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1 (Mardi 15 avril 2003.)
2 (Audience publique.)
3 (Duplique de l'accusation.)
4 (L'audience est ouverte à 10 heures 12.)
5 M. le Président (interprétation): Nous allons donc immédiatement
6 poursuivre dans le cadre des réquisitoires et plaidoiries. La parole est à
7 l'accusation.
8 Auparavant, je souhaiterais m'adresser à la défense aussi bien qu'au
9 Procureur. Je souhaiterais vous dire que pour nous, les Juges, l'objectif
10 des réquisitoires et plaidoiries, ce n'est pas de mener un combat, un
11 combat opposant les parties. Je crois que l'objectif principal de cet
12 exercice, c'est de convaincre les Juges de la Chambre et j'espère que nous
13 continuerons dans cet esprit.
14 Monsieur Koumjian, vous avez la parole.
15 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur
16 les Juges, après avoir écouté la défense hier, je suis rentré chez moi
17 assez tard -j'ai une bibliothèque quelque peu réduite chez moi-, j'ai
18 réfléchi aux arguments qui nous ont été donnés et j'ai trouvé dans ma
19 bibliothèque un livre qui contient un passage qui m'a paru intéressant.
20 Notre affaire a trait à Prijedor et bien que toute analogie historique
21 soit d'un intérêt limité, soit de portée limitée, je pense qu'il est
22 intéressant de lire la dépêche suivante qui venait d'un jeune consul
23 occidental à son ambassadeur le 24 juillet 1915. Ce consul a écrit -je
24 cite-: "Apparemment tout avait été planifié des mois auparavant. Au départ
25 quelques-uns -une poignée d'hommes- avaient été accusés de participer à un
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1 complot révolutionnaire, ils ont été arrêtés. On a trouvé des bombes. Puis
2 de nouvelles arrestations ont eu lieu.
3 Ceux qui ont été arrêtés ont été soumis à des tortures atroces. Il a été
4 donné ordre que toutes les armes soient remises aux autorités. Dans le
5 même temps, les autorités ont arrêté tous les dirigeants; les autorités
6 ont déclaré que tous ces gens avaient participé à un complot contre le
7 gouvernement. Plusieurs centaines d'éminents membres de la société ont été
8 jetés en prison, puis expulsés. Il est indéniable qu'ils ont été ensuite
9 assassinés quelques heures plus tard et à quelques heures de distance de
10 cet endroit.
11 Quand on a pu se débarrasser de tous ces hommes et que toutes les armes
12 ont été remises à la police, on a annoncé que toute la population devait
13 être déportée.". (Fin de citation.)
14 Ceci vient de Harput en 1915, c'est de là que vient cette dépêche.
15 La défense accuse l'accusation de faire preuve de beaucoup trop
16 d'imagination. Nous affirmons quant à nous que ces crimes qui ont eu lieu
17 à Prijedor ne sont pas uniques dans l'histoire. Ce qui est unique
18 cependant dans l'histoire c'est que nous avons un Tribunal international
19 qui essaie d'examiner les faits pour faire la justice suite à des crimes
20 atroces qui ont été commis. Nous travaillons dans une institution unique
21 en son genre et nous sommes tous investis d'un devoir très important vis-
22 à-vis de l'Histoire et vis-à-vis de la Justice internationale.
23 Je ne vais revenir que sur un certain nombre de points qui ont été évoqués
24 au cours de la plaidoirie de la défense. D'abord, quelques corrections. On
25 nous a parlé du témoignage de M. Brown, on a fait référence à ce qu'il
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1 nous avait dit. La défense affirme que dans son rapport M. Brown aurait dû
2 s'appuyer sur la pièce D6 et que son rapport ne saurait être considéré
3 comme digne de foi puisqu'il n'a pas examiné ce document. Il s'agissait
4 d'un rapport de M. Ramic un combattant musulman. Or, M. Brown, à la page
5 49 dans la note de bas de page 242, fait référence à ce rapport ainsi qu'à
6 la page 50 note de bas de page 246, page 51 note de bas de page 258, et au
7 compte rendu d'audience de sa déposition à la page 8602.
8 Donc, la défense s'est trompée lorsqu'elle a dit que M. Brown n'avait pas
9 examiné ce document et ne l'avait pas apporté à l'attention de la Chambre
10 de première instance. Ce document, c'est le document D12.
11 D'autre part, je voudrais revenir sur le rapport de M. Sebire, document
12 S281-3. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair dans mon
13 introduction, dans mes déclarations liminaires. C'est un document qui
14 reprend des déclarations de décès qui ont été communiquées à un Tribunal,
15 et il est expliqué à la figure 2 du rapport de M. Sebire, page 13, de quoi
16 il retourne. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, l'accusation
17 n'affirme pas que l'on retrouve ici dans ce rapport et sur ce graphique
18 toutes les personnes qui ont été tuées à Prijedor en 1992.
19 Monsieur Sebire nous a expliqué dans son rapport et pendant sa déposition
20 également que ces déclarations de décès auprès du Tribunal sont faites de
21 manière volontaire par les membres de la famille des personnes décédées.
22 Il y a un certain nombre de procédures à suivre auprès du Tribunal. Il
23 faut payer une taxe. Il y a un certain nombre de conditions à répondre
24 donc. Ensuite, le Tribunal fait une déclaration de décès. Si bien que la
25 défense a raison, le nombre de personnes qui sont représentées sur ce
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1 graphique ne représente qu'une partie des personnes qui ont été tuées dans
2 la population.
3 Je pense cependant que ce document nous donne une bonne idée de ce qui
4 s'est passé et du moment où les personnes en question ont été tuées. Le
5 graphique porte jusqu'à la période finissant en octobre 1992, mais M.
6 Sebire nous explique qu'il n'y a pas eu de meurtres en novembre et en
7 décembre 1992 pour lesquels on ait fait une déclaration de décès auprès du
8 Tribunal.
9 Le rapport et le graphique nous montrent clairement que les meurtres ont
10 commencé en mai et ensuite sont montés en flèche pour atteindre leur point
11 culminant en juillet au cours du nettoyage de la région de Brdo, puis
12 ensuite que cela a diminué après la visite des journalistes en août 1992.
13 Il y a encore un certain nombre de documents sur lesquels je souhaiterais
14 revenir. Le document SK46. La défense fait référence à une déclaration
15 faite par le docteur Stakic dans la salle municipale devant le SDS où il
16 dit: "Je pense que les deux ou trois mois à venir sont extrêmement
17 importants. Il faut relancer la machine économique, et la paix doit être
18 préservée à tout prix."
19 D'autre part, premièrement, l'accusation n'a jamais dit que le docteur
20 Stakic ou d'autres participants à l'entreprise criminelle conjointe avait
21 annoncé leur intention publiquement ou autrement qu'en cercle restreint.
22 Vous vous souviendrez de l'interview de M. Zeljaja lorsqu'il a indiqué
23 qu'il y avait deux groupes de commandement à la caserne: un groupe
24 restreint et un groupe élargi. Le groupe restreint étant le seul auquel il
25 pouvait faire confiance. Mais si vous examinez l'Acte d'accusation vous
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1 constaterez au paragraphe 27 que cette entreprise criminelle commune a
2 évolué. Tout le monde ne s'y est pas joint au même moment et qu'elle a
3 évolué.
4 La défense ne nous a communiqué aucune déclaration du docteur Stakic faite
5 après le début du conflit le 23 mai 1992. Et d'ailleurs, si vous examinez
6 la pièce S47, l'interview du docteur Stakic dans "Kozarski Vjesnik" en
7 1994, il parle des événements et dit qu'ils s'inscrivent dans le cadre
8 d'un plan dangereux et à long terme pour les Serbes.
9 Dans le cadre de sa plaidoirie, la défense nous a présenté un nouveau
10 document, le document D322. Quelques observations à ce sujet. La raison
11 pour laquelle ces cartes du SDS ont été produites, c'est que j'avais
12 l'impression -d'après ce que nous disait la défense même au moment où M.
13 Kuruzovic a déposé- que la défense affirmait que le docteur Stakic n'était
14 pas membre du SDS. Or, il ne semble pas que cela soit le cas, si on écoute
15 les arguments de la défense, la défense ne semble pas le contester. Et je
16 pense que rien de ce qui a été présenté par la défense dans cette pièce
17 D322 ne change quoi que ce soit dans ce que j'ai dit dans mes déclarations
18 liminaires.
19 Ce que nous montre ce document, c'est que jusqu'à hier encore, l'accusé
20 portait sur lui trois cartes, trois calendriers avec le sigle du SDS. Des
21 calendriers de 2001 sur lesquels figurent les symboles et le sigle du SDS.
22 L'accusation a toujours affirmé quant à elle, que le docteur Stakic au
23 moment des élections de 1990 au moment où il s'est porté candidat pour
24 devenir membre de l'assemblée pour le SDS, que le docteur Stakic était
25 donc membre du SDS; il en est ensuite devenu le vice-président, il est
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1 resté membre du SDS pendant toute la période menant à son arrestation.
2 Dans ces arguments contre le chef de génocide en l'espèce contre
3 l'existence d'un plan criminel, d'une entreprise criminelle conjointe, la
4 défense nous dit qu'il n'est pas possible qu'il ait existé un plan destiné
5 à tuer autant de personnes parce qu'on nous dit au moment où Hambarine a
6 été attaquée, pourquoi à ce moment-là l'attaque ne s'est-elle pas
7 poursuivie sur d'autres villages?
8 Permettez-moi de revenir sur ce qu'a dit la défense sur Hambarine. D'abord
9 la défense nous a dit qu'Aziz Aliskovic aurait dû se constituer prisonnier
10 suite à l'attaque contre Hambarine, une attaque contre des soldats d'après
11 la défense du moins. Je souhaiterais vous rappeler le témoignage du
12 docteur Mujadzic qui nous a dit que les soldats blessés étaient étendus
13 par terre et qu'il leur a apporté des soins dans la mesure de ses
14 disponibilités sans disposer de sa trousse.
15 On n'a donc nullement essayé de tuer, d'exécuter des soldats serbes
16 puisque ces soldats, on ne leur tirait pas dessus, c'est le chef du SDS
17 qui a essayé de leur apporter des soins dans ce champ.
18 La défense affirme qu'Aziz Aliskovic aurait dû se constituer prisonnier.
19 Même si nous acceptons les arguments de la défense au sujet de ce qui
20 s'est produit, même si nous acceptons l'argument selon lequel Aziz
21 Aliskovic aurait dû se constituer prisonnier, ce que ne nous explique pas
22 la défense c'est comment cela pourrait justifier l'attaque menée contre
23 Hambarine.
24 Même l'expert militaire de la défense, bien qu'il ne l'ait pas dit dans
25 son rapport écrit, a admis lors de sa déposition qu'il n'y avait aucune
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1 raison, aucun motif militaire pour expliquer l'attaque contre Hambarine où
2 au minimum 40 à 50 maisons ont été détruites; des maisons qui ont été
3 aperçues par un témoin de la défense à partir de la route principale.
4 Y avait-il un conflit armé à la défense? Oui.
5 L'accusation a toujours affirmé qu'il y avait un conflit armé à Prijedor.
6 Il y avait d'ailleurs des combattants, des gens tels que slavko Ecimovic
7 qui indéniablement était un combattant et qui, après l'attaque contre la
8 population civile de Hambarine et après l'attaque contre la population
9 civile de Kozarac, a lancé une attaque désespérée à la tête d'hommes très
10 faiblement armés.
11 M. le Président (interprétation): Je vous interromps puisque vous évoquez
12 ce point, ceci n'a pas été contesté par la défense. Mais est-ce que vous
13 considérez que ce conflit armé était un conflit armé interne ou un conflit
14 international?
15 M. Koumjian (interprétation): Nous avons déclaré qu'il s'agissait d'un
16 conflit qui n'était pas déterminé exactement dans le sens où vous
17 l'entendez. Nous n'avons pas reproché à l'accusé des crimes qui
18 nécessitent l'existence d'un conflit armé international. Il suffit pour
19 ces crimes qu'il y ait eu conflit armé. Les éléments de preuve n'ont pas
20 permis de déterminer la nature du conflit.
21 La défense nous a dit que la JNA était présente et ils ont même présenté
22 la résolution du Conseil de sécurité qui appelait la JNA à quitter la
23 Bosnie-Herzégovine à la mi-mai 1992.
24 Mais s'agissant de notre affaire, ce conflit reste indéterminé parce qu'il
25 y avait conflit armé. Qu'il y ait eu intervention extérieure dans ce
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1 conflit n'est pas nécessaire pour nous, ce n'est pas un élément à décharge
2 qui figure à l'Acte d'accusation.
3 Ce qui est indéniable c'est qu'il y avait un conflit armé.
4 Ce que je voulais dire au sujet de Slavko Ecimovic et des personnes qui
5 ont défendu Kozarac, c'est la chose suivante. On nous a dit que Becir
6 Medunjanin a aussi aidé à organiser la Défense territoriale de Kozarac. Si
7 ces hommes ont peut-être été des combattants aux termes du droit de la
8 guerre, ils auraient pu être fait prisonniers. Mais en tout cas aux termes
9 du droit de la guerre et aux termes du droit humanitaire international, il
10 n'était absolument pas autorisé de les torturer et de les tuer, comme cela
11 a été le cas. C'est peut-être ce qui explique qu'Aziz Aliskovic a choisi
12 de ne pas se constituer prisonnier auprès des autorités qui, de force,
13 avaient pris le pouvoir à Prijedor; ces autorités qui étaient illégales
14 dans la ville.
15 Ensuite, la défense nous dit que si l'attaque contre Hambarine avait
16 effectivement été une attaque destinée à détruire toute la population, à
17 ce moment-là l'armée aurait poursuivi son attaque. Mais c'est justement ce
18 que nous montrent tous les éléments de preuve, c'est ce que nous avons
19 prouvé ici. Nous avons prouvé que le 23 mai Hambarine et les environs,
20 plusieurs autres villages environnants –pensez au témoignage du docteur
21 Mujadzic-, plusieurs villages ainsi que Hambarine ont donc été pilonnés
22 pendant de nombreuses heures -7 heures-. Et le lendemain même, Kozarac a
23 été attaquée; Kozarac a été attaquée et des milliers de personnes ont été
24 arrêtées ou internées dans des camps ou envoyées ailleurs.
25 Les éléments de preuve montrent que l'attaque s'est ensuite déplacée vers
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1 la région de Brdo à la mi-juillet, et cette attaque ne s'est interrompue
2 qu'au moment de la visite des journalistes le 5 août.
3 Si bien que la période que nous examinons, c'est une période qui compte
4 quelque 75 jours. La campagne qui a entraîné la mort de milliers de
5 personnes, la détention de milliers de personnes dans des camps et
6 l'expulsion de plusieurs milliers de personnes, tout cela s'est produit
7 pendant une période de 75 jours dans une ville, dans une seule
8 municipalité, la municipalité de Prijedor où des milliers de personnes ont
9 été tuées.
10 La défense se demande si l'attaque était systématique et généralisée à
11 grande échelle. Or, cette attaque n'a pas seulement touché Hambarine -ce
12 qui est reconnu par la défense-, l'attaque a également touché Kozarac. On
13 a vu les destructions qui ont eu lieu à Kozarac, la destruction de
14 Kozarac, la destruction de Stari Grad. Nous avons entendu des éléments de
15 preuve au sujet des crimes qui ont été commis au camp d'Omarska, dans les
16 camps de Keraterm et de Trnopolje. Mais d'autre part, on ne s'est peut-
17 être pas attardé suffisamment, il y a eu également en juillet une campagne
18 qui a fait des milliers de morts. Ibela Atlija par exemple nous a parlé de
19 tous les meurtres qui ont eu lieu dans son village, et c'est ce que le
20 colonel Arsic avait dit qu'il y aurait un Ciscenje à Brdo, nettoyage de
21 Brdo. Il nous a même montré les photographies qu'il a prises plus tard du
22 village dont certaines sont sur le rétroprojecteur S185.2; S185.6; S185.8.
23 Le témoin Q venait de cette région. Le témoin nous a raconté comment de
24 nombreux membres de sa famille avaient été tués au cours de cette
25 opération. Le témoin S et le témoin C.
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1 Le témoin G, c'était un témoin 92bis originaire de la région de Brdo. Je
2 voudrais lire un paragraphe extrait de sa déclaration, page 3, le témoin G
3 dit la chose suivante -je cite-: "Il était clair que les forces serbes
4 avaient commencé lundi matin le nettoyage de la population musulmane à
5 partir de l'Est de Brdo. Et peu à peu en avançant lentement, hameau par
6 hameau ils ont continué ce processus en exécutant les Musulmans par
7 dizaines et en pillant tout ce qui leur tombait sous la main. Les forces
8 serbes ont atteint la partie ouest de Biscani à la fin de l'après-midi.".
9 Nermin Karagic était de la région de Brdo. J'ai peut-être mal prononcé son
10 nom dans ma déclaration liminaire. Il dit qu'après une attaque initiale,
11 les gens attendaient, après la première attaque; l'attaque contre
12 Hambarine et la région. Puis il a expliqué qu'en juillet, les forces
13 étaient revenues, il a raconté qu'il avait été arrêté en compagnie de son
14 père, qu'il avait été emmené au stade. Nous savons qu'il y a eu un
15 massacre au stade. Il a porté le corps de son père jusqu'à l'autocar et
16 ensuite, on l'a emmené près du site de Kipe à Redak; Redak où il y a eu un
17 autre massacre auquel seul lui et quelques autres occupants du bus ont pu
18 échapper.
19 Et même, si la défense nous dit qu'il ne s'agissait pas d'une attaque
20 généralisée de grande échelle à Prijedor, elle a mentionné Ljubija et un
21 témoin de la défense a parlé de Ljubija et raconte avoir vu une centaine
22 de corps au bord de la route, des hommes qui avaient été exécutés.
23 Ce que nous montrent ces éléments de preuve, c'est que tout au long de
24 cette campagne, l'armée, la police et les autorités civiles coordonnaient
25 leurs activités. Il y a des éléments de preuve sur lesquels la défense ne
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1 revient pas dans sa plaidoirie, des éléments de preuve qui le montrent,
2 qui se présentent sous la forme d'ordres, de déclarations publiques et
3 d'autres documents.
4 Si vous examinez la pièce S107, vous verrez là un document qui a été
5 évoqué par la défense. C'est un document dans lequel Simo Drljaca ordonne
6 la mise en place du camp d'Omarska. Dans ce premier paragraphe, il fait
7 référence à la cellule de crise. L'argument de la défense c'est qu'il
8 n'informe pas la cellule de crise de ce qui s'est passé.
9 Or, si vous regardez la page suivante, on voit les destinataires de cet
10 ordre et le premier destinataire c'est la cellule de crise. Et c'est tout
11 à fait clair lorsqu'on pense à l'interview du docteur Stakic quand il
12 parle d'Omarska. Par exemple, dans S187, l'interview avec Monika Gras. Il
13 donne des informations détaillées au sujet des camps, au sujet des
14 personnes qui sont passées par les camps.
15 Dans la pièce S47, l'interview dans "Kozarski Vjesnik", le docteur Stakic
16 parle de ce qui a été appris suite à des interrogatoires. Il dit: "Nous
17 avons appris par des interrogatoires qu'il existait un plan précis selon
18 lequel chaque personne se voyait désigner un Serbe, un voisin, un collègue
19 qu'il devait tuer.". Voilà le type de propagande auquel se livrait le
20 docteur Stakic.
21 La défense a parlé du document D99 venant de Simo Drljaca. Il s'agit d'un
22 document qui date de 1993 après que Simo Drljaca a perdu le pouvoir suite
23 à une révolte au sein du SDS, au cours de laquelle le docteur Stakic,
24 Drljaca, Ranko Travar, etc. ont été forcés de quitter leur poste. Et dans
25 cet article, Simo Drljaca se plaint des autorités civiles et parle de ceux
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1 qui sont au pouvoir de 1993. Il mentionne d'ailleurs expressément le
2 président du SDS.
3 Nous savons sur la base des éléments de preuve présentés par les témoins,
4 surtout les témoins à décharge, que Srdo Srdic, Simo Miskovic, etc., tous
5 ces gens qui étaient… Ce sont des gens qui étaient opposés au docteur
6 Stakic et à Simo Drljaca et nous savons que ce sont eux qui ont entraîné
7 la révolte, qui ont entraîné leur remplacement par M. Kurnoga et M.
8 Radanovic à la vice-présidence de la municipalité.
9 J'aimerais, s'il vous plaît, que l'on place sur le rétroprojecteur ou à
10 l'écran la pièce S114. Il s'agit d'un document que nous connaissons fort
11 bien et qui n'a été mentionné à aucun moment lors de la plaidoirie de la
12 défense ou dans ces écritures. Il s'agit d'un rapport au sujet de
13 l'exécution des décisions de la cellule de crise.
14 Premier point, cela a trait au fait que les prisonniers ne doivent pas
15 être libérés. Nous nous en souvenons tous. Mais si on poursuit la lecture
16 de ce document, on se rappelle que la défense nous a dit qu'il n'existait
17 aucune preuve que la section d'intervention n'avait jamais été mise en
18 place, aucune preuve que Simo Drljaca ait fait rapport à la cellule de
19 crise et au docteur Stakic.
20 Mais si on examine la troisième conclusion sur cette page au regard du
21 numéro, on voit que le 17 juin 1992 le SGB de Prijedor a mis en place une
22 section d'intervention qui, avec la police militaire, participe à la
23 prévention de la criminalité. Et on se souviendra de ce qu'a dit le témoin
24 B qui était à Keraterm qui expliquait que cette section était présente
25 dans le camp, que le comité des crimes était présent à côté des autocars,
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1 était présent au moment où le camp a été fermé, où 120 hommes ont été
2 appelés pour ensuite être exécutés.
3 Nous en avons entendu parler à de très nombreuses reprises et nous avons
4 entendu le témoin de la défense Milos Stankovic, un employé de la police,
5 qui dit avoir entendu les cris de ceux qui étaient torturés par la section
6 d'intervention, les cris qui s'échappaient du bâtiment du SGB; Dado Mrdja
7 étant l'une des personnes concernées.
8 Certainement la question clé de cette affaire, les éléments de preuve clé
9 de cette affaire concernent l'influence exercée par le docteur Stakic sur
10 la police. Il y a eu beaucoup d'éléments de preuve qui sont à l'appui de
11 ce qui devait être influencé, exercé par celui-là, notamment les
12 instructions données par le docteur Stakic.
13 Regardons, par exemple, la pièce à conviction S64 qui nous semble être
14 fort significative à cet effet. Notamment lorsqu'il s'agit de la question
15 dont devra s'occuper la Chambre de première instance pour parler de la
16 responsabilité au titre de l'Article 7.3 du Statut lorsqu'il s'agit de
17 prévenir et de punir les crimes.
18 Je voudrais que l'on nous présente un effet d'agrandissement de ce
19 document. Excusez-moi, il s'agit de l'article 6. Reportons-nous plutôt à
20 l'article 1er. Je crois que nous n'avons pas obtenu l'effet
21 d'agrandissement de ce document.
22 Il est dit dans le document que tous les Serbes qui par erreur ont été
23 détenus, devaient être remis en liberté.
24 D'après le conseil de la défense, à cette époque-là, Prijedor s'est
25 trouvée victime lorsque des gens venaient perpétrer au hasard des actes de
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1 violence et des crimes ignobles. Voilà ce que le conseil de la défense
2 pense, mais quelle est la réponse du docteur Stakic face à tous ces actes
3 de violence et de crimes? Lui établit un ordre selon lequel tous les
4 Serbes détenus par erreur devaient être remis en liberté. Mais comment le
5 faire? Comment mettre en œuvre tout cela?
6 Voyons l'article 6, s'il vous plaît. Dans l'article 6, il a été dit que
7 Simo Drljaca devait être responsable de la mise en œuvre de cette
8 décision; lui-même en personne étant responsable de la mise en liberté, de
9 la libération des personnes détenues.
10 Il s'agit non seulement de parler ainsi de l'influence exercée par
11 l'accusé dans les opérations de la police, mais il s'agit de parler de
12 l'incidence qu'il a pu exercer sur le système judiciaire. Par conséquent,
13 lorsqu'il s'agit d'abus du système judiciaire.
14 S84 demande à ce que le service de sécurité publique, la police, fasse un
15 rapport sur toute entreprise concernant Omarska et Keraterm. Par
16 conséquent, nous voyons dans ces différents documents où et comment se
17 présente l'influence du docteur Stakic sur la police, notamment
18 l'influence exercée sur la cellule de crise de la police en matière de
19 camp et lorsqu'il s'agit de crimes perpétrés.
20 Selon le conseil de la défense, d'après les arguments avancés par le
21 conseil de la défense, ces crimes ont été perpétrés par des soldats ivres
22 qu'il s'agissait de crimes sporadiques aléatoires et en dehors de tout
23 contrôle. Si le conseil de la défense était si affirmatif dans ce qu'il
24 dit, alors vous devez acquitter l'accusé.
25 Mais cela est-il le cas? Y a-t-il vraiment un doute raisonnable de voir
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1 tous ces gens-là rien qu'en 75 jours tués par milliers? Tous ces crimes-là
2 ainsi perpétrés devaient-ils vraiment des crimes perpétrés par des soldats
3 ivres ou au hasard ou comment?
4 Je vous en prie, voyons la pièce à conviction S337. Il s'agissait d'une
5 partie du rapport démographique de Mme Eva Tabeau. Il s'agit là de
6 population. Il s'agit d'informations et de données concernant les décès au
7 sein de cette population, notamment recensées au temps où elle adressait
8 ce rapport pour le faire publier et elle a voulu en obtenir la
9 vérification. Elle a expliqué en témoignant ici la source des informations
10 qui était les siennes.
11 Le document présente qu'en 1991 à Prijedor, il y avait 112.000 habitants,
12 et que toutes les municipalités de la région de Krajina confondues ne
13 devaient compter plus de 976.000 habitants. Le total des décès dans 19
14 municipalités s'élevait au chiffre de 3.010, dont 1.747 décès notamment à
15 Prijedor.
16 Nous avons entendu des éléments de preuve selon lesquels Prijedor était
17 non loin de Banja Luka; Banja Luka étant le centre de la région. Les
18 réfugiés affluaient vers cette ville-là, la plus importante de la Krajina,
19 soit à Banja Luka. Madame Kovacevic, quant à elle, a déposé pour dire que
20 Banja Luka a dû recevoir beaucoup de réfugiés qui affluaient depuis la
21 Croatie.
22 Lorsque nous parlons de ce chiffre-là relatif au nombre de décès de Banja
23 Luka et de Prijedor, comment faire une comparaison? A Prijedor, il y en
24 avait 1.747 alors qu'à Banja Luka il y avait 16 décès. Comment expliquez-
25 vous cela? Lorsque vous parlez au hasard d'actes incontrôlés, lorsque vous
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1 parlez de violences, est-ce que tous ces hasards en dehors de contrôle
2 devaient avoir lieu à Prijedor alors qu'un centième de ce chiffre
3 seulement aurait été enregistré à Banja Luka par la même occasion?
4 Il ne s'agissait pas de crimes perpétrés au hasard. Vous avez entendu
5 parler de camps, vous avez entendu parler de la mise en place et de toute
6 la logistique concernant les camps, vous avez entendu parler des attaques
7 contre Hambarine et Kozarac, vous avez entendu dire que la cellule de
8 crise devait décréter des ultimatums fournissant toute logistique, y
9 compris des carburants. Ensuite, vous avez entendu parler des massacres
10 perpétrés dans la pièce n°3 où on a retrouvé si peu de victimes.
11 Il ne s'agit pas d'actes de violence au hasard. Il ne s'agit pas de dire
12 que sporadiquement un individu quelconque aurait pu être arrêté par la
13 suite. Or, lorsque par exemple, ceci a été commis par des policiers de
14 Prijedor, dans Vlasic, il s'agissait de parler de 200 à 250 victimes. On
15 n'a pas parlé de hasard lorsqu'il y a eu par exemple tant d'arrestations,
16 tant de groupes de gens.
17 Le conseil de la défense a parlé de ces crimes de Vlasic: de 200 à 250
18 corps n'ont jamais été exhumés par exemple à Vlasic. Tout ceci ne devait
19 pas être le résultat des actes perpétrés par quelques hommes, quelques
20 soldats ivres ou qui se seraient aventurés pour faire des actes de
21 violence.
22 A Miska Glava, tout près de Prijedor, on a exhumé des corps, entre autres
23 des gens qui étaient du camp d'Omarska. Il s'agit de Sadeta Medunjanin et
24 de Delva (le nom de famille échappe à l'interprète). Ceci se passait fin
25 juillet 1992 et l'identification a été faite grâce à l'analyse ADN. En a
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1 témoigné M. Sebire notamment lorsqu'il a parlé du site de Miska Glava.
2 Monsieur Marjanovic a déposé lui aussi là-dessus. Nous avions traité des
3 exhumations, il y a un an à Jakarina Kos où environ 300 corps ont été
4 retrouvés. Nous avons pu conclure que parmi ces corps il y avait des
5 explosifs, mais aussi des restes d'équipement militaire; les équipements
6 explosifs ayant été déjà enfouis dans des roches moyennant des foreuses,
7 foreuses coûteuses dont le prix devait aller de 100.000 à 200.000 dollars,
8 il n'y avait que deux foreuses de ce type-là à Prijedor.
9 Pour parler de cette ampleur de crime, il s'agissait bien d'une campagne.
10 Or, j'invite le conseil de la défense, lorsqu'il aura à parler tout à
11 l'heure, à nous expliquer pourquoi à Banja Luka il n'y avait que 16
12 personnes qui avaient été tuées alors qu'à Prijedor il y en avait plus de
13 1.700 de tuées.
14 Par conséquent, l'accusation ne pense pas que les Serbes de Prijedor
15 devaient être différents des Serbes de Banja Luka ou d'ailleurs. Si
16 différence il y a, c'est qu'il y avait là lieu de parler d'une campagne
17 organisée, planifiée visant à exterminer et détruire des communautés
18 entières de Prijedor, en détruisant et en mettant le feu d'abord dans les
19 maisons de ces gens-là, en détruisant des églises et lieux de culte,
20 mosquées, et surtout en cachant leur corps. Tout simplement ces gens-là
21 ont disparu.
22 L'intention est donc un élément qui certes existe en tant que tel dans nos
23 Actes d'accusation. Il s'agit d'un élément clé lorsqu'il s'agit de parler
24 de génocide: en toute connaissance donc et avec intention. Nous allons
25 tenter d'expliquer tout cela compte tenu des différentes théories qui
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1 traitent de la responsabilité, mais les éléments de preuve qui ont été les
2 nôtres prouvent indubitablement qu'il y avait l'intention visant à
3 détruire toute une communauté et qu'une telle intention existait également
4 auprès du docteur Stakic et par le docteur Stakic.
5 Dans tout ce qui s'est passé, nous avons entendu et vu des photographies
6 des dépositions. Par exemple Ibela Atlija, photographie de Kozarac et de
7 Stari Grad. Nous avons vu des photographies de tant de maisons et
8 d'édifices rasés. Nous avons entendu dire combien de gens, médecins qui
9 étaient ses collègues ont été tués à Omarska. Nous avons pu nous rendre
10 compte du fait de combien de gens il y avait qui ont été torturés, tués,
11 qui ont disparu du camp d'Omarska. Nous avons entendu dire des gens sur ce
12 qui s'est passé à Kevljani. Ensuite, nous avons entendu par exemple une
13 déposition, telle Sanja Poljak qui, elle, parlait d'une destruction
14 complète de Kevljani et de tant de meurtres qui ont été commis à Kevljani.
15 Nous avons entendu dire que la personne qui a remplacé le docteur Stakic à
16 sa fonction -il s'agissait du docteur Cehajic- a été elle aussi détenue
17 pour être exécutée.
18 Jusqu'en avril 1992, ils avaient à eux deux partagé leur bureau et
19 jusqu'en 1992 ils siégeaient ensemble à l'assemblée municipale, ils
20 travaillaient à temps plein dans un même bureau et cela quotidiennement.
21 L'accusé a été arrêté en mars 2001. Nous avons pu voir les interviews dans
22 "Kozarski Vjesnik", les interviews données par l'accusé à la télévision
23 locale, les interviews que celui-ci a accordées à la presse
24 internationale.
25 Lorsque vous voulez vous occuper de l'intention de qui que ce soit, le
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1 seul élément de preuve serait l'aveu de l'existence d'une intention. Mais
2 que se passe-t-il? Nous pouvons tout simplement envisager l'intention
3 d'après et à travers les paroles et les propos de quelqu'un sans qu'il en
4 parle précisément.
5 Pour parler des événements intervenus jusqu'en 1992, et depuis 1992
6 jusqu'à son arrestation en mars 2001, nous n'avons jamais entendu parler
7 l'accusé ne serait-ce que d'un seul crime perpétré contre les non-Serbes
8 dans Prijedor. La seule chose que nous avons entendu dire par lui
9 c'étaient, dans ces interviews, des excuses, des prétextes et des
10 justifications. Par exemple, que telles ou telles listes ont été
11 retrouvées où tout non-Serbe devait tuer son voisin serbe parlant à des
12 journalistes étrangers sur le camp d'Omarska. Notamment lorsque nous
13 parlons de la pièce à conviction S187 pour parler d'Omarska -chose
14 importante pour le conseil de la défense-, nous avons pu nous rendre
15 compte du nombre de gens qui avaient entendu toutes ces rumeurs, qui en
16 savaient long sur les personnes qui avaient été détenues dans le camp
17 d'Omarska pour disparaître un jour. Avec nonchalance, le docteur Stakic
18 dit en réponse: "Oui, il y a eu quelques décédés de mort naturelle." Quand
19 on lui a demandé "Combien?", lui en réponse dit: "Mais pas trop!"
20 Dans cette municipalité lorsque le nombre total de la population se voit
21 donc diminuer de 50.000 à quelques milliers -pour parler des Musulmans-,
22 nous pouvons en juger d'ailleurs d'après le "Kozarski Vjesnik" -je ne sais
23 pas si vous pouvez vous en rendre compte en regardant le rétroprojecteur-,
24 nous voyons ne serait-ce que d'après "Kozarski Vjesnik" que ce chiffre
25 décroît à 6.000. Voilà ce qui témoigne de l'intérêt qu'il y avait de
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1 déplacer ces gens-là et dans quelle mesure ceci a été connu lorsqu'il
2 s'agissait de parler de destruction visant les Musulmans et les Croates.
3 A aucune occasion, il ne reconnaît que de tels crimes avaient été
4 perpétrés. Ensuite, il trouve des justifications. Omarska, pour lui, c'est
5 un centre de réception. Lui avance quelque chose qui ne saurait être qu'un
6 faux, un mensonge. Pour Trnopolje, lui dit que c'était un lieu où les gens
7 étaient libres d'aller ou d'en partir, alors que nous savons très bien que
8 personne ne pouvait quitter le camp de Trnopolje sans y avoir été autorisé
9 par la cellule de crise. Certainement, il devait y avoir des gens qui
10 pouvaient le faire, mais ces gens-là devaient être habilités, le tout
11 revêtu de la signature de M. Kuruzovic.
12 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il n'est pas facile
13 de comprendre tout cela pour savoir quelle est cette personne-là. Nous
14 l'avons appris, et cela récemment. Nous avons pu voir venir ici des gens
15 dans ce prétoire qui étaient des personnes respectables et qui avec force
16 sympathie parlaient pour les voisins qui étaient les leurs, entre autres
17 M. Kuruzovic.
18 Or, cette personne-là n'est pas telle qu'elle nous apparaît au prime
19 abord. La réalité c'est que dans cette affaire les crimes se sont fait si
20 massifs que nous ne pouvons même pas l'imaginer. Cela est vrai. Nous avons
21 entendu une quarantaine de témoins de l'accusation dans cette affaire, il
22 s'agit de victimes. Leurs dépositions nous arrachent des émotions, elles
23 sont touchantes, mais il ne s'agit que de portions de ce qui s'était
24 vraiment déroulé pendant ces 75 jours dans Prijedor.
25 Le conseil de la défense a cité des témoins qui ont connu l'accusé M.
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1 Becak Prastalo (phon), c'est quelqu'un qui a pu le voir à Belgrade. Nous
2 en avons entendu parler d'autres témoins. Or, pour parler du docteur
3 Stakic, on n'a jamais entendu un seul mot de sympathie ou de sentiment
4 quelconque. Lorsqu'il s'agit, par exemple, de parler de la perte du
5 professeur Cehajic, lui ne savait même pas où il se trouvait. Jamais
6 aucune sympathie à l'égard de ces gens-là qui ont fait l'objet de
7 destruction de Kozarac et de Stari Grad; et il s'agit de gens tués, bel et
8 bien tués, et cela par des moyens militaires où il a pris une
9 participation.
10 Le conseil de la défense nous a fait venir à la barre également des gens
11 qui ont présenté des sympathies, mais dans les conversations qui étaient
12 les siennes avec des amis membres de famille de ses victimes, nous n'avons
13 jamais entendu le docteur Stakic exprimer un seul mot de sympathie tout le
14 long de ce procès. Or, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
15 Juges, cela témoigne avec éloquence de l'intention qu'il avait.
16 Il est intéressant que le conseil de la défense dans sa plaidoirie demande
17 à la Chambre de première instance de se rappeler Mme Cehajic qui, elle
18 aussi, est venue déposer, et de se rappeler ce qu'elle a dit elle-même
19 lorsqu'elle s'est déclarée prête à avoir confiance en cette Chambre de
20 première instance, lorsque celle-ci doit faire toute la lumière sur la
21 vérité, et qu'elle ne voulait jamais avoir de préjugé à l'égard de qui que
22 ce soit.
23 Permettez-moi de reprendre ses paroles, ses propos. Par exemple, il y
24 avait une question posée par le Juge Vassylenko, posée à Mme Cehajic, il
25 s'agit de la page 3161.
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1 Il a demandé: "Vous avez été convoquée par des militaires pour un
2 interrogatoire. Devant la porte de votre appartement, il y avait des
3 soldats postés pour monter la garde, des soldats et des policiers ont
4 fouillé votre appartement, votre voiture a été confisquée par des
5 militaires et il vous a été conseillé de demander auprès de la caserne
6 militaire d'Urije un certificat de réquisition. Malgré le fait que votre
7 mari a été mis en détention, à plusieurs reprises vous avez pu joindre le
8 docteur Stakic et le docteur Kovacevic sans jamais vous adresser au
9 commandement militaire ou policier. Pourquoi? Voulez-vous m'expliquer?
10 Mme Cahajic en réponse: "Le maire dans notre ville était une personne qui
11 supposait s'occuper de chacun des citoyens.". Voilà sa toute première
12 explication. "Quant à moi -dit-elle-, je me suis dit qu'ils coopéraient
13 tous. Ensuite, lui devait savoir ce qu'il était advenu de son
14 prédécesseur. Ensuite, ces gens-là ont pris le contrôle de la ville, lui
15 était au pouvoir, ils avaient à leurs côtés la police et l'armée; tout a
16 été lié: liés se trouvaient ceux qui décrétaient les ordres et ceux qui
17 obtempéraient.". (Fin de citation.)
18 M. le Président Schomburg a remercié Mme Cehajic, comme il l'a fait à
19 l'égard de tous ceux qui sont venus pour déposer, pour que nous soyons
20 aussi proches que possible de la vérité.
21 En réponse, Mme Cehajic a remercié en disant: "Merci à vous Messieurs les
22 Juges de me l'avoir rendu possible. Quant à moi, je voudrais que vous
23 preniez en considération tout cela de façon impartiale, juste pour rendre
24 la justice, pour savoir qui et comment a contribué à ce qui s'est passé.
25 Celui qui n'est pas coupable doit être libre et celui qui est coupable
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1 doit en subir les conséquences, subir les conséquences de ce qu'il a
2 commis.". (Fin de citation.)
3 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, l'accusation est à
4 cent pour cent d'accord avec Mme Cehajic, comme je le crois le sera la
5 Chambre de première instance. Si vous croyez, comme dit le conseil de la
6 défense, qu'il y a eu tant de morts causés au hasard, sans contrôle aucun,
7 en tant que violence, alors là vous pouvez rendre un autre jugement,
8 c'est-à-dire celui de l'acquittement. Mais il s'agit cette fois-ci de
9 faire une interprétation irrationnelle, non raisonnable des éléments de
10 preuve. Si on ne peut pas comprendre qu'il y avait là une coordination des
11 opérations de la police et des militaires avec à leur tête le docteur
12 Stakic.
13 Mme Cehajic a dit que ceux qui en sont responsables doivent subir les
14 conséquences de leurs actes. Les souffrances créées dans Prijedor en 1992,
15 inimaginables -je n'arrive même pas à m'imaginer comment ceci s'est
16 passé-, mais onze ans plus tard ces événements-là méritent au moins que la
17 justice soit faite à leur égard également.
18 Je vous remercie.
19 M. le Président (interprétation): Je lève la séance jusqu'à 11 heures 30.
20 (L'audience, suspendue à 11 heures 03, est reprise à 11 heures 34.)
21 (Réplique de la défense.)
22 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.
23 Nous allons maintenant entendre la plaidoirie finale en duplique de la
24 défense. Maître Ostojic, vous avez la parole.
25 M. Ostojic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,
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1 Madame et Monsieur les Juges.
2 Ce que nous voyons d'après les éléments de preuve et ce que nous pouvons
3 déduire raisonnablement du total des éléments de preuve que nous avons,
4 c'est que le docteur Stakic n'est pas coupable des crimes qui lui sont
5 reprochés.
6 La défense n'a jamais pris pour position que les crimes n'avaient pas été
7 commis. La défense, nous l'avons espéré, dans un procès public, en ne
8 soumettant pas des victimes à des souffrances supplémentaires ou des
9 tensions supplémentaires, voire des humiliations supplémentaires qu'il y
10 aurait -à mon avis, il y a un fait qui permet de démontrer sur la base de
11 ce que le docteur Stakic a dit en insistant-, a montré quels étaient ses
12 sentiments à l'égard de ces victimes. C'est une déduction raisonnable,
13 c'est en fait incontesté en l'espèce.
14 Le Bureau du Procureur aurait aimé avoir des articles, des interviews et
15 des aveux. Mais soyons raisonnables! Voyons. S'ils avaient obtenu de tels
16 articles, est-ce que véritablement, est-ce qu'honnêtement, est-ce
17 qu'objectivement ils auraient dit à votre Chambre que la sympathie était
18 un moyen de défense et que parce que le docteur Stakic était attristé par
19 les événements tragiques, vous devriez par conséquent l'acquitter? Ou est-
20 il raisonnable que l'accusation utilise des déclarations qui auraient été
21 faites dans ce sens pour dire que ceci est un aveu, du fait qu'il savait
22 ce qui s'était passé dans cette municipalité et qu'il n'avait rien fait
23 pour y remédier?
24 L'accusation insiste pour soutenir sa théorie, mais lorsqu'on lit entre
25 les lignes, lorsqu'un accusateur, lorsque l'accusation vous dit sur la
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1 base d'une question directe si quelque chose est un conflit interne ou un
2 conflit international et lorsqu'on utilise le terme "non classé", ceci ne
3 peut vouloir dire qu'une seule chose: c'est qu'il y a un doute
4 raisonnable. Il n'y a pas de classification de ce genre.
5 Que vous preniez position pour dire qu'il s'agit d'un conflit interne ou
6 d'un conflit international, la multiplicité des exemples tels que nous les
7 avons plaidés, lorsqu'on parle de documents non classés, ceci veut dire
8 qu'il y a un doute raisonnable sur un élément assez important pour que cet
9 élément s'impose. Ils ont examiné brièvement les choses de façon
10 systématique.
11 Qu'est-ce que M. Vulliamy a dit dans ses articles de l'époque pour ce qui
12 était d'actions étendues et systématiques? N'a-t-il pas conclu de façon
13 affirmative en août 1992, après une visite personnelle qu'il a faite,
14 qu'il n'avait vu aucune preuve d'attaque systématique? Devrions-nous
15 accepter ces éléments de preuve? Quel poids faudrait-il lui accorder?
16 C'est à votre Chambre qu'il appartient d'en décider. La théorie a quelque
17 peu changé par rapport à vendredi dernier, à mon avis, maintenant que
18 l'entreprise criminelle conjointe n'a pas annoncé publiquement ces plans.
19 Il a été allégué que le docteur Stakic avait incité, avait enflammé la
20 population serbe avec des discours qui auraient été considérés comme
21 inappropriés sans aucun doute.
22 Ils disent que l'entreprise criminelle commune et ce plan criminel se
23 développaient. Tout le monde n'a pas, ne s'est pas associé à ce plan au
24 même moment. L'intention de l'entreprise, sans aucun doute, suivait une
25 évolution.
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1 Qu'est-ce que cela veut dire lorsqu'un Procureur nous dit cela?
2 Premièrement que les faits n'existent pas en l'espèce pour considérer que
3 le docteur Stakic est coupable.
4 Est-ce que la théorie de l'accusation est que le docteur Stakic était un
5 supérieur hiérarchique par rapport aux militaires? Vendredi dernier,
6 finalement ils ont réduit leur position et ont dit que c'étaient Simo
7 Drljaca et la police.
8 Je crois que nous pouvons considérer sans aucune équivoque, si on regarde
9 objectivement les éléments de preuve, que personne n'était le supérieur ou
10 le subordonné entre un niveau politique municipal par rapport à M. Simo
11 Drljaca. Il n'acceptait les ordres de personne, il ne respectait personne.
12 Il ne respectait pas la loi, il ne respectait que lui-même, il ne prenait
13 d'ordres que de lui-même.
14 Y a-t-il eu des éléments de preuve de coordination entre les militaires,
15 la police et les autorités civiles? M. Brown, bien que son mandat, sa
16 mission ait été relativement limitée, nous donne ces réponses. Il nous
17 dit: "Je ne peux pas vous dire si la police coordonnait ou coopérait avec
18 les autorités civiles parce qu'en fait, je n'ai pas examiné ces
19 documents.". Ce qu'il voulait dire vraiment, c'est qu'on ne lui a pas
20 donné à examiner ces documents.
21 La défense estime que les éléments de preuve sont clairs et qu'une seule
22 déduction raisonnable peut être tirée des éléments de preuve, à savoir que
23 le docteur Stakic à aucun moment n'a eu l'intention criminelle
24 correspondant à aucun des chefs d'accusation figurant dans le quatrième
25 d'Acte d'accusation modifié.
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1 L'accusation -comme nous le soutenons- a essayé de faire passer la charge
2 de la preuve à la défense de façon à pouvoir nous défier de temps en temps
3 et dire "pourquoi pas à Banja Luka? Pourquoi pas à Prijedor?"
4 Y a-t-il des éléments de preuve selon lesquels des militaires ont été tués
5 par balle, sont tombés dans des embuscades, ont été provoqués, ont été
6 attaqués dans la municipalité de Banja Luka ou autour de celle-ci? Non.
7 Pourquoi? Parce que ceci s'est passé. C'est une mission de l'accusation de
8 présenter ses éléments de preuve? Non. La seule déduction raisonnable que
9 nous puissions tirer des faits, c'est qu'il n'y a pas eu d'attaque contre
10 des convois militaires. Il n'y a pas eu d'embuscade contre les convois
11 militaires. Il n'y a pas eu de provocation contre les militaires dans la
12 municipalité de Banja Luka. Mais la charge de la preuve ne nous incombe
13 pas en l'espèce à aucun moment, de prouver un fait ou un argument. Lorsque
14 nous parlons de coopération, lorsque nous parlons de coordination, le
15 Bureau du Procureur continue d'ignorer et de laisser de côté les éléments
16 de preuve, continue de vouloir ignorer les éléments de preuve que la
17 défense a présentés et que la Chambre a cités, a fait déposer.
18 Y a-t-il eu un seul témoin, cité par la Chambre, qui a dit qu'il y avait
19 une coopération, une coordination étroite entre les autorités politiques,
20 civiles et municipales et les autres organes? Oublions-nous les
21 déclarations sous serment, les déclarations non contestées de la famille
22 du docteur Stakic étayées par des certificats de décès, des fascicules de
23 mobilisation, lorsque son neveu a été tué! Devrions-nous déduire
24 raisonnablement, comme l'a suggéré l'accusation, qu'il était fier, qu'on
25 devrait être fier d'être dans l'armée et qu'il ne voulait pas
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1 nécessairement demander que cette personne quitte les forces armées et
2 finalement son neveu a été tué? Est-ce une déduction raisonnable ou
3 pouvons-nous raisonnablement supposer qu'à partir des faits, à partir de
4 la déclaration sous serment qu'effectivement, objectivement il n'y avait
5 aucun doute que le docteur Stakic n'avait aucune influence sur les
6 militaires et ne pouvait même pas aider les membres de sa famille
7 lorsqu'il s'agissait des militaires? De même son beau-frère a subi le même
8 sort.
9 Il y a là donc deux éléments de preuve -pas un- qui indiquent clairement
10 que le docteur Stakic n'avait aucun contrôle ou aucune influence à l'égard
11 des militaires.
12 Qu'en est-il de la déposition in vivo d'un témoin devant votre Chambre? Un
13 témoin que nous avons cité et qui a dit qu'elle était allée trouver le
14 docteur Stakic parce que son fils avait un ami musulman et souhaitait
15 qu'il soit relâché d'un des centres de détention. Et le docteur Stakic n'a
16 pas pu l'aider non plus, parce que ceci ne dépendait pas de lui, ça ne
17 dépendait pas de son pouvoir et certainement, il n'avait aucune influence
18 pour permettre de relâcher cette personne ou une autre.
19 L'accusation ne répond à aucune des questions que nous estimons avoir
20 posées hier. Y avait-il contrôle effectif? Où sont les faits qui
21 permettent d'étayer qu'il y avait un contrôle effectif le cas échéant? La
22 seule question sur laquelle il y a une réponse, c'est qu'il y a un doute
23 raisonnable pour ce qui est de savoir s'il s'agit d'un conflit interne ou
24 international. C'est ce que l'accusation a admis.
25 La seule question à laquelle ils répondent, c'est que l'entreprise
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1 criminelle conjointe apparemment n'existe pas et n'existait pas, parce que
2 maintenant leur position est que la situation évoluait si rapidement selon
3 les lieux et le moment qu'eux-mêmes ne parviennent pas à s'y retrouver. La
4 raison pour laquelle ils ne parviennent pas à savoir qui étaient les
5 membres d'une entreprise criminelle commune et où elle a évolué et comment
6 elle a évolué, c'est parce qu'elle n'existait pas.
7 Lorsque j'utilise des mots tels que "sporadique" ou "au hasard" ou
8 "incontrôlable", ce ne sont pas mes propres mots, ce sont des mots qui
9 font partie des éléments de preuve. Mais, il est difficile d'entendre ces
10 mots, très difficile de les trouver dans les éléments de preuve.
11 Particulièrement difficile de les trouver dans les éléments de preuve
12 présentés par l'accusation parce que M. Brown n'a pas examiné cette partie
13 des éléments de preuve, il n'a pas examiné les rapports militaires, les
14 rapports journaliers et les rapports quotidiens.
15 A mon avis, ces rapports citent, parlent systématiquement, utilisent
16 systématiquement des mots tels que "tuerie" "au hasard" "sporadique"
17 "soldats ivres" ou "paramilitaires attaquant des civils" "comportement
18 incontrôlable de groupes militaires". Ce ne sont pas là simplement des
19 mots que j'ai choisi d'utiliser pour décrire les événements. Ce sont des
20 faits, ce sont des faits incontestés qu'à mon avis l'accusation continue
21 de vouloir ignorer comme ces experts l'ont fait.
22 Ils ont parlé de la question du 15 mai 1992, la résolution de l'ONU en vue
23 d'un désarmement. Il y a une résolution qui examine cette question et
24 cette résolution dans un paragraphe distinct parle de l'armée populaire
25 yougoslave. Le paragraphe 5 toutefois est une exigence distincte du
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1 Conseil de sécurité que nous avons placé sur le rétroprojecteur et qui dit
2 clairement: "Exige en outre que toutes les forces irrégulières en Bosnie-
3 Herzégovine soient désarmées et démantelées.". Qu'est-ce qu'une force
4 irrégulière? Est-ce que ce sont les Bérets verts qui, selon M. Brown,
5 n'existaient pas, est-ce que c'est la Ligue patriotique qui, selon M.
6 Brown, n'existait pas?
7 D12, document: l'accusation ou quelqu'un du Bureau du Procureur dit que
8 c'est un document impartial. Lorsqu'on évalue les éléments de preuve de M.
9 Brown et sa déposition, voyez le poids qu'il donne effectivement à ce
10 document. Notez que ce document n'a pas été entièrement traduit, en tous
11 les cas à l'époque, et que la défense n'a pas eu un exemplaire complet de
12 ce rapport de 226 pages. Un rapport impartial établi par un Musulman
13 bosniaque concernant les événements à Prijedor et ce qui est cité dans la
14 note de bas de page, il n'est pratiquement pas fait fond sur cela. En
15 fait, c'est pratiquement rejeté par tous les experts de l'accusation.
16 Les forces irrégulières ou illégales ont-ils abandonné leur théorie,
17 c'est-à-dire que dans la plupart des génocides, la première chose que l'on
18 fait c'est de désarmer les autres?
19 Je suggère à la Chambre que l'accusation a abandonné de par ses
20 commentaires les chefs d'accusation de génocide et de complicité dans le
21 génocide à l'égard du docteur Stakic. Je n'ai aucune réserve pour dire
22 sans équivoque que le docteur Stakic à aucun moment n'a participé à un
23 plan criminel, à une entreprise criminelle commune qui organisait ou
24 aidait ou coopérait ou autrement coordonnait de toute autre manière cette
25 théorie "visant à détruire les Musulmans bosniaques et les Croates dans la
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1 municipalité de Prijedor".
2 Quel autre élément de preuve avons-nous pour dire ou pour suggérer que le
3 docteur Stakic n'avait aucune influence, n'était pas l'homme foncièrement
4 mauvais que l'accusation voudrait nous dépeindre?
5 Dans une réunion publique en juillet, dans un restaurant, lorsqu'il a
6 rencontré l'un de ses professeurs, il ne l'a pas ignoré -c'était un non-
7 Serbe-, et le docteur Stakic qui préconiserait la guerre serait en train
8 de tromper des Serbes dans une enceinte publique et donnerait l'accolade à
9 un non-Serbe?
10 Quelle est la déduction qu'il faut tirer de cette déposition? Devons-nous
11 ignorer cette déposition? Nous ne pouvons le faire en vertu du droit. La
12 seule chose que nous pouvons déduire de ce témoignage, c'est que le
13 docteur Stakic n'avait pas d'intention criminelle, comme on l'a allégué,
14 pour aucun des crimes qui sont affirmés dans le quatrième Acte
15 d'accusation modifié.
16 Votre Chambre, comme je l'ai dit, sur la base de son pouvoir de décision a
17 la possibilité unique de rendre la justice de façon équitable et juste.
18 Votre Chambre -nous l'espérons, nous en sommes sûrs- réexaminera tous les
19 éléments de preuve qui lui ont été présentés dans leur totalité et ne
20 permettra pas que des déductions déraisonnables puissent être tirées, que
21 des présomptions déraisonnables concernant des preuves indirectes puissent
22 recevoir de telles interprétations.
23 Cette affaire est effectivement complexe. Elle est complexe parce qu'il
24 n'y a pas que les victimes présentées par le Bureau du Procureur mais
25 l'ensemble des victimes de notre société. Ce sont nos victimes à nous
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1 tous, ces victimes. Et il ne faut pas juger que le docteur Stakic devrait
2 payer pour ces crimes horribles et tragiques. Ils ne peuvent continuer à
3 insister pour dire que leur théorie a été ramenée à l'Article 7.3 et que
4 le docteur Stakic n'a rien fait pour empêcher ces crimes.
5 Pour que votre Chambre parvienne à une telle appréciation, il faut qu'elle
6 juge que le docteur Stakic se trouvait dans une position de supérieur
7 hiérarchique et que ceux qui ont commis ces crimes se trouvaient dans un
8 rapport de subordination, ou en tous les cas certains de ceux qui ont
9 perpétré ces crimes. Il faut que nous ayons eu des éléments importants et
10 substantiels pour prouver ce contrôle effectif au moment où ils
11 s'exerçaient.
12 Or, nous n'avons entendu aucune déposition d'aucun témoin en ce sens. Tous
13 les témoins de façon uniforme et unilatérale ont bien affirmé que les
14 autorités municipales civiles n'avaient aucun contrôle ou aucune influence
15 sur les militaires, ils n'avaient aucun contrôle et aucune influence à
16 l'égard de la police.
17 Si nous parlons de l'Article 7.3 et de la police, et si nous voulons
18 parler de la responsabilité alléguée des jurés, qu'est-ce que les témoins
19 et qu'est-ce que l'expert nous a donné pour avoir une vision objective?
20 Les témoins ont dit qu'ils avaient examiné les politiques, les règlements
21 en vigueur dans la police? Essentiellement, ils reconnaissent ce point en
22 ne citant pas de témoignage et en n'ayant pas de témoin qui ait examiné
23 ces documents. De facto, sur la question de savoir s'ils peuvent prouver
24 cet aspect de leur thèse c'est également clair, ils n'y parviennent pas.
25 Au contraire, ils reviennent sur des questions émotionnelles -nos
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1 émotions- et ils cherchent à suggérer qu'un très, très grand nombre de
2 victimes ont souffert, mais ceci n'a jamais été contesté en l'espèce.
3 Comme la Chambre le sait, depuis le début, nous n'avons pas contesté. Nous
4 continuons à dire que personne ne conteste que des gens ont souffert, que
5 de très nombreuses personnes ont été tuées. Ce que nous contestons, c'est
6 la manière dont le Bureau du Procureur estime que ces tueries ont eu lieu.
7 De façon organisée? On pourrait penser si on veut discuter du massacre de
8 la salle 3 et accepter leur position, qu'il y avait près d'un millier de
9 détenus dans cette installation de détention, et 100 à 150 personnes ont
10 été tuées dans cette salle 3, dans le massacre du 24 juillet 1992.
11 Est-ce que ceci était organisé? Est-ce que c'était prévisible? Et qu'en
12 est-il du restant de ces détenus? Est-ce que l'on peut prendre acte du
13 fait qu'un génocide n'a pas été constaté dans les affaires de Keraterm qui
14 ont été jugées? Est-ce que l'on peut considérer ou est-ce que l'on peut
15 déduire en prenant acte judiciairement que l'affaire concernant Omarska
16 qui a été jugée, il n'y a pas eu d'allégation, de génocide ou de
17 complicité dans le génocide contre le commandent du camp ou contre les
18 autres chefs d'équipe? Bien sûr, nous le pouvons. Bien sûr, nous le savons
19 d'après ces deux affaires qui ont été jugées qu'effectivement ces actes
20 étaient sporadiques, étaient au hasard, étaient incontrôlables et
21 incontrôlés.
22 Nous n'avons jamais pris comme position et nous ne prenons pas comme
23 position que des réfugiés serbes de la Krajina ont commis ces atrocités.
24 Nous n'avons pas la charge de la preuve, elle ne pèse pas sur nous. Et
25 nous n'avons jamais suggéré que tout un groupe de personnes tout
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1 simplement parce que c'étaient des réfugiés ou peut-être parce que c'est
2 la position de l'accusation et peut-être tout simplement parce que
3 c'étaient des Serbes ont commis ces atrocités. Ce que nous espérons avoir
4 réussi à faire dans ce procès, c'est montrer de façon détaillée les
5 éléments de preuve à la Chambre, de les présenter sous un jour honnête,
6 objectif afin de pouvoir ensuite tirer les déductions raisonnables
7 qu'imposent de tels éléments de preuve.
8 Les commentaires du docteur Stakic sur lesquels l'accusation se fonde
9 remontent à deux ans après les crimes qui se sont produits. Nous
10 trouverons et nous pouvons trouver que certains points rapportés dans
11 "Kozarski Vjesnik" n'existent pas et sans aucun doute les publications, et
12 qu'il en est de même pour les publications concernant cette période
13 critique évoquée dans l'Acte d'accusation.
14 Si nous devions déduire de cela que le docteur Stakic a dit des choses
15 négatives et que nous devons suivre le droit là où il y a une présomption
16 d'innocence, lorsqu'on ne peut pas faire une déduction partiale parce que
17 ce serait la seule déduction raisonnable à cause du manque de documents
18 présentés, s'il y a des déductions raisonnables concernant les faits, la
19 Chambre, à notre avis, doit décider en faveur de la défense. Si
20 l'accusation est sincère et si elle dit à la Chambre "si vous concluez que
21 ces crimes sont commis au hasard, de façon sporadique, incontrôlable,
22 commis par des paramilitaires, commis par des fanatiques, par des soldats
23 ivres. Acquitté."
24 J'appelle l'attention de la Chambre sur les rapports quotidiens militaires
25 qui n'ont pas été inclus dans le mandat confié à M. Brown. Acceptez leur
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1 proposition et acquittez le docteur Stakic, parce que la justice dicte
2 qu'effectivement il a droit à cet acquittement.
3 Je vous remercie, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.
4 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'accusation demande la
5 possibilité de répondre?
6 M. Koumjian (interprétation): Ce n'est pas prévu par le Règlement et je ne
7 répondrai que si la Chambre me demande de jeter la lumière sur un point ou
8 sur un autre.
9 M. le Président (interprétation): Bien. Nous aurons quelques questions à
10 poser après la pause dans l'objectif de rationaliser le traitement de
11 cette affaire et d'obtenir un certain nombre de précisions sur des points
12 de droit, mais surtout, au sujet de certains doutes exprimés par les Juges
13 dans le questionnaire et qu'ils pourraient se voir préciser, et même
14 certains doutes exprimés dans le questionnaire pourraient trouver une
15 réponse.
16 Si bien que tout de suite après la pause, nous avons l'intention de
17 commencer avec le questionnaire.
18 Les deux questions au III sont limitées: on se contente de demander si les
19 allégations mentionnées dans ces deux paragraphes sont confirmées.
20 Ensuite, nous nous concentrerons sur une question autre, une question
21 qu'il convient de débattre quelle que soit l'issue de l'affaire: "quels
22 sont les groupes protégés au sens de la définition du crime de génocide de
23 manière générale?" De plus: "Qu'en est-il des groupes ciblés dans le cadre
24 de la définition du crime de persécution et d'extermination en l'espèce?"
25 Nous estimons qu'une discussion sur ces deux questions sera utile aux deux
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1 parties dans la rédaction de leur mémoire en clôture.
2 Ensuite, nous ne reviendrons que sur quelques-unes des questions relatives
3 aux faits, et ces questions s'adressent pour la plupart à l'accusation. La
4 défense, bien entendu, aura le droit de répondre s'agissant de ces
5 questions, mais je pense que cela pourra nous être utile pour raccourcir
6 au maximum les mémoires en clôture.
7 Mais nous avons besoin, avant que je ne prononce la clôture de ce procès,
8 d'avoir encore quelques précisions sur les faits. De ce fait, j'invite les
9 parties, comme je l'ai fait ce matin, à utiliser le temps qui nous reste
10 jusqu'à 14 heures 30 et à déterminer le point suivant: "La défense a-t-
11 elle eu accès à tous les numéros disponibles de "Kozarski Vjesnik", tous
12 les numéros dont dispose le Bureau du Procureur?" Je demande aussi bien à
13 la défense qu'à l'accusation de nous faire part du résultat de cette
14 recherche après la pause.
15 L'audience est maintenant suspendue jusqu'à 14 heures 30, heure à laquelle
16 nous reprendrons en salle d'audience n°III.
17 (L'audience, suspendue à 12 heures 07, est reprise à 14 heures 38.)
18 (Questions relatives aux éléments de preuve par M. le Président.)
19 M. le Président (interprétation): Je me tourne vers les parties et je leur
20 demande ce qu'il en est de ces numéros du "Kozarski Vjesnik" d'avril à
21 août 1992? Est-ce que l'on a trouvé une solution?
22 M. Lukic (interprétation): Peut-être devrais-je tout d'abord apporter une
23 correction à mes propos. On ne nous a pas permis d'avoir accès aux numéros
24 -si le Procureur en dispose-, aux numéros du 27 mars jusqu'au 22 mai, et
25 il y a deux autres numéros du 5 juillet et du 31 juillet. A l'exception de
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1 ces deux numéros, nous avons reçu tous les numéros pour juin et juillet.
2 Donc lorsque j'ai déclaré que nous ne les avions pas reçus, je me suis
3 trompé.
4 M. le Président (interprétation): Merci de cette correction. Puis-je
5 demander au Procureur ce qu'il en est des autres numéros?
6 M. Koumjian (interprétation): Nous sommes en train de préparer un résumé
7 des numéros qui ont été communiqués à la défense pour déterminer ce qui a
8 été communiqué et ce qui manque. La défense nous a déjà par le passé remis
9 une liste, nous avons trouvé les numéros que nous avions en notre
10 possession et nous les avons remis à la défense. Nous leur avons permis
11 d'avoir accès à la défense.
12 Deux ou trois membres de l'équipe de la défense sont venus dans nos locaux
13 pour examiner ces documents, je ne sais pas s'ils ont gardé une trace des
14 numéros qu'ils avaient pu consulter ou pas, mais vu les informations qui
15 viennent d'être données par Me Lukic, je sais que cette déclaration et ces
16 données sont en train d'être préparées. Je les enverrai par courrier
17 électronique à la Chambre pour faire savoir si nous disposons ou non de
18 ces numéros. Mais j'insiste sur le fait que, d'après ce que je sais, tous
19 les numéros dont nous disposons ont été remis à la défense. Mais je
20 procéderai à une deuxième, voire à une troisième vérification.
21 M. le Président (interprétation): Merci. Je pense que nous avons
22 suffisamment passé de temps cet après-midi sur cette question. Peut-être
23 aurons-nous suffisamment de temps pour traiter de cette question cet
24 après-midi?
25 Madame la Greffière d'audience, en dehors des documents qui manquent -les
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1 malheureux documents D114 et 115-, est-ce qu'il y a encore des documents
2 qui manquent, des traductions qui manquent?
3 Mme Dahuron (interprétation): Non, Monsieur le Président.
4 M. Président (interprétation): Je pense que nous avons maintenant les
5 traductions de S430 et de D305?
6 Mme Dahuron (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
7 M. Koumjian (interprétation): Espérons que les deux copies remises au
8 Procureur et aux Juges de D114 et D115 pendant la déposition de M.
9 Trifkovic pourront être retrouvées.
10 Je me tourne vers la défense: avez-vous encore un exemplaire de D114 et
11 D115?
12 M. Lukic (interprétation): Madame la Greffière d'audience nous a posé la
13 question hier. Elle nous a demandé de retrouver ces documents. Mais ma
14 recherche n'a pas été couronnée de succès malheureusement.
15 Nous avons notre assistant avec nous aujourd'hui et j'espère qu'il aura
16 plus de chance dans la recherche de ces documents et qu'il saura les
17 trouver, mais il va falloir que nous procédions à cette vérification ce
18 soir parce que tous les documents sont dans notre appartement.
19 M. le Président (interprétation): Merci. Nous espérons avoir de bonnes
20 nouvelles de ce côté-là un peu plus tard.
21 Comme je l'ai déjà signalé précédemment, il reste un certain nombre de
22 questions que nous souhaiterions poser, et il va sans dire que s'agissant
23 des faits, la charge de la preuve repose sur le Procureur, si bien que les
24 questions reposant sur les faits seront adressées au Procureur. Mais bien
25 sûr, si la défense souhaite intervenir sur un point précis, elle peut
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1 demander la parole.
2 Comme je l'ai déjà dit ce matin, je souhaiterais commencer par la partie
3 la plus facile de cet exercice. C'est la question sur laquelle la Chambre
4 a demandé au Bureau du Procureur de se pencher, à savoir: est-ce que le
5 Bureau du Procureur ne pouvait pas réfléchir au retrait des allégations
6 suivantes du fait de leur manque de précision? Paragraphe 54(3)(A)(viii).
7 M. Koumjian (interprétation): Je souhaiterais dire en introduction que je
8 suis prêt à aider la Chambre du mieux que je peux. Comme vous le savez,
9 nous en sommes à la page 15.000 du compte rendu d'audience et je ferai de
10 mon mieux pour faire appel à mes souvenirs et à nos souvenirs à tous, de
11 tous les membres de notre équipe pour répondre à vos questions. Mais vous
12 aurez des explications plus détaillées dans notre mémoire sur lequel nous
13 travaillons encore.
14 S'agissant du paragraphe 54(3)(viii), nous pensons qu'il y a suffisamment
15 d'éléments de preuve qui ont été présentés au sujet des hameaux musulmans
16 et croates qui se trouvent près des villages en question. Je ne sais pas
17 si vous voulez que j'entre dans les détails, mais je peux par exemple
18 faire référence à la déposition du docteur Cehajic, page 3.305 du compte
19 rendu d'audience, destruction de Ljubija.
20 Le témoin P, page 3.345, parle de destruction et de pillage sur la route
21 entre Kozarac et Trnopolje, et pages 3.347 à 3.351, il parle de maisons
22 qui ont été détruites, qui ont été incendiées à Koncari et vers Trnopolje.
23 Le témoin Q, page 3930, et dans les deux pages qui suivent, parle de la
24 destruction à Ljubija de maisons et de pillages dans cette localité. Le
25 témoin S, pages 5954 à 5975, parle de destructions et de pillages.
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1 Monsieur Sejmenovic a parlé de maisons incendiées, de maisons détruites
2 sur la route allant à Petkovici.
3 Je pourrais ainsi continuer longtemps, mais ces détails nous les
4 reprendrons dans notre mémoire.
5 M. le Président (interprétation): S'agissant de ces deux points, la
6 question était simplement de savoir si l'Acte d'accusation -et c'est
7 d'ailleurs là une question dont sont responsables les Juges de la
8 confirmation et le Procureur-, la question était de savoir si ces
9 allégations étaient plaidées, étaient présentées de manière assez précise.
10 M. Koumjian (interprétation): Oui, nous le pensons, Monsieur le Président.
11 Et pour être juste envers le Procureur, nous pensons qu'il s'agit là d'une
12 question qui aurait dû être évoquée précédemment avant la présentation des
13 éléments de preuve.
14 L'Acte d'accusation est censé être un document concis, surtout lorsqu'on
15 parle de hameaux en Bosnie où trois maisons peuvent constituer un hameau
16 et porter un nom particulier; et 100 mètres plus loin sur une route de
17 campagne, on trouve un autre hameau. Donc, il serait très difficile
18 d'identifier chacune de ces petites localités dont certaines ont plusieurs
19 noms. La défense a été notifiée suffisamment à l'avance, car les
20 déclarations des témoins lui ont été communiquées bien avant le procès, et
21 nous estimons que l'Acte d'accusation a été suffisamment précis pour
22 permettre d'identifier ces hameaux.
23 L'autre allégation, je ne me souviens plus exactement de quoi il
24 s'agissait.
25 M. le Président (interprétation): Paragraphe 543B "durant et pendant
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1 l'attaque".
2 M. Koumjian (interprétation): Oui, nous pensons que cela est suffisamment
3 descriptif. Nous pensons que les éléments de preuve l'ont montré. Par
4 exemple, lors de l'attaque de Kozarac, des maisons ont été détruites au
5 cours de l'attaque dans les jours qui ont suivi, puisque ces maisons
6 continuaient à être incendiées. On a continué à avoir des pillages de ces
7 maisons.
8 Je ne vois pas très bien comment nous aurions pu être plus précis, sauf à
9 indiquer les journées exactes pendant lesquelles cela s'est produit. Mais,
10 nous pensons que c'était suffisamment précis pour permettre à la défense
11 de faire son travail. Il n'y a d'ailleurs pas eu de plainte élevée
12 s'agissant de l'Acte d'accusation au sujet de la formulation qui avait été
13 choisie.
14 M. le Président (interprétation): Merci, de cette précision.
15 Passons maintenant à un point qui est un peu plus complexe, un peu plus
16 problématique qui a souvent été évoqué, mais peu importe, nous y revenons.
17 Pour qu'en premier lieu, la défense s'y prépare dans son mémoire en
18 clôture et pour que nous puissions nous-mêmes aborder cette question, j'y
19 reviens donc.
20 Il s'agit de la question 23, s'agissant des allégations sur les faits.
21 Est-ce que le Bureau du Procureur affirme toujours qu'il existait une
22 entreprise criminelle commune ou l'existence de co-auteurs dans des actes
23 incriminés? Puisque le concept d'entreprise criminelle conjointe n'a pas
24 été quelque chose qui a été gravé dans le marbre par la jurisprudence du
25 Tribunal; c'est un concept qui fait l'objet d'appel et on ne sait donc pas
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1 encore si le Tribunal a une jurisprudence établie s'agissant de
2 l'entreprise criminelle commune. C'est pourquoi nous avons ajouté ce terme
3 de "co-auteurs", l'existence de co-auteurs qui peut être une alternative.
4 Mais vous savez sans doute sur la base de nos observations précédentes que
5 nous avons un certain nombre de doutes.
6 Est-ce que le Bureau du Procureur affirme qu'il y a eu une telle
7 entreprise criminelle commune, qu'il y a eu un ensemble de co-auteurs de
8 ces crimes de manière horizontale et verticale? Si c'est le cas quels sont
9 les éléments de preuve sur lesquels s'appuie cela?
10 M. Koumjian (interprétation): Oui, c'est effectivement la thèse de
11 l'accusation et je pense qu'il ne serait pas juste pour la défense de dire
12 ici que les décisions n'ont été prises qu'à Prijedor et qu'aucune
13 influence ne venait d'en haut. Mais permettez-moi d'apporter quelques
14 précisions.
15 En l'espèce et dans le cadre de nos moyens de preuve, nous n'avons
16 présenté aucun moyen de preuve contre le docteur Stakic. Ça ne lui était
17 d'ailleurs pas reproché, aucun crime ne lui a été reproché qui se serait
18 produit à l'extérieur de la municipalité de Prijedor. D'ailleurs, j'estime
19 quant à moi en émettant une petite réserve -puisque nous parlons ici de
20 point de droit extrêmement complexe- il est possible que dans notre
21 mémoire en clôture, après avoir passé en revue mes propos, le Bureau du
22 Procureur décide d'adopter une position quelque peu différente, étant
23 donné que je ne connaissais pas la jurisprudence établie. Mais, en tout
24 cas, c'est le mémoire en clôture qui prévaudra par rapport à toutes
25 remarques que je pourrais faire ici.
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1 Donc ça c'est une petite remarque. Et maintenant ma réponse: pour
2 déterminer l'existence d'une entreprise criminelle commune et la
3 responsabilité de l'accusé, il faut établir le lien qui existait entre
4 l'accusé et le crime, et ce lien nous estimons qu'il va du bas vers le
5 haut, de l'accusé en passant par d'autres membres de cette entreprise
6 criminelle commune à Prijedor jusqu'aux auteurs des crimes, au sein de la
7 police et de l'armée.
8 Nous avons eu certains éléments de preuve peu nombreux, mais nous avons
9 quand même eu des éléments de preuve au sujet des co-auteurs au niveau de
10 la République et de la région. Mais nous estimons que ce qui est
11 essentiel, c'est d'établir le lien entre l'accusé -le docteur Stakic- et
12 les crimes qui ont eu lieu au niveau horizontal et vers le bas, faire le
13 lien entre lui et les crimes.
14 Nous n'essayons pas de lui reprocher des crimes en dehors de Prijedor dans
15 le cadre de cette entreprise criminelle commune dans sa troisième
16 acception. Nous n'avons donc pas besoin d'établir le lien entre lui et les
17 liens supérieurs où ces crimes ont été commis en dehors des frontières de
18 Prijedor.
19 Tout ce qui est nécessaire pour que nous prouvions notre thèse, c'est de
20 montrer qu'il y avait un lien entre lui et les co-auteurs à Prijedor, donc
21 les membres de l'armée et de la police.
22 M. le Président (interprétation): Si vous mentionnez des personnes telles
23 que Biljana Plavsic et d'autres personnes évoluant à un échelon supérieur,
24 est-ce que la logique ne nous dicte pas la chose suivante: est-ce qu'à ce
25 moment-là on ne peut pas considérer que le docteur Stakic est également
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1 responsable des crimes commis à un niveau supérieur et est-ce qu'il n'y a
2 donc pas ce lien vertical?
3 N'est-il pas exact que l'objectif de cette entreprise criminelle commune
4 et de tous les crimes qui ont été commis en son nom -avec les points
5 d'interrogation bien entendu qui se posent s'agissant des membres de cette
6 entreprise commune, et je me souviens que Mme Korner en a parlé-, est-ce
7 que donc le fait n'est pas que les personnes qui sont mentionnées dans le
8 quatrième Acte d'accusation modifié ne se sont peut-être jamais
9 rencontrées mais sont malgré tout responsables ensemble des crimes
10 reprochés puisque apparemment ces personnes auraient été membres d'une
11 seule et même entreprise criminelle commune?
12 Si je vous comprends donc bien maintenant, l'accusation affirme que le
13 docteur Stakic est considéré comme responsable de ce qui s'est passé à
14 Prijedor et dans la municipalité de Prijedor, et donc que le docteur
15 Stakic n'a rien à voir, comme on pourrait s'y attendre aux termes de la
16 doctrine de l'entreprise criminelle commune, il n'a donc rien à voir avec
17 ce qui s'est passé à un niveau plus haut, n'est-ce pas?
18 M. Koumjian (interprétation): Notre thèse, notre affaire est limitée à ce
19 qui s'est passé à Prijedor, par des crimes commis sous le contrôle de
20 l'accusé. J'ajoute cette réserve. Parce qu'il y a des meurtres qui ont été
21 commis devant le camp de Manjaca et les éléments de preuve nous ont montré
22 que le 6 août des membres de la section d'intervention ont transféré des
23 détenus d'Omarska et les ont tués avant qu'ils ne puissent entrer au camp
24 de Manjaca à Banja Luka. De même, le massacre du mont Vlasic a eu lieu en
25 dehors des limites de la municipalité mais il a été commis par la police
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1 de Prijedor, par la section d'intervention, et de ce fait le docteur
2 Stakic a un lien direct avec ces crimes.
3 S'agissant des crimes commis à un échelon supérieur, tout d'abord d'un
4 point de vue concret, d'un point de vue pratique, nous ne présentons pas
5 des éléments de preuve dans le cas où il y ait entreprise criminelle
6 conjointe avec beaucoup de personnes concernées, nous ne présentons pas
7 d'éléments de preuve relatifs à la responsabilité de M. Karadzic. Si nous
8 le faisions, la défense nous dirait qu'il s'agit ici du docteur Stakic et
9 non pas du docteur Karadzic, et que c'est lui qu'on juge et non pas le
10 docteur Karadzic.
11 Nous ne reprochons pas au docteur Stakic les crimes commis à Zvornik ou
12 ailleurs dans la région de Bosnie-Herzégovine par le docteur Stakic et
13 d'autres. Nous ne lui reprochons pas les crimes de Srebrenica commis par
14 le docteur Karadzic et d'autres dans le cadre d'entreprise criminelle
15 conjointe.
16 De manière concrète et pratique, nous lui reprochons les crimes pour
17 lesquels il a eu une influence à Prijedor en tant que membre d'une
18 entreprise criminelle sur une grande échelle. Mais nous lui reprochons les
19 crimes commis à Prijedor: à partir de ce qui s'est passé à Prijedor et en
20 descendant à partir de son niveau.
21 M. le Président (interprétation): Dans ces conditions, quel est le lien
22 factuel, le lien juridique avec les autres personnes qui sont mentionnées
23 dans l'Acte d'accusation, qui sont désignées comme étant les participants
24 de cette entreprise criminelle conjointe qui aurait existé à cette époque
25 en Bosnie-Herzégovine? Pourquoi est-il nécessaire à ce moment-là de
Page 15297
1 mentionner le lien avec ces personnes?
2 M. Koumjian (interprétation): Eh bien, on a estimé que c'était nécessaire
3 vu une décision dans Brdjanin/Talic sur la forme de l'Acte d'accusation;
4 une décision dans laquelle il avait été stipulé que l'accusation devait
5 nommer les autres personnes dont elle affirmait qu'elles étaient membres
6 de l'entreprise criminelle commune.
7 Est-il nécessaire de donner les noms de ceux qui se trouvaient à l'échelon
8 supérieur de celui de l'accusé? Peut-être pas.
9 Mais nous avons essayé de pécher par abus de prudence et nous avons pensé
10 que c'était nécessaire. De plus, cela a une pertinence puisque ce qui est
11 à l'origine de la politique et de la motivation se trouve là. Nous avons
12 montré des éléments de preuve montrant quelles étaient les motivations de
13 ce qui s'est passé, des crimes commis: modification de l'équilibre
14 démographique, création d'un Etat séparé. Tout cela venait du niveau de la
15 République, du niveau régional.
16 Je pense que cela a contribué à aider l'accusé à se préparer et cela a
17 permis également à l'accusation, à la Chambre de première instance de
18 mieux travailler dans cette affaire. Lorsque nous avons dit que
19 l'accusation présenterait des éléments de preuve par exemple au sujet des
20 décisions rendues par la Région autonome de la Krajina et par sa cellule
21 de crise ou par l'assemblée de la Republika Srpska, parce que nous avons
22 voulu en informer auparavant l'accusé et faire savoir à la Chambre que les
23 crimes qui avaient eu lieu à Prijedor avaient eu lieu dans un contexte
24 beaucoup plus large. Celui d'une entreprise criminelle sur une plus grande
25 échelle.
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1 M. le Président (interprétation): Merci. Est-ce que la défense souhaite
2 intervenir?
3 M. Ostojic (interprétation): Pas à ce stade, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation): Merci. Nous n'allons bien sûr pas passer
5 en revue toutes les questions sur les faits, mais il serait peut-être
6 utile de réfléchir à la question 15 au sujet des allégations sur les
7 faits. C'est la question des éléments de preuve étayant les allégations
8 présentées au paragraphe 47 de l'Acte d'accusation.
9 Pourquoi inclure la caserne de la JNA à Prijedor, le centre communautaire
10 de Miska Glava et le bâtiment du SUP à Prijedor? Pourquoi les placer sur
11 le même niveau que le camp d'Omarska, de Keraterm et de Trnopolje? Est-ce
12 que l'accusation affirme toujours que ces trois bâtiments, ces trois
13 localités, ces trois lieux peuvent être considérés comme des camps au sens
14 où Omarska, Keraterm et Trnopolje étaient aussi des camps? Ou bien est-ce
15 que suite aux éléments de preuve qui nous ont été présentés -et là je vais
16 être très franc avec vous- est-ce qu'on ne pourrait pas penser que les
17 trois premiers en tout cas peuvent être exclus tout de suite étant donné
18 l'insuffisance des éléments de preuve présentés ou bien du fait que les
19 seuls éléments dont on dispose c'est qu'une personne ou deux a été
20 interrogée à cet endroit?
21 M. Koumjian (interprétation): Au paragraphe 46, on donne une liste des
22 camps et des centres de détention. Jamais notre intention n'a été de
23 placer ces lieux au même niveau. Pour que ce soit très clair -d'ailleurs
24 je crois que tout le monde le sait-, les camps d'Omarska et de Keraterm se
25 trouvaient dans une situation et à un niveau complètement différent que
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1 les autres lieux. Trnopolje, c'était complètement différent du fait du
2 nombre de personnes qui s'y trouvaient, du type d'actes, du type de la
3 fréquence des actes qui ont été commis; les meurtres et les passages à
4 tabac étaient moins importants, ont concerné moins de personnes qu'à
5 Omarska et Keraterm. Mais, il y avait beaucoup plus de monde qui était
6 interné à cet endroit.
7 D'autre part, pour les autres lieux dont on sait que les gens y ont été
8 détenus beaucoup moins longtemps -nous en parlerons dans notre mémoire en
9 clôture- mais pour répondre à votre question, nous n'affirmons pas que
10 tous ces lieux peuvent être considérés comme équivalent et nous n'avons
11 nullement l'intention de dire qu'il s'est passé dans ces autres lieux, que
12 vous avez mentionnés, les mêmes choses qu'à Omarska et à Keraterm.
13 M. le Président (interprétation): Mais vous affirmez toujours comme cela
14 figure dans l'Acte d'accusation que la caserne de la JNA à Prijedor, le
15 centre communautaire de Miska Glava et le bâtiment du SUP à Prijedor
16 étaient en fait des centres de détention illégaux, en tout cas non
17 justifiés par les Conventions de Genève?
18 M. Koumjian (interprétation): Il n'est pas illégal d'avoir des lieux de
19 détention, ce qui est illégal c'est d'enfermer certaines personnes qui
20 n'ont rien à y faire. Par exemple -ça me vient à l'esprit à l'instant-
21 nous avons entendu parler du bâtiment du SUP de Prijedor où on a emmené
22 des personnes qui ont été battues, des gens qui n'avaient pas participé au
23 combat, qui ne participaient pas aux hostilités, qui ne pouvaient pas être
24 considérés comme une menace par les autorités. Je pense au professeur
25 Cehajic qui a été emmené, le docteur Beglerbegovic je crois aussi, M.
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1 Murselovic également.
2 Il n'est pas illégal d'enfermer des criminels en prison, mais y enfermer
3 des civils uniquement du fait de leur appartenance ethnique et les passer
4 à tabac, cela constitue une violation du droit international.
5 M. le Président (interprétation): Il en va de même pour la caserne de la
6 JNA et le centre communautaire de Miska Glava. Vous estimez avoir
7 suffisamment d'éléments de preuve pour appuyer ces affirmations?
8 M. Koumjian (interprétation): Nous en parlerons dans notre mémoire en
9 clôture. La caserne a été évoquée uniquement dans les déclarations de
10 certains témoins 92bis; nous avons des éléments de preuve détaillés à ce
11 sujet. Pour ce qui est de Miska Glava, du centre communautaire de Miska
12 Glava, M. Ermin Karagic en parle dans sa déposition. Mais plutôt que de
13 vous donner cela sans note, je pense pouvoir affirmer que nous disposons
14 des éléments de preuve nécessaires et nous les présenterons de manière
15 précise dans notre mémoire.
16 M. le Président (interprétation): Point 5, ceci dans le souci d'une
17 meilleure compréhension. La défense aura pris note de la réserve suivante:
18 le fait qu'il n'y ait pas de question au sujet de certains faits ne
19 signifie pas que ces faits aient été établis au-delà de tout doute
20 raisonnable, mais nous estimons qu'il y a certains éléments qui peuvent
21 être supprimés. E c'est là qu'on en revient au point 5 qui a trait à
22 l'élément discriminatoire pour les violations reprochées des droits
23 humains fondamentaux. Par exemple, le couvre-feu.
24 Est-ce que l'accusation estime qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve
25 montrant que le couvre-feu a été imposé de manière discriminatoire?
Page 15301
1 M. Koumjian (interprétation): Nous ne pensons pas qu'un couvre-feu soit un
2 acte discriminatoire. Je n'ai pas sous les yeux l'Acte d'accusation et le
3 passage concerné, mais je crois que nous avons plaidé dans l'Acte
4 d'accusation que c'était la restriction des mouvements, la restriction de
5 la circulation.
6 Nous convenons avec vous que le simple fait d'imposer un couvre-feu ne
7 constitue pas une infraction; ça dépend de la manière dont cela
8 s'applique. Il semble d'après les éléments de preuve que le couvre-feu ne
9 s'appliquait pas à tous. Nous estimons qu'il y a eu effectivement une
10 restriction de la liberté de circulation générale. Cela sera précisé
11 d'ailleurs dans notre mémoire en clôture.
12 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous défendez la thèse selon
13 laquelle le couvre-feu a été mis en place avec une intention
14 discriminatoire?
15 M. Koumjian (interprétation): Nous n'affirmons pas que le couvre-feu lui-
16 même a été établi dans un esprit discriminatoire, ce que nous avançons a
17 trait aux restrictions générales placées pour la circulation en général.
18 Je pense aux points de contrôle par lesquels les Musulmans n'avaient pas
19 le droit de passer; ce qu'un témoin a décrit comme la ghettoïsation.
20 M. le Président (interprétation): Nous avons à plusieurs reprises entendu
21 l'allégation selon laquelle le simple fait d'imposer un couvre-feu...
22 M. Koumjian (interprétation): Nous sommes revenus à plusieurs reprises sur
23 le couvre-feu, non pas pour dire que le couvre-feu avait été établi dans
24 un esprit discriminatoire, mais pour montrer le pouvoir de la cellule de
25 crise, le pouvoir de l'accusé qui pouvait donner des ordres à la police
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1 qui ensuite exécutait ces ordres.
2 Nous estimons que le couvre-feu constitue un élément de preuve essentiel,
3 mais non pas pour prouver que le couvre-feu était animé par une intention
4 discriminatoire. Nous souhaitons montrer que l'accusé avait une influence
5 et pouvait donner un ordre à la police, ordre qui ensuite était exécuté
6 par la police.
7 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Maintenant, nous voici
8 venus à des questions clés. Il s'agit de questions concernant les faits et
9 le droit qui me semblent être ambiguës. Il s'agit de groupes protégés dans
10 le sens où il faut définir le génocide.
11 Dans cette affaire, je me souviens que ce matin vous avez, parlant
12 d'intention, mentionné cela. Vendredi dernier également lorsque vous avez
13 fait mention de génocide, vous avez parlé notamment de groupes ethniques
14 autres que d'origine serbe. Les membres des communautés ethniques autres
15 que Serbes pouvaient-il être des groupes cibles en matière de génocide?
16 M. Koumjian (interprétation): Messieurs les Juges, Madame le Juge, si.
17 Mais permettez-moi d'y apporter quelques précisions. Les éléments de
18 preuve nous permettent de constater que surtout les Croates et notamment
19 les Musulmans de Bosnie qui ont été les groupes ethniques cibles -mais ces
20 éléments de preuve ne sont pas si simples, pour des raisons fort
21 évidentes, à savoir de caractère démographique dans Prijedor-, les
22 Musulmans de Bosnie ont été beaucoup plus cibles et visés.
23 Nous sommes d'accord, Monsieur le Président, pour dire que nous n'avons
24 toujours pas avancé tous les éléments de preuve qui permettraient de
25 constater que tous les groupes ethniques autres que serbe ont été visés
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1 "groupes cibles". Nous avons voulu dire que le groupe qui a été ciblé
2 était donc notamment les Croates et les Musulmans de Bosnie.
3 M. le Président (interprétation): Oui, je pense qu'il est tout à fait
4 clair que sur la base du droit -si je comprends bien l'Acte d'accusation,
5 de façon correcte, si nous parlons de groupes ethniques-, ceci ne peut se
6 limiter qu'à des Musulmans et des Croates.
7 Commençons par les Croates, le groupe cible dans le sens de l'existence
8 d'une intention de commettre le génocide en partie ou en totalité nous
9 permet de poser la question suivante: l'accusation considère-t-elle
10 toujours que les Croates en tant que groupe ethnique ont été un groupe
11 cible en partie ou dans leur intégralité dans la municipalité de Prijedor?
12 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je ne sais pas
13 si vous souhaitez que je m'étende là-dessus, mais ma réponse est en fait
14 affirmative. Au cours des 75 jours de cette campagne, les éléments de
15 preuve prouvent qu'ils l'ont bien été. Ils ont été une cible visée par la
16 destruction.
17 M. le Président (interprétation): Alors, maintenant, il ne s'agit pas
18 d'une question d'ordre académique, mais il s'agit d'une question vraie qui
19 a été posée dans plusieurs publications traitant de génocides. Si nous
20 laissons de côté les questions relatives à l'intention, relatives aux
21 connaissances, etc., lorsque nous sommes en train de parler de Musulmans:
22 de qui parlons-nous comme étant le groupe cible musulman? Dans le monde
23 entier, des Musulmans d'Europe, des Musulmans en Bosnie-Herzégovine ou les
24 Musulmans de la municipalité de Prijedor?
25 S'agit-il de dire que ceci a été bien couvert par le terme technique tout
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1 court lorsque nous disons "groupe cible" en partie ou dans son
2 intégralité?
3 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur
4 les Juges, permettez-moi tout d'abord de dire que dans l'Acte d'accusation
5 nous empruntons le terme "les Musulmans de Bosnie".
6 Je voulais expliquer pour dire que ceci a été désigné pour désigner un
7 groupe ethnique et non pas un groupe religieux, en l'espèce, enfin dans ce
8 cas précis parce que ces gens-là s'identifient eux-mêmes comme tel, ou
9 bien ont-ils été ainsi identifiés pour être considérés comme un groupe
10 ethnique -je ne parle pas évidemment de la religion, de la foi qu'ils
11 pratiquent.
12 Pour ce qui est de "groupe cible", je crois qu'il y a lieu de parler d'un
13 précédent. Lorsque nous parlons dans la jurisprudence de ce Tribunal et
14 dans celui du Rwanda qu'il pouvait y avoir un génocide traité dans le sens
15 plus restreint du terme. Dans l'affaire Krstic, ceci a été évoqué, de même
16 que dans un autre cas, dans une autre cause Akayesu au Rwanda.
17 Là, nous avons pu constater que les Musulmans de Prijedor et les Croates
18 de Bosnie ont été cibles, c'est-à-dire ils ont été l'objet de cette
19 campagne de destruction.
20 M. le Président (interprétation): Pour prouver, établir le fondement d'un
21 crime de génocide, l'accusation considèrerait-elle que ceci devrait être
22 lié à une appartenance ethnique ou à une pratique de religion?
23 Puis-je vous poser la question suivante: lorsque nous parlons de
24 persécution, vous avez peut-être pu voir que dans plusieurs jugements
25 rendus il a été extrêmement difficile de faire la nécessaire distinction
Page 15305
1 entre groupes cibles? Sur quoi devrait se fonder cette distinction à faire
2 pour établir la persécution telle qu'elle a été alléguée?
3 M. Koumjian (interprétation): Si je comprends bien la question, le groupe
4 que nous avons défini comme ayant été l'objet de persécution, nous l'avons
5 défini de la même façon que lorsque nous procédons pour traiter de
6 génocide, il s'agit de Bosniens et de Croates.
7 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je crois avoir
8 suffisamment compris pour dire comme suit: les gens qui sont descendants
9 ou ont un lien de parenté très proche en Bosnie-Herzégovine, cela témoigne
10 de gens différents… d'origine similaire qui parlent la même langue et qui
11 eux-mêmes s'identifient en fonction de la religion pratiquée par eux-
12 mêmes, par leur père, par leurs aïeux.
13 Voilà en quoi ceci est devenu une façon d'identifier. Peu importe si
14 vraiment du point de vue religieux ils professaient leur foi de façon
15 active.
16 De toute évidence, la question consiste en cela qu'il y a un chevauchement
17 lorsqu'il faut voir, Monsieur le Président, si les gens sont considérés
18 comme tels parce qu'appartenant à tel ou tel groupe ethnique ou à leur
19 religion. La question me semble compliquée. Je crois qu'il y a un
20 chevauchement dans cette région lorsqu'il y a lieu de parler de religion,
21 d'ethnicité, c'est-à-dire d'appartenance ethnique ou de développement,
22 d'évolution historique.
23 M. le Président (interprétation): Dans ce sens-là, dans l'Article 5, vous
24 faites bien cette distinction. Néanmoins, il demeure peu clair pour la
25 Chambre de première instance -en parlant en des termes absolus-, lorsqu'on
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1 parle de génocide ou lorsqu'on parle de crimes contre l'humanité,
2 notamment lorsque nous citons les persécutions, la question est la
3 suivante: l'accusation considère-t-elle au vu du paragraphe 54 où on
4 traite de Musulmans et de Croates de Bosnie dans des zones non serbes
5 qu'il y aurait une discrimination à constater d'après le point de vue qui
6 est le vôtre?
7 S'agit-il d'une discrimination perpétrée à l'égard de tous les non-Serbes?
8 Peu importe si ces derniers sont constitués de Musulmans, de Croates et
9 d'Ukrainiens, ou bien s'agit-il de les considérer eu égard et relativement
10 à leur religion? S'agit-il plus ou moins d'une discrimination perpétrée
11 contre tous les non-Serbes ou faites-vous là aussi une distinction pour
12 confondre en quelque sorte Croates et Musulmans et autres non-Serbes de
13 Bosnie?
14 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur
15 les Juges, il y a eu des éléments de preuve portant sur les hommes qui
16 n'étaient ni Musulmans ni Bosniens ni Croates, et qui ont été cibles de
17 crimes, parce que tout simplement ils ont été identifiés comme appartenant
18 à certains de ces groupes. Concrètement parlant, je crois qu'il y a eu des
19 éléments de preuve selon lesquels des Albanais auraient été visés dans des
20 camps et nous considérons que ceci a été dû au fait qu'ils ont été
21 identifiés en tant qu'alliés des communautés musulmanes. Encore que leur
22 origine ethnique est tout à fait différente que celle des Bosniens.
23 Ensuite, il y a eu la déposition du docteur Sikora qui lui était Tchèque
24 d'origine. Il a pu voir dans les journaux qu'il a été accusé d'avoir rendu
25 stérile des femmes serbes, je crois que c'est sur la base de la religion
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1 qui aurait été la sienne. Il a dû être traité comme appartenant au côté
2 croate. Il était dans notre intention de traiter des Bosniens, de Croates
3 et des non-Serbes, lorsque nous parlons dans l'Acte d'accusation de la
4 sorte, mais il s'agissait également d'autres qui ont été des Albanais et
5 par exemple le docteur Sikora. Cela étant dû au fait qu'ils ont été
6 identifiés comme appartenant à l'un de ces deux groupes-là qui ont été
7 considérés comme groupes adverses ennemis.
8 M. le Président (interprétation): Néanmoins, même si cela n'est pas encore
9 bien formulé, il s'agit là d'une opinion bien formulée. Si vous êtes en
10 train de parler de l'intention délictueuse et définitivement si vous êtes
11 en train de parler de l'actus reus, si le tout devait être fondé sur des
12 bases juridiques faudrait-il pour autant faire une distinction entre le
13 génocide lorsqu'il nous faut savoir qu'il s'agit là d'un groupe cible en
14 partie ou dans son intégralité ou lorsqu'on parle ou on traite de crime de
15 persécution lequel -d'après certaines sources- pourrait être perpétré à
16 l'encontre du groupe qui pourrait être décrit dans une optique négative,
17 dans un sens négatif? Ceci pourrait être présenté comme la description
18 d'une discrimination à l'encontre de telles ou telles personnes du simple
19 fait que ces personnes-là n'appartiennent pas à un groupe de Serbes.
20 Or, ce groupe-là de non-Serbes pourrait être composé d'autres groupes
21 cibles dans le sens du génocide. Je voulais tout simplement que les deux
22 parties puissent être conscientes de toutes ces possibilités lorsque les
23 sources juridiques sont bien suivies. Au cours de tous ces derniers mois,
24 nous avons pu nous procurer plusieurs sources juridiques portant là-
25 dessus, et je crois que c'est grâce à cela qu'il peut y avoir une
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1 distinction à faire lorsque l'on traite de groupes dans l'Article 5, aux
2 termes de la Convention sur le génocide. Je crois que nous avons déjà pu
3 adresser les doutes qui étaient les nôtres au sujet de l'intention et au
4 sujet de ce qui est nécessaire d'exister pour que l'on puisse traiter de
5 complicité dans le génocide, les deux au titre de l'Article 98bis, ainsi
6 que cela figure dans notre questionnaire.
7 Ce qui nous reste encore pour aujourd'hui, c'est que nous devrions peut-
8 être faciliter l'effort du conseil de la défense lors du dépôt de son
9 mémoire en clôture. Il s'agit de l'Article 54, paragraphe 5, où une fois
10 de plus nous avons dit: "Il faut peut-être faire abstraction de ce qui n'a
11 pas été explicitement présenté dans l'Acte d'accusation, ne permet pas au
12 conseil de la défense de se préparer à la défense". Voilà pourquoi il
13 faudra citer cela comme étant un droit. Cela nous amène à une autre
14 question de savoir quel serait le droit fondamental et quelle serait la
15 base juridique pour croire que le droit à l'emploi, c'est-à-dire sur la
16 base des éléments de preuve que nous avons pu recevoir jusqu'ici, il
17 devait y avoir lieu de traiter d'un droit qui permet à un individu de ne
18 pas se faire licencier.
19 S'agit-il d'un droit fondamental tel qu'il a été imbriqué dans les
20 fondements de la convention européenne sur les droits de l'homme ou
21 s'agit-il d'en parler à une échelle globale? Le droit à l'emploi fait-il
22 partie donc de ce qu'on appelle le droit fondamental?
23 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je voulais dire tout
24 simplement qu'il y a une différence à faire. Il y a par exemple la
25 différence à faire entre la révocation de ses fonctions, par exemple, d'un
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1 président de la municipalité, lorsque celui-ci est démis de ses fonctions.
2 Ensuite, il y avait les personnes qui étaient déchues de leurs droits leur
3 permettant de vivre, de subsister lorsque ces gens-là ne peuvent plus
4 avoir droit à l'emploi. Lorsque discriminés à tous points de vue et dans
5 tous les domaines, ils n'ont plus aucune possibilité de travailler, par
6 conséquent, de survivre.
7 C'est de cela que nous parlons très concrètement dans l'ancienne
8 Yougoslavie, dans les sociétés socialistes d'Etat ou dans des pays
9 socialistes en transition à cette époque-là. Il s'agissait de droits
10 fondamentaux concernant et régissant l'emploi.
11 Les questions relatives à l'habitation; de même, prise en charge,
12 prévention sociale, soins médicaux, etc. Par conséquent, dans ce sens-là,
13 je dirais que nombre de gens ont été déchus de leur droit à l'emploi. Par
14 conséquent, d'un droit fondamental qui, cette fois-ci, lorsqu'il y a une
15 telle déchéance, devrait entraîner l'existence d'un crime à l'échelle
16 internationale.
17 M. le Président (interprétation): Il est aisé de comprendre qu'il s'agit
18 d'un crime aux termes du droit international, mais où peut-on retrouver le
19 fondement d'une telle allégation portant l'existence d'un crime en 1992?
20 Où peut-on retrouver cela, à savoir que la déchéance d'un droit à l'emploi
21 devrait être considérée comme un crime, c'est-à-dire le crime contre la
22 vie, c'est-à-dire déchéance du droit à la vie?
23 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais peut-être
24 vous demander de vous reporter à l'Article 6 de la Convention
25 internationale sur les droits économiques sociaux et culturels; Article 6.
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1 Il s'agit d'ailleurs d'un pacte international.
2 M. le Président (interprétation): Donc, d'après vous, ceci devrait nous
3 permettre de considérer l'ensemble de ce droit comme étant l'un des droits
4 fondamentaux, si je vous ai bien compris. Droit, par exemple, aux soins
5 médicaux.
6 Est-ce que vous croyez qu'il y a eu des éléments de preuve établissant
7 l'existence d'une discrimination en matière de soins médicaux appropriés?
8 Vous devez être conscient du fait que nous avons une série d'éléments de
9 preuve qui nous font penser qu'il y a eu tant de manquements et
10 d'omissions en matière de soins médicaux tout le long de la municipalité.
11 M. Koumjian (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous en sommes
12 conscients. Nous pouvons répondre à cela de façon beaucoup plus
13 circonstanciée, avec beaucoup plus de détails, dans le cadre de notre
14 mémoire en clôture. Nous pouvons en parler en traitant des soins médicaux
15 tels qu'ils étaient dispensés dans le camp d'Omarska.
16 Par exemple, nous avons eu un individu qui a eu, au niveau de la tête, une
17 plaie. Le docteur Sadikovic, pour la traiter, devait utiliser les cheveux
18 d'un homme pour pouvoir suturer au lieu de se servir, comme on le fait,
19 d'une aiguille et, évidemment, le fil approprié. Ensuite, nous avons eu
20 des enfants à Kozarac blessés qui avec force hémorragie ont perdu leur
21 vie.
22 Nous avons encore pas mal d'éléments dans le cadre des 15.000 pages du
23 transcript.
24 M. le Président (interprétation): Mais est-ce que vous croyez vraiment
25 que, lorsqu'une personne est décédée, ceci était dû au fait qu'une
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1 personne s'est vu déchue de ses droits à des soins médicaux appropriés?
2 M. Koumjian (interprétation): Nous croyons que l'Article 6, paragraphe 1
3 du Pacte international relatif aux droits de l'homme et du citoyen, traite
4 des droits à la vie, entre autres, droit à une protection sanitaire
5 appropriée qui ne devrait certes pas être interdite à quelqu'un, surtout
6 lorsqu'il faut préserver une vie humaine.
7 M. le Président (interprétation): Oui, bien entendu, mais d'une manière
8 symbolique lorsque vous avez un cas de meurtre, est-ce que vous alliez
9 charger l'accusé, entre autres, d'avoir empêché quelqu'un de se faire
10 dispenser des soins médicaux?
11 M. Koumjian (interprétation): Non, peut-être pas dans le cadre d'une même
12 affaire, mais s'il s'agit de deux actes séparés, si une personne, par
13 exemple, tire une balle et si vous avez une personne qui en est blessée et
14 si vous avez une autre personne qui empêche une ambulance d'aller au
15 secours et si la victime évidemment a beaucoup trop saigné, alors, il
16 s'agirait de parler d'une intention criminelle responsable.
17 M. le Président (interprétation): Oui, tout à fait correct. Nous y sommes.
18 Est-ce que vous croyez qu'il y a eu des éléments discriminatoires, sur la
19 base des éléments de preuve qui nous ont été présentés tout le long de
20 l'année dernière, qui vous permettent de dire qu'il y a eu discrimination
21 en matière de soins médicaux?
22 M. Koumjian (interprétation): Oui, en effet. Il s'agit des éléments de
23 preuve portant sur les licenciements qui ont été délivrés sur les gens à
24 l'hôpital. Les éléments de preuve prouvent que l'hôpital devait
25 fonctionner tout le temps, alors que les éléments de preuve prouvent
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1 également qu'il y a eu empêchement de donner des soins médicaux de base à
2 des personnes, par exemple, détenues dans un camp.
3 M. le Président (interprétation): Très bien. Maintenant, à la fin, une
4 autre question concernant toujours le même domaine, vous faites mention de
5 droit à une procédure juridique appropriée.
6 Sans aucun doute, nous avons l'Article 14 de la Convention européenne et
7 l'Article 6 du Pacte international des droits de l'Homme. Là, il s'agit de
8 certains articles traitant de l'aide juridique qui est un droit
9 fondamental. Par exemple, il y a eu une allégation selon laquelle des gens
10 ont été arrêtés sur des bases illégales, et par la même occasion une
11 procédure juridique, procédure judiciaire appropriée n'a pas été
12 entreprise. Ne s'agit-il pas de voir toujours les deux effigies d'une même
13 pièce d'argent, d'une même médaille?
14 M. Koumjian (interprétation): Oui, en effet, Monsieur le Président.
15 Certainement, vous êtes en droit de dire ainsi. Pourrait-on dire que ces
16 gens-là ont été arrêtés en fonction du droit et sur la base du droit et du
17 fait qu'aucune procédure n'a été menée de façon correcte ou appropriée,
18 aucune procédure n'a été menée de façon judiciaire appropriée lorsque ces
19 gens-là ont été amenés?
20 M. le Président (interprétation): Par conséquent, peut-on dire qu'on est
21 en train de citer des termes alternatifs plutôt?
22 M. Koumjian (interprétation): Oui, en effet. C'est ce que j'ai dit tout à
23 l'heure en disant que notre mémoire en clôture devrait prévaloir sur ce
24 que je devrais vous dire de façon orale maintenant.
25 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, on peut plus aisément
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1 comprendre tout cela. Cela émane de ce qu'on est en train de traiter car
2 en effet il y a toute une dynamique à prévoir entre les Articles 7.1 et
3 7.3 du Statut.
4 Cela dit, nous voulons faciliter le travail du conseil de la défense et
5 aboutir à une meilleure compréhension de l'Affaire, je vous demande de
6 nous dire comment il est possible que vous chargiez de la même façon la
7 personne qui a commis un crime et la personne qui a omis de punir les
8 auteurs ou co-auteurs de crimes? Or, peut-être l'accusé ne devrait-il pas
9 traiter de la même façon en l'espèce.
10 S'agit-il de dire qu'il est possible que vous voyiez de la même façon
11 l'Article 7.1, l'Article 7.3 pour traiter de la responsabilité à encourir
12 concrètement dans cette Affaire-là? Ne s'agit-il pas là de parler d'un
13 cercle vicieux?
14 M. Koumjian (interprétation): Monsieur le Président, une jurisprudence de
15 longue date existe déjà là-dessus dans ce Tribunal. Je crois que dans
16 l'Affaire Blaskic, il a été dit que les mêmes actions considérées comme
17 des omissions, qui n'ont pas permis de prévenir tel ou tel crime,
18 deviennent par exemple des éléments de preuve établissant une intention,
19 planification, sinon l'exécution de la commission d'un crime.
20 Sans aucun doute, parmi les Juges et en matière de jurisprudence, il y a
21 une différence entre les Juges lorsqu'on parle par exemple de telles ou
22 telles formes de responsabilité, de tel ou tel mode de responsabilité.
23 Même dans certaines Chambres de première instance, il a été dit que vous
24 ne pouviez même pas punir selon les modes de responsabilité, mais il y a
25 tout de même une possibilité de voir une personne qui a encouragé, soutenu
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1 la commission d'un crime sans pour autant faire quoi que ce soit pour en
2 empêcher la commission. Ceci devrait être pris en considération lors de la
3 fixation de la peine. Et même on peut considérer ainsi deux personnes dans
4 une optique différente lors de la détermination de la peine.
5 Comme vous avez pu le constater, il y a un chevauchement entre ces deux
6 domaines lorsqu'il s'agit d'un système complexe de supériorité, par
7 exemple, parmi les militaires ou la police et les autorités civiles. Je
8 crois que c'est l'Article 7.1 qui décrit les modes de comportement de
9 l'accusé. Par la même occasion, nous pensons que celui-ci a omis de punir
10 certains auteurs de crime alors qu'il avait le pouvoir de le faire, et il
11 n'a rien fait.
12 Je crois que dans ce cas-là où les crimes se font multiples, notre charge
13 ne concerne pas seulement une seule attaque qui a donné lieu à des crimes.
14 Nous considérons que cette limite-là est plutôt diffuse lorsqu'on parle de
15 planification, d'encouragement et de commission de crime.
16 Lorsque par exemple vous voulez encourager, appuyer ceux qui commettent
17 des crimes lorsque vous en offrez des responsabilités, alors là vous
18 tombez sous le coup des Articles 7.1 et 7.2, et c'est ainsi que la
19 question se pose de savoir comment l'accusé peut être puni pour l'un et
20 pour l'autre.
21 Si vous ne voyez pas d'inconvénient, Monsieur le Président, Madame et
22 Monsieur les Juges, je ne voudrais pas m'étendre là-dessus de façon orale,
23 mais je voulais dire que la jurisprudence de ce Tribunal en cette matière
24 semble assez contradictoire.
25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je ne suis pas surpris
Page 15315
1 de vous voir maintenant pas… en possibilité d'aboutir à une conclusion
2 logique sur cette question extrêmement difficile et problématique, mais je
3 crois qu'il y a des causes qui font toujours l'objet d'appel lorsqu'il
4 s'agit de savoir si la responsabilité exprimée telle que visée dans
5 l'Article 7.3 est une responsabilité criminelle qui devrait être méritoire
6 en fonction du droit criminel international en 1992 déjà.
7 Voilà une question additionnelle qu'il faudra adresser également. Avant de
8 passer la parole à mes honorables confrères, je voudrais peut-être vous
9 faire état d'une autre question qui n'a pas encore été évoquée, à savoir
10 l'invitation qui est la nôtre de nous occuper de la question suivante:
11 celle de viol. Nous en avons déjà traité.
12 Déjà la question a été posée comme quoi la question des viols dans
13 laquelle le docteur Stakic aurait été responsable parce que ceci
14 évidemment soulève aussi la question de la prévisibilité, mais dans des
15 cas très concrets, en particulier, le cas de Trnopolje, nous voudrions
16 inviter les deux parties à évaluer et apprécier les éléments de preuve que
17 nous avons ici et qui sont tout à fait typiques pour ce type de situation.
18 Eléments de preuve contre éléments de preuve.
19 (expurgée), ceci serait donc la
20 première condition préalable qui permettrait de débattre de cette
21 question.
22 Deuxième point...
23 M. Koumjian (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je
24 pense que ceci était évoqué à huis clos partiel et je ne sais pas si vous
25 souhaitez que l'on expurge le compte rendu sur ce point.
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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que j'ai mentionné le nom?
2 M. Koumjian (interprétation): Vous avez juste mentionné un pseudonyme,
3 mais il se pourrait si vous voulez: nous pourrions aller en huis clos
4 partiel pendant un moment et j'expliquerai quelle est ma préoccupation.
5 M. le Président (interprétation): Oui, procédons ainsi.
6 (Audience à huis clos partiel à 15 heures 43.)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
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1 (expurgée)
2 (Audience publique à 15 heures 45.)
3 (Questions relatives aux éléments de preuve par M. le Juge Vassylenko.)
4 M. Vassylenko (interprétation): Ma question a trait aux expulsions et aux
5 transferts forcés.
6 A la page 8 de l'Acte d'accusation modifié, il y a ces termes, il est
7 question de transferts forcés et d'expulsions. Puis, à la page 12, nous
8 lisons, au paragraphe 43, qu'il est question d'expulsions et de transferts
9 forcés, et ensuite à la page 19, au paragraphe 58, on peut lire "le
10 transfert forcé et les expulsions".
11 M. Koumjian (interprétation): Je vous remercie. Monsieur le Juge,
12 premièrement dans l'Acte d'accusation, je pense que votre question a trait
13 au fait que nous avons des chefs d'accusation concernant les transferts
14 forcés comme crime contre l'humanité au chef d'accusation 8 comme actes
15 inhumains.
16 Les Conventions de Genève parlent à la fois des expulsions et des
17 transferts forcés, mais ils établissent une distinction. En particulier,
18 notre Statut considère les expulsions comme un crime distinct et la
19 position du Bureau du Procureur est que les expulsions telles qu'elles
20 apparaissent dans le Statut devraient être comprises comme comprenant des
21 transferts à l'intérieur d'un même pays, un transfert interne. Et
22 néanmoins, c'est notre position, et un appel est actuellement en cours
23 dans l'affaire de Kunarac.
24 Il faudrait que cela soit au-delà d'une frontière même si elle n'est pas
25 reconnue telle que la frontière de la Republika Srpska. Nous pensons que
Page 15318
1 c'est comme cela que les expulsions doivent être interprétées. Jusqu'à
2 présent la jurisprudence du Tribunal, les décisions de la Chambre de
3 première instance ont parlé essentiellement des expulsions. Cette
4 définition couvre seulement des transferts au-delà d'une frontière
5 internationale. Si votre Chambre prend la décision que vous êtes d'accord
6 avec notre appel dans l'affaire Kunarac selon laquelle l'expulsion…
7 M. le Président (interprétation): Pas dans l'affaire Kunarac.
8 M. Koumjian (interprétation): Donc l'affaire Krstic. Notre appel dans
9 l'affaire Krstic, selon laquelle l'expulsion couvre effectivement des
10 transferts ou les expulsions internes, nous en serions heureux avec la
11 mise en garde suivante: nous ne savons pas ce que la Chambre d'appel va
12 décider. Nous voudrions vous demander de faire des constatations des
13 conclusions de fait. En fait, en l'espèce, il est établi que des personnes
14 ont été expulsées au-delà de frontières internationales de la Croatie et
15 de frontières internes non reconnues, c'est-à-dire les secteurs contrôlés
16 par la Republika Srpska, par l'armée de la Republika Srpska dans des
17 secteurs contrôlés par le gouvernement à Sarajevo.
18 Ce que nous espérons de façon à pouvoir protéger notre affaire en appel,
19 c'est que la Chambre de première instance fera connaître très clairement
20 ses conclusions de fait sur ces types de transferts forcés à travers des
21 frontières internationales et des transferts par rapport à des transferts
22 internes.
23 M. Vassylenko (interprétation): Une autre question: que veut-on entendre
24 par destruction physique du groupe tel qu'envisagé à l'Article 4
25 paragraphe 2, lettre C du Statut?
Page 15319
1 M. Koumjian (interprétation): Je voudrais être prudent pour vous donner
2 une réponse exacte. Fondamentalement, Monsieur le Juge, je n'ai pas trouvé
3 de réponse écrite à cela, mais la description physique du groupe veut dire
4 la mort des membres du groupe. Cela peut être manifesté de différentes
5 manières, notamment si on lui inflige des conditions de vie destinées à
6 aboutir à sa destruction. Ceci ne veut pas nécessairement dire la mort
7 immédiate de chacun des membres du groupe, mais nous comprenons le terme
8 "destruction physique" en droit comme signifiant la mort de membres du
9 groupe. Et ceci est en fin de compte le but, mais en ce qui concerne la
10 définition du génocide il s'agit du groupe ou d'une partie du groupe.
11 M. Vassylenko (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre
12 question.
13 M. le Président (interprétation): Madame la Juge Argibay, s'il vous plaît.
14 (Questions relatives aux éléments de preuve par Mme la Juge Argibay.)
15 Mme Argibay (interprétation): J'aurai une ou deux questions à poser.
16 Lorsque vous mentionnez au paragraphe 54(2) vous parlez de la torture, de
17 la violence physique, viol et sévices sexuels, humiliations et
18 dégradations. Etant donné la définition très large du crime de viol devant
19 la Chambre, dans l'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire Kunarac, si
20 vous prenez cette définition très large du viol. Que reste-t-il à ce
21 moment-là pour les sévices sexuels ou les violences sexuelles?
22 M. Koumjian (interprétation): Madame la Juge, je voudrais également
23 évoquer le jugement de première instance pour Omarska. Il y a plusieurs
24 paragraphes de cette décision qui traitent de la question.
25 Pour Kunarac, d'après ce que j'ai compris, on exigeait qu'il y ait
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1 pénétration sexuelle. Assurément, il existe divers types de violence
2 sexuelle qui pourraient comprendre des crimes contre une personne sans
3 qu'il y ait effectivement pénétration. Et, en fait, cette question est
4 examinée dans l'affaire d'Omarska.
5 En fait, ceci est examiné de façon assez détaillée dans cette décision. Je
6 tâcherai de vous retrouver les paragraphes pertinents. Mais notre position
7 serait que des violences physiques sexuelles par exemple pour donner un
8 exemple en l'espèce des témoins, on parlait du jour où les hommes de Brdo
9 sont venus au camp de Keraterm, je crois que c'était le témoin B, il a dit
10 qu'on les avait fait sortir, qu'on les avait obligés à se déshabiller,
11 qu'on les avait mis les uns à côté des autres, l'un derrière l'autre et
12 qu'ils avaient été obligés de simuler des actes sexuels, simuler qu'il y
13 avait sodomie.
14 Il n'y avait aucune preuve qu'il y ait eu pénétration, quelque chose de ce
15 genre se soit passé, il n'y avait pas eu de preuve, mais il y a là
16 violence sexuelle. Tout attouchement qui n'implique pas nécessairement une
17 pénétration, mais qui est forcé lorsqu'une personne est obligée par la
18 force de se déshabiller et de toucher dans les parties sensibles des
19 parties intimes (sic), nous estimons que ceci constitue une violence
20 sexuelle. Et ceci inclurait donc une définition plus vaste que ce qui est
21 dit dans l'affaire Kunarac, parce que ce n'est pas limité à la
22 pénétration, mais ceci inclurait d'autres actes de violence sexuelle.
23 Mme Argibay (interprétation): Je vous remercie. Toujours dans le même
24 contexte, vous avez la question de la définition juridique de la torture à
25 Kunarac. Et donc cette définition inclurait les passages à tabac et les
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1 coups donnés comme étant une torture? Ou est-ce que c'est quelque chose de
2 différent?
3 M. Koumjian (interprétation): Je pense qu'il s'agit de quelque chose de
4 différent parce que la torture a des conditions particulières qui ne sont
5 pas nécessaires de façon à démontrer qu'il y a eu coups et passages à
6 tabac. La torture nécessite un objectif.
7 Mme Argibay (interprétation): Je n'ai pas d'autre question.
8 M. Koumjian (interprétation): La torture oui. Je vous remercie. Mais la
9 torture nécessiterait par exemple une intention. Je crois qu'il vaudrait
10 mieux que je donne lecture d'une définition de la torture avant que je ne
11 réponde à votre question. Je reconnais que je suis le maillon le plus
12 faible à ce sujet et je ne sais pas si je devrais me retirer.
13 Mme Argibay (interprétation): Je n'ai pas d'autre question, je vous
14 remercie.
15 M. le Président (interprétation): Donc c'est maintenant à la défense qu'il
16 appartient de traiter de toutes ces questions si la défense le souhaite.
17 M. Ostojic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
18 ne sais pas si la Chambre souhaite que je traite de toutes les questions
19 que vous avez dans le questionnaire ou les suggestions et les directives,
20 mais si nous voulons traiter de la question du génocide et de la
21 complicité dans le génocide, je pense qu'il serait juste de déterminer ce
22 qu'était le groupe.
23 Lorsque nous disons "ce groupe", la Chambre a donné dans sa liste les
24 Musulmans dans le monde, les Musulmans en Europe, les Musulmans en Bosnie-
25 Herzégovine, mais aussi les Musulmans de Yougoslavie dans leur ensemble.
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1 Nous ne pouvons pas distinguer la théorie de l'entreprise criminelle
2 commune sans y inclure, lorsque nous l'examinons à notre avis les
3 questions et les allégations de génocide et de complicité de génocide, ces
4 allégations qui concernent cette entreprise criminelle conjointe vont à la
5 fois dans le sens horizontal et le sens vertical.
6 Ce n'est pas seulement limité à Prijedor. Nous soutenons que les éléments
7 de preuve avec lesquels ils ont essayé d'établir cela étaient beaucoup
8 plus vastes que Prijedor et que votre Chambre évalue. Le groupe devrait
9 l'évaluer de façon qu'il soit cohérent par rapport aux allégations qui ont
10 été faites dans le quatrième Acte d'accusation modifié de façon cohérente
11 par rapport à ce qui a été présenté, à savoir qu'il y avait entreprise
12 criminelle commune, de façon beaucoup plus vaste que ce qui s'est passé
13 dans la municipalité de Prijedor.
14 Si cela est vrai et s'ils ont allégué que Biljana Plavsic, Radovan
15 Karadzic, Mladic et d'autres participaient à cette entreprise criminelle
16 conjointe apparemment avec le docteur Stakic, à ce moment-là le groupe
17 n'est pas limité à la municipalité de Prijedor. Il faut que ce soit par
18 définition leurs allégations pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine.
19 De même, si nous lisons cette allégation sur cette théorie de l'entreprise
20 criminelle commune et autres ou entre autres, est-ce qu'ils se réfèrent à
21 Slobodan Milosevic. Bien entendu qu'ils le font. Je pense que c'est une
22 hypothèse assez simple à faire et si cela est vrai, à ce moment-là le
23 groupe doit suivre leur définition, pas seulement pour la Bosnie-
24 Herzégovine mais pour l'ensemble de la Yougoslavie ou l'ex-Yougoslavie, de
25 façon à déterminer de façon équitable de quel groupe il s'agit et pour
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1 quel groupe ils soutiennent que le docteur Stakic est coupable et a exercé
2 une discrimination et a eu l'intention de détruire.
3 Il s'agit de tous les Musulmans, de tous les Croates, de tous les non-
4 Serbes dans l'ensemble du territoire de l'ex-Yougoslavie. Telle est leur
5 allégation, tel est leur Acte d'accusation, ils ne l'ont pas retiré malgré
6 les invites à le faire.
7 C'est ce groupe que votre Chambre doit avant tout prendre en considération
8 lorsqu'elle parviendra à des décisions concernant l'acte délictuel,
9 l'actus reus. Notre thèse est que dans leurs arguments visant à limiter le
10 groupe aux personnes instruites, aux intellectuels, pris comme objectif,
11 ils n'ont pas prouvé cela. C'est un argument subsidiaire, mais là encore
12 la portée de ce groupe ne devrait pas être limitée à la municipalité de
13 Prijedor ou seulement à la Bosnie-Herzégovine, et peut-être même pas
14 seulement à l'ex-Yougoslavie.
15 C'est une affaire extrêmement compliquée bien qu'on nous ait prévenus
16 qu'il s'agissait, qu'il pouvait s'agir de tous les Musulmans, des
17 Musulmans de Bosnie qui peuvent vivre dans d'autres pays, qui vivent
18 effectivement dans d'autres pays.
19 En Allemagne, lorsque vous identifiez quelqu'un ou lorsque vous posez la
20 question à quelqu'un, il vous répond "je suis un Musulman de Bosnie". En
21 Amérique, j'ai personnellement rencontré des personnes qui disent cela:
22 ils ont obtenu la citoyenneté, mais ils continuent de s'identifier comme
23 des Musulmans de Bosnie avec fierté et à juste titre.
24 Donc pour déterminer si l'actus reus en l'espèce était basé sur ces
25 allégations et si oui ou non un génocide a été commis et si oui ou non il
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1 y a eu complicité dans le génocide pour détruire avec l'intention de le
2 faire tous les Croates de Bosnie et tous les Musulmans de Bosnie ainsi que
3 les non-Serbes, je pense aussi, Monsieur le Président, bien qu'il y ait
4 des décisions de jurisprudence sur ce point, je suis sûr que nous
5 attendons également avec anxiété les décisions d'autres Chambres d'appel.
6 Nous devons évoquer la différence qu'il y a entre le génocide et la
7 complicité. On ne peut pas avoir une définition de la complicité comme
8 comprenant le fait d'aider et d'encourager, parce que le Statut proprement
9 dit, le Statut lui-même a spécifiquement mentionné dans un paragraphe le
10 fait d'aider et d'encourager comme constituant un crime.
11 Le fait d'avoir un acte affirmatif, une participation directe ou une
12 participation à titre secondaire, c'est un point qui doit être l'objet
13 d'une distinction entre les auteurs directs de l'acte et les auteurs ou
14 co-auteurs à titre secondaire.
15 Lorsque l'on parle d'aider et d'encourager ou d'avoir directement
16 l'intention de commettre ces crimes. C'est quelque chose d'assez simple à
17 comprendre. Il faut qu'il y ait une action en ce sens. Nous avons ici des
18 allégations, des omissions, des allégations de complicité dans un plan
19 qui, nous le suggérons, n'a pas été prouvé de tuer tous les Musulmans et
20 tous les Croates dans le territoire de l'ex-Yougoslavie ou même de la
21 Bosnie-Herzégovine ou même de la municipalité de Prijedor.
22 Plus précisément lorsque nous discutons de la question de la complicité,
23 la personne doit non seulement avoir participé ou avoir connaissance de ce
24 que je considère comme étant des faits assez mal définis que l'on conclut
25 d'une façon ou d'une autre comme étant un génocide, mais il faut que
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1 l'individu ait connaissance et donne son accord à ces actes et qu'il
2 comprenne ce plan. Cette personne, cet individu à mon avis, doit
3 reconnaître directement et accepter directement le plan et de façon
4 directe et ouverte participer ou accepter l'application de ce plan.
5 Ce que nous faisons en ce qui concerne la notion, le fait d'être au
6 courant et la complicité, dans les arguments que nous avons entendus,
7 c'est de réduire ce crime très, très grave et dans une bonne partie de ce
8 qui est dit chez les auteurs, que la Chambre cite dans sa décision 98bis,
9 le crime des crimes, le génocide ainsi que la complicité dans le génocide,
10 nous réduisons le niveau nécessaire pour prouver la culpabilité d'une
11 personne de cette façon, d'une façon tout à fait théorique.
12 Nous disons que toutes les personnes devraient être à ce moment-là
13 reconnues coupables de génocide ou de complicité de génocide simplement si
14 elles ont connaissance d'actes mauvais, d'actes terribles, d'actes odieux;
15 si cela est vrai alors est-ce que nous ne sommes pas tous malheureusement
16 d'une certaine manière complices de ce qui se passe dans l'ensemble du
17 monde si nous ne réagissons pas immédiatement contre cela?
18 Je soutiens que la jurisprudence ne dit pas cela, ne dit pas qu'il y a
19 simplement connaissance des faits sans la mens rea comme élément
20 nécessaire. Je pense que la mens rea, l'intention délictuelle est
21 nécessaire pour la complicité de génocide.
22 Tout autant pour ce qui est de l'actus reus de l'acte, la Chambre
23 déterminant quel groupe en tout ou en partie doit être pris en
24 considération, doit se référer, à mon avis, à ce qui est dit pour Keraterm
25 et Sikirica, et non pas à ce qui est dit pour l'affaire du Rwanda dans
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1 l'affaire Musema.
2 Je pense que ceci définit très clairement ce qui doit être pris en
3 considération comme groupe pour déterminer quel est le groupe,
4 indépendamment d'autres théories et d'autres arguments présentés par
5 l'accusation.
6 Le groupe pris pour cible, que les auteurs d'un génocide voudraient
7 exterminer, implique qu'il ne faut pas étendre cela de façon logique
8 jusqu'à un niveau ridicule. On dirait à ce moment-là qu'un génocide peut
9 se passer lorsqu'on tue un, trois, cinq individus. Est-ce que ceci demeure
10 un génocide? Il y a une différence entre les massacres et un génocide. Y
11 a-t-il une différence entre le meurtre et le génocide?
12 Nous pensons en l'espèce que ce sont des questions essentielles, vitales
13 de la plus haute importance. Nous pensons que le groupe est beaucoup plus
14 vaste que celui qui se trouvait dans la municipalité de Prijedor. Nous ne
15 pensons pas qu'il s'agit de tous les Musulmans dans le monde. Je ne peux
16 pas dire à la Chambre très honnêtement si ceci ne veut pas dire "tous les
17 Musulmans de Bosnie dans l'ensemble du monde", mais il est raisonnable de
18 considérer que l'allégation est qu'il y avait une intention de détruire
19 des Musulmans de Bosnie et que cela veut dire effectivement tous les
20 Musulmans de Bosnie qui se trouvent dans le monde.
21 Toutefois, si nous examinons ce qui est dit dans Sikirica et du
22 raisonnement qui était suivi -la motivation-, nous trouvons, croyons-nous,
23 le fait que le groupe… l'analyse qui est faite pourrait aider beaucoup à
24 trancher la question de génocide et de complicité dans le génocide.
25 Je pense que c'est la seule affaire dans laquelle la complicité dans le
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1 génocide a été débattue et a été alléguée pour ce qui est de la
2 municipalité de Prijedor devant ce Tribunal.
3 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, mais pour des raisons
4 techniques, je crois qu'il faut maintenant changer une bande. Je ne sais
5 pas combien de minutes il va falloir. Trois minutes, ce sera suffisant?
6 Alors, si vous voulez, nous attendrons à l'extérieur du prétoire. Je
7 suspends la séance.
8 (L'audience, suspendue à 16 heures 07, est reprise à 16 heures 15.)
9 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.
10 Et je vous prie d'excuser l'interruption, Maître Ostojic.
11 M. Ostojic (interprétation): Merci.
12 Nous allions essayer de traiter de cette question complexe, de la
13 complexité de génocide dans notre mémoire en clôture. Mais, quand on
14 examine la décision 98bis de la Chambre, paragraphe 26, on peut voir que
15 la Chambre a stipulé que des actes peuvent être considérés comme des actes
16 de génocide si l'auteur est animé du désir de voir le résultat
17 correspondre à son souhait.
18 Nous estimons que s'agissant de la question de l'intention criminelle,
19 pour le génocide, il faut que ce soit prouvé et lorsque, au paragraphe 26,
20 la Chambre utilise le mot "vouloir", il faut que ce soit prouvé cette
21 intention. Il faut prouver que l'accusé était animé de l'intention
22 délictueuse requise pour le reconnaître coupable de complicité de génocide
23 ou de génocide même. Je sais que cette Chambre nous a donné des
24 indications, de nombreuses indications juridiques à de nombreuses reprises
25 et relatives également à notre comportement.
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1 Cependant, je dois également ajouter que la Chambre nous a d'abord indiqué
2 qu'il fallait examiner les actes délictueux avant d'examiner ce qu'il en
3 était de l'intention délictueuse, et nous estimons que la décision
4 Sikirica, à juste titre, précise qu'il faut déterminer d'abord s'il y a
5 une intention délictueuse, c'est la première étape, et qu'ensuite, il faut
6 voir s'il y a un groupe protégé, etc.
7 La question qui a été posée donc c'est de savoir ce qu'est un droit
8 fondamental. On peut arguer du fait que tous les droits individuels sont
9 des droits fondamentaux d'une manière ou d'une autre.
10 Cependant, quand la jurisprudence internationale recourt aux termes de
11 droits fondamentaux, je ne crois pas étant donné que le Bureau du
12 Procureur a reconnu que cette affaire se concentre sur 75 ou 72 jours -peu
13 importe, en tout cas moins de 90 jours à ce moment-là-, je me demande s'il
14 y a véritablement le droit fondamental de ne pas être licencié de son
15 emploi.
16 Il est possible qu'à un moment donné sur une période plus longue on puisse
17 considérer que tout cela constitue des droits fondamentaux, mais la
18 question qui se pose c'est de savoir si les infractions à ces droits qui
19 sont affirmés pendant cette période de 75 jours, ceux qui sont allégués,
20 ces violations alléguées, est-ce que cela constitue des infractions aux
21 droits fondamentaux humains? Est-ce que les Conventions de Genève ne
22 suggèrent pas qu'il est possible d'emprisonner un prisonnier au cours d'un
23 conflit pendant une période de 90 jours? Est-ce qu'il y a violation de ce
24 droit fondamental, du droit fondamental de bénéficier d'une procédure
25 judiciaire? Est-ce qu'il y a violation de ce droit si la personne détenue
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1 est libérée dans les 90 jours?
2 Dans notre mémoire en clôture par écrit, nous évoquerons cette question
3 plus en détail.
4 Monsieur le Juge Vassylenko parle de la question des transferts forcés et
5 de l'expulsion. Et lorsque nous nous sommes penchés, lorsque nous nous
6 pencherons sur ces questions, nous essaierons de déterminer le rôle joué
7 par la communauté internationale dans son ensemble pour déplacer des
8 personnes de la municipalité, que ce soit depuis Trnopolje et les camps de
9 détention qui s'y trouvaient, ou ailleurs, pour emmener ces personnes dans
10 d'autres régions de Yougoslavie, voire même dans d'autres régions du
11 monde.
12 Je ne suis pas en mesure de donner des nombres, des chiffres mais d'après
13 certains témoignages, d'après le 6 août 1992, la Croix-Rouge
14 internationale a eu la permission de se rendre dans le camp de détention,
15 dans les centres de détention, et sans exagérer les éléments de preuve
16 présentés, la Croix-Rouge d'une certaine manière a porté sa coopération, a
17 contribué et aidé au transfert de certaines personnes à partir de la
18 municipalité vers d'autres régions du monde.
19 Pour essayer de statuer sur ces questions d'expulsion, ces questions de
20 transferts forcés, je pense qu'il faut examiner ces éléments de preuve-là.
21 Ou bien est-ce qu'on adopte une autre manière de quantifier cette affaire?
22 Cela nous en parlerons également dans notre mémoire en clôture. S'agissant
23 de l'intention de détruire un groupe, il s'agit là d'un fait qui est
24 convenu entre les parties.
25 Nous pensons que si, et nous reconnaissons que s'il y a un plan criminel
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1 dont l'intention est de détruire ou d'entraîner la destruction physique,
2 nous convenons que ce plan criminel a pour objectif d'entraîner la mort
3 des personnes concernées. Cela nous le reconnaissons et tout le monde le
4 reconnaît ici.
5 Bien sûr, nous avons beaucoup de choses à dire en réponse au mémo, au
6 questionnaire des Juges. Nous en parlerons bien entendu dans notre mémoire
7 en clôture ainsi que dans la réponse que nous ferons en mémoire du
8 Procureur. Si la Chambre a des questions précises à nous poser, nous
9 serons ravis d'y répondre soit aujourd'hui, soit ultérieurement.
10 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'accusation ou la défense
11 souhaite ajouter quoi que ce soit avant que nous ne donnions la parole et
12 le dernier mot à l'accusé?
13 M. Koumjian (interprétation): Je voudrais dire brièvement que le droit
14 stipule très clairement dans la jurisprudence du TPIR que la complicité de
15 génocide ne nécessite pas de la part de l'accusé qu'il soit animé d'une
16 intention spécifique de détruire le groupe concerné. La mens rea,
17 l'intention délictueuse est constituée par la connaissance de l'existence
18 de ce crime et la connaissance de l'intention délictueuse des autres
19 auteurs du crime. Lorsque le Statut du Tribunal a été établi, nous
20 estimons que les intentions des auteurs du Statut n'étaient pas de limiter
21 la définition du génocide et des responsabilités qui s'y rapportaient pour
22 que cela s'applique à aussi peu de personnes que possible. L'intention
23 était plutôt de protéger la société dans son ensemble du crime de
24 génocide. C'est pourquoi l'Article 4 du Statut comprend des formes de
25 responsabilités qui ne sont pas reprises à l'Article 7.1, telle que la
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1 conspiration pour commettre un génocide, l'entente en vue de commettre un
2 génocide, la complicité dans l'acte de génocide, etc.
3 M. le Président (interprétation): Mais les parties doivent se demander si,
4 en 1992, on pouvait véritablement parler de droit pénal international. On
5 avait certes la Convention sur la jurisprudence de 1948 et, depuis, on a
6 ajouté quelques concepts supplémentaires, celui d'aider et d'encourager à
7 la commission de ce crime. De nombreuses sources existent à ce sujet et
8 diverses décisions ont été prises au sujet de cette question et il sera
9 très difficile à la Chambre d'appel de concilier la totalité de ces
10 décisions.
11 Nous avons entendu les éléments de preuve des parties. J'aurais apprécié
12 de pouvoir entrer plus en détail dans la discussion juridique des thèmes
13 évoqués, mais nous nous approchons maintenant de la fin de ce procès et,
14 comme la coutume l'exige ou le veut dans la plupart des pays d'Europe
15 continentale, ainsi, d'ailleurs, que dans l'ex-Yougoslavie et au Pays-Bas,
16 j'estime qu'il est important d'obtenir une idée, une impression de ce que
17 souhaite nous dire l'accusé. Et j'avais commencé, j'avais ouvert cette
18 affaire en disant que l'acteur principal dans cette affaire, c'était le
19 docteur Stakic, et nous souhaitons entendre ce que le docteur Stakic a à
20 nous dire à l'issue de cette affaire.
21 Je demande donc au docteur Stakic de s'installer là où s'installent
22 généralement les témoins de manière qu'il puisse s'adresser à nous
23 directement.
24 (Déclaration de l'accusé, Milomir Stakic.)
25 M. Stakic (interprétation): Puis-je m'asseoir?
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1 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
2 (L'accusé s'assoit.)
3 M. Stakic (interprétation): Puis-je commencer, s'il vous plaît, Monsieur
4 le Président, Madame Monsieur les Juges?
5 M. le Président (interprétation): Allez-y.
6 M. Stakic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Madame et
7 Monsieur les Juges, bonjour. Bonjour à toutes et à tous, présents dans le
8 prétoire.
9 L'Acte d'accusation écrit avec tant de haine à mon encontre m'a frappé
10 lourdement et pèse lourdement sur moi. Pèse plus lourdement encore sur moi
11 que le fait que je me trouve en prison. Et en dépit de l'issue de ce
12 procès, je crois pouvoir dire que c'est quelque chose que je traînerai
13 jusqu'à la fin de mes jours. Malheureusement, ma famille en fera autant.
14 Ce fait-là, de même qu'un autre fait, à savoir le fait de déformer et de
15 mal interpréter les propos qui ont été les miens lorsque je les ai
16 accordés à telle ou telle interview, à des médias, m'ont encore davantage
17 raffermi dans la décision qui est la mienne de garder le silence pour ne
18 pas être objet de déformations continues des propos qui ont été les miens
19 par le Procureur.
20 Pourtant, l'attitude qui a été celle de cette honorable Chambre de
21 première instance depuis le premier jour du procès jusqu'à ce jour à mon
22 égard, et en dépit de tout ce qui a été écrit dans l'Acte d'accusation, je
23 crois, était telle de pouvoir voir en moi une personne humaine. Au moins,
24 telle est l'appréhension qui est la mienne en toute sincérité. Voilà
25 pourquoi je voudrais m'adresser à cette Chambre de première instance avec
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1 quelques phrases.
2 Premièrement, je voudrais dire mes profonds et sincères regrets de tout ce
3 qui s'était produit dans la municipalité de Prijedor et cela, je le ferai
4 à l'intention de tous les citoyens de la municipalité de Prijedor.
5 Cela dit, je voudrais dire que j'ai grandi pour devenir homme majeur en
6 paix.
7 L'éducation qui m'a été donnée dans ma famille m'a toujours menée vers des
8 attitudes qui ne seraient pas celles querelleuses avec mes voisins ou avec
9 mes enfants. Plus tard, à l'école élémentaire et ailleurs, partout où je
10 me trouvais, avec mes professeurs et les enfants, j'ai toujours dû savoir
11 que les enfants sont toujours au même titre, non pas évidemment au titre
12 de la façon qui était la leur de prier Dieu. Si tel n'était pas le cas,
13 j'aurais été qualifié autrement.
14 Encore enfant, je me rendais en Slovénie: à 12 ans, j'étais à Trieste, à
15 15 ans en Allemagne. Mon service militaire, je l'ai accompli à Skopje en
16 Macédoine. Je sais ce que veut dire la liberté.
17 Pour ce qui est de la guerre, j'en ai lu tant en littérature nationale
18 qu'étrangère. J'ai regardé les guerres se produire dans des films. J'ai
19 toujours su que c'était une affaire atroce. Peu importe si à cette époque-
20 là, il y a eu des guerres en Afrique et en Asie.
21 Ma profonde conviction était celle -et je croyais personnellement que ceci
22 ne devrait jamais arriver dans mon pays, mon pays qui fait partie
23 intégrante de l'Europe- malheureusement, la chose s'est produite et je me
24 dois de vous dire que cette chose-là qui s'est produite est plus horrible
25 que tous les livres et tous les films lus et vus. Qui dans ces cas-là peut
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1 avoir un contrôle à exercer?
2 Dans la municipalité de Prijedor, la première personne qui s'est fait tuer
3 était un jeune homme de 18 ans, Musulman. Lui a été tué en Slovénie au
4 début de l'été 1991. Ce n'est pas dans une rixe, ce n'est pas dans un
5 accident de la route qu'il s'est fait tuer. Il a été membre de la JNA et
6 il a été tué par les membres de l'armée de Jansa enfin appelez là l'armée
7 slovène. Il a fallu aller, présenter nos condoléances à la famille de la
8 personne tuée.
9 Et d'une part à regarder ce que fait le président de l'assemblée
10 municipale en temps de paix, c'est-à-dire il préside les travaux de
11 l'assemblée, assiste à des faits, que ce soit des faits de divertissements
12 ou culturels ou sportifs ou lorsqu'on doit mettre en marche une nouvelle
13 société ou pour mettre en circulation un nouveau tronçon de la route. En
14 temps de guerre on doit s'occuper toujours au même titre pour présenter
15 ses condoléances aux familles de personnes tuées, on doit s'occuper des
16 invalides, des personnes de la famille de la personne handicapée et on
17 doit s'occuper de tout autre affaire qui le concerne. Tout cela est arrivé
18 en cette guerre, guerre malheureuse. Comme mon avocat l'a dit, il n'était
19 pas dans mes intentions non plus que dans l'intention de mon avocat, de
20 prouver ici qu'il n'y avait pas des… ou qu'il y avait des crimes.
21 L'intention consistait à dire devant cette Chambre de première instance
22 que je n'étais pas partie à ces crimes-là, et surtout pas que je ne les ai
23 pas appuyés ou incités à des crimes et surtout appuyés de tout mon cœur
24 comme ceci a été dit dans l'Acte d'accusation. Je ne peux pas ne pas me
25 poser la question pour savoir qui s'est qui a pu en conclure ainsi autant.
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1 Pour certains de ces crimes allégués j'en ai entendu parler seulement au
2 temps de la guerre. Pour d'autres crimes, je me dois de vous le dire en
3 toute sincérité, j'en ai entendu parler pour la première fois dans ce
4 prétoire, mais je n'ai jamais détenu un pouvoir réel pour y avoir une
5 influence quelconque, pour empêcher ou pour punir les auteurs ou les que
6 co-auteurs.
7 Je n'ai pas pu donner l'ordre à un inspecteur municipal des voiries ou des
8 marchés pour se rendre là où il fallait pour y faire une inspection parce
9 que tout simplement ceci ne relevait pas des compétences qui étaient les
10 miennes. Néanmoins, je tiens à remercier tous les témoins cités à la barre
11 qui chacun de son côté, autant que pouvait se faire ont pu contribuer à ce
12 que l'on aboutisse à la vérité qui en fait s'était produite là, mais je
13 voudrais dire cela, cela dit que je ne me suis pas rendu dans tous les
14 sites comme le témoin le prétendait.
15 Une fois de plus, je voudrais dire que dans cette guerre tous ont été des
16 perdants. Qu'ils se soient faits tués personnellement ou qu'ils aient
17 perdu des membres de leur famille, qu'ils soient restés invalides perdant
18 une partie de leur corps ou qu'ils se soient trouvés, déportés en dehors
19 de lieux de domicile ou de résidences.
20 Il me reste une fois de plus de faire part de mes profonds regrets et cela
21 à l'intention de tous les citoyens de Prijedor. Quand je dis "tous les
22 citoyens" je pense à des citoyens qui sont des Serbes, des Croates et des
23 Musulmans et d'autres qui y résidaient ou qui y avaient résidé. Et une
24 fois de plus, je tiens à remercier cette honorable Chambre de première
25 instance de l'attitude correcte dont ils m'ont témoignée, de même que je
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1 remercie au même titre tous les autres participants à cette procédure.
2 Peut-être ai-je eu l'occasion de les regarder peut-être en les scrutant
3 vraiment, en regardant leurs regards à eux, leurs yeux pour savoir, pour
4 essayer de deviner ce qu'ils voulaient voir dans moi en dressant leur
5 regard dans ma direction. Je crois que je n'aurais plus rien à dire, sinon
6 qu'il me reste à vous remercier une fois de plus.
7 M. le Président (interprétation): Veuillez reprendre votre place.
8 (M. Stakic salue et regagne sa place.)
9 150 jours d'audience, un an d'audience, puisque nous avons commencé le 16
10 avril et qu'aujourd'hui nous sommes le 15. Nous avons entendu des témoins
11 venant de toutes les régions, des témoins venant de tous les horizons.
12 Nous comptabilisons plus de 15.000 pages de compte rendu d'audience. On
13 nous a présenté quelque 1.500 pièces à conviction, de nombreuses
14 dépositions ont été recueillies sans oublier les visio-conférences, les
15 témoins 92bis.
16 Maintenant, il s'agit de déterminer les faits, de déterminer le droit qui
17 s'applique à ces faits. Il s'agit de déterminer ce qu'il faut décider des
18 accusations qui sont incluses et qui figurent au quatrième Acte
19 d'accusation modifié.
20 J'espère que les parties nous présenteront leur point de vue de manière
21 aussi claire que possible dans les mémoires en clôture que nous devrions
22 normalement recevoir au plus tard le 28 avril. Et c'est délibérément que
23 nous avons accordé du temps supplémentaire pour le dépôt de ces mémoires.
24 Nous avons accordé toute la semaine au cas où l'une des parties en
25 l'espèce, et en particulier la défense, estime avoir été prise au
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1 dépourvu. Nous avons donc souhaité donner à la défense la possibilité de
2 réagir.
3 Comme je l'ai dit ce matin, nous ne sommes pas en mesure de vous faire de
4 promesse quant au jour où sera délivré ce jugement. L'expérience m'a
5 montré qu'il est très difficile pour l'accusé et sa famille d'attendre le
6 jugement. Nous allons donc faire de notre mieux, mais nous ne pouvons vous
7 faire de promesse. Je demande, cependant, aux parties de se préparer pour
8 la fin du mois de juillet au cas où nous serions prêts à ce moment-là. Je
9 demande donc aux parties d'être prêtes à entendre le jugement aux termes
10 de l'Article 87 du Règlement de procédure et de preuve.
11 Je déclare la fin de cette audience.
12 (L'audience est levée à 16 heures 40.)
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