Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 9 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé Simatovic est introduit dans le prétoire]

  4   [L'accusé Stanisic est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame

  9   les Juges. Affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Simatovic et Stanisic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

 11   Je vais demander aux parties de se présenter, à commencer par l'Accusation.

 12   M. GROOME : [interprétation] Bonjour. Je suis Dermot Groome et j'ai à mes

 13   côtés, aujourd'hui, au nom du bureau du Procureur, Doris Brehmeier-Metz,

 14   Amir Zec et nous avons aussi l'aide de Thomas Laugel.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 16   Et ce sera pour la Défense de M. Stanisic.

 17   M. KNOOPS : [interprétation] Geert-Jan Knoops en personne, avec Wayne

 18   Jordash, mon co-conseil et notre commise Anne-Marie Verwiel, nous avons

 19   aussi l'assistance de Mme Walsh et de Mme Dykstra.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 21   Et pour la Défense Simatovic.

 22   M. JOVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Madame et Monsieur les Juges. Je

 23   m'appelle Zoran Jovanovic et c'est avec Me Domazet et Mme Ingrid Morgan que

 24   nous représentons les intérêts de M. Simatovic.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Jovanovic. Je vais

 26   simplement vérifier, Monsieur Simatovic, que vous me recevez dans une

 27   langue que vous comprenez. Le micro, s'il vous plaît.

 28   L'ACCUSÉ SIMATOVIC : [interprétation] Je vous entends, Monsieur le

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  1   Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Simatovic.

  3   Nous avons, à l'ordre du jour la déclaration liminaire de l'Accusation.

  4   Mais auparavant, nous devons d'abord examiner le fait de l'absence dans ce

  5   prétoire de M. Stanisic.

  6   Maître Knoops, nous avons reçu un formulaire où se trouve le rapport du

  7   quartier pénitentiaire relatif à l'absence dans ce prétoire de M. Stanisic.

  8   Et il y a un autre formulaire pour raison de maladie, et dans celui-ci, M.

  9   Stanisic dit qu'il ne peut assister aux audiences ce jour-là parce qu'il

 10   est malade, qu'il en a discuté avec son conseil et qu'il n'a pas renoncé à

 11   son droit de présence. La dernière fois ceci a semé la confusion, mais

 12   cette fois-ci le banc qui lui est réservé restera vide; c'est bien cela.

 13   Nous avons aussi reçu les observations du responsable principal et du

 14   service médical du quartier pénitentiaire, et enfin nous avons reçu un

 15   rapport du Dr Eekhof, qui est le médecin responsable en la matière. Ces

 16   documents ont été déposés ce matin.

 17   Maître Knoops, mis à part le fait que M. Stanisic dit dans ces formulaires

 18   qu'il ne se sent pas suffisamment bien pour assister à l'audience, il dit

 19   aussi qu'il ne veut pas suivre l'audience, les débats que nous menons par

 20   visioconférence. Savez-vous pourquoi M. Stanisic ne veut pas se rendre dans

 21   la pièce réservée à cet effet pour y suivre les débats ? Est-ce qu'il y a

 22   simplement des aspects techniques qui expliquent cette situation ? Est-ce

 23   qu'il a du mal à se déplacer pour parvenir à cette pièce ? Pourriez-vous

 24   nous en dire davantage ?

 25   M. KNOOPS : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense va sous peu

 26   déposer une requête officielle, mais vous nous invitez maintenant à nous

 27   exprimer sur cette question. Nous pouvons vous dire que Me Jordash et moi-

 28   même, nous sommes allés voir l'accusé ce matin, juste avant qu'il ne

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  1   subisse un examen médical, et il nous a été dit que M. Stanisic n'est pas

  2   en mesure de participer à cette visioconférence uniquement en raison de son

  3   état mental. Ça n'a rien à voir avec des aspects techniques. C'est

  4   simplement parce que c'est son état de santé mental qui ne le permet pas.

  5   Nous venons de donner une copie à l'Accusation du rapport de M.

  6   Petrovic du 10 mai, qui avait été mentionné dans le premier rapport du Dr

  7   Eekhof du 11 mai, et je ne sais pas si le greffier pourra vous en

  8   distribuer un exemplaire. Oui, le voilà. Et vous trouverez à l'appui de

  9   cette affirmation une conclusion dans ce rapport disant que M. Stanisic

 10   n'est pas à même de participer en dehors des questions physiques pour des

 11   raisons mentales. Je pense que ceci est corroboré par le rapport déposé

 12   aujourd'hui par le Dr Eekhof et le rapport du service médical, colonne 4

 13   (A).

 14   En un mot, M. Stanisic n'est pas en mesure de participer à toute solution

 15   autre, parce qu'il ne peut pas être transporté ici au Tribunal d'après le

 16   rapport du Dr Eekhof.

 17   Je ne sais pas si vous voulez que je poursuive, ou si vous voulez

 18   attendre que je dépose une requête officielle après avoir entendu le Dr

 19   Eekhof en la matière.

 20   [La Chambre de première instance se concerte] 

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Knoops, nous allons avoir

 22   l'occasion de poser de nouvelles questions au Dr Eekhof, mais celui-ci tire

 23   une conclusion différente, à savoir qu'il estime que M. Stanisic est apte à

 24   suivre les débats par visioconférence, par liaison vidéo. Parce que vous

 25   dites qu'apparemment il y a quelqu'un qui d'une part confirme qu'il n'a pas

 26   de symptômes pour voir s'il est à même de suivre les débats en prétoire, et

 27   qu'il n'est pas possible s'il peut suivre ou s'attendre à ce que ça change

 28   un jour. Donc il est difficile de comprendre pourquoi on tire une

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  1   conclusion, et puis qu'on dit autre chose. Mais il est fait référence au

  2   rapport du médecin chargé de dresser ces rapports, lequel confirme qu'il y

  3   a toujours un problème de dépression. Par conséquent, voyons d'abord si

  4   nous avons des questions supplémentaires à poser au Dr Eekhof. Ensuite,

  5   vous pourrez présenter vos arguments, Maître Knoops, et la Chambre

  6   statuera, verra quelle est la marche à suivre.

  7   Pour poser ces questions au Dr Eekhof, je voudrais voir si nous sommes en

  8   contact avec le quartier pénitentiaire.

  9   Madame la Greffière.

 10   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Docteur Eekhof, je vous vois à l'écran.

 12   Est-ce que vous me voyez ?

 13   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [hors micro]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- mais je ne vous entends pas. Du

 15   moins, pas encore.

 16   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Il faut peut-être

 17   que je change de canal.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, je vous entends. Est-ce que

 19   vous m'entendez ?

 20   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, je vous entends.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons reçu un rapport qui porte la

 22   date du 9 juin. Permettez-moi d'en lire rapidement la conclusion. Vous

 23   concluez que M. Stanisic n'est pas apte à se déplacer pour venir au

 24   Tribunal, qu'il n'est pas apte à suivre les débats pendant plus de dix

 25   minutes, qu'il est suffisamment bien pour participer à l'audience pour

 26   autant que le temps d'audience ne dépasse pas dix minutes, et qu'il peut

 27   suivre les débats pendant une heure au maximum dans le lit qui est installé

 28   dans la salle réservée à la liaison vidéo, à la téléconférence. Je voudrais

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  1   demander aux parties si elles ont des questions supplémentaires. Il se peut

  2   que nous-mêmes, nous ayons quelques questions de plus à vous poser.

  3   Monsieur Groome, est-ce que vous avez des questions ?

  4   M. GROOME : [interprétation] Quelques-unes, très rapidement.

  5   Bonjour, Docteur Eekhof. La première question que j'aimerais vous poser se

  6   trouve au paragraphe 5 du rapport que vous avez préparé aujourd'hui le 9

  7   juin. Vous dites que lui, à savoir M. Stanisic, a décliné l'offre de M.

  8   Falke, qui était de consulter un psychiatre.

  9   Est-ce que ça veut dire que M. Stanisic a eu la possibilité de

 10   rencontrer quelqu'un qui pourrait discuter avec lui de son état mental,

 11   mais qu'il a refusé de le faire ?

 12   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] C'est vrai. Il a refusé.

 13   Il a dit qu'il n'était pas prêt à tout raconter et à parler de tous ses

 14   problèmes avec un nouveau psychiatre.

 15   M. GROOME : [interprétation] Vous avez entendu ce qu'a dit Me Knoops. Il a

 16   dit que si M. Stanisic n'est pas ici présent, c'est uniquement en raison de

 17   son état de santé mental, du moins d'après la perception qu'il en a. Après

 18   avoir entendu Me Knoops, est-ce que vous changez votre première conclusion,

 19   qui était de dire qu'il n'est pas apte à être transféré au siège du

 20   Tribunal ?

 21   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. Il n'est pas apte à

 22   être transporté.

 23   M. GROOME : [interprétation] Mais on ne donne pas ici de raison somatique

 24   pour cet empêchement, cette incapacité, est-ce que s'il décidait de venir,

 25   s'il décidait d'assister en personne à l'audience, est-ce qu'il pourrait le

 26   faire ?

 27   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Non, car il a

 28   toujours ses problèmes somatiques.

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  1   M. GROOME : [interprétation] Merci.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Knoops.

  3   M. KNOOPS : [interprétation] Mais c'était uniquement en rapport avec la

  4   téléconférence que je disais ça, parce que l'Accusation a autrement résumé

  5   les conclusions de la Défense.

  6   Bonjour, Monsieur Eekhof.

  7   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Bonjour.

  8   M. KNOOPS : [interprétation] Vous vous en souviendrez peut-être, la semaine

  9   dernière nous vous avons posé des questions sur le même sujet. A la base de

 10   vos observations, à votre avis, il n'y a pas de raisons psychiatriques

 11   manifestes qui l'empêcheraient d'assister. Est-ce qu'après mardi, il y a eu

 12   un nouvel examen psychiatrique effectué par le Dr Petrovic ?

 13   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai du mal à vous entendre,

 15   Monsieur Eekhof.

 16   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Je vais me

 17   rapprocher du micro. Est-ce que vous nous entendez mieux, Monsieur le

 18   Président ?

 19   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Ça va.

 20   Continuez, Maître Knoops.

 21   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que le rapport du 9

 22   juin a pour base, lui aussi, ce qu'a dit le Dr Petrovic dans son rapport du

 23   10 mai ?

 24   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, oui. Et mes

 25   propres observations.

 26   M. KNOOPS : [interprétation] Merci. Dans l'intervalle, nous avons reçu ou

 27   trouvé une copie du rapport du Dr Petrovic du 10 mai. Les Juges et

 28   l'Accusation en ont une copie. Dans le deuxième paragraphe de ce rapport, à

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  1   la ligne 9, il est dit ceci :

  2   "Son efficacité intellectuelle est fluctuante, ainsi que sa capacité à

  3   s'impliquer pleinement dans ses actions."

  4   Vous connaissez ce commentaire du Dr Petrovic ?

  5   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

  6   M. KNOOPS : [interprétation] Vous êtes d'accord avec ce qu'il dit ?

  7   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] Pas tout à fait. Quand je lui ai

  8   parlé, il était capable de parler de sa pathologie. Bien sûr, je ne discute

  9   pas de son cas, mais bon, je l'ai dans mon rapport. Je ne suis pas

 10   psychiatre. Mais d'après ce que je peux constater en tant que généraliste,

 11   avec une formation aussi en psychiatrie, je pense qu'il est à même de

 12   suivre les débats.

 13   M. KNOOPS : [interprétation] Mais dans votre rapport précédent, vous avez

 14   chaque fois dit que la situation psychologique avait évolué, s'était

 15   modifiée, et vous faites référence au rapport du Dr Petrovic.

 16   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 17   M. KNOOPS : [interprétation] Maintenant que le Dr Petrovic dit que sa

 18   capacité à participer fluctue, ainsi que sa participation générale. On

 19   parle ici de sa capacité, de son aptitude intellectuelle. Est-ce que ça

 20   veut dire que rien n'a changé ?

 21   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Je ne comprends

 22   pas.

 23   M. KNOOPS : [interprétation] On dit que son efficacité intellectuelle est

 24   fluctuante, ainsi que sa capacité de s'impliquer pleinement dans ses

 25   actions.

 26   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] J'ai eu des

 27   rencontres avec M. Stanisic, ce n'est pas une question que j'ai posée. Bien

 28   sûr que sa qualité émotive évolue, n'est pas toujours la même. Mais il y a

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  1   une différence entre la dépression et une pathologie constante.

  2   M. KNOOPS : [interprétation] Le Dr Petrovic écrit dans son premier

  3   paragraphe que cet état de dépression et d'apathie est devenu constant,

  4   permanent.

  5   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Ça ne cadre pas

  6   avec mes observations.

  7   M. KNOOPS : [interprétation] Mais vous dites par rapport à ce rapport que

  8   son état psychologique n'a pas changé.

  9   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 10   M. KNOOPS : [interprétation] Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que

 11   le rapport du Dr Petrovic est, pour le moment, la seule base nous

 12   permettant d'avoir une idée de la situation psychologique ?

 13   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Non. Moi, je dois me

 14   reposer, pour former un avis, sur un rapport de spécialiste, mais aussi sur

 15   mes observations à moi sur le diagnostic que je pose.

 16   M. KNOOPS : [interprétation] Aujourd'hui, pour la première fois, vous dites

 17   dans votre rapport qu'un rapport du Dr De Man sur l'état psychologique

 18   actuel donnerait un avis d'expert, des conseils d'expert.

 19   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 20   M. KNOOPS : [interprétation] Pourquoi faites-vous cette proposition

 21   maintenant ?

 22   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] J'ai déjà parlé du Dr De

 23   Man la dernière fois. J'ai mentionné son dernier rapport dans le rapport

 24   précédent. Car il y a une certaine divergence de vues entre M. Stanisic et

 25   moi-même, comme vous l'avait dit le Dr Petrovic sur son état d'esprit.

 26   C'est pour ça que je m'étais dit qu'il serait bon d'avoir l'avis d'un

 27   expert.

 28   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce que ça veut dire que c'est aussi parce

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  1   que vous n'êtes pas à 100 % sûr qu'il y a des raisons d'ordre psychiatrique

  2   qui l'empêchent de participer à l'audience ?

  3   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] C'est pour exclure la

  4   possibilité qu'il y ait de telles raisons psychiatriques. C'est normal même

  5   si nous connaissons le diagnostic, si nous avons une certitude

  6   professionnelle de ce que nous disons, il est toujours utile de demander

  7   l'avis d'un expert, d'un spécialiste.

  8   M. KNOOPS : [interprétation] Dire que M. Stanisic est apte à suivre les

  9   débats, pour autant qu'il se trouve dans le lit installé dans la salle de

 10   téléconférence, mais quand vous dites "apte" ici, quand vous parlez

 11   d'aptitude dans ce contexte, est-ce que vous évoquez des raisons d'ordre

 12   somatique ?

 13   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] D'ordre somatique et

 14   psychologique.

 15   M. KNOOPS : [interprétation] Vous voulez exclure la possibilité que ce

 16   soient des raisons d'ordre psychiatrique qui l'empêchent de suivre les

 17   débats ? Pensez-vous qu'il faut tenir compte de ce genre de rapport pour

 18   déterminer le type d'audience à tenir ?

 19   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Si on a un tel rapport,

 20   comme je le propose, ce serait effectivement une base nous permettant de

 21   voir s'il faut poursuivre le traitement ou le modifier.

 22   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce que depuis le 11 mai, M. Stanisic a

 23   subi un traitement psychothérapeutique ?

 24   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] On le lui a offert, mais

 25   il a refusé.

 26   M. KNOOPS : [interprétation] Mais vous dites que le Dr Falke avait proposé

 27   qu'on consulte un psychiatre.

 28   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Non, non. Il faut que ce

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  1   soit lui qui le veule.

  2   M. KNOOPS : [interprétation] Mais je parle de traitement. Est-ce qu'il y a

  3   eu un traitement ?

  4   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, avec le psychiatre

  5   traitant.

  6   M. KNOOPS : [interprétation] Mais est-ce que le Dr Petrovic n'est pas parti

  7   peu de temps après l'arrivée de M. Stanisic ?

  8   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] C'est vrai, et elle ne

  9   reviendra pas avant la fin du mois. C'est pour ça que le Dr Falke avait

 10   proposé les services d'un autre psychiatre.

 11   M. KNOOPS : [interprétation] Quand a-t-il fait cette proposition ?

 12   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] La semaine dernière.

 13   M. KNOOPS : [interprétation] On peut donc penser que depuis le départ du Dr

 14   Petrovic jusqu'à la proposition qui vient d'être faite, on n'a pas offert

 15   d'autres services thérapeutiques ?

 16   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] C'est exact.

 17   M. KNOOPS : [interprétation] Etes-vous d'accord avec moi pour dire que

 18   puisque M. De Man connaît bien l'anamnèse de ce client, ce serait la

 19   personne idoine à consulter pour obtenir un rapport ?

 20   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, je pense que ce

 21   serait l'homme le mieux placé pour préparer un tel rapport et pour nous

 22   conseiller.

 23   M. KNOOPS : [interprétation] Savez-vous pourquoi à ce stade, M. Stanisic

 24   préfère avoir quelqu'un qui connaît déjà son cas plutôt que d'avoir les

 25   services d'un nouveau psychiatre ? Est-ce que vous comprenez la raison qui

 26   l'anime ?

 27   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, je la comprends

 28   parfaitement.

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  1   M. KNOOPS : [aucune interprétation]  

  2   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] On lui a offert

  3   les services via un psychiatre traitant, pas simplement un examen, la

  4   semaine dernière.

  5   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce que vous avez appris qu'on avait changé

  6   le traitement médicamenteux ?

  7   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. C'est à cause de sa

  8   colite.

  9   M. KNOOPS : [interprétation] Dans le rapport du 9 juin, on dit qu'il y a

 10   certains signes d'inflammation de sa colite.

 11   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. Nous suivons la

 12   chose de très près et il y a eu altération. Le Dr Falke a consulté le Dr

 13   Cazim, qui a décidé de lui donner d'autres médicaments.

 14   M. KNOOPS : [interprétation] En raison de cette inflammation, est-il juste

 15   de dire que la situation somatique s'est détériorée ?

 16    M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Son état n'a pas

 17   vraiment changé. Son état général n'a pas beaucoup changé. Pour le moment,

 18   ce que nous faisons, c'est réagir au tout premier signe d'une éventuelle

 19   complication.

 20   M. KNOOPS : [interprétation] Nous avons appris que M. Stanisic reçoit

 21   maintenant un médicament qui s'appelle Tramadol; est-ce

 22   exact ?

 23   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 24   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce que ça équivaut en espèce le traitement

 25   par la morphine ?

 26   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Non, non, ce n'est pas

 27   un opiacé. C'est du même groupe, mais ça n'a pas les mêmes effets.

 28   M. KNOOPS : [interprétation] Mais on nous a dit que ceci a un effet sur

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  1   l'état de concentration et de la capacité d'utiliser son pouvoir

  2   intellectuel. Vous êtes d'accord ?

  3   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, c'est bien

  4   possible, mais c'est vrai d'autres médicaments. Il n'y a pas que des

  5   opiacés qui le font.

  6   M. KNOOPS : [interprétation] On peut exclure qu'avec le changement de

  7   traitement médicamenteux, ceci peut avoir un effet sur son état mental

  8   général ?

  9   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. On ne peut pas

 10   exclure ceci à 100 %.

 11   M. KNOOPS : [interprétation] On nous a aussi dit que M. Stanisic a

 12   recommencé à avoir des hémorragies, et d'ailleurs il y a eu preuve de cela

 13   lors des échantillons d'urine.

 14   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. Enfin, il y a deux

 15   types d'hémorragies quand même. Il ne faut pas les mélanger. Les

 16   hémorragies dans ses urines sont constantes, alors qu'en ce qui concerne la

 17   colite, elle n'est pas constante.

 18   M. KNOOPS : [interprétation] Très bien. Le formulaire qui est joint à votre

 19   rapport -- et je vais donner des question à propos de ce formulaire. En ce

 20   qui concerne les questions 1, 2 et 4 et 5, pour ce qui est de la colonne 4

 21   où il est écrit, et je cite : "Il va falloir qu'il bénéficie d'une absence

 22   d'un jour avant d'être à nouveau prêt à assister à son procès, vous avez

 23   remarqué que --

 24   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 25   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce que ceci a été approuvé ?

 26   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 27   M. KNOOPS : [interprétation] Aujourd'hui, vous êtes d'accord pour -- vous

 28   avez approuvé le fait que M. Stanisic n'est pas apte à suivre son procès ?

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  1   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui --

  2   M. KNOOPS : [interprétation] Très bien. Mais lorsqu'on dit "apte", est-ce

  3   que cela signifie apte du point de vue physique, du point de vue somatique

  4   ou du point de vue mental et somatique ?

  5   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] L'aptitude, c'est un mot

  6   médical de toute façon qui porte aussi sur l'aptitude mentale.

  7   M. KNOOPS : [interprétation] Vous êtes en train de dire qu'il n'est pas

  8   apte à suivre son procès, c'est bien cela ?

  9   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, tout à fait.

 10   M. KNOOPS : [interprétation] Très bien. Donc vous dites --

 11   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Il faut d'abord qu'il

 12   soit vu par le Dr Falke.

 13   M. KNOOPS : [interprétation] Donc est-ce que ça comprend aussi l'aptitude à

 14   suivre les débats par vidéoconférence aujourd'hui ?

 15   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. Il n'est pas

 16   capable aujourd'hui de le faire.

 17   M. KNOOPS : [interprétation] Votre conseil aujourd'hui, c'est qu'il y ait

 18   une nouvelle évaluation psychologique ou psychiatrique par le Dr De Man,

 19   n'est-ce pas ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Knoops, le Dr Eekhof n'a pas

 21   donné son conseil aux parties. Il n'est pas là pour ça, pour nous donner

 22   son avis.

 23   M. KNOOPS : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parfait. Le Dr Eekhof ne peut pas donner

 25   de conseils, parce que vous l'avez invité à donner des conseils aux

 26   parties. C'est à la Chambre en fait de décider quoi que ce soit, si elle a

 27   besoin de conseils ou non. Ce n'est pas à vous de demander des conseils à

 28   qui que ce soit.

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  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Docteur Eekhof, j'ai quelques questions

  3   à vous poser moi-même. Vous avez dit qu'à votre avis M. Stanisic n'était

  4   pas en mesure d'assister à son procès. Suite à vos observations, on voit

  5   que vous dites aussi qu'il n'est pas apte à être transporté, et je vais

  6   vous poser des questions là-dessus ultérieurement. Me Knoops vous a demandé

  7   par la suite s'il n'était pas capable non plus d'assister à son procès par

  8   le biais de la conférence vidéo. Il me semble que dans votre réponse, vous

  9   avez été affirmatif. Vous avez dit qu'il n'était pas capable en fait de le

 10   faire. C'est bien ça ? Dans le rapport que vous avez maintenant, je vois

 11   que M. Stanisic est suffisamment apte pour suivre les débats au lit, mais

 12   allongé, dans la Chambre où la conférence vidéo est disponible. J'ai un peu

 13   de mal un peu à réconcilier ce que vous nous dites maintenant avec ce que

 14   vous avez écrit ce matin. Pourriez-vous m'aider ?

 15   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Lorsque je lui ai rendu

 16   visite, j'ai tiré mes conclusions. Je l'ai observé. Je me suis entretenu

 17   avec lui. Mon rapport est basé sur tout cela en tant que médecin. Je pense

 18   qu'il y a besoin d'une évaluation supplémentaire, et j'ai dit à Me Knoops

 19   que jusqu'à ce qu'on ait une évaluation supplémentaire, le patient devait

 20   bénéficier du doute. Je ne modifie pas mon rapport initial. C'est ce que

 21   j'ai dit. Ce n'est pas peut-être une réponse juridique.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, ce n'est pas une réponse

 23   juridique, mais de toute façon je ne la comprends pas très bien. C'est mon

 24   problème. Ce matin vous avez dit qu'il était en mesure --

 25   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de suivre les débats par le biais de

 27   la conférence vidéo s'il était dans son lit --

 28   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Mais oui, mais ensuite

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  1   il a dit qu'il était malade.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. A cause de cela vous lui donnez le

  3   bénéfice du doute ?

  4   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. Enfin, il pourrait

  5   quand même suivre les choses. D'après mon rapport, il est en mesure de

  6   suivre les choses dans la salle de conférence vidéo.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait quelques modifications

  8   depuis lors par rapport à votre rapport ?

  9   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Non.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais votre rapport est identique mis à

 11   part le fait que vous pensez que maintenant M. Stanisic se sent trop mal

 12   pour suivre les débats, et vous donnez le bénéfice du doute.

 13   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] En effet. Je lui donne

 14   le bénéfice du doute. C'est la seule chose qui change par rapport à ce que

 15   j'ai dit ce matin.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites aussi qu'il n'est en mesure

 17   d'être transporté. Est-ce à cause de son état physique ?

 18   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à cause de sa hernie discale ?

 20   C'est pour ça qu'il ne peut pas être transporté ? Avec bien sûr le fait

 21   qu'il a sa colite qui le gêne ?

 22   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, la colite est un

 23   gros problème à l'heure actuelle. Il a certes mal au lombaires, mais ce

 24   n'est pas à cause de sa hernie discale.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais on ne sait pas pourquoi.

 26   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Non. 

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors j'ai besoin de comprendre les

 28   choses. Comment se fait-il qu'on ait pu le transporter de Belgrade à La

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  1   Haye et qu'il est impossible de le transporter du quartier pénitentiaire

  2   jusqu'au Tribunal ?

  3   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Il a mal au dos, et son

  4   mal à dos a empiré une fois arrivé ici. Je ne l'avais pas examiné

  5   précédemment, mais en tout cas il a vraiment très mal au dos, et c'est pour

  6   cela qu'il ne peut pas être transporté. Nous sommes aussi en train de

  7   préparer un programme de kinésithérapie.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous avez dit précédemment

  9   qu'il n'avait pas voulu du traitement de kinésithérapie. On ne sait

 10   absolument pas si il va accepter ou non de recevoir ces soins.

 11   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, le rapport vient

 12   d'arriver. Je ne sais pas du tout s'il est d'accord ou non.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les choses n'ont pas changé. Il n'a

 14   toujours pas donné son consentement.

 15   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] En effet.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vous ne l'avez pas

 17   examiné avant son départ de Belgrade. Sur quoi vous basez-vous pour dire

 18   que son mal de dos a empiré ?

 19   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Mais j'étais là

 20   lorsqu'il est arrivé à Schiphol, la façon dont il se déplaçait lorsqu'il a

 21   quitté l'avion était tout à fait différente à la difficulté qu'il a

 22   maintenant. Il a beaucoup plus de mal à se déplacer maintenant.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc maintenant, il a du mal à se

 24   déplacer. Arrive-t-il à se lever ?

 25   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Ces déplacements sont

 26   très limités. Peut-être qu'il peut se déplacer un peu plus quand même que

 27   lorsqu'il était au plus mal, mais c'est encore très limité.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il a pu se rendre en marchant

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  1   jusqu'à la salle vidéo, par exemple ?

  2   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Il dit qu'il n'est pas

  3   en mesure de le faire, mais je ne peux pas l'obliger,  j'imagine qu'il

  4   n'arrive pas à marcher.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais quelle est la distance qu'il doit

  6   parcourir ?

  7   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Une vingtaine de mètres

  8   jusqu'à l'ascenseur et ensuite une dizaine de mètres après.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais d'après vous, vous pensez qu'il ne

 10   serait pas capable de s'y rendre. Comme les parties le savent, la Chambre

 11   de première instance a informé les parties que la Chambre demanderait des

 12   informations supplémentaires lorsqu'elle en aurait besoin. Et avec les

 13   informations que nous avons reçues jusqu'à présent et qui sont maintenant

 14   au compte rendu, on a remarqué que M. Stanisic est quand même capable de se

 15   rendre à la cellule où il peut fumer des cigarettes, il peut aller jusqu'à

 16   l'emplacement fumeurs. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, d'après vous,

 17   il n'est pas capable de se rendre à la salle vidéo, alors qu'il arrive

 18   parfaitement à se rendre à la salle fumeurs ? Apparemment, en tout cas, il

 19   peut s'y rendre et en plus il y fume. 

 20   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Ecoutez, ce n'est pas

 21   important qu'il puisse marcher ou pas. Il peut aussi se déplacer en chaise

 22   roulante, il a une chaise roulante. Donc ce n'est pas le fait qu'il

 23   n'arrive pas à se déplacer en marchant qui est vraiment quelque chose que

 24   nous prenons en compte pour déterminer s'il est en mesure ou non d'assister

 25   à la conférence vidéo.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est peut-être vrai, mais ce n'est pas

 27   ma question. Je voudrais savoir comment il se déplace pour aller jusqu'à la

 28   salle fumeurs. Et dans la salle fumeurs, est-ce qu'il se déplace ?

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  1   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Je ne sais pas. 

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, vous ne savez pas.

  3   Donc en ce qui concerne son transport éventuel, a-t-on envisagé une

  4   solution quelconque, qu'il puisse par exemple être transporté allongé,

  5   plutôt que d'être assis dans un siège véhicule, plutôt être allongé ?

  6   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] On ne m'a jamais posé la

  7   question. Je ne sais vraiment pas quoi vous dire, je ne saurais vous

  8   répondre. 

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc vous avez conclu qu'il n'est

 10   pas en mesure d'être transporté, mais son transport éventuel quand même

 11   peut dépendre de la façon dont on le transporte, n'est-ce pas ?

 12   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] En effet.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de toutes ces réponses. 

 14   J'ai une dernière question à vous poser. Vous dites qu'il serait

 15   capable de participer aux débats pendant une heure, rien de plus.

 16   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite, combien de repos lui

 18   faudrait-il avant de pouvoir reprendre sa participation ? Une demi-heure ?

 19   40 minutes ? 20 minutes ? Pouvez-vous nous donner un ordre d'idées ?

 20   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] C'est difficile à vous

 21   dire. C'est plutôt une devinette qu'autre chose. Je pense qu'après une

 22   heure sans doute il devrait se sentir mieux être et capable de reprendre

 23   les débats. 

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de ces réponses.

 25   Je n'ai plus de questions à vous poser.

 26   Monsieur Groome.

 27   M. GROOME : [interprétation] J'aimerais poser quelques questions de suivi

 28   suite aux questions que vous avez posées, Monsieur le Président, au

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  1   médecin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  3   M. GROOME : [interprétation] Lorsque le Président de la Chambre vous posait

  4   des questions à propos de M. Stanisic, vous étiez en train de dire qu'il

  5   avait un mal au dos qui avait empiré. Or, suite au rapport du 5 mai [comme

  6   interprété], il semble qu'à l'IRM, on n'a pas trouvé de raison organique

  7   qui pourrait expliquer son mal au dos.

  8   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui. 

  9   M. GROOME : [interprétation] Donc ai-je raison de dire que lorsque vous

 10   dites qu'il a de plus en plus mal au dos, vous vous basez uniquement sur ce

 11   que vous dit M. Stanisic, c'est lui qui vous dit que son mal au dos empire,

 12   vous n'allez pas plus loin ?

 13   M. EEKHOF : [via vidéoconférence] [interprétation] Oui, en ce qui concerne

 14   le mal au dos sans hernie discale, on ne peut s'en tenir qu'à ce que nous

 15   dit le patient et rien de plus.

 16   M. GROOME : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde les parties. Je ne

 20   pense plus que nous ayons besoin de la présence du Dr Eekhof.

 21   En effet, donc je vous remercie, Docteur Eekhof, de vous être rendu

 22   disponible pour cette vidéoconférence. Je ne vous vois plus.

 23   Merci. Au revoir.

 24   Maître Knoops, vous nous avez dit que vous alliez faire une demande.

 25   M. KNOOPS : [interprétation] Oui, c'est Me Jordash qui va déposer la

 26   demande.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 28   Maître Jordash, de combien de temps avez-vous besoin ?

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  1   M. JORDASH : [interprétation] Cinq à dix minutes.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

  3   M. JORDASH : [interprétation] Nous demandons le report des audiences

  4   d'aujourd'hui et de demain puisque nous voudrions que M. Stanisic soit vu

  5   par le Dr De Man qui pourra ainsi poser un diagnostic. Nous nous basons sur

  6   les constatations du Dr Eekhof, comme vous le savez, il recommande que l'on

  7   pose un nouveau diagnostic, et nous nous basons aussi sur le rapport du Dr

  8   Petrovic qui étaye cette suggestion. C'est un rapport en date du 10 mai

  9   2009, et comme vous le savez, dans ce rapport il est observé que l'état

 10   mental de M. Stanisic a empiré et que son fonctionnement psychologique a

 11   empiré. Donc nous considérons que le bénéfice du doute que le Dr Eekhof a

 12   donné à l'accusé existe et continuera à exister jusqu'à ce qu'un

 13   psychiatre, si possible le Dr De Man, puisque c'est lui qui connaît

 14   l'anamnèse de M. Stanisic, l'ait vu et posé son diagnostic. Nous

 15   considérons que sinon nous reviendrons toujours à la même discussion. Le Dr

 16   Eekhof est un généraliste, il a tiré des conclusions qui sont certes bien

 17   pensées, qui sont tout à fait logiques, mais il n'arrête pas lui-même de

 18   faire des réserves sur son diagnostic. Nous considérons donc que c'est pour

 19   cela qu'il faut maintenant demander à un spécialiste d'examiner le patient.

 20   Je risque de me tromper, mais enfin, je pense que c'est ce qu'on peut lire

 21   entre les lignes.

 22   Nous avons un rapport du Dr De Man en date du 19 mars qui a entraîné

 23   l'Accusation à demander que l'on pose un nouveau diagnostic à propos du cas

 24   de M. Stanisic dans un centre médical à Amsterdam. Donc M. Stanisic est

 25   revenu au quartier pénitentiaire et depuis lors, il n'a vu que le Dr

 26   Petrovic. C'est le seul diagnostic psychiatrique qu'il a eu depuis lors. Et

 27   depuis qu'il est revenu, il n'a pas vu de psychiatre. Tout ce qu'on sait,

 28   c'est qu'il souffre et il a un problème grave.

Page 1433

  1   Nous comprenons bien que M. Stanisic a refusé de lui-même de voir le

  2   psychiatre, mais nous considérons que lorsqu'on traite d'une personne

  3   malade, que ce soit une personne qui ait une maladie physique assez peu

  4   grave, qui est en cours depuis longtemps ou dans le cas de M. Stanisic, une

  5   maladie psychiatrique grave qui dure depuis longtemps, nous considérons

  6   qu'il est normal, quand même, de le faire voir par un psychiatre qui le

  7   connaît bien, qui connaît son anamnèse. C'est normal, c'est logique à notre

  8   avis. Et je pense qu'il est tout à fait normal que M. Stanisic dise qu'il

  9   n'ait pas envie de réexpliquer à nouveau tout ce qui se passe dans sa tête

 10   à un nouveau psychiatre, à une nouvelle personne.

 11   Donc nous considérons qu'avant que vous ne décidiez quoi que ce soit,

 12   nous avons besoin d'informations supplémentaires. Donc on ne demande pas de

 13   report sur plusieurs mois, absolument pas. Nous demandons juste à ce que

 14   l'on arrête les débats aujourd'hui et demain afin que le Dr De Man puisse

 15   rendre visite au patient, puisse poser son diagnostic. Et nous pensons que

 16   lorsque nous reviendrons en audience, après cela, nous serons mieux armés,

 17   vous serez surtout mieux armés pour prendre une bonne décision et pour

 18   décider si ces suggestions assez voilées portant sur le fait que M.

 19   Stanisic soit réticent à venir assister à son procès seront en effet

 20   justifiées, ou si le diagnostic montre bien et prouve une bonne fois pour

 21   toute qu'il n'est pas en mesure de venir dans le prétoire ou ne serait-ce

 22   qu'à assister par téléconférence à son procès.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Jordash.

 24   Monsieur Groome, qu'avez-vous à dire ?

 25   M. GROOME : [interprétation] En ce qui concerne ce que vient de dire Me

 26   Jordash, j'ai quelques observations à faire. Tout d'abord, sur le même

 27   problème que le problème que nous avions l'an dernier. M. Stanisic et le Dr

 28   De Man n'ont jamais eu de relation thérapeutique, c'est un expert qui a été

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  1   nommé par la Chambre pour évaluer l'état mental de M. Stanisic.

  2   M. Stanisic a sans doute peut-être besoin de traitements

  3   psychiatriques quelconques. Il se peut que si le Dr Petrovic ne peut le

  4   voir que toutes les six semaines, il ait peut-être besoin de voir un

  5   médecin à une fréquence plus régulière. Et le Dr Falke et le Dr Eekhof

  6   semblent dire qu'il ne pourrait que bénéficier de voir plus souvent un

  7   psychiatre, et l'Accusation n'est absolument pas contre cela. Mais le Dr De

  8   Man n'est pas la personne qui doit le voir puisqu'il est quand même nommé

  9   par la Cour. Il a été nommé par la Chambre en tant qu'expert pour donner

 10   son opinion sur l'état mental de l'accusé.

 11   Maintenant, en ce qui concerne ce que vient de dire M. Jordash, il est en

 12   train de vous dire que vous devriez conclure que le Dr Eekhof vient de dire

 13   qu'il serait bon de demander au Dr De Man d'évaluer et d'examiner M.

 14   Stanisic. Mais j'aimerais attirer votre attention sur la page 9 du compte

 15   rendu d'aujourd'hui, ligne 19. Me Knoops a demandé la chose suivante au Dr

 16   Eekhof. Il a dit :

 17   "Il est normal même si on connaît le diagnostic, même si on est presque sûr

 18   qu'il faut demander l'avis d'un spécialiste."

 19   Je considère que le Dr Edkhof suggère qu'il serait sans doute bon que l'on

 20   ait l'opinion du Dr De Man, mais ça ne veut pas dire du tout qu'il a le

 21   moindre doute à propos de ce qu'il a écrit dans son rapport aujourd'hui, où

 22   il est écrit :

 23   "Il n'y a aucune raison psychiatrique évidente qui l'empêcherait de

 24   participer aux débats."

 25   Le Dr Eekhof a juste été prudent, c'est un médecin. Il a été très prudent

 26   et il a dit ce qu'il devait dire lorsqu'on lui proposait que l'accusé voie

 27   éventuellement un expert. Donc nous considérons que M. Stanisic est

 28   parfaitement capable de participer aux débats aujourd'hui, et l'Accusation

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  1   considère que nous devrions aller de l'avant. M. Stanisic pourrait très

  2   certainement venir, ne serait-ce qu'en chaise roulante. Il pourrait aller

  3   en chaise roulante jusqu'à la salle de vidéoconférence -- si la Chambre de

  4   première instance en doute, la Chambre de première instance peut tout

  5   simplement évaluer son état, une fois qu'il sera dans la salle de

  6   vidéoconférence, une fois qu'il sera venu en chaise roulante. Vous pourrez

  7   vous faire votre propre opinion.

  8   Et ensuite, j'ai autre chose à dire en ce qui concerne mes propos

  9   liminaires qui vont être un peu différents des autres aspects du procès,

 10   puisqu'ici il n'y a pas de participation active de l'accusé. Donc les

 11   propos liminaires que je vais lire aujourd'hui sont assez proches de ce que

 12   j'ai dit l'an dernier. M. Stanisic a eu un an pour en parler avec son

 13   avocat. M. Stanisic pourrait très bien en discuter pendant 48 heures avec

 14   ses conseils. De toute façon, ces propos liminaires ne font que reprendre

 15   le mémoire préalable au procès que M. Stanisic a pu lire, a eu en sa

 16   possession depuis deux ans.

 17   Donc il n'a pas de rôle actif, il n'a pas à participer dans quoi que ce

 18   soit en ce qui concerne les propos liminaires. Il a déjà tout. Donc nous

 19   considérons que ce n'est pas du tout une raison pour laquelle nous devrions

 20   reporter tout cela à plus tard.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie, Maître

 22   Groome.

 23   Maître Jordash, vous voulez répondre brièvement ?

 24   M. JORDASH : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Mon

 25   collègue de l'Accusation vient de présenter plusieurs propositions en

 26   remarquant que le Dr Eekhof s'est contenté de faire preuve de prudence et

 27   que les Juges de la Chambre pourraient démontrer la même prudence en

 28   faisant venir l'accusé dans une chaise roulante jusqu'à ce prétoire. Nous

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  1   n'avons aucune intention de discuter de façon polémique de ce point. Nous

  2   sommes d'accord tous les deux sur la prudence dont il importe de faire

  3   preuve et donc la nécessité d'obtenir des renseignements complémentaires au

  4   sujet de l'état de santé de M. Stanisic au préalable.

  5   Mais ce que nous voulons dire avant tout, c'est que faire venir dans un

  6   prétoire une personne qui risque de souffrir d'une maladie psychiatrique

  7   grave dans une chaise roulante serait, à notre avis, acceptable à condition

  8   que l'on dispose au préalable de l'avis d'expert, d'un médecin, du Dr

  9   Eekhof, qui est lui-même prudent dans ses constatations, mais que l'on

 10   dispose également d'une appréciation psychiatrique qui devrait être obtenue

 11   assez rapidement. La prudence, c'est la bonne voie, parce que nous parlons

 12   d'une affaire qui implique un présumé coupable de crimes de guerre majeurs,

 13   et il importe donc avant tout de démarrer sur des bases prudentes et cela

 14   signifie qu'il faut que nous soyons assurés qu'il existe bien une voie

 15   viable et relativement simple pour se faire une idée de l'état de santé de

 16   M. Stanisic.

 17   Mon collègue de l'Accusation a ajouté, en outre, que nous en sommes au

 18   stade des propos liminaires et que par conséquent il ne se passera pas

 19   grand-chose et que l'on peut délivrer son propos liminaire à l'accusé

 20   demain. Mais nous n'avons pas avancé d'un pouce. S'il est prudent de

 21   demander un diagnostic complémentaire, s'il est prudent pour les Juges de

 22   la Chambre de vérifier quel est l'état de santé exact de l'accusé, il est

 23   prudent également de partir du principe que quel que soit l'état psychique

 24   de M. Stanisic, il risque

 25   De souffrir d'un trouble qui peut l'empêcher demain de lire le propos

 26   liminaire. Il est important qu'avant de lui communiquer toute une liasse de

 27   papiers, on essaie d'écouter M. Stanisic grâce au système de conférence

 28   vidéo. S'il est malade, il est malade. Nous ne savons pas combien de temps

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  1   cela durera, mais à notre avis nous ne pouvons pas entrer dans l'étape

  2   suivante immédiatement.

  3   Voilà ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. KNOOPS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais ajouter

  6   quelques mots. L'Accusation, comme vous vous en souviendrez -- j'étais moi-

  7   même ici mardi dernier. J'ai proposé à la Chambre la chose suivante. J'ai

  8   dit que nous étions au point de départ une heure après la première

  9   évaluation, et que l'on en était toujours à penser à la nécessité de

 10   rappeler un psychiatre. Je rappelle que M. Groome a appuyé ma position à

 11   l'époque. Vous vous en souvenez vous-même. M. Groome a appuyé ma position

 12   selon laquelle il fallait une évaluation psychiatrique avant le début du

 13   présent procès. Aujourd'hui, l'Accusation a apparemment changé d'avis, mais

 14   du côté de la Défense nous avons alerté la Chambre quant à la situation en

 15   indiquant qu'il était absolument indispensable du point de vue de

 16   l'efficacité du procès à venir que cette évaluation soit faite avant toute

 17   chose. Je pense qu'il importe de remarquer devant les Juges de la Chambre

 18   que la même Accusation a apparemment aujourd'hui changé d'avis, alors que

 19   le rapport du Dr Eekhof va davantage dans le sens de notre idée que la

 20   semaine dernière. Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 22   Monsieur Groome.

 23   M. GROOME : [interprétation] Je voudrais simplement que mon silence --

 24   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 25   M. GROOME : [interprétation] -- ne soit pas mal interprété comme étant un

 26   signe d'agrément. Ce que j'ai dit la semaine dernière devant la Chambre, et

 27   il y a été répondu, c'est que l'Accusation estime que le problème du

 28   traitement est complètement distinct du problème de la procédure. Je ne

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  1   m'oppose pas à ce qu'une appréciation ou une évaluation soit faite, mais

  2   cela n'est pas synonyme de dire que j'estime que nous avons besoin

  3   d'interrompre la procédure en raison de cela. Je disais simplement à la

  4   Chambre que je pensais qu'il était absolument indispensable que nous

  5   bénéficiions de cette évaluation préalable, mais que la procédure doit se

  6   poursuivre.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Groome.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre pendant une

 10   certaine période. Je pense que lorsqu'on envisage une période de suspension

 11   longue, on utilise l'expression latine sine die. Pour ma part, je me

 12   contenterais de l'expression latine sine hora, qui implique éventuellement

 13   une période moins longue. Autrement dit, la Chambre va devoir décider si

 14   elle accède à la demande qui vient d'être faite ou pas, mais quoi qu'il en

 15   soit, nous sommes en mesure d'affirmer que nous n'allons certainement pas

 16   reprendre nos débats avant 15 heures 40.

 17   --- L'audience est suspendue à 15 heures 19.

 18   --- L'audience est reprise à 15 heures 54.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que je ne rende la décision

 20   de la Chambre eu égard à la question dont nous débattions avant la pause,

 21   je tiens à informer les parties qu'une décision a été déposée aujourd'hui

 22   dans laquelle sont incluses les modalités du procès. Je vous parle en ce

 23   moment d'un amendement aux modalités du procès. Donc dans la précision en

 24   question, vous trouverez une nouvelle modalité qui porte sur la nécessité

 25   d'obtenir un rapport régulier d'un psychiatre indépendant à raison d'un

 26   rapport tous les deux mois.

 27   La Chambre a examiné avec attention tous les arguments présentés par

 28   les parties, et rejette la demande de suspension. La présente décision sera

Page 1439

  1   rendue par écrit avec exposé complet des motifs, mais pour le moment, je me

  2   contenterai d'explication synthétique et simple dont le libellé ne doit pas

  3   être considéré comme faisant foi. La Chambre considère qu'aucun motif

  4   médical objectif n'a été établi qui indiquerait que l'accusé est dans

  5   l'incapacité de suivre les débats, si non dans le prétoire, pour le moins

  6   par voie de conférence vidéo. Encore une fois, les motifs seront exposés

  7   par écrit dans une décision qui sera rendue très prochainement.

  8   La demande présentée par la Défense portait sur une suspension des débats

  9   et sur une ordonnance demandant examen psychiatrique de l'accusé de façon à

 10   exclure toute possibilité que pour des raisons psychiatriques, l'accusé

 11   soit déclaré inapte à assister à la suite de la procédure. Donc par les

 12   motifs que je viens d'exposer, cette possibilité est bien entendu

 13   implicitement rejetée et les détails seront fournis dans la décision

 14   écrite. En raison de la décision rendue aujourd'hui, que vous n'avez sans

 15   doute pas eu encore la possibilité de lire, mais que vous comprenez bien,

 16   elle a été rédigée en une quinzaine de minutes suite à notre débat de tout

 17   à l'heure, la Chambre attend sans délai un nouveau rapport psychiatrique.

 18   La Chambre a réfléchi aux conditions dans lesquelles les débats pourraient

 19   se poursuivre et elle demande au greffe d'adresser une copie des lignes qui

 20   suivent au quartier pénitentiaire des Nations Unies, de façon à ce que M.

 21   Stanisic soit informé de la décision que la Chambre a rendu, et notamment

 22   du fait que la demande de suspension a été rejetée par la Chambre au motif

 23   qu'aucune raison médicale objective n'a été établie qui justifierait que

 24   l'accusé soit déclaré inapte à suivre le procès, si non dans la salle

 25   d'audience, pour le moins par voie de conférence vidéo. Ceci pourrait

 26   permettre à l'accusé de poursuivre sa réflexion quant à sa volonté de

 27   suivre les débats à partir de la salle équipée du système vidéo au quartier

 28   pénitentiaire.

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  1   A cette fin, nous allons suspendre une nouvelle fois et la Chambre

  2   indique qu'elle aimerait, dès lors que ce message aura été communiqué à

  3   l'accusé, savoir si l'accusé souhaite suivre les débats par voie de

  4   conférence vidéo, car d'après ce que je crois savoir, ceci pourrait avoir

  5   une influence sur la durée des différentes parties de l'audience. Par

  6   conséquent, la Chambre voudrait être informée si possible dans les 15

  7   minutes à venir de l'avis de l'accusé sur ce point, suite à consultation de

  8   ce dernier.

  9   Nous reprendrons donc nos débats à 16 heures 15.

 10   --- La pause est prise à 16 heures 00.

 11   --- La pause est terminée à 16 heures 26.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a reçu un courriel envoyé par

 13   Fraser Gilmour, qui était adressé à une personne en particulier, au sein du

 14   greffe. Je vais en donner lecture pour le compte rendu d'audience. D'abord,

 15   on trouve mention du nom du destinataire et puis les mots qui suivent :

 16   "Je viens de parler avec M. Stanisic avec l'aide d'un assistant

 17   linguistique afin d'éviter tout problème d'interprétation erronée. Je lui

 18   ai expliqué la situation et je lui ai communiqué ce que la Chambre

 19   souhaitait savoir, c'est-à-dire s'il souhaitait participer aux débats par

 20   voie de conférence vidéo. M. Stanisic a rejeté cette opportunité."

 21   Puis, un peu plus loin, nous lisons et je cite :

 22   "J'ai laissé un exemplaire de la portion concernée du compte rendu

 23   d'audience à M. Stanisic afin qu'il puisse la lire au moment qu'il jugera

 24   le plus approprié."

 25   Nous trouvons un peu plus loin les mots suivants: "La Chambre a réfléchi

 26   aux possibilités de poursuite de la procédure et aimerait que le greffe…"

 27   On trouve ces mots au compte rendu d'audience à 15 heures 58 minutes 41

 28   secondes et cela se poursuit jusqu'à 16 heures 00 minutes 34 secondes, les

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  1   derniers mots consistant à dire que le résultat de la consultation devrait

  2   être communiqué à l'accusé.

  3   Nous avons le mot :

  4   "Cordialement."

  5   Ceci étant consigné au compte rendu d'audience et compte tenu de la

  6   situation dans laquelle nous sommes, nous allons poursuivre.

  7   M. KNOOPS : [interprétation] Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Knoops.

  9   M. KNOOPS : [interprétation] Puis-je brièvement, avant le début du propos

 10   liminaire de l'Accusation, puis-je présenter une demande à la Chambre ?

 11   Nous demandons humblement à la Chambre de faire savoir au greffe, si

 12   possible, que le premier rapport psychiatrique devrait être à disposition

 13   avant le 29 juin. Nombre de raisons peuvent être invoquées à l'appui de ma

 14   demande, mais l'une des raisons, c'est

 15   que --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Knoops, c'est une demande

 17   qui peut être aisément traitée à un autre moment de façon informelle et

 18   comprise. Concentrons-nous aujourd'hui sur la raison de notre présence ici

 19   et ensuite nous déciderons ce qui consiste à savoir s'il convient de

 20   poursuivre ou pas, et les parties pourront ensuite s'expliquer. Chacun doit

 21   être conscient des conséquences négatives que pourrait avoir une mauvaise

 22   utilisation du temps octroyé au Tribunal. Nous sommes limités du point de

 23   vue du temps et il va sans dire que la Chambre a déjà pris l'initiative

 24   nécessaire pour obtenir le premier rapport dans les délais les plus brefs

 25   possibles, étant donné également la nécessité de rapports réguliers. Pour

 26   que des communications informelles puissent avoir lieu, il faut trois

 27   choses. D'abord, la possibilité d'une communication bien concrète qui

 28   consiste en un échange ne laissant aucune trace au compte rendu d'audience,

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  1   comme par exemple le fait de dire, nous passons demain de la salle numéro I

  2   à la salle numéro II, ce genre de choses. Mais si la communication est

  3   d'une quelconque importance sur le fond, il faut qu'elle soit consignée au

  4   compte rendu d'audience dans les conditions où je viens de le faire, par

  5   exemple, aujourd'hui. Si la communication est d'une grande importance, la

  6   Chambre invite les parties à déposer des écritures à ce sujet.

  7   Veuillez poursuivre. Le message est clair je crois, Maître Knoops.

  8   M. KNOOPS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, compte tenu du fait que

 10   M. Stanisic n'a pas décidé de suivre la procédure, ceci implique que nous

 11   suivrons l'horaire habituel des audiences, autrement dit, il nous reste

 12   deux heures et demie. J'espère que cela ne nuira pas à votre plan de

 13   présentation puisque vous pensiez disposer de trois heures.

 14   M. GROOME : [interprétation] Selon mes estimations, Monsieur le Président,

 15   il faudra trois heures et demie pour la présentation du propos liminaire.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Trois heures et demie. Je m'en remets à

 17   vous quant au moment où vous souhaitez que nous fassions la pause. Nous

 18   sommes relativement souples s'agissant de la pause.

 19   Veuillez poursuivre.

 20   M. GROOME : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   Monsieur le Président, avant de commencer, je voudrais présenter un certain

 22   nombre d'éléments de preuve et d'autres documents sur diapositive. Si la

 23   Chambre et les parties veulent bien appuyer sur le bouton prétoire

 24   électronique, chacun pourra trouver les images dont je parle. Je

 25   demanderais également à Mme l'Huissière de distribuer aux Juges de la

 26   Chambre et aux représentants de la Défense ces diapositives. Il est

 27   possible que nous soit donnée la possibilité de lire la totalité du texte.

 28   Deux exemplaires pour la Défense, un pour chaque accusé et un pour le

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  1   conseil principal.

  2   Monsieur le Président, j'aimerais commencer mon propos liminaire par

  3   les mots de M. Jovica Stanisic en personne.

  4   "Nous entrons, en ce moment, dans la phase décisive du combat destiné à

  5   réaliser les objectifs communs de toutes les terres serbes, plus

  6   déterminés, plus préparés que jamais par le passé."

  7   Ce sont les mots prononcés par M. Stanisic et écrits dans un télégramme

  8   qu'il a envoyé au ministère de l'Intérieur de la République serbe de

  9   Krajina à Knin en juillet 1994. La présente affaire consistera à explorer

 10   la nature de "ces objectifs communs de toutes les terres serbes" évoqués

 11   par M. Stanisic dans son télégramme. Plus précisément, la présentation

 12   consistera à définir la nature de ces objectifs, à définir qui a partagé

 13   ces objectifs, quelles ont été les méthodes employées pour réaliser ces

 14   objectifs et ce qui est plus important encore, quels ont été les crimes

 15   commis afin de réaliser ces objectifs.

 16   L'un des éléments de preuve les plus choquants qui sera examiné par

 17   les Juges de la Chambre durant le procès est peut-être une vidéo dans

 18   laquelle on voit les images de trois hommes et trois jeunes gens qui ont

 19   été abattus dans le dos, alors que leurs mains étaient liées par du fil de

 20   fer très serré. Capturés alors qu'ils s'enfuyaient de Srebrenica après la

 21   chute de la ville, nous les voyons marcher en silence et avec résignation

 22   vers le lieu où l'un après l'autre, ils sont assassinés. Nous regardons les

 23   hommes qui les ont capturés, certains se moquant d'eux au cours de leurs

 24   derniers moments, d'autres adoptant un comportement faisant davantage

 25   penser à l'exécution d'une tâche de routine et l'un d'entre eux se

 26   concentre sur la vidéo, sur les images des exécutions.

 27   Sur la diapositive numéro 3, nous voyons le plus jeune, Dino Salihovic,

 28   quelques instants avant d'être exécuté. Le monde est plein d'effroi à cette

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  1   image qui passe de façon incessante sur de nombreux programmes. Le jour

  2   viendra durant ce procès où nous devrons nous pencher une nouvelle fois sur

  3   ces images de mort, mais ça ne sera pas le cas aujourd'hui.

  4   Aujourd'hui, je tiens à vous montrer une partie différente de cette vidéo.

  5   La vidéo intégrale dure à peu près deux heures.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. GROOME : [interprétation] Les images de cette vidéo que je vais vous

  8   montrer aujourd'hui, cet après-midi, semblent moins choquantes, à première

  9   vue, mais après réflexion sont peut-être plus perturbantes encore que les

 10   images des exécutions, car elles révèlent que les auteurs de ces crimes

 11   n'étaient pas des paramilitaires payés. Ce n'était pas une bande de

 12   criminels de droit commun; non, les auteurs de ces crimes et des autres

 13   crimes visés à l'acte d'accusation faisaient partie d'un groupe bien

 14   organisé et bien équipé, autrement dit des unités spéciales des services de

 15   Sécurité de l'Etat serbe dans la République de Serbie.

 16   Les membres de cette unité étaient des hommes entraînés, bien équipés, bien

 17   payés, qui disposaient de tous ce dont ils avaient besoin, y compris de

 18   l'autorisation de rechercher, appréhender et assassiner les personnes de

 19   leur choix.

 20   Ce que l'on sait aujourd'hui au sujet des unités spéciales de la Sûreté de

 21   l'Etat serbe et ce qui créait des interrogations dans l'esprit de nombreux

 22   Serbes, c'est la question de savoir comment il était possible que certains

 23   des crimes les plus graves commis pendant la guerre aient été commis au nom

 24   d'hommes qui étaient payés par le gouvernement, des hommes qui faisaient

 25   partie d'une unité gérée par les services de Sûreté de l'Etat et le

 26   ministère de l'Intérieur de Serbie, et plus précisément par Jovica Stanisic

 27   et Franko Simatovic.

 28   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, la présente affaire,

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  1   très simplement définie, consistera à examiner le comportement de deux

  2   hommes dont la responsabilité primordiale dans l'organisation,

  3   l'entraînement, le financement, l'équipement et la direction des membres

  4   des unités spéciales des services de Sûreté de l'Etat serbe ont abouti à la

  5   commission de crimes odieux sur les territoires de la Croatie et de la

  6   Bosnie, au nom de la protection des Serbes et au nom d'une volonté de

  7   donner à ces Serbes un territoire débarrassé des Croates et des Musulmans.

  8   Il n'y a pas longtemps un journaliste serbe a posé la question,

  9   s'agissant des unités spéciales de la Sûreté de l'Etat serbe, et je cite :

 10   "Comment se fait-il qu'un groupe d'hommes dangereux et bien armés aient osé

 11   imprimer leur marque sur la destinée de toute une nation ?"

 12   J'aimerais appeler votre attention sur la diapositive numéro 5 de la vidéo

 13   qui est diffusée en cet instant. Nous voyons ici en 1997 M. Stanisic et M.

 14   Simatovic célébrer leur travail en oubliant les souffrances que ce travail

 15   a provoqué. Ils sont en train de poser avec des membres actuels et passés

 16   de ces unités spéciales. Les fondateurs fiers de ce groupe d'hommes armés

 17   et dangereux ont donc osé imprimer leur marque sur la destinée d'une nation

 18   toute entière.

 19   Les tensions qui ont provoqué le démantèlement de la Yougoslavie et les

 20   terribles violences interethniques qui n'ont épargné personne font encore

 21   l'objet aujourd'hui de débats très intellectuels menés au sein des

 22   populations, un débat qui ne fait pas partie de la mission qui incombe à la

 23   Chambre de première instance aujourd'hui. La Chambre de première instance

 24   n'est pas appelée aujourd'hui à juger de questions de ce genre, et j'y

 25   consacrerais moi-même un temps limité, car ce qui est au cœur de ce procès,

 26   c'est le rôle joué par M. Stanisic et M. Simatovic dans la commission des

 27   crimes commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Le rôle qu'ils ont joué

 28   dans ce plan destiné à recourir à la violence pour créer des modifications

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  1   démographiques fondamentales sur les territoires de l'ex-Yougoslavie.

  2   Il est juste de commencer cette mission en consacrant quelques instants à

  3   réfléchir à ce qu'étaient ces deux hommes pour commencer, quelles étaient

  4   leurs obligations sur le plan juridique, et quelles étaient les limites du

  5   pouvoir exercé par eux.

  6   M. Stanisic comme M. Simatovic étaient salariés du ministère de l'Intérieur

  7   de la République de Serbie. Je parlerai de ce ministère pendant tout mon

  8   propos liminaire en me résumant à l'emploi du sigle MUP. Le mandat du MUP

  9   de Serbie consistait à intégrer au droit serbe les ministères que l'on voit

 10   ici évoqués dans la diapositive numéro 7. Le pouvoir juridique du MUP était

 11   très comparable à celui de tous les ministères de l'Intérieur du monde dans

 12   les pays démocratiques développés. Pour l'essentiel, le MUP était

 13   responsable de la protection des citoyens et des habitants du pays, ainsi

 14   que des réglementations relatives au passage des frontières, à la

 15   délivrance des rapports et d'autres pièces d'identité. En bref, le

 16   ministère de l'Intérieur, le MUP, était responsable de la sécurité et de la

 17   sûreté des personnes vivant dans la République de Serbie.

 18   L'une des divisions administratives du MUP était le service de Sûreté de

 19   l'Etat, à savoir la partie du MUP dirigée par Jovica Stanisic. Cette

 20   section est également connue en Serbie grâce au sigle DB. La diapositive

 21   numéro 8 montre l'article 3 du règlement intérieur de la DB, article qui

 22   définit la mission de la Sûreté de l'Etat comme consistant à recueillir des

 23   renseignements, des données et des éléments de savoir. Des informations de

 24   façon générale dans le cadre du renseignement et du contre-renseignement

 25   relatives à l'extrémisme et au terrorisme, et également des renseignements

 26   relatifs aux "formes de menaces existantes par rapport à l'identité

 27   historique, culturelle et nationale des Serbes résidant en dehors de la

 28   République de Serbie," ce qui établit de façon claire les limites

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  1   juridiques de l'organisation à laquelle appartenait M. Stanisic et du

  2   travail qui consistait à recueillir des renseignements.

  3   Parlons de M. Stanisic et de la place qu'il occupait au sein du ministère

  4   de l'Intérieur.

  5   La diapositive numéro 9 présente un bref résumé de ses postes durant sa

  6   carrière. Jovica Stanisic est entré au MUP en 1975. Son premier poste au

  7   sein du MUP a été au service de Sûreté de l'Etat, la DB, et même si pendant

  8   toute l'année 1991 M. Stanisic a été vice-chef de la DB, les éléments de

  9   preuve qui seront soumis dans la présente affaire montreront que dans la

 10   période visée à l'acte d'accusation, il était dans les faits le chef de ce

 11   service de sûreté. Le 31 décembre 1991, avec l'intervention de Slobodan

 12   Milosevic, il a obtenu le poste de chef en bonne et due forme du service de

 13   Sûreté de l'Etat.

 14   Comme vous le voyez grâce à la diapositive numéro 10, M. Stanisic

 15   était responsable de la mise en œuvre du mandat du service de sûreté de

 16   Serbie. J'aimerais souligner l'avant-dernier paragraphe. Il était chargé

 17   "d'organiser l'exécution des missions et de toutes les affaires relevant de

 18   la compétence de cette division dans une situation d'urgence."

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur --

 20   M. GROOME : [interprétation] Désolé.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, comme c'est toujours le

 22   cas, lorsque vous lisez vous avez tendance à accélérer votre débat et les

 23   interprètes doivent vous suivre. Ils en étaient arrivés à deux lignes de

 24   retard sur vous. Je vous remercie de bien vouloir ralentir.

 25   M. GROOME : [interprétation] Je le ferai, Monsieur le Président. Je vous

 26   remercie.

 27   J'aimerais également souligner l'avant-dernier paragraphe, où nous lisons

 28   "organiser l'exécution des missions et s'occuper des affaires relevant de

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  1   la compétence de la division dans une situation d'urgence, de menace

  2   imminente de guerre, et de guerre."

  3   Bien que le conflit fasse rage en Croatie et en Bosnie depuis 1991 et

  4   jusqu'en 1995, la Serbie n'a jamais à aucun moment déclaré l'état d'urgence

  5   ou l'état de menace imminente de guerre, et par conséquent ce paragraphe

  6   n'est jamais entré en vigueur pendant la période visée à l'acte

  7   d'accusation.

  8   J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la carrière de Franko

  9   Simatovic. La diapositive numéro 11 vous présente en résumé son curriculum

 10   vitae. Il entre dans la Sûreté de l'Etat trois ans après Stanisic, en 1978.

 11   Il travaille dans la section chargée de recueillir des renseignements.

 12   Comme vous le verrez à la lecture de la description du travail de M.

 13   Simatovic sur la diapositive numéro 12, il était principalement chargé de

 14   mettre en œuvre les projets liés au recueil de renseignements, de données

 15   et d'informations portant sur les menaces visant la Serbie. Alors que son

 16   mandat s'étendait également au recueil de renseignements au sujet des

 17   menaces perceptibles visant les Serbes d'origine qui vivaient hors de la

 18   Serbie, ce mandat ne prévoit aucune intervention par le recours à la force

 19   en dehors des frontières du pays.

 20   Les lois intérieures de la Serbie sont très comparables à tous les autres

 21   pays modernes. Ce sont des lois qui visent à circonscrire l'action des

 22   instances gouvernementales tout en prévoyant un équilibre du pouvoir.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous répète, une fois de plus, ce que

 24   je vous demandais, Monsieur Groome.

 25   M. GROOME : [interprétation] Ils sont là pour veiller à ce que l'autorité

 26   de l'Etat ne subisse pas d'abus, ne soit pas mal utilisée. Sur le plan

 27   idéologique, Stanisic et Simatovic se sentaient en unité avec Slobodan

 28   Milosevic et son objectif qu'il avait pour le peuple serbe, mais la

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  1   législation serbe les empêchait de déployer leurs forces, en tant que

  2   forces de combat, en dehors des frontières de la Serbie, à savoir en

  3   Croatie et en Bosnie.

  4   Lorsque la Croatie et la Bosnie-Herzégovine se sont déclarées

  5   indépendantes, la présence dans ces pays de l'armée yougoslave n'était plus

  6   légitime. Milosevic ressentait la nécessité de créer une force

  7   paramilitaire qu'il était possible de déployer clandestinement à

  8   l'extérieur de la Serbie et aussi en dehors des lois qui régissaient la

  9   Serbie, une force militaire qu'il était possible d'utiliser au combat, mais

 10   aussi pour les charger de commettre des crimes qu'il était nécessaire de

 11   commettre pour exécuter l'objectif qu'avait Milosevic, à savoir la création

 12   de zones ethniquement pures en Croatie et en Bosnie. Le service de la

 13   Sûreté de l'Etat qui se livrait déjà à des activités clandestines

 14   d'obtention de renseignements, c'était un lieu logique où une telle unité

 15   pouvait être créée. Si l'Etat allait se livrer à un comportement criminel,

 16   il allait recourir à ses services secrets pour exécuter ce

 17   comportement --

 18   M. KNOOPS : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant --

 20   M. KNOOPS : [interprétation] Est-ce là l'avis de l'Accusation qui est ici

 21   exprimée ou est-ce que c'est une déclaration liminaire sans argument ? Est-

 22   ce que c'est le moment de présenter la théorie de l'Accusation de façon

 23   personnelle si c'est une déclaration liminaire par laquelle l'Accusation

 24   fait part de l'avis qu'elle a sur les rapports existant entre les accusés,

 25   M. Milosevic et la DB et les objectifs poursuivis. Une déclaration

 26   liminaire n'est-elle pas faite pour dire quels seront les moyens de preuve

 27   présentés à charge; ce n'est pas censé être déjà une conclusion juridique

 28   ou un avis personnel de l'Accusation.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome, est-ce que vous vouliez

  2   dire aux Juges ce que vous allez démontrer en présentant vos moyens ou est-

  3   ce que vous allez plus loin que cela ?

  4   M. GROOME : [interprétation] Mais vous savez, il était important de faire

  5   savoir aux accusés quelle était la stratégie et la thèse défendue par

  6   l'Accusation et aussi donner un aperçu des moyens de preuve.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites maintenant ce que vous

  8   voulez prouver, ce qui est à la base aussi de ce que vous avez retenu comme

  9   chefs d'accusation ?

 10   M. GROOME : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas de problème dès lors ?

 12   M. KNOOPS : [interprétation] Mais l'Accusation devrait faire une différence

 13   entre ce que vous montrez, les éléments de preuve et ce qui est la thèse

 14   que va présenter les chefs d'accusation.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A mon avis, il y a un lien. C'est quand

 16   même très imbriqué tout cela.

 17   M. GROOME : [interprétation] Mais vous verrez que pour ce qui est des

 18   éléments de preuve, on peut les voir clairement, car il y a des numéros 65

 19   ter. La Défense pourra voir vraiment ce qui est élément de preuve et ce qui

 20   est la thèse que va essayer de démontrer l'Accusation.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, tout en gardant à l'esprit

 22   ce qui semble être un souci du côté de Me Knoops. Poursuivez.

 23   M. GROOME : [interprétation] Pendant toute cette présentation, l'Accusation

 24   va vous présenter certains des personnages-clés dans ce procès. Chacune des

 25   personnes dont nous allons parler est un membre-clé de l'entreprise

 26   criminelle commune aux côtés de M. Stanisic et de M. Simatovic, ou ce

 27   seront encore des membres de premier plan de la DB serbe et de ses unités

 28   spéciales.

Page 1452

  1   Vous entendrez longuement parler de Slobodan Milosevic. L'Accusation

  2   a toujours dit que c'était lui la locomotive de cette entreprise criminelle

  3   commune. L'Accusation va vous présenter des éléments de preuve qui vont

  4   démontrer le lien, le rapport de travail très proche qui existait entre ces

  5   deux accusés et M. Milosevic.

  6   Nous sommes en octobre 1998, Stanisic est limogé par Milosevic et à

  7   ce moment-là il fait une déclaration publique. Vous la voyez sur la planche

  8   13, Stanisic y déclare qu'il a fait son devoir dans le cadre des pouvoirs

  9   légitimes et constitutionnels qui lui étaient conférés. La Chambre,

 10   lorsqu'elle va se prononcer, devra dire si cette déclaration est exacte ou

 11   pas.

 12   Il dit clairement qu'il s'est conformé aux vues du président

 13   Milosevic, qu'il s'est rangé à ses côtés dans les années 1990. Si vous

 14   regardez à la loupe la législation serbe de l'époque, vous verrez

 15   clairement que le dispositif trouvé entre ces hommes contournait la voie

 16   hiérarchique définie par la loi.

 17   Mihalj Kertes, tout comme Stanisic, est né à Backa Palanka. C'était

 18   le chef du service de la sécurité dans une des plus grandes banques serbes

 19   qu'on appelle la banque Dafinement, et il a assuré le financement dont

 20   avait besoin Stanisic pour créer les unités spéciales de la DB serbe.

 21   J'aimerais que vous entendiez une conversation interceptée. Vous en

 22   trouverez la traduction à la page 14. Nous entendons Kertes et Karadzic qui

 23   parlent des problèmes que rencontrent Stanisic avec ses supérieurs

 24   légitimes, un certain Janackovic et il laisse entendre que Milosevic a eu

 25   tort de faire confiance à Janackovic.

 26   [Diffusion de la cassette audio]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez donner lecture

 28   du texte en anglais, parce qu'on n'entend que du B/C/S. Nous n'avons pas de

Page 1453

  1   traduction en français non plus, ce qui veut dire que le compte rendu n'est

  2   pas complet.

  3   M. GROOME : [interprétation] J'avais fourni le texte à toutes les cabines,

  4   mais je pense que je n'ai pas donné une copie des planches. Dès que j'ai ce

  5   texte je le fournirai aux cabines.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je tenais à informer les parties de

  7   ceci. Si à un moment donné vous diffusez une séquence vidéo, il faut que

  8   vous fournissiez à l'avance aux cabines la transcription de ce qui se dit.

  9   De cette façon, les cabines pourront interpréter. Parfois, le débit d'un

 10   locuteur est tel qu'il n'est pas facile d'assurer la traduction, alors nous

 11   invitons les interprètes à faire ceci. Vous avez un des interprètes qui

 12   suit le texte qui était donné par l'écrit, alors que le ou la partenaire en

 13   cabine va traduire partant de la transcription. Au final, on a ainsi un

 14   compte rendu qui est complet où vous aurez tant l'original que les parties

 15   traduites pertinentes.

 16   Poursuivez, s'il vous plaît.

 17   M. GROOME : [interprétation] Je vais demander à l'huissière de nous donner

 18   la transcription. Nous envoyons sur le champ une copie électronique

 19   également.

 20   Vous avez entendu M. Kertes qui dit que M. Milosevic leur a donné à lui et

 21   à M. Stanisic carte blanche.

 22   J'aimerais maintenant vous montrer une séquence dont nous avons

 23   souvent parlé dans ces propos liminaires. Ces images ont été filmées au

 24   cours d'une cérémonie commémorative au centre de formation Radislav Kostic

 25   à Kula en Serbie, en mai 1997. Bon nombre des personnes qui sont à

 26   l'origine de la création de ces unités spéciales de la DB serbe et qui ont

 27   soutenu ces activités en Croatie comme en Bosnie étaient présentes à cette

 28   cérémonie. Au cours de cette séquence, Jovica Stanisic fait inspecter

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  1   l'installation à M. Milosevic, et il remet des médailles à ceux qui ont

  2   joué un rôle de premier plan dans cette unité.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander aux cabines si elles

  4   disposent désormais du texte.

  5   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine française ont désormais le

  6   texte et remercient le Président de sa bienveillance.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, il faut donner une

  8   transcription écrite aux cabines, et je parcours les choses rapidement.

  9   M. GROOME : [interprétation] Après la fin de l'audience d'hier, nous sommes

 10   venus dans ce prétoire pour faire un essai. On nous a dit qu'il n'y a pas

 11   de problème. Alors je ne sais pas ce qui se passe aujourd'hui. J'ai une

 12   autre copie, nous pouvons la donner à la cabine anglaise.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendons que le texte ait été remis à

 14   la cabine anglaise et tout se passera bien.

 15   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 16   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 17   M. GROOME : [interprétation] Nous avons six copies pour les Juges. Si

 18   tout le monde reste dans le prétoire, les interprètes ne recevront jamais

 19   le texte. Loin de moi l'idée --

 20   L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent qu'ils ont maintenant le texte. 

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand ce genre de choses se passe, je

 22   voudrais qu'un membre de votre équipe donne ce document aux cabines, plutôt

 23   que de le faire faire par le greffier ou l'huissier. Je pense aussi que

 24   quelqu'un d'autre pourrait le faire. Je vois que vous avez dans votre

 25   équipe quatre personnes dont des jeunes hommes musclés qui pourraient fort

 26   bien faire ce travail.

 27   Tout est réglé. Est-ce que toutes les cabines sont prêtes ? Ces images

 28   peuvent maintenant être diffusées.

Page 1455

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Franchement, je n'entends rien du tout.

  3   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, j'entends des

  4   grincements ou des couinements, mais on est venu hier soir pour faire une

  5   répétition pour éviter tout problème. Peut-être que la régie a besoin de

  6   faire une petite pause pour régler ce problème technique. Si c'est le cas,

  7   qu'ils nous le disent mais tous nos tests ont bien marché. Ce problème ne

  8   s'est pas posé hier soir lorsque nous avons essayé de parer à toute

  9   éventualité.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourquoi ne pas faire la pause

 12   maintenant. On peut faire de nouveaux essais et nous reprendrons à 17

 13   heures 25.

 14   M. GROOME : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   --- L'audience est suspendue à 17 heures 04.

 16   --- L'audience est reprise à 17 heures 50.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Groome.

 18   M. GROOME : [interprétation] Mesdames et Monsieur les Juges, le problème de

 19   l'éclairage est réglé, mais le son ne l'est pas. Donc nous allons voir ce

 20   que nous allons faire pour régler la chose d'ici à demain pour le son. Mais

 21   vous allez savoir sur quoi portait cette vidéo. On pouvait voir, vers le

 22   milieu de la séquence, M. Milosevic qui rencontrait M. Simatovic, et en fin

 23   de séquence, M. Simatovic donnait à M. Kertes comme à M. Milosevic un

 24   souvenir ou une distinction particulière au nom de cette unité spéciale de

 25   la DB.

 26   Notre thèse est plus vaste que la seule relation entre Kertes,

 27   Milosevic, Stanisic et Simatovic. Ce que nous allons prouver au cours de ce

 28   procès c'est que les chefs d'accusation retenus dans l'acte d'accusation

Page 1456

  1   sont le fruit d'une entreprise criminelle commune collective. C'est issu

  2   d'un effort criminel collectif. Nous disons que M. Stanisic et M. Simatovic

  3   étaient des membres qui ont voulu faire partie d'un groupe-clé de personnes

  4   qui étaient animées de la même intention, celle de faire sortir de grandes

  5   parties de la population qui n'était pas serbe, surtout des Musulmans et

  6   des Croates, de les chasser de chez eux et de leurs terres par la force, en

  7   commettant des crimes de persécution et des meurtres.

  8   Parfois, ces terres ont été ciblées parce qu'elles se trouvaient dans

  9   des zones où les Serbes avaient la majorité; dans d'autres cas, ces terres

 10   ont été sélectionnées parce qu'elles étaient nécessaires pour réunir des

 11   parties de terres où étaient concentrées des Serbes; dans d'autres cas

 12   encore, on a pris ces terres pour cibles tout simplement parce qu'on

 13   estimait qu'il fallait les acquérir pour que réussisse, pour que marche le

 14   plan général. Les crimes commis pendant le conflit sont d'une ampleur,

 15   d'une échelle qu'il est dit telle et qu'il est difficile de les comprendre

 16   dans tout le degré de détail que requiert un procès au pénal. Il est

 17   difficile aussi de se faire une idée, de visualiser ces masses de personnes

 18   qu'il fallait pour avoir la réalisation de ces crimes, personnes qui

 19   devaient être animées de la même intention.

 20   Dans ce collectif, chaque personne avait son apport, son rôle à

 21   jouer, avait un poste différent, avait un rôle différent dans cette

 22   entreprise criminelle commune. Vous allez voir un diagramme à la planche 16

 23   et c'est peut-être un moyen de se faire une idée de ce groupe-clé, de ce

 24   cœur même, parmi ses acteurs. C'est peut-être trop simplifier l'idée et le

 25   concept de l'entreprise criminelle commune, mais ça peut être un point de

 26   départ. Et au fur et à mesure, la Chambre va appréhender davantage les

 27   nuances qu'il y a dans ces relations entre ces membres-clés, ce qu'on ne

 28   peut pas saisir dans un seul et même diagramme.

Page 1457

  1   Vous avez des colonnes verticales et vous avez de gauche à droite les

  2   membres-clés de l'entreprise criminelle commune, vous avez des Serbes de

  3   Croatie, des Serbes de Serbie même et des Serbes de Bosnie. Dans la rangée

  4   du haut, vous avez ceux qui étaient dans l'armée; dans la rangée du milieu,

  5   ceux qui étaient au gouvernement et ceux dont l'apport est bien qualifié si

  6   on dit qu'il est politique; et dans la rangée du bas, vous avez les

  7   protagonistes qui travaillaient dans les MUP de chacune de ces régions.

  8   Vous le voyez, Stanisic, on le retrouve au niveau politique, au

  9   niveau du ministère de l'Intérieur aussi. Pourquoi ? C'est parce qu'au

 10   niveau de l'entreprise criminelle commune, son rôle dépassait les confins

 11   de son poste dans la Sûreté de l'Etat. Je vais vous diffuser une

 12   conversation interceptée et vous verrez que dans certains cas, on pourrait

 13   dire que c'est un acte et une action politiques qu'il a mené. A la planche

 14   17, vous allez entendre Jovica Stanisic et Radovan Karadzic, ces deux

 15   hommes parlent de Milan Babic, un homme de premier plan chez les Serbes de

 16   Croatie en Krajina.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. GROOME : [interprétation] Nous avons baissé la bande son et je vais vous

 19   donner quelques secondes pour prendre connaissance du texte, Mesdames et

 20   Messieurs les Juges, et puis nous passerons à la planche suivante.

 21   Ici dans cette conversation, nous avons M. Stanisic et M. Karadzic

 22   qui disent qu'à leur avis Babic n'est pas l'homme qu'il faut en matières

 23   politiques. Stanisic informe Karadzic du fait qu'il a eu une discussion

 24   sérieuse avec Babic quant à la façon dont il devrait se comporter sur le

 25   plan politique.

 26   Dans la même veine, vous avez à gauche dans ce diagramme Milan

 27   Martic. Vous le retrouvez non seulement dans la case réservée à la RSK,

 28   ministère de l'Intérieur, vous le trouvez aussi dans la case réservée aux

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  1   personnalités politiques de la RSK. Ça vous montre bien ce double jeu qu'il

  2   avait.

  3   Nous reviendrons souvent sur ce diagramme au cours de la déclaration

  4   liminaire.

  5   Pendant ce procès, l'Accusation va vous démontrer l'intention que

  6   partageaient ces hommes en nous attachant tout particulièrement sur les

  7   accusés ici présents, leurs intentions et leurs contributions respectives à

  8   ce plan général.

  9   Il est difficile de remonter jusqu'à la source d'un plan criminel collectif

 10   clandestin, surtout dans ces circonstances où le secret, l'effet de

 11   surprise, étaient considérés comme des ingrédients essentiels pour que

 12   réussisse ce plan. Au mieux, on peut essayer de voir comment a commencé la

 13   genèse, la germination de ce plan criminel, si l'on reprend les mots mêmes

 14   de son architecte, de son concepteur principal, Slobodan Milosevic.

 15   Vous avez à la planche 19 les mots qu'il prononce le 16 mars 1991. Il

 16   s'adresse à un groupe restreint de députés alors que la tension n'a fait

 17   que monter. Dans ce contexte, il est à une réunion des présidents des

 18   municipalités serbes, et voici ce que dit Milosevic :

 19   "Le gouvernement a été chargé de créer des unités idoines qui assureront

 20   notre sécurité en toute circonstance, à tout moment, unités qui seront

 21   capables de défendre les intérêts de notre république, certes, mais aussi

 22   les intérêts des Serbes à l'extérieur de la Serbie."

 23   L'Accusation vous dit que quelque six semaines après cet ordre donné par

 24   Milosevic pour que soient créées des unités spéciales chargées de protéger

 25   les intérêts des Serbes à l'extérieur de la Serbie, Jovica Stanisic a

 26   établi ces unités au sein du service de la Sécurité d'Etat du ministère de

 27   l'Intérieur serbe.

 28   Revenons quelques instants à cette cérémonie de Kula en mai 1997. Franko

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  1   Simatovic fait un bilan, un récapitulatif de l'historique de cette unité.

  2   Il est franc dans ses propos, parce qu'il est en privé pour ainsi dire. Il

  3   s'adresse à un group de choix. Le cliché, la planche 21 vous montre les

  4   deux déclarations côte à côte, et il n'y a aucune autre unité à notre

  5   connaissance qu'aurait créé Milosevic. A ce moment-là, vous comprenez que

  6   nous parlons d'une seule et même unité, celle-ci.

  7   Simatovic poursuit son discours, et il dit ceci :

  8   "La contribution de cette Unité d'opération spéciale est énorme. 47 soldats

  9   ont été tués, 250 d'entre eux ont été blessés au cours d'opérations de

 10   combat qui se sont déroulées en 50 lieux différents."

 11   Grâce aux mots prononcés par lui, Simatovic vous dit que les unités

 12   spéciales, la DB serbe, opéraient en 50 lieux différents en Croatie et en

 13   Bosnie-Herzégovine. Il disait aussi :

 14   "26 camps d'entraînement destinés aux Unités de la police spéciale de la

 15   Republika Srpska et de la République serbe de Krajina ont également été

 16   créés dans cette période."

 17   26 camps d'entraînement en Bosnie et en Croatie.

 18   La création des unités spéciales s'est faite le jour où Milosevic a

 19   chargé Stanisic de la mission de mettre en place une force de combat

 20   secrète qui ne relevait pas et n'avait pas à répondre à la loi, mais

 21   uniquement aux dictats de Milosevic.

 22   Ce jour-là, un jour que nous sommes capables de définir sans grande

 23   précision durant le printemps de 1991, Stanisic s'est allié au plan de

 24   Milosevic dont le but était d'obtenir le démantèlement de la Yougoslavie,

 25   démantèlement qui apparaissait comme inévitable, car durant ce

 26   démantèlement ils veilleraient à ce que les Serbes prennent le dessus

 27   quelque soit la république dans laquelle résidaient ces Serbes, et quelque

 28   soit le coût ou le mal que cette action pouvait faire aux autres groupes

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  1   ethniques de la Yougoslavie. Stanisic s'apprêtait ce jour-là à remettre

  2   l'administration de l'unité spéciale entre les mains de son subordonné

  3   auquel il faisait le plus confiance, à savoir Franko Simatovic.

  4   Depuis le début, le secret était un élément très important pour

  5   assurer l'unité.

  6   D'anciens membres de l'unité spéciale disent qu'ils ont appris qu'ils

  7   travaillaient pour la DB de Serbie seulement quelques temps après qu'ils

  8   aient rejoint les unités spéciales. Ces hommes ne connaissaient souvent

  9   leurs camarades que par leurs surnoms ou leurs pseudos, ce qui leur

 10   interdisait de révéler ou de demander le nom d'un autre homme. Ce secret a

 11   contribué à créer la confusion quand à l'identité de ceux qui se trouvaient

 12   derrière cette unité. Le fait qu'eut été de notoriété publique que la DB

 13   serbe avait été créée et maintenue au sein d'une unité extralégale aussi

 14   importante que celle-là aurait eu des conséquences négatives pour

 15   Milosevic.

 16   Ce secret était fondamental également aux yeux de Milosevic, de

 17   Stanisic, de Simatovic, et d'autres membres de ce groupe central.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque je vous fais signe de ralentir,

 19   tenez en compte, et ensuite je vous indiquerai à quel moment vous pouvez

 20   reprendre.

 21   M. GROOME : [interprétation] Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 23   M. GROOME : [interprétation] Ils savaient que leur travail en Croatie et en

 24   Bosnie serait criminel, impliquant la commission de crimes graves au dépend

 25   des populations non serbes présentes sur ces territoires. Ils se sont

 26   rendus compte d'emblée de ce que le monde allait comprendre au fil de

 27   l'évolution de cette tragédie, à savoir qu'on ne peut déplacer par la force

 28   des populations civiles importantes en les expulsant chez elles sans

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  1   commettre de crimes graves à l'encontre de ces populations.

  2   J'aimerais maintenant, si tout va bien, vous diffuser une conversation

  3   interceptée qui vous montrera à quel point M. Stanisic s'inquiétait

  4   toujours du secret. Dans la planche numéro 22, Stanisic rappelle à Karadzic

  5   qu'ils doivent faire attention à ce qu'ils disent au téléphone.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÉTE : Les interprètent n'entendent rien.

  8   M. GROOME : [interprétation] Apparemment, nous avons toujours des

  9   difficultés techniques.

 10   Monsieur le Président, dans une autre conversation interceptée --

 11   L'INTERPRÉTE : [voix sur voix] Radovan Karadzic dit : "Ce n'est pas

 12   possible, nous ne pouvons pas faire cela, non, Jovica. Ce n'est pas

 13   possible. Regarde, je pense que tu sais que l'important sont les décisions

 14   qui seront prises à ce stade. On ne peut pas jouer avec ça. Rien n'est

 15   exactement comme on pensait que cela serait."

 16   M. GROOME : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrais peut-être

 17   poursuivre mon propos et nous réglerons les problèmes techniques pour la

 18   diffusion des images vidéo et des conversations audio demain.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il serait bon toutefois que

 20   vous nous donniez une idée générale de ce que nous devrions entendre ou

 21   voir dans ces séquences audio et vidéo.

 22   M. GROOME : [interprétation] Dans une autre conversation interceptée,

 23   Stanisic dit à Karadzic, je cite :

 24   "Est-ce que peut-être tu pourrais le faire d'une façon qui permettrait que

 25   l'on ne me considère pas comme faisant partie de cette initiative ?"

 26   Dans d'autres conversations interceptées, vous entendrez Franko Simatovic

 27   qui prononce des phrases particulièrement cryptées dans son entretien avec

 28   un autre membre central de l'entreprise criminelle.

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  1   La carte que Stanisic montre à Milosevic dans une image que vous avez vue

  2   précédemment est fixée au mur du centre d'entraînement de Kostic à Kula.

  3   C'est une carte de la Yougoslavie et on y voit des marqueurs qui permettent

  4   de reconnaître tous les lieux en Croatie et en Bosnie où se trouvaient les

  5   unités spéciales, à savoir les endroits où se trouvaient leurs camps

  6   d'entraînement. M. Simatovic énumère ces lieux dans son allocution. Ici,

  7   dans le coin inférieur gauche de la planche numéro 23, vous voyez un cliché

  8   représentant cette même carte. A droite, on voit les mêmes lieux, mais

  9   figurant sur une carte standard de la Yougoslavie. Les lieux qui figurent

 10   dans les cases de couleur verte se trouvent en Croatie. Les lieux qui

 11   figurent dans des cases de couleur jaune se trouvent en Bosnie-Herzégovine

 12   et ceux qui figurent dans des cases en couleur rose se trouvent en Serbie.

 13   Durant la création et l'évolution des unités spéciales de la DB

 14   serbe, celles-ci ont utilisé des nominations diverses pour se désigner

 15   elles-mêmes. La planche numéro 24 contient une liste de ces diverses

 16   dénominations et montre également des écussons que les membres des unités

 17   spéciales arboraient sur leurs uniformes. Certaines de ces dénominations,

 18   telles que les sigles JATD et JSO sont des noms officiels qui étaient

 19   utilisés par les services de Sûreté de l'Etat. Certaines de ces unités ont

 20   été baptisées d'après le nom des hommes qui dirigeaient l'unité en

 21   question, les hommes d'Arkan, les Tigres d'Arkan, les hommes de Martic, les

 22   Knindzas du capitaine Dragan. L'une des dénominations fréquemment utilisée

 23   par eux les décrit par un couvre-chef qu'ils portaient très souvent durant

 24   les opérations et cette dénomination c'est les Bérets rouges.

 25   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, les unités spéciales de

 26   la DB serbe ont constitué une organisation très vaste qui comptait de

 27   nombreux membres. Pendant le présent propos liminaire, nous entendons vous

 28   faire connaître certains des membres les plus éminents de cette

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  1   organisation, à savoir les membres dont vous entendrez les noms à de

  2   nombreuses reprises pendant le procès.

  3   La planche numéro 25 nous montre la photo de Milora Ulemek, connu plus

  4   largement sous le nom populaire de Legija, car à l'époque il se trouvait

  5   dans les rangs de la légion étrangère française. Son oncle Mihajlo Ulemek

  6   était membre de la garde des volontaires serbes d'Arkan, et Legija, après

  7   avoir rejoint son oncle au sein de cette garde, en est devenu l'un des

  8   membres les plus respectés et les plus craints.

  9   Grâce à sa capacité de diriger les hommes, Legija est rapidement

 10   monté en grade pour devenir l'un des instructeurs principaux et finalement

 11   l'un des plus importants commandants de la Garde des Volontaires serbes

 12   d'Arkan. Il est le membre de l'unité spéciale que l'on voit le plus souvent

 13   et dans les positions les plus importantes dans la vidéo de Kula parce

 14   qu'il est toujours aux côtés de Stanisic, alors que l'on voit sur ces

 15   images Milosevic comme désigné par eux comme étant leur nouveau point

 16   central. Au bas de la planche, vous voyez les registres montrant les sommes

 17   qui ont été payées par le service de Sûreté de l'Etat à Legija. Son oncle

 18   était également payé par ce même service.

 19   La planche numéro 26 concerne Zika Crnogorac, c'est-à-dire Zika le

 20   Monténégrin, un autre membre éminent des Bérets rouges. Vous entendrez

 21   parler de sa participation aux événements survenus au mont de Fruska Gora

 22   ainsi que dans le centre d'entraînement d'Ilok. Je vous montrerai des

 23   images de la vidéo de Kula dans quelques instants, dans laquelle on le voit

 24   saluer Milosevic et se présenter aux membres les plus anciens des unités

 25   spéciales de la DB serbe. Comme vous le verrez au bas de la planche numéro

 26   26, son nom figure également sur les registres de paie des services de

 27   Sûreté de l'Etat dans la période en question.

 28   Le dernier homme que je tiens à vous présenter en ce moment, c'est Rajo

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  1   Bozovic, qui figure à la planche numéro 27. Rajo Bozovic  était l'un des

  2   membres les plus anciens des unités spéciales et on le voit en de nombreux

  3   lieux pendant cette période un peu partout dans l'ex-Yougoslavie. Vous

  4   entendrez des témoins qui vous le décriront comme étant le responsable des

  5   opérations menées par les Bérets rouges à Doboj, dans la vallée de la Drina

  6   et en Bosnie occidentale. L'Accusation va également faire verser au dossier

  7   des feuilles de paie qui établissent le rapport qui l'unissait au service

  8   de Sûreté de l'Etat.

  9   Je demande la diffusion de la vidéo sans le son.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11    M. GROOME : [interprétation] Pendant les fêtes qui ont eu lieu à Kula en

 12   mai 1997, M. Stanisic guide M. Milosevic dans un tour des unités spéciales

 13   de la DB serbe à cet endroit pour lui montrer les équipements de ses

 14   unités. Dans les images de la vidéo figurant à la planche 28, on voit

 15   Milosevic qui se fait montrer une salle d'opération mobile de transport des

 16   blindés, de transport de troupes, et de lance-roquettes et de fusils

 17   antiaériens montés sur socle. Sans perdre de vue le fait que juridiquement

 18   le mandat de M. Stanisic et de M. Simatovic impliquait le recueil de

 19   données et de renseignements, ces images montrent clairement que cette

 20   unité s'était équipée afin de mener une tâche bien différente.

 21   Alors que l'idée de créer une unité spéciale a été conçue à Belgrade,

 22   la naissance de cette unité a eu lieu dans la Krajina pendant le printemps

 23   de 1991. La Krajina se trouve au sud de la Croatie et s'étend au sud

 24   jusqu'à la côte dalmate. La Krajina abritait une forte majorité de Serbes

 25   qui se sont sentis de plus en plus vulnérables en écoutant les discours

 26   nationalistes croates prononcés à Zagreb.

 27   Etant donné la crainte qui était la leur ainsi que leur méfiance,

 28   plusieurs Serbes et gens du commun de Croatie ont acquis une plus grande

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  1   importance et sont devenus des intervenants centraux dans la suite des

  2   événements. J'aimerais vous en présenter quelques-uns à présent.

  3   Milan Babic a été le premier premier ministre ainsi que le président du

  4   gouvernement de la Région autonome serbe de Krajina. Cette région

  5   autoproclamée était plus connue sous le sigle de SAO de Krajina. Il a

  6   témoigné dans plusieurs affaires dont ce Tribunal a été saisi et a plaidé

  7   coupable au crime de persécution. Il a été condamné à une peine de prison

  8   de 13 ans. Il y a un peu plus de trois ans, il s'est suicidé au quartier

  9   pénitentiaire des Nations Unies. Dans sa déposition, il a évoqué la

 10   chronologie des événements survenus en Krajina sous l'angle d'un initié.

 11   Les aveux faits par lui durant ce témoignage seront soumis à la présente

 12   Chambre. Je n'en discuterai pas immédiatement dans mon propos liminaire.

 13   Un autre Serbe de Croatie qui a acquis une importance accrue dans cette

 14   période était un policier connu sous le nom de Milan Martic. A l'époque, il

 15   occupait plusieurs postes de direction dans la SAO de Krajina qui, plus

 16   tard, a été connue sous le nom de République serbe de Krajina. Le 12 juin

 17   2007, une Chambre de première instance de ce Tribunal l'a condamné pour

 18   meurtres, persécutions, déportations et autres crimes. Sur la planche

 19   numéro 30, vous voyez un extrait de ce qu'a dit un autre témoin, qui était

 20   son chauffeur à l'époque des faits, et qui décrit les rencontres régulières

 21   entre Milan Martic et Jovica Stanisic.

 22   Cette étroite relation est devenue visible en septembre 1991, après

 23   que Milan Martic ait été arrêté dans la ville bosniaque de Bosanska Krupa.

 24   Sa libération a été organisée après une série de coups de téléphone dont je

 25   diffuserai un exemplaire à titre d'exemple. La transcription de cette

 26   conversation téléphonique se trouve à la planche numéro 31. C'est une

 27   conversation qui date du 9 septembre 1991.

 28   Dans cette conversation téléphonique interceptée, nous ne voyons pas

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  1   seulement Milosevic et Karadzic qui discutent de la libération de Martic

  2   après son arrestation, mais nous voyons également que c'est Jovica Stanisic

  3   qui sert d'exécutant des directives de Milosevic dans le cadre de cette

  4   même entreprise criminelle commune.

  5   Les unités spéciales de la DB serbe ont acquis leur forme initiale grâce à

  6   l'appui, à l'entraînement et à diverses mesures qui ont favorisé les crimes

  7   commis contre la population non serbe de la Krajina. Franko Simatovic a

  8   supervisé personnellement ces initiatives.

  9   Lorsqu'il s'est rendu pour la première fois en Krajina, il s'est fait

 10   accompagner par un homme dont le nom était Dragan Vasiljkovic, qui était

 11   chargé de développer le programme d'entraînement.

 12   Dragan Vasiljkovic, connu également sous le nom de capitaine Dragan,

 13   est né en Serbie puis est déménagé avec ses parents en Australie pour

 14   revenir en Yougoslavie au début de l'année 1990. C'était un ancien

 15   combattant de l'armée et le service de Sûreté de l'Etat a profité de son

 16   expérience pour l'envoyer en Krajina avec la responsabilité de servir

 17   d'instructeur aux nouvelles forces de police créées en Krajina. Comme on le

 18   voit dans un rapport émanant de l'armée yougoslave qu'on trouve à la

 19   planche numéro 32, il est tout à fait clair que le capitaine Dragan

 20   travaillait avec et pour le ministère de l'Intérieur serbe, sous la

 21   supervision de Jovica Stanisic.

 22   Je voudrais maintenant vous montrer sur les planches numéros 33 et 34 une

 23   lettre écrite par le capitaine Dragan le 8 novembre 1991. Vous voyez sa

 24   signature au bas de la planche numéro 33. A cette époque-là, Vasiljkovic

 25   n'appréciait pas pleinement l'exigence qu'avait Stanisic vis-à-vis du

 26   maintien du secret et il a très naïvement révélé ses relations avec la DB

 27   dans la demande que l'on voit à la planche numéro 34, où il décrit qu'il

 28   avait "…l'obligation vis-à-vis des services de Sûreté de l'Etat de la

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  1   République de Serbie…" et d'agir comme il le faisait et que ses activités

  2   étaient, je cite, "…totalement conformes aux exigences du service

  3   mentionné."

  4   Dans cet extrait de la cassette reprenant les propos tenus durant les

  5   célébrations de Kula à la planche numéro 35, nous voyons que Jovica

  6   Stanisic donne l'accolade au capitaine Dragan au moment de lui remettre une

  7   décoration.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. GROOME : [interprétation] Au début du mois d'avril, alors que

 10   Milan Martic commence à regrouper une force de police composée

 11   principalement d'hommes sans armes et qui ne sont pas entraînés, Simatovic

 12   et le capitaine Dragan arrivent armés du soutien de Jovica Stanisic et de

 13   Slobodan Milosevic. Martic emmène la délégation de la Sûreté de l'Etat,

 14   composée de Simatovic et du capitaine Dragan, jusqu'à Golubic, à 9

 15   kilomètres au nord de Knin, où dans l'espace de quelques jours il crée un

 16   centre d'entraînement de la DB serbe destiné à préparer les Serbes à la

 17   prise des terres serbes de Croatie.

 18   L'entraînement à venir a permis de créer une force de combat bien

 19   équipée et très impressionnante qui n'a pas seulement empêché le

 20   gouvernement de Croatie d'imposer sa volonté sur le territoire de la

 21   Krajina, mais qui sera utilisée par la suite pour nettoyer la Krajina de

 22   tous ses habitants non serbes. Six ans plus tard à Kula, M. Simatovic va

 23   parler de Golubic qu'il évoquera comme étant l'une des grandes réussites de

 24   son unité. Au total, plus de 3 000 hommes ont bénéficié d'un entraînement à

 25   Golubic. Certains des hommes entraînés à Golubic créeront par la suite l'un

 26   des 25 camps d'entraînement mis en place ultérieurement par Stanisic et

 27   Simatovic. Ces premiers membres des unités spéciales peuvent être désignés

 28   par le nom de "Knindzas" en raison de la proximité entre le camp de Golubic

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  1   et Knin.

  2   L'une des premières batailles conduites par les Knindzas s'est

  3   déroulée à Glina. Après cette bataille, le capitaine Dragan a distribué des

  4   bérets rouges, et ces bérets rouges sont devenus l'un des emblèmes de cette

  5   unité et en réalité sont à l'origine du nom qui les désigne le plus

  6   souvent, à savoir les Bérets rouges. Ici sur la planche numéro 36, on voit

  7   des photos des membres les plus importants de l'unité ainsi que le camp

  8   d'entraînement de Kostic à Kula dans lequel les Bérets rouges sont au

  9   centre de la parade, entourés par les armes utilisés par eux, au centre de

 10   l'image.

 11   Si l'unité était désignée par divers noms pendant son histoire, la

 12   désignation Bérets rouges demeure une constante, même si certaines unités

 13   militaires qui n'étaient pas directement affiliées à la DB portaient

 14   également des bérets de cette couleur, les bérets rouges sont devenus très

 15   rapidement emblématiques des unités de la DB.

 16   Une grande partie de ce que nous savons au sujet de la naissance des unités

 17   spéciales est corroborée par les documents que le bureau du Procureur a été

 18   capable d'obtenir. Je vais me saisir de l'occasion qui m'est donnée pour

 19   montrer aux Juges de la Chambre certains de ces documents les plus

 20   importants.

 21   La planche numéro 37 montre une proposition rédigée par le capitaine

 22   Dragan. En mai 1991, le capitaine Dragan a envoyé une proposition visant à

 23   créer un nouveau centre d'entraînement, et à transférer le Grand état-major

 24   de la Défense territoriale dans la forteresse de Knin. A qui a-t-il envoyé

 25   cette proposition ? Au commandant de la Défense territoriale, au président

 26   de l'assemblée municipale et aux services de Sûreté. La thèse de

 27   l'Accusation consistera à dire que l'expression "services de Sûreté" fait

 28   référence aux services de Sécurité de Serbie, et plus précisément à Jovica

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  1   Stanisic et à Franko Simatovic.

  2   Comme nous voyons maintenant sur ce document à la planche 38, le 14 juin,

  3   uniquement quelques semaines après la proposition faite par le capitaine

  4   Dragan, on voit que capitaine Dragan et Frenki, Frenki qui était le surnom

  5   de Franko Simatovic, ont assisté à une réunion où se trouvaient plusieurs

  6   officiers de l'armée yougoslave. Ce document confirme ce que des témoins

  7   vont décrire, c'est-à-dire que l'armée yougoslave n'était pas une présence

  8   neutre en Krajina.

  9   Deux jours plus tard, Simatovic allait rédiger un ordre écrit, et vous

 10   l'avez d'ailleurs à la planche 39. Il s'agit d'une photographie du document

 11   original. C'est un ordre signé de Franko Simatovic donnant l'ordre que l'on

 12   retire toutes les armes de la forteresse de Knin vers Golubic. Donc cet

 13   ordre permet de mieux comprendre comment Simatovic comprenait sa propre

 14   autorité au sein de la région de Krajina. C'était lui et non pas l'armée

 15   yougoslave ou Milan Babic ou Milan Martic qui donne cet ordre, cet ordre si

 16   essentiel, si essentiel puisqu'il porte sur le retrait d'armes. Vous aurez

 17   très certainement remarqué l'en-tête : 

 18   "République de Serbie, SAO Krajina, Centre d'entraînement de

 19   Golubic."

 20   Il y signe ce nom, non pas de son prénom et de son nom, mais de son

 21   surnom, "Frenki", pour assurer que cet ordre soit toujours secret.

 22   L'Accusation va aussi présenter des documents comme ceux que vous voyez ici

 23   à l'écran et qui font référence à des ordres donnés toujours par ce Frenki.

 24   D'après l'auteur de ce rapport que l'on voit à la planche 41, le ministère

 25   serbe de l'Intérieur avait précédemment fourni quatre véhicules. Deux mois

 26   après avoir reçu ces équipements, l'auteur de ce rapport fait savoir qu'il

 27   a reçu un ordre de Frenk, F-R-E-N-K, et il explique que ce Frenk est le

 28   représentant en chef du MUP de Serbie. Donc cet ordre était de désactiver

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  1   les équipements radio de tous ces véhicules.

  2   À peu près au même moment, le capitaine Dragan a lui aussi rédigé un

  3   rapport. En se basant sur les premiers succès du capitaine Dragan, il

  4   propose une nouvelle évolution des unités spéciales de la DB serbe. Il

  5   considère qu'ils ne doivent pas uniquement s'occuper d'instruire des

  6   personnes et d'entraîner les personnes. Il voudrait plutôt entraîner des

  7   hommes qui pourront ensuite aller dans d'autres endroits de Croatie ou de

  8   Bosnie-Herzégovine pour y établir de nouveaux centres d'instruction et de

  9   nouvelles branches des unités spéciales.

 10   Comme le montre la planche numéro 42, il suggère que les trois hommes

 11   qui sont directement responsables des premiers succès devraient se rendre

 12   sur le terrain pour remonter le moral des troupes. Ces hommes bien sûr sont

 13   Milan Martic, Frenki et le capitaine Dragan lui-même. Il suggère que ces

 14   trois-là, y compris des élites, ici il fait référence aux membres des

 15   unités spéciales, donc qu'ils fassent la tournée de ces nouveaux centres

 16   d'entraînement pour remonter le moral des troupes et pour "donner des

 17   conseils à propos des évolutions à venir que pourraient connaître ces

 18   unités sur le terrain."

 19   L'Accusation va présenter d'autres rapports qui démontreront que Frenki,

 20   c'est-à-dire M. Simatovic, avec des leaders locaux serbes, ont donné des

 21   informations extrêmement détaillées à propos de ce qui était en train

 22   d'arriver en Krajina.

 23   A la planche 43, vous voyez un rapport du 19 juillet 1991. Il est bon

 24   de remarquer que dans ce document on utilise les mots "unités spéciales",

 25   c'est peut-être la première fois que l'on utilise ce terme pour décrire ces

 26   unités qui avaient été créées par la DB serbe.

 27   Lorsque l'on lit la dernière phrase, on comprend parfaitement pourquoi ils

 28   ont été instruits au maniement des armes, et je cite :

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  1   "Nos forces seront déployées selon le plan d'entraînement."

  2   A la planche 44, on voit un rapport en date du 6 août 1991, qui annonce un

  3   cessez-le-feu. A nouveau, on voit le surnom de M. Simatovic, c'est-à-dire

  4   "Frenki".

  5   A l'écran vous verrez deux extraits de rapport datant de juillet

  6   1991. Au cours de cet été 1991, le 19 juillet, le capitaine Dragan a rendu

  7   compte de façon détaillée à ses supérieurs, à Frenki, à Milan Martic et au

  8   major Fica, qui, selon les services de renseignements de la JNA, était

  9   inspecteur au sein du MUP de Serbie.

 10   Dès le départ, il est parfaitement clair que les personnes qu'ils ont

 11   instruit, qu'ils ont équipé, sont en train de commettre des crimes de

 12   guerre. On doit mettre au crédit du capitaine Dragan qu'au départ, il

 13   considérait que ce comportement devait absolument être corrigé et modifié.

 14   Et comme la Chambre de première instance le verra au cours de ce procès,

 15   ces crimes ne sont pas marginaux du tout. En fait, ces crimes faisaient

 16   partie du plan.

 17   Dans le deuxième rapport, à la planche 45, on trouve un extrait d'un

 18   rapport du 23 juillet, et on voit que dès les premiers jours de cette

 19   unité, moins de trois mois après qu'elle ait été créée, un système de

 20   "reporting" parfaitement organisé avait déjà été établi.

 21   On voit ici dans ce document que l'une des tâches principales du

 22   capitaine Dragan dans la Krajina était d'organiser le système de

 23   commandement ainsi que son "reporting", et bien sûr, la République de

 24   Serbie était parfaitement incluse dans ce système.

 25   Stanisic et Simatovic ont-ils reçu des rapports à propos des

 26   activités conduites par les unités qu'ils avaient créées ? Est-ce que

 27   Milosevic lui aussi était au courant de ce que faisaient ces unités ?

 28   J'attire maintenant votre attention sur la planche 46 et à nouveau sur la

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  1   vidéo de Kula. Ici, Stanisic emmène Milosevic pour saluer une formation de

  2   commandants supérieurs qui se présentent. Il est d'abord salué par

  3   Crnogorac, et ensuite, Milosevic lui serre la main, et ensuite va avec lui

  4   pour voir le colonel Rajo Bozovic. Je ferai une observation un peu plus

  5   tard à propos de leur échange pendant la vidéo.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. GROOME : [interprétation] Si vous ne comprenez pas le B/C/S, je vais le

  8   lire en anglais.

  9   Il semble que le problème audio a été corrigé puisqu'on a entendu la

 10   version en B/C/S en direct.

 11   La thèse de l'Accusation est la suivante : Milosevic, par le biais de

 12   Simatovic et de Stanisic, était informé de façon régulière de l'emplacement

 13   des unités et aussi des actions de cette unité. Ici, au cours de cet

 14   échange, on voit que Milosevic rencontre Bozovic en personne; cela semble

 15   être la première fois que ces deux hommes se rencontrent. Lorsque Milosevic

 16   entend le nom, il le reconnaît tout de suite puisqu'il a lu les rapports,

 17   les rapports qui, d'après l'Accusation, ont nécessairement dû passer entre

 18   les mains de Simatovic et de Stanisic, des rapports qui étaient fournis à

 19   une fréquence suffisante pour que Milosevic reconnaisse tout de suite un

 20   nom y figurant.

 21   Je vais maintenant demander à Mme Brehmeier-Metz de nous parler du rôle que

 22   MM. Stanisic et Simatovic ont joué dans les crimes qui ont été commis en

 23   Bosnie et en Croatie.

 24   Mme BREHMEIER-METZ : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges.

 25   Alors que la Yougoslavie était en train de se défaire, une grande

 26   concentration de minorités serbes qui habitaient en Croatie ont commencé à

 27   se déclarer comme région autonome, région qui était pourtant dans les

 28   frontières mêmes de la Croatie, mais qui n'était d'après eux plus régit par

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  1   la loi croate ou les administrations croates.

  2   Donc ces régions autoproclamées seront appelées les régions autonomes

  3   serbes, SAO, c'est-à-dire le sigle utilisé en B/C/S.

  4   En août 1991, Milan Martic a décidé de prendre, de capturer le village

  5   croate de Kijevo qui se trouve au sud-est de Knin. Martic a donné un

  6   ultimatum au commissariat de Kijevo en menaçant d'attaquer la population

  7   civile du village. A ce moment-là, l'armée yougoslave est entrée en conflit

  8   ouvert, mais est entrée dans le conflit du côté serbe. Après l'expiration

  9   de l'ultimatum, une force conjointe regroupant les hommes de Martic,

 10   l'armée yougoslave et les réservistes serbes locaux, c'est-à-dire les

 11   membres de la TO, ont attaqué Kijevo et l'ont capturé, et ensuite en ont

 12   chassé toute la population croate.

 13   A partir de ce moment-là, l'armée yougoslave et les forces armées des

 14   locaux de Krajina serbe, c'est-à-dire les forces de police, les unités de

 15   la TO, ainsi qu'un certain nombre d'unités de volontaires serbes, dont la

 16   plupart étaient entraînées, équipées, financées et soutenues par la DB

 17   serbe, sous les ordre Jovica Stanisic et de Franko Simatovic, ont commencé

 18   à attaquer les villages croates dans la SAO Krajina.

 19   La TO, c'est-à-dire la Défense territoriale de l'ex-Yougoslavie, était

 20   composée d'anciens membres de l'armée populaire de Yougoslavie qui avaient

 21   conservé leurs uniformes et qui avaient aussi conservé leurs armes et qui

 22   étaient réservistes sous le commandement de la république en ce qui

 23   concerne les temps de guerre et qui pouvaient être incorporés au sein de

 24   l'armée yougoslave en temps de guerre.

 25   En août 1991, Slobodan Milosevic allait résoudre un conflit qui existait

 26   entre Babic et Martic à propos du contrôle des forces de TO en obligeant

 27   Babic à nommer Milan Martic chef adjoint de la TO. Cette nomination,

 28   associée au fait qu'un grand nombre des TO de la SAO Krajina n'étaient

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  1   fidèles qu'à Martic, a permis finalement à Martic de contrôler toutes les

  2   TO. Le 1er août 1991, le gouvernement de la SAO Krajina a décidé que les

  3   unités commandos de la police et les TO se combineraient et formeraient

  4   ainsi les forces armées de la SAO Krajina.

  5   Sur la planche numéro 47 que nous voyons maintenant à l'écran, on voit les

  6   régions de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, tout particulièrement les

  7   municipalités et villages qui sont pertinents en ce qui concerne l'acte

  8   d'accusation dressé contre Simatovic et Stanisic. Les villages du SAO

  9   Krajina dont je vais parler maintenant ont été entourés d'un cercle rouge;

 10   dans le cercle que l'on voit en bas de la carte, on voit que figurent aussi

 11   la ville de Knin ainsi que celle de Golubic.

 12    Dubica, Bacin et Cerovljani sont des villages qui se trouvent à la

 13   frontière de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. En 1991, environ la

 14   moitié des habitants de Dubica étaient d'appartenance ethnique croate; il y

 15   avait aussi une petite minorité musulmane, alors qu'en ce qui concerne les

 16   villages de Bacin et Cerovljani, il y avait une forte majorité de Croates.

 17   Jusqu'en 1991, les relations entre groupes ethniques avaient été

 18   parfaitement amicales et harmonieuses. Malheureusement, à l'été 1991, ces

 19   relations entre groupes ethniques ont commencé à se dégrader.

 20   Des conflits armés ont eu lieu entre les forces armées croates et serbes,

 21   et en septembre 1991, l'armée croate s'est retirée, les forces serbes -

 22   tout particulièrement, la police de Martic et sa TO - ont capturé ces

 23   villages et en ont pris le contrôle. Ils sont venus à de nombreuses

 24   reprises en incendiant les maisons des habitants croates, en les utilisant

 25   comme boucliers humains et en se livrant à des meurtres. Par exemple, ils

 26   n'ont pas hésité à tirer une roquette dans le clocher de l'église

 27   catholique de Dubica. Après cela, les Croates ont décidé de quitter leur

 28   village. Il n'est resté que quelques personnes âgées ou quelques malades.

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  1   Le 20 octobre 1991, des membres de la police de Martic et de la milicija

  2   Krajina sont allés autour de Dubica en camion et ils ont ramassé en tout 53

  3   civils qui étaient restés. Ils les ont emmenés à une brigade des sapeurs-

  4   pompiers à Bacin. Ils ont raconté qu'il allait y avoir une réunion. En

  5   fait, on a placé ces personnes en détention. Une des personnes mises en

  6   détention s'appelait Slavko Kucuk. Il a été témoin du fait qu'on a libéré

  7   plus tard une dizaine de civils, apparemment parce qu'ils avaient des

  8   connaissances parmi les Serbes. Lui-même a été libéré par un des gardes qui

  9   était son ancien élève. Plus tard, Slavko Kucuk a fait la liste de toutes

 10   les personnes qui avaient été mises en détention avec lui à la caserne des

 11   sapeurs-pompiers.

 12   Quand vous regardez l'âge qu'avaient les civils qui figurent dans cette

 13   liste à la planche 48, vous allez remarquer une chose que la grande

 14   majorité de ces personnes avaient plus de 60 ans. Le lendemain, les

 15   derniers civils qu'il y avait encore à la caserne des sapeurs-pompiers ont

 16   été exécutés par les forces serbes, comme l'ont été plusieurs autres

 17   personnes âgées civiles de Bacin et de Cerovljani. Il y avait parmi les

 18   personnes tuées une dame de 90 ans.

 19   Saborsko, c'est un village qui se trouve dans la municipalité de Ogulin,

 20   près de Plitvice. En août 1991, la population était presque exclusivement

 21   croate, comme l'était la population des villages voisins de Poljanak,

 22   Lipovaca et Vukovici. Mais autour de ces villages, il y avait des villages

 23   qui étaient pour la plupart pratiquement exclusivement peuplés de Serbes.

 24   En août 1991, des forces serbes ont commencé à pilonner Saborsko, en

 25   essayant de faire la jonction entre les territoires serbes que ces villages

 26   séparaient. Au cours des mois suivants, des membres de la police de Martic

 27   et d'autres forces serbes ont entamé une campagne de harcèlement en

 28   procédant à l'arrestation, à la détention arbitraire de beaucoup de civils

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  1   croates, souvent en les rouant de coups. La plupart des Croates ont quitté

  2   ces villages suite à ce traitement.

  3   Fin octobre, début novembre 1991, Poljanak, Lipovaca, Vukovici et enfin

  4   Saborsko ont de nouveau fait l'objet d'attaques de la part des forces

  5   serbes. Pendant ces attaques ont a choisi et intentionnellement tué des

  6   civils croates. Par exemple, à Vukovici les membres de la police de Martic,

  7   des membres de la JNA et des membres d'unités de la Défense territoriale

  8   locale serbe ont fait sortir huit civils croates de chez eux. Il y avait

  9   parmi ces personnes des personnes âgées et des femmes. Ils les ont placés

 10   contre un mur et les ont tout simplement abattus. Il y avait un autre homme

 11   qui était trop malade pour quitter sa maison. Alors qu'il était encore dans

 12   son lit, des forces serbes l'ont tué d'un coup de feu.

 13   Le 12 novembre 1991, les forces serbes ont lancé une nouvelle attaque très

 14   intense sur Saborsko. D'abord ce sont les avions de la JNA qui ont largué

 15   des bombes, et puis ce fût le tour de l'artillerie lourde, et enfin des

 16   unités des forces terrestres ont pénétré dans Saborsko. La planche 49 vous

 17   parle de cette attaque. Vous y avez la lettre d'un représentant du village

 18   de Plaski qui relate l'attaque et dit de cette attaque qu'elle était

 19   dirigée contre des gens mauvais, méchants, maléfiques.

 20   L'église catholique de Saborsko a été pilonnée et endommagée, puis

 21   l'artillerie s'est retirée. Sont restés les soldats et les policiers serbes

 22   dans le village. Ils ont commencé à piller ce hameau, à prendre les

 23   voitures de particuliers, à dérober des biens qui se trouvaient dans ces

 24   maisons, le bétail, et à mettre le feu aux maisons. On a fait sortir les

 25   civils des caves. Les hommes ont été séparés des femmes, et une vingtaine

 26   d'hommes ont été exécutés. La plupart des habitants de Saborsko ont pris la

 27   fuite, ou ils étaient emmenés en bus en territoire croate, où on les a

 28   relâchés.

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  1   Pendant ce procès, des témoins viendront vous parler des attaques à

  2   Saborsko. La planche 50 vous donne ce qu'un d'entre eux a dit pendant le

  3   procès de Milan Martic. Vous allez le remarquer parce que c'est surligné en

  4   rouge. Lorsqu'on a demandé à ce témoin qui a participé à l'attaque de

  5   Saborsko, il a répondu que c'était des hommes qui avaient été entraînés à

  6   Golubic, les Bérets rouges.

  7   Dernier exemple, ce sera celui de Skabrnja. Skabrnja et les villages

  8   environnants se trouvent près de Zadar, dans la partie sud-ouest de la

  9   Croatie. En 1991, il n'y avait pratiquement que des Croates qui habitaient

 10   dans ce village. Avec la même systématicité que celle que j'ai décrite, il

 11   y a d'abord eu pilonnage, bombardement par les forces serbes de ce village,

 12   et ceci à partir de septembre 1991. Le coup de grâce a été donné le 18

 13   novembre 1991.

 14   Il y avait trois églises catholiques à Skabrnja et autour de

 15   Skabrnja. Il y avait parmi ces trois églises l'église de la Vierge. Vous

 16   avez à la planche 51 cette église avant et après. Elle a été endommagée à

 17   cause de l'attaque de la JNA. Des membres de la police de Martic, de la JNA

 18   et d'unités de la Défense territoriale serbe locale ont emmené des civils

 19   de ce village et les ont forcés à se rendre en territoire sous contrôle du

 20   gouvernement croate. Des forces serbes ont fouillé les maisons l'une après

 21   l'autre à la recherche de ceux qui étaient restés, ont pillé et incendié

 22   ces maisons.

 23   En tout, 38 civils ont été tués à Skabrnja. Le 21 décembre 1991, au

 24   cours d'opérations menées conjointement avec d'autres forces serbes, la

 25   police de Martic a pénétré dans les maisons du petit village de Bruska qui

 26   se trouve entre Skabrnja et Benkovac. On a fait sortir les hommes, on les a

 27   alignés et on les a abattus. On a aussi tiré sur des femmes qui prenaient

 28   la fuite. En tout, neuf personnes ont été tuées.

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  1   Tous ces exemples vous montrent ce qui s'est répété et ce qui forcément

  2   allait être la conséquence de ces attaques menées sur les villages croates

  3   de la Krajina en automne et pendant l'hiver de 1991. D'abord, il y avait le

  4   siège de la JNA sur ces villages à population croate, et puis on pilonnait.

  5   Ensuite, les forces serbes dont la police de Martic pénétraient dans ces

  6   villages. Toutes les maisons qui n'étaient pas celles de Serbes étaient

  7   détruites. Tous les biens qui n'étaient pas ceux de Serbes étaient pillés.

  8   Très souvent, des Croates ont été arrêtés et détenus. D'autres ont été

  9   chassés de chez eux. Ceux qui sont restés, et c'était surtout des vieilles

 10   personnes, ont été assassinées. On a ainsi procédé au nettoyage ethnique de

 11   ces villages.

 12   J'aimerais une fois de plus vous rappeler ce qu'un témoin à charge avait

 13   déclaré au cours du procès de Milan Martic. Vous allez trouver un extrait

 14   de son audition à la planche 53. Il était présent lorsque Franko Simatovic,

 15   qui agissait au nom de Jovica Stanisic, a apporté des armes et de l'argent

 16   à Milan Martic, à Knin. Pour des raisons qui ne sont pas claires, les

 17   rapports avec le capitaine Dragan ont connu une période de froid après

 18   l'été de 1991, il a été rappelé à Belgrade et Stanisic lui a interdit de

 19   rentrer en Krajina. Comme on a démantelé les Knindzas du capitaine Dragan,

 20   Franko Simatovic a choisi les meilleurs d'entre eux pour créer un groupe

 21   d'élite qui allait être formé pour devenir une force d'assaut secrète,

 22   mieux organisée, plus professionnelle. Ceci s'est passé en Serbie même, au

 23   mont de Fruska Gora.

 24   Je vous renvoie à la planche 22, il y a la carte 6 de l'atlas qui

 25   sera utilisée plus tard, et vous allez voir que Fruska Gora se trouve à

 26   droite de la carte, juste à l'extérieur de la Slavonie orientale, en

 27   territoire serbe. C'est la quatrième case à partir du haut, où vous voyez

 28   les mots suivants : Lezimir - mont Fruska Gora.

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  1   C'est sur ce mont de Fruska Gora que ces forces d'élite se trouvaient

  2   à une distance de laquelle ils pouvaient frapper la Slavonie orientale où

  3   on essayait d'établir la paix et où on arrivait à un point d'ébullition.

  4   Dragan Vasiljkovic va être rappelé pour former ses hommes sur le mont de

  5   Fruska Gora. Zika, qu'on appelle aussi Crnogorac, est nommé chef de

  6   l'unité. Comme les autres, il reçoit un béret rouge, un numéro d'identité

  7   de la Sûreté de l'Etat et un surnom. Cette unité en mutation va être gardée

  8   à l'abri du regard de l'opinion publique par Stanisic, car il en fait une

  9   unité qui fait partie de la Sûreté de l'Etat et non pas de la police

 10   régulière, ni des unités militaires de Serbie, pas plus que de celles de la

 11   RSFY.

 12   Vous allez trouver, en quelques mots, la thèse que nous avançons à la

 13   planche 54, où nous disons que Jovica Stanisic et Franko Simatovic ont joué

 14   un rôle dans l'organisation, la formation et l'équipement des auteurs

 15   immédiats de ces crimes et que c'est là une de leurs contributions à une

 16   entreprise criminelle commune qui consistait à utiliser la force pour

 17   écarter les Croates et les autres personnes qui n'étaient pas serbes des

 18   terres qu'ils convoitaient en se livrant à des crimes de persécutions et

 19   d'assassinats. C'est ainsi qu'il s'en faut une responsabilité pénale pour

 20   ces crimes.

 21   Je vois l'heure qu'il est. Nous allons passer à un sujet tout à fait

 22   différent, et je pense que c'est peut-être un moment qui se prête à la fin

 23   de l'audience d'aujourd'hui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Exactement.

 25   Nous allons lever l'audience aujourd'hui. L'audience reprendra demain 10

 26   juin, à 14 heures 15, ici même dans ce prétoire.

 27   L'audience est levée.

 28   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mercredi 10 juin

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  1   2009, à 14 heures 15.

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