Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le lundi 12 janvier 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 15 heures 05.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez citer l'affaire.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-01-42-T, le Procureur contre

7 Pavle Strugar.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il des questions que vous

9 désirez soulever ?

10 L'INTERPRÈTE : Micro pour Monsieur le Juge.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic, oui.

12 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons été informé

13 de la part de notre client, au cours de cette pause, de cette interruption

14 concernant son état de santé qu'il a eu au cours des 20 derniers jours. Les

15 médecins de l'unité pénitentiaire ont fait certains examens et on lui a

16 fait un examen de sang et d'urine. Et présentement, il suit une thérapie et

17 je vous demanderais de passer à huis clos partiel pour discuter de son état

18 de santé si vous le permettez, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons maintenant à huis clos

20 partiel, Monsieur Rodic.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

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1 (Expurgé)

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3 [Audience publique]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience

5 publique.

6 Je vous en remercie donc. Si je ne m'abuse, vous allez terminer

7 l'interrogatoire du témoin qui se trouvera devant la Chambre, n'est-ce pas,

8 Maître Kaufman ?

9 M. KAUFMAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Faites entrer le témoin, je

11 vous prie.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 LE TÉMOIN: JOHN ALLCOCK [Reprise]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE PARKER: [interprétation] Bienvenue et je vous souhaite un bon

16 retour. Je souhaiterais vous rappeler que vous avez déjà prononcé votre

17 déclaration solennelle. Vous êtes toujours sous le même serment.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président, je me

19 souviens de cela.

20 M. LE JUGE PARKER: [interprétation] Bien. Donc c'est maintenant à Me

21 Petrovic d'entamer votre contre-interrogatoire.

22 M. PETROVIC : [interprétation] Bonjour et merci, Monsieur le Président.

23 Contre-interrogatoire par M. Petrovic :

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Allcock. Je ne sais pas si vous me

25 comprenez dans la langue que je parle.

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1 R. Oui, tout à fait.

2 Q. Je m'appelle Vladimir Petrovic, je suis avocat et je représente les

3 intérêts de M. Strugar. Je vais vous poser quelques questions concernant

4 votre rapport écrit -- votre rapport d'expert et je vais vous poser

5 certaines questions concernant certaines choses que vous avez dit, de façon

6 orale, devant cette Chambre de première instance avant les vacances

7 judiciaires.

8 Je voudrais, d'abord, vous demander de nous rappeler qu'est-ce que vous

9 avez fait, quel est votre parcours scolaire ?

10 R. Je suis un sociologue. J'ai terminé mes études à l'université de Lester

11 et par la suite, j'ai fait une licence en sociologie au Canada, à

12 l'université Carleton. J'ai fait une maîtrise, ensuite, je suis revenu en

13 Angleterre où j'ai commencé à enseigner la sociologie.

14 Q. Merci, Monsieur. J'espère que vous ne m'en voudrez pas pour la question

15 que je vais vous poser, mais elle a trait à votre rapport. Votre rapport

16 concerne, également, certaines questions -- des questions de géographie, de

17 l'architecture. Vous parlez donc de ces questions, donc géographiques,

18 historiques -- des questions d'architecture. Je crois que cela n'est pas

19 tout à fait près de votre profession directe. J'aimerais vous demander de

20 nous expliquer de quelle façon vous croyez que vous êtes également

21 compétent lorsqu'il s'agit de parler des questions d'histoires ou pouvez-

22 vous parler de questions de géographie et de tourisme de la même façon que

23 vous parlez des questions de sociologie.

24 R. J'essaierai de répondre brièvement. La réponse est à deux volets.

25 D'abord, je souhaiterais dire que les conseils de l'Accusation m'ont fourni

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1 des lignes directrices et je croyais que la fonction de mon rapport est de

2 fournir un contexte historique concernant la vieille ville de Dubrovnik

3 ainsi que son environnement, les circonstances économiques qui entourent --

4 entourant cette ville et, par la suite, on m'a demandé de résumer certains

5 nombres de documents qui n'ont jamais été contestés.

6 Et je dois, également, dire que j'ai eu une formation concernant le travail

7 d'un témoin expert et je dois dire que je sais qu'un travail expert doit

8 aider la Chambre -- la Cour à comprendre certaines choses et donc j'ai

9 essayé d'aider la Chambre en essayant de faire un assemblage de documents

10 non contestés et de donner un contexte historique aux personnes qui ne sont

11 pas peut-être au courant de la ville du Dubrovnik et de son contexte

12 historique. C'est ainsi que j'ai procédé.

13 Concernant maintenant mon rôle, en tant que témoin expert dans ce contexte,

14 je n'ai pas tellement donné mon apport, en tant que témoin expert

15 sociologue, mais j'ai travaillé dans la zone de Dubrovnik pendant plus de

16 dix ans et je suis donc -- j'ai donc une connaissance de la région.

17 Et, deuxièmement, comme j'ai dit -- ma réponse était de deux volets. Le

18 deuxième volet est le suivant : c'est une problème que j'ai déjà rencontré

19 auparavant, plus particulièrement, lorsque je m'entretiens avec des avocats

20 et je crois qu'il y a une tendance d'essayer de projeter, sur le

21 scientifique social, certaines présomptions concernant la nature de la

22 science sociologique comme étant une discipline et essayant de faire un

23 parallèle avec le droit. Je crois qu'un degré de spécialisation, dans le

24 domaine du droit, est beaucoup plus fort pour ce qui est -- ou beaucoup

25 plus étroit pour ce qui est de la sociologie. J'ai des amis qui sont

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1 avocats et qui parlent -- qui traitent soit de droit commercial ou de droit

2 familier, et je crois que ces personnes ne pourraient jamais témoigner

3 devant une Chambre, le travail d'un autre spécialiste, ils seraient

4 terrifiés de le faire.

5 Mais ceci étant dit, je souhaite dire pour ce qui est des sciences

6 sociales, je dois dire que ce n'est pas le cas. Tous les phénomènes sociaux

7 sont toujours présents dans un temps et d'un espace, et donc si une

8 personne envisage les -- une carrière dans les sciences sociales, je crois

9 qu'il faut se mettre toujours dans le contexte géographique et le contexte

10 historique. Et pour illustrer ceci, je dois dire que bon, je ne me souviens

11 pas quand j'ai publié quelque chose qui ne contenait pas de cartes.

12 C'est-à-dire que c'est qui est très important, c'est la dimension

13 temporelle dans l'histoire. Je crois qu'il n'est pas possible de comprendre

14 des phénomènes sociaux sans donner un contexte historique et sans insister

15 sur le contexte historique, c'est la raison pour laquelle mon point de vue

16 n'est pas éthique [sic], mais je souhaite simplement dire que la sociologie

17 est une discipline qui s'est -- qui a évolué de très près avec l'histoire,

18 tels les travaux de Max Weber, Emile Durkheim, ce sont -- c'est une -- il y

19 a, également, une personne qui est un étudiant, John Porter. Toutes ces

20 personnes ont partagé ce point de vue de façon très forte que pour essayer

21 de comprendre quoi que ce soit des événements d'une société. Si on veut

22 essayer de comprendre la société, il faut la voir dans son contexte

23 historique et c'est la raison pour laquelle je ne crois pas qu'en essayant

24 de fournir un contexte historique, de fournir les informations que j'ai

25 données dans mon rapport, concernant la ville Dubrovnik. Je ne crois pas

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1 qu'en donnant toutes ces informations, je n'ai pas commis de crime, de

2 crime d'être prétentieux ou d'essayer de m'immiscer dans une -- dans ce qui

3 appartient aux historiens ou aux géographes.

4 Mais maintenant concernant l'architecture, et bien, je dois vous dire que

5 je crois, qu'aucun être civilisé, ne peut se considérer comme être civilisé

6 sans avoir une connaissance de l'environ architectural dans lequel il se

7 trouve. Je n'ai pas d'expertise dans ce domaine. Je ne prétends pas non

8 plus d'en avoir, mais j'ai essayé de donner certains commentaires assez

9 brefs concernant l'architecture, je n'ai voulu que faire un résumé de ce

10 que j'ai compris être un consensus, ce sont des points de vue qui n'ont

11 jamais été contestés.

12 Q. Je vous remercie, Monsieur. Et d'abord, je vous demanderais de vous en

13 tenir assez brièvement lorsque vous donnez des réponses assez brèves même

14 si je pose une question assez générale car nous n'avons pas énormément de

15 temps.

16 Donc est-ce que vous êtes plus, par exemple, est-ce que vous avez plus de

17 connaissances dans le domaine de la sociologie que dans le domaine de

18 l'architecture ? Je vous pose donc cette question.

19 R. Oui. Certainement.

20 Q. Et cela a trait également à l'histoire, cela se rapporte également à la

21 géographie, n'est-ce pas ? Est-ce qu'on pourrait dire ainsi ?

22 R. Oui, même si je dois revenir à ce que j'ai déjà dit. Ce que j'ai essayé

23 de faire de mon rapport n'était pas de faire autre chose que simplement de

24 donner un point de vue qui a été partagé par plusieurs historiens, par

25 plusieurs experts sur la région.

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1 Q. Donc vous ai-je bien compris que vos points de vue qui ont trait aux

2 autres questions, telles les questions géographies et d'histoire, que c'est

3 quelque chose que vous avez rencontré dans des ouvrages, que chaque homme

4 qui a une culture générale peut avoir, ou bien est-ce que vous êtes donc

5 pas particulièrement qualifié à en parler plus qu'en d'autres domaines ?

6 R. Et bien, je dois, de nouveau, donner une réponse à deux volets.

7 Premièrement, si j'ai peut-être un intérêt particulier pour cette zone,

8 c'est que j'ai vécu, vous savez, dans cette zone. J'ai vécu dans la ville

9 de Dubrovnik -- autour de la ville de Dubrovnik pendant un certain nombre

10 de temps, et donc ce que j'ai à dire est basé sur ma connaissance de la

11 région et non pas de choses que j'ai lues dans des livres. Le deuxième

12 point que j'oserai peut-être soulever ici, je ne veux pas être trop

13 agressif, j'espère que vous n'allez pas le percevoir comme étant ainsi --

14 mais, étant donné que ce que je donne ici est un point de vue non contesté.

15 Je crois que le conseil peut, à ce moment-là, produire des éléments de

16 preuve, me permettant de croire que ce que j'ajoute d'avance n'est pas

17 acceptable.

18 Q. Je vais vous lire un certain nombre de choses plus tard, mais, pour

19 l'instant, je souhaitais seulement vous poser des questions concernant vos

20 qualifications; c'est la question que je voulais vous poser à ce moment-ci.

21 Ce qui m'intéresse, par exemple, c'est le contexte historique que vous avez

22 fourni. Vous avez parlé du Moyen Age, vous avez parlé du contexte

23 historique du 18e siècle, du 19e siècle. Est-ce qu'il s'agit de

24 connaissances que vous détenez parce que vous avez étudié cette période, ou

25 bien, est-ce que ce n'est que des choses que vous avez pu prendre dans les

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1 livres historiques, ou est-ce quelque chose que vous avez lue dans des

2 livres touristiques ?

3 R. Et bien, je dois vous dire que je n'ai pas été présent au cours du

4 Moyen Age à Dubrovnik, cela est vrai, mais je crois que j'ai fourni des

5 notes en bas de page, à plusieurs reprises, concernant les documents sur

6 lesquels je me suis appuyé et je voulais rappeler le conseil que je me suis

7 beaucoup appuyé sur l'ouvrage de Frank Carter qui a étudié la ville de

8 Dubrovnik. Je me suis également basé sur les ouvrages de John Fine, c'est

9 un historien américain très réputé, et je me suis également basé sur le

10 travail d'historiens yougoslaves, tels Bajram, Barisa Krekic, et d'autres.

11 Donc, en rédigeant ce rapport, je ne -- n'ai pas feuilleté les guides

12 touristiques. Je -- j'ai lu des ouvrages importants d'historiens.

13 Q. Mais, cette étude historique, faisait-elle partie de travaux que vous

14 aviez l'habitude d'accomplir par le passé ? Ou ne vous êtes-vous livré à

15 cet exercice que pour préparer ce rapport d'expert ?

16 R. Comme je l'ai déjà dit, en répondant à une question précédente, j'ai

17 considéré qu'il serait bon, dans mon travail de sociologue, de toujours

18 étudier le contexte historique de ce dont je parlais dans mes travaux.

19 La première fois, que j'ai eu un contact avec la Yougoslavie sur le plan

20 académique, se situe en 1967 et depuis, j'ai réalisé un certain nombre de

21 projets en m'efforçant toujours de replacer mon travail dans un contexte

22 historique important. En 1981, lorsque j'ai commencé à travailler sur la

23 question du tourisme, j'ai agi de même, donc ma tendance à m'appuyer sur le

24 contexte historique est, je pense, une indication de ma part d'une position

25 tout à fait permanente, que j'ai adoptée depuis le début de mon travail en

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1 tant que -- sur le plan académique. Et ce n'est, en tout cas, pas la

2 première fois que je me suis comporté de cette façon lorsque j'ai travaillé

3 sur l'histoire de Dubrovnik. J'ai publié beaucoup plus tôt un ouvrage

4 historique sur le tourisme qui, je crois, figure dans mon curriculum vitae.

5 Q. Je me permettrai de vous demander si vous avez publié des travaux

6 uniquement dans le domaine de l'architecture ou uniquement dans le domaine

7 de la géographie, à moins que ce ne soit uniquement dans le domaine de

8 l'histoire, ou bien, si tout ce que vous avez fait se situe dans le

9 contexte de la recherche sociologique liée à votre étude sur le tourisme.

10 R. Je pense que je dois rappeler, comme je l'ai d'ailleurs déjà dit dans

11 une réponse précédente, quelles sont les limites de la sociologie ? L'un

12 des premiers travaux importants dans ce domaine, publié par moi, je l'ai

13 publié à l'invitation du professeur Frank Carter, qui est devenu une

14 personnalité très connue dans ce domaine, à savoir, la géographie

15 historique des Balkans. Le professeur Carter était géographe et m'a invité

16 à travailler à ses côtés en tant que sociologue, en raison du fait que je

17 connaissais bien la question et la région. Et puis, en d'autres occasions,

18 le travail accompli par moi a débordé un peu des limites strictes de la

19 discipline qui est la mienne, pour devenir, en fait, un travail

20 pluridisciplinaire, c'est-à-dire, qu'il faisait intervenir l'histoire, la

21 géographie et également les sciences politiques. Lors de travaux que j'ai

22 publiés plus récemment, j'ai malheureusement eu affaire au processus

23 regrettable de la désintégration de la Yougoslavie et j'ai travaillé sur

24 cette question en relation avec des représentants des sciences politiques.

25 Et puis il y a un détail qui est peut-être intéressant, éventuellement, à

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1 savoir, qu'en 1973, j'ai commencé à travailler au département des Lettres

2 de Bradford, qui était un département universitaire, centré sur le travail

3 interdisciplinaire. Dans cette université, les étudiants avaient l'habitude

4 de travailler en collaboration avec un certain nombre d'enseignants,

5 toujours sur un plan interdisciplinaire.

6 Donc la question posée par l'avocat provoque chez moi une certaine surprise

7 car ce genre d'activité est tout à fait normale au niveau universitaire.

8 Q. Je souhaiterais vous dire que je suis tout à fait au courant de cela,

9 mais je dirais que, sur la base de ce que vous venez de dire, je ne peux

10 tirer qu'une seule conclusion, à savoir que votre discipline d'expertise

11 est la sociologie et que toutes les autres disciplines évoquées par vous ne

12 vous servent que de moyen complémentaire, donc d'aide pour étudier,

13 analyser, compulser un certain nombre de documents. Donc ce que nous

14 sommes en train d'évoquer ici est un travail pluridisciplinaire, mais il y

15 en a d'autres également -- en tout cas, sachez que je n'ai aucune intention

16 de vous qualifier d'expert historique ou d'expert en géographie. C'était

17 cela le but de ma question.

18 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je me vois contraint

19 d'élever une objection. L'Accusation ne souhaite pas élever un nombre

20 exagéré d'objections, mais j'ai le sentiment que le conseil de la Défense

21 vient de prononcer un discours plutôt que de poser une question. Peut-être

22 aimerait-il également poser une question ?

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman, je pense que votre

24 objection comporte un certain fondement, mais je ne pense pas que cela

25 justifie de notre part une attitude exagérément technique à ce stade de

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1 l'interrogatoire. Si je comprends bien, Me Petrovic est en train de se

2 livrer à une exploration générale quant aux compétences et au domaine

3 d'expertise du témoin et, bien que ses propos aient été assez longs, et que

4 cela n'ait pas été d'une très grande aide pour les juges, c'est une façon

5 de procéder de la part de Me Petrovic qui peut l'amener à obtenir ce qu'il

6 souhaite obtenir sur le plan général à ce stade du contre-interrogatoire,

7 avant de passer à des questions plus précises, comme je pense qu'il

8 souhaitera le faire. Merci.

9 M. PETROVIC : [interprétation]

10 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous me fournir une réponse ?

11 R. Je suis un peu surpris de la question, mais je pense que la meilleure

12 réponse que je puisse apporter à cette question consistera à vous dire que

13 la meilleure façon de juger mes capacités consistera à lire le rapport

14 rédigé par moi, un rapport qui traite d'un certain nombre de questions

15 précises et ne se limite pas aux questions générales qui viennent d'être

16 évoquées dans le discours prononcé, il y a quelques instants.

17 Q. Monsieur Allcock, pourriez-vous, je vous prie -- pour que tout soit

18 clair, et je vous demande une réponse précise -- nous dire quels sont les

19 documents particuliers que le Procureur vous a communiqués dans le cadre du

20 travail que vous étiez censé accomplir en tant qu'expert.

21 R. Je ne me souviens pas d'avoir reçu le moindre document. J'ai reçu une

22 lettre, dans laquelle l'objectif du rapport était défini, objectif qui,

23 ensuite, s'est vu un peu circonscrit car, comme le Conseil le sait sans

24 doute, le nombre des questions à aborder dans la présente affaire a été

25 ultérieurement limité et chacun se rappellera que, lorsque j'ai commencé à

Page 505

1 répondre aux questions qui m'ont été posées dans ce prétoire devant la

2 Chambre, j'ai produit un certain nombre de photographies ainsi que des

3 cartes géographiques. Et M. Kaufman, avant le début de ma déposition, m'a

4 demandé s'il pouvait se servir de ma présence dans le prétoire pour

5 présenter à la Chambre ces documents en tant qu'éléments de preuve. J'ai

6 répondu que je n'y voyais aucune objection, mais, en dehors de cela, je ne

7 crois pas me rappeler que le bureau du Procureur m'ait communiqué quelques

8 documents que ce soit. En tout cas, aucun document que j'aurais pu utiliser

9 dans le cours de la préparation de mon rapport.

10 Q. Merci. J'aimerais maintenant que nous passions à autre chose avant de

11 revenir, éventuellement, aux questions que nous venons d'évoquer, un peu

12 plus tard au cours du contre-interrogatoire.

13 Donc je passerai à des éléments plus concrets si vous le voulez bien ? Je

14 vous prierais, d'abord, de nous dire quels sont les universitaires

15 yougoslaves que vous avez -- dont vous avez consultés les travaux lors de

16 ce travail que vous avez accompli en rapport avec l'ex-Yougoslavie, ou pour

17 être plus précis, au cours de l'élaboration de votre avis d'expert ?

18 R. Lors de la préparation de ce rapport et j'ai déjà évoqué le travail de

19 Barisa Krekic. Mais il y a eu également, le travail d'un certain Peric qui

20 traite de l'histoire de Dubrovnik, donc, du sujet particulier de l'histoire

21 de cette ville. J'ai utilisé ce travail ainsi qu'un certain nombre de

22 documents ouverts au public et de référence générale comme des atlas et un

23 certain nombre d'ouvrages statistiques, des annuaires également. A ma

24 demande, la bibliothèque de la faculté et, notamment, du département du

25 Tourisme et du Commerce étranger à Dubrovnik m'a envoyé un certain nombre

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1 d'articles de presse qui sont également cités en bas de page -- en note en

2 bas de page, dans mon rapport, notamment, le travail d'un professeur

3 d'université, un certain Kovacic.

4 Et puis, s'agissant de la question des sciences politiques, j'ai eu

5 l'occasion d'examiner le travail d'un certain professeur Kasapovic de

6 l'université de Zagreb ainsi que les travaux de quelques historiens

7 notamment l'ouvrage de M. Goldstein, intitulé "Histoire de la Croatie".

8 Ce sont les ouvrages qui me reviennent en mémoire à l'instant mais, en tout

9 cas, on trouve toutes les références nécessaires en note en bas de page de

10 mon rapport d'expert.

11 Q. Je vous prierais de répondre le plus brièvement possible. Je préfère ne

12 pas avoir des réponses trop longues. Quand a été créée la république de

13 Dubrovnik ? Si vous pouvez nous le dire et puis pouvez-vous nous parler, de

14 façon générale, de l'existence donc de cette république de Dubrovnik en

15 tant qu'entité indépendante ? Mais assez brièvement, je vous prie.

16 R. Et bien, si vous souhaitez que je sois très bref, vous pouvez vous

17 référer à ce qui figure dans mon rapport. La république, en tout cas,

18 apparaît réellement au 13e siècle. Son existence repose sur une activité,

19 le commerce, et sur le plan politique, le pouvoir de cette république

20 repose sur celui qui est exercé par quelques familles, peu nombreuses, qui

21 y résident. La république de Dubrovnik a continué à exister en tant que

22 république indépendante sous le pouvoir de Venise et de l'empire Ottoman

23 jusqu'au début du 19e siècle et le déclin a commencé avec les conquêtes

24 napoléoniennes.

25 J'espère avoir été suffisamment complet.

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1 Q. Merci beaucoup. Dans votre rapport en page 5, on trouve un élément

2 intéressant. Donc j'aimerais vous renvoyer à cette page de votre rapport ?

3 R. Oui, j'ai le rapport sous les yeux.

4 Q. Un instant, je vous prie. En version anglaise, il s'agit de la page 3 -

5 - premier paragraphe de la page 3 de la version anglaise du texte. Après

6 comparaison des versions anglaise et B/C/S.

7 R. Très bien.

8 Q. Donc c'est le paragraphe qui commence avec la mention du tsar Stefan --

9 de l'empereur Stefan Dusan Nemanjic, et cetera. Et puis un peu plus loin,

10 vous traitez des -- de la complexité des rapports qui unissaient la

11 république de Dubrovnik au doge de Venise et aux états slaves de

12 l'intérieur. Pourriez-vous nous parler rapidement de ces relations ?

13 R. Et bien, je me rends bien compte que vous me demandez une réponse

14 brève, donc, je ferai de mon mieux. En disant que le pouvoir dominant à

15 l'époque, dans la zone de l'Adriatique, était le pouvoir

16 -- la république de Venise et qu'au 14e siècle, à l'intérieur des terres de

17 cette région des Balkans, régnait l'empire Ottoman. Quant à la République

18 de Dubrovnik, elle s'est donc trouvée face à ces deux puissances

19 importantes. Bien entendu, l'empire austro-hongrois était très présent dans

20 la région. La République de Dubrovnik a donc eu une existence politique qui

21 a évolué au cours de son existence. Et il a fallu tout le savoir faire de

22 ses dirigeants ainsi qu'un peu de chance pour qu'elle puisse exister entre

23 ces deux puissances.

24 Q. Il y a quelque chose que j'ai un peu de mal à comprendre en tout cas

25 sur le plan chronologique : pouvez-vous nous dire quand l'empire austro-

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1 hongrois a fait son apparition ? Ou, plutôt, pour être plus précis, je vous

2 demande, en fait, à quel moment l'empire autrichien s'est transformé en

3 empire austro-hongrois ?

4 R. Il faudrait que je vérifie la date exacte. Je ne peux pas vous donner

5 une réponse précise spontanément.

6 Q. Mais pouvez-vous me dire le siècle au cours duquel cette transformation

7 a eu lieu ?

8 R. Si nous parlons de l'empire, voyez-vous, nous sommes ici face à la

9 question la plus complexe qui soit --

10 Q. Excusez-moi un instant, je vous prie. Je vous pose une question tout à

11 fait précise. Il existe une année précise durant laquelle l'empire

12 autrichien s'est transformé en empire austro-hongrois et je vous demande

13 quelle est cette année, donc il s'agit d'une question très précise.

14 R. Je sais qu'il y a eu transition très complexe entre le moment où

15 existait un certain nombre de pouvoirs féodaux exercés par un certain

16 nombre de représentants disséminés du pouvoir des Habsbourgs et puis la

17 création de l'empire. Mais je ne saurais pas vous dire à quelle date exacte

18 a été créé l'empire austro-hongrois.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais n'est-ce pas une date historique,

20 la date de cette transition ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est possible, Monsieur le Président, mais je

22 ne me la remémore pas à l'instant. Il faudrait que je vérifie.

23 M. PETROVIC : [interprétation]

24 Q. Savez-vous au cours de quel siècle cette transition a eu lieu ? Au

25 cours de quel siècle l'empire autrichien est devenu empire austro-

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1 hongrois ?

2 R. Je pense que cela a eu lieu au 16e siècle.

3 Q. Et bien, je vais vous décevoir car il -- je me vois contraint de vous

4 dire que cette transition s'est produite trois siècles plus tard. Donc la

5 création de l'empire austro-hongrois, en date de 1867, en fait, cette

6 année-là, que l'empire autrichien s'est transformé en empire austro-

7 hongrois, à savoir, donc que lorsque cet empire a vu le jour, il se

8 composait de l'Autriche et la Hongrie. Je vous interroge donc au sujet de

9 la république de Dubrovnik et de ses rapports avec l'empire austro-

10 hongrois. Pourriez-vous me dire comment il est possible puisque nous savons

11 que l'empire austro-hongrois a fait son apparition au cours de la deuxième

12 moitié du 19ième siècle, comment il est possible que la république

13 d'indépendante de Dubrovnik n'est plus existée à ce moment-là. Puisque cela

14 faisait déjà un moment, à ce moment-là, qu'elle faisait partie de l'empire

15 austro-hongrois.

16 R. Je pense qu'une confusion a été crée ici qui repose sur deux faits.

17 D'abord j'ai utilisé empire austro-hongrois pour parler de l'évolution du

18 pouvoir des Habsbourgs dans la région. Je suis sûr que le conseil a tout à

19 fait raison lorsqu'il cite la date de 1867 comme étant celle de l'année au

20 cours de laquelle le titre officiel d'empire austro-hongrois a vu le jour.

21 Mais le pouvoir d'Habsbourgs a continué à exister dans la région beaucoup

22 plus tard et remonte, en fait, à l'antiquité pour durer jusqu'au moyen âge.

23 Donc je prie chacun de m'excuser d'avoir utilisé une expression un peu trop

24 vague au sujet de cette transition.

25 Vous exprimez quelques surprises au sujet du rôle de l'Autriche dans la

Page 510

1 région, et je le comprends étant donné que j'ai parlé du rôle des

2 Habsbourgs et du pouvoir qu'ils ont exercé en rapport avec une entité dont

3 je n'avais pas donné le nom exact. Mais je dirais au passage que plus

4 important encore que le fait que les Habsbourgs étaient exercé leur pouvoir

5 en rapport avec l'évolution de la République de Raguse, la situation de

6 Raguse --

7 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Je ne crois pas que vous ayez besoin

8 de répondre aussi longuement. Je vous prierais de bien vouloir simplement

9 répondre à mes questions. Vous avez dit ce que vous jugiez indispensable de

10 dire, et mes collègues vous ont posé les questions qu'ils jugeaient

11 nécessaire de vous poser également. Mais maintenant, je vous prierais de

12 bien vouloir répondre à mes questions de façon à permettre aux Juges de

13 cette Chambre de mieux suivre la situation.

14 Parlons donc rapidement du 19e siècle. Au début du 19e siècle, donc au cours

15 de la première moitié de ce 19e siècle, que se passait-il ? Et que se

16 passait-il au cours de la deuxième moitié du 19e siècle ? Quels étaient les

17 états qui avoisinaient la République de Dubrovnik et quelles étaient leurs

18 situations ?

19 R. Au cours de la première moitié du 19e siècle, c'est Venise qui exerçait

20 toujours un pouvoir dominant dans la partie septentrionale de l'Adriatique.

21 L'empire Ottoman contrôlait la zone connue actuellement sous le nom de

22 Bosnie, une partie importante de l'intérieur de la péninsule balkanique. En

23 fait, la Croatie, qui se trouve au nord de Dubrovnik, était rattaché à la

24 couronne hongroise, et bien, qu'un certain nombre de personnes ait souvent

25 dit, qu'à l'époque, que le Monténégro avait un rapport avec toutes ces

Page 511

1 questions. Le Monténégro, en fait, n'avait pas de frontière directe avec

2 Dubrovnik. A l'époque, c'était une entité de très petite taille, donc je

3 n'en parlerais pas très longuement.

4 Q. Monsieur --

5 R. Oui.

6 Q. Monsieur Allcock, je suis désolé, mais je dois encore vous interrompre.

7 Je vous ai interrogé au sujet de la première moitié du 19ième siècle. Or, il

8 y a déjà un fait inexact à cet égard. Dans la première moitié du 19e

9 siècle, la république de Venise n'existait plus déjà. Vous vous rappelez,

10 sans doute, qu'à la fin du 18e siècle la république de Venise avait disparu

11 sous les faits des actions de Napoléon. Ça, c'est le premier fait inexact.

12 Deuxième chose, vous parlez de la Croatie --

13 R. C'est exact. Comme je l'ai déjà dit, je me concentrais sur votre

14 question précédente. Oui, vous avez raison.

15 Q. Et vous avez cité un autre fait inexact, si vous me permettez de le

16 dire. Vous avez parlé de la Croatie comme faisant partie de la couronne

17 hongroise. Ceci est inexact également car la Croatie a été rattachée au

18 pouvoir hongrois en 1868 uniquement, c'est-à-dire, après un accord signé

19 entre la Croatie et la Hongrie, c'est-à-dire, beaucoup plus tard, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Ceci est un sujet très discuté sur le plan historique. La couronne

22 croate est passée sous le contrôle de la Hongrie au 12e siècle. Je suis un

23 peu surpris d'entendre ce que vous venez de dire. Il y a eu effectivement

24 un changement de statut en 1868 entre la Croatie et la Hongrie, mais ce que

25 j'ai dit précédemment est néanmoins exact.

Page 512

1 Q. Quel est le document qui a été rédigé en 1868 par la Croatie et la

2 Hongrie, le savez-vous ?

3 R. Là encore, les opinions divergent selon les historiens consultés. Un

4 historien très important --

5 Q. Je vous prie de m'excuser de vous interrompre. Il existe un document.

6 Quelle est sa dénomination, je vous prie ?

7 R. Ce document est appelé Nagodba.

8 Q. Qu'est-il écrit dans ce document ?

9 R. Je n'ai pas lu ce document. Je n'ai lu que des documents annexés à

10 celui-ci, mais si j'ai bien compris, c'était un document qui définissait

11 les rapports unissant la Croatie à la couronne hongroise.

12 Q. Quel était le dispositif prévu pour définir ces relations ?

13 R. La Croatie devait continuer à posséder son assemblée propre, à savoir,

14 le Sabor. La Croatie devait continuer à être gouvernée par un gouverneur

15 appelé "ban", et des représentants de la Croatie pouvaient exercer donc

16 leurs compétences de représentativité au sein du parlement hongrois.

17 Q. Et quelle était la situation ? Quels étaient les rapports unissant la

18 Croatie et la Hongrie, et plus tard, donc la Croatie et l'Autriche-

19 Hongrie ?

20 R. C'est une question extrêmement --

21 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie de

22 m'excuser pour cette interruption, mais là encore, des questions sont

23 posées au sujet du domaine d'expertise de ce témoin en en matière

24 géographique et historique. J'élève une objection très ferme par rapport au

25 fait qu'on interroge ce témoin sur des questions qui appartiennent au

Page 513

1 domaine du droit. Puisqu'au cours des semaines qui vont suivre, les juges

2 de cette Chambre entendront des experts juridiques qui vous parleront du

3 statut juridique de la Croatie aux différentes époques évoquées dans l'acte

4 d'accusation.

5 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, --

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Kaufman.

7 Maître Petrovic, vous avez la parole.

8 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

9 Juges, avec votre autorisation, j'indiquerais que je n'interroge pas le

10 témoin au sujet d'un quelconque avis juridique ou d'un quelconque conseil

11 juridique de sa part. J'interroge simplement quelqu'un qui prétend

12 connaître l'histoire de la région, et donc qui peut-être pertinent par

13 rapport à un certain nombre de réalité historique. Je ne lui demande aucune

14 qualification juridique, rien de ce genre. Je m'intéresse simplement au

15 rapport qui unissait la Croatie et la Hongrie sur le plan historique. Donc

16 je vous demanderais de m'autoriser à poser cette question.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je propose d'autoriser la suite des

18 questions, Monsieur Kaufman, pour la même raison que celle que j'ai

19 indiquée, il y a quelques instants. Je crois comprendre que ces questions

20 doivent se -- ou plutôt se situent dans un contexte historique et non

21 juridique, mais Maître Petrovic, je vous demanderais d'indiquer quelle est

22 la pertinence de toutes ces questions. Je ne vous pose pas cette question

23 en l'instant même, mais --

24 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président,

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais rien n'a été dit jusqu'à présent

Page 514

1 qui justifie la pertinence de ces questions.

2 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant même que vous

3 m'adressiez cette question, je souhaitais prendre la liberté de m'expliquer

4 sur les raisons pour lesquelles j'interroge le témoin de cette façon. La

5 raison de toutes les questions que je pose au témoin est tout à fait

6 simple. Indépendamment du fait que j'éprouve un grand respect pour ce

7 témoin, j'essaye de démontrer - et je crois que je suis parvenu à le faire

8 jusqu'à présent - j'essaye de démontrer qu'un homme qui est un témoin

9 expert dans la présente affaire n'a tout simplement pas les connaissances

10 de base exigées d'un témoin expert. Croyez-moi, tout élève de l'école

11 primaire ou du secondaire dans -- constituant l'ex-Yougoslavie, aurait pu

12 répondre aux questions que j'ai posées. Je le dis avec regret, à l'égard de

13 ce témoin expert qui est un expert dans le domaine du tourisme, mais qui

14 n'est pas un expert approprié dans le domaine dont il est question ici. Je

15 ne souhaite offenser personne, mais voilà quel est le cœur du problème.

16 Croyais-moi, je ne suis pas non plus un expert en histoire, mais les

17 questions que j'ai posées auraient pu trouver réponse dans la bouche d'un

18 élève du secondaire.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Petrovic, vous pouvez encore

20 poursuivre quelques instants, mais je proposerais que, si vous souhaitez

21 interroger le témoin au sujet d'un certain nombre de faits historiques, des

22 faits donc qui constituent des réalités que le témoin n'a pas bien

23 comprises à votre avis, des faits qui sont à la base d'un certain nombre

24 d'erreurs éventuelles dans le rapport du témoin, ou des faits que vous

25 souhaitez utiliser pour démontrer que le témoin ne connaît pas suffisamment

Page 515

1 l'histoire de la région. Je vous proposerai de poser ces questions en un

2 temps relativement bref, de façon à ce que nous puissions passer à des

3 questions plus directement en rapport avec les circonstances qui

4 caractérisent la présente affaire. C'est clair à vos yeux, Maître

5 Petrovic ?

6 M. PETROVIC : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. En fait ce

7 qui m'intéresse, c'est le contenu du rapport que nous avons sous les yeux,

8 rapport dans lequel, dans sa version B/C/S, nous trouvons quatre pages

9 entières qui traitent du contexte historique, donc je suis d'accord avec

10 vous. Ces questions n'ont, peut-être pas, un rapport direct avec l'affaire

11 qui nous réunit ici mais elles constituent, tout de même, une partie

12 importante de ce rapport. Et il de mon devoir de traiter de tout ce qui

13 figure dans le rapport, mais je suis tout à fait d'accord avec ce que vous

14 venez de dire. Bien entendu, je m'en tiendrai à la décision qui est la

15 vôtre, s'agissant -- du fait que les questions posées dans le domaine

16 juridique n'ont pas un lien direct avec le rapport du témoin. Donc

17 j'aimerais simplement lui poser encore quelques questions avant de passer à

18 des questions plus précises.

19 Q. Monsieur Allcock, nous étions en train de parler des relations entre

20 l'Autriche-Hongrie et la Croatie. Pouvez-vous nous dire quelle était la

21 nature de ces relations ?

22 R. J'aurais un problème pour répondre à cette question de façon complète

23 tout en étant bref comme vous me l'avez demandé. En effet, toute l'histoire

24 de la politique de la Croatie au 19e siècle, à mon avis, semble tourner

25 autour des interprétations diverses qui ont pu être faites de ce qui figure

Page 516

1 dans ce document. La Croatie a toujours maintenu que la Nagodba était une

2 forme de reconnaissance de l'indépendance de la Croatie en tant qu'État qui

3 -- et que donc, ce document établissait l'existence de la Croatie en tant

4 qu'État indépendant depuis des époques très reculées. Quant aux experts

5 hongrois, pour leur part, ils ont toujours maintenu que la Croatie avait

6 constamment été, d'une façon ou d'une autre, assimilée, à l'État hongrois.

7 Et les divergences entre les deux parties ont été très longues et très

8 durables sur ce sujet, et d'ailleurs, elles affectent encore, pourrait-on

9 dire, la politique de la Croatie aujourd'hui -- donc pierre de contention

10 qui existe y compris aujourd'hui. Je crains donc de ne pas pouvoir répondre

11 de façon très complète à votre question, tout en répondant à votre exigence

12 de brièveté.

13 Q. Merci. Nous étions en train de parler des relations difficiles qui

14 existaient avec l'arrière-pays et d'autres voisins. Mais parlons de

15 l'arrière-pays. Que pouvez-vous nous dire à ce propos ? Quels étaient les

16 pays qui existaient dans cette région, et là, je vais être plus précis, ce

17 qui m'intéresse c'est plus précisément c'est les 18e, 19e et 20e siècles.

18 Nous parlions de l'arrière-pays de Dubrovnik, quels étaient les États qui

19 s'y trouvaient ? Comment ont-ils trouvé naissance et comment ont-ils fini

20 par disparaître ?

21 R. L'empire Ottoman, il a été établi vers la fin du 14e siècle, dans les

22 Balkans. Je ne pourrais pas vous donner de date exacte pour ce qui est des

23 frontières qui se sont créées avec la République de Raguse. Au cours du 19e

24 siècle, bien sûr, le statut de la Bosnie, en tant que partie intégrale de

25 l'empire Ottoman, a été contesté. Il y a eu une rébellion importante en

Page 517

1 1874 qui s'est poursuivie quelques années et qui a abouti au fait que la

2 Bosnie-Herzégovine a été donnée à l'empire austro-hongrois en tant que

3 protectorat. Et ceci, par la suite, en 1908, est devenu une véritable

4 annexion.

5 Pour ce qui est du Monténégro, plus au sud, au départ, il n'avait

6 pratiquement pas bénéficié de reconnaissance internationale même s'il a

7 bénéficié d'une certaine indépendance relative pendant longtemps, d'abord

8 en tant qu'entité ecclésiastique, c'était une principauté et je pense que

9 le Monténégro n'a été reconnu en tant qu'État qu'en -- vers 1878. Est-ce

10 que j'ai suffisamment répondu à votre question, ou voulez-vous que je parle

11 du 20e siècle ?

12 Q. Oui, oui, tout à fait. Je voulais simplement vous poser une question à

13 propos de la date à laquelle la Bosnie-Herzégovine a été occupée.

14 R. Pensez au congrès de Berlin et la date est celle de 1878.

15 Q. Passons, si vous le voulez bien, à autre chose, mais, un instant, je

16 consulte un document.

17 Revenons rapidement, très brièvement, à l'histoire si ceci ne vous dérange

18 pas. Lorsqu'il y a eu désintégration de la monarchie austro-hongroise,

19 qu'est-il advenu au cours des années suivantes de Dubrovnik, je parle ici

20 de la période qui intervient entre la Première et la Deuxième guerre

21 mondiale ?

22 R. En fait, la modification la plus cruciale intervient au moment de la

23 Première guerre mondiale. Les différents États, la Croatie, la Bosnie et le

24 Monténégro sont devenus un Royaume des Croates, des Serbes et des Slovènes,

25 fin de 1919. A ce moment-là, Dubrovnik avait déjà été intégrée à la Croatie

Page 518

1 -- Dubrovnik avait cessé d'être indépendante, comme l'a dit déjà le

2 Conseil, comme je l'ai dans mon rapport. Avec les activités de Napoléon, ce

3 n'était déjà plus un État indépendant. Dubrovnik a été englobée dans le

4 Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes en 1918 en même temps qu'il

5 y a eu l'unification des autres États du Sud -- ou des terres slaves du

6 Sud.

7 Q. Avez-vous entendu parler de l'État des Slovènes, des Croates et des

8 Serbes ?

9 R. Oui. Ce processus d'unification a été complexe au cours des premiers

10 mois de la Première guerre mondiale. Il est apparu évident qu'il allait

11 falloir trouver une solution de rechange pour remplacer ce dominion qui

12 existait de la part des austro-hongrois dans les Balkans. En bref, il y a

13 eu deux points d'ordre, au début de 1918, ou plutôt, en 1918 des

14 représentants slovènes ont déployé des activités au Reichstag, au conseil

15 de l'Empire pour organiser l'espèce d'État, mais ceci a été placé sous

16 certaines conditions parce que leur idée, c'était d'impliquer les États ou

17 les terres slaves du Sud qui avaient déjà fait partie de l'empire austro-

18 hongrois. Et ceci était -- représentait un territoire différent que celui

19 couvert par le royaume des Croates, des Serbes et des Slovènes. C'est le

20 nom qu'on a retenu pour cet état.

21 Q. A quel moment, y a-t-il eu désintégration de la monarchie austro-

22 hongroise ?

23 R. C'est tout un processus. Je ne sais pas à quel moment on peut situer la

24 fin de ce processus.

25 Q. Mais ceci relève des connaissances générales. On sait à quel moment il

Page 519

1 y a eu des solutions de l'empire austro-hongrois, c'est des connaissances

2 tout à fait générales. En cours de quelle année, est-ce que ceci s'était

3 passé ?

4 R. Est-ce que c'est une question technique ? Je peux vous dire que c'est

5 en 1918, mais je ne peux pas être plus précis.

6 Q. Au cours des réponses que vous avez fournies auparavant, vous avez dit

7 que, d'abord en 1918, les représentants slovènes avaient entrepris

8 certaines mesures. Est-ce que c'est à ce moment-là qu'on peut dire qu'il y

9 a eu désintégration de la monarchie austro-hongroise ?

10 R. A toutes fins utiles, la monarchie s'était désintégrée avant. Je ne

11 sais pas, techniquement et formellement, à quel moment ça s'est passé.

12 Quelques mois sont intervenus avant la création de cet état que vous avez

13 cité et avant qu'il y ait eu, effectivement, unification de la Yougoslavie.

14 Q. Vous affirmez vous y connaître en matière d'histoire. Est-ce que vous

15 connaissez la date de l'armistice de la Première guerre mondiale ?

16 R. Vous savez -- c'est quand même le 11 novembre 1918.

17 Q. Et bien, ce n'est pas vrai. J'ai le regret de vous le dire. Savez-vous

18 --

19 R. En tout cas, c'est la date qu'on commémore en Grande-Bretagne.

20 Q. A votre avis -- excusez-moi, je vais reformuler ma question. Il y a eu

21 plusieurs entités qui ont bénéficié de la reconnaissance internationale.

22 Ici je parle de la monarchie austro-hongroise puis il y a eu la

23 Yougoslavie, ce qui m'intéresse tout particulièrement c'est Dubrovnik. Il

24 s'agit ici de questions très précises. Inutile de nous attarder à des

25 explications plus vagues.

Page 520

1 R. Excusez-moi, mais je n'ai pas compris votre question.

2 Q. Et bien, je vais essayer de vous la préciser. Pourriez-vous nous dire

3 quelle fut l'évolution au niveau des autorités à Dubrovnik, disons de 1914

4 à 1920 ? Qui dirigeait Dubrovnik au cours de cette période ?

5 Je parle ici au sens constitutionnel, au sens du gouvernement. Je parle

6 d'états reconnus internationalement et de l'évolution qu'il y a eu à ce

7 niveau-là. Que s'est-il passé après qu'il y ait eu désintégration de

8 l'empire austro-hongrois ?

9 R. Si j'avais pensé que ce genre d'information était pertinent, j'aurais

10 étudié la question de plus près, mais je ne pensais pas que ces faits ou

11 ces événements auraient eu une importance quelconque, je n'ai donc pas pris

12 la peine de m'attarder sur cette question.

13 Q. Monsieur Allcock, un tiers de votre rapport est consacré à l'histoire

14 de Dubrovnik, et vous le mentionnez même. Regardez la page 5, paragraphe 1,

15 de votre rapport. Vous y parlez de la désintégration de l'empire de la fin

16 de la Première guerre mondiale et de l'état qui a vu le jour. Page 5, en

17 version anglaise, paragraphe 1, vous vous êtes donc penché sur cette

18 question. Vous l'avez abordé, comment êtes-vous surpris par le fait que je

19 vous pose cette question puisque vous évoquez ce sujet ?

20 R. Je ne pensais pas que ce degré d'exactitude et de précision vous aurait

21 intéressé.

22 Q. Ecoutez, nous n'allons pas polémiquer. Pour moi ce sont des questions

23 tout à fait rudimentaires et élémentaires. Enfin j'abandonne le sujet.

24 Vous parlez du général Marmont -- ce sera ma dernière question d'histoire.

25 Enfin j'ai encore deux sujets historiques à aborder. J'espère que ceci ne

Page 521

1 vous dérange pas.

2 Pourriez-vous, en quelques mots, me dire ceci ? Nous avons Marmont,

3 Dubrovnik 1806, pourriez-vous nous relater la séquence des événements ?

4 R. Situation très complexe et une grande confusion règne parmi les

5 historiens. Je crois comprendre pourquoi vous posez cette question car les

6 historiens ne sont pas d'accord sur la date à laquelle la République de

7 Dubrovnik a cessé d'exister. On donne pour certains la date de 1805 -- j'ai

8 étudié de plus près cette question car on donne des dates tout à fait

9 contradictoires.

10 Il y a -- le traité de Presbourg, décembre 1805, qui est pris comme point

11 de repère par les historiens, où on voit que le pouvoir de Venise disparaît

12 -- s'éteint, ce qui situe la fin de la République de Dubrovnik en 1805.

13 Mais ce n'est pas exact. Les troupes françaises ne sont entrées qu'au mois

14 de mai -- le 27 mai 1806 à Dubrovnik. Et même à ce moment-là, Napoléon a

15 dit que ceci n'avait pas d'incidence sur l'existence de la république de

16 Dubrovnik. Et il n'a pas déclaré la fin de cette république avant 1808,

17 cependant, la date du 27 mai 1806 est la date à laquelle il y a entrée des

18 troupes françaises pour occuper la ville et je pense qu'on peut dire que

19 c'est à ce moment-là que la République de Raguse cesse d'exister.

20 Q. Je vous soumets une conclusion et je dirais que vous avez des mesures

21 des plus rudimentaires de l'histoire. Vous connaissez l'un ou l'autre

22 détail. Là vous avez la date du 27 mai 1806, mais vous ne connaissez pas

23 l'évolution du pouvoir telle qu'il est exercé dans l'état de la république

24 de Dubrovnik.

25 Il y a, à ce moment-là la flotte russe. Pourriez-vous nous dire, en une

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1 phrase -- si ce n'est pas possible, je retirai ma question -- la flotte

2 russe elle est apparue quand ?

3 R. Je sais quelle était présente puisqu'elle soutenait des Monténégrins,

4 mais je ne sais pas exactement où elle se trouvait.

5 Q. Mais savez-vous quelle est entrée dans la baie de Boka Kotorska et

6 qu'il y a eu des affrontements au niveau du territoire de Dubrovnik ?

7 R. Je sais qu'il y a eu des combats, mais j'ai pensé que ceux-ci n'étaient

8 pas si importants que pour mener une enquête ou une recherche sur ce point

9 et l'intégrer au rapport. Vous savez, il faut faire des choix. Il faut

10 faire des choix en matière de pertinence et j'ai cru comprendre que j'avais

11 pour mandat de donner une idée de l'évolution historique générale de la

12 région. A cet égard, j'ai peut-être donné l'impression d'une évolution

13 assez fragmentaire mais --

14 Q. Je dois vous demander pourquoi vous avez accepté de donner des

15 informations générales à propos d'un sujet que manifestement vous ne

16 maîtrisiez pas. Je ne doute pas de vos compétences extrêmes dans votre

17 domaine de recherche, mais pourquoi avoir accepté d'écrire dans un domaine

18 qui n'est pas le vôtre manifestement ?

19 R. Ce n'est pas si simple que ça. Ce rapport liminaire évoque diverses

20 questions. Il y a l'histoire, il y a la politique, l'économie, d'autres

21 questions afférant au tourisme, et je pense que ce Tribunal aurait dû

22 consacrer beaucoup de temps et de fonds aussi à demander à un expert de

23 présenter tout ceci. En fait, les conclusions ont été tirées à partir de la

24 coopération que j'avais déjà fournie au bureau du Procureur. Le bureau du

25 Procureur pensait que je pouvais fournir des informations qui lui

Page 523

1 semblaient nécessaire, compte tenu du fait que je n'étais pas censé être

2 expert en histoire, mais, plutôt, qu'en tant que sociologue connaissant de

3 façon générale la région, son contexte historique, politique, et c'est dans

4 ce cadre-là que j'ai accepté cette mission.

5 Si on m'avait commandité en tant qu'historien, en tant que tel, si on

6 m'avait demandé de faire preuve d'historien pour fournir une histoire

7 circonstancielle de la région, j'aurais refusé cette offre. Mais l'offre

8 qui m'avait été faite différente.

9 Q. Si je vous comprends bien, vous parlez d'histoire ici parce qu'on a

10 essayé de faire des économies. On a essayé d'économiser au niveau de la

11 préparation du rapport. C'est ce que vous dites ?

12 R. Demandez cela au bureau du Procureur. Moi, j'ai reçu une offre et j'y

13 ai répondu en tenant compte des conditions qui étaient posées.

14 Q. Si je vous pose cette question, c'est parce que vous l'avez dit vous-

15 même. Vous avez dit que c'était une économie d'argent que de vous demander

16 à vous de procéder à cette étude, plutôt que demander des services d'un

17 historien. C'est vous-même qui le dites. Vous dites que vous avez été

18 invité à rédiger ce rapport parce que ça coûtait moins cher que demander

19 aussi un rapport à un historien.

20 R. Ecoutez, c'est ce que je suppose, mais ce n'est pas ce qu'à dit le

21 bureau du Procureur.

22 Q. Fort bien. Dernière question en matière d'histoire. Organisation de

23 l'état yougoslave qui avait été organisé en 1918. Quelle était cette

24 organisation ?

25 R. Pendant tout un temps, on a beaucoup discuté de cette organisation.

Page 524

1 L'assemblée constitutionnelle n'a pas tiré de conclusion officielle

2 jusqu'en 1920, 1921. Il s'est donc écoulé une longue période au cours de

3 laquelle l'Yougoslavie faisait l'objet d'une organisation constitutionnelle

4 provisoire.

5 Il y a eu plusieurs préposés au ministère pendant cette période, mais ceci

6 c'est fait par voie de sélection informelle, ces personnes ont été choisies

7 au sein de ceux qui avaient constitué l'Yougoslavie. Il y avait le

8 gouvernement de Serbie, il y avait ce comité yougoslave qui avait été

9 instauré, et c'est là, qu'on a choisi des différents ministres. C'étaient

10 des assemblés constituées à partie de ce qui avaient été des entités de

11 l'empire austro-hongrois. Mais il n'y a pas eu de constitution proprement

12 parlée pendant un certain temps jusqu'à la constitution de Vidovdan.

13 Q. Mais quelle était l'organisation territoriale du premier état

14 yougoslave ?

15 R. C'était un état unifié -- unitaire et il n'avait pas, à ce moment-là,

16 de structure fédérale. C'est seulement après la Deuxième guerre mondiale

17 que ça c'est passé.

18 Q. Je vous remercie.

19 Avez-vous déjà entendu parler de "banovina" ?

20 R. Mais bien sûr. C'est le type d'organisation imposé par le roi

21 Aleksandar après qu'il est pris le contrôle du pays. C'est une espèce de

22 dictateur. Il a divisé le pays à partir de frontières linguistiques sur le

23 plan historique.

24 Q. Et savez-vous de quelle entité Dubrovnik relevait à ce moment-là ?

25 R. Je pense que c'était Primorska, mais je ne suis pas sûr où c'était

Page 525

1 Zetska. J'étais sûr que j'allais me tromper.

2 Q. Avez-vous déjà entendu parler de la banovina de Croatie ?

3 R. Oui. On avait essayé ainsi de modifier la structure mise en place en

4 1938. Il y a une longue période au cours de laquelle divers partis en

5 Croatie avaient manifesté leur mécontentement à l'égard de leur statut au

6 sein de l'Yougoslavie. Et un accord a été signé entre le premier ministre

7 Cvetkovic et le chef du parti paysan croate, Vlado Macek. Il a été convenu

8 que certains des anciens territoires, pas seulement la Croatie historique,

9 mais que certaines parties de la Bosnie-Herzégovine devienne la banovina

10 Hrvatska.

11 Q. Et qu'en est-il de Dubrovnik ?

12 R. Mais je pense qu'à ce moment-là Dubrovnik faisait partie de cette

13 banovina Hrvatska.

14 Q. Je pense que vous vous trompez une fois de plus.

15 R. Si vous le dites.

16 M. PETROVIC : [interprétation] Je passe à autre chose. Le deuxième sujet

17 que je vais aborder sera plus court, mais le moment se prête peut-être à

18 une pause.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Petrovic. Je me tourne

20 vers votre client. Il a besoin d'une pause. Pour le reste de la journée,

21 nous aurons des séances de moins d'une heure et demie. Et rappelez-vous que

22 vous devez terminer votre contre-interrogatoire suffisamment tôt pour qu'il

23 y soit éventuellement des questions supplémentaires.

24 Nous allons maintenant procéder à une pause.

25 --- L'audience est suspendue à 16 heures 23.

Page 526

1 --- L'audience est reprise à 16 heures 47.

2 Q. Monsieur Allcock, j'aimerais maintenant parler des questions de

3 géographie que vous mentionnez dans votre rapport. Je pense que la

4 géographie sera plus simple que l'histoire, que nous avons abordée avant la

5 pause. Quelle est la longueur du territoire de la municipalité de

6 Dubrovnik, approximativement, depuis la partie la plus extrême au Sud,

7 jusqu'au point le plus septentrional ?

8 R. Je vous donne un chiffre approximatif -- de 120 kilomètres. C'est là un

9 chiffre approximatif, je le précise, mais puisque vous posez la question,

10 il serait utile de relever que c'est à vol d'oiseau que cette estimation

11 vous est fournie. Je ne prends pas ici la longueur de la côte qui est

12 supérieure.

13 Q. Quelle est la largeur du territoire de la municipalité de Dubrovnik.

14 Vous parlez de 20 kilomètres, comment cette largeur est-elle ?

15 R. Je pense qu'elle descend jusqu'à 50 mètres à un point donné, mais je

16 pensais que c'était moins de 20 kilomètres pour ce qui est de la partie la

17 plus large, c'était plutôt 15 kilomètres, mais c'est de cet ordre -- c'est

18 de cet ordre-là.

19 Q. Excusez-moi. J'ai peut-être fait une erreur au moment de poser la

20 question, il y a eu une erreur d'interprétation, je ne pense pas avoir

21 parlé de 20 kilomètres. Quoiqu'il en soit, il y a eu méprise. Moi je

22 parlais de la longueur totale qui fait 120 kilomètres. Quelle est la

23 partie la plus étroite et la partie la plus large, j'espère être plus

24 clair.

25 R. Et bien, je répète ce que j'ai dit. Je pense que vers le Sud, à

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1 Prevlaka, ça descend jusqu'à 50 mètres, mais la partie la plus large fait à

2 peu près 15 kilomètres. C'est un chiffre approximatif, établi à partir

3 d'une carte. Ce n'est pas là une mesure scientifique.

4 Q. Je vous remercie. Nous sommes d'accord pour dire qu'à bien des

5 endroits, on a un territoire de quelques centaines de mètres, voire d'un

6 kilomètre de largeur.

7 R. Exact.

8 Q. Dites-moi, dans l'arrière-pays, là où il y a la partie la plus étroite

9 du territoire, quelles entités géographiques trouve-t-on, le Monténégro, la

10 Bosnie, êtes vous au courant de cela ?

11 R. Au point le plus méridional, le territoire jouxte à la République de

12 Monténégro, mais, pour l'essentiel de l'arrière-pays, il y a une frontière

13 commune avec la Bosnie-Herzégovine et plus exactement avec la région qui

14 est l'Herzégovine. J'espère avoir été suffisamment précis.

15 Q. Tout à fait. Dites-moi, au point le plus méridional de la municipalité

16 de Dubrovnik, qu'est-ce qu'on trouve comme relief géographique, comme

17 points particuliers ?

18 R. Le seul élément géographique, je pense que c'est la Baie de Kotor,

19 c'est à cela que vous pensez ?

20 Q. Oui. C'est à cela que je pensais, mais je vais être plus précis. Quelle

21 est la partie du territoire qu'on trouve à l'entrée même, à l'embouchure

22 même de la Boka Kotorska, dans cette baie, qui est en même temps le point

23 le plus méridional de la municipalité de Dubrovnik.

24 R. Vous vouliez parler de la Prevlaka ?

25 Q. Oui. Pouvez-vous, en quelques mots, nous décrire les caractéristiques

Page 528

1 géographiques de cette partie-là du territoire, de la municipalité de

2 Dubrovnik.

3 R. Vous parlez de la péninsule de Prevlaka ?

4 Q. Oui.

5 R. Je n'y ai jamais été moi-même et je crois comprendre, à partir des

6 descriptions que j'ai vues, que c'est un promontoire très bas et très

7 étroit qui avance dans la baie de Boka.

8 Q. Savez-vous où se trouve la frontière entre la municipalité de Dubrovnik

9 et la municipalité voisine, au Monténégro ? Quel est le tracé de cette

10 frontière ?

11 R. Je n'ai pas de détails particuliers à ce propos.

12 Q. La partie la plus méridionale de la municipalité de Dubrovnik, elle est

13 limitrophe de quelle municipalité monténégrine ?

14 R. Impossible d'y répondre. Je connais les localités qui se trouvent

15 autour de la baie, notamment, Resan, mais je ne connais pas le nom de la

16 municipalité voisine.

17 Q. Connaissez-vous la ville la plus proche ?

18 R. Il s'agit d'Herceg Novi.

19 Q. Et la municipalité s'appelle aussi Herceg Novi ?

20 R. [aucune interprétation]

21 Q. Nous parlons toujours de la partie la plus méridionale. Quelle est la

22 frontière séparant la municipalité d'Herceg Novi et celle de Dubrovnik.

23 Donc ici, je parle de municipalités, de celle de Dubrovnik et de celle

24 d'Herceg Novi. Est-ce que le tracé de la frontière est le long de la mer ou

25 suit un pourtour particulier ?

Page 529

1 R. Je pense que c'est à angle droit avec la mer, mais je n'ai pas examiné

2 ceci avec beaucoup de soin.

3 Q. En d'autres termes, si je vous ai bien compris, à votre connaissance,

4 le territoire de la municipalité de Dubrovnik ne va pas jusque dans la

5 baie, si vous dites que la délimitation est à angle droit avec la côte ou

6 la mer.

7 R. J'ai déjà dit que la -- le territoire de Dubrovnik s'avance jusque dans

8 la péninsule de Prevlaka, mais je ne comprends pas trop bien votre

9 question.

10 Q. C'est peut-être une question un peu complexe, pourtant elle est

11 extrêmement importante.

12 R. Ce serait utile, n'est-ce pas ?

13 Q. Une carte serait utile, mais, avant de vous montrer une carte, je

14 vous pose une question à propos de quelque chose que vous savez peut-être.

15 Je vais essayer de formuler ma question de la façon la plus simple

16 possible. Est-ce que le bas -- le pied de la municipalité de Dubrovnik

17 s'avance dans la baie de Kotor ou est-ce que la frontière va jusqu'à la

18 mer ?

19 R. J'ai bien compris votre question, mais je ne suis pas en mesure d'y

20 répondre.

21 Q. Savez-vous que, s'agissant des raisons qui sont à la base du conflit et

22 a éclaté dans la région, il y a notamment ce facteur clé, à savoir que --

23 la question de savoir si le territoire de la municipalité de Dubrovnik

24 touche la mer ou pas ? Avez-vous entendu parler de ce litige ?

25 R. Oui. Je sais qu'il y a depuis longtemps un litige à ce propos prolongé

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1 de la république de Croatie, et plus tard, la république fédérale de

2 Yougoslavie tant qu'à savoir exactement quel est le tracé de cette

3 frontière. Mais je n'ai pas étudié la question.

4 Q. Donc vous ne connaissez pas les éléments de ce contentieux.

5 R. J'ai un collègue, Malcolm Milivojevic, qui travaille à cette question,

6 qui a écrit quelque chose à ce propos, précisément parce qu'il s'est

7 attaché à cette question, mais je n'ai pas pensé qu'il était essentiel que

8 je m'occupe de ce sujet.

9 Q. Pourriez-vous répéter le nom de ce monsieur et quel est le rapport

10 qu'il a avec vous ou avec votre déposition ? Peut-être n'y a-t-il aucun

11 rapport ?

12 R. Je mentionne ce nom parce que c'est un collègue à moi à Bradford. Il a

13 fait des recherches et il connaît bien -- il a plusieurs sujets qu'il

14 étudie, notamment, les questions de renseignements militaires. Il faut

15 qu'on se répartisse les tâches lorsque l'unité de recherche est petite. Si

16 quelqu'un s'occupe d'un sujet, moi, j'estime que ce n'est pas de mes

17 obligations de leur emboîter le pas. Je leur laisse faire leur travail et

18 je ne m'occupe de ce qui font.

19 Q. Mais quel est l'apport de M. Milivojevic ? A-t-il contribué à votre

20 rapport d'une quelconque façon ?

21 R. Non, pas du tout.

22 Q. Mentionnez-vous Milivojevic dans votre rapport ?

23 R. Je ne pense pas.

24 Q. Un instant, s'il vous plaît.

25 R. Je ne pense pas avoir cité une de ses communications, c'est peut-être

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1 possible mais --

2 Q. Je propose de passer à autre chose. Dans votre rapport, vous parlez

3 également de l'architecture, donc de l'architecture de Dubrovnik, du

4 patrimoine architecturale, donc je peux conclure que nous avons les mêmes

5 problèmes avec cette partie-là de votre rapport que nous avions lorsque

6 vous avez parlé d'histoires, c'est-à-dire que vous avez parlé de quelque

7 chose qui ne révèle pas de votre domaine dans lequel vous êtes spécialisé.

8 Je ne vais pas importuner la Chambre avec ces détails, mais je passerais à

9 la question qui est une question que relève directement de votre domaine.

10 Je vais vous parler de tourisme. Je vais donc vous poser quelques questions

11 qui, selon moi, sont importantes.

12 Je vous demanderais de nous dire quelque chose plutôt général. J'aimerais

13 que vous nous expliquiez les liens qui existent entre un conflit armé qui a

14 lieu dans une zone, dans quelques zones que ce soit, et les conséquences

15 que ce conflit armé peut avoir sur le tourisme dans la région en question.

16 Par exemple, s'il y a un conflit sur le territoire de l'ex-Yougoslavie,

17 quelles sont les répercussions que cela peut avoir sur le tourisme en Grèce

18 du nord, par exemple ?

19 R. Le tourisme est toujours sensible à ce qui se passe, c'est-à-dire, que

20 les touristes n'iront pas se déplacer dans une zone ou dans une région qui

21 dans laquelle il y une maladie ou dans laquelle il y a certains conflits,

22 par exemple, prenons l'Irak. Il n'y a pas eu beaucoup de tourisme en Irak.

23 Et même si les passagers outre-mer ne peuvent certainement pas être

24 impliqués dans un conflit armé, mais les personnes ne se déplaçaient

25 toujours pas vers ces pays.

Page 532

1 Je me souviens que dans la presse allemande, on a parlé un certain moment

2 donné dans les années 1990 [sic] qu'il y a eu un problème avec l'hygiène

3 dans les régions touristiques yougoslaves, et je sais qu'à ce moment-là, il

4 y a eu un grand nombre de touristes allemands qui ne sont pas déplacés vers

5 ces régions. Et je sais que chaque chose qui se passe dans une région a une

6 incidence très directe sur le tourisme.

7 Si l'on examine mon rapport, nous allons voir qu'à la page 17, au tableau

8 numéro 1, vous pouvez voir qu'on note un déclin concernant le nombre de

9 touristes, et le nombre de nuits qu'ont passé les touristes en Croatie. Ce

10 nombre a commencé à devenir de plus en plus petit au début de l'année 1998

11 [sic] est devenu encore plus moindre qu'en 1989. Et bien sûr, c'était avant

12 le conflit armé, mais la stabilité politique était déjà assez claire. Les

13 gens avaient compris qu'il y avait un problème et je crois qu'il est

14 important également de dire que la présence d'un conflit armé en

15 Yougoslavie n'a fait qu'intensifier cet effet. Nous pouvons voir très

16 clairement au tableau qu'à la fin de 1991, il y a eu un nombre très

17 important de touristes, qu'ils ne sont plus présentés. Il y a une chute

18 importante pour ce qui est du tourisme dans la région en question.

19 Q. Merci. Je vous demanderais de vous référer à certains tableaux. Il

20 s'agit de la page 12 de votre rapport en haut de page.

21 R. Oui.

22 Q. Si j'ai bien compris votre rapport, la chute la plus dramatique du

23 nombre de touristes a eu lieu à Dubrovnik, et cela a eu lieu avant le début

24 du conflit armé. C'est ce que vous dites dans votre rapport. Donc vous

25 dites qu'en 1977, [sic] il y a eu 892 [sic] touristes, alors qu'en 1987, il

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1 y a eu 892 [sic] touristes. Donc c'est ce qui figure à la page 11, et c'est

2 la première phrase à la page 12.

3 R. Oui, c'est tout à fait juste. Les événements de Dubrovnik suivent le

4 graphique à la page 17. C'est-à-dire que le graphique à la page 17, parle

5 de la situation en Croatie de façon générale, et non pas de Dubrovnik, mais

6 je crois que l'on peut appliquer ce graphique pour ce qui est de la ville

7 de Dubrovnik également.

8 Q. Si j'ai bien compris, le nombre de touristes par rapport à l'année 1990

9 à chuter de 30 fois, c'est-à-dire que, alors qu'en 1987, il y avait 33 489

10 [sic] touristes, en 1999 [sic] nous pouvons trouver 116 824 [sic].

11 R. Oui. La chute est assez catastrophique.

12 Q. Et c'est arrivé en 1990 tout ça ?

13 R. Bien, le processus a commencé un peu plus tôt comme j'ai déjà

14 mentionné. Les touristes devenaient de plus en plus conscients de ce qui se

15 passaient en Yougoslavie, même avant que les conflits armés ne débutent.

16 Q. Donc vous serez d'accord avec moi pour dire que la chute la plus

17 dramatique, donc la chute 30 fois, c'est-à-dire, c'est plus de

18 3 000 % concernant le nombre de séjours à Dubrovnik, et cela a eu lieu

19 avant que le conflit armé ne se fasse pas voir sur ce territoire, n'est-ce

20 pas ? Est-ce que j'ai raison de dire cela ? Il s'agissait d'une réponse

21 générale concernant l'instabilité de la Yougoslavie et ce sont les

22 événements qui se sont déroulés, de façon générale, en Yougoslavie. Mais je

23 n'ai pas parlé d'événements qui se déroulaient plus précisément et

24 spécifiquement dans la ville de Dubrovnik.

25 Q. Vous avez peut-être déjà répondu mais je veux être tout à fait certain

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1 que je vous ai bien compris. Donc la chute, la plus dramatique de 30 fois,

2 a eu lieu avant même que le premier coup de feu ne se fasse entendre soit

3 dans la ville de Dubrovnik ou dans les environs. Est-ce que vous êtes

4 d'accord avec moi ? Je vous demande simplement de répondre par un oui ou

5 par un non.

6 R. Oui, c'est tout à fait juste. Et si je comprends bien, c'est que le

7 premier coup de feu s'est fait entendre au mois d'octobre de cette année

8 donc après la saison touristique.

9 Q. Je vous demanderais -- je vous prie de répéter l'année ? Quelle est

10 l'année dans laquelle le conflit a débuté ?

11 R. Est-ce que vous parlez de la Croatie de façon générale ou de

12 Dubrovnik ?

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. Si vous parlez de Dubrovnik, je crois que c'était vers la fin de 1991.

15 Q. [aucune interprétation]

16 R. [aucune interprétation]

17 Q. Je crois que c'est peut-être parce que, pour ces interprétations en

18 B/C/S, je n'avais pas entendu la réponse. Bien donc, vous savez qu'en 1990,

19 pour ce qui est de la ville de Dubrovnik et pour ce qui est du territoire

20 assez -- du territoire de l'ex-Yougoslavie, il n'y a pas eu, pratiquement

21 pas, de conflits -- de conflits armés, n'est-ce pas ? Il y avait eu

22 quelques incidents en 1990 mais pas de conflits armés en tant que tel.

23 R. Il y avait quelques incidents. Je me souviens que, lorsque je suis

24 descendu le long de la côte Dalmate cette année-là au mois de mai lorsqu'il

25 y a eu le référendum sur l'indépendance de la Croatie, il y a eu toute une

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1 succession de barrages routiers, militaires et policiers justement à cause

2 des problèmes qu'ils y avaient, qui se faisaient sentir sur -- dans

3 l'arrière pays. Donc il y a eu des violences sporadiques un peu partout.

4 Q. Vous venez de faire une erreur, Monsieur, je voudrais attirer votre

5 attention là-dessus. Je suis tout à fait certain que vous ne le faites

6 sûrement pas exprès. Mais en quelle année le référendum a-t-il eu lieu ? Le

7 référendum en Croatie puisque c'est la façon dont vous avez répondu, je

8 peux conclure que le référendum a eu lieu en 1990. Est-ce que vous dites,

9 vous affirmez toujours cela ?

10 R. Non, je crois que je me suis trompé et j'ai dû faire une erreur, un

11 lapsus. Oui, c'était en 1991.

12 Q. Oui, mais justement, c'est ce que je voulais savoir. Donc vous nous

13 avez donné une impression de l'année 1990, mais vous voulez parler de

14 l'année 1991, je présume ?

15 R. Non, je suis vraiment désolé. Je ne sais pas d'où j'ai pu tirer l'année

16 1990, c'est-à-dire, il s'agit vraiment d'un lapsus, mais c'était en 1991.

17 Q. Les processus politiques ont peut-être eu lieu mais il n'y a pas eu de

18 conflits armés, n'est-ce pas, en 1990 ?

19 R. Oui, c'est tout à fait juste, mais, comme j'ai déjà dit un peu plus

20 tôt, lorsqu'on parle de tourisme, il s'agit d'une -- quelque chose de très

21 sensible. Chaque fois qu'il y a une attente -- chaque fois que l'on

22 s'attend à ce qu'il y ait des problèmes, on fait toujours très attention.

23 Et pour vous citez un exemple en 1989, après la chute du mur de Berlin,

24 c'est un exemple que je voulais vous citer pour simplement vous dire de

25 quelle façon les touristes répondent à l'instabilité qui existe dans une

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1 région. Et cela s'est fait ressentir dans l'Europe et aux Etats-Unis, la

2 chute du mur de Berlin.

3 Q. Très bien. Mais je ne veux pas vous poser de questions concernant la

4 municipalité de Dubrovnik puisque vous ne vous y trouviez pas à cette

5 époque-là. Mais je vous pose une question concernant le tourisme et je

6 voudrais que l'on parle de tourisme après les conflits. Donc ne nous parlez

7 pas de Dubrovnik mais répondez-moi de façon suivante : donc en 1993 et

8 1994, la guerre ou plutôt le conflit armé existait en Bosnie-Herzégovine et

9 ce conflit armé se déroulait à une centaine de mètres de la municipalité de

10 Dubrovnik et, à quelques endroits, c'était encore plus près. Donc il y a

11 des conflits armés dans la partie un peu plus occidentale de la

12 municipalité donc la région de Krajina, la région de la Slavonie de

13 l'ouest. Et je vous demande donc de me dire si quelque chose qui se déroule

14 à un kilomètre de la municipalité de Dubrovnik si cela a une incidence

15 directe sur le tourisme pour la ville de Dubrovnik indépendamment des

16 circonstances à Dubrovnik ?

17 Mais le fait qu'il y ait une guerre à 500 mètres de la municipalité, est-ce

18 que cela a une incidence cruciale pour ce qui est de la visite des

19 touristes qui pourraient affluer vers cette région et dans cette ville ?

20 R. Encore une fois, pour vous dire que les difficultés du conflit armé ont

21 ralenti l'afflux et ont ralenti le tourisme dans la région, de nouveau, je

22 vais vous montrer le graphique que j'ai présenté à la page 17, vous pouvez

23 voir les chiffres qui ont été compilés pour l'année 1992. Vous pouvez voir

24 et l'année 1993 et 1994, les touristes ont pris du temps à revenir dans la

25 côte Dalmate et même après que la Croatie n'ait plus été impliqué

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1 directement dans la guerre, c'était assez difficile pour les touristes de

2 revenir. Et si j'ai bien compris, certaines -- les zones de la côte Dalmate

3 ont eu du mal et ont pris beaucoup de temps avant de retrouver le nombre de

4 touristes qui affluaient vers ces régions auparavant.

5 Q. Donc vous êtes d'accord avec moi pour dire que si l'on prend pour

6 acquis qu'il n'y a pas eu de conflits sur la côte Dalmate, la proximité de

7 la Bosnie-Herzégovine a eu une incidence telle sur le tourisme de la région

8 Dalmate -- de la côte Dalmate. Donc le tourisme aurait été particulièrement

9 affecté par ceci, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, je crois que oui.

11 Q. Je vous demanderais donc -- un instant, je vous prie, je consulte le

12 document.

13 Bien si j'ai bien compris, vous connaissez très bien la ville de Dubrovnik,

14 vous avez passé un certain nombre d'années et je peux vous poser des

15 questions concernant la ville même, il s'agit de choses que vous citez dans

16 votre rapport. Je crois qu'il s'agira de questions fort simples ou si vous

17 le permettez, je commence par vous posez la question suivante : dans votre

18 rapport, j'imagine que vous parlez d'un endroit, j'imagine que vous y êtes

19 rendu plusieurs fois, est-ce que vous savez où se trouve Babin Kuk ?

20 R. Et bien, Babin Kuk se trouve à la fin de la péninsule qui se trouve au

21 nord-ouest de la ville qui jouxte donc, c'est-à-dire, qui sort sur

22 l'Adriatique. De nouveau, si j'avais une carte, je pourrais, certainement,

23 vous montrer l'endroit.

24 Q. Je suis bien satisfait avec la réponse. Je n'ai plus besoins de plus de

25 précision, merci. Est-ce que vous savez où se trouve le parc Gradac, par

Page 538

1 exemple ?

2 R. Oui, c'est un parc qui se trouve tout près des remparts de la ville

3 donc je crois que c'est du côté nord-est.

4 Q. Est-ce que vous savez où se trouve le parc Bogisica ?

5 R. Non. Je ne sais pas où se trouve ce parc. Le nom me dit quelque chose,

6 mais je ne peux pas identifier cet endroit.

7 Q. Un instant, je vous prie. Est-ce que vous savez où se trouve Lapad ?

8 R. Oui. De nouveau donc, si on commence par l'entrée de -- enfin si on

9 commence par Gruz, Lapad est la péninsule qui se trouve à l'ouest, du côté

10 de la mer de la baie de Gruz.

11 Q. Si l'on parle de Babin Kuk, elle n'a pas -- je vous prie de me dire

12 s'il y avait beaucoup d'hôtels en 1991. Est-ce que vous connaissez qu'il y

13 a eu un complexe hôtelier qui avait été construit à Babin Kuk, puisqu'il y

14 a plusieurs hôtels à Lapad ?

15 R. Et bien, c'est tout à fait naturel que les hôtels soient construits au

16 bord de la mer, il y a eu un hôtel pour ce qui est de Babin Kuk, qui

17 s'appelait Neptun, au début, mais pour ce qui est du développement de Babin

18 Kuk, en tant que zone hôtelière, je crois que ce développement a eu lieu

19 assez tard. Je sais qu'il y a un groupe d'hôtels de luxes qui avaient

20 construit à cet endroit-là, même s'il s'agit d'un rocher qui n'est pas très

21 beau et qui sort sur la mer, mais je sais qu'il a eu un hôtel qui s'appelle

22 l'hôtel Le Président.

23 Et pour ce qui est de la baie de Lapad, il y a eu plusieurs hôtels

24 construits à cet endroit-là, et tout de l'autre côté de Gruz.

25 Q. Est-ce que vous savez où se trouve la Libertas ?

Page 539

1 R. Oui. Bien sûr. Oui. Oui. Certainement. Cet hôtel fait face directement

2 à la vieille ville, je ne me souviens de plus de la baie, du nom de la baie

3 en question, mais oui, je connais très bien où est situé cet hôtel.

4 Q. Je vais vous poser une question. Sachant très bien que vous n'avez pas

5 été à Dubrovnik en 1991, je ne vous demande pas de nous parler des

6 événements qui ont eu lieu au mois d'octobre, novembre et décembre 1991, ni

7 pour ce qui est du mois de janvier 1992. Mais prenons pour acquis, par

8 exemple, que l'hôtel Libertas était une cible militaire légitime, un

9 objectif militaire. Je ne veux pas que l'on se lance dans un débat, à

10 savoir si, oui ou non, c'était effectivement un objectif militaire légitime

11 ou non. Mais, si l'on prend pour acquis qu'il s'agissait d'une telle chose,

12 est-ce que vous auriez eu peur de séjourner ces hôtels-là, sachant qu'il

13 s'agissait d'un objectif militaire légitime ?

14 R. Si, effectivement, il s'agissait d'un objectif militaire légitime, cet

15 hôtel aurait été endommagé, je ne comprends tout à fait où vous voulez en

16 venir. Et, effectivement, cet hôtel a été endommagé de façon assez

17 sérieuse.

18 Q. Si, par exemple, les hôtels de Lapad devraient représenter un objectif

19 militaire légitime, je ne dis pas que cela a été le cas, et je ne prétends

20 pas que vous puissiez le savoir, mais, si jamais -- s'il s'agissait

21 d'objectif militaire civil légitime, et ce qu'on aurait endommagé de façon

22 considérable ces hôtels, si tel avait été le cas.

23 R. Je sais que nous nous trouvons ici dans un champs de mines juridique,

24 si vous voulez, mais je ne sais pas ce que représente un objectif militaire

25 légitime, en réalité. Il s'agit d'une question assez sensible. Je ne peux

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1 donc pas émettre de conjecture, n'y faire de commentaire là-dessus.

2 Q. Monsieur Allcock, je ne vous demande pas de nous donner une réponse

3 concrète concernant cela, mais j'aimerais simplement savoir si vous, en

4 tant qu'expert dans le domaine du tourisme, êtes-vous d'accord avec moi

5 pour dire que, s'il s'agissait d'un objectif militaire, qu'un hôtel qui

6 servait d'objectif militaire, par exemple, pourrait ou aurait pu être

7 sérieusement endommagé. Je ne demande pas que vous me parliez des faits, je

8 ne vous demande pas de me dire si vous le savez ou non, mais je vous

9 demande seulement si vous êtes d'accord avec moi.

10 R. Je suis assez perplexe. Je ne sais pas comment répondre à votre

11 question et comment la comprendre. Je ne sais pas si un hôtel peut devenir

12 un objectif militaire civil. Je crois qu'il s'agit d'une question assez

13 hypothétique. Si, oui, effectivement, il s'agissait d'un objectif militaire

14 légitime. Bien, à ce moment-là, il s'agit d'une telle chose, mais je ne

15 comprends vraiment pas où vous voulez en venir.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Kaufman, je vous écoute.

17 M. KAUFMAN : [interprétation] Le témoin a dû mal répondre à cette question,

18 et je souhaiterais soulever une question concernant la pertinence de cette

19 question. Je crois qu'il s'agit d'un témoin qui est venu témoigner, en tant

20 que témoin expert. Je ne crois pas qu'il peut donner d'opinion concernant -

21 - sur cette question.

22 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

23 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

24 permettez, je souhaiterais préciser. Je ne souhaite pas émettre de

25 conjecture là-dessus.

Page 541

1 Je ne veux pas demander à M. Allcock de nous parler d'objectif militaire,

2 mais je veux simplement savoir si quelqu'un, qui est un expert dans le

3 domaine du tourisme, si cette personne croit qu'un hôtel, qui aurait été

4 considéré comme un objectif militaire, et si un tel hôtel, par exemple, sur

5 le toit duquel on aurait posé un canon, et ce que ce fait même aurait pu

6 avoir une incidence sur le tourisme. C'est-à-dire, qu'à ce moment-là, est-

7 ce que cet hôtel en question pourrait subir des dommages ? Et est-ce qu'à

8 ce moment-là, il estime que cela a une incidence du nombre de tourismes qui

9 viendraient séjourner dans cette région ? Donc c'est tout ce que je

10 souhaite savoir.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que j'ai saisi votre

12 question, Maître Petrovic. Je crois, par contre, que cette question n'est

13 pas assez claire, et il est vrai que M. Kaufman était assez inquiet, quant

14 à la forme de votre question, et je partage son inquiétude. Mais, si je

15 comprends bien, vous voulez dire que, si un bâtiment ne représente un objet

16 militaire, est-ce qu'à ce moment-là, cela a un intérêt particulier ? Donc

17 est-ce qu'à ce moment-là, les touristes ne viendraient pas dans cet hôtel.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que l'on peut parler d'exemple

19 particulier. J'ai vu certains nombres d'hôtels à Dubrovnik qui,

20 effectivement, étaient devenus des objectifs militaires. Certains hôtels

21 avaient été clairement identifiés, en tant que telles. Je ne sais pas si

22 vous avez -- si j'ai bien répondu --

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que votre réponse est donc

24 oui.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que je n'oserais pas m'avancer plus

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1 pour ce qui est de cette réponse.

2 M. PETROVIC : [interprétation] Très bien. Donc, à ce moment-là, je vais

3 passer à une autre série de questions.

4 Q. Dans votre rapport, vous parlez également des citoyens de la

5 composition des habitants de la municipalité de Dubrovnik. Et vous parlez

6 de la deuxième moitié du 20e siècle et des personnes qui étaient venues s'y

7 installer. Je vous demanderais de nous dire -- de préciser de quelle époque

8 il s'agit, à quel moment est-ce que le plus grand nombre de personnes est

9 venu s'installer à Dubrovnik, et de nous parler de quelles régions les gens

10 sont venus en plus grand nombre ?

11 R. C'est après 1965 que le plus grand nombre de personnes est venu

12 s'installer -- habiter. On a construit des infrastructures et les touristes

13 pouvaient arriver après. Donc on a commencé également à construire des

14 hôtels et d'infrastructures, donc c'est dans la deuxième partie des années

15 1960, vous pouvez voir que le tourisme est devenu le plus important.

16 L'économie yougoslave a commencé à avoir certaines difficultés au cours de

17 la fin des années 1970 et certainement au début des années 1980. Et pour ce

18 qui est de l'expansion du tourisme, je crois que cela a commencé à diminuer

19 un peu autour de cette période-là. Donc, pour être assez -- pour parler

20 d'une façon assez générale, je crois que la période la plus importante de

21 l'expansion du tourisme se situerait entre 1971 et 1981. C'est à ce moment-

22 là que le plus grand -- que la population a obtenu son plus grand -- son

23 apogée. Et je crois que l'influx de population le plus important est ce que

24 je viens de vous dire. Enfin, je n'ai pas vraiment examiné la chose de plus

25 près. Je crois que ma réponse est plutôt fondée sur le ouï-dire, si vous

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1 voulez. Mais, d'une certaine façon, pour déduire, si vous voulez, je crois

2 que la composition ethnique de Dubrovnik est restée plus ou moins constante

3 après la période -- après la guerre, avec une majorité assez importante de

4 personnes qui, dans le recensement, se sont déclarées comme étant des

5 Croates. Donc on peut conclure que les personnes, qui étaient venues

6 s'installer dans la ville de Dubrovnik, venaient certainement de d'autres

7 provinces autour de Dubrovnik, donc de la Croatie. Et je crois que, pour ce

8 qui est du tourisme -- de l'industrie touristique en Yougoslavie, je crois

9 que la partie -- la proportion la plus importante viendrait de

10 l'Herzégovine de l'Ouest, mais je n'ai pas étudié la chose et analysé le

11 tout en détail.

12 Q. Fort bien. Vous parlez de ça dans votre rapport, mais ce que vous venez

13 de dire correspond exactement à ce que je souhaitais obtenir de vous dans

14 votre réponse. Dans ces conditions, étant donné ce que vous écrivez dans

15 votre texte, quant aux changements intervenu dans l'identité de la ville,

16 compte tenu également de ce que vous venez de dire, à savoir que c'est, à

17 ce moment-là, donc entre 1971 et 1981, que la croissance la plus importante

18 de la population a eu lieu et que la plupart des nouveaux arrivants dans la

19 ville était originaire de Croatie, et notamment de l'Ouest de

20 l'Herzégovine. Donc, en vertu de tout cela, conviendriez-vous avec moi que

21 la -- le changement de l'identité culturelle de la ville, dont vous parlez

22 dans votre rapport, a eu lieu en fait déjà, à ce moment-là, ou, en tout

23 cas, a commencé à peu près, à ce moment-là, c'est-à-dire, entre 1971 et

24 1981 ?

25 R. Je pense que nous parlons de deux processus différents -- de deux

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1 transformations différentes, vous et moi. En effet, dans votre question, je

2 crois voir en arrière-plan le fait que le processus de modification

3 démographique dans la région aurait été un processus qui avait commencé

4 bien avant et, à cet égard, oui, effectivement, il y a eu une certaine

5 pression démographique constante dans la culture de Dubrovnik depuis la

6 Seconde guerre mondiale. Mais j'aimerais, également, appeler votre

7 attention sur une partie importante de mon rapport qui est pertinente par

8 rapport à cette question et que vous avez peut-être d'ailleurs lue, à

9 savoir, la différence importante qui existe entre cette culture locale,

10 comme je tente de la décrire dans mon rapport, en la qualifiant de

11 relativement moderne. Et donc il existe un processus assez intéressant qui

12 se déroule, processus au cours duquel on voit que des gens sont recrutés au

13 sein de cette population de Dubrovnik, si je puis utiliser ce terme, au

14 cours précisément de cette augmentation du tourisme, dans les années 1960

15 et 1970, des gens qui ont récemment été assimilés à la population locale.

16 Et donc les caractéristiques d'un mode de vie moderne se développent à

17 partir de là. Donc il y a un choc qui se produit entre d'autres régions du

18 monde et, composée donc des étrangers qui viennent à cet endroit pour un

19 certain temps, et puis cette nouvelle vague d'arrivants qui viennent

20 également de l'extérieur depuis les troubles des années 1990 et déjà la

21 génération précédente.

22 Q. Je suis d'accord avec vous; cependant, je ne crois pas que cela

23 corresponde tout à fait à ce que vous dites dans votre rapport, en page --

24 je cherche le numéro de page, une seconde -- en page 12. Donc, en page 12,

25 dernier paragraphe de cette page, vous dites : "Avant 1991, il y avait un

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1 certain sentiment de différenciation de la part de ceux qui se

2 considéraient comme étant de véritables dubrovnikois, c'est-à-dire,

3 appartenant 'réellement' à la ville de Dubrovnik, par rapport aux arrivants

4 plus récents." Donc je crois que là vous parlez d'une distinction entre --

5 vous dites quelque chose de différent dans votre texte écrit, par rapport à

6 ce que vous venez de dire oralement à l'instant. S'agissant de quelques

7 points de pourcentage, le nombre le plus important d'immigrants étant

8 arrivés entre 1971 et 1981, n'est-ce pas ?

9 R. Je ne pense pas qu'il y ait nécessairement contradiction entre ce qui

10 est écrit et ce que j'ai dit oralement. Je pense que ce que j'ai dit

11 correspond à ce que j'ai écrit, à savoir que les habitants, qui habitaient

12 à Dubrovnik depuis longtemps, pouvaient se considérer comme étant les réels

13 dubrovnikois, c'est-à-dire, ceux qui avaient précédé l'expansion du

14 tourisme dans la ville. Nous parlons de deux processus distincts, n'est-ce

15 pas, ou est-ce que je n'ai pas bien expliqué les choses ?

16 Q. Votre explication est tout à fait claire, mais ce qui m'intéresse à

17 présent, c'est la chose suivante, à savoir, est-ce que je vous ai bien

18 compris ? Avez-vous bien dit que les gens qui sont arrivés dans la ville en

19 1971 se considéraient déjà comme les réels habitants de Dubrovnik ? Et que

20 donc, en 1991, ils se considéraient comme des dubrovnikois à part entière.

21 Ou bien, il y a-t-il contradiction entre les deux réponses ?

22 R. Je ne pense pas qu'ils puissent se considérer comme de réels

23 dubrovnikois, mais ils avaient sans doute davantage le droit de prétendre à

24 ce qualificatif que certains d'entre-nous. En effet, c'est un phénomène que

25 je connais bien dans l'Ouest du Yorkshire, d'où je suis originaire. J'y ai

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1 habité à partir de 1966 et donc c'est là que se trouve ma maison, ma

2 famille, et il y a une certaine assimilation qui s'est produite, mais je ne

3 peux pas me considérer comme un yorkshirois, à part entière.

4 Q. Nous conviendrons donc que le changement d'identité culturelle subi par

5 la ville de Dubrovnik ne s'est pas produit en 1991, 1992 ou 1993, mais

6 qu'il s'agit d'un processus qui a évolué en plusieurs étapes, étapes qui

7 ont commencé déjà en 1965 et se sont poursuivies par la suite. Donc, ce

8 n'est pas -- il n'y a rien de particulier à cet égard dans les évènements

9 de 1991 ? C'est quelque chose que vous avez découvert au cours d'au moins

10 deux décennies avant la date dont nous parlons ici ?

11 R. Ce n'est pas quelque chose de particulier à la période qui a commencé

12 en 1991, je trouve simplement que c'est un phénomène intéressant parce que,

13 lorsque je suis retourné à Dubrovnik depuis la fin du conflit, j'ai vu que

14 des résidents très anciens de la ville parlaient de cette question, et donc

15 cela m'est nécessairement apparu comme un élément intéressant. Il est

16 question donc, dans la bouche de ces habitants, de l'absence de

17 civilisation de la part des gens qui sont arrivés dans la ville après 1991.

18 Je trouve cela intéressant.

19 Q. En 1971, est-ce que l'on parlait déjà de cette façon de ceux qui sont

20 arrivés entre 1965 et 1971 ?

21 R. C'est très probable. Je n'étais pas dans la ville à l'époque, mais

22 c'est très probable.

23 Q. Oui, bien sûr. Donc, vous connaissez bien l'ex-Yougoslavie. Dites-moi,

24 je vous prie, si la majorité des habitants arrivés à Dubrovnik venaient

25 d'Herzégovine occidentale et il -- y a-t-il des caractéristiques

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1 particulières de cette population ? Donc la population originaire de

2 l'ouest de l'Herzégovine, que vous pourriez nous décrire, quel est le

3 profil de cette population ? Est-ce que ces personnes avaient des

4 convictions particulières, des points de vue, des idées particulières ?

5 Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

6 R. Oui. D'abord, je ne suis pas sûr de pouvoir dire quelle est la

7 proportion exacte de nouveaux venus à Dubrovnik dans cette période qui

8 viennent de cette région particulière. C'est plutôt une impression que j'ai

9 à ce sujet et je ne sais pas si une quelconque étude très précise a été

10 faite quant à l'origine exacte des nouveaux arrivants dans la ville. Mais,

11 un élément sur lequel j'ai écrit quelque chose par le passé, a été repris

12 par des spécialistes des sciences sociales qui se sont penchés sur l'ex-

13 Yougoslavie, à savoir que les différences culturelles les plus importantes

14 entre les populations venues de différentes régions -- pour les unes

15 rurales pour les autres urbaines, donc la culture des gens qui sont arrivés

16 dans les villes est très différente de celle de ceux qui venaient des

17 campagnes. Et cette généralisation est également vrai, voyez-vous, entre

18 les gens qui ont emménagés à Ljubljana et qui venaient d'ailleurs, ou les

19 gens qui ont emménagé à Skopje et qui venaient d'Herzégovine pour se rendre

20 dans les grandes villes de la côte. Donc il y a une différence, je crois,

21 entre les modes de vie urbains et ruraux et on peut s'attendre à ce que ce

22 genre de chose soit perçu comme un élément très caractéristique par les

23 habitants locaux.

24 D'ailleurs, au passage, nous parlons ici de déplacement de population et

25 l'hypothèse qui préside à vos questions est que nous parlons de gens qui

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1 ont déménagé pour s'établir de façon définitive. Donc l'une des

2 caractéristiques les plus intéressantes et les plus importantes des

3 déplacements de population dans la région touristique de Dubrovnik résident

4 dans les migrations saisonnières, à savoir, donc que quelque chose un peu

5 différent des déplacements de population.

6 Q. Monsieur Allcock, j'ai essayé d'obtenir de vous un éclaircissement

7 quand aux caractéristiques particulières de ces nouveaux venus originaires

8 de l'ouest de l'Herzégovine et qui s'installe à Dubrovnik ? Comment est-ce

9 qu'un dubrovnikois de souche parlerait d'un nouveau venu originaire de

10 l'ouest de l'Herzégovine, à votre avis ?

11 R. J'essaie de penser -- à un exemple qui pourrait illustrer ce propos au

12 genre de terme qui aurait pu être utilisé, le terme qui me vient

13 immédiatement à l'esprit c'est "proust". C'est un terme utilisé assez

14 souvent.

15 L'INTERPRÈTE : Il s'agit du mot à votre santé, "santé".

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, les gens ne sont pas hyper raffinés

17 et puis enfin -- c'est ce que certains auraient dit à leur sujet -- et puis

18 un autre commentaire entendu assez fréquemment c'est le fait qu'il

19 surestimait la réelle valeur des objets. Donc vous voyez les habitants de

20 souche de Dubrovnik se considéraient comme des personnes qui connaissaient

21 la réelle valeur des choses alors que pour les nouveaux venus, ils auraient

22 tendance à dire qu'ils connaissaient sans doute le prix de tout mais la

23 réelle valeur de rien.

24 M. PETROVIC : [interprétation]

25 Q. Comment est-ce que les dubrovnikois de souche concevaient l'importance

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1 de la culture et de la religion, donc de leur identité culturelle et

2 religieuse ? Et comment est-ce que cette importance de la culture et de la

3 religion était perçue par les nouveaux arrivants venant d'Herzégovine ?

4 Est-ce que vous avez une réponse sur le plan social à ce sujet, une réponse

5 logique ?

6 R. Et bien, je devrais penser à plusieurs choses pour répondre à votre

7 question. Plusieurs éléments très divers, d'ailleurs. Et l'un de ces

8 éléments, qui a souvent été évoqué, c'est la grande fierté nationale que

9 l'on trouvait au sein de ces populations. Il le serait très bien, je pense,

10 par la grande fête d'un saint patron de la ville de Dubrovnik et c'est un

11 très bon point de départ pour répondre à votre question. Il me semble, en

12 effet, qu'il y a -- c'est donc la fête de Saint Blaise, qui est au cœur des

13 traditions populaires de la ville, le saint patron de la ville --

14 Q. Je dois vous interrompre parce que ça nous pouvons le lire dans votre

15 rapport.

16 R. Et bien, je n'ai peut-être pas bien compris votre question.

17 Q. Ecoutez, aucune nécessité de nouvelles interprétations à ce sujet. Mais

18 ce que je vous demandais -- et je pense que c'était une question assez

19 claire -- consistait à vous demander s'il existait une différence de

20 perception sur le plan culturel et religieux entre les habitants de souche

21 de Dubrovnik et les nouveaux arrivants dans la ville venus d'Herzégovine

22 occidentale, s'il existait une différence de perception dans ces domaines.

23 R. Une des choses qui, à mon avis, a changé suite aux conflits c'est que

24 l'identité ethnique a acquis une importance plus grande. C'est bien ce dont

25 vous parlez, n'est-ce pas ? Et je pourrais, à titre d'exemple, indiquer que

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1 l'identité ethnique ne présidait pas de façon tout à fait évidente aux

2 rapports entre les gens. A cet égard, je pourrais citer un certain nombre

3 d'anecdotes qui illustrent bien la situation par le passé, mais

4 j'ajouterais que les gens, avec qui j'ai travaillés, que j'ai rencontrés

5 donc au cours d'un certain nombre d'entretiens, représentaient différents

6 groupes ethniques et que, par le passé, cela ne m'était pas indiqué de

7 façon particulièrement distinctive. Et je pourrais vous donner d'autres

8 exemples si vous souhaitez des détails complémentaires sur ce point. Mais

9 l'une des conséquences de tout cela ce n'est pas simplement les événements

10 de l'hiver qui nous intéressent ici, mais le processus de désintégration de

11 la Yougoslavie, dans son ensemble, donc cette montée du sentiment ethnique

12 -- du sentiment d'appartenance ethnique, qui devient de plus en plus

13 important au fil du temps et cela n'a rien de particulièrement étonnant,

14 puisque depuis le début de vos questions, vous parlez de l'Herzégovine

15 occidentale parce que donc, même dans l'identité croate, il y avaient des

16 modifications, des nuances. Donc ça c'était un changement important dans

17 les dernières années.

18 Q. Est-ce que vous percevez le même degré de tolérance, donc le même

19 esprit par rapport aux gens venus de l'extérieur ou par rapport aux gens

20 d'autres appartenances ethniques entre les anciens habitants de la ville de

21 Dubrovnik et les nouveaux venus ? Je ne pense pas que je puisse poser cette

22 question plus clairement ou plus brièvement.

23 R. Ce que je dirais à ce sujet c'est que bien le domaine que j'étudiais

24 était le tourisme. J'ai passé des périodes assez longues à Dubrovnik et

25 donc j'ai pu me familiariser d'assez prêt avec la façon dont les gens

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1 percevaient la vie dans cette ville et depuis la fin du conflit, depuis mon

2 retour, depuis la fin du conflit je ne suis pas retourné à Dubrovnik très

3 souvent. Donc je ne suis pas aussi certain de ce que je vais dire par

4 rapport à cette période ultérieure au conflit que je le suis de ce que je

5 pourrais dire de ce qui a précédé. Cependant, je pense qu'une chose qui a

6 fait couler beaucoup d'encre s'agissant des gens de cette région par

7 rapport aux nouveaux arrivants et je ne me centrerai pas uniquement sur

8 l'appartenance ethnique, mais sur le fait que les nouveaux arrivants

9 étaient un peu considérés de façon générale comme des vautours ou des

10 pigeons qui étaient venus dépecés les ossements de Dubrovnik, c'est-à-dire,

11 prendre l'argent que l'on pouvait trouver à Dubrovnik et que ce n'étaient

12 pas des gens qui appréciaient l'importance qualitative de la ville. C'est

13 le genre de chose que les gens disaient assez souvent autour de moi depuis

14 la fin du conflit.

15 Q. J'ai posé ma question trois fois de façon différente sans obtenir de

16 réponses, donc je ne vais pas répéter ma question. Mais je vous renvoie,

17 s'il vous plaît, à la page 13, de votre rapport, deuxième paragraphe. Vous

18 parlez de spécificité, vous soulignez comme étant très spécifique le fait

19 qu'à Dubrovnik, un candidat indépendant l'avait emporté lors des élections

20 à la chambre sociopolitique de l'assemblée nationale du Sabor. Alors

21 qu'est-ce que cela a de tellement particulier. Pourquoi est-ce que c'est là

22 un fait particulièrement important ?

23 R. Il est important de resituer cette remarque dans le contexte de

24 l'argumentation globale qui est faite dans cette partie du texte, à savoir

25 qu'il y a quelque chose d'assez différent entre la culture des anciens

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1 habitants de la ville de Dubrovnik, qui ne sont pas simplement limités aux

2 costumes traditionnels ou aux éléments d'ancienneté du "folklore", mais qui

3 se retrouvent dans un certain nombre d'aspects très divers de l'existence.

4 Et, si vous regardez les résultats de ces élections, auxquelles je fais

5 référence dans ce passage du texte, la victoire d'un candidat indépendant

6 était quelque chose de très inhabituel et cela m'a frappé lorsque j'ai

7 examiné de plus près les différents documents liés à cette élection dans la

8 ville de Dubrovnik. J'ai vu que Dubrovnik sortait du lot, donc ne

9 correspondait pas au schéma que l'on pouvait retrouver ailleurs en Croatie.

10 C'est la seule raison pour laquelle j'en fais état dans mon texte.

11 Q. Quel genre de schéma existait-il dans le reste de la Croatie, dont

12 Dubrovnik -- à laquelle Dubrovnik ferait exception. Qui l'a emporté dans

13 les autres régions de Croatie à l'issu de ces élections ? Donc quelle est

14 la différence sur laquelle vous vous efforcez d'appeler l'attention du

15 lecteur ?

16 R. Et bien, l'importance du fait que c'est le candidat indépendamment

17 qu'il a remporté, c'est qu'il ne dépendait pas de l'appareil du parti,

18 voyez-vous, donc je n'ai pas réussi de retrouver le nom de cet individu,

19 mais j'ai lu un certain nombre de rapports sur les débats qui ont eu lieu

20 dans cette région. Et, si vous regardez les résultats des élections dans le

21 reste de la Croatie, il apparaît très clairement que ceux qui l'ont

22 emportés, en général, étaient des représentants de différents partis avec

23 des appareils importants derrière eux. Notamment, si l'on parle du HDZ,

24 donc l'Union démocratique croate et de l'ancien Parti communiste. Et puis

25 c'étaient donc des gens -- des candidats qui avaient des moyens matériels

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1 importants, leur permettant de communiquer avec leur électorat et de

2 l'emporter. Et je suppose que ce qui ressemble le plus à ce qui s'est passé

3 à Dubrovnik, c'est ce qui s'est passé en Istrie, où on a également un

4 certain nombre de candidats qui n'étaient pas -- qui l'ont emporté en étant

5 organisé au sein de partis politiques. Le Parti démocratique de l'Istrie,

6 et également d'autres régions sur la côte Damalte où des candidats plus

7 locaux l'ont emportés.

8 Q. Est-ce que vous expliqueriez la chose suivante ? En disant qu'il est

9 normal pour des candidats d'être membre du parti politique ou de ne pas en

10 être membre, et donc d'être des candidats indépendants. Vous parlez

11 d'autres régions, vous parlez des autres partis de la Croatie où, pour

12 l'essentiel, ce sont des candidats du HDZ qui l'ont emporté. Mais est-ce

13 que vous dites quelque chose de particulier au sujet de Dubrovnik ou est-ce

14 que vous établissez simplement la comparaison entre de Dubrovnik et le

15 reste de la Croatie ?

16 R. C'est intéressant de se pencher plus près sur cette question, mais ce

17 que je me suis efforcé de faire, en essayant de définir quel était le

18 schéma que l'on retrouvait à l'issu des élections dans les résultats du

19 vote dans le reste de la Croatie, je crois qu'on voit immédiatement que la

20 situation de Dubrovnik était un peu différente, que Dubrovnik sortait du

21 lot et donc ne correspondait pas à ce schéma général de la Croatie. Ça

22 serait intéressant de se pencher de plus près sur la question, pour savoir

23 quelles sont les raisons exactes de ce phénomène ou, si ce phénomène avait

24 des conséquences plus profondes, mais, en tout cas, dans mon rapport, j'en

25 suis arrivé au stade que je décris et je n'ai pas eu la possibilité de

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1 faire des recherches plus approfondies. D'ailleurs, je n'aurais pas pu le

2 faire même si j'en avais eu les moyens.

3 Q. Mais nous sommes dans un domaine qui correspond à votre spécialité

4 professionnelle, n'est-ce pas, à savoir, quelles sont les motivations d'un

5 groupe X de la population, à agir d'une façon plutôt que d'une autre.

6 Quelle est la différence entre l'origine donc de leur mode d'actions ?

7 Quelle est la différence entre le candidat pour lequel, ils ont voté ici,

8 et le candidat pour lequel ils ont voté dans les municipalités voisines sur

9 le plan sociologique ? Pouvez-vous nous le dire quelle était la motivation

10 des actions et des conséquences des actions dans la ville de Dubrovnik par

11 rapport au reste de la Croatie ?

12 R. Je pense que vous vous rendrez bien compte que, lorsqu'on est expert,

13 on évite un danger important, à savoir, un danger de déviation. Il

14 convient donc de prendre en compte l'ensemble de la connaissance sur telle

15 ou telles questions, et j'ai parlé des résultats de tels ou tels

16 professeurs, qui ont été étudiés pour moi avant la rédaction de mon

17 rapport. Mais cette différence ne peut pas servir de base à la définition

18 d'un phénomène en tant que tel. Il n'y a pas de travail publié qui a étudié

19 cette question.

20 Et j'aimerais donc me pencher d'abord sur les publications qui ont pu être

21 faites sur ce sujet avant de vous parler de quelque chose de tout à fait

22 inhabituelle dans la ville du Dubrovnik.

23 Q. Mais est-ce que nous sommes autorisé à penser que sur le plan politique

24 et sociologique, le candidat indépendant correspond à l'idée que se faisait

25 de la politique, le dubrovnikois de souche, qui donc serait différent de la

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1 perception qu'aurait de la politique, un nouveau venu dans la ville de

2 Dubrovnik. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire ?

3 R. Je pense que cette question qui est posée avec une certaine ruse, et

4 bien, je ne pourrais pas y répondre. Ce résultat n'est pas anormal sur le

5 plan régional, mais je ne sais pas ce qui se cache derrière l'utilisation

6 du terme normal ou anormal. Je n'ai pas d'élément pour étayer mon propos

7 sur ce point.

8 Q. Et bien, si vous ne pouvez pas m'expliquer cela, si vous ne pouvez pas

9 répondre à ma question, je vous demanderais pourquoi, en page 12, de votre

10 rapport, vous dites, je cite : "Eu à cet égard, les signes les plus

11 classiques de différenciations, telle que l'appartenance ethnique était

12 peut-être moins important à Dubrovnik que la frontière séparant ceux qui

13 étaient des habitants primaires de la ville et ceux qui ne pouvaient pas

14 prétendre à ce qualificatif."

15 R. Et bien, je pense que nous sommes ici face à une question très

16 complexe, et je comprends que dans votre question il y a en fait deux sous

17 questions.

18 La première, c'est de savoir et vous avez très bien cité une phrase de mon

19 rapport. La phrase qui commence donc par les mots : "A cet égard, les

20 marques de différenciations plus classiques, tel que l'appartenance

21 ethnique, était peut-être moins importante," et cetera, et cetera. Donc

22 c'est la conclusion à laquelle je suis parvenu sur la base des documents

23 que j'ai étudiés au sujet des résultats des élections. Et, de ma part, il

24 s'agissait d'une tentative de résumer mon sentiment en me penchant sur

25 cette question sur une période de temps assez longue et en me fondant

Page 556

1 également sur le travail de d'autres collègues scientifiques qui avaient

2 publié un certain nombre de choses à ce sujet et je donne leurs noms dans

3 les notes en bas de page.

4 Mais il existe aussi une autre question très différente de celle-ci, à

5 savoir, est-ce qu'il pouvait exister un lien entre le fait que les

6 habitants de Dubrovnik avaient voté comme ils l'ont fait au cours de ces

7 élections et la suite. Et là, il s'agirait de conjectures si l'on pensait

8 qu'il y avait entre les deux événements un rapport quelconque. Tout ce que

9 j'ai fait dans ce paragraphe c'est d'établir sur la base d'un certain

10 nombre d'indices politiques, culturelles, et cetera, et cetera, qu'il était

11 permis de dire que Dubrovnik possédait une culture locale assez différente

12 du reste de la Croatie. C'est un facteur sur lequel on peut fonder une

13 telle déclaration, mais aller au-delà de cela, je crois, ne serait que de

14 la théorie et risquerait de nous induire en erreur.

15 Q. Puisque nous sommes dans le domaine de la sociologie, si je vous

16 comprends bien, c'est précisément pour cette raison que je vous ai demandé

17 s'il existait effectivement une différence de ce point de vue et puisque

18 vous dites qu'il y a une différence de la définir.

19 R. Si nous parlons de cette question des élections, je pense que nous ne

20 pourrions que spéculer et je ne souhaite pas le faire. En effet, il y a

21 deux raisons tout à fait différentes pour lesquelles ce résultat des

22 élections est différent du reste et il faudrait une rechercher préalable.

23 Une recherche préalable, une recherche scientifique pour établir laquelle

24 de ces deux raisons a prévalu. En effet, l'une peut-être celle que vous

25 laissez entendre dans vos remarques, à savoir que des résultats différents,

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1 des votes différents, auraient pu émaner de gens qui se considéraient comme

2 de très anciens habitants de Dubrovnik, bien établis dans la ville, et du

3 vote émanant des nouveaux arrivants. C'est un motif possible, mais il y en

4 a un autre qui pourrait venir de la présente de tourisme, facteur de

5 modernisation dans ce secteur, et je sais que des critiques ont souvent été

6 émises à l'encontre du HDZ, comme étant un parti très traditionaliste, (57-

7 58) par revenir sur un certain nombre de valeurs de la modernisation -- un

8 certain nombre de facteurs de modernisation. Donc, cela pourrait être

9 également être une raison à évoquer, mais, en l'absence d'études à ce

10 sujet, c'est impossible de se prononcer. Donc, j'en reviens à ce que j'ai

11 déjà dit, à savoir, que mon ambition en rédigeant cette partie du rapport,

12 était beaucoup plus limitée. Et que, j'ai simplement dit que, sur le plan

13 culturel, Dubrovnik se distinguait d'autres parties de la Croatie.

14 Q. Je crois vous avoir compris en décembre, donc la dernière fois -- Je

15 crois vous avoir compris comme ayant dit que la dernière fois que vous êtes

16 allé à Dubrovnik c'était en décembre. Et que vous êtes allé dans plusieurs

17 régions de l'ex-Yougoslavie et que vous avez publié une recherche sur les

18 attitudes et les perceptions de la population dans ce secteur, sur le plan

19 politique, entre différents moments. C'est bien cela, n'est-ce pas, ou est-

20 ce que je ne vous ai pas bien compris ?

21 R. Non, c'est exact, en effet. J'ai participé à la rédaction d'un ouvrage

22 sur les nouveaux partis politiques de l'ex-Yougoslavie et une version

23 révisée de cet ouvrage est parue par la suite. C'est exact, en effet.

24 Q. Et vous avez travaillé à la rédaction de cet ouvrage, mais vous ne

25 pouvez pas répondre à mes questions plus en détail que cela.

Page 558

1 R. Je pense qu'il est important de tenir compte de la nature exacte de

2 l'ouvrage en question. Il s'agissait d'une étude très vaste destinée à

3 aborder un certain nombre de renseignements très divers, concernant toutes

4 les républiques de l'ex-Yougoslavie. Et, à cet égard, il y avait un certain

5 nombre d'anomalies qui sont apparues du point de vue de l'activité

6 politique entre telle ou telle région. Dans certaines régions, ces

7 activités pouvaient avoir lieu. Dans d'autres, non. Donc, je ne pourrai pas

8 me fonder sur ce travail pour répondre comme vous semblez le souhaitez à la

9 question que vous m'avez posée. Mais, l'étude en question était une étude

10 beaucoup plus vaste, qui était associée à des travaux faits par des

11 collègues yougoslaves et qui portait sur une période beaucoup plus longue.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, est-ce que nous

13 pourrions suspendre maintenant.

14 M. PETROVIC : [interprétation] Je crois que oui. Monsieur le Président,

15 mais est-ce que vous pourriez nous dire si nous poursuivrons les débats

16 aujourd'hui ou si nous devons terminer l'audition de ce témoin à la fin de

17 l'après-midi.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous nous attendions, Me Petrovic, à

19 ce que une nouvelle pause ait lieu, mais je crois comprendre que vous êtes

20 presque arrivé à la fin de votre contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

21 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'attendais à

22 contre-interroger le témoin beaucoup plus brièvement que je ne suis en

23 train de le faire, car un certain nombre de questions sont apparues au

24 cours du contre-interrogatoire, que je n'avais pas prévues. Donc,

25 malheureusement, le temps que j'avais prévu au départ ne me suffira pas. Ce

Page 559

1 sont des questions importantes que j'aimerais discuter avec le témoin. Je

2 vous prie de m'excuser pour cela, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien sûr, mais vous vous rendez bien

4 compte que ce témoin ne peut pas revenir dans le prétoire demain. Donc il

5 va falloir que vous l'interrogiez plus rapidement, car je crois me souvenir

6 que la présence de ce témoin est nécessaire ailleurs demain. Donc il

7 faudrait que nous achevions l'audition de ce témoin ce soir et avant la fin

8 de l'audience, il faudra qu'un certain temps soit réservé aux questions

9 supplémentaires de l'Accusation.

10 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je le comprends bien,

11 mais il est possible que, malheureusement, des questions que je souhaite

12 poser au témoin ne puissent pas être posées dans ces conditions. Cependant,

13 je ferai de mon mieux, mais je crains fort que des questions importantes ne

14 puissent pas être abordées dans ce lapse de temps.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est à vous qu'il appartient

16 d'établir vos priorités, Maître Petrovic, de définir ce qui est important à

17 vos yeux et ce qui ne l'est pas. Mais les engagements de ce témoin sont

18 également importants, donc il faudra terminer son audition ce soir.

19 Pause d'un quart d'heure.

20 --- L'audience est suspendue à 18 heures 02.

21 --- L'audience est reprise à 18 heures 20.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic.

23 M. PETROVIC : [interprétation] Pourrions-nous passer l'espace d'une minute

24 à huis clos partiel.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous allons passer à huis clos

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1 partiel.

2 [Audience à huis clos partiel]

3 (Expurgé)

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1 (Expurgé)

2 (Expurgé)

3 (Expurgé)

4 (Expurgé)

5 [Audience publique]

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, vous n'êtes pas forcé

7 par les juges à choisir telle ou telle façon de procéder, le choix reste le

8 vôtre. Nous avons observé le comportement de votre client, sa santé nous

9 préoccupe tout comme elle vous préoccupe vous. Nous avons rendu une

10 décision à la lumière des observations que nous avons pu faire. Si vous

11 souhaitez mettre un terme maintenant à votre contre-interrogatoire c'est

12 vous qui prenez cette décision. S'il y a d'autres question que vous voulez

13 poser, libre à vous de le faire, vous en avez le temps. A vous de prendre

14 une décision maintenant.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Monsieur le Président, merci d'avoir

16 apporter ces précisions, mais je me dois de dire que cette décision repose

17 sur l'impossibilité dans laquelle se trouve mon client de suivre les

18 débats. Il n'est plus en mesure de comprendre ou d'écouter ce que nous

19 disons dans ce prétoire aujourd'hui et c'est cela qui me pousse à prendre

20 la décision que je prends. Je renonce aux questions que je voulais poser à

21 ce témoin. Je n'ai plus qu'une question à lui poser et ce sera là la

22 dernière question posée dans le cadre de ce contre-interrogatoire.

23 Q. Monsieur Allcock, voici ma dernière question, elle est en rapport avec

24 les conclusions que vous tirez dans votre rapport à la page 16.

25 Au second paragraphe de la page 16 vous dites ceci la démilitarisation de

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1 la ville était une condition posée à l'obtention du statut de patrimoine

2 culturel mondial, statut accordé en 1979 par l'Unesco.

3 Voici ma question : Convenez-vous avez moi du fait que toute militarisation

4 de la ville de Dubrovnik est une violation de cette condition posée par

5 l'UNESCO. Répondez par oui ou par non.

6 R. Avant de vous répondre de la sorte, je voudrais préciser ceci. Mon

7 rapport porte sur la vieille ville de Dubrovnik, et si je comprends bien,

8 c'est la vieille ville qui est un site du patrimoine culturel mondial. Ce

9 n'est pas toute la municipalité qu'il est. Il faut que les juges soient au

10 courant de cette distinction.

11 C'est d'ailleurs le cas, j'en suis certain. Mais je suppose que s'il y

12 avait eu militarisation de la vieille ville de Dubrovnik, ceci aurait été

13 une violation des conditions initiales. Mais c'est sans doute une question

14 de droit et je ne suis pas à même d'y répondre.

15 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre

16 question à poser à ce témoin.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Petrovic.

18 Monsieur Kaufman, vous avez la parole.

19 M. KAUFMAN : [interprétation] J'ai deux questions essentielles dans le

20 cadre de l'interrogatoire supplémentaire.

21 Nouvel interrogatoire par M. Kaufman :

22 Q. [interprétation] Monsieur Allcock, s'agissant de l'effet qu'ont eu les

23 caractéristiques culturelles et historiques dans l'évaluation des effets du

24 conflit sur le tourisme. De nombreuses questions vous ont été posées,

25 notamment à propos de l'empire austro-hongrois.

Page 563

1 Est-il à votre avis nécessaire de puiser dans l'histoire pour voir quels

2 sont les effets de ce conflit sur le tourisme.

3 R. Voici comment je comprends les choses. Ce n'est pas tellement

4 pertinent. Si j'ai précisé les éléments historiques à cette région,

5 c'étaient pour placer ce conflit dans un cadre que l'on puisse comprendre,

6 mais je ne pense pas que ces conditions historiques ont eu cet effet.

7 Q. Autre question de fond que j'aimerais vous poser. On l'a trouve à la

8 page 44, du compte rendu d'audience. Vous n'avez pas ceci sous les yeux, je

9 le précise pour le dossier de l'audience. Ligne 11, on vous a demandé quel

10 avait été l'effet de ceci -- l'effet du conflit en Bosnie-Herzégovine. On a

11 dit que ne serait-ce que pour ce conflit, les effets du conflit auraient

12 été vraiment tout à fait spectaculaire.

13 Mais quel a été l'effet supplémentaire du conflit sur Dubrovnik ? Je pense

14 notamment au tableau que vous mentionnez dans votre rapport.

15 R. Difficile de le mesurer de façon précise, mais on peut donner à certain

16 poids à de nombreux facteurs. Notamment, le fait qu'on a interrompu les

17 vols civils. En d'autres termes, il était pratiquement impossible que des

18 touristes viennent à Dubrovnik. Il y a eu de plus en plus d'obstacles pour

19 ce qui est du transport routier le long de la côte de l'Adriatique du fait

20 de ce conflit. Difficile de chiffrer la perte en touristes, mais du fait

21 qu'il y avait à Dubrovnik même un conflit, ceci a un effet tout à fait

22 spectaculaire sur la possibilité de maintenir des activités touristiques>

23 Q. Reste à avoir si la Défense va citer un expert pour vous contredire,

24 mais vous avez fait l'objet d'un contre-interrogatoire serré, dirais-je,

25 sur vos qualifications. Et maintenant, je pense que le moment est venu de

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1 rétablir un bon équilibre. Pourriez-vous parler de la dissémination de vos

2 travaux dans le monde universitaire ?

3 R. Vous parlez de travail que j'ai fait en matière de touriste ou de façon

4 générale ?

5 Q. Les deux.

6 R. De façon générale, j'ai été un peu dérangé par le succès de mes

7 ouvrages, notamment, de l'ouvrage que j'ai écrit pour expliquer

8 l'Yougoslavie, ceci a provoqué, a donné lieu à des critiques très

9 flatteuses, et a donné lieu à des échanges avec beaucoup d'universitaires

10 de par le monde.

11 Il y a eu ce livre mais aussi mes autres travaux, et à cause de ceux-ci,

12 j'ai reçu deux nouvelles invitations. L'une consistant à être chef de

13 programme de recherches dans le cadre du programme de développement des

14 Nations Unies et l'autre invitation consistait à faire partie d'un groupe

15 de chercheurs, c'est le professeur Charles Ingram qui m'avait habité, et

16 qui veut étudier les différentes interprétations qu'il y a à la

17 désintégration de l'Yougoslavie. Je pense que c'était quelque chose de tout

18 à fait flatteur que de recevoir ces invitations.

19 Q. Page 22, de la traduction en anglais de votre rapport d'expert, vous

20 avez été consultant dans beaucoup de cas, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Tôt récemment, le ministère des Affaires étrangères.

23 Q. Oui. Les Affaires étrangères.

24 R. Excusez-moi d'être particulariste, ça arrive même à un sociologue.

25 Oui. Il y avait un nouvel ambassadeur qui avait pris poste à Belgrade et le

Page 565

1 ministère des Affaires étrangères avait organisé un séminaire

2 d'introduction. J'avais été invité moi-même, il n'y a qu'un autre

3 universitaire britannique qui a reçu le même genre d'invitation. Les autres

4 venaient de Serbie.

5 Oui, voilà, le genre de travail de consultant que j'ai fait.

6 Q. Dernière question : Vous l'avez dit au moment de votre interrogatoire

7 principal, et si je vous donne l'occasion de revenir sur la question, la

8 question de votre compétence surtout ici au TPY, vous avez déposé dans

9 d'autres procès, n'est-ce pas, notamment dans le procès Kordic ?

10 R. Oui.

11 Q. Savez-vous combien de fois vous avez cité dans le jugement Kordic ?

12 R. Apparemment, d'après ce qu'on m'a dit, j'ai été cité plusieurs fois,

13 j'ai parcouru, j'ai survolé le rapport sur le cite l'Internet du TPY, mais

14 je n'ai pas eu l'occasion de savoir combien de fois j'ai été cité.

15 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre question.

16 M. KAUFMAN : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions à poser à

17 ce témoin, Madame et Monsieur les Juges ?

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, pas de question. Merci, Monsieur

19 Kaufman.

20 Monsieur le Témoin, je vous remercie d'être venu et d'être revenu en tant

21 que témoin. Nous savons que vous devez être de retour en Grande-Bretagne

22 demain. Votre déposition est terminée, vous pouvez vous retirer.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avions pensé que nous aurions pu

25 déjà commencer l'audition du témoin précédent, mais vue l'inquiétude que

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1 manifeste Me Petrovic à propos de son client, nous pensons qu'il y est

2 préférable de lever l'audience maintenant, l'audience reprendra demain.

3 Je pense que les avocats ont été avisés du fait que la Chambre ne pourra

4 pas siéger comme ceci avait été prévu mercredi. Nous en sommes désolés,

5 mais il y a une question d'importance qui se pose, en ce qui concerne le

6 pays hôte.

7 L'audience est levée.

8 --- L'audience est levée à 16 heures 36 et reprendra le lundi 13 janvier

9 2004, à 9 heures 00.

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