quelqu'un qui ne se met pas en avant.
9 Question: Monsieur le Président, Messieurs et Madame les Juges, c'est la
10 première fois que je rencontre M. Becner. La défense n'a plus de question
11 à poser au témoin.
12 M. le Président (interprétation): L'accusation, souhaitez-vous procéder au
13 contre-interrogatoire immédiatement?
14 M. McVicker (interprétation): Monsieur le Président, si vous nous le
15 permettez, nous aimerions prendre 5 minutes pour regarder nos notes.
16 M. le Président (interprétation): Vous avez entendu: l'accusation est sur
17 le point de vous poser des questions dans le cadre du contre-
18 interrogatoire, et ce, dans 5 minutes environ.
19 Pourriez-vous attendre quelque 5 minutes? Je ne sais pas ce qui est moins
20 coûteux de garder la ligne ou de la suspendre? Je ne sais pas. Ou faut-il
21 faire une pause?
22 Par conséquent, nous allons attendre et, si je puis, je vais vous demander
23 de rester là où vous êtes; je vous rappellerai dans 5 minutes, lorsque
24 l'accusation sera prête.
25 M. Becner (interprétation): Monsieur le Président, je vous ai bien entendu
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1 et cela ne pose aucun problème.
2 (Matière relative aux éléments de preuve.)
3 M. Koumjian (interprétation): Je ne sais pas si le Président souhaite
4 utiliser le temps que nous avons maintenant. Je pourrais faire des
5 commentaires sur les déclarations 92bis?
6 M. le Président (interprétation): Pour l'instant, je crois que vous devez
7 vous rendre compte, Monsieur, que le témoin peut suivre ce que vous allez
8 dire.
9 M. Koumjian (interprétation): Evidemment. Cela ne me pose aucun problème
10 étant donné que mes déclarations seront d'ordre très général. Il s'agit
11 tout simplement de ce que j'ai passé en revue aujourd'hui. Je pourrais
12 même communiquer au témoin les chiffres.
13 Par conséquent -pardonnez-moi, il n'y a pas de numéro ici-, mais je viens
14 de recevoir une série de documents. Je pense, Monsieur le Président, que
15 vous avez reçu les mêmes documents aujourd'hui, et nous ne soulevons
16 aucune objection quant à ces documents et nous ne demandons pas non plus à
17 ce qu'ils fassent partie du contre-interrogatoire.
18 Nous n'entendons pas, par ailleurs, accepter toutes les conclusions aux
19 déclarations des témoins ou des assertions proposées par ces témoins. Mais
20 nous ne pensons pas qu'il soit particulièrement utile que ces témoins
21 viennent faire leur déposition, ici, à La Haye. Donc nous serions prêts à
22 accepter ces documents et ces déclarations 92bis et à les verser au
23 dossier.
24 M. le Président (interprétation): Je crois que ces commentaires
25 s'appliquent aussi à tous ces sept que nous avons reçus aujourd'hui. Mais
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1 pour être… Oui, ces sept déclarations, pour être tout à fait concret.
2 Vous n'avez aucun problème quant aux questions qui portent sur l'influence
3 du docteur Stakic sur l'armée et, en particulier, sur le fait que ceci
4 n'est pas très clair, à savoir l'endroit où a eu lieu cette mobilisation?
5 M. Koumjian (interprétation): Nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec
6 les conclusions de ces témoins. Il manque en fait certains faits, des
7 éléments concrets, Monsieur le Président, surtout certaines assertions
8 concernant l'influence du docteur Stakic, étant donné que les témoins
9 parlent de l'influence de la position qu'il détenait à ce moment-là.
10 Et nous souhaiterions avoir plus d'informations détaillées sur la
11 mobilisation pour être très honnête. Et nous serions prêts, pour ne pas
12 dire, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, la défense que
13 les témoins ne sont pas allés voir le docteur Stakic et n'ont pas dit: "On
14 ne peut rien faire pour vous. Vous savez qu'en période de guerre, c'est
15 très difficile, en particulier lorsque vous avez un dirigeant politique
16 qui permet d'excuser un certain nombre de personnes parce que ce sont des
17 amis et ces personnes-là ne sont pas obligées de faire leur service
18 militaire. Nous n'acceptons pas cela, et que les témoins sont peut-être
19 allés voir le docteur Stakic et ont eu une réponse négative pour ce qui
20 est en fait de l'exemption du service militaire.
21 M. le Président (interprétation): En conclusion, l'accusation et, bien
22 sûr, la défense ayant soumis cette déclaration, vous seriez d'accord que,
23 sans aucune modification portée à ces déclarations ou à la manière dont
24 ces déclarations ont été formulées, que ces déclarations pourraient être
25 acceptées en tant que telles?
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1 M. Koumjian (interprétation): Oui.
2 M. le Président (interprétation): C'est un petit peu prématuré pour en
3 décider maintenant parce que ces documents n'ont pas été signés encore.
4 M. Koumjian (interprétation): Je dois vous dire également que tous les
5 membres de l'accusation n'ont pas eu le loisir de regarder ces documents
6 encore.
7 M. le Président (interprétation): Mais étant donné que l'accusation
8 reconstitue une seule et même unité, nous considérons que les documents
9 ont été examinés par l'accusation. Donc nous sommes d'accord.
10 La défense souhaite-t-elle faire quelques déclarations ou commentaires eu
11 égard à l'Article 92bis, peut-être au cours de la journée ou demain?
12 M. Ostojic (interprétation): Je ne sais pas en ce qui concerne quatre de
13 ces documents, Monsieur le Président, mais j'aimerais dire au Tribunal,
14 j'aimerais dire que nous ne faisons pas d'objection. Peut-être que nous
15 aurions le temps d'en parler un peu plus tard.
16 Mais pour ce qui est de la mobilisation, et comme ces déclarations
17 l'illustrent, il y aura des pièces jointes à ces déclarations qui
18 constitueront des pièces. Et quant aux questions qui seront posées par le
19 Bureau du Procureur et la Cour, la date du décès, la date de la
20 mobilisation, je crois que ce document a peut-être été versé un petit peu
21 trop tôt. Nous avons passé en revue tous ces différents éléments et nous
22 pensons que ces pièces seront jointes aux déclarations ainsi qu'aux
23 déclarations sous serment, qui nous ont été fournies par ces témoins.
24 M. Koumjian (interprétation): Nous n'avons pas encore un élément. Nous
25 n'avons pas le temps de rechercher et de vérifier les informations
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1 contenues ici, surtout eu égard à la mobilisation des certains individus
2 qui sont mentionnés ici.
3 M. le Président (interprétation): Je pense que tout le monde, dans ce
4 prétoire, convient qu'il est peut-être un petit peu trop tôt pour verser
5 ceci au dossier avant d'avoir la signature de ces documents, ainsi que
6 toutes les pièces jointes.
7 Puis-je demander, s'il vous plaît, à l'accusation si vous voulez commencer
8 votre contre-interrogatoire? Etes-vous prêts?
9 M. McVicker (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Becner, êtes-vous prêt à
11 poursuivre le contre-interrogatoire?
12 M. Becner (interprétation): Oui, je suis prêt.
13 M. le Président (interprétation): Par conséquent, l'accusation, vous avez
14 la parole.
15 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Zoran Becner, par M. McVicker.)
16 M. McVicker (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Monsieur Becner, m'entendez-vous?
18 M. Becner (interprétation): Oui, je vous entends.
19 Question: Monsieur Becner, je m'appelle McVicker et je représente
20 l'accusation aujourd'hui. Ce que j'aimerais faire à l'instant, c'est
21 d'éclaircir certains éléments de votre témoignage. Si vous ne comprenez
22 pas la question que je vous pose, reposez-moi la question, je vous prie.
23 Réponse: Très bien.
24 Question: J'ai quelques questions portant sur vos carabines de chasse.
25 S'agissait-il simplement de carabines de chasse que vous aviez vendues ou
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1 vendiez-vous d'autres types de fusils ou d'armes?
2 Réponse: Je ne vendais que des carabines de chasse. Comme je l'ai déjà
3 dit, il s'agissait en fait de tirer des animaux de petite et de grande
4 taille. C'était donc des fusils de chasse et, de plus, je vendais des
5 pistolets et j'avais un permis pour cela.
6 Question: Des personnes de toutes les origines ethniques venaient-elles
7 acheter vos carabines et vos pistolets?
8 Réponse: Oui, c'est tout à fait exact. Des personnes de toute origine
9 ethnique venaient m'acheter tout cela dans mon magasin. J'ai encore mon
10 registre et, en général, je dois garder dans mon magasin un exemplaire de
11 mon permis de vente d'armes. C'est pour cela que j'ai encore en ma
12 possession ce document.
13 Question: Avez-vous jamais remis de tels documents au Gouvernement serbe
14 en 1992?
15 Réponse: Mon magasin est resté ouvert jusqu'à la prise de pouvoir et, à la
16 suite de la prise de contrôle, comme nous le savons tous déjà, le conflit
17 a éclaté et certains éléments… Par conséquent, les gens n'allaient plus à
18 la chasse et nous n'avions plus besoin de fournir de tels fusils de
19 chasse.
20 Question: Je comprends fort bien, Monsieur Becner, mais la question que je
21 vous ai posée est la suivante: avez-vous personnellement fourni aux
22 autorités de l'époque, aux autorités serbes, avec le nom, la liste des
23 personnes qui avaient acheté vos armes, vos fusils et vos pistolets?
24 Réponse: A la suite de la prise de contrôle des autorités serbes, du côté
25 serbe, si je puis dire, le MUP de Prijedor a mené des inspections de
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1 toutes les entités qui vendaient des armes, de toute la période précédant
2 cette date-là. Au cours de ces tournées d'inspection, ils ont également
3 fouillé ma maison ainsi que mes registres. L'ensemble de mes registres
4 m'ont été retournés ainsi que l'ensemble des armes; Les armes qui
5 n'avaient pas été vendues sont restées dans mon magasin. Il y avait deux
6 carabines, un calibre de 70.4 et 30.6.
7 Question: Savez-vous, pour finir, quel membre du MUP a fait ces tournées
8 d'inspection à Prijedor?
9 Réponse: Il y avait deux policiers de Prijedor qui venaient du MUP. Je ne
10 les connaissais ni l'un ni l'autre, mais j'ai appris à connaître l'un
11 d'entre eux, Kovacevic. Son prénom était peut-être Radovan et les
12 renseignements que j'ai fournis ont été donnés à quelqu'un qui s'appelait
13 Milisav, je crois; c'était un inspecteur du SUP de Prijedor.
14 Question: Merci, Monsieur Becner.
15 J'aimerais éclaircir un point, s'il vous plaît, concernant votre origine
16 ethnique en 1992. Vous avez déclaré que vous aviez des papiers d'identité
17 qui, clairement, indiquaient que vous étiez Croate et que, d'après ce que
18 j'ai compris, vous n'avez pas été enregistré sous la nationalité croate.
19 Par conséquent, j'aimerais que ceci soit clair. Quelle était votre origine
20 ethnique en 1992?
21 Réponse: Je dois dire que lorsqu'un enfant est né, personne ne demande à
22 cet enfant quelle est son origine ethnique. C'est quelque chose qui est
23 inscrit dans l'acte de naissance; mon origine ethnique était inscrite dans
24 mon acte de naissance et personne ne m'a jamais demandé quelle était mon
25 origine ethnique.
Page 12494
1 Je vais préciser, si vous le voulez. Je vis dans un endroit, je vis dans
2 un village qui est un petit peu à l'extérieur de Prijedor, où il y a
3 beaucoup de Serbes et, malgré le fait que mes parents faisaient partie du
4 Mouvement des partisans, personne n'a jamais méprisé ma famille, ni par le
5 passé ni maintenant.
6 Question: Lors du recensement de 1992, quelle origine ethnique avez-vous
7 déclaré?
8 Réponse: Croate.
9 Question: Maintenant, j'aimerais passer aux événements qui ont eu lieu aux
10 alentours du 30 avril 1992. Etiez-vous à Prijedor ce jour-là?
11 Réponse: Le 30 avril, comme je l'ai déclaré, j'étais dans une zone de
12 résidence, à 3,5 kilomètres de la ville. On ne recommandait à personne à
13 ce moment-là de se déplacer dans les rues de la ville et aux alentours;
14 cela n'était souhaitable pour personne, y compris moi-même.
15 (L'interprète note qu'elle n'a pas entendu le nom de l'endroit.)
16 Question: Le témoin pourrait-il, s'il vous plaît, clarifier le nom de
17 cette localité?
18 Réponse: La localité s'appelle Gomjenica. Avant la guerre, il y avait une
19 rue qui s'appelle Partizanska Street à cet endroit-là.
20 Question: Monsieur Becner, avez-vous été impliqué dans des activités de
21 combat entre le 30 avril 1992 et le 30 septembre 1992?
22 Réponse: Non, pas du tout.
23 Vers la fin du mois d'août, ou plutôt au début du mois d'août, je faisais
24 partie des unités territoriales dans la commune locale.
25 Question: Pourriez-vous préciser, s'il vous plaît, ce que vous entendez
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1 par "unité territoriale de la commune locale", s'il vous plaît?
2 Réponse: A ce moment-là, et surtout après le 30 avril, dans les communes
3 locales, des commissions avaient été établies. C'était un système
4 d'autodéfense et ces commissions avaient mis en place des gardes de nuit,
5 tout au long des frontières des villages qui avaient une frontière avec
6 d'autres entités, ou plutôt des entités où résidaient des Musulmans dans
7 ce cas précis.
8 Question: Avez-vous personnellement rencontré ou échangé des propos avec
9 le docteur Stakic entre le 30 avril 1992 et aux environs du 30 septembre
10 1992?
11 Réponse: Non, jamais. A ce moment-là, c'était impossible. J'étais à
12 Gomjenica et je ne sais pas où il se trouvait et je ne savais quel métier
13 il exerçait.
14 Question: Vous dites, Monsieur Becner, que c'était connu de tous que le
15 docteur Stakic était le président de la cellule de crise, en été 1992?
16 Réponse: Je sais que le docteur Stakic était le président d'une
17 municipalité; je ne sais pas quelle fonction il a rempli par la suite. Je
18 ne sais pas parce que cela ne m'intéressait pas et cela n'intéressait pas
19 les autres personnes. La situation était telle, en tout cas à l'endroit où
20 je vivais, que les gens ne s'en préoccupaient pas. Moi-même et mes
21 voisins, nous ne nous en préoccupions pas.
22 Question: Au cours de votre témoignage, vous avez dit que vous avez évoqué
23 des affaires courantes dans les bureaux du docteur Stakic.
24 Pourriez-vous dire quels étaient les propos que vous avez tenus avec le
25 docteur Stakic à ce moment-là?
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1 Réponse: La première fois, nous avons parlé de la mise en place de mon
2 école de conduite, la part de mon école de conduite qui devait être
3 reversée au médecin du travail et aux autres personnes qui devaient
4 établir les certificats médicaux. A l'époque, en fait, j'avais surtout des
5 tâches administratives. Je m'occupais de gestion et il s'agissait
6 d'établir des certificats médicaux, alors que les entités qui
7 établissaient ces certificats médicaux étaient en fait la société qui
8 regroupait les médecins du travail.
9 Question: Avez-vous jamais évoqué d'autres questions avec le docteur
10 Stakic lorsque vous étiez dans son bureau?
11 Réponse: Le temps est passé; par conséquent, c'est difficile pour moi de
12 me rappeler tous les détails de cette conversation. Néanmoins, ce que je
13 puis dire, ce que je devrais dire, en tant que personne, j'estime que ces
14 questions ne portaient nullement sur le nationalisme ou d'autres problèmes
15 liés à la situation de l'époque. Notre conversation portait surtout sur
16 des affaires commerciales ou d'autres questions qui seraient abordées dans
17 toute conversation normale, si je puis dire.
18 M. McVicker (interprétation): Donc votre société versait de l'argent à la
19 clinique regroupant des médecins du travail du Dr Stakic. Est-ce exact?
20 M. Ostojic (interprétation): Je m'oppose à la manière dont la question a
21 été formulée.
22 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous vous expliquer, s'il vous
23 plaît?
24 M. Ostojic (interprétation): Je ne pense pas que le témoin ait clairement
25 déclaré qu'il y avait une clinique pour la médecine du travail entièrement
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1 détenue par le docteur Stakic, à moins que ce soit des éléments qu'on ait
2 déduits de son témoignage.
3 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous reformuler votre question,
4 s'il vous plaît?
5 M. McVicker (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Le docteur
6 Stakic dirigeait-il la clinique regroupant les médecins du travail?
7 M. Becner (interprétation): Oui.
8 Question: Votre société versait-elle de l'argent à cette clinique?
9 Réponse: Je dois préciser cela. Nous avions mis en place un partenariat.
10 Nous avions donc une relation d'affaires. Ma société s'occupait de
11 l'organisation de tout cela et, par conséquent, de l'argent que nous
12 avions recueilli, à savoir les certificats médicaux. Nous recueillions un
13 pourcentage de son montant et, également, l'autre partie représentait des
14 coûts, à savoir les coûts d'occupation de cette clinique qui regroupait la
15 médecine du travail, ainsi que des salaires en fait des personnes qui
16 travaillaient, ainsi que des avantages sociaux pour les personnes qui
17 travaillaient à mi-temps.
18 Question: Vous avez également déclaré, dans votre témoignage, que vous
19 rencontriez le docteur Stakic en dehors du travail?
20 Réponse: Oui, c'est exact.
21 Question: Pourriez-vous me parler des autres personnes qui étaient
22 présentes lors de ces réunions-là, en dehors du travail?
23 Réponse: Il y avait le feu docteur Mico Kovacevic, Balaban Slobodan, avec
24 qui je suis allé à l'université en même temps que lui, et Vaso Cvijic, qui
25 était le directeur de la société Zitopromet et d'autres personnes.
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1 Question: Le docteur Kovacevic a-t-il jamais fait montre de sentiment
2 nationaliste en votre présence, et ce, devant le Dr Stakic?
3 Réponse: Non, jamais. Le docteur Mico Kovacevic était une personne
4 agréable, une personne d'un tempérament joyeux. Il était agréable d'être
5 avec lui. En tout cas, il n'a jamais fait montre de sentiment nationaliste
6 en ma présence, ni à l'égard de moi-même ni lorsqu'il s'entretenait avec
7 le docteur Milomir Stakic.
8 M. McVicker (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai plus de
9 question pour l'instant.
10 (Questions de M. le Président au témoin, M. Zoran Becner.)
11 M. le Président (interprétation): Puis-je simplement poser quelques
12 questions supplémentaires, s'il vous plait?
13 Monsieur, avez-vous une autre nationalité, hormis la nationalité croate?
14 M. Becner (interprétation): Je n'ai pas deux origines ethniques. Mais
15 toutes les fois que je me présente, comme je vous l'ai dit, j'ai dit que
16 mon père était Allemand et que j'ai des origines allemandes si vous
17 voulez. Mais dans l'ex-Yougoslavie de Tito et, en particulier, après la
18 mise en place de la Yougoslavie sous Tito, ce n'était pas très confortable
19 d'être Allemand.
20 Par conséquent, comme ma mère était Croate, mes frères et sœurs ont tous
21 été enregistrés comme Croates. En tout cas, c'est ce qui figure sur nos
22 actes de naissance.
23 Question: Merci. J'aimerais encore clarifier un autre point: où viviez-
24 vous en avril 1992?
25 J'ai une carte sous les yeux et je vous demande, s'il vous plaît, de me
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1 dire si c'est près de Prijedor, dans le voisinage de Prijedor? Quel est
2 l'emplacement exact et le nom exact de la localité dans laquelle vous
3 résidiez?
4 Réponse: Gomjenica est le nom de cette localité. Lorsqu'on remonte la
5 rivière Sana et la rivière Gomjenica, c'est à peu près à quelques
6 kilomètres… 3,5 kilomètres du centre de la ville; le nom de ma rue était
7 Partizanska et j'habitais au n°323.
8 Question: Il y a en fait une localité assez importante qui porte le nom de
9 Gomjenica. Pourriez-vous m'indiquer le hameau dans lequel vous habitiez?
10 Réponse: C'est sur la route de Prijedor-Tomasica. C'est là où vous
11 trouverez ce petit hameau qui s'appelle Gomjenica. Vous traversez le pont,
12 vous traversez la rivière Gomjenica et ensuite vous passez devant Tomasica
13 et vous passez devant Sanicani, qui est un lac où il y a des poissons, qui
14 se trouve à l'extrémité de cette localité, quasiment au bout de cette
15 route principale, qui traverse cette localité de Gomjenica.
16 Question: Avez-vous jamais, en avril ou mai 1992, avez-vous jamais entendu
17 ou vu des hélicoptères atterrir dans cette région?
18 Réponse: Gomjenica est une localité assez paisible, en particulier à
19 l'endroit où j'habitais. A ce moment-là, les hélicoptères n'avaient nul
20 besoin de survoler notre région et, du reste, ils n'ont pas survolé notre
21 région à ce moment-là.
22 Question: A ce moment-là, avez-vous vu des mouvements ou des hélicoptères
23 tournoyer dans votre région, à partir du début 1992, et ce, jusqu'à la mi-
24 septembre 1992?
25 Réponse: Non.
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1 Question: Merci. Je déduis de votre déposition que vous ne voyiez pas le
2 docteur Stakic avant septembre 1992, si ce n'est que vous le rencontriez,
3 et ces rencontres… ou lorsque vous le rencontriez, vous vous faisiez
4 simplement signe de la tête. Est-ce exact?
5 Réponse: Oui, c'est exact.
6 Question: Avez-vous déjà rencontré la famille du docteur Stakic?
7 Réponse: Non.
8 Question: Vous nous avez présenté dans le détail la personnalité du
9 docteur Stakic. Pourriez-vous à présent nous dire sur quoi se fondent ces
10 affirmations?
11 Réponse: C'est une question difficile. La réponse passerait par une
12 obligation morale dans mon chef. J'ai dit au départ que j'étais une
13 personne humaine de par nature, dès l'école secondaire. Lorsque d'autres
14 ne voulaient pas se jeter dans la Sana, j'ai sauvé deux personnes de la
15 noyade et j'ignore leurs noms jusqu'à ce jour.
16 Je pense également qu'il est humain, qu'il est moral, qu'il est honnête de
17 dire quelque chose au sujet d'une personne dont on a connu quelque chose.
18 Tout ce que je dois dire, c'est que j'ai parlé de la manière dont j'ai
19 perçu le docteur Stakic.
20 Question: Pourriez-vous nous dire à quelle fréquence vous rencontriez le
21 docteur Stakic, plus ou moins?
22 Réponse: Deux à trois fois par semaine.
23 Question: Pourquoi était-il nécessaire que vous vous rencontriez deux à
24 trois fois par semaine?
25 Réponse: Ce n'était par besoin ni par obligation. Tout simplement, deux
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1 fois par semaine, je devais participer à des examens. Lui aussi. Et donc,
2 après cela, nous prenions un verre, c'était logique. Je me rendais là,
3 puis il y avait les examens et nous prenions un verre après.
4 Question: Avez-vous déjà rencontré le docteur Stakic dans les bâtiments de
5 l'assemblée municipale de Prijedor?
6 Réponse: Non, jamais.
7 Question: Vous rappelez-vous les événements du 30 avril 1992?
8 Réponse: Tous les habitants de Prijedor se souviennent de ces événements,
9 mais chacun a sa propre perception. Tout comme l'endroit où se trouvaient
10 les gens à l'époque était différent également.
11 Moi et ma femme, nous étions à Gomjenica. Je vous l'ai dit, l'électricité
12 avait été coupée et nous avons connu de nombreux problème au quotidien.
13 Avant ces événements, il existait des tensions à Prijedor et je trouvais
14 cela très difficile à accepter. J'ai toujours été défenseur d'une
15 fédération, d'une fédération faible à l'époque, mais les événements ont
16 pris une autre tournure. Dans un tel contexte, l'impact de ma contribution
17 était insignifiant.
18 Question: Comment avez-vous eu connaissance de la prise du pouvoir par les
19 Serbes en avril 1992?
20 Réponse: Par les médias, la radio, la télévision. En fait, la radio.
21 Question: Qui a annoncé la prise du pouvoir à la radio?
22 Réponse: Il faut que je réfléchisse. L'un de speakers, je ne me souviens
23 plus si c'était Senad Dzapic ou Marinovic ou quelqu'un d'autre. Je ne me
24 souviens pas.
25 Je voudrais ajouter quelque chose avec votre permission. Comme partout, il
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1 existe également la rumeur, le téléphone arabe qui transmet des nouvelles
2 et des rumeurs circulent sur plusieurs événements.
3 Question: Avez-vous déjà entendu le docteur Stakic à la radio ou l'avez-
4 vous vu à la télévision en 1992?
5 Réponse: Non.
6 Question: Pour être franc, j'ai été un petit peu surpris de vous entendre
7 dire que vous ne saviez pas quel était le travail du docteur Stakic et,
8 ensuite -je cite-: "Ce qui se passait ne m'importait pas."
9 En 1992, avez-vous eu vent des centres de recherche, des camps, enfin, je
10 ne sais pas quelle est l'expression que vous préférez?
11 Réponse: Lorsque j'ai dit que ça m'intéressait pas, peut-être me suis-je
12 mal exprimé. Pour dire les choses plus simplement, je ne pouvais pas
13 exercer d'influence sur les cours des événements. C'est la raison pour
14 laquelle j'ai dit que les choses ne m'importaient pas, mais ce n'était
15 peut-être pas la meilleure expression.
16 Pour ce qui est des camps, je n'ai jamais séjourné dans l'un d'entre eux
17 et, comme je viens de le dire, les nouvelles étaient colportées par un
18 système dont je peux pas vraiment dire s'il représentait de manière fiable
19 la situation.
20 Question: Dernière question: avez-vous rencontré M. Simo Drljaca?
21 Réponse: Je ne l'ai rencontré qu'à une reprise. Lors de la guerre, nous
22 nous saluions à distance, car nous nous connaissions déjà avant la guerre.
23 Il a appris à conduire à mon école de conduite, ainsi que sa femme.
24 Question: Vous avez donné certaines caractéristiques concernant la
25 personnalité du docteur Stakic. Quelle serait dès lors votre impression
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1 personnelle de Simo Drljaca?
2 Réponse: Lorsque j'ai connu feu Simo Drljaca, il travaillait à l'école
3 primaire de Prijedor, il était féru de pêche et il n'était guère en vue à
4 Prijedor. Au cours de la guerre, je n'ai pas eu l'occasion de lui parler
5 ou de le voir.
6 Question: Excusez-moi, j'ai oublié de vous demander: a-t-il été possible
7 pour vous de garder ouverte votre école de conduite entre mai et septembre
8 1992?
9 Réponse: A ce moment-là, aucune des entreprises ne fonctionnait, aucune
10 des écoles de conduite et mon école ne faisait pas exception à la règle.
11 Ce n'est qu'en 1993, en mai 1993, que les sociétés furent rouvertes, que
12 l'économie a redémarré et que mon entreprise a pu reprendre ses activités.
13 Question: A quel moment votre entreprise a-t-elle cessé ses activités: en
14 1992 ou plus tôt? Et pour quelle raison?
15 Réponse: Un petit peu avant avril 1992, l'entreprise à propriété sociale
16 de Prijedor, qui était l'école de conduite et dont j'étais le directeur,
17 conformément à la législation, a distribué ses actifs, a réparti ses
18 actifs entre les entreprises qui ont pu créer leur propre école de
19 conduite. La loie en question était la loi Markovic. Les écoles de
20 conduite qui ont été créées se sont ouvertes, mais il n'y a pas d'intérêt
21 de la part des candidats potentiels, donc il n'y avait pas d'interdiction
22 à l'égard des activités des écoles de conduite à l'époque, ou même des
23 autres entreprises, mais les conditions objectives ne permettaient pas le
24 fonctionnement des entreprises. Il y avait des barrages routiers dans les
25 différentes communes, sur les routes; les routes n'étaient dès lors pas
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1 praticables et, pour cette raison, les écoles de conduite ne
2 fonctionnaient pas et leurs activités ne répondaient pas aux besoins du
3 public à l'époque.
4 Question: Je vous remercie. Comment avez-vous gagné votre vie entre avril
5 et septembre 1992?
6 Réponse: A cette époque-là, personne ne gagnait sa vie. Je faisais partie
7 du nombre, ainsi que ma femme et d'autres personnes qui travaillaient dans
8 les entreprises d'Etat.
9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres
10 questions.
11 Monsieur le Juge Vassylenko, s'il vous plaît?
12 (Questions du Juge Vassylenko au témoin, M. Zoran Becner.)
13 M. Vassylenko (interprétation): J'ai deux questions.
14 Quelles étaient les relations entre le docteur Stakic et Simo Drljaca,
15 entre avril 1992 et septembre 1992?
16 M. Becner (interprétation): Je ne peux pas répondre à cette question parce
17 que je ne les ai jamais vus ensemble. Je peux donc pas vous dire quelle
18 était la nature de leurs relations. Je ne peux que supposer qu'ils étaient
19 amis, mais je n'en ai pas la certitude.
20 Question: Quelle était la relation entre le docteur Stakic et le docteur
21 Kovacevic au cours de cette même période?
22 Réponse: Je pense également qu'ils étaient amis et partenaires d'affaires.
23 Je pense, car le docteur Kovacevic était le supérieur du docteur Stakic.
24 Le docteur Kovacevic était directeur du centre médical et le docteur
25 Stakic était chef du département de la médecine du travail. Je pense donc
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1 que leurs relations peuvent être qualifiées des bonnes. Ils étaient
2 collègues et amis.
3 Question: Je vous pose la question de la relation entre le docteur Stakic
4 et le docteur Kovacevic, entre le 30 avril 1992 et septembre 1992?
5 M. Becner (interprétation): Veuillez m'excuser, je n'avais pas compris
6 votre question.
7 A cette époque, je n'ai jamais été en mesure de les rencontrer tous les
8 deux en même temps; donc je ne peux pas vous pas vous répondre, mais, à
9 partir de la mi-1993, la relation était telle que je viens de la décrire.
10 M. Vassylenko (interprétation): Je n'ai plus de question.
11 M. le Président (interprétation): Le Juge Argibay, pas de questions?
12 Je voudrais demander à présent à la défense s'il y a d'autres questions à
13 la suite du contre-interrogatoire ou des questions des Juges?
14 M. Ostojic (interprétation): Oui, si vous me le permettez.
15 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
16 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Zoran Becner, par
17 Me Ostojic.)
18 M. Ostojic (interprétation): Je voudrais poser une question au sujet d'une
19 question qui a été posée par le Président de cette Chambre d'instance.
20 Vous avez dit à la page 22, ligne 6, qu'il n'y avait pas d'eau et
21 d'électricité. Je voudrais bien savoir de quelle période vous parlez.
22 Est-il vrai qu'il n'y avait ni eau ni électricité dans la municipalité de
23 Prijedor le 30 mai 1992, date de l'attaque de l'hôtel de ville?
24 M. Becner (interprétation): Il faut que je réfléchisse. Je pense qu'à
25 l'époque, il y avait de l'électricité, mais il y avait souvent des
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1 coupures. Et, comme moi j'habitais en banlieue, où la pression d'eau est
2 très faible, dès qu'il y a des problèmes dans le circuit, nous étions
3 privés d'eau.
4 Question: Vous êtes un homme instruit, intelligent. Je voudrais vous poser
5 la question suivante: est-ce que le docteur Stakic avait des idées
6 nationalistes radicales ou des préjugés à l'encontre des Croates? Si tel
7 avait été le cas, vous auriez pu les déceler ces caractéristiques, n'est-
8 ce pas?
9 Réponse: Certes, il y avait d'autres écoles de conduite, mais je pense que
10 la manière dont il me traitait, effectivement, indiquait cela et il n'a
11 pas fait preuve de nationalisme. Dans mon équipe, il y avait une
12 infirmière, Suada, qui était Musulmane, et elle pouvait travailler là-bas
13 sans problème. Le docteur Stakic n'a jamais opéré de distinction entre les
14 membres de son personnel.
15 Dans le département de médecine du travail, le climat était tel qu'il n'y
16 avait pas de signe de nationalisme. L'esprit de coopération était bon au
17 sein de ce département.
18 M. Ostojic (interprétation): Merci. Nous n'avons plus de question. Merci,
19 Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Merci. L'accusation a-t-elle d'autres
21 questions?
22 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Zoran Becner, par M.
23 McVicker.)
24 M. McVicker (interprétation): Juste une question.
25 Pour réagir à la question que vient de poser Me Ostojic, votre évaluation
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1 est basée sur une période qui date après le 30 septembre 1992?
2 M. Becner (interprétation): Oui.
3 M. McVicker (interprétation): Je n'ai plus de question.
4 M. le Président (interprétation): Il ne me reste, Monsieur Becner, qu'à
5 vous remercier de votre témoignage à Banja Luka.
6 M. Becner (interprétation): Je vous remercie également.
7 (Le témoin, M. Zoran Becner, n'apparaît plus à l'image.)
8 (Matière relative aux éléments de preuve.)
9 M. le Président (interprétation): Je vais demander à Mme Dahuron de
10 repasser à nouveau sur l'écran.
11 Mme Dahuron (interprétation): Vous m'entendez?
12 M. le Président (interprétation): Je voudrais confirmer que l'ordre reste
13 inchangé pour les journées à venir. Cela signifie que, pour demain, nous
14 avons le témoin 039 pendant trois heures et demie, approximativement.
15 Mme Dahuron (interprétation): Oui, ce sont les dernières informations que
16 j'ai.
17 M. le Président (interprétation): Ensuite, 037, deux heures et demie,
18 mercredi.
19 Mme Dahuron (interprétation): Cela correspond aux informations.
20 M. le Président (interprétation): Et jeudi, étant donné que ce sont des
21 informations cruciales, 030, pendant une heure: est-ce que c'est exact?
22 Mme Dahuron (interprétation): Je n'ai pas encore reçu la mise à jour.
23 M. le Président (interprétation): Je voudrais avoir toute la certitude et
24 je voudrais pouvoir entendre ce témoin pour le temps prévu pour
25 l'interrogatoire principal, car le temps nous est compté jeudi.
Page 12508
1 Je vous remercie. Au revoir. Je vous souhaite une bonne fin de journée à
2 Banja Luka.
3 Ceci met un terme à la vidéoconférence.
4 L'audience est levée jusqu'à 16 heures 45.
5 (L'audience, suspendue à 16 heures 11, est reprise à 16 heures 55.)
6 (Questions relatives à la procédure.)
7 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir. Je suis vraiment
8 navré du délai, mais il y avait une question très importante qu'il fallait
9 résoudre pendant la pause. Je n'ai pas mis fin à la session d'aujourd'hui
10 tout de suite après avoir entendu le témoin qui a témoigné par
11 visioconférence, simplement pour pouvoir anticiper les jours à venir et en
12 discuter.
13 Passons d'abord à huis clos partiel.
14 (Huis clos partiel à 16 heures 56.)
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23 (L'audience est levée à 17 heures 38.)
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