Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 23 février 2007

2 [Audience sentencielle]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous. Madame la Greffière,

7 veuillez citer l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,

9 affaire IT-96-23/2-S, le Procureur contre Dragan Zelenovic.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

11 Nous allons commencer l'audience consacrée à la fixation de la peine qu'il

12 s'agit d'imposer à M. Zelenovic.

13 Nous allons avoir les présentations des parties, à commencer par

14 l'Accusation.

15 Mme MOELLER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Le

16 bureau du Procureur ce matin est représenté par Me Vladimir Tochilovsky,

17 par Mme Vera Balikic qui est notre commis à l'affaire, et je suis Christina

18 Moeller, je fais partie également du bureau du Procureur.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense.

20 M. JOVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je

21 m'appelle Zoran Jovanovic, je défends les intérêts de M. Zelenovic.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Jovanovic.

23 Monsieur Zelenovic, êtes-vous en mesure de suivre les débats dans une

24 langue que vous comprenez ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, veuillez vous rasseoir et suivez

27 bien tout ce qui va se dire.

28 J'aimerais commencer par une vérification. Les deux parties n'ont pas voulu

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1 citer de témoins. Plus particulièrement la Défense n'a pas l'intention de

2 citer l'expert dont nous avons reçu le rapport. La Défense a estimé qu'il

3 n'était pas nécessaire de procéder à un interrogatoire plus approfondi de

4 ce témoin.

5 M. JOVANOVIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. La

6 Défense a soumis un rapport d'expert en même temps que le mémoire. Nous

7 nous sommes dit qu'il n'était pas nécessaire d'appeler à la barre ce témoin

8 expert.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avions compris. Voici ce que je

10 vous propose. Les deux parties auront le loisir de présenter leurs

11 arguments en matière de fixation de la peine. Les Juges auront peut-être

12 des questions supplémentaires. Ensuite, les parties pourront reprendre la

13 parole si elles ont des arguments supplémentaires à présenter et nous

14 terminerons l'audience.

15 Madame Moeller, c'est vous qui semblez avoir la responsabilité de l'équipe.

16 Vous aurez besoin de combien de temps à votre avis ? Je ne veux pas que

17 vous répétiez ce qui se trouve déjà dans le mémoire de la fixation de la

18 peine. Il s'agirait simplement de mettre en lumière certains aspects ou

19 d'apporter quelques explications.

20 Mme MOELLER : [interprétation] Vingt ou 25 minutes.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jovanovic à votre avis, il vous

22 faudra combien de temps ? J'insiste sur ceci, la Chambre ne souhaite pas

23 que lui soit répété tout ce qui se trouve déjà dans le mémoire. Je trouve

24 notamment dans votre mémoire qu'il y a des parties du rapport d'expert qui

25 sont reprises pratiquement de façon intégrale et verbatim. Vous aurez

26 besoin de combien de temps pour présenter vos arguments ?

27 M. JOVANOVIC : [interprétation] Pas plus de 20 ou 25 minutes, comme

28 l'Accusation. Je voulais simplement attirer votre attention sur certains

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1 points déjà évoqués dans le mémoire, c'est tout.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, vous savez que ce sont des

3 documents du domaine public, mais il convient quelquefois dans une audience

4 de revenir sur certains points précis.

5 Vous avez maintenant 25 minutes, Madame Moeller.

6 Mme MOELLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Madame

7 et Messieurs les Juges, merci de me donner la parole.

8 Le 14 décembre 2007, l'accusé a conclu un accord de plaidoyer avec le

9 bureau du Procureur. Il s'est déclaré coupable de crimes de torture et

10 viol, crimes contre l'humanité commis contre des femmes musulmanes de

11 Bosnie dans la municipalité de Foca, municipalité de la République de

12 Bosnie-Herzégovine en 1992. Ces crimes sont en application de l'article

13 5(f) et de l'article 5(g) du Statut et sont passibles de peine.

14 En janvier 2007, il y a eu une audience sur l'accord de plaidoyer, le 17

15 plus exactement, il s'est déclaré coupable de sept chefs d'accusation.

16 Puis, la Chambre de première instance a déclaré l'accusé coupable de trois

17 chefs de torture et de quatre chefs de viol. A ce moment-là à l'audience,

18 l'Accusation a retiré les autres chefs qui se trouvaient dans le premier

19 acte d'accusation.

20 M. Dragan Zelenovic a reconnu qu'il s'était livré à des tortures et des

21 viols, crimes contre l'humanité en tant qu'auteur et en tant que coauteur

22 dans tous les cas sauf un. Dans ce cas où il a dit qu'il avait été complice

23 du viol plutôt qu'un crime contre l'humanité, c'était le viol de la victime

24 FWS-75. Ce qui se trouve au point 5.4 de l'acte d'accusation modifié.

25 Zelenovic a reconnu que les crimes dont il s'est déclaré coupable se sont

26 produits dans le contexte d'un conflit armé, ils s'inscrivaient dans une

27 attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile de

28 Foca et dans les villages environnants. Il a reconnu qu'il avait

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1 connaissance du contexte plus large dans lequel il a commis ses crimes.

2 Dragan Zelenovic est donc coupable en application de l'article 5(f) et de

3 l'article 5(g) en vertu de l'article 7(1) du Statut.

4 Aujourd'hui, nous sommes ici pour déterminer la peine qu'il s'agit

5 d'imposer à l'égard de l'accusé.

6 Quelle est cette peine pour les crimes commis par cet accusé ? La

7 jurisprudence du Tribunal -- excusez-moi. On me demande de ralentir car je

8 lis, je vais essayer de le faire.

9 La jurisprudence du Tribunal a établi quatre facteurs qu'une Chambre doit

10 prendre en compte au moment de prononcer une peine. Il y a d'abord la

11 gravité de l'infraction; deuxième facteur, la situation personnelle de la

12 personne condamnée et le rôle que cette personne a joué dans la

13 perpétration de l'infraction; troisième facteur, est-ce qu'il y a des

14 circonstances atténuantes ou pas; quatrièmement, il y a aussi la pratique

15 de la grille des peines imposées en ex-Yougoslavie.

16 Je me penche maintenant sur le premier facteur la gravité de l'infraction.

17 La Chambre d'appel de Celebici a dit que la gravité de l'infraction c'est

18 le facteur le plus important dans la fixation de la peine. Cette décision a

19 été répétée de façon continue par la Chambre d'appel et a été appliquée par

20 les Chambres de première instance. La gravité de l'infraction commise par

21 M. Zelenovic doit être considérée comme étant le facteur individuel le plus

22 important que la Chambre doit prendre en compte au moment de fixer la

23 peine.

24 Pour déterminer la gravité, il y a la nature générale de l'infraction mais

25 aussi les circonstances précises et les conséquences de l'infraction qui

26 doivent être prises en compte. Il faut penser notamment au nombre de

27 victimes et au degré des souffrances imposées par l'accusé à ces victimes.

28 Etant donné les aveux qu'a fait l'accusé, voici les faits qui ont été

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1 établis. La ville et la municipalité de Foca se trouvent au sud-est de

2 Sarajevo en République de Bosnie-Herzégovine à la limite de la Serbie-et-

3 Monténégro. En vertu d'un recensement de 1991, Foca était une ville

4 pluriethnique. Il y avait 52 % de Musulmans, 45 % de Serbes et 3 % d'autres

5 nationalités ou groupes ethniques.

6 Le 8 avril 1992, les premières actions militaires ont été déclanchées dans

7 la ville de Foca. Des forces serbes ont commencé à pilonner la ville à

8 l'artillerie lourde. Les attaques dirigées sur Foca et les villages

9 environnants faisaient partie d'un conflit armé qui s'est déroulé à

10 l'époque sur la totalité du territoire de Bosnie-Herzégovine. Il opposait

11 les forces du gouvernement de Bosnie-Herzégovine et les forces serbes. Ces

12 forces serbes ont forcé la majorité de la population non-serbe de la

13 municipalité à quitter cette municipalité en ayant recours à la violence.

14 Les Musulmans et les autres civils non-serbes ont subi des sévices de façon

15 systématique. Il y a eu des rafles systématiques et il y a eu des personnes

16 capturées qui souvent ont été brutalisées et même tuées après avoir été

17 frappées. Les femmes, les hommes et les enfants ont été séparés et

18 transportés dans des lieux de détention.

19 Les civils ont été soumis à des conditions de vie humiliante et dégradante.

20 Les femmes et les gamines ont souvent été sorties de ces lieux de détention

21 pour subir des violences sexuelles et des viols de la part des soldats et

22 des policiers serbes.

23 L'accusé Zelenovic, était membre de l'unité Dragan Nikolic, c'était en fait

24 le policier numéro 1 à Foca, c'était un des Serbes qui ont participé à la

25 prise de contrôle de la municipalité de Foca et aux sévices qui ont ensuite

26 été infligés à la population non-serbe. Avec ces soldats, à plusieurs

27 reprises de façon répétée, il a fait sortir des femmes et des jeunes filles

28 du lieu de détention pour leur imposer des violences sexuelles et pour les

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1 violer. Il y avait l'école de Foca et la salle des sports des Partisans en

2 tant que lieux où ceci a été perpétré.

3 Le 3 juillet 1992, Dragan Zelenovic avec ces coauteurs a arrêté un groupe

4 d'environ 60 femmes, enfants et hommes âgés musulmans, de Mjesaja. Ils les

5 ont emmenés dans un lieu de détention temporaire qui s'appelle Bijela. Les

6 civils musulmans ont été interrogés. On leur a demandé où se cachaient les

7 hommes musulmans et où se trouvaient leurs armes. Au cours de ces

8 interrogatoires, Dragan Zelenovic a aidé et a contribué aux viols collectif

9 du Témoin FWS-75 qui a été cette fois-là violée par au moins dix soldats.

10 Au cours d'un des interrogatoires, il a été un des quatre soldats à

11 commettre un viol collectif sur le témoin, la femme FWS-87. Au cours de ce

12 viol, un des soldats a menacé la victime en lui plaçant une arme sur la

13 tempe.

14 Entre le 3 et le 13 juillet 1992, quelque 30 [comme interprété] habitants

15 musulmans de Foca ont été détenus dans des salles de classe à l'école

16 secondaire de Foca, dont ces femmes, ces enfants et ces personnes âgées qui

17 auparavant avaient été détenues à Bijela. Les femmes ont subi des violences

18 sexuelles constantes et répétées de la part des soldats et des policiers

19 serbes. Dragan Zelenovic faisait partie d'entre eux.

20 Vers le 6 ou le 7 juillet 1992, Dragan Zelenovic, de concert avec d'autres

21 auteurs, a sélectionné quatre gamines et quatre femmes d'une classe. Il y

22 avait notamment le Témoin 75 et le Témoin 87. Dragan Zelenovic les a

23 emmenées dans une autre salle de classe. Il a décidé quelles seraient les

24 femmes qui allaient être données aux soldats. Il a alors lui-même violé le

25 Témoin 75 alors que les autres hommes violaient les trois autres victimes.

26 Entre le 8 et le 13 juillet approximativement, Dragan Zelenovic avec

27 d'autres coauteurs a emmené le Témoin 75 et le Témoin 87. Il les a sorties

28 à plusieurs reprises de l'école de Foca. Le Témoin 75 a notamment été

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1 soumise à un viol collectif auquel il a participé avec trois autres

2 soldats. Ce viol collectif s'est passé dans son propre appartement dans un

3 immeuble d'habitation à Foca. Il a cette fois-là aussi violé le Témoin 87.

4 Il y a eu deux autres occasions au cours desquelles lui et plusieurs autres

5 soldats ont emmené le Témoin 75 et le Témoin 87 dans d'autres appartements

6 de cet immeuble d'habitation Brena. Il les a violées. Il a violé cette

7 fois-là les deux victimes. Il y a eu encore une autre occasion au cours de

8 laquelle il a emmené les deux femmes dans une maison abandonnée et

9 désaffectée à Gornje Polje, c'est là qu'il a violé une fois de plus le

10 Témoin 87.

11 Dragan Zelenovic a aussi fait sortir des femmes et des gamines de la salle

12 des sports des Partisans pour les violer. C'était un lieu de détention à

13 partir du 13 juillet approximativement jusqu'au 13 août 1992. Les femmes

14 incarcérées, les enfants incarcérés, les personnes incarcérées, les

15 personnes âgées, étaient au nombre d'environ 70. Il y a eu des brutalités

16 innommables commises, sévices, traitements inhumains, manque d'hygiène,

17 surpeuplement. Les gens étaient affamés. Il y avait des sévices constants,

18 des tortures physiques et psychologiques constantes, et notamment des

19 violences sexuelles constantes.

20 En juillet 1992, Dragan Zelenovic a emmené le Témoin 87, qui à ce moment-là

21 avait été transférée à la salle des Partisans de l'école de Foca. Il l'a

22 sortie de là, il a commis sur elle un viol collectif avec trois autres

23 coauteurs. Il a brutalisé le Témoin 87 une fois de plus le 30 octobre 1992

24 approximativement. A ce moment-là, le Témoin 87, le Témoin 75 et d'autres

25 femmes se trouvaient détenues dans une maison qu'on a appelé la maison de

26 Karaman. Dragan Zelenovic, avec trois autres coauteurs, a pris le Témoin

27 87, le Témoin 75 et deux autres femmes, il les a fait sortir de la maison

28 de Karaman et il les a emmenées dans un appartement qui se trouvait près

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1 d'un restaurant de poisson à Foca. Alors que les deux autres coauteurs ont

2 violé les autres femmes, lui il s'est chargé de violer le Témoin 87.

3 Ces femmes sont restées en détention dans diverses maisons, dans divers

4 appartements et ont été constamment violées et brutalisées sexuellement par

5 des soldats.

6 La prise de contrôle de la ville de Foca était complétée en avril 1992,

7 mais les attaques sur les alentours se sont poursuivies jusqu'au milieu du

8 mois de juillet 1992.

9 Après de longues périodes de détention, la population non-serbe a été

10 déportée ou transférée de force vers le Monténégro ou dans des zones qui

11 étaient contrôlées par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. La population

12 non-serbe qui restait en dehors des lieux de détention a été en butte à des

13 mesures discriminatoires, dont la restriction de la liberté de mouvement,

14 les fouilles de maisons, des brutalités arbitraires, la destruction de

15 maisons et de lieux de culte et de lieux culturels, ainsi que les pillages

16 et les passages à tabac. La vie était devenue pour eux insupportable à

17 Foca.

18 Les conséquences de ces attaques généralisées et systématiques sur la

19 population civile non-serbe de Foca et de ses environs étaient celles-ci.

20 Il fallait que - et c'est effectivement ce qui s'est passé - il fallait

21 effacer toutes traces de vie de Musulmans. Il fallait que ceux-ci soient

22 chassés complètement de la région. En 1994, Foca a été rebaptisé, a changé

23 de nom. Elle est devenue Srbinje, une ville serbe, car il n'y a

24 pratiquement plus que des Serbes qui y vivent.

25 L'Accusation fait valoir que les circonstances individuelles ainsi établies

26 et la nature générale des crimes commis par cet accusé sont d'une extrême

27 gravité.

28 L'Accusation l'a dit dans son mémoire sur la fixation de la peine, un crime

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1 contre l'humanité, c'est un crime qui a une incidence qui va au-delà de ce

2 que subit la victime, comme il y a ici des attaques généralisées et

3 systématiques sur la population civile, c'est là un des éléments

4 constitutifs de l'infraction. Le comportement de l'accusé concerne la

5 victime directement, mais aussi toute l'humanité, elle attaque toute

6 l'humanité.

7 La Chambre de première instance l'a dit dans l'affaire Erdemovic,

8 lorsqu'un crime contre l'humanité est commis : "C'est l'humanité qui est

9 attaquée et est niée." Lorsque vous regardez le viol, la torture, ce sont

10 là des crimes dont le Tribunal a déjà parlé. Nous avons eu l'affaire Cesic.

11 On a dit que le viol doit être considéré comme étant un crime

12 particulièrement grave, car il viole l'intégrité tant physique que morale

13 de la victime. Il a été également dit que le viol en tant que tel est une

14 infraction humiliante, et que l'humiliation est un facteur à prendre en

15 compte lorsqu'on établit la gravité d'un crime.

16 La nature générale, la gravité du crime de viol et de torture, a aussi été

17 mentionnée dans l'affaire Kunarac, Kovac et Vukovic. Il s'agissait là de

18 trois accusés qui ont reçu une peine lourde pour avoir commis des crimes

19 sur des femmes, des victimes féminines à Foca et dans les villages

20 avoisinants et dont certains d'entre eux étaient des coauteurs du présent

21 accusé.

22 La Présidente Mumba, au moment où elle a rendu ce jugement, a dit que les

23 violences sexuelles et le viol ont fait que : "Des femmes et des jeunes

24 filles, des mères et des filles, ont été dépouillées de leur dignité

25 humaine, ont été considérées comme du bétail qui était mis à la disposition

26 des forces d'occupation serbes." C'était là les termes utilisés par Mme la

27 Présidente de la Chambre Mumba.

28 Dans l'affaire Furundzija, où là aussi il s'agissait de violences sexuelles

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1 commises en conflit armé, il a été dit par la Chambre que le viol commis

2 aussi avec la torture était une forme vicieuse et mauvaise de torture.

3 On a dit qu'il fallait ici punir lourdement ce genre de crime si grave.

4 Il y a comme facteur la gravité générale de l'infraction, mais la

5 Chambre doit également tenir compte de la situation particulière à chaque

6 cas, notamment la forme, le degré de participation de l'accusé à ce crime.

7 M. Zelenovic était auteur, était coauteur et, dans un des cas, il a été

8 complice à des cas innombrables de torture et de viols. Il a voilé

9 plusieurs femmes à Buk Bijela. Il a participé aux violences sexuelles

10 perpétrées sur beaucoup de femmes à l'école de Foca. Il a l'a fait de façon

11 répétée dans un appartement, dans un immeuble d'habitation à Foca dans le

12 centre de la ville. Il a fait sortir des femmes dans salle des sports de

13 Foca, il les a violées avec d'autres hommes. Il a fait sortir plusieurs

14 femmes de la maison de Karaman et il violé l'une d'entre elles au-dessus du

15 restaurant de poisson.

16 Il a commis plusieurs viols et notamment des viols collectifs au

17 cours desquels les femmes ont été assaillies par plusieurs hommes. Les cas

18 où il a été complice étaient tellement violents que les femmes ont souvent

19 perdu connaissance.

20 Il y a eu un autre cas où il était coauteur, la victime a été menacée

21 par une arme qu'on lui a placée sur la tempe pendant qu'on la violait. Il a

22 violé ces femmes de toutes les façons possibles. Le Témoin 75 et le Témoin

23 87, de façon répétée, ont été violées par lui ou attaquées par lui alors

24 qu'elles étaient transférées dans différents lieux de détention. Il a

25 notamment organisé le viol collectif auquel lui même a participé avec trois

26 ou quatre hommes, chez lui. Là, il a violé le Témoin 87. Une autre fois,

27 c'est lui qui a décidé de sélectionner comment les quatre jeunes filles qui

28 avaient été sorties de l'école de Foca allaient être violées par ces

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1 soldats.

2 De façon répétée, il s'est attaqué et a infligé des sévices à deux

3 femmes, le Témoin 75 et le Témoin 87, sous toutes les formes possibles. Au

4 moment des faits, le Témoin 87 avait 15 ans. Dragan Zelenovic n'a eu aucune

5 pitié pour cette enfant, il l'a violée alors qu'elle était emmenée à

6 Bijela, à l'école de Foca, à la salle des Partisans autant de lieux de

7 détention. Lorsqu'elle a été transférée de la salle des sports à la maison

8 de Karaman, il l'a retrouvée là, il a retrouvé ses traces et il l'a violée

9 une fois de plus.

10 Dragan Zelenovic a commis ces crimes alors que ses victimes étaient

11 des personnes vulnérables à l'extrême. Il a choisi ces personnes en

12 fonction du critère discriminatoire. Il a commis des viols et des tortures

13 pendant une période prolongée sur la victime 75 et la victime 87. Il y a

14 plus d'une victime qui a été abusée par lui. Il y a eu des viols collectifs

15 qu'il a commis avec d'autres.

16 Autant d'actes par lesquels Dragan Zelenovic a montré à quel point il

17 faisait fi de la dignité de ces femmes, à quel point il bafouait les droits

18 à la personne, les droits à l'autodétermination.

19 Il est reconnu que Zelenovic n'était pas l'architecte de tous les

20 crimes, de tous les viols commis sur les femmes et les gamines de Bosnie.

21 On reconnaît qu'il n'avait pas de position, de fonction de commandement ni

22 d'autorité sur d'autres soldats ou d'autres coauteurs. Il n'en demeure pas

23 moins, comme nous l'avons montré, que sa participation à ces manifestations

24 systématiques de violences, il y a contribué de façon substantielle.

25 Autres facteurs importants qu'il faut prendre en compte lorsqu'on

26 détermine la gravité d'une infraction. Ce sont les souffrances infligées

27 aux victimes. Nous avons deux victimes qui ont été violées de façon

28 systématique, il s'agit du Témoin 75 et du Témoin 87.

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1 En 1992, le Témoin 75 avait 25 ans. En juillet 1992, lorsque son

2 village a été attaqué, elle a été emmenée de Buk Bijela -- excusez-moi, à

3 Buk Bijela, puis à l'école de Foca. On l'en a fait sortir pour la mettre

4 dans différents appartements, puis elle a été transférée dans la salle des

5 Partisans et dans d'autres endroits. Pendant cette odyssée épouvantable, ce

6 témoin, le Témoin 75 a subi de façon constante et répétée des violences

7 sexuelles, des viols. L'accusé n'a été qu'un des nombreux soldats qui l'ont

8 violée et torturée.

9 Quant au Témoin 87, elle n'avait que 15 ans en 1992 et elle a dû

10 subir un périple analogue lorsqu'elle était transférée de lieu de détention

11 en lieu de détention, elle a été l'objet de violences sexuelles, de viols

12 répétés, notamment par cet accusé.

13 Mais ces deux femmes n'ont pas été les seules à souffrir à cause de

14 lui. Il a admis qu'il avait participé au viol et au viol collectif d'autres

15 personnes non identifiées. Il a ainsi été le bourreau de femmes et de

16 gamines qu'il n'est pas possible de dénombrer.

17 Des femmes et des gamines qui ont été terrorisées, qui ont subi des

18 souffrances horribles. Il n'y a pas eu que la peine, la souffrance d'être

19 violée de façon répétée, mais ces femmes ne savaient même pas si elles

20 allaient survivre à cet horrible périple, à ces souffrances. C'étaient des

21 gamines, des femmes civiles sans défense, d'autant plus vulnérables

22 qu'elles avaient été détenues dans des conditions inhumaines, qu'elles

23 avaient été transférées d'un lieu à l'autre. Elles ont connu la faim,

24 l'insomnie, l'absence d'hygiène.

25 Au cours de ces sévices répétés, la santé physique et psychologique

26 de ces femmes en a considérablement été amoindrie, voire détruite. Aucune

27 de ces victimes ne pourra jamais oublier, aucune d'entre elles ne pourra

28 jamais guérir. Elles resteront hantées, tourmentées pour le reste de leur

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1 vie par ce qu'elles ont dû subir de la part de celui-ci, de cet accusé et

2 de ses coauteurs.

3 Parlons maintenant des circonstances atténuantes et des circonstances

4 aggravantes.

5 L'Accusation fait valoir qu'en application du paragraphe 15 de

6 l'accord sur le plaidoyer, il faut tenir compte des circonstances

7 aggravantes suivantes au moment de fixer la peine à imposer à M. Zelenovic

8 : il y a d'abord la victime 75. Elle était vulnérable, elle n'avait que 15

9 ans à l'époque. Puis il y a la multiplicité des viols --

10 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige, il s'agissait de la victime 87.

11 Mme MOELLER : [interprétation] L'Accusation fait valoir qu'il y a aussi des

12 circonstances atténuantes, la plus importante étant le fait que l'accusé a

13 plaidé coupable, a reconnu sa responsabilité au regard des crimes que je

14 viens de décrire. Il a collaboré avec l'Accusation en concluant cet accord

15 sur le plaidoyer et a donné des informations complètes et fidèles à la

16 vérité.

17 Nous l'avons dit dans notre mémoire, un plaidoyer de culpabilité doit

18 être considéré comme étant une circonstance atténuante à deux titres. Tout

19 d'abord, si ce plaidoyer est fait avant le début du procès cela veut dire

20 que les victimes n'auront pas à venir témoigner. C'est une façon de gagner

21 du temps. Surtout lorsqu'il y a des crimes aussi odieux que le viol et la

22 torture, lorsque des victimes sont déjà venues déposer, comme ce fut le cas

23 dans l'affaire Kunarac, ceci permet à ces victimes et à leurs familles de

24 ne pas devoir répéter ce qu'elles ont déjà vécu. Cela leur permet de ne pas

25 devoir subir un nouveau traumatisme.

26 Nous avons le rapport d'expert d'Ana Najman de la Défense qui est

27 psychologue clinique et qui parle de : "L'attitude devant le traumatisme et

28 des actes de viol de la part des victimes et des auteurs," parle longuement

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1 des caractéristiques du viol commis en conflit armé, du traumatisme subi

2 par les victimes et de l'effet qu'a un plaidoyer de culpabilité sur

3 l'auteur de ces viols. Ceci a été versé au dossier. Nous sommes d'accord

4 avec ce qui dit ce rapport et ses conclusions.

5 Ensuite, le plaidoyer de culpabilité aussi contribue à l'objectif du

6 Tribunal qui consiste à trouver la vérité. Dans ce cas particulier, les

7 événements qui se sont produits à Foca et les villages environnants au

8 cours de la première moitié de 1992 ont été établis au-delà de tout doute

9 raisonnable par le biais de deux jugements prononcés par ce Tribunal. Les

10 deux ont été confirmés en appel. Il s'agit des jugements et arrêt dans les

11 affaires contre Kunarac, Kovac et Vukovic ainsi que le Procureur contre

12 Krnojelac.

13 Le plaidoyer de culpabilité de Zelenovic contribue de façon essentielle au

14 mandat du Tribunal. C'est la première fois dans l'histoire de ce Tribunal,

15 qu'un auteur qui a participé à ces événements a avoué et confirmé ce qui

16 est arrivé à la population féminine non-serbe dans cette partie-là de

17 Bosnie-Herzégovine en 1992. L'aveu de culpabilité de M. Zelenovic contribue

18 non seulement à l'établissement de la vérité, mais peut peut-être aussi

19 contribuer au processus de la réconciliation dans la région.

20 Le Procureur est d'accord avec la Défense pour dire que l'aveu de

21 culpabilité par l'accusé devrait être considéré comme une circonstance

22 atténuante.

23 La Défense dans son mémoire concernant la peine le 14 février a dit qu'il y

24 a un certain nombre de circonstances personnelles qui devraient être

25 considérées comme des circonstances atténuantes. Il faut prendre note de

26 l'article 24 du Statut où il est dit : "L'état de la personne accusée

27 devrait être considéré comme une circonstance importante" quand il s'agit

28 de déterminer la peine. Dans l'affaire Kunarac la situation familiale de

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1 l'accusé était aussi considérée comme un facteur atténuant.

2 Dans le cas présent, l'accusé a dit qu'il est marié et qu'il a un fils

3 mineur et qu'il est un invalide de guerre avec une invalidité de 80 %. Le

4 Procureur est d'accord avec la Défense pour dire que ceci devrait être pris

5 en compte. Sa situation de famille devrait être pris en compte comme une

6 circonstance atténuante. Cependant, vu le nombre et la gravité des crimes

7 commis par l'accusé, ceci devrait être considéré comme circonstance limitée

8 seulement en partie.

9 Il en va de même quant aux autres circonstances atténuantes qui ont été

10 présentées par la Défense, à savoir que l'accusé n'a pas été condamné

11 avant, qu'il s'est bien comporté pendant qu'il a été détenu dans les

12 quartiers pénitentiaires des Nations Unies et aussi les questions de santé.

13 Le Procureur est d'accord qu'il s'agit là de circonstances atténuantes dans

14 une certaine mesure seulement, mais ce sont des circonstances qui ne

15 peuvent pas diminuer la gravité du crime commis. Elles ne peuvent pas dans

16 une certaine mesure influer sur la peine prononcée.

17 Le dernier facteur qui devrait être pris en compte c'est la pratique

18 en matière de la peine dans l'ex-Yougoslavie. En vertu de l'article 24 du

19 Statut et l'article 101 du Tribunal, les Juges de la Chambre de première

20 instance doivent prendre en compte ces circonstances. Le Procureur dans son

21 mémoire, a évoqué l'article 182 [comme interprété] du code pénal de la RSFY

22 concernant le droit international et les crimes contre l'humanité, où les

23 peines pour les auteurs de tels crimes contre l'humanité vont entre cinq

24 années au minimum et au maximum la peine de mort.

25 Il a été établi pour la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic et

26 Kunarac que les Juges de la Chambre de première instance doivent prendre en

27 compte, mais ne sont pas tenus par la pratique en matière de peine en

28 vigueur en ex-Yougoslavie.

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1 Je vais en arriver à mes conclusions.

2 Pour conclure, le Procureur avec tout le respect demande que les

3 Juges de la Chambre de première instance imposent une peine à M. Zelenovic

4 qui est de commune mesure avec la gravité des infractions commises. En

5 faisant cela, la Chambre devrait prendre en considération le fait que

6 l'accusé a fait un aveu de culpabilité et a accepté la responsabilité pour

7 ses actes.

8 Il s'agit de trouver un équilibre entre les caractères très graves

9 des crimes commis et ces circonstances atténuantes du plaidoyer de

10 culpabilité. Le Procureur considère qu'une peine allant de dix à 15 années

11 serait appropriée.

12 Lorsque le Procureur demande cela, le Procureur a pris en compte les peines

13 prononcées contre les coauteurs Kunarac, Kovac et Vukovic pour des crimes

14 similaires dans un contexte similaire. Leurs peines sont de 28, 20 et 12

15 années respectivement. Par exemple, l'accusé Vukovic a été condamné à 12

16 années d'emprisonnement pour un seul viol considéré comme crime contre

17 l'humanité.

18 Le Procureur est conscient du fait que la peine demandée pour M. Zelenovic

19 peut paraître assez basse si on la compare. A la différence de ces

20 personnes, M. Zelenovic a décidé de plaider coupable et a accepté

21 publiquement toute la responsabilité pour ces affreux crimes et actes qu'il

22 a commis. Il a exprimé le regret et le remords par rapport aux victimes. Le

23 Procureur attire l'attention des Juges sur la déclaration signée par

24 l'accusé en date du 9 février qui figure dans l'annexe du mémoire de la

25 Défense dans lequel Zelenovic a exprimé ses remords vis-à-vis des victimes

26 et a fait part de son espoir que ses aveux vont contribuer à la

27 réconciliation.

28 Cependant ceci ne devrait aucunement atténuer le caractère grave des crimes

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1 qui ont été commis. En dépit de cela, nous considérons qu'il est justifié

2 que les peines soient moins importantes que les peines qui ont été

3 prononcées dans l'affaire Kunarac et consorts.

4 Avec ceci, je termine ma présentation.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

6 Monsieur Jovanovic, vous allez pouvoir bénéficier de 37 minutes.

7 M. JOVANOVIC : [interprétation] Merci. Puisque mon confrère a déjà parlé de

8 l'historique de cette procédure, je ne vais pas le répéter. Ma consoeur du

9 bureau du Procureur a aussi évoqué tous les faits, la description des faits

10 et des événements. Même si elle n'en a pas parlé dans son mémoire, elle a

11 tout simplement dit que M. Zelenovic a accepté les faits et que ces faits

12 ont été admis. La Défense ne va pas parler de cela lors de sa présentation.

13 Tout brièvement, ce que je voudrais dire ce sont les circonstances

14 atténuantes qui figurent dans notre mémoire du 14 février 2007.

15 Tous les éléments qui ont été déjà présentés représentent une position

16 sincère et l'acceptation de la culpabilité de M. Zelenovic. Il a accepté de

17 façon absolue toute la responsabilité pour ce qu'il a fait. Il est prêt à

18 accepter la peine telle que décidée par les Juges de la présente Chambre.

19 La Défense attire votre attention sur toute l'importance de son aveu,

20 surtout à la lumière de la gravité des faits établis et commis.

21 La Défense est tout à fait d'accord avec le Procureur concernant la

22 pratique de ce Tribunal par rapport à l'infraction au crime de viol. C'est

23 un viol très grave. La Défense ne souhaite aucunement atténuer la gravité

24 de ces crimes. Cependant, l'effort que M. Zelenovic a fourni en avouant ses

25 actes et en faisant preuve du désir de s'excuser auprès de ses victimes et

26 avec son aveu, il justifie l'existence et le travail du Tribunal. Je

27 considère que ceci est une circonstance atténuante qui doit véritablement

28 être prise en compte.

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1 Le Tribunal pénal international, il a été dit à plusieurs reprises

2 l'importance de la phase de la finition de ses travaux. Mme Carla Del Ponte

3 a participé à une mission diplomatique permanente. Elle essaie de

4 convaincre les chefs d'Etat de l'importance de cette stratégie d'achèvement

5 des travaux du Tribunal. Elle parle aussi de l'objectif de ce Tribunal et

6 elle réitère ses objectifs. Malheureusement, nous pouvons souvent entendre

7 qu'il y a beaucoup de personnes qui contestent encore le travail de ce

8 Tribunal.

9 L'acte de M. Zelenovic par son aveu de culpabilité montre clairement ce

10 qu'il a déjà dit dans sa déclaration, à savoir que les crimes ont été

11 commis. Ils ont eu lieu. Ceci confirme qu'il a été vraiment nécessaire de

12 créer cette institution, ce Tribunal qui va prendre ces décisions, a son

13 objectif qu'il poursuit et il remplit son objectif.

14 M. Zelenovic a avoué sa culpabilité dans un espace assez bref à partir du

15 moment où il est arrivé au quartier pénitentiaire du Tribunal pénal

16 international. Ceci a été fait de la façon la plus rapide possible du point

17 de vue technique, vu que le Procureur a eu des entretiens avec la Défense.

18 Beaucoup plus tôt avant qu'on ait même commencé à réfléchir au début du

19 procès, ou beaucoup plus vite qu'il n'est prévu par l'article 11 bis. En

20 faisant ceci, M. Zelenovic a fait gagner beaucoup de temps au Tribunal et

21 beaucoup de moyens aussi.

22 M. Zelenovic, comme il a été dit dans notre mémoire et comme il a été dit

23 aussi dans le rapport d'expert, a épargné aux victimes et aux témoins la

24 peine d'être traumatisés à nouveau en évoquant les souffrances qu'ils ont

25 souffertes. Je dois rappeler que ces témoins ont déjà témoigné dans

26 l'affaire Kunarac et consorts. Je dois aussi dire que ces témoins vont être

27 appelés à témoigner devant le tribunal national de Bosnie-Herzégovine et

28 qu'ils sont toujours emmenés à faire face au Tribunal à la Défense et aux

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1 questions posées. M. Zelenovic leur a épargné cet effort, à savoir de venir

2 déposer à nouveau.

3 Dans les rapports d'expert, il a été expliqué quelle était la durée de ce

4 processus du retour à la vie de ces personnes. Ces personnes pourraient à

5 nouveau souffrir en se rappelant ces événements, tous ces détails et en se

6 rappelant toute ces souffrances par lesquelles elles sont passées. Dragan

7 Zelenovic était un simple soldat de l'armée de la Republika Srpska, en

8 réalité un policier militaire. Comme le Procureur l'a dit, c'était un des

9 hommes qui a participé aux événements avant que les actes de viol et de

10 torture ne soient commis, il faisait partie du conflit armé qui a eu lieu

11 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. Bien sûr qu'il a participé à cela,

12 il n'a été qu'un participant qui se trouvait à l'échelon le plus bas de

13 l'échelle de responsabilité. Malheureusement, dans la description des faits

14 qui ont été acceptés par M. Zelenovic, on peut voir que ces événements se

15 sont produits de sorte qu'un certain nombre de soldats non identifiés ont

16 participé à ces événements aussi. Ces gens sont toujours en liberté

17 aujourd'hui alors que M. Zelenovic a accepté sa responsabilité. Il a décrit

18 les événements. Il a accepté les événements. Son aveu de culpabilité montre

19 sans le moindre doute ce qui s'est vraiment passé sur le territoire de

20 Bosnie-Herzégovine.

21 Les circonstances personnelles de M. Zelenovic sont aussi présentées. Son

22 état de santé est très mauvais. Le médecin du quartier pénitentiaire a fait

23 un rapport. M. Zelenovic est un invalide à près de 80 % d'incapacité de

24 travailler.

25 Il a exprimé ses remords. Il va répéter la déclaration qui est jointe à ce

26 mémoire du 14 février.

27 Le Procureur et la Défense ont proposé leurs peines, la Défense a demandé

28 une peine allant de sept à dix années, le Procureur entre dix et 15 années.

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1 La Défense considère que le point d'accord se trouve à dix années

2 d'emprisonnement.

3 La Défense est entièrement consciente de la gravité des crimes

4 commis. Elle attire l'attention des juges sur le fait que vu la

5 jurisprudence de ce Tribunal, on ne peut pas comparer les peines prononcées

6 par rapport aux différents accusés qui ont été présentés devant ce

7 Tribunal. Chaque accusé a des circonstances particulières. Le fait que M.

8 Zelenovic était un simple soldat ne peut pas influer de façon extrêmement

9 importante sur la peine qui va être prononcée, si l'on examine les peines

10 prononcées contre les accusés qui faisaient partie des instances beaucoup

11 plus élevées de la hiérarchie militaire ou des structures politiques.

12 Je veux tout de même attirer l'attention des Juges sur la position de la

13 Chambre de première instance dans l'affaire Todorovic. Il a été considéré

14 que ses crimes étaient extrêmement hideux et qu'il a été extrêmement cruel.

15 Tout de même, la peine qui a été déterminée était une peine de dix années,

16 avec l'explication suivante : cette peine aurait dû être plus longue, mais

17 à la lumière des faits qui ont été établis pendant le procès, cette peine

18 était moindre.

19 Ensuite, je vais citer l'exemple de Biljana Plavsic, qui se trouvait

20 au sommet de l'autorité politique qui s'étendait sur tout le territoire de

21 Bosnie-Herzégovine pendant le conflit. Je dois attirer l'attention des

22 Juges sur le fait que la peine prononcée contre Mme Plavsic est une peine

23 de 11 années d'emprisonnement.

24 M. Zelenovic a accepté de coopérer entièrement avec le Tribunal. Il s'est

25 engagé à continuer à coopérer de toutes les façons souhaitées ou demandées

26 par le Procureur du Tribunal pénal international. Il s'est dit être prêt à

27 donner toutes les déclarations souhaitées par le Procureur et à se

28 présenter en tant que témoin dans tous les procès où il serait demandé à

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1 témoigner.

2 Il s'est passé peu de temps depuis l'aveu de culpabilité de M. Zelenovic de

3 sorte qu'il n'a pas eu l'occasion de faire preuve et de démontrer ce désir

4 de coopérer, mais il faut prendre en compte le fait qu'il en a exprimé le

5 désir.

6 Voici les arguments que je vous présente, ils figurent déjà dans le

7 mémoire de la Défense que nous maintenons, ainsi que la proposition quant à

8 la peine qui est déjà présentée dans le mémoire de la Défense.

9 Je vous remercie, Monsieur le Président. M. Zelenovic, si vous lui

10 donnez la possibilité souhaite faire une déclaration à la fin. Je vous

11 remercie, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zelenovic, votre conseil a

13 demandé que l'on vous fournisse la possibilité de faire une déclaration.

14 Nous savons déjà quelle sera la nature de cette déclaration, nous vous

15 laissons la possibilité de vous exprimer. Allez-y.

16 L'INTERPRÈTE : M. Zelenovic est hors micro.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

18 Juges. Je vous ai déjà fait part de ma position dans la déclaration qui a

19 été jointe au mémoire de la Défense, mais je dois répéter ce que j'ai voulu

20 vous dire. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à

21 vous, mais aussi à tous les hommes et toutes les femmes qui travaillent

22 pour qu'on établisse la vérité. J'espère que mes mots seront entendus par

23 les victimes de cette guerre qui n'a aucun sens, qui n'a fait le bonheur de

24 personne. Dans la Bible il est dit qu'il ne faut pas avoir peur de la

25 vérité parce qu'elle ne peut qu'aider tout le monde, c'est pour cela que

26 j'ai avoué ma culpabilité et je suis prêt à faire face aux conséquences par

27 rapport à ce que j'ai fait.

28 Je sais qu'aucune peine ne pourra remédier et ne pourra réparer la

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1 souffrance de ces victimes. Cependant, la foi nous apprend que l'aveu de

2 culpabilité peut permettre aux personnes de guérir. C'est pour protéger les

3 victimes que j'ai fait cet aveu de culpabilité. Je regrette toutes les

4 victimes qui ont souffert et surtout les victimes qui ont souffert à cause

5 de ce que j'ai fait et je leur fais part de mes respects les plus profonds

6 et de mes excuses les plus profondes.

7 Je voudrais que tous les gens qui m'entendent interprètent ceci comme

8 des mots venant d'un homme simple. J'ai mes défauts, j'ai aussi des

9 qualités. A l'époque, je n'ai pas su malheureusement réprimer ces défauts

10 et ces vices.

11 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, voici ce que

12 j'avais à dire. Je vais accepter la peine que vous allez déterminer avec

13 courage et avec l'aide de Dieu. Je prie le bon Dieu de me donner le courage

14 de passer par tout cela et de pouvoir revenir un jour auprès de ma famille.

15 Je vous remercie, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Zelenovic.

17 Vous pouvez vous asseoir.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges vont maintenant poser des

20 questions aux parties en présence.

21 Le Juge Moloto.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je souhaite me tourner

23 maintenant vers M. Zelenovic étant donné qu'il a dit quelques mots. Je

24 voulais simplement vous poser quelques questions. Vous pouvez vous asseoir,

25 Monsieur Zelenovic.

26 Je souhaite simplement savoir de vous, Monsieur Zelenovic, à quel moment

27 vous avez commencé à avoir ce sentiment de remords ?

28 L'ACCUSÉ : [interprétation] A partir du moment où l'acte d'accusation me

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1 concernant a été dressé.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A quel moment était-ce ?

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] A partir du moment où j'ai commencé à croire en

4 Dieu. Jusqu'alors je ne croyais pas en Dieu.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question était : à quel moment cet

6 acte d'accusation a-t-il été dressé contre vous ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] En 1995, 1996. Je ne sais plus.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Comment êtes-vous arrivé en détention

9 ici au Tribunal ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis venu de Russie. Je suis arrivé à la

11 prison ici.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous êtes-vous rendu en Russie ?

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] En 2000, 2001. C'est-à-dire le 4 août.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourquoi êtes-vous allé en Russie ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'y suis allé. Je suis allé travailler là-bas,

16 et cet acte d'accusation a été dressé contre moi, vous comprenez ?

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'après ce que vous venez de nous

18 dire, l'acte d'accusation a été dressé contre vous en 1995 et en 1996. En

19 2000, 2001, vous dites être allé en Russie ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En 1995 et 1996, vous croyiez déjà en

22 Dieu et vous éprouviez ce sentiment de remords, et vous avez décidé d'aller

23 en Russie ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez décidé de venir vous rendre

26 et de devoir affronter les conséquences, vous deviez affronter cela ?

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, pas du tout. C'est la politique qui

28 voulait cela. Chacun disait que c'était un Tribunal politique. Je ne suis

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1 pas un homme politique. J'écoutais simplement ce que disaient les autres.

2 Je suis allé en Russie, ils m'ont simplement fait partir. Ils ont dit que

3 je devais aller en Russie.

4 Je suis simplement comme un tampon. Je suis comme un pion dans un

5 jeu.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Zelenovic, je m'adresse à

7 vous et pas à d'autres personnes.

8 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge,

9 veuillez m'excuser, je souhaite apporter une précision ici quant à la

10 manière dont M. Zelenovic est allé en Russie. Je peux en parler une fois

11 que vous aurez terminé vos questions.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, une fois que j'en aurai

13 terminé avec les questions. Je souhaite maintenant m'entretenir avec M.

14 Zelenovic.

15 M. JOVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous venez de nous dire ce matin que

17 vous êtes devenu croyant au moment vous avez reçu l'acte d'accusation en

18 1995, 1996. Lorsque les personnes qui vous ont dit d'aller en Russie,

19 pourquoi ne leur avez-vous pas dit : "Je vais affronter ce que je dois

20 affronter. Je me suis trompé et je veux aller affronter les victimes et

21 m'excuser auprès de ces victimes. Je ne vais pas aller en Russie." Pourquoi

22 n'avez-vous pas réagi comme cela ?

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce que je pensais à ce qui adviendrait de ma

24 famille après cela. C'est la raison pour laquelle j'ai agi comme cela.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que pensiez-vous à l'époque de ce qui

26 allait advenir de votre famille à ce moment-là ?

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'en sais rien. On m'a simplement dit de

28 partir, de partir ailleurs, c'est tout.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qui vous a dit de partir ailleurs ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les gens de l'association. Est-ce que vous

3 comprenez ? Les gens en Russie avec lesquels j'étais en contact.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce sont des gens en Russie qui vous

5 ont dit de quitter la Bosnie pour venir en Russie ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, pas du tout.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qui vous a dit d'aller en Russie ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Les Russes avec lesquels j'étais en contact à

9 Belgrade. Je suis d'abord allé à Belgrade, en Serbie. C'est depuis la

10 Serbie que je me suis rendu en Russie. J'ai un passeport serbe.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous vous êtes rendu en Russie avec un

12 pseudonyme.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne vouliez pas, je crois, que

15 l'on vous découvre, n'est-ce pas ? Vous avez avoué votre culpabilité, donc

16 je ne comprends pas.

17 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous vouliez en fait cacher votre

19 identité et vous tournez autour du pot, n'est-ce pas ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je ne cache pas le fait que je me sois

21 rendu en Russie. J'ai commencé à réfléchir sur ce que j'avais fait au

22 moment où je suis allé en prison. J'avais le temps de regarder le plafond

23 et de me demander pourquoi j'étais en prison. J'ai été emprisonné en Russie

24 pendant 11 mois, c'est à ce moment-là que j'ai tout compris.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez répondre à ma question, s'il

26 vous plaît, Monsieur Zelenovic. Si vous devez nous dire quelque chose, vous

27 pouvez demander d'avoir la parole.

28 La question que je vous pose est celle-ci : vous êtes allé en Russie sous

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1 un faux nom, n'est-ce pas ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parce que vous souhaitiez échapper à

4 ce Tribunal-ci pour le crimes qui vous sont reprochés.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Autrement dit, vous êtes un fugitif de

7 la justice, n'est-ce pas ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas approprié aujourd'hui de

10 dire que vous aviez éprouvé ce remords en 1995 et 1996. Vous n'êtes pas en

11 train de dire la vérité, n'est-ce pas ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis en train de vous dire comment les

13 choses se sont passées. J'ai commencé à réfléchir sur mes méfaits au moment

14 où l'acte d'accusation a été dressé.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez écouter ma question et

16 veuillez y répondre. Vous n'avez pas éprouvé de sentiments de remords en

17 1995 et 1996, n'est-ce pas ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. C'est à ce moment-là que l'acte

19 d'accusation a été dressé contre moi. C'est ce qui m'a fait réfléchir et

20 c'est à ce moment-là que j'ai commencé à me repentir. Jusqu'au moment où

21 l'acte d'accusation a été dressé contre moi, il est vrai que ceci ne

22 m'avait même pas traversé l'esprit. Au fil des jours, j'y pensais davantage

23 jusqu'au jour où j'ai été emprisonné en Russie. A ce moment-là, je me suis

24 véritablement rendu compte, j'ai vraiment commencé à réfléchir

25 sérieusement.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez éprouvé du remords le 9

27 février 2007, lorsque vous avez signé la déclaration parce que vous n'aviez

28 pas d'autres voies de sortie, n'est-ce pas ?

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non. Non.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Zelenovic, étiez-vous avec

3 votre famille en Russie ?

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où était votre famille lorsque vous

6 étiez en Russie ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] A Foca.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel âge a votre fils mineur au jour

9 d'aujourd'hui ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il a 13 ans.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que fait votre femme ?

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Elle est secrétaire dans une entreprise où j'ai

13 travaillé avant.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En réalité, Monsieur Zelenovic, vous

15 avez non seulement abandonné les victimes de vos crimes, mais votre famille

16 également pour vous rendre en Russie.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Oui. Cela fait cinq ans que je n'ai pas vu

18 mon fils.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est votre propre choix, vous

20 avez décidé de l'abandonner pour vous rendre en Russie. Ce n'est pas très

21 important finalement le nombre d'années que vous allez passer en prison.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le nombre d'années où vous ne le

24 verrez pas.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Qu'est-ce que vous entendez par là, cela n'a

26 pas d'importance ? C'est ce qui fait que je suis venu devant ce Tribunal,

27 c'est la raison principale.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez été arrêté en Russie. Vous

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1 n'êtes pas venu de votre plein gré. Regardons les faits en face.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'êtes pas venu de votre plein

4 gré. Ce n'était pas grave pour vous, si vous étiez loin de votre famille.

5 Si vous n'aviez pas été arrêté, vous seriez encore en Russie aujourd'hui.

6 Donc pour vous, ce n'est pas très important si vous êtes éloigné de votre

7 famille.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tel n'est pas le cas, non. Encore une fois je

9 vous le dis. Je vous dis comment les choses se sont passées. Comment puis-

10 je maintenant vous dire que je ne voulais pas voir mon propre enfant ?

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les faits nous indiquent le contraire.

12 Merci, Monsieur Zelenovic.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais également quelques questions à

14 poser, Monsieur Zelenovic, je ne vais pas m'étendre sur les questions

15 posées par M. le Juge Moloto, à savoir comment vous avez pu concilier les

16 intérêts des autres et vos propres intérêts. Pour vous, il s'agissait de ne

17 pas vous faire arrêter.

18 Tout d'abord, une question d'ordre pratique. Maître Jovanovic, dans

19 l'ordonnance portant sur la détention, j'entends l'ordonnance russe, en bas

20 de la page on peut lire : "J'ai reçu l'ordre d'arrestation le 23 avril

21 2005."

22 J'ai du mal à retrouver ceci et le document original, et la date du 23

23 avril 2005. Il est vrai qu'il y a quelque chose que je n'ai pas bien

24 compris. Peut-être que cela se trouve à l'arrière du document. La

25 photocopie que nous avons reçue n'est pas particulièrement lisible.

26 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la date de cette

27 décision rendue par le bureau du Procureur de la Fédération russe est le 23

28 août 2005, donc ordonnance portant détention.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La dernière phrase, au-dessus de la

2 deuxième signature, est-ce qu'on peut lire comme suit : "J'ai reçu

3 l'ordonnance le 23" - j'ai du mal à lire le chiffre, le 23, donc le 23

4 août. Il y a un problème de traduction ici lorsqu'on dit la date du mois

5 "d'avril"; est-ce bien cela ?

6 M. JOVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit

7 vraisemblablement d'une erreur. Dans la décision, le document d'origine, la

8 date qui figure est celle du 23 août 2005, ainsi que la date à laquelle

9 cette décision a été reçue par M. Zelenovic, signée par lui sous le nom de

10 Branislav Petrovic. C'était justement le point sur lequel je souhaitais

11 apporter quelques éclaircissements lorsque j'ai parlé lorsque les questions

12 ont été posées par M. le Juge Moloto.

13 M. Zelenovic se trouvait effectivement en Russie, il savait qu'il avait été

14 mis en accusation par le TPIY. L'acte d'accusation datait de l'année de

15 1999. Comme il a dit lui-même, il a commencé à réfléchir à tous ces

16 événements en 1995. En réalité, M. Zelenovic, on lui a demandé de quitter

17 Foca. Il a dit qu'il est venu en République de Serbie. Malheureusement la

18 Défense ne dispose pas des documents personnels de M. Zelenovic, les

19 documents qui lui ont été remis au nom de Branislav Petrovic en 2001 en

20 Serbie.

21 En réalité, en 2001 M. Zelenovic s'est rendu au poste de police de Belgrade

22 où des documents lui ont été remis, un passeport comportant un visa lui

23 permettant de se rendre à la Fédération de Russie, ainsi qu'une carte

24 d'identité personnelle au nom de Branislav Petrovic.

25 Je suis sûr que l'on connaissait son identité et avec ces documents

26 et ces papiers d'identité, on lui a suggéré de partir sur le champ.

27 M. Zelenovic savait qu'il avait été mis en accusation. Cela ne diminuait en

28 rien sa responsabilité. Il aurait pu effectivement se rendre et venir au

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1 Tribunal pénal international. S'il n'avait pas reçu des documents qui

2 étaient des faux documents, qui n'avaient pas été achetés sur le marché

3 noir néanmoins. C'étaient les autorités officielles qui avaient délivré ces

4 papiers, la République de Serbie. Effectivement, il a agi conformément à ce

5 qu'on lui avait dit. Cela ne diminue en rien le fait qu'il savait qu'il

6 avait été mis en accusation et qu'il aurait pu se rendre.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite comprendre ce que vous venez

8 de dire. Vous avez dit que ces documents n'étaient pas falsifiés. Il est

9 clair que M. Zelenovic que le nom sur ce document et la photographie, ce

10 n'était pas son nom. Comment pouvez-vous expliquer cela ? Vous dites que ce

11 sont des documents qui ont été délivrés normalement. C'est ce que nous

12 avons compris.

13 Je comprends bien que ces documents n'ont pas été volés. Ils n'ont pas été

14 falsifiés par M. Zelenovic. Comment peut-on estimer que ces documents qui

15 modifiaient son identité auraient pu être délivrés de façon régulière ?

16 M. JOVANOVIC : [interprétation] C'est ce que je vous ai dit, ils avaient

17 été délivrés officiellement dans la cadre d'une procédure tout à fait

18 régulière. Ces documents cachaient l'identité de M. Zelenovic. Les

19 autorités officielles d'un Etat délivrent un document, c'est un faux

20 document.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. "J'ai commencé à réfléchir et j'ai

22 commencé à éprouver du remords," c'est qu'a dit M. Zelenovic, à réfléchir

23 sur son comportement, les autorités officielles, les autorités de Foca, les

24 autorités de Belgrade lui ont intimé de partir. Il a davantage écouté ces

25 autorités-là. Ce n'est pas seulement le remords qui a guidé ses pas, n'est-

26 ce pas ? Ne serait-ce pas une façon plus exacte de comprendre les choses ?

27 M. JOVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Effectivement,

28 les choses sont ainsi. J'ai dit quelque chose à ce sujet lorsque j'ai

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1 présenté mes propres arguments. Lorsque j'ai parlé de la situation en ex-

2 Yougoslavie et de l'attitude négative vis-à-vis de ce Tribunal.

3 Malheureusement, c'est ainsi que M. Zelenovic a agi. Ce n'était pas une

4 décision purement indépendante ou prise de façon indépendante. Ce n'était

5 pas simplement qu'il ne souhaitait pas affronter ses responsabilités à

6 l'époque.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'entends bien. Je crois, Monsieur

8 Zelenovic que vous souhaitez ajouter quelque chose. Je vais vous permettre

9 de le faire dans quelques instants.

10 Nous parlons toujours de ce document délivré par les autorités russes. Je

11 crois que les parties ne sont pas entièrement d'accord sur la date à

12 laquelle la détention a commencé le 22 ou le 23 août 2005. Quelle est la

13 date que nous devrions prendre en compte ?

14 Madame Moeller, c'est la date du 22 ou le 23 août qui est la première date

15 de la détention de l'accusé ? C'est la date à laquelle l'ordonnance portant

16 la détention a été rendue ou est-ce qu'il a été arrêté avant ?

17 Mme MOELLER : [interprétation] Je crois que nous arguons du fait que le 23

18 août est le premier jour de détention pour l'accusé. Je crois que nous

19 devrions partir de là.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 23 août est l'ordre portant la

21 détention et non pas la date de l'arrestation.

22 Maître Jovanovic, quelle est votre position ?

23 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, M. Zelenovic a été

24 arrêté le 22 août par la police de la Fédération de Russie. L'Accusation a

25 rendu une ordonnance portant condamnation le 23 août 1995 [comme

26 interprété] à la demande de ce Tribunal. C'est à ce moment-là que sa

27 détention a commencé. Il a été détenu en son nom propre et on a pu

28 comprendre qui était Branislav Petrovic.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne comprenez pas la langue.

2 Regardons l'article en question. "Détenu en prison dans l'attente d'une

3 reddition." Vous excluez le fait d'être privé de liberté comme étant une

4 conséquence de l'arrestation. Vous estimez que cela commence à partir de

5 l'ordonnance portant à la détention.

6 M. JOVANOVIC : [interprétation] La décision rendue par le bureau du

7 Procureur de la Fédération de Russie qui établissait que M. Zelenovic

8 devait être détenu à la demande du TPIY, portait la date du 23 août 2005.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous remercie de votre réponse.

10 Maître Jovanovic vous avez laissé entendre que M. Zelenovic a été très

11 prompt à admettre sa culpabilité. Vous avez dit qu'il y avait eu cette

12 audience portant sur l'article 11 bis qui était prévue. Vous avez dit

13 quelque chose en rapport avec cela, je crois.

14 Vous avez également laissé entendre qu'en reconnaissant sa culpabilité cela

15 permettait d'alléger les ressources de ce Tribunal par opposition à une

16 situation où il aurait fallu appliquer la procédure 11 bis. D'après vous,

17 pourquoi pensez-vous que des procédures relatives au prononcé de la peine

18 sont moins longues que les procédures relevant de l'article 11 bis ?

19 M. JOVANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Le fait est que

20 l'audience consacrée à l'article 11 bis s'est tenue avant l'aveu de M.

21 Zelenovic. Aucune décision n'a été rendue. M. Zelenovic a été mis en

22 accusation par le TPIY et détenu par le TPIY. Je pense qu'il faut supposer

23 qu'il est placé sous la jurisprudence de ce Tribunal.

24 Etant donné qu'il n'y a pas de décision rendue en vertu de l'article 11

25 bis, je suppose qu'il aurait été jugé par ce Tribunal. C'est la raison pour

26 laquelle j'ai indiqué que son aveu quelques mois après son arrivée au

27 quartier pénitentiaire de ce Tribunal permet d'économiser le temps et les

28 ressources de ce Tribunal.

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1 Nous ne pouvons pas affirmer que cette affaire aurait été transférée devant

2 les tribunaux de Bosnie-Herzégovine car nous n'avons aucune décision

3 indiquant cela.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Jovanovic, ce que vous venez de

5 nous dire c'est que ceci a été fait aussi rapidement que possible sur un

6 plan technique, étant donné les échanges et les discussions entre les deux

7 parties, l'Accusation et la Défense. Cela a été fait beaucoup plus tôt. Une

8 date de procès n'avait pas été fixée et une requête en vertu de l'article

9 11 bis n'avait pas été déposée.

10 A ce moment-là, il n'y avait pas de décision, vous avez insisté sur la

11 rapidité, en regardant les antécédents de cette affaire, je constate que

12 nous commençons par un plaidoyer qui a été retardé. Ensuite, un plaidoyer

13 de non culpabilité, ensuite une requête relevant de l'article 11 bis qui a

14 été déposée, d'après ce que je comprends, il aurait suffi de rédiger une

15 seule décision c'eut été la seule chose que cette Chambre aurait dû faire,

16 soit M. Zelenovic serait jugé par ce Tribunal ou il serait renvoyé chez

17 lui. Il a y une forte probabilité pour qu'en vertu du 11 bis, ceci

18 prendrait moins de temps pour ce Tribunal, cela dépendrait du résultat.

19 Néanmoins, vous êtes en train de laisser entendre que le temps qu'il a

20 fallu pour présenter un plaidoyer de culpabilité, même compte tenu de la

21 procédure 11 bis, on aurait gagné du temps. C'eut été possible c'est vrai.

22 Néanmoins, ce n'est pas une conséquence logique de la décision qui a été

23 prise à ce moment-là.

24 En conviendriez-vous avec moi ou est-ce que vous répondriez de façon

25 différente ?

26 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais vous donner

27 l'historique de cette affaire. Lorsque M. Zelenovic est arrivé au quartier

28 pénitentiaire du TPIY, il y avait des problèmes eu égard à la désignation

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1 du conseil. C'est la raison pour laquelle la première audience consacrée au

2 plaidoyer a été reportée. Ensuite, j'ai été assigné comme conseil de la

3 Défense. C'est à ce moment-là que la requête relevant de l'article 11 bis a

4 été déposée. Il y a eu plusieurs communications et en tant que conseil de

5 la Défense, je devais me familiariser avec les différents documents. Après

6 avoir parcouru les documents qui m'avaient été communiqués et pendant le

7 processus de communication, la Défense a contacté l'Accusation et un exposé

8 des faits a été préparé. Pour finir un plaidoyer de culpabilité a été

9 conclu.

10 Si nous estimons que la décision en vertu du 11 bis aurait abouti à

11 un renvoi devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là, ce

12 Tribunal n'aurait pas gagné de temps. Néanmoins, c'est un fait que M.

13 Zelenovic est ici. On ne peut pas préjuger des résultats d'une audience

14 relevant de l'article 11 bis. La Défense s'est opposée à la demande faite

15 par le bureau du Procureur pour une requête relevant du 11 bis. On ne peut

16 pas présupposer de la décision. Le fait est qu'il n'y a pas d'acte

17 d'accusation dressé par le tribunal national de Bosnie-Herzégovine contre

18 Zelenovic. Il est en détention dans ce Tribunal. Il a plaidé coupable

19 devant ce Tribunal-ci. Il est placé sous la juridiction de ce Tribunal.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends bien ce que vous dites. En

21 somme, c'est que l'incidence qu'aurait eu un 11 bis, relève de la

22 conjecture. On ne sait pas quel aurait été le résultat. Cela aurait pu être

23 négatif ou positif, mais c'est pure spéculation.

24 M. JOVANOVIC : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est vrai que je ne comprends pas bien

26 le dossier médical qui a été remis, ses antécédents en matière de tabac.

27 Est-ce que M. Zelenovic a cessé de fumer ou est-ce que c'est toujours une

28 habitude ? Je ne porte pas de jugement de valeur là-dessus. Je souhaite

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1 simplement savoir s'il a cessé de fumer ou non ?

2 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez un rapport

3 médical qui a été établi par le médecin du quartier pénitentiaire après

4 qu'il y ait eu des examens du spécialiste, certains réalisés en hôpital. M.

5 Zelenovic a passé un certain temps à l'hôpital, hors du quartier

6 pénitentiaire.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître, j'ai lu le rapport. Je comprends

8 parfaitement ce qui s'y dit. Je veux simplement savoir si aujourd'hui, M.

9 Zelenovic a un problème parce qu'il a fumé et qu'il ne fume plus ou est-ce

10 qu'il fume encore ?

11 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, M. Zelenovic ne fume

12 plus. Le médecin du quartier pénitentiaire dit de lui que c'est un patient

13 très discipliné.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand avez-vous arrêté de fumer,

15 Monsieur Zelenovic, pouvez-vous nous le dire ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai fumé pendant 30 ans, jamais je n'ai cessé

17 de fumer. On a fait une radio de mes poumons ici, le Dr Falke a dit que la

18 moitié de mes poumons ne fonctionne plus. "Si vous ne vous arrêtez pas,

19 c'est la fin." Puis, M. McFadden a demandé à me voir, il m'a donné des

20 pilules qui permettent d'arrêter de fumer. Effectivement, quand je les ai

21 prises je me suis arrêté. Je ne fume plus.

22 Il y a deux jours, je suis allé une fois de plus à l'hôpital et l'on a fait

23 un nouveau bilan de santé.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand est-ce que M. McFadden vous a

25 offert ces pilules ?

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Dès que je suis arrivé de Russie et dès qu'on a

27 fait les premières radios.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Félicitations pour avoir arrêté de

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1 fumer.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'autres questions pour le moment.

4 Je vous propose ceci, Monsieur Zelenovic, vous vouliez intervenir. Je

5 vous donnerai l'occasion de dire ce que vous avez à dire, puis nous allons

6 faire une pause au cours de laquelle les Juges vont discuter pour savoir

7 s'ils ont d'autres questions à poser. S'ils en ont, elles seront posées aux

8 parties comme à vous, Monsieur Zelenovic. Puis, les parties auront

9 l'occasion de présenter quelques conclusions de clôture. L'audience sera

10 alors levée après que M. Zelenovic aura eu l'occasion de s'exprimer une

11 dernière fois. Je sais que ce n'est pas la tradition contradictoire, mais

12 je ne pense pas que cela soit interdit. Vous pourrez dire quelques mots en

13 fin d'audience, Monsieur Zelenovic et les Juges vont alors délibérer.

14 Monsieur Zelenovic, vous m'avez fait comprendre que vous vouliez ajouter

15 quelques mots, peut-être à l'épisode russe, n'est-ce pas ? Vous avez la

16 parole.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, tout à fait. Quand je suis arrivé en

18 Russie, j'y ai passé quatre ou cinq ans, rien ne s'est passé. Tout d'un

19 coup, quand Milosevic est tombé malade, ils m'ont arrêté, le 21. J'étais en

20 Sibérie à quatre heures d'avion de Moscou. J'y habitais avec une femme qui

21 est aussi un avocat. Ils m'ont dit : "Dragan, tu es en état d'arrestation.

22 Il y a un mandat d'arrêt d'Interpol. On ne va pas coopérer avec Interpol.

23 On va te libérer. On ne veut pas collaborer avec le Tribunal de La Haye."

24 C'est pour cela qu'il y a une certaine confusion à propos de savoir si

25 c'est le 22 ou le 23. J'ai été arrêté et j'ai été relâché. On m'a dit que

26 j'étais libre. J'ai été réarrêté le lendemain. On m'a dit qu'il fallait

27 attendre un rapport pour voir ce que Moscou allait dire. Quand ils m'ont

28 mis en prison, leur prison était vraiment dégueulasse, je suis tombé

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1 malade. J'ai demandé à être emmené à La Haye, mais on m'a dit : "On va te

2 donner un faux passeport." J'ai dit : "Donnez-moi l'original." Ils ont

3 refusé. Puis en avril, ils m'ont emmené à l'aéroport de Moscou. Lorsque je

4 suis arrivé à l'aéroport de Moscou, on m'a dit : "Milosevic est mort. Rien

5 à faire, on va t'emmener ailleurs dans une autre prison." Puis on m'a dit :

6 "Non, non, à La Haye, puis on t'emmène dans une autre prison." Milosevic

7 est mort, c'est pour cela qu'on dit que j'ai été arrêté le 24 avril, mais

8 j'ai été envoyé dans une autre prison, Nizevatovsi [phon], où j'ai passé 21

9 jours et ils m'ont renvoyé au Tribunal de Hanti-Mansiysk [phon], puis le

10 Tribunal m'a relâché. Il m'a acquitté, on m'a dit que j'étais libre, puis

11 ils m'ont emmené dans la prison pour que j'y prenne mes effets et on m'a

12 dit : "Tu es de nouveau en état d'arrestation. On ne sait pas ce que Moscou

13 va dire." Ils m'ont gardé là en détention pendant un mois. La question

14 était de savoir si on allait me libérer ou m'envoyer en Yougoslavie ou à La

15 Haye, ils ont dit : "On ne coopère pas avec La Haye. Tu va être envoyé à

16 Sarajevo." J'ai été envoyé à Sarajevo. A Sarajevo, mon conseil de l'époque,

17 Dusko Orasanin, je lui ai dit : "Si je vais à La Haye, je dirai la vérité."

18 Cela c'est à propos de mon passeport. Ils savaient tout du long j'étais en

19 Russie.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Zelenovic, veuillez vous

21 rasseoir.

22 Est-ce que les parties peuvent nous dire si elles sont en mesure de nous

23 donner des documents à propos de la détention qui a commencé le 23 août,

24 parce que la Chambre devra se demander quel sera le crédit en matière de

25 jours de détention qu'il faudra donner à l'accusé en application de

26 l'article 101 du Règlement ? Parce qu'effectivement : "Après reddition au

27 Tribunal, on tient compte du nombre de jours passés en prison." Ce n'est

28 pas très clair. Il y a eu une arrestation, puis il y a une relaxe immédiate

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1 si j'ai bien compris, puis il y a une ordonnance portant détention au 23

2 août, plus tard M. Zelenovic aura l'occasion d'ajouter quelque chose, mais

3 à partir de ce moment-là - en tout cas parfois il n'a pas été très clair

4 pour moi de savoir si la détention s'était poursuivie. Or, en ce qui nous

5 concerne, en tant que Tribunal nous devons savoir ce qu'il en ait pour M.

6 Zelenovic. Cela ne fait que semer une confusion encore plus grande dans mon

7 esprit après ce qu'il a dit. Je suppose - je m'adresse aux parties - qu'il

8 doit y avoir un certain historique de la détention. Est-ce que les parties

9 peuvent voir s'il est possible de tirer ceci au clair ? Il pourrait y avoir

10 une coopération entre les deux parties car nous voulons faire preuve

11 d'équité dans l'application de l'article 101 en son alinéa (C) en ce qui

12 concerne M. Zelenovic.

13 Monsieur Zelenovic, vous m'avez signalé que vous vouliez intervenir une

14 fois de plus. Dites-moi si j'ai mal compris ce que vous avez dit.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai jamais été relâché. J'ai été acquitté

16 par le Tribunal et quand je suis retourné en prison pour aller chercher mon

17 sac et mes affaires, on m'a de nouveau emprisonné. J'ai été en prison tout

18 le temps. J'ai ces documents. Le Tribunal m'a acquitté. Mais quand je suis

19 revenu à la prison, ils m'ont gardé et ils ont dit : "Attendons de voir ce

20 que va dire Moscou." J'ai passé un mois de plus sans aucun acte

21 d'accusation. De cette prison, je suis parti en avion à Moscou puis à

22 Sarajevo. J'ai tous ces documents, mon conseil les a pour ce qui est de la

23 détention en août.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous avons l'ordonnance portant

25 détention, Maître Jovanovic. Nous avons aussi la décision du Tribunal de

26 Bosnie-Herzégovine. Effectivement, si vous êtes d'accord pour ce qui est

27 des conditions de détention vous pourrez nous le dire ce serait fort utile,

28 mais pas maintenant.

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1 Nous allons faire une pause d'une demi-heure. Nous aurons peut-être des

2 questions supplémentaires à vous adresser à vous ou à M. Zelenovic. Ceci

3 mis à part, pour ce qui est de vos plaidoiries et réquisitoires je vous

4 donne 15 minutes. Est-ce que ceci vous convient, Madame Moeller ?

5 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, tout à fait.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous, Maître Jovanovic, pour votre

7 plaidoirie ?

8 M. JOVANOVIC : [interprétation] Oui, oui. Merci. Nous avons déjà soumis nos

9 arguments, donc je serai très bref.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous force pas à utiliser ce temps

11 que je vous accorde. L'audience est suspendue et elle reprendra à 11 heures

12 10.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 42.

14 --- L'audience est reprise à 11 heures 17.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais d'abord donner la parole à

16 Mme le Juge Van Den Wyngaert qui voudrait poser une question, puis j'aurais

17 une question et demie.

18 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Monsieur Zelenovic, j'ai

19 une question à vous poser. La voici : vous avez plaidé coupable, dans

20 quelle mesure le souhait de ne pas être renvoyé en Bosnie à cause du 11

21 bis, dans quelle mesure est-ce que ceci est intervenu dans les motifs qui

22 vous ont poussé à plaider coupable ou est-ce que ceci n'a eu aucune

23 influence ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

25 Juges, je vais vous dire la vérité. J'ai voulu dire la vérité et j'ai avoué

26 ce qui s'est passé. Je suis prêt à endosser toute la responsabilité pour

27 cela. J'ai avoué.

28 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Est-ce que vous avez pris

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1 notamment cette décision parce que vous préférez que le reste de votre

2 procès se déroule ici plutôt qu'en Bosnie ? Est-ce que cet élément est

3 intervenu dans votre plaidoyer de culpabilité ou est-ce qu'il n'est pas du

4 tout intervenu ?

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, non. Rien à voir.

6 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à poser aux parties.

8 Il y a un dernier chef que j'appellerais de façon sommaire un chef de viol

9 près du restaurant de poisson où il y a viol et non pas torture d'après

10 l'acte d'accusation. Il y a deux victimes connues et deux qui ne le sont

11 pas qui sont ici violées.

12 Le contexte ne me le dit pas clairement, même s'il y a des indices qui sont

13 fournis. Les victimes, les femmes qui ne sont pas identifiées, elles

14 étaient aussi Musulmanes de Bosnie. Est-ce que les parties sont d'accord

15 sur ce point ?

16 Mme MOELLER : [interprétation] En ce qui concerne l'Accusation, nous

17 pensons aussi que c'étaient des personnes non-serbes.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce l'avis de la Défense également ?

19 M. JOVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs

20 les Juges, les événements décrits dans l'acte d'accusation et les faits

21 commis ont été commis sur une base discriminatoire, généralement parlant.

22 S'il a été dit que ces victimes, que ces personnes n'ont pas été

23 identifiées, il serait difficile de se prononcer, parce que si l'on disait

24 quoi que ce soit à ce sujet, ceci indiquerait que l'on connaît au moins

25 dans une certaine mesure leur identité, mais la Défense est tout à fait

26 d'accord pour dire que ces faits ont été commis sur une base

27 discriminatoire et que les femmes qui ont été les victimes de ces actes

28 étaient des Musulmanes.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est maintenant tiré au clair. Je

2 vous pose dès lors la question suivante, Madame Moeller. Quelques questions

3 ont été posées et quelques réponses ont été fournies à propos de cet

4 incident survenu lors de l'audience en janvier. La Chambre a posé des

5 questions à Mme Uertz-Retzlaff, elle a demandé de quelle façon on avait

6 qualifié ce chef d'accusation, était-ce viol ou était-ce torture ? La

7 réponse était celle-ci : étant donné que ceci ne se faisait pas dans un

8 contexte où cela aurait été un interrogatoire ou une enquête, l'Accusation

9 s'est surtout ici attachée ici à la question du viol et n'a pas qualifié

10 ceci de torture. Je vous relis quelques lignes du compte rendu d'audience.

11 J'ai demandé ceci : "Est-ce que je vous comprends bien ? Est-ce que vous

12 dites qu'à propos de l'incident au restaurant de poisson, la situation

13 n'était pas comme dans les autres cas, intimidation par une tierce

14 partie ?" Elle a répondu par l'indicative. Puis, j'ai parlé de tierces

15 parties qui observeraient la victime au moment où on l'emmenait afin

16 qu'elle soit violée. "Est-ce que dans cette mesure-là il n'y avait pas de

17 tierces personnes présentes ?" Réponse de Mme Uertz-Retzlaff : "Oui, c'est

18 la différence qu'il y a. Je pense que c'est la différence que nous avons

19 établie à l'époque." J'ai répondu ceci : "Mais il reste quand même un

20 élément de discrimination, n'est-ce pas ?" Réponse de Mme Uertz-Retzlaff :

21 "Oui, Monsieur le Président." Je dis alors ceci : "On pourrait dire qu'ici,

22 on aurait pu invoquer la torture ?" Réponse de Mme Uertz-Retzlaff : "C'est

23 vrai, mais nous avons décidé de ne pas retenir cet élément."

24 Je comprends qu'elle voulait dire que vous aviez décidé de ne pas

25 retenir la torture à propos de cet incident. Je vous demande maintenant à

26 vous la question suivante : une intention discriminatoire pourrait

27 constituer une circonstance aggravante en matière de viol. L'intention

28 discriminatoire n'est pas un élément constitutif de l'infraction de viol.

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1 Maintenant nous avons cette situation-ci : les deux parties s'entendent

2 pour dire que des femmes ont été violées à cet endroit et qu'elles

3 n'étaient pas Serbes. Me Jovanovic vient de dire que la Défense accepte le

4 fait que tous les viols ont été commis dans une intention discriminatoire.

5 Il semblerait qu'il y a un accord entre les parties sur ce point.

6 L'Accusation a de façon délibérée décidé de ne pas retenir la torture,

7 comme l'expliquais Mme Uertz-Retzlaff, alors qu'il y avait une intention

8 factuelle discriminatoire, pourtant vous avez décidé de ne pas retenir la

9 torture, de retenir uniquement le crime de viol. A votre avis, l'Accusation

10 - ce n'est pas tellement la question de savoir si vous pouvez le faire -

11 est-ce que vous pouvez arguer du fait que l'intention discriminatoire

12 pourrait être prise en compte comme circonstance aggravante, alors que

13 vous, vous vous êtes délibérément abstenus d'inculper l'accusé pour ce chef

14 de viol et l'accuser de torture ?

15 Maître Tochilovsky.

16 M. TOCHILOVSKY : [interprétation] Ce n'est pas l'intention discriminatoire

17 qui fait de cet acte un crime de torture. C'est l'intention d'intimidation.

18 C'est l'intention de commettre un acte violent. Un viol qui va peut-être

19 faire de cet acte un acte de torture, surtout s'il y a de la force utilisée

20 pour obtenir des renseignements de certaines victimes comme c'est parfois

21 le cas ici, même si ces actes peuvent être qualifiés de torture. Quant au

22 viol lui même, c'est un crime qui ne doit pas contenir des éléments de

23 torture, c'est une première chose.

24 Autre élément, le motif discriminatoire peut être pris en compte au

25 moment de la fixation de la peine pour un crime de torture que l'accusé ait

26 commis un autre crime, dont la torture.

27 Voici ce que j'essaie de dire. Le crime de viol peut être commis pour des

28 motifs discriminatoires sans qu'il y ait d'autres éléments de torture et

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1 sans qu'on ait inculpé l'accusé pour torture, pour résumer.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de revenir à ce qui est pour

3 moi la torture comme c'est formulé. Un viol peut être une torture s'il est

4 commis en vue d'obtenir des informations ou des aveux. Vous venez d'y faire

5 allusion. Ou s'il est commis pour punir, intimider ou forcer la victime, ou

6 une tierce personne, ou pour faire preuve de discrimination ou pour tout

7 autre motif à l'encontre de la victime ou d'une tierce personne.

8 On a expliqué qu'il n'y avait pas de tierce personne. Il n'y a pas eu

9 d'enquête, ni d'interrogatoire. Néanmoins, une des possibilités est celle-

10 ci. Si un viol est commis avec des intentions discriminatoires pour quelque

11 motif que ce soit contre la victime ou une tierce personne, il serait

12 justifié de mettre en accusation pour torture en plus du viol, viol sans

13 qu'il y ait nécessairement discrimination ou un autre motif.

14 Maintenant, vous vous êtes abstenu de qualifier ce viol de torture.

15 Persistez-vous à croire que l'élément discriminatoire pourrait être

16 considéré comme étant une circonstance aggravante par rapport à un viol où

17 il n'y a pas cette autre qualification.

18 M. TOCHILOVSKY : [interprétation] Au vu de la jurisprudence de ce Tribunal,

19 du moins comme nous nous l'interprétons, vous l'avez déjà mentionné, Madame

20 et Messieurs les Juges, à moins que la discrimination ne soit un des

21 éléments constitutifs de la pression comme la persécution, cela a peut-être

22 été considéré comme étant une circonstance aggravante pour d'autres crimes,

23 notamment en vertu de l'article 5 dont le viol et la torture, ici nous

24 voyons que celles qui ont été choisies pour être violées l'ont été pour des

25 raisons discriminatoires. Elles ont été victimes de viols commis par

26 l'accusé, il y a présence de l'intention discriminatoire, mais pas en tant

27 qu'élément constitutif de ce crime; ce n'est pas un élément inhérent à ce

28 crime de viol. On peut considérer que c'est une circonstance aggravante et,

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1 à notre avis, ceci devrait en l'occurrence être retenu comme circonstance

2 aggravante pour deux raisons. D'abord parce que ce n'est pas un élément

3 constitutif du crime de viol, et deuxième raison, ce n'est pas une partie

4 intrinsèque des éléments constituant le viol.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se peut que je n'aie pas été

6 suffisamment clair. Vous ne répondez pas à ce qui me pose problème. La

7 question ce n'est pas de savoir si un viol avec intention discriminatoire

8 peut être retenu contre l'accusé, c'est plutôt une question de procédure.

9 Il y a d'autres viols pour lesquels vous ajoutez l'accusation de torture,

10 j'ai demandé pourquoi au restaurant de poisson cela n'a pas été retenu,

11 vous avez dit qu'il n'y avait pas implication de tierces personnes. J'ai

12 dit dans ma question qu'il y avait quand même encore l'intention

13 discriminatoire. Vous avez répondu ceci : nous avons décidé de ne pas

14 retenir ceci comme un chef de torture.

15 Ce faisant, est-ce que vous ne vous êtes pas privés du droit

16 d'invoquer l'élément discriminatoire comme circonstance aggravante ? Vous

17 vous êtes écartés de cela. Vous n'avez pas retenu ici la torture alors que

18 vous l'aviez fait pour les autres cas de viol. J'ai du mal à comprendre

19 effectivement pour ce qui est de la jurisprudence matérielle de ce

20 Tribunal.

21 M. TOCHILOVSKY : [interprétation] Je pense que l'Accusation a utilisé ses

22 pouvoirs discrétionnaires de ne pas retenir ce chef de torture contre

23 l'accusé. Compte tenu de la nature discriminatoire de ses actes,

24 l'Accusation pense que ce facteur devrait être pris en compte pour fixer la

25 peine. En dépit de cet incident particulier où l'Accusation a décidé de ne

26 pas invoquer et retenir le chef de torture, l'Accusation fait valoir qu'ici

27 dans ce chef d'accusation, il y a le viol et qu'il faut tenir compte de

28 l'intention discriminatoire.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même si dans tous les autres chefs vous

2 avez retenu viol et torture, ici vous ne l'avez pas fait. Vous vous êtes

3 abstenus de le faire.

4 M. TOCHILOVSKY : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Votre position est claire.

6 Je vais donner l'occasion à l'Accusation de présenter son

7 réquisitoire. Il n'est pas nécessaire d'utiliser les 15 minutes prévues.

8 Quand à vous, Maître Jovanovic, vous pourrez répondre à la question

9 que nous venons de débattre car nous aimerions entendre votre point de vue

10 sur la question.

11 Madame Moeller, vous avez la parole.

12 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, je vais essayer d'être brève parce que

13 ce matin j'ai pris plus de temps que prévu.

14 Une question s'est posée lorsque M. le Juge Moloto a posé certaines

15 questions à l'accusé. Il a demandé quand l'acte d'accusation initial avait

16 été délivré. J'ai vérifié. La première fois qu'on voit apparaître le nom de

17 M. Zelenovic, c'est sur un acte d'accusation signé par Richard Goldstone,

18 Procureur alors. Cela a été signé le 19 juin 1996. Je ne sais pas si ceci

19 vous sera utile.Monsieur le Juge Orie, vous aviez posé une question à

20 propos de documents relatifs à la période de détention en Russie. A ma

21 connaissance, le bureau du Procureur n'a pas de documents détaillés

22 concernant cette période. Nous allons essayer de voir si le Tribunal de

23 Bosnie-Herzégovine dispose éventuellement de ces documents. Nous vous les

24 transmettrons dans les meilleurs délais si nous parvenons à les obtenir.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, voyez avec Me Jovanovic pour voir

26 ce qui peut se faire.

27 Mme MOELLER : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

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1 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, nous le ferons. Ce serait sûrement

2 utile.

3 On s'est demandé si l'accord sur le plaidoyer, s'agissant du temps et

4 des ressources qu'on peut épargner grâce à l'accord de plaidoyer, était un

5 élément important. Nous répétons que c'est un facteur tout à fait mineur

6 qui ne devra avoir aucune incidence sur la durée de la peine.

7 Quelle est la valeur aux yeux de l'Accusation d'un accord sur le

8 plaidoyer ? Quel est son impact ? C'est sur les victimes. Nous pensons que

9 ceci peut avoir un rôle positif sur ces victimes.

10 Nous le voyons ici chaque jour dans toutes les procédures dont

11 connaît ce Tribunal. Les témoins ont beaucoup de mal à revenir à la barre

12 une fois, deux fois. C'est vrai, surtout pour des témoins qui ont été

13 victimes de viol. Ils ont beaucoup de mal ne serait-ce que de le faire une

14 première fois. Revenir ici, retraverser et repasser par tout cela c'est

15 très difficile pour ces personnes surtout si 15 ans se sont déjà écoulés.

16 C'est vrai ici. Si ceci se passe cinq ou six ans après que ces témoins

17 soient venus ici une première fois. Ces témoins essaient de se guérir et

18 essaient de se construire une vie. Pour elles, c'est très difficile de

19 revenir en tant que témoins que ce soit ici ou en cas de renvoi en Bosnie-

20 Herzégovine. La différence à notre avis n'est pas bien grande. A cet égard,

21 l'accord sur le plaidoyer doit constituer une circonstance atténuante dans

22 la mesure où il contribue au processus de guérison de ces victimes.

23 S'agissant des autres circonstances atténuantes --

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Diriez-vous qu'un accord sur le

25 plaidoyer à la suite d'une tentative d'échapper à la justice, est-ce que

26 ceci a une incidence sur les ressources qu'on peut économiser ou sur

27 l'arrestation de l'accusé ? Ce qui a nécessité beaucoup de ressources en

28 soit.

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1 Mme MOELLER : [interprétation] Je pense que oui, Monsieur le Juge.

2 Idéalement, lorsqu'on voit le premier acte d'accusation que je viens de

3 mentionner, huit accusés étaient inculpés dont trois qui ont déjà été

4 accusés, condamnés, notamment Kunarac et les deux autres. Il y a quelques

5 accusés qui sont morts depuis, Stankovic qui a été renvoyé en Bosnie-

6 Herzégovine.

7 Idéalement, ces huit accusés auraient dû être jugés ici au cours d'un

8 seul et même procès dont ce Tribunal aurait été saisi. Cela aurait été la

9 bonne façon d'agir. Les faits sont tels aujourd'hui que beaucoup de procès

10 doivent commencer en l'absence des coaccusés parce que ceux-ci ne sont pas

11 rendus, qu'il n'est pas possible de les arrêter ou pour d'autres raisons.

12 Ce plaidoyer de Zelenovic est un peu tardif, mais il n'est pas

13 intervenu trop tard. Le Tribunal fonctionne encore. Les victimes sentent

14 encore les blessures subies alors. Effectivement, il ne faudrait pas qu'il

15 y ait un nouveau procès. Si on fait l'économie de ce procès, on fait

16 l'économie d'une détresse renouvelée chez les victimes et des ressources,

17 tant pour ce Tribunal que pour les tribunaux de la région.

18 Des autres circonstances atténuantes, je veux en parler. Je pense

19 qu'elles ne peuvent avoir qu'une incidence très limitée sur la peine étant

20 donné la gravité extrême des crimes commis.

21 De nouveaux faits ont été présentés lors de la présente audience. Je

22 pense qu'il vous revient, Madame et Messieurs les Juges, de tenir compte de

23 ces faits supplémentaires, du poids qu'il faut accorder à la situation

24 personnelle de l'accusé, sa situation familiale, son état de santé. Là,

25 nous n'avons pas de commentaires supplémentaires à fournir.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé de vous infliger ceci. Est-ce

27 que vous pourriez nous éclairer sur le traitement médical dont bénéficie ou

28 va peut-être bénéficier l'accusé, s'il va en prison ?

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1 Mme MOELLER : [interprétation] A ma connaissance, tous les détenus font

2 l'objet d'un suivi médical constant s'agissant de leur état de santé,

3 beaucoup d'accusés en raison de la vie ou de leur âge ont des problèmes de

4 santé. Je pense que la prise en charge du quartier pénitentiaire est bonne.

5 Si le présent accusé est condamné et est transféré dans un des Etats prêt à

6 coopérer, le greffe qui est en contact avec les pays des Nations Unies qui

7 accueillent les accusés, a garanti que le traitement médical serait bon.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Madame Moeller.

9 Mme MOELLER : [interprétation] En dernier lieu, je voudrais aborder la

10 question des regrets qu'aurait l'accusé.

11 M. Zelenovic nous en a dit davantage aujourd'hui. Il nous a expliqué quand

12 il a senti du remords la première fois quand il a décidé de plaider

13 coupable des crimes qu'il avait commis. Manifestement, ces regrets sont

14 assez tardifs et ne sont intervenus qu'après qu'il ait été mis en

15 accusation officiellement. Je pense qu'il faut leur accorder un certain

16 poids. Il est un des rares auteurs jugés ici qui ait jamais exprimé un

17 certain remords. Ce qui compte peut-être, un des rares qui aurait accepté

18 la responsabilité qu'il avait de ce qui s'est passé dans la région et aussi

19 de ses actes personnels. Dans ce contexte, même si on peut douter des

20 regrets exprimés, nous pensons qu'il faut en tenir compte comme

21 circonstances atténuantes dans une certaine mesure.

22 Nous l'avons dit d'emblée et nous le répétons. La gravité des crimes

23 est le facteur le plus important. Si vous ajoutez à cela l'incidence

24 positive qu'aurait l'accord de plaidoyer, ce sont là à nos yeux les deux

25 facteurs dont vous devriez tenir compte. J'en ai terminé.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une dernière question, Madame

27 Moeller. Vous dites qu'il faut accorder un certain poids car c'est ici l'un

28 des rares auteurs qui aurait exprimé un quelconque regret, des remords.

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1 Est-ce que vous pensez à ceux des accusés qui ont plaidé coupable ou

2 aux accusés en général ? Parce que je dois vraiment sonder ma mémoire pour

3 me souvenir d'un accusé qui aurait plaidé coupable sans dire qu'il avait

4 des regrets. Je doute que je trouverais une seule personne.

5 Mme MOELLER : [interprétation] Je vous comprends. Je pense que vous

6 avez tout à fait raison, Monsieur le Président. Les auteurs de crimes qui

7 ont décidé de plaider coupable en général disent qu'ils ont un certain

8 repentir. En général, ces deux éléments sont indissociables dans leur

9 logique.

10 Ici, je pense aux auteurs de crimes de Foca, que ce soit ce qui a été

11 fait aux femmes, aux habitantes de Foca et des environs, ou que ce soit du

12 côté des hommes, ceux qui sont l'objet de procès ici. Effectivement, il est

13 le seul à avoir exprimé un certain remords.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, d'avoir apporté cette

15 précision. Je comprends mieux le contexte.

16 Maître Jovanovic, vous avez la parole.

17 M. JOVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous

18 me le permettez, je voudrais revenir sur les questions qui ont été posées

19 aujourd'hui en l'espèce.

20 J'ai présenté à l'Accusation l'original du document portant détention

21 de la Fédération russe. Je voudrais juste ajouter quelques explications.

22 Après que l'on ait déterminé la détention à l'encontre de Dragan Zelenovic

23 en Russie le 23 août 2005, il a été en continu détenu sans une seule

24 journée de liberté jusqu'au moment où il a été transféré en Bosnie-

25 Herzégovine.

26 Il a aussi dû payer une amende de la part des autorités russes, parce qu'il

27 a passé du temps en Russie sur la base d'un visa, mais ce visa sous-entend

28 qu'après un certain temps, il doit quitter le pays, et puisqu'il n'a pas

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1 quitté le pays après un certain temps, il a dû payer une amende. Mis à part

2 cette précision, je vous confirme qu'il a été en détention en continu

3 depuis le 23 août 2005.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous poser une question. Est-ce

5 qu'il a payé cette amende ? Il a reçu une amende, mais est-ce qu'il l'a

6 payée ?

7 M. JOVANOVIC : [interprétation] Il est obligé de payer une amende d'après

8 cette décision, mais je pense qu'il a payé.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans beaucoup de systèmes judiciaires,

10 si vous ne payez pas une amende, elle peut être transformée en détention.

11 J'essaie d'apprendre s'il a pu être détenu aussi pendant une certaine

12 période parce qu'il n'a pas payé l'amende qui lui a été adressée parce

13 qu'il aurait été au-delà du temps prévu par le visa.

14 M. JOVANOVIC : [interprétation] Non, il n'y a pas de décision qui substitue

15 l'amende en argent par une détention. Donc c'est une amende qu'il a payée.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez quel était le

17 montant de cette amende ?

18 M. JOVANOVIC : [interprétation] Je pense qu'il s'agit de 20 000 roubles,

19 mais malheureusement je ne sais pas. M. Zelenovic le sait peut-être.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être qu'il peut nous dire à

21 quoi cela correspond.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une amende

23 de 700 dollars.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous l'avez payée, Monsieur Zelenovic,

25 cette amende ?

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Oui.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Jovanovic.

28 M. le Juge Moloto a une question à vous poser.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur, vous avez dit que pendant

2 qu'il était en détention, suite à un mandat d'arrêt émanant du Tribunal

3 pénal international, il a été détenu par la Fédération russe. Est-ce que

4 vous voulez dire qu'il a dépassé le temps permis et prévu par son visa

5 pendant qu'il était en détention ou avant cette période ? Est-ce que déjà

6 avant cette période, il avait dépassé la durée de son visa ? J'ai voulu

7 savoir s'il a fait l'objet d'une amende alors qu'il ne pouvait pas de toute

8 façon respecter ce qui était prévu par le visa puisqu'il était placé en

9 détention ?

10 M. JOVANOVIC : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, après qu'il

11 ait été placé en détention et qu'on ait pris son passeport, on a compris

12 qu'il n'avait pas quitté la Fédération de Russie à temps. C'est pour cela

13 qu'il a fait l'objet d'une amende, mais ce document a été pris au moment de

14 sa mise en détention, ceci conformément au mandat d'arrêt du Tribunal pénal

15 international.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur

17 Jovanovic.

18 M. JOVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

19 vais brièvement adresser quelques questions qui viennent d'être posées et

20 je vais répéter quelques arguments que j'ai déjà avancés.

21 M. Zelenovic a avoué sa culpabilité en acceptant sa responsabilité et en

22 confirmant de façon définitive que, pendant le conflit armé en Bosnie-

23 Herzégovine, des crimes de viol et de torture, qui constituent des crimes

24 contre l'humanité, ont été commis. Je pense que ceci a une énorme

25 importance par rapport aux événements qui se sont produits en Bosnie-

26 Herzégovine, par rapport aux processus qui sont en cours dans ce pays, qui

27 vont encore se produire en Bosnie-Herzégovine, et contribuent à la

28 réconciliation, et grandement.

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1 M. Zelenovic, au cours d'une période, en suivant un processus de réflexion,

2 a compris ce qu'il a fait. Le fait est qu'il a dit qu'il a commencé à

3 réfléchir à ce qu'il a fait en 1995 et en 1996. Ce sont des faits qui ont

4 été commis en 1992.

5 M. Zelenovic n'a jamais été condamné avant. Il n'est pas prône à commettre

6 des crimes. Ce qu'il a fait, il en a accepté la responsabilité. Il a commis

7 des crimes graves. S'il avait réfléchi, il ne l'aurait pas fait.

8 Parce qu'au cours d'un processus de réflexion, d'une période de temps

9 qu'il a utilisé pour réfléchir, il en est arrivé à la conclusion qu'il

10 était responsable de ses actes. Il a exprimé le remords pour ce qu'il a

11 fait, des regrets pour toutes les souffrances infligées aux victimes. Le

12 fait qu'il n'a pas été traduit devant la justice, qu'il n'a pas été

13 présenté devant la justice pendant toute cette période qui a précédé sa

14 détention montre aussi que ce n'était pas seulement sa décision

15 individuelle et personnelle. La responsabilité -- évidemment, il est le

16 plus responsable de cela, mais je pense qu'il faut aussi tenir compte des

17 autres circonstances qui existent au jour d'aujourd'hui encore, puisqu'il

18 existe un certain nombre d'accusés qui sont toujours en fuite et qui ne

19 pourraient l'être s'ils n'avaient pas été soutenus et aidés par d'autres

20 personnes, voir l'Etat.

21 M. Zelenovic, par son aveu de culpabilité, a permis que les victimes soient

22 satisfaites, il a confirmé que les choses se sont vraiment produites.

23 Evidemment, les victimes ne pourront pas être satisfaites au point

24 d'oublier tout ce qu'elles ont dû souffrir, tout ce qu'elles ont dû vivre,

25 mais il leur aura épargné la peine de faire face à l'accusé, de vivre à

26 nouveau ces événements, de passer par un procès et de revivre ces mémoires.

27 M. Zelenovic a accepté la coopération avec le Tribunal, une coopération

28 entière selon les décisions des Juges et du Procureur. M. Zelenovic a dit

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1 qu'il était conscient de la gravité de ses actes, qu'il acceptait la

2 responsabilité de ses actes et qu'il allait accepter la peine telle que

3 décidée par les Juges après avoir évalué toutes les circonstances.

4 Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que l'acte de M.

5 Zelenovic, à savoir son acceptation de culpabilité, surtout par rapport à

6 ce type de crime, et je pense que c'est la première fois dans la pratique

7 de ce Tribunal que quelqu'un a, de façon explicite, avoué la commission du

8 crime de viol, comme toutes les autres circonstances satisfont déjà dans

9 une certaine mesure l'objectif de la peine. Je pense qu'il est nécessaire

10 de prendre en compte toutes les circonstances atténuantes, y compris sa

11 situation de famille et personnelle, qui ont été présentées.

12 La Défense réitère sa proposition, à savoir que la peine pour ce crime soit

13 une peine allant de sept à dix années de prison, tout en étant entièrement

14 conscient de l'extrême gravité des crimes et des faits qui ont été commis,

15 leur caractère hideux et cruel, en étant tout à fait conscients des autres

16 peines qui ont été prononcées à l'encontre des auteurs de crimes similaires

17 et en sachant que cette peine devrait prendre en compte le plaidoyer de

18 culpabilité qui doit constituer une circonstance atténuante.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

20 Avant de redonner la parole à M. Zelenovic, j'ai une question pour

21 les deux parties. On a parlé des peines prononcées par les Juges de ce

22 Tribunal dans différentes affaires. On a aussi transféré certaines affaires

23 similaires devant le tribunal de Bosnie-Herzégovine; Jankovic, Stankovic.

24 Il y a même eu un jugement, un jugement a été prononcé, je ne sais pas si

25 c'est un jugement en première ou en seconde instance, mais est-ce que les

26 parties considèrent qu'il est approprié pour les Juges de la Chambre de

27 s'orienter par rapport aux pratiques de peine en matière de ces jugements

28 également, puisque rien n'a été dit à ce sujet. Je voudrais savoir quelle

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1 est la position des parties ?

2 Mme MOELLER : [interprétation] Nous n'en avons pas parlé, Monsieur le

3 Président, parce qu'à ce que je sache, il s'agit de jugements et pas

4 d'arrêts, des jugements de première instance qui n'ont pas été confirmés,

5 je ne pense pas que nous les ayons reçus. J'hésiterais à dire que la

6 gravité des crimes est semblable par rapport à ce qu'a fait cet accusé. Je

7 sais qu'avec Kunarac c'est tout à fait comparable parce que nous avons tous

8 les jugements et les arrêts.

9 Le jugement le plus récent, le jugement contre Gojko Jankovic est

10 très élevé, il s'agit d'une peine de 35 années d'emprisonnement, mais il a

11 été aussi jugé pour meurtre et autres crimes. Il s'agissait de crimes qui

12 allaient au-delà des crimes de caractère sexuel, cela fait une différence,

13 je dirais. Aussi y avait-il l'élément de responsabilité des supérieurs

14 hiérarchiques, ce qui n'est pas le cas avec cet accusé.

15 L'autre jugement a résulté dans une peine de 16 années

16 d'emprisonnement. Là, on peut mieux comparer ces deux affaires puisque M.

17 Stankovic était aussi l'un des coauteurs qui a figuré dans le premier acte

18 d'accusation de 1996 auquel nous avons fait allusion tout à l'heure.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il existe la version

20 en anglais de ce jugement Stankovic. Est-ce que je vous ai bien comprise ?

21 Vous m'avez dit que d'après ce que vous savez de l'affaire Stankovic, vous

22 ne pourriez pas comparer ces deux affaires parce que c'est une affaire

23 complètement différente. Mais en ce qui concerne l'affaire Stankovic, il y

24 a un exemplaire en anglais que vous pourriez éventuellement regarder.

25 Mme MOELLER : [interprétation] Oui, effectivement.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jovanovic.

27 M. JOVANOVIC : [interprétation] Comme le Procureur a dit, ces jugements, ce

28 sont les jugements en première instance, il ne s'agit pas d'arrêts, il ne

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1 s'agit pas d'arrêts définitifs. En ce qui concerne l'acte d'accusation

2 contre Gojko Jankovic qui existe auprès du tribunal national de Bosnie-

3 Herzégovine, je dirais qu'il s'agit de faits beaucoup plus graves, des

4 allégations beaucoup plus graves que celles qui sont imputées à Dragan

5 Zelenovic puisqu'il a été accusé de meurtre aussi. Puis, il y avait aussi

6 la responsabilité de supérieur hiérarchique.

7 Mme Uertz-Retzlaff et moi-même, nous en avons parlé au moment où nous

8 avions nos discussions par rapport à cet accord de plaidoyer. Entre temps,

9 dans l'affaire Stankovic il y a eu ce jugement qui a résulté avec une peine

10 de prison de 16 années. La Défense est tout à fait d'accord avec cela, mais

11 nous nous sommes dit que nous n'allions pas attirer votre attention là-

12 dessus.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai bien compris que vous n'avez

14 pas parlé de cela. Mais la question est comme suit : on nous a demandé de

15 prendre en compte la pratique des peines dans l'ex-Yougoslavie. Vous avez

16 entendu Mme Moeller dire que M. Jankovic ne serait pas un bon exemple. Mais

17 pour Stankovic c'est différent, il est beaucoup plus près de cette affaire,

18 donc ceci pourrait être utile.

19 M. JOVANOVIC : [interprétation] En ce qui concerne ces actes d'accusation,

20 effectivement Stankovic figurait à l'époque dans l'acte d'accusation

21 commun. La position de la Défense était effectivement de prendre en compte

22 la pratique des peines dans l'ex-Yougoslavie, mais nous considérons aussi

23 qu'il est très important de prendre en compte la pratique des peines quand

24 il s'agit des accusés qui ont plaidé coupable devant ce Tribunal, et quand

25 des circonstances telles que remords, plaidoyer de culpabilité et toutes

26 les autres circonstances atténuantes ont été prises en compte. Puisque ce

27 sont les circonstances atténuantes qui ont été admises aussi bien par le

28 Procureur que par la Défense. Cela étant dit, nous considérons que le

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1 jugement prononcé par le tribunal de Bosnie-Herzégovine ne contient pas de

2 tels éléments et c'est pour cela qu'il n'est pas pertinent.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Evidemment, si vous examinez un autre

4 jugement, vous retenez ce qui est similaire, ce qui est pertinent et pas en

5 tenant compte des différences. Par exemple, si nous sommes amenés à

6 examiner le jugement Stankovic, bien sûr que nous sommes conscients de la

7 différence de taille qui existe, à savoir que Stankovic n'a pas plaidé

8 coupable. Mais les similitudes restent.

9 Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que vous avez dit qu'il

10 ne faudrait pas comparer l'affaire Stankovic ou qu'il faudrait peut-être le

11 faire, qu'on pourrait le faire en ayant à l'esprit les différences qui

12 existent.

13 M. JOVANOVIC : [interprétation] Comme je vous ai dit, les faits sont

14 similaires et la période couverte est similaire. C'est-à-dire que la

15 période est la même et les événements se sont produits à Foca. Cependant --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous n'avez toujours pas répondu à

17 la question que je vous ai posée.

18 M. JOVANOVIC : [interprétation] Bien sûr ce jugement pourrait être pris en

19 compte, mais vu toutes les circonstances par rapport à la plaidoirie de

20 culpabilité et l'accord sur le plaidoyer, le résultat de nos discussions

21 était que les deux côtés étaient d'accord pour dire qu'ils n'allaient pas

22 demander aux Juges de prendre en compte la pratique des prononcés de peine

23 du tribunal national de Bosnie-Herzégovine. Encore une fois, il s'agit d'un

24 jugement de première instance et les deux parties vont interjeter un appel

25 par rapport au jugement prononcé.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette réponse.

27 [La Chambre de première instance se concerte]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a examiné la question, à

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1 savoir s'il faut relire ou tenir compte du jugement. Bien sûr c'est une

2 jurisprudence du Tribunal qui est du domaine public. C'est à la Chambre

3 d'en décider, s'il s'agit de jugements définitifs ou non. Néanmoins, c'est

4 une source en matière de droit et la Chambre envisage la possibilité, et ce

5 de façon très sérieuse, de regarder le jugement Stankovic tout en sachant

6 qu'il ne s'agit pas là d'un jugement définitif, mais la seule chose que

7 nous ayons pour l'instant. Comme ceci serait peut-être un élément de

8 surprise pour les deux parties en question -- voilà si les parties

9 souhaitent présenter quelques arguments à cet égard, je sais que M.

10 Stankovic hurlait toujours dans le prétoire et insultait les Juges. Ceci

11 permet de fournir une explication. S'il y a quelque chose que vous

12 souhaitez porter particulièrement à notre attention, hormis l'assurance que

13 nous donnons. Si nous comparons des jugements pour fixer une peine, c'est

14 quelque chose que nous devrons faire si nous voulons être le plus

15 équitables possible envers l'accusé. Ne pensez pas que nous regardons

16 simplement la question des années. Nous allons regarder de plus près. S'il

17 y a quelque chose, et si ceci devait être un élément de surprise, sachez

18 que nous allons nous laisser guider par cet élément-là. Vous avez jusqu'à

19 la semaine prochaine, jusqu'à mercredi, pour présenter quelques brefs

20 arguments. Il ne s'agit pas de replaider tout ceci à nouveau.

21 Il ne s'agit pas de vous encourager, mais en même temps nous

22 n'aimerions pas vous priver de cette possibilité-là. Cela, c'est le premier

23 point.

24 Ensuite, toute autre forme de document portant sur la détention en

25 Russie est tout à fait la bienvenue. Je remarque que, Madame Moeller, de

26 surcroît que l'Accusation n'a pas contesté la déclaration faite par Me

27 Jovanovic, à savoir le 22 ou le 23 août. M. Zelenovic a passé tout son

28 temps en détention jusqu'au moment où il est arrivé en Bosnie-Herzégovine.

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1 J'ai remarqué que vous n'avez pas contesté cela, tout autre document

2 permettrait peut-être de déclarer ceci avec plus de certitude, du reste,

3 toute autre forme de conclusion serait la bienvenue également.

4 M. JOVANOVIC : [interprétation] Oui, merci Monsieur le Président. Je

5 souhaite simplement savoir si c'est nécessaire pour moi de remettre la

6 décision portant sur la détention et de vous fournir le document original.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'on ne conteste pas

8 l'authenticité de l'exemplaire qui a été fourni aux Juges de la Chambre.

9 Par conséquent, j'estime que ce n'est pas nécessaire. Ce qui nous préoccupe

10 davantage, c'est de savoir si cet ordonnance portant détention a été

11 appliquée. S'il y a eu une quelconque modification sur le titre pour lequel

12 l'accusé a été placé en détention. Inutile de nous remettre l'original.

13 Monsieur Zelenovic, c'est à vous.

14 M. JOVANOVIC : [interprétation] Merci.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai promis de vous donner l'occasion de

16 vous exprimer en quelques mots. Veuillez poursuivre.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai dit tout ce que

18 j'avais à dire. Maintenant, c'est à vous. J'accepterai avec courage toute

19 décision que vous allez rendre et j'irai jusqu'au bout. C'est tout.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Monsieur Zelenovic. Lorsque vous

21 dites avoir tout dit, la Chambre comprend que vous voulez parler de tout ce

22 que vous avez évoqué au préalable, à savoir le remords et en termes de

23 votre plaidoyer de culpabilité, ce que cela signifie pour tous et plus

24 particulièrement pour les victimes. Avez-vous bien compris ?

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, je voulais parler de mon remords eu

26 égard aux victimes, et cetera.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est bien clair, Monsieur Zelenovic.

28 Ceci met un terme à cette audience portant sur la fixation de la peine.

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1 L'audience est levée et le jugement portant sur le prononcé de la peine

2 sera rendu en temps utile.

3 --- L'audience sentencielle est levée à 12 heures 12.

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