Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 26 mars 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 12 heures 24.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière, veuillez citer le numéro de l'affaire.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Monsieur les

  8   Juges. Ceci est l'affaire IT-03-69-T, le Procureur contre Jovica Stanisic

  9   et Franco Simatovic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 11   J'ai été informé par Me Jordash qu'il souhaitait s'adresser aux Juges de la

 12   Chambre. Avant de vous en donner la possibilité, je crois qu'il y a peut-

 13   être une confusion quant à l'heure à laquelle nous devons commencer

 14   aujourd'hui. La communication n'a pas été tout à fait parfaite et

 15   irréprochable. La Chambre y est peut-être pour quelque chose, aussi nous

 16   regrettons, par conséquent, qu'il y ait eu ce malentendu et nous espérons

 17   que la prochaine fois il n'y aura pas de problème.

 18   Alors, Maître Jordash, je ne sais pas ce que vous souhaitez porter à notre

 19   attention, mais si cela concerne le témoin suivant et les différentes

 20   formes de restrictions qui s'appliqueraient éventuellement à son témoignage

 21   et à l'interrogatoire, nous allons d'abord passer en audience à huis clos

 22   partiel. Mais s'il s'agit peut-être d'autre chose --

 23   M. JORDASH : [interprétation] Non, c'est bien de cela qu'il s'agit.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 25   Nous passons à huis clos partiel.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 27   Monsieur le Président.

 28   [Audience à huis clos partiel]

 


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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

  3   Nous sommes à nouveau en audience publique. Puis-je vous demander,

  4   Sir Ivor Roberts, de vous lever et de prononcer la déclaration solennelle,

  5   dont le texte va vous être remis par M. l'Huissier.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

  7   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  8   LE TÉMOIN : SIR IVOR ROBERTS [Assermenté]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 11   asseoir.

 12   Maître Jordash, nous étions censés avoir un premier volet d'audience

 13   qui, bien évidemment, a commencé en retard. Je propose, à moins que Mme la

 14   Greffière ne s'y oppose violemment, je propose que nous poursuivions

 15   maintenant jusqu'à 13 heures 30. Vous n'aurez peut-être pas terminé à ce

 16   moment-là, mais veuillez garder à l'esprit le fait qu'il s'agit là d'un

 17   témoin 92 bis, et que cela limite d'autant le temps de l'interrogatoire

 18   principal.

 19   M. JORDASH : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez d'abord être interrogé par Me

 22   Jordash, qui représente les intérêts de M. Stanisic.

 23   Veuillez poursuivre, Maître Jordash.

 24   M. JORDASH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Interrogatoire principal par M. Jordash :

 26   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur.

 27   R.  Bonjour à vous.

 28   Q.  Je vous demande de bien vouloir nous donner votre nom et prénom, ainsi


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  1   que votre date de naissance, aux fins du compte rendu d'audience.

  2   R.  Ivor Anthony Roberts, 20 --

  3   M. JORDASH : [interprétation] -- donc, numéro 05474.

  4   Q.  Ce que vous avez sous les yeux, en réalité, je crois, est un exemplaire

  5   de votre déclaration; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Avec l'accord des parties, Sir Ivor, veuillez

  8   regarder ce feuillet qui représente votre déclaration.

  9   M. FARR : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection de la part de la Défense

 11   Simatovic non plus.

 12   M. JORDASH : [interprétation]

 13   Q.  Je veux juste parcourir quelques éléments.

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle n'a pas entendu la date de

 15   naissance du témoin.

 16    M. JORDASH : [interprétation] Pardonnez-moi.

 17   Q.  Je vous demande de bien vouloir regarder la première page de votre

 18   déclaration, et ensuite si nous pouvons passer à la dernière page. Et est-

 19   ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit bien là de votre signature et que

 20   vous avez été interviewé par la Défense et que vous avez signé ceci comme

 21   étant votre déclaration ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Avez-vous eu l'occasion de revoir votre déclaration et d'y apporter des

 24   corrections ou des précisions que vous auriez souhaité faire ?

 25   R.  J'ai relu ma déclaration et je n'ai pas de correction à y apporter.

 26   Q.  Je vous remercie. Et compte tenu de la teneur de cette déclaration,

 27   est-ce que ceci est conforme à la vérité ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Et si l'on devait vous poser les mêmes questions aujourd'hui, pour

  2   l'essentiel, fourniriez-vous les mêmes réponses ?

  3   R.  Oui.

  4   M. JORDASH : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de

  5   ce document comme pièce à conviction, s'il vous plaît, en même temps que le

  6   document sous-jacent ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel document sous-jacent ?

  8   M. JORDASH : [interprétation] Le 1D05475. Et le 1D04847 est, en réalité,

  9   une série de documents.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce sont des documents connexes.

 11   Madame la Greffière.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D5474 recevra la cote

 13   D779. Le document 1D5475 recevra la cote D780. Et le document 1D4847

 14   recevra la cote D781, Mesdames, Monsieur les Juges.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 16   Le D779, le D780 et le D781 sont versés au dossier.

 17   Vous pouvez poursuivre, Maître Jordash.

 18   M. JORDASH : [interprétation] Je vous remercie, Mesdames, Monsieur les

 19   Juges.

 20   Q.  Donc, Monsieur, j'ai maintenant la déclaration ainsi que les documents

 21   sous-jacents qui sont représentés sous la forme de notes en bas de page et

 22   qui sont présentés aux Juges de la Chambre. Donc nous n'avons pas besoin de

 23   répéter la teneur de ces dernières, mais je souhaite vous poser certaines

 24   questions sur certains aspects de votre déclaration en guise de précisions

 25   ou pour recueillir d'autres détails.

 26   R.  Oui, mais je ne sais pas ce que signifient les documents sous-jacents.

 27   Q.  Si vous regardez les notes en bas de page de votre déclaration, il

 28   s'agit là en fait des documents sous-jacents auxquels je fais référence, ou


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  1   documents connexes.

  2   R.  Bien. D'accord.

  3   Q.  Aux fins du compte rendu d'audience, on vous a remis un exemplaire des

  4   documents sous-jacents au moment où vous avez rempli votre déclaration;

  5   c'est exact ?

  6   R.  Oui.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Puis-je afficher au compte rendu d'audience

  8   le 1D04847, s'il vous plaît, à la page 17 du prétoire électronique.

  9   Q.  Je demande actuellement l'affichage d'un entretien que vous avez donné,

 10   un entretien intitulé par la personne qui vous a interviewé : "Nous allons

 11   faire revenir les Partisans au pouvoir." Vous avez dit qu'il s'agissait

 12   d'un titre quelque peu idiosyncrasique. Vous en souvenez-vous ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et je souhaite vous poser une question à propos du commentaire que vous

 15   avez fait, ou plutôt, les conversations que vous avez peut-être eues avec

 16   Lord Owen à propos de son avis ainsi que son changement d'avis sur les

 17   sanctions à imposer aux Serbes. Tout d'abord, pourriez-vous nous dire à

 18   quel moment Lord Owen a changé d'avis environ ?

 19   R.  Pardonnez-moi, qu'est-ce que j'ai sous les yeux ?

 20   Q.  Il s'agit d'une transcription de l'entretien que vous avez donné que

 21   j'ai cité comme étant intitulé : "Nous allons faire revenir les Partisans

 22   au pouvoir." Et on vous a posé la question, d'après la transcription de

 23   l'entretien en question, on vous a demandé si oui ou non vous connaissiez

 24   bien Lord Owen.

 25   R.  Je vois maintenant. Alors ce changement d'avis est cité dans la

 26   question.

 27   Q.  Alors je vais vous poser cette question-ci, dans ce cas. La réponse que

 28   vous avez fournie semble être en partie ceci : qu'à un moment donné, l'avis


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  1   de Lord Owen était le suivant, que Milosevic, depuis qu'il avait accepté le

  2   plan de paix en 1993, il avait été en faveur de la paix en Bosnie, n'est-ce

  3   pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et ma première question est celle-ci : est-ce que vous pouvez nous dire

  6   avec davantage de précision à quel moment en 1993 ceci s'est produit ?

  7   R.  Non, parce que je n'étais pas impliqué dans les affaires yougoslaves en

  8   1993. Je n'ai pas commencé à travailler à l'ambassade de Belgrade avant le

  9   mois de mars de l'année 1994.

 10   Q.  Avez-vous eu des conversations avec Lord Owen ou avez-vous entendu des

 11   annonces qu'il aurait faites en public sur le sujet ?

 12   R.  Vous voulez parler avant mon arrivée à Belgrade ?

 13   Q.  Voire même après, également aussi.

 14   R.  Oui, j'ai eu de nombreuses conversations avec Lord Owen après mon

 15   arrivée à Belgrade, mais je suppose que je l'ai vu aux alentours de Noël de

 16   l'année 1993, au moment où il m'a briefé sur ce qu'il souhaitait que je

 17   fasse lors de mon arrivée à Belgrade. Nous n'avons pas parlé de ses

 18   opinions avant cette date-là. Nous avons uniquement parlé de la manière

 19   dont lui percevait la situation à ce moment-là et comment nous allions

 20   aller de l'avant à partir de là pour mettre un terme à la guerre.

 21   Q.  Et quelle était son opinion à l'époque lorsque vous lui avez parlé de

 22   ces questions-là ?

 23   R.  Il pensait qu'étant donné que Milosevic avait accepté le plan de paix

 24   Vance-Owen, qu'il avait maintenant décidé qu'il devait œuvrer dans le sens

 25   de la communauté internationale et non pas dans un sens contraire.

 26   Q.  Je vais maintenant vous demander de regarder un autre document.

 27   M. JORDASH : [interprétation] P2358.

 28   Q.  Il ne s'agit pas d'un de vos documents sous-jacents. Il s'agit d'une


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  1   pièce qui fournit une perspective. Il s'agit d'un compte rendu du Conseil

  2   de Défense suprême de la RFY qui s'est tenu le 30 août 1994. Et je souhaite

  3   vous poser une question à propos des commentaires qui ont été faits lors de

  4   cette réunion.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document est sous pli scellé,

  6   Mesdames, Monsieur les Juges.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je souhaite qu'il ne soit pas

  9   montré au public.

 10   M. JORDASH : [interprétation]

 11   Q.  Avant de vous montrer le document, est-ce que je peux supposer que vous

 12   saviez ce que c'est que le Conseil de Défense suprême lorsque vous étiez

 13   dans la région et quel rôle essentiel a joué ce conseil ? Vous êtes au

 14   courant de cela, n'est-ce pas ?

 15   R.  J'étais au courant de l'existence du Conseil suprême de Défense, mais

 16   tout cela me semblait plutôt théorique, en ce sens que tout le monde savait

 17   que c'était  Milosevic qui prenait les décisions, et ce, avant même que le

 18   conseil ne se réunisse.

 19   Q.  Vous est-il jamais arrivé de voir les procès-verbaux des réunions du

 20   Conseil suprême de Défense ?

 21   R.  Non, jamais.

 22   Q.  J'aimerais à présent vous poser une question sur l'opinion avancée par

 23   les Serbes de Belgrade autour du mois d'août 1994 concernant leurs rapports

 24   avec ou concernant leurs préoccupations quant a la position prise par les

 25   Serbes de Bosnie.

 26   M. JORDASH : [interprétation] Pourriez-vous prendre la page 48 -– excusez-

 27   moi, la page 5 plutôt de la version anglaise et la page 4 de la version en

 28   B/C/S. Il serait peut-être utile d'afficher la page 3 en anglais d'abord


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  1   afin de pouvoir voir le début de la réunion.

  2   Q.  Pour vous y retrouver, Sir Ivor, nous verrons qui sont les participants

  3   ayant pris part à cette réunion. Dans quelques instants nous passerons à la

  4   page 4 pour voir qui en est l'orateur ou tout du moins, nous verrons qui

  5   présente le prochain orateur. Vous pouvez voir ici le nom de Momcilo

  6   Perisic, n'est-ce pas. Ensuite à la page suivante, à la page 5 en anglais

  7   et à la page 4 en B/C/S, nous voyons que Perisic présente le colonel Krga;

  8   ensuite à la page 6, nous avons le discours de Krga. Pourriez-vous en

  9   prendre connaissance, s'il vous plait. Je vais ensuite vous demander de

 10   nous donner son point de vue et de nous dire si vous avez des commentaires

 11   personnels à apporter, soit des points d'accord ou de désaccord.

 12   R.  Oui.

 13   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce que nous pourrions continuer à

 14   parcourir ce document jusqu'à ce que le témoin en ait terminé la lecture.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. JORDASH : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. JORDASH : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. JORDASH : [interprétation] Bien. La page suivante, s'il vous plaît.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

 22   M. JORDASH : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Oui. Oui.

 24   L'INTERPRÈTE : Pourrions-nous avoir la version en B/C/S, également.

 25   M. JORDASH : [interprétation] Donc à la page 11 nous devrions être, et en

 26   B/C/S à la page 7, me semble-t-il.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, veuillez vérifier la


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  1   page en B/C/S, s'il vous plaît, vous assurer que ce soit la bonne.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, j'ai quelques doutes

  4   encore. Je ne sais pas si nous sommes sur la bonne page en B/C/S.

  5   M. JORDASH : [interprétation] Je vais vérifier.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Oui.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Je crois que la page correspondante en B/C/S

  8   devrait se trouver à la page 10.

  9    LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans le prétoire électronique, je crois

 11   que nous sommes à la page 9, la partie inférieure.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous passons maintenant à

 14   la page 10 en B/C/S.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. JORDASH : [interprétation] Je crois que c'est apparemment correct

 17   maintenant, la version B/C/S.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous avons "la

 19   troisième phase" dans la version anglaise et en B/C/S. Nous l'avons sous

 20   les yeux.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Oui. Oui. Oui.

 22   M. JORDASH : [interprétation] Je crois que cela doit se situer à la page

 23   11.

 24   M. GROOME : [interprétation] En fait, je crois que nous sommes quasiment

 25   parvenus au moment de la pause, et nous ne nous opposons absolument pas à

 26   ce que l'on demande au témoin de lire des documents pendant la pause.

 27   M. JORDASH : [interprétation] En fait, c'était le passage le plus long sur

 28   lequel je souhaitais qu'il donne son accord.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi vous n'avez pas

  2   changé l'ordre de vos questions de façon à ce que nous ne soyons pas

  3   obligés de rester ici et d'avoir comme spectacle un témoin qui lit un

  4   document pendant une quinzaine de minutes. Mais je m'en remets en vous.

  5   M. JORDASH : [interprétation] Une seule page. Il reste une seule page.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite regardez comment vous allez

  7   organiser tout ceci dans le temps par la suite.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Oui.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si vous avez d'autres

 10   questions à poser. Bien. Même si c'est le cas, nous allons tout d'abord

 11   faire une pause.

 12   Veuillez nous dire de combien de temps vous aurez besoin après la

 13   pause. Et vous conviendrez avec moi qu'il aurait été préférable de faire

 14   lire ce passage au témoin pendant la pause, plutôt que nous soyons en

 15   position où nous regardons le témoin lire les documents.

 16   M. JORDASH : [interprétation] J'admets, effectivement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 18   M. JORDASH : [interprétation] Je souhaiterais avoir une heure après la

 19   pause.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et Maître Bakrac, combien de temps

 21   auriez-vous besoin ?

 22   M. BAKRAC : [interprétation] Je crois que je n'aurais aucune question à

 23   poser à Sir Ivor Roberts.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr ?

 25   M. FARR : [interprétation] Deux heures, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux heures. Un instant, s'il vous

 27   plaît.

 28   Vous aurez une heure après la pause, Maître Jordash. Je vais être


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  1   très strict et vous n'aurez pas une minute de plus. Apparemment, vous

  2   n'avez pas encore traité de la question du résumé dans le cadre du 92 ter,

  3   mais nous allons tout d'abord entendre la déposition du témoin plutôt que

  4   de commencer à aborder d'autres questions.

  5   Nous allons faire une pause et reprendre à 14 heures 15.

  6   --- L'audience est suspendue à 13 heures 31.

  7   --- L'audience est reprise à 14 heures 22.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, vous avez jusqu'à 14

  9   heures 45 [comme interprété] pour ce qui est de vos questions. Nous avons

 10   dû attendre pour que le témoin finisse la lecture.

 11   Donc utilisez le temps le plus efficacement possible. Jusqu'à 15

 12   heures 15.

 13   M. JORDASH : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  Monsieur Ivor, en page 6, dont je vous ai demandé de prendre

 15   connaissance, l'orateur déclare que les relations ont été rompues avec la

 16   Republika Srpska et ses dirigeants. J'aimerais que vous apportiez votre

 17   commentaire à cette phrase en vous appuyant sur l'expérience qui est la

 18   vôtre à partir du 30 août 1994. Est-ce que ceci a fait l'objet de vos

 19   constatations, est-ce que vous pouvez commenter ?

 20   R.  Oui. J'étais à Belgrade lorsque cela s'est passé. Cette phrase, elle

 21   est apparue dans une interview accordée par Milosevic au journal

 22   "Politika", qui constituait une attaque extraordinairement forte contre les

 23   dirigeants serbes de Bosnie. Le langage utilisé par Milosevic a été

 24   commenté par des personnes qui étaient à Belgrade depuis de nombreuses

 25   années et qui se sont dites ébahies, littéralement. Les commentateurs ont

 26   réellement été très surpris de la véhémence du langage utilisé par

 27   Milosevic. Et cette surprise, cette rupture entre les dirigeants de Serbie

 28   et les dirigeants bosno-serbes, Milosevic a déclaré - et je vous le cite de


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  1   mémoire - que la politique des dirigeants de Pale était désastreuse pour la

  2   population serbe et que, suite à cela, la Serbie avait le droit de protéger

  3   ses propres intérêts et s'apprêtait à imposer un blocus sur la Drina. Et je

  4   pense que c'est dans la même interview que Milosevic a lancé un

  5   avertissement aux dirigeants de Pale en leur indiquant qu'il importait de

  6   ne pas organiser un référendum sur la question. C'était un avertissement

  7   que les dirigeants de Pale ont ignoré en organisant un référendum en vue de

  8   rejeter les dernières propositions faites par la communauté internationale.

  9   Et c'est donc ainsi que la fermeture de la frontière s'est produite, que

 10   des observateurs sont arrivés sur place et que les sanctions mineures

 11   imposées contre la République fédérale de Yougoslavie ont été levées.

 12   Q.  Combien a duré la fermeture de la frontière, et à quel moment sont

 13   arrivés les observateurs internationaux, si vous pouvez vous en souvenir ?

 14   R.  Je serais incapable de vous donner la date exacte, car les dates, je

 15   pense, vous pouvez les déterminer plus facilement que moi. Mais tout cela

 16   s'est passé très rapidement. Les observateurs sont arrivés en plusieurs

 17   groupes. Leur arrivée a commencé par celle d'un groupe limité

 18   d'observateurs, si je me souviens bien, et d'autres groupes sont arrivés

 19   par la suite en plus grands nombres. Ceci était organisé par Lord Owen et

 20   par M. Stoltenberg et d'autres représentants de l'Union européenne.

 21   Q.  Dans le texte que je vous ai demandé de lire, d'après l'une des options

 22   présentées, je vous parlais de l'option B, présentée par l'orateur. La

 23   communauté internationale devait se retirer de l'ex-Yougoslavie afin de

 24   laisser les parties en présence s'épuiser mutuellement sur le plan

 25   militaire. Et d'après l'orateur, la conséquence de tout cela devait être un

 26   afflux incontrôlable de mercenaires, d'armes, et de matériel militaire et

 27   une intensification des opérations de combat. Est-ce que cette option

 28   représentait une possibilité sérieusement envisagée à l'époque ?


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  1   R.  Je ne suis pas sûr que cela ait été sérieusement envisagé par les

  2   dirigeants de Belgrade. Le problème qui se posait à la communauté

  3   internationale était que leur objectif consistait à continuer à intensifier

  4   la pression sur les Serbes de Bosnie pour qu'ils acceptent le plan de paix

  5   de la communauté internationale, c'est-à-dire le Groupe de contact dans le

  6   but de mettre finalement un terme à la guerre. Je ne pense pas qu'aucun des

  7   représentants de la communauté internationale pensait que ce serait une

  8   bonne idée de simplement se retirer en laissant les deux parties en

  9   présence s'épuiser mutuellement. Ceci n'a pas été une option considérée

 10   sérieusement, pour autant que je le sache.

 11   Q.  Vous avez dit que Milosevic considérait la politique menée par les

 12   dirigeants de Pale comme désastreuse pour la population serbe et les

 13   intérêts de la Serbie. Quels étaient les intérêts dont Milosevic vous

 14   aurait parlé, à vous ou à d'autres à ce moment-là, qui ont été lésés par la

 15   démarche suivie par les Serbes de Bosnie ?

 16   R.  Je pense que deux choses doivent être indiquées ici. Politiquement,

 17   Milosevic estimait que la Serbie subissait des pressions énormes, car la

 18   Serbie était considérée comme largement responsable de la crise, pour

 19   commencer, et faisait l'objet de sanctions qui avaient une incidence

 20   négative sur la population de Serbie, tout comme sur la population de la

 21   Republika Srpska, mais beaucoup plus pour la population de Serbie. Je pense

 22   qu'une grande partie de la communauté serbe de la Republika Srpska se

 23   composait des gens de la campagne, de paysans - et j'en place le terme sans

 24   aucun aspect péjoratif - qui avaient une vie très simple et qui tiraient

 25   leur revenu de l'exploitation de la terre. Les sanctions avaient une

 26   incidence relativement limitée sur les paysans moyens qui vivaient dans les

 27   territoires serbes de Bosnie; alors qu'à Belgrade, ville cosmopolite, les

 28   sanctions affectaient grandement la population, comme j'ai pu le constater


Page 18574

  1   à partir du jour de mon arrivée, d'ailleurs. La monnaie avait

  2   considérablement baissé en valeur le jour où je suis arrivé. Si je ne me

  3   trompe, je crois que l'inflation avait atteint 352 trillion %, c'est-à-dire

  4   à peu près 2 % par seconde, en tout cas un pourcentage absolument

  5   fantastique, même s'il s'agit uniquement de 2 % par minute. Quoi qu'il en

  6   soit, la situation économique était sans doute pire en Serbie et dans la

  7   République fédérale yougoslave qu'elle ne l'était dans la Republika Srpska.

  8   Donc ça, c'est un aspect des choses. Et l'autre aspect des choses

  9   c'est que Milosevic, manifestement, souhaitait la levée des sanctions le

 10   plus rapidement possible, et il n'était pas aidé dans ses efforts pour se

 11   maintenir au pouvoir par le fait qu'il y avait un pays qui finalement avait

 12   été réduit à l'état de mendicité par les sanctions internationales, donc il

 13   avait besoin d'une levée des sanctions. Un autre aspect des choses encore,

 14   à mon avis, c'était la tendance qui était déjà perceptible à ce moment-là,

 15   tendance à ce que l'équilibre militaire échappe aux Serbes de Bosnie. Et à

 16   mon avis, l'une des préoccupations de Milosevic était que si les dirigeants

 17   militaires des Serbes de Bosnie donnaient l'impression d'avoir été

 18   totalement dépassés ou écrasés, des pressions énormes seraient exercées sur

 19   Milosevic pour qu'il intervienne militairement en Bosnie-Herzégovine, ce

 20   qui ne pouvait qu'aggraver sa situation.

 21   Q.  Est-ce que quelque chose a été dit, est-ce que des inquiétudes

 22   ont été exprimées au sujet du sort que livraient les civils si la direction

 23   des Serbes de Bosnie s'écroulait ?

 24   R.  Les civils résidant où ?

 25   Q.  Dans la Republika Srpska.

 26   R.  Non. Mais je devrais nuancer mon propos. D'après ce dont je me

 27   souviens, aucune expression d'inquiétude de ce genre ne m'a été

 28   communiquée, mais enfin les événements ont eu lieu il y a plus de 15 ans.


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  1   Il est possible que je ne m'en souvienne pas, simplement.

  2   Q.  Je vous remercie. L'option C a été discutée au sein du Conseil suprême

  3   de la Défense par l'orateur, et cette option C proposait l'imposition d'un

  4   plan de paix par la communauté internationale. En page 16 du document,

  5   l'orateur fait remarquer que les événements qui se déroulaient seraient

  6   extrêmement négatifs pour la sécurité de la République fédérale yougoslave,

  7   et aurait pour résultat, entre autres, une tentative d'organiser des unités

  8   paramilitaires qui seraient ensuite envoyées au secours de la Republika

  9   Srpska. Est-ce que vous auriez entendu parler des dirigeants serbes de

 10   Belgrade qui auraient exprimé leur crainte par rapport à une telle

 11   possibilité au cas où le plan de paix n'était pas accepté par les Serbes de

 12   Bosnie ? Est-ce que quelqu'un vous aurait dit que l'un des problèmes qui

 13   pourrait résulter d'un tel refus risquait d'être une nouvelle tentative

 14   d'organiser des unités paramilitaires en Serbie, pour les envoyer ensuite

 15   au Republika Srpska ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Laissons ce texte de côté pour le moment.

 18   M. JORDASH : [interprétation] Je demanderais que vous preniez connaissance

 19   de la pièce P258.

 20   Q.  Vous n'aurez pas un texte si important à lire cette fois-ci.

 21   M. JORDASH : [interprétation] Page 51 de la version anglaise à l'écran, je

 22   vous prie. C'est un document conservé sous pli scellé.

 23   Voyons si nous pouvons accélérer un peu.

 24   Q.  Pendant que ces événements se déroulaient, d'après le procès-

 25   verbal de la réunion du Conseil suprême de Défense, Milosevic exprime sa

 26   position, en tout cas ce qui semble être sa position - et c'est ce que nous

 27   trouverons ici en page 51 de la version anglaise du document dont je viens

 28   de demander l'affichage, qui correspond à la page 34 de la version B/C/S -


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  1   il présente donc sa position quant aux conséquences d'une unification, ou

  2   en tout cas d'une tentative d'unification entre la République fédérale

  3   yougoslave et les dirigeants de la Republika Srpska. Et j'aimerais vous

  4   demander si c'est un sujet dont vous avez discuté avec lui à quelque moment

  5   que ce soit. Je vous réfère au bas de la page affichée à l'écran. C'est

  6   Milosevic qui s'exprime, et il dit, je cite :

  7   "Permettez-moi de vous rappeler qu'après l'adoption du plan de paix, la

  8   République de Krajina serbe a décidé de résoudre sa propre situation par

  9   voie de négociations, et pas par la guerre".

 10   Et puis, dans la page suivante, il dit, je cite :

 11   "Toute unification déclencherait immédiatement une guerre entre la Croatie

 12   et la Krajina, la Croatie jouissant de l'appui du monde entier. On

 13   parlerait d'occupation et de création d'un nouveau territoire".

 14   Alors Milosevic, en même temps que la République de Serbie ou la Republika

 15   Srpska, rejetait peut-être cette solution, il l'a peut-être fait, en tout

 16   cas, dans cette dernière réunion du conseil. Est-ce que c'est quelque chose

 17   dont vous avez discuté avec Milosevic ou dont vous aviez eu connaissance à

 18   l'époque ?

 19   R.  Ceci date de l'époque des discussions relatives à l'unification entre

 20   la République de Serbie et la RSK, mais je n'en ai pas discuté avec

 21   Milosevic.

 22   Q.  Est-ce que vous aviez connaissance de cette position officielle du

 23   gouvernement serbe de Belgrade ?

 24   R.  Il était opposé à cela.

 25   C'est une citation de Milosevic, n'est-ce pas ?

 26   Q.  Oui.

 27   R.  Il déclare que ceci déclancherait une guerre avec la Croatie, qui

 28   jouissait de l'appui du monde entier. Donc, il n'était pas partisan de


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  1   cette option ou ne pensait pas que c'était une bonne idée.

  2   Q.  Est-ce que vous avez été au courant de cela à l'époque, grâce à une

  3   conversation, et si oui, avec qui ?

  4   R.  Je pense que c'est plutôt la lecture de la presse officielle de

  5   Belgrade qui permettait de voir - et bien sûr, cette presse était sous le

  6   contrôle de Milosevic - de voir donc, un certain nombre de propositions,

  7   négatives dans ce cas précis, mais je ne me rappelle pas avoir discuté de

  8   cette question avec Milosevic en personne. J'ai déduit, à partir de

  9   certaines discussions ou à partir de ce que j'avais pu lire dans les médias

 10   officiels, que ce n'était pas une bonne idée, d'après lui, et qu'il ne la

 11   soutenait pas.

 12   M. JORDASH : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

 13   1D05476 à l'écran.

 14   Q.  Et Sir Ivor, je demanderais que vous soit fourni un exemplaire papier

 15   de ce document.

 16   R.  5476.

 17   Q.  Oui. C'est une note officielle tirée des documents du centre de Sûreté

 18   de l'Etat. Vous l'avez lue, peut-être ?

 19   R.  Je l'ai lue rapidement. Quel est le passage qui fera l'objet de vos

 20   questions ?

 21   Q.  Eh bien, j'aimerais accélérer un peu les débats en résumant ce

 22   document. Dans ce rapport, il semble être question d'une conversation avec

 23   le ministre, ou en tout cas avec l'ancien conseiller auprès du ministre

 24   chargé de la Sûreté de l'Etat de la Republika Srpska, Slobodan Skipina ?

 25   R.  Skipina, oui.

 26   Q.  Qui parle d'une réunion d'un organisme dans son complet ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Au cours de laquelle Karadzic et Krajisnik ont fermement attaqué les


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  1   dirigeants de la République de Serbie et les services de Sûreté de l'Etat

  2   de Serbie pour s'être mêlés des affaires des Serbes de Bosnie.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et on y voit une demande que le ministre rompe tous les liens et tous

  5   les contacts qu'il pouvait avoir avec les membres de la Sûreté de l'Etat de

  6   la République de Serbie. Je voulais simplement vous demander si vous aviez

  7   connaissance de ces oppositions et si vous connaissiez la position de

  8   Karadzic à l'époque, novembre 1994, au sujet de la Sûreté de l'Etat ?

  9   R.  Eh bien, manifestement, ceci se passait après la fermeture de la

 10   frontière entre la Serbie et la Republika Srpska, au moment où des tensions

 11   extraordinaires existaient sur le plan militaire entre les dirigeants

 12   politiques de Belgrade et ceux de Pale, des tensions qui n'existaient pas

 13   nécessairement entre les armées des deux Etats, premièrement, et qui

 14   n'existaient pas non plus nécessairement entre les services de Sûreté des

 15   deux Etats, deuxièmement. Après tout, ces organismes n'étaient pas des

 16   rivaux politiques comme l'était Milosevic par rapport à Karadzic et

 17   Krajisnik. Je pense avoir dit dans ma déclaration de témoin que Milosevic

 18   considérait Karadzic comme le monstre de Frankenstein, qui aurait donc

 19   outrepassé les objectifs de son créateur et n'acceptait plus d'instructions

 20   de sa part. Donc, voilà quels étaient les rapports existants entre

 21   Milosevic et Karadzic, ainsi qu'entre Milosevic et Krajisnik, en fait. Mais

 22   les rapports qui unissaient les responsables de la Sûreté de l'Etat de la

 23   Republika Srpska et de la Yougoslavie étaient, à mon avis, un peu

 24   différents. Tout comme l'étaient les rapports existants entre les deux

 25   armées. Et l'impression que j'ai acquise à ce sujet date de la même époque

 26   que celle à laquelle ce rapport a été rédigé, à savoir novembre 1994. Je

 27   crois me rappeler avoir rencontré le général Perisic, qui était à l'époque

 28   chef de l'état-major général de la Yougoslavie qui, parlant de la fermeture


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  1   de la frontière, a dit clairement que s'il appliquait cette mesure de

  2   fermeture, c'était une mesure qui n'avait pas toute sa sympathie et que sa

  3   sympathie allait plutôt vers son frère d'armes au niveau de l'armée, à

  4   savoir le général Mladic.

  5   Q.  Ce document permet de penser qu'une opposition existait, en tout cas à

  6   un certain niveau, entre la Sûreté de l'Etat de Serbie et Karadzic et

  7   Krajisnik d'autre part, c'est certain. Est-ce que vous pourriez commenter

  8   cela ?

  9   R.  Non. L'impression que je retire de la lecture de ce court procès-verbal

 10   m'amène à penser que le service de Sûreté de l'Etat serbe se considérait

 11   toujours comme le plus important partenaire des Serbes de Bosnie, et que ce

 12   service de Sûreté de l'Etat de Serbie pensait toujours être en mesure

 13   d'imposer sa volonté aux Serbes de Bosnie, et que Karadzic et Krajisnik

 14   étaient déterminés à ce que l'imposition de cette volonté soit rendue

 15   impossible et que soit empêchée d'agir toute personne qui souhaiterait

 16   continuer à maintenir la rupture des relations avec la Sûreté de l'Etat de

 17   Yougoslavie ou de la République de Serbie.

 18   Q.  Pour que tout soit clair, est-ce que vous commentez sur la base de

 19   votre interprétation du document ou sur la base de faits que vous ayez pu

 20   observer personnellement à l'époque ?

 21   R.  Non, je ne dirais pas que je disposais de quelque fait que ce soit. Je

 22   vous parle de l'impression que j'ai retirée qui s'appuie sur les motifs que

 23   je vous ai décrits précédemment, à savoir que si les dirigeants politiques

 24   n'étaient pas en très bons termes les uns avec les autres, à d'autres

 25   niveaux des conversations et un esprit de compréhension continuait à régner

 26   entre les responsables de la Sûreté de l'Etat et de l'armée des deux états.

 27   Q.  Vous avez dit il y a un instant que Perisic appliquait la mesure de

 28   fermeture de la frontière, même si ses sentiments personnels étaient plutôt


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  1   opposés à cette mesure. Combien de temps a-t-il appliqué cette mesure ?

  2   Pouvez-vous nous citer un cadre temporel ?

  3   R.  Eh bien je crois que cela a duré un peu plus d'un an, si je me souviens

  4   bien, jusqu'à la signature des accords de paix de Dayton. Je pense que la

  5   signature des accords de paix de Dayton a eu lieu en novembre 1995, n'est-

  6   ce pas, et la frontière a été fermée en septembre 1994. Donc je parle en

  7   termes très généraux et je ne me rappelle pas les dates exactes, mais nous

  8   parlons, je suppose, de 14 mois, à peu près.

  9   Q.  Merci. Regardons maintenant la pièce 1D05477. Et j'espère que vous avez

 10   déjà eu ce document.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Il s'agit du rapport de Sûreté de l'Etat et ce rapport a été envoyé du

 13   centre d'Uzice. Avez-vous eu l'occasion de le lire ?

 14   R.  Je ne l'ai pas lu jusqu'à la fin. Je suis arrivé jusqu'à la page 7, vu

 15   le temps qui m'a été accordé pour le lire.

 16   Q.  La page 6 est la page qui m'intéresse le plus pour ce qui est de ce

 17   document. Dans la version en B/C/S, cela correspond à la page 3.

 18   R.  Excusez-moi. Qu'est-ce que c'est le B/C/S ?

 19   Q.  Excusez-moi. C'est pour les personnes qui lisent le B/C/S.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que c'est une expression qui

 21   n'est pas connue. Au début du travail de ce Tribunal, il y a eu une sorte

 22   de sondage pour ce qui est des langues qui ont été utilisées sur le

 23   territoire de l'ancienne Yougoslavie qui nous a menés à la conclusion que

 24   la langue bosniaque, croate et serbe, ce sont des langues qui sont parlées

 25   sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie, et on a donc pris la décision

 26   de l'appeler le B/C/S.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, je vois. C'est une langue, le B/C/S.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous inviter de lire ces


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  1   rapports pour voir quelles sont les différences et les similitudes pour ce

  2   qui est de ces langues, mais tous ceux qui sont qui sont de l'ancienne

  3   Yougoslavie sont censés pouvoir comprendre cette langue, qui est une langue

  4   complexe et que nous appelons le B/C/S, le bosniaque, le serbe et le

  5   croate.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Pour ce qui est de ce rapport, à la page 6 de

  8   la version de l'anglais, en anglais, il a été noté que Karadzic était

  9   pessimiste pour ce qui est de la situation sur le territoire de la

 10   Republika Srpska. C'est le mois d'avril 1995. Et l'une des raisons pour

 11   laquelle Karadzic était pessimiste pour ce qui est de la situation à

 12   l'époque était que la VRS se trouvait dans une situation qui ne la

 13   renforçait pas et ne pouvait pas faire de déplacements puisqu'il y a eu la

 14   pénurie du carburant, des munitions. Pouvez-vous nous donner vos

 15   commentaires pour ce qui est de sa position ?

 16   R.  Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt et je ne l'ai pas vu, je n'ai pas vu

 17   Karadzic probablement pendant un an avant cela, ou peut-être neuf mois. Et

 18   c'est pour cela que j'étais étonné de voir son commentaire selon lequel il

 19   était pessimiste. Je pense qu'il avait une image très fidèle de la

 20   situation et des raisons pour lesquelles les choses ne se développent pas

 21   de façon favorable pour la Republika Srpska et pour la VRS. Et j'ai

 22   toujours eu l'impression lorsque je le voyais qu'il était plein de

 23   confidence [comme interprété], peut-être même trop. Et ce qui est

 24   intéressant ici est de voir qu'il était en fait -- qu'il savait quelles

 25   étaient les difficultés concernant sa position et l'impact de la fermeture

 26   des frontières sur la situation de la Republika Srpska et de la VRS, la

 27   pénurie du carburant, des munitions.

 28   Q.  Est-ce qu'il y avait une raison précise pour laquelle vous ne voyiez


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  1   pas Karadzic régulièrement ?

  2   R.  Oui. Tout simplement c'était parce que les frontières étaient fermées

  3   et les dirigeants des Serbes de Bosnie ne pouvaient pas se déplacer en

  4   Serbie. Moi j'étais à Belgrade. Bon, c'était l'explication de cela.

  5   Q.  Merci. Permettez-moi de parler d'un autre sujet par rapport au document

  6   D00536. Je ne sais pas si on vous a donné ce document.

  7   R.  Oui. C'est du mois de juin 1995.

  8   Q.  C'est la déclaration du président du conseil de sécurité.

  9   R.  C'était après la crise concernant les otages, n'est-ce pas ?

 10   Q.  Oui.

 11   R.  Je ne me souviens pas des dates exactes.

 12   Q.  Oui, je pense qu'à ce moment-là la crise des otages était à son

 13   paroxysme. Et cela devrait être sous pli scellé.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas que cela soit diffusé au

 15   public. Bon, je suis surpris de voir que c'est la déclaration du président

 16   du conseil de sécurité. Comment est-ce possible que cela soit un document

 17   confidentiel ?

 18   M. JORDASH : [interprétation] Moi aussi j'étais surpris. Et je suppose que

 19   ce n'était pas confidentiel. Mais alors j'ai vu Mme la Greffière d'audience

 20   donnant la réponse selon laquelle c'était confidentiel.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, est-ce

 22   que vous avez une explication pour ce qui est de cette déclaration du

 23   président du conseil de sécurité ? Pourquoi cette déclaration devrait être

 24   sous pli scellé ?

 25   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit peut-être d'une erreur. Il n'y

 27   a aucune raison pour laquelle ce document soit un document confidentiel.

 28   Vous pouvez l'utiliser en tant que document public, Maître Jordash.


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  1   M. JORDASH : [interprétation] Merci.

  2   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame la Greffière d'audience nous

  4   a expliqué que puisque le document a reçu une cote provisoire, le document

  5   se trouvait dans le jeu de documents qui était sous pli scellé, et il n'a

  6   pas été retiré de cette collection de documents sous pli scellé.

  7   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, indépendamment du statut de cette

  9   collection de documents, ce document ne peut pas être un document

 10   confidentiel.

 11   Poursuivez, Maître Jordash.

 12   M. JORDASH : [interprétation] Merci.

 13   Q.  A l'époque, étiez-vous au courant du fait que la crise concernant les

 14   otages impliquait le fait de bloquer plusieurs membres du personnel de la

 15   FORPRONU ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Etes-vous d'accord pour ce qui est de la teneur de la déclaration pour

 18   ce qui est du contexte plus large de cette prise d'otages ?

 19   R.  Bien, non. Je n'étais pas en Bosnie. J'étais au courant des rapports

 20   qui affluaient et j'étais au courant de ce qui se passait en Bosnie.

 21   Q.  Est-ce que cela correspond à ce que vous avez pu lire dans les rapports

 22   que vous obteniez ?

 23   R.  Pour autant que je puisse m'en souvenir, oui. Puisque beaucoup de temps

 24   s'est écoulé depuis.

 25   Q.  Et après la crise de prise d'otages, pouvez-vous nous dire ce qui s'est

 26   passé pour ce qui est des pourparlers de paix, est-ce que ça s'est

 27   poursuivi ?

 28   R.  Je dirais que cela s'est arrêté provisoirement puisque cette crise de


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  1   prise d'otages était devenue la question la plus urgente, pour ce qui

  2   concernait mon étage au moins.

  3   Q.  Donc cela a été de côté pendant combien de temps ?

  4   R.  Pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que la crise des otages n'ait

  5   été résolue. Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir compris votre

  6   question. Pour ce qui est des tentatives d'arriver à une solution

  7   politique, elles se poursuivaient du point de vue technique, mais cela ne

  8   voulait pas dire que quoi que ce soit se passait.

  9   Q.  Et pour ce qui est des événements survenus sur le terrain, est-ce que

 10   cela a eu un impact sur les opérations militaires sur le terrain sur le

 11   territoire de la Republika Srpska et de la Bosnie tout entière ?

 12   R.  Je ne peux pas répondre à votre question. Puisque j'étais en Serbie à

 13   l'époque, mis à part une visite que j'ai faite en Bosnie, Milosevic en

 14   personne m'a autorisé à le faire puisque la frontière était fermée. J'y

 15   suis allé pour avoir une réunion avec deux dirigeants des Serbes de Bosnie

 16   pour exprimer la colère de mon gouvernement concernant les événements

 17   survenus pour ce qui est des otages de la FORPRONU et pour les avertir en

 18   leur disant que c'était une question d'une importance primordiale pour le

 19   pays et que ces otages devaient être relâchés, sinon il y aurait des

 20   conséquences sévères pour les Serbes de Bosnie.

 21   Q.  Est-ce qu'il y a eu des discussions pour ce qui est des conséquences

 22   éventuelles ?

 23   R.  Ils m'ont posé cette question, et je leur ai dit que l'intervention

 24   militaire des forces britanniques aurait pu être lancée pour libérer les

 25   otages et pour punir les personnes qui les ont pris en otage.

 26   Q.  Vous nous avez dit que vous étiez en Serbie à l'époque. Est-ce qu'on

 27   vous avez été informé des changements pour ce qui est des opérations

 28   militaires, des informations disant que les combats auraient été arrêtés ou


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  1   auraient été intensifiés ?

  2   R.  Eh bien, il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées pendant cet

  3   été-là. Peu après ce moment-là, je pense que les forces croates ont lancé

  4   une attaque contre le territoire de la République de Krajina serbe, et cela

  5   a provoqué le flux de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés serbes qui

  6   affluaient en Serbie. Nous pouvions les voir à Belgrade, sur les routes.

  7   Pour ce qui est des actions militaires pendant cette crise des otages et

  8   l'impact de ces actions militaires, c'est quelque chose dont je ne me

  9   souviens pas. Et je ne suis pas certain d'avoir été en mesure de voir tout

 10   ce qui se passait de l'endroit où je me trouvais à Belgrade.

 11   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le

 12   document 1D05433.

 13   Q.  Est-ce que vous l'avez devant vous, Sir Ivor ?

 14   R.  Quelle est la référence, s'il vous plaît ?

 15   Q.  1D5433.

 16   R.  Je pense que je ne l'ai pas, non.

 17   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher le document à

 18   l'écran, s'il vous plaît.

 19   Le document porte la date du 20 juin 1995. C'est le document 5453. Je

 20   n'ai pas pu lire correctement le numéro du document. C'est 1D05453.

 21   Q.  Le document porte la date du 20 juin 1995, et vous allez le voir dans

 22   quelques instants, le document provient du ministère au niveau fédéral

 23   chargé des Affaires étrangères, secteur des relations multilatérales. Le

 24   titre est : "Réaction à la libération des membres des forces de paix des

 25   Nations Unies qui ont été pris en otage par la RS."

 26   Pouvez-vous regarder ce document, s'il vous plaît.

 27   M. JORDASH : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante. Pour ce

 28   qui est de la version en B/C/S, il ne faut pas changer de page. Il faut


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  1   rester à la première page.

  2   Q.  C'est le troisième paragraphe qui m'intéresse.

  3   R.  Je l'ai lu.

  4   Q.  Est-ce que vous avez pris part à cette délégation qui, d'après le

  5   document, a exprimé une gratitude particulière à Jovica Stanisic vu son

  6   rôle lors de la libération des membres du personnel de la FORPRONU et de

  7   leur prise en charge ?

  8   R.  Je ne me souviens pas qu'une telle délégation ait été composée de

  9   membres, de ressortissants de France, du Canada, de la Grande-Bretagne.

 10   J'étais là-bas premier dans tous les cas. Je suis allé à Novi Sad au milieu

 11   de la nuit à l'époque pour ce qui est de la première libération des otages,

 12   et on pensait que les membres de la FORPRONU, les soldats, allaient être

 13   pris. Je suis allé là-bas et j'y suis resté jusqu'à ce que je n'aie

 14   rencontré les soldats. Il n'y avait personne de France ni du Canada là-bas.

 15   Je n'ai vu personne pour ce qui est du ministre des Affaires étrangères au

 16   niveau fédéral à cette occasion-là.

 17   Nous avons eu au moins deux tours de réunions pour ce qui est du

 18   rassemblement de nos unités. Et à la fin de tout ce processus, le

 19   gouvernement m'a demandé d'exprimer notre gratitude à des personnes qui ont

 20   pris part à la libération des soldats de la FORPRONU. Mais moi,

 21   personnellement, je ne me souviens pas d'avoir fait cela ensemble avec les

 22   Français ou les Canadiens. Je ne me souviens vraiment pas d'avoir fait cela

 23   en présence de Vladislav Jovanovic.

 24   Q.  J'aimerais vous poser une dernière question.

 25   Au paragraphe 14 de votre déclaration, vous avez dit que Milosevic a

 26   considéré Karadzic comme étant un obstacle majeur en matière d'achoppement

 27   pour ce qui est de ses efforts de mettre une fin à la guerre en Bosnie.

 28   R.  Et bon, il demandait, pendant que j'étais à Belgrade, tout moyen


Page 18588

  1   possible de faire partir Karadzic de ce bureau.

  2   Q.  Oui. Savez-vous si Stanisic a joué un rôle pour ce qui est du départ de

  3   Karadzic de la scène politique -- du limogeage de Karadzic ?

  4   R.  Milosevic a essayé de se débarrasser de Karadzic de différentes façons.

  5   Il espérait à un moment donné de pouvoir convaincre la majorité des députés

  6   à l'assemblée de Pale de voter le départ de Karadzic de cette position,

  7   mais cela n'a donné aucun résultat. Il a essayé d'encourager ceux qui,

  8   selon lui, seraient plus pour ses méthodes et pour ses objectifs, comme par

  9   exemple Nikola Koljevic, le vice-président des Serbes de Bosnie, puisqu'il

 10   pensait que c'était lui qui allait prendre le pouvoir, mais il était dévoué

 11   à Karadzic puisqu'il le connaissait depuis 30 ou 40 ans. Et la réponse à

 12   votre question est qu'il y a eu plusieurs manœuvres faites par Stanisic

 13   parce que Milosevic l'a utilisé pour essayer de faire appliquer sa volonté

 14   en Bosnie puisque toutes ses tentatives précédentes étaient tombées à

 15   l'eau.

 16   Q.  Savez-vous quel était le rôle de Stanisic pour ce qui est du limogeage

 17   éventuel de Karadzic ?

 18   R.  Je pense que cela nous amène à l'été 1996. C'est à ce moment-là où la

 19   communauté internationale a voulu se débarrasser de Karadzic. Elle était

 20   déterminée à le faire. Donc, qu'il parte de cette position de leader du SDS

 21   en tant que criminel de guerre. Et Karadzic disait qu'il n'était plus au

 22   pouvoir -- qu'il ne participait plus au pouvoir, mais cela n'avait aucun

 23   sens, et je pense que Jovica Stanisic a été envoyé pour dire clairement à

 24   Karadzic qu'il devait partir. C'est comme cela que j'ai compris cette

 25   manœuvre. Je n'ai pas vu cette manœuvre être réalisée, mais je pense que

 26   c'était mon interprétation du message qui a été envoyé de Milosevic à

 27   Karadzic.

 28   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce que je peux demander des instructions


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  1   ? Et après quoi, je vais en finir avec mes questions.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai besoin d'une clarification.

  3   J'ai écouté attentivement vos deux dernières questions, peut-être

  4   devrais-je attendre quelques secondes pour que Me Jordash puisse écouter ma

  5   question.

  6   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concerte]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, j'attendais pour

  8   que vous puissiez entendre ma question et la réponse du témoin.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors il ne m'est pas tout à fait clair

 11   pour ce qui est de la première question posée par Me Jordash, pour savoir

 12   quel était le rôle de Jovica Stanisic dans ces activités. Et ensuite, Me

 13   Jordash vous a posé quelques questions pour savoir si vous saviez quelque

 14   chose de plus, et vous avez répondu :

 15   "Je n'ai pas vu cela se passer physiquement, mais je pense que

 16   c'était le message qui a été envoyé par Milosevic. C'était évident."

 17   Et est-ce que vous pouvez vous souvenir plus précisément de ce que

 18   Milosevic vous a dit ? Est-ce qu'il vous a dit cela ou est-ce que quelqu'un

 19   d'autre vous a dit cela, à savoir que Milosevic a envoyé Stanisic ? Avez-

 20   vous des informations précises là-dessus ? Ou bien, est-ce que vous avez

 21   dit cela, est-ce que vous pensiez qu'il s'agissait d'une sorte du partage

 22   de travail entre Milosevic et Stanisic ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de tout cela. Très

 24   souvent, dans la presse, on pouvait lire que Milosevic envoyait Stanisic à

 25   Pale pour qu'il voie Karadzic. Ce n'était pas quelque chose qui devait

 26   nécessairement être considéré comme un secret d'Etat.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Et à d'autres occasions, il aurait peut-être

 


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  1   dit cela lorsqu'on était en compagnie de Carl Bildt, par exemple, ou

  2   lorsque moi j'étais en compagnie de Carl Bildt. C'était l'impression que

  3   j'avais. Et si vous me demandez comment j'ai appris cela, je ne peux pas

  4   vous répondre avec précision, puisque beaucoup de temps s'est écoulé

  5   depuis.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Continuez, Maître Jordash.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

  8   Q.  Merci, Sir Ivor.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, vous n'avez pas de

 11   questions ?

 12   M. BAKRAC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 14   Monsieur Farr, êtes-vous prêt à commencer votre contre-interrogatoire ?

 15    M. FARR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sir Ivor, maintenant M. Farr va

 17   commencer à vous poser des questions dans le cadre de son contre-

 18   interrogatoire. Il représente le bureau du Procureur.

 19   Monsieur Farr, vous pouvez commencer.

 20   Contre-interrogatoire par M. Farr :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Ivor.

 22   R.  Bonjour.

 23   Q.  J'aimerais clarifier certains points dans votre déclaration.

 24   Au paragraphe 5, vous parlez de la période après votre arrivée en

 25   République fédérale de Yougoslavie en 1994, et vous avez dit, je cite :

 26   "Milosevic a abandonné ses plans les plus ambitieux."

 27   A quoi avez-vous fait référence lorsque vous avez parlé des "plans les plus

 28   ambitieux" de Milosevic ?


Page 18591

  1   R.  Eh bien, c'était mon impression. Puisque je suis arrivé en Yougoslavie

  2   seulement au début de l'année 1994, comme je l'ai dit dans ma déclaration,

  3   au mois de mars, et c'est pour ça que mon impression était que Milosevic

  4   avait commencé sa carrière avec l'intention de devenir le nouveau leader,

  5   comme Tito, pour contrôler la Yougoslavie. Et je pense qu'il a estimé que

  6   d'autres républiques étaient en alerte pour ce qui est de sa conduite et il

  7   voulait donc être au pouvoir et rassembler tous les Serbes de l'ancienne

  8   Yougoslavie.

  9   Q.  Au paragraphe 6 de votre déclaration, vous avez dit :

 10   "…du mois d'août 1994, lorsque Milosevic a décidé d'accepter le plan

 11   de paix du Groupe de contact et de rompre les relations avec les Serbes de

 12   Bosnie jusqu'à ce qu'ils n'acceptent ce plan, Milosevic a coopéré avec la

 13   communauté internationale pour trouver la solution aux problèmes dans la

 14   région, la plupart desquels il avait créés."

 15   R.  Eh bien, par le biais du démantèlement de la RSFY.

 16   Q.  Et d'après vous, comment Milosevic avait-il occasionné ces problèmes ?

 17   R.  En essayant de prendre le contrôle de l'ensemble du pays, et lorsque

 18   ceci n'a pas abouti et qu'il n'a pas pu déstabiliser la Croatie et ensuite

 19   la Bosnie, avec l'aide de ses acolytes locaux, de faire un découpage de

 20   cette région en Etats serbes.

 21   Q.  Et vous poursuivez en disant que :

 22   "Il a appuyé le plan du Groupe de contact, et que ceci était

 23   cohérent. Les Etats-Unis, qui, à l'origine, avaient été sceptiques, avaient

 24   fini par adopter notre position, et que Milosevic constituait l'essentiel

 25   du problème, et que maintenant cet homme devait faire partie de la

 26   solution.

 27   Ce qui m'intéresse constitue "l'essentiel du problème". Par rapport à

 28   qui, c'est ça qui m'intéresse ?


Page 18592

  1   R.  Tudjman.

  2   Q.  Quelqu'un d'autre que vous aviez à l'esprit peut-être ?

  3   R.  Eh bien, je crois que de nombreux dirigeants d'ex-Yougoslavie se sont

  4   vu créditer le bénéfice de ce démantèlement. Certains exerçaient une

  5   certaine influence, d'autres exerçaient une influence moindre, mais je

  6   crois que personne ne s'en est tiré avec les mains franchement propres.

  7   Q.  Pour revenir au paragraphe numéro 5, vous avez parlé des relations qui

  8   existaient entre Milosevic et les Serbes de Bosnie, et vous avez dit des

  9   Serbes de Bosnie, je cite :

 10   "Ils se sont avérés être comme les monstres de Frankenstein, incontrôlés et

 11   désobéissants lorsque face aux instructions données par leur créateur."

 12   Qu'est-ce que vous entendez lorsque vous dites que Milosevic était le

 13   créateur des Serbes de Bosnie ?

 14   R.  Bien évidemment, c'est une figure de style. Il n'est évidemment pas le

 15   créateur. Je crois qu'il voyait dans les hommes comme Karadzic et

 16   Krajisnik, Plavsic et Konjevic et les autres membres de cette équipe, je

 17   crois qu'il voyait en eux des personnes qui pouvaient travailler avec lui

 18   et qui ne seraient pas contre le fait de mettre en œuvre ses plans pour

 19   créer une entité bosno-serbe.

 20   Q.  Et d'après ce que vous -- vous parlez de cette coopération. Et d'après

 21   vous, est-ce que cela allait au-delà de cela ?

 22   R.  Je ne vous suis pas très bien.

 23   Q.  Autrement dit, est-ce que cela allait au-delà d'un appui actif ou pas,

 24   ou quelque chose de ce genre ?

 25   R.  Ecoutez, cela remonte à une époque où je n'étais pas là. Donc je ne

 26   peux pas vraiment vous donner d'avis catégorique sur des événements

 27   auxquels je n'ai pas assisté puisque je n'étais pas dans cette région. Et

 28   par rapport à l'élément spatio-temporel, je ne pourrais pas répondre.


Page 18593

  1   Q.  Au paragraphe 12 de votre déclaration, vous dites que :

  2   "Milosevic et Karadzic partaient d'un point de vue politique tout à

  3   fait différent. Karadzic poursuivait cette voie d'ancien Chetnik, un

  4   nationaliste impénitent. Alors que moi, c'est toujours l'impression j'ai eu

  5   lorsque je lui ai parlé. Il y avait comme une sorte d'obsession avec le

  6   passé, avec la Serbie, avec la Serbie en général. Il s'était engagé à

  7   combattre ces guerres médiévales au XXe siècle et garder l'ennemi musulman

  8   à distance."

  9   Outre ce que je viens de vous lire, aviez-vous d'autres intentions

 10   derrière la tête lorsque vous avez dit que c'était un nationaliste

 11   impénitent qui suivait cette voie des anciens Chetniks ?

 12   R.  Je ne le pense pas.

 13   Q.  Et le fait d'être un nationaliste impénitent, est-ce que cela

 14   signifiait qu'il avait une quelconque vision ou un objectif eu égard à la

 15   population qui vivait dans les Balkans, ou en tout cas à quoi cette

 16   population devait ressembler ?

 17   R.  Je crois que ce serait une Yougoslavie dans laquelle la Serbie aurait

 18   le plus grand territoire possible.

 19   Q.  Et est-ce qu'il se serait agi de territoires qui auraient été nettoyés

 20   ethniquement parlant des non-Serbes ?

 21   R.  Tout à fait.

 22   M. FARR : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir le numéro 65 ter

 23   1345.1 à l'écran, s'il vous plaît.

 24   Q.  Monsieur, ce document est un extrait de la 42e Session de l'assemblée

 25   nationale de la Republika Srpska qui s'est tenue les 18 et 19 juillet 1994.

 26   L'objet à l'ordre du jour, c'est le plan du Groupe de contact, et je

 27   souhaite vous citer un propos du Dr Karadzic dans ce contexte-là.

 28   M. FARR : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la page 2 en


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  1   anglais, s'il vous plaît, et la page 2 en B/C/S. Cela se trouve vers le bas

  2   de la page dans les deux langues.

  3   Q.  Je vais vous lire la phrase qui commence : "Nous savons avec certitude

  4   qu'il nous faut trouver quelque chose…," et c'est Karadzic qui prend la

  5   parole, je cite :

  6   "Nous savons avec certitude qu'il nous faudra abandonner quelque chose.

  7   Cela est tout à fait clair au-delà de tout doute. Si nous souhaitons

  8   réaliser notre objectif stratégique essentiel qui est de se débarrasser des

  9   ennemis…"

 10   Et ensuite, à la page suivante en B/C/S, s'il vous plaît :

 11   "…de nous débarrasser des ennemis qui se trouvent dans notre maison, les

 12   Croates et les Musulmans, et ne plus faire partie du même Etat qu'eux."

 13   Donc ceci illustre-t-il les objectifs de Radovan Karadzic tels que vous les

 14   compreniez à l'époque lorsque vous l'avez connu ?

 15   R.  Pardonnez-moi, mais j'essaie de trouver l'endroit où on peut lire ceci.

 16   Q.  La phrase commence par : "Nous savons avec certitude…"

 17   R.  Oui, ça y est.

 18   Pardonnez-moi, quelle est votre question ?

 19   Q.  La question est celle-ci : à savoir si la situation que je viens de

 20   vous lire, à savoir à propos de se débarrasser des ennemis dans notre

 21   maison, les Croates et les Musulmans, et de ne pas faire partie du même

 22   Etat qu'eux, est-ce que ceci illustre l'objectif de Radovan Karadzic tel

 23   que vous le perceviez à l'époque où vous l'avez connu ?

 24   R.  Je crois que c'est un petit peu un euphémisme qui est utilisé ici

 25   lorsqu'on dit : Ne plus faire partie du même Etat qu'eux. Je crois qu'au

 26   plan linguistique, il utilise des termes qui sont destinés au grand public

 27   et qui sont assez rusés sur le plan politique. Autrement dit : Nous ne

 28   souhaitons pas le trouver sur le même toit que ces gens-là. Il n'est pas en


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  1   train de dire que : C'est notre maison et nous ne souhaitons qu'aucun

  2   d'entre vous ne se trouve à l'intérieur. Mais je crois que c'est cela qu'il

  3   souhaitait véritablement. Ou, en tout cas, c'est ce qu'il souhaitait

  4   lorsqu'il s'agissait de couvrir autant de territoire que possible. Et à

  5   cette date-là en 1994, il s'est rendu compte qu'il n'allait obtenir que la

  6   moitié de la Bosnie, en termes de territoire.

  7   M. FARR : [interprétation] Mesdames, Monsieur les Juges, je demande le

  8   versement au dossier de ces documents, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1345.1 recevra la cote

 11   P3115, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 13   Monsieur Farr, je vois que ceci se trouve à la page 72 et que vous

 14   avez utilisé la moitié de la page. Et vous souhaitez que les Juges de la

 15   Chambre lisent le reste du document - 75 pages ?

 16   M. FARR : [interprétation] Le document que nous avons sous les yeux est un

 17   document de trois pages. Il y a la page de couverture, cette page, et une

 18   autre page sur laquelle se poursuivent les commentaires du Dr Karadzic.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le problème -- donc il n'y a plus de

 20   problème en ce qui me concerne. Le P3115 est versé au dossier. En réalité,

 21   il s'agit simplement d'un extrait du procès-verbal, parce que le procès-

 22   verbal compte 75 pages. Mais il ne s'agit ici que d'un court extrait.

 23   M. FARR : [interprétation] C'est exact.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui soulève toujours la question de

 25   savoir si l'autre partie souhaite avoir un nombre plus important de pages

 26   pour placer tous les éléments dans leur contexte ou non.

 27   M. JORDASH : [interprétation] Ecoutez --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez y réfléchir, mais je


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  1   m'attends dans ce cas à ce que vous reveniez vers nous lors de la fin de

  2   l'audience consacrée aux questions d'intendance en fin de semaine.

  3   M. JORDASH : [interprétation] Oui, je vais voir s'il s'agit en fait d'un

  4   document que nous allons verser directement dans le prétoire.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Les 75 pages ?

  6   M. JORDASH : [interprétation] Cela se peut.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudra tenir compte de tout cela

  8   également.

  9   Maître Bakrac.

 10   M. BAKRAC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais consulter Me

 11   Jordash et nous adopterons sans aucun doute la même position, mais il nous

 12   faudra aborder cette question ensemble.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   Vous pouvez donc poursuivre, Monsieur Farr.

 15   M. FARR : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur, dans votre déclaration, vous faites remarquer que Milosevic

 17   et Karadzic avaient des points de vue, au plan politique, très différents.

 18   Est-il exact de dire que les opinions de Karadzic étaient un secret de

 19   polichinelle, et que Milosevic aurait certainement été au courant des

 20   opinions politiques de Karadzic, et que Milosevic appuyait ou coopérait

 21   avec Karadzic ?

 22   R.  Je ne peux pas vous le dire. Lorsqu'il coopérait avec Karadzic, avant

 23   d'avoir subi cette humiliation à Pale, lorsque son appui au plan Vance-Owen

 24   a été rejeté, un an environ avant mon arrivée en Serbie. C'était en 1993.

 25   Q.  Au paragraphe 9 de votre déclaration, vous évoquez la période qui a

 26   suivi Dayton, et vous dites ce qui suit, je cite :

 27   "Milosevic souhaitait ardemment à ce moment-là se présenter même de façon

 28   improbable comme étant l'homme qui avait permis à mettre un terme aux


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  1   guerres dans la région".

  2   Et ce qui m'intéresse ici, je suppose, c'est "même si c'est improbable".

  3   Pourquoi êtes-vous sceptique du portrait que présente Milosevic de lui-

  4   même, à savoir comme quelqu'un qui aurait œuvré et permis le rétablissement

  5   de la paix ?

  6   R.  Eh bien, c'est improbable parce qu'il s'appelait le "boucher des

  7   Balkans", quelqu'un qui avait joué un rôle essentiel et qui avait été à

  8   l'origine de ces guerres épouvantables en Croatie et en Bosnie, et, par

  9   conséquent, il est clair qu'on pouvait mettre en doute cela. Je dois dire

 10   que la personne qui avait provoqué tous ces désordres et qui était

 11   maintenant l'homme qui voulait être perçu comme l'homme qui mettait un

 12   terme à la guerre. Je crois que dans certains de ces écrits sur le sujet,

 13   j'ai décrit Milosevic comme étant un pyromane et un sapeur-pompier. En

 14   fait, c'est un peu maladroit de ma part, mais c'est quelqu'un, si vous

 15   voulez, qui met le feu à une nation entière et qui ensuite revient avec des

 16   seaux d'eau entiers pour éteindre le feu et veut que cela soit porté à son

 17   crédit. Autrement dit, j'essaie d'expliquer qu'il était juste pour lui de

 18   dire : Oui, effectivement, j'ai jeté de l'eau là-dessus pour essayer que

 19   les choses s'apaisent, mais ce qu'il n'a pas dit et ce qui ne figure pas

 20   dans l'équation, c'est pourquoi ce conflit a-t-il existé dès le départ ? Et

 21   la raison en est, ce sont les sanctions qui ont été imposées.

 22   Encore une fois, il faut que je remonte aux élections et mon

 23   manquement à vous donner de dates exactes. C'étaient les élections qui se

 24   sont déroulées vers la fin de l'année 1996, et Milosevic a pu se voir

 25   attribuer tout le crédit de la levée des sanctions contre la République

 26   fédérale de Yougoslavie. Et ceci a fait la une des journaux et a été décrit

 27   comme un triomphe total. Mais pourquoi les sanctions avaient-elles été

 28   imposées dès le départ ? Ça, c'est la question qui m'intéresse, et c'est la


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  1   raison pour laquelle je parle de cet homme qui est à la fois pyromane et

  2   sapeur-pompier.

  3   M. FARR : [interprétation] Pouvons-nous afficher le numéro 65 ter 6444,

  4   s'il vous plaît, à l'écran, et je fais remarquer qu'il s'agit du même

  5   document que celui qui a été versé au dossier sous la cote D78 [comme

  6   interprété]. Pardonnez-moi la version que j'ai téléchargée, parce que je

  7   suis sûr de la numérotation des pages, et je sais qu'il existe une

  8   traduction en B/C/S de ce texte. Donc, D780.

  9   Q.  Donc, le document qui va être affiché sur l'écran de vous est une

 10   transcription de l'entretien que vous avez donné au programme d'histoire

 11   diplomatique de la Grande-Bretagne. Et comme je vous l'ai dit, ceci peut

 12   être ajouté à votre déclaration.

 13   M. FARR : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir le haut de la page

 14   26 en anglais, qui correspond au milieu de la page 3 en B/C/S.

 15   Q.  Et tout en haut de la page en anglais, vous dites, et je cite :

 16   "Je l'ai sans doute rencontré 40 à 50 fois pendant une période qui

 17   correspondait environ à quatre ans".

 18   Donc, paragraphe 3 de votre déclaration, l'intervieweur vous demande alors

 19   :

 20   "Mais bon, malgré cela, cela correspond à un nombre important de réunions.

 21   Que pensiez-vous de lui ?"

 22   Et vous avez dit :

 23   "Je crois que c'est une éminence grise sans scrupule responsable de la mort

 24   de milliers de personnes. On ne pouvait pas se faire une image de cet homme

 25   autrement qu'en des termes négatifs".

 26   Je dois être très clair, je ne vous demande pas de parvenir à des

 27   conclusions au plan juridique, mais qui sont ces milliers de personnes que

 28   vous citiez lorsque vous avez dit que Milosevic était responsable de la


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  1   mort de milliers de personnes ?

  2   R.  Ecoutez, je n'ai pas de formation juridique, donc je ne sais pas très

  3   bien quelle est la question que vous me posez --

  4   Q.  Pourquoi avez-vous dit ce que vous aviez à l'esprit à ce moment-là,

  5   lorsque vous avez dit que Milosevic était responsable de la mort de

  6   milliers de personnes ?

  7   R.  Eh bien, je crois qu'il a joué un rôle-clé pour ce qui est d'avoir

  8   provoqué les guerres en Croatie et en Bosnie.

  9   Q.  Pour que ceci soit bien clair, qui étaient ces milliers de personnes

 10   que vous citiez ici ?

 11   R.  Ces personnes qui sont mortes en Croatie et en Bosnie.

 12   M. FARR : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant regarder le

 13   bas de la page 23 de l'anglais, s'il vous plaît, qui correspond au bas de

 14   la première page en B/C/S.

 15   Q.  Et tout en bas de la page, vous parlez de la crise des otages. Et comme

 16   cela est précisé au paragraphe 15 de votre déclaration, vous dites que vous

 17   êtes allé rencontrer Milosevic et vous avez insisté sur le fait que les

 18   soldats britanniques devaient sortir vivants. Et ensuite, vous avez dit

 19   être allé rencontrer les Serbes de Bosnie en Bosnie. Et l'intervieweur vous

 20   a posé la question suivante :

 21   "Vous traitez avec qui ?"

 22   M. FARR : [interprétation] Et est-ce que nous pourrons avoir la page

 23   suivante dans les deux langues, s'il vous plaît.

 24   Q.  Et en haut de la page, nous voyons votre réponse, qui est, je cite, que

 25   :

 26   "Toute une série de criminels de guerre, en vérité; quasiment chaque

 27   personne que je rencontrais était un criminel de guerre : Milosevic,

 28   Milutinovic, qui était ministre des Affaires étrangères, dont le procès est


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  1   en cours, je crois, à l'instant; Karadzic et Krajisnik, également

  2   poursuivis par la justice."

  3   Encore une fois, je ne vous demande pas de nous fournir des

  4   conclusions juridiques, mais dites-nous pourquoi vous avez décrit ces

  5   hommes comme étant des criminels de guerre ?

  6   R.  Eh bien, je ne suis pas avocat, comme je l'ai déjà admis, mais toutes

  7   ces personnes, au moment où j'ai donné cet entretien, toutes ces personnes

  8   avaient été mises en accusation en qualité de criminels de guerre.

  9   Q.  C'est la seule raison pour laquelle vous dites qu'il s'agissait de

 10   criminels de guerre ?

 11   R.  Eh bien, je crois qu'il y a des nuances juridiques que vous souhaitiez

 12   que j'aborde que je ne vais pas aborder, parce que je ne suis pas avocat.

 13   Et si vous le souhaitez -- ou si vous voulez, je n'ai pas été suffisamment

 14   précis lorsque j'ai parlé de toute une série de criminels de guerre mis en

 15   accusation.

 16   Q.  Je ne cherchais pas à obtenir de vous un quelconque avis sur le plan

 17   juridique. Je vous demandais simplement, puisqu'il s'agissait de faits

 18   portés à votre connaissance, ce que vous aviez à l'esprit lorsque vous les

 19   aviez qualifiés de cette façon. Je crois que vous avez indiqué que vous

 20   saviez qu'il s'agissait de criminels de guerre mis en accusation.

 21   Un peu plus loin dans le paragraphe suivant, vous dites que :

 22   "La plupart de ces personnes avec lesquelles j'avais traité sont soit

 23   mortes, soit des personnes mortes, de leur fait, en prison ou en fuite.

 24   Mladic, bien sûr, je l'ai rencontré une fois. Je crois en réalité qu'il

 25   était dérangé, mais les gens disaient qu'il était à Belgrade. Je ne sais

 26   pas si c'est exact".

 27   Pourriez-vous nous décrire les conditions dans lesquelles vous avez

 28   rencontré Mladic ?


Page 18602

  1   R.  Je crois que c'était une -- il s'agissait d'une question de -–

  2   d'exercer une pression sur Bihac. Je peux me tromper. Il s'agissait d'une

  3   des régions protégées, une zone protégée. Je peux vérifier. En fait, je

  4   vous donnais une réponse très générale, mais il y avait une pression forte

  5   qui était exercée et qui était un sujet de préoccupation pour mon

  6   gouvernement et les autres gouvernements occidentaux. On m'a donné des

  7   instructions, et on m'a dit que je devais aller parler à Milosevic, et il a

  8   dit qu'il avait fait de son mieux pour essayer de circonscrire les Serbes

  9   de Bosnie. Mais compte tenu des circonstances, étant donné qu'il y avait un

 10   désaccord notable entre les dirigeants serbes de Bosnie et les dirigeants

 11   yougoslaves, il me disait que : Bon, ils ne m'écoutaient pas. Ensuite, il a

 12   dit : Et, bien sûr, vous pouvez vous faire entendre directement, si vous le

 13   souhaitez, et vous adresser directement au général Mladic.

 14   Donc, c'est ce que j'ai fait. J'ai rencontré Mladic et j'ai signalé,

 15   et j'ai évoqué les mêmes choses que j'avais évoquées devant Milosevic, et

 16   j'ai parlé du caractère épouvantable de ce qu'il faisait, et fait de mon

 17   mieux pour essayer de faire en sorte qu'il s'en écarte. Et ensuite, il

 18   s'est lancé dans des jurons contre la Grande-Bretagne, attitude hostile

 19   envers les Serbes de Bosnie, et qu'il n'allait plus jamais acheter des

 20   chemises en soie fabriquées en Grande-Bretagne. Bien évidemment, j'ai eu

 21   l'air perplexe devant sa réponse, et il m'a expliqué que lorsqu'il était un

 22   jeune garçon pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Alliés avaient largué

 23   des vivres en parachute et que les parachutes avaient été fabriquées en

 24   soie, il ramenait ces parachutes à sa mère pour qu'elle puisse en faire des

 25   chemises en soie. Et depuis cette date, il achetait toujours des chemises

 26   en soie. Et à partir d'aujourd'hui, m'a-t-il dit, il n'allait plus jamais

 27   acheter des chemises en soie à Grande-Bretagne, en raison des hostilités

 28   incessantes envers les Serbes de Bosnie. C'est la raison pour laquelle je


Page 18603

  1   pensais qu'il était, en réalité, dérangé.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure, Monsieur Farr. Vous

  3   avez déjà dépassé l'heure un petit peu, et en général nous faisons une

  4   pause. Est-ce que vous maintenez toujours votre estimation initiale, à

  5   savoir que vous aurez besoin de deux heures; autrement dit, qu'il vous

  6   resterait une heure et 35 minutes ?

  7   M. FARR : [interprétation] Oui, pour l'instant. Oui, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Essayez de vous concentrer sur les

  9   questions le plus possible, et demander au témoin de faire de même.

 10   Nous allons faire une pause et reprendre à 16 heures 10.

 11   --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.

 12   --- L'audience est reprise à 16 heures 13.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur Farr.

 14   Maître Jordash, je crois qu'il y avait une certaine confusion

 15   concernant une déclaration du président du Conseil de sécurité, 1D05238,

 16   qui a été versée sous la cote provisoire D536.

 17   Alors il y a une liste, et il ne s'agit pas uniquement d'une liste,

 18   il y a également un tableau confidentiel où figurent tous les documents

 19   prévus et qui ont été placés provisoirement sous pli scellé. Donc, pour ce

 20   document-ci, je crois qu'il a été présenté par la Défense Stanisic. Il y en

 21   a de nombreux autres, et j'ai du mal à imaginer qu'ils puissent être tous

 22   confidentiels. Donc je voudrais rappeler qu'il y a eu un mémo confidentiel

 23   de la Défense Stanisic du 29 novembre 2011, et que ces listes sont toujours

 24   pendantes. Donc je voudrais qu'on procède à des vérifications quant à la

 25   nécessité ou non de maintenir la confidentialité de ces documents.

 26   Alors, Monsieur Farr, pouvez-vous poursuivre.

 27   M. FARR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 28   Peut-on afficher le document 6443 de la liste 65 ter.


Page 18604

  1   Q.  Pendant que ce document s'affiche, Monsieur le Témoin, il s'agit d'un

  2   article du "Sunday Independent", un journal irlandais, qui a été publié le

  3   29 mai 2011. Le titre en est : "Ma rencontre avec le monstre Mladic", avec

  4   en sous-titre "Ivor Roberts est surpris de constater que le dirigeant serbe

  5   psychotique ait permis qu'on le capture vivant." Alors, vous souvenez-vous

  6   avoir rédigé cet article pour le "Sunday Independent" ?

  7   R.  Oui, c'est bien ce que j'ai fait, bien que le titre ne soit pas de moi.

  8   Q.  Dans cet article, après avoir décrit rapidement votre rencontre avec

  9   Mladic, vous passez à la question de savoir comment il se fait que Mladic

 10   ait été en mesure pendant aussi longtemps que cela d'éviter d'être arrêté,

 11   et vous indiquez que les sondages semblent parler d'un niveau de soutien

 12   très important de Mladic parmi le public serbe. Alors, est-ce qu'on peut

 13   faire défiler le texte vers les deux derniers paragraphes en anglais et le

 14   bas de la deuxième page en B/C/S.

 15   R.  Est-ce qu'on peut agrandir un petit peu ? J'ai du mal à lire.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que c'est possible. Peut-on

 17   agrandir la seconde page, les deux derniers paragraphes.

 18   M. FARR : [interprétation] C'est le bas de la première page en anglais.

 19   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 20   M. FARR : [interprétation] Donc je crois qu'à l'écran nous avons ce qu'il

 21   faut.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, ça n'apparaît pas.

 23   M. FARR : [interprétation] La date n'apparaît pas sur le document en tant

 24   que tel. Mais quand nous avons téléchargé ce document sur internet, il

 25   était indiqué qu'il était du 29 mai 2011.

 26   Q.  Alors, peut-être, Sir Ivor, pourriez-vous nous confirmer que c'était

 27   bien la date approximative de sa publication ?

 28   R.  Je ne peux pas dire quelle était la date exacte, mais c'était


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  1   certainement peu de temps après la capture de Mladic. Je dirais une à deux

  2   semaines plus tard au maximum.

  3   Q.  Très bien. Alors je vais donner lecture de ces deux paragraphes et

  4   ensuite vous demanderais de nous donner un commentaire. Je cite :

  5   "Alors, pourquoi quelqu'un qui a commis des meurtres de masse est-il

  6   considéré comme un héros dans certaines portions de l'opinion serbe ?

  7   Lorsque la Bosnie multiethnique s'est déclarée indépendante de la

  8   Yougoslavie dominée par les Serbes, début 1992, et que la guerre de Bosnie

  9   a éclaté, le gouvernement yougoslave dirigé par Slobodan Milosevic a servi

 10   aux Serbes tant en Yougoslavie qu'en Bosnie une propagande incessante qui

 11   affirmait que les Serbes de Bosnie seraient massacrés au sein d'une Bosnie

 12   indépendante dominée par les Croates et les Musulmans majoritaires.

 13   "La seule réponse à cela, d'après la ligne qui était celle de cette

 14   propagande, consistait pour l'armée des Serbes de Bosnie (avec l'aide de

 15   ces frères d'armes serbes) à conquérir autant de parties de la Bosnie

 16   qu'elle le pouvait et à procéder au nettoyage ethnique des zones sous son

 17   contrôle, nettoyage des Musulmans et des Croates. Le reste n'est

 18   qu'histoire sanglante. Alors que nous autres voyions Mladic comme l'un des

 19   acteurs-clés et l'un des exécutants d'une entreprise criminelle, pour

 20   beaucoup de Serbes en Bosnie et en Serbie, il ne faisait que défendre les

 21   Serbes de Bosnie contre un génocide. C'est là une propagande dont le succès

 22   n'aurait pas démérité aux yeux d'un Goebbels. Et on en ressent encore les

 23   coups aujourd'hui."

 24   Alors, pourriez-vous nous dire d'abord ce que vous voulez dire exactement

 25   quand vous parlez du gouvernement yougoslave dirigé par Slobodan Milosevic

 26   ?

 27   R.  En fait, je ne fais qu'indiquer le contexte de ce qui s'est passé en

 28   Yougoslavie avant mon arrivée.


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  1   Q.  Vous dites que selon la ligne de la propagande en question, la seule

  2   réponse possible était pour l'armée des Serbes de Bosnie de conquérir

  3   autant de parties du territoire de la Bosnie qu'elle le pouvait et de

  4   procéder au nettoyage ethnique des zones qu'elle contrôlait, en nettoyant

  5   donc la population croate et musulmane. Est-ce que vous -- quelle vision

  6   aviez-vous de cette propagande ?

  7   R.  Eh bien, comme toute propagande, elle visait à persuader le public, le

  8   convaincre. Il s'agissait d'obtenir l'adhésion et le soutien du public à

  9   cette propagande qui visait un objectif particulier.

 10   Q.  Et quel était l'objectif ? Pourquoi fallait-il encourager la conquête

 11   et le nettoyage ethnique de la Bosnie par les Serbes de Bosnie ?

 12   R.  Eh bien, il s'agissait d'obtenir le soutien d'une telle politique, non

 13   pas nécessairement de la faciliter.

 14    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, mes collègues et moi-

 15   même nous demandons pourquoi il est nécessaire pour vous de faire des

 16   comparaisons avec les nazis et des monstres, et cetera ? Vous auriez pu

 17   introduire différemment ces sujets. Si c'est la propagande qui vous

 18   intéresse, posez des questions au témoin sans nous donner lecture de larges

 19   extraits. Il n'y a rien à dire concernant les formulations utilisées. Si

 20   c'est un texte qui doit être publié ou si l'on cherche à produire un

 21   certain effet auprès du public, mais cela est différent des éléments

 22   factuels que la Chambre voudrait obtenir de ce témoin. Cela ne fait que

 23   mélanger les choses. Par conséquent, si vous voulez élucider ce que ce

 24   témoin sait de la propagande, et nous savons à ce stade qu'il s'était déjà

 25   forgé une opinion auparavant - ce que chacun a le droit de faire - eh bien,

 26   faites-le. Mais la Chambre s'intéresse avant tout aux faits et à la

 27   connaissance des faits que pouvait avoir le témoin directement, et alors il

 28   y a inévitablement une part de jugement et une part d'évaluation dans


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  1   l'opinion et la position qui pouvaient être celles de Sir Ivor. Mais peut-

  2   être que tout cela pourrait être fait sans faire des comparaisons ou parler

  3   de monstres ou de référence à Goebbels.

  4   M. FARR : [interprétation] Oui. Je tiendrai compte de vos observations.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La seule chose que le témoin ait dit à

  6   ce stade, c'est que le titre n'était pas de lui. Alors vous n'avez pas

  7   établi le fait qu'il ait été l'auteur de cet article.

  8   M. FARR : [interprétation] En fait, si, Monsieur le Président, il a dit

  9   qu'il l'avait bien rédigé.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais en dehors de cela, s'il s'agit de

 11   ses propres mots, eh bien, je crois que les circonstances ne sont pas les

 12   mêmes.

 13   Veuillez poursuivre.

 14   M. FARR : [interprétation]

 15   Q.  Sir Ivor, compte tenu de la connaissance que vous avez du

 16   fonctionnement du gouvernement yougoslave pendant la période où vous étiez

 17   à Belgrade, est-ce que vous seriez en mesure de nous dire si une campagne

 18   de cette sorte aurait pu se produire sans la connaissance et l'approbation

 19   de Slobodan Milosevic ?

 20   R.  Non, c'était impossible sans la connaissance et l'approbation de

 21   Milosevic. Vous parlez de la ligne qui était celle de cette propagande,

 22   n'est-ce pas ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  Très bien. Non, cela n'aurait pas été possible sans le consentement de

 25   Milosevic.

 26   Q.  Dans une partie de ce passage, on voit que vous considériez Mladic

 27   comme un acteur-clé, comme l'un des exécutants d'une entreprise criminelle.

 28   Est-ce que vous pourriez nous dire quels étaient les faits dont vous aviez


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  1   connaissance et qui vous ont conduit à tirer cette conclusion ?

  2   R.  Eh bien, il s'agit là de formulation que j'utilise dans un article de

  3   journal, comme M. le Président l'a souligné. Ce n'est pas le même type de

  4   formulation ou de langage que j'utiliserais dans une salle d'audience,

  5   parce qu'à cette fin j'aurais besoin de preuve factuelle découlant de ma

  6   propre observation. Et je préférerais, par conséquent, ne pas m'aventurer

  7   sur ce terrain.

  8   Q.  Très bien. J'en ai terminé avec ce document.

  9   M. FARR : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le document

 10   P2532.

 11   Q.  Et, Monsieur le Témoin, juste pour information, le document qui

 12   s'affiche provient d'un carnet de Mladic. Le passage que nous examinons est

 13   daté du 13 décembre 1993, bien que ce ne soit pas ce que l'écran affiche à

 14   cet instant.

 15   R.  Il est indiqué juillet 1994, n'est-ce pas ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, est-ce la bonne page ? Je

 17   crois que M. Farr va retrouver la bonne page, en fait.

 18   M. FARR : [interprétation] Il nous faudrait en fait le document P2532.

 19   Q.  Donc, Monsieur le Témoin, ceci vient d'un carnet tenu par le général

 20   Mladic. La date est celle du 13 décembre 1993. Donc cela se situe trois

 21   mois avant votre arrivée à Belgrade. Est-ce que ceci correspond à peu près,

 22   ou mieux qu'à peu près, précisément, en fait, à votre rencontre avec Lord

 23   Owen dont vous avez parlé lors de l'interrogatoire principal ? Il est

 24   question d'une rencontre à Belgrade avec, présents pour la Serbie,

 25   Milosevic, le général Perisic, Sokolovic, Badza, Topavcevic et le général

 26   Mrksic; et pour la Republika Srpska, Karadzic, Krajisnik, Mladic,

 27   Milovanovic, Djukic, Miletic, Maric, Salapura, Stanisic et Kovac. Jovica

 28   Stanisic prend la parole en premier à cette réunion et dit, je cite :


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  1   "C'est du fait de votre initiative que nous nous réunissons afin

  2   d'améliorer notre position opérationnelle et tactique et envisager une aide

  3   de la part de la Serbie."

  4   Ensuite, Karadzic parle. Il dit, je cite :

  5   "Nous nous approchons de la fin du conflit. Ce moment est le plus favorable

  6   pour nous dans la perspective d'une fin des hostilités. Nous tenons 75 % du

  7   territoire et contrôlons les parties les plus importantes du territoire."

  8   Est-ce que vous seriez en mesure de nous confirmer qu'au moment de votre

  9   arrivée à Belgrade en mars 1994, les Serbes de Bosnie contrôlaient près de

 10   75 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

 11   R.  Je pense que le chiffre était peut-être un peu moins important, plutôt

 12   aux alentours de 68 %. Mais 75 %, cela me paraît un peu beaucoup. Je ne dis

 13   pas que c'est faux. Mais de mémoire, j'aurais tendance à dire que c'est un

 14   peu beaucoup.

 15   Q.  Karadzic poursuit en disant, je cite :

 16   "Nous n'avons pas obtenu une partie de ce nous voulions dans la vallée de

 17   Neretva. Nous n'avons pas percé sur la côte ce que nous pourrions peut-être

 18   obtenir par des moyens politiques.

 19   "Nous devons maintenant restituer une partie du territoire parce que

 20   la communauté internationale n'acceptera pas que 31 % des Serbes contrôlent

 21   75 % du territoire.

 22   "Mais l'unification avec la Serbie s'annonce toujours sous un jour

 23   favorable."

 24   Est-ce que, Monsieur le Témoin, M. Karadzic a raison lorsqu'il dit que la

 25   communauté internationale n'était pas disposée à accepter que les Serbes de

 26   Bosnie conservent 75 % du territoire de la Bosnie et qu'en effet, un

 27   échange de territoire entre la Republika Srpska et les autres protagonistes

 28   était l'un des problèmes-clés envisagés par le Groupe de contact, n'est-ce


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  1   pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et ensuite, au bas de la page, Karadzic dit :

  4   "Quels sont nos objectifs stratégique ?

  5   "1. Etre séparés des Musulmans et des Croates.

  6   "2. Etablir le contrôle du territoire de la Posavina.

  7   "3. Eviter que la frontière soit sur la Drina.

  8   "4. Prendre le contrôle d'une partie de la vallée de Neretva.

  9   "5. Percer sur la côte.

 10   "6. Avoir notre partie de Sarajevo."

 11   Alors, étiez-vous au courant de ces six objectifs stratégiques des Serbes

 12   de Bosnie et du fait qu'ils avaient été publiés dans le journal officiel de

 13   la Republika Srpska en mai 1992 ?

 14   R.  Non.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, y a-t-il quoi que ce soit

 16   de controversé concernant les objectifs stratégiques ? Parce que nous

 17   sommes surpris d'entendre ceci dans ce contexte.

 18   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin en a

 19   connaissance. Et cela peut s'avérer pertinent concernant sa capacité à

 20   déposer au sujet des négociations ou des objectifs du plan du Groupe de

 21   contact.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais apparemment, il n'est

 23   pas tout à fait au courant.

 24   Veuillez poursuivre.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais ajouter que je n'étais pas au

 26   courant de ces objectifs tels qu'ils avaient été formulés environ deux ans

 27   avant mon arrivée. Mais il était clair que les objectifs numéro 1, 2 et 4 -

 28   - non, plutôt 5 et 6, étaient des objectifs sur lesquels les Serbes de


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  1   Bosnie avaient toujours concentré leurs efforts. Et je suppose que pour

  2   l'objectif numéro 3, le fait que la frontière ne soit pas sur la Drina,

  3   cela évoque ce que vous avez cité quelques lignes plus haut, à savoir le

  4   fait que l'unification avec la Serbie s'annonçait sous un jour favorable, à

  5   savoir que la Drina ne devrait pas être la frontière entre la Republika

  6   Srpska et la Serbie.

  7   M. FARR : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous êtes en mesure de commenter la mesure dans laquelle

  9   l'un ou l'autre de ces objectifs avait été réalisé en Bosnie au moment de

 10   votre arrivée à Belgrade en mars 1994 ?

 11   R.  Eh bien, il est difficile de faire des déclarations catégoriques; par

 12   exemple, être séparés des Musulmans et des Croates. Je pense que c'est

 13   difficile d'affirmer les choses de façon aussi catégorique parce qu'ils

 14   combattaient dans deux camps différents. Et le contrôle territorial de la

 15   Posavina, on se battait là-bas aussi; quant à la frontière qui ne passerait

 16   pas par la Drina, eh bien, c'est quelque chose qui n'a jamais été obtenu;

 17   la vallée de la Neretva, je ne m'en souviens pas; et quant à avoir leur

 18   partie de Sarajevo, eh bien, ils avaient leur partie de Sarajevo et

 19   bombardaient le reste.

 20   Q.  Alors ce qui vient ensuite dans cette réunion, c'est une discussion

 21   concernant deux opérations militaires potentielles, l'une sur différentes

 22   positions élevées entourant Sarajevo, y compris le mont Zuc, et l'autre

 23   dans la vallée de la rivière Praca.

 24   M. FARR : [interprétation] Alors, est-ce que nous pourrions avoir le bas de

 25   la page 4 dans les deux langues, s'il vous plaît.

 26   Q.  Et je vais donner lecture de la conclusion de Milosevic. Il dit, je

 27   cite :

 28   "Premièrement, ne faites pas de plan concernant Praca et n'agissez pas à


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  1   Praca.

  2   "Deuxièmement, élaborer l'opération Sarajevo.

  3   "Troisièmement, la RSK ne dispose pas de ses propres forces. Ils doivent

  4   trouver une solution à ceci rapidement et avec de l'aide.

  5   "Quatrièmement" -- en fait, le SRK c'est le Corps de Sarajevo-Romanija, le

  6   corps de la VRS qui participe au siège de Sarajevo.

  7   "Quatrièmement, comment neutraliser la propagande autour de Sarajevo ?"

  8   M. FARR : [interprétation] Pourrions-nous avoir la page suivante dans les

  9   deux langues.

 10   Q.  "Cinquièmement, le monde ne s'intéresse qu'à ce que font les Serbes…

 11   "6. Laisser les Musulmans écrasés les Croates près de Vitez, Busovaca,

 12   Gornji Vakuf, Kiseljak et Kresevo.

 13   "Septièmement, élaborer l'opération et définir les forces en présences.

 14   "Huitièmement, le général Perisic fournira tout ce qu'il pourra sans

 15   compromettre le degré de préparation au combat des unités sur place."

 16   Alors, Monsieur le Témoin, au moment de votre rencontre avec Lord Owen en

 17   décembre 1993, étiez-vous au courant de ce type de réunion entre les

 18   dirigeants serbes de Bosnie ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Est-ce que ce type de réunion et de discussion est cohérent avec le

 21   contexte tel que Milosevic vous en a donné une description, et est-ce que

 22   c'est cohérent avec la relation qu'il avait avec les dirigeants serbes de

 23   Bosnie, telle qu'il vous l'a décrite au moment où vous êtes arrivé à

 24   Belgrade en mars 1994 ?

 25   R.  Eh bien, je n'ai pas rencontré Milosevic indépendamment, ou sans la

 26   présence du ministre des Affaires étrangères ou de l'un des négociateurs

 27   internationaux vers le mois de décembre de cette année. Donc, lors de

 28   réunions faisant intervenir des négociateurs internationaux, ou des


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  1   délégations, la ligne qui était adoptée correspondait à celle qui était

  2   publiquement connue, qui devait être adressée à l'opinion publique, et nous

  3   n'aurions certainement pas ce type de formulation de langage -- les

  4   formulations qui sont ici consignées et attribuées à Mladic, par exemple.

  5   Q.  Alors, ce que j'essaie d'obtenir - vous me corrigerez si je me trompe -

  6   c'est que dans votre déclaration, vous dressez un tableau de ce que vous

  7   croyez être les rapports entre Milosevic, d'une part, et les Serbes de

  8   Bosnie, d'autre part, au moment où vous êtes arrivé à Belgrade en mars

  9   1994. Vous dites que ces rapports étaient assez tendus, disons, en mai

 10   1993, au moment où les Serbes de Bosnie ont rejeté le plan du Groupe de

 11   contact. Alors, pourriez-vous me dire si c'est là une interprétation

 12   correcte de ce que vous nous avez indiqué ? Est-ce que vous nous dites que

 13   de votre point de vue ces rapports étaient tendus au moment de votre

 14   arrivée en mars 1994 ?

 15   R.  Eh bien, ils étaient certainement tendus à la fin de l'été de cette

 16   année. Quant à la période précédente, c'est très difficile à dire. Il n'y a

 17   pas d'indication précise. Mais pour ce qui est de la fin de l'été, le

 18   Groupe de contact s'efforçait d'encourager activement Milosevic. Je parle

 19   d'Owen et de Stoltenberg. Ils s'efforçaient d'encourager Milosevic à rompre

 20   ses relations de façon tout à fait officielle avec les Serbes de Bosnie, ce

 21   qui, d'ailleurs, a fini par se produire, comme je l'ai déjà indiqué.

 22   Q.  Je peux peut-être vous demander simplement ce qui suit : êtes-vous

 23   surpris de voir le compte rendu d'une réunion telle que celle-ci qui s'est

 24   donc tenue en décembre 1993 ? Est-ce que vous en êtes surpris de la tenue

 25   d'une telle réunion en décembre 1993 ?

 26   R.  Décembre 1993, non, pas particulièrement. Mais j'aurais certainement

 27   été surpris si cela avait été décembre 1994.

 28   Q.  Merci. Alors, un peu plus bas sur cette même page, nous voyons les mots


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  1   suivants, je cite : "Approuvé 30 chars T-34, des fusils ZIS et des

  2   munitions pour ZIS et B-1".

  3   Et ensuite, nous voyons plus bas sur cette page ce qui semble être la

  4   suggestion de Mladic quant à la façon de procéder. Je cite :

  5   "Ma conclusion provisoire.

  6   "Définissons les effectifs, les forces, les armes, ainsi que la date

  7   demain, décidons également de l'équipe qui prendra les décisions".

  8   Ensuite, Milosevic est cité disant, je cite :

  9   "Je suis d'accord avec la proposition du général Mladic…"

 10   M. FARR : [interprétation] Pouvons-nous maintenant passer à la page

 11   suivante dans les deux langues.

 12   Q.  Et il est ensuite indiqué, je cite :

 13   "Mais nous devrions démarrer l'opération si l'accord n'est pas signé et si

 14   les sanctions ne sont pas levées.

 15   "Il faut planifier l'opération, il faut la préparer et procéder à la

 16   concentration des forces, mais il ne faudra pas démarrer l'opération avant

 17   que nous puissions entendre quel a été le résultat des négociations à

 18   Bruxelles".

 19   Est-ce que vous pouvez nous dire de quelles négociations à Bruxelles il

 20   s'agit ici dans la référence que fait Milosevic ?

 21   R.  Les négociations de Genève -- ah, à Bruxelles ? A Bruxelles ? J'en suis

 22   surpris, parce que je me serais plutôt attendu à Genève. Je ne sais pas à

 23   quelles négociations se tenant à Bruxelles Milosevic peut se référer ici,

 24   parce que je ne vois pas de quel résultat de négociations se tenant à

 25   Bruxelles il peut s'agir ici, à moins qu'il ne parle de négociations

 26   internes à l'Union européenne. C'est un moment particulier, peut-être,

 27   auquel on discutait à nouveau des sanctions. Je ne m'en souviens pas.

 28   Q.  Peut-être puis-je vous rappeler que les 10 et 11 décembre 1993, le


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  1   Conseil européen s'est réuni à Bruxelles pour la première fois après

  2   l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, et l'une des

  3   initiatives qui ont été prises a été d'inviter les dirigeants serbes,

  4   croates et bosniens à Bruxelles pour le 22 décembre.

  5   R.  Je vous remercie. Si vous l'aviez mentionné d'entrée de jeu, nous

  6   aurions économisé un peu de temps.

  7   Q.  Est-ce que vous êtes surpris de voir que l'opération à Sarajevo était

  8   conditionnée aux résultats des négociations à Bruxelles ?

  9   R.  Eh bien, ce que je vais dire c'est qu'il est difficile d'être surpris

 10   par ce que fait Milosevic, parce que c'était un maître tacticien, et des

 11   surprises, eh bien, des surprises de ce type, la plupart d'entre elles

 12   s'avéraient plutôt problématiques sur le plan stratégique. Il est difficile

 13   pour moi de replacer tout ceci dans son contexte alors que je n'étais pas

 14   sur place pendant toute la période.

 15   Q.  Merci. J'en ai terminé avec ce document. Je voudrais maintenant passer

 16   aux raisons pour lesquelles M. Milosevic a apporté son soutien aux

 17   différents plans de paix. Et je voudrais commencer par vous dire quelle est

 18   la position de l'Accusation concernant les motivations de son soutien.

 19   Nous affirmons que son soutien au plan de paix n'était pas fondé sur

 20   des raisons d'ordre humanitaire ou sur l'intérêt qu'il aurait pu avoir à

 21   diminuer les souffrances qu'enduraient les populations ou parce qu'il

 22   aurait eu le moindre regret ou la moindre préoccupation suite au nettoyage

 23   ethnique se déroulant en Bosnie. En fait, il avait apporté son soutien à la

 24   guerre et au nettoyage ethnique en Bosnie. Nous avançons que s'il a apporté

 25   son soutien au plan de paix, c'était au moins en partie parce que la partie

 26   serbe avait rencontré des succès considérables dans la guerre et que la

 27   position de Milosevic consistait à dire qu'il fallait obtenir tout ce que

 28   l'on pouvait dans la guerre et par la violence et que les plans de paix


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  1   représentaient une opportunité de consolider une grande partie de ces

  2   conquêtes et de les rendre permanentes.

  3   Milosevic se préoccupait avant tout de la question de savoir ce qu'il

  4   adviendrait si les plans de paix n'étaient pas acceptés, et il était

  5   préoccupé par l'éventualité que les Serbes de Bosnie pourraient perdre tout

  6   ce qu'ils avaient obtenu s'ils n'acceptaient pas ce plan de paix. Du point

  7   de vue de Milosevic, en d'autres termes, le territoire qui devait être

  8   échangé en valait la peine si l'on pouvait obtenir une reconnaissance

  9   officielle et des garanties pour les droits des Serbes, garanties

 10   qu'offrait, selon lui, le plan de paix.

 11   Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Que pouvez-vous commenter ?

 12   R.  En d'autres termes, vous nous dites qu'il estimait, le moment venu, de

 13   consolider les gains des -- les conquêtes des Serbes de Bosnie avant de

 14   perdre l'avantage obtenu.

 15   Q.  Tout à fait.

 16   R.  Eh bien, je pense que nous parlons, en tout cas pour le moment où je

 17   suis arrivé, du moment où les Serbes avaient obtenu entre 70 et 75 % du

 18   territoire de la Bosnie. Je ne sais pas si Milosevic considérait que ceci

 19   pouvait être durablement maintenu. Il savait que -- je ne crois pas, en

 20   fait, qu'il considérait cela comme quelque chose que l'on pouvait maintenir

 21   de façon durable, et il savait que la communauté internationale

 22   n'accepterait pas que les Serbes de Bosnie puissent contrôler plus de 49 %

 23   du territoire de la Bosnie. En fait, c'est quelque chose que j'ai

 24   régulièrement souligné à l'attention des Serbes de Bosnie, et je me

 25   rappelle que Karadzic à un moment donné a déclaré que c'était son accord,

 26   49 %, 49 contre 51 %, une séparation sur une base de 49 et 51 %, que

 27   c'était une offre à prendre ou à laisser, et puisqu'il n'avait pas accepté,

 28   que cet accord n'était plus sur la table, qu'il n'était plus proposé.


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  1   Karadzic, et surtout Krajisnik, voulait insister pour dire que ceci n'était

  2   plus acceptable. Cependant, Milosevic, lui, a accepté à plusieurs reprises,

  3   de façon répétée. Et d'après mon expérience, entre fin 1994 et les accords

  4   de Dayton, c'est quelque chose qui a partiellement conduit à la rupture,

  5   aux divergences entre Belgrade et Pale, le fait qu'il ait accepté ce

  6   partage sur une base de 49 et 51 %, et le fait que ceci ne soit pas

  7   négociable. Alors, ce que je veux dire c'est que la composition de ces 49

  8   %, bien entendu c'était négociable, mais il n'allait pas se battre pour que

  9   les Serbes de Bosnie obtiennent plus de 49 %. Il n'allait pas les soutenir

 10   politiquement et il n'allait pas les soutenir davantage sur le plan

 11   militaire.

 12   Q.  Vous avez anticipé, en fait, ma question suivante, d'une certaine

 13   façon. Nous disons que la source de ce désaccord se trouvait, pour

 14   l'essentiel, dans le fait que Milosevic souhaitait capitaliser sur ses

 15   victoires et rentrer chez lui. Les Serbes de Bosnie souhaitaient continuer

 16   à jouer sur ce plan et, à leur avis, il pouvait conserver davantage de

 17   territoire en rejetant les plans de paix et en continuant à se battre. Par

 18   conséquent, le désaccord entre Milosevic et les Serbes de Bosnie n'était

 19   pas un désaccord fondé sur un objectif fondamental consistant à remporter

 20   le plus de territoire possible sur lequel exercer un contrôle permanent.

 21   C'était simplement une divergence relative à ce qui était possible à ce que

 22   pouvait être ce territoire maximum et à la meilleure façon de réaliser ce

 23   contrôle permanent. Vous avez un commentaire sur ce point ?

 24   R.  Je ne me rappelle pas si c'est Richard Holbrooke, mais c'est sans doute

 25   lui, je pense, qui a dit quelque chose du genre Vokasin [phon] qui avait

 26   décidé qu'il allait se livrer à des activités criminelles pour ensuite

 27   toucher en espèce le fruit de ces jeux d'argent et blanchir son argent pour

 28   se donner une vie bien tranquille quelque part en laissant derrière lui ces


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  1   activités illégales. Eh bien, je pense que la caricature de Fraser [phon],

  2   si vous voulez, était assez fidèle à la réalité.

  3   Je pense que Milosevic avait, comme je crois l'avoir déjà dit, et je

  4   ne me rappelle pas si c'était en réponse à une de vos questions ou à une

  5   question de votre collègue de l'autre partie -- enfin, bon, je m'arrêterais

  6   là, en fait.

  7   M. FARR : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter numéro

  8   1320.

  9   Q.  Le document qui va s'afficher dans un instant devant vous est un

 10   procès-verbal de ce qui s'est dit lors d'une séance enregistrée en audio de

 11   l'assemblée nationale de la Republika Srpska.

 12   M. FARR : [interprétation] Document 65 ter 1320, je vous prie, à l'écran.

 13   Je ne suis pas sûr que le document affiché en ce moment soit le document

 14   que j'ai demandé. Le voilà.

 15   Q.  Ceci est un procès-verbal de la 30e Séance de l'assemblée nationale de

 16   la Republika Srpska, qui s'est tenue entre les 5 et 6 mai 1993, et il

 17   s'agit de ce jour dont vous avez parlé dans votre déclaration, ce jour où

 18   Milosevic est allé à Pale pour promouvoir l'adoption du plan Vance-Owen.

 19   M. FARR : [interprétation] Je demande le bas de la page 105 en anglais sur

 20   l'écran, ainsi que la page correspondante en B/C/S dont le numéro ERN est

 21   0215-0189, qui correspond à la page 76 dans le prétoire électronique. Dans

 22   le bas de la page en anglais, nous voyons apparaître le nom de Slobodan

 23   Milosevic, ce qui a dit que c'est lui qui s'apprête à prendre la parole.

 24   J'aimerais maintenant que nous passions à la page suivante en anglais, à

 25   peu près au milieu de la page.

 26   Q.  Je vais vous donner lecture de la partie du texte qui commence par les

 27   mots, "Mais tous les témoignages au sujet des horreurs de la guerre…". Et

 28   je poursuivrai ma lecture pendant cinq lignes, à peu près. Voici la


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  1   citation, je cite :

  2   "Mais tous les témoignages relatifs aux horreurs de la guerre, qui se sont

  3   terminés par la longue présentation du général Mladic et des exemples cités

  4   par lui peuvent être réunis dans une affirmation, une phrase, à savoir

  5   qu'il faut arrêter le plus vite possible, ce qui signifie arrêter

  6   maintenant. Mais je reviendrai à la question qui est posée aujourd'hui, qui

  7   ne consiste pas à se demander quelle est l'importance des horreurs de la

  8   guerre, parce que cette nation l'a sentie dans son corps pendant toute

  9   l'histoire. La question qui se pose aujourd'hui, c'est la question de

 10   savoir s'il importe de consolider ce qui a déjà été obtenu et ensuite de

 11   réaliser ce que nous appelons la question qui continue à se poser, ou alors

 12   de détruire tout ce qui a déjà été obtenu en subissant des pertes énormes.

 13   Voilà la véritable alternative, et c'est la question qui effectivement

 14   devrait être tranchée par la présente assemblée. Je ne crois pas que

 15   l'assemblée devrait commettre une erreur aussi tragique que celle qu'elle

 16   risque de commettre. Elle ne devrait pas le faire dans l'intérêt du peuple

 17   qu'elle représente. Et ce ne serait pas la première fois dans l'histoire

 18   que quelqu'un sèmerait le mal en souhaitant le meilleur possible pour un

 19   peuple, faute de mesurer ce qui est possible et réalisable et quels sont

 20   les moyens nécessaires pour l'acquérir."

 21   Donc, est-ce que votre position consiste à penser que cet extrait rend

 22   fidèlement compte de l'affrontement entre Milosevic et les dirigeants

 23   serbes de Bosnie ? La divergence portait sur ce qui était possible,

 24   réalisable, et sur la meilleure façon d'obtenir ce qu'ils souhaitaient.

 25   Ceci n'avait rien à voir avec un rejet moral de la part de Milosevic des

 26   crimes et du nettoyage ethnique qui s'étaient déjà déroulés en Bosnie. Est-

 27   ce que vous pouvez commenter ?

 28   R.  Je conviendrais tout à fait qu'il n'y a rien d'humanitaire dans sa


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  1   démarche, et sa volonté ou son souhait de mettre un terme à la guerre, et

  2   je ne l'ai pas non plus entendu exprimer un seul mot de regret en privé,

  3   pourquoi que ce soit qu'il se soit passé. Les chiffres que -- enfin, je ne

  4   l'ai jamais entendu exprimer une moindre préoccupation au sujet de tout

  5   cela. Je pense que la seule nuance que je pourrais apporter, compte tenu du

  6   fait qu'il s'agit d'une déclaration faite devant le peuple serbe de Bosnie,

  7   c'est que je pense qu'il revient à sa ligne de propagande initiale, celle

  8   dont j'ai parlé dans l'article dont j'étais l'auteur il y a un an à peu

  9   près, et qu'en fait le message qu'il veut faire passer effectivement, c'est

 10   : Nous vous avons sauvé, ou bien vous vous êtes sauvés vous-mêmes avec

 11   notre aide, sauvés d'une première menace où était la séparation par rapport

 12   à la Yougoslavie par voie de l'indépendance, que nous ne souhaitions pas.

 13   Et aussi, il souhaitait leur dire : Nous avons conquis suffisamment de

 14   territoire pour ne pas risquer d'être dépassés par une quelconque

 15   fédération croato-musulmane. Je pense que c'est ce qu'il convient de lire

 16   entre les lignes.

 17   M. FARR : [interprétation] J'aimerais que nous nous concentrions maintenant

 18   sur le milieu de la page suivante. Page 107 en anglais, dont le numéro ERN

 19   est 0215-0190. Page 77 du prétoire électronique en B/C/S.

 20   Q.  je vais encore lire un court passage de ce texte qui commence par les

 21   mots : "Ne dites pas que les Serbes ne seront pas égaux les uns par rapport

 22   aux autres." C'est à peu près au milieu de la page en anglais. Je cite :

 23   "Ne dites pas que les Serbes ne seront pas égaux les uns par rapport aux

 24   autres. Comment est-ce que les Serbes peuvent être moins souverains que les

 25   Croates ou que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine ? Qui a été conçue comme

 26   ceci et qui repose sur les principes suivants, à savoir que 45 % du

 27   territoire appartiennent aux Serbes et 30 % aux Musulmans. Les Serbes

 28   obtiennent 50 % de territoire en plus, alors que les Musulmans sont 50 %


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  1   plus nombreux que les Serbes. Les Croates obtiennent 20 % et une partie du

  2   territoire. Donc, comment et où peut-on lire dans le plan Vance-Owen que

  3   les Serbes seraient moins bénéficiaires de la souveraineté que les Croates

  4   ou les Musulmans ?"

  5   Alors nous voyons ici que Milosevic exprime son soutien au plan Vance-Owen

  6   d'un point de vue explicitement nationaliste, et il le soutient parce que

  7   le plan Vance-Owen est un marché tout à fait favorable pour les Serbes de

  8   Bosnie puisqu'il leur accorde pas mal du point de vue du territoire.

  9   Ceci représente, disons-nous, non pas un rejet du nettoyage ethnique,

 10   mais l'affirmation que le nettoyage ethnique a été réalisé avec succès et

 11   le désir de rendre permanents les résultats de ce nettoyage ethnique. Est-

 12   ce que vous avez un commentaire ?

 13   R.  Je ne comprends pas très bien quel devrait être l'objet de mon

 14   commentaire.

 15   Q.  Je vous demande simplement si vous avez quelques mots à ajouter suite à

 16   cette citation.

 17   R.  Eh bien, je ne pense pas que la division réalisée ou proposée par la

 18   communauté internationale, à savoir un partage 49 % et 51 % entre les

 19   Serbes d'une part et les Croates et Musulmans d'autre part, ne reposait pas

 20   sur des aspects démographiques, mais reposait sur les secteurs qui étaient

 21   sous le territoire respectif des uns et des autres dès lors qu'on les

 22   chiffrait sur les documents territoriaux.

 23   Donc, si Milosevic essaIe de se refaire une virginité à la fin des

 24   négociations, c'est dans des conditions où l'assemblée de Pale accepterait

 25   le plan Vance-Owen et que cet accord donnerait aux Serbes de Bosnie une

 26   partie importante du territoire. Mais bien sûr, avant que la guerre

 27   n'éclate, les Serbes étaient déjà à la tête d'une partie importante du

 28   territoire. Et donc, tout ceci n'a rien à voir avec la démographie, mais


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  1   avec le fait que les Serbes étaient des paysans et que les Musulmans

  2   résidaient en majorité dans les grandes villes.

  3   Voilà à quoi se résume crûment cette citation, si vous voulez. Mais

  4   bien sûr, le débat au sujet des chiffres inscrits dans les actes

  5   territoriaux faisait débat, ainsi que les questions de dates et

  6   d'authenticité des territoires qui revenaient aux uns et aux autres. Mais

  7   ce partage 49-51 a été travaillé par des personnes qui savaient dans une

  8   certaine mesure que les Serbes, vivant surtout dans les campagnes, allaient

  9   toujours posséder davantage de terres, quelle que soit la situation, que

 10   les 33 % de la population qu'ils représentaient. Je ne sais pas si cela

 11   peut vous aider.

 12   Q.  C'est utile. Votre commentaire l'est absolument.

 13   R.  Merci.

 14   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons téléchargé les

 15   parties du documents où Milosevic s'exprime en tant que document 65 ter

 16   1321 [comme interprété], et nous demandons le versement au dossier de cette

 17   partie du procès-verbal de l'assemblée.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections ? Pas d'objection. Est-ce

 19   que vous considérez ce document utile à des fins de description du contexte

 20   ou est-ce que vous souhaitez en verser davantage au dossier, auquel cas

 21   nous vous entendrons sur ce point, mais au plus tard mercredi ?

 22   M. JORDASH : [interprétation] Oui, même commentaire que celui que nous

 23   avons déjà fait au sujet du dépôt direct des documents.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   Madame la Greffière, quel sera le numéro ?

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 11320.1 [comme interprété]

 27   reçoit le numéro de pièce à conviction P13326 [comme interprété], Monsieur

 28   le Président.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document est versé au dossier.

  2   Veuillez procéder.

  3   M. FARR : [interprétation]

  4   Q.  J'aimerais revenir sur la question du degré d'influence exercé par

  5   Milosevic auprès des Serbes de Bosnie. Est-il permis de dire que Milosevic

  6   avait un intérêt à vous indiquer qu'il avait une influence réduite sur les

  7   Serbes de Bosnie par rapport à celle qu'il pouvait exercer effectivement ?

  8   R.  Cela dépend de ce que vous entendez par Serbes de Bosnie. Ce qu'il a

  9   indiqué à plusieurs reprises lorsque je l'ai rencontré pour la première

 10   fois, donc au début de mon mandat, c'est ce qu'on voit à Pale en 1993,

 11   qu'il ne lui suffisait pas de claquer des doigts pour que les Serbes de

 12   Bosnie obtempèrent à ce qu'il souhaitait. Et l'un de ses objectifs à

 13   l'époque était de lancer un débat sur la question de savoir pourquoi suis-

 14   je soumis à des sanctions alors que mon peuple qui est à la racine du

 15   problème fait obstacle et échappe à ce que je souhaite de l'autre côté de

 16   la Drina. C'était une partie du débat. Mais à un certain moment, et je ne

 17   saurais pas vous donner la date exacte où ce moment a commencé, mais en

 18   tout cas, à un certain moment, sa position a changé. Je suppose que cela a

 19   dû se passer à la fin 1994 ou début 1995, à un moment où il s'est estimé

 20   exercer une influence plus importante que celle qu'il avait réellement

 21   d'après moi. Il ne cessait de dire qu'il s'attendait à ce que l'assemblée

 22   serbe de Bosnie se débarrasse de Karadzic. Donc c'était une démarche à la

 23   Janus. Je ne saurais donc pas me dire entièrement d'accord avec votre façon

 24   de décrire les choses, qui n'est qu'une des portions de ce choix à la

 25   Janus.

 26   Q.  J'aimerais vous citer un passage d'un document qui concerne une

 27   rencontre avec Mladic en mai 2011. J'aimerais que ce document s'affiche à

 28   l'écran pour que vous puissiez le voir, et je vais donner lecture du


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  1   passage qui m'intéresse. Peut-être pourrais-je lire la citation, après quoi

  2   vous nous direz si vous souhaitez voir le reste de ce document. Voici la

  3   citation, je cite :

  4   "Si aucune des rencontres que j'ai eues avec les dirigeants serbes pendant

  5   la guerre en Bosnie ne peut être décrite comme particulièrement agréable,

  6   certaines ont été plus désagréables que d'autres. Ma seule rencontre avec

  7   Ratko Mladic, toutefois, a été aussi inconfortable et difficile que

  8   possible. Je dirigeais l'ambassade de Belgrade à ce moment-là, à un moment

  9   où l'influence exercée sur l'armée serbe de Bosnie en Bosnie ne faisait

 10   aucun doute."

 11   Est-ce que vous vouliez dire que Slobodan Milosevic à ce moment-là exerçait

 12   une influence indubitable en Bosnie au début de l'année 1995 ?

 13   R.  1995. Eh bien, comme je l'ai déjà dit, Milosevic avait grand plaisir à

 14   se dépeindre lui-même à cette époque-là comme exerçant une grande influence

 15   auprès des députés de l'assemblée de Pale dans lesquels il voyait un moyen

 16   de réussir à se débarrasser de Karadzic.

 17   Q.  Est-ce que vous avez utilisé les mots "influence indubitable" dans le

 18   but d'indiquer que vous, personnellement, estimiez qu'il avait au moins une

 19   certaine influence en Bosnie, même au début de l'année 1995 ?

 20   R.  Oui, mais cette influence n'était pas comparable à celle qu'il avait

 21   exercée pendant les premiers temps de la crise.

 22   M. FARR : [interprétation] J'aimerais que nous passions maintenant à des

 23   questions relatives à la crise des otages. Et à cette fin, je demande

 24   l'affichage de la pièce D781, qui, avant d'être versée au dossier, était le

 25   document 1D4847. C'est un document qui émane d'un lot de documents reçus

 26   par la Défense Stanisic du gouvernement britannique. Je ne sais pas si nous

 27   devons utiliser ces documents à huis clos partiel. Apparemment non.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, aucune condition de


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  1   confidentialité n'est attachée à ces documents.

  2   Mais, Maître Jordash, ce document est une lettre adressée au chef de

  3   l'équipe de Défense de M. Stanisic à l'époque. Est-ce qu'il doit être

  4   utilisé confidentiellement ?

  5   M. JORDASH : [interprétation] Non, pas pour autant que je le sache.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, dans ce cas-là, vous pouvez

  7   procéder, Monsieur Farr.

  8   M. FARR : [interprétation] J'aimerais que la page 5 en anglais s'affiche.

  9   Je crois d'ailleurs qu'il n'existe pour le moment qu'une version anglaise

 10   de ce document. Donc, page 5.

 11   Q.  C'est un télégramme, numéro 335, de Belgrade, du 6 juin 1995.

 12   M. FARR : [interprétation] Page suivante à l'écran en anglais, je vous

 13   prie.

 14   Q.  Au bas de cette page, nous voyons qu'il s'agit d'un télégramme qui

 15   émane de vous. J'aimerais lire le paragraphe 6, intitulé : "Commentaire".

 16   Je cite :

 17   "Si la libération de certains otages semble imminente, il est peu probable

 18   que les Serbes de Bosnie les laisseront partir sans combat. Ces otages sont

 19   pour eux un atout, et dès lors qu'ils auront joué leur atout, leur main

 20   sera pratiquement vide."

 21   Sir, est-ce qu'il n'est pas exact que les Serbes de Bosnie n'étaient prêts

 22   à céder leur principal atout qu'à la demande de M. Milosevic et de M.

 23   Stanisic, et que ceci indique que les dirigeants de Belgrade avaient

 24   conservé une certaine influence sur les dirigeants de Pale, y compris

 25   pendant l'été 1995 ?

 26   R.  Je ne pense pas que ceci aboutisse à cette indication.

 27   Q.  Pourquoi ne pensez-vous pas que ce soit l'indication que l'on puisse

 28   tirer de ce télégramme ? Je veux dire, le fait de lâcher un atout important


Page 18627

  1   ne se fait pas --

  2   R.  Eh bien, je pense que le terme "atout important" doit être replacé dans

  3   le contexte de cette saga dont nous discutons. Ce n'était pas un atout

  4   principal du point de vue de toutes leurs positions de la guerre. Je pense

  5   que vous commentez ce passage d'une façon peut-être plus générale que je ne

  6   le ferais du point de vue de l'importance de cette influence. Mais il ne

  7   s'agit, bien sûr, en l'espèce que d'une petite portion de l'ensemble de la

  8   guerre en Bosnie.

  9   Q.  Un peu plus tôt aujourd'hui, page 40 du compte rendu d'audience, vous

 10   répondiez à une question qui portait sur le contexte dans lequel des

 11   efforts ont été déployés pour obtenir la démission de Karadzic de la vie

 12   politique, et vous avez dit, je cite :

 13   "La réponse à votre question est que plusieurs manœuvres de ce genre ont

 14   été conduites par Stanisic parce que c'est Stanisic que Milosevic a utilisé

 15   pour essayer de réaliser sa volonté en Bosnie lorsque ses propres

 16   tentatives à lui ont échoué."

 17   Alors il me semble que la crise des otages pouvait être un exemple de cela.

 18   Obtenir la démission de Karadzic de la vie politique pouvait être un autre

 19   exemple de cela. Est-ce qu'il y a d'autres exemples que vous connaissez

 20   d'utilisation de Karadzic par 

 21   Milosevic ?

 22   R.  Aucun auquel je puisse penser en cet instant.

 23   M. FARR : [interprétation] J'aimerais l'affichage de la page 35 du document

 24   en anglais.

 25   Q.  Ici, comme vous le voyez, nous passons au mois de novembre 1995 sans

 26   transition. C'est un télégramme, numéro 772, qui vient de Belgrade. Il est

 27   lourdement expurgé, comme on peut le voir, mais nous voyons que l'objet de

 28   ce télégramme est : "L'accord de paix de Dayton, réaction des Serbes".


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  1   Passons maintenant à la page 37, au bas de cette page.

  2   Je vais vous donner lecture du paragraphe 14, qui se lit comme suit,

  3   je cite :

  4   "Si ceci peut être la position officielle, je soupçonne qu'il y ait une

  5   nécessité que des tâches obscures soient encore menées à bien pour

  6   s'assurer que les Serbes de Bosnie rentreront sur le bon chemin. La

  7   division avec les dirigeants de Banja Luka et de Pale sera un centre

  8   d'intérêt manifeste de l'attention de Milosevic. Il est possible que M.

  9   Stanisic, chef de la police secrète, soit envoyé à Pale pour essayer

 10   d'intervenir pendant la crise des otages par un mélange de menaces, de

 11   chantage et de tentative de corruption."

 12   Alors l'auteur de ce télégramme n'apparaît pas dans le texte, puisque son

 13   nom est caviardé, mais je suppose que c'était vous, n'est-ce pas ?

 14   R.  Cela aurait pu être moi. Mais cela aurait pu aussi être mon adjoint,

 15   parce que c'est lui qui signait les télégrammes lorsque je n'étais pas en

 16   ville, par exemple.

 17   Q.  Très bien. J'aimerais que nous repassions un certain nombre de ces

 18   points dans l'ordre, à commencer par les menaces de mort. Au paragraphe 5

 19   [comme interprété] de votre déclaration de témoin, vous dites que Milosevic

 20   vous a déclaré qu'il avait été menacé de la mort de Karadzic si les Serbes

 21   de Bosnie ne relâchaient pas les otages des Nations Unies. Vous dites aussi

 22   que ce message a été transmis à Karadzic par Stanisic. Est-il permis de

 23   dire que M. Stanisic était le bon messager pour une menace de mort, parce

 24   que c'était quelqu'un qui était craint ?

 25   R.  Oui. Je pense que -- en tout cas, c'est certainement ce que Milosevic

 26   m'a dit.

 27   Q.  Outre que Milosevic, est-ce que vous avez d'autres sources qui

 28   pouvaient considérer Stanisic comme quelqu'un de craint ?


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  1   R.  Aucune qui ne pourrait résister à votre examen juridique.

  2   Q.  Et selon Milosevic, qui est-ce qui craignait Stanisic ?

  3   R.  Karadzic.

  4   Q.  Pourquoi Karadzic craignait-il Stanisic ?

  5   R.  Je n'en ai pas la moindre idée, mais je pense qu'il importe de dire que

  6   les chefs des polices secrètes sont normalement connus comme des personnes

  7   qui ne sont pas particulièrement chaleureuses ou conviviales. En tout cas,

  8   ce n'était certainement pas le cas en Serbie. L'histoire de ces services

  9   remonte à Rankovic, à l'époque de Tito, Rankovic, chef de la police

 10   secrète, qui n'avait rien de particulièrement sympathique. Et le plan de M.

 11   Milosevic consistant à vous faire tuer si les otages n'étaient pas

 12   relâchés, eh bien, ceci devait au moins intéresser la personne qui

 13   entendait parler de cela.

 14   Q.  Deuxième point, le chantage. Est-il permis de dire également que M.

 15   Stanisic était une personne qui connaissait un grand nombre de secrets et

 16   qui, par conséquent, pouvait être en mesure d'exercer un chantage sur

 17   autrui ?

 18   R.  Je pense que l'un des documents que nous avons examinés un peu plus tôt

 19   qui portait sur la division entre le service de Sûreté de l'Etat serbe et

 20   le service de Sûreté de l'Etat des Serbes de Bosnie, si ma mémoire est

 21   bonne. Donc l'une des raisons pour lesquelles Karadzic et Krajisnik

 22   n'étaient pas très heureux, c'était précisément le fait qu'ils

 23   considéraient les responsables de la Sûreté de l'Etat comme se mêlant de

 24   leurs affaires et comme capables de connaître le degré de corruption exercé

 25   par les dirigeants serbes de Bosnie et les possibilités de chantage qui

 26   allaient avec, dans ce cas conformément au souhait de Milosevic.

 27   Q.  Passons au troisième point, la corruption. Est-ce que vous êtes au

 28   courant des raisons pour lesquelles Stanisic pouvait éventuellement essayer


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  1   de corrompre, ou en tout cas de proposer des avantages à des dirigeants

  2   serbes de Bosnie pour les nommer à faire ce que Milosevic voulait ?

  3   R.  Il a été déjà dit à plusieurs reprises - je ne me rappelle plus

  4   exactement en quel endroit - mais cela a été dit que Milosevic avait, en

  5   contrevenant à l'embargo qu'il avait imposé lui-même, fourni des pièces

  6   détachées à l'armée serbe de Bosnie.

  7   Q.  A l'époque de la crise des otages ?

  8   R.  Eh bien, c'était une forme de corruption destinée à obtenir la

  9   libération des otages.

 10   Q.  Sir Ivor, merci d'avoir répondu à mes questions aujourd'hui.

 11   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de questions

 12   pour le témoin.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Farr.

 14   Maître Bakrac, vous avez des questions ?

 15   M. BAKRAC : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le

 16   Président. Merci.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, avez-vous des questions

 18   supplémentaires à poser au témoin, et si oui, de combien de temps vous

 19   allez avoir encore besoin ?

 20   M. JORDASH : [interprétation] J'aurais besoin de quelque 15 minutes pour

 21   mes questions supplémentaires.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quinze minutes. Je vous regarde puisque

 23   nous avons commencé à presque 16 heures 15.

 24   M. JORDASH : [interprétation] Excusez-moi de vous avoir interrompu.

 25   J'aimerais m'adresser à la Chambre en l'absence du témoin, puisque

 26   quelque chose -- c'est par rapport à une question qui a été posée lors du

 27   contre-interrogatoire.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez faire cela avant de

 


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  1   commencer les questions supplémentaires pour ce témoin ?

  2   M. JORDASH : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions procéder ainsi. Nous

  4   pouvons donc vous -- adresser à la Chambre pendant cinq minutes. Après,

  5   nous pouvons faire la pause et poursuivre à 17 heures 55.

  6   M. JORDASH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sir Ivor, la Défense de M. Stanisic

  8   aimerait s'adresser à la Chambre en votre absence avant la pause, donc vous

  9   pouvez quitter le prétoire, après quoi nous allons continuer à siéger.

 10   [Le témoin quitte la barre]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, vous avez la parole.

 12   M. JORDASH : [interprétation] J'essaie de retrouver la partie qui

 13   m'intéresse dans le compte rendu. Voilà, je l'ai retrouvée. Il a été dit

 14   clairement au témoin - je vais retrouver cela au compte rendu sous peu - il

 15   y a eu deux choses qui ont été présentées au témoin qui étaient d'une

 16   grande importance pour cette affaire.

 17   D'abord, il a été dit que le transfert ethnique avait été achevé, je

 18   pense, en 1993 ou 1994. Et deuxièmement, par rapport à la première chose,

 19   il a été dit que Milosevic opérait à l'époque -- et je voudrais être très

 20   prudent pour ne pas altérer les propos --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, est-ce que vous avez

 22   fait référence à la page 73, ligne 12 et les lignes qui suivent, lorsque M.

 23   Farr, en posant sa question, a avancé l'interprétation des propos de M.

 24   Milosevic ?

 25   M. JORDASH : [interprétation] Oui, bien que cela n'ait pas été

 26   l'interprétation de -- excusez-moi, c'était le contexte dans lequel M. le

 27   Procureur a posé cette question.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.


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  1   M. JORDASH : [interprétation] Mais M. Farr a dit clairement : "Nous disons

  2   que cela représente l'affirmation du fait que le projet du nettoyage

  3   ethnique avait été achevé."

  4   Et cela revêt une signification importante puisque le nettoyage ethnique

  5   avait été achevé à Sanski Most et à Trnovo en 1995. Il n'avait rien à voir

  6   avec cela. Et l'entreprise criminelle, si elle existait, avait pris fin, et

  7   c'est ce qui a été dit par le Procureur au témoin.

  8   Auparavant, avant cela -- excusez-moi. Je pensais avoir le compte

  9   rendu imprimé, mais je pense que l'essentiel est que le Procureur aurait

 10   accepté dans une mesure significative la position de la Défense, à savoir

 11   ce que le témoin a confirmé, que Milosevic a appuyé l'accord de paix et les

 12   raisons qui l'auraient motivé, mais encore une fois, c'est quelque chose

 13   que M. Farr a rendu clair.

 14   Il a clairement dit cela au témoin en disant que les points

 15   fondamentaux qui ont été présentés sont en accord avec la position de la

 16   Défense. Et en tant que les représentants de la Défense, nous devrions

 17   savoir si c'est la position du bureau du Procureur. Il faut que ça soit dit

 18   de façon explicite.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis en train de lire ce que vous

 20   venez de dire, Maître Jordash.

 21   Corrigez-moi si j'ai tort. Monsieur Farr, dans votre question, vous avez

 22   établi un lien, bien que dans les parties citées cela n'ait pas été aussi

 23   direct. Vous avez dit de la discussion tout entière pour ce qui est du

 24   partage en pourcentage 49-51, ne représente-t-il pas l'expression claire de

 25   M. Milosevic en disant que le nettoyage ethnique avait été achevé.

 26   Et le témoin a dit quelque chose à propos des ambitions pour obtenir

 27   plus ou moins, mais il n'a pas mentionné le nettoyage ethnique en

 28   fournissant sa réponse, donc il n'a pas confirmé l'existence d'un lien


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  1   direct de cela avec le nettoyage ethnique. C'est ce que vous avez, vous,

  2   avancé dans votre formulation.

  3   Mais permettez-moi d'essayer de voir si j'ai bien compris la question

  4   et la réponse. Maître Jordash, vous avez la parole.

  5   M. JORDASH : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous, Monsieur Farr.

  7   M. FARR : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai présenté notre thèse

  8   au témoin, et je pense que la présentation de la thèse à un témoin est de

  9   ne pas à induire le témoin en erreur. Et l'Accusation n'essaie pas de

 10   présenter de façon maladroite la thèse en la modifiant. Ce n'était pas mon

 11   intention.

 12   Mon objectif était de voir si le témoin voulait s'exprimer là-dessus.

 13   Cela aurait été utile à la Chambre puisque la Chambre aurait eu l'occasion

 14   de voir cela du témoin. Et sur la base de l'acte d'accusation, il est clair

 15   que, d'après nos documents, le plan criminel n'a pas pris fin en mai 1993,

 16   mais a continué à durer jusqu'en décembre 1995.

 17   Est-ce que je peux consulter mon collègue ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 19   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 20   M. FARR : [interprétation] Je peux dire que nous ne contestons pas l'appui

 21   de Milosevic pour ce qui est du plan de paix. Nous contestons les motifs

 22   qui l'ont guidé pour le faire, et en particulier ce qui a été présenté dans

 23   le mémoire préalable au procès de la Défense aux paragraphes 245 et 249. Il

 24   est dit que le fait que Stanisic ait appuyé le plan de paix démontre qu'il

 25   n'a pas eu de rôle à jouer dans le cadre de l'entreprise criminelle

 26   commune. Cela veut dire que si quelqu'un appuie un plan de paix ne veut pas

 27   dire nécessairement qu'il n'a jamais voulu que les Serbes de Bosnie soient

 28   déplacés de façon forcée des grandes parties de la Bosnie.


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  1   La situation qui a été produite au milieu du nettoyage ethnique ne

  2   nie pas l'entreprise criminelle commune. Cela veut dire qu'un souhait a été

  3   exprimé pour consolider les résultats acquis. Donc je n'ai pas voulu, de

  4   quelque façon que cela soit, faire modifier ce qui figure dans l'acte

  5   d'accusation.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, pouvez-vous commenter

  7   les propos de M. Farr ? Si vous n'êtes pas content de sa réponse, dites-

  8   nous ce que vous vous attendez à ce que M. Farr dise au témoin. Aidez-nous

  9   pour nous dire de quelle façon le bureau du Procureur devrait présenter sa

 10   thèse au témoin.D'abord, j'aimerais que vous nous disiez comment vous, vous

 11   formuleriez la question pour le témoin. Ensuite, nous pouvons voir si cela

 12   correspond à la position du bureau du Procureur, puisque nous connaissons

 13   déjà un peu la position du bureau du Procureur, et il faut savoir s'il

 14   faudrait formuler de telle façon cette question au témoin.

 15   M. JORDASH : [interprétation] Je ne propose pas que mon éminent collègue

 16   doive poser une question particulière au témoin. Je dis tout simplement que

 17   mon éminent collègue ne devrait pas poser certaines questions au témoin ou

 18   présenter des thèses si ces thèses ne font pas partie intégrante de l'acte

 19   d'accusation.

 20   Si j'ai bien compris la thèse de l'Accusation, le nettoyage ethnique a

 21   continué jusque pendant 1995. C'était l'objectif criminel qui a continué à

 22   être réalisé jusqu'en 1995. C'est comme ça que j'ai compris la thèse du

 23   bureau du Procureur.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous arrêter pour

 25   quelques instants. Nous parlons maintenant du fait si le nettoyage ethnique

 26   avait été achevé ou pas. Pour ce qui est des réponses du témoin, il n'a pas

 27   parlé de cela. Et M. Farr a dû réitérer cette question --

 28   M. JORDASH : [interprétation] Non, parce que je n'ai pas posé des questions


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  1   au témoin concernant la situation factuelle sur le terrain pour savoir si

  2   le nettoyage ethnique avait été achevé en 1995 ou pas.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela veut dire, même si la thèse de

  4   l'Accusation a été présentée de façon erronée, cela n'a eu aucune

  5   conséquence néfaste puisque le témoin ne s'est pas exprimé là-dessus, bien

  6   que vous ayez dit que votre thèse a été présentée de façon erronée.

  7   M. JORDASH : [interprétation] Non --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   M. JORDASH : [interprétation] -- je ne dis pas qu'il faudrait maintenant

 10   poser une nouvelle question au témoin. J'ai voulu tout simplement, en

 11   m'adressant à la Chambre, poser la question au bureau du Procureur pour

 12   savoir quelle était leur thèse, pour obtenir la réponse à cette question,

 13   pour savoir si je vais poser les questions supplémentaires à ce témoin de

 14   façon correcte.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vu les réponses du bureau du Procureur,

 16   est-ce que nous pourrions poursuivre après la pause ?

 17   M. JORDASH : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir

 18   compris la position du bureau du Procureur. Est-ce qu'ils disent que le

 19   nettoyage ethnique a été achevé ou pas ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est comme cela que j'ai compris la

 21   thèse du bureau du Procureur. Mais, Monsieur Farr, si j'ai tort, corrigez-

 22   moi, votre position est comme suit : ce n'est pas qu'il n'y a pas de lien

 23   entre le nettoyage ethnique qui avait été achevé jusqu'à ce moment-là et le

 24   désir de consolider cette situation. Est-ce que je vous ai bien compris ?

 25   M. FARR : [interprétation] Je ne peux pas dire que j'ai bien compris ce que

 26   vous venez de dire, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le nettoyage ethnique avait été

 28   achevé, cela veut dire que rien ne peut être fait là-dessus. Vous avez


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  1   établi le lien entre le discours de M. Milosevic et le fait que le

  2   nettoyage ethnique avait déjà été achevé. Vous avez dit qu'il a utilisé le

  3   fait que le nettoyage ethnique avait été achevé. Ai-je raison pour dire

  4   cela ?

  5   M. FARR : [interprétation] Oui, exactement

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jordash, c'est comme ça que

  7   j'ai compris la thèse du bureau du Procureur. C'était apparemment

  8   l'intention de M. Farr, bien qu'il ne se soit pas exprimé de la meilleure

  9   façon. Est-ce qu'on peut continuer après la pause ?

 10   M. JORDASH : [interprétation] Mais je ne veux pas maintenant susciter

 11   d'autres questions difficiles, mais si on se penche sur la jurisprudence de

 12   ce Tribunal international et si on peut en conclure que le nettoyage

 13   ethnique s'était produit et avait continué jusqu'en 1992 et avait été

 14   achevé pratiquement en 1992, et là je fais référence au jugement de

 15   Krajisnik, plus on s'éloigne du nettoyage ethnique, moins les arguments

 16   présentés par le bureau du Procureur ont un poids. Je veux dire par là, si

 17   M. Stanisic appuyait le plan de paix au début de 1993, on peut facilement

 18   dire qu'une conclusion est imposée selon laquelle les résultats du

 19   transfert forcé auraient été renforcés, consolidés, puisque cela s'est

 20   passé un mois auparavant.

 21   Mais si maintenant, parlant de 1995, la conclusion que le bureau du

 22   Procureur essaie d'imposer devient de moins en moins manifeste. Et c'est

 23   pour cela qu'il est important pour nous de savoir si l'Accusation accepte

 24   la thèse selon laquelle la majorité du nettoyage ethnique avait été achevée

 25   en 1992-1993, puisqu'en 1995 -- les choses qui se sont passées en 1995 sont

 26   les choses qui se sont passées plus tard sur le terrain. C'est pour cela

 27   qu'il nous est important de tirer ce point au clair.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Farr --


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  1   M. FARR : [interprétation] Il ne faut pas que la Chambre ni la Défense

  2   pensent que nous ayons l'intention de modifier l'acte d'accusation puisque

  3   nous avons écrit nos questions très tard la nuit dernière et que nous

  4   n'avons pas bien travaillé. Notre intention n'était aucunement de modifier

  5   les charges dans l'acte d'accusation. Si c'est notre intention à un moment

  6   donné, nous allons faire cela de façon qui sera claire pour tout le monde.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le déplacement forcé était toujours à

  8   l'ordre du jour, indépendamment des pourparlers de paix et indépendamment

  9   de la mesure dans laquelle cela aurait été achevé ou pas.

 10   M. FARR : [interprétation] Oui. Jusqu'à la fin de l'entreprise criminelle

 11   commune présumée.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre considère que la question a

 15   été suffisamment précisée par l'Accusation pour permettre à la Défense de

 16   présenter ses questions supplémentaires au témoin après la pause. Nous

 17   allons donc faire une pause jusqu'à 18 heures 05.

 18   --- L'audience est suspendue à 17 heures 36.

 19   --- L'audience est reprise à 18 heures 09.

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, êtes-vous prêt à poser

 22   des questions supplémentaires au témoin ?

 23   M. JORDASH : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 25   Nouvel interrogatoire par M. Jordash :

 26   Q.  [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser, Sir Ivor.

 27   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher à l'écran la pièce

 28   P2358.

 


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  1   Q.  J'aimerais revenir aux questions que mon éminent collègue vous a posées

  2   par rapport aux motivations de M. Milosevic. J'aimerais qu'on tire certains

  3   points au clair par rapport à cela.

  4   M. JORDASH : [interprétation] Peut-on afficher la page 48 en anglais et 32

  5   dans la version en B/C/S. Il s'agit de la continuation du discours tenu par

  6   Milosevic qu'on a déjà vu auparavant. Il s'agit de P2358. Ça devrait être

  7   la cote de la pièce.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Et le document est sous pli scellé.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Merci. Il nous faut la page 48 en anglais et

 10   la page 32 en B/C/S. La partie qui m'intéresse est le dernier paragraphe,

 11   le paragraphe où Milosevic dit, je cite :

 12   "Ce peuple ne sera pas égorgé à cause de trois têtes embrasées de Pale.

 13   C'est parce que quelqu'un veut prendre plus d'une moitié du territoire de

 14   la Bosnie-Herzégovine, puisque l'autre moitié ne lui suffit pas. Et en

 15   fait, il n'y a pas assez de peuple pour vivre sur cette partie du

 16   territoire".

 17   Peut-on maintenant passer à la page 49 en anglais, à la page 33 en B/C/S :

 18   "Pour ce qui est de l'opinion publique, c'est pour la paix. Seselj ne

 19   représente pas cette opinion publique. Je peux vous dire qu'il ne

 20   représente qu'une poignée de pauvres gens, gens pathétiques. L'armée ne

 21   devrait pas être préoccupée pour ce qui est de leurs formations

 22   paramilitaires. La police est en mesure de régler tout cela n'importe où.

 23   "Et le deuxième danger, un danger que nous avons confronté, était

 24   l'introduction des sanctions sévères. Comme je l'ai déjà dit, le premier

 25   danger était de provoquer la guerre en Yougoslavie".

 26   Q.  Sir Ivor, il s'agit de préoccupations de Milosevic qu'il a exprimées

 27   ici. Est-ce que vous lui avez parlé par rapport à cela ?

 28   R.  Oui. Et généralement parlant, cela reflétait les préoccupations


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  1   exprimées ici. C'est ce dont il m'a parlé.

  2   Q.  Lorsqu'il est fait référence aux formations paramilitaires de

  3   l'opposition, pouvez-vous nous dire un peu plus pour ce qui est des

  4   préoccupations de Milosevic par rapport à cela ?

  5   R.  Je pense qu'il a parlé des gens tels que Vojislav Seselj.

  6   Q.  Et l'effet qu'a eu Seselj ?

  7   R.  Les paramilitaires en Bosnie.

  8   Q.  Merci.

  9   M. JORDASH : [interprétation] Et ensuite, si nous pouvions passer à la page

 10   1D3612. Encore une fois, il s'agit d'un procès-verbal du Conseil suprême de

 11   la Défense qui s'est tenu le 2 novembre 1994. Je crois que ceci devrait

 12   être sous pli scellé également, je vous prie.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pardonnez-moi. Au niveau du compte

 14   rendu d'audience, en fait, je souhaite vérifier le numéro 1D361 [comme

 15   interprété]. Je souhaite vérifier avec vous, s'il vous plaît.

 16   M. JORDASH : [interprétation] Tout à fait.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est le 1D. D'accord. Ce document ne

 18   se trouve pas dans le système, dans le prétoire électronique.

 19   M. JORDASH : [interprétation] Ecoutez, il n'y a pas de problème, je peux

 20   laisser ça de côté.

 21   Q.  Je vais en terminer sur ce sujet en posant une ou deux autres

 22   questions. Tout d'abord, y avait-il une quelconque disposition dans les

 23   accords de Dayton qui concernaient les réfugiés ou les personnes déplacées

 24   ?

 25   R.  Oui, je suis sûr que oui. Je ne me souviens pas des détails de cela,

 26   malheureusement, aujourd'hui.

 27   Q.  Peut-être que nous pourrions traiter de cette question en versant au

 28   dossier plus tard l'accord de paix de Dayton.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, ou d'être d'accord sur la

  2   question. Je pense que la teneur de l'accord de paix de Dayton, à mon sens,

  3   il serait optimiste de s'attendre à ce que les parties soient d'accord là-

  4   dessus. J'espère que vous n'êtes pas trop optimiste en la matière.

  5   M. JORDASH : [interprétation] Je crois que c'est une des choses sur

  6   lesquelles nous pourrions nous mettre d'accord, mais je ne vais pas y

  7   consacrer du temps en présence de M. Ivor.

  8   Q.  Et vous avez quitté la région à quel moment, Monsieur ?

  9   R.  Je suis parti au début du mois de novembre 1997, la première fois, et

 10   je suis retourné après en qualité de secrétaire des Affaires étrangères et

 11   représentant confidentiel à deux occasions en 1998. C'était au moment où M.

 12   Robin Cook était le secrétaire des Affaires étrangères britannique.

 13   Q.  Lorsque vous êtes reparti, est-ce que M. Stanisic était toujours à la

 14   tête des services de Sûreté de l'Etat ?

 15   R.  Je crois que oui. Mais je pense que vous sauriez cela mieux que moi.

 16   Q.  Je ne sais pas si mon avis intéresse quelqu'un.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous êtes d'accord avec l'Accusation,

 18   je crois tout le monde serait satisfait, Maître Jordash. Encore une fois,

 19   il ne s'agit pas d'une question qui soit contestée, à mon sens ?

 20   M. JORDASH : [interprétation] Ceci m'amène à ma question suivante --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, posez votre question

 22   suivante.

 23   M. JORDASH : [interprétation] -- à savoir si à un quelconque moment M.

 24   Stanisic a quitté ce poste ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Et lors de mes deux visites qui étaient

 26   centrées exclusivement sur le Kosovo, mention n'a jamais été faite de M.

 27   Stanisic, si je me souviens bien. Je pense aux longues réunions qui se sont

 28   déroulées aux mois de mars et juillet, si je me souviens bien, de l'année


Page 18642

  1   1998.

  2   M. JORDASH : [interprétation]

  3   Q.  Avez-vous rencontré Milosevic au cours de ces réunions ?

  4   R.  Oui, c'était l'objectif de ma visite.

  5   M. JORDASH : [interprétation] Est-ce que vous pouvez m'accorder quelques

  6   instants, s'il vous plaît.

  7   [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]

  8   M. JORDASH : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  9   Q.  Merci beaucoup, Monsieur Ivor.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr, avez-vous d'autres

 11   questions à poser au témoin ?

 12   M. FARR : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné que les Juges de la Chambre

 16   n'ont pas d'autres questions à vous poser, je souhaite vous remercier

 17   d'être venu et répondre aux questions qui vous ont été posées par les

 18   parties, et quelques questions qui vous ont été posées par les Juges de la

 19   Chambre. Vous pouvez disposer maintenant. Vous pouvez suivre l'huissier qui

 20   va vous escorter. Je vous souhaite un bon voyage de retour, quel que soit

 21   l'endroit d'où vous êtes venu.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 23   [Le témoin se retire]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, je vois que vous êtes

 25   debout.

 26   M. JORDASH : [interprétation] Oui, simplement pour demander le versement au

 27   dossier, s'il vous plaît, de quelques documents.

 28   Puis-je demander le versement du 1D05453, le 05476 [comme

 


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  1   interprété], et le 1D05477, qui sont les documents que j'ai utilisés

  2   pendant mon interrogatoire de ce témoin.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Farr.

  4   M. FARR : [interprétation] Je pense que la Défense a précisé que le 1D05453

  5   a été versé au dossier conformément à une demande d'assistance. S'ils

  6   peuvent le confirmer au compte rendu d'audience, je ne m'y oppose pas. Pour

  7   ce qui est des deux autres, nous n'avons pas d'information sur l'origine

  8   des documents.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash.

 10   M. JORDASH : [interprétation] Effectivement, pour ce qui est du 1D05453,

 11   ceci a fait l'objet d'une demande d'assistance.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les deux autres ?

 13   M. JORDASH : [interprétation] Pardonnez-moi. Je crois qu'il faudrait lui

 14   attribuer une cote provisoire. Il faudrait que nous vérifiions l'origine de

 15   ce document.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous pouvons ajouter donc deux

 17   documents MFI sur notre liste pour mercredi et espérer pouvoir résoudre

 18   cette question-là ce jour-là.

 19   M. JORDASH : [interprétation] Je --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Bakrac, apparemment vous n'avez

 21   pas d'observations à faire du côté de la Défense de Stanisic.

 22   Donc, le 1D05453, Madame la Greffière, s'il vous plaît.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Recevra la cote 782 [comme interprété],

 24   Mesdames, Monsieur les Juges.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le D782 est versé au dossier. Et le

 26   1D05476 [comme interprété], s'il vous plaît.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Recevra la cote D783,

 28   Mesdames, Monsieur les Juges.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Marqué aux fins d'identification --

  2   M. JORDASH : [interprétation] Ça se termine par -- c'est le 766 [comme

  3   interprété]. Donc, nous parlons du 1D5476, en fait, marqué aux fins

  4   d'identification sous la cote D783. Et le dernier document, qui est le

  5   1D05477 ?

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Qui recevra la cote D784, Mesdames,

  7   Monsieur les Juges.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Marqué aux fins d'identification

  9   également.

 10   M. JORDASH : [interprétation] Ces deux derniers documents qui viennent

 11   d'être cités nous ont été communiqués par l'Accusation.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci modifie-t-il votre position,

 13   Monsieur Farr ?

 14   M. FARR : [interprétation] D'après mon souvenir, je n'ai pas vu de numéro

 15   ERN du bureau du Procureur sur ce document. C'est ce qui permet de

 16   déterminer l'origine d'un document de ce genre, et surtout, s'il est

 17   communiqué par nous. Donc, nous pourrions peut-être en parler après

 18   l'audience pour essayer de résoudre cette question.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans ce cas, le statut de ce

 20   document reste inchangé.

 21   Maître Jordash, avez-vous préparé un résumé 92 pour ce témoin ?

 22   M. JORDASH : [interprétation] Tout à fait. Mais il y a un ou deux points

 23   que je souhaite voir avec vous à propos de cette pièce.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, parlez d'abord des

 25   pièces.

 26   M. JORDASH : [interprétation] Alors, Mesdames, Monsieur les Juges, vous

 27   nous aviez demandé si nous souhaitions que le 65 ter 1320, que nous

 28   fournissions des éléments de contexte, et nous ne souhaitons pas le verser


Page 18645

  1   directement dans le prétoire, et l'Accusation a simplement présenté comme

  2   pièce un passage de ce document.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans l'intervalle, nous avons reçu le

  4   numéro de cote de l'Accusation, mais rien n'a changé, et donc on peut

  5   garder ceci en l'état. Je crois qu'il y avait un autre document ?

  6   M. JORDASH : [interprétation] Effectivement, il y avait un document dans sa

  7   totalité, le 1345, que nous souhaitions verser directement dans le

  8   prétoire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 1345. Et ce document sur le tableau,

 10   nous sommes censés regarder quelle partie du document ?

 11   M. JORDASH : [interprétation] Ecoutez, nous n'avons pas eu de retour de la

 12   part dans l'Accusation. A notre avis, c'était suffisamment clair.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné que le document versé

 14   directement au prétoire est plus important, je crois qu'il serait plus sage

 15   de retirer le document. Quel numéro déjà avait ce dernier document qui est

 16   au compte rendu ? C'est le 73415 ?

 17   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jordash, est-ce que vous pouvez

 19   répéter le numéro, ou en tout cas le numéro ID, le numéro qui a été

 20   attribué à ce document, qui faisait déjà partie de votre -- est-ce qu'il

 21   s'agit du numéro 65 ter 1320.1; c'est ça ? Numéro 65 ter -- P3116.

 22   M. JORDASH : [interprétation] Alors celui qui figure sur notre liste pour

 23   être versé directement dans le prétoire était le numéro 65 ter 1345.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 1345.1, qui semble correspondre au

 25   document P3115. Alors, ce qu'il faudrait faire dans ce cas, Monsieur Farr,

 26   c'est d'annuler l'extrait que l'on trouve dans le numéro 65 ter 1345.1…

 27   M. FARR : [interprétation] En fait, une de nos préoccupations, c'est que

 28   ceci pourrait intervenir avec les références que je vais citer lorsque


Page 18646

  1   j'interrogerais le témoin, lorsque je citerais des pages précises du

  2   document.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   M. FARR : [interprétation] En fait, cela concerne trois ou quatre pages de

  5   l'extrait.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui -- 

  7   M. FARR : [interprétation] Je crois qu'en fait, ceci serait un fardeau plus

  8   qu'autre chose --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, pour être plus pratique, laissons

 10   cela en l'état, même s'il y a une ou deux pages que nous avons sous la

 11   forme d'un doublon dans notre prétoire électronique, Maître Jordash.

 12   M. JORDASH : [interprétation] Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autre chose ?

 14   M. JORDASH : [interprétation] Non. Très bien.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez donc préparé un résumé 92 ter.

 16   M. JORDASH : [interprétation] C'est exact.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez le lire au compte rendu

 18   d'audience, s'il vous plaît.

 19   M. JORDASH : [interprétation] Sir Ivor Roberts a rejoint les services

 20   diplomatiques en 1968.

 21   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation] 

 22   M. JORDASH : [interprétation] Et jusqu'à sa retraite en 2006, il a été

 23   envoyé à différents postes. Il a été muté à Londres, au Liban, à Paris,

 24   Canberra, Vanuatu, Madrid, Belgrade, Dublin et Rome. A Belgrade, le témoin

 25   était chargé des Affaires étrangères, et ensuite il a joué le rôle

 26   d'ambassadeur. A ce titre, il a eu l'occasion de rencontrer Milosevic

 27   souvent, 40 à 50 fois sur une période s'étalant sur quasiment quatre ans.

 28   A l'époque, le témoin est arrivé en RFY au début de l'année 1994. Milosevic


Page 18647

  1   subissait encore l'humiliation du rejet des Serbes de Bosnie et leur refus

  2   d'accepter le plan Vance-Owen. Le témoin estimait que Milosevic souhaitait

  3   que les Serbes de Bosnie soient finalement placés sous son contrôle. Après

  4   quelques résultats infructueux dans ce sens pour que les Serbes de Bosnie

  5   acceptent le plan du Groupe de contact, Milosevic a perdu patience avec les

  6   dirigeants de Pale et a réagi aux pressions exercées par les négociateurs

  7   de la communauté internationale, Lord Owen et Thorvald Stoltenberg et a

  8   ordonné la fermeture de la frontière entre la RFY et la Bosnie.

  9   Le témoin, de surcroît, a indiqué que Lord Owen avait une relation

 10   complexe avec Milosevic. Lui et le témoin pensaient que Milosevic, depuis

 11   le moment où il avait accepté le plan de paix Vance-Owen, s'était engagé

 12   dans une politique qui visait à mettre un terme à la guerre en Bosnie et

 13   qu'il recherchait des solutions actives aux problèmes posés.

 14   Dans sa déclaration, le témoin fait remarquer que Milosevic et

 15   Karadzic n'entretenaient pas de bons rapports au moment où lui était en

 16   poste à Belgrade. Milosevic avait été humilié à Pale en 1993 lorsqu'il

 17   avait essayé, sans succès, de convaincre les Serbes de Bosnie d'accepter le

 18   plan de paix Vance-Owen. Le témoin fait remarquer qu'il estimait que

 19   Karadzic était une pierre d'achoppement importante et entravait les efforts

 20   poursuivis pour mettre un terme à la guerre en Bosnie, et Milosevic a

 21   essayé de le faire renvoyer de son poste.

 22   Le témoin parle également de la crise des otages dans sa déclaration.

 23   Lorsque le témoin a eu connaissance ou a eu vent de cette affaire, il est

 24   immédiatement allé rencontrer Milosevic et insisté sur le fait qu'il avait

 25   besoin que ces soldats britanniques sortent vivants de tout ceci. Milosevic

 26   lui a affirmé qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour les faire

 27   libérer. Par la suite, Milosevic a dit au témoin qu'il avait envoyé

 28   Stanisic en Bosnie pour aller rencontrer Karadzic afin de trouver une

 


Page 18648

  1   solution à la crise des otages.

  2   Le témoin parle également de sa propre expérience pendant la crise

  3   des otages et comment il a pu contribuer à la résolution de ce problème.

  4   Pendant la crise des otages des Nations Unies, le témoin n'a pas rencontré

  5   Stanisic; même si son adjoint l'a rencontré à une reprise lors d'un

  6   briefing. Et de façon générale, le témoin n'a rencontré M. Stanisic qu'une

  7   fois. Au cours de cette réunion, il ne lui a que serré la main, et ceci

  8   s'est passé aux mois de novembre et décembre 1995 à l'aéroport militaire de

  9   Belgrade, Batajnica.

 10   Je vous remercie, Mesdames, Monsieur les Juges.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Jordash.

 12   Je souhaite brièvement passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 14   Mesdames et Monsieur les Juges.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 18649-18651 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 22   Madame Marcus, veuillez poursuivre. Nous sommes en train de nous pencher

 23   sur la question de cette proposition visant à une audience plus efficace

 24   pour ce qui est des questions d'intendance.

 25   Mme MARCUS : [interprétation] Merci. Alors nous avons fait ces propositions

 26   pour cette audience particulière et nous avons fait des propositions

 27   également pour les audiences ultérieures. Mais pour celle-ci, nous avons

 28   préparé un tableau, un tableau Excel -- nous avons, en fait, également

 


Page 18653

  1   communiqué une version Word mercredi, c'était donc le 21 mars. Il y a une

  2   colonne vierge dans le tableau que nous avons communiqué qui est prévue

  3   pour la position de la Défense. Nous avons proposé que les documents versés

  4   aux fins d'identification, qu'ils soient de la Défense ou de l'Accusation,

  5   figurent dans ce tableau - nous les avions, en fait, inclus - et qu'un

  6   certain nombre d'autres questions toujours pendantes et qui ne concernent

  7   pas le versement aux fins d'identification soient également inclus. Ce qui

  8   laisse de côté un certain nombre de sujets.

  9   Donc, mercredi dernier, la Défense a soumis des écritures, nous avons

 10   répondu vendredi. Mais la proposition, le tableau qui récapitule toutes les

 11   questions en suspens est assez volumineux, une centaine de pages. Les

 12   positions des parties ont déjà été consignées à de nombreuses reprises au

 13   compte rendu d'audience, et, par conséquent, nous estimons que la Défense

 14   pourrait peut-être apporter une confirmation, ou en tout cas faire figurer

 15   sa position dans le tableau. S'il y a des informations supplémentaires à

 16   inclure, la Défense peut également les faire figure dans le tableau. Et

 17   cela rejoint assez largement les recommandations qui étaient celles de la

 18   Chambre concernant les demandes de versement direct.

 19   Donc ce que nous avançons, c'est que mercredi nous n'aurions, dans ce

 20   cas-là, à aborder que les questions supplémentaires pour lesquelles il n'y

 21   a pas encore eu d'arguments présentés. Et pour toutes les questions qui

 22   sont toujours pendantes depuis l'audience dédiée aux questions d'intendance

 23   de novembre dernier, je crois que tout ceci pourrait être résolu avant

 24   mercredi par simple correspondance ou que peut-être -- en tout cas, les

 25   décisions de la Chambre figurent au compte rendu d'audience, et je pense

 26   que cela nous épargnerait peut-être deux tiers, voire trois quart, des

 27   questions à considérer.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on a fourni à la Chambre une


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  1   copie du tableau en question avec vos commentaires 

  2   inclus ?

  3   Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors je ne suis pas tout à

  5   fait surpris de ne pas l'avoir vu pour toutes sortes de raisons. Mais est-

  6   ce que les commentaires de la Défense figurent déjà dans le tableau ou bien

  7   y a-t-il une nouvelle copie que l'on attend de la Défense ?

  8   Mme MARCUS : [interprétation] Nous n'avons reçu aucune des réponses de la

  9   Défense pour le moment. Ce que nous avons fait, c'est inclure les

 10   informations correspondant à notre propre position. Les raisons pour

 11   lesquelles, en revanche, la Défense a soulevé ces différentes questions, eh

 12   bien, telles que ces raisons figurent dans les écritures, nous les avons

 13   incluses dans notre copie. Mais c'est tout. Ce n'est qu'une proposition,

 14   Mesdames et Monsieur les Juges, pour essayer d'économiser du temps en

 15   audience. Je ne crois pas qu'elle soit responsable de passer en revue

 16   chacune de ces questions une par une oralement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, quelle que soit la décision

 18   finale de la Chambre, est-ce que la Défense est prête à préparer cette

 19   audience d'intendance sur la base du tableau élaboré par l'Accusation ?

 20   M. JORDASH : [interprétation] Je suis un peu mécontent que l'on ne nous ait

 21   pas demandé de cesser de faire nos devoirs de classe et que nous ayons

 22   continué à le faire. Ce document comporte 98 pages, et nous sommes en train

 23   d'y mettre un point final. Nous l'aurons terminé d'ici demain.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que sur la base de notre

 25   expérience commune, nous savons ce qu'il en coûte de passer en revue les

 26   listes des documents MFI. Ceci est vrai pour les parties comme pour les

 27   Juges de la Chambre. Quand pensez-vous pouvoir être prêt, Maître Jordash ?

 28   M. JORDASH : [interprétation] Je pense que cela pourrait être terminé


Page 18655

  1   à la fin de la journée de demain.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui nous laisserait la nuit pour nous

  3   préparer davantage.

  4   M. JORDASH : [interprétation] Une nuit difficile, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, oui. Non, j'essaie simplement

  6   de voir quelles seront les conséquences concrètes. Si vous avez fait la

  7   moitié du travail, est-ce que vous êtes prêt à partager cette moitié du

  8   travail avec nous ?

  9   M. JORDASH : [interprétation] Oui. Je veux dire, ce que je viens de dire,

 10   c'est que si tout est terminé demain matin, je pourrais entreprendre le

 11   reste du travail, et d'ici au déjeuner ce sera fait.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce serait très utile. Nous allons

 13   intégrer cela dans nos préparatifs pour l'audience d'intendance.

 14   Madame Marcus, est-ce que vous avez réussi dans vos 

 15   initiatives ?

 16   Mme MARCUS : [interprétation] Je ne pense pas, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je ne m'attends pas à une réponse

 18   plus définitive que celle-ci. Donc nous suspendons pour la journée.

 19   Nous reprenons le mercredi 28 mars à 9 heures du matin dans la même

 20   salle.

 21   --- L'audience est levée à 18 heures 48 et reprendra le mercredi 28 mars

 22   2012, à 9 heures 00.

 23  

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