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1 Le mercredi 3 février 2010
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous ici présents et autour de
6 ce prétoire.
7 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs les
9 Juges. Affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic et Franko
10 Simatovic.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
12 La Chambre a été saisie d'une requête déposée par la Défense Stanisic. Elle
13 y dit vouloir interroger le Dr Eekhof suite au dernier rapport médical
14 qu'il a déposé. Ce ne sera peut-être pas possible parce qu'il n'est pas
15 d'astreinte, il n'est pas censé l'être. En effet, vu le système de
16 transmission du rapport journalier, vous savez qu'il ne fonctionne que si
17 M. Stanisic a déclaré ne pas se sentir suffisamment bien que pour venir
18 assister à l'audience. Et M. Eekhof n'est pas en service aujourd'hui.
19 Mais nous pouvons nous demander aussi si les parties peuvent
20 présenter des questions à un médecin qui a été désigné par la Chambre.
21 Donc, si vous voulez déposer des questions, je pense qu'il faut d'abord
22 vous adresser à la Chambre pour expliquer de quoi il retourne, et à ce
23 moment-là, la Chambre pourra statuer et dire si le médecin ayant fait le
24 rapport peut se présenter pour être interrogé.
25 Ça, c'était une des questions que nous voulions aborder.
26 Apparemment, vous avez d'autres questions à propos du rapport, mais la
27 Chambre ne sait pas quelles sont les questions que vous souhaiteriez poser
28 au médecin. Si vous déposez à huis clos partiel, Maître Jordash, dites-le-
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1 nous, vous pouvez le demander.
2 Mais si c'est parce qu'apparemment ou manifestement M. Stanisic
3 rencontre des problèmes d'ordre médical, nous en parlerons après avoir
4 terminé l'examen de la question, s'il était possible de demander au Dr
5 Eekhof d'être interrogé. Pour le moment, la Chambre prend cela comme étant
6 deux questions distinctes.
7 M. JORDASH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Oui, je pense qu'il serait utile de passer à huis clos partiel.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
11 Monsieur le Président.
12 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
20 Ceci étant, je vais demander à l'Accusation si elle est prête à citer son
21 témoin suivant.
22 M. GROOME : [interprétation] Oui. Nous appelons à la barre M. Sulejman
23 Tihic. Il va être interrogé par Mme Maxine Marcus.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.
25 Peut-on faire entrer le témoin dans le prétoire.
26 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tihic, vous allez entamer votre
2 audition, mais en vertu du Règlement, vous êtes censé prononcer une
3 déclaration solennelle selon laquelle vous allez dire la vérité, toute la
4 vérité et rien que la vérité.
5 Mme l'Huissière vous remet ce texte, et je vous demande de prononcer cette
6 déclaration solennelle.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN : SULEJMAN TIHIC [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, Monsieur.
12 Nous sommes en audience publique. Je pense qu'il faut donc relever les
13 stores.
14 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On me rappelle qu'il faut attendre qu'il
16 n'y ait rien d'écrit sur la page de compte rendu d'audience pour que les
17 rideaux soient ouverts.
18 C'est d'abord Mme Marcus qui va procéder à l'interrogatoire principal. Elle
19 est à votre droite. Madame, vous pouvez commencer.
20 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Mesdames les
21 Juges.
22 Interrogatoire principal par Mme Marcus :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le président Tihic.
24 R. Bonjour.
25 Q. Vous entendez bien l'interprétation ?
26 R. Oui.
27 Q. Veuillez donner à la Chambre de première instance votre nom de famille,
28 votre prénom et votre date de naissance.
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1 R. Sulejman Tihic, Bosanski Samac, 26 novembre 1951.
2 Q. Quel a été votre cursus ?
3 R. J'ai fait l'école primaire, l'école secondaire, à Bosanski Samac. Après
4 quoi, je suis allé à la faculté de droit à Sarajevo. Je suis diplômé de
5 cette faculté. Et puis, j'ai travaillé comme stagiaire au tribunal, et j'ai
6 passé l'examen du barreau. C'est ainsi que j'ai pu travailler comme juge,
7 avocat, membre du parquet.
8 Q. Pourriez-vous nous dire quels postes vous avez occupés entre le moment
9 où vous avez terminé votre formation et le début de la guerre ?
10 R. J'étais juge du tribunal municipal de Bosanski Samac, puis membre du
11 ministère public pour les municipalités de Modrica Samac et Bosanski Samac.
12 Après, j'ai travaillé comme avocat.
13 Q. Et que faites-vous aujourd'hui ?
14 R. Je suis président de la chambre des nations du Parlement de Bosnie-
15 Herzégovine.
16 Q. Et quel était votre poste officiel à Bosanski Samac en 1991 et en 1992
17 ?
18 R. J'ai occupé des postes politiques bénévoles. Je n'étais pas payé. J'ai
19 été chef de la communauté locale de la ville, et puis j'ai été président du
20 Parti de l'Action démocratique à Bosanski Samac. J'ai aussi été membre du
21 conseil régional et puis du conseil principal du SDA pour ce qui était
22 alors la Yougoslavie.
23 Q. Nous avons eu le plaisir d'avoir votre présence ici dans plusieurs
24 procès. En application de l'article 92 ter du Règlement, l'Accusation a
25 demandé l'autorisation de déposer au dossier plusieurs de vos déclarations
26 préalables. Vous souvenez-vous avoir fait une déclaration le 31 octobre
27 1994, le 28 février 1995, ainsi que le 21 août 2001 ?
28 R. Oui.
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1 Q. Avez-vous eu l'occasion de relire ces déclarations avant d'entrer dans
2 ce prétoire aujourd'hui, et ceci, dans une langue que vous comprenez ?
3 R. Oui.
4 Q. Etes-vous en mesure de confirmer que ces déclarations, d'après ce que
5 vous savez, représentent la vérité ?
6 R. Oui.
7 Q. Si je vous reposais les questions qui vous ont été posées pendant le
8 recueil de ces déclarations, est-ce que vous y répondriez de la même façon
9 ?
10 R. Oui.
11 Mme MARCUS : [interprétation] L'Accusation demande d'abord le versement au
12 dossier de la déclaration du 31 octobre 1994, du 28 février 1995, et aussi
13 celle du 21 août 2001.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections de la part de la
15 Défense ? Non. Très bien.
16 Madame la Greffière, nous avons trois déclarations, en date du 31 octobre
17 1994.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P173.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P173 est versée au dossier.
20 Mme MARCUS : [interprétation]Puis, nous avons la déclaration du 28
21 février 1995.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P174.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.
24 Et maintenant, nous avons la troisième déclaration du 21 août 2001.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P175.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est aussi versée au dossier.
27 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.
28 Q. Monsieur le président Tihic, vous souvenez-vous avoir déposé dans
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1 plusieurs procès déjà dont a connu ce Tribunal ?
2 R. Oui.
3 Q. De façon plus précise, vous avez déposé dans le procès Simic les 13,
4 14, 17, 18, 19 et 20 septembre et les 6, 7 et 8 novembre 2001 ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous souvenez-vous avoir déposé dans le procès Milosevic les 2 et 3
7 décembre 2003 ?
8 R. Oui.
9 Q. Avez-vous eu l'occasion de relire ces dépositions dans une langue que
10 vous comprenez avant d'entrer dans ce prétoire ?
11 R. Oui.
12 Q. Confirmez-vous l'exactitude et l'authenticité de ces déclarations dans
13 ces deux procès ?
14 R. Oui.
15 Q. Si je vous reposais aujourd'hui une des questions qui vous ont été
16 posées, alors, est-ce que vous y répondriez de la même façon ?
17 R. Oui.
18 Mme MARCUS : [interprétation] Mesdames et Monsieur les Juges, pour que ce
19 soit plus facile de s'y retrouver, nous demandons l'autorisation de déposer
20 ces comptes rendus d'audiences de procès antérieurs, et nous avons préparé
21 un petit tableau. Je peux fournir une copie sur support papier à toutes les
22 personnes présentes. Nous pouvons aussi utiliser le prétoire électronique.
23 Nous avons indiqué par des rayures vertes ce qui avait été versé donc, ce
24 sont les pièces versées dans les deux procès antérieurs.
25 Vous remarquerez aussi que nous avons indiqué exactement les pièces
26 déposées dans tel ou tel procès. Et vu la longueur de sa déposition dans le
27 procès Simic, nous nous sommes dits qu'il serait utile de vous donner des
28 références donnant les numéros de page.
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1 Nous demandons le versement du compte rendu Simic, du compte rendu
2 Milosevic, et le versement des pièces concernant ces deux dépositions.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections contre le
5 versement de ces dépositions dans les différents procès, à savoir les
6 procès Simic et Milosevic, ainsi que les pièces qui y sont associées ?
7 Oui, allez-y.
8 M. KNOOPS : [interprétation] Nous n'avons aucune objection, mis à part une
9 requête que nous avons soumise à l'Accusation en ce qui concerne la pièce
10 avec le numéro ERN 0582. Il s'agit de la vidéo du camp Kula qui a été
11 versée dans le procès Milosevic. Et en fait, nous ne comprenons toujours
12 pas la pertinence de cette vidéo pour ce témoin. Nous aimerions formuler,
13 par conséquent, une réserve avant de verser cette vidéo du camp de Kula
14 jusqu'à ce que l'Accusation détermine la pertinence ou les liens entre
15 cette vidéo et le témoin.
16 Pour ce qui est des autres dépositions et autres pièces déjà versées, nous
17 n'avons aucune objection.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La liste porte la cote P61. Et par
19 conséquent, il semble que ceci a été versé. Si je vous ai bien compris, ce
20 qui est en vert signifie que ça a déjà été versé dans ce procès-ci.
21 Mme MARCUS : [interprétation] Tout à fait.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela signifie que la couleur et les
23 cotes commençant par la lettre P signifient en fait qu'il s'agit de la
24 pièce P61. Et si j'ai bien compris, il y a des documents pour lesquels,
25 Maître Knoops, vous préféreriez que nous ne nous prononcions pas encore.
26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Greffière m'informe que trois autres
28 documents apparaissent sur la liste et ont déjà été versés comme pièces à
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1 ce dossier.
2 Madame la Greffière, est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous donner
3 les numéros. Mais le problème de cette liste finale des pièces -- attendez
4 voir. Les pièces associées n'ont pas reçu de numéro. Mais peut-être que
5 vous pouvez éclairer notre lanterne.
6 Mme MARCUS : [interprétation] Si vous le permettez, les pièces associées
7 sont en ordre numérique en fonction des numéros de la liste 65 ter.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais en fait, elles n'ont pas
9 toutes des numéros. Il y en a qui sont par ordre numérique, c'est vrai.
10 Madame la Greffière, est-ce que vous pourriez peut-être nous guider en
11 recensant les numéros de la liste 65 ter.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Tout d'abord, nous avons le numéro 647
13 de la liste 65 ter.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. Il s'agit,
15 en fait, des macarons des Tigres d'Arkan.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P31.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P31.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ensuite, liste 65 ter 2466.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 2466.
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Et il y aura maintenant une cote P127.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit, en fait, d'une pièce
22 concernant une photo du bâtiment, pas le bâtiment à proprement parler.
23 Mme MARCUS : [interprétation] Tout à fait. C'est exact, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la troisième pièce.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du document 3567 de la liste
27 65 ter.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 3567. Défense territoriale. Il s'agit
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1 d'un autre bâtiment, n'est-ce pas, le bâtiment de la Défense territoriale
2 2-5.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela portera la cote P128.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P128.
5 Madame Marcus, vous nous avez expliqué quels étaient les éléments surlignés
6 en vert et en jaune ?
7 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. Ce qui est en jaune, ce sont en fait les
8 pièces qui avaient soulevé des objections de la Défense. Mais en fait, la
9 Défense Stanisic nous a informés qu'elle n'aurait pas d'objection. Par
10 conséquent, cette liste peut être versée tel quel.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Tout ceci est maintenant
12 clair.
13 Madame Marcus, la Chambre est quelque peu préoccupée du volume de documents
14 que vous nous avez fourni. S'il n'y a pas de répétitions - et apparemment,
15 il ne semble pas y avoir de répétitions dans ce document - et s'il n'y a
16 pas d'objection, la Chambre pourrait admettre toutes ces pièces au dossier.
17 Mais la Chambre vous demande instamment de voir à l'avenir si vous ne
18 pourriez pas réduire de manière considérable le nombre de pages, sans pour
19 autant perdre en contenu, si l'on peut dire.
20 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Nous avons essayé de
21 faire exactement cela, et nous vous avons mentionné ceci dans notre demande
22 92 ter. Et nous avons pu réduire le nombre de documents pour éviter les
23 doublons, et nous nous assurons que les pièces que nous versons sont
24 directement liées à sa déposition. Et en l'absence de ces documents, la
25 déposition ne pourrait pas vraiment être très bien comprise ou en l'absence
26 de photos également. Et nous avons, bien sûr, pris en compte les objections
27 de la Défense Stanisic.
28 Et les documents que vous recevez sont le résultat de ce long processus.
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1 L'Accusation, par conséquent, pense que les documents que vous avez devant
2 vous sont une liste réduite.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis moins concerné par une liste
4 assez longue plutôt que par le nombre de pages des comptes rendus
5 d'audiences.
6 Mme MARCUS : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que les documents, de manière
8 générale, ne constituent pas des doublons ni des répétitions, mais
9 quelquefois on trouve des informations similaires dans différentes
10 dépositions. Par exemple, ce qui s'est passé exactement avant le début de
11 la guerre. De manière générale, on retrouve les mêmes éléments dans les
12 dépositions et dans le témoignage.
13 Et cela m'amène à la question suivante. J'aimerais savoir quel est le
14 niveau de détail qui est vraiment nécessaire. Et je pense que ceci est
15 plutôt important pour les dépositions plutôt que les pièces qui y sont
16 associées. Je comprends bien que vous ne voulez pas non plus perdre votre
17 fil d'Ariane, mais en même temps, j'aimerais savoir si vous ne pourriez pas
18 envisager la possibilité d'avoir moins de pages; pas pour des questions
19 purement écologiques, bien sûr. Nous voulons épargner, bien sûr, les arbres
20 mais en même temps, nous voulons nous assurer que l'on puisse nous
21 concentrer sur les éléments-clés et éviter qu'il y ait des doublons ou des
22 répétitions. Par conséquent, cette Chambre vous invite à étudier cet aspect
23 des pièces que vous versez.
24 Vous n'êtes pas sans savoir qu'il n'y a aucune objection, mais bien sûr, si
25 vous procédiez à une sélection, il est possible que la Défense ait des
26 objections quant à la manière dont vous écrémez ces documents.
27 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous nous
28 efforcerons de faire exactement cela. Mais je voudrais répondre à votre
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1 commentaire, à savoir que les deux premières déclarations sont des pièces
2 associées à l'affaire Milosevic, et sans ses pièces associées, il est
3 difficile de comprendre les contre-interrogatoires, puisque les paragraphes
4 sont cités.
5 Ce que nous avons fait également, c'est que nous avons abandonné les
6 comptes rendus d'audience des procès Tadic et Seselj.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'avais vu que c'était sur votre
8 liste initiale.
9 Mme MARCUS : [interprétation] Très bien.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, nous allons donner des
11 numéros de pièces aux documents que vous souhaitez verser.
12 Pour les documents 92 ter, je ne sais pas si on devrait avoir
13 plusieurs numéros de pièces. Tout d'abord, le compte rendu du 13 au 20
14 septembre, et puis ensuite, il y a les comptes rendus du 6, 7 et 8 novembre
15 2001, une déposition ultérieure, mais dans le même procès, 6, 7 et 8
16 novembre de la même année.
17 Est-ce que vous voudriez que ce soit versé sous la forme d'une seule
18 pièce ou est-ce que vous voudriez qu'il y ait, en fait, neuf pièces.
19 Mme MARCUS : [interprétation] Toute la déposition dans le procès Simic peut
20 constituer une seule pièce.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
22 Madame la Greffière, est-ce que vous pourriez donner les numéros au compte
23 rendu des dépositions de ce témoin, 13, 14, 17, 18, 19, 20 septembre, mais
24 qu'une partie de cette journée, donc, ainsi que les dépositions des 6, 7, 8
25 novembre 2001.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P176.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P176, marquée pour identification. Nous
28 attendons vos commentaires, Madame Marcus.
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1 Ensuite, nous passons aux comptes rendus de la déposition dans le procès
2 Milosevic, à savoir 2 et 3 décembre 2003, qui aura le numéro de pièce…
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P177.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Marquée pour identification.
5 Maintenant, je voudrais inviter la Greffière, pas immédiatement mais sur la
6 base de la liste fournie par Mme Marcus, et notamment au vu des pièces
7 associées qui commencent à la troisième page du document, j'invite la
8 Greffière de déjà préparer différentes cotes, de façon à ce qu'elles
9 puissent être versées ensemble, mis à part, bien sûr, celles qui ont déjà
10 été versées à ce dossier.
11 Une fois que vous avez fourni ces numéros de manière provisoire, est-
12 ce que vous pouvez transmettre ces numéros aux différentes parties.
13 Madame Marcus, allez-y.
14 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.
15 Q. Monsieur le président Tihic, dans vos dépositions précédentes, vous
16 avez décrit les structures parallèles qui avaient été créées à Bosanski
17 Samac. Est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous entendiez par la
18 création de ces structures parallèles ?
19 R. Il s'agissait de structures parallèles qui avaient été élues par les
20 autorités de Bosanski Samac en Bosnie-Herzégovine de manière générale. Ces
21 structures étaient nécessaires afin de créer la Région autonome serbe de
22 Bosnie du nord, ainsi que l'assemblée de la municipalité serbe de Bosanski
23 Samac, ainsi que la République serbe de Bosnie-Herzégovine.
24 Pour ce qui est maintenant des structures municipales, cela signifie
25 que la police serbe avait été constituée, ainsi qu'une structure de Défense
26 territoriale serbe, ainsi que le secrétariat serbe de la Défense nationale,
27 ainsi que les services fiscaux, et cetera, et cetera.
28 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire, à votre connaissance, à quelle date
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1 ces structures parallèles serbes ont été constituées ?
2 R. Pour ce qui est de la Région autonome serbe de Bosnie du nord qui
3 couvrait la zone de Doboj, je pense que ceci a été créé en octobre ou en
4 novembre, donc pendant l'automne 1991.
5 Pour ce qui est de la municipalité serbe de Bosanski Samac, ceci
6 s'est passé en février, à la fin du mois de février 1992, je crois.
7 Q. Comment avez-vous appris que ces structures parallèles serbes avaient
8 été constituées ?
9 R. Nous l'avons entendu dans les médias, il y avait différents communiqués
10 à l'attention du grand public. Ce n'était pas du tout un secret. Le message
11 était clair : A l'avenir, ils ne reconnaîtraient pas d'autorité légale,
12 c'est-à-dire les institutions de la municipalité de Bosanski Samac ainsi
13 que les autorités de Bosnie-Herzégovine de manière générale.
14 Q. Qu'est-il advenu des structures constitutionnelles qui existaient
15 auparavant ?
16 R. Elles ont repris leurs activités, mais dans des conditions difficiles.
17 Ces structures ne pouvaient pas fonctionner correctement et de manière
18 efficace sur tout le territoire. Elles ne pouvaient pas s'acquitter de
19 manière efficace de leurs fonctions, puisqu'en plus des structures légales,
20 il y avait les structures illégales qui, d'une manière ou d'une autre,
21 essayaient d'entraver les activités des institutions légales, comme, par
22 exemple, la police. La police serbe disait que la police de Bosnie-
23 Herzégovine ne pouvait plus pénétrer dans les villages serbes ou ne pouvait
24 plus assurer le contrôle de la circulation ou collecter des impôts. Cela
25 signifie qu'ils ne participaient plus aux réunions des institutions qui
26 avaient été nommées de manière légale.
27 Q. Est-ce que vous étiez présent lors de réunions où la création de ces
28 structures serbes parallèles ont été abordées ?
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1 R. Je n'ai pas participé à des réunions qui avaient rédigé ces décisions
2 parce qu'elles étaient principalement composées de représentants du SDS, ou
3 peut-être d'autres partis plus petits. Cependant, j'ai participé à un autre
4 type de réunions durant lesquelles ces décisions étaient commentées. Une de
5 ces réunions a eu lieu la veille de l'attaque contre Bosanski Samac. Nous
6 avons tous été convoqués au bâtiment de l'assemblée municipale.
7 Blagoje Simic, le président du SDS, a proposé que dans les
8 municipalités concernées, il devrait y avoir une décision, une municipalité
9 à l'attention des Serbes, c'est-à-dire Bosanski Samac; d'autres
10 municipalités, aux Croates; et puis, les Musulmans recevraient la
11 municipalité de Gracac. Nous n'étions pas d'accord avec cela. Nous avons
12 déclaré que les municipalités ne pouvaient pas être contrôlées ou
13 influencées par une seule nation, puisque la population était de diverses
14 ethnicités et que les institutions, par conséquent, devaient refléter la
15 composition ethnique, quel que soit le groupe ethnique majoritaire. Donc,
16 elles devaient être composées des Serbes, des Musulmans et des Croates.
17 Et on nous a donné sept jours pour accepter leur proposition.
18 Ensuite, on nous a dit que si on refusait cette proposition, ils auraient
19 les moyens d'atteindre leurs objectifs.
20 Q. Et que pensez-vous qu'ils entendaient par ces moyens leur permettant
21 d'arriver à leurs objectifs ? Que souhaitaient-ils obtenir comme objectif,
22 d'après ce que vous connaissiez à l'époque ?
23 R. A l'époque, j'espérais encore qu'il s'agissait d'une tactique
24 provisoire de leur part. Je savais que si l'on souhaitait diviser la
25 Bosnie-Herzégovine le long des lignes de démarcation ethnique, ce serait
26 impossible, ou du moins ce ne serait possible que par le biais d'une
27 guerre. Je pensais, cependant, que leur proposition était une tactique afin
28 d'atteindre certains de leurs objectifs. Je ne pensais pas à l'époque qu'il
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1 était possible de diviser la Bosnie-Herzégovine selon une démarcation
2 ethnique, et uniquement d'après ce critère-là. Les événements m'ont donné
3 raison.
4 Puisqu'il y avait dans toutes les localités des populations mixtes,
5 il y avait très peu de zones où un seul groupe ethnique était représenté.
6 C'était un peu comme le pelage d'un léopard. Tous les groupes étaient
7 représentés et un concept tel que le leur ne pouvait pas être mis en œuvre
8 à moins qu'il y ait une guerre.
9 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant, votre dernière question
11 m'a rendu un peu perplexe, car il y avait deux questions qui étaient posées
12 dans une seule.
13 Vous avez demandé quels étaient les objectifs qui étaient impliqués.
14 Ensuite, vous avez demandé que souhaitaient-ils obtenir. Donc, vous
15 posez une question sur la fin, et vous posez une question sur les moyens.
16 Et vous avez formulé cette question de telle manière qu'il y a deux
17 questions dans une seule. Le témoin n'a répondu qu'à la deuxième question,
18 il n'a pas répondu à la première question. Si vous souhaitez entendre la
19 réponse à la première question, moi, j'aimerais l'entendre. Vous pourrez
20 peut-être reposer la question, c'est-à-dire quels étaient les moyens
21 utilisés, selon le témoin, pour atteindre ces objectifs.
22 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Je
23 vais faire exactement cela.
24 Q. Monsieur le président Tihic, est-ce que vous pourriez nous
25 expliquer, selon vous, quels étaient les moyens qui pourraient être
26 utilisés pour atteindre ces objectifs ?
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'ils n'obtempéraient pas.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, ils ont proposé un accord, mais
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1 une fois qu'ils ont reçu notre réponse, à savoir que nous ne souhaitions
2 pas accepter ces conditions, ils ont fixé un ultimatum avec des menaces
3 implicites. Ils nous ont dit que si nous refusions ces conditions, ils
4 avaient leurs propres méthodes ou leurs propres moyens pour imposer ces
5 conditions. Nous pensions, par conséquent, qu'ils étaient disposés à faire
6 usage de la force, même si, à l'époque, je n'étais pas convaincu qu'ils
7 fassent usage de cette force, parce que je savais ce que cela signifierait,
8 à savoir beaucoup de souffrance.
9 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir le document
10 747 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
11 Q. Monsieur le président Tihic, est-ce que le thème de ce document est un
12 thème que vous connaissez ?
13 R. Oui, tout à fait.
14 C'est un document qui vient de la Région autonome serbe de la Bosnie
15 du nord, c'est-à-dire la proclamation de la Région autonome serbe. Vous
16 avez différents députés du SDS qui se sont réunis, ainsi que des
17 représentants d'autres partis. Il y avait sept ou huit municipalités dans
18 cette zone telle que Bosanski Samac, Derventa, Bosanski Brod. Ils ont
19 déclaré que la totalité de la zone était la Région autonome serbe, même si,
20 d'après le recensement, il y avait un tiers de Croates, un tiers de Serbes,
21 et un tiers de Musulmans. Ils ont simplement déclaré qu'il s'agirait, à
22 présent, d'une Région autonome serbe. C'était une manière d'envoyer un
23 message signifiant que sur ce territoire il n'y aurait plus de place pour
24 les autres, pour les non-Serbes. C'était totalement illégal et
25 anticonstitutionnel.
26 Q. Merci.
27 Mme MARCUS : [interprétation] Puis-je demander à la Greffière d'audience de
28 présenter le document 748 de la liste 65 ter.
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1 Q. Monsieur le président Tihic, est-ce que le thème de ce document est un
2 thème que vous connaissez ?
3 R. Oui. Il s'agit d'une décision concernant la constitution de la
4 municipalité serbe de Bosanski Samac ainsi que la municipalité serbe de
5 Pelagicavo. Encore une fois, c'était basé sur des principes ethniques
6 utilisés pour constituer une municipalité avec son siège dans la ville de
7 Bosanski Samac. C'était composé de plusieurs municipalités, puisque vous
8 avez le territoire de Bosanski Samac ainsi qu'Orasje, Gradacac et Odzak;
9 donc, ces quatre municipalités. La zone n'était pas pure d'un point de vue
10 ethnique. Ce territoire inclut automatiquement des zones de population et
11 des villages occupés par d'autres groupes ethniques qui ne sont pas des
12 Serbes, à savoir des Croates ou des Musulmans ou des Bosniens, comme on les
13 appelait à l'époque.
14 Q. Merci.
15 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander à la
16 Greffière d'audience de présenter le document de la liste 65 ter 749.
17 Pour information, les deux précédents documents étaient sur la liste
18 de pièces associées, alors que cette pièce-ci ne figure pas sur la liste.
19 Est-ce qu'on pourrait avoir la page 3 en B/C/S, et la page 4 en anglais.
20 Q. Est-ce que vous connaissez le thème de ce document, Monsieur le
21 président Tihic ?
22 R. C'est la décision portant création de l'assemblée de la municipalité de
23 Bosanski Samac et de Pelagicevo, assemblée du peuple serbe, dans les deux
24 cas.
25 C'est ce dont je viens de parler d'ailleurs, à l'instant. Mais c'est
26 publié au journal officiel. C'est d'ailleurs un peu illogique, parce qu'il
27 n'existe pas quelque chose qui s'appellerait l'union politique du peuple.
28 Ce qui existe, c'est l'union politique éventuelle des habitants d'une
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1 localité. Et puis, ce qui est illogique également, c'est que ne sont
2 concernés ici que les membres du SDS.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Je demanderais qu'on affiche la page 10
4 de la version en B/C/S correspondant à la page 21 de la version anglaise de
5 ce même texte sur les écrans.
6 Q. Président Tihic, j'aimerais appeler votre attention sur les deux séries
7 de conclusions que nous voyons afficher dans cette page. Que signifient ces
8 deux paragraphes, à vos yeux ?
9 En anglais, j'indique que le début des conclusions se trouve à la page 21
10 et qu'elles se poursuivent en page 22 en anglais.
11 R. Ce sont des conclusions qui annoncent que cette décision sera mise en
12 oeuvre par la force, plus ou moins, puisqu'on voit qu'il y a création
13 d'unités spéciales de la police, un état-major serbe également, et cetera.
14 Donc, c'est une confirmation écrite ou, en tout cas, un élan nouveau qui
15 est donné à l'attaque, le projet d'attaque qui a eu lieu deux jours plus
16 tard, l'attaque de Bosanski Samac.
17 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
18 document, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas d'objection.
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
21 devient la pièce P178.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P178 est admise au dossier.
23 Mme MARCUS : [interprétation]
24 Q. Monsieur le président Tihic, qu'est-ce que tout cela voulait dire
25 s'agissant de la population non-Serbe de Bosanski Samac ?
26 R. Ça signifiait qu'il n'y avait plus de place pour les autres que les
27 Serbes sur le territoire où toutes ces personnes étaient nées et où étaient
28 nés leurs ancêtres. Cela signifiait qu'à l'avenir, la région devait devenir
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1 totalement serbe et uniquement serbe, ce qui n'est pas possible en Bosnie-
2 Herzégovine. Cela n'a jamais été le cas, et cela ne sera jamais le cas. Et
3 bien entendu, cela n'est pas possible non plus dans quelque autre région
4 civilisée du monde. Je parle d'un territoire déterminé. Donc, c'est un
5 projet social et, d'ailleurs, pas seulement social ou qui concerne une
6 nation, mais qui affectait tous les habitants de la région. Et cela ne
7 s'est pas passé uniquement à Samac ou en Bosnie septentrionale; c'est un
8 projet politique qui a visé l'intégralité du territoire de la Bosnie-
9 Herzégovine et, en agissant ainsi, ils essayaient de créer des conditions
10 préalables qui leur étaient propres et qui précédaient de leur part le
11 recours à la force et au nettoyage ethnique des populations non serbes,
12 afin de supprimer leur présence dans la région. Et ensuite, ce nettoyage
13 ethnique devait être suivi par une division de la Bosnie-Herzégovine
14 destinée à créer un para état qui, plus tard, pourrait être annexé à la
15 Serbie.
16 Bien entendu, il fallait qu'il y ait appui, soutien de la part des forces
17 armées, absolument indispensable pour la mise en œuvre du projet. C'est
18 donc un projet politique tout à fait clair. Mais eux n'auraient jamais pu
19 le mettre en œuvre seuls s'ils n'avaient pas eu le soutien de Belgrade. Ils
20 ont donc bénéficié de l'appui des forces armées de ce qui était à l'époque
21 la JNA, ainsi que de l'appui de la police de Serbie. Et bien entendu, ils
22 ont bénéficié d'un appui financier et logistique également.
23 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage de la pièce
24 P60, qui est une carte que l'on trouve dans le classeur à l'intercalaire
25 28. En tout cas, c'est la carte numéro 28. Une version papier de la carte
26 pourrait être affichée sur le rétroprojecteur, de façon à ce que le
27 président Tihic puisse montrer ce dont il parle au fur et à mesure de son
28 exposé.
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1 Q. Président Tihic, pendant qu'on attend l'affichage de la carte, je
2 voudrais rapidement expliquer aux Juges de la Chambre l'importance
3 stratégique que revêtait Bosanski Samac à l'époque.
4 R. Je demanderais aux interprètes de parler un peu plus fort.
5 Bosanski Samac --
6 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
7 M. KNOOPS : [interprétation] J'indique que le président Tihic est un témoin
8 censé s'exprimer au sujet des faits. Ce n'est pas un expert. Et nous
9 n'avons remarqué aucune expertise stratégique militaire qui lui serait
10 appliquée.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qu'en est-il de la stratégie
12 militaire qui est évoquée dans la question ?
13 M. KNOOPS : [interprétation] S'il s'agit uniquement de parler de
14 l'importance stratégique de Bosanski Samac, nous dirions que ce témoin, qui
15 est un témoin des faits, n'est pas apte à répondre de cela.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question est formulée d'une façon qui
17 invite le témoin à s'exprimer en faisant part de l'avis qu'il s'est fait
18 quant à l'importance stratégique de cette région. Donc, nous savons que ce
19 témoin s'exprime de façon pertinente par rapport aux faits et, bien
20 entendu, c'est aux Juges de la Chambre qu'il importe de déterminer si oui
21 ou non l'avis de ce témoin sur une quelconque question peut avoir une
22 pertinence et peut être prise en compte par la Chambre.
23 Madame Marcus, si vous aviez demandé au témoin s'il s'était fait un avis
24 quant à l'importance stratégique de Bosanski Samac et que la réponse avait
25 été affirmative ou négative, dans le cas d'une réponse affirmative, vous
26 auriez pu lui demander d'appuyer ses dires en citant un fait. C'eut été une
27 formulation possible de votre question.
28 Maître Knoops, ceci démontre également qu'en reformulant une question, on
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1 peut demander à un témoin un avis davantage lié à des faits.
2 Mais si, ici ou là, une opinion personnelle se glisse dans les propos des
3 témoins, il faut bien comprendre que dans tout ce que dit un témoin, on
4 trouve toujours des éléments d'opinions personnelles. Mais nous savons bien
5 quels sont les faits qui sont à l'arrière-plan des propos du témoin, et
6 c'est ce qui importe pour les Juges de la Chambre, qui peuvent comparer les
7 conclusions tirées par différents témoins.
8 Veuillez procéder.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Bosanski Samac se trouve aux confluents de la
10 Bosna et de la Sava. Il y a une ligne de chemin de fer qui traverse
11 Bosanski Samac. Il y a également une grande route assimilable à une
12 autoroute. Et sur l'autre rive de la Sava, on trouve la République de
13 Croatie liée à Bosanski Samac par un pont --
14 Mme MARCUS : [interprétation]
15 Q. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur, mais la carte que vous voyez
16 à côté de vous sur le rétroprojecteur, si vous vous servez de votre doigt
17 pour indiquer les différents lieux sur la carte, nous pouvons voir ce que
18 vous faites. Mais uniquement sur le rétroprojecteur. Excusez-moi de ne pas
19 vous l'avoir dit plus tôt.
20 R. Bosanski Samac se trouve ici, aux confluents de la Bosna et de la Sava.
21 Et vous voyez ici les lignes illustrant la présence d'un chemin de fer et
22 d'une grande route qui traverse Bosanski Samac. Et puis, vous voyez le
23 pont, ici, enjambant la Save, qui relie la Bosnie-Herzégovine à la
24 République de Croatie. Bosanski Samac avait son propre port fluvial, ce qui
25 également est un élément d'importance pour la localité. D'un point de vue
26 industriel, c'était une municipalité relativement aisée et développée.
27 Toutes les grandes routes de Bosnie-Herzégovine allant vers la Croatie se
28 rejoignaient à Bosanski Samac, allant vers la Croatie et les autres pays
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1 européens, d'ailleurs. Et c'est la raison pour laquelle j'ai dit quelques
2 mots de l'importance stratégique, économique et autre de Bosanski Samac.
3 Q. Je vous remercie.
4 R. En tout cas, c'est une ville beaucoup plus importante qu'Odzak, Orasje
5 ou les autres localités situées aux abords immédiats de Bosanski Samac. Et
6 d'ailleurs, c'est la raison pour laquelle Bosanski Samac a été la ville qui
7 a été la première attaquée dans ce secteur. Elle avait en effet une
8 importance beaucoup plus grande que les localités environnantes.
9 Q. Je vous remercie. Président Tihic, dans votre déposition antérieure,
10 vous avez évoqué la création et l'armement du 4e Détachement. Pourriez-vous
11 dire aux Juges de la Chambre quand le 4e Détachement a été créé ?
12 R. Le 4e Détachement a été créé au début de l'année 1992. Je crois que
13 c'est cela. Il a été créé au sein de la JNA et, plus précisément au sein de
14 la 17e Unité tactique. Nous en avons été informés par le lieutenant-colonel
15 Nikolic. Nous nous y sommes opposés, car nous estimions que la JNA n'était
16 pas en droit de disposer d'un détachement comme celui-là, que ce
17 détachement, s'il était créé, aurait dû être dans le giron de la Défense
18 territoriale et que la décision devait déprendre de l'état-major de la
19 Défense territoriale, et pas de la JNA.
20 Q. Vous venez de parler d'un lieutenant-colonel Nikolic. Pourriez-vous
21 nous dire de qui il s'agit ?
22 R. Le lieutenant-colonel Nikolic faisait partie de la garnison militaire
23 de Brcko, c'était l'un des plus hauts gradés de cette garnison. Et je
24 répète qu'il y avait certaines unités dépendant de lui qui étaient hors de
25 la caserne, et que certaines se trouvaient sur le territoire de la
26 municipalité de Bosanski Samac. Il avait ses quartiers dans un village de
27 la municipalité de Bosanski Samac dont le nom était Obudovac.
28 Q. En partant de la position qui était la vôtre au sein de la population à
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1 cette époque-là, je vous demande quel était votre avis quant aux raisons
2 qui ont poussé à créer le 4e Détachement ?
3 R. A mon avis, il n'aurait pas fallu créer ce 4e Détachement, mais voilà
4 ce qu'on nous a dit, c'est la chose suivante.
5 Le lieutenant-colonel Nikolic nous a dit à l'époque que son objectif,
6 en créant ce 4e Détachement, était d'éviter des affrontements
7 interethniques et qu'il souhaitait protéger la ville de Samac par rapport
8 aux risques de tels affrontements en évitant en particulier que des groupes
9 d'individus armés provenant de la République de Croatie ne pénètrent sur le
10 territoire de la municipalité. Ce détachement était composé majoritairement
11 de membres du groupe ethnique serbe, mais il se trouvait aussi dans ce
12 détachement un certain nombre de Musulmans de Bosnie.
13 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, je regarde l'heure, et
14 étant donné que sur le plan des thèmes abordés nous allons passer à un
15 sujet différent, je me demandais si l'heure de la pause pourrait vous
16 convenir maintenant.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce serait sans doute un moment opportun
18 pour faire la pause, car nos séances durent en général 75 minutes.
19 Donc, nous faisons la pause maintenant et reprenons à 16 heures.
20 --- L'audience est suspendue à 15 heures 29.
21 --- L'audience est reprise à 16 heures 05.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, je vous prie.
23 Mme MARCUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Q. Président Tisic, à quel moment avez-vous remarqué pour la première fois
25 la présence de ces forces dites "spéciales et provenant de Serbie" dont
26 vous avez parlé à plusieurs reprises dans la partie antérieure de votre
27 déposition ?
28 R. J'ai remarqué cela au début de 1992, peut-être au mois de février ou de
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1 mars. Nous étions dans la ville de Samac qui est une localité de taille
2 modeste, avec 5 000 habitants à peu près; donc, on connaît tout le monde.
3 Et ces hommes-là parlaient l'ékavien, ce qui était un peu
4 caractéristique; on le remarquait donc, c'est l'accent utilisé en Serbie.
5 Alors, ce qu'ils étaient exactement, je ne l'ai découvert qu'en rapport
6 avec mon parti politique, parce que j'étais avocat et un Serbe m'a dit que
7 des membres des Bérets rouges étaient arrivés dans son village.
8 Et dès leur arrivée, ils avaient commencé à établir leur propre ordre
9 et, qu'entre autres, ils s'étaient mis à frapper les gardes serbes, ou
10 plutôt, les policiers qui montaient la garde face aux villages croates de
11 la région, et que la raison de ces coups était qu'ils étaient dans un café,
12 ils buvaient ensemble et il y avait un jeune homme auquel il a été exigé
13 par ces hommes de se couper les cheveux plus courts. Donc, ils étaient en
14 train d'essayer d'imposer un ordre qui leur était propre.
15 Et d'autres ont entendu aussi des choses de ce genre dès l'arrivée de
16 ces hommes dans le village.
17 Mme MARCUS : [interprétation] J'en ai terminé avec le rétroprojecteur.
18 Peut-être pourrait-on le replier, car il m'empêche de voir le témoin.
19 Merci.
20 Q. Monsieur, dans la partie antérieure de votre déposition, vous avez
21 décrit l'attaque de Bosanski Samac. Pourriez-vous dire aux Juges de la
22 Chambre, d'après vous, qui était responsable de cette attaque sur Bosanski
23 Samac ?
24 R. D'après ce que je sais, Bosanski Samac a été attaqué, avant tout, par
25 ces forces spéciales venues de Serbie, en même temps que des membres de la
26 police de la municipalité de Samac. Et puis, il y avait aussi les membres
27 de la Défense territoriale serbe de Samac, et peut-être des membres de la
28 JNA, la JNA s'étant intégrée peut-être à un stade ultérieur à cette attaque
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1 contre Bosanski Samac.
2 Q. Est-il arrivé un moment où vous avez pu vous rendre compte de façon
3 claire de l'identité de ceux qui commandaient cette attaque ?
4 R. Je ne sais pas exactement qui était au commandement. Il s'agissait sans
5 doute d'une espèce de coordination. Mais en tout cas, je sais qui était le
6 numéro un, s'agissant des responsables, c'était ces forces spéciales qui
7 étaient ce qu'on pourrait appeler maîtres de la vie et de la mort à Samac,
8 à ce moment-là. Je sais que ce sont eux qui sont entrés à Samac les
9 premiers et qui ont pris le poste de police et d'autres bâtiments
10 municipaux. On voyait bien qu'ils savaient manier les armes et qu'ils
11 savaient faire la guerre, en tout cas, à la différence des habitants de la
12 région qui portaient le fusil comme si c'était un bâton. On voyait que les
13 membres de ces forces spéciales, eux, avaient une véritable connaissance
14 des armes et de la guerre.
15 Q. Monsieur, vous parlez des forces spéciales. Peut-être est-ce un
16 problème d'emploi des mots par les interprètes, mais pourriez-vous
17 préciser, dans l'intérêt du compte rendu d'audience, ce que vous entendez
18 exactement par ces forces spéciales ?
19 R. Je pense aux unités spéciales qui ont participé et même dirigé
20 l'attaque contre Bosanski Samac et qui, par la suite, sont devenues maîtres
21 à bord. Je sais très bien, puisque j'étais présent sur place, que rien ne
22 pouvait être décidé ou fait sans qu'ils en soient d'accord. D'ailleurs, les
23 Serbes de la région ou les Serbes locaux avaient peur de ces hommes, car il
24 était évident que les membres de ces unités étaient des hommes qui
25 n'auraient pas hésité à commettre un crime et à tuer, et les Serbes locaux
26 n'étaient pas toujours d'accord avec eux. Mais s'ils montraient qu'ils
27 n'étaient pas d'accord avec eux au sujet du comportement manifesté à
28 l'égard des prisonniers, par exemple, les membres de ces unités spéciales
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1 venues de Serbie leur créaient immédiatement des problèmes.
2 D'ailleurs, ils n'avaient pas, non plus, confiance dans les Serbes de
3 la région qui avaient contracté des mariages mixtes avec des membres
4 d'autres groupes ethniques de Bosnie-Herzégovine.
5 Lorsqu'ils m'ont emmené au poste de police et qu'ils ont amené devant
6 moi Djordjevic, surnommé Crni, le capitaine qui était présent sur place
7 tournait autour de cet homme et donnait des ordres à tous les membres des
8 unités spéciales. Et à ce moment-là, un membre du 4e Détachement s'est
9 approché de lui, il s'agissait de Simo Zaric, et il a fait un geste pour
10 lui dire de s'écarter, en dépit de l'aspect important de la question que
11 l'autre voulait lui soumettre, de ce que Zaric voulait lui dire.
12 Q. Monsieur, dans la partie antérieure de votre déposition, vous avez
13 décrit ce que vous avez vécu alors que vous étiez emprisonné dans plusieurs
14 lieux différents en Bosnie et plus tard en Serbie. Nous n'aurons pas besoin
15 de revenir en détail sur tout cela puisque cela a fait l'objet de dépôt de
16 pièces au dossier, mais j'aimerais vous demander de nous donner quelques
17 détails au sujet de cette détention.
18 Quand avez-vous été arrêté ?
19 R. J'ai été arrêté le 18 avril 1992.
20 Q. Qui vous a arrêté ?
21 R. A ce moment-là, au moment de mon arrestation, j'étais dans
22 l'appartement d'un de mes collègues, un avocat, Borislav Pisarevic, et ces
23 membres des unités spéciales se sont approchés de moi. L'un des membres de
24 ces unités venues de Serbie s'est approché de moi, accompagné d'un policier
25 de la région, et ils m'ont emmené au poste de police et m'ont remis
26 immédiatement entre les mains de ce Djordjevic, surnommé Crni, qui était le
27 capitaine dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui m'a demandé de faire une
28 annonce à la radio de Samac, une annonce déterminée, ce que j'ai été obligé
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1 de faire, bien entendu.
2 On m'a donc emmené jusqu'au siège de la radio locale, c'est un des
3 membres de ces unités spéciales qui m'a accompagné. On m'a posé des
4 questions, puis on m'a donné une déclaration écrite par eux, qu'il fallait
5 que je lise, et je l'ai effectivement lue. Par la suite, ils m'ont ramené
6 au poste de police, on m'a placé dans une pièce où j'ai été interrogé par
7 deux hommes qui se sont présentés comme des Tigres d'Arkan. Je ne peux pas
8 vous donner tous les détails maintenant, mais -- je ne sais pas d'ailleurs
9 si c'est nécessaire, mais ils ont appelé quelqu'un au téléphone à Valjevo,
10 une jeune fille; ça, je m'en souviens très bien. Et pendant qu'un homme me
11 frappait, ils lui parlaient au téléphone de façon à ce qu'elle puisse
12 entendre qu'ils faisaient bien leur travail, des choses comme ça.
13 Q. Monsieur, quelques questions de suivi par rapport à votre dernière
14 réponse, pour tout bien préciser.
15 Vous avez évoqué un certain Crni, Djordjevic. Connaissez-vous son
16 vrai nom ?
17 R. Dragan Djordjevic, surnommé Crni. C'était celui qui était le numéro un.
18 C'est lui qui commandait, et pendant que les coups pleuvaient, un certain
19 Zvezdan Jovanovic, et un certain Slobodan Miljkovic, un certain Lugar,
20 Musa, Bokan, Lacki, Beli -- tout cela, ce sont des surnoms, mais les hommes
21 qui ont participé au passage à tabac mentionnaient de temps en temps leurs
22 noms, et j'ai entendu ces noms.
23 Mais je n'ai pas été frappé une seule fois par un Serbe de la région. Ce
24 sont les membres de ces unités qui m'ont frappé. Leur but, c'était que les
25 amitiés traditionnelles qui existaient en Bosnie-Herzégovine sur base de
26 tolérance entre nous et les autres, leur but, c'était de détruire cette
27 amitié. Chaque fois que quelqu'un manifestait un peu de gentillesse par
28 rapport aux prisonniers, il avait des problèmes avec eux. Quand ils
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1 allaient à Gradacac ou ailleurs pour se battre, le directeur du poste de
2 police nommait quelqu'un qui me donnait à manger ou un peu d'eau ou --
3 enfin, tout ce dont on manquait à l'époque.
4 Q. Monsieur, lorsque vous avez décrit le moment où vous avez été arrêté,
5 vous avez dit qu'un membre des unités spéciales se trouvait là. Comment
6 saviez-vous que cette personne faisait partie des unités spéciales ?
7 R. Ils avaient un uniforme différent des autres. Je veux parler des
8 représentants locaux, qu'il s'agisse de la Défense territoriale serbe, de
9 la police serbe ou de la JNA. Les membres de la Défense territoriale serbe
10 portaient un uniforme de couleur gris vert olive, autrement dit, l'ancien
11 uniforme de la JNA; alors qu'eux portaient des uniformes bigarrés, de
12 plusieurs couleurs. Et puis, ils parlaient avec l'accent ékavien. Ce qui
13 permettait de penser qu'ils n'étaient pas du cru, qu'ils n'étaient pas
14 originaires de Bosnie.
15 Q. Président Tihic, pouvez-vous nous dire en quelques mots les différents
16 lieux où vous avez été détenu, et combien de temps vous avez été détenu
17 dans chacun de ces lieux.
18 R. J'ai d'abord été emmené au poste de police au moment de mon
19 arrestation, interrogé par ceux qui se présentaient comme étant les Tigres
20 d'Arkan. Après quoi, on m'a transféré dans un espace qui se trouvait au
21 siège de la Défense territoriale, en face du poste de police où j'avais
22 trouvé une cinquantaine d'autres hommes détenus comme moi. Deux jours plus
23 tard, on m'a ramené au poste de police pour interrogatoire, et je me suis
24 trouvé dans une pièce qui faisait peut-être un mètre 70 sur un mètre 20.
25 Nous étions neuf dans cette pièce, et nous n'avions qu'un banc pour nous
26 tous pour dormir. Et puis, je ne vais pas vous donner de détails de notre
27 état physique, mais enfin, on nous frappait, on n'avait aucune condition
28 d'hygiène valable. On ne pouvait même pas aller aux toilettes et encore
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1 moins faire de la gymnastique.
2 Ensuite, on m'a transféré dans la caserne de la JNA, où je dirais que le
3 traitement que j'ai reçu était à peu près correct, en tout cas, on ne nous
4 a plus frappés. Puis, on nous a transférés dans la caserne de Bijeljina où
5 on a passé deux jours ou trois jours. Puis, j'ai été placé dans ce groupe
6 de Samac comptant 50 à 60 hommes, et on nous a transférés en hélicoptère
7 ailleurs.
8 A bord de cet hélicoptère, il y avait des membres de ces unités
9 spéciales et un cercueil, et un responsable de la sécurité militaire, si je
10 ne me trompe. Donc, nous sommes arrivés en hélicoptère jusqu'à Batajnica,
11 où je suis resté entre le 3 et le 27 mai. De là, on a été transféré à
12 Sremska Mitrovica où nous avons été échangés le 14 août dans le cadre d'un
13 échange de très grande envergure, organisé par la -- Panic de Serbie et
14 Greguric de Croatie, et qui était un échange de tous contre tous.
15 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez nous dire où se trouve Batajnica ?
16 R. Batajnica est un aérodrome militaire non loin de Belgrade.
17 Q. Et Sremska Mitrovica ?
18 R. Sremska Mitrovica est en Serbie également. En Vojvodine, plus
19 précisément, à 50 ou 70 kilomètres de Belgrade.
20 Q. Je vous remercie.
21 Mme MARCUS : [interprétation] Je demanderais l'affichage du document 65 ter
22 2466.
23 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu'on voit sur cette photographie ?
24 R. Cette photo a été prise de la cour de l'état-major de la Défense
25 territoriale. Vous voyez, de l'autre côté, les bâtiments de la police ou le
26 bâtiment de la police plus exactement. Il y avait des détenus aussi bien
27 dans le bâtiment de la police qu'à l'état-major de la TO. Ces deux
28 bâtiments sont face à face, chacun d'un côté de la rue.
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1 Q. A votre connaissance, qui avait la responsabilité du centre de
2 détention à Bosanski Samac aussi bien dans le bâtiment de la TO que dans le
3 bâtiment de la police ?
4 R. Je ne sais pas qui en avait la responsabilité officielle. Nous étions
5 surveillés par les membres de la police régulière du poste de police de la
6 municipalité serbe.
7 Quant à savoir qui prenait les décisions en matière de détention ou
8 de libération des détenus, je pense que c'était ces forces qu'on disait
9 spéciales. Je sais que deux ou trois jours plus tard, lorsqu'ils avaient
10 décidé de me relâcher, Crni a dit : Tica, tu ne peux pas -- toi, tu ne peux
11 libérer personne sans mon autorisation. Donc, je suppose que c'est lui qui
12 avait la dernière voix au chapitre.
13 Q. Vous dites "Tico" ou "Tica", de qui parlez-vous ?
14 R. C'est lui qui a dit : Tihic, ne libère personne sans mon autorisation
15 préalable. Il ne faut pas libérer Tihic. Tout le monde avait compris, on ne
16 pouvait rien sans lui, même si ceux qui étaient de la région pensaient que
17 je devais être libéré. Pendant tout le temps que j'ai passé à Bosanski
18 Samac, c'était quotidien. Chaque nuit, on frappait les prisonniers. Et moi,
19 j'étais frappé tous les jours. Les Serbes de la région ne nous ont pas
20 frappés à ce moment-là. Plus tard, ils ont commencé à le faire, mais pas au
21 départ. Les autres nous passaient à tabac et nous dérobaient ce qu'on
22 avait. On m'a fait aller chez moi, on m'a dit d'aller chercher de l'argent.
23 C'était pareil pour mon frère; on devait l'amener à Djordjevic, cet argent,
24 à Crni. Il a apporté 15 000 marks allemands, et c'est par l'intermédiaire
25 d'un Serbe que l'argent était remis, supposément pour que cet argent
26 permette ma libération. Mais manifestement, ça ne s'est pas fait.
27 Q. Vous avez dit auparavant que vous avez fait partie d'un groupe de 50 ou
28 60 personnes qui étaient détenues. Quelle était la composition ethnique de
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1 ce groupe de détenus ?
2 R. C'étaient des Musulmans de Bosnie. Il se peut qu'il y en ait eu à peu
3 près 20 % qui étaient Croates. C'étaient les seuls critères utilisés pour
4 décider de la détention des gens. C'est quelque chose que je ne peux pas
5 comprendre, que je ne peux pas justifier.
6 C'est en ma qualité de président du SDA que j'ai été placé en
7 détention, c'était une raison suffisante, mais la plupart des autres
8 personnes avaient été placées en détention uniquement en raison de leur
9 origine ethnique. Il y en avait même qui étaient des membres du 4e
10 Détachement, et ça n'a pas empêché qu'ils soient placés en détention.
11 Q. Quel était le rapport ou, disons, le lien entre ceux qui étaient
12 responsables de votre détention et d'autres qui ont participé à d'autres
13 facettes de l'attaque sur Bosanski Samac ?
14 R. Vous voyez, je sais que les Serbes de la région, qu'ils fassent partie
15 de la police serbe ou de l'état-major de la TO ou du 4e Détachement,
16 n'avaient pas beaucoup d'estime pour ces forces spéciales venues de la
17 Serbie. Les gens de la région, on voulait qu'ils s'en aillent parce qu'ils
18 représentaient une menace pour eux.
19 J'étais dans un bureau après que Slobodan Miljkovic, dit Lugar, un
20 membre des forces spéciales, a tué quelqu'un avec une arme de poing. Et
21 Simo Zaric, un des commandants du 4e Détachement, appelé Nikola Nikolic, a
22 dit qu'il devait venir pour sauver les prisonniers parce qu'il craignait
23 que tous soient tués. Mais personne ne pouvait leur donné d'ordres. Ils se
24 moquaient de Nikolic et de tout le monde, d'ailleurs. Ces hommes avaient
25 leur propre autorité, leur propre pouvoir, et personne ne pouvait leur
26 donner d'ordres. Je pense qu'il y avait quand même un certain degré de
27 coordination pendant l'attaque menée sur Bosanski Samac. Il y avait des
28 éléments communs à ces deux groupes.
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1 Q. Soyons clairs, entre quels groupes ?
2 R. Je vous parlais de ces deux groupes; les forces spéciales d'un côté, et
3 de l'autre, les gens du coin. Il y a les forces spéciales d'un côté et de
4 l'autre, les Serbes de la région. Et plusieurs entités armées, comme la
5 police, l'état-major de la TO, le 4e Détachement qui essayait de se
6 présenter comme faisant partie de la JNA. Et ce 4e Détachement disait qu'il
7 voulait être là pour empêcher tout conflit interethnique, mais finalement,
8 ils n'ont contribué qu'à réaliser ce projet. Et ils ne servaient qu'une
9 seule composante de la population. Il y avait des gens de la JNA quelque
10 part, je ne sais pas ce qu'ils faisaient exactement.
11 Mais sans eux, rien n'aurait été possible parce qu'ils nous apportaient un
12 soutien logistique. Il y avait des véhicules de combat, les leurs, qui sont
13 entrés dans Samac, une fois la ville occupée.
14 Q. Comment a-t-on organisé le transfert du camp jusqu'à Brcko ?
15 R. Après qu'un Croate eut été tué par Lugar, Slobodan Miljkovic, et à la
16 demande de Savic, le lieutenant-colonel Nikolic a envoyé une unité, un de
17 ses groupes qui était équipé de véhicules. De cette façon, nous allions
18 pouvoir être transférés à Brcko. Mais auparavant, on a fait toute une
19 histoire pour savoir qui allait rester, qui allait être envoyé à Brcko. On
20 craignait que ceux qui allaient rester soient tués et que ceux qui allaient
21 être envoyés à Brcko, aux soins de l'armée, ceux-là survivraient. Et je
22 sais qu'à un moment donné, lorsque la liste a été établie, Savic est venu
23 et m'a dit : J'ai réussi à te faire partir à Brcko. Tu seras avec la JNA.
24 La plupart d'entre nous sont montés à bord des Pinzgauer. Ils ont été
25 emmenés à Brcko. Une fois arrivés à la caserne de Brcko, les soldats, la
26 police militaire avaient préparé notre arrivée. Ils étaient prêts à nous
27 rouer de coups. Mais lorsqu'ils se sont rendu compte de l'état dans lequel
28 nous étions, lorsqu'ils ont vu les ecchymoses, les blessures résultant des
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1 passages à tabac quotidiens, ils ont abandonné l'idée. A Brcko, nous
2 n'avons pas été frappés. On nous a menacés. Il y avait des membres des
3 Bérets rouges qui sont venus et ils ont dit qu'ils allaient nous égorger.
4 Ce membre, un des membres des Bérets rouges, a été chassé par la police
5 militaire.
6 Q. Est-ce qu'il y avait présence de Crni et d'autres forces spéciales de
7 Serbie lorsque vous avez été transférés de Bosanski Samac à Brcko ?
8 R. Je ne pense pas. Je sais qu'ils étaient pressés, ils voulaient nous
9 faire partir à Brcko le plus vite possible avant qu'ils ne reviennent. A ce
10 moment-là, les forces spéciales étaient allées quelque part. Pourquoi ils
11 quittaient Bosanski Samac l'espace de quelques heures, je ne sais pas où
12 ces hommes sont allés. Sont-ils allés sur la ligne de front, sont-ils allés
13 se livrer à des actes de pillage, je ne sais pas. Mais pendant qu'ils
14 partaient, c'est à ce moment-là que nous avons été emmenés, parce que s'ils
15 étaient revenus, il n'était pas sûr que nous parvenions à être emmenés.
16 Q. Après Brcko, vous avez été détenus à Bijeljina. Qui commandait le
17 centre de détention de Bijeljina ?
18 R. Je ne sais pas. C'était contrôlé par la JNA. Il s'y trouvait quelques
19 officiers. Il y avait aussi un Musulman, je m'en souviens.
20 Q. Est-ce que vous avez vu des unités spéciales de la Serbie pendant votre
21 détention à Bijeljina ?
22 R. Non. Il y a un garde qui nous a menacés. Il a dit qu'Arkan allait
23 revenir et qu'on aurait ce qu'on méritait. Mais personne n'est revenu.
24 Q. Lorsque vous avez été transférés de Bijeljina à Batajnica, est-ce que
25 vous avez vu des membres des forces spéciales ?
26 R. Je vous l'ai dit il y a un instant, lorsque nous sommes montés dans
27 l'hélicoptère, il y avait un cercueil dans lequel se trouvait le corps d'un
28 soldat serbe qui avait été tué. Et nous avons été placés autour de ce
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1 cercueil. Nous avons été menottés. Et il y avait aussi un membre de la
2 force spéciale qui portait un espèce de, pas un bonnet mais une cagoule, un
3 genre de cagoule. C'est comme ça que nous l'avons reconnu.
4 Il y avait aussi un civil dans cet hélicoptère. Ce membre des forces
5 spéciales voulait nous éjecter de l'hélicoptère, mais il en a été empêché
6 par ce civil. Et puis, quelques jours après notre arrivée à Batajnica, j'ai
7 rencontré ce civil. En fait, c'était un commandant des services de
8 sécurité. Et c'est lui qui a procédé à mon interrogatoire.
9 Q. Est-ce que vous avez vu des membres des forces spéciales pendant votre
10 détention à Batajnica ?
11 R. Non. Il y avait des soldats et des soldats des forces régulières, et
12 aussi des membres des forces de réserve.
13 Q. Et pendant votre détention à Sremska Mitrovica, est-ce que vous en avez
14 vu ?
15 R. Non. Je n'en ai pas vu à Sremska Mitrovica, sauf une fois lorsqu'on
16 nous a fait sortir pour une promenade dans la cour. Il y avait des gens qui
17 ont crié. Ils étaient à l'étage supérieur et ils ont dit que c'étaient des
18 hommes d'Arkan et ils menaçaient de nous égorger. Mais les gardes nous ont
19 dit que ces hommes d'Arkan avaient commis des crimes à Bijeljina et qu'ils
20 étaient en détention pendant quelques jours, deux ou trois jours; parce que
21 la fois suivante, lorsqu'on nous a fait sortir, il n'y avait plus personne
22 à l'étage. On les a vus. Ils étaient près d'une fenêtre, et ils nous
23 menaçaient. Mais nous n'avons pas eu de contact direct avec ces hommes.
24 Q. Pendant votre détention qui a commencé le 18 avril et s'est terminée le
25 24 août 1992, dans quels lieux avez-vous subi les pires traitements ?
26 R. A Bosanski Samac. Imaginez que quelqu'un vous enferme dans une pièce de
27 deux mètres sur deux. Nous sommes neuf, et il n'y a qu'un banc, et vous
28 êtes roués de coups de façon incessante. On menace de vous tuer. J'ai
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1 expliqué tout cela de façon détaillée. Je vous ai dit qu'on nous faisait
2 sortir la nuit et qu'il y avait un peloton d'exécution. Vraiment, de loin,
3 Bosanski Samac était le pire de ces lieux. Ils pouvaient venir nous tuer à
4 tout moment, et nous avons subi des sévices physiques de façon incessante.
5 Bien sûr, on m'a battu le plus à Sremska Mitrovica, mais quelque part, il y
6 avait un peu d'ordre. En général, on nous frappait. C'était en règle
7 générale après les repas du matin et à midi, mais personne ne venait vous
8 chercher à la pointe de l'arme comme à Samac. Vraiment, c'est à Samac que
9 ça a été le pire.
10 Q. Pendant ces mois de détention, est-ce que vous avez fourni des
11 entretiens aux médias et, si ce fût le cas, combien de fois ?
12 R. Cinq fois, je pense. La première fois, c'était à Radio Samac; la
13 deuxième fois, ce fût pour la télévision de Novi Sad, lorsqu'on a été
14 transférés de Brcko à Samac, uniquement pour faire cette déclaration; la
15 troisième fois, ce fût à Batajnica. Il y avait Miroslav Lavanski, c'était
16 un journaliste qui était là pour cet entretien. La quatrième fois, ça a été
17 pour Sky News à Sremska Mitrovica. J'ai parlé avec une autre personne,
18 c'était un Yougoslavie de l'armée croate, à Vukovar. Et la cinquième fois,
19 ce fût pour Borba. C'était un journaliste du quotidien Borba qui a parlé à
20 plusieurs personnes, dont moi, la veille de l'échange.
21 Q. Est-ce que vous avez procédé à ces entretiens de votre propre gré ou
22 est-ce que vous avez été obligé de le faire ?
23 R. Ce n'était pas quelque chose que j'ai fait de bon gré. Je devais dire
24 ce qu'ils me disaient de dire. Par exemple, à Bosanski Samac, j'ai dit que
25 personne ne nous avait frappé et qu'il n'y avait aucun problème. Ils nous
26 ont toujours dit ce qu'il fallait que nous disions. A Sremska Mitrovica, on
27 était supposé dire que nous avons suffisamment à manger, qu'on pouvait
28 faire des exercices physiques, qu'on pouvait se doucher, tout ce
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1 qu'exigeait la Croix-Rouge. Ces messages étaient censés être envoyés à
2 Sarajevo et ailleurs. Quand j'ai fait cette déclaration à Samac, le
3 capitaine m'a dit : Faites venir Tihic après l'entretien, je veux
4 l'interroger.
5 C'était parfaitement clair. On savait exactement ce que nous étions
6 censés dire. Un des commandants du 4e Détachement, Simo Zaric, était
7 présent à l'entretien. Le journaliste qui était là, c'était simplement pour
8 faire décoration. Je veux dire, il a posé une seule question, et même la
9 seule question qu'il a posée, on la lui avait soufflée. C'était le chef du
10 poste de police qui lui avait dit ce qu'il fallait demander, et tout ça en
11 dépit des traces de blessures qui étaient manifestes, visibles.
12 Q. Revenons à chacun de ces entretiens.
13 La première fois, ce fût un entretien donné à la radio. Ça s'est passé
14 quand, vous vous souvenez de la date ?
15 R. Le 18, le jour de mon arrestation, lorsque je suis allé voir le
16 capitaine Crni, Djordjevic. Il voulait que j'aille à la radio de Samac pour
17 dire publiquement qu'il fallait rendre les armes et que les autorités
18 serbes allaient veiller à la sécurité de tout un chacun. On m'a remis une
19 déclaration écrite que j'étais censé lire. Un membre des forces spéciales a
20 été présent tout du long.
21 Q. Pour ce qui est du deuxième entretien, qui vous a forcé à faire cette
22 déclaration ?
23 R. Ça s'est passé dans la caserne de Brcko. Personne n'a posé de
24 questions. On m'a dit simplement que je devais aller à Samac, qu'il s'y
25 trouvait un capitaine, et on m'a dit que je devais faire une déclaration à
26 l'intention de la télévision. A mon arrivée, j'y ai vu d'autres personnes
27 qui étaient en détention avec moi. Certains venaient de Brcko. Dans la
28 pièce où nous avons fait cette déclaration, Stevo Todorovic, le chef de la
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1 police, était présent, ainsi que Simo Zaric. C'était un des commandants du
2 4e Détachement, qui m'avait en fait interrogé et qui avait procédé à cette
3 interview.
4 C'est à peu près tout.
5 Avant qu'il n'y ait cet entretien, on m'avait emmené chez moi pour
6 que je me douche, que je change de vêtements, pour que j'aie un air un peu
7 acceptable; et ceux qui m'ont emmené ont dit que je devais être juste dans
8 ce que je disais, mais qu'on allait me demander certaines choses, que je ne
9 devais accuser personne, parce qu'il se pouvait qu'on soit libérés le 1er
10 mai. Ça s'est passé, tout ceci, en fin du mois d'avril. On m'a dit : Fais
11 attention à ce que tu dis parce que tu vas peut-être être libéré bientôt,
12 et ne dis rien qui ne déplaise.
13 Q. Je vais vous montrer une brève séquence de cet entretien.
14 Mme MARCUS : [interprétation] Il s'agit du numéro 125 de la liste 65 ter.
15 Je vais me tourner vers Mme Lausel, notre commis à l'affaire, pour qu'elle
16 diffuse cette courte séquence.
17 [Diffusion de la cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Journaliste : Monsieur Tihic, dites-moi
19 franchement, que pensez-vous des autorités actuelles se trouvant sur le
20 territoire de la République serbe de Bosnie-Herzégovine; pour le dire
21 autrement, comment la police serbe vous traite-t-elle, les Musulmans, vous
22 et les autres citoyens ? Soyez franc.
23 Tihic : Eh bien, pour ce qui est de l'attitude de la police serbe, des
24 membres de la police serbe en tant que tel, je n'ai eu aucune difficulté
25 personnelle. Je peux dire que ces personnes nous ont traités de façon
26 juste."
27 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
28 Mme MARCUS : [interprétation]
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1 Q. Dans quel état étiez-vous à ce moment-là, au moment où vous avez
2 prononcé ces mots, pour autant que vous vous en souveniez ?
3 R. Ecoutez, si vous regardez de plus près, vous voyez que j'ai une
4 ecchymose sur le côté droit de mon visage, et l'ecchymose avait jauni parce
5 que j'avais subi les derniers passages à tabac quelques jours auparavant.
6 J'étais épuisé. Je n'ai pas menti lorsque j'ai dit cela. J'ai dit que je
7 n'avais pas été frappé par quelqu'un de la police serbe de Bosanski Samac,
8 mais j'avais été frappé par d'autres, bien entendu; mais ça, je ne pouvais
9 pas le dire. Je ne pouvais pas dire que j'avais été passé à tabac par les
10 membres des forces spéciales.
11 Q. Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire dans quelles conditions vous
12 avez été transférés après cet entretien au centre de détention de Brcko ?
13 R. Après cet entretien, on nous a ramenés rapidement à Brcko parce que les
14 Serbes locaux et Simo Zaric, ainsi que Simo Krunic, voulaient que ces
15 véhicules soient rapidement ramenés à Brcko parce que durant l'entretien,
16 les forces spéciales étaient parties et les personnes locales avaient peur
17 qu'elles reviennent et qu'entre-temps, des crimes soient commis. Par
18 conséquent, les soldats nous ont ramenés à Brcko.
19 Mme MARCUS : [interprétation] Pour ce qui est du compte rendu d'audience,
20 je voudrais rappeler que la pièce 758 de la liste 65 ter est l'entretien du
21 témoin à Bosanska Mitrovica, et la pièce 1022 de la liste 65 ter est son
22 entretien à Borba.
23 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais revenir à ce qui s'est passé avec les
24 forces spéciales. Est-ce que vous pourriez me dire comment vous saviez que
25 ces forces spéciales venaient de Serbie ?
26 R. Parce qu'avant d'être arrêté, mon parti m'avait dit qu'ils arrivaient.
27 On m'avait dit que les Bérets rouges étaient arrivés par hélicoptère.
28 Maintenant, comment les ai-je reconnus ? Par leur dialecte, le
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1 dialecte ékavien, par le dialecte ékavien et par les uniformes de
2 camouflage qu'ils portaient. Les autres avaient des uniformes de police ou
3 des uniformes gris. Ils avaient également des insignes différents avec
4 différents macarons. Tout le monde pouvait faire la différence. Si vous
5 essayez d'identifier dix personnes armées, les locaux auraient tout de
6 suite reconnu les forces spéciales par leurs vêtements et par leur
7 comportement. Il était facile également de les reconnaître lorsqu'on
8 bénéficiait du traitement qu'ils nous faisaient subir, lorsqu'ils
9 arrêtaient et torturaient les gens.
10 Q. Vous avez fait référence à plusieurs reprises au dialecte ékavien. Est-
11 ce que vous pourriez nous expliquer ce que cela signifie ?
12 R. Désolé, je n'ai pas compris.
13 Q. Vous avez dit que ces personnes parlaient un dialecte "ékavien". Est-ce
14 que vous pourriez expliquer ce que cela signifie ?
15 R. Dans l'ex-Yougoslavie, nous utilisions des langues similaires ou des
16 dialectes similaires à une langue qu'on appelait le serbo-croate. Et la
17 langue serbe présentait des différences par rapport à la langue que nous
18 utilisions en Bosnie-Herzégovine. Ils n'avaient pas la syllabe IJ; nous
19 disions "Mlijeko" pour le lait, alors qu'eux disaient "mleko" avec un j.
20 Ils avaient également, bien sûr, un accent différent. On pouvait les
21 comprendre, bien sûr, mais on pouvait savoir d'où ils venaient. Il en va de
22 même pour quelqu'un qui venait de Zagreb, on pouvait tout de suite
23 déterminer que cette personne ne venait pas de Bosnie-Herzégovine. Je ne
24 sais pas si je suis arrivé à me faire comprendre.
25 Q. Le dialecte ijkavien vient de quelle région ?
26 R. Il vient de la région Ekavica,- Ijkavica, c'est en Bosnie-Herzégovine.
27 La distinction est très claire et on ne peut vraiment pas se tromper.
28 Q. A quel moment vous êtes-vous rendu compte de l'influence que les forces
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1 spéciales avaient sur les structures des autorités serbes locales ?
2 R. Je m'en suis tout de suite rendu compte lorsque j'ai été emmené au
3 poste de police. Il y avait l'officier de garde, le capitaine Djordjevic,
4 qui donnait des ordres, des ordres à l'intention de ses propres hommes,
5 mais également à d'autres personnes en uniforme, ceux qui étaient issus du
6 4e Détachement. Tous ceux qui étaient autour de lui et qui lui posaient des
7 questions recevaient ses ordres. Et c'est lui qui m'a demandé de participer
8 à cet entretien radio. C'est eux qui m'ont emmené à lui. Personne d'autre.
9 C'est vers lui que j'ai été emmené.
10 Q. Dans vos dépositions précédentes et dans les dépositions d'aujourd'hui,
11 vous avez mentionné différents termes, tels que, par exemple, les Bérets
12 rouges ou les Tigres d'Arkan. Vous avez également mentionné les forces
13 spéciales de Serbie. D'après votre expérience et vos connaissances, est-ce
14 que vous pourriez nous expliquer s'il y avait des liens entre ces
15 différents groupes ?
16 R. Quand on leur parlait, il fallait baisser la tête, on ne pouvait pas
17 les regarder dans les yeux. Et ils se présentaient en montrant leurs
18 insignes. Lorsque les Tigres d'Arkan m'ont interrogé, ils ont montré leurs
19 insignes. Et puis, un autre homme a montré d'autres insignes, les quatre S,
20 par exemple; il s'agit de quatre S en cyrillique.
21 Mais qu'il s'agisse des Tigres d'Arkan ou d'autres personnes,
22 Djordjevic, Crni, était le commandant qui chapeautait tous ces hommes, et
23 c'est lui qui donnait les ordres.
24 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait présenter la pièce de
25 la liste 65 ter numéro 647. Il s'agit d'une des pièces associées.
26 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous reconnaissez cet insigne ?
27 R. Oui, je reconnais ce signe, ce sont les Tigres d'Arkan. Je l'ai vu au
28 moins deux fois; la première fois, lorsque j'étais emmené au poste de
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1 police le 18 avril; et puis, la deuxième fois -- parce que la personne
2 concernée me l'a montré et m'a dit qu'il s'agissait des Tigres d'Arkan. Et
3 puis, lorsque j'étais à l'état-major de la Défense territoriale, il y en
4 avait 50 ou 60, et ils chantaient des hymnes glorifiant le peuple serbe; il
5 y avait des chants chetniks également. Je ne sais pas si cette Chambre est
6 au courant de cela, mais ce sont les Chetniks, ce sont eux qui ont été du
7 côté d'Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. C'était ce type de chants
8 qui étaient chantés. Il y en avait qui étaient des chants de haine à
9 l'encontre d'autres groupes ethniques, et ils nous ont demandé, de la même
10 manière, comment on pouvait glorifier Arkan.
11 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait demander à la Greffière
12 d'audience de présenter à l'écran la pièce 3680 de la liste 65 ter, s'il
13 vous plaît. 3680.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Marcus, votre référence à un
15 document de la liste 65 ter 647 aurait dû porter la cote P31 parce que
16 c'était un des documents qui avaient déjà été versés au dossier, de façon à
17 éviter que nous ayons à rechercher ce document.
18 Donc, pour ce qui était des macarons ou des badges des Tigres
19 d'Arkan, c'était la pièce P31.
20 Mme MARCUS : [interprétation] Très bien. Merci.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer.
22 Mme MARCUS : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.
23 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous reconnaissez cet écusson qui
24 est sur la droite de l'écran ?
25 R. C'est exactement ce dont je parlais il y a quelques secondes, lorsqu'un
26 des spécialistes est arrivé, un des membres des forces spéciales. Vous
27 voyez qu'il y a les quatre S en cyrillique, et vous voyez sur la droite, il
28 y a les Tigres d'Arkan. Et vous voyez comment les S sont disposés sur cet
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1 écusson, c'est-à-dire qu'ils sont disposés à l'inverse. Il nous a expliqué
2 qu'il n'y avait pas d'accord au sein des Serbes parce que ces 4 S étaient
3 opposés les uns aux autres. Et eux, ils les avaient mis dans le sens
4 inverse de façon à ce que cela symbolise plus d'unité, parce qu'ils se
5 faisaient face.
6 Je me souviens très bien de cet écusson, de cet insigne, parce qu'ils
7 nous avaient raconté cette anecdote.
8 Q. Merci.
9 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait remplacer cette cote
10 par la pièce 141 de l'Accusation, s'il vous plaît.
11 Q. Est-ce que vous avez déjà vu cet écusson lorsque vous avez séjourné à
12 Bosanski Samac ?
13 R. Je l'ai probablement déjà vu. Mais je vous ai donné ces exemples, il y
14 a quelques minutes. Et je m'en souviens parce qu'il y avait d'autres
15 insignes qui m'étaient présentés.
16 Je ne me souviens pas exactement quand j'ai vu cet écusson-là, je ne
17 me souviens pas à quelle occasion précise. Mais je me souviens des deux
18 précédents parce que je les ai associés à l'interrogatoire principal et aux
19 explications qui m'avaient été fournies par ce membre des unités spéciales.
20 Il s'agit des Loups gris.
21 Vous savez quand vous êtes pris par la peur, vous ne pouvez pas
22 vraiment vous concentrer sur ce genre de choses. Et puis, il y avait
23 énormément d'uniformes. Donc, je ne me souviens pas exactement du moment où
24 j'ai vu cet écusson pour la première fois.
25 Q. Vous nous avez expliqué que quelqu'un dénommé Crni, Dragan Djordjevic,
26 était un responsable. Est-ce que vous savez qui était son supérieur ?
27 R. Bien sûr, je me dois de dire toute la vérité, rien que la vérité, mais
28 je ne me souviens pas si j'en ai entendu parler ou pas, est-ce que c'était
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1 Djordjevic qui m'a emmené là-bas. C'était un membre du MUP fédéral qui
2 avait pris sa retraite et qui avait repris du service. Maintenant, quant à
3 savoir qui était son supérieur, je suppose que son supérieur était à
4 Belgrade, certainement pas auprès d'une autorité locale. Et puis, il
5 n'était pas, non plus, sous les ordres de l'armée, des instances locales,
6 que ce soit Nikolic, ou Zaric, ou Todorovic qui était le commandant des
7 forces serbes à Samac. Il était sous les ordres de quelqu'un à Belgrade,
8 mais je ne sais pas qui cela était.
9 Il se comportait de telle manière -- si vous voulez, ça nous donne
10 l'impression que tout ce qui se passait n'était vraiment rien du tout, et
11 qu'il était sous les ordres de quelqu'un qui était basé à l'extérieur de la
12 Bosnie-Herzégovine. C'est ce que j'ai pu en déduire, peut-être le ministère
13 de l'Intérieur de la Serbie ou la sécurité de l'Etat, je ne sais pas. Je
14 peux, bien sûr, essayer de vous dire qui ça aurait pu être dans la
15 structure de notre société. Ce n'était pas l'armée, sur la base de ce que
16 j'ai pu vivre. Je pense que c'était quelqu'un à Belgrade, une structure de
17 police au sein du ministère de l'Intérieur.
18 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait passer à huis clos
19 partiel, s'il vous plaît.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
22 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
24 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander à la
25 Greffière d'audience de présenter la pièce 4866 de la liste 65 ter. Il
26 s'agit des premières pages, tant pour la version anglaise que la version en
27 B/C/S.
28 Pourrions-nous avoir la deuxième page pour la version en B/C/S, s'il
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1 vous plaît.
2 Q. Est-ce que vous reconnaissez les noms qui apparaissent à l'écran ?
3 R. C'est probablement Dragan Djordjevic, qui était à Samac.
4 Q. Il a, pour date de naissance, le 14 novembre 1962; est-ce que cela
5 correspond à peu près à l'âge qu'il avait à l'époque ?
6 R. Oui, c'est possible. Il était plus jeune que moi, et moi, je suis né en
7 1951. Et là, on voit que sa date de naissance est le 14 novembre 1962.
8 Donc, il a dix ans de moins que moi; c'est possible.
9 Q. Est-ce qu'il s'agit du Dragan Djordjevic que vous avez mentionné, avec
10 comme autre nom d'emprunt Crni ou surnom ?
11 R. C'est possible --
12 M. PETROVIC : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
14 M. PETROVIC : [interprétation] Sur la base de ce document, il s'agit d'un
15 document qui mentionne un nom et un prénom. Et le témoin n'a jamais vu ce
16 document, peut-être mis à part la séance de récolement. Je me demande
17 comment, sur la base d'un nom et d'un prénom, un nom et un prénom qui sont
18 très communément répandus en Serbie, ce témoin peut conclure de qui il
19 s'agit.
20 Avec tout le respect que je dois au témoin, je ne pense pas qu'il
21 puisse faire autre chose que se lancer dans des conjectures. Peut-être que
22 nous pourrons parler d'autres aspects de ce document un peu plus tard,
23 lorsque nous aurons ce document versé comme pièce au dossier.
24 Merci.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic, quelle est votre
26 objection ?
27 M. PETROVIC : [interprétation] Mon objection est à deux niveaux.
28 Tout d'abord, on demande au témoin de se lancer dans des conjectures.
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1 Et c'est en posant des questions de ce type qu'on s'amène à des
2 conjectures, c'est-à-dire on essaie de procéder à des devinettes; c'est la
3 première objection. Deuxièmement, de manière indirecte, par le truchement
4 de ces questions, ce qu'on essaie d'obtenir, c'est de verser cette pièce au
5 dossier sur la base de ces conjectures.
6 Donc, il y a deux volets à mon objection.
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation] --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.
9 Que le témoin se lance dans des conjectures ou pas et que cela ait des
10 conséquences sur notre décision de verser cette pièce au dossier ou pas, ce
11 sera à nous de voir.
12 Quoi qu'il en soit, Madame Marcus, est-ce que vous pourriez peut-être
13 essayer de déterminer si ce nom est vraiment communément répandu ? Et mis à
14 part le fait que l'âge semble concorder, est-ce que vous pourriez avoir une
15 base factuelle solide, de façon à ce qu'ensuite le témoin puisse être en
16 mesure de tirer des conclusions valables à partir de ce document. Nous
17 devons déterminer les faits sur lesquels le témoin peut fonder ses
18 conclusions, et pour savoir s'il s'agit vraiment de la même personne.
19 Maître Petrovic, vous auriez pu, en passant, traiter ceci dans votre
20 contre-interrogatoire, et je ne pense pas qu'on puisse aller jusqu'à dire
21 qu'il s'agit ici de conjectures.
22 Madame Marcus, vous pouvez continuer en gardant à l'esprit mes conseils.
23 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Pour information, il s'agit en fait d'un document, document numéro
25 329, première requête de l'Accusation, qui a été donc déposée le 23
26 novembre 2009, et ceci a été reçu suite à une RFA 1382 émanant des archives
27 du MUP en Serbie. Il s'agissait donc d'une demande de renseignement portant
28 la cote 382.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
2 Mme MARCUS : [interprétation]
3 Q. Monsieur Tihic, est-ce que vous pourriez nous dire si vous connaissez
4 quelqu'un d'autre répondant au nom de Dragan Djordjevic à Bosanski Samac à
5 cette époque ?
6 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas. J'ai toujours dit qu'en ce qui
7 concerne l'âge, le nom, le prénom, il pourrait s'agir de cette personne. Je
8 sais qu'il avait terminé ses années de lycée, et qu'ensuite il avait été
9 nommé commandant de brigade et, ensuite des personnes au niveau de l'état-
10 major de l'armée de Republika Srpska s'étaient plaintes en se demandant
11 comment quelqu'un qui n'avait été qu'à l'école secondaire aurait pu être
12 nommé à ce poste. Il s'était marié à Samac, également. Vous pouvez vérifier
13 cela. Il s'est marié avec une jeune fille du même village. Donc, vous
14 pouvez vérifier s'il s'agit de la même personne. Ça doit être dans le
15 registre des mariages.
16 Mme MARCUS : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, nous
17 voudrions verser ce document, pas parce que c'est basé sur la déposition
18 mais parce qu'il s'agissait, en fait, d'une demande de renseignement, une
19 RFA 1382, émanant des archives du MUP de Serbie.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez une objection ?
21 M. KNOOPS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons une
22 objection quant au versement de ce document au dossier pour deux raisons.
23 Tout d'abord, pour les questions d'authenticité; et puis, deuxièmement,
24 parce que le témoin s'est lancé dans des conjectures pour ce qui est de
25 l'identification de la personne mentionnée dans le document.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'entendez-vous par "se lancer dans des
27 conjectures" ?
28 M. KNOOPS : [interprétation] Je crois que vous avez demandé à l'Accusation
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1 de déterminer les faits de manière plus tranchée et --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qu'a-t-il dit avant cela ?
3 M. KNOOPS : [interprétation] Il a dit qu'il s'agissait probablement de
4 Dragan Djordjevic. C'est donc de nouvelles conjectures. Et puis, il a
5 également essayé d'évaluer à peu près l'âge de cette personne. Il n'a pas
6 été en mesure d'identifier les mouvements de cette personne.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qu'entendez-vous par conjectures,
8 pour ce qui est de l'âge de cette personne ?
9 M. KNOOPS : [interprétation] Je crois que c'est à la ligne 12.
10 En fait, il s'agit des propos repris aux lignes 14 à 16, à la page
11 53, je cite :
12 "Ça pourrait être le cas. Il était plus jeune que moi. Je suis né en
13 1951 et il est né en 1962, donc il devait avoir dix ans de moins."
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il s'agit de
15 conjectures. Je pense que se comparer à la date de naissance de quelqu'un
16 d'autre ne relève pas vraiment de conjectures. Je crois que le témoin s'est
17 borné à dire que l'autre personne était plus jeune que lui, et il a donc
18 fait remarquer qu'il y avait une différence d'âge et qu'en fonction de leur
19 date de naissance, cela concordait avec ce qu'il avait observé à l'époque.
20 Alors, tout d'abord, ce document a été versé. Je ne sais pas si vous avez
21 répondu au fait que ce document avait déjà été versé.
22 M. KNOOPS : [interprétation] Oui, c'est le cas.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et dans ce cas-là ?
24 [Le conseil de la Défense se concerte]
25 M. KNOOPS : [interprétation] Nous n'avons pas traité de ceci précisément.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'était en ce qui concerne
27 l'authenticité. Est-ce que c'était par le biais du témoin ou par le biais
28 du fait que ce document avait été déjà versé ?
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1 M. KNOOPS : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est de
2 notre argument, à savoir qu'il s'agit de spéculations ou de conjectures, le
3 témoin n'était pas en mesure de se souvenir s'il y avait d'autres personnes
4 qui portaient le nom de Dragan Djordjevic. Il a répondu qu'il ne savait
5 pas.
6 Cela signifie que nous ne pouvons pas exclure qu'il ne connaissait
7 pas quelqu'un d'autre répondant au même nom. Il n'était pas vraiment très
8 clair à ce sujet. De plus, il n'a pas été en mesure de donner des détails
9 concernant la personne. Il dit : Je me souviens qu'il n'était pas allé plus
10 loin que le lycée.
11 Par conséquent, je pense qu'il n'y a aucune base pour verser ce
12 document au dossier parce que nous ne savons pas vraiment si nous avons
13 affaire à la même personne.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous impliquez que ce document ne
15 pourrait être versé que si le témoin peut déterminer qu'il s'agit vraiment
16 de la même personne ?
17 M. KNOOPS : [interprétation] Oui, tout à fait, parce que l'Accusation part
18 du principe que ce témoin parle de cette personne mentionnée, et l'objectif
19 de verser ce document part du principe qu'il n'y a aucun doute quant à
20 l'identité de ce dénommé Dragan Djordjevic.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une question de
22 poids ou de recevabilité ?
23 M. KNOOPS : [interprétation] Recevabilité, Monsieur le Président, parce que
24 si nous traitons d'une personne qui n'est pas la même que celle qui est
25 dans le document, nous versons ce document en partant du principe que nous
26 parlons de la même personne.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous ne pourriez pas
28 considérer que cette Chambre traiterait de ce document comme parlant de la
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1 même personne, si le témoin reconnaît le nom, le prénom et voit une
2 similarité quant à l'âge mentionné, et est-ce que vous pensez que cette
3 Chambre partirait par conséquent du principe qu'il s'agit de la même
4 personne ?
5 M. KNOOPS : [interprétation] Pas nécessairement. Je ne peux pas lire dans
6 vos esprits. Simplement, la base du versement de cette pièce devrait être
7 que ce témoin est en mesure d'identifier ladite personne dans ce document.
8 Deuxièmement, pour ce qui est de l'authenticité, la signature que vous
9 verrez en bas du document est en fait également remise en question par la
10 Défense. Ce n'est pas la signature de notre accusé.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre à la
12 dernière question ? Pour ce qui est de la première question, je vais poser
13 des questions.
14 Monsieur Tihic, est-ce que vous connaissez le nom des parents de la
15 personne que vous connaissez sous le nom de Djordjevic ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez où il est né ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire où se
20 trouve Vranje ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais où se trouve Vranje, mais je ne
22 connais personne originaire de Vranje.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais est-ce que vous pourriez nous
24 dire où se trouve Vranje ? Est-ce que ce n'est pas loin de --
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est en Serbie. Enfin, c'est un peu plus
26 loin. C'est dans la partie sud de la Serbie. C'est à environ 300 ou 400
27 kilomètres --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De Bosanski Samac ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
3 Alors, est-ce que je pourrais demander maintenant à l'Accusation de
4 traiter rapidement des points qui ont été soulevés.
5 Mme MARCUS : [interprétation] L'Accusation demande le versement de ce
6 document au dossier avant tout sur la base de son authenticité, qui résulte
7 du fait que ce document est arrivé des archives du MUP en Serbie. Donc, ce
8 document a été reçu par le bureau du Procureur par le biais d'une demande
9 d'entraide judiciaire, la RFA 1382. S'agissant de son authenticité, c'est
10 donc le fondement primaire de la demande de versement.
11 Quant au commentaire du témoin, le témoin ne peut dire que ce qu'il a dit.
12 Il ne peut que confirmer que c'est le même nom qu'il a évoqué pendant toute
13 sa déposition. Et par conséquent, je voulais lui montrer ce document et lui
14 demander s'il avait des commentaires à faire.
15 Mais le fondement principal de la demande de versement de ce document au
16 dossier, c'est en raison de son authenticité, qui résulte du fait qu'il a
17 été reçu suite à une demande d'entraide judiciaire, comme cela est expliqué
18 dans la requête écrite.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc votre avis, c'est que tout document
20 reçu par le biais d'une demande d'entraide judiciaire est par conséquent
21 authentique, pour ce motif, dirais-je.
22 Mme MARCUS : [interprétation] Je dirais que la réception d'un document
23 suite à une demande d'entraide judiciaire adressée au MUP de Serbie est une
24 bonne preuve de son authenticité. Mais le poids que ce document doit se
25 voir accorder est à déterminer, bien sûr, par la Chambre, notamment si on
26 compare son contenu à la déposition du président Tihic faite ici, devant
27 les Juges de la Chambre, s'agissant de déterminer s'il s'agit bien du même
28 individu que celui dont le président Tihic parle en ce moment.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous demandez l'admission de ce
2 document en vertu de son poids apparent. Mais ma question portait sur son
3 authenticité. Vous dites l'avoir reçu par le biais d'une demande d'entraide
4 judiciaire. Mais vous venez d'entendre ce que Me Knoops a dit à l'instant
5 au sujet de la signature, qui dit que ce n'est pas la signature de M.
6 Stanisic.
7 Est-ce que vous avez prêté attention à cela ?
8 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais nous
9 estimons que M. Stanisic ne peut contester un document qui figure dans la
10 demande de requête écrite pour versement automatique. Donc, il me semble
11 que nous aurons à vérifier sur le plan bureaucratique, avec votre
12 autorisation, nous ferons encore une vérification. Mais nous estimons que
13 la Défense Stanisic ne peut contester la teneur d'aucun des documents
14 évoqués dans la demande écrite pour versement automatique et donc, pas non
15 plus de celui-ci.
16 M. JORDASH : [interprétation] Je me lève à mon tour, peut-être pourrais-je
17 aider les Juges de la Chambre au sujet de cette demande de versement
18 automatique.
19 Nous répondons finalement par une absence de réponse. Nous disons que nous
20 ne pouvons pas répondre tant que le problème de l'acte d'accusation n'a pas
21 été réglé.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous parlez des documents et
23 de leur authenticité, mais vous affirmez qu'ils sont authentiques sans
24 vérification des signatures ?
25 M. JORDASH : [interprétation] Nous estimons simplement, c'est notre
26 position, que nous n'allons pas répondre en ce qui concerne la teneur du
27 document tant que le Procureur n'a pas établi un lien entre les documents
28 et un autre document plus particulier. Je me lève simplement pour dire
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1 qu'il n'est pas convenable que nous ayons à exprimer notre avis sur
2 l'authenticité de tous les documents. Nous ne prenons pas position dans un
3 sens ou dans l'autre eu égard aux documents qui font l'objet d'une demande
4 de versement automatique.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous examinerons la question plus
6 avant.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document sera donc enregistré aux
9 fins d'identification. La Chambre va ensuite se pencher sur la question de
10 savoir comment agir par la suite, à savoir est-ce que nous demanderons une
11 preuve d'authenticité ou pas et est-ce que le lien avec le témoin est
12 suffisant. Nous réfléchirons à cette question sous tous ces aspects.
13 Madame la Greffière.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
15 devient la pièce P179, enregistrée aux fins d'identification.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci bien, Madame la Greffière.
17 Je regarde l'horloge. Nous devons faire la pause.
18 Madame Marcus, pourriez-vous nous donner une idée du temps qu'il vous faut
19 encore.
20 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je dirais qu'il
21 me faut encore 20 minutes, au maximum 30, mais que j'essaierai d'être la
22 plus brève possible.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, vous dépasserez largement les
24 deux heures qui vous étaient imparties. Vous êtes donc invitée à vous
25 efforcer de vous en tenir aux deux heures qui étaient l'estimation du temps
26 dont vous auriez besoin. Et au cas où vous ne seriez pas en mesure de le
27 faire, je vous indique que nous n'accepterons pas d'aller beaucoup au-delà
28 de ce délai.
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1 Mme MARCUS : [interprétation] J'ai bien compris, Monsieur le Président.
2 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de prendre la pause, nous devons
4 revenir en audience publique, car nous sommes toujours à huis clos.
5 Aurons-nous besoin d'être encore à huis clos après la pause ?
6 Mme MARCUS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je demande donc que nous passions
8 en audience publique.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames les
10 Juges, nous sommes en audience publique.
11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
13 Nous allons faire la pause, et reprendrons nos débats à 17 heures 50.
14 --- L'audience est suspendue à 17 heures 23.
15 --- L'audience est reprise à 17 heures 57.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document qui a été enregistré aux
17 fins d'identification, à huis clos partiel, aura le statut d'un document
18 confidentiel qui sera interdit au public, même s'il vient d'être enregistré
19 aux fins d'identification. Donc, nous lui donnons ce statut de document
20 confidentiel à présent.
21 Veuillez procéder.
22 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Président Tihic, dans ce qui précède de votre déposition, avant la
24 journée d'aujourd'hui et aujourd'hui également, vous avez évoqué les noms
25 de Lugar, Beli, de Zvezdan, au moment où vous parliez de Crni.
26 Pourriez-vous nous dire si tous ces hommes étaient membres de la même
27 unité ou d'unités différentes, à votre connaissance ?
28 R. Ils agissaient ensemble, on les appelait membres d'unité spéciale.
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1 C'est tout ce que j'en sais. Maintenant, est-ce qu'ils faisaient partie
2 d'une seule et même unité ou de plusieurs unités, je ne sais pas.
3 En tout cas, ils étaient ensemble et ils étaient commandés par
4 l'homme que j'appelle Crni, c'est-à-dire Djordjevic.
5 Q. Un peu plus tôt aujourd'hui, vous avez prononcé le nom de Zvezdan
6 Jovanovic. Ce nom n'a pas été consigné au compte rendu, mais je crois que
7 cela se passait à la page 35, à partir de la ligne 23 jusqu'à la page 36,
8 ligne 2 du compte rendu temporaire. Vous avez également évoqué son nom
9 lorsque vous avez déposé dans l'affaire Milosevic à plusieurs reprises.
10 Pourriez-vous nous dire qui était cet homme, Zvezdan Jovanovic ?
11 R. Zvezdan Jovanovic, il est de notoriété publique qu'il est l'assassin du
12 premier ministre. Il m'a frappé, lui aussi, quand j'étais à Samac. Et
13 lorsque j'ai vu sa photographie dans la presse quotidienne de Bosnie-
14 Herzégovine, plusieurs années plus tard, avec comme légende l'assassin du
15 premier ministre serbe, je l'ai reconnu immédiatement. J'en ai parlé avec
16 des amis à moi qui étaient à Samac, dans le camp, à l'époque, et ils ont
17 tous été d'accord avec moi pour dire que l'homme qu'on voyait sur la
18 photographie était Zvezdan Jovanovic qui était à Samac, en tant que membre
19 des forces spéciales.
20 Un de mes cousins qui n'a pas été détenu et qui connaissait Zvezdan,
21 parce qu'ils avaient des relations, se rappelle très bien ce Jovanovic, qui
22 lui a dit, un jour : J'ai frappé ton cousin. Et des choses de ce genre.
23 Je l'ai appelé, et il a bien confirmé dans notre conversation qu'il
24 s'agissait de Zvezdan Jovanovic. A Samac, c'était quelqu'un qui avait droit
25 de vie et de mort sur les gens.
26 Q. En dehors des passages à tabac commis par Zvezdan Jovanovic sur votre
27 personne, lorsque vous étiez entre ses mains, est-ce que vous avez été
28 témoin d'autres crimes commis à Bosanski Samac par ce Zvezdan Jovanovic ?
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1 R. D'après les récits de tierces personnes, j'ai entendu dire qu'il avait
2 des activités criminelles, qu'il volait des automobiles. Et je connais un
3 homme qui, sur son ordre, a fait de fausses cartes d'identité, cartes
4 grises pour des véhicules qu'il vendait ensuite en Serbie. Et je l'ai vu
5 dans le coin aussi.
6 Q. Je vais vous montrer un extrait très bref d'une vidéo, où des membres
7 de l'unité des opérations spéciales de la République de Serbie sont
8 présentés à Slobodan Milosevic. Je vais demander à notre responsable, à
9 notre assistante d'audience de vous faire visionner cette vidéo.
10 Mme MARCUS : [interprétation] Il s'agit de la pièce P61.
11 [Diffusion de la cassette vidéo]
12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Monsieur le Président, des vétérans
13 des unités spéciales de la République du service de la sécurité de Serbie
14 seront alignés pour procéder à l'inspection.
15 Bonjour, Ivanovic.
16 Monsieur le Président, je voudrais vous présenter les officiers les
17 plus anciens de l'unité.
18 Monsieur le Président, il s'agit du colonel Radojisa Bozovic.
19 Bonjour, Bozovic. J'ai lu vos rapports, merci.
20 J'espère qu'il n'y en aura pas d'autres, mais si vous en avez besoin,
21 je serai là.
22 Le colonel Dusan Orlovic.
23 Ravi de vous rencontrer.
24 Pareillement, Président.
25 Colonel Vasilije Miojovic.
26 Enchanté.
27 Colonel Goran Opacic.
28 Bonjour.
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1 Colonel Predrag Prica.
2 Enchanté.
3 Lieutenant-colonel Zvezdan Jovanovic.
4 Enchanté.
5 Lieutenant-colonel Sirno Ratkovic.
6 Enchanté.
7 Lieutenant-colonel Milutin Radivojevic, pilote.
8 Enchanté.
9 Commandant Nikola Filipovic.
10 Bonjour, Commandant.
11 Commandant Davor Subotic.
12 Bonjour.
13 Commandant Miroljub Budimir.
14 Bonjour.
15 Dr Miroljub Savic, capitaine.
16 Bonjour.
17 Capitaine Dragan Oljuic.
18 Bonjour.
19 Capitaine Dragisa Grujic.
20 Bonjour, enchanté.
21 Capitaine Dragoljub Ratkovic.
22 Enchanté.
23 Capitaine Nikola Loncar.
24 Bonjour. Bienvenu.
25 Capitaine Djurica Banjac.
26 Bonjour.
27 Capitaine Dragoljub Popovic.
28 Bonjour.
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1 Lieutenant Svetozar Nakarada.
2 Bonjour, Svetozar."
3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
4 Mme MARCUS : [interprétation]
5 Q. Président Tihic, nous avons vu quelqu'un répondant au nom de Zvezdan
6 Jovanovic qui a été présenté. Est-ce que c'est la même personne que vous
7 avez décrite dans votre déposition comme étant celui qui était le maître de
8 la vie et de la mort ?
9 R. Cette vidéo n'est pas vraiment très claire, mais je pourrais affirmer
10 qu'il s'agit de cette personne, oui. Cette vidéo est un peu sombre. Mais il
11 semble qu'il ait la même corpulence, même si je ne peux pas vraiment voir
12 ses yeux très clairement. Mais je pense qu'il s'agit effectivement de
13 Zvezdan Jovanovic. Cette personne a fait ce que nous savons qu'elle a fait,
14 et c'est ainsi qu'on le connaissait à Bosanski Samac. Je ne suis pas le
15 seul à me souvenir de lui.
16 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait présenter maintenant le
17 document 3679 de la liste 65 ter, s'il vous plaît. Je vous prie de
18 m'excuser -- non, non, c'est bien ça, c'est bien cette pièce-là. Désolée,
19 je souffre d'une légère dyslexie.
20 Q. Pouvez-vous nous dire ce qu'on voit sur ces photos ?
21 R. Vous pouvez voir deux maisons. Elles appartenaient à mon frère et à
22 moi-même. Nous utilisions ceci comme locaux d'affaires. L'un des bâtiments
23 était notre bureau. Vous voyez l'inscription.
24 Ils ont incendié ces deux bâtiments lors de la première et la
25 deuxième journée.
26 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui était inscrit sur ce bâtiment ?
27 R. Il est mentionné Sulejman Tihic, avocat au barreau, puisqu'à l'époque,
28 j'étais avocat, et c'était mon bureau qui était de l'autre côté de la rue
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1 par rapport à la cour.
2 Q. Très bien. Merci.
3 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait maintenant présenter le
4 document 3769 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
5 Q. Connaissez-vous personnellement le contenu de ces documents ?
6 R. D'après ce document, je vois que personne n'était autorisé à quitter le
7 territoire de la municipalité serbe de Bosanski Samac sans un permis
8 spécial. Cette ordonnance était en vigueur et personne, effectivement, ne
9 pouvait quitter Bosanski Samac sans autorisation.
10 Q. Comment ceci a-t-il eu un impact sur la population de Bosanski Samac ?
11 R. Cela a eu des conséquences négatives, étant donné que les habitants se
12 sentaient totalement démunis, et ceux qui sont restés dans le village et
13 qui n'étaient pas Serbes ont fait l'objet d'échange, ultérieurement.
14 Mme MARCUS : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, j'aimerais
15 verser ce document --
16 Q. Pardon. Est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose, Monsieur le
17 Témoin ?
18 R. Oui. Ils faisaient constamment l'objet d'attaques, de mauvais
19 traitements, de viols, de vols, ceux qui sont restés. Il s'agit de ceux qui
20 sont restés, ceux qui n'étaient pas en mesure de partir.
21 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais verser ce document au dossier car
22 il ne s'agit pas d'une des pièces associées.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections ?
24 Apparemment pas.
25 Madame la Greffière, est-ce qu'on pourrait avoir le numéro de la pièce.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P180.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P180 est versée au dossier.
28 Mme MARCUS : [interprétation]
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1 Q. Monsieur le Président Tihic, ce document que nous avons vu qui
2 restreignait le mouvement des personnes non serbes à Bosanski Samac,
3 j'aimerais savoir si cette politique entrait dans le cadre de ce que vous
4 avez mentionné un peu plus tôt dans votre déposition comme un projet
5 politique ?
6 R. L'absence de liberté de mouvement avait comme objectif principal de
7 restreindre les mouvements des populations musulmanes et croates. Ces
8 personnes pouvaient ensuite faire l'objet d'échange contre les Serbes qui
9 étaient de l'autre côté et qui avaient été capturés ou qui étaient détenus.
10 L'objectif ultime était que toutes ces personnes quittent cette région.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Marcus, vous faites référence au
12 document qui restreignait la liberté de mouvement des populations non
13 serbes.
14 Est-ce que ce document parlait de tous les habitants ou uniquement
15 des non-Serbes ?
16 Mme MARCUS : [interprétation] Peut-être que je pourrais poser cette
17 question au président Tihic, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je vous demande ce que dit le
19 document. Alors, je pense qu'on peut tout simplement se pencher sur ce
20 document.
21 Mais ce document a disparu de mon écran.
22 Je ne vois pas de mention de la rétraction de mouvement, mis à part la
23 manière dont c'était utilisé. Est-ce que vous faites référence à un
24 document qui restreignait la liberté de mouvement des non-Serbes, alors que
25 dans l'article 1, il est mentionné, aucune personne, si on fait référence à
26 la composition ethnique.
27 Mme MARCUS : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président. Je
28 faisais référence au commentaire du président Tihic --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je vous demande de faire un
2 distinguo très clair. Même dans la déposition de M. Tihic, je ne pense pas
3 qu'il ait dit cela. Il a dit que les citoyens qui sont restés sur place et
4 qui n'étaient pas serbes ont fait ensuite l'objet d'échanges. Il s'agit des
5 non-Serbes qui étaient assujettis à cette règle. Mais il n'est pas
6 mentionné de quelle appartenance ethnique, à quelle ethnicité ces personnes
7 appartenaient.
8 Donc, je vous demande d'être vraiment précise quand vous faites référence à
9 ces documents.
10 Veuillez continuer, Madame Marcus.
11 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Une dernière question à votre attention, Monsieur le président Tihic.
13 Est-ce que vous pourriez nous dire comment vos expériences passées ont eu
14 des conséquences sur ce qui se passait à ce moment-là ?
15 R. Quels que soient les événements qui se sont déroulés à l'époque, même
16 lorsqu'on avait affaire à des humains ou à des personnes inhumaines, même
17 après tout cela, nous avons vécu ensemble en Bosnie-Herzégovine, les
18 Croates, les Serbes et les Musulmans, parce que c'était ainsi que la
19 société fonctionnait, malgré les conflits.
20 Le projet qui avait pour objectif de séparer les différents peuples
21 et qui avait pour objectif également de créer un conflit n'est pas arrivé à
22 ses fins.
23 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.
24 Mme MARCUS : [interprétation] Ceci conclut mon interrogatoire principal.
25 Mais je suis disposée à revenir sur votre commentaire concernant la
26 quantité des documents.
27 Je peux faire ceci maintenant ou à l'issue du contre-interrogatoire.
28 C'est comme vous le souhaitez, Monsieur le Président, Mesdames les Juges.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous préférerions, à ce stade,
3 poursuivre la déposition du témoin et vous pourrez traiter de ces questions
4 ultérieurement. Si nous avons le temps, nous vous demanderons peut-être à
5 faire ceci oralement. Et si nous n'avons pas suffisamment de temps, nous
6 vous demanderons peut-être de procéder à ceci par écrit.
7 J'aimerais maintenant savoir quel est l'ordre des contre-interrogatoires.
8 Maître Knoops, est-ce que vous êtes le premier, donc c'est la Défense
9 Stanisic qui va commencer par le premier contre-interrogatoire.
10 Monsieur Tihic, vous allez répondre aux questions de Me Knoops, qui
11 représente la Défense de M. Stanisic.
12 Maître Knoops, vous pouvez commencer.
13 Contre-interrogatoire par M. Knoops :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tihic.
15 R. Bonsoir.
16 Q. Monsieur Tihic, je vais essayer de suivre l'ordre des questions posées
17 par ma collègue de l'Accusation, donc je vais commencer par revenir sur les
18 informations d'ordre général.
19 Est-ce exact de dire que vous n'avez jamais servi dans une armée quelconque
20 ?
21 R. C'est exact, pour des raisons de santé.
22 Q. Par conséquent, on peut dire que vous n'avez aucune connaissance de
23 structures de commandement et de contrôle militaire, est-ce exact ?
24 R. Je connais les structures militaires dans la mesure où j'étais avocat.
25 Quant aux modalités de commandement, non, je ne les connais pas.
26 Q. En tant qu'avocat, est-ce que vous avez officié dans des affaires
27 militaires ?
28 R. Non.
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1 Q. Par conséquent, on peut dire que votre déposition concernant vos
2 observations, concernant les personnes qui étaient au commandement sont
3 basées sur des sentiments subjectifs, n'est-ce pas ?
4 R. Je me fie à ce que j'ai observé, à ce que j'ai ressenti et à des
5 discussions que j'ai eues avec d'autres personnes ou discussions que j'ai
6 entendues. Il est clair que toutes ces personnes ne se sont pas
7 nécessairement présentées.
8 Q. Très bien, mais à cette époque, c'est-à-dire en avril 1992, si vous
9 deviez décrire la structure militaire de la JNA, est-ce que vous seriez en
10 mesure de le faire ?
11 R. La JNA était représentée par le biais du ministère de la Défense au
12 niveau du gouvernement fédéral. Vous aviez l'état-major général, qui était
13 au sommet de cette pyramide, et puis vous avez les districts militaires,
14 les corps d'armée, les brigades, les détachements, et cetera.
15 Q. Et ceci est basé sur des éléments que vous avez obtenus d'autres
16 sources, n'est-ce pas ?
17 R. Je dispose de connaissances qui sont habituelles pour quelqu'un qui
18 travaille dans la branche politique. La JNA faisait partie du système
19 juridique, je connaissais par conséquent les éléments de base de cette
20 armée.
21 Q. Mais est-il exact de dire que lorsque l'on en vient à des détails sur
22 le fonctionnement d'une unité militaire, vous n'avez pas vraiment beaucoup
23 de connaissance à ce niveau-là ?
24 R. Je connais les principes de base, les principes de hiérarchie, les
25 relations entre les supérieurs.
26 Q. Monsieur Tihic, vous avez mentionné aujourd'hui le nom de M. Simic.
27 Est-ce que vous pourriez nous décrire rapidement M. Simic ?
28 Je vais être plus précis : est-ce exact de dire qu'il était membre du SDS ?
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1 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Juge, Mesdames les Juges, peut-
2 être que mon collègue pourrait préciser de quel M. Simic il parle.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question porte sur Blagoje Simic, et
4 la question est de savoir s'il était membre du SDS.
5 M. KNOOPS : [interprétation] Oui.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Blagoje Simic était le président du SDS et
7 était également le porte-parole adjoint de l'assemblée municipale, élu tout
8 à fait légalement à Bosanski Samac. Ensuite, il était président de la
9 municipalité serbe de Bosanski Samac. Je le connaissais déjà avant la
10 guerre. Je connaissais son père, je connaissais son frère, si c'est ce que
11 vous voulez savoir. Il était également le commandant de la cellule de
12 Crise.
13 M. KNOOPS : [interprétation]
14 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi, Monsieur Tihic, pour dire
15 qu'il avait des opinions ou des positions très tranchées en tant que membre
16 du SDS ?
17 R. Plus ou moins, oui.
18 M. KNOOPS : [interprétation] Peut-on revenir à la pièce P180. Il s'agit
19 d'un document présenté au témoin par l'Accusation.
20 Q. Monsieur Tihic, vous avez à nouveau devant vous un document portant la
21 cote P180. Est-ce que vous pourriez expliquer qui est l'auteur de ce
22 document ou quelle est l'instance qui a émis ce document ?
23 R. Je ne sais pas. Il est mentionné "cellule de Crise de la municipalité".
24 Je présume, même si je ne vois pas le nom et le prénom et je ne reconnais
25 pas non plus la signature, mais comme je disais, je présume que cela a été
26 signé par le président de la cellule de Crise, et le président était M.
27 Simic.
28 Q. Vous êtes donc d'accord avec moi pour dire qu'il est probable que ce
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1 document ait été signé ou publié par Blagoje Simic ?
2 R. C'est possible, mais c'est tout à fait logique que le président signe
3 les documents de la cellule de Crise.
4 Q. Nous avons appris que vous aviez eu vent de conversations avec M.
5 Simic. Est-ce exact de dire qu'il faisait appliquer ce type de décision
6 sans demander l'accord à qui que ce soit d'autre ?
7 R. Je ne sais pas comment il faisait appliquer ces décisions. A l'époque,
8 j'étais détenu. Le 21 mai, j'étais déjà en prison, à la prison de
9 Batajnica.
10 Q. Est-ce que vous pourriez regarder l'article 2 de cette décision, s'il
11 vous plaît. Il est mentionné dans cet article 2 le poste de sécurité
12 publique. Est-ce que vous voyez cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous savez pourquoi le poste de sécurité publique est
15 mentionné dans ce document à l'article 2 ?
16 R. Le poste de sécurité publique est responsable des populations civiles,
17 et le commandement militaire était responsable des personnes qui étaient
18 engagées dans l'armée. C'est pourquoi ceci est mentionné ici.
19 Q. En bas du document, vous voyez que ce document a été copié au poste de
20 sécurité publique ainsi qu'aux commandements militaires. Est-ce que vous
21 savez ce qu'on entend ici par les commandements militaires ?
22 R. C'est un document qui date du 21 mai, et qui est copié dans les
23 commandements militaires probablement de la Défense territoriale serbe,
24 ainsi que les forces armées. Les commandements étaient déjà en place sur le
25 terrain, et je suppose qu'il y avait des commandements locaux parce que la
26 cellule de Crise municipale ne pouvait pas, en fait, émettre des
27 ordonnances à des formations militaires plus importantes. Il s'agit de
28 présomptions ici, mais je ne pense pas que ce serait logique que les
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1 cellules de Crise municipales rendent des ordonnances à l'attention de
2 commandements plus hauts placés. Je pense qu'il s'agissait dans ce cas-là
3 d'unités locales telles que, par exemple, le personnel ou les cellules de
4 la Défense territoriale de Samac, les unités serbes, donc, qui étaient sous
5 le commandement de cet état-major de la Défense territoriale.
6 Q. Mais est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ce document
7 était en fait une ordonnance à l'attention du commandant militaire ? Mis à
8 part le fait qu'il était à l'attention d'unités plus importantes ou plus
9 petites, est-ce qu'il s'agissait d'une ordonnance à l'attention d'un
10 commandement militaire ?
11 Est-ce que c'est ainsi qu'on peut interpréter ce document, Monsieur le
12 Témoin ?
13 R. C'est ce qui est mentionné dans ce document. Mais il n'y a pas de
14 logique en cela, puisqu'en fait, une instance municipale ne devrait pas
15 rendre des ordonnances à l'attention de commandements, de districts
16 militaires, de corps d'armée ou de brigades. Je pense que ceci était lié à
17 la manière dont la population locale était organisée dans le cadre de la
18 Défense territoriale serbe.
19 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas
20 inhabituel que les cellules de Crise rendent des ordonnances à l'attention
21 d'un commandant militaire; est-ce exact de dire cela ?
22 R. Je ne pense pas que les cellules de Crise pourraient en fait émettre
23 des ordonnances à l'attention de commandements militaires. Les
24 commandements militaires étaient en fait au-dessus des cellules de Crise,
25 d'après ce que j'ai compris. Et là, je parle de cellules de Crise de
26 municipalités.
27 Q. Mais nous ne parlons pas d'une situation ordinaire, ici. Nous sommes en
28 état d'urgence, n'est-ce pas.
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1 N'est-il pas exact de dire qu'en l'état d'urgence, la cellule de Crise
2 était habilitée à donner des ordres à des unités militaires ?
3 R. Je ne pense pas. Les structures militaires donnent des ordres à des
4 unités militaires. Elles ne peuvent donner d'ordres qu'à des unités locales
5 qui relèvent de la Défense territoriale et de l'état-major, sinon, les
6 autres reçoivent leurs ordres du ministère ou du ministre, de leur
7 commandant.
8 Q. C'est votre supposition. Cela reste une supposition, vous venez de dire
9 que vous n'avez aucune connaissance des structures militaires. Pouvez-vous
10 exclure la possibilité que ce soit M. Simic de la cellule de Crise qui
11 donne un ordre ici aux commandements militaires locaux qui se trouvaient à
12 cette époque-là à Bosanski Samac ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin ne saurait exclure ceci, vu ce
14 qu'il a dit là. Je peux répondre à la question moi-même, à bien des égards.
15 Le témoin a dit qu'il ne peut faire que des suppositions, qu'il ne sait pas
16 précisément. Maintenant, vous lui demandez s'il peut exclure quelque chose.
17 Moi, je pourrais répondre à sa place. Vous pouvez lui demander ce qu'il
18 sait, ce témoin.
19 Lorsqu'on a demandé l'avis du témoin, vous avez fait des objections,
20 or, vous venez de poser cinq ou six questions qui demandent l'avis du
21 témoin qui ne repose sur aucun fait.
22 La seule question qui était de nature factuelle, c'était celle de savoir si
23 à l'époque il était au courant que ce genre de chose se passe. Et le témoin
24 n'a pas répondu à la question.
25 Essayons de --
26 Monsieur Tihic, quand avez-vous vu pour la première fois ce document ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, je pense. Je ne suis pas sûr. Ici
28 à l'audience ou peut-être était-ce pendant le récolement. Peut-être que
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1 c'est un des documents qui m'ont été montrés.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit auparavant que vous vous
3 étiez trouvé en prison. Est-ce que d'une façon ou d'une autre vous auriez
4 appris certaines choses vous permettant de dire qui a donné cet ordre,
5 comment il a été distribué, comment il a été appliqué ? Est-ce que vous
6 avez des connaissances factuelles en la matière ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne dispose pas de connaissances factuelles.
8 Tout ce que je peux faire, c'est supposer la façon dont les choses ont
9 fonctionné. Vous voyez, une unité militaire, elle fonctionne, disons, dans
10 un rayon beaucoup plus large que celui d'une municipalité. Si chaque état-
11 major municipal donnait des ordres à des unités qui couvrent dix
12 municipalités, ce n'est pas logique du tout. Ce sont des ordres qui peuvent
13 être différents.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez souvent dit ce qui vous semble
15 logique et ce qui vous semble ne pas l'être. Mais vous savez, les faits ne
16 sont pas toujours conformes à la logique. Ils le sont parfois, mais pas
17 toujours.
18 Maître Knoops, on a entendu beaucoup de conclusions. On a entendu parler de
19 logique. Mais si vous ne savez pas du tout comment ceci a été distribué et
20 qui en étaient les destinataires, toutes ces questions de logique, c'était
21 logique de l'envoyer à A, B, C ou D, à ce moment-là, rien ne saurait être
22 exclu.
23 Par conséquent, je pense qu'une réponse a été donnée à la question, même si
24 c'est moi qui l'ait fournie et pas le témoin.
25 M. KNOOPS : [interprétation] Merci de cette réponse.
26 Q. Monsieur Tihic, est-il exact de dire que M. Blagoje Simic fait une
27 proposition qui est de procéder à une division pour séparer les Serbes des
28 non-Serbes ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-il exact que M. Simic vous a menacé et les collègues que vous aviez
3 à l'époque avec la JNA ?
4 R. Pas de façon concrète. Il ne l'a pas dit concrètement. Mais il a dit
5 que s'il n'obtenait pas de réponse affirmative, favorable sous dix jours,
6 il savait comment réaliser --
7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu le reste.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Soit qu'il allait retirer la JNA ou faire
9 autre chose. Mais nous, nous avons perçu cela comme étant une menace de
10 recourir à la force.
11 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que tous les micros soient
12 éteints lorsque ceux du témoin sont allumés.
13 M. KNOOPS : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce P174.
14 Prenons le quatrième paragraphe, ligne 7. Excusez-moi. J'ai dit 7, il faut
15 entendre 9.
16 Q. Vous avez sous les yeux, Monsieur Tihic, la version B/C/S de votre
17 déclaration, celle que vous avez faite le 28 février 1995. Page 2,
18 quatrième paragraphe, ligne 9. Vous dites :
19 "Chaque fois que j'ai eu des contacts personnels avec lui, il nous menaçait
20 en invoquant la JNA."
21 Vous voyez cela ?
22 R. Non, je ne vois pas.
23 Q. Le paragraphe commence par les mots suivants : Environ quatre jours
24 après l'attaque, je pense que c'était le lundi précédent, les Serbes
25 avaient insisté pour qu'il y ait une réunion des représentants de la
26 municipalité.
27 Vous avez trouvé le paragraphe ?
28 R. Non, non. Je ne vois pas mais je me souviens. J'en ai déjà parlé. Est-
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1 ce que vous pourriez --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois que maintenant nous avons
3 peut-être la bonne page, ce qui n'était pas le cas auparavant.
4 Vous avez le premier paragraphe qui est assez long.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, maintenant, je vois. Je crois comprendre
6 le contact privé ou personnel.
7 M. KNOOPS : [interprétation]
8 Q. Vous disiez qu'en 1995, que :
9 "Chaque fois que j'ai eu des contacts privés avec lui, il brandissait
10 la menace de la JNA ?"
11 Vous voyez où c'est ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce que c'est exact ce que vous dites ici ?
14 R. Oui, c'est exact. Tout ce qui est écrit ici est exact. Mais est-ce que
15 vous posez la question sur une date précise ? Juste avant l'attaque, vous
16 me demandez s'il nous a brandi la menace de la JNA ce jour-là, est-ce qu'il
17 nous aurait fait un ultimatum quelques jours avant l'attaque, lorsqu'il
18 demandait à ce qu'il y ait une municipalité serbe de Samac. C'est comme ça
19 que j'ai compris la question. C'est à ce moment-là qu'il a menacé en
20 parlant de la JNA, mais cette fois-là, pas.
21 Q. Mais peu importe, mais il a bien brandi la menace de la JNA, quelle que
22 ce soit la date à laquelle il l'aurait fait, n'est-ce pas ?
23 R. J'avais compris votre question autrement. Pour moi, elle concernait
24 cette réunion précise ici; c'est pour ça que j'ai répondu comme je l'ai
25 fait.
26 Q. Désolé si je n'ai pas été suffisamment clair. M. Simic vous a menacé au
27 cours des journées qui ont précédé l'attaque en parlant de la JNA ?
28 R. C'est ce qui est écrit et c'est ce que j'ai dit. Il a proféré des
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1 menaces impliquant la JNA. A ce moment-là, il n'existait rien d'autre.
2 Q. Je ne vous demande pas, ici, de vous étendre sur votre raisonnement.
3 Essayez de répondre à la question que je vous pose.
4 Vous dites que M. Simic vous a menacé en invoquant la JNA. Qu'est-ce
5 que vous vouliez dire lorsque vous avez dit "chaque fois que ?"
6 R. Ecoutez, si on va maintenant voir véritablement ce que j'ai dit, vous
7 voyez que les Serbes avaient le soutien de la JNA. Il y a une différence,
8 n'est-ce pas ? Il n'a pas dit que la JNA peut faire ceci ou cela. Il a dit
9 qu'il avait le soutien de la JNA. Et ça veut dire, par exemple, qu'il
10 pouvait obtenir des armes, un soutien logistique.
11 Q. Monsieur Tihic, est-il exact de dire que M. Simic a menacé, il a dit :
12 Si vous n'êtes pas d'accord avec cette proposition, je vais faire
13 intervenir la JNA; c'est ça ?
14 R. Non, non, il n'a pas dit qu'il allait faire intervenir la JNA. Ce n'est
15 pas ce qu'il a dit. Il a dit qu'il savait une façon de résoudre le
16 problème.
17 Q. Est-il exact de dire qu'il vous a menacé, vous et les personnes qui
18 étaient avec vous, en disant qu'il allait obtenir le soutien en armes de la
19 JNA, un soutien logistique, des effectifs ?
20 R. Pas ce jour-là. Ce jour-là, il n'a pas mentionné la JNA, n'a pas parlé
21 de soutien, rien d'autre. Mais il a bien dit qu'il connaissait une façon
22 d'y parvenir, sans mentionner qui que ce soit.
23 Q. Et combien de fois a-t-il parlé de façon plus détaillée de
24 l'intervention de la JNA ?
25 R. Vous voyez, Blagoje Simic parlait moins de la JNA. C'est plutôt Zaric
26 qui le faisait, ainsi que le lieutenant-colonel Nikolic, ainsi que le 4e
27 Détachement. Ils parlaient du soutien général de la JNA. Les Serbes avaient
28 le soutien de la JNA. Les représentants de la JNA, Zaric, Radovan Antic,
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1 qui étaient dans ces structures, eux, ont parlé de la JNA.
2 Q. Est-il exact de dire que Zaric était aussi membre du SDS ?
3 R. Non. Non, Zaric c'était le communiste autorisé -- enfin, du Parti
4 socialiste. Il n'a jamais fait partie du SDS. On ne l'aimait pas. Sa femme,
5 c'était une Musulmane.
6 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de remarquer que Simic avait parlé au
7 lieutenant-colonel Nikolic du soutien qu'apporterait la JNA ?
8 R. Je ne sais pas s'il en a parlé. Mais en règle générale, le lieutenant-
9 colonel Nikolic venait avec Simo Zaric et Radovan Antic aux réunions, car
10 c'étaient les hommes sur lesquels Nikolic s'appuyait à Bosanski Samac, tout
11 du moins au cours des réunions où moi j'étais. Ils s'appuyaient plus sur
12 Simo Zaric que sur Antic. Parce qu'il s'agissait là du commandant et du
13 commandant en second du 4e Détachement à Samac.
14 Q. Est-il exact de dire que la décision d'attaquer a été prise par M.
15 Nikolic ?
16 R. Je ne sais pas exactement qui a pris cette décision d'attaquer. Tout ce
17 que je peux faire, ce sont des suppositions partant d'autres sources. Mais
18 --
19 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu le reste de la phrase du
20 témoin.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Auriez-vous l'obligeance de répéter le
22 bout de la phrase. Vous avez dit : Mais je ne sais pas… et puis, les
23 interprètes ne vous ont pas entendu.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas qui précisément a pris la
25 décision d'attaquer Samac. Tout ce que je peux faire, ce sont des
26 suppositions partant des renseignements dont je dispose. Mais ce n'est pas
27 Nikolic du tout. Ce n'est pas le lieutenant-colonel Nikolic qui a pris
28 cette décision.
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1 M. KNOOPS : [interprétation] Peut-on afficher la pièce P173. Page 5 de la
2 déclaration fournie par ce témoin, en anglais. Les premiers mots sont :
3 "La veille au soir de l'attaque de Samac, Fitozovic, Simo Zaric et
4 les présidents de tous les partis se sont réunis pour décider…" et cetera.
5 Je vais demander au témoin de lire ce paragraphe, et plus exactement
6 la 14e -- la ligne 14 qui commence comme suit :
7 "Je pense que la décision d'attaquer a été prise par Nikolic, à
8 Brcko" --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendons d'abord de voir s'afficher la
10 page en B/C/S, à l'écran.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la page 6 en B/C/S.
12 M. KNOOPS : [interprétation]
13 Q. Vous voyez, Monsieur le Témoin, ce paragraphe où à la ligne 14, il est
14 dit ceci :
15 "Je pense que la décision d'attaquer est venue de Nikolic -- a été
16 prise par Nikolic -- ou est venue de Nikolic à Brcko, mais je ne sais pas
17 qui a donné l'ordre à Nikolic."
18 R. Je ne vois pas où se trouve cette ligne.
19 "Je pense que la décision d'attaquer est venue de Nikolic, à Brcko,
20 mais je ne sais pas qui lui a donné cet ordre à lui…"
21 Mais vous voyez, j'ai dit : Je pense. Cependant, plus tard,
22 grâce à des informations que j'ai reçues --
23 Q. Mais je vous demandais --
24 R. Je ne pense pas que ce soit venu de Nikolic. Je pense que Nikolic, lui
25 aussi, a été pris de court ou surpris.
26 Q. Mais pourtant, en 1995, vous dites que vous pensez que la décision
27 d'attaquer venait de Nikolic. Alors, sur quoi vous appuyez-vous pour vous
28 amener à penser que voilà, c'était Nikolic ?
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1 R. Mais en 1995, la guerre -- on était toujours en guerre. Regardez le
2 livre de Simo Zaric, vous le verrez. Vous verrez qui a donné l'ordre
3 d'attaquer. Lui aussi a été pris de court. Et d'autres renseignements
4 prouvent que l'armée a participé à l'attaque de Samac, mais plusieurs
5 heures après l'intervention de ces autres unités, de ces unités spéciales;
6 l'état-major de la Défense territoriale de Republika Srpska est entré en
7 ville.
8 Mais c'est ce que je pensais à l'époque, parce qu'alors je n'avais
9 pas eu de contact avec des gens qui s'étaient trouvés sur le terrain. Ça
10 faisait un bout de temps que je ne les avais pas vus. Mais après, je me
11 suis rendu compte que ce que je pensais à l'époque n'était pas exact, que
12 l'ordre était venu d'ailleurs et n'avait pas suivi la hiérarchie militaire.
13 Ça, c'est dit clairement dans le livre de Simo Zaric. Achetez le livre. Et
14 lui a été impliqué dans le procès de Simic/Zaric, et il a dit clairement
15 d'où est venu l'ordre d'attaquer.
16 Q. Excusez-moi, je dois vous interrompre. Vous dites que vous utilisez un
17 livre pour maintenant vous rétracter -- en tout cas, retirer ce que vous
18 avez dit en 1995 [comme interprété], alors que vous avez dit aux
19 représentants du bureau du Procureur qu'à l'époque vous estimiez que
20 l'ordre d'attaque avait été ou venait de Nikolic.
21 R. Mais je ne retire pas ma déclaration. Vous voyez, j'ai dit "Je pense
22 que." Je n'ai pas dit : J'affirme que. Partant de ce que j'avais comme
23 information à l'époque. Penser et affirmer, ce sont deux choses
24 différentes.
25 Q. Laissons ceci de côté pour le moment. Prenons la page 4 de votre
26 déclaration de 1994, deuxième paragraphe en anglais, page 4, deuxième
27 paragraphe dit :
28 "La Défense territoriale n'était pas faite de soldats de carrière…"
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1 Dernière ligne de ce paragraphe, je la lis :
2 "Personnellement, je ne sais pas qui a donné ces ordres à Nikolic,
3 mais seul le commandement militaire de Belgrade était habilité à donner des
4 ordres à la JNA ou avait l'autorité nécessaire pour le faire."
5 Vous voyez ce passage ?
6 R. Non, je ne vois pas. Mais c'est logique, Nikolic ne peut recevoir ses
7 ordres que du commandement militaire de Belgrade.
8 Ça va de soi. Je n'ai pas encore vu la page en B/C/S; donc, je ne
9 vois pas le texte.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons toujours de trouver une version
11 du texte que le témoin comprend.
12 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, c'est la page 4 en B/C/S, dernière
13 ligne de la page 4 et le tout début de la page 5.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que Me Knoops s'intéresse
15 à la toute dernière partie de ce paragraphe qu'on trouve à la page suivante
16 en B/C/S.
17 Monsieur, prenez le temps qu'il vous faut pour lire les premières lignes de
18 ce paragraphe que vous avez à l'écran.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà lu.
20 Et j'ai dit que personnellement, je ne savais pas qui avait donné
21 l'ordre à Nikolic, mais que seul le commandement militaire de Belgrade
22 était habilité à donner des ordres et seul ce commandement avait l'autorité
23 de commandement sur la JNA.
24 Là, c'est une déclaration d'ordre général que je fais, partant de ce
25 que je savais. Je l'ai dit il y a quelques instants, je vous ai dit ce que
26 je sais de la structure militaire, les officiers supérieurs donnent des
27 ordres à leurs subordonnés. Il n'est que logique que Nikolic, qui est à
28 Brcko, reçoive ses ordres de quelqu'un qui lui est supérieur.
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1 M. KNOOPS : [interprétation]
2 Q. Mais écoutez, je n'ai pas encore posé de question. Attendez. Ne
3 commencez pas à faire des constructions logiques ou illogiques.
4 Etes-vous d'accord - c'est ce que je vous demande - ici, vous ne
5 parlez pas de quelque chose que vous pensez, vous parlez ici d'une
6 constatation, qui donne des ordres à Nikolic; ce n'est pas simplement une
7 idée ou une pensée, lorsque vous dites, Je pense qu'il a donné l'ordre
8 d'attaque ?
9 Vous ne faites pas du tout de -- vous ne mettez pas de bémol. Vous
10 que vous ne savez pas, ou si ce n'est que vous ne savez pas
11 personnellement.
12 R. Mais c'est la chose la plus importante. Je vous ai dit, je ne sais pas.
13 Q. Nous n'allons pas nous attarder sur ce point.
14 Ce que je vous soumets comme idée, c'est que M. Simic a fait
15 intervenir la JNA par le biais de Nikolic pour attaquer Samac; c'est ça ?
16 R. Non. Non, non, je ne pense pas.
17 Q. Mais quand vous dites non ou si vous dites, je ne pense pas, ce n'est
18 pas pareil. Alors, vous ne pensez pas ?
19 R. Non. Non, Simic ne peut pas dire à Nikolic d'attaquer Samac.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, essayons de remettre les
21 pendules à l'heure.
22 Vous dites ne pas savoir qui a donné ces ordres à Nikolic.
23 Deuxièmement, vous dites qu'il ne serait pas très logique que ce soit
24 Simic qui lui ait donné ces ordres.
25 C'est ce que vous répondez.
26 Moi, je suis d'accord avec Me Knoops et je le répète, la logique --
27 je comprends la façon dont vous pensez, mais vous êtes un témoin des faits
28 ici. Alors, vous dites, je ne sais pas qui lui a donné les ordres.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Knoops.
3 M. KNOOPS : [interprétation]
4 Q. Si vous ne savez pas, est-ce qu'à l'époque vous auriez vu des
5 documents, quels qu'ils soient, indiquant de façon précise la façon dont M.
6 Simic communiquait avec une tierce partie, avec des personnalités
7 politiques ?
8 R. Des documents ? Est-ce que j'ai vu des documents ? Je ne me souviens
9 pas. Je ne sais pas. Si vous en avez des documents, je pourrais peut-être
10 les commenter.
11 Q. Nous n'allons pas encore vous présenter de documents, mais mon idée,
12 c'est celle-ci : L'attaque de Bosanski Samac a été effectuée par le 7e
13 [sic] Corps de la JNA qui faisait partie de la 2e Région militaire, en
14 coopération avec les autorités locales, à savoir M. Simic. Est-ce exact ?
15 R. Non, ce n'est pas exact.
16 M. KNOOPS : [interprétation] Je vois qu'il est écrit "7e Corps." C'était le
17 "17e."
18 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez que les autorités locales de
19 Bosanski Samac, à l'époque, avaient eu des communications intensives avec
20 le Parti radical serbe ?
21 R. Je ne sais pas.
22 Q. Ce sera peut-être la dernière question de la journée, en tout cas pour
23 ce sujet.
24 Vous avez fait une déclaration en 1995. Elle porte la cote P174, page 3 en
25 anglais --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendons. Attendons de voir le document
27 dans les deux versions.
28 M. KNOOPS : [interprétation] Septième paragraphe.
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1 Q. Vous l'avez trouvé ?
2 R. Pas encore.
3 Q. Voyez :
4 "J'estime que les personnes suivantes sont les plus responsables de
5 la planification."
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais attendez de voir le texte en B/C/S.
7 Maintenant, il est affiché mais ce n'est pas encore la bonne page, si je ne
8 m'abuse. Voilà. C'est la bonne page.
9 Vous voyez en bas de page ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. KNOOPS : [interprétation]
12 Q. Voyez ce paragraphe qui commence par les mots suivants :
13 "Je considère que les personnes suivantes sont les plus responsables de la
14 planification et de l'exécution de l'attaque de Bosanski Samac."
15 Vous voyez ces lignes ?
16 R. Oui.
17 Q. Je vais vous demander de lire les premiers noms qui suivent.
18 R. Simo Zaric et Blagoje Simic, lieutenant colonel Nikolic, le capitaine
19 Petrovic, chef du KOS pour ce qui est de l'attaque de la ville, Radovan
20 Antic et Mirko Jovanovic, Stevo Todorovic.
21 Q. Ça suffira. Je voulais surtout que vous lisiez la première ligne. Vous
22 êtes d'accord avec moi, vous reprochez au colonel Nikolic, à Simic et à
23 Zaric, à Petrovic qui était chef du KOS d'avoir planifié et exécuté
24 l'attaque, n'est-ce pas ? Est-ce que vous maintenez aujourd'hui ce que vous
25 avez alors déclaré ?
26 R. Mais je parle des informations que j'avais alors à l'époque. Et c'est
27 partant de cela que j'ai fait cette déclaration. Tous ont participé en fin
28 de compte à l'attaque de Samac, surtout Zaric et Simic.
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1 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Merci, Monsieur le Témoin. Nous reviendrons
2 sur les autres noms plus tard.
3 M. KNOOPS : [interprétation] Mais je pense que l'heure est peut-être venue
4 de lever l'audience, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement.
6 Je voudrais savoir de vous, Maître Knoops et de l'autre Défense, quelle
7 sera la durée de votre contre-interrogatoire. Oui. Vous pensez avoir besoin
8 de combien de temps pour le reste de votre contre-interrogatoire.
9 M. KNOOPS : [interprétation] Au maximum une heure encore.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une heure, je vois.
11 Et pour la Défense Simatovic ?
12 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame les Juges, je
13 pense que nous aurons besoin d'une heure ou d'un peu plus. Tout sera en
14 fonction des questions déjà posées par mon confrère. Mais je pense qu'une
15 heure maximum. Je crois que ce sera une estimation réaliste.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui voudrait dire que nous pourrons
17 commencer l'audition du témoin suivant sans doute au cours du deuxième
18 volet de l'audience demain, ou peut-être en début du troisième volet.
19 Gardons ceci à l'esprit, s'il vous plaît. Et pour bien agencer l'audience,
20 il faut toujours savoir si le témoin suivant va être ici ou pas.
21 Monsieur Tihic, j'ai des instructions à vous donner. Vous n'êtes censé
22 parler à personne, vous n'êtes censé communiquer avec personne à propos de
23 votre déposition, que ce soit à propos de ce que vous avez déjà déclaré ou
24 de ce que vous allez déclarer demain.
25 Soyez de retour à l'audience demain à 14 heures 15.
26 En effet, l'audience est levée et les débats reprendront demain, jeudi 4
27 février, à 14 heures 15 en salle II.
28 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le jeudi 4 février
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1 2010, à 14 heures 30.
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