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1 Le jeudi 13 octobre 2011
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
6 présentes. Tout d'abord, nos excuses pour le retard dont nous souffrons ce
7 matin. Madame la Greffière, veuillez citer le numéro de l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Monsieur les
9 Juges. Ceci est l'affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic
10 et Franko Simatovic.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
12 Je ne crois pas qu'il y ait de questions administratives à soulever ni qui
13 auraient trait à la procédure. Je voudrais d'abord que les parties nous
14 indiquent leurs estimations quant au temps dont elles pensent avoir besoin
15 avec le témoin qui nous occupe aujourd'hui, ainsi que les prévisions pour
16 le témoin suivant.
17 M. JORDASH : [interprétation] Je pense pouvoir en terminer en moins d'une
18 heure.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
20 M. BAKRAC : [interprétation] Mesdames et Monsieur les Juges, peut-être une
21 dizaine de minutes.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr.
23 M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, je pensais initialement
24 avoir besoin deux heures et demie, mais je comprends qu'il y a également
25 des questions au calendrier qui se posent, donc je vais essayer d'aller le
26 plus vite possible afin que nous puissions aborder également ces points.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
28 Alors, faites entrer le témoin, s'il vous plaît.
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1 [Le témoin vient à la barre]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Corbic.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes toujours
5 lié par le serment que vous avez prêté hier, la déclaration solennelle que
6 vous avez lue en jurant de dire la vérité, rien que la vérité et toute la
7 vérité.
8 Me Jordash va maintenant poursuivre son contre-interrogatoire.
9 Vous avez la parole, Maître.
10 M. JORDASH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 LE TÉMOIN : VLADIMIR CORBIC [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 Interrogatoire principal par M. Jordash : [Suite]
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Corbic.
15 R. Bonjour.
16 Q. Hier, nous nous sommes arrêtés à votre déclaration et à la carte, ou le
17 schéma, qui ont été présentées à la Chambre, je voudrais juste demander
18 quelques précisions quant à cette carte.
19 M. JORDASH : [interprétation] Je voudrais que nous l'affichions à l'écran.
20 Q. Pour commencer, je voudrais vous demander quel type de ressources
21 étaient à votre disposition au sein du département de Novi Pazar et quel
22 type de ressources étaient à votre disposition en général au sein du centre
23 de la DB à Kraljevo.
24 M. JORDASH : [interprétation] Excusez-moi, je ne crois pas avoir cité le
25 numéro du document, qui est D453.
26 Q. Alors, tout d'abord, êtes-vous en position de nous dire quoi que ce
27 soit concernant les effectifs dans la région pour laquelle vous nous avez
28 dit qu'elle était couverte par le centre de la DB de Kraljevo ?
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1 R. Le centre de la DB de Kraljevo était composé de quatre départements ou
2 sections; celui de Novi Pazar, celui de Cacak, celui de Krusevac et celui
3 de Kraljevo. Le département de Novi Pazar, au début, et quand je dis au
4 début, je pense au moment où la situation est devenue plus complexe, au
5 début donc, ce département comptait sept personnes, et ce, jusqu'à la fin
6 de l'année 1993. En fait, parmi ces sept, il y avait cinq agents
7 opérationnels et deux agents administratifs. Excusez-moi.
8 Alors, à Kraljevo, ou plutôt, au centre de Kraljevo, eh bien, je ne sais
9 pas quel était le nombre exact d'employés qui s'y trouvaient. Je peux vous
10 donner peut-être une estimation. A mon avis, ils étaient à peu près une
11 quarantaine.
12 Q. Et parmi eux, combien étaient des agents opérationnels ?
13 R. Dans l'ensemble du centre de Kraljevo ?
14 Q. Oui.
15 R. Eh bien, à mon avis, et je n'en suis pas tout à fait sûr, je crois
16 qu'ils étaient environ une trentaine d'agents opérationnels.
17 Q. Et pendant les années 1991 à 1993 -- je vais plutôt vous poser la
18 question pour les années 1991 à 1995. Quel type de coopération aviez-vous
19 avec les services de la sécurité publique ?
20 R. La coopération était très bonne, très correcte, au sens où nous
21 donnions certains types d'informations correspondant à des situations que
22 nous n'étions pas censés résoudre. Il s'agissait principalement d'actes
23 criminels mais à titre individuel dans le domaine du trafic d'armes, de la
24 contrebande.
25 Q. Quel type de ressources était à leur disposition ? Le centre de la DB
26 de Kraljevo disposait de quelles ressources, ressources sur le territoire
27 qu'il couvrait ?
28 R. Ils avaient beaucoup plus de ressources parce qu'ils avaient des
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1 policiers en uniforme et ils avaient des inspecteurs de police judiciaire,
2 donc numériquement, ils étaient bien plus nombreux que nous.
3 Q. Je voudrais maintenant que nous nous reportions à votre déclaration
4 pour obtenir quelques précisions.
5 M. JORDASH : [interprétation] Je voudrais que nous affichions le document
6 D451, qui, pour le moment, a été placé sous pli scellé jusqu'à plus amples
7 vérifications, Mesdames et Monsieur les Juges.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous étiez censé avoir vérifié pour
9 aujourd'hui, je crois, n'est-ce pas, Maître ? Nous vous entendrons plus
10 tard sur ce point.
11 M. JORDASH : [interprétation] Alors, je voudrais que nous prenions le
12 paragraphe 4.
13 Q. Dans ce paragraphe, vous évoquez le département de Novi Pazar et ses
14 activités visant à protéger l'ordre constitutionnel et la sécurité, et vous
15 faites le commentaire suivant, vous dites que :
16 "Notamment en 1992 et en 1993, l'objectif principal, à savoir la prévention
17 de la guerre civile au Sandzak, a été déterminé en se fondant sur un ordre
18 du chef du RDB et de la direction."
19 Alors, quelle distinction faites-vous -- pendant cette période s'étendant
20 de 1991 à 1995, quelle distinction faites-vous entre le type de travail qui
21 était effectué au département de Novi Pazar -- ou plutôt, je vais essayer
22 de dire les choses plus simplement. Qu'est-ce qui était différent en 1992
23 et en 1993 ?
24 R. Après l'introduction du système multipartite en Serbie -- excusez-moi,
25 mais je vais peut-être citer les noms de certaines personnes qui ont été à
26 des postes très importants. Peut-être que nous pourrions passer à huis clos
27 partiel, je souhaiterais le demander.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
2 Mesdames et Monsieur les Juges.
3 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, si vous parlez de
5 personnes qui ont occupé des postes importants, en fait, à quels postes
6 pensez-vous, au sein de quels organes ? Les organes de la Sûreté d'Etat ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas entendu l'interprétation. Je n'ai
8 pas compris.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame l'Huissière, est-ce que vous
10 pourriez venir en aide au témoin. Est-ce que vous m'entendez maintenant ?
11 L'INTERPRÈTE : Le témoin opine du chef.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Très bien. Alors, ma question était
13 la suivante : lorsque vous parlez de hauts postes, je vous ai demandé à
14 quels organes vous pensiez ? Des hauts postes au sein de quels organes ? La
15 Sûreté d'Etat ou d'autres structures ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pensais à des postes au sein des organes de
17 la République de Serbie, des organes d'Etat.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, je me tourne vers les
19 parties. En fait, le simple fait que quelqu'un ait occupé un haut poste,
20 mais qui n'était pas au sein de la Sûreté d'Etat, il me semble que ceci
21 sortirait quand même du cadre des mesures de protection qui ont été
22 ordonnées.
23 M. FARR : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash.
26 M. JORDASH : [interprétation] Eh bien, je crois que je peux fournir un peu
27 plus d'informations aux Juges de la Chambre. Je crois que le témoin se
28 réfère à deux membres du gouvernement serbe, et il me semble que, tout
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1 comme dans sa déclaration, le témoin s'apprête à déposer quant à leurs
2 activités qui peuvent être qualifiées d'activités terroristes pendant le
3 conflit, donc je crois que c'est cela la préoccupation qui est celle du
4 témoin.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas, je demande aux
6 parties leur avis encore une fois. Il serait peut-être plus sage de
7 procéder en passant à huis clos partiel.
8 M. FARR : [interprétation] Je crois que si la Chambre est disposée à le
9 faire, il n'y a pas de problème. Je ne sais pas quel serait l'intérêt à
10 priver le public de cette information -- ou plutôt, des positions du témoin
11 quant à ces personnes, ou encore de la connaissance qui est celle du témoin
12 par rapport à ces individus. Mais si la Chambre souhaite procéder avec
13 davantage de précaution, je n'ai pas d'objection.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais consulter mes collègues.
15 M. JORDASH : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais ajouter une chose.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
17 M. JORDASH : [interprétation] Je crois qu'une lecture peut-être un peu plus
18 large de l'ordonnance de la Chambre pourrait être la suivante : il y avait
19 des cibles définies par la Sûreté d'Etat et également des personnes qui
20 pouvaient être considérées comme leur étant associées, notamment les
21 sources.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, par excès de précaution, nous
24 allons entendre cette partie de la déposition à huis clos partiel.
25 Nous sommes à huis clos partiel, donc, Maître Jordash, je vous invite à
26 répéter votre question.
27 M. JORDASH : [interprétation]
28 Q. Quelle était la différence entre 1992 et 1993 du point de vue de votre
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1 travail au sein du département de Novi Pazar ?
2 R. Lorsque le SDA a été créé, le Dr Sulejman Ugljanin est arrivé à sa
3 tête, et son adjoint, son remplaçant, était Rasim Ljajic. En 1991, après la
4 sécession de la Bosnie-Herzégovine de l'ancienne Yougoslavie, c'est sur
5 ordre de la direction de la Bosnie-Herzégovine, à savoir d'Izetbegovic, que
6 Sulejman Ugljanin, avec son parti, a organisé un référendum illégal qui
7 visait la sécession du Sandzak de la Serbie. On a reçu parallèlement des
8 informations indiquant qu'Ugljanin, avec certains de ses collaborateurs
9 extrémistes - pas avec tous, mais avec certains individus - a commencé à
10 procéder à l'armement illégal des membres de son parti qui étaient des
11 extrémistes. Il les envoyait se former à l'action terroriste et au sabotage
12 en Turquie, si bien que des tensions sont apparues, des tensions qui
13 étaient très clairement marquées par ce caractère nationaliste et par les
14 incidents à caractère national. Afin d'empêcher tout cela, l'objectif
15 primordial était d'empêcher une guerre civile en Serbie et de protéger tout
16 le monde au Sandzak, de protéger l'ensemble de la population et tous les
17 biens.
18 Q. Je vais juste vous interrompre à ce stade. Revenons en arrière, juste
19 après le moment où vous avez fourni le contexte concernant 1992 et 1993.
20 Est-ce que quelque chose serait arrivé en 1993 qui aurait causé une
21 situation différente en 1994 et 1995 par rapport à ce qu'elle avait été en
22 1992 et 1993 ?
23 R. Oui.
24 Q. Devons-nous rester à huis clos partiel ?
25 R. Oui, oui. Sur ordre de la direction du service de Jovica Stanisic, nous
26 avions pour tâche prioritaire d'empêcher la guerre civile en Serbie et de
27 protéger absolument tous les habitants du Sandzak. J'ai dit
28 intentionnellement citoyens ou habitants, parce que -- excusez-moi. Chez
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1 nous, nous disons Bosniens et Musulmans, et à l'époque il s'agissait des
2 Musulmans, mais je ne voudrais vexer personne. Je peux peut-être dire
3 Bosniens.
4 Nous devions absolument protéger les Bosniens avec tous les habitants
5 du Sandzak et nous devions localiser les points d'armement et rassembler
6 les informations à ce sujet ainsi qu'au sujet de la formation des groupes
7 de saboteurs et de terroristes, ainsi que les informations concernant les
8 individus qui avaient été envoyés se former au terrorisme et au sabotage en
9 Turquie. Une formation qui avait été organisée conjointement par Sulejman
10 Ugljanin et les autorités de la Bosnie-Herzégovine.
11 Après 1993, lorsque nous avons commencé à mettre en œuvre l'opération
12 Mai 1993, où nous avons procédé à l'arrestation uniquement de leurs
13 commandants, les commandants de leurs unités paramilitaires, qu'elles
14 interviennent dans le domaine de la police ou de l'armée. Après cette
15 opération, vers fin 1993, après le dépôt d'une plainte par le procureur
16 contre Ugljanin, la situation s'est très significativement améliorée. La
17 tension est retombée, de nombreux extrémistes ont fui, sont partis, et la
18 situation s'est peu à peu apaisée.
19 Q. Et qu'est-il advenu d'Ugljanin ?
20 R. Lorsqu'il a appris qu'une plainte au pénal avait été déposée par
21 le procureur contre lui, il a fui en Turquie. Il est revenu en 1997 ou
22 1998, je ne sais plus exactement, en Serbie et il a continué à être actif
23 en politique.
24 Q. Je crois que nous devrions pouvoir maintenant revenir en audience
25 publique et poursuivre notre discussion, mais sans que vous fassiez
26 référence à ces deux personnes, à moins que vous n'ayez besoin de le faire,
27 et dans ce cas-là nous repasserons en audience à huis clos partiel.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous repassons en
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1 audience publique. A partir de maintenant, votre déposition redevient
2 publique.
3 Madame la Greffière, s'il vous plaît.
4 M. JORDASH : [interprétation] Pourrions-nous voir à l'écran --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je vous ai
6 dit de continuer, mais j'aurais dû attendre Mme la Greffière.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, nous
8 sommes en audience publique.
9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
11 M. JORDASH : [interprétation] Pourrions-nous avoir le document 1D05100 à
12 l'écran, s'il vous plaît.
13 Q. Ce document figure au regard du numéro 18 dans votre tableau. Vous
14 l'avez déjà vu. Il s'agit d'une proposition visant à déclencher l'opération
15 Mai 1993; est-ce que cela est vrai ?
16 R. Oui.
17 Q. Cette opération a duré combien de temps ?
18 R. L'action Mai 1993 ?
19 Q. Combien de temps a-t-elle duré, s'il vous plaît ? D'après ce que nous
20 voyons en page 2 de ce document, cette opération a été appelée "Mai 1993".
21 R. Elle a duré jusqu'au moment où j'ai pris ma retraite. Et pour autant
22 que je le sache, elle est toujours en cours. Je n'en suis pas certain.
23 M. JORDASH : [interprétation] Prenons la page 2 de la version anglaise et
24 la fin de la page 1 en B/C/S.
25 Q. Je voudrais que nous essayions de bien comprendre certains éléments
26 dans ce texte. Est-ce que vous voyez le paragraphe qui se lit comme suit :
27 "Sur ordre du Conseil national musulman de Sandzak, l'état-major de la
28 défense de Sandzak a été constitué. Sa mission était de coordonner toutes
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1 les activités visant à constituer des formations paramilitaires illégales…"
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lisez plus lentement.
3 M. JORDASH : [interprétation]
4 Q. "…les former, les armer, et cetera. Egalement, dans ce contexte, ce qui
5 est important, c'est le rôle joué par le département de la sécurité du SDA
6 et sa direction particulière pour ce qui est de l'envoi des membres des
7 unités paramilitaires en Turquie afin d'être formés à des actions de
8 sabotage dans la zone de Raska."
9 Ce Conseil national musulman de Sandzak, quels sont ses objectifs, en quoi
10 consiste-t-il, de quoi se compose-t-il ?
11 R. Ce sont des partis politiques musulmans, en fait, qui l'ont constitué
12 en créant une alliance, bien que parmi ces partis il y en avait qui ne
13 comptaient que quelques membres. Ils se sont rassemblés pour avoir plus de
14 poids. Le SDA et plusieurs partis politiques musulmans présents dans la
15 région de Raska ont constitué ce Conseil national musulman comme un conseil
16 unique qui allait prendre des décisions au nom de tous les partis
17 musulmans. Et tout cela dans le contexte d'un mémorandum portant sur un
18 statut spécial à accorder à la région de Sandzak. Ce Conseil national
19 musulman avait pour mission de coordonner l'ensemble des activités qui
20 étaient liées à l'armement illégal, la création des unités paramilitaires
21 ou unités de sabotage, l'envoi des Musulmans pour se faire former et
22 entraîner en Turquie, et cetera.
23 Q. Seriez-vous en mesure de nous dire quel est le pourcentage de la
24 population musulmane de Sandzak qui était représentée par le Conseil
25 national musulman ou que le Conseil national musulman affirmait représenter
26 ?
27 R. Eux, ils se présentaient comme des représentants de l'ensemble des
28 Musulmans, mais ce n'était pas exact. Ils ne représentaient que l'aile
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1 extrémiste des Musulmans de Sandzak, et il faut savoir que ce n'était pas
2 l'ensemble de la population musulmane. Ils n'étaient pas tous favorables à
3 ce type de politique belliciste et n'étaient pas favorables à une scission
4 du Sandzak de la Serbie. Il est très difficile de donner des chiffres
5 maintenant, mais disons que peut-être 40 % des Musulmans étaient favorables
6 au Conseil national musulman, pas plus que cela.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, vous posez ces questions
8 alors que le fondement factuel sur lequel reposent vos questions n'est pas
9 du tout clair. D'autre part, nous savons que souvent les courants
10 politiques revendiquent une base plus large qu'elle ne l'est réellement. Et
11 en même temps, il n'est pas exactement clair si vous demandez autre chose
12 que des impressions.
13 M. JORDASH : [interprétation] Je pense que la question que je poserais
14 maintenant vous permettra de voir les choses plus concrètement.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.
16 M. JORDASH : [interprétation]
17 Q. Au paragraphe 14 de votre déclaration, vous dites que du 25 au 27
18 octobre 1991, un référendum secret a été organisé au Sandzak et que la
19 question posée au référendum était de savoir si les votants étaient
20 "favorables à la sécession du Sandzak de la Serbie et à son annexion à une
21 autre république de l'ancienne Yougoslavie." Les résultats de ce référendum
22 ont été diffusés dans une conférence de presse, d'après ce que vous dites.
23 Est-ce que vous savez aujourd'hui quels ont été les résultats de ce
24 référendum ?
25 R. Je ne m'en souviens pas, mais 73 à 74 % à peu près des voix étaient
26 favorables, et le reste était opposé à cela. Mais je ne suis absolument pas
27 certain de ces chiffres aujourd'hui.
28 Q. Vous aviez l'impression que 40 % des Musulmans étaient favorables au
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1 Conseil national musulman, et d'autre part, vous pensez, même si vous n'en
2 êtes pas certain, que 73 ou 74 % des Musulmans du Sandzak ont répondu
3 favorablement à cette question qui leur demandait s'ils étaient favorables
4 à une sécession du Sandzak. Comment est-ce que vous pouvez nous interpréter
5 ces deux chiffres ?
6 R. Le référendum portant sur la sécession du Sandzak était un référendum
7 illégal. En fait, il n'a jamais eu lieu. Il est purement fictionnel. Soi-
8 disant, d'après ce qu'ont dit des extrémistes, il aurait eu lieu dans les
9 foyers. Mais pour autant qu'on le sache, nous, ce référendum n'a pas eu
10 lieu du tout. Et puis, deux ou trois jours plus tard, eux, ils ont publié
11 des résultats.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, est-ce que cela ajoute à
13 la confusion ou est-ce que cela nous permet d'y voir plus clair ? Mais
14 laissons cela de côté. Les objectifs politiques ne sont pas exactement la
15 même chose que la représentativité d'un mouvement. Vous n'êtes pas
16 nécessairement membre d'un parti ou d'un mouvement tout en appuyant
17 certains objectifs qui peuvent être les leurs. Je trouve que cela ne nous
18 permet pas d'y voir plus clair.
19 M. JORDASH : [interprétation] Je ne suis pas sûr de pouvoir préciser cela
20 encore davantage, mais je peux essayer.
21 Q. Le programme politique du Conseil national musulman, est-ce qu'il
22 prévoyait une sécession par moyens politiques ou en ayant recours à la
23 violence ? Quel était le modus operandi prévu ?
24 R. Ce qui était prévu, c'était d'absolument s'inscrire dans la suite des
25 événements en Bosnie-Herzégovine. Il faudrait un petit peu remonter dans le
26 temps pour qu'on puisse bien comprendre la situation. La sécession de la
27 Bosnie-Herzégovine se situe à peu près à une quinzaine ou une vingtaine de
28 jours avant ce référendum. Après, il y a eu ce référendum illégal, et puis
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1 la sécession se situe sur deux plans : il y a le plan politique, et puis
2 après le plan militaire, c'est-à-dire les actions menées par les
3 paramilitaires et les forces d'une parapolice. C'est la raison pour
4 laquelle ils se sont armés, et c'est dans cet objectif-là qu'ils ont envoyé
5 leurs hommes se faire former, et c'est dans ce cadre-là qu'ils ont créé des
6 unités de cette parapolice.
7 Parce qu'ils avaient un secteur qui était un service qui était chargé
8 de la sécurité également au sein du Conseil national musulman, tout en
9 ayant tous les autres portefeuilles habituels : santé, éducation, et
10 cetera. C'était un micro gouvernement, en fait, et tout cela était prévu
11 dans le mémorandum exigeant un statut spécial pour le Sandzak.
12 Q. Et au Sandzak, y avait-il d'autres partis politiques, des partis
13 politiques qui n'approuvaient pas les objectifs ou les moyens du Conseil
14 national musulman ?
15 R. Oui, il y avait le Parti socialiste de Serbie, dont les membres étaient
16 tant les Serbes que les Musulmans. Mais eux, ils servaient plutôt les
17 intérêts de l'Etat. En fait, je ne sais pas à quoi vous pensez. Vous pensez
18 aux partis politiques musulmans,
19 plutôt ?
20 Q. Oui, cela faisait partie également de ma question.
21 R. Les partis musulmans, ils n'osaient pas s'isoler du SDA parce que s'ils
22 le faisaient, ils s'exposaient aux boycotts, aux menaces, et cetera.
23 Q. Reparlons un instant de l'opération Mai 1993, si vous le voulez bien.
24 Cette opération, comme nous pouvons le voir dans ce document, était conçue
25 afin de s'occuper partiellement de cette création d'unités paramilitaires.
26 Que pouvez-vous nous dire pour nous présenter la gravité du problème ? Vous
27 dites que 10 000 personnes se sont armées au Sandzak.
28 M. JORDASH : [interprétation] Paragraphe 22, Monsieur le Président,
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1 Mesdames les Juges.
2 Q. Et s'agissant des affaires courantes ou des opérations, disons, au
3 quotidien menées par la Sûreté de l'Etat et la sécurité publique, quelle
4 gravité est-ce que cela a pu avoir de 1991 à 1993 et par la suite ?
5 R. Lorsque cette action a commencé, la situation sur le plan de la
6 sécurité au Sandzak était vraiment très difficile. La guerre avait commencé
7 en Bosnie. Nombre de Musulmans de Sandzak vivaient en Bosnie, ou se sont
8 rendus à ce moment-là en Bosnie pour faire la guerre dans les rangs du SDA.
9 Et il y avait beaucoup d'armes illégales, d'après nos informations. Parce
10 que l'on a organisé des approvisionnements en armes venues d'une partie de
11 la Bosnie pour le Sandzak, et d'après les informations que nous avons
12 reçues et qui étaient assez importantes, assez nombreuses, ces armes donc
13 arrivaient au Sandzak. Et les Musulmans, il faut savoir qu'ils aiment
14 beaucoup célébrer en tirant des coups de feu, et ces pratiques inquiétaient
15 la population.
16 Surtout lorsque, au début de l'année 1993, nous avons appris qu'ils
17 ont organisé des départs de leurs dirigeants pour se faire former au
18 sabotage en Turquie, et que par la suite nous avons appris que ces groupes
19 de sabotage ont effectivement été créés à Tutin, Sjenica, Novi Pazar, donc
20 dans plusieurs villes. Donc, au vu de la situation, il a fallu que l'on
21 réagisse énergiquement pour empêcher des atteintes à l'ordre public, des
22 incidents, voire une guerre civile, et que l'on protège la population
23 civile.
24 Q. Vous parlez de groupes de sabotage. De quoi parlez-vous ? Quelle était
25 la composition de ces groupes ? Qui étaient-ils ?
26 R. Ces groupes de sabotage comptaient de trois à cinq membres, c'étaient
27 de jeunes hommes qui avaient, en fait, fait leur service militaire
28 obligatoire au sein de la JNA, qui avaient une formation et qui savaient
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1 manier des explosifs, des grenades, des bombes. Donc, comment est-ce qu'on
2 les formait ? Dans un premier temps, on les formait en leur permettant de
3 visionner des films et leur montrant comment improviser des engins
4 explosifs de moindre ou de plus grande taille pour, par exemple, faire
5 sauter des tunnels, des ponts, des immeubles, lieux de rassemblement. Ils
6 devaient avoir un fusil automatique, une grenade à main et, chacun d'entre
7 eux, trois couteaux, me semble-t-il.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, est-ce que les détails
9 concernant cet entraînement vous paraissent importants en l'espèce ? Est-ce
10 qu'il s'agit de groupes qui comptent trois ou dix personnes, est-ce qu'ils
11 ont trois couteaux ou sept couteaux ? La déposition est claire dans la
12 mesure où ce témoin nous que cela a constitué un problème qu'on ait formé
13 et entraîné ces hommes en Turquie pour qu'ils puissent mener à bien des
14 opérations de sabotage. Alors, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle il
15 faudrait que l'on connaisse les détails de la durée et de la nature de
16 cette
17 formation ? Je m'exprime au nom des trois Juges, nous n'avons pas la
18 sensation que ces éléments nous soient absolument indispensables.
19 M. JORDASH : [interprétation] J'espère pouvoir vous démontrer l'objectif de
20 tout cela.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y. Je vous en prie, allez-y,
22 faites-le.
23 M. JORDASH : [interprétation]
24 Q. Ces groupes de sabotage avaient quel type de lien avec ceux que l'on
25 envoyait pour suivre un entraînement en Turquie ? Avez-vous compris ma
26 question ?
27 R. Mais ce sont deux choses distinctes. Les groupes de sabotage, ces
28 groupes terroristes, ont été constitués au sein du parti SDA. Or,
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1 l'entraînement au sabotage, il a concerné tout d'abord les commandants de
2 ces unités. D'abord, il y a eu un groupe d'une cinquantaine de personnes,
3 et ensuite il y a eu d'autres groupes. Donc, dans un premier cas de figure,
4 nous n'avons que le SDA de Novi Pazar, Tutin et Sjenica, puis le groupe qui
5 est parti en Turquie concerne l'ensemble du Sandzak, donc Uzice, Novi Pazar
6 et une partie du Sandzak au Monténégro. Eux, ils sont partis en Turquie
7 pour suivre l'entraînement.
8 Q. Et par rapport à vos informations, qui leur a offert cet entraînement
9 en Turquie, et quelle forme de formation ou d'entraînement ont-ils reçu à
10 leur retour au Sandzak ?
11 R. En partie, ils ont été formés par des officiers turcs. Et puis, une
12 deuxième partie de l'entraînement a été organisé par des déserteurs de la
13 JNA qui avaient déserté. Donc, c'étaient des ex-officiers de la JNA, des
14 Musulmans, qui avaient déserté en Turquie. L'entraînement consistait à leur
15 apprendre quelle était la nature des armes et de l'équipement de la JNA,
16 comment les détruire, comment mener des combats de rue en zones urbaines,
17 quelles sont les zones les plus sensibles ou les installations les plus
18 sensibles, comment mener des combats dans les zones habitées, villes, rues,
19 et cetera. Et ensuite, des exercices de tirs consistant à leur apprendre à
20 manier les grenades à main, et cetera.
21 Q. Je vous remercie. Quelques questions de suivi avant de revenir à votre
22 déclaration. Donc vous, au sein de la Sûreté de l'Etat de Novi Pazar ou de
23 Kraljevo, dans ces centres, est-ce que vous pensiez que vous étiez tenu, en
24 tant qu'employé de la DB, d'empêcher les départs de ces extrémistes en
25 Turquie où ils allaient suivre cet entraînement ?
26 R. Notre partie du travail consistait à faire cela. Mais il faut savoir
27 qu'ils s'y rendaient en tant que civils; ils avaient un passeport et ils
28 étaient libres de circuler. Donc nous n'avions aucun fondement pour les
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1 empêcher de le faire.
2 Q. Et une question analogue par rapport aux Musulmans qui se rendaient en
3 Bosnie pour s'y battre contre les Serbes de Bosnie ?
4 R. Oui, c'est le même cas de figure, sauf que les informations que nous
5 avions ne nous permettaient pas d'empêcher ces citoyens de se rendre en
6 Bosnie ou ailleurs. Donc, formellement, nous n'avions pas de motif valable
7 pour leur interdire ces déplacements.
8 Q. Reprenons votre déclaration et -- un instant, s'il vous plaît. Au
9 paragraphe 35. Ou plutôt, 36. Il est question d'une réunion qui
10 m'intéresse. Vous dites que vous avez pris part à deux, trois ou, tout au
11 plus, quatre réunions de la direction de la DB, y compris Vilotic. Nous
12 voyons toute une série de noms de personnes qui sont mentionnés. Et vous
13 dites que ces réunions -- que Jovica Stanisic a été lui aussi présent à ces
14 réunions.
15 Je voudrais que l'on parle de la réunion où vous avez vu pour la première
16 fois Jovica Stanisic dans son bureau de Belgrade avant la proposition que
17 l'on organise cette action Mai 1993. Qui était présent à cette réunion ?
18 R. A cette réunion, en plus du chef Stanisic, que j'ai vu pour la première
19 fois à cette occasion, il y a eu également feu Vilotic. Il me semble que
20 Ristic y était, également l'adjoint. Et je pense que le suppléant
21 Tepavcevic était là. Nous y sommes allés, le chef du centre et moi-même, et
22 nous y sommes allés pour présenter la situation qui prévalait au Sandzak à
23 ce moment-là et toute la gravité de cette situation, tout le fardeau qui
24 était sur nos épaules. Nous lui avons fait part de l'ensemble de nos
25 informations relatives à Sandzak et tous les dangers potentiels. Le chef
26 Stanisic nous a écoutés avec attention, même si j'ai eu la sensation qu'il
27 --
28 Q. Essayons d'avancer dans l'ordre. Alors, pourquoi est-ce qu'on a
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1 convoqué cette réunion ?
2 R. La réunion a été convoquée pour informer de la situation qui prévalait
3 chez nous, donc pour transmettre les informations que nous avions pour
4 faire valoir à quel point la situation était dangereuse et pour proposer
5 des mesures qui allaient aider à faire baisser la tension.
6 Q. Et quelle était la raison de votre présence ?
7 R. C'est parce que j'étais sur le terrain à Sandzak, et je connaissais la
8 situation directement. C'est la raison pour laquelle le chef du centre de
9 Kraljevo m'a fait venir.
10 Q. La réunion a duré combien de temps, s'il vous plaît ?
11 R. Une heure, une heure et demie, deux heures.
12 Q. Et, plus précisément, qu'est-ce qui a fait l'objet de cette réunion --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, est-ce que vous pourriez
14 vous concentrer sur l'essentiel. Depuis cinq minutes, il n'y a eu aucun
15 élément substantiel énoncé. Donc, qui était présent, qu'est-ce qui s'est
16 passé pendant ces réunions, tout cela figure dans la déclaration. Bien
17 entendu, maintenant nous avons un élément supplémentaire, à savoir que
18 cette réunion a duré entre une heure, une heure et demie et deux heures.
19 Mais deux heures et demie, évidemment, aurait fait toute la différence.
20 Donc, est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, vous concentrer sur les
21 éléments substantiels. Nous avons déjà le reste dans la déclaration.
22 M. JORDASH : [interprétation]
23 Q. Dans votre déclaration, vous dites que :
24 "Il a été question d'un besoin potentiel, d'une possibilité de créer
25 une unité de MUP qui serait formée à combattre les groupes terroristes."
26 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, nous donner quelques
27 éléments d'explication de plus ?
28 R. Je pense qu'il y a eu cette réunion chez le chef du centre. Au vu de la
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1 gravité de la situation et de toutes les difficultés que nous rencontrions,
2 tous les problèmes relatifs à l'armement, aux groupes terroristes, à
3 l'armement de ces gens. Donc la question était de dire qu'il faudrait
4 prévoir une unité au sein du service qui aurait pour mission la prévention,
5 justement, sur ce terrain-là, donc empêcher les actions de ce type de
6 groupes de sabotage, qui auraient davantage d'armes. Parce que nous
7 n'étions pas véritablement prêts à combattre et à faire face à ce type de
8 menace. Mais bien sûr, il n'y a eu qu'une discussion. Il n'y a eu qu'une
9 annonce, une ébauche de cela dans le cadre de cette conversation. Rien de
10 plus palpable.
11 Q. Et pour autant que vous puissiez nous le dire, quand cette réunion a-t-
12 elle eu lieu ? Quel mois et quelle année ?
13 R. En 1993, dans la deuxième moitié de 1993. Maintenant je ne peux pas me
14 souvenir exactement. Je crois que c'était la seconde moitié de 1993.
15 Q. Et de votre point de vue de professionnel, quelle aurait été l'utilité
16 d'une unité antiterroriste au Sandzak en 1991 et 1992 ?
17 R. Eh bien, du point de vue professionnel qui était le mien, si nous
18 avions eu cette unité en 1991 et 1992, puis 1993 et 1994, je pense que cela
19 nous aurait largement facilité le travail, que cela aurait été bien mieux.
20 Je crois que les tensions seraient retombées bien plus tôt et que la
21 situation se serait apaisée, bien qu'en 1995 et 1996 elles se soient
22 apaisées, surtout en 1996. Mais cette unité, je parle du Sandzak, aurait
23 été très utile parce que nous étions confrontés à toute une série de
24 situations différentes qui étaient toutes très dangereuses.
25 Q. Est-ce que vous avez jamais disposé d'une unité antiterroriste qui
26 serait venue au Sandzak entre 1991 et 1995 afin de vous porter assistance
27 de quelque façon que ce soit, une unité antiterroriste rattachée à la DB, à
28 la Sûreté d'Etat ?
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1 R. Non, non, jamais. Jamais nous n'avons rien vu de tel en dehors de la
2 police. En fait, le secteur de la Sûreté d'Etat avait ses propres
3 détachements, mais nous n'avons jamais vu une telle unité. Il n'y en a
4 jamais eu.
5 Q. Merci. Concernant l'opération Mai 1993, quel type d'armes a été saisi
6 et quelle était la quantité d'armes saisies pendant cette opération entre
7 1993 et 1995 ?
8 R. Il s'agissait avant tout d'armes d'infanterie, donc des fusils, des
9 fusils semi-automatiques et automatiques, des mitrailleuses, des fusils
10 mitrailleurs, des grenades, des pistolets. On a également saisi une
11 mitrailleuse antiaérienne, des Zolja, et cetera, des engins explosifs et
12 des mines, des explosifs en général, des équipements de transmission et
13 même du matériel chimique qu'on a ensuite fait analyser pour découvrir
14 qu'il s'agissait de poisons.
15 Q. Y a-t-il eu le moindre observateur international ou représentant de la
16 communauté internationale qui se soit trouvé sur place pendant la durée de
17 cette opération à quelque moment que ce soit ?
18 R. Je crois qu'il y avait une mission qui était en cours à l'époque, une
19 mission de l'OSCE, à Novi Pazar, parce que le SDA et le Conseil national
20 musulman ne cessaient de répéter à l'époque que les droits des Musulmans
21 étaient bafoués. Dans la seconde moitié de 1993, lorsque nous avons désarmé
22 le département de la sécurité de Sulejman Ugljanin et saisi un grand nombre
23 d'armes, lors de cette opération en 1993, lorsque nous avons saisi un grand
24 nombre d'armes automatiques de fabrication slovène, des MGV, nous avons agi
25 en accord, bien entendu, avec le chef et le chef de la sécurité publique.
26 Nous avons invité les représentants de l'OSCE, qui ont vérifié de quel type
27 d'armes il s'agissait, on les a mis au courant, et leur avis était qu'il
28 s'agissait de terrorisme au sens classique. Je dis ça parce que j'étais
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1 présent. Et ensuite, après quelques jours, ils ont quitté Novi Pazar et ne
2 sont plus jamais revenus.
3 Q. Entre 1991 et 1995, y a-t-il eu la moindre plainte adressée aux
4 autorités serbes à propos du traitement que vous aviez réservé à des
5 détenus musulmans ?
6 R. Excusez-moi, on m'a traduit qu'il s'agissait de détenus musulmans. Mais
7 nous n'en avons jamais eu.
8 Q. Je vais être plus précis. Il y a des éléments qui sembleraient indiquer
9 que vous auriez peut-être traité avec brutalité certains détenus musulmans
10 qui étaient placés en détention pour être interrogés par la police.
11 M. FARR : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le témoin
12 vient juste de répondre en indiquant qu'il n'y avait pas eu de détenus
13 musulmans.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Me Jordash l'a décrit d'une façon
15 légèrement différente, je crois. Il a le droit d'essayer de vérifier la
16 réponse qui a été donnée précédemment.
17 M. JORDASH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président
18 Q. Est-ce que vous avez suivi ma question ? Certains éléments semblent
19 suggérer que pendant votre activité, vous auriez été responsable de mauvais
20 traitements infligés à des Musulmans. Je ne vais pas entrer dans les
21 détails, je laisserai cela à l'Accusation, mais pourriez-vous simplement me
22 donner une réponse avant que je ne conclue ?
23 R. Pour autant que je le sache, personne ne s'est jamais plaint aux
24 autorités ou aux organes de l'Etat concernant les façons de procéder qui
25 étaient celles de la section de la Sûreté de l'Etat à Novi Pazar. Pas pour
26 autant que je le sache, et je ne suis pas au courant non plus d'une
27 procédure qui aurait été diligentée.
28 Q. Avez-vous été ensuite accusé de quoi que ce soit qui aurait été commis
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1 entre 1991 et 1995, d'avoir commis une infraction pendant cette période ?
2 R. Pas pour autant que je le sache.
3 Q. Merci, Monsieur Corbic.
4 M. JORDASH : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître.
6 Peut-être juste une question, Monsieur Corbic, concernant les deux
7 dernières questions qui vous ont été posées. Monsieur Corbic, vous avez dit
8 qu'il n'y avait pas de détenus musulmans, mais en même temps, lorsqu'on
9 vous a reposé la question, vous avez dit qu'il n'y avait pas de plaintes en
10 relation avec ce que Me Jordash décrivait encore une fois en se référant à
11 des détenus musulmans. Est-ce que vous pourriez éclairer notre lanterne.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je l'aie bien compris, un
13 détenu, c'est quelqu'un qui a été arrêté et qui se trouve en prison; mais
14 si j'ai bien compris Me Jordash, il a parlé de personnes qui étaient en
15 garde à vue, qui étaient en détention provisoire, et nous n'en avions pas.
16 Parce que quelqu'un qui est détenu, c'est quelqu'un qui est en prison,
17 alors que quelqu'un qui est en détention provisoire ou qui est en garde à
18 vue juste pour être interrogé, c'est une autre catégorie. C'est peut-être
19 l'explication que vous demandiez.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais dans les deux cas, il y a
21 privation de liberté. Dans un cas, on est emmené à titre provisoire au
22 poste de police, et dans l'autre cas, il s'agit d'une privation de liberté
23 à caractère plus permanent. Est-ce la façon dont il convient de comprendre
24 votre explication, Monsieur le Témoin ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne placions personne en détention pour
26 une période longue ou durable. Le terme qui a été utilisé est "privedni
27 [phon]", c'est-à-dire "amené au poste de police". "Arrêté" signifie en fait
28 d'être invité pour un entretien à caractère informatif, parfois par une
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1 convocation, parfois simplement parce que nous recevions un rapport
2 indiquant que quelqu'un était en possession illégale d'armes, et ensuite
3 nous amenions cette personne. C'est la distinction dont je parlais.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Encore une autre question
5 avant que je laisse Me Bakrac vous contre-interroger. Vous avez été
6 interrogé par Me Jordash concernant les armes qui avaient été saisies. Nous
7 trouvons ceci en fait au paragraphe 40 de votre déclaration, le fait qu'il
8 y avait des armes d'infanterie, des explosifs, des grenades, des
9 mitrailleuses antiaériennes, Zolja, pistolets, et cetera. Vous avez répété
10 ceci dans votre déposition. Vous avez, cependant, ajouté deux catégories.
11 Vous avez parlé de produits chimiques, en disant qu'il s'agissait de
12 poison, et vous avez parlé d'armes de type MGV. Pourriez-vous nous dire de
13 quel type de poison il s'agissait ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de deux fioles qui ont été
15 envoyées au laboratoire pour analyse --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter. Je ne vous ai pas
17 demandé si ce poison était dans des bouteilles -- enfin, je ne vous ai pas
18 demandé la façon dont ceci était conditionné. Je vous ai demandé de quel
19 type de poison il s'agissait ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons pas reçu d'information en retour
21 à notre demande.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites que c'est du poison,
23 mais sans précision supplémentaire quant à la nature du poison; il pourrait
24 s'agir de mort aux rats ou de poison destiné à empoisonner des personnes ou
25 quoi que ce soit d'autre, en fait ? D'après les gestes que vous faites, je
26 crois comprendre que vous ne savez pas.
27 Ensuite, en plus de ce que nous trouvons déjà dans votre déclaration, vous
28 avez évoqué des armes de type MGV. Je n'ai pas la moindre idée de ce que
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1 cet acronyme représente, est-ce que vous pourriez nous expliquer cela.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] MGV, ce sont des armes fabriquées en Slovénie.
3 Il s'agit d'une arme automatique de petit calibre avec un chargeur en forme
4 de disque, calibre 22-millimètres. Il s'agit d'un type d'armes, par
5 ailleurs, interdit par les conventions de Genève [phon], et c'est ce que
6 nous avons retrouvé, entre autres, à la section de la sécurité du SDA.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous parlez donc d'un fusil
8 automatique muni d'un tambour ou d'un disque, vous avez donné le calibre
9 des munitions et puis vous avez indiqué que c'était interdit par la
10 convention de Vienne. Qu'est-ce qui distingue cette arme d'autres fusils
11 automatiques également interdits par la convention de Vienne ? Qu'est-ce
12 qui est si spécial ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont les munitions. Parce qu'il s'agit de
14 balles de petite taille qui sont considérées comme inhumaines, pour autant
15 qu'on puisse considérer une balle comme étant quelque chose d'humain.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est plutôt le type de munitions qui
17 est considéré comme illégal plutôt que l'arme en elle-même; est-ce ainsi
18 que je dois comprendre votre déposition ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette arme, ce fusil, ne peut utiliser que ce
20 type de munitions. Il est fabriqué, en fait, spécialement pour ce type de
21 munitions.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je dois dire que je ne
23 suis pas très versé dans ces questions, mais je vous remercie de votre
24 réponse.
25 Maître Bakrac -- ah, Maître Jordash, peut-être, d'abord.
26 M. JORDASH : [interprétation] Excusez-moi, Maître Bakrac. Les personnes qui
27 manient le B/C/S dans notre équipe de Défense m'informent, et ce, avec
28 certitude, qu'il y a une distinction entre détenus et prisonniers, et qu'il
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1 y a une distinction également -- une différence entre le mot en serbe et le
2 mot en croate, et je me demande si ceci ne serait peut-être pas à l'origine
3 de la confusion dans laquelle nous nous sommes trouvés.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je crois que le témoin nous a
5 expliqué pourquoi il a dit à un moment qu'il n'y avait pas de détenus
6 musulmans, et puis, à un autre moment, je crois qu'il a donné des
7 explications suffisantes et suffisamment claires --
8 M. JORDASH : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et j'accepte volontiers que ceci ait
10 pu être causé par des considérations d'ordre linguistique.
11 Maître Bakrac, nous sommes presque arrivés au moment de faire une pause,
12 mais je voudrais vous demander, pour commencer, de combien de temps vous
13 auriez besoin.
14 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai des questions à
15 poser au témoin, et l'une nécessite que nous passions un enregistrement
16 vidéo de deux ou trois minutes. Mais dans l'ensemble, je crois que j'aurai
17 besoin d'une dizaine de minutes.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons démarré avec dix minutes de
19 retard, alors, bien entendu, je me rends bien compte que les accusés
20 attendaient déjà dans la salle d'audience. Maître Jordash, compte tenu de
21 la fiabilité des estimations de Me Bakrac, est-ce qu'il serait préférable
22 d'entendre le contre-interrogatoire avant la pause, au cours des dix
23 minutes suivantes, ou bien vous préfèreriez avoir une pause dès maintenant
24 ?
25 M. JORDASH : [interprétation] Je crois que, comme Me Bakrac, M. Stanisic
26 préfèrerait faire la pause dès maintenant.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons faire la pause
28 dès maintenant et reprendre à 10 heures 45.
Page 14411
1 [Le témoin quitte la barre]
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 17.
3 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
4 [Le témoin vient à la barre]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois encore vous dire que les pauses
6 demandent parfois encore plus d'attention que l'attention déjà importante
7 qui est la nôtre pendant l'audience, et donc, avec nos excuses, encore une
8 fois, nous reprenons.
9 Maître Bakrac, êtes-vous prêt à reprendre avec le contre-interrogatoire du
10 témoin ?
11 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Corbic, vous allez maintenant
13 être contre-interrogé par Me Bakrac.
14 M. BAKRAC : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes dans
15 le prétoire et autour du prétoire.
16 Contre-interrogatoire par M. Bakrac :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Corbic. On m'a déjà présenté. J'ai
18 donc quelques questions à vous adresser. Si j'ai bien compris votre
19 déclaration et ce que vous avez dit pendant votre déposition, vous étiez
20 chargé du territoire du Sandzak, où se trouvait environ 80 % de population
21 musulmane et 20 % de population serbe, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Et le territoire appelé Sandzak se trouve sur le territoire de la
24 Serbie, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. Si je vous ai bien compris, vous disposiez d'un grand nombre
27 d'informations venant du terrain indiquant que --
28 R. Excusez-moi, mais je dois dire quelque chose au sujet du terme de
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1 "Sandzak". Le Sandzak, c'est à la fois Novi Pazar, Sjenica et Tutin, mais
2 aussi Priboj, Prijepolje et Novo Varos. Et on utilise le terme de "Sandzak"
3 également pour désigner une partie du Monténégro.
4 Q. Oui, c'est moi peut-être qui ai été un peu imprécis, Monsieur Corbic,
5 mais je voulais juste gagner du temps. En fait, je souhaitais simplement
6 vous demander si le territoire dont vous étiez responsable était bien une
7 partie de la Serbie ?
8 R. Oui.
9 Q. Donc, si je vous comprends bien, vous aviez beaucoup d'informations
10 venant du terrain qui vous indiquaient qu'un grand nombre de Musulmans, en
11 d'autres termes, de Bosniens, qui étaient ressortissants de la Serbie,
12 partaient en fait en Bosnie se battre aux côtés des Bérets verts, c'est-à-
13 dire dans l'armée musulmane, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous vous rappelez si dans la ville de Novi Pazar il y avait
16 des occasions officielles, des cérémonies pour ainsi dire, dans les hôtels
17 ou les restaurants, au cours desquelles l'on accompagnait ceux qui
18 partaient se battre en Bosnie ?
19 R. Non, je ne m'en souviens pas.
20 Q. Si j'ai bien compris, comme vous l'avez dit précédemment, vous n'avez
21 entrepris aucune mesure contre ces personnes parce qu'ils se rendaient en
22 Bosnie en tant que volontaires. En tant que citoyens de la Serbie, ils
23 passaient la frontière, et ils le faisaient en tant que volontaires, n'est-
24 ce pas ?
25 R. Oui. Nous n'avions absolument aucun fondement légal pour prendre
26 quelque mesure que ce soit.
27 Q. Est-ce qu'en vertu du même principe des Serbes partaient en tant que
28 volontaires en Bosnie et en Croatie ?
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1 R. A partir du Sandzak, non, je n'en ai pas connaissance.
2 Q. Est-ce que vous savez s'ils l'ont fait à partir d'autres parties du
3 territoire de la Serbie ?
4 R. Oui. A partir des médias, des journaux, oui; mais à titre personnel,
5 non, je n'en ai pas connaissance.
6 Q. Alors, d'après ce que vous savez, s'ils partaient sur cette même base
7 en tant que volontaires, est-ce qu'il y aurait un fondement légal pour les
8 arrêter ?
9 R. Non. Pas davantage.
10 Q. Merci, Monsieur Corbic. Dans votre déposition vous avez indiqué que
11 dans l'opération spéciale Mai 1993, vous avez confisqué une grande quantité
12 d'armes. Est-ce que vous pourriez nous dire approximativement de combien
13 d'armes il s'agissait ?
14 R. C'étaient des quantités énormes, de 2 000 à 2 500 armes. Alors, est-ce
15 que les grenades étaient également comptabilisées dans ce chiffre, je ne
16 sais pas, mais environ 2 000 à 2 500.
17 Q. Est-ce que cette opération concernant uniquement les Musulmans ou bien
18 concernait-elle l'ensemble de la population du territoire concerné ?
19 R. Non, elle ne concernait pas uniquement les Musulmans, mais toutes les
20 personnes qui possédaient illégalement des armes. Tous. Nous avons, par
21 exemple, traité le cas de certains Serbes dont les armes ont également été
22 confisqués.
23 Q. Est-ce que vous vous souvenez si toutes les personnes -- en fait, ce
24 qui m'intéresse le plus ici, ce sont les personnes appartenant au groupe
25 ethnique musulman. Donc, est-ce que vous vous rappelez si tous ont fait
26 l'objet de poursuites ?
27 R. Non, non. N'ont pas l'objet de poursuites que ceux pour lesquels nous
28 disposions de preuves solides indiquant qu'ils s'étaient procurés des armes
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1 dans le but d'obtenir la sécession du territoire. Pour les autres, nous
2 confisquions leurs armes, nous déposions une plainte et nous les
3 relâchions. C'était conforme à l'accord passé avec le président de la cour
4 suprême et avec sa décision.
5 Q. Est-ce que j'aurais raison de dire que l'objectif était d'apaiser la
6 situation sur ce territoire, de le pacifier et d'empêcher une escalade
7 supplémentaire en termes de sécurité, d'empêcher que la situation ne
8 s'aggrave ?
9 R. Vous avez absolument raison. Notre objectif était d'empêcher la guerre,
10 que la situation s'apaise au Sandzak afin que les gens puissent y vivre et
11 travailler normalement.
12 Q. Est-ce que vous vous rappelez s'il y avait eu des interventions de la
13 part de la police ou des mesures judiciaires indiquant aux citoyens qu'un
14 délai courait et que si jamais ils remettaient leurs armes avant ce délai,
15 ils ne seraient pas poursuivis ?
16 R. Je me rappelle qu'il y a eu à deux occasions des tentatives de
17 légalisation, entre guillemets, d'armes qui étaient illégalement détenues
18 par des habitants dans la zone de Raska, par exemple. C'est là qu'il y
19 avait le plus grand nombre d'habitants qui se sont présentés dans ce cadre.
20 Donc, de telles armes pouvaient être ainsi légalisées, et aucune sanction
21 ne s'appliquait à ceux qui les avaient remises.
22 Q. C'est précisément l'objet de ma question. Donc les armes qui pouvaient
23 être légalisées l'ont été, et celles qui ne pouvaient pas l'être --
24 R. En fait, les armes étaient remises aux autorités compétentes, et il n'y
25 avait aucune sanction imposée à la personne qui remettait ainsi son ou ses
26 armes.
27 Q. Monsieur le Témoin, je n'ai plus qu'une seule question qui concerne un
28 enregistrement vidéo.
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1 M. BAKRAC : [interprétation] Pendant que nous attendons de le visionner,
2 Monsieur le Président, il s'agit du document 2D879. Nous en avons une
3 transcription dans le système "e-court". Il s'agit d'un enregistrement
4 vidéo d'une chaîne de télévision étrangère en anglais, et une transcription
5 a été remise aux cabines d'interprétation. Donc 2D879.
6 Q. Monsieur Corbic, je vais vous demander de visionner cet enregistrement
7 vidéo, suite à quoi nous commenterons très brièvement pour voir si vous
8 connaissez ou non certains des détails.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "Le journaliste : La guerre en Yougoslavie a introduit un nouveau
12 terme, un nouveau terme, celui de 'nettoyage ethnique'. Un nettoyage
13 ethnique qui crée un afflux considérable de réfugiés dans chaque Etat et
14 chaque partie du territoire de ce qui était autrefois la Yougoslavie --"
15 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Arrêtons-nous pendant quelques instants.
17 Maître Bakrac, avez-vous fourni une transcription à la sténotypiste ?
18 Apparemment, non.
19 M. BAKRAC : [interprétation] Je ne sais pas si un nombre de copies
20 suffisant a été remis par notre commis à l'affaire à Mme l'Huissière.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que je vois que ce texte, le texte
22 de la transcription, pourrait être tout à fait pertinent également pour la
23 sténotypiste. Je crois qu'à ce stade, elle vient d'en recevoir un
24 exemplaire. Malheureusement, il n'y a qu'une seule sténotypiste, et non pas
25 une équipe de deux sténotypistes, et une solution qui est applicable pour
26 nos interprètes ne le sera pas pour les sténotypistes. Alors, voyons si
27 peut-être le compte rendu peut être complété une fois que nous aurons
28 visionné l'enregistrement.
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1 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je crois comprendre que cette
3 transcription a également été chargée dans le système "e-court", ce qui
4 rend quelque peu moins importante la question de la transcription en direct
5 de la piste audio maintenant dans le prétoire. Alors, est-ce que nous
6 pourrions reprendre avec l'enregistrement vidéo.
7 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Le journaliste : La guerre en Yougoslavie a introduit une nouvelle
11 expression ou vocabulaire : 'Le nettoyage ethnique.' La notion terrible de
12 nettoyage ethnique, nettoyage ethnique qui crée des afflux de réfugiés
13 considérables dans tous les Etats et toutes les parties du territoire de ce
14 qui était autrefois la Yougoslavie.
15 Parfois, plus vous en apprenez sur l'ex-Yougoslavie, moins vous y comprenez
16 quelque chose. C'est le cas ces jours-ci. A 450 kilomètres de Sarajevo à
17 l'intérieur de la Serbie, au milieu de nulle part, il y a un endroit qui
18 s'appelle Rtanj. Certains observateurs internationaux se sont référés à
19 Rtanj comme un endroit où les Serbes hébergeaient des réfugiés musulmans.
20 Un endroit qui était qualifié parfois de camp de prisonniers. Ce que nous
21 avons trouvé était différent.
22 Si Rtanj est un camp de prisonniers, il ne ressemble à aucun camp de
23 prisonniers tel que décrit dans les livres d'histoire. Ici, les enfants
24 jouent librement. Ces enfants sont des enfants musulmans de Bosnie. Ils
25 sont venus avec leurs mères afin d'échapper à la violence qui avait cours
26 chez eux, et ces Musulmans disent avoir trouvé refuse en Serbie orthodoxe.
27 Silvana Sekic est de Sarajevo. Elle a passé déjà presque un an avec ses
28 deux enfants en Serbie.
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1 Silvana Sekic : La chose la plus importante à comprendre, c'est que nous
2 nous battons les uns contre les autres en Bosnie, mais que nous vivons ici
3 tous ensemble dans la paix et le calme. Nous mangeons ensemble, nous
4 dormons ensemble, nous jouons ensemble. Et nous n'avons absolument aucun
5 problème les uns avec les autres. Nous nous sentons comme une seule et même
6 famille.
7 Le journaliste : Nina Brajovic a vécu ici avec ses deux enfants pendant
8 sept mois.
9 Nina Brajovic : Nous n'avons aucun problème. Nos enfants jouent ensemble,
10 nos enfants reçoivent des cadeaux des Serbes, et il n'y a aucun problème,
11 aucun harcèlement. Les enfants se sentent bienvenus.
12 Le journaliste : Les Serbes insistent sur le fait que cette image est
13 propagée dans le monde, qui les présente comme des violeurs et des
14 promoteurs du nettoyage ethnique, et ils insistent pour dire que cette
15 image est particulièrement dommageable, compte tenu de l'expérience qui est
16 celle d'endroits comme Rtanj. Après tout, les Serbes disent qu'alors que
17 les femmes et les enfants musulmans reçoivent accueil et soins ici, leurs
18 maris, leurs frères et leurs pères pourraient bien être en train de se
19 battre et de tuer des Serbes sur les théâtres de guerre de Bosnie."
20 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
21 M. BAKRAC : [interprétation]
22 Q. Alors, Monsieur le Témoin, je voudrais d'abord vous demander au sujet
23 de cet enregistrement de vidéo que vous venez de voir, est-ce qu'il reflète
24 la situation telle que vous en avez l'expérience au Sandzak ?
25 R. Absolument.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, je vous ai demandé
27 d'arrêter quelques instants parce que l'interprétation de la vidéo sur le
28 canal français n'était pas entièrement terminée. Mais c'est le cas
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1 maintenant, donc veuillez poursuivre.
2 M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Monsieur Corbic, vous m'avez répondu rapidement. Les familles de ces
4 Musulmans, des Bosniens, qui étaient restées au Sandzak, bien que leurs
5 pères, leurs maris ou leurs frères soient allés se battre ailleurs, ces
6 familles étaient en sécurité, personne ne leur portait atteinte et la
7 police les protégeait, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, personne ne leur portait atteinte. Et la police protégeait tout le
9 monde. Ils n'ont eu aucune conséquence à subir.
10 Q. Et ma dernière question, puisque nous avons entendu des témoignages ici
11 concernant des réfugiés musulmans de Bosnie, nous avons entendu parler de
12 traitement inhumain. En dehors de cet endroit, à Rtanj, est-ce que vous
13 avez entendu parler d'autres localités où des réfugiés avaient été
14 accueillis, hébergés, nourris en Serbie, d'autres camps de réfugiés ?
15 R. Il n'y en avait pas sur mon territoire. J'ai entendu parler de la
16 présence de tels camps sur le territoire de la Serbie, mais je ne suis pas
17 au courant du moindre détail.
18 Q. Donc, sur votre territoire, il n'y avait pas de tels camps, mais vous
19 vous chargiez de la sécurité de toutes les familles musulmanes où les
20 pères, les frères et les maris étaient peut-être en train de combattre
21 ailleurs, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci, Monsieur Corbic.
24 M. BAKRAC : [interprétation] Mesdames et Monsieur les Juges, c'était là
25 toutes les questions que j'avais à poser. J'espère ne pas m'être trompé
26 dans mon estimation du temps, un petit peu peut-être.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, cette vidéo que vous
28 venez de nous faire visionner date de quand ?
Page 14419
1 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est justement la
2 raison pour laquelle je n'ai pas demandé le versement de cet enregistrement
3 vidéo pour le moment, parce que ceci fera partie des documents qui feront
4 l'objet d'une requête de notre part demandant leur rajout à notre liste en
5 application de l'article 65 ter en même temps que nous demanderons l'ajout
6 d'un certain nombre de témoins à notre liste, parmi eux l'auteur de cet
7 enregistrement vidéo. Et je crois que ceci interviendra très rapidement,
8 que notre requête demandant ajout à nos listes de témoins et à nos listes
9 de documents en application de l'article 65 ter interviendra très
10 rapidement.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ceci dit, on a visionné dans le
12 prétoire cet enregistrement vidéo, Maître Bakrac. Pour toute personne
13 souhaitant suivre nos débats ou pour une chambre d'appel qui souhaiterait
14 faire de même, nous devrions au moins verser la vidéo à titre provisoire.
15 Monsieur Groome.
16 M. GROOME : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
17 L'Accusation n'aurait pas d'objection à une demande orale d'ajout à la
18 liste 65 ter de cette vidéo dès maintenant.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Bien que Me Bakrac soit au
20 contre-interrogatoire et que les documents qu'il utilise à ce titre n'aient
21 pas besoin au sens strict d'être ajoutés à sa liste 65 ter; n'est-ce pas ?
22 M. GROOME : [interprétation] C'est en effet tout à fait exact, Monsieur le
23 Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La demande d'ajout qui n'a
25 pas été faite oralement ne sera pas nécessaire, mais par ailleurs, je crois
26 qu'il serait préférable de demander le versement de cette vidéo aux fins
27 d'identification.
28 M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons la transcription intégrale de
2 la piste audio de cet enregistrement vidéo et il est possible de retrouver
3 ce texte ailleurs.
4 Maître Bakrac.
5 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien
6 compris votre explication, il n'est pas nécessaire de faire une requête
7 orale à ce stade. Je souhaitais simplement que le document puisse être
8 versé aux fins d'identification, et une fois que nous aurons préparé tous
9 les documents, nous pourrions changer le statut de ce document pour qu'il
10 devienne une pièce à conviction. Pour le moment, je souhaiterais simplement
11 demander le versement aux fins d'identification.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, le numéro de
13 la vidéo et la transcription correspondante sont enregistrés aux fins
14 d'identification. Quel sera le numéro ?
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira
16 de la pièce D454.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document est donc enregistré aux fins
18 d'identification.
19 Maître Bakrac, apparemment vous avez à plusieurs reprises fait référence à
20 cette vidéo en disant que les maris, pères et frères étaient envoyés sur
21 les champs de bataille pour se battre et pour tuer, tuer peut-être des
22 Serbes sur les champs de bataille. Afin que les choses soient tout à fait
23 précises, la vidéo n'indique pas, n'est-ce pas, que tel était le cas. La
24 seule chose qui est dite dans ce petit film, c'est, je cite :
25 "Après tout, les Serbes parlent ainsi et les femmes et enfants musulmans,
26 disent-ils, sont pris en charge, leurs maris, et cetera --"
27 Voilà ce que disent les Serbes. Ce n'est pas présenté comme un fait, mais
28 comme une citation provenant de l'expression des Serbes. Je voulais
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1 simplement que ceci soit précisé au compte rendu d'audience, à moins que
2 vous ne soyez pas d'accord avec moi.
3 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis tout à fait
4 d'accord avec vous. Je suis désolé si j'ai créé une confusion à cet égard.
5 J'avais l'intention de recourir à ce témoin dans le but de vérifier grâce à
6 lui si la situation correspondait à cela sur le territoire du Sandzak.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, est-ce que vous êtes prêt
8 à contre-interroger le témoin ?
9 M. FARR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Corbic, vous allez maintenant
11 être contre-interrogé par M. Farr, qui représente l'Accusation.
12 Contre-interrogatoire par M. Farr :
13 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. J'aimerais commencer par vous poser
14 quelques questions au sujet des rapports existant entre la sécurité
15 publique et la Sûreté de l'Etat. Dans le cadre de votre déposition au
16 principal, vous avez déjà dit que la coopération entre la sécurité publique
17 et la Sûreté d'Etat était bonne. Je voulais obtenir quelques détails
18 complémentaires sur ce sujet. Au paragraphe 36 de votre déclaration écrite,
19 vous parlez d'une réunion que vous avez eue avec Jovica Stanisic qui
20 concernait l'opération Mai 1993. Vous dites que Stanisic vous a donné pour
21 consigne "d'intensifier la coopération avec l'autre département et les
22 centres de la sécurité publique, y compris le RJB."
23 Tout d'abord, la référence au RJB concerne bien la sécurité publique,
24 n'est-ce pas ?
25 R. Exact.
26 Q. Est-ce que vous vous rappelez exactement ce que Jovica Stanisic vous a
27 dit lorsqu'il vous a parlé d'intensification de la coopération avec la
28 sécurité publique ?
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1 R. Oui. Je me rappelle cette conversation, car le secteur de la sécurité
2 publique est indépendant du secteur de la Sûreté d'Etat, RJB signifiant
3 secteur de la sécurité publique. La Sûreté d'Etat s'occupe de faire
4 respecter l'ordre constitutionnel alors que la sécurité publique est
5 chargée de la circulation du respect des règlements en matière de politique
6 générale, et cetera. Quant à l'intensification de la coopération entre nos
7 services, elle concernait une coopération dans le cadre du respect du droit
8 et de l'ordre, c'est-à-dire faire baisser les taux de criminalité, et
9 cetera. Depuis le début de l'opération Mai 1993, selon les statistiques,
10 nous voyons que le taux de criminalité a baissé, le nombre d'incidents
11 s'étant réduits.
12 Q. Je me permets de vous interrompre. Ma question concernait précisément
13 ce que Jovica Stanisic vous a dit lorsqu'il vous a parlé d'intensifier la
14 coopération avec la sécurité publique durant votre rencontre.
15 R. Je crois avoir répondu. Ce qui était en cause, c'était de multiplier
16 les rencontres entre nous pour voir ce qu'il était possible de faire dans
17 le but de prévenir les conflits interethniques, de prévenir les troubles à
18 l'ordre public, donc d'échanger les informations que chacun de nos secteurs
19 possédaient, aussi bien du côté sécurité publique que du côté Sûreté
20 d'Etat, de façon à augmenter le degré de sécurité dont jouissait la
21 population ainsi que le degré de protection des biens.
22 Q. Il me semble pour l'essentiel qu'il s'agissait de se partager le
23 travail avec d'un côté, la sécurité publique qui faisait du mieux possible
24 dans son domaine, et de l'autre côté, la Sûreté d'Etat qui en faisait
25 autant dans le sien, n'est-ce pas ?
26 R. C'est cela.
27 Q. Au moment où s'est tenue cette rencontre, le chef de la sécurité
28 publique de Serbie était bien Radovan Stojicic, surnommé Badza, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. Je crois que c'était le cas.
3 Q. Les instructions que vous avez reçues de Jovica Stanisic étaient
4 finalement des instructions, voire un ordre, stipulant que les gens qui
5 travaillaient pour lui devaient intensifier leur coopération avec les gens
6 qui travaillaient pour Badza; c'est bien cela ?
7 R. Je ne vous ai pas compris. Pourriez-vous répéter votre question ?
8 Toutes mes excuses.
9 Q. Certainement. Les instructions que vous a données Stanisic consistaient
10 pour l'essentiel à vous dire que les gens de la Sûreté d'Etat, c'est-à-dire
11 ceux qui travaillaient pour Jovica Stanisic, devaient augmenter leur
12 coopération de la sécurité publique, c'est-à-dire les gens qui
13 travaillaient pour Radovan Stojicic, dit Badza, n'est-ce pas ?
14 R. Vous me plongez dans la perplexité. J'ai un peu de mal à comprendre ce
15 que vous voulez dire lorsque vous dites "les gens qui travaillaient pour".
16 Il n'y avait pas de gens qui travaillaient pour Stojicic. C'étaient des
17 personnes qui étaient employés dans le secteur de la sécurité publique, il
18 n'y avait pas de gens de Stojicic. C'étaient des gens qui travaillaient
19 pour la Sûreté d'Etat. Je ne sais pas ce que Stojicic a dit aux personnes
20 qui travaillaient dans son secteur, mais je sais ce que mon chef nous a dit
21 à nous.
22 Q. D'accord. Vous convenez que les gens qui travaillaient dans la sécurité
23 publique rendaient compte au niveau supérieur à Radovan Stojicic, surnommé
24 Badza, n'est-ce pas ? Je pense que c'était cela que je voulais faire
25 ressortir.
26 R. Oui, je suis d'accord avec cela.
27 Q. Les instructions de M. Stanisic qui vous disaient d'intensifier votre
28 coopération avec la sécurité publique ont été renforcées lorsque vous avez
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1 reçu cette décision écrite du 13 septembre 1993 concernant l'opération Mai
2 1993, n'est-ce pas ?
3 R. Qu'est-ce que vous voulez dire après que l'opération Mai 1993 ait été
4 menée ?
5 Q. Il faudrait que nous nous penchions sur un document pour traiter de
6 cette question.
7 M. FARR : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D5100. Le
8 milieu de la page 4 en anglais, le bas de la page 4 en B/C/S.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
10 M. FARR : [interprétation]
11 Q. Je voulais appeler votre attention sur la partie du texte qui se lit
12 comme suit, je cite :
13 "La nécessité du secteur de la Sûreté de l'Etat au sein du MUP et du
14 secteur de la sécurité publique au sein du MUP de prendre des mesures
15 énergiques et d'agir fermement."
16 Et la question que je vous pose est la suivante, ces mots qui figurent dans
17 la décision de Stanisic ont bien renforcé l'importance de ces consignes
18 orales, vous indiquant qu'il convenait d'intensifier votre coopération avec
19 la sécurité publique; n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Très bien. Maintenant, j'aimerais vous poser quelques questions
22 supplémentaires au sujet de la rencontre que vous avez eue avec Jovica
23 Stanisic dont il est question au paragraphe 36 de votre déclaration écrite.
24 Dans ce paragraphe, vous parlez d'abord d'une rencontre que vous avez eue
25 avec M. Stanisic et d'autres à Belgrade en 1993. Vous dites que vous êtes
26 allé informer M. Jovica Stanisic, et ensuite, vous dites, je cite :
27 "Le chef Stanisic m'a écouté avec attention, mais en partant des propos
28 qu'il a tenus, je me suis rendu compte qu'il disposait de certains indices
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1 relatifs aux événements sur le terrain."
2 Est-il permis de dire que selon votre expérience, Jovica Stanisic était un
3 homme particulièrement bien informé ?
4 R. D'après mon expérience - je n'avais pas une grande expérience des
5 rapports avec les chefs au niveau supérieur de la hiérarchie en tout cas -
6 sur la base de l'expérience que je pouvais avoir dans la partie du
7 territoire qui était sous ma responsabilité, je dirais qu'il était bien
8 informé, oui. Pour le reste, je ne sais pas. Et il était bien informé;
9 pourquoi ? Parce que nous rédigions des rapports qui lui étaient soumis
10 avant nos rencontres. Voilà. C'est ce que je voulais dire.
11 Q. Bien. Donc, il avait pris connaissance avec attention des informations
12 que vous lui avez transmises; c'est cela que vous vouliez dire ?
13 L'INTERPRÈTE : Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.
14 M. FARR : [interprétation]
15 Q. Il décrit également le fait qu'il s'intéressait particulièrement aux
16 événements survenant dans votre région, et que, je cite :
17 "Vous pouviez compter sur l'aide du secteur de la Sûreté d'Etat."
18 Il a ajouté, en particulier, je cite :
19 "Il mettait particulièrement l'accent sur le fait qu'il était estimé
20 nécessaire que vous puissiez compter sur l'aide du secteur de la Sûreté
21 d'Etat, et en particulier sur une aide en effectifs humains et en
22 équipement."
23 Il est permis de dire que d'après votre expérience, M. Stanisic était
24 un dirigeant actif au sein du secteur de la Sûreté d'Etat, n'est-ce pas ?
25 R. Si nous parlons du territoire du Sandzak, et c'est la seule chose dont
26 je puis parler, je réponds : absolument. Et cette aide pouvait prendre la
27 forme de l'envoi d'instructeurs, pouvait prendre la forme d'une aide
28 matérielle par fourniture de véhicules ou d'autres objets dont nous avions
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1 besoin, et pouvait prendre la forme d'envois d'hommes.
2 Q. Bien. Pour que tout soit précis, je vous interrogerai toujours sur des
3 choses que vous connaissez. Je ne vais jamais vous poser des questions qui
4 sortent du champ de votre expérience. Soyez-en sûr.
5 Durant cette rencontre, M. Stanisic vous a également donné pour consigne
6 d'intensifier votre coopération avec la Sûreté publique; ça, nous en avons
7 déjà parlé. Est-il permis de dire, d'après votre expérience, que M. Jovica
8 Stanisic était un dirigeant capable de travailler avec des gens qui étaient
9 hors du secteur de la Sûreté d'Etat s'il voulait qu'un travail soit mené à
10 bien ?
11 R. Ça, je ne sais pas.
12 Q. D'accord. Au paragraphe 36, après avoir parlé de la réunion de
13 Belgrade, vous poursuivez en parlant de la visite que M. Jovica Stanisic a
14 rendue à Novi Pazar. Vous dites qu'il s'est rendu là-bas, je cite :
15 "Pour obtenir des renseignements de première main au sujet du travail
16 accompli dans la région avant le mois de mai 1993."
17 D'après votre expérience, est-ce que M. Stanisic était quelqu'un qui
18 prenait des mesures déterminées dans le but d'être personnellement informé
19 de ce qui se passait et des résultats des actions menées par les gens qui
20 travaillaient pour lui ? C'est bien cela, n'est-ce pas ?
21 R. Je me dois de dire que le chef Jovica Stanisic, ainsi que les
22 dirigeants de Kraljevo, de Novi Pazar, et tous ceux qui travaillaient dans
23 le secteur, ont empêché la guerre. Etant donné la situation très complexe
24 sur le plan de la sécurité qui régnait dans le Sandzak, étant donné
25 également la présence d'un certain nombre de dirigeants extrémistes, je
26 dirais que grâce à lui, la situation s'est considérablement améliorée.
27 Jovica Stanisic est venu sur place pour vérifier si les choses
28 correspondaient bien à ce qu'on lui disait.
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1 Q. Donc, il ne se contentait pas des rapports écrits; il se déplaçait pour
2 vérifier physiquement sur le terrain la réalité de ce qu'on écrivait dans
3 les rapports à son intention, n'est-ce pas ?
4 R. Vous avez dit tout à l'heure que vous n'alliez m'interroger que sur ce
5 que je sais. Moi, je ne sais ce qui se passait que dans le Sandzak, et pour
6 le Sandzak, je réponds oui.
7 Q. Merci. Maintenant, arrêtez-moi si je me trompe, mais en fait, vous,
8 vous étiez à trois niveaux hiérarchiques en dessous de M. Stanisic et des
9 hauts dirigeants de la Sûreté d'Etat, et pourtant, il s'intéressait à vous,
10 il savait ce sur quoi vous travailliez et il savait ce qui se passait dans
11 votre région. Est-ce qu'on peut s'exprimer ainsi ? Est-ce qu'on peut dire
12 cela ?
13 R. Oui, on peut dire cela, mais c'était lié à la situation bien
14 particulière sur le plan de la sécurité sur le terrain dont nous parlons,
15 oui.
16 Q. Au paragraphe 26 de votre déclaration écrite, vous dites, je cite, que
17 vos "activités étaient menées en application des ordres de la Sûreté d'Etat
18 venant de Belgrade et du chef du secteur de la Sûreté d'Etat, à savoir
19 Jovica Stanisic". Est-il exact que Jovica Stanisic était au courant des
20 activités que vous meniez à bien, des méthodes que vous utilisiez et des
21 résultats que vous obteniez dans la lutte contre l'extrémisme musulman ? On
22 peut le dire, n'est-ce pas ?
23 R. Je ne peux pas affirmer qu'il savait tout, mais qu'il était au courant,
24 oui.
25 Q. Il savait au moins en gros quelles étaient vos actions, les méthodes
26 utilisées par vous et les résultats de vos actions, n'est-ce pas ?
27 R. Oui. Grâce à nos notes d'information.
28 Q. Au paragraphe 36 de votre déclaration, d'après ce que je peux en
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1 conclure, vous évoquez deux réunions sur un total de quatre auxquelles M.
2 Stanisic a participé personnellement et qui concernaient l'opération Mai
3 1993, ceci est-il exact ? Et je vous demanderais de répondre par oui ou par
4 non si vous le pouvez.
5 R. Oui. Maintenant, est-ce qu'au total il y a eu trois ou quatre réunions,
6 ça…
7 Q. Quelle était la nature des renseignements que vous fournissiez à M.
8 Jovica Stanisic pendant ces réunions ?
9 R. Des informations au sujet de la situation du moment, c'est-à-dire de
10 tout ce qui se passait au moment considéré dans la région du Sandzak. Des
11 renseignements portant sur les problèmes de sécurité, sur l'entraînement de
12 nos hommes, et cetera, et cetera. Pour l'essentiel, nous lui parlions de la
13 gravité de la situation et de notre crainte de voir éclater une guerre au
14 Sandzak, de la crainte de la population.
15 Q. Quel était le genre de questions qu'il vous posait ?
16 R. Ses questions allaient dans le sens de déterminer si les informations
17 dont nous disposions correspondaient à la réalité, si elles étaient
18 exactes, des questions tout à fait habituelles, courantes, dans le genre de
19 travail qui était le nôtre.
20 Q. Vous proposait-il des recommandations ou faisait-il des propositions
21 concernant votre travail ?
22 R. Oui. Ses propositions et ses recommandations correspondaient
23 exclusivement à ce que j'ai déjà dit, le but étant pour nous d'apaiser au
24 maximum la situation en prévenant tous les incidents possibles, et même
25 éventuellement des incidents de guerre. Le but étant pour nous d'intervenir
26 au minimum et uniquement si c'était indispensable de façon à ce que ne soit
27 pas nous qui créions une tension au Sandzak. Ce qu'il voulait, c'était la
28 paix. C'était tout ce qu'il voulait.
Page 14429
1 Q. D'accord. Avant de parler du travail que vous avez accompli contre
2 l'extrémisme musulman, j'aurai quelques questions supplémentaires qui
3 porteront sur les procédures administratives mises en œuvre par la Sûreté
4 d'Etat, je crois que vous pourrez nous aider dans ce domaine.
5 M. FARR : [interprétation] Je demanderais l'affichage du document 65 ter
6 numéro 6280. Je crois que c'est un document qui ne doit pas être diffusé
7 vers le public. Il s'agit d'une liste d'indemnités journalières versées à
8 cinq personnes, parmi lesquelles on trouve le nom de Vlado Corbic. Vladimir
9 Corbic, excusez-moi.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. FARR : [interprétation]
12 Q. Monsieur, est-il exact que parfois vous touchiez des indemnités
13 journalières liées à votre travail pour la Sûreté de l'Etat ?
14 R. Oui. Quand on travaillait la nuit.
15 Q. Quelles étaient les situations qui justifiaient que vous receviez des
16 indemnités journalières, des per diem ?
17 R. Dans des situations où notre temps de travail dépassait le temps de
18 travail réglementaire, autrement dit lorsque notre engagement dans le
19 travail durait plus longtemps que l'horaire de travail réglementairement
20 prévu.
21 Q. Mais est-ce que le versement de ces per diem ne concernait que le temps
22 de travail ou est-ce qu'il concernait également le lieu où vous travailliez
23 ? Autrement dit, est-ce que vous perceviez des per diem lorsque vous
24 travailliez à un autre endroit que le lieu normal de votre affectation ?
25 R. Vous avez raison. C'était lorsqu'on travaillait hors du lieu où se
26 trouvait notre domicile et lorsqu'on dépassait les horaires de travail
27 normaux. C'est ça.
28 Q. D'accord.
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1 M. FARR : [interprétation] J'aimerais que l'on agrandisse à l'écran le
2 sceau et la signature.
3 Q. Est-il exact, Monsieur, que ce document est signé par Milan Prodanic,
4 chef de la 8e Direction ?
5 R. Je ne connais pas sa signature, mais s'il est écrit Milan Prodanic au
6 bas de la page, alors tout va bien. Mais je ne connais pas sa signature.
7 Q. Pouvez-vous me dire quoi que ce soit au sujet du grand II que l'on voit
8 à l'intérieur du sceau ?
9 R. Non, non. Je ne sais rien à ce sujet.
10 M. FARR : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions revoir le
12 sceau, de façon à savoir exactement ce qui fait l'objet de votre question.
13 M. FARR : [interprétation] En dessous, dans la partie inférieur du sceau,
14 on voit le grand II.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ah, oui, je vois. Juste au dessus de
16 "Beograd", n'est-ce pas ?
17 M. FARR : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash.
19 M. JORDASH : [interprétation] Objection du point de vue de la partie. Je ne
20 vois pas très bien quelle est la pertinence de cette question et ce que le
21 témoin a répondu ne fait qu'indiquer quelque chose d'évident. C'est
22 simplement une précision de lecture du document.
23 M. FARR : [interprétation] Ceci corrobore la déposition du témoin indiquant
24 qu'il recevait des per diem dans les circonstances décrites par lui.
25 M. JORDASH : [interprétation] Je ne pense pas que ceci soit contesté, donc
26 je ne vois pas très bien en quoi cette réponse est un moyen de corroborer
27 une réponse antérieure. Je pense que le but poursuivi est autre de la part
28 de mon confrère et que ceci concerne le grand II dont il vient de parler.
Page 14431
1 Je ne sais parce que ce que la Chambre en pensera ou si la Chambre sait de
2 quoi elle s'agit.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.
4 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Bakrac.
6 M. BAKRAC : [interprétation] Toutes mes excuses, je voulais ajouter que
7 vous devriez autoriser le témoin à regarder de plus près le sceau parce
8 qu'on peut lire à l'intérieur du sceau les mots ministère de l'Intérieur de
9 la République de Serbie, et rien d'autre. Comme Me Jordash l'a dit, il
10 faudrait trouver ce grand II.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, Me Jordash déclare qui
12 n'est pas contesté que le témoin recevait des indemnités journalières, mais
13 en dépit de cela, vous demandez le versement au dossier de ce document.
14 Est-ce que vous voulez que ce soit une pièce à conviction, ce grand II ?
15 M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrai répondre aux
16 questions de la Chambre si des questions me sont posées.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et bien, d'abord, demandons au témoin
18 d'enlever ses écouteurs. Vous comprenez l'anglais, Monsieur Corbic ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enlevez tout de même vos écouteurs.
21 Monsieur Farr, à vous.
22 M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation estime que
23 ceci peut concerner la 2e Direction de la Sûreté de l'Etat. Si le témoin
24 touchait des émoluments de la 2e Direction de la Sûreté d'Etat, les choses
25 sont différentes.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash.
27 M. JORDASH : [interprétation] Je pense que ceci devrait être demandé au
28 témoin de façon à ce qu'il puisse répondre et préciser ce qui figure dans
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1 ce document.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin déclare qu'il ne sait pas ce
3 que signifie ce grand II. Je comprends que M. Farr souhaite réserver sa
4 position et se donner la possibilité d'interroger peut-être de façon
5 complémentaire le témoin au sujet de ce point. C'est la raison pour
6 laquelle la déposition du témoin est actuellement ce qu'elle est. Mais je
7 pense qu'il serait équitable, Monsieur Farr, que vous interrogiez aussi le
8 témoin en allant un peu plus loin que le simple fait de lui demander ce
9 qu'il connaît au sujet des sceaux pour déterminer s'il connaît l'origine
10 exacte des versements de ces per diem.
11 M. JORDASH : [interprétation] Dans ce cas, je retire mon objection.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, le numéro de ce
13 document sera ?
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P3030.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est donc versée au dossier en tant
16 que pièce à conviction. Ce document ne doit pas être montré au public.
17 M. FARR : [interprétation] Etant donné que le témoin est un ancien membre
18 de la Sûreté de l'Etat, il me semble possible que les autres documents
19 également, concernant Milan Prodanic, doivent être conservés --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être le sont-ils déjà. En tout cas,
21 ce document est versé au dossier et à conserver sous pli scellé. Monsieur
22 Farr, vous pouvez poser votre question suivante au témoin, qui peut
23 remettre ses écouteurs.
24 M. FARR : [interprétation]
25 Q. Pour autant que vous le sachiez, Monsieur le Témoin, avez-vous jamais
26 reçu des indemnités journalières de la part de la 2e Direction de la DB ?
27 R. Non.
28 M. FARR : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le document
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1 numéro 6279 de la liste 65 ter. Et il ne faut pas le diffuser.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, est-ce que vous allez
3 approfondir la question que vous venez de poser au témoin ?
4 M. FARR : [interprétation] Non, pas à ce moment-ci, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais poser une question
6 supplémentaire.
7 Monsieur le Témoin, qui vous payait ces indemnités journalières ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le trésorier du centre de Kraljevo.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous disait-il quelle était la
10 structure qui vous versait ces indemnités journalières ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais alors, quel était le budget sur
13 lequel étaient prélevées vos indemnités journalières, est-ce que vous le
14 savez ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'imagine que ça venait du service, le budget
16 du service.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous n'avez aucun détail concernant
18 la section particulière du service qui versait ces indemnités journalières
19 ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la 8e Direction.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comment le savez-vous ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que nous remplissions des formulaires,
23 des demandes. En fait, il s'agissait de notes de frais. Lorsque nous
24 faisions des voyages, nous nous rendions sur le terrain, nous remplissions
25 des notes de frais que nous envoyions à la 8e Direction avec la signature
26 du directeur de Kraljevo.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Ces notes de frais terminaient-
28 elles leur parcours à la 8e Direction qui, dans ce cas-là, aurait été
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1 chargée de vous verser ces indemnités journalières, ou bien les notes de
2 frais arrivaient-elles ailleurs ? Est-ce que vous avez des informations
3 précises ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'était seulement la 8e Direction, pour
5 ce que j'en sais. Je ne suis pas au courant de l'intervention d'autres
6 services.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Farr.
8 M. FARR : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Témoin, ce document est intitulé "Liste des documents
10 relatifs à la paie devant être versés". La date est celle du 4 décembre
11 1993.
12 M. FARR : [aucune interprétation]
13 Q. Est-ce que vous reconnaissez le nom apparaissant au numéro 14 comme
14 étant le vôtre ?
15 R. Oui.
16 M. FARR : [interprétation] Pourrions-nous faire défiler la page vers la
17 droite afin de voir le montant qui apparaît.
18 Q. Savez-vous pourquoi le 4 décembre 1993, vous avez bénéficié du
19 versement d'une indemnité journalière de 75 millions de dinars ?
20 R. Est-ce qu'on peut montrer le haut de la page, s'il vous plaît ? Je ne
21 sais pas.
22 Q. Je sais que l'inflation était galopante à l'époque, mais est-ce que
23 vous savez à combien de jours correspondait une indemnité journalière de 75
24 millions de dollars [sic] en décembre 1993 ?
25 R. Un ou deux jours, je dirais.
26 Q. Oui, une ou deux journées. C'était là une période pendant laquelle vous
27 étiez intensément occupé aux activités antiterroristes, et vous nous avez
28 dit, je crois, aussi, que vous auriez aimé à l'époque pouvoir recevoir
Page 14435
1 l'aide d'une unité spéciale antiterroriste; est-ce exact ?
2 R. Il aurait été bon de disposer d'une telle unité, oui.
3 Q. Et tout spécialement à ce moment précis en décembre 1993, n'est-ce pas
4 ?
5 R. Oui. Décembre 1993, janvier 1994, il y avait des tensions importantes.
6 Q. Pendant votre déposition, vous avez dit concernant une telle unité, que
7 vous n'en avez jamais disposé, qu'aucune unité de cette sorte n'avait
8 jamais existé. Mais est-ce que vous ne diriez pas plutôt que c'est vous qui
9 n'avez jamais appris l'existence de telles unités et que de telles unités
10 ne sont jamais venues au Sandzak ?
11 R. C'est possible, oui. Si cela avait été le cas, probablement qu'en
12 raison des tensions et de la quantité d'armes présentes, nous aurions
13 demandé son intervention, mais en tout cas, nous, nous ne savions pas que
14 cela existait.
15 M. FARR : [interprétation] Je voudrais que nous agrandissions les lignes 25
16 et 26 de ce document en bas de page afin de voir toute la largeur de la
17 page.
18 Q. Monsieur le Témoin, en lignes 25 et 26 de ce document, il est indiqué
19 indemnités journalières pour les unités ATD. En ligne 25, on trouve un
20 montant d'environ 12 milliards de dinars et en ligne 26, 121 à peu près,
21 121 milliards de dinars.
22 M. FARR : [interprétation] Et si l'on remonte un peu --
23 Q. On voit qu'à la même période, le CRDB de Belgrade n'a pour sa part reçu
24 que 4,4 milliards de dinars. Est-ce que vous avez la moindre explication
25 pour nous éclairer ? Pourquoi quelque chose qui semble être désigné comme
26 une unité antiterroriste recevrait plus que 130 milliards de dinars, alors
27 que le CRDB de Belgrade, lui, recevrait moins de 5 milliards ?
28 R. Je ne sais pas. C'est la première fois que je vois ce document.
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1 Q. Et vous maintenez n'être pas au courant de l'existence d'une unité
2 antiterroriste au sein de la DB serbe ?
3 R. Oui.
4 M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander le
5 versement de ce document en tant que pièce à conviction de l'Accusation
6 sous pli scellé.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas d'objection. Madame la
8 Greffière.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Mesdames et Monsieur les Juges, le
10 document reçoit la cote P3031 sous pli scellé.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document P3031 est donc versé sous
12 pli scellé. Monsieur Farr, vous avez attiré mon attention sur les chiffres
13 apparaissant au-dessus du mot "Belgrade" [comme interprété] par vos
14 questions. Sur le document que nous venons de voir, nous voyons CCCX à peu
15 près au même endroit dans le cachet, à peu près au même endroit que là où
16 l'on vous a demandé précédemment si vous voyiez ou non un chiffre romain
17 II. Est-ce que vous savez ce que représente cette mention ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne sais pas.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, si ce sont des chiffres
20 romains, cela représenterait le nombre 310. Mais je me demandais ce que
21 cela pouvait vouloir dire.
22 M. FARR : [interprétation] Probablement pas la 310e Direction.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, nous en convenons. Cela laisse
24 ouverte la question de savoir ce que signifie cette mention. Veuillez
25 poursuivre.
26 M. FARR : [interprétation]
27 Q. Alors, nous allons maintenant nous pencher sur votre travail dans la
28 lutte contre l'extrémisme à Novi Pazar. Au paragraphe 27 de votre
Page 14437
1 déclaration, vous dites :
2 "L'objectif principal de notre travail ne consistait pas à obtenir
3 des informations sur les crimes et les affrontements de la guerre."
4 Alors, je crois que c'est assez clair dans votre déposition, mais je
5 voudrais être sûr de vous avoir bien compris. Les deux objectifs principaux
6 de votre travail, c'était de préserver l'intégrité territoriale et l'ordre
7 constitutionnel de la Serbie, et le second objectif était d'empêcher
8 l'armement illégal, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Et toute information que vous pouviez recevoir au sujet de crimes
12 de guerre était en fait de nature occasionnelle, voire secondaire,
13 c'étaient des informations que vous obteniez, en quelque sorte, en passant,
14 en poursuivant les deux objectifs principaux, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Dans votre déclaration, vous dites que l'objectif de votre travail
17 était d'empêcher la sécession du Sandzak de la Serbie. Vous avez évoqué
18 l'objectif de l'intégrité territoriale telle que déterminée par la
19 constitution de la RSFY. Alors, est-ce qu'il est exact d'affirmer que la
20 sécession éventuelle du Sandzak, de votre point de vue, était illégale
21 avant tout parce qu'elle aurait violé le principe de l'intégrité
22 territoriale ?
23 R. Oui, et aussi parce que cela aurait été anticonstitutionnel.
24 Q. Est-ce que ce point de vue était partagé par vos collègues de la DB, y
25 compris Jovica Stanisic, si vous le savez ?
26 R. Oui.
27 Q. Etait-ce justement parce que cette sécession éventuelle aurait été
28 illégale que la Sûreté d'Etat avait pour devoir de l'empêcher ?
Page 14438
1 R. Oui.
2 Q. Et en se fondant sur ce même principe d'intégrité territoriale, est-ce
3 que l'on considérait que la sécession de la Croatie et de la Bosnie-
4 Herzégovine de la RSFY était un processus également illégal, est-ce que
5 vous aviez ce point de vue ?
6 R. La sécession de la Bosnie-Herzégovine était monoethnique.
7 Q. Et de votre point de vue, elle était illégale ?
8 R. Elle n'avait pas l'assentiment de tous les peuples.
9 Q. Mais était-ce illégal ?
10 R. A mon avis, oui.
11 Q. Vos collègues au sein de la DB partageaient-ils votre point de vue ?
12 R. Je ne sais pas.
13 Q. Et au sujet de la Croatie, vous avez estimé pareillement que la
14 sécession de la Croatie était illégale ?
15 R. Non. Non, nous ne nous sommes pas posé la question. Ce qui était fait
16 était fait. On y pouvait rien.
17 Q. A un moment dans votre déclaration, vous parlez de l'extrémisme d'Alija
18 Izetbegovic. Qu'est-ce qui vous amène à l'appeler extrémiste ?
19 R. Parce qu'il s'était mis d'accord avec le chef du parti de Sandzak sur
20 l'armement. C'est en passant par lui qu'on a négocié la formation de ces
21 hommes en Turquie, et c'est aussi en accord avec lui et grâce à la
22 participation d'un homme basé à Vienne que l'on a pu financer cet armement.
23 Et tout cela pour déclencher la guerre en Serbie.
24 Q. D'après vous, Radovan Karadzic est-il un extrémiste ?
25 R. Je ne comprends pas votre question.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce type de question vous a été posé
27 également pour M. Izetbegovic et vous n'avez pas eu de mal à comprendre la
28 question. Maintenant c'est exactement la même question qui vous est posée
Page 14439
1 au sujet de M. Karadzic. Donc je ne vois pas pourquoi vous ne comprenez pas
2 la question.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu un certain nombre d'opinions de
4 Karadzic qui étaient extrémistes et que je n'approuvais pas.
5 M. FARR : [interprétation]
6 Q. Et qu'en est-il de Slobodan Milosevic ?
7 R. C'était le président de ma république, le président de la Serbie.
8 Q. D'après vous, était-il un extrémiste ?
9 R. Je voyais en lui le président de la République de Serbie.
10 Q. Et, par conséquent, d'après vous, il ne s'agissait pas de savoir s'il
11 avait raison ou s'il avait tort, et vous n'appliquiez pas les mêmes
12 critères que lorsque vous appréciiez l'activité des autres; exact ?
13 R. Les mêmes critères s'appliquaient à tous, mais je ne comprends pas
14 pourquoi vous m'interrogez sur le président de ma république, pourquoi est-
15 ce que vous me demandez si c'était un extrémiste ou non. Je ne peux pas
16 vous répondre dans ces termes-là.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, vous souhaitez attirer
18 notre attention sur le fait qu'il n'appliquait pas les mêmes critères
19 lorsqu'il appréciait le caractère extrême ou non de la position de tels ou
20 tels individus. Si c'était ce que vous vouliez faire, vous y êtes parvenu.
21 A présent, essayez, s'il vous plaît, de continuer à poser vos questions.
22 M. FARR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Je voudrais maintenant que l'on parle des méthodes que vous avez
24 appliquées dans le cadre de vos activités lorsque vous avez combattu
25 l'extrémisme musulman. Au paragraphe 32 de votre déclaration, vous dites
26 que votre tâche était rendue compliquée du fait que :
27 "Un nombre considérable de Musulmans ont boycotté les activités des
28 organes de l'Etat, y compris les organes du MUP et de la DB de Serbie."
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1 Vous dites que cela a posé des difficultés au niveau du recueil des
2 informations. Est-il exact de dire que le fait que des Musulmans aient eu
3 des contacts avec la DB aurait été pris pour trahison des intérêts de leur
4 peuple ?
5 R. Oui, c'était comme cela au départ.
6 Q. Et qui plus est, ils auraient hésité à vous dire quoi que ce soit qui
7 aurait pointé vers une responsabilité pénale de leur côté, qu'il s'agisse
8 d'eux-mêmes, de leurs proches ou de leurs amis ?
9 R. Ecoutez, pas toujours. Lorsqu'ils se sont rendus compte que nous
10 travaillions de manière correcte, eh bien, je dois dire que vers la fin de
11 l'année 1993 puis en 1994, notre travail est devenu beaucoup plus efficace
12 et nous n'avions plus à déployer tous ces efforts.
13 Q. Vous avez déjà dit que c'était un point pratique, que vous ne pouviez
14 pas enquêter sur les crimes de guerre commis par des Musulmans parce que
15 les Musulmans, tout simplement, n'allaient pas vous signaler cela. Je
16 suppose que tout simplement, ils n'étaient pas non plus très prêts à
17 partager avec vous leurs secrets au sujet de l'armement illégal, formation
18 et leurs plans visant la sécession ?
19 R. Ecoutez, ce n'est pas la même chose. Un criminel de guerre, un Musulman
20 de Sandzak, ce n'était pas ça -- on n'allait pas parler de Musulmans
21 criminels de guerre au Sandzak. C'étaient des Musulmans qui venaient de
22 Bosnie qui pouvaient en parler. Or, ils hésitaient à nous parler de cela.
23 Et lorsque nous avions quelques indices, nous les envoyions à Kraljevo pour
24 que ce soit vérifié par les autres centres, et cetera, pour savoir
25 exactement ce qui se passait; mais s'agissant des informations qui étaient
26 recueillies de la bouche des Musulmans de Sandzak, effectivement, nous
27 avons eu beaucoup de problèmes au départ jusqu'en 1993. Mais plus tard, vu
28 que notre comportement était très correct, que nous travaillions de manière
Page 14441
1 à respecter les règles, eh bien, plus tard, il est arrivé qu'ils viennent
2 se présenter de leur propre chef pour remettre des armes, et cetera, donc
3 ils voyaient que nous voulions préserver la paix et la stabilité.
4 Q. Est-il vrai que vous affirmez que vous n'avez jamais dû avoir recours à
5 la force à quelque point que ce soit pour convaincre les Musulmans à
6 partager les informations qu'ils avaient avec la DB ?
7 R. En principe, non.
8 Q. Qu'entendez-vous par "en principe, non" ?
9 R. Nous n'avons pas eu recours à la force, mais je ne peux pas vous en
10 parler parce que je n'étais pas toujours sur place au bureau. Je ne peux
11 pas vous dire qu'il n'y a jamais eu de recours à la force. Je n'étais pas
12 au courant de cela du tout.
13 Q. Mais vous admettez que cela a pu avoir lieu à votre insu ?
14 R. Oui, j'admets cela.
15 Q. Qu'est-ce qui vous permet d'admettre cela ?
16 R. L'incroyable propagande de Natasa Kandic et le Fonds du droit
17 humanitaire qui s'est permis d'écrire toutes sortes de choses, des choses
18 exactes tout aussi bien qu'inexactes.
19 Q. Ligne 21 du tableau, document D452, vous parlez des Musulmans qui se
20 rendent en Turquie pour être formés et entraînés là-bas, et ils retournent
21 au Sandzak d'après vous. Et vous dites :
22 "Certains d'entre eux sont retournés au Sandzak, et nous les avons
23 interrogés pour leur faire comprendre que nous étions au courant de ce
24 qu'ils faisaient et pour recueillir des informations sur la formation
25 qu'ils avaient reçue et sur leurs intentions futures."
26 Est-il vrai que vous souhaitez nous faire penser qu'ils étaient disposés à
27 vous donner des informations sur leur formation et sur leurs intentions et
28 que vous n'avez pas eu à recourir à la force pour qu'ils vous le disent ?
Page 14442
1 R. Oui, c'est ce que je dis dans le cadre de ma déposition.
2 Q. Dans cette décision ordonnant le lancement de l'opération Mai 1993,
3 Jovica Stanisic précise à deux endroits que "des mesures plus énergiques et
4 des actions plus énergiques" sont nécessaires. Au paragraphe 34 de votre
5 déclaration, vous dites :
6 "Des mesures plus énergiques et des actions plus énergiques étaient
7 nécessaires."
8 Alors, les Musulmans de Sandzak n'étaient pas prêts à partager leurs
9 informations avec vous, et c'était une des raisons pour lesquelles ces
10 mesures et ces actions énergiques étaient nécessaires; exact ?
11 R. Ecoutez, il ne faut pas qu'il y ait un malentendu. Je vois où vous
12 voulez en venir. C'était une activité opérationnelle plus intense qui était
13 envisagée, donc activité auprès de tous les agents opérationnels qui
14 auraient pu nous aider. Donc l'activité qui engloberait l'ensemble des
15 agents opérationnels, c'était de cela qu'il s'agit, et non pas d'autre
16 chose que, je pense, vous cherchez maintenant à insinuer. Je vois qu'en
17 fait, vous allez dans ce sens-là. Non. Il s'agit d'intensifier nos
18 activités opérationnelles nous permettant de recueillir les éléments
19 d'information.
20 Q. Mais l'intensification des activités opérationnelles, qu'est-ce que
21 cela entend ?
22 R. L'intensification des actions opérationnelles, ça signifie qu'il n'y a
23 plus d'horaires fixes, que l'on travaille 24 heures sur 24, sept jours sur
24 sept, les jours fériés, y compris avec un effectif modeste qu'on avait à
25 notre disposition, avec le parc de voitures également limité. Tout cela,
26 donc, signifiait qu'il fallait qu'on optimise notre plan d'activité sur le
27 plan opérationnel.
28 Q. Et ces entretiens d'information faisaient partie intégrante de ces
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1 activités-là; exact ?
2 R. Oui. Si on venait à apprendre que quelqu'un avait un fusil, alors on
3 convoquait cet individu à un entretien d'information, et généralement ils
4 remettaient leur arme. Donc on n'a jamais convoqué quelqu'un à un entretien
5 d'information sans qu'on ait eu des raisons de le faire au préalable.
6 Q. Au paragraphe 5 de votre déclaration, vous dites qu'au moment où vous
7 étiez à la tête du centre de la DB de Novi Pazar, vous étiez chargé des
8 activités opérationnelles également. Alors, est-ce que cela signifie que
9 vous avez vous-même mené ces entretiens d'information également ?
10 R. Oui.
11 Q. Et est-ce que ces entretiens avaient lieu de temps à autre au bâtiment
12 du SUP de Novi Pazar ?
13 R. Oui, parfois, mais le plus souvent, non.
14 Q. Et qu'en est-il du poste de police de Novi Pazar ?
15 R. Mais c'est la même chose. Nous travaillions dans le même bâtiment,
16 c'était le même immeuble, le poste de police de Novi Pazar et l'endroit où
17 nous étions.
18 Q. Au paragraphe 8 de votre déclaration, vous dites que la DB de Novi
19 Pazar comptait sept employés et que cinq d'entre eux étaient des agents
20 opérationnels. (expurgé)
21 M. FARR : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît,
22 Monsieur le Président. Excusez-moi.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. FARR : [interprétation] Je demande le numéro 62 [sic] 6276. Il s'agit
21 d'un rapport qui est établi par le Fonds pour le droit humanitaire et qui
22 porte la date du 23 mars 1994. Il s'agit de : "Les activités de la police
23 dans le Sandzak (du mois d'octobre 1993 jusqu'en mars 1994)". Et nous
24 n'avons pas, hélas, encore de traduction en B/C/S. J'aurais besoin de voir
25 le haut de la page 6 en anglais.
26 Q. Monsieur, nous n'avons pas ce document en serbe pour l'instant. Je vais
27 donner lecture d'une partie du texte et puis je vais vous inviter à
28 commenter. Donc, au point 2, l'affaire Pester, il est dit :
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1 "A en juger d'après les archives du Fonds, plus de 300 Musulmans ont subi
2 de mauvais traitements aux postes de police de Sjenica, Tutin et Novi Pazar
3 en novembre et en décembre 1993. A peu près 20 personnes du village de
4 Rasno, ne serait-ce que celui-là, ont été battues parce qu'ils ont déclaré
5 qu'ils n'avaient pas d'armes. Les gens à qui le Fonds a eu l'occasion de
6 s'adresser ont laissé entendre qu'on a cherché à confisquer des armes ou à
7 forcer les gens à remettre des armes automatiques ou semi-automatiques, et
8 que cette action a continué en février et mars 1994…"
9 Et puis, le document donne la liste des villages où cela s'est passé. Puis,
10 le document continue en disant que :
11 "Il y a eu un large recours à la force dans des postes de police, en
12 particulier contre les gens qui insistaient qu'ils n'avaient pas d'armes."
13 Donc, Monsieur, est-ce que vous êtes au courant de ces accusations ?
14 R. Ecoutez, je suppose que cela concerne la sécurité publique, mais je ne
15 veux accuser personne. Donc je ne suis absolument pas au courant de ces
16 accusations.
17 M. FARR : [interprétation] Voyons la fin de cette page.
18 Q. Nous voyons qu'un homme qui s'appelle NK commence une déclaration. Et,
19 en bref, il dit qu'il a subi des coups, en particulier qu'on a frappé la
20 plante de ses pieds. Au premier paragraphe, s'il vous plaît. La page
21 suivante. Il dit qu'après avoir été battu, il est rentré chez lui. Après
22 les vacances, comme on le lui avait demandé, il s'est présenté de nouveau
23 au poste de police, et il dit :
24 "Je me suis présenté après les vacances, mais je ne leur ai rien donné.
25 J'ai trouvé sur place Vlado Corbic, Nikola et Dzemko. Ils m'ont proposé de
26 boire un café et ils se sont excusés d'avoir fait une erreur. Et ils ont
27 dit que l'arme que j'avais apportée serait interprétée comme un cas de
28 désarmement volontaire."
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1 Comment réagissez-vous face à ce récit ?
2 R. Cela est incroyable.
3 M. FARR : [interprétation] Je demande que ce document soit versé en tant
4 que document de l'Accusation uniquement à des fins de récusation du témoin.
5 M. JORDASH : [interprétation] La même position, nous n'avons pas
6 d'objection à ce que l'on verse uniquement cette partie-là du document qui
7 a été présenté au témoin --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr.
9 M. FARR : [interprétation] Le document dans sa totalité est pertinent à des
10 fins de récusation, ou des parties importantes tout du moins qui ont été
11 présentées au témoin. Je veux dire, en tous les cas, le chapitre 2; et le
12 chapitre 3 a à voir avec Prijepolje, c'est également une zone sur laquelle
13 le témoin a déposé.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, s'agissant de la
15 récusation, je pense que le témoin a dit dans sa déposition qu'il n'y a
16 jamais eu de plainte, jamais de grief contre son comportement, et il nie
17 toute implication de sa part à tout traitement violent des individus qui
18 étaient ou non détenus au poste de police, donc il y a un déni général
19 qu'aucun de ces événements se soit produit de la manière dont il est
20 décrit. Compte tenu de cela, est-ce que ce document ne serait pas pertinent
21 ?
22 M. JORDASH : [interprétation] Je retire mon objection. Est-ce que je peux
23 simplement signaler aux fins du compte rendu d'audience que nous aimerions
24 savoir qu'il s'agit de la même organisation que celle qui est dirigée par
25 Natasa Kandic.
26 M. FARR : [interprétation] Oui. Pour autant que je sache, oui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maintenant les choses sont
28 claires. Ce document n'a pas encore été traduit. Je ne vois pas d'autres
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1 objections de la part de la Défense. Nous allons accorder une cote MFI.
2 Madame la Greffière.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document sera la pièce P3033 MFI.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Le document est versé au
5 dossier et il a reçu la cote comme indiquée.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, la Chambre estime que
8 nous n'allons pas pouvoir terminer la déposition de ce témoin aujourd'hui.
9 Je suppose que Me Jordash aura des questions à poser, et il va y avoir
10 encore quelques recherches aussi qui vont devoir être faites, que ce soit
11 par vous ou par la Défense. Nous évitons toujours de prolonger le séjour
12 des témoins pendant le week-end, mais malheureusement il me semble que cela
13 est inévitable en l'occurrence.
14 M. FARR : [interprétation] J'allais juste dire que j'en ai terminé. Mais je
15 comprends que cela ne résout pas le problème.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est cela. Par conséquent, nous
17 allons devoir continuer mardi.
18 M. JORDASH : [interprétation] Mais il ne me reste que trois questions.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, est-ce qu'il y a des
20 questions ?
21 M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai pas de questions puisque vous avez
22 posé la question au sujet du cachet, que j'allais poser moi-même.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, je vais devoir
25 m'absenter parce que j'ai des obligations, mais il nous reste six minutes
26 pour trois questions. Allez-y.
27 M. JORDASH : [interprétation] Merci.
28 Nouvel interrogatoire par M. Jordash :
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1 Q. [interprétation] Est-ce qu'on n'a jamais fait appel à l'armée pour
2 s'occuper du problème de Sandzak, je veux dire le problème de l'extrémisme
3 musulman ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que vous avez une idée des conséquences que cela aurait
6 entraînée si cela s'était produit ?
7 R. Je suppose qu'il y aurait eu des problèmes.
8 Q. De quelle nature ?
9 R. Les Musulmans avaient une certaine hostilité vis-à-vis de l'armée. Ils
10 auraient pensé que s'il y avait un déploiement des militaires c'était à
11 cause d'eux, et cela aurait causé des problèmes.
12 M. JORDASH : [interprétation] Pour la dernière question, je vais demander
13 un huis clos partiel, s'il vous plaît.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
20 La Chambre n'a plus questions pour vous; autrement dit, votre déposition
21 est terminée. Aussi, je tiens à informer les parties du fait que certaines
22 questions restent en suspens. Vous vous avez réservé le droit de réagir
23 plus tard. Pour le moins, nous avons entendu des récits contradictoires sur
24 ce qui se serait éventuellement passé dans les postes de police de Novi
25 Pazar. Par conséquent, la Chambre va devoir également envisager
26 éventuellement de demander des éléments d'information supplémentaires là-
27 dessus.
28 Et donc, pour le moment, Monsieur Corbic, votre déposition est terminée,
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1 mais je n'exclue pas, compte tenu des circonstances, que nous ayons besoin
2 d'obtenir des informations supplémentaires. Je tiens à remercier d'être
3 venu à La Haye et d'avoir répondu aux questions des parties et des Juges de
4 la Chambre. Et je vous souhaite de bien rentrer chez vous.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, compte tenu de la situation, est-
7 ce qu'il conviendrait de mettre en garde le témoin ?
8 M. FARR : [interprétation] Nous avons toujours les demandes d'entraide
9 judiciaire auxquelles il n'a pas été répondu de la part de la Serbie. Donc
10 nous aimerions que vous procédiez à le faire.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections ? Non.
12 Monsieur Corbic, compte tenu du fait que nous allons peut-être devoir vous
13 entendre de nouveau, à moins que l'on vous ait dit le contraire, je précise
14 que vous n'avez pas le droit de parler à qui que ce soit, même si cela soit
15 très difficile, de ne parler à personne de la déposition que vous avez
16 donnée jusqu'au moment où on vous aura libéré de cette obligation de garder
17 la confidentialité. Jusqu'à ce moment-là, n'en parlez à personne. Merci.
18 Vous pouvez maintenant suivre Mme l'Huissière.
19 [Le témoin se retire]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question que je dois aborder avec
21 les parties.
22 Le Témoin DST-040, j'aimerais savoir quelles sont vos évaluations du temps
23 qui sera nécessaire pour entendre ce témoin.
24 M. JORDASH : [interprétation] Deux heures et demie.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous, Maître Bakrac ?
26 M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, nous aussi nous aurons
27 besoin de deux heures et demie, peut-être même de trois heures.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Groome ?
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1 M. GROOME : [interprétation] Cela fait longtemps, Monsieur le Président,
2 que je n'ai pas revu mes papiers, mais je peux envoyer un courriel plus
3 tard dans la journée si vous me l'autorisiez, ce serait apprécié de ma
4 part.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous l'envoyez aux assistants
6 des Juges, avec copie pour les représentants du Greffe, ce serait bien, car
7 moi je risque de ne pas le recevoir personnellement. Etant donné que cela
8 concerne le calendrier et la logistique, ce sera transmis à qui de droit.
9 D'autres questions ? Si ce n'est pas le cas, la Chambre apprécie les
10 efforts déployés par les parties pour conclure l'audition de ce témoin
11 aujourd'hui. Nous suspendons maintenant l'audience et reprendrons nos
12 débats le mardi, 18 octobre, à partir de 14 heures 15 dans cette même salle
13 d'audience numéro II.
14 --- L'audience est levée à 13 heures 53 et reprendra le mardi 18 octobre
15 2011, à 14 heures 15.
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