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1 Le mardi 9 novembre 2004
2 [Conférence de mise en état]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 10 heures 01
6 M. LE JUGE EL MAHDI : Bonjour tout le monde. Je demande, s'il vous plaît, à
7 Mme la Greffière de bien vouloir annoncer l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-96-
9 23/2-PT, le Procureur contre Radovan Stankovic.
10 M. LE JUGE EL MAHDI : Je demande, s'il vous plaît, aux parties de se
11 présenter. Pour l'Accusation.
12 M. WUBBEN : [interprétation] Bonjour. L'Accusation est représentée par Jan
13 Wubben, Manoj Sachdeva et Djurdja Mirkovic, substitut d'audience.
14 M. LE JUGE EL MAHDI : Pour la Défense, s'il vous plaît.
15 M. RADOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
16 Milenko Radovic, conseil de l'accusé, Radovan Stankovic. Je suis conseil de
17 Foca.
18 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci beaucoup, Maître.
19 Monsieur Stankovic, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous
20 comprenez ?
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur El Mahdi. Je vous entends, même
22 si mon ouïe n'est pas la meilleure. Mais je crois que vous ne désirez pas
23 m'entendre, c'est la raison pour laquelle j'espère sincèrement
24 qu'aujourd'hui vous n'allez pas vous échapper de cette Conférence de mise
25 en état comme vous l'avez fait dans les deux cas précédents et j'espère que
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1 --
2 M. LE JUGE EL MAHDI : Monsieur Stankovic, écoutez. Ecoutez, Monsieur
3 Stankovic. Monsieur Stankovic.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que vous allez me permettre de dire ce
5 que je veux dire.
6 M. LE JUGE EL MAHDI : Quand je parle, vous devez m'entendre. C'est la règle
7 d'or et jamais un Juge ne doit laisser un désordre régner dans la salle. Il
8 y a une règle. On doit tous se soumettre à cette règle.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous m'avez demandé quelque chose et je vous ai
10 répondu. Je réponds à vos questions. Vous m'avez posé une question, je ne
11 vous interromps pas. Alors, je ne vais pas mener une Conférence de mise en
12 état, mais ne m'interrompez pas, j'ai le droit selon l'Article 65 bis de
13 m'exprimer.
14 M. LE JUGE EL MAHDI : Vous aurez le temps, mais quand je vous pose la
15 question, vous devez me répondre. Je vous demande simplement, est-ce que
16 vous m'entendez dans une langue que vous comprenez, c'est oui ou non.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement, j'ai répondu.
18 M. LE JUGE EL MAHDI : On ne va pas commencer, parce que vous agissez d'une
19 façon provocante. Je dois vous dire que je suis là, je fais ma fonction au
20 service d'une justice sublime. Alors, maintenant, je comprends que vous
21 m'entendez dans une langue que vous comprenez ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je ne peux pas répondre à vos questions
23 par un oui ou par un non. Vous me posez une question et je vous ai répondu.
24 M. LE JUGE EL MAHDI : Monsieur Stankovic, Monsieur Stankovic, cela suffit.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur El Mahdi, permettez-moi
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1 de me donner la parole. Je voudrais que vous m'écoutiez. Vous m'interrompez
2 sans cesse, immédiatement après la première phrase. C'est tout. Voilà,
3 c'est ce que j'ai à dire. Voilà, c'est comme cela que les deux dernières
4 Conférences de mise en état se sont déroulées. Vous n'avez jamais voulu
5 m'entendre. Je veux bénéficier de mon droit selon l'Article 65 bis de
6 parler de l'affaire. J'espère que, aujourd'hui, vous me permettrez, vous me
7 donnerez dix minutes de votre temps précieux pour dire ce que j'ai à dire.
8 C'est tout. Voilà, je veux avoir une conversation civilisée, mais vous ne
9 voulez certainement pas le faire.
10 M. LE JUGE EL MAHDI : Je dois rappeler à celui qui veut m'entendre qu'il y
11 a des réflexions que je ne veux pas. Je ne suis pas là pour recevoir des
12 leçons, au mieux, c'est que je dois donner des leçons.
13 Durant la dernière Conférence de mise en état, j'avais demandé à la Défense
14 de se prononcer sur un sujet déterminé, à savoir : la question d'alibi.
15 J'ai reçu un mémoire, je crois, rédigé par M. Stankovic lui-même, qui a été
16 enregistré par le greffe le 10 septembre, dans lequel il dit que, en fait,
17 il y a une contradiction dans les règles du Tribunal, à savoir entre la
18 Règle 65 ter et la Règle 67.
19 J'aimerais attirer l'attention des parties à la version française du texte
20 de l'Article 67. Si bien que la version anglaise de ce même article dit, et
21 je cite :
22 [en anglais] "The Defence shall notify the Prosecutor of
23 [interprétation] La Défense informe le Procureur de son intention
24 d'invoquer une défense d'alibi avec indication du lieu ou des lieux
25 spécifiques où l'accusé prétend s'être trouvé au moment des faits
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1 incriminés," et ainsi de suite.
2 [en français] Tandis que la version française dit : "La Défense informe le
3 Procureur de son intention d'invoquer" ce qui n'est pas exactement
4 l'équivalent de l'expression anglaise :
5 [en anglais] "The Defence shall notify."
6 [en français] en plus, dans le même texte anglais, cela a été dit, et je
7 cite :
8 [en anglais] "The Defence of alibi in which case the notification
9 shall specify," et cetera.
10 [en français] En français, le texte est différent car il dit: "Une
11 Défense d'alibi avec indication du lieu ou des lieux spécifiques où
12 l'accusé prétend s'être trouvé au moment des faits incriminés."
13 J'attire l'attention des parties à cette différence de texte. En anglais,
14 c'est un texte obligatoire qui émane de l'expression "shall",
15 [en anglais] in a mandatory sense,
16 [en français] tandis que la version française ne donne pas ce sens au
17 texte.
18 Ceci dit, il faut quand même que le Procureur soit en mesure de
19 formuler son affaire. Nous sommes en face d'une situation où la Défense dit
20 : je me réserve la possibilité de détailler ma défense d'alibi pour le
21 moment venu. Par contre, l'Accusation qui dit : quand même pour gérer à
22 bien mon affaire, j'ai besoin de savoir la nature de cette défense.
23 Je crois que la solution est claire à voir. Si on se rappelle ce qui
24 a été dit dans les mémoires préalables au procès présentés, à la fois, par
25 le conseiller de la Défense et par M. Stankovic lui-même, c'est clair que
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1 l'alibi consiste en ceci : que durant 90 % du temps ou de la période de
2 l'accusation, M. Stankovic était sur le front, il combattait. En plus, la
3 Défense dit et M. Stankovic affirme qu'il était allé à la maison qu'on
4 connaît deux fois, et ceci en mission pour veiller à résoudre certains
5 problèmes sécuritaires.
6 J'imagine que cette défense d'alibi peut se baser sur plusieurs
7 bases, pas nécessairement des témoins, mais, par exemple, des registres
8 militaires ou administratifs qui peuvent révéler les missions accordées ou
9 assignées à M. Stankovic pendant la période de l'accusation aussi bien les
10 missions qu'il a dû effectuer devant la maison qu'on connaît tous.
11 A ce stade, je crois que la Défense est en droit de, si elle n'a pas
12 en possession du matériel déterminant pour baser sa défense d'alibi, ne pas
13 être obligée d'aller plus loin et de révéler l'information, le cas échéant,
14 avant le commencement de l'affaire de Procureur de l'Accusation, ou dès que
15 cette information soit disponible à la Défense.
16 Ceci ce qui concerne la Défense d'alibi.
17 Je passe à une autre question, à savoir, les mémoires qui ont été
18 présentés et qui révèlent des informations qui sont considérées protégées,
19 à savoir, l'identité de certains témoins ou victimes. Ce qui est un fait
20 très grave, et à cette occasion je dois dire que le greffe a très bien fait
21 son travail dans la mesure où il a enregistré les mémoires sous la
22 confidentialité, malgré qu'elle ne soit pas présentée dans cette forme là,
23 ce qui limite les dégâts. J'inviterais Me Radovic, s'il vous plaît, de
24 veiller à ce que les mémoires présentés par la Défense soient respectueux
25 des mesures de protection en place.
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1 Je me retourne vers l'Accusation, s'il vous plaît. Est-ce que, si je
2 comprends bien, vous avez établi votre liste de témoins ? Est-ce que c'est
3 une liste définitive ? Est-ce que vous avez estimé le temps que va durer le
4 témoignage de chaque témoin, pour à peu près estimer la durée de votre
5 présentation d'affaire ?
6 M. WUBBEN : [interprétation] Monsieur le Juge, nous ne sommes pas occupés
7 de cette question pour le moment, car nous sommes occupés par la requête en
8 vertu de l'Article 11 bis, donc pour le moment je ne peux pas confirmer
9 qu'il s'agit d'une liste définitive. Nous avons effectivement une liste et
10 notre objectif est de présenter des témoins pertinents. Nous nous occupons
11 également de la requête déposée en vertu de l'Article 11 bis. Nous
12 attendons que la Chambre de première instance statue sur la requête
13 présentée en vertu de l'Article 11 bis, avant de nous occuper de l'ordre de
14 comparution des témoins, du nombre des témoins qui seront cités à
15 comparaître. Si vous souhaitez que nous informions de cela, je vous
16 informerai dans le plus bref délai.
17 M. LE JUGE EL MAHDI : Oui. Merci. Je crois que moi je m'occupe de la mise
18 en état de cette affaire-là devant ce Tribunal. Je dois aller en avant
19 jusqu'à ordre contraire. Enfin, je ne peux pas attendre de trancher votre
20 requête s'agissant de l'Article 11 bis. Enfin, c'est quelque chose qui
21 heurt, de manque de mine, de compétence. Donc j'espère que vous pouvez me
22 procurer d'information si vous l'avez maintenant.
23 M. WUBBEN : [interprétation] Monsieur le Juge, je dispose de ces
24 informations. Nous avons l'intention de citer à comparaître 13 témoins au
25 total, pour un total de 50 heures. Mais si vous voulez savoir s'il s'agit
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1 ou non de la liste définitive du nombre définitif de témoins, nous
2 souhaitons en ajouter peut-être trois.
3 M. LE JUGE EL MAHDI : Si vous dites 13 témoins, disons, si je comprends
4 bien, probablement deux en plus ou en moins, en fait, c'est aux alentours
5 de 15, par exemple.
6 M. WUBBEN : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE EL MAHDI : Pour les heures c'est 50 heures ?
8 M. WUBBEN : [interprétation] Oui. 50 heures. Tout cela figure dans notre
9 mémoire préalable au procès.
10 M. LE JUGE EL MAHDI : Oui. Je voulais confirmation. Merci beaucoup.
11 Je me tourne vers la Défense, s'il vous plaît. Est-ce que vous voulez
12 évoquer n'importe quel sujet ?
13 M. RADOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, étant donné que
14 l'Accusation nous a fait parvenir le 21 septembre 2004, en fait une requête
15 en vertu de l'Article 11 bis, que l'affaire de M. Stankovic soit envoyée
16 dans l'état de Bosnie-Herzégovine, et qu'elle soit sous la compétence de la
17 Chambre des crimes de guerre. Je souhaite dire la chose suivante :
18 La Défense ne souhaiterait pas se lancer dans un énorme débat. Elle
19 le fera par écrit à la Chambre. Nous l'avons déjà rédigé, mais la Défense
20 se doit de vous dire que cette proposition de l'Accusation représente une
21 violation du principe fondamental que représente ce Tribunal et les
22 règlements du Tribunal.
23 Selon l'Article 21(4)(c), l'accusé a le droit qu'on le juge sans un
24 délai supplémentaire non nécessaire. Il a droit à un procès juste et
25 équitable dans les délais.
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1 La Défense a déjà dit, à plusieurs reprises, qu'elle est prête à
2 commencer le procès. Nous l'avons déjà exprimé il y a cinq ou six mois. Si
3 l'on permette à l'Accusation, si l'on fait droit à la requête de
4 l'Accusation de renvoyer l'affaire devant l'état de Bosnie-Herzégovine et
5 devant cette Chambre des crimes de guerre, instance qui a été formée
6 beaucoup plus tard après que M. Stankovic s'est livré entre les mains du
7 Tribunal, cela représenterait une violation du statut de la Republika
8 Srpska, qui est une entité reconnue en tant qu'entité légale et juridique.
9 La constitution de la Republika Srpska ne permet pas que l'on remette
10 entre les mains d'un autre état, un détenu afin que son procès soit fait.
11 La requête renvoyée par le tribunal de Bosnie-Herzégovine, qui est une
12 sorte de cour internationale, puisqu'elle serait composée de deux juges
13 internationaux et d'un juge de la Bosnie-Herzégovine.
14 Dans un état souverain tel que la Bosnie-Herzégovine, on ne peut pas
15 permettre aux étrangers de juger. Ce tribunal, tel qu'il est formé, comme
16 j'ai déjà dit, représente une sorte de tribunal international qui n'a pas
17 été créé par les Nations Unies ou lors d'une conférence diplomatique, qui
18 est la seule façon de créer des tribunaux internationaux.
19 Car, une telle cour n'aurait pas la compétence et ne pourrait pas
20 entendre l'affaire de M. Stankovic. Conformément à l'Article 9 du statut,
21 les états nationaux ont juridiction parallèle si la Chambre prendrait la
22 décision de renvoyer l'affaire de M. Stankovic à la cour nationale de
23 Bosnie-Herzégovine. La seule cour qui a la compétence d'entendre l'affaire
24 de M. Stankovic serait une cour dans la Republika Srpska qui serait la cour
25 de district et de Trebinje.
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1 Le tribunal de district et de Trebinje a juridiction, et cette cour a
2 la compétence d'entendre le procès de M. Stankovic spécialement, eu égard
3 aux faits que les faits et les agissements de M. Stankovic, conformément à
4 l'acte d'accusation rédigé par ce Tribunal, ces actes et agissements ont
5 été menés sur le territoire de l'ex-municipalité de Miljevina, qui est
6 appelé la commune locale de Miljevina, et celle-ci est située sur le
7 territoire qui tombe sur la juridiction de la cour de district et de
8 Trebinje dans la Republika Srpska.
9 Conformément aux droits des procédures criminelles pénales qui
10 existent en Bosnie-Herzégovine, dans la fédération de Bosnie-Herzégovine et
11 dans la Republika Srpska, le tribunal qui est situé sur le territoire sur
12 lequel le crime a été commis a une juridiction territoriale. Pour ce qui
13 est de l'affaire, surtout eu égard aux faits que M. Stankovic se trouvait
14 accuser d'avoir commis des crimes qui se trouvaient sur le territoire de
15 Miljevina, pour que l'on puisse avoir un procès, la seule cour compétente
16 est la cour de la Republika Srpska, et comme j'ai dit, cela représenterait
17 le tribunal de district et de Trebinje.
18 L'Article 11 bis dit que dans certains cas l'affaire peut être
19 renvoyée également aux autorités du gouvernement du territoire sur lequel
20 le crime a été commis -- le délit a été commis. Sous le paragraphe 2, on
21 dit que l'on peut également référer l'affaire dans le pays dans lequel
22 l'accusé a été arrêté. Dans le sous-paragraphe 3, on dit que les pays ont
23 juridiction, et qu'il faudrait que le pays en question soit, ou il est en
24 question, préparé pour accepter cette affaire.
25 Tous ces prérequis nous indiquent qu'afin de pouvoir juger
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1 M. Stankovic en Bosnie-Herzégovine, que les seuls tribunaux qui ont la
2 juridiction appropriée ou la compétence appropriée seraient la cour de
3 district de Trebinje. Voici, je vous énumère mes raisons :
4 C'est sur le territoire de ce tribunal que les crimes sont allégués
5 d'être commis. C'est sur le territoire de ce tribunal, de cette cour M.
6 Stankovic s'est livré. Ce tribunal se situe en Bosnie-Herzégovine en tant
7 qu'état, en tant que l'entité de la Republika Srpska. Il s'agirait d'une
8 entité qui, à ce moment-là, pourrait mener un procès contre M. Stankovic.
9 Ce qui représente un empêchement au tribunal de renvoyer cette
10 affaire plus loin devant les tribunaux nationaux en Bosnie-Herzégovine, par
11 exemple, devant cette chambre de crimes de guerre, est que M. Stankovic a
12 passé deux ans et demis déjà au quartier pénitentiaire de ce Tribunal,
13 conformément à la requête de ce tribunal. Nous sommes déjà dans une étape
14 assez avancée. Des mémoires préalables au procès ont déjà été soumis, et
15 nous sommes prêts à procéder. Nous sommes prêts à commencer un procès,
16 alors que le procès devant ce tribunal ne devrait pas prendre plus de deux
17 mois.
18 Si cette affaire par contre est renvoyée aux autorités de Bosnie-
19 Herzégovine, M. Stankovic devrait attendre que ce procès commence et
20 devrait attendre au moins sept à huit mois, et c'est un minimum, car tous
21 les règlements ne sont pas encore en place, les règlements notamment qui
22 ont trait à la chambre des crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine. A ma
23 connaissance, il n'y a pas de conditions remplies même à un niveau minimal
24 de garder un accusé en détention, et tous les juges ne sont pas encore élus
25 non plus.
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1 Eu égard au fait que l'accusé a le droit à un procès juste et
2 équitable sans délai supplémentaire, la Défense demande à la Chambre de
3 première instance de commencer l'audition de ce procès, car à lui, la
4 première phase de ce procès a déjà été complétée. Tout autre décision
5 représenterait une violation des droits de M. Stankovic de bénéficier d'un
6 procès juste et équitable qui a le droit en tant qu'accusé.
7 Si l'on accorde une étape de ce procès à cette Conférence de mise en
8 état, la Défense devra continuer de se plier aux obligations qui sont
9 énumérées dans le Règlement de procédure et de preuve. Sinon, la Défense
10 demanderait que vous, Monsieur le Juge, en tant que Juge de la mise en
11 état, que vous sursoyez toutes vos décisions qui ont déjà été rendues
12 conformément à l'Article 11 bis ou à la requête de l'Accusation qui a déjà
13 été remise à la Défense.
14 J'insiste pour dire que les Règlements qui registrent la procédure,
15 en accord avec les lois qui existent en Bosnie-Herzégovine et en Republika
16 Srpska, nous ne sommes pas identiques aux Règlements de procédure et de
17 preuve qui existent ici devant ce Tribunal. C'est donc la raison pour
18 laquelle la Défense ne souhaite pas présenter des requêtes qui ne sont pas
19 régies par les cours nationales, puisque cela ne pourrait que compliquer
20 davantage la position de M. Stankovic devant les juridictions nationales.
21 Pour ce qui est des règlements juridiques de Bosnie-Herzégovine,
22 parmi d'autres, ces règlements ne demandent pas que la Défense informe
23 l'Accusation de son intention de l'utilisation de la défense d'alibi avant
24 que l'Accusation ne commence la présentation de ces moyens de preuve. C'est
25 donc la raison pour laquelle la Défense n'a pas présentée sa requête écrite
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1 à la Chambre jusqu'à ce moment-ci, pour dire que nous avons l'intention
2 d'utiliser la défense d'alibi, dans laquelle nous pourrions indiquer les
3 endroits pour lesquels la Défense prétend que M. Stankovic s'est trouvé au
4 moment où les crimes allégués ont été commis.
5 Nous aimerions indiquer les noms et les adresses des témoins et
6 d'autres informations dont nous allons nous servir à l'appui de la défense
7 d'alibi de M. Stankovic tels que prévus par l'Article 67(ii)(a).
8 S'agissant maintenant d'informations supplémentaires, je suis tout à
9 fait prêt à les fournir, Monsieur le Juge. Je vous remercie.
10 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Maître Radovic.
11 J'aimerais quand même évoquer ceci : Premièrement, moi, je suis chargé de
12 la mise en état d'une affaire, et je la conduis jusqu'au bout, jusqu'à
13 nouvel ordre. Vous avez évoqué la question du transfert éventuel de cette
14 affaire à une autre juridiction nationale dans le cadre ou en application
15 de l'Article 11 bis du Règlement. Pour ceci, il y a une Chambre qui a été
16 constituée au sein de ce Tribunal pour trancher des requêtes présentées
17 dans ce sens. Pour moi, jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire jusqu'à ce
18 qu'une décision soit prise dans la matière, moi, je continue mon obligation
19 de mise en état de cette affaire devant ce Tribunal. C'est pour ceci que
20 j'ai bien expliqué ce que je comprends de vos mémoires, aussi bien celui
21 que vous avez déposé le 21 juin que les trois autres déposés par M.
22 Stankovic lui-même datés du 15 juillet, 4 août et 10 septembre.
23 J'ai pu comprendre la nature de votre défense d'alibi, de quoi il
24 s'agit grosso modo. Je vous répète pour que si vous avez d'autre
25 information, vous pouvez me la communiquer. Grosso modo, vous avez dit, et
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1 M. Stankovic a confirmé, que pendant 90% du temps de la période
2 d'accusation, il n'était pas sur les lieux; il était un combattant sur les
3 fronts; et qu'il n'était allé que deux fois en mission devant la maison
4 qu'on connaît tous. Je ne vois pas un problème concernant la question
5 d'alibi.
6 Je ne vois pas, pour moi, une raison de retarder l'affaire devant ce
7 Tribunal. Si l'affaire est prête, je rédige mon rapport et j'assume mes
8 obligations et mon devoir indépendamment de toutes autres requêtes qui ne
9 sont pas présentées. Parce que toutes autres requêtes, moi, je ne suis pas
10 censé les savoir, car ces requêtes sont présentées devant ou, au moins,
11 sont soumises à d'autres formations, à une Chambre spéciale formée
12 spécialement pour trancher de ces requêtes. Il n'y a pas lieu de demander
13 plus d'informations de vous. Vous avez confirmé que vous êtes prêts à
14 commencer le procès. Je crois que vous avez répondu amplement à
15 l'Accusation par quatre mémoires, un que vous avez vous-même présenté et
16 trois autres que
17 M. Stankovic a rédigés et présentés lui-même.
18 J'aimerais, quand même, attirer votre attention. Du moment où
19 normalement tout accusé qui est supposé innocent jusqu'à la preuve du
20 contraire a la possibilité de se défendre. Oui, mais dans la mesure où il a
21 un conseil, cette défense doit passer par le conseil. C'est là où j'ai
22 constaté que les mémoires quand même contenaient des informations qui
23 pouvaient aller à l'encontre des mesures de protection accordées aux
24 témoins et aux victimes, je me suis demandé vivement si vous étiez au
25 courant, si vous aviez eu l'occasion de voir ces mémoires avant qu'ils
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1 soient présentés. J'ai été informé par mon ami le juriste hors classe qui a
2 tenu une conférence hier avec vous qui m'a dit que vous n'étiez pas au
3 courant de ces mémoires avant, au moins, leur enregistrement ou leur
4 présentation au Greffe.
5 J'aimerais que ce soit une exception et que tout passe par vous. Ceci
6 dit, M. Stankovic avait, dans l'un des mémoires, évoqué son désir de
7 prendre la parole pendant dix minutes. Je suis enclin de lui accorder ce
8 temps, néanmoins, je dois attirer son attention sur une phrase qui figure
9 dans son mémoire daté du 10 septembre 2004 et qui dit, et je cite en
10 anglais :
11 [interprétation] "Vous ne pouvez pas me contraindre à avouer quelque
12 chose que, personnellement, je n'ai pas commis."
13 [en français] Cela m'étonne pour le moins qu'on puisse adresser ces
14 paroles à un juge, en plus, à un juge international, à un juge de
15 profession et à un juge qui a prêté serment d'accomplir ses obligations en
16 toute impartialité. Je crois et je dois comprendre que c'est un lapsus et
17 que jamais intentionnellement quelqu'un peut adresser ces paroles à un
18 Tribunal.
19 Ceci dit, Monsieur Stankovic, vous avez la parole pour dix minutes.
20 Je vous écoute.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur El Mahdi, quand je m'adresse à
22 vous, je m'adresse à tous, à vous ainsi qu'à l'Accusation et ainsi qu'au
23 Greffe. Vous êtes une seule institution pour ce qui me concerne.
24 De plus, je souhaite dire la chose suivante : pour les mensonges et
25 les inventions des services d'Information musulmane et de leurs témoins, je
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1 suis complètement indifférent au fait que je sois jugé devant ce Tribunal
2 qui ressemble à une blague qui est le Tribunal pénal international ou ces
3 cours musulmanes en Bosnie.
4 Je vais essayer de me défendre des mensonges qui sont fondés sur les
5 témoignages de témoins, sans aucune preuve valide. Ils invitent 50 ou 60
6 femmes musulmanes, ces personnes témoignent de faits qui ne sont jamais
7 arrivés. Nous laisserons cela pour le procès. Vous pouvez faire ce que vous
8 désirez faire, ce que vous voulez. Je vais essayer de défendre mon peuple,
9 moi-même, ma famille, mon honneur, et je ne dérogerai pas de cela. Je suis
10 très fier d'appartenir au peuple serbe, orthodoxe, où je suis né. C'est un
11 vrai honneur. Vous ne pouvez même pas imaginer à quel point c'est un
12 honneur pour moi. Si vous vouliez vraiment me juger, vous l'auriez fait
13 puisque je suis ici depuis trois ans. Mais il y a une énorme colonne de
14 Serbes. Vous procédez à un jugement sélectif. Vous faites énormément de
15 procès contre les Serbes. Vous faites un tout petit peu de Croates, ensuite
16 une petite ligne de Musulmans, juste pour la forme, ensuite les Albanais,
17 cela représente une épice. C'est comme une cerise sur le gâteau. Mais comme
18 vous avez pris trop de Serbes, vous n'avez plus besoin de moi, vous voulez
19 m'envoyer à Sarajevo pour que les Oustachi et les Djamahirija me jugent.
20 Vous m'avez accusé de crimes de guerre que je n'ai jamais accomplis, je
21 suis persuadé que la justice se fera entendre.
22 Cela fait déjà trois ans que je suis enfermé derrière les barreaux et je ne
23 sais même pas pourquoi. Vous l'avez dit, vous-même, Monsieur El Mahdi, à la
24 Conférence de mise en état, le 19 mars 2003, que vous ne savez pas vous-
25 même, personnellement, pourquoi je suis accusé, et pourquoi je me trouve
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1 ici devant vous. Pendant tout ce temps, l'Accusation monte de toutes pièces
2 des actes d'accusation, car ce sont les états de l'OTAN, l'Amérique, les
3 Etats-Unis d'Amérique qui essaient de camoufler les crimes qu'ils ont
4 commis contre la Yougoslavie. C'est l'OTAN et l'Amérique qui ont brisé la
5 Yougoslavie de façon sanglante, alors que la Yougoslavie avant cela était
6 une Union européenne, alors que maintenant, vous nous donnez des leçons, à
7 savoir comment faire partie de l'OTAN, et comment entrer dans l'Union
8 européenne. Nous avions une Union européenne, même avant que celle-ci ne
9 soit constituée, et cette union, à nous, s'appelait Yougoslavie. C'est vous
10 qui avez démantelé cette union. Même si pendant des années, vous m'avez
11 traîné dans la boue, sur l'Internet, devant les médias, comme étant le plus
12 grand des criminels de guerre que vous avez déjà jugé.
13 Ce que vous avez dit, vous avez dit que chaque accusé est innocent
14 avant que l'on ne prouve sa culpabilité, cela ne vaut pas pour ici. Ici
15 chaque personne qui arrive est déjà coupable. Vous me mettez dans la
16 position où je dois vous prouver que je ne suis pas coupable. Il faudrait
17 que ce soit l'Accusation qui prouve ma culpabilité, mais je ne permettrai
18 pas au conseil de la Défense de vous soumettre une défense d'alibi selon
19 votre Article 67, mais selon votre Article 65. C'est-à-dire après la
20 présentation des moyens de preuve de l'Accusation, et ceci avant le début
21 des moyens à décharge de la Défense. C'est à ce moment-là que nous
22 présenterons notre défense d'alibi.
23 Vous avez commis plusieurs crimes contre moi-même, contre mon peuple,
24 contre le peuple serbe, mais je ne me vendrai jamais. Je n'essaie pas de
25 marchander. Je suis très fier d'être Serbe et je suis très fier d'avoir pu
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1 me sacrifier pour mon peuple devant les militaires, devant les formations
2 paramilitaires des Oustachi et des Moudjahiddines. Vous voulez vous
3 débarrasser de moi, maintenant, et vous voulez m'envoyez en Djamahirija en
4 Bosnie-Herzégovine, pour que les Oustachi, ces criminels, les Oustachi
5 Moudjahiddines, ces criminels, me jugent. Ils n'ont pas le droit moral de
6 juger qui que ce soit, surtout pas moi, jusqu'à ce qu'ils n'aient pas
7 exterminé plus de 80 000 Serbes à Sarajevo.
8 Il y a eu près de 10 000 Serbes qui ont été violés, expulsés de Sarajevo,
9 et vous voulez me renvoyer à Sarajevo.
10 C'est à Sarajevo qu'ils se rendaient dans les maisons des civils, ils les
11 faisaient sortir, il y a plus de 10 000 Serbes qui ont été expulsés de
12 leurs demeures afin que ces derniers puissent rentrer dans leurs
13 appartements et ils ont été exécutés. Et c'est moi que vous voulez renvoyer
14 dans l'ex-caserne de Viktor Bubanj. C'était un camp pour les Serbes, c'est
15 là que l'on a tué, de façon violente, des milliers de serbes civils de
16 Sarajevo. Vous avez fait de ce camp de concentration une cour pour juger
17 les Serbes. C'était un camp de détention pour les Serbes, qui détenaient
18 des Serbes, c'est pour cela que vous avez créé un tribunal pour juger les
19 personnes, alors que l'on a commis des crimes contre les Serbes. Ce sont
20 des crimes commis par les Moudjahiddines.
21 Et vous, Monsieur El Mahdi, vous devez être tout à fait conscient du fait
22 que je ne peux pas vous donner de compliments ici, car cela fait déjà trois
23 ans que vous me tenez en détention. Vous me gardez en détention, ni moi, ni
24 vous ne savons, et je ne sais pas moi-même pourquoi je suis gardé en
25 détention.
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1 Mais je vous remercie parce que vous avez été très aimable envers moi
2 aujourd'hui.
3 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Monsieur Stankovic.
4 Je dois quand même attirer votre attention qu'on ne peut jamais exprimer un
5 compliment pour un Tribunal, c'est contre l'éthique de base. Comme vous ne
6 pouvez pas critiquer un Tribunal, aussi vous ne pouvez pas exprimer aucun
7 compliment.
8 Ceci dit, je dois répéter ce que j'avais dit au début. Que moi, ma
9 fonction c'est de veiller à ce que cette phase de mise en état soit
10 accomplie, et ce dans les meilleures conditions. Je crois aujourd'hui
11 savoir de l'Accusation qu'elle est prête. L'Accusation est prête de
12 commencer le procès, avec la réserve de la requête que l'Accusation a
13 présentée en application de l'Article 11 bis.
14 J'ai aussi constaté que la Défense se considère prête à commencer le
15 procès. Je crois que, d'après ce que j'ai indiqué au sujet de la défense
16 d'alibi, à mon avis, qu'il n'y a pas de problème. Au cas où il y a une
17 divergence entre les deux versions qui sont, toutes les deux, à égale
18 force, à savoir, la version anglaise et la version française des textes de
19 ce Tribunal, donc je m'incline à la version qui donne raison à la Défense.
20 A la base de la version française, il est permis à la Défense de ne pas
21 révéler à l'instant même qu'elle présente cette défense d'alibi les
22 détails. Malgré que d'après moi, c'est évident que la Défense a bien
23 expliqué la nature de cet alibi, à savoir, et je répète, à savoir que M.
24 Stankovic n'était pas sur les lieux durant 90 % de la période de
25 l'Accusation, plus qu'il est allé qu'en fonction d'une mission qu'il a dû
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1 effectuer devant et pas dedans la maison qu'on connaît tous.
2 Je crois que ceci dit, cette phase de mise en état est à mon avis
3 accomplie. Oui, oui, je m'excuse, vous voulez intervenir ? Faites-le, je
4 vous en prie.
5 M. WUBBEN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Je n'avais pas
6 l'intention de vous interrompre, mais je souhaitais simplement préciser la
7 position de l'Accusation eu égard à votre déclaration.
8 M. LE JUGE EL MAHDI : [interprétation] Allez-y.
9 M. WUBBEN : [interprétation] Oui, effectivement, l'Accusation est prête en
10 attendant que la requête 11 bis soit tranchée. Nous souhaitons préciser
11 que, si vous pensez en tant que Juge de la mise en état, vos obligations
12 sont distinctes de celles de la Chambre de première instance et que cela
13 s'inscrit dans les dispositions du Règlement de procédure et de preuve,
14 l'Accusation souhaiterait vous présenter une requête par laquelle elle
15 demande, qu'en application de l'Article 65 ter, vous vous assuriez qu'il
16 n'y ait pas de délai indu, s'agissant du fait que deux Chambres de première
17 instance sont actuellement en train de considérer deux aspects de
18 l'affaire. Deux Chambres de première instance agissent de façon parallèle,
19 si tel est le cas, ceci serait contre-productif et des retards pourraient
20 s'ensuivre. Ces retards iraient à l'encontre d'un procès rapide.
21 A cet égard, avec tout le respect que je vous dois, et vu que vous
22 êtes Juge de la mise en état en l'espèce, je vous demande en tant que Juge
23 de mise en état de veiller à ce que les informations soient partagées, et
24 que les choses se passent de manière rapide.
25 Deuxièmement, je souhaiterais parler des lois et règlements en
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1 vigueur en Bosnie-Herzégovine par rapport aux Règlements de procédure et de
2 preuve et au Statut. L'Accusation est d'avis que l'Article 9 du Statut et
3 l'Article 89 du Règlement de procédure et de preuve confirment que le
4 présent Tribunal est indépendant et a la primauté sur la cour
5 internationale. C'est-à-dire que lorsqu'une requête est présentée en
6 application de l'Article 11 bis du règlement, ceci ne change rien à la
7 disposition des articles que j'aie mentionnés. Le principe étant que le
8 statut et le règlement de procédure et de preuve en vigueur sont distincts
9 et ne sont pas contraints par les procédures et les principes nationaux
10 mentionnés par le conseil de la Défense.
11 L'Accusation est également d'avis que l'Article 67 doit être appliqué
12 lorsqu'une défense d'alibi est invoquée. Elle doit être invoquée en détails
13 et conformément aux dispositions du règlement. Même si les législations
14 nationales sont différentes, la défense d'alibi doit remplir les critères
15 énoncés à l'Article 67(A), s'agissant du lieu ou des lieux où l'accusé
16 prétend s'être trouvé, s'agissant de la période des crimes allégués, des
17 noms et adresses des témoins, et d'autres éléments de preuve sur lesquels
18 l'accusé entend s'appuyer pour établir son alibi.
19 Ces conditions n'ont pas été remplies selon nous. C'est la raison
20 pour laquelle j'attire votre attention sur ce point. Avant d'aller plus
21 loin, ces conditions doivent être remplies.
22 Nous souhaitions soulever ces deux points.
23 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci. Je peux rapidement vous répondre en disant
24 ceci : je fais la distinction entre rendre justice et l'administration de
25 la justice. Je veux dire par là que mon obligation, c'est d'aller jusqu'au
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1 bout avec cette période de mise en état. Sûrement vous êtes au courant
2 aussi bien que moi, que le Juge de la mise en état, une fois cette période
3 terminée, présente un rapport, ce rapport est présenté au Président de la
4 Chambre qui informe le Président du Tribunal. C'est là où c'est
5 l'administration de la justice qui rentre en jeu, indépendamment de rendre
6 justice parce que le Juge de la mise en état c'est quand même c'est une
7 fonction judiciaire qui n'a pas à s'intéresser à l'administration de la
8 justice en soi, à la politique, par exemple, du Tribunal, à la création des
9 Chambres pour l'application de l'Article 11 bis, par exemple.
10 Ce sont deux, si vous voulez, deux domaines assez distincts l'un de
11 l'autre. C'est-à-dire que si mon devoir est de veiller à ce que cette phase
12 soit accomplie, à ce moment-là, c'est l'administration de la justice qui
13 décide qu'est-ce qu'elle fait de ce rapport que je dois de rédiger ou bien
14 aller si l'affaire est prête, bon pourquoi pas la trancher au sein de ce
15 Tribunal ? Moi, je ne me soucie pas de l'administration de la justice. Je
16 ne peux pas aussi attendre des décisions qui peuvent être prises dans une
17 semaine, dans un mois ou dans une année. Enfin, on ne sait pas. Vous avez
18 présenté, oui, une requête, mais est-ce que vous pouvez savoir quand est-ce
19 que cela va être tranché, on ne sait pas. Je crois que cela, ce sont deux
20 questions pas nécessairement liées. Moi, j'accomplis mon devoir et je
21 rédige mon rapport. Si on se met d'accord à ce que cette phase de mise en
22 état soit terminée, d'après le règlement, moi, je dois rédiger un rapport,
23 je le soumets à l'administration du Tribunal qui juge, elle, comme elle
24 veut. Moi, mon devoir est de rédiger, de veiller à ce que cette phase soit
25 accomplie de la manière appropriée.
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1 Vous avez dit, vous avez deux réserves dont la première réserve
2 concernait la requête de l'Article 11 bis. La deuxième observation, je
3 crois, est liée à l'application de l'Article 67. Votre argument est basé
4 sur le fait que la Défense qui a invoqué, qui a soulevé son intention de
5 présenter une défense d'alibi, n'a pas accompli les devoirs mentionnés dans
6 l'Article 67.
7 La Défense dit, par contre, que oui, le texte qui n'est pas
8 complètement obligatoire, oui, moi j'ai évoqué la question de la Défense
9 d'alibi, j'ai mentionné que, où je me trouvais durant la période, c'est
10 quand même donner à l'Accusation les moyens de vérifier ces informations.
11 Parce que, si je comprends bien, ces textes là, le pourquoi de ces textes
12 est basé sur, de ne pas laisser l'Accusation dans l'obscurité, c'est-à-dire
13 que, ce n'est après qu'elle prépare son affaire, on vient lui dire : bon,
14 moi j'étais hors du pays, j'étais à l'hôpital, je me faisais opérer.
15 C'est de ne pas surprendre l'Accusation que cet article-là est émis.
16 Mais, je crois que d'après ce que j'ai bien expliqué, il y a une autre
17 compréhension ou interprétation de ce texte qui dit : oui, il y a une
18 obligation, mais ce n'est pas une obligation qui est nécessairement
19 automatique que dès que j'invoque cette défense d'alibi, que je dois
20 révéler et les témoins et leurs adresses et, enfin, tous les détails
21 mentionnés dans l'article, se basant sur le texte français qui dit que la
22 Défense informe, elle informe dans les meilleurs des délais. Je crois que
23 la Défense ne peut pas être coupable de surprendre l'Accusation dans la
24 mesure où elle a quand même évoqué un commencement d'argument en disant que
25 M. Stankovic n'était pas sur les lieux. Il était un combattant au front et
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1 qu'il n'était jamais rentré et qu'il était en mission là-bas.
2 C'est un commencement de base d'argument et à ce
3 stade, à mon avis, c'est suffisant. Je ne veux pas dire qu'avant le
4 commencement, si une date est fixée et si l'Accusation va commencer son
5 travail, alors là, il est quand même, je dirais, approprié, juste, que la
6 Défense révèle quand même les informations qu'elle a à ce sujet. Je crois
7 que ce n'est pas le moment d'exiger trop de la Défense et que cela ne va
8 pas nuire à l'Accusation d'attendre jusqu'à ce qu'une date soit décidée
9 pour le commencement de l'affaire devant une Chambre de ce Tribunal.
10 Ce sont mes réflexions rapides sur vos deux observations. Est-ce que vous
11 voulez répondre, vous voulez vous exprimer ? Enfin, je suis tout oreille.
12 M. WUBBEN : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Juge. Nous allons
13 prendre cela en considération.
14 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci beaucoup.
15 Maître Radovic, est-ce que vous voulez ajouter à ce que j'ai dit. Vous avez
16 entendu l'Accusation et ses observations. Vous voulez répliquer, vous
17 voulez répondre ?
18 M. RADOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
19 La Défense maintient la même position. Vous l'avez déjà expliqué
20 vous-même. A cette étape-ci de la procédure, nous ne sommes pas dans
21 l'obligation de soumettre notre mémoire préalable concernant l'alibi de M.
22 Stankovic.
23 Deuxièmement, la raison pour laquelle nous n'avons pas présenté ce
24 mémoire, c'est la raison suivante : j'ai déjà dit, et je répète que selon
25 l'Article 11 bis, concernant la demande que l'on revoit l'affaire devant la
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1 Chambre des crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine, je ne vais pas
2 commencer à faire des recherches qui auraient une connotation négative pour
3 ce qui est de l'affaire de
4 M. Stankovic, si jamais cette affaire est renvoyée devant la Chambre des
5 crimes de guerre de Bosnie-Herzégovine. Je vais remplir nos obligations
6 pour ce qui est de ce Tribunal, comme je l'ai fait jusqu'à présent, et
7 lorsque j'aurai considéré que les droits de
8 M. Stankovic sont violés, les droits à une défense, je réagirai à ce
9 moment-là et ce, dans le but que ses droits à la défense ne soient pas
10 violés.
11 En tant que défenseur de M. Stankovic, je pose néanmoins une question
12 : que se passera t-il si l'affaire de M. Stankovic est renvoyée à la
13 Chambre des crimes de guerre de Bosnie-Herzégovine, donc juridiction
14 interne ? Est-ce que cela veut dire qu'à ce moment-là, M. Stankovic a le
15 droit de demander que je le représente ou est-ce qu'il a le droit de dire
16 que je fais quelque chose pour ce qui est de le défendre devant ce Tribunal
17 et qui, selon les lois de Bosnie-Herzégovine, je ne suis pas censé de faire
18 et qui vont à l'encontre de la défense de M. Stankovic. Ces actions
19 pourraient avoir un impact sur sa défense, car cela n'est pas prévu à
20 l'Article 11 bis.
21 Le deuxième problème qui se présente aujourd'hui, c'est la
22 communication des moyens à décharge, des éléments de preuve. Etant donné
23 que, selon une décision parlementaire de l'état de Bosnie-Herzégovine, on
24 n'a pas encore reconnu tous les règlements et toutes les lois qui
25 régiraient les procès entendus devant la Chambre des crimes de guerre. Je
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1 ne sais pas quel est le poids qu'auront les preuves recueillies devant le
2 Tribunal, si je n'ai pas l'obligation de fournir à l'Accusation les
3 éléments de preuve.
4 Je vous remercie.
5 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Maître.
6 Donc, je comprends bien que vous n'êtes pas contre terminer cette phase de
7 mise en état, et je comprends aussi que vous tenez à ce que l'affaire
8 continue à être jugée au sein de ce Tribunal.
9 Bon, alors la dernière parole, je demanderais à Monsieur Stankovic de me
10 communiquer, si jamais il a une complainte concernant sa santé. Si vous
11 voulez, Monsieur Stankovic, passer en huis clos partiel, on peut passer
12 pour parler librement, si vous le voulez.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire. Mais avant cela, je
14 souhaiterais lire quelque chose pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Tout
15 à l'heure, lorsque vous avez cité une phrase de mon mémoire, vous avez dit
16 que pendant 90 % du temps, je n'ai pas été sur les lieux. Non, ce n'est pas
17 ce que j'ai dit. Je n'ai jamais écrit cela, et je ne l'ai jamais dit non
18 plus. Car les lieux, c'est la maison, et moi j'ai dit que pendant 90 % du
19 temps, je n'ai pas été à Miljevina. C'est une différence énorme.
20 M. LE JUGE EL MAHDI : C'est quand même --
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] -- qu'il n'y ait pas de malentendu.
22 M. LE JUGE EL MAHDI : Tout le monde comprend, et j'ai bien dit aussi que
23 vous n'êtes pas allé à la maison, et encore devant la maison et pas devant,
24 que deux fois. Bien. C'est bien clair ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Mais vous avez également dit que
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1 s'agissant des lieux, je n'ai pas passé 90 %.
2 M. LE JUGE EL MAHDI : [interprétation] Non. Lorsque je parle des lieux, ce
3 n'est pas la maison.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord, nous nous sommes entendus par cela.
5 Je souhaiterais ajouter quelque chose lié à la défense d'alibi. Je ne
6 comprends pas du tout l'Accusation. Ils nous contraignent à --
7 M. LE JUGE EL MAHDI : Ecoutez, Monsieur Stankovic. C'est une affaire qui ne
8 me pose pas de problèmes. Et moi, je l'ai tranché. Je crois qu'il n'y a pas
9 de besoin d'aller plus loin. Alors maintenant, est-ce que vous voulez
10 m'informer à propos de votre santé ? Pardon ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voulez que je parle de ma santé ?
12 M. LE JUGE EL MAHDI : Oui.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyez-vous, ma santé, vous êtes en train de
14 ruiner ma santé, très lentement, et d'une façon perfide. Vous me tenez
15 détenu. Cela fait déjà trois ans que je suis en détention, et alors qu'on
16 ne sait toujours pas pourquoi je suis accusé. On ne sait pas à quel moment
17 mon procès commencera. Vous voulez que je passe 20 ans ici, sous enquêtes;
18 dans les entrefaites, on change de scénarios, on change d'acte
19 d'accusation, on élimine certains témoins, on en met d'autres. Je ne
20 comprends vraiment plus rien. C'est tout. C'est tout ce que j'ai à dire.
21 M. LE JUGE EL MAHDI : Bon. Donc vous n'avez rien à dire de spécial dans ce
22 sujet.
23 Je crois que ceci dit, oui, avant de conclure, j'attire aussi
24 l'attention à Maître Radovic, s'il vous plaît, de veiller à ce que toute
25 correspondance soit respectueuse des mesures de protection. J'aimerais, par
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1 la même, aussi réitérer mes compliments pour le Greffe qui a bien fait son
2 travail et qui a remédié à certaines contraventions à des mesures de
3 protection.
4 Ceci dit, je crois qu'on a terminé avec cette audience de mise en
5 état, et je vous souhaite une bonne continuation. L'audience est levée.
6 --- La Conférence de mise en état est levée à 11 heures 23.
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