Affaire n° : IT-01-42-PT
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Alphons Orie, Président
M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Joaquin Martin Canivell
Assistés de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
12 décembre 2003
LE PROCUREUR
c/
PAVLE STRUGAR
_____________________________________
DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE CERTIFICATION
D’UN APPEL DE LA DÉFENSE CONTRE LA DÉCISION RENDUE PAR LA CHAMBRE
DE PREMIÈRE INSTANCE LE 26 NOVEMBRE 2003 AU SUJET DE LA REQUÊTE
DE L’ACCUSATION AUX FINS DE LA DISJONCTION DE L’INSTANCE ET ORDONNANCE FIXANT
LA DATE D’UNE CONFÉRENCE PRÉALABLE AU PROCÈS ET CELLE DE
L’OUVERTURE DU PROCÈS DE PAVLE STRUGAR
_____________________________________
Le Bureau du Procureur :
Mme Susan Somers
Les Conseils de l’Accusé :
M. Goran Rodic
M. Vladimir Petrovic
- Le 26 novembre 2003, la présente Chambre de première instance
(la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre
les personnes présumées responsables de violations graves du
droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie
depuis 1991 (le « Tribunal ») a rendu sa « Décision
relative à la requête du Procureur aux fins de la disjonction
de l’instance et ordonnance fixant la date d’une conférence préalable
au procès et celle de l’ouverture du procès de Pavle Strugar »
(la « Décision rendue en novembre »)1,
par laquelle elle faisait droit à la requête de l’Accusation
aux fins de la disjonction des instances contre Pavle Strugar et Vladimir
Kovacevic, qui étaient jusqu’à lors censés être
jugés conjointement.
- Dans la même décision, la Chambre a fixé respectivement
aux 8 et 9 décembre 2003, les dates de la tenue d’une conférence
préalable au procès contre Pavle Strugar et de l’ouverture des
débats dans cette affaire. Elle a également mis un terme à
la liberté provisoire de cet accusé en demandant au Gouvernement
de la Serbie-et-Monténégro de le reconduire aux Pays-Bas.
- Le 4 décembre 2003, la Défense de Pavle Strugar a déposé
une demande (la « Demande ») de certification d’un appel contre
la partie de la Décision rendue en novembre concernant la disjonction
des instances2, en invoquant l’article 73 B) du
Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »).
L’Accusation a, le 9 décembre 2003, demandé à la Chambre
de rejeter la Demande, en faisant valoir que les conditions préalables
à une demande de certification prévues par l’article 73 B) du
Règlement n’avaient pas été remplies.
- L’article 73 du Règlement devient applicable lorsqu’une affaire est
assignée à une chambre de première instance. Le paragraphe
B de cet article dispose qu’une chambre de première instance peut certifier
une demande aux fins d’interjeter appel de sa décision si celle-ci
touche une question susceptible de compromettre sensiblement l’équité
et la rapidité du procès, ou son issue, et si elle estime que
le règlement immédiat de cette question, par la Chambre d’appel,
pourrait concrètement faire progresser le procès. (L’article
72 B) ii) du Règlement contient le même critère. Si la
demande avait été déposée en vertu de cet article,
l’issue aurait été la même.)
- La Défense a affirmé qu’en l’espèce, les conditions
préalables à une demande de certification sont réunies,
mais elle n’a pas présenté d’arguments convaincants.
- La Chambre considère que l’article 73 B) du Règlement oblige
la partie requérante à démontrer comment, selon elle,
la décision en cause soulève ou laisse en suspens une question
de nature à compromettre sensiblement l’équité et la
rapidité du procès, ou son issue. En d’autres termes, lorsqu’une
partie souhaite interjeter appel d’une décision, elle doit invoquer
une erreur sur un point ou un autre, et cette erreur doit comporter
le risque de compromettre sensiblement l’équité et la rapidité
du procès ou son issue.
- La Défense n’a invoqué aucune erreur. Elle ne fait, dans la
Demande, que répéter les arguments principaux qu’elle a avancés
pour s’opposer à la requête initiale de l’Accusation, en indiquant,
par exemple (par. 7 de la Demande), que : « l’accusé demande
un procès conjoint, il est dans son intérêt qu’il soit
jugé avec Kovacevic ». La Décision rendue en novembre a
apporté une réponse sur cette question. La Chambre estimait
qu’une disjonction des instances assurerait à Pavle Strugar un procès
rapide. La Chambre n’était pas convaincue que l’issue des poursuites
engagées à l’encontre de Vladimir Kovacevic dans le cadre d’un
procès conjoint servirait nécessairement les intérêts
de Pavle Strugar, et ne pensait pas, par conséquent, qu’une disjonction
des instances lui serait nécessairement ni même éventuellement
préjudiciable. Une disjonction des instances ne le prive pas de son
droit de citer des témoins à décharge ni d’aucun autre
droit. Après avoir pris en considération les intérêts
de toutes les parties concernées, la Chambre a exposé, dans
sa Décision rendue en novembre, qu’une disjonction des instances était
dans les intérêts de la justice.
- La Défense a soutenu que les articles 72 A iii) et 82 B) du Règlement
« ont été adoptés dans le but de protéger
l’accusé ». […] Elle considère que l’article 82 B) du Règlement
autorise la Chambre, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire,
à ordonner un procès séparé dans l’intérêt
de la justice, aussi bien que dans celui de l’accusé, et non au détriment
de celui-ci » (par. 7). Bien que ces articles ouvrent à un accusé
ou à une chambre de première instance la possibilité
de modifier, dans l’intérêt de l’accusé et pour sauvegarder
celui de la justice, des décisions rendues précédemment
au sujet d’une jonction d’instance, il ne s’ensuit pas que l’accusé
a le droit de s’opposer à la séparation de son procès
sans démontrer qu’une telle mesure porterait préjudice à
sa cause. La Défense de Pavle Strugar n’a pas établi un tel
préjudice. La Chambre a en outre jugé, dans la Décision
rendue en novembre, qu’une disjonction des instances servirait le droit de
Pavle Strugar à un procès rapide. La Défense n’a pas
non plus jeté le doute sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE :
REJETTE la Demande.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le 12 décembre 2003
La Haye (Pays-Bas)
Le Président de la Chambre de première instance
__________
Alphons Orie
[Sceau du Tribunal]
1. Déposée le 27 novembre 2003.
2. Les dispositions prises à la suite de la Décision rendue en novembre
ne sont pas examinées dans la Demande.