Affaire no : IT-01-42-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Composée comme suit :
M. le Juge Alphons Orie
M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Joaquín Martín Canivell

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
18 septembre 2003

LE PROCUREUR

c/

PAVLE STRUGAR

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DÉCISION PORTANT REJET DE LA DEMANDE DE CERTIFICATION EN VUE D'INTERJETER APPEL DE LA DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE D'EXAMEN DE LA DÉCISION DU GREFFIER ET DE SUSPENSION DE L'ENSEMBLE DES DÉLAIS

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Le Bureau du Procureur :

Mme Susan Somers

Les conseils de l'accusé :

M. Goran Rodic
M. Vladimir Petrovic


LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I
(la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la demande de la Défense aux fins de certification d'appel de la décision relative à la demande d'examen de la décision du Greffier et à la requête aux fins de suspension de l'ensemble des délais déposées par la Défense (« Defence Request for Certification to Appeal Decision on Defence Request for Review of Registrar's Decision and Motion for Suspension of all Time Limits »), (la « Demande »), déposée le 27 août 2003, demandant à la Chambre de première instance de certifier l'appel interlocutoire de sa décision rejetant la demande de la Défense aux fins d'examen de la décision du Greffier du 6 juin 2003 et de suspension de l'ensemble des délais (la « Décision »)1,

VU la requête déposée par le Bureau du Procureur (l'« Accusation ») aux fins d'autorisation de modifier l'acte d'accusation du 31 mars 2003 et de déposer un deuxième acte d'accusation modifié (la « Requête de l'Accusation »), à laquelle était jointe une copie du projet de ce deuxième acte d'accusation modifié (le « projet de deuxième acte d'accusation modifié »),

ATTENDU que l'Accusation vise à restreindre la période couverte par le projet de deuxième acte d'accusation modifié au 6 décembre 1991,

VU la Décision – rendue le 15 septembre 2003 – autorisant la modification de l'acte d'accusation du 31 mars 2003 et le dépôt d'un deuxième acte d'accusation modifié, qui vise la seule date du 6 décembre 1991 au lieu de la période de trois mois mentionnée dans l'acte d'accusation modifié du 31 mars 2003 et les seuls bombardements de la vieille ville de Dubrovnik,

VU l’ordonnance rendue par la Chambre le 25 juillet 2003, fixant les délais de dépôt des mémoires préalables au procès et la date de la conférence préalable au procès, modifiée le 19 août 2003 et reportant la date d’ouverture du procès au 9 octobre 2003,

ATTENDU que, à l'appui de sa Demande, la Défense affirme que l'exécution de la Décision compromettrait sensiblement l'équité et la rapidité du procès, et ce pour les raisons suivantes:

  1. le renvoi à la Chambre d'appel de la question en cause est justifié,
  2. les fonds alloués à la phase préalable au procès ont été épuisés le 5 août et la Défense n'a pas été en mesure de consacrer gratuitement des centaines d'heures à la représentation de l'accusé ni de prendre à sa charge les frais d'enquête et d'assistance juridique,
  3. il existe une forte inégalité des armes entre l'Accusation, qui dispose d'un grand nombre de juristes ainsi que d'un personnel de soutien, et l'accusé, qui n'a pas les moyens d'accomplir les diligences indispensables,
  4. la Défense ne sera pas à même de réunir des éléments de preuve capitaux, n'aura pas examiné les pièces communiquées, et ne sera pas en mesure d'établir les principaux documents à soumettre préalablement au procès,
  5. la Défense ne sera pas prête pour contre-interroger les témoins et il se pourra qu'elle demande l'ajournement de leurs dépositions et, en cas de rejet de cette demande, elle procédera au contre-interrogatoire et fera par la suite appel de la condamnation, et
  6. la rapidité du procès risque d'être compromise à cause du dilemme moral auquel la Défense se trouve confrontée, à savoir continuer de représenter l'accusé pendant le procès tout étant consciente qu'il n'est pas possible de lui assurer une défense adéquate2,

ATTENDU que l'Accusation n'a déposé aucune réponse,

ATTENDU qu'au paragraphe 19 de la Demande, la Défense confirme que les raisons du dépôt de cette dernière tiennent au fait que la question en cause n'a pas été soumise au bon échelon et non pas à l'existence d'une situation exceptionnelle,

ATTENDU que l'article 73 B) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») énonce deux critères devant être remplis avant que la Chambre de première instance puisse exercer son pouvoir discrétionnaire l'autorisant à certifier une demande d'appel interlocutoire :

  1. la question est susceptible de compromettre sensiblement l'équité et la rapidité du procès; ou son issue, et
  2. elle estime que le règlement immédiat de ladite question par la Chambre d'appel pourrait concrètement faire progresser la procédure,

ATTENDU que le deuxième acte d'accusation modifié réduit la portée de l'acte d'accusation et que, dans ces conditions, un règlement immédiat par la Chambre d'appel de la question en cause ne fera pas concrètement progresser la procédure,

PAR CES MOTIFS et EN APPLICATION des articles 54 et 73 B) du Règlement,

REJETTE la Demande.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 18 septembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance I
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Alphons Orie

[Sceau du Tribunal]


1. Le Procureur c/ Pavle Strugar, Affaire n° IT-01-42-PT, « Décision relative à la demande d'examen de la décision du Greffier et à la requête aux fins de suspension de l'ensemble des délais, déposées par la Défense », 19 août 2003.
2. Demande, par. 15.