Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 31 janvier 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  6   Je demande au Greffier [comme interprété] de citer l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic et

  9   Franko Simatovic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de commencer, j'ai quelques

 11   questions préliminaires. Tout d'abord, il s'agit d'une déclaration

 12   concernant les requêtes demandant le versement direct des pièces, c'est

 13   quelque chose qui a déjà été communiqué aux parties, mais je vais en donner

 14   lecture pour le compte rendu d'audience. Je vais commencer tout de suite.

 15   Donc nous allons parler de l'admission directe à l'audience des pièces.

 16   Le 21 novembre 2011, la Défense de M. Stanisic a informé de façon

 17   informelle les Juges de leur intention de demander un versement direct des

 18   pièces par une requête. On a discuté de cela en audience, y compris lors de

 19   l'audience du 24 novembre et du 7 décembre 2011, au moment où la Défense de

 20   M. Stanisic a dit clairement qu'elle avait l'intention de déposer trois

 21   requêtes de versement direct des pièces, dont deux comprenaient 800

 22   documents.

 23   Le 7 décembre 2011, les Juges ont exprimé leur inquiétude quant à une

 24   requête comportant un si grand nombre de documents déposés si tardivement

 25   et a demandé aux parties d'essayer de se mettre d'accord par rapport à

 26   certains sujets qui se trouvent dans ces documents.

 27   Le 13 janvier 2012, les parties ont informé de façon informelle la Chambre

 28   sur l'état de leurs discussions. Et les Juges vont faire part de leurs


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  1   observations à ce sujet.

  2   Comme il a déjà été indiqué, la Défense Stanisic a indiqué que ces requêtes

  3   comprennent au moins 800 documents et qu'ils demandent à être versés. Les

  4   Juges prennent note du fait que le nombre total des documents de la

  5   Défense, comprenant les deux équipes, compte à peu près 650 documents. La

  6   Chambre prend note du fait que la Défense de M. Stanisic est arrivée à sa

  7   fin, ou pratiquement à la fin.

  8   Et quand le Procureur, pendant sa présentation de ses moyens de preuve, a

  9   présenté une requête de versement direct comprenant un grand nombre de

 10   documents, les Juges ont exprimé leur inquiétude quant au fait d'être

 11   inondés de centaines de documents sans recevoir au préalable des

 12   informations précises quant à leur importance par rapport aux arguments du

 13   Procureur. La Chambre note de plus qu'elle aurait préféré recevoir des

 14   documents par le biais des témoins. C'est quelque chose qui peut se trouver

 15   sur les pages 3 685 à 3 690. Et ceci s'applique aussi à la Défense.

 16   Dans les affaires jugées par ce Tribunal, il se peut qu'un très grand

 17   nombre de documents peuvent être considérés pertinents et ayant une valeur

 18   probante; cependant, il appartient aux parties d'organiser la présentation

 19   de leurs moyens de preuve de sorte que les Juges soient en mesure de les

 20   prendre en compte de façon adéquate. Les parties doivent sélectionner les

 21   documents les plus pertinents qui ont une valeur probante la plus élevée et

 22   indiquer aussi aux Juges quelles sont les parties pertinentes de ces

 23   documents par rapport à leurs arguments. Quand ils ne font pas ceci, ils

 24   créent un problème d'organisation et d'ordre pratique pour les parties qui

 25   doivent répondre mais aussi aux Juges. Ce qui est encore plus important, eh

 26   bien, s'il faut faire cela, ils courent le risque que les Juges ne vont pas

 27   prendre en considération la pièce en question.

 28   Par exemple, nous pouvons citer l'exemple d'un document : un rapport


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  1   émanant d'un gouvernement décrit toute une série des événements qui peut

  2   être utilisé pour démontrer qu'une certaine institution gouvernementale

  3   possédait des informations par rapport à certains événements. Cependant, le

  4   même document peut être utilisé pour établir que la même institution avait

  5   pris des mesures pour répondre à ces événements. De plus, ou de façon

  6   alternative, ce rapport peut être utilisé pour démontrer que toute une

  7   série d'événements s'est effectivement produite.

  8   De l'autre côté, la partie qui demande le versement des documents

  9   aurait pu tout simplement avoir l'intention d'utiliser ce document pour

 10   prouver que l'auteur du rapport avait travaillé à un moment donné dans

 11   cette institution gouvernementale.

 12   La Chambre s'attend à ce que la partie qui demande le versement d'un

 13   tel document indique précisément quelles sont les informations dans le

 14   document qui sont importantes pour la partie en question. Quand un document

 15   est versé par le biais d'un témoin, c'est au cours du questionnement que

 16   ces informations se précisent. Et quand un document est versé directement,

 17   eh bien, la partie doit l'expliquer aux Juges au moment du versement.

 18   Les Juges notent que les parties ont fait un certain progrès quant

 19   aux requêtes futures éventuelles de la Défense Stanisic. Dans les

 20   paragraphes 5 et 7 de la communication informelle du 13 janvier 2012, les

 21   parties ont indiqué qu'un certain nombre de documents ont fait l'objet d'un

 22   accord. Les Juges sont contents de l'entendre.

 23   Dans une communication informelle, les parties indiquent qu'il

 24   pourrait y avoir des désaccords quant aux conclusions à tirer de certains

 25   documents. Cependant, ceci ne devrait pas représenter un obstacle pour se

 26   mettre d'accord sur le contenu du document, puisque les parties peuvent

 27   parler de l'interprétation et des conclusions à tirer de certains documents

 28   au moment de leur conclusion dans le cadre du réquisitoire ou de leur


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  1   plaidoirie.

  2   En ce qui concerne la taille des requêtes futures, requêtes portant

  3   le versement direct des pièces, à ce stade de la procédure, la Chambre

  4   s'attend à ce que les parties traitent de cette question en priorité. A

  5   partir du moment où une requête a été déposée, les autres parties ont

  6   besoin d'un certain temps pour répondre et les Juges ont besoin du temps

  7   pour en tenir compte. Les Juges s'attendent à ce que les premières mesures

  8   soient prises au plus tard le 17 février 2012, sous forme des faits qui ont

  9   fait l'objet d'un accord ou bien sous forme d'une requête directe par

 10   laquelle on demande le versement de ces documents et dans laquelle on

 11   énumère les documents qui n'ont pas fait l'objet d'un accord. Les premières

 12   mesures ne doivent pas concerner toute la documentation, et les Juges vont

 13   décider d'autres délais plus tard.

 14   En ce qui concerne les parties -- les documents dont on a déjà

 15   discuté, les Juges s'attendent à ce que les réponses arrivent le 2 mars

 16   2012 au plus tard.

 17   Avec ceci, se conclut la déclaration des Juges.

 18   M. JORDASH : [interprétation]  Eh bien, je suis désolé du timing qui

 19   n'est pas le mieux choisi, mais nous voulions aujourd'hui communiquer au

 20   Procureur une nouvelle requête portant sur les documents à verser

 21   directement. Cette fois-ci, il s'agit de 330 documents, et il s'agit d'une

 22   requête très importante puisqu'elle contient des procès-verbaux des

 23   sessions de travail du gouvernement et nous souhaitons nous appuyer sur ce

 24   document. Je sais que c'est une demande qui n'est pas simple.

 25   Et en ayant tenu compte de votre instruction, nous allons voir avec

 26   le Procureur de quelle façon nous allons pouvoir éventuellement réduire le

 27   nombre de documents. Mais c'est vrai que les problèmes se posent quand il

 28   s'agit de réduire les procès-verbaux du gouvernement. Donc on va essayer de


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  1   le faire et on va essayer de trouver un moyen de le faire.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous parlez de procès-verbaux,

  3   tout d'abord il faudrait trouver la partie pertinente du document, parce

  4   que souvent dans ces procès-verbaux on traite de différentes questions qui

  5   ne sont pas toutes pertinentes.

  6   Mais je vous laisse faire, et essayez de vous mettre d'accord. Donc

  7   c'est un premier pas à prendre. Donc il est important de faire un choix --

  8   de procéder à un choix rigoureux des informations des documents.

  9   M. JORDASH : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la partie qui demande le versement

 11   qui doit le faire en premier lieu, et ceci va améliorer vos chances de

 12   réussite.

 13   M. JORDASH : [interprétation] Merci. Il me semble qu'il serait utile

 14   d'avoir une brève audience à ce sujet parce que j'ai l'impression que l'on

 15   va vers une impasse, parce que cela fait plusieurs mois que le problème se

 16   profile. Parce que les procès-verbaux des sessions de travail d'un

 17   gouvernement racontent souvent en détail les décisions prises, qui prend

 18   les décisions, l'approvisionnement ou les filières d'approvisionnement

 19   entre la RFY et les Serbes de Bosnie. Donc ces documents peuvent être

 20   pertinents tout entiers, à moins que le Procureur n'indique très clairement

 21   quels sont leurs arguments.

 22   Parce que s'ils disent que ces accusés étaient responsables d'à peu près

 23   tout, que c'étaient eux qui décidaient, qui donnaient des instructions, et

 24   cetera, eh bien, il nous est très difficile vu que l'on possède les

 25   documents qui montrent qu'il y avait de nombreuses personnes qui étaient

 26   responsables aussi de réduire ces documents et d'enlever des parties

 27   pertinentes de ces documents. Donc il conviendrait que le Procureur soit

 28   plus précis, et donc, dans ce cas, on ne serait pas obligés de répondre à


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  1   tous les points du Procureur et de répondre à toutes les allégations. Il

  2   n'a vraiment pas besoin d'alléguer autant.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez proposé que l'on tienne une

  4   audience brève à ce sujet. Je vois que vous avez déjà commencé avec

  5   l'audience.

  6   M. JORDASH : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons réfléchir à cela. Tout

  8   d'abord, vous devez dire au Procureur quels sont les documents en question.

  9   Et puis, ne préjugez de rien, s'il vous plaît. On va voir où vous en

 10   arrivez.

 11   Mme MARCUS : [interprétation] J'ai voulu ajouter quelque chose en ce qui

 12   concerne cette possibilité d'avoir une audience brève à ce sujet. Je peux

 13   dire que nous allons communiquer un document à la Défense de M. Stanisic

 14   leur indiquant notre position et en posant des questions. Ensuite, nous

 15   allons en informer la Chambre. Et nous espérons que cela vous aidera à

 16   décider des mesures à prendre et de la façon à poursuivre par rapport à

 17   cette question.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, le deuxième point à l'ordre du

 19   jour concerne les documents qui n'ont pas encore été versés la semaine

 20   dernière. Quand nous avons fini avec notre travail, nous n'avions pas

 21   suffisamment de temps pour nous en occuper. Il s'agit surtout des vidéos.

 22   Et je voudrais demander aux parties de nous indiquer quels sont les

 23   documents qui ont été téléchargés dans le système de prétoire électronique

 24   et qui doivent encore être versés au dossier.

 25   M. WEBER : [interprétation] Le Procureur avait deux vidéos. 2D1001, c'est

 26   une vidéo qui a été montrée au cours de l'interrogatoire de la Défense

 27   Simatovic. Il s'agit d'un discours de cinq minutes d'Arkan, y compris les

 28   textes concernant les "états unis de Serbie".


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  1   La deuxième vidéo, 65 ter 6316, n'a pas été versée au dossier. C'est

  2   une vidéo qui a été montrée qui comporte deux vidéos. Il s'agit des

  3   funérailles de Radovan Stojicic, Badza. Le Procureur a aussi utilisé des

  4   arrêts sur image de cette même vidéo, 65 ter 6316.1 --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va tout d'abord parler des vidéos.

  6   Madame la Greffière, quelles sont les cotes à attribuer à ces vidéos. La

  7   première…

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P3073.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ? Il n'y

 10   en a pas. Très bien.

 11   Donc la pièce P3073 est versée au dossier.

 12   La deuxième vidéo, 65 ter 6316…

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P3074.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

 15   Dans ce cas-là, la pièce P3074 est versée au dossier.

 16   Maintenant, l'arrêt sur image émanant de la vidéo 6316.1.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P3075.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vu qu'il n'y a pas d'objection, je

 19   demande qu'elle soit versée au dossier.

 20   Ensuite, les trois documents marqués aux fins d'identification,

 21   Monsieur Weber.

 22   M. WEBER : [interprétation] Les trois documents, c'étaient les documents

 23   dont il fallait encore décider -- donc, qui ont été donnés par le témoin à

 24   la Défense de M. Simatovic, et le Procureur a posé des questions au témoin

 25   à ce sujet. Il s'agit de la pièce P3070, il s'agit d'un document concernant

 26   Zarka Radnov; ensuite, P3071, c'est un formulaire concernant Aleksandar

 27   Manojlovic; et P3072, un certificat concernant un certain Velickovic.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections


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  1   concernant le versement de ces documents ? Apparemment non.

  2   Dans ce cas, P3070, P3071 et P3072 sont versés au dossier.

  3   Rien d'autre ?

  4   M. WEBER : [interprétation] Rien pour le Procureur.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense ?

  6   M. PETROVIC : [interprétation] Rien, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc tout cela est couché au

  8   compte rendu d'audience à présent.

  9   Monsieur Jordash, au cours de l'audience du 26 janvier, le Procureur a

 10   proposé que les enquêteurs du bureau de Belgrade se rendent dans la maison

 11   du Témoin Pelevic pour prendre la photo d'un tableau contenant des

 12   photographies à la maison du témoin, et la Défense de M. Stanisic a soulevé

 13   une objection, et elle avait fait un lien entre l'objection et le fait que

 14   le Procureur avait violé l'article 90(H)(ii) au cours du contre-

 15   interrogatoire du témoin.

 16   Après, il y a eu des questions que les Juges ont posées au témoin, et vous

 17   vouliez poser des questions au témoin, et cette situation par la suite a

 18   changé par rapport à la situation telle qu'elle était au moment où vous

 19   avez fait ces observations. Donc la première question : est-ce que vous

 20   demandez toujours que les Juges prennent la décision au sujet de cette

 21   objection en vertu de l'article 90(H)(ii) suite aux questions qui ont été

 22   posées par la suite ?

 23   M. JORDASH : [interprétation] Nous ne demandons pas une décision de la

 24   Chambre à ce moment-là, mais sans préjuger un éventuel versement, nous

 25   pensons qu'il y a des questions qui auraient dû être posées au témoin. Donc

 26   nous ne demandons pas qu'il y ait une décision des Juges de la Chambre

 27   puisque le problème se pose encore parce que le Procureur n'avait pas

 28   clairement indiqué quelle était leur position.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jordash, je vais en discuter

  2   avec mes collègues, mais à un certain moment il faudrait que l'on soit au

  3   clair quant à ce qui figure parmi les pièces à conviction. Donc, est-ce

  4   qu'il faut tout simplement rayer du compte rendu d'audience votre objection

  5   quant à la violation de l'article 90(H)(ii) ?

  6   M. JORDASH : [interprétation] Soit on la raye du compte rendu d'audience,

  7   ou bien --

  8   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  9   M. JORDASH : [interprétation] -- tout simplement, il faudrait peut-être

 10   demander au Procureur qu'on ne lui permette pas de s'appuyer sur cet

 11   élément de preuve. Par exemple, s'ils n'ont pas présenté l'argument A, il

 12   faudrait lui interdire de s'appuyer sur la réponse donnée à l'argument A.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois ce que vous voulez dire.

 14   Evidemment, vous pouvez en parler au moment de votre plaidoirie, mais c'est

 15   vrai que ce serait un moment tardif pour en parler, parce qu'à ce moment-là

 16   on ne saura pas si le Procureur a la possibilité de s'appuyer sur cette

 17   information ou non, parce qu'il n'y aura pas de décision.

 18   Donc vous n'insistez pas sur une décision. Eh bien, on va laisser la

 19   question ouverte.

 20   Et voici ce que je propose à ce moment : vu que vous n'insistez pas

 21   sur une décision, je vous demande de discuter avec le Procureur pour voir

 22   s'il existe des éléments qui restent non résolus, et essayez de voir si

 23   vous êtes en mesure de vous mettre d'accord avec le Procureur. Si vous

 24   n'arrivez pas à vous mettre d'accord, eh bien, il faudrait plus tard

 25   essayer de voir comment réparer cela, quelle sera la réparation que vous

 26   demandez aux Juges et par rapport à quelle portion de la déposition.

 27   M. JORDASH : [interprétation] Nous n'avons rien contre la possibilité

 28   que les enquêteurs du Procureur se rendent dans la maison du témoin et


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  1   prennent des photos. Cela étant dit, nous ne savons pas ce que le Procureur

  2   va dire au sujet de ces cinq individus qu'ils ont contre-interrogés.

  3   Personne ici ne peut savoir ce qu'ils vont dire au sujet de ces cinq

  4   individus puisqu'ils n'expliquent pas leur position. Tout ce qu'ils disent,

  5   c'est qu'ils ont été payés par la DB. On ne sait rien de plus au sujet des

  6   allégations précises concernant ces cinq personnes.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, tout d'abord, essayez de

  8   vous entretenir avec le Procureur et de voir ce qu'ils veulent prouver au

  9   sujet de ces cinq personnes pour commencer.

 10   Ensuite, apparemment il n'y a pas d'objection en ce moment contre la

 11   possibilité d'envoyer un enquêteur --

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Weber.

 14   Oui, j'entends du B/C/S agréable sur mon canal anglais.

 15   Il n'y a pas d'objection contre le fait d'envoyer un enquêteur. En

 16   même temps, les Juges de la Chambre, à ce stade, n'estiment pas que cela

 17   soit tellement important que l'on vous enjoigne à le faire. Mais bien

 18   évidemment, il n'y a pas d'objection à cela. Et si vous souhaitez nous

 19   montrer cette photographie un peu plus tard, nous en tiendrons compte. Mais

 20   il est clair qu'à ce stade il ne s'agit pas d'une question qui soit

 21   tellement importante aux yeux de la Chambre qu'il faille vous demander, ou

 22   vous enjoindre, ou vous encourager à le faire. En tout cas, nous nous

 23   remettons entièrement à vous pour ce qui est cette question-là.

 24   M. WEBER : [interprétation] J'entends bien. Et par excès de prudence, si

 25   l'Accusation fait cela, nous prévoyons de prendre les dispositions

 26   nécessaires avec la Section chargée des Victimes et des Témoins.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. C'est ce qu'il y avait sur ma

 28   liste et ce qui restait par rapport à la semaine dernière.


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  1   Les parties souhaitent-elles dire quelque chose d'autre ?

  2   M. JORDASH : [interprétation] Je souhaite évoquer la question de la santé

  3   de M. Stanisic.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  5   M. JORDASH : [interprétation] Vous vous souviendrez du fait que la semaine

  6   dernière j'ai indiqué que M. Stanisic devait se rendre à l'hôpital de

  7   Bronovo pour un traitement qu'il attend depuis longtemps. C'est la deuxième

  8   fois qu'il s'y rend.

  9   Malheureusement, il semblerait qu'à Bronovo, ils n'ont plus de

 10   solution à lui proposer. On dit à M. Stanisic qu'il ne peut pas recevoir ce

 11   deuxième traitement parce que cela serait trop dangereux pour sa santé.

 12   Cela représente un risque, et je crois qu'il y a des risques d'allergie ou

 13   d'autres réactions.

 14   Et on lui a dit que la dernière possibilité qui s'offre à lui

 15   consiste à accepter une intervention chirurgicale, qui n'est pas possible

 16   aux Pays-Bas mais, qui pourrait être faite aux Etats-Unis, à la clinique de

 17   Cleveland. Il semblerait que cette clinique soit la clinique la plus

 18   appropriée, la plus à même de traiter ce genre de maladie.

 19   Le professeur de médecine van Geenen va rédiger un rapport suite à

 20   une consultation téléphonique jeudi prochain, à 15 heures avec le Dr Bo

 21   Shen à Cleveland et le Dr Tarabar, qui est le médecin du Dr Stanisic depuis

 22   fort longtemps. Nous espérons que les choses seront beaucoup plus claires à

 23   ce moment-là.

 24   Nous souhaitons que les Juges de la Chambre demandent un rapport, et

 25   ce, de façon urgente d'un spécialiste, un spécialiste qui serait à même de

 26   pouvoir aborder ou de traiter de ces éléments récents que nous avons reçus

 27   hier.

 28   Nous avons reçu les réponses des médecins qui rédigent le rapport aux


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  1   questions que nous avons posées, et nous sommes très reconnaissants de ces

  2   réponses, Mesdames, Monsieur les Juges, parce que vous savez que nous

  3   n'avons pas pu obtenir ces réponses par le biais du Greffe et des médecins

  4   traitants --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez en fait de questions très

  6   précises que la Chambre a posées au médecin ?

  7   M. JORDASH : [interprétation] Oui, tout à fait. Et ces réponses se sont

  8   avérées très utiles.

  9   Alors, de façon idéale, nous aimerions faire la même chose en passant par

 10   le Greffe et les médecins traitants pour ce qui est de cette dernière

 11   question, pour comprendre exactement quelle est la situation et savoir s'il

 12   est urgent que ce traitement soit prodigué. Et compte tenu de la position

 13   du Greffe actuelle, nous n'allons pas obtenir de réponse à ces questions-

 14   là. Nous n'allons pas pouvoir emprunter cette voie-là.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez parler maintenant des

 16   questions qui portent sur la maladie qui nécessite ce nouveau médicament --

 17   M. JORDASH : [interprétation] Oui. En résumé, je dirais que la meilleure

 18   voie à suivre pour nous pour recevoir des réponses aux questions qui

 19   portent sur le traitement de M. Stanisic, nous n'allons pas les poser

 20   directement -- ou qui portent sur l'état de santé de l'accusé. Evidemment,

 21   le biais normal serait de passer par ces médecins traitants. Mais le Greffe

 22   n'a pas le même point de vue.

 23   Donc nous aimerions une nouvelle fois que les Juges de la Chambre

 24   interviennent à ce stade, et vous pourriez rendre une ordonnance et

 25   demander à ce que le spécialiste rédige un rapport sur cette dernière

 26   évolution de la maladie de M. Stanisic. Ceci répond à deux objectifs :

 27   premièrement, M. Stanisic pourrait dans ce cas recevoir des éléments

 28   détaillés; et ceci, deuxièmement, permettrait de rassurer les Juges de la


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  1   Chambre quant à la capacité de M. Stanisic à assister à son procès et que

  2   l'évolution de sa maladie n'a pas d'incidence là-dessus. Et comme nous ne

  3   disposons pas des éléments nécessaires, ce n'est pas quelque chose que nous

  4   pouvons déclarer. Mais compte tenu de la gravité de ce qui vient de se

  5   passer, je crois que la prudence s'impose.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien évidemment, la différence qu'il y a

  7   entre un rapport qui fournit des éléments sur lesquels vous avez du mal à

  8   obtenir des informations et le fait de rédiger un rapport sur des problèmes

  9   gastro-entérologiques, c'est que nous avons eu un rapport d'un expert

 10   spécialiste, d'un médecin dans ce domaine, alors que nous n'avions pas de

 11   spécialiste -- le Dr de Man, bien sûr, qui a rédigé un rapport sur les

 12   questions psychologiques et psychanalytiques, mais il y a un conflit, en

 13   fait, entre les médecins traitants.

 14   Ne serait-il pas donc préférable de demander un rapport, et ce, de

 15   façon urgente après qu'il y ait ce contact jeudi, tout de suite après, car

 16   nous avons dans ce cas toutes les chances d'obtenir les informations

 17   pertinentes. Et nous demanderons de façon précise à ce que le spécialiste

 18   qui rédige le rapport glane toutes les informations nécessaires et

 19   obtiennent ces informations des médecins traitants, y compris les contacts

 20   que ces médecins ont avec les médecins à Cleveland, de façon à avoir un

 21   aperçu général de son avis sur la question, à savoir s'il faut poursuivre

 22   le traitement ou non à l'hôpital de Bronovo. Peut-être que l'hôpital de

 23   Cleveland est le seul, ou le meilleur, hôpital pour traiter ce dont il

 24   souffre, et dans ce cas nous pourrions formuler quelques questions. Si vous

 25   avez des propositions à nous faire, très bien. Comme vous avez remarqué,

 26   les Juges de la Chambre préfèrent toujours formuler les questions eux-

 27   mêmes, parce que c'est nous qui recherchons les éléments d'information en

 28   premier lieu. Bien sûr, nous sommes ouverts à toute proposition. Et vous


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  1   avez peut-être remarqué que ce que vous recherchiez, les questions que vous

  2   avez posées récemment à propos du traitement à propos duquel vous n'avez

  3   pas pu obtenir des informations, et j'espère que les Juges de la Chambre

  4   ont inclus dans leurs questions les questions que vous aviez vous-mêmes

  5   lorsqu'elles se sont adressées au médecin.

  6   M. JORDASH : [interprétation] Nous sommes tout à fait d'accord pour dire

  7   que la voie à suivre serait d'attendre cette consultation, tout à fait. Et

  8   la manière dont je pourrais répondre à la deuxième partie de ce que vous

  9   avez dit, il y a des questions en souffrance, mais nous n'allons pas

 10   préoccuper les Juges de la Chambre avec cela. Nous allons déposer la

 11   requête aujourd'hui au Président eu égard à la position de l'OLAD, mais les

 12   informations que vous avez fait figurer sur votre liste sont des

 13   informations qui se sont avérées très utiles pour nous, et nous vous

 14   remercions beaucoup d'être intervenus de la sorte.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ce que vous souhaitez savoir est

 16   sans doute un mélange de deux choses : ce que M. Stanisic souhaite savoir

 17   en tant que patient et que ces éléments reçus soient communiqués aux Juges

 18   de la Chambre et soient pertinents dans le cadre de cette procédure. Nous

 19   essayons d'établir une différence, de marquer une distinction entre les

 20   deux et, dans la mesure du possible, voir si ceci peut être utile à

 21   l'équipe de la Défense, parce que ceci doit être pertinent aux yeux des

 22   Juges de la Chambre. Ce qui est important, c'est de constater ce qui est

 23   pertinent et ce qui ne l'est pas. Et nous nous en remettons à la Défense,

 24   au Greffe ou au Président, quelle que soit la personne compétente pour

 25   traiter de cette question.

 26   M. JORDASH : [interprétation] J'espère aussi avoir clairement pu faire

 27   cette différence, car j'ai vraiment essayé de marquer cette différence de

 28   façon claire.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, je ne sais pas si nous

  2   recevrons des éléments d'information. Nous pouvons formuler ces questions

  3   nous-mêmes de façon restreinte ou non, et quelle que soit la manière dont

  4   vous souhaitez procéder, faites en sorte que vous communiquiez vos

  5   desiderata aux Juges de la Chambre, parce qu'il y aura donc ce contact

  6   mardi ou jeudi entre ici et l'hôpital de Cleveland. Nous aimerions recevoir

  7   dès que possible après ce contact les éléments dont nous avons besoin.

  8   M. JORDASH : [interprétation] Et nous allons envoyer nos questions que nous

  9   vous communiquerons au plus tard demain à la fin de l'audience.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Marcus, en général, le bureau du

 11   Procureur n'intervient pas beaucoup sur cette question-là, mais je vois que

 12   vous êtes debout.

 13   Mme MARCUS : [interprétation] Oui, pour dire simplement que nous sommes

 14   tout à fait d'accord avec ce qui est en train de se passer. Et nous

 15   aimerions également proposer quelques questions aux Juges de la Chambre

 16   comme nous l'avons fait par le passé à de nombreuses reprises.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans ce cas, si vous voulez bien

 18   respecter les mêmes délais que ceux qui ont été imposés à la Défense.

 19   Mme MARCUS : [interprétation] Oui, tout à fait.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que ceci pourrait avoir une

 21   incidence sur les débats. Je ne sais pas si vous souhaitez vous adresser

 22   aux Juges de la Chambre, Maître Petrovic ?

 23   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons un point

 24   de vue sur la question, mais il est trop tôt pour nous de le faire valoir.

 25   Dès que nous disposerons des éléments nécessaires, nous vous tiendrons

 26   informés de notre position.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Petrovic.

 28   Dans ce cas, s'il n'y a pas d'autres questions préliminaires…

 


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  1   Concernant le témoin à venir --

  2   M. FARR : [interprétation] Si, il y a une question : une requête en

  3   instance concernant des mesures de protection émanant de Serbie, c'est

  4   pourquoi l'Accusation --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est précisément la raison pour

  6   laquelle je souhaitais passer à huis clos partiel.

  7   Je souhaite que nous passions à huis clos partiel.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  9   Mesdames, Monsieur les Juges.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 20   Je vais relire la décision qui est celle des Juges de la Chambre.

 21   Le 23 janvier 2012, la Serbie a demandé des mesures de protection pour le

 22   Témoin DFS-017. Premièrement, la Serbie demande à ce que l'identité du

 23   témoin soit protégée. La demande est rejetée.

 24   Le témoin est un ancien agent de la DB, et la Serbie n'a pas suffisamment

 25   expliqué de quelle manière l'identité publique de son identité pourrait

 26   menacer les intérêts au plan de la sécurité de la Serbie.

 27   Deuxièmement, la Serbie a demandé à ce que le témoin puisse témoigner à

 28   huis clos. La Serbie fait valoir que le témoin va témoigner, je cite,

 


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  1   "concernant la nature, le type et l'intensité des contacts et de l'échange

  2   avec les représentants officiels du MUP de la DB pour la période allant de

  3   1992 à 1995."

  4   Une autre citation :

  5   "Les circonstances, les faits, les événements ainsi que les tâches

  6   relatives à…," et je vais exclure un passage, "son emploi au sein de la DB

  7   serbe."

  8   Et le dernier passage de cette citation :

  9   "Sa connaissance concernant sa coopération avec la DB serbe ainsi que les

 10   échanges de renseignements et d'informations dans le cadre de cette

 11   coopération…," et encore une fois j'omets un passage, "avec l'accusé

 12   Simatovic."

 13   Le témoin va être entendu en audience publique, et les parties et le témoin

 14   reçoivent maintenant la consigne suivante : ils doivent demander de passer

 15   à huis clos partiel de façon provisoire parce que les questions pourraient

 16   éventuellement révéler l'identité de cet agent de la DB; ainsi que la

 17   source; et, troisièmement, un endroit précis utilisé par la BIA.

 18   Suite à la déposition du Témoin DFS-017, le Greffe fournira à la Serbie les

 19   passages du compte rendu d'audience de sa déposition entendue

 20   temporairement à huis clos partiel de façon à ce que les expurgations

 21   nécessaires puissent être faites.

 22   Madame la Greffière, je vous enjoins par la présente d'informer la

 23   République de Serbie de cette décision.

 24   Maître Petrovic, comme nous l'avons dit il y a quelques instants, le témoin

 25   n'a pas demandé de mesures de protection pour lui-même. Est-ce que c'est

 26   quelque chose que vous avez vérifié récemment ?

 27   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je lui ai posé une

 28   question sur ce point hier.

 


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, ceci est récent.

  2   Je demande donc à ce que le témoin entre dans le prétoire, s'il vous plaît.

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à vous.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Draca.

  7   Avant que vous ne déposiez dans ce prétoire, le Règlement de procédure et

  8   de preuve exige que vous prononciez une déclaration solennelle, à savoir

  9   que vous allez dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   L'huissier [comme interprété] vous remet le texte de cette déclaration.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : ACO DRACA [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Draca.

 16   Veuillez vous asseoir.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Draca, je souhaite vous

 19   informer de la chose suivante : une décision a été rendue par les Juges de

 20   la Chambre il y a quelques instants, une décision qui porte sur des mesures

 21   de protection qui avaient été demandées par la République de Serbie.

 22   La République de Serbie avait demandé à ce que vous déposiez à huis clos et

 23   non pas sous votre propre nom, pour que votre identité ne soit pas

 24   communiquée au public. Cette demande a été rejetée. Mais les Juges de la

 25   Chambre ont décidé que vous alliez être entendu en audience publique. En

 26   même temps, nous souhaitons attirer votre attention sur l'élément suivant :

 27   lorsque les questions ou vos réponses sont susceptibles de révéler,

 28   premièrement, l'identité d'une source de la BIA, ou, deuxièmement,

 


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  1   l'identité d'un agent de la BIA, ou, troisièmement, un endroit utilisé par

  2   la BIA, dans ce cas nous passerons à huis clos partiel. Les parties ont

  3   reçu pour consigne d'avertir les Juges de la Chambre si cette occasion se

  4   présente, et les instructions à votre intention sont les mêmes. Si une

  5   quelconque réponse serait susceptible de révéler ce type d'information,

  6   nous passerons à huis clos partiel pour que ces informations ne soient pas

  7   communiquées au public et pour que ces passages expurgés puissent ensuite

  8   être examinés par la République de Serbie pour savoir si, oui ou non, ces

  9   passages doivent ne pas être communiqués au public.

 10   Est-ce bien clair ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez tout d'abord être interrogé

 13   par Me Petrovic. Me Petrovic, comme vous le savez, est le conseil qui

 14   représente les intérêts de M. Simatovic.

 15   Me Petrovic nous a dit qu'il n'y avait pas de raisons personnelles pour que

 16   vous demandiez des mesures de protection compte tenu de vos circonstances

 17   personnelles.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, Maître Petrovic, je vous en

 20   prie, c'est à vous.

 21   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Interrogatoire principal par M. Petrovic :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Draca.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Pourriez-vous tout d'abord nous donner vos nom et prénom, ainsi qui

 26   votre lieu et date de naissance.

 27   R.  Aco Draca. Je suis né à Sinj, en Croatie, le 13 décembre 1958.

 28   Q.  Monsieur Draca, pourriez-vous nous dire quelles études vous avez


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  1   faites.

  2   R.  Je suis allé au lycée de Benkovac, et ensuite j'ai obtenu un diplôme de

  3   droit à l'Université de Zagreb.

  4   Q.  Pourriez-vous nous dire à quel endroit vous avez travaillé pour la

  5   première fois.

  6   R.  En décembre 1981, j'ai travaillé pour les services de Sûreté de l'Etat

  7   dans le centre qui se trouvait à Zagreb.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire en quelques mots quelles fonctions vous avez

  9   remplies lorsque vous avez travaillé pour les services de Sûreté de l'Etat

 10   à Zagreb.

 11   R.  Au début de ma carrière, tout d'abord je me suis occupé de surveillance

 12   secrète et de documents secrets, et après cela j'ai travaillé en qualité

 13   d'agent. Je ne sais pas si vous savez de quoi il s'agit.

 14   Q.  Si cela s'avère nécessaire, je vous poserai des questions précises là-

 15   dessus.

 16   Monsieur le Témoin, est-ce qu'à aucun moment vous avez été réinstallé

 17   ailleurs et que vous n'étiez plus en Croatie ?

 18   R.  A ma propre demande, en 1986, j'ai été transféré à Split, et j'ai

 19   travaillé, pour 1986, pour l'antenne de Zadar.

 20   Q.  Pouvez-vous me dire, vous voulez parler de l'antenne de Zadar,

 21   quel était l'organigramme et combien de personnes travaillaient à cet

 22   endroit ?

 23   R.  Eh bien, c'était le centre de Split, et c'était le centre

 24   territorial le plus important en ex-Yougoslavie car cela recouvrait Rijeka

 25   dans le nord et le Monténégro dans le sud. Il y avait Zadar, Sibenik et

 26   Dubrovnik, les différentes antennes. Moi, je travaillais à Zadar. Il y

 27   avait neuf agents au total, mais nous avions également des administrateurs,

 28   des chauffeurs, et cetera.


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait

  2   lorsque les partis politiques sont venus au pouvoir dans la République de

  3   Croatie en 1989 et 1990 ?

  4   R.  En ce qui concerne mon engament professionnel, j'ai travaillé --

  5   Q.  Un instant, Monsieur Draca. M. le Président voudrait intervenir.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet. Les interprètes demandent

  7   de respecter une pause entre les réponses et les questions. Sans cela, on

  8   n'arrive plus à suivre.

  9   Je vous en prie, continuez.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne mes engagements

 11   professionnels, je faisais du contre-espionnage par rapport aux services de

 12   Renseignements d'Europe de l'Est.

 13   M. PETROVIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Draca, à un moment donné, les partis politiques qui entraient

 15   en scène en 1989 et 1990, est-ce qu'ils ont également fait l'objet d'un

 16   attrait particulier à vos services à Zagreb ?

 17   R.  Oui. En 1999, le système multipartite fut mis en place en la République

 18   socialiste de Croatie, tout comme les autres anciennes républiques de

 19   l'URSS [phon], et puis suite aux tensions ethniques qui ont vu le jour dans

 20   cette région, ce centre de Split a décidé que tous les agents allaient

 21   couvrir les nouveaux partis en place, c'est-à-dire les partis

 22   éventuellement extrémistes ou terroristes concernant tout acte de violence.

 23   Donc un certain nombre de partis ont vu le jour. On ne savait pas encore

 24   très bien quels étaient leurs objectifs. Et si vous permettez de m'exprimer

 25   ainsi, il s'agissait d'une démocratie qui naissait, et les neufs agents qui

 26   travaillaient là-bas ont ensuite mis de côté toutes leurs autres activités

 27   et n'ont fait que couvrir les activités des partis.

 28   Q.  Monsieur Draca, au cours de cette période lorsque vous avez reçu cette


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  1   instruction, est-ce que vous couvriez les partis politiques de toutes les

  2   personnes qui vivaient sur le territoire couvert par votre antenne ?

  3   R.  Oui, en effet. Peut-être je ne me suis pas assez bien expliqué.

  4   Nous ne couvrions pas les activités politiques des partis, mais uniquement

  5   les activités des partis qui avaient un lien éventuel avec les luttes

  6   ethniques et le terrorisme. Il n'y avait qu'un seul parti du peuple serbe,

  7   c'est le parti du Dr. Tudjman.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir

  9   ralentir, s'il vous plaît. Respirez de temps en temps de sorte que

 10   l'interprète puisse faire pareil.

 11   M. PETROVIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur Draca, à un moment donné, est-ce que cette instruction a été

 13   modifiée concernant les activités dont vous étiez chargé de la surveillance

 14   et les partis en cause ?

 15   R.  Oui. Je devrais expliquer encore quelque chose. Selon les lois en

 16   vigueur en Yougoslavie à l'époque, il y avait des dispositions concernant

 17   l'intolérance ethnique et l'intolérance raciale, et dans les premières

 18   instructions, les instructions spécifiques étaient de recueillir des

 19   renseignements, des films, des documents concernant les activités, qui

 20   allaient ensuite être analysés conformément à ces articles du droit pénal.

 21   Quelques jours plus tôt, dix ou 15 jours avant les premières élections

 22   démocratiques en République socialiste de Croatie - c'était comme cela que

 23   ça s'appelait à l'époque - une instruction est venue de Zagreb indiquant

 24   très clairement que selon une ordonnance du comité central de la République

 25   socialiste de Croatie, le SDB ne devait pas poser d'obstacle au processus

 26   démocratique dans le pays. Nous devions donc à ce moment-là mettre un terme

 27   à cette activité.

 28   Q.  Monsieur Draca, est-ce que les activités ont été 


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  1   suspendues ? En fait, est-ce que vous pourriez nous dire d'abord ce qui

  2   s'est produit concernant toute cette documentation qui avait été rassemblée

  3   alors que vous travailliez encore sur les partis politiques dans la période

  4   antérieure ?

  5   R.  Nous avions reçu une instruction du centre de Split tendant à faire

  6   détruire toute la documentation, ce que nous avons fait le même jour. Il y

  7   avait beaucoup de documents, toutes sortes de pièces audio et vidéo

  8   provenant de différentes réunions. Cet ordre a été très précis sur un point

  9   particulier puisqu'il portait exclusivement aux partis politiques croates.

 10   Il ne parlait pas non plus du Parti démocrate serbe. Nous avons donc

 11   poursuivi nos activités dans ce sens sachant que l'extrémisme parmi le

 12   peuple serbe pouvait également contribuer à accroître le conflit. Nous

 13   devions donc nous attacher à nos travaux sur le SDS, de sorte qu'à un

 14   moment donné, à Zadar, nous nous sommes trouvés dans un problème assez

 15   particulier. Nous ne travaillions plus sur le nationalisme croate, mais

 16   nous travaillions plutôt sur le nationalisme serbe. Nous avions à ce

 17   moment-là 12 actions portant sur des gens qui faisaient partie du SDS. Et

 18   la majorité de la population était croate dans la région.

 19   Q.  Donc, Monsieur, si nous pouvions très brièvement parler de la situation

 20   à Zadar à l'époque des élections en 1990 : quelle était la situation, est-

 21   ce qu'il y a eu des incidents, quelle était la position de vos services par

 22   rapport à ces incidents ?

 23   R.  La situation sécuritaire était très mauvaise, surtout après les

 24   élections qui ont été gagnées par le HDZ. Jusqu'à l'époque, on espérait que

 25   le SDP, les anciens communistes sous la houlette de l'ancien président

 26   Racan, allait emporter les élections. Ils étaient beaucoup plus modérés.

 27   Toutefois, une fois que ça été le HDZ qui a gagné les élections, les

 28   tensions interethniques se sont enflammées, et il y a eu même les premières


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  1   gardes serbes qui ont été formées dans les villages serbes.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voulez-vous parler phrase par phrase et

  3   ralentir un petit peut. Ça permettrait à tout le monde de vous suivre.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Au cours de cette période, les premières

  5   gardes villageoises ont été créées pendant la nuit dans les villages serbes

  6   exclusivement. La zone de Zadar couvrait trois municipalités autres que

  7   Zadar : Beograd na Moru, Benkovac et Obrovac. Et Obrovac et Benkovac

  8   avaient une majorité de Serbes dans leur population.

  9   M. PETROVIC : [interprétation]

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  Je voudrais ajouter également qu'au cours de cette même période, notre

 12   service suivait tout ce qui se produisait sur le terrain et rendait compte

 13   à Split et à Zagreb concernant ces gardes nocturnes. Et la JNA fonctionnait

 14   également à l'époque, et il y avait des réunions conjointes des

 15   représentants de l'armée populaire yougoslave, ou plutôt, de leurs services

 16   de Sécurité. Donc ils allaient se rendre dans ces villages et ils disaient

 17   que ces gardes n'étaient pas nécessaires puisqu'ils étaient toujours les

 18   garants de la paix.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, oui, nous allons revenir à ces différentes

 20   questions. Je voudrais juste vous demander d'essayer de vous concentrer sur

 21   les questions que je vous pose, de sorte que nous pourrions présenter à la

 22   Chambre les différents éléments de façon efficace.

 23   Ma question était : à l'époque, donc en 1990, est-ce qu'il y a eu des

 24   incidents et est-ce que vos services ont dû réagir suite à ces incidents,

 25   et quelles étaient les informations que vous avez 

 26   obtenues ?

 27   R.  Oui, il y a eu des incidents, surtout après que les élections

 28   parlementaires remportées par le HDZ. Nos instructions claires étaient, et


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  1   c'est d'ailleurs partiellement écrit, étaient de ne pas du tout nous

  2   immiscer dans ces incidents, mais de les documenter, de faire rapport à

  3   leur sujet. Ne pas interférer, cela voulait dire, nous ne devions pas

  4   recueillir des éléments de preuve de sorte de pouvoir traiter de ces

  5   informations plus tard à des fins pénales.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, qu'est-ce qui s'est produit concernant ces

  7   différents agents de la DB d'origine serbe ainsi que dans la police de

  8   Split suite à ces élections ?

  9   R.  Juste après les élections, ou après que ces autorités aient pris le

 10   pouvoir, les premières autorités multipartites de Croatie se sont mises en

 11   place, et tout le personnel de la DB a reçu un document qu'ils devaient

 12   signer aux fins d'attester de leur loyauté. Ce document ne précisait rien

 13   de précis. C'était un contenu tout à fait similaire à des documents que

 14   nous avions signés auparavant concernant notre engagement à la

 15   confidentialité des secrets de l'Etat, et cetera. L'en-tête était

 16   différent. Il s'agissait maintenant du damier.

 17   Les insignes ont été modifiés. Donc la première décision, en effet, a été

 18   de changer les symboles et les insignes sur les manches et les képis. Ce

 19   n'était plus une étoile, mais un écusson en damier. Certains travailleurs

 20   ont refusé de porter ces insignes et ont été licenciés. Dans des endroits

 21   comme Knin et Benkovac, les équipes ont continué à travailler, mais en

 22   portant les anciens insignes.

 23   Q.  En une phrase, pourriez-vous nous dire pourquoi les personnels serbes

 24   ont refusé de porter ces nouveaux insignes sur leurs uniformes ?

 25   R.  Tout simplement parce que ces nouveaux insignes, donc ce dessin en

 26   damier, étaient presque identiques à l'insigne du NDH de 1941, qui avait

 27   causé la mort d'un million de Serbes en Croatie. Donc il y avait un lien

 28   avec cette période, et la population serbe avait beaucoup souffert sous la


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  1   présence de ces symboles et ces insignes.

  2   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que de nouvelles unités ont été créées à

  3   l'époque au sein de la police croate; et dans l'affirmative, qui rejoignait

  4   les rangs de ces unités ?

  5   R.  Oui, en effet. Il y a eu de nouvelles unités qui ont été mises sur

  6   pied. L'analyse de sécurité de la branche de Zadar à l'époque était que la

  7   création de ces nouvelles unités contribuait aux tensions, puisque l'ancien

  8   cadre des services de Sécurité selon les analyses de la direction croate ne

  9   pouvait plus couvrir la totalité du territoire.

 10   Le Président Tudjman a donc décidé de créer des forces de réserve spéciales

 11   au sein de la police qui allaient être mobilisées exclusivement à partir

 12   d'hommes d'origine ethnique serbe. Certains, d'ailleurs, de ces hommes

 13   avaient un casier judiciaire. Et dans la zone de Zadar, pratiquement tout

 14   le monde se connaissait. Ce n'était pas un -- tout le monde se connaissait.

 15   On savait très bien qui étaient ces personnes. Et ceci a suscité pas mal de

 16   positions, même de la part du public croate. Ils ont reçu des uniformes

 17   sans être formés. Des camps ont été formés où ces gens étaient logés. Mais

 18   personne ne savait à quoi ils allaient servir, et donc les villages serbes

 19   avaient peur qu'ils débarquent un jour et reprennent en main les

 20   commissariats de police qui se trouvaient dans des zones occupées par des

 21   Serbes.

 22   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes au courant de la date du 17

 23   août ? Est-ce qu'une réunion a été prévue à Benkovac ? Le 17 août 1990.

 24   R.  Oui, en effet. C'était dans la banlieue d'un village qui s'appelle

 25   Bukovic, qui est près de Benkovac. Une réunion a été convoquée et a eu

 26   lieu. Le Pr Jovan Raskovic, président du Parti démocratique, avait donc

 27   convoqué cette réunion du Parti démocratique serbe.

 28   Q.  Est-ce que quelque chose s'est produit la veille de cette réunion du 17


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  1   août 1990 ?

  2   R.  Oui. La veille de cette réunion, le 16 donc, juste après minuit, une

  3   unité spéciale de Zadar est arrivée à Benkovac. Elle a occupé le

  4   commissariat de police. Elle a cassé la porte d'un hangar qui était fermée

  5   à clé et a fait main basse sur toutes les armes des forces de réserve, des

  6   armes automatiques, et ils ont également saisi les armes des forces actives

  7   qui étaient entreposées là en cas d'urgence.

  8   A l'époque, ils ont arrêté les policiers de garde, qu'ils ont ramenés

  9   ensuite le lendemain. Cette personne faisait partie de l'administration de

 10   la police de Zadar, même s'il était à Benkovac.

 11   Q.  Monsieur, est-ce que vous étiez au courant de plans éventuels

 12   d'effectuer des actes de ce type également dans d'autres zones habitées par

 13   une population majoritaire serbe ?

 14   R.  Oui, en effet. Des actions similaires étaient censées se produire dans

 15   de plus petits villages, comme Obrovac et Gracac, et Knin, qui est un

 16   centre plus important, allait connaître son tour. Cette ville a été

 17   entourée, et les commissariats de police ont, en effet, été envahis.

 18   Q.  Comment avez-vous été au courant de l'existence de ces plans ?

 19   R.  Parce qu'à l'époque je travaillais toujours, tout comme d'ailleurs mes

 20   collègues. Personne n'était encore parti à l'époque. Donc je me rendais au

 21   travail. De temps en temps, notre supérieur nous informait de certains

 22   plans; mais je dois dire qu'à l'époque, la plupart des Serbes partaient en

 23   congé de maladie et ne venaient pas au travail parce que nous recevions

 24   tout le temps des ordres concernant le fait que nous devions couvrir des

 25   territoires serbes. Donc nous faisions un rapport sur ce qui s'était

 26   produit la semaine précédente à Benkovac ou à Obrovac, et ils - quand je

 27   dis "ils", je pense à la direction de Split, à Zadar et à Zagreb - ils nous

 28   disaient que nous minimisions les activités serbes. Et ils étaient


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  1   sceptiques.

  2   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Petrovic. Donnez-moi un

  4   instant, je vous prie.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire la pause.

  7   Monsieur Petrovic, nous avons entendu parler du contexte général. Je

  8   ne sais pas s'il y a le moindre désaccord du côté de l'Accusation, mais je

  9   ne pense pas que l'Accusation s'est opposée au fait qu'il n'y avait pas

 10   effectivement une résurgence des tensions ethniques et que des mesures

 11   administratives ont été prises qui auraient pu effectivement viser les

 12   Serbes à l'époque.

 13   Mais peut-être vous pourriez mettre à profit la pause pour vous renseigner.

 14   Parce que je crois qu'il faut avancer le plus rapidement possible et

 15   arriver vraiment au centre même de la déposition de ce témoin.

 16   Nous reprendrons à 11 heures moins quart.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 19.

 18   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic, poursuivez. Je vous

 20   demanderais, à vous-même ainsi au témoin, de veiller à marquer les pauses

 21   entre les questions et les réponses. Et je prie particulièrement le témoin

 22   à bien vouloir ralentir son débit car nous risquons de perdre une partie de

 23   votre message, et ce n'est pas ce que vous souhaitez.

 24   Je vous en prie, allez-y.

 25   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez décrit les événements du 16 août à

 27   Benkovac, 16 août 1990. Pourriez-vous nous dire comment la population a-t-

 28   elle réagi à la situation dans les municipalités de la Dalmatie du Nord ?


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  1   R.  Oui. Ce sont des événements qui ont changé significativement la

  2   situation sur le terrain et accru les tensions ethniques.

  3   Le lendemain matin, le 17 août, lors de ce rassemblement qui avait

  4   été prévu précédemment, un grand nombre de citoyens se sont rassemblés

  5   parce qu'ils avaient entendu que le SUP de Benkovac avait vu son dépôt

  6   d'armes saisi. Quelque 20 000 personnes étaient présentes lors de ce

  7   rassemblement. Et donc, les nouvelles circulaient concernant les forces de

  8   police croates qui avaient eu recours à leurs hélicoptères pour aller à

  9   Lika pour aller saisir des armes de la municipalité serbe là-bas. Les

 10   informations ont été confirmées par la JNA, et c'est la première fois que

 11   la JNA est intervenue et que les avions de combat ont essayé de repousser

 12   ces hélicoptères. C'est la première fois que la population, qui était donc

 13   rassemblée à ce rassemblement, a lancé des appels pour qu'on leur donne des

 14   armes pour se protéger.

 15   Le président du SDS, le Pr Raskovic, a dit à ce rassemblement que les armes

 16   n'étaient pas nécessaires, qu'il parlerait au président Tudjman pour

 17   empêcher que le conflit ne monte en puissance. Malheureusement, ces paroles

 18   rassurantes n'ont pas eu l'effet souhaité, et, le même soir, des barrages

 19   routiers ont été mis en place et d'autres obstacles ont été mis en place

 20   pour couper les routes dans la zone de Lika et du fleuve Cetina.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, qui avait érigé ces barrages routiers et à qui

 22   étaient les hommes qui s'y postaient ?

 23   R.  C'étaient les autochtones, les villageois. Il n'y avait pas de barrages

 24   routiers à Benkovac; mais dans tous les villages environnants, il y en

 25   avait, par contre. Ils ont utilisé des armes de chasse et certaines armes,

 26   ou trophées en quelque sorte, que les hommes avaient encore gardées chez eu

 27   remontant à la Deuxième Guerre mondiale.

 28   Q.  Je voudrais encore vous poser une question sur cette question. Pouvez-


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  1   vous nous dire, Monsieur le Témoin, la nuit de cristal, qu'est-ce que cela

  2   a représenté à Zadar ?

  3   R.  Oui, là, on avance à 1991. Je pense que ça s'est produit le 4 mai, où,

  4   deux jours avant, deux policiers de la réserve croates ont été tués entre

  5   Benkovac et Zadar. Les villageois de ce village d'où provenaient ce

  6   policier ont organisé toute une manifestation de protestation à Zadar, et

  7   plus de 10 000 personnes se sont livrées à des destructions de tout ce qui

  8   était propriété serbe - des restaurants, des bars. Et même les échoppes du

  9   marché de Zadar qui étaient propriété serbe ont été dérigées [phon]. Tous

 10   les Serbes qu'ils ont rencontrés ont été lynchés. Des gens ont été blessés.

 11   Des magasins, des bureaux ont été mis à feu, comme par exemple le bureau de

 12   la compagnie aérienne yougoslave et d'autres bureaux propriété

 13   d'entreprises de Belgrade qui avaient leurs filiales là-bas. Des incendies

 14   ont été allumés à Zadar, et tous les gens étaient en rue.

 15   Q.  Monsieur le Témoin, qu'est-ce qui s'est produit pour ces habitants

 16   serbes de Zadar le lendemain ?

 17   R.  Eh bien, cette nuit à Zadar a été très difficile pour les Serbes.

 18   Personne n'a pu trouver de sommeil; les gens avaient peur que quelqu'un

 19   débarque dans leurs maisons. Les gens enlevaient les étiquettes de leur nom

 20   sur leur sonnette pour éviter qu'on les identifie comme Serbes. Des camions

 21   venaient s'arrêter devant de nombreuses maisons, et beaucoup d'habitants

 22   serbes de Zadar ont quitté la ville ce jour-là et se sont rendus dans des

 23   zones où la majorité serbe résidait.

 24   Enfin, pour vous décrire plus clairement la situation : à Zadar, il y avait

 25   quelque 100 000 habitants, et parmi ceux-là 25 000 à 30 000 étaient des

 26   Serbes. La colonne qui s'est dirigée vers Benkovac et à Knin, colonne de

 27   Serbes qui se réfugiaient là-bas, était une file de personnes sans fin. Les

 28   gens étaient effrayés, ils ont eu très très peur de cette nuit de cristal à


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  1   Zadar, dont le nom, bien sûr, est dû au bruit d'éclat des fenêtres, des

  2   vitrines. Et ils allaient peur de ce qui leur adviendrait. Ils avaient peur

  3   de subir le même sort.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, nous avons parlé du rôle de la JNA en 1990 et début

  5   1991.

  6   Pourriez-vous nous dire, dans cette première phase du conflit, quelles

  7   furent les réactions de la JNA suite à ce conflit et à ces barrages

  8   routiers ?

  9   R.  A l'époque, l'armée populaire yougoslave voulait imposer la paix. La

 10   nuit, elle ne se rendait pas à ces barrages routiers parce qu'elle ne

 11   voulait pas aiguiser les tensions, mais au cours de la journée elle se

 12   rendait à Knin, à Obrovac, et les officiers de la JNA rendaient visite aux

 13   personnalités importantes de ces communautés pour essayer de les convaincre

 14   d'enlever ces barrages routiers, en leur disant qu'ils étaient là pour

 15   garantir la paix en tant qu'armée.

 16   Ils ont fait la même chose en rendant visite aux villages croates. Il y

 17   avait beaucoup de villages dont la population était mixte : moitié serbe,

 18   moitié croate. Et donc, vous aviez des soldats de la JNA en véhicules

 19   blindés qui montaient la grade 24 heures sur 24 pour veiller à ce que

 20   personne ne crée d'incident qui enflammerait la situation.

 21   Q.  Ces zones tampon entre les Croates et les Serbes dont vous avez parlé,

 22   entre les villages croates et serbes, elles servaient à former une espèce

 23   de ligne de séparation entre les zones habitées par les Serbes et les zones

 24   habitées par les Croates, si je ne me trompe.

 25   R.  Je ne peux pas vraiment appeler ça une ligne de séparation. Il y avait

 26   plusieurs véhicules blindés transporteurs de troupes, des soldats, de la

 27   police militaire essentiellement, qui se rendaient de village en village.

 28   Et dans certaines régions où les relations étaient bonnes, bon, ils ont


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  1   peut-être connu davantage de réussites que dans d'autres. Ce n'était pas

  2   vraiment une ligne de séparation. C'était un certain nombre de patrouilles

  3   qui essayaient de veiller à ce que des incidents ne se produisent pas entre

  4   les deux peuples.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, pendant que la JNA joue le rôle que vous êtes en

  6   train de décrire, est-il arrivé que des forces serbes occupent des villages

  7   croates ou bien que des forces croates occupent des villages serbes ?

  8   R.  Non. Il n'y avait pas de prise de contrôle, de provocations ou bien

  9   d'attaques d'aucun côté. Et d'ailleurs, les Serbes et les Croates ne

 10   quittaient pas leurs villages encore à l'époque.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, savez-vous si au cours de l'été 1991 s'il y a eu

 12   des changements en ce qui concerne les ressources humaines au sein de la

 13   JNA, des unités de la JNA et du commandement ?

 14   R.  Oui. Il y a eu des changements dans le sens où des officiers et des

 15   soldats d'active de nationalité croate ont quitté la JNA pour passer dans

 16   l'armée croate. Et puis, en préambule de tous ces événements, il y a eu la

 17   création de la ZNG, la Garde nationale croate. Le président Tudjman avait

 18   lancé un appel en demandant à tous les Croates de quitter la JNA et de

 19   passer dans la ZNG. Et c'est devenu flagrant en été 1991, alors que tout

 20   ceci avait commencé au printemps 1991.

 21   Q.  Au cours de l'été 1991, est-ce que les autorités croates ont changé de

 22   position par rapport à la JNA ?

 23   R.  Oui, ceci a changé de façon flagrante. En juin et en août, suite à

 24   l'appel de Tudjman et du gouvernement croate demandant à l'armée de quitter

 25   les villes croates, ils ont posé un ultimatum, en réalité, que le

 26   commandement de la JNA a refusé. Il voulait résoudre ce problème par le

 27   biais de l'investigation politique.

 28   Tous les mois, les présidents de toutes les ex-républiques yougoslaves se


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  1   réunissaient pour négocier au sujet du futur pays et de son administration.

  2   Q.  Mais est-ce que dans le territoire où vous habitiez les autorités

  3   croates ont changé de position par rapport à la JNA ?

  4   R.  Oui. Ceci a changé dans la mesure où les autorités croates ont ordonné

  5   un blocus de caserne. La population croate a procédé au blocus des

  6   casernes, toutes les casernes placées dans le territoire croate. Il n'y

  7   avait pas que la ZNG; la population était d'accord avec eux. Et quand je

  8   parle du "blocus", ça veut dire que ces casernes étaient encerclées, on

  9   leur a coupé l'eau et l'électricité.

 10   Q.  Et il y avait combien de casernes de la JNA à Zadar, et quel a été leur

 11   sort à ce moment-là ?

 12   R.  Il y avait trois grosses casernes à Zadar et plusieurs petites

 13   casernes, et toutes ces casernes ont été bloquées.

 14   Q.  Monsieur, maintenant je voudrais que nous parlions de ce que vous avez

 15   fait à l'époque.

 16   Est-ce qu'à un moment donné vous êtes entré en contact avec le MUP de la

 17   SAO Krajina ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Précisez cela dans le temps, et puis quelle est la personne avec

 20   laquelle vous êtes entré en contact ?

 21   R.  C'est quelque chose qui est arrivé vers la fin de l'automne ou début de

 22   l'hiver 1990. Puisque j'avais compris qu'on n'avait pas le choix, qu'on

 23   allait devoir tous quitter Zadar à un moment donné, j'ai contacté donc le

 24   poste de police de Benkovac pour me renseigner sur les possibilités d'être

 25   transféré chez eux.

 26   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous fait connaissance de Milan Martic ?

 27   R.  Oui. Peu de temps après la première réunion dans le SUP de Benkovac, le

 28   commandant du SUP de Benkovac m'a présenté à Milan Martic.


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  1   Q.  Est-ce que Martic vous a fait part de ses décisions portant la création

  2   des institutions sur le territoire de la Krajina ?

  3   R.  Oui. Cet entretien a été assez long, nous sommes restés ensemble

  4   pendant une heure ou plus. Je savais que la Région serbe autonome de la

  5   Krajina n'était pas un territoire sûr en ce qui concerne le travail du

  6   service de Sûreté d'Etat puisqu'ils n'avaient pas de locaux, équipement,

  7   ressources humaines parce que cette région, à l'époque yougoslave, était

  8   couverte par des centres se trouvant dans de grandes villes. Martic m'a

  9   confirmé cela. Il m'a dit qu'ils n'avaient pas de service de Sûreté et qu'à

 10   partir du moment où ils allaient installer leurs institutions, ils allaient

 11   aussi installer un service de Sûreté pour la Krajina vu qu'ils se voyaient

 12   obligés d'opposer résistance au gouvernement de Zagreb.

 13   Q.  Dans la SAO Krajina, est-ce qu'il y avait des professionnels de la

 14   sécurité, de la sûreté ?

 15   R.  Non. Je pourrais vous expliquer cela.

 16   Kordun était couvert par Karlovac. Banija était couverte par Sisak. Knin

 17   par Sibenik. Benkovac et Obrovac par Zadar. De sorte qu'il n'y avait pas

 18   d'agents ou de locaux dans ces villes-là. Mais dans la ville de Knin, il y

 19   avait deux opérationnels de Knin qui se rendaient sur le terrain de temps

 20   en temps. Ils étaient hébergés, ils utilisaient le bureau du SUP de Knin,

 21   de la police de Knin.

 22   Q.  Monsieur, est-ce qu'à un moment donné l'on a décidé de créer ce service

 23   de la Sûreté d'Etat de la SAO Krajina; et le cas échéant, quand ?

 24   R. Oui. Vu que les choses tournaient mal dans la région, la paix était

 25   menacée. On a créé à Knin un Conseil national serbe, organe qui devait

 26   négocier au nom de la population de la région. Ils ont décidé de créer

 27   aussi la police de la SAO Krajina.

 28   C'est à ce moment-là que j'ai à nouveau pris contact avec Martic. C'était


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  1   juste avant la Saint-Sylvestre de 1990. Et donc, le 5 janvier, Martic a

  2   pris la décision de créer la police de la Krajina. Il a dû avoir une

  3   réunion avant le 5, et il m'a introduit à Dusan Orlovic, qui devait être

  4   responsable pour la sûreté de la SAO Krajina.

  5   Q.  Est-ce que ce Dusan Orlovic avait une expérience dans les affaires

  6   liées à la Sûreté de l'Etat ?

  7   R.  Non. Il n'a jamais travaillé dans la police ou même dans la Sûreté

  8   d'Etat auparavant.

  9   Q.  Est-ce que ce Orlovic vous a confié certaines missions à un moment

 10   donné ?

 11   R.  Non. Au début, il n'y avait pas de missions particulières, mis à part

 12   la mission générale qui consistait à recueillir des informations dans toute

 13   la région concernant les activités des unités spéciales du MUP de la

 14   République de Croatie. Ces informations devaient nous aider à alerter les

 15   populations des villages pour qu'ils se préparent aux attaques éventuelles.

 16   A l'époque, la JNA existait encore. Et "notre" population, la population

 17   serbe de la région, pensait que l'armée allait pouvoir restaurer la paix.

 18   Cependant, on se tenait prêts pour intervenir dans le cas de l'échec de la

 19   JNA. Et il fallait alerter les villageois parce qu'on ne disposait pas

 20   suffisamment d'armes pour se défendre.

 21   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez créé une branche de la Sûreté

 22   d'Etat à Benkovac ?

 23   R.  Oui, cela a été fait. Ce que je vous ai décrit tout à l'heure,

 24   c'étaient les tâches qui étaient les nôtres au début. Mais vers le

 25   printemps 1991, j'ai donné un ordre de créer une branche de la SDB à

 26   Benkovac. J'avais carte blanche pour recruter le personnel, cinq, sept

 27   opérationnels. Il m'a aussi informé de l'organigramme futur de

 28   l'organisation. Il a dit que dans d'autres régions de la Krajina, on était


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  1   en train d'organiser de telles branches et que nous étions tous liés au

  2   centre de Knin. Nous étions tous placés sous leur direction.

  3   Q.  Et quelles étaient les conditions de travail à l'époque, en 1991, dans

  4   la SDB de Krajina ?

  5   R.  Il s'agissait de la débrouille, rien d'autre. On n'avait même pas de

  6   machines à écrire, on n'avait absolument rien. Cela ne ressemble pas à un

  7   service digne de ce nom. Et puis, à l'époque, de toute façon, il s'agissait

  8   avant tout de recueillir des informations concernant les menaces auxquelles

  9   était soumise la population de la région.

 10   Q.  Est-ce que vous savez comment la SDB de la Krajina a été financée à

 11   l'époque ?

 12   R.  Comme la sécurité publique, de la même façon. Le Conseil de la sécurité

 13   nationale avait lancé un appel en demandant à tous ceux qui pouvaient aider

 14   d'aider à financer ces organisations. Donc un fonds a été créé. Et tous les

 15   policiers recevaient le même salaire, quel que soit leur niveau.

 16   Q.  Monsieur, qui a été le chef du service la Sûreté de l'Etat de la

 17   Krajina en 1991 ?

 18   R.  Dusan Orlovic.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire si vous savez si ce service recevait des

 20   instructions, une directive concernant son travail et son fonctionnement ?

 21   Je vous parle de l'année 1991.

 22   R.  A en juger des réunions que j'avais assez fréquemment avec Orlovic à

 23   Knin, vu qu'il n'y avait aucun service de transmission qui fonctionnait à

 24   l'époque, tous les rapports étaient transmis par estafettes. Il n'y avait

 25   rien d'autre qui marchait. Pourriez-vous répéter la question.

 26   Q.  Est-ce que votre service recevait des directives et des instructions

 27   concernant le fonctionnement de son travail au cours de l'année 1991 ?

 28   R.  Orlovic m'a dit qu'il prenait ses instructions du Conseil national


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  1   serbe, mais je savais que Martic avait son mot de dire. Il avait plus

  2   d'influence là-dedans. Ce conseil a été rebaptisé par la suite pour devenir

  3   le Conseil de la Défense nationale.

  4   Q.  Monsieur, en 1991, pouvez-vous nous dire comment Milan Martic évaluait

  5   le travail et le fonctionnement de la SDB de la Krajina ?

  6   R.  Je pense qu'il était assez content au début, mais au fur et à mesure

  7   que le temps passait, il était de moins en moins content. Au cours de

  8   plusieurs réunions, il a montré son mécontentement quant à la qualité et la

  9   quantité d'informations qu'on lui fournissait.

 10   Q.  Est-ce que, Monsieur, à un moment donné la SDB de la Krajina a cessé

 11   d'exister ?

 12   R.  Oui. C'est Martic qui a pris cette décision. C'était vers la fin du

 13   mois de novembre ou au début du mois de décembre 1991 qu'il a pris la

 14   décision de démanteler ce service.

 15   Q.  Est-ce que cette décision a été mise en oeuvre ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  J'ai encore quelques questions qui concernent une période précédente,

 18   mais il s'agit d'un autre thème aussi. Je vais vous poser quand même toutes

 19   ces questions.

 20   Savez-vous comment a-t-on reçu les premières armes à Benkovac ? Quand et

 21   comment.

 22   R.  Les premières armes qui sont arrivées à Benkovac - je connais cela

 23   personnellement, je suis au courant de cette action pour ainsi dire - parce

 24   que les citoyens habitant les villages voisins des villages croates

 25   faisaient pression. La JNA à l'époque refusait de distribuer des armes et

 26   de mobiliser la population serbe. Vu que Benkovac disposait de la Défense

 27   territoriale mais ne disposait pas de ses propres dépôts d'armes, lors de

 28   plusieurs réunions qui se sont déroulées à Knin et plusieurs lettres


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  1   envoyées au Conseil national serbe faisant état des menaces subies par la

  2   population serbe dans la région, le conseil a décidé de faire parvenir un

  3   camion plein d'armes, d'armes anciennes d'ailleurs, de fabrication russe

  4   datant de la Deuxième Guerre mondiale à Knin.

  5   Q.  Vous avez mentionné le dépôt de la TO, c'est le dépôt de Golubic. De

  6   quoi s'agit-il ? Pourriez-vous nous décrire ce dépôt de Golubic ? Qui

  7   assure la sécurité de ce lieu, et où se trouve ce 

  8   dépôt ?

  9   R.  Ce dépôt se trouve à une quinzaine de kilomètres de Knin en direction

 10   de Bosnie, à proximité du village de Golubic. Avant, on considérait que

 11   c'était un des plus grands dépôts d'armes de la Dalmatie centrale. Placé

 12   sous le contrôle de la JNA. Une toute petite partie de ce dépôt avait été

 13   utilisée à l'époque dans les années 1960 -- la décision avait été prise

 14   dans les années 1960, au moment où l'on a créé la Défense territoriale.

 15   Donc, à cette époque-là déjà, on avait pris la décision qu'une partie de ce

 16   dépôt allait être contrôlée par la TO. Donc c'est dans cette partie-là du

 17   dépôt que se trouvaient les vieilles armes destinées à l'utilisation de la

 18   TO.

 19   Q.  Monsieur, ce premier envoi d'armes arrivé à Benkovac, il a été

 20   distribué à qui et comment ?

 21   R.  Les représentants des communes locales des différents villages qui

 22   devaient recevoir les armes sont arrivés. Je peux vous énumérer ces

 23   villages si cela est important. Vu qu'aucune institution ne voulait prendre

 24   la responsabilité de la distribution de ces armes - puisque la guerre

 25   n'était pas officielle, la JNA était encore sur le terrain, il n'y avait

 26   pas de ligne de front, il n'y avait pas de ligne de démarcation - donc on a

 27   distribué ces premières armes aux représentants des communes locales dans

 28   une forêt de pins à proximité de Benkovac. L'on distribuait une dizaine de


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  1   fusils par village. Et celui qui était à la tête de cette opération était

  2   le représentant de la TO de Knin, en coopération avec le commandant du QG

  3   de la TO de Benkovac.

  4   Q.  Vous avez parlé d'un représentant de la TO Knin [phon]. Est-ce que vous

  5   connaissez son nom ?

  6   R.  Oui. Milan Dragisic.

  7   Q.  Monsieur, connaissez-vous Zdravko Zecevic ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Pourriez-vous nous dire, en 1991, est-ce que Zecevic a eu une

 10   quelconque fonction sur le territoire de la SAO Krajina ?

 11   R.  Zdravko Zecevic est originaire du même village que moi. Je le connais

 12   depuis que je suis tout petit.

 13   En 1990, il a rejoint le parti du SDS. Il était le premier président de la

 14   municipalité de Benkovac, vu que son parti avait remporté les élections. Il

 15   était aussi le vice-président du parti du SDS, le remplaçant de Jovan

 16   Raskovic, et membre du Conseil national serbe.

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, je voudrais poser une question par

 19   rapport à l'une des réponses données par le témoin.

 20   Cette décision consistant à utiliser des armes de la TO du dépôt de

 21   Golubic et de les distribuer, pourriez-vous nous donner une date

 22   approximative de la prise de cette décision ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Au début du mois de mai 1991, après

 24   la nuit de cristal qui a eu lieu à Zadar. C'était donc à peu près le 10 mai

 25   1991.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 27   Vous pouvez poursuivre.

 28   M. PETROVIC : [interprétation] Merci.


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  1   Q.  Donc, en 1991, Zecevic est, entre autres, le président de la

  2   municipalité de Benkovac. Vous a-t-il convié à une réunion au mois de mai

  3   1991 ?

  4   R.  Il me conviait souvent à des réunions, en général -- vu qu'il était

  5   absolument ignorant par rapport aux questions de sécurité. Il me conviait

  6   pour me poser des questions pour faire une évaluation au point de vue de

  7   sécurité. Donc nous avons eu pas mal de réunions au mois d'avril et au mois

  8   de mai.

  9   Q.  M. Zecevic vous a-t-il convié à une réunion pour vous présenter à des

 10   gens arrivés dans la région de Krajina au mois d'avril et au mois de mai

 11   1991 ? Des gens qui n'étaient pas originaires de la Krajina ou de Benkovac.

 12   R.  Ah, je vois. Je vois de quoi vous parlez. Donc c'est une réunion qui a

 13   eu lieu au mois d'avril, pas au mois de mai. Il m'a convoqué et il m'a

 14   demandé de participer à la réunion, qu'un homme particulier allait venir,

 15   mais il n'avait aucune information à ce sujet. Il m'a demandé si j'avais

 16   une quelconque information à ce sujet. Il s'agissait du capitaine Dragan.

 17   Moi, à l'époque, je ne savais pas qui était cet homme. J'ai fait sa

 18   connaissance la première fois en avril 1991, lors de cette réunion avec

 19   Zecevic.

 20   Q.  Pourquoi Zecevic voulait-il que vous fassiez la connaissance du

 21   capitaine Dragan ?

 22   R.  Il m'a dit lui-même qu'il n'était pas à l'aise dans ce domaine. Il ne

 23   connaissait pas le capitaine Dragan. On lui avait dit que c'était un

 24   officier haut gradé de l'armée australienne, ayant de très bons liens avec

 25   différentes entreprises ou organes de sécurité en Irlande, aux Etats-Unis.

 26   Et vu qu'il n'était pas à l'aise de faire sa connaissance et de faire une

 27   réunion avec lui, il m'a convié à une réunion. Il est venu le voir sur

 28   recommandation des gens de Belgrade et de la diaspora serbe originaire des


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  1   Etats-Unis.

  2   Il avait peur à l'époque qu'il s'agisse d'un escroc tout simplement,

  3   puisqu'à l'époque vous avez des gens de toute espèce qui venaient dans la

  4   Krajina.

  5   Q.  Mis à part cette réunion, cette première réunion que vous venez

  6   de décrire, est-ce qu'il y en a eu d'autres auxquelles vous avez assisté en

  7   présence de Zecevic et du capitaine Dragan ?

  8   R.  Oui. Il y en a eu une autre trois ou quatre semaines plus tard, au mois

  9   de mai.

 10   Q.  Qui a participé à cette deuxième réunion ?

 11   R.  J'ai été convoqué de la même façon par Zecevic. Il m'a dit que le

 12   capitaine Dragan allait participer à la réunion, cette fois-ci, accompagné

 13   de Martic. Donc il voulait à nouveau que je participe à la réunion, chose

 14   faite au mois de mai 1991.

 15   Q.  Est-ce que Martic a dit quoi que ce soit cette fois-ci au sujet du

 16   capitaine Dragan ?

 17   R.  Oui. Il était enchanté d'avoir fait sa connaissance. Il disait beaucoup

 18   de bien à son sujet. Il disait que c'est quelqu'un qui allait pouvoir

 19   aider, parce qu'à l'époque tous les cadres croates avaient quitté la police

 20   de la SAO Krajina. Il fallait les remplacer parce qu'on ne pouvait pas

 21   fonctionner. Le capitaine Dragan a dit à Martic qu'il allait pouvoir former

 22   les gens pour qu'ils deviennent vraiment efficaces, des policiers

 23   extrêmement efficaces, et que ces gens allaient pouvoir être opérationnels

 24   en cas de guerre. Donc Martic a confié à Dragan cet entraînement, ce cours

 25   ou cette formation.

 26   Q.  Pourquoi Martic est-il allé voir Zecevic pour parler avec lui du

 27   capitaine Dragan et de cette formation d'infanterie, la formation que vous

 28   venez de mentionner ?


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  1   R.  Tout d'abord, Martic avait beaucoup de respect pour Zecevic, c'est un

  2   intellectuel, un homme calme, un homme politique. Et aussi, le premier

  3   contact avec Martic avait été élaboré par Zecevic. Et je ne sais pas qui

  4   est venu en premier en contact avec le capitaine Dragan, mais en tout cas

  5   Martic se sentait obligé d'informer Zecevic de tout cela. Et puis, de toute

  6   façon, Zecevic avait pas mal de contacts dans la diaspora serbe et il

  7   comptait sur son aide pour informer tous ces gens de ce qui se passe, de

  8   l'aide dont ils avaient besoin, et cetera.

  9   Q.  Ici, on peut lire que Zecevic était le premier à être entré en contact

 10   avec Martic.

 11   R.  J'ai voulu dire en réalité que c'est Zecevic qui a introduit le

 12   capitaine Dragan à Martic.

 13   Q.  Merci.

 14   Monsieur Draca, quelle impression vous a faite le capitaine Dragan, après

 15   l'avoir rencontré à plusieurs reprises ?

 16   R.  Au début, il m'a fait une bonne impression. Il était plein d'énergie,

 17   et puis ce n'était pas un extrémiste. Ce n'était pas un Chetnik non plus.

 18   Et au fur et à mesure que le temps avançait, mon opinion a changé.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, vous dites que vous avez changé d'avis. Pourquoi

 20   avez-vous changé d'avis ?

 21   R.  Compte tenu de mon poste à ce moment-là, à savoir je rassemblais des

 22   éléments d'information, donc je savais fort bien ce qui se passait dans les

 23   armées qui se trouvaient dans le voisinage de Benkovac et Knin. J'avais

 24   remarqué que le capitaine Dragan était venu de son propre chef, sans un

 25   quelconque accord avec les autorités serbes, ou le Conseil national, ou

 26   l'armée serbe. Il avait l'habitude de venir seul. Il organisait des

 27   rassemblements politiques. Il a essayé d'organiser les rébellions contre

 28   l'armée car il prétendait être le seul à pouvoir sauver la Krajina, et il


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  1   ne pourrait sauver la Krajina que lorsque la JNA tomberait. Et il diffamait

  2   les hommes politiques locaux, et il semait le trouble en quelque sorte.

  3   Et pour les gens simples qui craignaient une éventuelle attaque  croate,

  4   ils ne le percevaient pas de cette manière. Il était accepté partout. Les

  5   gens étaient euphoriques à son égard. Cependant, j'estimais que ceci

  6   n'était pas bien dans le contexte général de l'unité des peuples dans le

  7   secteur. Il passait de moins en moins de temps au camp.

  8   A un moment donné, j'ai même demandé à Orlovic s'il savait ce qui se

  9   passait et pourquoi, et étant donné qu'il devait entraîner les policiers au

 10   camp, il n'a pas accompli sa mission. Et je dois dire qu'un citoyen

 11   étranger, Mark Lynch, il a faire venir cet homme qui était Irlandais. Il

 12   l'a laissé au camp et il se promenait dans les alentours du camp.

 13   C'est quelque chose que j'ai également communiqué à Zecevic, qui m'a

 14   dit qu'il serait préférable de ne pas être trop dur contre lui parce que

 15   tous les hommes de la diaspora serbe voyaient en lui l'homme qui pouvait

 16   les sauver, donc il ne fallait pas le critiquer en public, et je me suis

 17   abstenu de le faire.

 18   Q.  Comment les structures politiques de la Krajina ont-elles réagi au

 19   comportement du capitaine Dragan que vous venez de nous décrire ?

 20   R.  Au début, ils n'étaient peut-être pas au courant de ce dont je viens de

 21   vous parler ou ne l'avaient pas remarqué. Mais il est allé un peu plus

 22   loin. Il a assisté aux séances du Conseil national serbe, même s'il n'était

 23   pas invité à le faire, et il présentait des propositions et des suggestions

 24   que le président du Conseil national serbe, Milan Babic, n'a pas appréciées

 25   à l'époque, et les tensions ont commencé à se faire sentir entre les deux

 26   hommes.

 27   Q.  Vous avez dit qu'il a assisté à ces séances du Conseil national serbe.

 28   Est-ce qu'il a, à aucun moment, fait mention de propositions, et quelles


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  1   ont été les réactions à ces dernières ?

  2   R.  Eh bien, à cette époque-là, c'était un homme très populaire. S'il

  3   proposait quelque chose, les membres du conseil ne souhaitaient pas

  4   s'opposer à lui de façon ouverte, à l'exception de Babic et de Martic.

  5   Essentiellement Babic. Martic par la suite également.

  6   Et ses propositions étaient impossibles à traduire dans la réalité à

  7   l'époque car c'était une région où les autorités avaient été improvisées.

  8   Et tout était improvisé. Donc aucune de ses propositions n'a jamais vu le

  9   jour.

 10   Q.  Est-ce qu'à aucun moment quelqu'un a-t-il empêché le capitaine Dragan à

 11   assister aux séances du Conseil national serbe ?

 12   R.  Oui. Lorsqu'il a fait une proposition lors d'une des réunions où il

 13   indiquait qu'il devait prendre le contrôle de tous les états-majors de la

 14   Défense territoriale, et là il était allé trop loin. Babic a clairement

 15   indiqué qu'il est très, très insatisfait. Il l'a dit de façon très dure.

 16   Plus tard, sans que le capitaine Dragan ne soit au courant de cela, il lui

 17   a interdit l'accès des locaux à l'endroit où se tenaient les réunions du

 18   Conseil national serbe. Et le capitaine n'était pas au courant. Il est venu

 19   assister à une des réunions et un des gardes chargés de la sécurité lui a

 20   dit qu'il devait repartir, et il a été très déçu à l'époque par ce geste.

 21   Q.  Et qu'a fait le capitaine Dragan après cet incident ?

 22   R.  Eh bien, à différents endroits dans Knin, il avait organisé -- je ne

 23   peux pas proprement parler de rassemblements politiques, mais ses

 24   apparitions en public étaient connues de tous au poste de police où il a

 25   clairement indiqué qu'il n'était pas content. Il a 

 26   dit : Je suis venu vous défendre et vous me chasser. Il était très déçu, et

 27   il avait l'air très déçu.

 28   A ce moment-là, j'étais avec Dule Orlovic au SUP de Knin par hasard et je


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  1   l'ai vu, et à un moment donné il m'a parlé. Il m'a dit : Je vais quitter la

  2   région, vous allez voir ce qui va arriver lorsque je ferai cela. Vous ne

  3   pourrez rien mettre sur pied, vous ne pouvez rien faire avec les autorités

  4   telles qu'elles existent. C'était pour l'essentiel ce qu'il a dit. J'ai vu

  5   Orlovic, et, effectivement, il a quitté Knin quelques jours après. C'était

  6   peut-être au début du mois d'août,

  7   Q.  En quelle année ?

  8   R.  1991.

  9   Q.  Deux questions supplémentaires encore sur ce sujet.

 10   Où le Conseil national serbe tenait-il ses réunions et ses séances, si vous

 11   le savez ?

 12   R.  Je le sais. Les sessions se tenaient dans la citadelle qui dominait la

 13   ville. C'est une citadelle médiévale ancienne qui surplombe Knin. Avant la

 14   guerre et avant que tout ceci ne se soit passé, cela hébergeait un musée et

 15   les institutions culturelles de la ville de Knin. Mais le Conseil national

 16   serbe était autorisé à tenir ces séances. A ce moment-là, le bâtiment avait

 17   été mis à sa disposition.

 18   Q.  Est-ce que vous savez si une quelconque unité de civils ou militaires a

 19   jamais été cantonnée à l'intérieur de cette citadelle ?

 20   R.  Non. A moins que vous ne vouliez parler de la sécurité, qui était assez

 21   bien organisée, et des rumeurs circulaient à ce moment-là indiquant qu'il

 22   pouvait y avoir des attaques d'hélicoptères lancées par les forces croates

 23   et qu'ils pouvaient arrêter ou tuer tous les membres du Conseil national.

 24   Donc, à tout moment, il y avait entre 15 et 20 soldats ou policiers qui

 25   montaient la garde devant le Conseil national serbe car ils en assuraient

 26   la sécurité.

 27   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce qu'à aucun moment en 1991 vous avez entendu

 28   dire que quelques collègues de Serbie étaient arrivés ? C'étaient vos


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  1   collègues ?

  2   R.  Oui. C'est quelque chose dont j'ai entendu parler pour la première fois

  3   lors d'une déclaration faite en public. Et Orlovic a par la suite confirmé

  4   cela.

  5   Q.  Avez-vous entendu dire -- ou pourriez-vous nous dire ce dont vous avez

  6   entendu parler, et qu'est-ce que qu'Orlovic a confirmé par la suite ?

  7   R.  Eh bien, voyez-vous, la population était illettrée pour l'essentiel. Il

  8   y avait des gens qui lisaient, il y a des types qui sont arrivés de la DB

  9   serbe. On ne savait pas quel rôle ils jouaient ni pourquoi ils étaient là.

 10   Tout ceci était entouré de mystère.

 11   Et lorsque j'ai entendu cela, je me suis tourné vers Orlovic et je

 12   lui demandé si c'était vrai. Il a confirmé que c'était vrai, parce qu'il le

 13   savait par ses hommes qui étaient chargés du renseignement.

 14   Q.  Et alors, vous nous avez dit que : Ce sont des choses que l'on

 15   entendait dire parmi la population. Il s'agit de quel environnement ?

 16   Combien de personnes vivaient là ? Et comment les nouvelles se répandaient-

 17   elles ?

 18   R.  Eh bien, c'est une région qui est très peu peuplée. Par exemple, Knin

 19   est la ville la plus importante. Il n'y avait personne qui -- tout le monde

 20   se connaissait dans cette région. Et donc, on apprenait très vite si

 21   quelqu'un de l'extérieur arrivait. C'était quelque chose que l'on

 22   remarquait très aisément.

 23   Q.  Et pourriez-vous nous dire si vous avez appris ou entendu dire ou si

 24   vous avez entendu parler de noms ou d'informations particulières concernant

 25   ces hommes qui étaient arrivés à Knin qui étaient venus de Serbie ?

 26   R.  Pas tout de suite. Je l'ai appris d'Orlovic par la suite. Il m'a

 27   simplement dit que Frenki était arrivé et qu'il était là en qualité de

 28   journaliste. Mais très rapidement, ceci a été -- je ne peux pas dire


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  1   découvert, mais le contexte était tel qu'il était impossible de dire que

  2   c'était un journaliste. Et au bout de dix ou 15 jours, on apprenait

  3   rapidement qui il était véritablement.

  4   Q.  Est-ce que l'endroit où était hébergé Frenki a été évoqué ?

  5   R.  Ecoutez, pas au début. Mais j'ai entendu dire qu'il avait un

  6   appartement qui faisait partie de ce complot.

  7   Q.  Alors, avez-vous rencontrez Frenki; et si oui, quand et comment ?

  8   R.  C'était à la mi-mai. Je m'étais rendu à une réunion avec Orlovic à

  9   Knin. Je ne l'ai pas trouvé dans ses locaux officiels. Ils m'ont dit où il

 10   se trouvait. Il se trouvait dans un lieu qui était un lieu où il y avait un

 11   établissement chargé de restauration. Je m'y suis rendu. J'ai trouvé

 12   Orlovic avec un autre homme. Il s'est avéré par la suite qu'il s'agissait

 13   de M. Simatovic.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, Maître Petrovic, je sais ce que

 15   veut dire appartement. Je sais ce qu'est un complot. Mais les deux

 16   ensembles, je ne sais pas très bien.

 17   Est-ce que le témoin peut expliquer, s'il vous plaît.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit un appartement.

 19   Cet appartement est un appartement que quelqu'un loue, mais celui qui

 20   loue cet appartement -- en tout cas, personne ne sait à quoi sert cet

 21   appartement. C'est comme - comment dire ? - un lieu sûr. Je ne sais pas si

 22   j'ai réussi à bien décrire ce dont je parle.

 23   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 24   M. PETROVIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

 25   Président.

 26   Q.  Pourquoi de tels appartements sont-ils loués par vos services ? Quelle

 27   est la raison pour laquelle de tels appartements sont loués ?

 28   R.  Un tel appartement ne serait loué que pour tenir des réunions secrètes


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  1   et avoir des contacts secrets avec les sources et les agents pour pouvoir

  2   fournir des renseignements secrets, si nous souhaitions que personne ne

  3   puisse voir que nous rencontrions de telles personnes.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, vous dites avoir rencontré Frenki au restaurant en

  5   compagnie de Dusan Orlovic. Avez-vous appris à ce moment-là ou par la suite

  6   les raisons pour lesquelles Frenki est resté à Knin et avez-vous appris

  7   quelles fonctions il remplissait pour les services pour lesquels il

  8   travaillait à ce moment-là ?

  9   R.  Oui. C'est tout à fait naturel, parce que j'étais un professionnel. Je

 10   travaillais pour ces services-là. Cela m'intéressait. Et il m'a confirmé,

 11   effectivement, que c'était un agent actif des services de Sûreté de la

 12   Serbie. La conversation était assez longue. Nous avons parlé de beaucoup de

 13   choses, y compris le nombre d'années où nous avions travaillé pour ces

 14   services et quelles étaient nos fonctions. Il m'a dit qu'il travaillait

 15   avec le groupe des Américains, comme nous l'appelions à ce moment-là.

 16   L'INTERPRÈTE : Appartement de conspirateurs, traduit littéralement.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Et sans m'étendre trop sur le sujet, je dois

 18   vous dire qu'il s'intéressait particulièrement à la situation au plan de la

 19   sécurité dans la région, et également le fait est que certains membres

 20   d'une organisation extrémiste Oustasha avaient fait surface. Et c'étaient

 21   autrefois des immigrés qui étaient retournés et rentrés en Croatie.

 22   La JNA a réagi, ses relations avec les deux groupes. Donc, tout ce qui

 23   intéressait la République de Serbie à l'époque et qui aurait pu avoir une

 24   incidence sur la situation au plan de la sécurité de la Serbie et de

 25   différentes activités que devrait mener dans ce cas la Serbie pour

 26   recueillir ces éléments d'information en temps utile.

 27   C'est ainsi que j'avais compris tout cela.

 28   Q.  Et les renseignements, comme vous le dites, qui intéressaient Frenki à


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  1   ce moment-là, est-ce qu'il vous a expliqué pourquoi il se trouvait là ?

  2   Vous a-t-il expliqué quel -- portait son travail et pour quel type de

  3   travail il était responsable lorsqu'il était envoyé par les services ?

  4   R.  Eh bien, en tant que collègues, nous savions comment les services

  5   fonctionnaient et nous pouvions nous comprendre sans problème. Il s'agit en

  6   fait de collecte de renseignements, et c'est quelque chose que nous

  7   pouvions comprendre. Et il souhaitait recueillir des renseignements sur le

  8   secteur de la Krajina de façon à ce que Belgrade puisse adopter la position

  9   qui convenait, à savoir que les dirigeants de Serbie sachent de quoi il en

 10   retournait, de façon à pouvoir prendre leur décision en temps utile.

 11   Q.  Et étiez-vous en mesure ou pouviez-vous recevoir des renseignements de

 12   lui ?

 13   R.  Eh bien, c'était mon intention. Je lui avais demandé s'il pouvait nous

 14   aider également. Et comme Orlovic n'avait pas travaillé pour le service de

 15   Sûreté de l'Etat auparavant, il n'avait pas compris qu'il pouvait y avoir

 16   un retour d'information. Et à cette occasion-là, je lui ai demandé de nous

 17   remettre des éléments d'information en temps utile, le cas échéant, si les

 18   dirigeants de Belgrade pouvaient recueillir ces renseignements. Ce qui les

 19   intéressait principalement à l'époque, c'était une attaque éventuelle des

 20   Croates contre la région dans laquelle nous nous trouvions.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que les services pour lesquels vous

 22   travailliez avaient l'habitude d'échanger des informations sur différents

 23   sujets qui intéressent chacun de ces services ?

 24   R.  Oui. En principe, c'est exact. Mais cela dépend d'un cas à l'autre.

 25   Lorsque je dis cela, ce qui me vient à l'esprit, ce sont les choses

 26   suivantes. Lorsque nous nous mettons autour d'une table, nous n'échangeons

 27   pas tout, mais nous réduisons le champ de ce qui intéressent l'une et

 28   l'autre parties à un moment donné précis.

 


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  1   Q.  Est-ce que vous estimiez que le représentant des services de

  2   Renseignements serbes était un service de renseignements ami ? En d'autres

  3   termes, étiez-vous disposé à échanger des informations qui intéressaient

  4   Frenki ?

  5   R.  Oui, tout à fait.

  6   Q.  Et savez-vous si, outre Frenki, il y avait d'autres personnes des

  7   services de Sûreté de Serbie qui se trouvaient dans la région de Knin à

  8   l'époque ?

  9   R.  Oui. Il y avait deux autres personnes.

 10   Q.  Et savez-vous qui étaient ces deux autres personnes ? Et pour quelles

 11   raisons ces personnes étaient-elles venues dans ce secteur ?

 12   R.  A l'époque, je ne le savais pas. Au tout début, je ne le savais pas.

 13   Mais par la suite, j'ai appris que ces personnes avaient les mêmes

 14   responsabilités mais étaient responsables de différents secteurs.

 15   Je ne sais pas si je peux donner leurs noms car il s'agit de membres des

 16   services de Sûreté de la Serbie. Je ne sais pas si j'ai le droit de

 17   mentionner ces noms en audience publique.

 18   M. PETROVIC : [interprétation] Je demande à pouvoir passer pour quelques

 19   instants à huis clos partiel, Mesdames, Monsieur les Juges, s'il vous

 20   plaît.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 23   Mesdames, Monsieur les Juges.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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  8   [Audience publique]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 10   M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que Frenki ou une autre personne que vous

 12   avez citée fournissait une aide sous la forme de matériel qui vous

 13   permettait d'accomplir votre travail ?

 14   R.  Non. Non, pas d'aide, que ce soit sous forme matérielle ou sous forme

 15   de matériel technique.

 16   Il y a eu cette occasion où j'ai demandé à avoir ce genre de chose, et M.

 17   Simatovic m'a dit que j'étais un officier chargé des renseignements et que

 18   je n'étais pas un homme chargé de logistique. Nous plaisantions sur le

 19   sujet.

 20   Q.  Frenki vous a-t-il jamais donné des instructions, des ordres ou des

 21   orientations que vous auriez dû suivre en 1991 ?

 22   R.  A aucun moment je n'ai reçu d'instruction, voire même de conseil de sa

 23   part, à l'exception de réunions informelles où nous échangions des éléments

 24   d'information, et ceci n'était pas consigné. Il s'agissait simplement d'une

 25   discussion libre entre collègues.

 26   Q.  Et Frenki a-t-il jamais essayé d'influencer la manière dont était

 27   organisé le service ou sa méthode de travail ?

 28   R.  Non, absolument pas.

 


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  1   Q.  Et vos services étaient-ils toujours mal équipés, manquaient de

  2   personnel ? Est-ce que cela continuait à fonctionner comme ça ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Frenki ne vous a-t-il à aucun moment parlé du capitaine Dragan ?

  5   R.  Oui, tout à fait. Mais notre première réunion avait déjà duré une heure

  6   parce que nous devions savoir qui nous étions l'un l'autre. Nous nous

  7   jugions. A un moment donné, il m'a dit que je devais prêter une attention

  8   toute particulière au capitaine Dragan et que je devais surveiller ses

  9   activités. Il ne m'a pas dit pourquoi. J'étais soulagé de l'entendre dire

 10   cela parce qu'il y avait finalement un homme qui avait le même avis que moi

 11   sur le capitaine Dragan, et je savais que ce n'était pas l'homme qu'il

 12   prétendait être. M. Simatovic a confirmé cela. Il m'a dit -- je ne me

 13   souviens pas de ses termes exacts, mais il m'a dit que la SDB de Serbie

 14   l'avait placé sous surveillance.

 15   Q.  Vous dites qu'il vous a dit de prêter particulièrement attention à cet

 16   homme. Qu'est-ce qu'il entendait par là, et comment vous a-t-il dit cela ?

 17   R.  Comme je vous l'ai dit il y a quelques instants, il m'a demandé de

 18   surveiller ses activités qui allaient au-delà de ce qui avait fait l'objet

 19   d'un accord devant le Conseil national serbe, à savoir de diriger la TO et

 20   d'être engagé sur le plan politique en Krajina et ses séjours fréquents. Il

 21   venait nous voir souvent accompagné de personnes de Serbie, et nous ne

 22   savions rien au sujet de ces hommes.

 23   Q.  Est-ce que Frenki a évoqué ces étrangers qui ont accompagné le

 24   capitaine Dragan ?

 25   R.  Oui, tout à fait. Nous en avons parlé. Il s'agissait d'étrangers. Il

 26   s'agissait de Mark Lynch, que j'ai cité, et d'un Robert d'Allemagne. Je ne

 27   me souviens pas de son nom de famille.

 28   Q.  Et que souhaitait savoir Frenki à propos de ces étrangers et pourquoi ?


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  1   R.  A mon sens, il s'intéressait à ces personnes parce qu'il ne leur

  2   faisait pas confiance. Il ne savait pas pourquoi ces hommes accompagnaient

  3   le capitaine Dragan, où s'étaient-ils procuré leurs aptitudes au combat,

  4   est-ce qu'ils faisaient partie d'un groupe terroriste. On soupçonnait Mark

  5   d'être un membre de l'IRA, mais nous n'avions pas de preuve pour étayer

  6   cela.

  7   Donc nos discussions ont porté sur un échange d'informations. Je lui

  8   parlais de mon appréciation de ces hommes, et nous parlions de la façon

  9   dont nous pourrions vérifier les informations à un moment donné ou à un

 10   autre.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux demander une question

 12   supplémentaire pour mieux comprendre votre déposition.

 13   Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous deviez surveiller les activités

 14   qu'il menait au-delà de ce qui avait fait l'objet d'un accord devant le

 15   Conseil national serbe et Milan Martic.

 16   Vous avez beaucoup parlé du fait que le capitaine Dragan l'appréciait

 17   beaucoup et qu'il avait accès à telles et telles choses.  Alors, qu'est-ce

 18   qui a fait l'objet d'un accord entre le Conseil national serbe et Milan

 19   Martic concernant les activités du capitaine Dragan ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors il s'agissait d'une des questions

 21   évoquées par Martic lors de cette réunion avec Zecevic. Martic a dit qu'il

 22   avait proposé au Conseil national serbe, qui était d'accord, que le

 23   capitaine Dragan devait, concernant le centre de Golubic qui fonctionnait

 24   déjà depuis le mois d'août 1991, élaborer une formation pour les hommes

 25   d'infanterie. Et je crois que, à mon sens, c'étaient là ses activités, il

 26   devait organiser l'entraînement ou la formation des policiers.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est ce que vous avez remarqué, vous

 28   avez remarqué qu'il faisait effectivement cela ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Personnellement, je ne me suis jamais

  2   trouvé au camp de Golubic à l'époque.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et s'est-il occupé de la formation des

  4   policiers dans le camp, d'après ce que vous saviez ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. Mais lorsque j'ai dit que

  6   cela allait au-delà de ce contexte-là, je voulais dire qu'il s'occupait de

  7   moins en moins de la formation des policiers et qu'il était de plus en plus

  8   engagé dans d'autres activités, à savoir il voyageait beaucoup dans la

  9   région.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et quand l'entraînement du personnel

 11   policier a-t-il commencé sous sa houlette, sous son autorité ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était au cours du printemps 1991. Je ne me

 13   souviens pas de la date précise.

 14   En fait, je n'ai pas participé à ça directement.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit auparavant que le centre

 16   de Golubic avait travaillé depuis le début. Vous avez parlé de :

 17   "… août 1991," le centre de Golubic, "pour organiser un véritable

 18   cours pour les hommes de l'infanterie."

 19   Vous disiez en fait que le capitaine Dragan a pris ses

 20   responsabilités en août 1991 ou vouliez-vous dire que ce centre a

 21   fonctionné à partir d'août 1991 ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit août 1990. J'ai peut-être fait un

 23   lapsus.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors la correction fait acte.

 25   Et comment est-ce que ces personnes ont été formées ? Qui les

 26   envoyait ? Comment ça fonctionnait, qui lui envoyait le personnel à former

 27   ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Suite à certaines tensions et aux incidents


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  1   d'août 1990 dont je vous ai fait part, il se fait que les cadres des

  2   commissariats de Lika, Kordun, Knin, et cetera, quittaient leurs postes, et

  3   donc il y avait sous-effectif. Le Conseil national serbe, ou Martic, je ne

  4   sais pas qui c'était, a décidé qu'il fallait une force de réserve pour la

  5   police, qui devait être mise sur pied et qui devait donc être formée au

  6   centre de Golubic pour remplacer ces personnels absents.

  7   Toutefois, étant donné qu'un grand nombre de personnes étaient toujours sur

  8   la liste de mobilisation de la JNA, les personnes qui ont été recrutées

  9   étaient essentiellement des volontaires. Il y a eu beaucoup de cas

 10   d'automutilation ou de blessures infligées à soi-même à cause du manque

 11   d'expérience. Et Martic était content que le capitaine Dragan puisse former

 12   ces gens. Mais ça ne s'est produit qu'à partir d'avril 1991. Mais jusqu'à

 13   ce moment-là, en fait, ce camp avait fonctionné de façon indépendante avec

 14   les personnes disponibles.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et enfin, qui sélectionnait les

 16   personnes qui étaient envoyées aux fins de formation ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] La direction du SUP de Knin, sous la direction

 18   de Martic. C'étaient eux seuls qui sélectionnaient les personnes qui

 19   allaient être formées.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Maître Petrovic, je me devais de poser ces questions, parce que tout à

 22   l'heure, quand on parlait du capitaine Dragan, on se jaugeait les uns les

 23   autres, mais on ne savait pas très bien quels étaient les éléments factuels

 24   et le lien avec ce témoin.

 25   Les choses sont plus claires maintenant.

 26   Je pense que nous allons marquer la pause maintenant, et nous allons

 27   reprendre à 12 heures 30.

 28   --- L'audience est suspendue à 12 heures 03.


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  1   --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic, êtes-vous prêt à

  3   continuer ?

  4   M. PETROVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  5   Merci.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, au cours de votre rencontre avec Frenki, est-ce que

  7   vous avez pu observer qu'il portait une sorte de petit sac ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu exactement ?

 10   R.  Oui. J'ai vu qu'il portait un sac du type qu'on utilisait au cours de

 11   ma carrière au sein du SDB, qui cachait en fait une caméra, une espèce de

 12   besace, comme ça, qui contenait un appareil photo. Et je l'ai vu

 13   l'équipement prendre des photos de gens, de bâtiments. C'était une façon,

 14   en fait, de faire de la surveillance et de documenter les environs.

 15   Q.  Comment se fait-il que vous ayez reconnu cela ? Est-ce que cela a

 16   quelque chose de particulier ?

 17   R.  En fait, nous avions tous cette même besace aux mêmes fins, puisque les

 18   services centraux de Belgrade avaient fait fabriquer ce type de besace pour

 19   tous les services des républiques. Et j'ai bien reconnu que c'était cette

 20   même besace. Et de la même couleur.

 21   M. PETROVIC : [interprétation] Mesdames, Monsieur les Juges, j'aimerais que

 22   vous apportiez 2D146, qui est le premier cliché d'une série de

 23   photographies.

 24   2D1046, excusez-moi, je m'étais trompé.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, nous allons donc voir à l'écran cette photo que

 26   vous avez apportée avec vous lorsque vous êtes arrivé à La Haye.

 27   M. PETROVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut la faire tourner. Voilà.

 28   Q.  Pourriez-vous nous indiquer qui nous voyons à droite, comment cette


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  1   photo fut prise et de quoi s'agit-il ? Qu'est-ce qu'on voit à l'épaule de

  2   la personne à droite ?

  3   R.  Il s'agit de moi. Je porte un tee-shirt blanc. A côté de moi, vous avez

  4   un de mes collègues. C'est une photo qui a été prise par le biais de cette

  5   même besace que je porte à l'épaule. Et à l'exception de ce bâtiment, c'est

  6   toute l'équipe avec laquelle je travaille qui a été photographiée de la

  7   sorte. Ça fait partie du lot de photos.

  8   M. PETROVIC : [interprétation] Peut-on voir le deuxième cliché, je vous

  9   prie, de cette même pièce.

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire comment cette photo a été prise ?

 11   R.  La personne portant des lunettes est l'objet même de cette photo; mais

 12   à côté de lui, vous avez un de mes collègues, et c'est ainsi que cette

 13   photo a été retenue et mise de côté, pour des raisons de sécurité.

 14   Vous voyez qu'il n'y a pas vraiment de format standard pour ces photos.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic, je voudrais demander un

 16   éclaircissement concernant les réponses données par le témoin précédemment.

 17   M. PETROVIC : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Suite à la photo précédente, le témoin a

 19   dit : "C'est moi-même. Je porte un tee-shirt blanc. Et à côté de moi, vous

 20   avez un de mes collègues. Cette photo a été prise à partir de cette même

 21   besace que je porte à l'épaule."

 22   Alors j'imagine que c'est un sac similaire, et pas vraiment le même. Ça me

 23   paraîtrait un peu bizarre; comment auriez-vous pu prendre une photo de

 24   vous-même ?

 25   Vous voulez dire, une besace du même modèle, en fait. C'est ça que vous

 26   vouliez dire ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, en effet, c'est ça que je voulais

 28   dire, une besace similaire. Peut-être que je me suis mal exprimé.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui a pris cette photo et quel était le

  2   but de ce premier cliché ? Je ne parle pas encore du second.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette photo et la précédente également ont été

  4   prises au cours d'une même opération. Nous nous dirigions vers le lieu de

  5   cette opération et nous prenions des photos. Si nos collègues figuraient

  6   sur les photos, ces photos-là étaient détruites. C'est pourquoi j'avais

  7   gardé celle-ci pour moi-même.

  8   Il y avait donc plusieurs équipes d'agents qui prenaient des photos des

  9   sujets de la surveillance.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la photo précédente, quel était

 11   l'objet de cette photo ?

 12   Pourriez-vous nous remontrer cette photo.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce type d'activité, il est assez normal

 14   que l'on prenne des photos en poussant sur l'obturateur dans le sac, et

 15   donc, de temps en temps, on ne voit pas le sujet même de la surveillance.

 16   Et sur ce cliché justement, le sujet de la surveillance n'y figure pas. Il

 17   n'est pas là.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci. Donc il aurait suffi

 19   que vous disiez que le sujet de la surveillance n'était pas sur le cliché.

 20   Je vous en prie, continuez.

 21   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Est-ce que le témoin peut recevoir un stylo qui lui permettrait de

 23   marquer sur cette photo la besace qu'il porte à l'épaule en bandoulière.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Je vous remercie.

 26   M. PETROVIC : [interprétation] Peut-on passer au cliché suivant -- on va

 27   peut-être perdre cette annotation. Est-ce qu'on peut sauver la photo et la

 28   verser en tant que pièce de la Défense.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le nombre sera D670.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cette pièce est versée au dossier.

  4   Et c'est la version annotée, bien sûr, de cette photo dont il est question.

  5   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Est-ce que l'on peut maintenant se reporter au troisième cliché de ce jeu

  7   de photographies.

  8   Pouvez-vous nous montrer la troisième photo, je vous prie.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. PETROVIC : [interprétation]

 11   Q.   Monsieur le Témoin, que voit-on -- qui voit-on sur cette photo, et que

 12   voit-on porté en bandoulière ?

 13   R.  C'est moi-même. Lorsque nous avons reçu cette besace, nous avons fait

 14   des essais. Nous l'avons testée pour voir si nous pouvions prendre des

 15   photos, et on utilisait le même type de besace que vous avez vu aux photos

 16   précédentes.

 17   Q.  Merci.

 18   M. PETROVIC : [aucune interprétation]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic, y a-t-il un problème

 20   particulier concernant la façon dont on utilise une caméra cachée, que ce

 21   soit dans un sac ou que ce soit porté à l'épaule droite ou gauche… enfin,

 22   est-ce que ça a la moindre importance ? Peut-être qu'il y a des problèmes

 23   qui se posent ailleurs, mais là, vraiment, est-ce que c'est un problème ?

 24   Je voudrais demander à M. Farr la couleur du sac, après quoi est-ce qu'on

 25   pouvait prendre dix photos par minute, ou 20, ou 30 ?

 26   M. FARR : [interprétation] Mais il n'y a pas du tout de contestation là-

 27   dessus.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Petrovic, concentrons-nous sur


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  1   ce qui est important. Sinon, dites-nous où vous voulez en venir. Cette

  2   besace qui abritait l'appareil photo -- bon, c'est peut-être l'appareil

  3   photo qui est important plutôt que la besace, et il y a peut-être encore

  4   des choses plus importantes que ça.

  5   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

  6   permettez, permettez-moi de faire une observation.

  7   Il y a un contentieux entre les deux parties concernant le type de besace

  8   portée par M. Simatovic quand il était à Knin et ce que cette besace

  9   contenait. Il ne me reste qu'une ou deux questions à ce sujet.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suppose qu'il y a quelque chose

 11   à propos de cette besace. Mais en supposant quelle peut être la position de

 12   la Défense, c'est surtout les appareils photos qui comptent, plutôt que de

 13   savoir si la bandoulière est sur l'épaule droite ou gauche. Tout ça m'a

 14   l'air d'être sans aucune importance. Et même si une personne porte un

 15   appareil photo dans une besace, ça ne répond pas à la question de savoir si

 16   la besace utilisée par M. Simatovic, je comprends maintenant que c'est là

 17   le problème, si celle-ci contenait un appareil photo ou non. Alors,

 18   concentrons-nous sur le contenu de la besace.

 19   Et allez, avançons.

 20   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, donc cette besace que vous avez vue chez M.

 22   Simatovic est-elle la même que celle que nous venons de voir sur ces photos

 23   ?

 24   R.  Oui, c'était le même type de besace.

 25   Q.  Lorsque cette besace contenait un appareil photo et le matériel

 26   nécessaire, est-ce qu'on pouvait également y placer autre chose ?

 27   R.  Non. Car l'appareil photo se trouvait dans cette besace, puis il y

 28   avait le mécanisme d'obturateur.


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  1   M. PETROVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser ces photos. Puis

  2   après, nous passerons à autre chose.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, est-ce qu'il s'agit

  4   de fichiers différents ou est-ce que vous pouvez donner une seule cote.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Document 2D104 numéro 6 [comme

  6   interprété] recevra la cote D671.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cette pièce est versée au dossier.

  8   M. PETROVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  9   Est-ce que l'on peut maintenant montrer au témoin le document 2D536.2.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire brièvement de quoi il

 11   s'agit ?

 12   R.  C'est l'un des rapports de ce qu'on appelait à l'époque les services de

 13   la Sûreté de la SAO Krajina.

 14   Q.  Reportez-vous au document et dites-moi si en 1991 vous avez déjà vu ce

 15   document ou des documents similaires et si vous saviez à qui ces documents

 16   étaient envoyés ?

 17   R.  Selon le format du document, oui, je peux vous dire qu'il s'agit d'un

 18   rapport du centre Knin. Dusan Orlovic ou un de ses associés à Knin

 19   l'envoyait pour décrire les éléments d'actualité qui étaient envoyés au

 20   Conseil national serbe et à Milan Martic.

 21   Q.  Savez-vous si ce document a été envoyé à qui que ce soit d'autre ?

 22   R.  Non.

 23   M. PETROVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser cette pièce de

 24   la Défense.

 25   M. FARR : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, j'essaie de comprendre.

 27   Est-ce qu'on est censé juste voir le format ? C'est à cette fin que vous

 28   présentez ce document, Maître Petrovic ?


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  1   M. PETROVIC : [interprétation] Oui, le format et le contenu.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous n'avez posé aucune question --

  3   Oui…

  4   M. PETROVIC : [interprétation] Non, effectivement, Monsieur le Président.

  5   Mais mes questions suivantes rendront les choses plus claires en ce qui

  6   concerne ce document-ci et ceux qui vont suivre.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il s'agit de contenu, moi je n'ai pas

  8   eu le temps de lire et on n'a posé aucune question. Je n'ai pas entendu

  9   d'objection. Mais en même temps, nous allons voir un peu plus tard si les

 10   choses sont un petit peu plus claires.

 11   S'il faut s'attacher au contenu, autant le faire maintenant de sorte que,

 12   pour les documents suivants et les questions suivantes, l'on sache au moins

 13   ce qui était pertinent dans ce document.

 14   Je vous donne la parole.

 15   M. PETROVIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, quel type d'information contient un document du

 17   type que nous avons à l'écran ?

 18   R.  Ce document, comme le dit son titre, est une synthèse des informations

 19   actuelles. Comme il s'agit d'un rapport dressé par les services de la

 20   Sûreté de l'Etat, qui contient donc des informations recueillies des

 21   différents collaborateurs de façon assez sensible, de sources qui peuvent

 22   être politiques, l'on peut dire que c'est un document tout à fait

 23   confidentiel qui ne pouvait être lu que par Milan Martic et le Conseil

 24   national serbe.

 25   M. PETROVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut maintenant voir la

 26   pièce P2670.

 27   Q.  Monsieur le Témoin, c'est un document de deux pages. Dites-moi quand

 28   vous aurez pu lire la première page et nous passerons ensuite à la seconde.


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  1   M. PETROVIC : [interprétation] Je ne sais pas si Mmes et M. les Juges ont

  2   eu le temps de lire le texte. On peut passer à la seconde page.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde.

  4   M. PETROVIC : [interprétation] Puis-je ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr.

  6   M. PETROVIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire de quel type de document il

  8   s'agit et qui l'a rédigé ?

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr.

 10   M. FARR : [interprétation] Nous avons une objection concernant le fondement

 11   de cette question. On ne sait pas s'il peut reconnaître ces questions. Il

 12   est différent du précédent. Donc, à quel titre il est censé le reconnaître.

 13   On a besoin de certains éléments de fond.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous répondre à l'objection de M.

 15   Farr.

 16   M. PETROVIC : [interprétation] Oui, oui, j'espère, en effet.

 17   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez déjà vu ce genre de document

 18   en 1991 en Krajina ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pouvez-vous nous dire de quel type de document il s'agit et qui les

 21   rédigeait ?

 22   R.  Contrairement au document précédent, c'est un document qui vient de

 23   l'état-major de la Défense territoriale qui était dressé en fonction de

 24   différents rapports rassemblés par les états-majors de la TO de plus

 25   petites villes. Et puis, ils rassemblaient l'état-major de Knin qui

 26   synthétisait tout cela sous la forme d'un rapport quotidien.

 27   J'ai pu prendre connaissance de ces rapports à l'époque puisque les

 28   commandants locaux de l'état-major de la TO à Benkovac m'envoyaient


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  1   justement ce type de rapport quotidiennement.

  2   Nous considérions que ces rapports étaient des documents tout à fait

  3   publics. Par exemple, ils étaient communiqués aux médias. C'était une

  4   analyse, mais sans quoi que ce soit de secret.

  5   Q.  Ce document contenait quel type d'information ?

  6   R.  Je vois la seconde page à l'écran. Maintenant je ne vois plus la

  7   première, mais je peux vous dire en tout cas que c'était la chronologie des

  8   événements. On décrivait les incidents qui s'étaient produits sur le

  9   terrain, et la TO de Knin enlevait parfois certains incidents qu'ils ne

 10   considéraient pas importants. Donc c'était une synthèse, un aperçu général

 11   des événements qui se produisaient sur le territoire.

 12   Q.  Vous avez dit que ce document reprenait les événements dans l'ordre

 13   chronologique. Vous avez parlé des médias également. Est-ce que vous savez

 14   qui au sein des médias recevait ces rapports dans la zone de Benkovac où

 15   vous travailliez ?

 16   R.  Mais tous les journalistes voulaient l'obtenir, mais le journaliste du

 17   "Politika Ekspres" de Belgrade était celui qui insistait le plus et qui

 18   obtenait ces rapports très régulièrement. Quelquefois, ils lui étaient

 19   adressés directement.

 20   Q.  Pouvez-vous nous dire comment s'appelait cette personne à Benkovac qui

 21   recevait ces rapports ?

 22   R.  Oui. Il s'appelait Svetozar Borak.

 23   Q.  Monsieur le Témoin, la liste de ceux qui recevaient ce rapport

 24   reprenait Frenki en numéro 5, cinquième destinataire. Savez-vous pourquoi

 25   Frenki recevait ce rapport, parmi d'autres ?

 26   R.  Eh bien, de façon plus précise, je n'ai jamais vu ce rapport, lorsque

 27   j'étais sur place, avec cette liste de destinataires. Je suppose que l'idée

 28   c'était que Frenki soit informé puisque sa tâche à Knin était de recueillir


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  1   des informations au quotidien. Et étant donné que c'était un parent proche

  2   de Martic, je suppose que Martic a dit à Dragisic qu'il devait donc fournir

  3   ces informations à Frenki.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, je vais maintenant demander le document 2D559

  5   d'être projeté à l'écran.

  6   M. PETROVIC : [interprétation] 2D559.2, je vous prie.

  7   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demande de bien vouloir examiner ce

  8   rapport, d'examiner surtout les destinataires du rapport.

  9   Parmi les destinataires, on ne voit pas Frenki. Il s'agit d'un rapport du

 10   19 septembre.

 11   Est-ce que vous savez pourquoi Frenki ne figure pas parmi les destinataires

 12   ?

 13   R.  La raison est simple. Depuis un mois déjà, Frenki n'est pas dans la

 14   région.

 15   Q.  Savez-vous à quel moment Franko Simatovic est parti de 

 16   Knin ? On parle de l'année 1991.

 17   R.  Je pense que c'était au début du mois d'août. Sûrement dans cette

 18   période-là.

 19   Q.  Avez-vous, à Knin, Benkovac ou ailleurs, au cours de l'année 1991,

 20   entendu dire que Franko Simatovic était celui qui dirigeait le camp de

 21   Golubic ou bien des opérations militaires ou de police dans la SAO Krajina

 22   au cours de l'année 1991 ?

 23   R.  Je sais que ce n'était pas le cas. Cependant, les gens disaient qu'il y

 24   avait des gens venus de Serbie. La situation a été toute particulière. Le

 25   peuple avait peur, il s'attendait à ce que quelqu'un d'important vienne les

 26   protéger, un représentant de la JNA ou du gouvernement. Donc il y avait des

 27   rumeurs. Et on ne disait pas que c'était M. Simatovic directement, mais on

 28   disait que c'étaient les hommes venus de Serbie qui organisaient tout et


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  1   décidaient tout. Mais nous, on savait que ce n'était pas vrai.

  2   M. PETROVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on verse au dossier

  3   les documents 2D536.2 et 2D559.2.

  4   M. FARR : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelles seront les cotes, Madame la

  6   Greffière…

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le premier document recevra la cote

  8   672. Et le deuxième, la cote 673.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les deux documents sont versés au

 10   dossier.

 11   M. PETROVIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, vous avez dit aujourd'hui qu'il y avait à Zadar un blocus de

 13   casernes. Est-ce qu'à un moment donné il y a eu d'autres activités pour

 14   débloquer ces casernes ?

 15   R.  Oui. Au début du mois d'octobre, l'armée yougoslave, après l'échec des

 16   négociations, avait entrepris une opération très importante. Il s'agissait

 17   de marcher sur Zadar et encercler Zadar. Mais les forces de Zadar ont

 18   déclaré l'armistice, considérant que les forces de la JNA étaient plus

 19   importantes que les leurs, et ils ont débloqué toutes les casernes.

 20   M. PETROVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on examine un ordre

 21   venu du commandant du Corps de Knin ordonnant l'attaque sur Zadar. C'est un

 22   document assez long.

 23   Je vais demander que l'on examine d'abord la première page de ce document.

 24   Il s'agit du document 2D192.2.

 25   C'est la page 4 qui m'intéresse. En B/C/S, c'est à la page 2. Et en

 26   anglais, cela commence à la page 2 et ensuite se poursuit jusqu'à la page

 27   3.

 28   Dans ce paragraphe, le quatrième, on peut lire :


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  1   "J'ai décidé, en coopération avec les forces bloquées dans la garnison de

  2   Zadar, de procéder à l'attaque dans l'axe Knin-Benkovac-Zadar…"

  3   Monsieur, est-ce que cette attaque a eu lieu ? Est-ce que le corps a lancé

  4   cette attaque sur cet axe ?

  5   R.  Oui, c'est exact. Cela est arrivé.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, au moment de cette attaque sur Zadar, qui a eu lieu

  7   au mois d'octobre 1991, est-il exact que l'on a pris le contrôle du village

  8   de Skabrnja, qui se trouve le long de l'axe de communication mentionné ici

  9   ?

 10   R.  Non.

 11   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander que

 12   ce document soit versé au dossier en tant que pièce à conviction de la

 13   Défense.

 14   M. FARR : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection en principe;

 15   cependant, nous n'avons pas de traduction en anglais. On voit le cachet du

 16   9e Corps d'armée, ensuite le nom "Babic" écrit à la main. Mais nous

 17   souhaitons que ceci soit corrigé avant de verser le document.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-il possible d'examiner exactement la

 19   partie sur laquelle vous venez d'attirer notre attention --

 20   M. FARR : [interprétation] Est-il possible de voir le haut de la page dans

 21   les deux versions, dans les deux langues ?

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Petrovic, il semblerait que le

 23   cachet n'a pas été traduit et que ce qui est écrit à la main --

 24   M. PETROVIC : [interprétation] Je le vois. C'est vrai que ceci n'a pas été

 25   traduit. Je vous présente mes excuses à ce sujet. Nous allons donc demander

 26   qu'on apporte une correction à cette traduction, et ensuite nous allons

 27   télécharger la traduction corrigée.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je vais demander qu'une cote MFI


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  1   soit attribuée à ce document.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document va recevoir la cote 674.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Marqué aux fins d'identification.

  4   M. PETROVIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'au moment de l'attaque dont vous

  6   avez parlé, l'attaque sur Zadar, l'on n'a pas pris le contrôle du village

  7   de Skabrnja. Est-il exact qu'une route passe à côté du village, et est-ce

  8   qu'il y a eu un problème avec cette route au moment de l'attaque sur Zadar

  9   qui a eu lieu au début du mois d'octobre 1991 ?

 10   R.  Oui. A côté de Skabrnja passe la route principale qui relie Benkovac et

 11   Zadar. C'était une route qui avait une importance stratégique pour l'armée

 12   populaire yougoslave vu que cette route donne sur l'aéroport de Zemunik,

 13   qui est un aéroport militaire mais aussi civil. Et il y avait des problèmes

 14   en continu car il y a eu des provocations incessantes sur cette route-là au

 15   niveau de Skabrnja. Ils attaquaient tous les véhicules qui passaient, qu'il

 16   s'agisse de véhicules militaires ou civils.

 17   A un moment donné après l'attaque, quand le blocus des casernes a été

 18   levé, à un moment donné il y n'y avait plus de provocations, mais elles ont

 19   repris. Je le sais parce que j'ai assisté à toute une série de réunions au

 20   niveau du commandement de la garnison. Et je sais qu'on les a à maintes

 21   reprises prévenus et mis en garde de ne pas continuer avec ces

 22   provocations.

 23   Q.  Est-ce que vous savez quelle a été la position de la JNA et de ses

 24   dirigeants en ce qui concerne la résolution du problème concernant Skabrnja

 25   ?

 26   R.  Je le sais parce que la JNA n'a jamais agi sans qu'il y ait besoin

 27   d'agir. Par exemple, cette opération a été effectuée pour procéder au

 28   déblocage des casernes de Zadar. Skabrnja se trouvait sur la gauche de

 


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  1   l'axe, donc il n'était pas besoin d'agir. La JNA considérait que Skabrnja

  2   était un village très important, qu'il comptait 2 000 à 3 000 membres de la

  3   ZNG et de la police, et on pensait qu'il y aurait un grand nombre de

  4   victimes si jamais il y avait une attaque sur le village.

  5   Q.  Est-ce que vous avez assisté à une réunion au cours de laquelle on a

  6   abordé le problème de Skabrnja et sa résolution ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire où cela s'est passé et qui a assisté à cette

  9   réunion ?

 10   R.  C'était au niveau du commandement de la brigade. Mais moi je vais

 11   demander que l'on passe à huis clos partiel parce qu'il y a un certain

 12   nombre de gens qui habitent encore à Belgrade et qui n'ont pas beaucoup de

 13   liens avec cela, et donc je demanderais que l'on passe à huis clos partiel

 14   pour protéger leur identité.

 15   M. PETROVIC : [interprétation] Est-il possible de passer à huis clos

 16   partiel pour un bref moment.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez.

 18   On va passer à huis clos partiel.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 20    [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 21   Maître Petrovic.

 22   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Monsieur le Témoin, parmi les personnes qui ont assisté à cette

 24   réunion, y avait-il des membres du commandement du Corps de Knin ? Je veux

 25   parler d'officiers subalternes.

 26   R.  Oui. Il y avait le chef d'état-major du Corps de Knin qui a assisté à

 27   la réunion, le colonel Mladic. Et nous n'avions pas été informés de cela au

 28   préalable.

 


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, pour ce qui est des officiers haut gradés de la

  2   180e Brigade de Benkovac, y a-t-il des personnes qui ont assisté à la

  3   réunion ?

  4   R.  Oui. Le chef de la sécurité de la brigade, le commandant, le chef

  5   d'état-major.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous des propos du colonel Mladic

  7   lors de cette réunion, en particulier concernant la situation à Skabrnja ?

  8   R.  Le colonel Mladic a dit qu'au plan stratégique, il était impossible que

  9   la piste de l'aéroport de Benkovac soit prolongée le long de la route et il

 10   n'est pas possible de la rendre praticable. L'armée devait réagir.

 11   Ceci a duré longtemps, ces négociations. Ils ont tout fait aux postes de

 12   contrôle dans le périmètre de Skabrnja parce que les tireurs d'élite ont

 13   été déplacés, et le lendemain matin ils ont envoyé un contingent de troupes

 14   comportant des armes d'infanterie et des chars pour créer un périmètre

 15   autour de Skabrnja pour simplement faire une démonstration de leur force.

 16   M. PETROVIC : [interprétation] Le témoin peut-il regarder le document 5596,

 17   numéro 65 ter, page 349 en B/C/S et 348 en anglais. Il s'agit d'un extrait

 18   des carnets de Mladic, alors la mission qui est mentionnée en regard de la

 19   date du 17 novembre 1991.

 20   349 en B/C/S et 348 en anglais.

 21   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme la Greffière m'informe du fait qu'il

 23   y a cinq documents qui correspondent à ce numéro, Maître Petrovic. Veuillez

 24   nous éclairer sur ce point, s'il vous plaît.

 25   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que

 26   la traduction anglaise soit contestée. Nous avons la version

 27   dactylographiée en B/C/S. Mais cela ne semble pas s'avérer très utile.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A savoir si les traductions sont


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  1   contestées, la Greffière a du mal à savoir quel est le document que vous

  2   souhaitez afficher à l'écran.

  3   Est-ce bien le bon qui est actuellement à l'écran ?

  4   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il ne s'agit pas du

  5   document en question. Le numéro ERN est le 0668-2799 dans la version

  6   anglaise.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait, si je regarde le numéro

  8   ERN, qu'il s'agisse du bon document, qui correspond avec ce que vous venez

  9   de dire, n'est-ce pas ?

 10   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

 11   première ici, et j'ai besoin de la page 348 du document.

 12   Voici la page en question, Mesdames, Monsieur les Juges.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Et en B/C/S.

 14   M. PETROVIC : [interprétation] 349 en B/C/S.

 15   Numéro 65 ter 5596. 0668-2799, c'est la première page.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit de 2799 ou

 17   2799/B/C/S ?

 18   M. PETROVIC : [interprétation] Oui, /B/C/S, c'est ça.

 19   Merci, Monsieur le Président.

 20   Est-ce que nous pouvons regarder le bas de la page à l'intention des Juges

 21   de la Chambre. C'est la partie qui m'intéresse.

 22   Q.  Monsieur le Témoin, parmi les missions correspondant à la date du 17

 23   novembre 1991 :

 24   "La 180e Brigade doit déplacer le bataillon blindé un petit peu en

 25   direction de Skabrnja et Nadin - pour supprimer cela."

 26   Et une mission a-t-elle été formulée à l'intention du commandant de la 180e

 27   Brigade dans les mêmes termes que nous pouvons lire dans les carnets de

 28   Mladic tels qu'affichés à l'écran ?


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  1   R.  Devant nous, le colonel Mladic ne parlait pas des détails. Cependant,

  2   il a utilisé ce même terme pour nous secouer, pour que le bataillon se

  3   déplace. D'après moi, son intention était de les effrayer un petit peu.

  4   M. PETROVIC : [interprétation] Pouvez-vous maintenant regarder la page 357

  5   du même document, s'il vous plaît, la version B/C/S; et la page 356 de

  6   l'anglais, s'il vous plaît. C'est une mention ici qui porte la même date,

  7   et on peut lire ce qui suit :

  8   "Rencontre avec le commandant. Ceci doit être complété au combat : Ratisser

  9   comme il se doit les secteurs de Nadin et Skabrnja. (Et si cela s'avère

 10   nécessaire, travailler pendant deux jours) Le chef d'état-major de la 180e

 11   Brigade a organisé les préparatifs."

 12   Et on peut lire :

 13   "NB va envoyer la compagnie VP en BOV…"

 14   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire à quoi correspondent les

 15   abréviations que nous voyons sur cette dernière phrase ?

 16   R.  NB correspond au chef du centre chargé de la sécurité d'Etat. VP

 17   correspond à la police militaire. Et BOV correspond à un véhicule de combat

 18   blindé.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, si vous le savez, y a-t-il eu des combats après

 20   cela dans le secteur de Skabrnja le lendemain ?

 21   R.  Oui. Aux premières heures du matin du 18.

 22   Q.  Savez-vous comment le conflit a éclaté autour de Skabrnja ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, Maître Petrovic, cela a semé la

 24   confusion dans mon esprit un petit peu. Nous avons commencé par un document

 25   daté du 4 octobre qui évoquait une réunion, au point 4, l'attaque avait été

 26   annoncée. Et maintenant nous sommes à la fin du mois de novembre. Le témoin

 27   parle de la façon dont il a compris les propos de M. Mladic. Ne devrions-

 28   nous pas tout d'abord établir si, oui ou non, le témoin a assisté aux


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  1   réunions qui se sont tenues six semaines après, parce qu'il interprète cela

  2   en se fondant sur les propos de M. Mladic ? Et ceci doit être supprimé,

  3   d'après lui, cela signifie qu'il faut combattre ces personnes.

  4   Et sur quel fondement a-t-il assisté à cela ? Etait-il présent ou pas ? Et

  5   qu'est-ce qui permet d'expliquer ?

  6   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je peux vous donner

  7   mon avis sur la question et vous dire comment je comprends la déposition du

  8   témoin.

  9   Le document 2D192.2, qui parle de l'attaque contre Zadar et la levée du

 10   blocus --

 11   M. FARR : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, c'est -- Me Petrovic n'a rien

 13   dit de plus par rapport à ce qui figure à la page 73, dire qu'il a cité le

 14   2D192.2 et qu'il parle de l'attaque lancée contre l'axe Knin-Benkovac-

 15   Zadar. C'est tout ce qu'il a dit.

 16   Me Petrovic ne va pas déposer, c'est ce qu'il a dit jusqu'à présent, et il

 17   le sait. Alors je souhaite passer à d'autres réunions, et je souhaite

 18   connaître les sources de la connaissance qu'a ce témoin-ci. S'il se met à

 19   interpréter les carnets de Mladic, dans ce cas il faudrait savoir sur quoi

 20   il se fonde pour faire cela - soit parce qu'il était présent ou qu'il a

 21   étudié cela pendant de très nombreuses années et qu'il a procédé à une

 22   comparaison au plan linguistique de ces carnets.

 23   Donc je souhaite que vous posiez la question au témoin, si vous le

 24   souhaitez, c'est pour que nous puissions mieux comprendre sa déposition. Et

 25   si c'est une question que vous ne souhaitez pas poser, je souhaite

 26   simplement vous dire que ce sont des questions qui nous traversent

 27   l'esprit.

 28   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me fonde sur sa


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  1   présence à cette réunion la veille de l'attaque contre Skabrnja, lorsque

  2   ces personnes, que ce témoin souhaitait citer à huis clos partiel, étaient

  3   présentes. A ma connaissance, la réunion s'est tenue la veille de

  4   l'opération lancée contre Skabrnja où Mladic a donné son avis sur la

  5   situation.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vais me pencher encore sur

  7   ce document.

  8   Vous pouvez poursuivre en attendant.

  9   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit que le lendemain il y a eu un conflit

 11   à Skabrnja. Selon ce que vous en savez, comment est-ce que ce conflit a

 12   éclaté ?

 13   R.  Pour m'expliquer, il faudrait que je remonte à la réunion de la veille,

 14   le 17 novembre. Il n'y avait pas de représentants des services spéciaux.

 15   Les représentants de l'état-major de guerre à Benkovac, puis il y a eu le

 16   briefing de la 180e Brigade. Le chef de l'état-major de la TO, le président

 17   de la municipalité, le président du bureau exécutif, c'est-à-dire le

 18   gouvernement, et moi-même en tant que chef de la Sûreté de l'Etat.

 19   Lorsque Mladic a dit que c'était inacceptable et qu'il fallait mettre de

 20   l'ordre là-dedans, le président du gouvernement de Benkovac a dit qu'il ne

 21   fallait pas choisir l'option du combat, mais plutôt manifester sa force en

 22   montrant des chars, et cetera, et par des moyens pacifiques, essayer de

 23   faire en sorte que les différents barrages routiers autour de Skabrnja

 24   soient enlevés.

 25   Et c'est d'ailleurs ce que je pense qui s'est produit le lendemain.

 26   L'assistant qui a demandé à travailler au Corps de la Garde nationale ou au

 27   MUP, je ne sais pas qui était de l'autre côté, lorsqu'il s'est approché du

 28   premier barrage routier, il a été frappé à la tête par un tireur d'élite.


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  1   Il s'appelait Stefanovic, je pense. Et le soldat qui l'accompagnait, qui

  2   était une nouvelle recrue de 18 ans, un très jeune homme, il s'est approché

  3   de l'officier pour voir comment il allait et il a, lui aussi, essuyé un

  4   coup de feu de ce tireur d'élite. Donc ils sont morts à quelques secondes

  5   d'écart. Je ne suis pas un expert militaire, je n'étais pas responsable de

  6   cela, je ne sais pas si c'est la raison de tout cela, mais c'est en tout

  7   cas comme ça que les événements à Skabrnja ont commencé.

  8   Ce soldat s'appelait Lazic, je m'en souviens maintenant.

  9   Q.  Très bien.

 10   Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez si cette action à Skabrnja s'est

 11   terminée le jour même, à savoir le 18 novembre, ou

 12   pas ?

 13   R.  Non. L'armée a pris la plupart des villages, mais pas tous, à la fin de

 14   cette journée.

 15   M. PETROVIC : [interprétation] Je voudrais que l'on se reporte à la pièce

 16   2D198.2. C'est un rapport du commandement de la 180e Brigade, 18 novembre

 17   1991.

 18   Q.  Prenons le point 5, les conclusions, qui dit :

 19   "Les activités se déroulent selon les plans. L'action a été bien

 20   coordonnée. Nous avons repris Gorni et nous sommes arrivés en dehors de

 21   Skabrnja." La gare de Skabrnja, je pense.

 22   "Nous encerclons une partie du village de Skabrnja qui n'avait pas

 23   déjà été reprise ainsi que le village de Nadin."

 24   Alors la gare dont on parle ici qui fait partie de Skabrnja, est-ce

 25   que vous savez si c'était la ligne à laquelle est arrivée la JNA le premier

 26   jour de cette action à Skabrnja ?

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr.

 28   M. FARR : [interprétation] Objection, il n'y a pas de fondement ici.


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  1   J'aurais dû soulever cela peut-être au début. C'étaient des questions

  2   générales sur l'éclatement du conflit, mais maintenant on lui demande de

  3   façon très tactique des questions. Et je ne vois vraiment pas comment il

  4   aurait pu connaître tout cela.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic.

  6   M. PETROVIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez précisément quelle partie du

  8   village avait été capturée par les unités le 18 novembre 1991 ? Est-ce que

  9   vous savez quelle partie du village avait été capturée ?

 10   R.  Pour le moment, je ne me souviens pas précisément, mais je sais que

 11   l'essentiel du village avait été capturé.

 12   Q.  Etant donné que vous connaissez bien le terrain, est-ce que vous

 13   pourriez nous dire si les différents quartiers représentaient les deux

 14   tiers ?

 15   R.  Razovljeva Glava, C'est une colline sur le village de

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr.

 17   M. FARR : [interprétation] La question a été posée. M. le Témoin a dit

 18   qu'il ne le savait pas. Puis, Me Petrovic l'a conduit à simplement accepter

 19   ce qui figurait dans le document alors qu'il avait dit au départ qu'il

 20   n'avait pas d'information.

 21   M. PETROVIC : [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, je vous prie.

 23   Monsieur Farr, il a dit : Je ne me souviens pas de tous les toponymes, mais

 24   je me souviens que l'essentiel du village avait été capturé. Donc il dit

 25   qu'il connaît le fait que certaines parties du village avaient été prises,

 26   sans connaître vraiment les noms précis. Et la question suivante l'aide à

 27   se rafraîchir la mémoire.

 28   M. FARR : [interprétation] Si c'est comme ça que la Chambre comprend les


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  1   choses, je retire mon objection.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Petrovic.

  3   M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Je ne sais pas si la réponse du témoin a été consignée. Je vais vérifier.

  5   Je pense que oui, en effet, la réponse a été consignée à la page 85, ligne

  6   17, et que je peux donc poursuivre.

  7   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous vous reporter au paragraphe --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez mal compris l'intervention de

  9   M. Farr. M. Farr ne voulait pas tellement demander si on avait répondu à la

 10   question. Ce n'était pas l'objection de M. Farr.

 11   Le témoin nous dit que les noms ou toponymiques, que tel nom

 12   correspondait à une colline à Skabrnja. C'est ça que le témoin a donné

 13   comme réponse.

 14   Continuez, Monsieur Petrovic.

 15   M. PETROVIC : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur le Témoin, comment s'appelle cette colline près de Skabrnja ?

 17   Est-ce que vous pouvez nous donner le nom ? Vous pouvez nous éclairer là-

 18   dessus ? Est-ce que vous savez jusqu'à quelle ligne, plus ou moins, la JNA

 19   a pu arriver ? Pouvez-vous nous donner des toponymes ?

 20   R.  Razovljeva Glava. C'est un point au-dessus de Skabrnja qui avait été

 21   pris. Au sens militaire donc, la plupart des villages avaient été pris.

 22   M. PETROVIC : [interprétation] Paragraphe 6 maintenant de ce document. A la

 23   deuxième page du document.

 24   Q.  Mais avant de lire cela, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez

 25   nous dire si les activités qui se sont déroulées à Skabrnja se sont

 26   poursuivies le lendemain ? Est-ce que vous êtes au courant ?

 27   R.  Oui, ces actions sont poursuivies le lendemain.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire, si vous en souvenez, quelles étaient


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  1   les forces qui participaient à ces combats dans ce village de Skabrnja et

  2   autour ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  4   M. FARR : [interprétation] Oui, fondement de cette question.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas qu'il connaisse

  6   uniquement les noms, mais est-ce qu'il a pu observer ça lui-même, est-ce

  7   qu'il a lu ça dans un rapport, est-ce qu'on lui a dit ? C'est ça que M.

  8   Farr voudrait que vous établissiez avant que le témoin ne nous parle des

  9   forces en présence.

 10   M. PETROVIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur le Témoin, en 1991, en novembre, est-ce que vous aviez eu

 12   l'occasion de prendre connaissance directement des unités en présence à

 13   Skabrnja et autour ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Comment est-ce que vous avez eu connaissance de cela ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, attendez.

 18   Est-ce que vous pourriez répéter votre dernière réponse. Est-ce que vous

 19   avez dit autre chose quand Me Petrovic vous a demandé si vous étiez au

 20   courant des unités en présence à Skabrnja et autour ? Vous avez dit : "Oui,

 21   j'étais au courant."

 22   Mais est-ce que vous avez ajouté quoi que ce soit après, ou bien est-ce que

 23   c'était la réponse que vous avez donnée ? Il y a donc 30 secondes ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je savais quelles étaient les

 25   unités en présence.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire comment vous étiez

 27   au courant.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Le chef de la Sûreté de l'Etat -- en qualité

 


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  1   de chef de la Sûreté, j'ai participé à la plupart des réunions et au

  2   commandement de la 180e Brigade de la TO, du SUP de la municipalité. C'est

  3   une petite zone.

  4   Donc cette réponse que je vous ai donnée vous sera fournie par la majorité

  5   des soldats qui étaient mobilisés à l'époque, et même les citoyens de la

  6   région pourraient vous donner la même réponse.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Petrovic, je regarde l'horloge.

  8   Nous devons terminer à moins quart précisément. Donc je vous propose de

  9   poursuivre demain.

 10   Pourriez-vous nous dire de combien de temps vous aurez encore besoin demain

 11   ?

 12   M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis pratiquement

 13   à la moitié de mon interrogatoire de ce témoin. J'imagine que je devrais

 14   avoir terminé d'ici la seconde session de demain, si vous m'autorisez.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, si vous êtes à la moitié et vous

 16   pensiez à quatre heures de durée au départ -- Madame la Greffière, combien

 17   de temps avons-nous utilisé ?

 18   Mais même dans cette hypothèse, oui, deux sessions, ça fait deux heures et

 19   demie, donc vous serez là à quatre heures et demie, plutôt qu'à quatre

 20   heures.

 21   Et vous avez utilisé pour le moment… enfin, je vais vous le dire tout

 22   de suite, mais je dois quand même dire au témoin.

 23   Monsieur le Témoin, nous allons lever l'audience. Je vous donne pour

 24   instruction de ne pas parler de votre déposition à qui que ce soit ou

 25   communiquer ce que vous nous avez déjà dit ou ce que vous nous direz demain

 26   à qui que ce soit. Et nous vous retrouverons demain à 9 heures dans ce même

 27   prétoire.

 28   M. JORDASH : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il faut encore que le témoin

  2   soit présent…

  3   M. JORDASH : [interprétation] Oui. Je voulais demander si nous présentons

  4   certains documents au témoin afin qu'il en prenne connaissance cet après-

  5   midi.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas de problème du côté de

  7   l'Accusation, je n'ai pas de problème. Encore une fois, il faut vraiment

  8   que je termine à moins le quart précis, c'est-à-dire maintenant.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les parties en sont d'accord et si --

 11   le cas échéant, nous interviendrons cet après-midi, si du moins il n'y a

 12   pas d'accord entre les parties.

 13   D'accord ?

 14   M. JORDASH : [interprétation] Bien.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, Maître Petrovic, vous avez

 16   utilisé un tout petit peu plus que deux heures. Donc votre estimation de

 17   départ était de quatre heures. Donc, tenez-vous-en à cela, si vous le

 18   voulez bien, sauf évidemment si les choses prennent une autre tournure. Et

 19   puis, vous avez accordé pas mal de temps sur le contexte pas toujours très

 20   pertinent. Donc, essayez de boucler ça en deux heures demain.

 21   Nous levons l'audience, qui sera reprise demain, mercredi 1er février 2012,

 22   dans ce prétoire à 9 heures.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 1er

 25   février 2012, à 9 heures 00.

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