Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 13 mars 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

  5   Mme LE JUGE PICARD : Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière, pourriez-vous appeler l'affaire, s'il vous plaît ?

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour.

  8   Il s'agit de l'affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic

  9   et Franko Simatovic.

 10   Mme LE JUGE PICARD : -- nous allons entendre aujourd'hui un témoin par lien

 11   vidéo ?

 12   Maître Bakrac.

 13   M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Madame le Juge, c'est prêt.

 14   Mme LE JUGE PICARD : Allons voir si le lien vidéo -- Très bien. D'accord.

 15   Est-ce que vous nous entendez ?

 16   Monsieur le Témoin, vous pouvez nous entendre dans une langue que

 17   vous comprenez ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends.

 19   Mme LE JUGE PICARD : -- Monsieur le Témoin.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'est-ce que je dois faire ? Lire le texte de

 21   la déclaration solennelle -- j'aimerais qu'on me parle la langue serbe. Je

 22   ne sais pas ce que cela veut dire "pricegnoti" [phon].

 23   Mme LE JUGE PICARD : Je ne sais pas quel texte vous avez devant vous.

 24   Monsieur le Greffier, quel texte le témoin --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me demandez de lire le texte de la

 26   déclaration solennelle, mais je ne comprends pas le verbe utilisé

 27   "pricegnoti".

 28   Mme LE JUGE PICARD : Est-ce que vous pouvez prêter serment avec le texte


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  1   que vous avez devant vous, dans votre main ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien

  4   que la vérité.

  5   LE TÉMOIN : GORAN OPACIC [Assermenté]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   [Le témoin dépose par vidéoconférence]

  8   Mme LE JUGE PICARD : Merci.

  9   Maître Bakrac -- ah, je vois que Me Groome est sur ses pieds.

 10   M. GROOME : [interprétation] Je m'excuse d'avoir interrompu le cours de

 11   l'audience, mais je me demande s'il faut consigner au compte rendu qu'on

 12   travaille aujourd'hui selon l'article 15 bis.

 13   Mme LE JUGE PICARD : Oui, nous avons -- nous avons décidé que dans

 14   l'intérêt de la justice nous siégerons selon les dispositions de l'article

 15   15 bis.

 16   Je vous remercie, Maître Groome.

 17   Maître Bakrac.

 18   M. BAKRAC : [interprétation] Merci.

 19   Avant de commencer, si vous me le permettez, j'aimerais dire que le témoin,

 20   lors de la séance de récolement, nous a dit qu'il avait une sorte de

 21   glaucome, une pression oculaire élevée, et il a des migraines après des

 22   efforts effectués. Et je lui ai dit qu'il pouvait vous adresser à vous s'il

 23   a besoin d'une pause, je ne sais pas si j'ai donc outrepassé mes droits.

 24   Et on a travaillé pour ce qui est de la préparation de son témoignage et on

 25   a donc essayé de ne pas faire en sorte qu'il doive lire certaines parties

 26   en caractère minuscule. Et si vous me le permettez, certaines parties des

 27   documents, je vais les lire moi-même.

 28   Mme LE JUGE PICARD : Merci, Maître Bakrac, de rappeler qu'effectivement le

 


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  1   témoin a des problèmes de vision.

  2   M. BAKRAC : [interprétation] Merci. Et puis-je continuer ?

  3   Mme LE JUGE PICARD : Si le témoin doit lire un texte ou un document que

  4   vous souhaitez présenter au Tribunal, peut-être pourrez-vous -- pourriez-

  5   vous lire les parties pertinentes suffisamment lentement pour que les

  6   traductions puissent se faire, puisque je pense que les interprètes

  7   traducteurs n'ont pas les textes sous les yeux.

  8   M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Madame le Juge, c'est vrai. Vous avez

  9   raison. Je vais faire de mon mieux, je vais essayer de lire lentement les

 10   parties pertinentes du document pour ne pas créer de problèmes aux

 11   interprètes.

 12   Interrogatoire principal par M. Bakrac :

 13   Q.  [interprétation] Monsieur Opacic, bonjour.

 14   R.  Bonjour.

 15   Q.  Pour que votre témoignage soit efficace, Monsieur Opacic, j'aimerais

 16   vous demander, une fois entendu ma question, ne commencez pas tout de suite

 17   à répondre puisque la question doit être interprétée; ménagez une petite

 18   pause entre ma question et votre réponse. Et l'officier instrumentaire en

 19   tant que représentant du Greffe pourrait nous aider peut-être lorsque

 20   l'interprétation s'arrête au compte rendu. Est-ce que vous m'avez compris ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Monsieur Opacic, s'il vous plaît, aux fins du compte rendu, pourriez-

 23   vous nous dire votre nom et votre prénom, s'il vous plaît.

 24   R.  Je m'appelle Goran Opacic. Est-ce qu'il faut que je vous dise les noms

 25   de mes parents ?

 26   Q.  Non, Monsieur Opacic. Je vais vous poser des questions. Ménagez une

 27   pause entre mes questions et vos réponses, s'il vous plaît. Dites-nous la

 28   date de votre naissance, ainsi que le lieu de naissance.


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  1   R.  Je suis né le 15 mars 1964, à Benkovac.

  2   Q.  Monsieur Opacic, pouvez-vous nous dire - doucement - quelles sont les

  3   écoles que vous avez finies et quand ?

  4   R.  J'ai fini l'école primaire à Smirzic [phon], dans la municipalité de

  5   Benkovac. Après quoi, je me suis présenté au concours pour être admis à

  6   l'école des affaires intérieures à Zagreb, j'ai été admis et j'ai suivi les

  7   cours pendant quatre ans à l'école pour les cadres de l'intérieur, et c'est

  8   tout.

  9   Q.  Quand avez-vous fini l'école secondaire pour les cadres des affaires

 10   intérieures à Zagreb ?

 11   R.  En 1983.

 12   Q.  Après avoir fini cette école, est-ce que vous avez commencé à

 13   travailler, et si c'est le cas, où ?

 14   R.  Tous les diplômés de l'école secondaire pour le personnel des affaires

 15   intérieures commencent à travailler aux organes de l'intérieur. Moi-même,

 16   j'ai été diplômé au poste de sécurité publique à Sinj.

 17   Q.  Jusqu'à quelle année avez-vous travaillé au poste des affaires

 18   intérieures à Sinj et quelles étaient vos tâches ?

 19   R.  J'y travaillais à partir de 1983 jusqu'à 1987, la fin de cette année,

 20   ou plutôt, au début de 1988. Je travaillais en patrouille et je m'occupais

 21   également de l'ordre public.

 22   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Monsieur Opacic, après l'année 1988, pouvez-

 23   vous nous dire où vous avez travaillé ?

 24   R.  J'ai commencé à travailler à Zadar, à l'organe des affaires intérieures

 25   de Zadar.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire quelles étaient vos fonctions à Zadar et jusqu'à

 27   quand êtes-vous resté à Zadar ?

 28   R.  J'ai travaillé à Zadar en tant que policier chargé du maintien de


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  1   l'ordre public. Mais j'ai oublié de dire qu'à Zadar et à Sinj, j'étais

  2   membre d'une unité spéciale de la police. Il s'agissait d'une unité

  3   spéciale en quelque sorte. Il s'agissait des policiers qui avaient 28 ans,

  4   pas moins, et ils faisaient partie de cette unité spéciale. Moi j'ai

  5   bénéficié d'un entraînement pour être membre de l'unité spéciale des

  6   affaires intérieures à Sinj et par la suite à Zadar. Il s'agissait de la

  7   formation pour devenir tireur d'élite.

  8   Q.  Mis à part ces tâches policières, avez-vous pratiqué un sport à

  9   l'époque ?

 10   R.  Déjà à l'école secondaire, je pratiquais le karaté, de l'athlétisme, et

 11   j'ai été proclamé le meilleur sportif à l'école secondaire des affaires

 12   intérieures. Après être venu à Sinj, j'ai commencé à pratiquer la boxe et

 13   le kick-box également.

 14   Q.  Est-ce que vous avez participé aux compétitions de façon officielle,

 15   pour ce qui est de ces sports que vous pratiquiez à l'époque ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que vous avez participé aux compétitions pour la police de Zadar

 18   ou de Sinj ?

 19   R.  Pour ce qui est des compétitions, il y avait des jeux sportifs de la

 20   région de Dalmatie où j'ai participé régulièrement aux compétitions

 21   d'athlétisme, la course à 100 mètres et à 800 mètres. Pour ce qui est des

 22   arts martiaux, il n'y a pas eu de compétition à ce niveau-là.

 23   Q.  Monsieur Opacic, jusqu'à quand êtes-vous resté à travailler au poste de

 24   sécurité publique de Zadar ?

 25   R.  Pour ce qui est de Zadar, j'y ai travaillé jusqu'à la mi-novembre 1990.

 26   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé par la suite ? Pourquoi, après le mois de

 27   novembre 1990, vous avez cessé de travailler au poste de sécurité publique

 28   de Zadar ?


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  1   R.  Vous savez, pour ce qui est du poste de police de Zadar, c'est le HDZ

  2   qui a pris le pouvoir, et moi je n'ai pas voulu signer la déclaration de

  3   loyauté et je n'ai pas voulu non plus porter les insignes d'échiquier. Et

  4   je n'ai pas voulu travailler non plus avec les collègues qui ont été admis

  5   à ce poste. C'étaient des civils qui ont été admis en tant que policiers.

  6   Il s'agissait de personnes qui ont été arrêtées et qui avaient un casier

  7   judiciaire. Ces personnes ont été condamnées pour des violences, pour des

  8   vols ou vols qualifiés et pour d'autres infractions pénales. Donc je n'ai

  9   eu rien à voir avec de telles personnes et je n'ai pas voulu travailler

 10   avec eux non plus.

 11   Q.  Monsieur Opacic, pendant que vous travailliez à Sinj et à Zadar en tant

 12   que policier chargé de l'ordre et de la paix publics, avez-vous reçu des

 13   récompenses ?

 14   R.  A Sinj, oui, j'ai eu la récompense du meilleur policier. C'est la

 15   municipalité qui m'a décerné cela. On m'a donné un vase en cristal.

 16   Q.  Aux fins du compte rendu, pouvez-vous nous dire en quelle année vous

 17   avez reçu cette distinction ?

 18   R.  En 1985 ou 6. Je ne suis pas tout à fait certain.

 19   Q.  Monsieur Opacic, pendant que vous travailliez à Sinj ou à Zadar, avez-

 20   vous fait l'objet de poursuites au pénal ou avez-vous fait l'objet d'une

 21   procédure pour des contraventions ou des infractions pénales ?

 22   R.  Pour ce qui est des infractions pénales, non, ni à Sinj ni à Zadar. Je

 23   n'ai pas fait l'objet de procédure au pénal pour ce qui est des

 24   contraventions à Sinj non plus, mais j'ai fait l'objet d'une procédure pour

 25   contravention à Zadar lorsque j'ai été suspendu, et 15 autres policiers

 26   serbes ont été suspendus également, c'était en 1990. Et je vous ai déjà dit

 27   tout à l'heure, puisqu'il y avait des personnes qui avaient des casiers

 28   judiciaires qui ont été admis aux services de la police, et par la suite


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  1   nous, nous étions suspendus du service.

  2   Q.  Vous avez dit que vous avez été suspendu du service, et si je vous ai

  3   bien compris, c'était en novembre 1990. Savez-vous à quelle date vous avez

  4   cessé d'exercer votre métier de policier au poste de sécurité publique de

  5   Zadar ?

  6   R.  Lorsque j'ai demandé mon livret de travail, j'ai vu que c'était

  7   jusqu'au mois de février 1991 que j'ai eu de l'ancienneté, mais moi j'ai

  8   quitté la police en 1990, en novembre déjà en 1990, j'ai quitté la police,

  9   et je ne suis jamais plus retourné.

 10   Q.  Lorsque vous avez quitté la police à Zadar, dites-nous où vous vous

 11   êtes rendu par la suite, et ce que vous avez fait par la suite ?

 12   R.  D'abord, je suis rentré chez moi à Biljane Gornje, municipalité de

 13   Benkovac, puisque je suis né sur le territoire de la municipalité de

 14   Benkovac. Pendant une certaine période de temps, j'ai travaillé dans une

 15   discothèque pendant un mois environ, en tant que gardien, après en tant que

 16   vigile plutôt. Après quoi, je suis allé sur le territoire de la

 17   municipalité de Benkovac. Je me suis présenté auprès de Zdravko Zecevic, le

 18   maire de Benkovac, et j'ai assuré sa sécurité. Moi-même, mon frère Zoran,

 19   Cedo Zecevic et Dule [phon] Zecevic. Ils étaient également policiers; l'un

 20   est venu de Sinj, et l'autre de Split. Mon frère est venu de Split. Cedo

 21   Zecevic est venu de Sinj. Dule Treskuc [phon] de Biograd. Ils ont quitté la

 22   police également.

 23   Q.  A l'époque, dans votre région, est-ce qu'il y a eu des barrages érigés,

 24   et si c'était le cas, qui les a érigés ? Est-ce que vous avez pris part à

 25   l'érection des barrages ?

 26   R.  C'était déjà en 1990 que les barrages ont été érigés à l'époque où le

 27   président de la SAO Krajina était Milan Babic qui a proclamé l'état de

 28   guerre à l'époque. Donc en 1990, c'était peut-être au mois d'août, mais je


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  1   ne suis pas tout à fait sûr. Donc, la population locale y a participé, moi

  2   aussi. Donc c'est la population locale qui a érigé les barrages, et j'étais

  3   avec les autres.

  4   Q.  Monsieur Opacic, vous dites que vous et votre frère, ainsi que deux

  5   autres anciens policiers, travailliez en tant que garde du corps de

  6   Zecevic. Est-ce que vous savez qu'en 1991, à un moment donné, une personne

  7   prénommée capitaine Dragan est venue voir Zecevic ?

  8   R.  Lorsqu'il est arrivé, je pense que c'était en février ou en mars, peut-

  9   être plutôt en février, moi je n'y étais pas. Mais je pense qu'il est

 10   arrivé avec Dejan Vuksic [phon], un journaliste, et après c'était Lucic qui

 11   est arrivé au deuxième tour, Prika et Pavic pour voir Zecevic, et c'est à

 12   ce moment-là qu'on a parlé du capitaine Dragan.

 13   Q.  Est-ce que Zecevic vous a parlé, vous a dit pourquoi le capitaine

 14   Dragan était arrivé, et sur quoi portait leur conversation, et savez-vous

 15   si Zecevic s'est rendu quelque part avec lui ?

 16   R.  Je pense que Zecevic l'a amené chez Milan Martic et il l'a présenté en

 17   tant que quelqu'un qui était un sorte de commando qui a participé aux

 18   combats sur les fronts en Afrique, et il l'a présenté en tant que

 19   légionnaire, en tant que membre de la Légion des étrangers. Il était en

 20   fait légionnaire.

 21   Q.  Savez-vous de quoi ils ont parlé, de quoi le capitaine Zecevic et

 22   Martic ont parlé, et Martic également ?

 23   R.  Je ne le sais pas.

 24   Q.  Merci, M. Opacic. Est-ce que vous connaissez Dragan Karna ?

 25   R.  Dragan Karna est mon collègue avec qui j'ai travaillé pendant cinq ans

 26   à Sinj, au poste de police de Sinj.

 27   Q.  Savez-vous qu'en 1991, au début de cette année, ou quelle était la

 28   fonction de Dragan Karna et où il travaillait ?


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  1   R.  Dragan Karna, une fois arrivé de Sinj, il s'est rendu à Knin, et c'est

  2   là-bas où une unité spéciale a été formée, mais nous avions ce même type

  3   d'unités au SUP et cette unité se trouvait à Golubic. Dans le cadre d'un

  4   complexe pour les jeunes, où il y avait des travaux bénévoles effectués par

  5   les jeunes, il y avait des cabanes qui ont été abandonnées, et c'est dans

  6   ces cabanes que les policiers ont été hébergés.

  7   Q.  Vous dites que la police spéciale a été formée. Pouvez-vous nous dire

  8   plus précisément quand cette police spéciale a été constituée avec Dragan

  9   Karna à la tête à Golubic ?

 10   R.  Je pense que c'était après l'action à Plitvice, l'action menée par le

 11   MUP de Croatie, et après ce conflit donc, mais même avant cela, cela

 12   existait mais pas de la même façon après cette action. Cela a été organisé

 13   d'une façon plus conséquente pour que cette unité soit constituée des

 14   personnes qui étaient formées, qui ont bénéficié d'un entraînement, et dont

 15   principalement il s'agissait des membres des mêmes unités de la police qui

 16   était arrivée de Zagreb, de Split, de Zadar, de Sinj, de Rijeka, de Biograd

 17   [inaudible], et cetera.

 18   Q.  Monsieur Opacic, à un moment donné est-ce que vous avez rejoint les

 19   rangs de cette unité ?

 20   R.  J'ai joint cette unité, si je me souviens bien, dans la deuxième moitié

 21   du mois d'avril en 1991.

 22   Q.  Monsieur Opacic, lorsque vous dites dans la deuxième moitié du mois

 23   d'avril 1991, est-ce qu'à l'époque où vous avez rejoint les rangs de cette

 24   unité, le capitaine Dragan était-il déjà à Golubic ?

 25   R.  Non. Le capitaine Dragan est arrivé à Golubic au mois de mai, à la mi-

 26   mai.

 27   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, nous avons une séquence vidéo,

 28   et la transcription. Mais je n'aimerais pas qu'on regarde à nouveau cette


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  1   séquence vidéo parce qu'on l'a déjà vue. Je vais lire lentement une partie

  2   de la déclaration de Dragan Karna, qui figure dans la transcription de

  3   cette séquence vidéo pour voir si cela correspond à ce que ce témoin en

  4   sait.

  5   Mme LE JUGE PICARD : Expliquez d'abord au témoin le sujet de la séquence

  6   vidéo, ce que c'est exactement. Merci.

  7   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Il s'agit de la pièce

  8   D117.

  9   Q.  Monsieur Opacic, M. Karna s'exprime à la télévision, nous en avons

 10   l'enregistrement vidéo. Je vais vous donner lecture d'une partie de son

 11   intervention, et j'aimerais que vous me disiez que ce qu'il déclare

 12   correspond à vos souvenirs. Je cite la page 2 des versions en anglais et en

 13   serbe, et je vais en donner lentement lecture. Donc vers la moitié de son

 14   intervention, Dragan Karna dit :

 15   "Je vais commencer par le 31 mars 1991. Les membres de cette unité ont pris

 16   part aux combats qui se sont déroulés dans la zone de Plitvice. Le 2 mai

 17   1991, une attaque a été lancée contre le poste de police à Kijevo. Le 3

 18   mars 1991, les membres de la même unité ont procédé au désarmement des

 19   citoyens d'appartenance ethnique croate dans les villages de Vrhpolje et de

 20   Potkolje."

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  "Ces citoyens, sous les auspices du parti politique HDZ, s'étaient

 23   armés et avaient été en train de se préparer pour mettre fin aux activités

 24   des postes de police. Les membres de l'unité les ont empêchés de le faire.

 25   Trente-huit fusils automatiques du type Kalachnikov ont été confisqués,

 26   ainsi que 68 grenades bombes et 38 grenades à fusil. Le 6 mai 1991, les

 27   membres de l'unité ont établi un poste de police à Bratuskovac, dans la

 28   zone de Skradinac [phon]. Le 15 mars 1991, suite à la création d'un centre


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  1   de formation à Golubic, sous la direction du capitaine Dragan, l'unité a

  2   subi une formation dans sa totalité. Au cours de la formation, des

  3   activités de combat ont été menées.

  4   "C'est ainsi que les membres de l'unité ont à la fois mené des

  5   activités de combat et détruit un centre de formation des Oustachi à

  6   Ljubovo, puis à un autre village --"

  7   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  8    M. BAKRAC : [interprétation]

  9   Q.  "-- ainsi qu'à Korenica."

 10   Voilà, ceci est un extrait d'une interview donnée par Dragan Karna.

 11   Les faits présentés par Dragan Karna sont-ils exacts d'après vos

 12   connaissances ?

 13   R.  J'ai participé à cette action de désarmement des civils qui se

 14   trouvaient à Vrhpolje et à Potkonje. Un poste de police a été établi à

 15   Bratiskovo [phon]. Et il est vrai que le capitaine Dragan est venu le 15

 16   mai dans le village de Golubic. Il est vrai aussi qu'une attaque a été

 17   montée contre un poste qui se trouvait à Korenica. Et les quelques autres

 18   villages qui viennent d'être énumérés ici.

 19   Q.  Monsieur Opacic, qu'est-ce qu'il y a eu de changé à Golubic au sein de

 20   cette unité spéciale après le 15 mai 1991 lorsque le capitaine Dragan est

 21   venu sur place ?

 22   R.  Eh bien, on pouvait s'imaginer qu'il était un grand spécialiste. Mais

 23   en fait, il avait subi la même formation que nous tous, une formation

 24   d'infanterie. Donc nous étions censés sauter d'un Land Rover à une vitesse

 25   de 30 kilomètres à l'heure. Un certain nombre de membres d'unité se sont

 26   plaints à Martic au sujet du capitaine Dragan, et il est entré en conflit

 27   avec une autre personne --

 28   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Et quant aux membres de l'unité qui se

  2   trouvaient sur place, c'est moi qui étais chargé d'organiser leur

  3   entraînement. Nous y sommes restés pendant une vingtaine de jours.

  4   M. BAKRAC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Opacic, je suis entrain de regarder le compte rendu d'audience

  6   en anglais. Lorsque vous avez parlé d'une formation "qui n'était pas ce

  7   qu'elle devait être", qu'est-ce que vous entendez par là ? Est-ce que la

  8   formation n'était pas ce qu'elle devait être parce qu'elle était dirigée

  9   contre les civils ?

 10   R.  -- par contre, on forçait les gens de sauter dans le véhicule, d'une

 11   Land Rover qui était conduite et allait à une vitesse de 30 kilomètres à

 12   l'heure et il forçait les membres de l'unité de sauter de cette Land Rover.

 13   Et les gens subissaient des "injures". C'est à ça que je pensais.

 14   Q.  Vous qui avez subi une formation régulière au sein de la JNA ou au sein

 15   de la police, avez-vous appris quelque chose de nouveau lors de cette

 16   formation organisée par le capitaine Dragan ?

 17   R.  Je vous l'ai déjà indiqué tout à l'heure. J'ai été membre de l'unité

 18   spéciale à Sinj aussi bien qu'à Zadar. Donc j'avais subi toutes les

 19   formations nécessaires avant celle organisée par le capitaine Dragan. J'ai

 20   été spécialisé pour les unités de tireurs d'élite. Je faisais partie de ces

 21   unités-là. Et j'ai suivi une formation d'un mois. Mes instructeurs,

 22   c'étaient les membres de la police spéciale de Zagreb. Notre premier cours

 23   s'est déroulé dans le village de Cakovec, en Croatie. Et le deuxième cours

 24   s'est passé dans la région de Lika. Sinon, notre unité spéciale était bien

 25   équipée. Nous avions deux paires d'uniformes. Nous touchions un salaire

 26   plus important que les autres fonctionnaires. Nous avions aussi des

 27   snipers, de l'artillerie lourde et d'autres types d'armement sophistiqué, y

 28   compris les bombes fumigènes.


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  1   Q.  Monsieur Opacic, ce que vous venez de me raconter concerne la formation

  2   que vous avez suivie avant la guerre dans les rangs de la police croate,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Exact.

  5   Q.  Monsieur Opacic, lorsque le capitaine Dragan est arrivé dans les lieux,

  6   quelque chose a-t-il changé pour ce qui est de la place occupée par Dragan

  7   Karna ?

  8   R.  Eh bien, il est resté commandant de l'unité, bien qu'il y ait eu un

  9   conflit personnel entre lui et les membres des autres unités de police qui

 10   venaient d'Obrovac ou d'autres villages. Mais ces conflits ont trouvé une

 11   solution paisible par la suite. Ils ont été réglés.

 12   Q.  Vous dites que vous avez suivi cette formation pendant 20 jours.

 13   J'imagine que vous estimez que l'arrivée du capitaine Dragan constituait le

 14   début de cette formation ?

 15   R.  Eh bien, oui, puisque le capitaine Dragan, quand il est arrivé, il

 16   s'est rendu compte que nous savions déjà tout faire, et donc il avait

 17   décidé de ne pas perdre son temps à nous former, nous, que ce n'était pas

 18   la peine de le faire.

 19   Q.  Savez-vous pendant combien de temps le capitaine Dragan s'était occupé

 20   de cette formation à Golubic ?

 21   R.  Jusqu'au moment où il a eu un différend avec Martic. C'était au mois

 22   d'août ou au mois de septembre, je ne me souviens plus exactement. Mais en

 23   tout cas, il y a eu un conflit entre lui et Martic, et Martic l'a forcé à

 24   quitter la zone de Knin.

 25   Q.  Et pourriez-vous me dire qui vous a fait venir à Golubic ? De quelle

 26   façon vous êtes-vous trouvés dans les rangs de cette unité commandée par

 27   Dragan Karna, je pense à vous personnellement mais aussi aux autres membres

 28   de l'unité ?


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  1   R.  C'est en vertu de la décision du ministre de l'Intérieur de la SAO

  2   Krajina. Je ne sais pas si Martic occupait ce poste officiellement, mais

  3   c'est ainsi que nous le désignions à l'époque. Donc Martic a donné l'ordre

  4   à tous les postes qui se trouvaient à Benkovac, à Obrovac, à Gracac, donc à

  5   tous les postes importants dans la zone dans la SAO Krajina qui devaient

  6   suivre une formation, et donc tous les membres de la police devaient se

  7   diriger vers la zone de Knin où on a créé une unité spéciale suite à cette

  8   formation qui devait se dérouler à Golubic.

  9   Q.  Donc ce que vous venez de dire, pourriez-vous le préciser, M. Martic a-

 10   t-il pris sa décision avant l'arrivée du capitaine Dragan ou après ?

 11   R.  Il a pris sa décision avant l'arrivée du capitaine Dragan, au moment où

 12   moi je suis venu dans le village de Golubic.

 13   Q.  Et lorsque le capitaine Dragan est venu sur les lieux, lorsqu'il a pris

 14   le commandement de cette formation, combien de personnes ont-elles été

 15   formées ?

 16   R.  Une centaine de personnes au maximum. Le camp n'était pas en très bon

 17   état, donc on ne pouvait pas y rester pendant très longtemps, les bâtiments

 18   étaient en ruines.

 19   Q.  Et quelqu'un d'autre est-il venu accompagner capitaine Dragan ?

 20   R.  Il est venu accompagné d'un homme qu'on appelait Marco l'Irlandais. Je

 21   ne sais pas quel a été son nom véritable, mais on disait qu'il avait passé

 22   quelque temps en Afrique. C'est un homme blond qui avait des taches de

 23   rousseur et une coupe de cheveux très courte, d'après mes souvenirs.

 24   Q.  Une précision pour les besoins du compte rendu d'audience. Vous avez

 25   dit qu'il s'appelait, ou qu'on l'appelait Marco l'Irlandais, Marco Irac.

 26   S'agissait-il d'un citoyen de l'ex-Yougoslavie ou d'un étranger ?

 27   R.  Non, c'était un étranger. Je pense qu'il était en effet Irlandais, il

 28   était venu d'Irlande, c'est qu'on nous a dit.


Page 18191

  1   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Dites-moi, s'il vous plaît, une fois terminée

  2   cette formation qui a pris, dites-vous, une vingtaine de jours, aviez-vous

  3   le sentiment d'avoir appris quelque chose que vous ne saviez pas faire

  4   auparavant ?

  5   R.  Moi et mes collègues avions déjà tout maîtrisé. Toutes les techniques

  6   qu'il nous a enseignées. Et c'est la raison pour laquelle il nous a fait

  7   revenir. Il était superflu de nous faire subir une formation

  8   supplémentaire.

  9   Q.  Une fois terminée votre formation -- en fait, dites-nous à quel moment

 10   la formation a pris fin et où vous êtes partis après ?

 11   R.  Bien c'était à peu près vers le 5 ou le 6, en tout cas vers le début du

 12   mois de juin. J'ai repris la route de Benkovac et j'ai repris mon poste au

 13   poste de police, et donc j'y ai repris mon travail quotidien, j'y

 14   travaillais comme agent de police.

 15   Q.  Donc vous dites que vous avez repris vos activités quotidiennes de

 16   policier. Vous avez repris vos patrouilles, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, exact. Mais, en même temps nous faisions partie de l'unité

 18   spéciale. Je vous l'ai déjà expliqué. C'est pourquoi nous devions rester

 19   sur place. Et même pendant nos heures libres, nos supérieurs hiérarchiques

 20   devaient savoir où nous nous trouvions. Donc en cas d'un incident, si

 21   jamais il y a des tirs ou un conflit de quelque type que ce soit, nous

 22   pouvions nous rassembler immédiatement et réagir immédiatement.

 23   Q.  Avant de quitter le sujet de Golubic, j'aimerais vous poser la question

 24   suivante. Pendant que vous vous trouviez à Golubic, touchiez-vous votre

 25   salaire, et si oui, qui vous rémunérait ?

 26   R.  Oui, nous recevions notre salaire et il était payé par le SUP de Knin.

 27   Q.  Et saviez-vous qui était responsable pour assurer le fonctionnement de

 28   ce camp à Golubic, qui assurait l'approvisionnement en vivres, en moyens


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  1   financiers, qui assurait la sécurité ? Le savez-vous ?

  2   R.  Eh bien, c'était le ministère, le ministère de l'Intérieur avec le

  3   siège à Knin, et de façon plus générale, le gouvernement de la SAO Krajina,

  4   de la région autonome de la Krajina. Donc les fonds se trouvaient sur le

  5   compte du ministère, et le ministère à son tour nous versait nos salaires.

  6   Q.  Et savez-vous avec qui Dragan Karna se mettait d'accord au sujet des

  7   activités qui devaient se dérouler à Golubic ?

  8   R.  Bien avec Milan Martic en personne, sans lui on ne pouvait rien faire.

  9   Q.  Avez-vous relevé des changements sur le plan logistique et

 10   organisationnel après l'arrivée du capitaine Dragan ?

 11   R.  A mon avis, rien n'a été changé après son arrivée.

 12   Q.  Et mis à part les activités de formation dont il s'occupait en tant

 13   qu'instructeur, le capitaine Dragan s'était vu confier d'autres missions ?

 14   R.  Non. Il n'a pas pris part aux activités de combat par exemple. Il avait

 15   conçu le plan que nous devions mettre en œuvre, mais il n'a pas participé

 16   directement et personnellement aux combats.

 17   Q.  Mis à part la formation et l'action menée à Ljubovo qui, d'après vous,

 18   a été conçue par lui, a-t-il eu d'autres tâches pour ce qui est de

 19   fonctionnement de ce camp à Golubic, du fonctionnement du ministère de

 20   l'Intérieur ?

 21   R.  Eh bien, le capitaine Dragan apparaissait beaucoup dans les médias, il

 22   se mettait en avant. C'est un homme un peu excentrique. Il aimait beaucoup

 23   les médias, il était très présent, il racontait toutes sortes de choses.

 24   C'était surtout un homme qui faisait sa propre publicité, c'était l'homme

 25   des médias.

 26   Q.  Mis à part la formation qu'il a organisée, mis à part la conception

 27   d'une action, mis à part ses interventions dans les médias, a-t-il eu

 28   d'autres rôles ?


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  1   R.  Je ne m'en suis jamais aperçu. Il s'est occupé de la formation des

  2   agents de police et de la police de réserve à Golubic, un point c'est tout.

  3   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Au début du mois de juin 1991, vous avez repris

  4   votre travail quotidien dans la ville de Benkovac ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Qui était votre supérieur hiérarchique au poste de police de Benkovac ?

  7   R.  C'était le chef du poste de police, Bosko Ralic [phon].

  8   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien saisi le nom de famille.

  9   M. BAKRAC : [interprétation]

 10   Q.  Et jusqu'à quel moment vous vous êtes --

 11   Mme LE JUGE PICARD : Je vous arrête. Les interprètes n'ont pas saisi le nom

 12   du supérieur du témoin pendant qu'il était dans la -- la sécurité publique

 13   de Benkovac. Pourriez-vous lui redemander ?

 14   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. D'ailleurs, le témoin

 15   vient de vous entendre lui-même.

 16   Monsieur le Témoin, veuillez répéter le nom de votre supérieur hiérarchique

 17   au poste de police.

 18   R.  Bosko Drazic, chef du poste de police à Benkovac. Bosko Radic ou Drazic

 19   [comme interprété].

 20   Q.  Monsieur Opacic, avez-vous quitté le poste de police de Benkovac à un

 21   moment donné, et quand ?

 22   R.  J'ai quitté ce poste de police vers la fin du mois de juillet, à cause

 23   d'un différend que j'ai eu avec Mile Martic. Un certain nombre de mes

 24   collègues sont restés dans les rangs de la police croate. Ils ont signé une

 25   déclaration de loyauté et ils se sont mis à maltraiter les gens de notre

 26   appartenance ethnique lorsqu'ils se rendaient à leur travail. Mais lorsque

 27   les Croates les ont chassés des postes de police, ils sont venus nous voir

 28   dans la zone de Krajina, et ils ont reçu des différents postes. Or, moi je


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  1   m'y opposais. Moi je disais qu'il ne fallait pas confier des missions à des

  2   gens de ce type qui auraient volontiers resté en Croatie, si les Croates

  3   les avaient laissé faire. Or, Martic leur a donné exactement le même poste

  4   qu'ils avaient eu autrefois dans leur poste de police en Croatie, comme si

  5   de rien n'était.

  6   Q.  Monsieur Opacic, lorsque vous dites que vous avez quitté le poste de

  7   police de Benkovac, êtes-vous parti tout simplement ? Avez-vous rédigé une

  8   demande pour démissionner ? Qu'est-ce que vous avez fait au juste ?

  9   R.  Je suis parti tout simplement. Je n'ai pas voulu rédiger de demande, de

 10   formuler de requête. Je pensais que ce n'était pas à moi de le faire. J'ai

 11   tout simplement quitté le poste de police et je suis passé dans les rangs

 12   de la Défense territoriale.

 13   Q.  Si je vous ai bien compris, Monsieur Opacic, tout ceci s'est produit

 14   vers la fin du mois de juillet 1991; ai-je raison de l'affirmer ?

 15   R.  Exact. Exact.

 16   Q.  Monsieur Opacic --

 17   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, j'aimerais que nous

 18   repenchions sur la pièce P1212. Monsieur Opacic, ce qui nous intéresse tout

 19   particulièrement, c'est la page 9 de la version anglaise.

 20   Q.  Monsieur Opacic, il s'agit d'un document volumineux. Je vais vous

 21   résumer sa teneur, et vous allez me confirmer que je vous ai donné lecture

 22   de ce document dans son intégralité lors de la séance du récolement, et

 23   puis vous allez le commenter pour le compte rendu d'audience. Alors, ce

 24   document compte 11 pages et porte l'intitulé suivant : "Poste de sécurité

 25   publique à Benkovac", organigramme basé sur la réorganisation du poste de

 26   police à Benkovac.

 27   Et puis la numération commence par le service de permanence, et puis

 28   nous voyons l'énumération de différents secteurs, de différents villages,


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  1   de différents fonctionnaires qui sont déployés. Le document n'est pas

  2   signé. Il ne porte pas de tampon, mais à la fin il est indiqué qu'il a été

  3   rédigé à Benkovac le 18 octobre 1991.

  4   Et à la page 9 du document, chiffre romain III, nous lisons :

  5   "Unité spéciale qui compte 14 hommes."

  6   Et au regard du numéro 1, nous lisons le nom de "Goran Opacic".

  7   Lors de la séance du récolement, je vous ai présenté ce document, je vous

  8   en ai fait lecture. Vous en souvenez-vous ?

  9   R.  Oui, je m'en souviens.

 10   Q.  Monsieur, dans ce document il est question de la restructuration qui a

 11   eu lieu le 18 octobre 1991, et on évoque une unité spéciale dans les rangs

 12   de laquelle vous figurez au regard du chiffre 1. Le 18 octobre 1991,

 13   faisiez-vous partie de l'unité spéciale à Benkovac ?

 14   R.  Eh bien, voyez-vous, ceci est complètement faux. Dans les archives de

 15   la Défense territoriale, on peut y trouver la confirmation. Je sais que dès

 16   le 1er octobre j'ai pris part au désarmement de la population croate à

 17   Nadin. Dès le 2 octobre, je faisais partie de la Défense territoriale en

 18   tant qu'éclaireur. Donc, dès le début du mois d'octobre.

 19   Et en quel moment ce document a été rédigé, dites-vous ?

 20   Q.  Le 18 octobre 1991.

 21   R.  Mais non, c'est faux. C'est complètement faux. Cet organigramme valait

 22   peut-être pour le début de l'année, et quelqu'un a dû le recopier tout

 23   simplement, mais ce qui est consigné dans le document ne correspond pas à

 24   la vérité. Moi, j'ai quitté les rangs de la police vers la fin du mois de

 25   juillet, et je suis passé dans les rangs de la Défense territoriale. Donc,

 26   il est impossible que je me sois trouvé à la fois dans les rangs de la

 27   police et de la Défense territoriale.

 28   Q.  Monsieur Opacic, je vais demander à mon estimé confrère M. Groome un


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  1   service. Le document ne comporte pas de tampon. Monsieur Opacic, je vous

  2   donnerai lecture de quelques noms propres, et vous me direz si vous avez

  3   fait partie d'une unité spéciale de pair avec ces personnes :

  4   "Nikola Tintor, Sasa Matic, Jovo Uzelac, Milan Veselinovic, Ilija

  5   Vitas, Gojko Calic, Bozo Koncarevic, Dusko Tintor, Milos Rnjak, Bozo

  6   Miljkovic, Dusan Kresovic, Cedo Zecevic, et Zdravko Trkulja."

  7   Avez-vous fait, tous ensemble, partie d'une unité spéciale qui

  8   dépendait du poste de police de Benkovac ?

  9   R.  Tous ces hommes que vous venez d'énumérer, nous avons travaillé

 10   ensemble au poste de police de Benkovac, jusqu'au moment où j'ai quitté les

 11   rangs de la police ensemble avec Dusan Kresovic. Ceci s'est produit vers la

 12   fin du mois de juillet, et puis il faut dire que tous ces hommes nous ont

 13   accompagnés à Golubic, dès le début de la formation, et aussi pendant la

 14   période ultérieure, lorsque capitaine Dragan est arrivé dans le camp.

 15   Q.  Donc, vous dites que vous avez été avec ces hommes à Golubic avant et

 16   après l'arrivée du capitaine Dragan, et puis vous avez indiqué par ailleurs

 17   que vous avez quitté les rangs de la police avec M. Kresovic. Ma question

 18   était légèrement différente. Faisiez-vous partie d'une unité spéciale avec

 19   ces hommes ?

 20   R.  Ce n'était pas vraiment une unité spéciale. Par exemple, Zecevic,

 21   c'était l'adjoint du commandant du poste de police. Il ne s'agissait pas

 22   vraiment d'une unité spéciale dans le sens où nous serions intervenus dans

 23   des situations extraordinaires. Mis à part M. Kresovic, les autres n'ont

 24   jamais participé à une action quelconque avec moi, à mes côtés.

 25   Q.  Vous avez évoqué le nom de Dusan Kresovic. Qu'en est-il de

 26   Zdravko Trkulja, l'homme numéro 14 ? Quel était son rôle au sein du poste

 27   de police ?

 28   R.  Je pense qu'il faisait partie de la police scientifique. C'était


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  1   un technicien de la police scientifique.

  2   Q.  Monsieur Opacic, j'aimerais que nous nous penchions maintenant sur un

  3   autre document qui nous a été communiqué par l'Accusation.

  4   M. BAKRAC : [interprétation] Le document porte la cote 2D1214. Le document

  5   n'a pas encore été traduit. Mais ce qui nous intéresse, ce n'est que la

  6   dernière page. Cette dernière page comporte une liste de fonctionnaires

  7   habilités qui travaillaient au sein du poste de police de Benkovac.

  8   Q.  Monsieur Opacic, nous y voyons plusieurs noms. Les trois premiers nous

  9   intéressent le plus. Nous y lisons :

 10   "Goran Opacic a commencé à travailler le 20 février 1991. Il a été

 11   muté dans les rangs de l'armée le 1er octobre 1991."

 12   Donc vous avez déjà nié ce fait lorsque je vous ai présenté le

 13   document précédent. Que pouvez-vous nous en dire ?

 14   R.  La première date citée est exacte, mais la deuxième ne l'est pas. Je

 15   n'ai pas été muté dans les rangs de l'armée, je suis allé à la Défense

 16   territoriale. Parce que quand on dit que quelqu'un a été muté dans les

 17   rangs de l'armée, par "armée" on sous-entend la JNA, or moi je n'ai jamais

 18   fait partie de la JNA. Je n'ai jamais voulu le faire. Je n'ai jamais pensé

 19   à intégrer les rangs de la JNA. En revanche, j'ai été membre de la Défense

 20   territoriale. J'ai été éclaireur rattaché à l'état-major de la Défense

 21   territoriale et j'ai été commandé personnellement par Zoran Laci. C'est un

 22   fait que vous pouvez vérifier. Dans les archives, je suis sûr que vous

 23   pouvez retrouver la documentation pertinente. Et on peut sans doute trouver

 24   mes fiches de paie puisque je touchais un salaire en tant qu'éclaireur.

 25   Q.  Vous avez dit que votre commandant, votre supérieur hiérarchique

 26   direct, était qui ?

 27   R.  Zoran Laci, le commandant de la Défense territoriale dans la

 28   municipalité de Benkovac.


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  1   Q.  Monsieur Opacic, dites-moi, s'il vous plaît, cette date du 31 octobre

  2   1991 est-elle exacte ? Et si elle ne l'est pas, pourquoi cette date est-

  3   elle indiquée dans le document ?

  4   R.  La date est indiquée dans le document, mais je ne sais pas pourquoi.

  5   C'est peut-être une erreur, parce que c'est mon frère qui a rejoint les

  6   rangs de l'armée, Zoran Opacic. Moi je ne l'ai jamais fait.

  7   Q.  Zoran Opacic figure en regard du chiffre 2. On dit que son service a

  8   commencé le 2 mars 1991 et qu'il s'est terminé le 30 septembre 1991, moment

  9   où il a rejoint les rangs de l'armée.

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   Mme LE JUGE PICARD : Maître -- Maître Bakrac, il semble que nous n'ayons

 13   pas le bon document sous les yeux. Mon -- mon serbe n'est pas terrible,

 14   mais, néanmoins, j'ai l'impression qu'il n'y a pas les mentions que vous

 15   nous -- que vous évoquez.

 16   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, toutes mes excuses. Le

 17   document est volumineux. Il n'a toujours pas été traduit, or moi, ce qui

 18   m'intéresse, c'est exclusivement la dernière page qui comporte une liste de

 19   noms et des dates. Donc, peut-on afficher, s'il vous plaît, la dernière

 20   page du document. Toutes mes excusez, Madame le Juge, le fait que la bonne

 21   page n'est pas affichée à l'écran m'a échappé.

 22   Donc l'intitulé est : "Liste de fonctionnaires habilités travaillant au

 23   poste de police de Benkovac."

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Et de quelle année s'agit-il ?

 25   M. BAKRAC : [interprétation]

 26   Q.  Le document ne porte pas de date.

 27   Mais concentrez-vous sur la question que je vous pose, s'il vous

 28   plaît. Dusan Kresovic, vous dites qu'il est passé dans les rangs de la


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  1   Défense territoriale avec vous. Or, ici, il est indiqué que son service a

  2   commencé le 27 février 1991 et qu'il a quitté le poste de police de

  3   Benkovac le 30 novembre 1991. Ce fait est-il exact ?

  4   R.  Ceci est faux. Dusan Kresovic a quitté les rangs de la police au même

  5   moment que moi.

  6   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Donc, si je vous ai bien compris, vers la fin

  7   du mois de juillet, vous avez quitté le poste de sécurité publique de

  8   Benkovac et vous êtes passé dans les rangs de la Défense territoriale. De

  9   quelle unité faisiez-vous partie au sein de la Défense territoriale ?

 10   R.  Il s'agit d'une section d'éclaireurs rattachée à l'état-major de la

 11   Défense territoriale, et qui était placée sous le commandement direct de

 12   Zoran Laci.

 13   Q.  Pourriez-vous me dire combien d'effectifs comptait cette section ?

 14   R.  Six à sept hommes, de façon générale, mais parfois certains membres

 15   étaient rattachés à l'unité, d'autres en quittaient les rangs, et cetera.

 16   Q.  Au moment où vous êtes passé dans les rangs de la Défense territoriale,

 17   de qui dépendait la Défense territoriale ?

 18   R.  De qui elle dépendait ? Eh bien, j'imagine de l'armée. La Défense

 19   territoriale dépend de l'armée. Mais moi je ne voulais pas faire partie de

 20   la JNA, je souhaitais intégrer les rangs de la Défense territoriale, parce

 21   que dans la Défense territoriale je retrouvais les gens de mon pays, les

 22   gens à qui je pouvais faire confiance.

 23   Q.  Monsieur Opacic, Zoran Lakic, le commandant de la TO de Benkovac, de

 24   qui recevait-il ses ordres ?

 25   R.  Eh bien, sans doute était-il en contact avec le commandant de la 180e

 26   Brigade qui avait son siège à Benkovac, M. Cecovic. Sans doute se mettait-

 27   il d'accord avec lui au sujet des actions à mener.

 28   Q.  Et dans le cadre des actions menées par la JNA, la Défense territoriale


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  1   a-t-elle, elle aussi, participé à ces actions ?

  2   Mme LE JUGE PICARD : Je vous interromps. L'interprète -- les interprètes

  3   n'ont pas compris la fin de la dernière réponse du témoin.

  4   M. BAKRAC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Opacic, s'il vous plaît, reprenez votre réponse à la question

  6   que je vous ai posée tout à l'heure, à savoir savez-vous de qui --

  7   R.  -- de qui Zoran Lakic recevait ses ordres ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Eh bien, il devait collaborer de près avec le commandant de la 180e

 10   Brigade, Cecovic. Tripko Cecovic.

 11   Q.  Vous ai-je bien entendu, vous avez évoqué le nom de Tripko Cecovic,

 12   n'est-ce pas ?

 13   R.  Exact.

 14   M. BAKRAC : [interprétation] Mesdames les Juges, il sera peut-être plus

 15   facile de réécouter la bande un peu plus tard pour ne pas perdre notre

 16   temps maintenant à déchiffrer ce nom de famille.

 17   Q.  Monsieur Opacic, vers le début du mois d'octobre 1991, en tant que

 18   membre de la Défense territoriale, avez-vous participé à une action montée

 19   de pair avec la JNA ?

 20   R.  Oui. Vous voyez, une décision a été adoptée de lancer une action en

 21   coopération avec la 180e Brigade de la JNA. L'action a été lancée le long

 22   de la route Benkovac-Lemnik [phon]. C'est une route magistrale où se

 23   trouvait un autre village. Et à partir de ce village, on prenait pour cible

 24   les véhicules qui empruntaient cette route magistrale. On se servait d'un

 25   mortier pour ouvrir le feu sur les villages Gornji Biljeni, Donji Biljeni

 26   et Zume. Et alors, on a pris la décision de désarmer tous ces hommes qui

 27   avaient ouvert le feu sur cette route magistrale et sur les villages serbes

 28   que je viens d'énumérer, parce qu'ils avaient touché par leurs tirs des


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  1   véhicules militaires et des civils, et je devais participer à cette

  2   mission.

  3   Q.  Et que s'est-il passé lors de cette mission ?

  4   R.  Je vous ai déjà expliqué que j'étais éclaireur au sein d'une section,

  5   alors j'ai été rattaché à un peloton d'intervention commandé par Slavko

  6   Draca. On nous a donné deux chars qui appartenaient à la 180e Brigade et on

  7   nous a donné aussi le personnel de ces chars, le pilote et le reste du

  8   personnel. De façon générale, c'étaient les gens du pays. Et lors de

  9   l'opération, un char qui se trouvait à notre droite est tombé sur une mine;

 10   et l'autre char, au bord duquel je me trouvais avec Slavko Draca, nous

 11   avons réussi à réaliser la mission confiée et nous avons pénétré dans le

 12   village de Donji Varos [phon]. Un membre de mon unité a trouvé la mort lors

 13   de cette action, Boris Trbac, lors d'une escarmouche avec ces Croates.

 14   Que s'est-il passé ? Nous avons trouvé un abri dans le village, mais

 15   les autres ne pouvaient pas percer les lignes de la défense puisque leur

 16   char s'est fait exploser par une mine et qu'il y a eu des blessés. En même

 17   temps, nous avons été entourés par l'ennemi, qui a commencé à nous tirer

 18   dessus. Alors nous nous sommes disposés pour former un cercle et nous avons

 19   demandé à Zoran Laci de faire appel à une compagnie de police militaire qui

 20   devait nous prêter main-forte. Cette compagnie se trouvait dans la caserne

 21   de Benkovac. Elle était commandée par le commandant Ristic et par le

 22   capitaine Milivoj Ostojic.

 23   Alors, que s'est-il passé par la suite ? Au lieu de nous venir en aide, ils

 24   ont fait sortir la compagnie de police militaire pour faire des exercices,

 25   et nous, on était exposés au feu et on a attendu pendant cinq heures pour

 26   que, finalement, ils viennent nous prêter main-forte et nous sortir de là.

 27   Q.  Comment avez-vous interprété ce fait ? Pourquoi, à votre avis, avez-

 28   vous dû attendre si longtemps l'assistance de cette compagnie de police


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  1   militaire ?

  2   R.  Je pensais qu'il s'agissait tout simplement de traîtrise. Ils

  3   souhaitaient nous laisser trouver la mort parce que nous n'avons pas

  4   souhaité recevoir des ordres de leur part. Nous n'avons pas souhaité être

  5   placés sous leurs ordres.

  6   Q.  Et cet événement qui s'est passé dans le village de Nadin, quel impact

  7   a-t-il eu sur vos rapports avec la JNA ?

  8   R.  Eh bien, nos relations étaient mauvaises dès le départ, et ceci a été

  9   le point culminant. D'après moi, il s'agissait là d'un acte de traîtrise.

 10   D'une façon perfide, ils voulaient que nous trouvions la mort sans qu'ils

 11   en soient tenus responsables. Ils voulaient plutôt en faire endosser la

 12   responsabilité à une unité croate.

 13   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Je regarde l'horloge. Le moment est venu de

 14   faire une pause.

 15   Mme LE JUGE PICARD : Oui, c'est -- ça me paraît une bonne idée. Juste avant

 16   -- juste avant de faire une pause, les interprètes n'ont pas compris ce que

 17   le témoin a dit en dernier lieu. Si vous pourriez -- si vous pouviez lui

 18   reposer la question ou lui redemander --

 19   M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Madame le Juge. Merci.

 20   Q.  Monsieur Opacic, aux fins du compte rendu d'audience pour que vos

 21   propos soient consignés d'une manière correcte et fiable, je vous ai posé

 22   tout à l'heure la question suivante : quel impact cet événement dans le

 23   village de Nadin a-t-il eu sur vos relations avec la JNA ?

 24   R.  Mais l'impact a été désastreux. Nous avions l'impression d'avoir été

 25   trahis. Moi, personnellement, j'avais le sentiment qu'ils voulaient me

 26   faire tuer d'une façon subtile. Donc ils ne voulaient pas se salir les

 27   mains directement. Ils nous ont laissés souffrir le feu de l'ennemi pendant

 28   qu'ils faisaient des exercices militaires, et ils ne voulaient pas venir


Page 18204

  1   nous prêter main-forte alors qu'ils ne se trouvaient qu'à une distance de 6

  2   kilomètres. Ils n'étaient qu'à 6 kilomètres par rapport à la caserne de

  3   Benkovac. Vous m'avez 

  4   compris ?

  5   Q.  Oui, oui. Tout est clair maintenant. Merci, Monsieur Opacic.

  6   M. BAKRAC : [interprétation] Mesdames les Juges, je pense que le moment est

  7   propice pour faire une pause.

  8   Mme LE JUGE PICARD : Bien. Et ensuite, après la pause, Maître Bakrac, vous

  9   nous direz ce que vous entendez faire des documents que vous avez montrés

 10   au Tribunal, notamment si vous entendez les produire au débat.

 11   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, j'ai peut-être oublié de le

 12   signaler. Les deux premiers documents que j'ai présentés au témoin ont déjà

 13   été admis au dossier. Quant au document 2D1214, je souhaite l'enregistrer

 14   aux fins d'identification tant que nous n'aurons pas reçu la traduction.

 15   Mme LE JUGE PICARD : Si vous je comprends bien, vous souhaitez le produire

 16   et l'identifier -- le marquer pour identification ?

 17   M. BAKRAC : [interprétation] Tout à fait, Madame le Juge, puisque la

 18   traduction n'a pas encore été complétée. Elle sera assurée dans les

 19   meilleurs délais.

 20   Mme LE JUGE PICARD : D'accord.

 21   Monsieur Groome.

 22   M. GROOME : [interprétation] Madame le Juge, nous souhaitons lire le

 23   document en traduction avant de nous prononcer sur d'éventuelles

 24   objections.

 25   Mme LE JUGE PICARD : -- il va être marqué pour identification pour les deux

 26   raisons qui ont été exprimées.

 27   Madame la Greffière.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 2D1214 recevra la cote


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  1   D765.

  2   Mme LE JUGE PICARD : -- recommencerons à 4 heures 05.

  3   --- L'audience est suspendue à 15 heures 35.

  4   --- L'audience est reprise à 16 heures 06.

  5   Mme LE JUGE PICARD : Je précise que nous avons autorisé le témoin à ne pas

  6   se lever pour raison de câbles divers l'empêchant de bouger.

  7   Maître Bakrac, vous avez la parole.

  8   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

  9   Q.  Monsieur Opacic, avant la pause, nous avons parlé de ce malentendu que

 10   vous avez eu avec la JNA. C'est un euphémisme pour dire que c'est un

 11   malentendu. Voilà ma question suivante pour vous : est-ce qu'en début

 12   octobre la JNA a commencé des opérations pour débloquer les casernes de la

 13   JNA, et si oui, savez-vous où cela s'est passé ?

 14   R.  C'était à Zadar, à Zadar et à Sibenik. Mais à Zadar, certainement. Là-

 15   bas, il y a trois ou quatre casernes.

 16   Q.  Est-ce qu'à cette occasion-là, lors de l'opération pour débloquer les

 17   casernes, il y a eu des tentatives pour prendre Skabrnja ?

 18   R.  En novembre, il y a eu une attaque menée contre Skabrnja pour

 19   neutraliser l'armée croate qui se trouvait à Skabrnja.

 20   Q.  Pouvez-vous nous décrire brièvement l'importance stratégique de la

 21   prise de Skabrnja à savoir, pouvez-vous nous dire quels étaient les

 22   effectifs militaires à Skabrnja, et quelles étaient leurs activités

 23   militaires ?

 24   R.  Je ne sais pas quel était le nombre de leurs effectifs puisque Skabrnja

 25   et Nadin, et ainsi que Nadinska Glavica, et Razoljeva Glava étaient deux

 26   hauteurs. Et depuis ces villages, ils contrôlaient l'axe de communication

 27   Benkovac et l'aéroport de Zemunik, ainsi que la voie de communication

 28   reliant Benkovac et Kula, Acaglica [phon], Korlac [phon], Biljane Gornje,


Page 18206

  1   et Smijocici [phon]. Sur cet axe, ils tiraient des mortiers, 120

  2   millimètres principalement. Et, il y avait leurs villages d'où ils tiraient

  3   des armes d'infanterie de la hauteur de Nadinska Glavica. Il y avait des

  4   pertes parmi les civils puisque les villageois ont été tués par des obus de

  5   mortiers.

  6   Q.  A un moment donné, en novembre 1991, avez-vous reçu l'information

  7   disant qu'une attaque était en préparation contre Skabrnja, et si c'était

  8   le cas, pouvez-vous nous dire qui se préparait à attaquer Skabrnja ?

  9   R.  Pour ce qui est de Skabrnja, le jour de l'attaque, pour ce qui est du

 10   jour de l'attaque, je n'étais pas au courant. Mais la veille de l'attaque

 11   contre Skabrnja, j'ai reçu l'ordre de Zoran Laci, pour faire des activités

 12   avec un groupe de cinq ou six personnes. Au total, nous étions 12 avec un

 13   groupe d'éclaireurs avec deux chars. Le lendemain matin, nous devions

 14   prendre Razina Glava [phon], et les effectifs principaux de la JNA devaient

 15   attaquer depuis Zemunik Gornji vers Istok, puisque pour ce qui est de

 16   Zemunik Gornji et de Skabrnja, il n'y avait qu'une route qui les séparait.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire si vous savez quels étaient les effectifs qui

 18   étaient prévus pour mener l'attaque contre Skabrnja ?

 19   R.  Je pense qu'il y avait une compagnie de la police militaire avec des

 20   blindés transport de troupes pour ce qui est de l'armée. Et de l'autre

 21   côté, il y avait la TO et la police. Quelques éléments de la police qui ont

 22   participé à cette attaque, en tant qu'infanterie.

 23   Q.  Connaissez-vous Aco Draca ?

 24   R.  Oui, je le connais. Il était chef de la Sûreté de l'Etat à Benkovac.

 25   Q.  La veille de l'attaque contre Skabrnja, avez-vous vu Aco Draca à

 26   Benkovac ?

 27   R.  Après avoir reçu l'ordre pour mener l'action le lendemain contre

 28   Skabrnja, j'ai rencontré Aco Draca parce que son QG de la TO se trouvait à


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  1   l'étage -- son bureau se trouvait à l'étage dans le bâtiment de la Sûreté

  2   de l'Etat à Benkovac. Il y avait la police également là-bas, et le bâtiment

  3   du tribunal de Benkovac. J'ai parlé avec Aco Draca, à ce moment-là, et

  4   puisqu'on a eu de mauvaises expériences pour ce qui est de Nadin, j'ai eu

  5   peur que l'armée ne nous trahisse à nouveau, nous nous liquide lors de

  6   l'exécution de l'action et, à contrecœur, j'ai accepté d'exécuter cette

  7   tâche. J'ai beaucoup hésité à m'engager à mener cette attaque.

  8   Q.  Monsieur Opacic, il faut apporter une correction au compte rendu. Vous

  9   avez dit que les bureaux de la police, les locaux de la police se

 10   trouvaient dans un bâtiment à côté du bâtiment du tribunal à, où ?

 11   R.  A Benkovac.

 12   Q.  Vous voyez, ces questions. Il ne faut pas que vous expliquiez tout cela

 13   parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, parce qu'il a été consigné au compte

 14   rendu "à côté du tribunal à Belgrade". Il faut corriger cela au compte

 15   rendu.

 16   R.  C'est à Benkovac.

 17   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Donc, ce que vous avez dit à M. Draca à

 18   l'époque, quand deviez-vous vous rendre pour exécuter cette tâche, selon

 19   l'ordre que vous avez reçu ?

 20   R.  Le lendemain matin, vers 5 heures, je devais être présent sur place et

 21   à 6 heures, l'opération devait être lancée. L'opération dont j'étais en

 22   charge, et à laquelle j'ai participé et les autres également. Il s'agissait

 23   d'une action synchronisée.

 24   Q.  Est-ce que vous avez quand même accepté d'exécuter la tâche qui vous a

 25   été donnée de Zoran Lakic ?

 26   R.  Lorsque je suis arrivé à Biljane Donje, à la ligne de départ au bord du

 27   village de Biljane Donje pour nous rendre à Razoljeva Glava et Skabrnja, il

 28   y avait des chars là-bas et ces chars devaient m'apporter de l'appui et me


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  1   protéger et nous devions prendre Razovljeva Glava puisque après cela, nous

  2   pouvions dominer le village de Skabrnja à cette hauteur qui surplombait le

  3   village. Et c'est comme ça que les choses se sont déroulées. Nous sommes

  4   partis avec le personnel des chars. Je me suis mis d'accord pour partir en

  5   avance. Nous étions une vingtaine. C'est parce qu'il y avait peut-être des

  6   champs de mines. Il y avait deux mines antichars qu'on a retrouvées. Nous

  7   les avons enlevées et nous sommes arrivés à une centaine de mètres avant

  8   Razovljeva Glava. Cette hauteur a une altitude de 800 mètres ou mille

  9   mètres. Nous sommes arrivés dans des arbustes, nous sommes développés un

 10   tireur et les chars se trouvaient derrière et lorsque nous avons avancé

 11   d'une centaine de mètres, les chars ont rebroussé chemin en regagnant nos

 12   lignes. Et j'ai été étonné d'avoir vu cela. Les personnels des chars m'ont

 13   dit qu'ils avaient reçu l'ordre pour retourner à la ligne de départ et pour

 14   ne plus bouger.

 15   C'est alors que j'ai dit à mes hommes c'est la trahison, et je ne

 16   veux plus participer à cette action. J'ai fait retourner mes hommes à bord

 17   de véhicules qui se trouvaient à Donje Biljane. Nous sommes partis. Nous

 18   avons quitté les lignes et nous sommes rentrés à Benkovac. C'était vers 7

 19   heures du matin. Et à Benkovac, je suis resté cette journée-là. Je pense

 20   que j'ai rencontré Aco Draca et je lui ai dit comment les choses se sont

 21   déroulées.

 22   Q.  Pour que tout soit tout à fait clair. Vous avez dit que vous êtes parti

 23   de votre point de départ vers Razovljeva Glavica ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Donc vous avez avancé d'une centaine de mètres. Lorsque vous êtes

 26   retourné, les chars étaient déjà partis, et vous aussi, vous avez quitté

 27   cet endroit ?

 28   R.  Oui. Parce que j'étais fâché. Parce qu'à Nadin auparavant, la même


Page 18209

  1   chose s'est passée. Je n'ai pas voulu que je sois trahi une deuxième fois.

  2   Je n'avais aucune confiance en eux.

  3   Q.  Pouvez-vous vous souvenir des personnes qui étaient avec vous à

  4   l'époque ? Pouvez-vous nous énumérer leurs noms ?

  5   R.  Razic, Visic, Medak, Djokic, Rujak. Il y avait même un journaliste de

  6   "Tanjug", Dobric [phon], qui nous prenait en photo.

  7   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Ce jour-là ou le lendemain, êtes-vous retourné

  8   à Skabrnja ou à Nadin, à l'endroit où les combats étaient menés auparavant,

  9   ou pas ?

 10   R.  Pour ce qui est de Nadin et de Skabrnja, seulement le premier jour il y

 11   a eu des combats. Le deuxième jour, pas du tout. Et je suis arrivé à

 12   Nadinska Glavica le deuxième jour, en partant du village de Rujakova Kosa

 13   [phon], où il n'y avait personne.

 14   Q.  Lorsque vous dites que vous êtes sortis, cela veut dire que vous vous

 15   êtes rendus à Nadinska Glavica, et vous avez pris cette hauteur sans combat

 16   ?

 17   R.  Oui. Le deuxième jour, il n'y avait pas d'activités de combat du tout.

 18   C'était désert. Et l'armée n'a pas participé à cette opération le deuxième

 19   jour. A Skabrnja, le premier jour, il y avait des combats à Skabrnja; le

 20   deuxième jour, il n'y avait personne. La population ainsi que l'armée ont

 21   quitté ce village.

 22   Q.  Monsieur Opacic --

 23   M. BAKRAC : [interprétation] Peut-on afficher maintenant P1208.

 24   Q.  Monsieur Opacic, en attendant que le document soit affiché pour que

 25   Mmes les Juges ainsi que nos collègues du bureau du Procureur puissent le

 26   voir, je vais dire qu'il s'agit de l'un des documents qu'on a déjà vus

 27   pendant la séance de récolement de votre témoignage. Il s'agit du document

 28   de la 180e Brigade motorisée. L'officier de l'organe de sécurité et


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  1   commandant Ristic Bratislav, c'est lui qui a fait cette note à la date du

  2   27 novembre 1991.

  3   M. BAKRAC : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche la dernière page de

  4   ce document, c'est la page 5 en anglais et c'est la page 3 en B/C/S.

  5   Q.  J'aimerais vous lire les motifs pour ce qui est du meurtre des civils

  6   au village de Skabrnja, rapport. Le 25 décembre 1991, l'organe chargé de la

  7   sécurité aurait contacté l'un de ses collaborateurs par rapport à ces

  8   informations concernant le meurtre des civils au village de Skabrnja. Et il

  9   dit qu'il a reçu l'information suivante de son collaborateur. Donc je vous

 10   lis :

 11   "Opacic Goran est arrivé (il est membre de l'unité spéciale du poste de

 12   sécurité publique de Benkovac). Il nous a dit à nous tous au bureau qu'il y

 13   a des meurtres des civils, principalement des femmes et des personnes

 14   âgées, à Skabrnja. Lors de cette tuerie, un volontaire, un Chetnik, un

 15   certain Jaro Jare (originaire du village de Prebilovac, de l'Herzégovine)

 16   et son ami de la même unité, un certain Ljubisa, ont été les personnes qui

 17   ont tué le plus de personnes."

 18   Je vais m'arrêter là pour vous poser la question suivante : le 25 décembre

 19   1991, étiez-vous membre de l'unité spéciale du poste de sécurité publique

 20   de Benkovac ?

 21   R.  Non. J'étais au sein de la Défense territoriale.

 22   Q.  Est-ce que dans un bureau vous auriez dit à qui que ce soit qu'il y

 23   avait des meurtres des civils, des femmes et des personnes âgées à Skabrnja

 24   et que cela était fait par -- ?

 25   R.  C'est un mensonge. Comment aurais-je pu parler de quelque chose, d'un

 26   événement auquel je n'ai pas participé du tout ? Toute la ville de Benkovac

 27   est au courant du fait que je n'aie jamais participé à cela.

 28   Q.  Connaissez-vous le commandant Branislav Ristic ?


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  1   R.  Oui, je le connais.

  2   Q.  Quels étaient vos rapports avec lui ?

  3   R.  On n'était pas en de bons termes.

  4   Q.  Pourquoi ?

  5   R.  C'est parce que lui -- je vous ai déjà dit pour ce qui est de la

  6   première attaque contre Nadin, lorsqu'il a envoyé une compagnie de la

  7   police militaire au lieu de nous envoyer de l'aide. Il les a envoyés dans

  8   un champ de tir au village Listic [phon], et c'est parce que cette

  9   compagnie de la police militaire se trouvait placée directement sous son

 10   commandement et sous le commandement du commandant Ostojic. Je les ai

 11   indiqués en tant que traîtres et profiteurs de guerre et de lâches

 12   également.

 13   Q.  Monsieur Opacic, avant de laisser de côté ce document, j'aimerais dire

 14   que dans ce document il est dit également qu'un certain Zoric -- Zoric, qui

 15   se trouve au sein du JTO, se promenait dans la ville et montrait un sac

 16   plein d'oreilles humaines. Il est entré dans un bar et a appelé une

 17   serveuse pour lui montrer un verre qui n'était pas propre, et lorsqu'elle

 18   s'est approchée de lui, il lui a montré un verre plein d'oreilles humaines.

 19   Est-ce que vous connaissez cela ?

 20   R.  Ce sont des mensonges. Des faits inventés. Des faits inventés et

 21   affabulés.

 22   Q.  Monsieur Opacic, le commandant Ristic, est-il jamais venu vous voir,

 23   vous demander vous-même ou les membres de l'unité qui étaient avec vous,

 24   est-ce qu'il a jamais essayé de discuter de ces circonstances avec vous ?

 25   R.  Jamais.

 26   M. BAKRAC : [interprétation] Peut-on afficher le document suivant. Ce

 27   document est daté du 27 novembre 1991. Le document suivant est le document

 28   P1209. Il faut afficher la première page du document.


Page 18213

  1   Q.  Monsieur Opacic, lorsque vous avez mentionné --

  2   Mme LE JUGE PICARD : -- que le document s'affiche - le voilà - puis-je vous

  3   demander de combien de temps encore vous en avez -- vous avez indiqué au

  4   Tribunal que vous aviez besoin d'une heure et demie pour -- pour examiner

  5   le témoin. Je pense que l'heure et demie est passée.

  6   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, jusqu'ici j'ai mal évalué le

  7   temps qui m'est nécessaire pour mon interrogatoire. Je m'en excuse. J'ai

  8   parlé avec mes collègues du bureau du Procureur. Et M. Groome m'a dit qu'il

  9   allait me soutenir pour ce qui est de ma demande adressée à vous pour

 10   m'accorder un peu plus de temps, puisque je vous ai déjà dit que j'ai cette

 11   tendance à mal évaluer le temps qui m'est nécessaire. Pour en finir avec

 12   mes questions, j'ai encore besoin de 20 minutes ou d'une demi-heure.

 13   Mme LE JUGE PICARD : Maître Jordash.

 14   M. JORDASH : [interprétation] Peut-être puis-je sauver M. Groome et aussi

 15   le travail de M. Bakrac et de moi-même un peu plus facile. J'ai besoin de

 16   dix minutes à 15 minutes, si ça peut vous aider.

 17   M. GROOME : [interprétation] Nous avons demandé trois heures. Mais je suis

 18   un peu inquiet puisque Me Barkac a parlé de 50 documents. Et après le

 19   premier volet de l'audience, on ne peut pas dire qu'on ait déjà vu tous ces

 20   documents. Mais je n'ai rien contre ce que la Chambre considère que c'est

 21   approprié. Je crois que le témoin --

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   Mme LE JUGE PICARD : -- le Tribunal vous alloue ces 20 minutes

 24   supplémentaires.

 25   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Excusez-moi encore une

 26   fois de mon estimation inexacte.

 27   Q.  Monsieur Opacic, il s'agit d'Ostojic Milivoj, officier de l'organe

 28   chargé de la sécurité. C'est la note officielle du 8 mars 1992, deux ou


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  1   trois mois ou même plus de temps après cet événement. Et j'aimerais attirer

  2   l'attention de la Chambre sur la fin de la première page. Je vais commencer

  3   par ce qui figure à la fin de la page.Maintenant, Ostojic Milivoj, organe

  4   chargé de la sécurité, concernant Skabrnja, il dit ce qui suit :

  5   "La mutilation du cadavre a été fait par Gnjidic, qui a amputé une oreille

  6   au cadavre, l'a enveloppée dans du plastique et l'a montrée dans les cafés

  7   à Benkovac. Il l'a montrée à une serveuse d'un bar à Benkovac, en lui

  8   montrant un verre qui était --"

  9   Mme LE JUGE PICARD : -- dans un -- dans aucune langue.

 10   M. BAKRAC : [interprétation] C'est la pièce à conviction P1209, Madame le

 11   Juge. Je pense que vous l'avez.

 12   Mme LE JUGE PICARD : Je pense que c'est le bon que nous avons sous les

 13   yeux.

 14   M. BAKRAC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Opacic, dans la note officielle d'Ostojic, il est dit que

 16   Gnjidic a montré cela. Et dans le document précédent, on a vu que Ristic a

 17   dit que Zoric avait montré une oreille à la serveuse, une oreille qu'il a

 18   mise dans un verre. Et trois mois après, Ostojic dit que Gnjidic, dans un

 19   café, a montré à la serveuse une oreille se trouvant dans un verre, en

 20   disant que le verre était sale. Est-ce que vous êtes au courant de cet

 21   événement, du fait que Gnjidic aurait montré une oreille dans un café ?

 22   R.  Je ne connais pas du tout ce Gnjidic. Je ne l'ai jamais vu. Je n'ai

 23   jamais entendu parler de lui. Il n'était jamais avec moi. Je ne le connais

 24   pas. Peut-être qu'eux, ils savent de qui il s'agit, de Gnjidic ou de Zoric.

 25   Mais cela n'a rien à voir avec quoi que ce soit me concernant.

 26   Q.  Monsieur Opacic, il faut que j'en finisse avec mes questions en une

 27   vingtaine de minutes. Concentrez-vous sur mes questions. Je vous remercie

 28   de vos réponses. Et maintenant, on va revenir au deuxième paragraphe, où il


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  1   est dit :

  2   "Les volontaires de la Serbie ont tué les gens au village de

  3   Skabrnja. Et le groupe d'Opacic, d'après des informations non vérifiées, a

  4   tué les membres de la famille d'Odzakovic, boxeur au village de Nadin, et a

  5   tué trois personnes détenues au village de Skabrnja et au village de

  6   Smiljcic."

  7   M. BAKRAC : [interprétation] En anglais, cela se trouve à la fin de la

  8   première page et au début de la deuxième page.

  9   Q.  Dites-moi si ces allégations sont exactes.

 10   R.  C'est un pur mensonge. Parce que moi, je pense qu'on peut vérifier

 11   cela, toutes ces informations. Jamais on n'a battu un civil, encore moins

 12   tué. Je n'ai jamais vu les membres de la famille Odzakovic. J'ai entendu

 13   parler de cette famille, mais je n'ai jamais vu les membres de cette

 14   famille. Je n'ai rien à voir avec les civils de Skabrnja. Je n'étais pas à

 15   Skabrnja non plus.

 16   Q.  Monsieur Opacic, est-ce que le commandant Milivoj Ostojic a parlé de

 17   cet événement avec vous, est-ce qu'il a recueilli une déclaration de vous,

 18   est-ce qu'il a essayé de vérifier ces allégations en s'adressant à des gens

 19   qui étaient proches de vous ?

 20   R.  Jamais.

 21   Q.  Est-ce qu'il s'agit de la même personne, du même Ostojic pour lequel

 22   vous avez dit qu'à cause de l'événement survenu à Nadin, vous disiez que

 23   lui-même et Ristic étaient profiteurs de guerre et des traîtres ?

 24   R.  Oui, c'est la même personne.

 25   Q.  D'après vos connaissances, la sécurité militaire a-t-elle porté une

 26   plainte au pénal à votre encontre au sujet de ces allégations ?

 27   R.  La sécurité militaire, la Sûreté d'Etat, personne n'a porté plainte au

 28   pénal contre moi. Je n'ai jamais été poursuivi pour quoi que ce soit. Je


Page 18216

  1   n'ai jamais été convoqué à une audition. Je n'ai jamais fait de déclaration

  2   préalable. La Sûreté de l'Etat devait certainement avoir des éléments du

  3   renseignement à sa disposition. Ils étaient parfaitement au courant de tout

  4   ce qui se passait. Ils savaient qui faisait quoi.

  5   Q.  Merci, Monsieur Opacic. Les volontaires de Serbie ont-ils été placés

  6   sous votre commandement, à quelque moment que ce soit ?

  7   R.  Jamais.

  8   Q.  Monsieur Opacic, jusque quand êtes-vous resté dans les rangs de la

  9   Défense territoriale ?

 10   R.  Je pense que c'est au moment où la FORPRONU est arrivée que tout le

 11   monde est parti chez soi. Donc quand la FORPRONU est arrivée il n'y avait

 12   plus d'activités de combat. Il était superflu de nous déployer sur le

 13   terrain, donc on m'a dit que je pouvais disposer. Je suis devenu civil.

 14   Q.  Et pourriez-vous nous dire à quel moment ceci s'est passé ?

 15   R.  Je pense après un mois suite à l'arrivée de la FORPRONU.

 16   Q.  Et de quelle année s'agit-il ?

 17   R.  De 1992, je crois, si mes souvenirs sont bons.

 18   Q.  Et au cours de l'année 1992, avez-vous été engagé pour participer dans

 19   une action ? Et si oui, qui vous engageait ?

 20   R.  Il y avait une compagnie de police militaire de Benkovci [phon], et de

 21   pair avec les forces de police, ils devaient percer le corridor de

 22   Benkovac. A l'époque, j'ai déjà été un simple civil, mais on a souhaité

 23   remplacer les hommes qui avaient déjà passé une quinzaine de jours sur le

 24   terrain, et le commandant de Benkovac m'a demandé de rassembler un groupe

 25   d'hommes pour prendre la relève et nous rendre sur le terrain. C'est bien

 26   ce que j'ai fait.

 27   Nous avons récupéré des armes, nous avons été placé sous le commandement de

 28   Milan Martic pour percer le corridor, nous nous sommes acquittés de notre


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  1   mission avec succès. Et puis après nous sommes rentrés chez nous.

  2   Q.  Lorsque vous êtes rentré chez vous, avez-vous rejoint les rangs d'une

  3   autre unité ?

  4   R.  Non, je ne l'ai pas fait. Après mon retour chez moi, suite à cette

  5   action qui s'est déroulée au niveau du corridor, je suis allé voir Momcilo

  6   Bogunovic dans son bureau au moment où j'étais censé rendre mes armes et

  7   les véhicules dont nous nous sommes servis. Et puis le général Djukic m'a

  8   téléphoné, il a dit : Je ne souhaite pas voir Opacic et ses hommes faire

  9   partie d'une unité, quelle qu'elle soit.

 10   Q.  Très bien. Permettez-moi de vous arrêter. J'ai encore quelques

 11   questions importantes à vous poser. Dites-moi, s'il vous plaît, Momcilo

 12   Bogunovic, quel poste occupait-il à ce moment ? Et la même question pour

 13   Boro Djukic.

 14   R.  Boro Djukic, à mon avis, il se trouvait dans la ville de Knin. Il était

 15   peut-être un commandant de la police, je n'en sais rien, ou alors dans

 16   l'armée. Parce que les officiers -- les anciens officiers de la JNA avaient

 17   après rejoint les rangs de la police. Je ne sais pas quelle était

 18   exactement la fonction qu'il exerçait. Etait-il commandant ou non ? Mais en

 19   tout cas c'était l'homme numéro un chargé de la sécurité dans la zone de

 20   responsabilité du Corps d'armée de Knin, d'après mes connaissances.

 21   Q.  Et qu'en est-il de M. Momcilo Bogunovic ?

 22   R.  M. Momcilo Bogunovic était le chef de l'état-major après Cecovic.

 23   C'était un homme du pays, du village de Donje Devanje [phon], et il est

 24   devenu commandant dans la caserne de Benkovac. Et puis quand la FORPRONU

 25   est arrivée, l'armée est partie pour la Serbie, je parle des officiers

 26   d'active, et les autres officiers de la JNA qui provenaient du pays, ils

 27   sont restés dans les casernes.

 28   Q.  Au moment où l'armée de la Republika Srpska Krajina a été mise en place


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  1   et suite à l'arrivée de la FORPRONU, donc vous avez déjà indiqué que la JNA

  2   est partie et puis pendant un certain moment les militaires ont intégré les

  3   rangs de la police. Et puis à un moment donné, l'armée de la Republika

  4   Srpska Krajina était mise en place, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ceci s'est produit à la fin de l'année 1992. Au mois de novembre, au

  6   mois de décembre peut-être, le chef de police, Slobodan Vojko, qui se

  7   trouvait à Benkovac, et Momcilo Bogunovic m'ont arrêté dans la rue dans la

  8   ville de Benkovac et m'ont dit : En tant que commandant, tu as l'ordre

  9   d'intégrer les rangs d'une force d'une autre, soit de l'armée de la

 10   République de Krajina serbe soit de la police. Mais comme je n'étais pas en

 11   très bonnes relations avec les autres, parce que les anciens officiers de

 12   la JNA étaient partis, moi j'ai décidé de devenir commandant de la police

 13   militaire de la caserne de Benkovac en 1992, au moment où cette compagnie a

 14   été mise en place.

 15   Q.  A quel moment dites-vous que cela s'est produit ?

 16   R.  Eh bien, vers la fin de l'année 1992, au début de l'année 1993. Je

 17   crois que c'est au mois de décembre de l'année 1992. Je ne me souviens plus

 18   de la date exacte. Mois de novembre ou mois de décembre peut-être.

 19   Q.  Merci, Monsieur. A un moment donné avez-vous été blessé, et si oui,

 20   dites-nous très brièvement à quel moment et à quelle occasion ?

 21   R.  J'ai été blessé lors de l'agression des unités croates le 22 janvier.

 22   Bien que nous ayons été placés sous la protection de la FORPRONU, ils nous

 23   ont attaqués le 22 très tôt dans la matinée et la FORPRONU ne nous a pas

 24   permis de récupérer nos armes pour nous défendre.

 25   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Opacic. On ne souhaite pas

 26   savoir tous les détails de cette action, nous n'avons pas suffisamment de

 27   temps. Donc vous parlez du 22 janvier, vous pensez à l'année 1993, n'est-ce

 28   pas ?


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  1   R.  Oui, exact. J'ai été blessé dans la zone de Posadine [phon], le 20

  2   janvier à 10 heures du matin.

  3   Q.  Et si je vous ai bien compris ce sont vos yeux qui ont souffert le plus

  4   et après vous avez subi un traitement ?

  5   R.  Oui, exact. Pendant presque trois mois j'ai été complètement aveugle.

  6   Q.  A la fin de mon interrogatoire je reviendrai sur le sujet. Mais deux

  7   questions m'intéressent en ce moment : quand avez-vous vu M. Franko

  8   Simatovic pour la première fois ?

  9   R.  Si mes souvenirs sont bons, je l'ai rencontré une ou deux fois devant

 10   le poste de police de Knin, me semble-t-il. Il conduisait une voiture rouge

 11   avec des plaques d'immatriculation de Belgrade. Et puis j'ai demandé à mes

 12   collègues : Qui est celui-là ? Et on m'a répondu : C'est un agent de

 13   sécurité de Belgrade, il est venu de Serbie.

 14   Q.  Vous dites que cela s'est produit dans la ville de Knin. En quelle

 15   année et quel mois ?

 16   R.  En 1991, au mois de juin me semble-t-il, je n'en suis pas sûr.

 17   Q.  Portait-il un uniforme ou des vêtements civils ?

 18   R.  Des vêtements civils.

 19   Q.  Son véhicule, s'agissait-il d'une voiture ou d'un véhicule de police ?

 20   R.  C'est une voiture rouge, une limousine.

 21   Q.  Avez-vous revu M. Simatovic depuis.

 22   R.  Non.

 23   Q.  Avez-vous rencontré M. Simatovic en 1977 [comme interprété] lors d'une

 24   cérémonie ?

 25   R.  Oui, lors de la fête de l'unité chargée des opérations spéciales.

 26   Q.  Monsieur Opacic, avez-vous été membre du MUP de la Serbie ou avez fait

 27   partie de la Sûreté de l'Etat de la République de Serbie ?

 28   R.  Je n'ai jamais été un fonctionnaire de la Sûreté de l'Etat de Serbie.


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  1   J'ai bénéficié d'une retraite militaire mais c'est pour avoir assisté Zoran

  2   Rajic dans la mise en place du JSO. Donc, j'ai aidé Zoran Rajic pour des

  3   préparatifs logistiques, et pour rédiger un plan --

  4   Q.  Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur. Il s'agit d'apporter une

  5   correction. Si j'ai bien compris, vous avez rencontré Franko Simatovic en

  6   1991, à Knin. Et puis en 1997, où l'avez-vous revu ?

  7   R.  Dans la ville de Kula.

  8   Q.  Comment se fait-il que vous avez assisté à cette cérémonie de Kula ?

  9   R.  J'y suis allé parce que j'ai été invité par Zoran Rajic. Mon frère,

 10   Milos Opacic avait été membre de la JSO, et Rajic, c'est un ami de famille,

 11   et il m'a invité à assister à la célébration organisée pour cette unité. Et

 12   par ailleurs, j'y avais plusieurs connaissances, des hommes qui venaient du

 13   pays et qui faisaient partie de cette unité. Oui ?

 14   Q.  Vous avez porté des vêtements civils lors de cet acte ?

 15   R.  Oui. Je suis venu à Kula en vêtements civils et je suis reparti en

 16   vêtements civils, mais ce qui représentait quand même une petite surprise

 17   pour moi, c'est la chose suivante : donc, en arrivant, j'ai rencontré tous

 18   mes vieux camarades, M. Nakarada, Zika Jovanovic, Olujic, Dula Orlovic qui

 19   avait été chef de la Sûreté de l'Etat en Krajina. Et, ce qui nous a surpris

 20   un petit peu, c'est qu'on m'a dit personnellement, il faut que vous mettiez

 21   des uniformes puisque le président Milosevic va venir. Donc, il faut que

 22   vous vous habilliez. Et on souhaitait nous présenter comme si nous étions

 23   des vétérans de guerre. Et alors, Zika Jovanovic a été promu colonel et dès

 24   que la fête a été terminée, j'ai rendu l'uniforme. Donc, j'ai porté

 25   l'uniforme pendant deux, deux heures et demie, tant que la fête ne s'est

 26   pas terminée.

 27   Q.  Et avant la fête, aviez-vous déjà rencontré Rajo Bozovic, Milorad

 28   Ulemek ou Vaso Mijovic ?


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  1   R.  Vaso Mijovic et Radojica Bozovic, Milorad Ulemek, je les ai tous

  2   rencontrés pour la première fois lors de cette fête. Mais, Milorad Ulemek,

  3   j'en avais entendu parler. J'ai entendu parler de lui dans les médias. Et

  4   puis, on disait qu'il était venu dans notre zone en 1993 lors de l'attaque

  5   lancée contre les villages de Ravni Kotari et de Masic Lekore [phon].

  6   Q.  Monsieur Opacic, je dois mettre fin à mon interrogatoire puisque je

  7   n'ai plus de temps à ma disposition. Dites-moi, s'il vous plaît, encore une

  8   fois, entre l'année 1990 et la fête qui a eu lieu en 1997 et jusqu'au jour

  9   d'aujourd'hui, avez-vous jamais été fonctionnaire ou officier soit d'active

 10   soit de réserve au sein du MUP de la République de Serbie ?

 11   R.  De quelle année parlez-vous ?

 12   Q.  De 1990 jusqu'au jour d'aujourd'hui.

 13   R.  Eh bien, tout dépend de la manière dont on le voit. J'avais fourni mon

 14   assistance à Zoran Rajic pour former ces garçons, pour élaborer les

 15   programmes de formation. Or, si cela veut dire que j'ai fait partie de son

 16   unité, très bien. Mais, je n'ai jamais été membre de la Sûreté de l'Etat,

 17   jamais. Jamais de la vie.

 18   Q.  A quel moment dites-vous avoir aidé M. Rajic à rédiger un programme, en

 19   quelle année cela s'est-il passé ?

 20   R.  En 1996-1997. Les garçons étaient venus de Krajina pour poser leurs

 21   candidatures et éventuellement devenir membres de la JSO.

 22   Q.  Merci, Monsieur Opacic.

 23   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, si vous le permettez,

 24   j'aimerais présenter un autre document au témoin et en terminer là. Peut-on

 25   afficher, s'il vous plaît, le document 2D1213. Q.  Lorsque vous avez été

 26   blessé, Monsieur Opacic, le 22 janvier 1993, vous étiez censé partir à

 27   l'étranger pour subir une opération, n'est-ce pas ?

 28   R.  Exact.


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  1   Q.  Avez-vous touché une assistance financière pour pouvoir se faire opérer

  2   ? Et si oui, de la part de qui ?

  3   R.  J'ai été opéré à deux reprises en Belgique, à Anvers, par le Dr Relja

  4   Zivojinovic. Tous les coûts ont été couverts par le gouvernement de la

  5   République de la Krajina serbe.

  6   Q.  Vous nous avez remis cette décision qui émane du gouvernement de

  7   l'année 1992, le 30 mai. Le président du gouvernement, Djordje Bjegovic,

  8   approuve de vous accorder 10 000 marks allemands pour vous faire opérer les

  9   yeux, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, je souhaite demander le

 12   versement au dossier du document 2D1213.

 13   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Groome.

 14   M. GROOME : [interprétation] Madame le Juge, pourrions-nous en discuter

 15   après la pause suivante. Nous aimerions que M. Bakrac nous donne quelques

 16   éléments d'informations supplémentaires au sujet de ce document et de sa

 17   provenance.

 18   Mme LE JUGE PICARD : Nous allons donc admettre provisoirement, Madame la

 19   Greffière.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 2D1213 deviendra la pièce à

 21   conviction D716.

 22   Mme LE JUGE PICARD : Provisoirement.

 23   M. BAKRAC : [interprétation] Merci, Mesdames les Juges, merci de m'avoir

 24   accordé du temps supplémentaire. Je vous présente mes excuses encore une

 25   fois d'avoir mal estimé le temps qui m'était nécessaire. Mon interrogatoire

 26   vient de toucher à sa fin.

 27   Mme LE JUGE PICARD : Merci, Maître Bakrac.

 28   Maître Jordash.

 


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  1   Donc, Monsieur Opacic, vous allez maintenant être interrogé par Me

  2   Jordash qui est l'avocat de M. Stanisic.

  3   M. JORDASH : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

  4   Contre-interrogatoire par M. Jordash :

  5   Q.  [interprétation] Bonjour.

  6   R.  Bonjour.

  7   Q.  Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. Il me faudra peut-être

  8   dix minutes pour mon interrogatoire. Et dans l'espace de ces dix minutes,

  9   j'aimerais vous poser quelques questions au sujet des éléments de preuve

 10   présentés au TPIY. Pour commencer, je ne sais pas si vous le savez, mais

 11   Zoran Lakic a déposé dans l'affaire Martic, le saviez-vous ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de sa déposition et

 14   entendre vos commentaires.

 15   M. JORDASH : [interprétation] Il semblerait que nous avons un problème.

 16   Mme LE JUGE PICARD : Il y a un téléphone qui sonne.

 17   M. JORDASH : [aucune interprétation]

 18   Mme LE JUGE PICARD : C'est bon là, ça a l'air, ça a l'air plus calme.

 19   M. JORDASH : [interprétation]

 20   Q.  Vous m'entendez, Monsieur le Témoin ?

 21   R.  Oui, oui, je vous entends.

 22   Q.  Très bien. J'aimerais entendre vos observations au sujet de la

 23   déposition de Lakic dans l'affaire Martic. Il a déposé le 27 octobre 2006,

 24   à la page du compte rendu d'audience 10 224. Il a été question de

 25   l'opération menée dans la Skabrnja, et j'aimerais savoir si vous êtes

 26   d'accord avec ce qu'il a déclaré ou non. Vous me suivez ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  En page 10 224, Lakic dit : On a lancé l'opération contre Skabrnja et


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  1   "le seul objectif était de convaincre les forces croates par des méthodes

  2   pacifiques de nous permettre de faire le retrait de notre personnel et de

  3   notre équipement technique sans nous poser de problème. C'était la seule

  4   raison d'être de cette opération."

  5   D'après vous, était-ce là l'objectif visé par l'opération ?

  6   R.  Mais je ne sais pas, moi. Ce que Lakic a dit, ce n'est peut-être

  7   pas faux, mais en même temps les forces croates lançaient des attaques

  8   depuis ces différents villages, et je pense que c'était là la raison

  9   principale pour laquelle il fallait monter l'opération. Parce que la raison

 10   pour laquelle on ne pouvait pas retirer nos moyens techniques, c'était

 11   justement parce qu'ils tiraient sur les villages et menaçaient les voies de

 12   communication, menaçaient les routes.

 13   Q.  Merci. Et une autre déclaration qu'il a faite. A la page 10 247, à la

 14   ligne 11, on lui pose la question suivante :

 15   "Etes-vous prêt à admettre que les membres de la police de la SAO

 16   Krajina se trouvaient dans le village avant votre arrivée ?"

 17   Et il a répondu :

 18   "Je n'admets pas une telle possibilité. Je sais qu'ils n'étaient pas

 19   actifs. Bon, je sais que je ne me trouvais pas le long de l'axe de

 20   l'attaque. Mais les unités -- ou plutôt, les unités de police qui

 21   s'acquittaient de cette mission étaient prévues par les accords de paix et

 22   ne se trouvaient pas sur place au moment où j'y suis arrivé. Et, par

 23   ailleurs, auparavant ils ne se trouvaient pas non plus de long de cet axe."

 24   Etes-vous d'accord avec M. Lakic pour dire que la police de la SAO Krajina

 25   n'a pas participé à l'opération menée à Skabrnja ?

 26   R.  La police de la SAO Krajina ? Mais je n'ai jamais entendu dire qu'ils

 27   étaient présents. Non. Il y avait des forces de la police militaire, mais

 28   je ne sais pas s'il y a eu des agents de police de Benkovac.


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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   R.  Parce que dans cette zone --

  3   Q.  Oui, vous pouvez terminer votre réponse. Allez-y, s'il vous plaît.

  4   R.  Mais je ne sais pas exactement quelles unités ont participé à cette

  5   opération. Je sais que la police militaire y a participé. Avec le colonel

  6   Stojanovic, qui a trouvé la mort dans le village de Skabrnja.

  7   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Groome.

  8   M. GROOME : [interprétation] Merci.J'ai l'impression que Me Jordash est en

  9   train de lire le compte rendu d'audience qui n'a pas été admis dans le

 10   cadre de cette affaire. Donc son objectif est-il de mettre en question la

 11   crédibilité de ce témoin en se servant des éléments de preuve d'une autre

 12   affaire ? Quel est l'objectif visé par son interrogatoire ?

 13   M. JORDASH : [interprétation] Eh bien, il ne s'agit pas de poser des bases

 14   tout simplement. Je souhaite tout simplement poser des questions à ce

 15   témoin au sujet de la déposition faite par Lakic et voir ce qu'il peut nous

 16   dire à ce sujet. Ceci est tout à fait en accord avec notre pratique dans le

 17   cadre de cette affaire. Mme Marcus a procédé de la même façon la semaine

 18   dernière. Elle a présenté le même type de matériel à un autre témoin. Elle

 19   a présenté au témoin les dépositions faites par d'autres témoins devant le

 20   TPIY, et à notre avis, ceci est une méthode d'interrogatoire qui est encore

 21   moins satisfaisante.

 22   M. GROOME : [interprétation] Mais ce n'est pas la méthode qui me pose

 23   problème. Nous avons deux questions qui se posent : s'agit-il de raviver

 24   les souvenirs du témoin ou s'agit-il de mettre en question sa crédibilité ?

 25   Donc je ne comprends pas exactement ce que vous souhaitez faire en lisant

 26   le compte rendu d'audience d'une autre affaire et qui n'a pas été admis au

 27   dossier dans l'affaire présente.

 28   M. JORDASH : [interprétation] Eh bien, je pose tout simplement au témoin la


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  1   question de savoir quel est son point de vue sur la déposition que je viens

  2   de lui dire.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me parlez à moi ?

  4   M. JORDASH : [interprétation] Non.

  5   Mme LE JUGE PICARD : [hors micro]

  6   M. JORDASH : [interprétation] S'il n'est pas d'accord avec ce qui a été

  7   déclaré et si cela est conforme à nos thèses, alors oui, je passerai à

  8   l'étape suivante pour mettre en question sa crédibilité. Mais ce témoin n'a

  9   pas été présent dans le village de Skabrnja, et il donne d'autres raisons

 10   que celles citées par le témoin que je cite.

 11   M. GROOME : [interprétation] Je suis d'accord avec l'argumentation de Me

 12   Jordash.

 13   Mme LE JUGE PICARD : [hors micro]

 14   M. JORDASH : [interprétation] Merci, Madame le Juge.

 15   Q.  Monsieur Opacic, pourriez-vous répondre à la question que je vous ai

 16   posée tout à l'heure, à savoir la police de la SAO Krajina n'a pas

 17   participé à l'opération menée dans le village de Skabrnja; l'admettez-vous

 18   ?

 19   R.  Ah non, je ne saurais l'affirmer. Je ne peux pas me prononcer d'une

 20   façon ou d'une autre. Je n'étais pas présent sur place.

 21   Q.  Très bien. Très bien. Permettez-moi de vous poser une question au sujet

 22   d'une autre déclaration faite par M. Lakic. M. Lakic dit à la page du

 23   compte rendu d'audience 10 258, en date du 27 octobre 2006, à la ligne 9 :

 24   "D'après mes connaissances, ce groupe d'Opacic, comme on l'appelait,

 25   n'a certainement pas participé à l'opération menée à Skabrnja. Je sais qu'à

 26   l'époque il se trouvait dans la ville de Benkovac, en dehors de la zone qui

 27   nous intéresse. Et je le dis avec certitude puisque je l'ai rencontré

 28   personnellement lorsque je rentrais chez moi dans la soirée. Et je sais


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  1   pertinemment qu'il n'a pas participé à l'opération et qu'il n'aurait pas pu

  2   y participer."

  3   Puis, un peu plus loin, M. Lakic dit, toujours à la même page du

  4   compte rendu d'audience :

  5   "Opacic était un policier professionnel dans les rangs de la police

  6   croate -- voilà, c'était un policier de métier. Il n'avait pas de groupe

  7   dans le sens juridique de ce terme. Il n'avait pas d'unité qu'il

  8   commandait. Il n'appartenait pas à une unité quelconque ou à une formation

  9   quelconque."

 10   Et puis, encore un peu plus loin :

 11   "Il n'a pas pris part à des opérations auxquelles on affirmait qu'il

 12   a participé, par exemple, celle de Skabrnja. Parce que je sais que plus

 13   tard, l'enquête menée au mois d'août a dû être envoyée à la JNA -- ou

 14   plutôt, un rapport a dû être envoyé à la JNA au sujet d'une enquête menée."

 15   Alors, êtes-vous au courant du fait qu'une enquête a été menée et que

 16   ses résultats ont été communiqués au commandant de la JNA ?

 17   R.  Je n'étais pas au courant de cela. J'étais chez lui -- placé sous son

 18   commandement au QG de la TO en tant qu'éclaireur. Donc je maintiens ma

 19   déclaration précédente. J'ai dû prendre une élévation à Skabrnja, mais

 20   puisque je n'étais pas d'accord avec la police, avec la sécurité militaire

 21   à Nadin, je vous fournis la même réponse que j'ai déjà donnée lors de mon

 22   premier témoignage. Je n'étais pas à Skabrnja du tout. Je n'ai pas

 23   participé à cette action. J'aurais dû y participer, mais je n'ai pas

 24   participé pour les raisons que j'ai déjà expliquées il y a quelques

 25   instants.

 26   Q.  A la page 10 263, Monsieur Opacic, lui, il a dit, lorsque la question

 27   lui a été posée -- et permettez-moi de vous dire la question qui lui avait

 28   été posée :


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  1   "Est-ce que vous avez entendu quoi que ce soit pour ce qui est du

  2   fait que Goran Opacic s'est vanté d'avoir tué les civils à Skabrnja ? Est-

  3   ce que vous avez jamais entendu quoi que ce soit là-dessus ?"

  4   Et il répond :

  5   "Je connais personnellement Goran Opacic. Ce n'est pas quelque chose

  6   de nouveau de sa part. Il a essayé de se faire passer pour héros, pourtant

  7   il a fui. Il se rendait dans des collines lorsque la situation devenait

  8   dangereuse. Et d'après l'opinion des soldats de la JNA, il était soldat

  9   moyen, mais il racontait des bobards. Je veux dire qu'il n'était pas membre

 10   du SUP de Benkovac. Il était combattant isolé."

 11   Monsieur Opacic, est-ce que c'est vrai ? Est-ce que ce qu'il a dit est vrai

 12   ? Est-ce que c'était la raison pour laquelle vous n'avez pas pris part à

 13   l'action à Skabrnja ?

 14   R.  C'est des mensonges. Je n'ai pas fui Skabrnja. Je n'ai pas voulu

 15   participer à cette action. Pour ce qui est des civils et du fait qu'ils se

 16   vantaient, ce sont des mensonges, des histoires inventées. Il était mon

 17   supérieur hiérarchique direct. Il me versait ma solde au QG de la TO à

 18   Benkovac. Et des armes aussi.

 19   Q.  Merci. Je n'ai plus d'autres questions.

 20   M. JORDASH : [interprétation] Merci, Mesdames les Juges.

 21   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Groome, est-ce que je peux vous demander --

 22   je pense qu'on va faire la pause là, maintenant. Est-ce que je peux vous

 23   demander combien de temps vous allez interroger le témoin ?

 24   M. GROOME : [interprétation] Madame le Juge, nous avons demandé au départ

 25   trois heures. Je pense que j'aurais besoin de moins de temps, et je pense

 26   que je pourrais être plus précis après avoir examiné mes notes. En tout

 27   cas, pas plus de trois heures.

 28   Puis-je voir cela pendant la pause, pour voir quel est l'état de

 


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  1   santé du témoin donc ? Je vais en finir avec mes questions demain matin, et

  2   donc s'il a des problèmes médicaux mentionnés par Me Bakrac, nous pouvons

  3   peut-être en savoir plus pendant --

  4   Mme LE JUGE PICARD : -- notre greffier à Belgrade ou si nous le rapatrions

  5   demain après-midi. Je pense qu'on va pouvoir le rapatrier demain après-midi

  6   sans problème.

  7   Donc je propose qu'on fasse la pause maintenant, et nous reprendrons à 6

  8   heures moins le quart.

  9   --- L'audience est suspendue à 17 heures 12.

 10   --- L'audience est reprise à 17 heures 46.

 11   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Opacic, vous allez maintenant être interrogé

 12   par M. Groome, qui représente le bureau du Procureur.

 13   Monsieur Groome.

 14   M. GROOME : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge.

 15   Avant de commencer, lors du dernier volet de l'audience, j'ai demandé

 16   de reconsidérer notre position pendant la pause pour ce qui est du document

 17   D766, marqué aux fins d'identification. C'est ce que j'ai fait, et nous

 18   n'avons pas d'objection --

 19   Mme LE JUGE PICARD : -- est admis.

 20   Contre-interrogatoire par M. Groome :

 21   Q.  [interprétation] Monsieur Opacic, j'aimerais être certain d'avoir bien

 22   compris votre parcours professionnel. Pour le bureau du Procureur, il est

 23   peut-être le plus important de savoir si vous avez jamais travaillé pour la

 24   Sûreté de l'Etat du MUP de la Serbie. Est-ce que vous-même estimez que vous

 25   avez travaillé pour le département de la Sûreté de l'Etat ou pour le

 26   service de la Sûreté de l'Etat ?

 27   R.  Le service de la Sûreté de l'Etat ? Si vous considérez mon aide

 28   apportée à Zoran Rajic pour préparer l'équipe de personnes qui étaient


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  1   venues de la Krajina, chez nous, et qui se trouvaient là-bas en train

  2   d'être formées pour constituer une unité spéciale destinée aux opérations

  3   spéciales, si vous considérez que cela veut dire que j'ai travaillé pour le

  4   service de Sûreté de l'Etat, oui.

  5   Q.  Mon opinion n'importe pas. Ma question est simple : pendant que vous

  6   faisiez cela, est-ce que vous vous considériez vous-même comme étant membre

  7   du service de la Sûreté de l'Etat ?

  8   R.  Je n'ai pas pensé --

  9   Q.  Vu la façon à laquelle vous avez répondu à ma question, il semble que

 10   non.

 11   R.  Non, non. Je n'ai pas pensé que j'ai travaillé pour ce service-là.

 12   Q.  Puis-je vous demander de nous donner plus de détails concernant

 13   l'assistance que vous avez apportée à votre ami, Zoran Rajic. Essayez

 14   d'être le plus précis possible pour ce qui est du temps quand cela s'est

 15   passé.

 16   R.  Zoran Rajic m'a aidé lorsqu'en 1995, moi-même et mon frère, nous

 17   vivions à Loznica après avoir été réfugiés ensemble avec Nikola Simic. Il

 18   nous a invités dans la Slavonie orientale, un endroit qui s'appelle Ilok.

 19   Il nous a invités là-bas puisqu'il y avait des maisons vides, en nous

 20   promettant une maison vide et en nous disant qu'une unité allait être

 21   formée pour défendre la Slavonie orientale. Et un mois ou deux, nous sommes

 22   passés à Ilok de Loznica. Zoran Rajic, qui était commandant de cette unité,

 23   m'a mis sur la fiche de paie, mais moi je n'étais pas membre de cette unité

 24   puisque j'étais handicapé à l'époque et je ne pouvais rien faire au sein de

 25   cette unité. Mais mon frère, lui, il était dans cette unité en Slavonie

 26   orientale. Il y avait à peu près une centaine de familles qui se trouvaient

 27   là-bas à Ilok, qui avaient déménagé à Ilok à l'époque. Il s'agissait des

 28   réfugiés qui étaient partis de la Krajina.


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  1   Q.  Lorsque vous vous êtes rendu à Loznica, est-ce que le conflit était

  2   toujours en cours en 1995, ou bien est-ce que vous avez déménagé à Loznica

  3   une fois le conflit fini ?

  4   R.  Vous pensez d'aller d'Ilok à Loznica ou après la chute de la République

  5   de Krajina serbe ? A quel moment pensez-vous ? La question n'est pas

  6   claire. A quelle période de temps avez-vous fait référence ?

  7   Q.  Peut-être devrais-je être plus simple pour ce qui est de ma question.

  8   Pouvez-vous nous dire à quel mois en 1995 vous avez passé à Loznica ?

  9   R.  A Ilok, plutôt ? C'était lors de la chute de la Krajina, c'était le 5,

 10   et moi je m'y suis rendu vers le 10 ou le 11. Je ne sais plus combien de

 11   temps a duré notre trajet. C'était en tout cas en août, lors de la chute de

 12   la Krajina. Et nous nous sommes établis à Brnjac, moi-même, mon frère

 13   Milos, mon épouse et mon enfant, ainsi que ma mère et mon père.

 14   Q.  Vous avez dit que Zoran Rajic vous avait aidé en vous faisant figurer

 15   sur la liste des personnes qui touchaient la solde au sein de l'unité.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et à l'époque, vous pensiez que Zoran Rajic travaillait pour qui ?

 18   R.  J'ai pensé qu'il travaillait pour la sécurité de la Krajina, puisque je

 19   le connaissais à l'époque en tant que membre de l'organe chargé de la

 20   sécurité pour la Krajina. Je l'ai connu déjà en 1990 ou 1991.

 21   Q.  Est-ce que vous le savez parce qu'il vous a dit pour qui il travaillait

 22   ou bien vous avez obtenu cette information d'une autre source ?

 23   R.  Je le connais en personne. Nous nous connaissons depuis l'époque où des

 24   barrages ont été érigés pendant toute la guerre, et lui, il m'a dit qu'il

 25   travaillait pour la Sûreté de l'Etat de Serbie seulement en 1996.

 26   Q.  Lorsqu'il vous a dit qu'il travaillait pour le service de la Sûreté de

 27   l'Etat de Serbie, est-ce qu'il vous a dit quand il avait commencé à

 28   travailler pour ce service ?


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  1   R.  En 1996.

  2   Q.  Et quel était l'objectif de cette démarche qui était la sienne, à

  3   savoir de faire figurer votre nom sur la liste des membres de l'unité dont

  4   vous n'étiez pas membre, comme vous l'avez dit ?

  5   R.  Lorsque je suis devenu réfugié et parti de la Krajina, je n'avais pas

  6   de moyens de survie, et mon épouse était enceinte. Ma situation était sans

  7   issue. Puisque nous étions amis depuis l'année 1990, il m'a fait figurer

  8   sur la liste des membres de cette unité pour que je puisse bénéficier de la

  9   solde qui m'était versée, pour pouvoir survivre. Et deuxièmement, cet homme

 10   m'a aidé à Tara. Il m'a donc emmené à Tara, il aurait pu prendre un autre

 11   homme pour s'occuper de la préparation de cette unité, mais il m'a choisi

 12   moi pour m'emmener à Tara. Et cette unité - je ne peux jamais oublier cela

 13   - les membres de cette unité ont contribué pour mon salaire. Ils ont

 14   rassemblé 20 000 marks allemands pour que je réussisse mon problème

 15   d'hébergement même s'ils se trouvaient dans la même situation que moi. Mais

 16   moi, quand même, je me trouvais dans une situation beaucoup plus difficile

 17   d'un côté, mais de l'autre, eux aussi, ils étaient réfugiés et ils avaient

 18   beaucoup de membres de famille à nourrir.

 19   Q.  Monsieur, est-ce que j'aurais tort si je disais qu'il s'agissait d'une

 20   fraude ? Puisque vous touchiez la solde pour un service virtuel dans une

 21   unité au sein de laquelle vous n'étiez pas ?

 22   R.  J'étais sur la fiche de paie de cette unité, mais je n'étais pas au

 23   sein de cette unité de façon formelle -- de façon factuelle. Je n'étais pas

 24   présent au sein de l'unité. Mais de façon formelle, j'étais membre de cette

 25   unité. Zoran Rajic m'amenait mon salaire, et je n'étais pas membre de cette

 26   unité.

 27   Q.  Je veux être sûr pour ce qui est de la personne dont on parle. Est-ce

 28   que l'on parle de la même personne lorsqu'on parle de Zoran Rajic, et à


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  1   cette fin j'aimerais qu'on affiche 6488 sur la liste 65 ter.

  2   M. GROOME : [interprétation] Et pour l'officier instrumentaire à Belgrade,

  3   cela se trouve à l'intercalaire 40 dans le classeur qui vous a été remis.

  4   Q.  Regardez cette photographie, Monsieur, et dites-nous d'abord si la

  5   photographie est suffisamment claire et nette pour vous pour pouvoir

  6   identifier avec certitude les deux personnes qui y figurent, après quoi

  7   vous pouvez nous dire si vous les reconnaissez, ces deux personnes.

  8   R.  C'est le capitaine Dragan et l'autre personne, je pense que c'est Zoran

  9   Rajic. Donc le capitaine Dragan et Zoran Rajic. La photo n'est pas tout à

 10   fait nette, mais je pense que ce sont ces deux personnes, le capitaine

 11   Dragan et Zoran Rajic. Je pense que ce sont ces deux personnes qui figurent

 12   sur la photo.

 13   Q.  Etes-vous en mesure de voir quels sont leurs uniformes ?

 14   R.  Je ne vois pas très bien.

 15   Q.  Si c'est le cas, pouvez-vous nous dire si vous reconnaissez ces

 16   uniformes et d'où ces uniformes proviennent ?

 17   R.  Je n'ai pas compris votre question.

 18   Q.  Si vous n'êtes pas en mesure de les voir clairement ces uniformes,

 19   alors je ne vous poserai plus de questions là-dessus.

 20   M. GROOME : [interprétation] Et j'aimerais qu'on verse au dossier la

 21   photographie 4628 [comme interprété] sur la liste 65 ter.

 22   M. JORDASH : [interprétation] Je ne sais pas quel est l'objectif de la

 23   présentation de ce document, il n'y a pas de doute, on parle de Zoran

 24   Rajic.

 25   Mme LE JUGE PICARD : Le principe de lui montrer cette photo c'était d'être

 26   sûr que c'était le même Zoran Rajic ?

 27   M. GROOME : [interprétation] Oui, Madame le Juge.

 28   Mme LE JUGE PICARD : Maître Bakrac --


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  1   M. BAKRAC : [interprétation] J'aimerais ajouter juste un point. M. Groome

  2   pourrait-il nous dire nous dire de quelle année date cette photographie.

  3   Mme LE JUGE PICARD : -- soit pertinent de savoir quelle date ça a été pris.

  4   Si le seul but -- si le seul but de produire cette photo c'est d'être sûr

  5   que le Zoran Rajic dont le témoin parle est bien celui qui est sur la photo

  6   en compagnie du capitaine Dragan, la date me semble superflue, non ?

  7   M. BAKRAC : [interprétation] Je retire cette objection si c'est ça la

  8   raison. Je m'excuse. Ma remarque en fait concernait les uniformes. Et tout

  9   cas le témoin a dit qu'il ne pouvait pas les reconnaître.

 10   Mme LE JUGE PICARD : Maître Jordash, je ne crois pas qu'on va rester très

 11   longtemps sur ce problème, qui ne me semble pas un problème très sérieux.

 12   M. JORDASH : [interprétation] Non, mais je peux peut-être étayer les propos

 13   de Me Bakrac. J'espère que le Procureur ne montrera pas cette photographie

 14   dans le futur pour nous dire : Vous voyez, ils étaient de proches amis.

 15   M. GROOME : [interprétation] Maître Jordash, vous pouvez être rassuré, je

 16   ne dirai jamais qu'ils étaient de bons amis. Est-ce qu'il retira son

 17   objection si je le fais ?

 18   M. JORDASH : [interprétation] Non.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   Mme LE JUGE PICARD : Très bien. L'objection est rejetée, donc la

 21   photographie va être admise.

 22   Madame la Greffière, vous pouvez nous donner une cote.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote sera P0998 [comme interprété] -

 24   - P98 [comme interprété].

 25   Mme LE JUGE PICARD : -- numéro soit le bon -- numéro qui est dans le

 26   transcript est bon.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est P0398.

 28   Mme LE JUGE PICARD : P3098 est admis.


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  1   M. GROOME : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Opacic, je vais vous demander de regarder une autre

  3   photographie. C'est le numéro 1180.3 sur la liste 65 ter. Il s'agit de la

  4   photographie, un arrêt sur image de la pièce P2160 de la vidéo qui est déjà

  5   versée au dossier et sous la cote P2160. Et je pense que cela a été

  6   téléchargé et envoyé au Greffe.

  7   M. LE GREFFIER [A Belgrade] : [interprétation] Avec tout le respect,

  8   Monsieur Groome, si j'ai bien compris, c'est le numéro 1180.

  9   Mme LE JUGE PICARD : Votre intervention n'a pas été -- n'a pas été mise

 10   dans le -- dans le verbatim. C'est bien la même photo, voilà, oui.

 11   M. GROOME : [interprétation] Oui, Madame le Juge.

 12   Est-ce qu'on peut montrer au témoin cette pièce pour qu'il puisse

 13   l'examiner.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas clairement sur cette

 15   photographie de qui il s'agit.

 16   Q.  Si vous n'êtes pas en mesure de voir cela --

 17   R.  Je pense qu'au milieu il s'agit --

 18   Q.  Si vous ne pouvez pas identifier ces personnes ne dites rien, mais si

 19   vous pensez que vous pouvez le faire, allez-y.

 20   R.  Il n'y a pas de problème, mais je ne peux pas reconnaître ces

 21   personnes.

 22   Q.  Est-ce que c'est parce que la photo n'est pas suffisamment claire ? Ou

 23   bien c'est clair mais vous ne pouvez pas les reconnaître ?

 24   R.  Je ne vois pas très bien, les contours sont flous parce que j'ai mal

 25   aux yeux.

 26   Q.  Bon, laissons cela de côté. Alors, nous allons voir s'il est possible

 27   de vous envoyer une photo plus nette.

 28   Maintenant j'aimerais qu'on parle de votre travail pour M. Rajic, je pense


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  1   que c'était en 1996-1997, et il s'agissait du plan du déploiement. Pouvez-

  2   vous nous dire avec précision quand vous avez commencé à lui apporter ce

  3   type d'aide la première fois ?

  4   R.  Pour ce qui est des préparations physiques, c'était à Golubici. Déjà,

  5   sous le commandement de Karne, Dragan, je m'occupais des préparations

  6   physiques de notre unité. J'ai été également --

  7   M. BAKRAC : [aucune interprétation]

  8   Mme LE JUGE PICARD : -- plusieurs problèmes. L'interprète n'a pas saisi ce

  9   que le témoin dit.

 10   Et, Maître Bakrac, vous avez quelque chose -- vous avez quelque chose à

 11   dire, oui ?

 12   M. BAKRAC : [interprétation] Oui, Madame le Juge. A la ligne 11,

 13   l'interprétation n'est pas correcte. Le témoin a prononcé un deuxième mot

 14   en disant qu'il se trouvait chargé des préparations physiques à Golubic

 15   sous le commandement d'une personne.

 16   L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin peut répéter ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Karna Dragan. Et le capitaine Dragan par la

 18   suite.

 19   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Opacic, vous pouvez -- vous pouvez répéter

 20   distinctement, s'il vous plaît, le nom de la personne ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] A Golubic, sous le commandement de Dragan

 22   Karna. Je m'occupais des préparations physiques à Golubic, des préparations

 23   physiques des hommes qui s'y trouvaient. Et c'était en 1990 et 1991 au mois

 24   d'avril, à la fin du mois d'avril, lorsque je suis arrivé à Golubic. Et

 25   j'ai continué à le faire jusqu'à mon départ de Golubic.

 26   M. GROOME : [interprétation]

 27   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur une autre période de temps. Vous

 28   avez dit lors de votre témoignage aujourd'hui que vous avez apporté votre


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  1   aide à Zoran Rajic en établissant le plan du déploiement du JSO en 1996 ou

  2   1997. Vous vous souvenez d'avoir dit cela aujourd'hui ?

  3   R.  Je ne l'ai pas dit ainsi. J'ai dit que je l'ai aidé à procéder à des

  4   préparations physiques des candidats pour ce qui est des membres de l'unité

  5   spéciale du JSO à Tara en 1996 et en 1997.

  6   Q.  Donc, puis-je en conclure que vous avez aidé M. Rajic en contribuant à

  7   l'établissement du plan dont le but était de préparer physiquement les

  8   candidats pour les unités du JSO ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Et de combien de temps avez-vous eu besoin pour établir ce plan ?

 11   R.  Pas beaucoup de temps. Moi je n'ai pas eu besoin de beaucoup de temps.

 12   Pour ce qui est des préparations physiques, j'étais l'expert en ce domaine.

 13   Il m'a fallu quelques jours pour le faire.

 14   Il a fallu procéder à la construction de certains dispositifs.

 15   Q.  Et où avez-vous fait cela ?

 16   R.  J'ai fait cela à la montagne Tara, près de Bajina Basta, à l'hôtel

 17   Tara.

 18   Q.  Et pendant que vous faisiez cela, est-ce que vous ne vous êtes jamais

 19   rendu au centre de Kula, au centre de Rade Kostic, pour inspecter ces

 20   installations ?

 21   R.  Non. Je suis arrivé à Kula -- parce que je n'ai fait ça qu'à Tara et à

 22   Kula. Je me suis rendu pour cette cérémonie de célébration. Zoran Rajic m'a

 23   invité à assister à cette célébration. Et ni avant ni après cet événement

 24   je ne me trouvais à Kula, même si mon frère y travaillait.

 25   Q.  Est-ce que vous avez été payé pour le travail effectué ?

 26   R.  J'ai dit que je recevais mon salaire pour cela et je vous ai également

 27   dit que ces personnes ont renoncé à une partie de leur salaire pour mon

 28   salaire. C'était en fait au niveau d'un salaire mensuel. Et c'est comme


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  1   cela qu'ils ont rassemblé 20 000 marks allemands pour que je puisse acheter

  2   pour moi et pour mon épouse certaines choses. Parce qu'en 1992, j'ai eu une

  3   deuxième fille et ils m'ont aidé en renonçant à recevoir un salaire

  4   mensuel, tous. Et à l'époque donc, le montant de ce qu'ils ont pu collecter

  5   était la somme de 20 000 marks allemands.

  6   Q.  Donc vous déposez que vous avez touché 20 000 marks allemands à titre

  7   de compensation pour avoir passé quelques jours dans ce centre

  8   d'entraînement, travaillant sur les préparations physiques, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, non. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Je recevais mon salaire,

 10   mais il s'agissait d'un geste humain qu'ils ont fait. Puisque j'étais

 11   blessé à l'époque et ma vision a été détériorée, ils ont renoncé à un de

 12   leur salaire pour des raisons humanitaires. Je n'ai pas touché 20 000 marks

 13   allemands pour avoir procédé à des préparations quelconques. Dites-moi

 14   quels sont ces préparatifs qui auraient pu avoir une valeur de 20 000 marks

 15   allemands.

 16   Q.  Concentrons-nous sur la rémunération que vous avez touchée pour les

 17   préparations physiques. Vous souvenez-vous du type de rémunération que vous

 18   avez reçue à l'époque ? Et pouvez-vous nous dire quelle était la somme que

 19   vous avez touchée ?

 20   R.  A l'époque, c'était le dinar, et la contre-valeur a été de 800 marks

 21   allemands.

 22   Q.  Est-ce que vous avez reçu cette somme d'argent de M. Rajic ou d'une

 23   autre personne ?

 24   R.  C'est M. Rajic qui m'a donné cela en personne.

 25   Q.  Est-ce qu'on peut maintenant retourner à l'époque où vous avez vu M.

 26   Simatovic la première fois. Pouvez-vous nous dire le plus précisément

 27   possible en quelle année et à quel mois vous avez vu M. Simatovic la

 28   première fois ?


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  1   R.  J'ai vu M. Simatovic, et c'est ce que je vous ai déjà dit, je l'ai vu

  2   devant le bâtiment du poste de police. Si je me souviens bien, c'était la

  3   première fois. Et la deuxième fois, je ne me souviens pas où je l'ai vu,

  4   mais je me souviens de l'avoir vu la première fois devant le bâtiment du

  5   poste de police de Knin. Il conduisait une voiture de couleur rouge, une

  6   voiture de luxe, avec les plaques d'immatriculation de Belgrade. J'ai

  7   demandé qui il était, et on m'a dit qu'il s'agissait de quelqu'un qui était

  8   en charge de la sécurité de la Serbie.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire combien de temps environ s'est écoulé entre la

 10   première fois que vous l'avez vu dans la région de Knin et la deuxième fois

 11   que vous l'avez vu ?

 12   R.  Je pense que c'était trois jours après que je l'aie vu la deuxième fois

 13   en passage, lorsqu'il passait à bord de sa voiture par Knin. Mais je ne

 14   peux pas être tout à fait certain là-dessus.

 15   Q.  Est-ce que vous lui avez parlé à cette première ou à cette deuxième

 16   fois que vous l'avez vu ?

 17   R.  Jamais je ne lui ai parlé. Jusqu'à ce que je ne sois arrivé à cette

 18   célébration en 1997.

 19   Q.  Me Bakrac a fait référence à une vidéo, c'est la pièce P61, et il

 20   s'agit de cette célébration. Nous savons ce que cette vidéo représente.

 21   Dites-nous si vous avez contacté M. Simatovic à cette occasion-là et que

 22   cela n'a pas été filmé ? Est-ce que vous lui avez parlé, peut-être ? Est-ce

 23   que vous avez discuté de certains sujets ce jour-là lorsque vous étiez au

 24   centre de Kula ?

 25   R.  Une fois la cérémonie terminée, dans la pièce où étaient alignés tous

 26   les trophées, c'était la pièce qui, en fait, servait de musée, nous avons

 27   échangé quelques mots.

 28   Q.  Et de quoi avez-vous parlé, si vous vous en souvenez ?


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  1   R.  Rien de spécial. Il m'a demandé comment je me sentais. Il avait entendu

  2   dire que j'étais blessé. Il m'a demandé où je vivais et comment je me

  3   portais. Voilà, c'est tout.

  4   Q.  Et pendant combien de temps avez-vous discuté à peu près ?

  5   R.  Une minute, deux minutes. Il y avait toute une foule de gens qui

  6   étaient présents. Le président lui-même, Slobodan Milosevic, se trouvait

  7   sur place. Donc il n'a pas eu le temps de s'engager dans de longs débats

  8   avec nous. Il a tout simplement échangé quelques mots avec les gens qui se

  9   sont trouvés sur place.

 10   Q.  Donc, si j'ai bien compris le sens de votre déposition, vos contacts

 11   avec M. Simatovic se réduisent à une seule minute où vous avez échangé

 12   quelques propos dans le camp de Kula en 1997 ? Ai-je bien compris votre

 13   déposition ?

 14   R.  Tout à fait. Tout à fait.

 15   Q.  Maintenant, j'aimerais vous poser une question similaire, mais qui

 16   concerne M. Stanisic. Avez-vous rencontré au cours de la vie M. Stanisic et

 17   avez-vous eu des contacts personnels avec lui ?

 18   R.  Seulement au moment où il m'a remis une sorte de cadeau. On m'a remis

 19   une sorte de couteau qui devait symboliser le sacrifice que j'ai fait pour

 20   la patrie. Et, par ailleurs, je l'avais vu -- ou plutôt, j'en avais parlé

 21   au moment de l'incident avec la FORPRONU en Bosnie. J'avais entendu parler

 22   de lui. Mais avant ça, je ne l'avais jamais vu personnellement.

 23   Q.  Donc vous êtes en train de nous dire que le seul contact direct que

 24   vous ayez eu avec M. Stanisic c'était au moment où il vous a remis un

 25   couteau qui devait servir de cadeau à Kula en 1977 [comme interprété] ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Et vous affirmez toujours que vous ne faisiez pas partie d'une unité

 28   spéciale qui dépendait de la Sûreté de l'Etat ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  D'autres personnes qui ne relevaient pas de la Sûreté de l'Etat serbe

  3   ont-elles également reçu des cadeaux lors de la cérémonie qui se déroulait

  4   à Kula en 1977 [comme interprété] ?

  5   R.  Mais je ne m'en souviens plus exactement. Je ne me souviens plus qui

  6   étaient les personnes ayant reçu des cadeaux.

  7   Q.  J'aimerais vous poser quelques questions afin de préciser les réponses

  8   que vous avez fournies à Me Bakrac lors de votre interrogatoire principal.

  9   J'aimerais que nous revenions sur le point où vous avez évoqué le sujet de

 10   votre unité spéciale. A la page du compte rendu d'audience 13, vous avez

 11   déclaré :

 12   "Cette unité spéciale à laquelle nous appartenions était bien équipée. Nous

 13   avions deux paires d'uniformes. Nous touchions un salaire plus élevé que

 14   les unités ordinaires. Nous avions des mitrailleuses avec des silencieux,

 15   des fusils de précision, des bombes de fumigation et d'autres types

 16   d'équipement."

 17   Alors ma question serait la suivante : en quoi l'équipement dont vous

 18   disposiez était différent par rapport à l'équipement qui était généralement

 19   mis à la disposition soit de la Défense territoriale, soit des unités de

 20   police régulière ou des effectifs de police ?

 21   R.  Vous avez dû mal me comprendre. A l'époque où je travaillais pour la

 22   police, à l'époque de la République socialiste de Croatie, nous étions si

 23   bien équipés. Donc cela valait pour la période où j'ai été membre des

 24   unités spéciales croates. Nous relevions du ministère de l'Intérieur de

 25   Croatie, et j'étais cantonné dans la ville de Zadar. Donc c'est de cette

 26   période-là que je parlais. Vous avez dû mal me comprendre.

 27   Q.  Manifestement. Merci de m'avoir corrigé.

 28   Par ailleurs, vous avez déclaré tout à l'heure aujourd'hui quelque chose au


Page 18244

  1   sujet d'une décision rendue par M. Martic. La question qui vous a été posée

  2   a été la suivante :

  3   "Cette décision, M. Martic l'a-t-il prise avant l'arrivée du capitaine

  4   Dragan ou après ?"

  5   Et vous avez répondu :

  6   "Cette décision a été prise par lui avant l'arrivée du capitaine Dragan.

  7   Moi je suis venu à Golubic en vertu de cette décision rendue par lui."

  8   Alors ma question serait la suivante : que savez-vous au sujet de cette

  9   décision ? Quelle était la teneur de cette décision, d'après vos

 10   connaissances ?

 11   R.  Eh bien, vous voyez, en 1991, au moment des troubles politiques, il a

 12   été question de mettre en place une unité sérieuse composée des membres de

 13   police, et il en a été question avec Martic. Il s'agissait de recueillir

 14   les gens de Benkovac, d'Obrovac, de Lapac, de Grudec [phon], donc de réunir

 15   tous les hommes qui avaient abandonné leurs postes de police en Croatie et

 16   étaient venus dans la SAO Krajina. Donc nous nous sommes rassemblés sur son

 17   ordre dans le village de Vujic [phon]. Et il s'agissait de mettre sur pied

 18   une unité d'intervention qui serait capable de réagir dans des situations -

 19   -

 20   Mme LE JUGE PICARD : [hors micro]

 21   M. BAKRAC : [interprétation] Madame le Juge, excusez-moi d'interrompre le

 22   cours de l'interrogatoire, mais je souhaite éviter la confusion. Dans le

 23   compte rendu d'audience, après la ville de "Benkovac", c'est la ville

 24   d'"Obudovac" qui est citée, or je pense que le témoin a parlé d'une autre

 25   ville. Donc, peut-on lui demander de répéter le nom de la ville ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait du poste de police qui relevait

 27   du ministère de l'Intérieur et se trouvait à Benkovac.

 28   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur Opacic, vous avez mentionné plusieurs lieux.


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  1   Vous avez parlé du SUP de Benkovac, ensuite Obudovac, Gracac, Knin.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'Obrovac. De la ville d'Obrovac.

  3   Mme LE JUGE PICARD : -- ce nous voulions savoir. Merci.

  4   Monsieur le Témoin, les interprètes souhaitent que vous parliez plus près

  5   du micro.

  6   M. GROOME : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur, Obrovac n'est pas une ville qui a été souvent évoquée dans le

  8   cadre de cette affaire. Pourriez-vous nous épeler le nom de cette ville

  9   pour qu'elle soit bien consignée dans le compte rendu d'audience.

 10   R.  O-b-r-o-v-a-c.

 11   Q.  Merci. Aujourd'hui, page 17 du compte rendu d'audience, vous avez

 12   évoqué le capitaine Dragan et vous nous avez fait part de votre opinion de

 13   lui. Vous l'avez décrit comme excentrique. Vous dites qu'il faisait sa

 14   propre publicité dans les médias et qu'il n'écoutait pas ce qu'on lui

 15   disait avec attention.

 16   Ma question sera la suivante : vous avez été au courant des

 17   déclarations faites par le capitaine Dragan. Estimez-vous que ses

 18   déclarations, de façon générale, étaient véridiques, quel que soit le sujet

 19   abordé par lui lorsqu'il intervenait ?

 20   R.  Le capitaine Dragan avait tendance à tout exagérer. C'est quelqu'un qui

 21   n'arrêtait d'exagérer pour se représenter comme un personnage plus

 22   important qu'il ne l'était. Il le faisait à la télé, dans les médias.

 23   Q.  Pourriez-vous nous citer un exemple concret du comportement de ce type

 24   ? Quand a-t-il exagéré les faits qui, d'après vos connaissances, ne

 25   correspondaient pas à la réalité dans son interprétation ?

 26   R.  Eh bien, il exagérait nos capacités à nous. Il a inventé les Knindzas,

 27   et il se vantait en disant que nous étions des guerriers invincibles, mais

 28   c'était n'importe quoi. Soi-disant c'était lui qui avait créé les Knindzas,


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  1   il avait fait venir des Loups - c'est-à-dire les membres des unités de

  2   Vukovi - à Golubic, et cetera.

  3   Q.  Donc, êtes-vous en train de nous dire qu'il parlait d'unités qui, en

  4   fait, n'existaient pas ou alors exagérait-il les qualités des unités

  5   réellement existantes ?

  6   R.  Exact.

  7   Q.  En fait, je vous ai proposé deux hypothèses. Dites-vous que les deux

  8   sont vraies ? Que d'une part il avait tendance d'inventer des unités qui

  9   n'existaient pas, et de l'autre part, d'exagérer les qualités des unités

 10   qui existaient ?

 11   R.  Non. Il s'agit des unités qui existaient réellement, et il exagérait

 12   leurs qualités.

 13   Q.  Aujourd'hui, pages du compte rendu d'audience 29 et 30, vous avez parlé

 14   du village de Skabrnja, et vous avez décrit deux cotes d'élévation qui

 15   permettaient de bien voir les environs. Ai-je bien compris que ces points

 16   élevés étaient contrôlés par les Croates et qu'il s'agissait de les

 17   reprendre des mains des forces croates ?

 18   R.  il s'agit de Naviskovo Glavica et de --

 19   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces deux endroits se trouvaient entre les

 21   mains des forces croates.

 22   M. GROOME : [interprétation]

 23   Q.  Si je vous ai bien compris, ces deux localités se trouvaient en dehors

 24   des centres-villes des deux villes différentes, Skabrnja et Nadin.

 25   R.  Razanovo Glava se trouve, d'après mes souvenirs, entre le village Donje

 26   Biljane et le village de Skabrnja, au nord de la Skabrnja, en direction de

 27   Donje Biljane, et une distance de 800 à 1 000 kilomètres le séparent du

 28   village de Donje Biljane, et 3 à 400 mètres par rapport à Skabrnja. Quant à


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  1   Nadinska Glavica, le village se trouve à l'ouest, non loin du village de

  2   Nadin. Et de l'autre côté, il y a le village de Rujekova Kosa. Donc, vers

  3   le nord, il y a le village de Rujekova Kosa, non loin de Nadinska Glavica.

  4   M. GROOME : [interprétation] J'aimerais demander au greffier d'audience qui

  5   se trouve à Belgrade de montrer au témoin le document à l'intercalaire 1

  6   dans le classeur de l'Accusation. Il s'agit de la pièce P41.

  7   Q.  Monsieur, ceci est une carte. Veuillez l'examiner. Et si vous croyez

  8   que vous pouvez nous indiquer les endroits où se trouvent ces deux villages

  9   de Nadinska Glava et de Razovljeva Glava, j'aimerais que vous nous

 10   indiquiez où ces deux localités se trouvent sur la carte.

 11   M. GROOME : [interprétation] Et il nous sera peut-être utile d'afficher à

 12   l'écran la pièce P41 de façon à ce que nous puissions tous voir ce que le

 13   témoin est en train d'examiner.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas à m'orienter. Je ne vois pas

 15   très clairement. Je n'arrive pas à retrouver l'endroit qui nous intéresse.

 16   M. GROOME : [interprétation] Les Juges me permettent-ils de remettre cette

 17   carte pour qu'il puisse l'étudier au cours de la soirée et nous en dire

 18   éventuellement quelque chose demain ? Il s'agit d'une carte, P41, de la

 19   zone de Skabrnja, qui ne porte aucune indication, qui est vierge.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois avoir retrouvé le village de

 21   Razovljeva Glava. Quant à l'autre, je ne vois pas où il est. Ça y est, je

 22   crois avoir trouvé le village de Razovljeva Glava, mais Nadinska Glavica,

 23   je n'arrive pas à le retrouver, ce village.

 24   Mme LE JUGE PICARD : Mais Monsieur Groome, est-ce que c'est contesté où se

 25   trouvent ces villages ? Moi, je peux le voir en regardant sur la carte, et

 26   en l'agrandissant sur mon écran.

 27   M. GROOME : [interprétation] Madame le Juge, excusez-moi, je n'en ai pas

 28   parlé avec mes confrères de la Défense, mais s'ils sont bien d'accord que


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  1   ces deux élévations qui se trouvaient entre les mains des Croates se

  2   trouvaient en dehors du centre-ville de Skabrnja, alors ce n'est pas la

  3   peine d'insister.

  4   Mme LE JUGE PICARD : C'est peut-être aller un peu loin, non, de -- de faire

  5   cette conclusion, parce qu'en fait, vous lui demandez de localiser sur une

  6   carte des lieux qui sont indiqués sur la carte, en fait.

  7   M. GROOME : [interprétation] Oui, Madame le Juge. Peut-être est-il possible

  8   de consulter tout simplement la carte. Quand on examine la carte, il n'est

  9   pas tout à fait clair quelles sont les dimensions de la zone.

 10   Mme LE JUGE PICARD : -- crois que par -- par voie de conséquence, c'était

 11   bien -- que c'étaient les -- les -- ces lieux qui étaient -- où étaient les

 12   -- les -- les forces croates ?

 13   M. GROOME : [interprétation] C'est vrai, Madame le Juge, mais je souhaitais

 14   simplement que sa déposition soit plus précise.

 15   Mme LE JUGE PICARD : -- compliqué quand même ?

 16   M. GROOME : [interprétation] Oui. Je retire ces questions. Il est superflu

 17   de présenter la carte au témoin.

 18   Q.  Monsieur, j'aimerais maintenant passer à une autre déclaration que vous

 19   avez faite lors de l'interrogatoire principal en répondant à une question

 20   de Me Bakrac. Cette réponse figure à la page 18. M. Bakrac a dit, et je

 21   cite :

 22   "Monsieur Opacic, quand vous dites que vous avez quitté les forces de

 23   police, avez-vous tout simplement quitté le poste de police ou avez-vous

 24   fait votre démission ? Comment les choses se sont-elles passées ?"

 25   Et vous avez répondu, je cite :

 26   "J'ai tout simplement quitté le poste. Je ne souhaitais plus faire partie

 27   de ce poste. Je n'ai pas rédigé de demande, je n'ai pas formulé de

 28   requête."


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  1   Alors, ma question serait la suivante : pensiez-vous que vous avez tout

  2   simplement abandonné votre poste ?

  3   R.  Mais du moment où j'ai quitté le poste de police, je ne suis plus

  4   jamais revenu. Cela veut dire que j'ai donné ma démission. Il était

  5   superflu de rédiger des requêtes ou de formuler des demandes. J'ai tout

  6   simplement quitté les rangs de la police, et je l'ai fait à ma propre

  7   initiative, sans avoir reçu l'aval des supérieurs.

  8   Q.  Avant d'avoir fait cette déclaration, vous avez parlé de vos rapports

  9   avec le commandant de la JNA. Et à la page 26, vous avez dit ce qui suit.

 10   Question :

 11   "Et comment avez-vous interprété ce fait, le fait que vous avez dû

 12   attendre si longtemps pour que les membres de la 180e Brigade viennent vous

 13   prêter assistance ?"

 14   Réponse :

 15   "Bien, d'après moi, ils souhaitaient que nous soyons tués en très

 16   grand nombre de façon à ce que nous ne puissions pas nous présenter comme

 17   une unité militaire, parce que nous ne souhaitions pas être placés sous

 18   leur commandement et, eux, ils souhaitaient que nous soyons démantelés."

 19   Alors, j'aimerais me concentrer sur la dernière partie de votre réponse.

 20   Quand est-ce que vous avez dit aux membres de la 180e Brigade que vous et

 21   vos hommes ne souhaitiez pas être placés sous leur commandement ?

 22   R.  Bien, pour commencer, il s'agit de la 180e Brigade. Et deuxièmement, je

 23   n'ai jamais eu de contact avec eux. Je n'ai jamais eu de contact avec les

 24   unités de la JNA.

 25   Q.  Mais alors, comment savaient-ils que vous refusiez d'être placé sous

 26   leur commandement ?

 27   R.  Ils le savaient, parce que moi je ne portais pas -- vous voyez, moi je

 28   ne portais pas d'étoile à cinq branches sur mon couvre-chef. Je portais des


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  1   insignes différentes; pour commencer, les 4 S; et puis après, le couvre-

  2   chef serbe typique. Et ceci était différent par rapport aux uniformes

  3   qu'ils arboraient. Et ceci est visible sur toutes les photos que vous

  4   pouvez avoir de moi.

  5   Q.  Est-il donc vrai que vous avez refusé d'être placé sous le commandement

  6   de la 180e Brigade de la JNA ?

  7   R.  Je n'ai jamais voulu être placé sous leur commandement.

  8   Mme LE JUGE PICARD : Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez essayer de

  9   ne pas mettre votre main devant votre bouche. Merci.

 10   M. GROOME : [interprétation]

 11   Q.  Alors, Monsieur, permettez-moi alors de passer à ma question

 12   suivante. Si vous ne souhaitiez pas être placé sous le commandement de la

 13   police et vous refusiez de vous soumettre aux ordres de l'armée, alors à

 14   qui répondiez-vous d'après vous ?

 15   R.  Je me trouvais sous les ordres de Zoran Laci de la Défense

 16   territoriale.

 17   Q.  Et la Défense territoriale, à l'époque du conflit, était bien placée

 18   sous le commandement de l'armée, n'est-ce pas ?

 19   R.  La Défense territoriale se trouvait formellement placée sous les ordres

 20   de l'armée. Mais l'armée, donc la JNA, était composée des officiers parmi

 21   lesquels on retrouvait des Albanais, des Croates, des Musulmans, des

 22   Serbes. Donc c'était là la composition des officiers. Tandis que dans la

 23   Défense territoriale, tous les officiers supérieurs étaient du pays.

 24   C'étaient les hommes qui venaient de la ville de Benkovac et des villages

 25   environnants. Ils étaient tous les gens de la région. Et moi je ne pouvais

 26   pas accepter de recevoir des ordres d'un Albanais ou d'un Croate ou d'un

 27   Musulman. Comment pouvaient-ils commander une action menée contre des

 28   forces armées croates, un homme comme ça ? Non, non, non. Je ne pouvais pas


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  1   refuser de me plier aux ordres de gens pareils.

  2   Q.  J'aimerais que nous passions maintenant à l'espace de temps que vous

  3   avez passé à Golubic. Vos frères, Zoran et Milos, ont-ils, eux aussi,

  4   participé à la formation que vous avez suivie à Golubic à l'époque ?

  5   R.  Mon frère Milos se trouvait dans les rangs de l'armée en 1991. Ce n'est

  6   qu'en 1992 qu'il a quitté les rangs de l'armée. Mais en 1991, il faisait

  7   partie de la Brigade de Gardes à Belgrade. Quant à mon autre frère, Zoran,

  8   il était avec moi. Il faisait partie de l'artillerie.

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   Mme LE JUGE PICARD : -- d'enlever votre main qui fait obstacle avec le

 11   micro. Merci.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.

 13   M. GROOME : [interprétation]

 14   Q.  L'un ou l'autre frère se trouvait-il dans la zone de Knin à la

 15   même époque que vous, à vos connaissances ?

 16   R.  Mon frère Zoran, il était avec moi.

 17   Mme LE JUGE PICARD : [hors micro]

 18   M. BAKRAC : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, Madame le Juge. Je

 19   voulais réagir avant que le témoin ne réponde. Parce qu'il y a une erreur

 20   dans le compte rendu d'audience. A la ligne 3, il est indiqué tout

 21   simplement que son frère Zoran faisait partie de l'artillerie, mais la

 22   réponse complète du témoin n'a pas été consignée. Donc j'aimerais que M.

 23   Groome repose la question au témoin pour que nous puissions établir où le

 24   frère Zoran se trouvait.

 25   M. GROOME : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Opacic, pourriez-vous nous redire où votre frère Zoran Opacic

 27   était cantonné et à quelle unité il appartenait ?

 28   R.  Il était avec moi.


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  1   Q.  Zoran Opacic était-il avec vous à Golubic pendant que vous vous y

  2   trouviez ?

  3   R.  Oui. Il était avec moi à Golubic.

  4   Q.  Passons à votre situation personnelle maintenant. Les gens qui vous

  5   connaissaient vous appelaient-ils parfois Klempo, K-l-e-m-p-o ?

  6   R.  Exact.

  7   Q.  Et votre frère Milos était connu également sous le surnom de Ciroki, C-

  8   i-r-o-k-i ?

  9   R.  Oui, pendant qu'il se trouvait dans le centre Alpha.

 10   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Klempo veut dire "oreille décollée."

 11   M. GROOME : [interprétation]

 12   Q.  Pendant combien de temps avez-vous suivi cette formation à Golubic ?

 13   R.  J'ai passé 20 jours à suivre la formation à Golubic, et puis le

 14   capitaine Dragan est venu.

 15   Q.  J'aimerais savoir si vous reconnaissez un certain nombre de noms

 16   propres, s'agit-il de personnes qui se trouvaient elles aussi à Golubic.

 17   Est-ce que vous reconnaissez le nom de Dragan Oluic ?

 18   R.  Dragan Oluic. Le nom, je le connais. Mais le prénom, non. Il doit venir

 19   de la ville d'Obrovac.

 20   Q.  Connaissez-vous le nom Davor Subotic, son surnom était 

 21   Riki ?

 22   R.  Davor Subotic, surnommé Riki. Je pense qu'il était à l'entraînement à

 23   Golubic, pour autant que je me souvienne. Il est également d'Obrovac.

 24   Q.  Etait-il parmi ceux qui ont été entraînés ou parmi ceux qui

 25   s'occupaient de cet entraînement ?

 26   R.  Lorsque j'y étais, il n'y était pas, me semble-t-il. Puisqu'il n'était

 27   pas instructeur. Il n'était pas policier.

 28   Q.  Et comment se fait-il que vous le connaissiez ?


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  1   R.  Nous nous sommes rencontrés sur des divers théâtres de guerre. Et

  2   Obrovac, c'est une ville qui est une autre ville voisine par rapport à

  3   notre ville.

  4   Q.  Et dans quelle unité était-il ?

  5   R.  Je pense qu'il était membre de l'unité d'Obrovac, puisqu'il est

  6   certainement originaire d'Obrovac.

  7   Q.  Et quant à la personne qui s'appelle Milenko Popovic et dont le surnom

  8   est Luj ?

  9   R.  Je ne le connais pas.

 10   Q.  Quand avez-vous rencontré la première fois Zivojin 

 11   Ivanovic, et le surnom de cette personne était Zika Crnogorac, Zika le

 12   Monténégrin ?

 13   R.  Zivojin Ivanovic est le premier volontaire qui était arrivé à Golubic,

 14   et je pense que c'était au mois de mai.

 15   Q.  J'aimerais vous montrer maintenant une vidéo. Et avant de le faire,

 16   dites-moi si vous vous souvenez avoir été présent à la célébration de la

 17   révolution de rondins à la date du 17 août 1992 à Bukovic ?

 18   R.  Oui, j'y étais, et j'ai tenu un discours à Bukovic à l'époque.

 19   Q.  Et Bukovic est le village qui se trouve dans la municipalité de

 20   Benkovac, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est vrai. Et il s'agissait de la célébration organisée par le SDS

 22   pour marquer l'anniversaire de la formation du SDS de Bukovic.

 23   Q.  Zdravko Zecevic et Arkan étaient-ils également présents à cette

 24   célébration ?

 25   R.  Zdravko Zecevic était à l'époque le président de la municipalité, il

 26   était également fondateur du SDS de Benkovac et il a pris la parole lors de

 27   cette célébration. Le général Boro Djukic y était. Arkan est arrivé plus

 28   tard. Le général Djukic a également tenu un discours.


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  1   Q.  Vous venez de dire que vous aviez tenu un discours.

  2   M. GROOME : [interprétation] Et maintenant, j'aimerais qu'on regarde le

  3   6431 sur la liste 65 ter. J'aimerais que le représentant du Greffe,

  4   l'officier instrumentaire qui se trouve à Belgrade, confirme qu'il peut

  5   regarder la vidéo maintenant.

  6   Q.  D'abord, il faut regarder la vidéo, et après je vais poser des

  7   questions concernant la séquence vidéo.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Je vous salue de l'endroit d'où nous sommes partis pour lancer nos

 11   premières actions, où nous nous sommes rassemblés au moment où nous sommes

 12   partis de Zadar avec les fusils que nous avions volés aux Oustachi là-bas.

 13   Et où étaient les généraux à l'époque ? Où étaient les officiers de la JNA

 14   ? Pourquoi ils n'ont pas défendu ce peuple ? Non, ils ne pensaient qu'à

 15   eux. Où partir, où partirait la majorité là-bas ou là-haut ? Est-ce que

 16   l'ancienne Yougoslavie existerait toujours ou la Serbie ? Mais lorsqu'ils

 17   ont vu que le peuple se dirigeait vers la Serbie, puisque c'est le peuple

 18   serbe depuis toujours et il sera le peuple serbe dans le futur… et il n'y a

 19   pas d'Oustachi qui pourront nous convaincre.

 20   Et maintenant, il faut qu'on forme notre armée. Il y a ceux qui nous

 21   lèchent le cul, qui ne font rien…

 22   Il y a les bons à rien et d'autres cadres qui n'est pas compétent,

 23   qui provoquera la chute de ce peuple. Mais nous, nous ne permettrons que

 24   cela soit fait, n'est-ce pas ?

 25   Mais croyez que nous avons la force qui défendra ce peuple. Croyez-

 26   nous, il n'y a pas de statut spécial. Seulement morts. Nous pouvons obtenir

 27   le statut spécial seulement morts.

 28   Nous sommes allés à Zadar pour retirer le mobilier de généraux pour


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  1   les vases, et nous étions giflés par les Oustachi. Ils nous ont humiliés.

  2   Et nous aurions pu prendre Zadar et Biograd. Aujourd'hui, nous aurions

  3   notre mer et notre port. Et maintenant, ils nous font le tour encore une

  4   fois.

  5   Il faut niquer leurs mères. Et il ne faut pas que vous rejetiez les

  6   armes puisque les Oustachi, les Musulmans et les qui sont nos voisins, il

  7   ne faut pas les croire. Parce qu'ils vont venir dans la nuit pour nous

  8   égorger.

  9   Il ne faut pas croire de tels voisins. Nous aurions pu leur donner le

 10   statut spécial, et non l'inverse. Et vous voyez où nous en sommes

 11   aujourd'hui. Ce sont eux qui nous donnent le statut spécial. Nous devons

 12   encore une fois avoir honte puisque ce sont nos Oustachi qui nous ont

 13   trahis. Mais il y en a encore qui lèchent le cul à la FORPRONU, où il y a

 14   des canons qu'ils nous ont cachés ou des chars. Il faut les prendre pour

 15   les tuer sur place.

 16   Et tout fusil qui est huilé maintenant et qui gît sous les oreillers.

 17   Chaque homme, il faut qu'il prenne ce fusil parce qu'il est capable de se

 18   rendre sur une position sur le front en dix minutes. Et ils ont dit : Il

 19   faut se fier à ses propres forces et à personne d'autre. Que le peuple

 20   serbe vive."

 21   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 22   M. GROOME : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous êtes --

 24   Mme LE JUGE PICARD : -- parce que je suis pas sûre qu'il ait -- qu'il ait

 25   vraiment vu la vidéo.

 26   M. GROOME : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez pu suivre la séquence 

 28   vidéo ?


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  1   R.  J'ai pu entendre les sons, mais… oui, j'ai reconnu moi-même. C'est moi.

  2   Q.  Et est-ce que ce que vous avez prononcé, votre discours, a été

  3   correctement reproduit dans cette vidéo, le discours que vous avez tenu à

  4   Bukovic à cette occasion-là ?

  5   R.  Jusqu'au dernier mot. Du début à la fin.

  6   Q.  J'aimerais vous demander de nous aider pour pouvoir comprendre

  7   certaines parties de votre discours. Au début de votre discours, vous avez

  8   dit, je cite :

  9   "Je vous souhaite bienvenue à l'endroit d'où nous sommes partis pour lancer

 10   nos premières actions, l'endroit où nous nous sommes rassemblés lorsque

 11   nous avons quitté Zadar avec les fusils que nous avions volés aux Oustachi

 12   là-bas."

 13   Quelles étaient les premières actions auxquelles vous avez fait référence

 14   dans cette partie de votre discours ?

 15   R.  Il s'agissait des barrages, des barricades de la révolution de rondins.

 16   C'étaient les premières actions qu'on a menées dans le cadre de cette

 17   révolution de rondins. Aux barricades, il n'y a pas eu vraiment d'actions

 18   au sens propre du mot action.

 19   Q.  Lorsque vous avez utilisé la phrase "nous nous sommes rassemblés",

 20   pouvez-vous nous dire quel était le groupe dont vous avez parlé ?

 21   R.  Il s'agissait de la population qui se trouvait aux barricades.

 22   Et, en 1990, je m'y trouvais, à Biljani Gornji et à Kistanje. Il s'agissait

 23   des barricades, et c'étaient les villageois de la région qui ont érigé ces

 24   barricades.

 25   Q.  Lorsque vous avez mentionné les fusils que vous aviez volés, pouvez-

 26   vous nous dire où ces fusils ont été volés ?

 27   R.  Ce sont les fusils que nous avons pris dans le poste de police de

 28   Zadar.


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  1   Q.  Ensuite, vous continuez dans votre discours, je cite :

  2   "Où étaient les généraux à l'époque ? Où étaient les officiers de la JNA ?

  3   Pourquoi n'ont-ils pas défendu leur peuple ? Mais ils préféraient plutôt

  4   voir où partir, se sauver. Où serait la majorité, là-bas ou ici. Et si

  5   l'ancienne Yougoslavie continuerait à exister ou bien cela sera la Serbie.

  6   Pourtant, lorsqu'ils ont vu que le peuple se dirigeait vers la Serbie,

  7   puisque c'est le peuple serbe, c'était toujours le peuple serbe et cela

  8   sera toujours le peuple serbe… les Oustachi ne pourront pas nous vaincre."

  9   Lorsque vous avez parlé de la "population qui se dirigeait vers la Serbie",

 10   à quelle population avez-vous fait référence ?

 11   R.  Lorsque le conflit a commencé entre nous et la Croatie et le HDZ --

 12   lorsque le HDZ a pris le pouvoir et lorsque les barricades ont été érigées,

 13   le peuple a beaucoup souffert lors de la Deuxième Guerre mondiale et du

 14   massacre des Oustachi. Et en 1991, lorsque nous avons érigé les barricades,

 15   les Croates se trouvaient de l'autre côté. L'armée était entre les deux

 16   parties interposées, et ils savaient que les Croates s'armaient. On a pu

 17   voir à la télé que Spegelj a fait armer la Croatie. Donc nous nous sommes

 18   soulevés pour défendre notre peuple et pour défendre notre vie du couteau

 19   des Oustachi.

 20   Q.  Vers la fin de votre discours, vous avez dit, et je vais citer : 

 21   "Il faut tuer de telles personnes sur place."

 22   Qui aurait dû être tué sur place d'après vous ?

 23   R.  Lorsque la FORPRONU est arrivée, notre armée - à l'époque, armée de la

 24   Krajina - cachait certaines pièces d'artillerie, des canons ou d'autres

 25   pièces d'artillerie. Et il y en a eu qui venaient pour trahir les endroits

 26   où se trouvaient cachés ces pièces d'artillerie ou ces canons, et la

 27   FORPRONU venait par la suite pour saisir ces pièces d'artillerie. J'ai

 28   pensé à ces personnes qui ont trahi, et au jour d'aujourd'hui, je pense la

 


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  1   même chose.

  2   Q.  Monsieur, nous avons pu entendre votre réponse jusqu'au moment où vous

  3   avez dit que, je cite : "La FORPRONU a confisqué les armes." Pouvez-vous

  4   répéter le reste de votre réponse ?

  5   R.  Les personnes qui ont trahi la FORPRONU où se trouvaient les armes, qui

  6   étaient également les villageois dans cette région. Et je ne sais pas pour

  7   quelle raison ils ont trahi cela en désignant les endroits où nous cachions

  8   nos armes. Et j'ai dit que ces personnes devaient être tuées. Et je le

  9   pense aujourd'hui, il faut les tuer, puisque ceux qui nous ont trahis ont

 10   fait diminuer la force du peuple serbe dans la Krajina.

 11   M. GROOME : [interprétation] Madame le Juge, je vois qu'il est déjà 19

 12   heures.

 13   Mme LE JUGE PICARD : Il semble que la vidéo qu'on vient de voir n'est pas -

 14   - n'est pas dans le système. Mme la Greffière me dit qu'elle ne l'a pas.

 15   Donc, si vous voulez la verser au débat, il faudra peut-être d'abord la

 16   mettre dans le système, et on verra demain.

 17   M. GROOME : [interprétation] Oui, Madame la Juge. Je vais vérifier cela.

 18   Mme LE JUGE PICARD : -- mercredi matin, 14 mars, à 9 heures dans la même

 19   salle d'audience.

 20   Et, Monsieur le Témoin, je dois vous dire que vous ne pouvez parler à

 21   personne, jusqu'à demain matin, de votre témoignage. Vous ne devez en

 22   discuter avec personne. Je vous souhaite une bonne soirée et à demain,

 23   donc.

 24   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mercredi 14 mars

 25   2012, à 9 heures 00.

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