Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

Page 567

1 Le mardi 13 janvier 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez citer l'affaire s'il vous

6 plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-01-42-T,

8 l'Accusation contre Pavle Strugar.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Madame Somers.

10 Mme SOMERS : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président, Madame le

11 Juge, Monsieur le Juge, le premier témoin de l'Accusation sera présenté ce

12 matin. Il s'appelle M. Paul Davies.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si le témoin veut bien faire la

14 déclaration solennelle s'il vous plaît.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN: PAUL DAVIES [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

20 asseoir.

21 Madame Somers, vous avez la parole.

22 Interrogatoire principal par Mme Somers :

23 Q. [interprétation] Pourriez-vous nous donner votre nom, s'il vous plaît -

24 - nom et prénom s'il vous plaît ?

25 R. Je m'appelle Paul Davies.

Page 568

1 Q. Et de façon à pouvoir gagner du temps, nous allons donner des

2 informations générales sur vous. Vous avez -- pendant un certain temps,

3 vous avez été associé à ITN. De quoi s'agit-il ? Est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Il s'agit de ITN.

6 R. Il s'agit d'une chaîne de télévision qui diffuse de l'actualité, c'est

7 un réseau qui s'appelle ITV, c'est un réseau de télévision commerciale au

8 Royaume Uni.

9 Q. Où cette chaîne se trouve-t-elle ?

10 R. A Londres.

11 Q. Quel poste occupez-vous actuellement et quels ont été les postes que

12 vous avez occupé avant d'aller travailler pour ITN ?

13 R. J'étais un correspondant pour ITN. Jusqu'à récemment, j'étais un

14 correspondant international.

15 Q. Quand avez-vous commencé à travailler pour ITN ?

16 R. 1983.

17 Q. Et quand avez-vous commencé à couvrir les conflits pour ITN ?

18 R. J'ai couvert une douzaine de conflits y compris la guerre du Gulf.

19 Q. Lorsque vous parlez de conflit, pourriez-vous nous donner, s'il vous

20 plaît, une indication dans le temps -- en nombre d'années ?

21 R. Bien sûr. Les conflits les plus graves -- les conflits mondiaux que

22 j'ai couverts, ce sont situés entre 1985 jusqu'à 2001, 2002.

23 Q. Et vous avez donc couvert ces conflits, vous avez également couvert le

24 conflit en ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, en grande partie.

Page 569

1 Q. Vous avez été à Dubrovnik, dites-nous, s'il vous plaît, à quel moment,

2 vous vous trouviez à Dubrovnik ?

3 R. Oui. Je me trouvais à Dubrovnik au mois d'octobre, le 31 jusqu'au mois

4 de novembre, jusqu'au 21 novembre.

5 Q. De quelle année, s'agit-il ?

6 R. De trois semaines. Ces trois semaines sont les trois semaines qui se

7 situent en 1990, 1991.

8 Q. Et je pense alors qu'il s'agit de l'année 1991, est-ce cela dont il

9 s'agit, la période du conflit en question ?

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez allumer votre micro, s'il

11 vous plaît. Il s'agit de l'année 1990 ou 1991. S'il vous plaît, Monsieur le

12 Témoin, veuillez préciser.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, 1991. Je sais que ça n'est pas

14 quelque chose que l'on pense forcément. Et je me souviens, évidement, des

15 jours en question et des semaines en question, mais l'année en question,

16 peut-être moins.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, nous allons privilégier

18 l'année 1991 pour l'instant.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de l'année durant laquelle la ville

20 de Dubrovnik a été assiégée, 1991. Oui, tout à fait.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

22 Mme SOMERS : [interprétation]

23 Q. Quelle est votre -- quelle était votre mission à Dubrovnik, s'il vous

24 plaît ?

25 R. Il s'agissait de comprendre les événements qui ont mené à ce siège. Et

Page 570

1 les choses avaient évolué d'une certaine façon déjà, j'avais travaillé dans

2 d'autres régions de l'ex-Yougoslavie et on m'a demandé de pénétrer dans la

3 ville de Dubrovnik pour essayer de comprendre l'enchaînement des

4 événements.

5 Q. Comment êtes-vous arrivé à Dubrovnik ?

6 R. Nous sommes arrivés par bateau. Nous avons pris un avion de Londres

7 jusqu'en Autriche, ensuite nous avons traversé Rijeka, nous avons attrapé

8 un bateau qui nous a amené jusqu'à Rijeka, et il y avait une flottille de

9 bateau qui tentait de parvenir à la ville.

10 Q. Avez-vous essayé de vous y rendre en voiture ?

11 R. Ecoutez, il y a plusieurs équipes qui avaient tenté de le faire, mais

12 cela n'était pas possible, cela n'était plus possible d'arriver à Dubrovnik

13 par des moyens ordinaires et il s'agissait soit par route, soit par voies

14 fluviales, soit par les airs. En fait, toutes les routes normalement

15 empruntées étaient devenues très difficiles à cause de la situation

16 militaire.

17 Q. Très bien. Alors, vous n'avez pas pu voyager par avion ?

18 R. Les routes avaient été bloquées, il y avait des combats et -- les

19 routes n'étaient pas bloquées à cause des combats, mais parce qu'il y avait

20 des barricades qui avaient été érigées par l'armée. Et lorsqu'on arrivait à

21 Dubrovnik, il y avait ces barricades qui avaient été érigées par la JNA,

22 l'armée yougoslave.

23 Q. Et lorsque vous êtes arrivés à Dubrovnik, où avez-vous été hébergé ?

24 R. Dans un hôtel, qui s'appelait l'hôtel Argentine. C'était un hôtel qui

25 se trouvait aux abords de la vieille ville, un hôtel qui était le quartier

Page 571

1 de la communauté internationale et d'un certain nombre de diplomates et

2 d'observateurs européens.

3 Q. Avez-vous des contacts avec un groupe de personnes qui s'appelait le

4 groupe d'observateurs européens, l'ECMM ?

5 R. Nous étions en contact avec eux et nous les rencontrions tous les jours

6 à cause de notre mission en vertu du travail que nous -- notre activité sur

7 place, mais également nous nous voyons en dehors du travail.

8 Q. Combien de temps a duré votre séjour à Dubrovnik ?

9 R. Trois semaines.

10 Q. Pourriez-vous nous donner à peu près un cadre temporel, s'il vous

11 plaît ?

12 R. Entre le 31 octobre jusqu'au 21 novembre.

13 Q. Vous dites dans votre déclaration à la page 2, simplement, il s'agit de

14 corriger les faits ici. Vous dites en bas de page, "Que nous sommes arrivé

15 à Dubrovnik le 31 décembre." S'agit-il ici d'une erreur typographique ?

16 R. Oui. On devrait y lire le mois d'octobre.

17 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Dubrovnik, pourriez-vous parler de

18 l'atmosphère générale qui prévalait dans la ville à ce moment-là ? Je parle

19 de la ville de Dubrovnik ainsi que les quartiers avoisinants.

20 R. Je crois qu'il y avait une atmosphère de crainte parce que cela était

21 dû aux barricades qui avaient été érigées, qui empêchaient

22 l'approvisionnement en nourriture et il y avait des problèmes d'eau assez

23 graves déjà.

24 Q. Quels types de problèmes d'eau ?

25 R. Les habitants avaient du mal. Il y avait -- il n'était plus possible de

Page 572

1 s'approvisionner en eau comme les habitants le faisaient à l'accoutumée,

2 avaient l'habitude de le faire à cause de l'action des militaires. C'est ce

3 qu'on nous avait dit. Dans certaines régions, c'était sous le contrôle des

4 autorités croates et ensuite l'approvisionnement en eau a tout simplement

5 été arrêté.

6 Q. Et qu'en est-il de la nourriture ?

7 R. La nourriture manquait. Le rationnement avait commencé. La distribution

8 de nourriture se faisait -- se faisait aux civils. Il y avait également des

9 problèmes d'électricité. L'électricité fonctionnait mal et les gens avaient

10 commencé à utiliser les générateurs.

11 Q. Connaissez-vous bien la région de Dubrovnik ou la région qu'on appelle

12 la vieille ville ?

13 R. Oui, je la connais bien.

14 Q. Comment avez-vous appris à connaître cette vieille ville ?

15 R. Et bien, je m'y étais rendu précédemment. Je m'étais rendu en ex-

16 Yougoslavie lors d'un tremblement de terre et j'avais couvert cet

17 événement, en ce moment-là, et l'hôtel où nous nous trouvions est tout

18 proche de la vieille ville. A pied, cela n'est pas loin du tout. Nous

19 pouvions voir la vieille ville de l'hôtel où nous nous trouvions et nous

20 pouvions nous rendre dans la vieille ville tous les jours et c'est la

21 raison pour laquelle nous nous trouvions là, à ce moment-là, car les

22 combats dans Dubrovnik et aux alentours de Dubrovnik n'étaient à grande

23 échelle, eu égard à ce qui se passait dans d'autres régions de la

24 Yougoslavie. On s'intéressait beaucoup à Dubrovnik, car en Grande Bretagne,

25 Dubrovnik était une région très bien connue car -- à cause de ses sites

Page 573

1 culturels. C'était un haut lieu du tourisme.

2 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Dubrovnik à ce moment-là, est-ce qu'il

3 s'agissait encore d'un lieu de tourisme.

4 R. Non, je n'ai vu aucun touriste à ce moment-là. Les barricades avaient

5 été érigées depuis quelques semaines déjà. Lorsque nous sommes arrivés, il

6 n'y avait aucun touriste en vue.

7 Q. Que pensez-vous de la vieille ville ? Pourquoi autant de touristes

8 arrivaient-ils pour visiter cette vieille ville ?

9 R. Ecoutez, c'était une forteresse médiévale qui a été très, très bien

10 conservée. C'est un vieux château. C'était un château tout à fait

11 exceptionnel, dans le sens où ce château n'était pas en ruines. C'était un

12 château médiéval quasiment intacte, tout à fait unique. Il y a un élément -

13 - qui était habité, c'était tout à fait exceptionnel.

14 Q. Qu'est-ce que vous entendez par là ?

15 R. Et bien, les habitants vivaient dans la vieille ville, à l'intérieur

16 des remparts. Il y avait des zones d'habitation, des magasins, des cafés.

17 Il ne s'agissait pas seulement d'un site touristique, auquel les touristes

18 se rendaient par autocar. C'était une vieille ville habitée.

19 Q. Et pendant toutes les fois que vous vous trouviez, comment pourriez-

20 vous décrire les habitants ?

21 R. Et bien, les habitants qui vivaient là, vivaient dans la crainte.

22 Q. Ecoutez, je vais essayer de m'exprimer d'une façon plus claire.

23 S'agissait-il de civils ? Qui étaient ces habitants de la vieille ville ?

24 R. Pour la plupart, des gens tout à fait normaux. C'étaient des habitants

25 de la ville avant que les chiffres ne commencent à augmenter avec l'afflux

Page 574

1 de réfugiés. Les gens venaient de l'extérieur pour échapper au combat. Il y

2 avait quelques militaires qui se trouvaient dans la région, mais, pour la

3 plupart, les habitants de la vieille ville, étaient des habitants qui

4 avaient toujours vécu à Dubrovnik.

5 Q. Donc, vous parlez de la population civile, pour l'essentiel.

6 R. C'est exact.

7 Q. Et nous avons -- vous avez évoqué le conflit en cours. Avez-vous pu

8 constater quoi que ce soit dans la vieille ville qui aurait pu indiquer

9 qu'il y avait des préparatifs en vue de protéger la population ou à ce qui

10 le conflit -- ou un conflit devait éclater.

11 R. Je pense, écoutez, la seule chose qui me vient à l'esprit est l'élément

12 suivant. Il y avait des abris souterrains qui avaient été préparés à

13 l'intérieur des remparts de la vieille ville. Et il y avait un grand nombre

14 de personnes qui se rassemblait à cet endroit-là lorsqu'il y avait des

15 bombardements.

16 Q. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous avez observée à l'égard à la

17 façon dont les monuments, les bâtiments avaient été construits et

18 protégés ? Quelque chose de particulier ?

19 R. Des éléments de protection, s'il s'agissait de se protéger contre des

20 attaques éventuelles ? Non, il n'y avait aucun signe de préparation

21 militaire. Et de toute façon, il semble que ce qui est -- aurait été prévu

22 pour protéger la ville de façon toute à fait symbolique, du reste. C'était

23 les drapeaux -- il y avait des drapeaux qui se voyaient de loin, des

24 drapeaux qui flottaient au dessus de la ville, des drapeaux bleu ciel,

25 arborant la sigle des Nations Unies, pour indiquer qu'il s'agissait d'un

Page 575

1 site protégé.

2 Q. Avez-vous jamais entendu parler d'un organisme qui s'appelle l'UNESCO ?

3 R. Oui, je crois qu'il s'agit en fait de drapeaux de l'UNESCO.

4 Q. Saviez-vous s'il y avait des représentants de l'UNESCO présents à

5 Dubrovnik au moment où vous vous y trouviez vous-même ?

6 R. Oui, je savais qu'il y avait des gens, des représentants de l'UNESCO

7 sur place et je pense qu'il s'agissait de gens qui étaient au même hôtel

8 que moi, mais je n'avais pas de contact direct avec eux.

9 Q. Vous avez dit -- Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous avez

10 dit que vous vous rendiez dans la vieille ville au quotidien.

11 R. Au cours des vingt et un, vingt-deux jours où j'ai séjourné à

12 Dubrovnik, je crois qu'il y a qu'un ou deux jours, où je n'ai pas pénétré à

13 la vieille ville.

14 Q. Est-ce que vous pourriez décrire les remparts ? Pourquoi les remparts

15 de cette vieille ville vous intéressaient-ils tant ? Et pourquoi était-ce

16 utile ?

17 R. Et bien, parce c'était un poste d'observation particulièrement

18 intéressant. Et quelque soit la personne qui devait assurer la protection

19 de la ville, il s'agissait, évidemment, d'un poste d'observation tout à

20 fait intéressant -- car cela permettait également à un cameraman de se

21 protéger, car il pouvait, de cet endroit-là, bien voir la scène sans

22 s'exposer. Et nous avons jugé qu'il s'agissait de la meilleure -- d'une vue

23 imprenable de la région.

24 Q. Et lorsque vous étiez à Dubrovnik, avez-vous eu le temps d'observer

25 attentivement les différents quartiers de la ville ? Et, si tel est le cas,

Page 576

1 n'avez-vous jamais remarqué quelque chose qui aurait pu être considéré

2 comme un poste stratégique militaire dans la vieille ville ?

3 R. Non. Et, oui, je me -- il est vrai que j'aurais pu observer certaines

4 positions militaires, si positions militaires il y avait eu. Mais à aucun

5 moment je n'ai remarqué quoi que ce soit que j'aurais pu appeler un poste

6 militaire. Il n'y avait même pas d'hommes portant des armes. Il n'y avait

7 rien de la sorte sur les remparts, et je n'ai pas vu d'armes. La seule

8 occasion pendant laquelle j'ai pu voir des armes dans la vieille ville,

9 était, encore une fois, c'est difficile d'être très précis en la matière,

10 j'ai vu des pistolets qui avaient été portés par une personne qui était

11 armée, une personne qui circulait parmi les civiles. Mais c'était assez

12 rare. En tout cas, on n'a jamais vu personne porter des armes

13 -- se trouver sur les remparts, et qui tirait des coups de feu sur la

14 ville. Nous n'avons jamais rien vu de la sorte.

15 Q. Et si je vous ai bien compris, je -- vous n'auriez jamais pu constater

16 ou observer qu'il y avait l'utilisation d'armes lourdes, ou de personnes

17 qui portaient des armes lourdes dans la ville.

18 Q. Pendant tout le temps que vous avez passé à Dubrovnik, avez-vous

19 personnellement pu observer des tirs, des coups de feu émanant de la

20 vieille ville ?

21 R. Non, je n'ai jamais vu de tirs -- je n'ai jamais entendu ou observé des

22 coups de feu tirés de la vieille ville. De temps en temps, nous avons

23 entendu des coups de feu, mais ces coups de feu ne venaient jamais de la

24 vieille ville.

25 Q. Il y a-t-il un moment, pendant votre séjour, où la vieille ville a été

Page 577

1 bombardée.

2 R. Oui.

3 Q. Et quand -- pourriez-vous préciser, s'il vous plaît, à quel moment a-t-

4 on commencé à bombarder la vieille ville ?

5 R. La toute première fois, je crois, il devait s'agir du 10 novembre. Il

6 s'agissait du deuxième jour, à mon sens, de la période de quatre jours de

7 tirs, à partir de laquelle Dubrovnik a été attaquée. Un certain nombre de

8 bris de mortiers sont tombés sur la ville. Et ces évènements ont précédé

9 l'attaque à grande échelle qui a ensuite été lancée contre la vieille

10 ville.

11 Q. Vous souvenez-vous -- je vais reformuler ma phrase, pardonnez-moi.

12 Pourriez-vous nous parler, s'il vous plaît, des évènements qui ont eu lieu

13 dans la vieille ville au début du bombardement ? Quelle réaction il y a-t-

14 il eu lorsqu'on avait imaginé que la vieille ville puisse être ainsi

15 bombardée ?

16 R. Non. Il n'y avait pas d'attente, dans ce sens-là. Je crois qu'il est

17 exact de dire que les gens craignaient toujours que les combats puissent

18 s'étendre à la vieille ville. Mais, de façon générale, on pensait qu'on

19 allait épargner la vieille ville. Et il y avait un certain nombre de gens

20 qui venaient des parties modernes, des quartiers modernes de Dubrovnik se

21 réfugier dans la vieille ville, en pensant qu'ils seraient plus en sécurité

22 dans la vieille ville.

23 Q. Est-ce que, quelque part, on avait -- on croyait que la vieille ville

24 serait épargnée ?

25 R. On va s'y trouver en sécurité et je crois que cette croyance était

Page 578

1 fondée sur le fait que les habitants estimaient qu'il s'agissait de régions

2 protégées. Rien n'avait été consigné par écrit ou dans un accord ou quoi

3 que ce soit, mais on pensait que cette vieille ville ne serait pas attaquée

4 et qu'on pouvait s'y trouver en sécurité. Et si cela peut vous aider, je me

5 suis également entretenu avec des personnes qui souhaitaient défendre

6 Dubrovnik et j'avais l'impression, d'après eux, qu'ils n'allaient pas

7 transporter des armes dans la vieille ville car si de telles armes devaient

8 se trouver dans la vieille ville, cela allait compromettre ce statut de

9 ville protégée de la vieille ville.

10 Q. Avez-vous jamais entendu parler de la présence de réfugiés dans la

11 vieille ville, des habitants qui sont arrivés en plus grand nombre hormis

12 les résidants habituels ?

13 R. Ecoutez, j'ai vu des réfugiés dans la vieille ville. Je ne savais pas,

14 je ne savais pas exactement s'il s'agissait de résidents habituels ou pas.

15 J'ai vu à certaines occasions, j'ai vu des gens dans des abris. Je ne sais

16 pas s'ils y habitaient de façon régulière mais au moment où j'ai vu des

17 réfugiés dans la vieille ville, ces réfugiés se trouvaient dans des abris

18 souterrains. Je ne sais pas s'il s'agissait de logements temporaires ou

19 non.

20 Q. Et d'après vous, vous souvenez-vous au fait s'il y avait des réfugiés

21 dans la municipalité autour de la ville ? Saviez-vous qu'il y avait un

22 nombre assez important de réfugiés ?

23 R. Oui, il y avait une population de réfugiés assez importante. La plupart

24 avaient été logés à l'hôtel qui n'avait plus de touristes. Et il y avait,

25 également, l'hôtel Belvedère qui se trouvait sur la côte tout près de

Page 579

1 l'hôtel Argentine et on m'avait dit qu'il y avait un certain nombre de

2 réfugiés qui y avaient été hébergés. Et d'autant que les hôtels, dans

3 lesquels s'étaient trouvés les réfugiés auparavant, avaient été endommagés

4 par les bombardements.

5 Q. Avez-vous entendu des commentaires, eu égard à l'âge ou aux conditions

6 de vie des réfugiés ?

7 R. La plupart des réfugiés que nous avons vus nous-mêmes étaient des

8 civils. Il y avait des personnes âgées, il y avait des femmes, des enfants.

9 Parmi les réfugiés que nous avons vus, il ne me semble pas qu'il y avait un

10 nombre important d'hommes et je ne sais pas pourquoi c'était le cas. Peut-

11 être que ces réfugiés-là, ce que nous avons vu étaient ceux qui avaient la

12 priorité. Je ne sais pas, les personnes âgées, les femmes et surtout les

13 femmes avec des enfants.

14 Q. Avez-vous jamais remarqué que certaines de ces maisons et certains de

15 ces hôtels dans lesquels se trouvaient des réfugiés ont été la cible de

16 tirs ?

17 R. Oui, tout à fait. Nous avons visité deux hôtels, tout au début de notre

18 séjour, qui avaient été touchés par les bombardements et nous avons vu que

19 des réfugiés s'y trouvaient. Et un peu plus tard, lorsque l'attaque massive

20 a été lancée contre la ville de Dubrovnik après le 9 novembre lorsque

21 l'hôtel Belvedère a été touché et quasiment détruit dans sa totalité, un

22 nombre de réfugiés s'y trouvaient et dans d'autres endroits le long de la

23 côte et il y avait des réfugiés dans les couloirs et à d'autres endroits.

24 Q. Votre propre hôtel, l'hôtel Argentine parce qu'il y avait des

25 représentants de la communauté internationale, est-ce qu'on avait

Page 580

1 l'impression que vous vous -- est-ce que vous aviez l'impression que vous

2 étiez un petit peu à l'abri ?

3 R. Oui, c'est en tout cas ce que nous espérions. D'après -- et c'est ce

4 que nous disaient les personnes qui y étaient.

5 Q. Est-ce que cet espoir s'est avéré exact ?

6 R. Non pas du tout, l'hôtel a également été touché. A ce moment-là nous

7 pensions que ce serait le dernier endroit touché. C'est une des raisons

8 pour laquelle nous sommes restés là. Il y avait un certain nombre de

9 drapeaux qui avaient été érigés sur les toits de l'hôtel. Encore une fois,

10 il y avait également un drapeau des Nations Unies, il y avait un drapeau

11 des observateurs, des moniteurs européens, il y avait également le drapeau

12 britannique et un drapeau du consulat provisoire du consul britannique.

13 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée au bureau du Procureur, vous

14 avez parlé des événements du 8 novembre 1991, pourriez-vous faire un

15 commentaire à ce propos et nous parler d'un endroit qui s'appelait Srdj,

16 qui était Srdj ?

17 R. Srdj, écoutez, c'était une montagne en quelque sorte, une colline qui

18 domine la vieille ville de Dubrovnik. Un fort de l'époque napoléonienne s'y

19 trouve et c'était évidemment un endroit stratégique. Il était détenu par

20 les Croates et avait -- et permettait d'avoir -- permettait d'observer de

21 façon précise la vieille ville. De ce point de vue stratégique, c'est comme

22 si on regardait un plan de la ville dans le détail donc il était très aisé

23 d'observer les allées et venues dans la vieille ville à partir de cet

24 endroit-là. Ensuite, cet endroit a été attaqué sans cesse pendant un

25 certain nombre de jours. Nous l'avons visité à plusieurs reprises.

Page 581

1 Q. Connaissez-vous une autre région qui se trouve au sud de Dubrovnik ?

2 R. Oui, au sud de Dubrovnik, le long de la côte à Zarkovica, un peu plus

3 loin sur la côte pas très loin de l'hôtel Argentine, ce qui signifie que

4 cet endroit était très près de la vieille ville. Cet endroit a été capturé

5 par la JNA et il y avait un certain nombre d'armes lourdes qui s'y

6 trouvaient. La plupart du temps, il nous semblait que les tirs et les coups

7 de feu venaient de cet endroit-là, tous les tirs qui ont été lancés sur

8 Dubrovnik.

9 Q. Nous avons pu -- vous avez pu visiter Zarkovica pendant votre séjour ou

10 vous -- ou aller derrière les lignes de la JNA à ce moment-là ?

11 R. Non, pas du tout. Il y avait une route qui menait de l'hôtel Argentine

12 dans cette direction là mais il y avait de nombreux coups de feu le long de

13 cette route; c'était une route peu sûre et de temps en temps, il y avait un

14 tir embusqué ou un tireur embusqué qui tirait le long de la route.

15 Q. Quelles étaient les positions qu'occupaient ces tireurs d'élite si vous

16 le savez ?

17 R. Il s'agissait de positions de la JNA, c'était très difficile et ce,

18 voir impossible de savoir exactement, quelle était leur stratégie parce

19 qu'il y avait beaucoup de tirs embusqués. Et un ami journaliste, un de mes

20 amis journalistes a reçu des coups de feu juste devant l'hôtel Argentine et

21 a dû être évacué parce que les gens ne voulaient pas descendre ou remonter

22 sur cette route.

23 Q. Saviez-vous qu'il y avait des activités militaires dans ces montagnes

24 Srdj et Zarkovica ? Pouvez-vous en parler s'il vous plaît ?

25 R. Oui, il y avait des activités militaires, il y avait beaucoup de choses

Page 582

1 qui s'étaient passées cette nuit-là; il y avait beaucoup de tirs et de

2 coups de feu; il y avait beaucoup de tirs. Il y avait -- on voyait les

3 flammes en fait dans la nuit. Nous savions que des gens avaient été tués.

4 Nous sommes partis nous battre et protéger ce que nous pouvions encore

5 protéger cette nuit-là. C'était une région où on se battait beaucoup.

6 Q. Les armes que vous avez vues sur ces collines, savez-vous quel type

7 d'armes était à la position des Croates à Srdj ?

8 R. Ecoutez deux fois, je sais ce que j'ai vu. J'ai vu des gens portant

9 surtout des fusils, une mitrailleuse lourde que détenaient les Croates, ça

10 je me souviens d'avoir vu cela. Et également, des obus de mortiers un peu

11 plus petits et des armes moins lourdes qui étaient utilisées dans la région

12 qui était entre les mains des Croates. Et à plusieurs reprises, ils les

13 déplaçaient; ils faisaient en sorte d'être le plus mobile possible de façon

14 à ne pas pouvoir être pris pour cible. Pour ce qui est de Zarkovica, on

15 voyait -- on voyait les artilleries, et on voyait très bien les canons de

16 ces pièces d'artillerie, et au moment des bombardements, on pouvait les

17 filmer et on voyait les nuages de fumée en sortir au moment où les

18 filmaient, et quelques secondes plus tard, on entendait des explosions dans

19 Dubrovnik.

20 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de comparer les armes qui étaient entre

21 les mains des Croates et qui défendaient Srdj, comparativement aux armes

22 que détenaient les forces de la JNA ?

23 R. Oui, je ne suis pas un expert militaire, mais il n'était pas nécessaire

24 d'être expert militaire pour voir qu'il s'agissait d'une prédominance d'un

25 côté.

Page 583

1 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

2 R. Et bien, l'un des côtés avait d'artillerie, les chars, les vaisseaux.

3 Q. De quel côté il s'agit, de quel des deux ?

4 R. Il s'agit de la JNA alors que les Croates ne disposaient que d'armes

5 légères, de fusils, de pistolets. Ils avaient peu d'armes lourdes. Il

6 s'agissait d'armes qui n'étaient pas du tout efficace. Dans la plupart du

7 cas, ces armes ressemblaient à des armes fait à la maison, et c'est la

8 raison pour laquelle, je peux dire que les Croates n'étaient pas aussi

9 armés que les forces de la JNA.

10 Q. Lorsque vous parlez d'armes légères, de quoi parlez-vous ?

11 R. De petit calibre.

12 Q. Dites-nous de quelles armes vous parlez.

13 R. Je ne suis pas un expert, mais je parle de canons, d'armes qui sont

14 montées sur des roues et qui peuvent déplacer, et si l'on parle du calibre

15 et de leur force, je dirais qu'il s'agissait d'armes qui n'étaient pas

16 aussi importantes que les armes que l'on pouvait voir sur les collines tel

17 Zarkovica, et on ne pouvait pas comparer ces armes avec le pilonnage qui

18 arrivait de l'extérieur de Dubrovnik.

19 Q. Concernant la munition, dont disposaient les forces croates, est-ce que

20 vous aviez des renseignements là-dessus ?

21 R. Je ne peux seulement vous parler de ce que l'on avait dit

22 -- on nous a dit qu'il manquait de munitions. Qu'ils avaient beaucoup de

23 problèmes de s'approvisionner de munitions puisqu'il y avait un blocus

24 terrestre et ils essayaient de s'en approviser par des bateaux, des bateaux

25 à moteur qui arrivaient la nuit. Lorsque vous vous rendiez sur des

Page 584

1 positions, telle la position par exemple sur la colline Srdj, on nous a dit

2 qu'ils avaient si peu de munitions qu'ils avaient reçu les ordres

3 spécifiques de ne s'en servir que dans des circonstances exceptionnelles.

4 Q. Qu'est-ce que cela veut dire ?

5 R. Et bien, lorsque seulement -- lorsqu'on leur tirait dessus, et même à

6 ce moment-là, ils n'avaient le droit de tirer que lorsqu'il considérait que

7 cela serait efficace. Et j'avais entendu dire également que leur politique

8 n'était de ne tirer que lorsqu'on leur tirait dessus, de ne pas provoquer

9 d'autres tirs, ne pas provoquer une attaque provenant des forces opposées

10 puisqu'ils étaient beaucoup plus forts.

11 Q. Dans votre déclaration, vous avez parlé de l'attaque du 9 novembre.

12 J'aimerais vous demander de nous parler de cette attaque. D'abord dites-

13 nous, est-ce que la vieille ville avait été complètement dans un blocus ?

14 R. Je ne crois pas que la vieille ville était impliquée le 9. Je ne crois

15 qu'elle a fait l'objet d'une attaque le 9. Je crois que ce n'est que le 10

16 qu'on a compris que des obus de mortiers étaient tirés dans la vieille

17 même. Mais, si je ne m'abuse, le 9, il s'agissait d'une attaque importante.

18 L'attaque de Dubrovnik qui avait commencé à ce moment-là. Une attaque

19 beaucoup lourde menée contre Dubrovnik et cela n'appliquait des avions qui

20 combattaient depuis le ciel, des navires qui apparaissaient et allaient

21 encercler la ville, et qui disposaient canons, et je dirais qu'il

22 s'agissait plutôt de bateaux munis de canons. Je ne parlerais pas de

23 vaisseaux de guerre dans ce cas-là. Et puis, il y avait aussi des tirs

24 provenant de Zarkovica et de certains endroits que nous ne pouvions pas

25 voir. C'est donc ainsi que j'ai compris la ville avait été sous attaques.

Page 585

1 Les choses étaient bien pires plus tard lorsque nous nous étions rendus

2 compte de l'ampleur de l'attaque.

3 Q. Parlez-nous des villages qui s'appellent Bosanka, est-ce que vous vous

4 souvenez de ce qui s'est passé ?

5 R. Et bien, je crois que c'est un village qui se trouve dans la zone dans

6 laquelle on entendait souvent des tirs pendant la nuit.

7 Q. Qui avait pris ces positions ?

8 R. C'était la JNA. Lorsque nous sommes arrivés ces positions étaient

9 encore tenues par les Croates et, plus tard, c'est la JNA qui s'en était

10 emparé.

11 Q. Vous avez parlé d'une attaque qui était plus forte. Est-ce que cela

12 impliquait les zones entourant de Dubrovnik ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce qu'il y avait des civils qui habitaient dans ces régions-là à

15 Nicrofts [phon] ?

16 R. Oui.

17 Q. Je souhaiterais revenir à la date du 10 novembre et j'aimerais parler

18 maintenant de la vieille ville. Je vous demanderais de nous décrire comment

19 est-ce que vous avez entendu parler du pilonnage de la vieille ville ? OU

20 vous vous trouviez-vous ? D'abord dites-nous lorsque l'attaque avait

21 commencé ?

22 R. Et bien, nous tournions quelques parts à l'extérieur de la vieille

23 ville. Nous avions d'autres points de mire, d'autres points qui nous

24 permettaient de voir la ville de Dubrovnik, et nous nous trouvions donc sur

25 une position, ce que nous faisions normalement c'est que nous nous

Page 586

1 déplacions autour de la ville que pour pouvoir avoir une meilleure vue de

2 ce qui se passait. Il arrivait des moments où il avait une attaque plus

3 précise concentrée sur une partie de la ville, et nous nous essayons bien

4 sûr en nous déplaçant de suivre le bruit de l'impact, et l'impact des

5 explosions pour voir où les obus tombaient précisément, pour savoir qui

6 faisait l'objet de l'attaque exactement. Et alors, pendant l'attaque, nous

7 nous trouvions autour du port, un peu à côté de Srdj sur l'une des routes

8 qui nous permettait d'avoir une meilleure vue de la partie plus moderne de

9 la ville. Alors, que nous tournions à cet endroit-là, nous étions devenus

10 conscients qu'il y avait une attaque, qu'il y avait d'autres journalistes

11 qui nous avaient fait part de cela. Il y avait également des Croates autour

12 de nous qui nous donnaient certaines informations, des fois c'étaient des

13 rumeurs, des fois c'était plus appuyé. Et nous avions entendu dire que la

14 vieille ville avait été touchée. A ce moment-là, nous trouvions cela assez

15 inhabituelle, c'est difficile à croire puisque nous nous trouvions là

16 depuis un certain temps, et nous avions l'impression que la vieille ville

17 serait épargnée, qu'elle ne ferait jamais l'objet d'une attaque et c'est

18 ainsi que nous voulions voir de plus près ce qui s'était passé. Alors,

19 lorsque nous nous trouvions à l'endroit où nous tournions, nous avions

20 entendu une explosion qui ressemblait à l'explosion d'un obus de mortiers

21 tombés dans la vieille ville, et lorsque avant d'arriver dans la vieille

22 ville, nous avions entendu trois ou quatre explosions.

23 Q. Est-ce que vous savez si des monuments culturels et les institutions,

24 plutôt des immeubles culturels avaient été touchés ?

25 R. On nous a dit qu'il y avait eu un dommage, enfin qu'un monastère

Page 587

1 franciscain avait été touché. Je ne sais pas si on peut appeler ce

2 monastère un couvent, mais une partie de cette construction avait été

3 endommagée.

4 Q. Outre le fait que ce jour-là, vous vous trouviez dans la vieille ville

5 le 11 novembre, est-ce que cette journée-là, est-ce que cette date-là à une

6 importance particulière pour vous ?

7 R. Oui, puisque c'était la journée où tout semblait devenir hors contrôle,

8 mais je peux aussi vous dire que c'est la journée de mon anniversaire.

9 Q. Que s'est-il passé dans la vieille ville le 11 novembre exactement ?

10 R. Le 11 novembre la vieille ville avait été touchée et je crois, que

11 cette fois-là, ce n'était pas seulement depuis les hauteurs, mais également

12 depuis la mer puisque j'avais vu des navires, des vaisseaux tirés en

13 direction de la vieille ville et on pouvait également observer des traces

14 d'impact sur les murs de bâtiments. L'attaque était beaucoup plus grande ce

15 jour-là pour ce qui est de plusieurs -- de la majeure partie de Dubrovnik.

16 Et des obus tombaient tout près de la vieille ville. Nous avions pu trouver

17 une position de tournage sur les remparts tout près des portes et nous

18 étions en mesure de filmer les obus qui étaient tirés depuis Zarkovica et

19 ensuite, nous avions pu même traduire leur -- suivre leur trajectoire et le

20 bruit qu'elles [sic] produisaient. Donc de par le bruit, nous suivions la

21 trajectoire de ces obus et certains, de ces obus, nous passaient au-dessus

22 de la tête. Et nous pouvions donc filmer leur point de chute dans la

23 vieille ville et c'est ainsi que nous avons filmé pendant plusieurs heures.

24 Et nous avons pu constater que la vieille ville même avait fait l'objet

25 d'une attaque et avait été fortement touchée. C'est à ce moment-là que j'ai

Page 588

1 pu observer les vaisseaux qui tiraient également.

2 Q. Nous en parlerons un peu plus tard, mais pour l'instant vous avez parlé

3 de la trajectoire d'obus et je présume que c'est ainsi que vous avez pu

4 reconnaître que des obus étaient tirés. Dans votre déclaration vous en avez

5 parlé. Qu'est-ce que vous voulez dire, y avait-il eu une séquence ? Vous en

6 avez parlé dans votre rapport.

7 R. Je pense oui. Vous savez lorsqu'on essaie d'illustrer, lorsqu'on essaie

8 d'avoir des images de ce qui se passe dans un conflit tel que celui-là, la

9 chose la plus difficile pour ce qui est du tournage, c'est d'essayer de

10 filmer le point duquel les mortiers sont tirés. Et ce qui est difficile de

11 filmer un axe de point de l'impact. Normalement, lorsqu'on regarde à la

12 télévision les séquences de destruction et de guerre, on voit beaucoup de

13 fumée et d'endommagement alors qu'ici, on pouvait voir le point d'impact.

14 Enfin il était très difficile à la télé de voir le point d'impact car le

15 caméraman ne peut pas filmer. Mais ce jour-là, j'étais avec un caméraman

16 avait beaucoup d'expérience et le pilonnage était tellement lourd et

17 tellement important de sorte que nous étions réellement en mesure de

18 reconnaître un schéma de bruit suivi par la trajectoire des obus.

19 Q. Parlez-nous de ce schéma, je vous prie, de cette séquence ?

20 R. Et bien, nous étions debout sur les remparts, nous étions tournés en

21 direction de Zarkovica et nous filmions en direction de Zarkovica. Et on

22 pouvait entendre un bruit qui était un peu un bruit sourd qui parvenait

23 d'une certaine distance car nous pouvions voir que -- puisque c'était à une

24 certaine distance, on ne pouvait pas entendre ce bruit sourd à partir du

25 moment ou au moment où cet obus a été tiré. Donc on était en mesure

Page 589

1 d'entendre que cet obus avait été tiré directement vers nous et que cet

2 obus survolait au-dessus --passait plutôt au-dessus de notre tête et

3 ensuite impactait et tombait sur le sol. Donc d'abord, on pouvait entendre

4 un bruit qui faisait un bruit de détonation, ensuite quelques secondes plus

5 tard, on entendait le sifflement de l'obus et le caméraman pouvait se

6 tourner et pointer la caméra en direction de l'endroit où il croyait que

7 l'obus allait tomber. Donc il pouvait ainsi filmer le point d'impact. Et

8 cela s'est passé à plusieurs reprises. C'est ainsi que le caméraman a même

9 pu à plusieurs reprises filmer l'obus tomber sur un toit, passer donc

10 percer le toit et tomber. C'est très inhabituel. Je n'ai jamais vu cela

11 auparavant et je n'ai jamais vu quelqu'un pouvoir filmer ces choses-là

12 d'aussi -- de façon si précise.

13 Q. Vous pouviez entendre ce bruit de détonation, vous pouviez suivre le

14 son, est-ce que vous pourriez nous dire si d'autres personnes pouvaient

15 également observer ce même bruit, entendre tout cela ?

16 R. Oui, tout à fait. Il y avait des personnes qui couraient vers les

17 abris, c'était vous savez un son de sifflement assez épeurant et on

18 entendait donc ce bruit de détonation ensuite le sifflement, quelques

19 secondes se passaient et ensuite on attendait. Comme nous avions acquis

20 beaucoup d'expérience, nous pouvions -- nous avions vu beaucoup d'obus

21 passer par-dessus nos têtes et atterrir à un autre endroit, mais le

22 problème c'est que nous ne savions pas si ces obus n'allaient pas nous

23 tomber dessus. Donc c'était le moment le plus terrifiant, en fait c'est

24 d'avoir entendu la détonation originale et ensuite d'attendre le sifflement

25 et de voir où l'explosion allait avoir lieu.

Page 590

1 Q. Est-ce que vous avez vu à quelques moments que ce soit des forces de

2 l'armée croate sur les remparts avec des armes quelconques ?

3 R. Non, pas du tout, jamais. Et je dois dire que je les cherchais du

4 regard.

5 Q. Revenons maintenant un jour ou deux avant cette date. Parlez-nous des

6 hélicoptères. Y a-t-il eu des hélicoptères utilisés par la partie adverse,

7 est-ce que vous avez pu observer donc, voir des hélicoptères ?

8 R. Je crois que oui j'en ai vu et je dois dire que ce que j'ai vu n'est

9 que ma propre interprétation de ce que j'ai vu. Mais au moment où j'ai vu

10 le pilonnage, j'ai vu des hélicoptères de la JNA au-dessus, dans les airs,

11 dans les positions qui se trouvaient à un endroit assez sûr par rapport aux

12 tirs provenant du sol.

13 Q. Vous est-il jamais arrivé de voir des armes qui étaient considérées

14 comme étant des armes téléguidées ?

15 R. Je pense oui et je dois vous dire que c'était le 12 novembre.

16 Q. De quel genre d'armes s'agit-il ? Pourriez-vous nous décrire ces

17 armes ? De quelle force il s'agissait, quelles étaient les forces qui

18 avaient lancé ces obus téléguidés ?

19 R. Et bien, pour vous décrire cela, je dois dire qu'il s'agissait d'un

20 missile avec un fil derrière. Il n'est pas nécessaire d'être un expert

21 militaire pour reconnaître un missile téléguidé. Mais nous n'étions pas en

22 mesure de voir qui avait tiré ces missiles et l'endroit duquel ces missiles

23 avaient été envoyés mais nous pouvions voir clairement que les missiles

24 provenaient de la zone qui était tenue par la JNA et ils étaient tenus en

25 passant par la mer en direction des hôtels. Je me trouvais à ce moment-là à

Page 591

1 l'hôtel Argentine et je voyais que ces missiles étaient tirés dans la

2 vieille ville.

3 Q. Est-ce que vous avez pu voir des impacts de ces missiles téléguidés ?

4 R. Oui, j'en ai vu plusieurs et j'en ai filmé plusieurs également.

5 Q. Vous nous avez parlé d'armes, vous nous avez parlé de la stratégie de

6 la JNA. Est-ce que vous pourriez nous dire de la coordination, est-ce que

7 vous avez pu obtenir une idée d'une certaine coordination entre ces forces,

8 entre les unités ?

9 R. Après un certain temps, on commence à comprendre qu'il y a des schémas,

10 comment savoir quelle était la norme et quelle n'est pas la norme. Et nous

11 avions compris entre le 9 et le 12 novembre que le conflit avait vraiment

12 pris de l'ampleur. Avant ces dates, il y avait certaines périodes de

13 bombardement, il y avait des avions qui apparaissaient, qui lançaient, qui

14 bombardaient certaines cibles. Ensuite ces bombardements arrêtaient. On ne

15 savait pas à quel moment les bombardements allaient recommencer. Il y avait

16 également des périodes pendant la nuit où on pouvait entendre les tirs qui

17 pouvaient durer de trois à quatre heures. Ensuite, les tirs arrêtaient

18 pendant un certain temps, pendant une période assez longue, on n'entendait

19 plus rien. Mais, pendant cette période-là, entre ces dates que je vous ai

20 dit tout à l'heure, les choses étaient changées. Nous avons compris que

21 l'artillerie tirait de plusieurs endroits différents, y compris Zarkovica,

22 et que les navires étaient apparus depuis la côte, et il y avait donc tous

23 les navires qui lançaient des obus.

24 Q. Il s'agit de -- de la JNA ?

25 R. Oui, tout à fait. Et tout ceci se passait simultanément, et à une

Page 592

1 échelle que nous n'avions pas vue jusqu'à ces dates-là. Et je crois que je

2 peux vous parler d'une attaque coordonnée -- coordonnée. Il s'agissait des

3 unités terrestres, des unités navales. C'est ainsi que, pour la première

4 fois, nous avons vu ces deux unités, donc terrestres et navales, utiliser

5 des -- agir ensembles à une échelle que nous n'avions pas vue jusqu'à cette

6 date. C'était un changement complet, comparativement aux dates précédentes.

7 Q. De ce que vous pouviez voir, vous nous avez décrit qu'il s'agissait de

8 forces terrestres. Est-ce que vous savez si les Croates avaient également

9 des unités de forces terrestres ?

10 R. Je n'ai pas vu de défense aérienne, si vous voulez. Je ne pouvais voir

11 que des bateaux qui n'étaient pas des bateaux de guerre, qui n'étaient pas

12 des vaisseaux, mais simplement des bateaux à moteur qui servaient à évacuer

13 les blessés, par exemple.

14 Q. Vous vous êtes rendu sur le mont Srdj ? Est-ce qu'il y a quelque chose

15 de particulier sur le mont Srdj ?

16 R. Il y a une pierre. Je ne connais pas quelle est l'importance ou la

17 signification de cette pierre, mais je crois que cette pierre était devenue

18 une cible, plus particulièrement, au cours de cette période, donc, en

19 parlant de la nuit du 12 novembre.

20 Q. Est-ce que vous avez -- est-ce que quelque chose est arrivé à cette

21 croix ?

22 R. Sur Srdj, nous avons vu des obus atterrir autour de la croix en

23 question de sorte que -- on pouvait s'apercevoir qu'il ne s'agissait pas

24 d'une coïncidence et, par la suite, nous avons vu qu'elle a fait l'objet de

25 -- qu'elle a été touchée, que cette croix a été touchée. Je n'ai pas pu

Page 593

1 filmer ce qui lui est arrivé. Je crois qu'elle a été touchée.

2 Q. Est-ce que quelque chose vous est arrivée le 11 novembre ?

3 R. Un obus a été tiré. Je crois que cet obus provenait depuis la mer -- a

4 été tiré depuis la mer. Et j'ai été soulevé de la terre et un -- je dois

5 dire qu'un bout, un fragment d'obus s'est incrusté dans le -- dans mon dos.

6 Ce n'est pas un très large fragment d'obus, mais j'ai été blessé.

7 Q. Où vous trouviez-vous ?

8 R. De nouveau, j'étais sur les remparts et c'était un moment où le

9 bombardement était assez important, et c'était lorsque nous étions en

10 train de filmer le pilonnage provenant de Zarkovica qui tombait tout autour

11 de la vieille ville. C'est à ce moment que je suis devenu conscient du fait

12 qu'il y avait eu une explosion sur les remparts, tout près de l'endroit, en

13 fait, où je me trouvais. Je me trouvais -- je trouvais le tout inhabituel.

14 Je ne pouvais pas croire que la vieille ville avait été touchée. Et je

15 voulais donc m'assurer s'il y a eu des dommages de faits, ou si c'est

16 simplement les murs qui avaient été touchés, les remparts -- l'extérieur

17 des remparts de la ville. Et c'est à ce moment-là que, lorsque je me suis

18 déplacé pour voir ce qui se passait, que j'ai été touché par le deuxième

19 impacte.

20 Q. Vous avez parlé d'une agression délibérée et soutenue contre la vieille

21 ville. Dites-moi, pourquoi est-ce que vous avez caractérisé cette attaque

22 de cette façon-là ?

23 R. Et bien, parce que c'était clairement délibéré puisque cette attaque

24 était certainement appuyée. L'attaque s'est déroulée pendant plusieurs

25 heures et il semblait que -- il s'agissait d'une culmination de ce que nous

Page 594

1 pouvions voir les journées précédentes. Et c'est le 12, pour la première

2 fois, que nous avons pu voir l'attaque -- que l'attaque était concentrée

3 contre la vieille ville. Même pendant les jours précédents, il est possible

4 que le 11, ce soit la journée où le plus grand nombre d'obus est tombé sur

5 Dubrovnik, mais même avant cette période-là, un certain nombre d'obus fût

6 tombé dans la vieille ville. Mais, le 12, c'est la journée où nous pouvions

7 voir que la vieille ville était vraiment la cible. C'était le jour où nous

8 avons vu ces missiles téléguidés qui avaient été lancés de nouveau dans la

9 vieille ville, à l'intérieur des remparts de la vieille ville.

10 Q. Vous vous êtes trouvé sur place. Est-ce que, selon vous, il y a eu une

11 justification de mener une telle attaque aussi soutenue, aussi importante,

12 contre la ville de Dubrovnik ?

13 R. Non, pas du tout.

14 Q. La mission européenne d'observation a-t-elle fait quelque chose pour

15 intervenir, est-ce qu'ils ont pu intervenir, ont-ils pu faire quelque

16 chose, dans de telles circonstances ?

17 R. Ils étaient tout à fait inefficaces. Ils ont essayé, ils ont voulu

18 empêcher cette attaque, mais ils n'avaient pas la force, ils n'avaient pas

19 la possibilité non plus de faire une différence importante. Un peu plus

20 tôt, ils avaient été impliqués dans des essais de négocier, de cesser le

21 feu, mais cela n'avait abouti à rien. Et je sais qu'étant donné que je me

22 suis entretenu avec eux, puisqu'on était descendus au même hôtel, je sais

23 qu'ils étaient très frustrés par la situation dans laquelle ils se

24 trouvaient, puisqu'ils ne pouvaient rien faire. Ils faisaient compter les

25 obus qui étaient tombés. Finalement, en fin de compte, ils n'ont pu que

Page 595

1 tenir un registre et un journal de ce qui s'est passé puis l'attaque contre

2 Dubrovnik s'est intensifiée. Il y avait de moins en moins de possibilités

3 de faire quelque chose pour ce qui est de -- de leur capacité de faire

4 quelque chose. Et ils passaient de nombreuses heures à l'hôtel et ils

5 étaient devenus eux-mêmes des cibles, puisque les obus tombaient sur

6 l'hôtel Argentine, et ils devaient donc se cacher dans des parties plus

7 sûres de ce bâtiment en question.

8 Q. Et quelles étaient les forces qui les attaquèrent ?

9 R. C'était la JNA en question.

10 Q. La population civile du Dubrovnik a cru que cette mission pouvait leur

11 offrir une certaine sécurité ?

12 R. Et bien, il y avait l'espoir que les observateurs européens pouvaient

13 leur fournir une certaine sécurité, mais ils avaient entendu parler de

14 choses qui s'étaient passées dans d'autres parties de l'ex-Yougoslavie et

15 ils avaient l'impression que ces choses n'allaient pas leur arriver, tout

16 du moins, tant que les observateurs internationaux restaient dans la

17 région.

18 Q. Pour ce qui est des missiles téléguidés que vous avez vus le 12

19 novembre, vous souvenez-vous du nombre ? Avez-vous tenu un journal ?

20 R. Non. Nous avons filmé 15, 16, 17 impacts. Et nous avons utilisé la

21 moitié de ces causes de nos reportages. Nous avons commencé à tourner peu

22 de temps après que les missiles avaient été lancés. Et la campagne

23 continuait à se dérouler même quand nous avons pointé la caméra sur deux,

24 trois choses. D'après moi, il y en avait quelques douzaines, certainement

25 pas 100 [sic], mais 10, 20 et peut-être même 30. Peut-être au-dessus de 30

Page 596

1 villages, il s'agit d'un chiffre approximatif. Je ne peux plus les compter.

2 Il y avait beaucoup de choses qui se produisaient ce jour-là, et nous

3 devions nous concentrer sur plusieurs choses.

4 Q. Et ces missiles téléguidés appartenaient-elles, excusez-moi, mais JNA -

5 -

6 R. Je n'ai pas vu qui que soit d'autres les utiliser et je n'ai pas vu de

7 preuves que quelqu'un a utilisé ce type de missiles.

8 Q. -- les commentaires sur les quartiers où les impacts ont été perçus,

9 ceux que vous avez filmés ?

10 R. A partir du moment où les missiles téléguidés ont été lancés, ils

11 provenaient de la région sud de Dubrovnik et ils survolaient la vieille

12 ville. Il y avait un petit port de quartier protégé. Il y avait des impacts

13 sur les remparts de la vieille ville. Ils tiraient également sur les

14 bateaux qui se trouvaient dans cette zone protégée et ils survolaient le

15 rempart de la vieille ville. Il y avait également des explosions à

16 l'intérieur même de la vieille ville.

17 Q. Est-ce que vous avez vu des bateaux touchés ?

18 R. Sur le nombre de bateaux, l'impact était visible, il y avait des

19 explosions et un des bateaux a pris feu.

20 Q. Qu'en est-il des véhicules ?

21 R. Nombre de voitures également.

22 Q. Pour ces activités du 12 de la JNA, il n'y avait pas eu que des

23 missiles impliqués, des missiles téléguidés. Il y a eu d'autres pièces

24 d'artillerie, des armes d'infanterie, des mortiers, n'est-ce pas ?

25 R. L'artillerie -- effectivement, les pièces d'artillerie étaient

Page 597

1 divisées, mais nous nous concentrons plutôt sur les missiles téléguidés

2 puisque c'était bien la première fois que vous voyez une telle chose, mais

3 ce n'était pas le seul engin qui a provoqué des explosions ce jour-là.

4 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez une idée quelconque sur

5 ce qu'on a pu faire des forces croates pour provoquer de telle attaque qui

6 a duré si longtemps de la part de force de la JNA ?

7 R. Les Croates ont riposté et ils utilisaient uniquement les armes qu'ils

8 avaient à leur disposition. Comme je l'ai déjà dit auparavant, j'ai vu

9 qu'ils avaient de petites pièces d'artillerie, quelques mortiers qui

10 étaient montés sur des canons, donc ils étaient mobiles et les Croates

11 désiraient rapprocher ces pièces, le plus possible, de la partie

12 adversaire. Donc cela a été impossible puisqu'on ne pouvait -- les avions

13 et les bateaux se trouvaient à une distance pas trop importante, mais ils

14 ont ciblé et la position à Zarkovica, en particulier. Et un jour, nous

15 avons filmé quelques tentatives qui n'ont pas porté de fruit de la part des

16 Croates qui visaient des positions de la JNA. Et une fois, nous avons pu

17 filmé une attaque qui a réussi sur Zarkovica, et ils ont pu déduire de la

18 sorte puisqu'il y a eu quelques explosions secondaires, une détonation,

19 suite à l'attaque principale.

20 Q. Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'il n'y a pas eu de riposte

21 depuis la vieille ville ?

22 R. Non, il n'a pas eu de tir depuis la vieille ville dont je m'en

23 souvienne. Pardon, que j'ai pu le remarquer.

24 Q. Et lorsque les Croates tentaient de se rapprocher de leur cible, est-il

25 du premier pas de la vieille ville.

Page 598

1 R. Je n'ai pas vu -- je ne les ai pas vus faire nous voir de ce type dans

2 la vieille ville. Et les mortiers mobiles que j'ai remarqués circulaient

3 plutôt le long de la côte dans le quartier de l'hôtel Belvedère, et

4 c'était, effectivement, le quartier qui était le plus proche de Zarkovica

5 et ce qui est toujours le territoire croate. Nous avons également pu

6 conclure que les mortiers circulaient le long de la côte près de l'hôtel

7 Argentina. Et c'était, effectivement, l'endroit le plus proche de position

8 de la JNA.

9 Q. Est-ce que les Croates ont riposté aux forces de la marine de la JNA ?

10 R. Non, pas du tout. Ça n'était absolument pas possible. C'était bien trop

11 loin dans la mer.

12 Q. Vous nous avez fourni un enregistrement vidéo environ 11 minutes. Je

13 vais donner le numéro de la pièce dans un instant. Il ne porte même pas de

14 cote provisoire, donc il n'y a pas de cote.

15 Mme SOMERS : [interprétation] Je vais également vous donner la

16 transcription de la vidéo.

17 Q. Dans votre témoignage --

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci sera versé au dossier.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La vidéo portera la cote P19 et la

20 transcription P19.1.

21 Mme SOMERS : [interprétation] Merci.

22 Q. Vous avez évoqué le tournage pendant que vous filmez les attaques qui

23 ont eues le 9, 10 et le 12 novembre. Il s'agit là de la transcription d'une

24 séquence de l'attaque. Avez-vous l'occasion de revoir ces séquences au

25 bureau du Procureur ?

Page 599

1 R. Oui.

2 Q. Ces attaques représentaient Dubrovnik, la vieille ville.

3 R. En partie, oui.

4 Q. Oui. Et on n'y voit la vieille ville durant la période allant du 9 au

5 12 novembre, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Et ce que nous y voyons reflète bien ce que vous avez vu pendant ce

8 reportage pour l'ITN ?

9 R. Il s'agit de séquences concentrées. Il s'agit d'un échantillon de ce qui

10 s'est produit pendant une période bien plus longue. Il y en a d'autres 10,

11 20, 30 autres.

12 Q. Est-ce que ces séquences ont été publiées ?

13 R. Oui, on a pu les voir partout au monde.

14 Mme SOMERS : [interprétation] Nous allons utiliser les logiciels Sanction

15 dans cette partie du visionnage de la vidéo. Nous visionnons la cassette.

16 [Diffusion de cassette vidéo de l'intercalaire P19 de l'Accusation]

17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] C'est lundi [sic] matin, l'attaque de

18 Dubrovnik s'intensifiait. Les chars et les pièces d'artillerie lourde de la

19 JNA bombardent les lieux depuis leur position sur les montagnes

20 environnantes. La cible principale de l'armée fédérale est Srdj surplombant

21 Dubrovnik et cette position des défenseurs croates --

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-on augmenter le volume ?

23 Mme SOMERS : [interprétation] Nous allons essayer --

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les techniciens nous disent qu'il

25 serait peut-être préférable de faire la pause maintenant afin qu'il puisse

Page 600

1 tenter d'améliorer la qualité du son. Donc nous allons faire une pause à

2 présent, une pause de 20 minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.

4 --- L'audience est reprise à 10 heures 45.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si on peut, à présent, passer au

6 visionnement de la vidéo.

7 [Diffusion de cassette vidéo de l'intercalaire P19 d'Accusation]

8 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] [imperceptible] sont -- deux matins

9 n'avaient été Dubrovnik [imperceptible] sont assiégés. Les chars et des

10 pièces d'artillerie lourdes de l'armée fédérale et de l'armée serbe tirent

11 depuis leur position sur les montagnes environ [imperceptible] de la

12 population de la ville, compte partir un jour les abris souterrains. Ceux

13 qui se sont aventurés à l'extérieur ont pu voir une action coordonnée

14 depuis l'air, la mer et la terre. Encore une fois, la cible principale de

15 l'armée fédérale était le fort connu sous le nom Srdj [imperceptible], une

16 position vitale des défenseurs croates. Les bateaux de la marine fédérale

17 l'attaque. Il ne s'agissait pas de combat avec combattants. Les mortiers

18 ont [imperceptible] mortiers dans la ville et sont tombés tout près des

19 bâtiments, [imperceptible] d'armements sur le mont Zarkovica. Les forces

20 fédérales ont utilisé des hélicoptères et les Ligues essaient de tirer sur

21 les Croates et le Srdj. Et les [imperceptible] tombent sur la zone large

22 autour de la cible. Les défenseurs croates ont enregistré un succès

23 lorsque, lors d'une [imperceptible] est tombé sur le mont Zarkovica, les

24 [imperceptible] sont tombés sur le port principal de Dubrovnik et ont

25 touché un [imperceptible] qui n'a pas pu à la menace des sanctions. Les

Page 601

1 combats ont pris de l'ampleur à l'hôpital de Dubrovnik, la plupart des

2 personnes souffrent de blessures qui auraient été causées par les éclats

3 d'obus. L'hôtel Belvedère, qui abritait des centaines de réfugiés, a été

4 détruit lors du pilonnage. Dimanche matin, à la cathédrale gothique de

5 Dubrovnik, il y avait une prière pour la paix. La plupart des paroissiens -

6 - pour la plupart des paroissiens, c'était la première fois qu'ils se sont

7 aventurés en dehors de leurs abris.

8 Mais, à l'extérieur, il n'y a pas de répit. Et la croix sur le mont Srdj

9 fait l'objet des attaques. Les vaisseaux de l'armée fédérale sont au large

10 de la vieille ville et les -- et depuis des heures, des obus tombent sur le

11 mont Srdj. Les forces fédérales, jusqu'à présent, ont concentré leurs

12 attaques sur les zones à l'extérieur de la vieille ville, mais, à présent,

13 les obus de mortier touchent la vieille ville. L'un des obus a explosé sur

14 le toit d'une maison bâtie il y a quatre siècles. Quatre obus sont tombés à

15 l'intérieur de la ville, dont l'un a touché le couvent, ainsi ébranlant la

16 tranquillité du monastère franciscain du 14e siècle. [imperceptible] est en

17 train de nous faire part des dommages qui ont été portés au monastère.

18 C'est triste. Il y a plusieurs -- il n'y a que quelques habitants qui --

19 que vous trouvez dans les rues. Cette femme a risqué sa vie à fin de sauver

20 son chien. Voici un [imperceptible] et voici la fameuse rue Estrado [phon],

21 la rue principale de Dubrovnik, désertée à cause de la poursuite des

22 attaques. Et les zones résidentielles ont été dévastées, et les obus

23 tombent à proximité de la vieille ville. Pour la première fois, les

24 remparts médiévaux ont été touchés. Depuis des siècles, Dubrovnik a résisté

25 aux invasions, mais, à présent, les remparts sont la cible des machines de

Page 602

1 guerre du 20e siècle. Les remparts offrent toutefois certaine protection, à

2 l'extérieur, on ne peut pas y échapper. Voici le plus bel hôtel de

3 Dubrovnik, l'hôtel Grant, mardi matin. L'attaque que tout le monde

4 redoutait et que tout le monde espérait qu'ils n'auraient jamais à faire

5 face. Il s'agit d'une décision très [imperceptible], décision de porter

6 attentat à une ville qui [imperceptible] intégralité, classée monument

7 historique protégé.

8 Quelques-uns des obus sont tombés à l'intérieur de la ville. L'armée

9 fédérale, a présent, utilise des missiles de production soviétique

10 téléguidés et les dirige contre les murs, les murs qui ont été initialement

11 érigés pour la protection contre les flèches et les arcs. Des missiles

12 atterrissent dans le vieux port et les bateaux prennent feu. Nous voyons

13 ici le consul britannique, Mme Sarah Mareka, qui est Croate.

14 [ïmperceptible].

15 Cinq obus ont atterri à nos pieds depuis le début de notre conversation.

16 Mme la Consul [imperceptible] ça ce n'est pas grand-chose, comparé à tout

17 ce que nous avons entendu depuis ce matin. Le journaliste poursuit, depuis

18 la terrasse de l'hôtel Argentine, la communauté -- les observateurs de la

19 communauté européenne observent la destruction, incapables d'intervenir.

20 Ils ont tous été obligés de rejoindre les abris lorsque les obus ont

21 commencé à tomber. C'était de l'évacuation de leur équipe qui a dû être

22 reportée à plus tard à cause de la bataille en cours. Dans le bar de

23 l'hôtel, nous assistons à des scènes qui nous rappellent le quartier East

24 End de Londres pendant le [imperceptible]. La population locale chante des

25 chants traditionnels, afin de ne plus entendre les tirs. Le consul

Page 603

1 britannique participe à cette tentative de garder la bonne humeur, mais --

2 mais la partie continue pas très loin d'ici.

3 Il y a six semaines, les forces fédérales ont assiégé la ville de Dubrovnik

4 et ils ont lancé un appel à la garnison croate de se rendre. C'était un

5 ultimatum, ils leur ont dit que, s'ils ne le faisaient pas, ils allaient en

6 subir les conséquences. Et puis les gens ont pu imaginer que c'était ça,

7 les conséquences. Fin de la vidéo.

8 Mme SOMERS : [interprétation]

9 Q. Monsieur Davis, est-ce bien vous que l'on a vu dans cette vidéo ?

10 R. Oui, tout à fait.

11 Q. Est-ce vous qui avez donné le commentaire ?

12 R. Oui, c'était moi.

13 Mme SOMERS : [interprétation] Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris.

14 Est-ce que cette pièce a été versée au dossier avec la cote P19 et P19.1 ?

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, absolument.

16 Mme SOMERS : [interprétation]

17 Q. Merci beaucoup. Je souhaite maintenant parler de votre affirmation.

18 Avez-vous eu l'occasion, après la -- des bombardements, de visiter les

19 endroits qui avaient été endommagés dans la vieille ville ?

20 R. Oui. Tout à fait le lendemain, le 13, nous nous sommes rendus

21 brièvement à la vieille ville.

22 Q. Quelles ont été les observations que vous avez faites à ce moment-là ?

23 R. Il y avait beaucoup de destruction due aux bombardements, l'impact des

24 obus. On voyait encore certains missiles qui n'avaient pas explosés et qui

25 étaient logés dans le mur de la vieille ville et qui étaient logés dans des

Page 604

1 endroits près du port. On voyait ceux qui avaient explosé, on voyait les

2 impacts au niveau des murs, au niveau des routes, à l'endroit où ils

3 avaient atterris et les endroits où ils avaient atterris sur des bâtiments

4 provoquant ainsi une destruction importante, avaient incendié des lieux,

5 avaient atterri sur des automobiles, automobiles qui avaient été incendiés

6 et la plupart des bateaux également qu'ils avaient mouillés dans le port

7 devant la vieille ville.

8 Q. Avez-vous observé que l'endommagement était consacré à un endroit donné

9 de la vieille ville ou est-ce que ceux-ci étaient éparpillés un petit peu

10 partout dans la vieille ville ?

11 R. Ecoutez, cette destruction était disséminée dans l'ensemble de la

12 vieille ville à vrai dire, mais je pense que le côté sud de Dubrovnik, ce

13 côté sud de la vieille ville qui était l'endroit où on a pu constater qu'il

14 y avait des impacts de balles et que les obus étaient tombés de l'autre

15 côté du mur, là il semblerait qu'il y ait eu une concentration de tirs de

16 feu.

17 Q. Et les missiles à Zarkovica ?

18 R. Oui, la position dessous de Zarkovica d'où étaient tirés ces coups de

19 feu.

20 Q. Tirés par les forces de la JNA ?

21 R. Oui.

22 Q. Avez-vous jamais essayé de compter le nombre d'obus qui sont tombés ?

23 R. Oui. Nous n'avons pas commencé à compter lorsque les missiles

24 téléguidés ont été envoyés, nous avons compté le nombre d'explosions pour

25 avoir une idée un petit peu, ceci s'est passé au début de la journée. Nous

Page 605

1 savions qu'il se passait quelque chose d'important et qu'il s'agissait d'un

2 bombardement beaucoup plus conséquent qu'il y avait eu auparavant. Donc

3 nous avons commencé à compter le nombre d'explosions et nous avons

4 abandonné lorsque nous sommes arrivés au chiffre de 1 000. Nous avons

5 abandonné cet exercice et nous avons fait autre chose. Mais nous avions

6 entendus déjà, à ce moment-là, 100 -- pardonnez-moi, je ne veux pas dire

7 100 -- 1 000 explosions déjà et c'est à ce moment-là que nous avons cessé

8 de compter parce que les explosions se sont poursuivies.

9 Q. Dans cette vidéo, on constate qu'il y a eu des impacts dus aux tirs de

10 coups de feu. Pourriez-vous faire une observation à cet égard, quelle

11 possibilité y avait-il pour les habitants de la vieille ville d'éteindre

12 ces incendies ?

13 R. Question très difficile parce que les gens, qui se trouvaient dans la

14 rue, n'étaient pas en mesure de procéder à l'extinction du feu. Les gens

15 s'étaient protégés, personne ne se trouvait dans la rue au moment des

16 bombardements.

17 Q. Le 13, donc il s'agit du lendemain des bombardements ?

18 R. Le 13, c'est le jour lequel nous nous sommes rendus dans la vieille

19 ville de Dubrovnik pour essayer d'avoir une idée de la situation. Nous

20 avons essayé d'estimer les dégâts qui avaient été provoqués par le

21 pilonnage. Le 11 était le jour où nous avons compté ces 1 000 explosions et

22 nous avons ensuite cessé de compter et le 12 est le jour où la vieille

23 ville a le plus été endommagée.

24 Q. Le personnel et les observateurs de l'Union européenne sont-ils restés

25 à Dubrovnik au-delà de cette date ?

Page 606

1 R. Non. Ils se sont retirés le 14. Ils ont quitté Dubrovnik et les raisons

2 pour lesquelles nous avons pu rester ou avoir quelque idée de la situation

3 le 13, eu égard aux dommages provoqués c'est qu'après les journées du 11 et

4 du 12, journées au cours desquelles les bombardements ont été les plus

5 lourds, il semblait que les bombardements ont quelque peu cessé le 13, pas

6 complètement, mais en partie. Et on nous a dit que des pourparlers étaient

7 en cours et les objets de ces pourparlers étaient la négociation d'un sauf

8 conduit ou d'un passage sûr pour les femmes et les civils et les non

9 combattants de Dubrovnik, y compris les observateurs de l'Union européenne,

10 de l'ECMM et des quelques journalistes qui restaient encore.

11 Q. Pourquoi les observateurs de l'ECMM ont-ils quitté Dubrovnik, première

12 partie de la question ? Deuxième partie de la question, était-ce quelque

13 chose auquel on s'attendait ? Troisième partie de la question, comment la

14 population a-t-elle réagi ?

15 R. La raison avancée était pour assurer leur sécurité. Certains m'ont fait

16 part de leur déception et la réaction de la population était une réaction

17 de craintes qu'il se passait quelque chose de grave et quelque chose

18 d'éminent comme s'il s'agissait d'un sentiment ou d'une prémonition en

19 vertu de quoi Dubrovnik allait tomber et qu'il fallait faire sortir les

20 femmes et les enfants et qu'il n'y aurait que les hommes qui resteraient

21 dans cette partie de Dubrovnik. Les gens craignaient cela et, sur

22 l'ensemble de la ville, on avait très peur sur ce qui allait se produire.

23 Il y avait des bateaux qui emmenaient les femmes, les enfants et il ne

24 restait que les homes. Il y avait des scènes déchirantes. Il y avait des

25 gens qui essayaient de faire monter sur les bateaux leurs jeunes fils et,

Page 607

1 pour finir, la police les a armés, ont dû les séparer et les faire rester.

2 Le bateau ne pouvait emmener qu'un certain nombre de personnes et le

3 bateau, de toute façon, allait être contrôlé par l'armée fédérale lorsqu'il

4 quittait le port de Dubrovnik. Il y avait des scènes tout à fait

5 déchirantes de jeunes hommes, d'hommes qui ont dû retourner à Dubrovnik

6 sous la menace de crosses de fusils, il y avait une atmosphère de panique

7 générale et on essayait de faire sortir les enfants.

8 Q. Et lorsque vous vous trouviez sur le mont Srdj, n'êtes-vous jamais

9 tombés entre les mains de la JNA lorsque vous étiez à Dubrovnik ou est-ce

10 que ceux-ci étaient détenus par les forces croates ?

11 R. Je n'ai jamais su que ceux-ci étaient tombés, mais, lorsque le

12 bombardement était tellement intense, j'ai su que les forces croates

13 s'étaient retirées de cet endroit, mais sont retournées le lendemain, et

14 cet endroit n'avait, à proprement parler, pas été pris. Mais ils ont quitté

15 ce lieu lorsque le bombardement est devenu trop intense -- c'est ce qu'on a

16 pu voir dans la vidéo -- lorsqu'il y a eu des obus de mortiers qui sont

17 tombés dessus. Il y a des centaines de vie qui sont tombées sur ce site et

18 personne n'aurait pu survivre sur les lieux même les personnes qui étaient

19 censées protéger et défendre ces lieux. Et ces personnes se sont retirées

20 et se sont abritées dans les caves en attendant la fin des bombardements.

21 Q. Vous avez fait allusion à une demande de la JNA demandant aux forces

22 croates de se rendre. Savez-vous quel a été la réponse des forces croates ?

23 R. Je sais qu'ils ne se sont pas rendus. Je sais qu'ils se sont retirés,

24 mais il ne s'agit pas d'une reddition, à proprement parler. Ils ne savaient

25 pas s'ils allaient pouvoir survivre. Il ne s'agissait pas d'une reddition

Page 608

1 officielle.

2 Q. Savez-vous si des gens ont été blessés à la suite des bombardements que

3 vous avez filmés dans votre vidéo ? Savez-vous si les hôpitaux ont augmenté

4 leur nombre de lits ?

5 R. Ecoutez, nous avons filmé à plusieurs reprises des gens à l'hôpital.

6 L'hôpital était au grand complet. Il y a des gens qui étaient traités dans

7 ces hôpitaux. On avait augmenté le nombre de lits et j'étais surpris par le

8 fait qu'il n'y avait pas plus de blessés, mais la population civile

9 semblait être -- semble avoir réagi très rapidement. La population civile

10 s'était abritée très rapidement dans les caves et cependant, un grand laps

11 de temps dans ces abris souterrains.

12 Q. N'avez-vous pas dit, vous-même, que vous aviez passé un certain temps

13 dans un tel abri ?

14 R. Oui.

15 Q. Etait-ce durant un seul bombardement ou était-ce simplement pour avoir

16 une idée de la vie dans ces abris ?

17 R. Bien, pour les deux raisons.

18 Q. Combien de personnes, à votre avis, y avait-il dans ces abris ?

19 R. L'abri que j'ai visité à deux reprises se trouvait dans la vieille

20 ville. Il était près des -- cet abri se situait près des portes sud de la

21 vieille ville et en dessous de la vieille ville. Il y avait plusieurs

22 marches en pierre qu'il fallait descendre et on descendait dans une --

23 quelque chose qui ressemblait à une cave. Lorsque j'ai visité cette cave à

24 deux reprises, je me souviens avoir vu des gens qui étaient dans la quasi-

25 totalité des civils. Et au cours -- lorsque j'ai visité cette cave lors du

Page 609

1 bombardement, la cave était peuplée d'un nombre très important de

2 personnes. A mon sens, c'était un -- il y avait plusieurs centaines de

3 personnes qui se trouvaient là. C'était plus de 100 personnes en tout cas.

4 Personne d'autre ne pouvait rentrer dans cette cave. Il y avait beaucoup de

5 monde.

6 Q. Quand avez-vous quitté Dubrovnik ?

7 R. Le 21 novembre.

8 Q. Ou vous êtes-vous rendu après votre départ de Dubrovnik ?

9 R. Et bien, j'ai traversé l'Adriatique et je me suis rendu en Italie.

10 Q. Etiez-vous à Dubrovnik le 6 décembre ?

11 R. Non. Je me trouvais à ce moment-là en Royaume Uni.

12 Mme SOMERS : [interprétation] Si vous me le permettez, je vais m'entretenir

13 avec mon confrère.

14 Q. Lorsque vous vous trouviez à Dubrovnik, ou peut-être à d'autre moment

15 par la suite, à la suite de ces attaques, avez-vous jamais su -- ou avez-

16 vous jamais eu connaissance de déclarations émanant de la JNA exprimant un

17 souci, un regret, des excuses ou une demande d'enquête ?

18 R. Personnellement, non. Lorsque je me trouvais à Dubrovnik, nous n'avons

19 rien entendu de la sorte, il s'agissait véritablement d'un état de siège.

20 Et il n'y avait pas de conférence de presse. Nous n'avions pas

21 d'information officielle. Il n'y avait pas de déclaration de ministres, et

22 les informations que vous obteniez -- que vous puissiez obtenir, étaient

23 des informations que vous pouviez glaner en visitant les lieux à mon sens.

24 Personne n'a jamais présenté ses excuses, en précisant qu'il s'agissait

25 d'une erreur et, par la suite, lorsque je suis rentré à Londres, j'ai vu --

Page 610

1 j'ai entendu un certain nombre de déclarations qui avaient été faites à

2 Belgrade, en précisant qu'on allait vérifier les circonstances de ces

3 événements, mais, lorsque je me trouvais en ex-Yougoslavie, je n'ai jamais

4 rien entendu de la sorte.

5 Q. Vous nous avez dit que vous ne trouviez pas à Dubrovnik le 6 décembre,

6 mais assuriez-vous encore la couverture de ce conflit ?

7 R. Oui. Le conflit en sens large en ex-Yougoslavie. Et c'était -- j'étais

8 à ce moment-là chez-moi entre deux missions en ex-Yougoslavie. J'ai reçu un

9 coup de fil de personnes à Dubrovnik, me disant qu'ils étaient attaqués.

10 Q. Il s'agit du 6 ?

11 R. Oui. Il s'agissait du 6. C'était peut-être mon erreur, mais on nous a

12 précisé que le rapport que nous avions pu rédiger sur les combats au mois

13 de novembre et l'attaque sur Dubrovnik semblent s'être arrêtée, et en tout

14 cas, l'ampleur des combats avait cessé. Nous avons réussi à diffuser les

15 photos des combats dans la presse internationale.

16 Q. Il s'agissait du mois de novembre.

17 R. Les gens nous disaient -- écoutez, vous avez réussi à faire arrêter la

18 guerre, les conflits, s'il vous plaît, revenez.

19 Q. Autrement dit, les bombardements ont cessé au mois de novembre mais

20 avaient repris le 6 décembre, est-ce exact ?

21 R. Oui. Tout à fait.

22 Q. Merci beaucoup.

23 Mme SOMERS : [interprétation] Je n'ai plus de question.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Somers.

25 C'est Monsieur Rodic.

Page 611

1 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est moi qui posera des

2 questions dans le contre-interrogatoire.

3 Contre-interrogatoire par M. Rodic :

4 Q. [interprétation] Je m'appelle M. Goran Rodic et je représente le

5 général Strugar. Je vais vous poser un certain nombre de questions au nom

6 de la Défense. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit que vous

7 nous avez remis votre curriculum vitae. Y a-t-il quelque chose que vous

8 souhaitez ajouter à propos de vous-même ? J'entends par là, est-ce que vous

9 avez une expérience particulière ou plus importante que celle que vous

10 venez d'invoquer lors de l'interrogatoire principal ? Y a-t-il un élément

11 important de votre CV que vous n'avez pas évoqué ?

12 R. Je ne le pense pas. J'étais un reporter et je couvrais l'actualité

13 internationale pendant un certain nombre d'années. Et au cours de ces

14 années-là, il se trouve qu'il y avait beaucoup de conflits de par le monde

15 et c'est devenu, en quelque sorte, une spécialité pour moi. Je crois que

16 j'ai répondu à cette question.

17 Q. Et plus précisément, avez-vous assuré la couverture de la guerre du

18 Gulf ? C'est un théâtre de conflit armé. C'est connu.

19 R. Oui. C'est qu'on appelle maintenant la première guerre du Gulf. J'ai

20 été correspondant de guerre, et je me suis trouvé au Kuwait et en Irak. Et

21 j'ai, ce qu'on appelle -- je faisais parti du pool de correspondants. Et on

22 m'avait -- différents groupes de médias m'avaient demandé de les

23 représenter tous à la fois. Et j'étais sur la ligne de front aux côtés des

24 troupes britanniques pendant ce conflit.

25 Q. Etait-ce sur l'invitation du ministère de la Défense que vous êtes

Page 612

1 devenu correspondant de guerre ou avez-vous été élu, par le groupe de

2 journalistes qui vous a envoyé comme délégué, pour assurer la couverture de

3 ces événements ?

4 R. Il s'agit en fait des deux à la fois. Après la négociation entre toutes

5 les organisations -- organismes représentant la presse en Grande Bretagne

6 ainsi que le ministère de la Défense se sont mis d'accord sur l'élément

7 suivant. Il s'agissait d'envoyer -- vous étiez un groupe de reporteurs sur

8 place à condition que ces reporteurs remettent leurs travaux à toutes les

9 chaînes. Et s'il n'était pas possible d'envoyer les journalistes pour les

10 chaînes individuelles, une personne représentant ITV, l'autre BBC, et les

11 autres journaux, donc une personne avait été choisie pour remettre ces

12 documentaires à toutes les organisations. Une fois que nous sommes tombés

13 d'accord là-dessus, tous les organismes, représentant la presse, avaient

14 choisi quelqu'un pour remplir ce rôle. Il y avait un certain nombre de

15 personnes comme moi, il y avait un autre correspondant assez connu, Martin

16 Bell, qui représentait la -- qui était de la BBC, et qui occupait ce poste.

17 Il y avait quelqu'un qui était dans les rangs de l'armée, un autre qui se

18 trouvait sur un bateau de guerre, un autre avec la marine britannique, la

19 RAF. Ces personnes avaient été choisies pour remplir ce rôle-là, mais s'il

20 s'agissait évidemment -- effectivement, d'un accord entre les organismes de

21 presse et le Ministre de la Défense.

22 Q. En choisissant ces journalistes, est-ce que le ministère de la Défense

23 a joué un rôle décisif lorsqu'il s'agissait de choisir les journalistes qui

24 deviendraient des correspondants de guerre dans la guerre du Gulf ?

25 S'agissait-il de journalistes officiels et qui étaient aux côtés des

Page 613

1 troupes britanniques dans le Gulf ?

2 R. Le ministère de la Défense n'a pas joué un rôle décisif dans ce système

3 de sélection. Il y avait quelques règles de base qui ont été observées. Il

4 s'agissait d'être en bonne condition physique mais rien de plus. Et les

5 journalistes qui ont suivi les troupes si je puis interpréter ce que vous

6 dites, vous avez utilisé le terme affilié aux troupes. Nous vivions avec

7 eux et une des conditions qui avait été posée, c'est que nous portions les

8 mêmes vêtements que les membres de l'armée. Autrement dit, nous portions

9 des uniformes de camouflage. La façon la plus simple de le décrire et de

10 dire que nous étions des correspondants de guerre -- officiels -- des

11 correspondants de guerre officiels.

12 Q. C'est exactement cela que je voulais entendre de votre bouche, car si

13 vous étiez des correspondants officiels, vous agissiez de concert avec des

14 troupes britanniques. Vous dites que vous avez vous-même porté des

15 uniformes de camouflage de l'armée britannique. Ai-je raison, en disant

16 cela ?

17 R. Oui, en agissant de concert avec les troupes britanniques, nous

18 voyageons en même temps qu'eux. Nous partagions nos repas avec eux et nous

19 filmions leurs faits et gestes. Mais nous assurions encore le contrôle de

20 ce que nous disions et de ce que nous filmions dans nos rapports. Et à

21 aucun moment, l'armée nous a-t-elle imposé ce que nous devions filmer ou ce

22 que nous devions dire.

23 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire comment -- par quels moyens

24 vous avez envoyé vos rapports ?

25 R. Les rapports ont été envoyés par l'intermédiaire d'une antenne

Page 614

1 parabolique et qui se trouvait derrière la ligne de front. Nous envoyions

2 nos images et mes commentaires. Le texte était envoyé à nos collègues de la

3 télévision britannique qui pouvaient, par l'intermédiaire de cette antenne,

4 recevoir ces informations et à Londres, et les diffuser à toutes les autres

5 organisations -- organismes de presse.

6 Q. Et ce satellite, s'agissait-il en fait, de matériel militaire ou de

7 matériel qui appartenait aux journalistes ?

8 R. Et bien, c'était notre propre antenne parabolique. C'était notre propre

9 matériel et c'était nos ingénieurs qui en assuraient la maintenance.

10 Q. L'armée exerçait-elle une quelconque influence sur vos rapports ? Est-

11 ce que vos rapports ont été censurés par l'armée d'une manière ou d'une

12 autre, en particulier, lorsque vos rapports décrivaient les troupes et

13 leurs activités pendant la guerre ?

14 R. L'armée pouvait influer sur nos rapports, en premier lieu, ils -- notre

15 rôle était de rédiger des rapports sur l'activité des troupes, la position

16 des troupes et l'activité des troupes par opposition à ce qui se passait

17 ailleurs. Par conséquent, en tant qu'organisme, de même que les autres

18 organismes de presse et les équipes indépendantes qui faisaient autre chose

19 -- ceux qui se trouvaient derrière les lignes de front -- notre rôle

20 constituait, plus particulièrement, à filmer les forces de notre propre

21 pays. Il est vrai dans ce sens-là, oui.

22 Parce que nous filmions ce qu'ils faisaient et si vous voulez en ce sens,

23 il y avait peut-être un élément de censure. Nous le savions. C'était très

24 simple. Et on ne dérogeait jamais aux règles car on les connaissait. On ne

25 tenait jamais le chiffre exact du nombre de soldats, on pouvait expliquer

Page 615

1 approximativement ce qui se passait, l'endroit où on se trouvait, mais on

2 ne disait jamais qu'il y avait 574 soldats et on ne les filmait pas

3 individuellement. Vous ne disiez jamais -- vous pouviez filmer les armes

4 qu'ils portaient mais vous ne précisiez jamais combien d'armes ils

5 portaient. Vous ne précisiez pas non plus ce qu'ils allaient faire dans

6 l'instant d'après. Tout ceci pour des raisons stratégiques parce qu'avec

7 les transmissions par satellite aujourd'hui vous ne -- la rapidité est

8 telle qu'il ne s'agissait pas de donner des éléments d'information sur

9 l'étape suivante. Et pour ce qui est des blessés, évidemment nous n'avions

10 pas le droit de filmer leur visage, ni de les identifier avant que les

11 familles elles-mêmes n'aient pu les identifier, ce, pour des raisons

12 humanitaires et par respect pour les familles des victimes. Donc ça,

13 c'était la seule forme de censure que nous avons rencontrée. La censure ne

14 prenait pas d'autre forme. La censure ne s'appliquait qu'aux éléments que

15 je viens de décrire.

16 Q. Et par rapport à ces restrictions qui vous ont été imposées et que vous

17 venez de décrire, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, s'il y avait

18 avec vous quelqu'un ou un membre de l'armée qui vérifiait vos rapports

19 avant qu'ils ne soient envoyés ?

20 R. Je pense oui, je pense qu'il y avait, effectivement, un niveau de

21 contrôle. Notre antenne -- c'était l'endroit où se trouvait notre antenne

22 parabolique. On voulait, simplement, vérifier qu'aucun détail n'avait été

23 omis ou que personne n'avait enfreint les règles. Et ensuite, on pouvait

24 envoyer le rapport. Il est peut-être utile de dire que ça une occasion --

25 l'occasion dont nous parlons ici, c'était la seule pendant toute ma

Page 616

1 carrière où j'ai travaillé avec de telles restrictions lorsque j'ai

2 travaillé au sein de l'armée. Les choses sont beaucoup plus faciles

3 lorsqu'on travaille comme journaliste indépendant en couvrant un conflit et

4 on essaye de représenter les deux côtés. C'était le cas de Dubrovnik où 99

5 % des missions que j'ai occupées.

6 Q. Pourriez-vous nous dire qui faisait la supervision de tous ces envois

7 et ces rapports qu'on rédigeait.

8 R. Oui, certainement, je peux vous donner le nom. Il y avait un colonel de

9 l'armée britannique qui était chargé de vérifier les rapports avant que

10 ceux-ci ne soient renvoyés à la zone du conflit.

11 Q. Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que vous aviez bien dit que

12 c'était votre première expérience de l'affaire, c'était la première fois

13 que vous envoyiez des rapports depuis le terrain même et le cadre d'un

14 conflit?

15 R. C'était la première fois que je me suis trouvé, si vous voulez, à

16 l'intérieur. Je portais l'uniforme, je faisais partie d'un groupe de

17 personnes et je devais donc m'en tenir à certaines restrictions. C'était

18 donc la première fois, effectivement, et la dernière fois, si vous voulez,

19 qu'une telle expérience m'était -- qu'une telle chose m'était arrivé.

20 Q. Je dois vous poser une question puisque vous avez vous-même fait une

21 parallèle avec Dubrovnik et votre expérience précédente. Est-ce qu'à

22 Dubrovnik, vous aviez eu l'occasion d'envoyer des rapports pour les deux

23 côtés, ou bien, est-ce que vous envoyiez des rapports ayant trait seulement

24 à une partie, c'est-à-dire, à un territoire précis, la zone que vous

25 pouviez -- que vous connaissiez mieux ?

Page 617

1 R. Pour ce qui est de la ville de Dubrovnik, je ne pouvais envoyer des

2 rapports que depuis l'intérieur, si vous voulez, donc j'étais -- je faisais

3 partie du côté croate. Certainement, il y avait des raisons pour cela, mais

4 la raison principale étant que j'ai décidé -- j'avais décidé d'être à

5 l'intérieur, je voulais être à l'intérieur du siège et, après cette

6 décision, il ne m'était pas possible de changer de côté. De temps en temps,

7 on pouvait se trouver soit à l'intérieur de la zone de conflit, ou à

8 l'extérieur. Mon organisation, la compagnie pour laquelle je travaille,

9 ITN, la chaîne de télévision, pouvait de temps en temps envoyer certaines

10 équipes du côté de la JNA, et ces derniers se trouvaient à Belgrade, mais,

11 pendant que je couvrais les évènements de Dubrovnik, je me suis trouvé à

12 l'intérieur des évènements, je me suis trouvé à l'intérieur de la ville de

13 Dubrovnik, et il m'était impossible de sortir et de couvrir les évènements

14 depuis l'extérieur. Et il m'est arrivé de vouloir également le faire.

15 Q. Cela veut dire que, pendant que vous envoyiez vos rapports et que vous

16 couvriez les évènements de Dubrovnik, de l'autre côté, concernant les

17 pétitions de la JNA, ne se trouvait pas un de vos collègues, par exemple,

18 de la chaîne ITN, qui pouvait couvrir les évènements pour la JNA -- du côté

19 de la JNA ?

20 R. Je crois qu'il y avait eu un collègue qui venait de Belgrade et il lui

21 était possible de joindre Zarkovica, mais il n'est pas resté très

22 longtemps, ce n'était qu'une visite assez brève. Et nous avons donc fait

23 une couverture une fois depuis cet endroit-là.

24 Q. Mais est-ce que vous savez s'il y a eu des essais ? Si, à plusieurs

25 reprises, peut-être, vos collègues ont-ils essayé de se trouver sur les

Page 618

1 positions de la JNA, pour pouvoir envoyer leur rapport depuis ces

2 positions ?

3 R. Oui. Nous avions une équipe qui était à Belgrade, elle était basée à

4 Belgrade et elle essayait constamment de se trouver sur les situations --

5 sur les zones du conflit, et d'envoyer des rapports -- de se placer du côté

6 de la JNA, d'envoyer des rapports de leur côté. Ils étaient en mesure de le

7 faire par le biais de certains ministères à Belgrade. J'ai déjà parlé d'une

8 visite à la ville de Dubrovnik qui avait été arrangée, qui avait fait

9 l'objet d'un arrangement. Il y a eu plusieurs endroits, tel Vukovar et

10 d'autres endroits, qui ont reçu des représentants également, et ces

11 derniers ont pu envoyer des rapports pour la JNA. Donc il y avait une

12 présence constante à Belgrade, et ces derniers essayaient sans cesse

13 d'obtenir des permissions -- d'obtenir des permis pour se rendre à ces

14 endroits-là, en tant que civils, ne serait-ce qu'en tant que civils.

15 Q. Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi vos collègues n'étaient pas

16 particulièrement intéressés à se placer du côté de la JNA ? Je parle de vos

17 collègues, je parle de votre chaîne de télévision.

18 R. Il m'est difficile de vous donner une réponse pour d'autres personnes,

19 mais je sais que ces derniers ont fait plusieurs demandes de venir et

20 d'aller, ont essayé d'envoyer des rapports depuis des endroits, des zones

21 de conflit. Je sais qu'il leur est arrivé d'obtenir des permis. Je ne sais

22 pas pourquoi, sur certaines zones, il leur était plus facile de se trouver,

23 dans d'autres il leur était difficile, mais je ne peux pas vous parler au

24 nom d'autres personnes.

25 Q. Est-ce que vous aviez obtenu des informations réelles, vous provenant

Page 619

1 du parti adverse ? Par exemple, combien il -- y avait-il de soldats de la

2 JNA qui avaient trouvé la mort, s'il y avait eu des provocations de la part

3 du côté croate ? Est-ce que vous obteniez de tels renseignements ?

4 R. Non, pas vraiment. Depuis les positions où nous nous trouvions, et de

5 nouveau vous essayerez de comprendre qu'il s'agissait d'une époque où un

6 conflit existait. Il était bien difficile d'obtenir les renseignements,

7 mais ce que j'ai pu observer et ce que j'ai envoyé dans mes rapports, sont

8 des -- un rapport d'un témoin oculaire. Je veux dire par là que ce n'était

9 pas une question de la situation qui existait entre Belgrade ou Zagreb, ou

10 de ce qui se passait à l'extérieur de la Yougoslavie. Je ne couvrais pas

11 les évènements qui se passaient à l'extérieur de la ville de Dubrovnik, non

12 plus. Mais l'équipe à moi n'envoyait de rapports que s'agissant de ce que

13 nous pouvions voir nous-mêmes.

14 Q. Dites-moi, est-ce que vous savez sur quel territoire s'étant la

15 municipalité de Dubrovnik ? Est-ce que vous savez qu'elle s'étend jusqu'à

16 la frontière monténégrine et qu'elle s'étend également jusqu'aux frontières

17 de la Bosnie-Herzégovine ? Pourriez-vous me dire quelle superficie couvre-

18 t-elle la municipalité de Dubrovnik ?

19 R. Je ne pourrais pas vous donner une réponse à cette question. Je ne vais

20 certainement pas émettre des conjectures.

21 Q. Est-ce que vous savez au moins, à ce moment-là, que la région de la

22 municipalité de Dubrovnik, et donc je parle maintenant de la zone des

23 activités de combat couvertes en 1991, que cette zone était plus en

24 longueur, à cause de la configuration du terrain et à cause de

25 l'emplacement du terrain qui longeait la côte ?

Page 620

1 R. Je crois qu'il est juste de dire que je savais ce qui se passait dans

2 la zone même dans laquelle j'étais en mesure de me déplacer, mais je ne

3 savais pas ce qui se passait à l'extérieur et ailleurs et je n'ai donc pas

4 donner d'opinions, je n'ai pas rédigé de rapports concernant les événements

5 qui se déroulaient ailleurs.

6 Q. Nous parlons d'une région, nous parlons de Dubrovnik et je vais donc

7 maintenant vous poser une question concrète à savoir si vous savez,

8 s'agissant de Babin Kuk, la Rijeka Dubrovacka, Gruz d'un côté et en parlant

9 de l'autre côté qui s'étend jusqu'à l'aéroport Cilipi. Le tout, n'est-ce

10 pas, fait partie du territoire de la municipalité de Dubrovnik ? Et ce

11 territoire se trouvait dans la zone couverte par les activités de combats

12 n'est-ce pas ?

13 R. Je ne connais pas tout à fait bien toute cette zone ou certainement à

14 l'époque je ne connaissais pas. Je connaissais le quartier portuaire ou la

15 zone juste autour du port, je connaissais également la vieille ville et il

16 était impossible de se déplacer après l'hôtel Belvedère. Mon équipe donc

17 n'avait aucune information à savoir ce qui se passait en direction de

18 l'aéroport, par exemple, et dans la zone de l'aéroport. Plus tard, il m'est

19 arrivé dans le cadre de ma mission lorsqu'il y avait des cessez-le-feu. Il

20 m'est arrivé de pouvoir me déplacer vers les endroits tels Mokosica et de

21 me déplacer dans d'autres endroits qui étaient tombés entre les mains de la

22 JNA. Mais, pendant la majeure partie du temps que j'ai passé à Dubrovnik,

23 je dois vous dire que moi et mon équipe, nous étions restreints de nous

24 déplacer seulement dans les zones qui étaient tenues par les Croates.

25 Q. Vous est-il arrivé de vous rendre à Lapad ?

Page 621

1 R. Oui, je suis allé à Lapad.

2 Q. Quand et où exactement ?

3 R. Il est difficile de répondre à cette question avec précision. Je sais

4 que je m'y étais rendu une nuit, il y avait eu un bombardement au cours de

5 cette nuit, le pilonnage durait encore, les bâtiments étaient en feu. Et

6 mon équipe s'est rendue sur place pour filmer les gens qui sortaient et qui

7 évacuaient le territoire et qui sortaient de leurs maisons. Et c'est

8 ensuite que nous nous sommes retirés après ce tournage.

9 Q. Est-ce que vous avez fait un rapport couvrant votre visite à Lapad ?

10 Est-ce que vous l'avez jamais présenté ?

11 R. Oui, en faisant partie d'un rapport assez élargi, oui, effectivement

12 cette émission a été présentée à la télévision.

13 Q. Concernant votre séjour à Dubrovnik, est-ce que vous pourriez nous dire

14 dans quelle période cela s'est-il passé lorsque vous êtes allé à Lapad ?

15 R. Je crois que c'était au tout début de mon séjour, mais je ne pourrais

16 vous donner de date exacte. C'était certainement entre le 31, la date à

17 laquelle je suis arrivé et le 4 ou le 5 novembre.

18 Q. Pourquoi et comment êtes-vous en mesure de nous donner ces dates ?

19 R. Et bien, je me base sur ma mémoire lorsque je vous dis cela.

20 Q. Est-ce que vous avez fait appel à votre mémoire réellement lorsque vous

21 avez évoqué les autres dates dont vous nous avez parlé aujourd'hui ?

22 R. Non. J'ai fait des aides mémoires en partie, mais j'ai également pu et

23 eu l'occasion de lire certaines choses que j'avais écrites à l'époque,

24 sachant que je viendrais témoigner, donc je voulais rafraîchir ma mémoire

25 et j'ai également passé en entrevue certains rapports que j'avais rédigés à

Page 622

1 l'époque bien sûr le tout en sachant que j'allais venir témoigner en guise

2 de préparation.

3 Q. Est-ce que vous déteniez ces notes ? Vous les avez sur vous, avec vous,

4 s'agit-il de notes écrites ou bien y a-t-il eu également des extraits, des

5 séquences vidéos et, plus précisément, si, effectivement, vos aides

6 mémoires, qui vous ont aidé à vous préparer pour votre témoignage, est-ce

7 que c'est du matériel qui n'a pas été visionné aujourd'hui ?

8 R. La chose principale qui rafraîchit ma mémoire est la séquence vidéo que

9 vous avez vue aujourd'hui. Il y a eu d'autres extraits que j'ai également

10 visionnés, des extraits que vous n'avez pas vus aujourd'hui dans ce

11 prétoire.

12 Q. Et s'agissant de ces séquences vidéo et s'agissant des notes que vous

13 aviez prises à l'époque, est-ce que vous avez montré le tout aux enquêteurs

14 lors de votre préparation, lors de conversations que vous avez eues avec

15 eux ? Est-ce que ce film -- cette séquence vidéo que nous avons vue, est-ce

16 que cela représente

17 -- est-ce que c'est un choix qui est le leur ?

18 R. Je ne crois pas qu'il y ait eu un processus de sélection, si vous

19 voulez. Je ne crois pas que les séquences autres que j'ai mentionnées

20 n'auraient été disponibles. Je suis tout à fait certain qu'ils n'ont pas

21 examiné de notes écrites. Il y a eu un autre film qui aurait pu rafraîchir

22 ma mémoire. Il s'agit du film intitulé "Voyage à Dubrovnik". Je ne sais pas

23 si les enquêteurs de ce Tribunal avaient la possibilité de le voir. Je

24 crois qu'on s'en est servi dans un autre procès. Ils ont peut-être eu la

25 possibilité d'examiner ce film, de le voir, de le visionner.

Page 623

1 Q. Vous avez parlé de rapports, vous aviez dit que vous aviez rédigé un

2 rapport et que vous aviez tourné un film lors de ce pilonnage au cours de

3 cette nuit, lorsque vous vous êtes rendus à Lapad. Est-il exact de dire que

4 ce rapport en question ne fait pas partie de la séquence vidéo que nous

5 avons vue aujourd'hui ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Pourriez-vous me dire combien de rapports vidéo, combien de séquences

8 vidéo et de films vous avez faits et vous avez à votre disposition et qui

9 n'ont pas -- ils étaient présentés à la Chambre et à ce Tribunal

10 aujourd'hui.

11 R. Il y avait environ, et je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact,

12 mais il y avait environ cinq ou six rapports qui avaient été envoyés

13 clandestinement de Dubrovnik avant le rapport principal -- avant le film

14 que vous avez vu aujourd'hui. Il y a probablement eu trois ou quatre films

15 tournés après le film ou le rapport que vous avez vu aujourd'hui. Je n'ai

16 pas quitté Dubrovnik avant le 21 novembre et nous continuions à envoyer des

17 rapports jusqu'au moment -- jusqu'à ce que nous nous quittions. Le rapport

18 de tournage que vous avez vu aujourd'hui -- la séquence vidéo et après, à

19 l'attaque principale, il s'agit effectivement des quatre jours de

20 bombardements qui étaient le plus intense, à ce moment-là. Il y a eu

21 d'autres envois, d'autres rapports avant et après, effectivement.

22 Q. Dois-je donc conclure qu'outre ce rapport compilé des journées que vous

23 avez évoquées comme étant des journées où le pilonnage était le plus

24 intense, dois-je comprendre qu'il existerait sept ou huit autres rapports

25 outre celui que nous avons vu aujourd'hui ? Rapports ou vidéos ?

Page 624

1 R. Oui, vous avez tout à fait raison. Certains de ces rapports télévisés -

2 - de ces films montrent les manques qu'il y a eus, des pénuries qu'il y a

3 eues en eau, en électricité au tout début et d'autres films font état du

4 pilonnage, enfin lorsque les bombardements ont commencé par de

5 l'endommagement -- ou des dommages causés aux bâtiments au tout début du

6 pilonnage. Mais, aujourd'hui, ce que vous avez vu, c'est une période qui

7 avait été couverte pendant quatre jours et c'est une période pendant

8 laquelle le pilonnage a été le plus intense. Nous ne pouvions pas envoyer

9 nos rapports à l'extérieur de Dubrovnik, nous nous sommes donc servis du

10 matériel dont nous disposions pour faire un certain agenda -- journal de

11 bord des quatre jours en question. Et, avant cela, ils nous étaient

12 possible d'envoyer de courts métrages couvrant quelques minutes d'une

13 journée ou couvrant une demi-journée. Donc les rapports étaient beaucoup

14 plus courts, alors, qu'au cours de ces quatre jours, nous avons couvert un

15 plus grand nombre d'heures.

16 Q. Est-ce que vous pourriez faire en sorte que -- afin que nous puissions

17 voir ces autres rapports ?

18 R. Je ne pourrais pas faire en sorte que ce rapport vous devienne

19 disponible. Je pourrais certainement ou plutôt vous pourriez peut-être vous

20 adresser à l'entreprise ou à la chaîne télévisée pour laquelle je travaille

21 et je crois que l'Accusation procéderait de la même sorte.

22 Q. Je vous ai demandé un peu plus tôt, si l'Accusation avait reçu les

23 autres films afin de les visionner préalablement ?

24 R. Ils ne les ont certainement pas reçus. Ils n'ont certainement pas pu

25 les visionner. Je ne crois pas qu'il leur était possible de les visionner,

Page 625

1 mais la version, que nous avons vue aujourd'hui, n'est pas d'une très bonne

2 qualité. Il ne me semble pas que ce soit la chaîne télévisée qui ait pu

3 leur rendre cela disponible. On dirait que c'est quelque chose qui a été

4 enregistré et filmé de façon non professionnelle.

5 Q. S'agissant des rapports y compris celui que nous avons vu aujourd'hui,

6 y a-t-il eu des séquences tournées pour voir où se trouvait l'artillerie

7 croate, où se trouvaient les positions croates ? Vous avez dit que vous

8 vous êtes rendu à Srdj à une reprise et nous n'avons pas pu voir sur le

9 film aujourd'hui cela.

10 R. Il y a eu certaines illustrations de l'armement croate, mais on n'a pas

11 énormément dans le -- et l'une des raisons pour laquelle cela est ainsi,

12 c'est qu'ils n'avaient pas non plus beaucoup d'armes. Ils ne se servaient

13 pas souvent de leurs armes. C'est ainsi qu'il était assez difficile de les

14 filmer en action. Vous avez vu, sur une séquence -- sur la séquence que

15 vous avez vue, un mortier croate qui a été tiré en direction de la position

16 de la JNA. Nous n'étions jamais en position de tourner ou de filmer le

17 moment où le mortier avait été tiré, mais il m'est arrivé de voir

18 personnellement que l'on ait déplacé un mortier d'une position à une autre.

19 Donc la nature de leur défense était qu'ils n'avaient pas beaucoup d'armes

20 et ceux dont ils disposaient n'étaient pas des armes très puissantes.

21 Q. Je suis désolé. Je vous interromps. Pour dire que oui, bien sûr, nous

22 allons parler de cela un peu plus tard, mais pour l'instant, je

23 souhaiterais vous poser une question puisqu'au tout début de votre

24 interrogatoire, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'un reporter assez

25 qualifié. Vous êtes journaliste de guerre, vous vous trouvez dans plusieurs

Page 626

1 théâtres de conflits et vous avez envoyé des rapports depuis ces théâtres

2 de conflits et, corrigez-moi, si je ne m'abuse, est-il exact de dire que

3 pour vous, lorsqu'on parle d'une activité de déplacement de l'une partie ou

4 de l'autre partie, que cela représente la partie la plus intéressante pour

5 vous, en tant qu'envoyé de guerre, vous êtes intéressé par le mouvement,

6 n'est-ce pas ? Est-ce exact ?

7 R. Vous avez raison de présumer cela. Vous avez raison également de dire

8 que nous avions tenté à plusieurs reprises de filmer des deux côtés. Même

9 si on estime qu'il s'agit d'un conflit, on avait qu'un combattant. D'après

10 ce que j'ai dit, si vous vous en souvenez, dans mon rapport principal, j'ai

11 dit que les deux parties avaient participé aux conflits. Ils ont tiré l'un

12 sur l'autre. Nous avions désiré illustrer ce que les Croates faisaient

13 également, mais ils circulaient beaucoup et ils essayaient de se protéger

14 le mieux et ils ne restaient au même endroit beaucoup de temps. Il y avait

15 deux à trois mortiers montés sur les camions et ils circulaient rapidement

16 afin de pouvoir tirer. Ils tiraient puis ils continuaient. C'est pour cela

17 qu'il était très difficile de les filmer alors que l'action était en cours.

18 Q. Plus spécifiquement, lorsque vous avez répondu aux questions de

19 l'Accusation, vous avez dit que vous avez vu les mortiers Croates

20 lorsqu'ils circulaient sur la côte depuis l'hôtel Belvedère jusqu'à l'hôtel

21 Argentina. Avez-vous filmé cette action ? De quelles distances parlons-

22 nous ? Si vous n'avez pas filmé, pouvez-vous nous en donner les raisons ?

23 R. Bien sûr. Vous n'avez pas tout à fait raison. Vous avez confondu deux

24 choses. Oui, j'ai vu les mouvements de mes propres yeux dans la région de

25 Dubrovnik le mouvement de mortier croate. Et, oui, je sais que ces mortiers

Page 627

1 étaient utilisés pour effectuer des tirs contre la JNA dans la zone de

2 l'hôtel Argentina et l'hôtel Belvedère, mais je n'ai pas vu de mortier dans

3 la vieille ville. J'ai entendu deux ou trois reprises des sons très forts

4 de ces mortiers qui se trouvaient près de l'hôtel Belvedère et Argentina.

5 Nous avons tout de suite essayé de rejoindre les positions depuis lequel

6 nous pouvons filmer ces mouvements de mortiers, mais ceci n'était pas

7 simple puisqu'il s'agissait d'un échange de tirs et, eux également, ils

8 bougeaient. Oui, ils avaient des mortiers, oui, ils tiraient depuis cette

9 zone, mais nous ne pouvions pas les filmer. Je ne peux pas vous donner une

10 description complète de leurs mouvements.

11 Q. Si j'ai bien compris, c'est la tactique des Croates, des mortiers qui

12 vont empêcher de filmer cette situation le meilleur d'agir vous en a

13 empêché, vous a rendu votre tâche périlleuse.

14 R. Oui. Vous avez raison lorsque vous présumez cela, mais ceci n'aurait

15 pas pu nous arrêter si nous avions pu --

16 Q. [aucune interprétation]

17 R. [aucune interprétation]

18 Q. S'agissant de cette tactique de l'artillerie croate, aviez-vous

19 l'occasion de voir les ripostes rapides de la JNA, compte tenu des

20 positions occupées par les Croates ? Est-ce que ceci est également

21 constitué un élément de risque ?

22 Mme SOMERS : [interprétation] Je fais d'abord une objection.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

24 Mme SOMERS : [interprétation] Je m'excuse, mais je pense que nous avons

25 fait une distinction sur ce qu'était la question directive et le témoignage

Page 628

1 par le biais du Conseil. Il me semble qu'il s'agit de la deuxième

2 situation, à présent.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne le pense pas pour le moment. Il

4 me semble que toute fois qu'il s'agit d'une question qui comporte plusieurs

5 volets, je ne sais pas comment notre témoin réussira à en sortir. Mais je

6 pense que vous devriez plutôt, Maître, poser plusieurs questions et après

7 nous verrons.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne m'est pas facile de voir ce que vous

9 entendez par là. Peut-être vous pourriez poser des questions séparées

10 seraient plus simples.

11 M. RODIC : [interprétation] Bien sûr. Je peux vous faciliter la tâche de

12 cette manière.

13 Q. A plusieurs reprises, vous avez évoqué la tactique des soldats croates

14 manipulant des mortiers. Ils agissaient et tout de suite après avoir tiré,

15 ils s'éloignaient de l'endroit qu'ils occupaient auparavant. Est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que nous avons là une situation qui était plus fréquente que les

18 autres situations d'action des Croates, pendant toutes ces périodes que

19 vous avez été à Dubrovnik ?

20 R. Oui. Il semble qu'il s'agissait d'une tactique qu'ils utilisaient la

21 plupart du temps. Ils ne restaient jamais à un endroit trop longtemps pour

22 des raisons qui me semblent évidentes.

23 Q. Pouvez-vous nous citer des exemples de ces raisons qui vous semblent

24 évidentes, des raisons évidentes de ces mouvements ?

25 R. Les mortiers utilisés étaient très peu nombreux et ils se situaient sur

Page 629

1 la ligne de tirs des pièces d'artillerie bien plus pesantes. En ouvrant le

2 feu, ils se découvraient et pouvaient provoquer une riposte immédiate.

3 Q. Si j'ai bien compris, vous aviez donc eu l'occasion de voir les

4 ripostes de la part de la JNA, elle a dirigé contre les mortiers croates.

5 R. J'ai pu voir les tirs de la JNA, les tirs de ripostes et des tirs qui

6 de toute évidence ne l'étaient pas.

7 Q. Mais vous aviez pu observer des activités de la JNA qui étaient en fait

8 des ripostes aux actions des Croates.

9 R. Je ne dirais pas cela. J'ai vu les mortiers, des pièces d'artillerie

10 croates. Lorsqu'ils tiraient, je les ai vus s'éloigner une fois l'action

11 terminée, mais je ne pourrais pas affirmer qu'une partie ou l'autre avait

12 commencé des activités ce jour, un jour donné.

13 Q. Mais lorsque vous avez dit que vous aviez vu agir et s'éloigner avant

14 que l'autre partie riposte, est-ce que vous aviez pu donc, à ce moment-là,

15 voir cette réaction de la JNA ?

16 R. J'étais en mesure de voir que les tirs qui avaient commencé avant que

17 je ne comprenne qui tiraient donc, que les tirs donc étaient de manière

18 continue, provenaient de manière continue des positions de la JNA.

19 Q. Est-ce que cela veut dire qu'à de nombreuses reprises, vous n'étiez pas

20 en mesure de dire qui était à l'origine des premiers tirs, compte tenu de

21 l'ensemble du territoire de Dubrovnik et des positions occupées par la JNA

22 et les Croates respectivement ?

23 R. Ce n'est qu'à peu de reprises que quiconque en est le commandant qui en

24 a l'ordre aurait pu dire qui a commencé les combats un jour donné. Et ce

25 que l'on peut dire toutefois, ce au sujet de quoi on peut se prononcer

Page 630

1 c'est l'ampleur de la bataille qui serait suivie.

2 M. RODIC : [interprétation] Est-il peut-être temps de faire une pause ?

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je pense qu'il est temps de faire

4 une pause mais comme vous aviez entamé un sujet que je trouve très

5 intéressant, je ne voulais pas vous interrompre. Nous allons faire une

6 pause de 20 minutes.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 09.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 36.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, Monsieur Rodic.

10 M. RODIC : [interprétation]

11 Q. Monsieur Davies, je vais revenir sur le reportage que nous avons

12 visionné ici tout à l'heure. Vous nous avez dit que vous avez recouru aux

13 enregistrements et aux notes pour préparer avant de venir témoigner ici,

14 devant cette Chambre, afin de vous remémorer les évènements de 1991, vu le

15 temps écoulé depuis. Ayant cela à l'esprit et puisque je ne l'ai pas

16 remarqué lorsque j'ai regardé cet enregistrement, je n'ai donc pas vu de

17 date. Vous avez dit qu'il s'agit d'évènements, qui se sont déroulés sur

18 plusieurs jours. Comment avez-vous procédé pour déterminer quel évènement a

19 eu lieu à quelle date, puisque nous n'avons pas pu voir de date sur

20 l'enregistrement même ?

21 R. C'est facile. Chaque partie du reportage que vous avez vu a été

22 assemblée et mis ensemble le soir même des évènements et qu'avec

23 l'écoulement du temps, le reportage, nous ne savions pas quelle sera sa

24 durée finale. C'était, en fin de compte, quatre jours. Quant à la

25 détermination du temps auquel certaines séquences ont été tournées, la

Page 631

1 cassette et son étui contiennent tous les détails : la date, la qualité,

2 l'heure. Et lorsque vous mettez ensemble des évènements qui se sont

3 produits dans la journée même, quelques heures auparavant, le reportage,

4 que vous avez vu a été complété le 12 décembre, et rien n'a été ajouté

5 ultérieurement. Lorsque nous avons procédé au final, le 12 au soir, nous

6 avons fait beaucoup de copies et nous avons essayé de les faire sortir de

7 Dubrovnik par de nombreux moyens. Et l'une de ces copies est arrivée à

8 Londres, et cet enregistrement là a été diffusé.

9 Q. Vous venez de dire que vous avez enregistré jusqu'au 12 novembre et que

10 les séquences que vous avez montées concernaient les choses jusqu'au 12.

11 Alors que, tout à l'heure, vous avez évoqué quatre jours, les 9, 10, 11 et

12 12 novembre. Est-ce correct ?

13 R. Oui, c'est correct.

14 Q. Et comment pouvez-vous affirmer que vous savez ce qui s'était passé

15 avant cette date là, avant la date du 9 novembre ?

16 R. Je me base sur mes mémoires. Depuis 1991, j'ai eu l'occasion de revoir

17 les reportages que nous avions envoyés auparavant, à plusieurs reprises.

18 Q. Si j'ai bien compris, la seule trace qui comporte la date est celle qui

19 figure sur la boîte de la cassette vidéo ?

20 R. Il ne s'agit pas du seul -- de la seule trace de ce qui s'est passé à

21 un jour donné. La source principale, la plus importante, est la -- le récit

22 qui a été rédigé et joint à la cassette le jour même où les évènements se

23 sont produits. Il n'y a pas de meilleure source.

24 Q. Outre ce film, cet enregistrement, avez-vous remis autre chose au

25 bureau du Procureur ? Des notes, des boîtes ou autre, éléments permettant

Page 632

1 de -- d'identifier des évènements puisque nous venons de constater que les

2 dates des évènements n'y sont pas inscrites, ils (sic) ne sont pas inscrits

3 sur cet enregistrement.

4 R. Non, je n'ai pas remis au bureau du Procureur quoi que ce soit d'autre

5 qui pourrait aider à identifier les évènements.

6 Q. J'ai également pu observer que le temps inscrit sur l'enregistrement, à

7 gauche de l'écran, n'a pas commencé par zéro. Alors, la cassette ne démarre

8 pas à zéro. Pouvez-vous nous expliquer cela ? Est-ce qu'il s'agit d'une

9 partie d'un ensemble plus grand, d'une série de cassettes comportant deux

10 ou trois enregistrements ?

11 R. Il semblerait que le début et la fin ne figurent pas. Je ne pense pas

12 qu'il y ait d'autres explications. Il s'agit juste d'un travail mal fait --

13 fait à peu près, et il y a des parties du reportage qui ne figurent pas, du

14 début à la fin.

15 Q. Savez-vous qui en est l'auteur ? Qui n'a pas -- a découpé cette

16 première et dernière partie ?

17 R. Je ne le sais pas. Si j'ai bien vu, il n'y a pas de partie très

18 importante qui manque.

19 Q. Pouvez-vous alors nous -- nous en dire un peu plus sur cet

20 enregistrement ? Comment se fait-il qu'il a été envoyé ici ? Est-ce vous

21 qui l'avez donné à quelqu'un ?

22 R. Quelqu'un d'autre l'a fait.

23 Q. Savez-vous de qui il s'agit ?

24 R. Non.

25 Q. N'êtes-vous pas le genre de personne, qui allez vous intéresser à la

Page 633

1 personne qui a remis cet enregistrement, puisqu'il s'agit de votre

2 reportage que vous avez fait lors de votre séjour à Dubrovnik ?

3 R. Un peu seulement. Comme je l'ai déjà dit, comme il s'agissait du seul

4 reportage qui est de l'état de ce qui se passait à Dubrovnik, il était

5 diffusé partout dans le monde dès qu'il est sorti de Dubrovnik. Les

6 archives de la plupart des organisations de médias l'ont en leur possession

7 et moi-même, je l'ai vu à plusieurs reprises un peu partout. Et c'est ce

8 qui se passe d'habitude avec quelque chose d'exclusif, ça devient la

9 propriété du monde entier et on le retrouve un peu partout.

10 Q. Vous avez donc eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises et à des

11 endroits différents. Ce reportage est-il différent, de quelque manière que

12 ce soit, de celui que l'on a vu aujourd'hui ? Est-ce que le contenu de ces

13 reportages contienne autre chose et je pense en particulier au début et à

14 la fin ?

15 R. Toutes les versions que j'ai vues correspondent dans leur intégralité à

16 ce que nous avons vu ici aujourd'hui. Il s'agit que de deux ou trois

17 secondes à la fin et au début mais nous ne parlons pas là de quoi que ce

18 soit de matériel.

19 Q. Pouvez-vous m'expliquer comment se fait-il qu'au bout de douze ans,

20 vous pouvez me dire avec précision qu'il n'y ait que deux ou trois secondes

21 qui ne figurent pas au début et à la fin de cet enregistrement ? Comment

22 pouvez-vous affirmer avec certitude qu'il n'y a rien d'important que l'on

23 pourrait y voir ?

24 R. Je saurais si quelque chose d'important ne figurait pas dans cet

25 enregistrement. Je le saurais puisqu'il s'agit de quelque chose d'important

Page 634

1 dans ma carrière professionnelle. Et même après tout ce temps, je me

2 souviens très bien et je pourrais remarquer si quelqu'un essayait de le

3 modifier de quelque manière que ce soit.

4 Q. Mais si je ne me trompe pas ce sont vous-même qui avez constaté qu'il y

5 a eu modification. Si vous avez dit qu'il manquait deux ou trois secondes

6 et il se peut qu'il s'agisse de quelques minutes. Il ne s'agit pas donc du

7 même enregistrement que celui que vous avez fait à l'époque. Et vous avez

8 recouru aux détails figurant sur la boîte pour identifier les événements

9 qui y figurent. Ce n'est pas vous qui avez remis cet enregistrement et vous

10 vous en êtes soudainement rafraîchi la mémoire en recourant à un détail

11 figurant sur la boîte ?

12 R. Tout d'abord, je veux dire que j'ai vu les originaux de cet

13 enregistrement, donc je peux me permettre de dire que je sais quelle était

14 sa forme originale. Donc cet enregistrement que nous avons vu aujourd'hui

15 est le bon enregistrement sauf qu'il manque deux ou trois secondes au début

16 et à la fin. Je pense que vous exagérez l'importance de ces secondes qui

17 manquent. En tant que professionnel, lorsque je vois par exemple qu'un

18 début a été bâclé, qu'il y a une seconde ou deux qui y manquent, ceci me

19 gêne même s'il ne s'agit pas de mon travail, ceci me gêne quelque peu. Et

20 même si en omettant cette seconde, rien d'important n'a été modifié. Ce

21 n'est pas un désastre.

22 Q. C'est à vous en tant que professionnel que je m'adresse, vous êtes gêné

23 bien sûr si quelqu'un d'autre décide de découper votre trêve, qui l'a fait

24 et pour quelle raison ? Il me semble naturel qu'en tant que professionnel,

25 vous vous intéressiez à cela.

Page 635

1 R. Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit. Très peu d'éléments ont

2 été perdus. Et l'on parle là que de présentation, ça semble toujours un peu

3 bâclé quand il manque une ou deux secondes au début ou à la fin. Ceci

4 arrive, par exemple, lorsque l'on regarde un journal quelque fois et

5 lorsque le présentateur dit voilà vous allez voir ce reportage et vous ne

6 voyez pas les deux ou trois premières secondes de cet enregistrement. C'est

7 cela qui s'est produit ici.

8 M. RODIC : [interprétation] Je demanderais à la régie de diffuser juste le

9 début de l'enregistrement vidéo, donc le tout début de la pièce à

10 conviction qui porte la cote 19.

11 [Diffusion de cassette vidéo de l'intercalaire P19]

12 [Référer à l'intercalaire P19.1 pour la transcription de vidéo]

13 M. RODIC : [interprétation] Je vous prie d'arrêter à présent.

14 Q. Au début de cet enregistrement, on voit le chiffre 0, donc 0 heures 35

15 minutes, 32 secondes. Il semble que nous sommes là à la 35e minute de

16 l'enregistrement. Nous ne parlons donc pas de secondes.

17 R. Ecoutez -- je ne peux pas vous dire avec certitude, je veux simplement

18 vous donner mon point de vue. Le numéro que vous voyez inscrit en haut de

19 l'écran n'a rien à voir avec le reportage lui-même et ce chiffre ne s'y

20 serait certainement pas trouvé lorsque nous avons monté le reportage et

21 lorsqu'il a été diffusé. Il me semble que ce chiffre vient de l'endroit,

22 quel que soit, d'où provient ce matériel et lorsque ceci a été transféré et

23 formaté sur cette cassette et à mon sens ces chiffres représentent la

24 cassette sur laquelle le reportage a été enregistré, et je vais essayer de

25 m'expliquer -- d'expliquer cela plus clairement. Par exemple, si vous avez

Page 636

1 une cassette sur laquelle vous avez déjà 34 minutes de films, et vous avez

2 35 minutes déjà dessus, là vous voulez commencer votre reportage et vous

3 avez un tout petit écart entre la dernière partie des reportages et le

4 début de l'autre. Peut-être que c'est pour cela que nous avons ici le

5 chiffre 35. Mais ceci n'a rien à voir avec le reportage en question.

6 Q. Pourriez-vous me dire ce que représente l'acronyme CTL ?

7 R. Ecoutez, je n'ai aucune idée. Je sais que ceci a certainement dû être

8 inscrit par la suite et, lorsque ceci a dû être mis en place après le

9 montage du film -- après que nous ayons remis ce reportage qui a été fait

10 par mon équipe, ça n'est pas quelque chose que je reconnais, en tout cas.

11 Q. Est-ce que cela signifie que vous ne savez pas ce que cette cassette

12 ou, en tout cas, ce qui peut exister sur cette cassette et ces 35 minutes

13 qui précèdent ce film-ci ?

14 R. Ecoutez, si ce chiffre fait instance à cela, c'est tout à fait

15 possible, je n'ai aucune idée de quoi il s'agit concernant cette cassette

16 en particulier. Cela pourrait être un enregistrement dans un studio qui a

17 duré 34 minutes, je ne sais pas.

18 M. RODIC : [interprétation] Je demanderais au technicien de bien vouloir

19 avancer la cassette. La cassette dure 11 minutes et j'aimerais arriver au

20 milieu, s'il vous plaît. Si nous pourrions avoir la cinquième ou sixième

21 minute de ce reportage.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, pendant que le

23 technicien procède à cela, la façon dont la Chambre entend cela, cette

24 vidéo ne se trouve pas entre les mains des techniciens, mais sur les

25 moniteurs du bureau du Procureur, et je suis sûr que Mme Somers va nous

Page 637

1 venir en aide et nous parler de la source de cette cassette, qui, pour le

2 moment, semble être encore quelque peu mystérieux.

3 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que ceci me

4 paraît très écourté, mais mon contre-interrogatoire, si nous connaissions

5 l'origine de cette cassette vidéo, ceci me permettrait peut-être de ne pas

6 perdre le temps de tout à chacun ici présent.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, c'est peut-être une bonne

8 idée, Monsieur Rodic.

9 Madame Somers, pouvez-vous nous aider en la matière ?

10 Mme SOMERS : [interprétation] Ecoutez, si vous me permettez, accordez-moi

11 quelques instants pour que je puisse essayer de répondre à la question.

12 Cinq minutes, s'il vous plaît.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 Mme SOMERS : [interprétation] Ecoutez, pour l'instant, la vidéo se trouve

15 dans notre système informatique. Nous allons essayer de l'extraire, essayer

16 de trouver l'origine de ce document, mais pour l'instant, nous ne pouvons

17 pas procéder à cela.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, je me demande si vous

19 pouvez passer à autres choses, eu égard de l'information qui vient de vous

20 être fournie. Nous espérons que ces informations vous seront fournies avant

21 la fin de votre contre-interrogatoire. Si vous avez besoin d'examiner ce

22 point plus en détail, à ce moment-là, vous pourrez le faire à ce moment-là,

23 si vous en êtes d'accord.

24 M. RODIC : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, je suis tout à

25 fait disposé d'aborder un autre sujet.

Page 638

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Merci beaucoup.

2 M. RODIC : [interprétation]

3 Q. Avant votre arrivée à Dubrovnik, Monsieur Davies, avez-vous -- vous

4 êtes-vous rendu à d'autres endroits en Croatie ?

5 R. Oui. Peu de temps avant ma visite à Dubrovnik, je m'étais rendu à

6 Zagreb et à d'autres endroits également près de Vukovar, Vinkovci, Osijek,

7 et d'autres endroits et des régions où il y avait des problèmes.

8 Q. Et vous dites que vous avez quitté Dubrovnik le 28 ou le 29 octobre.

9 Pourriez-vous préciser, s'il vous plaît, le temps que vous avez passé en

10 Croatie au total, et à Zagreb et d'autres endroits ? Combien de temps avant

11 votre départ de Dubrovnik avez-vous passé en Croatie ?

12 R. Trois semaines. Trois semaines. Il s'agissait d'une période de trois

13 semaines qui s'est terminée, il me semble, le 26 octobre. Et je suis resté

14 à Londres quelques jours seulement avant de repartir à Dubrovnik.

15 Q. Quelle était la mission qui vous avait été confiée pendant ces trois

16 semaines ?

17 R. Il s'agissait d'observer et de préparer des reportages sur les

18 difficultés qui surgissaient dans cette région, pour autant que je puisse

19 le faire, et cela signifiait que je devais me rendre dans les régions où il

20 y avait des combats, où il y avait des différents évènements ou des

21 désaccords sur l'emplacement des casernes de la JNA en Croatie, comme à

22 Zagreb, des désaccords sur les armes qui s'y trouvaient, les sièges, et

23 cetera, qui avaient lieu des sièges et ce genre de choses.

24 Q. Et ces combats que vous avez couverts, quelles étaient les parties aux

25 combats ?

Page 639

1 R. Et bien, parmi les parties combattantes, il y avait l'armée croate et

2 la JNA.

3 Q. Avez-vous pu faire des reportages et être des témoins de blocus contre

4 la caserne de la JNA et si tel est le cas, où avez-vous vu ce genre de

5 chose ?

6 R. J'ai vu cela de mes propres yeux et j'ai constaté cela à Zagreb et dans

7 les environs de Zagreb.

8 Q. Connaissiez-vous bien la situation en ex-Yougoslavie, une fois que vous

9 vous êtes rendu sur le territoire de l'ex-Yougoslavie pour faire des

10 reportages sur la Croatie en 1991? Connaissiez-vous bien les circonstances,

11 qui avaient précédé à la situation dans cette région avant votre arrivée.

12 R. Ecoutez, j'étais au courant de la situation de façon générale. Je

13 savais que la Croatie, ainsi que d'autres régions, avaient souhaité

14 l'indépendance. Je savais qu'il y avait des conflits qui avaient été

15 provoqués à la suite de cela. Je n'avais pas de connaissances approfondies

16 sur l'histoire de la région. C'était la toute première période où j'ai été

17 envoyé en ex-Yougoslavie, c'était le tout début d'une mission qui s'est

18 avérée être une très longue mission. Il y a d'autres missions aussi, par la

19 suite, que j'ai accomplies en ex-Yougoslavie. Il s'agissait des premiers

20 jours pour moi.

21 Q. La JNA constituait-elle une force armée légale de l'ex-Yougoslavie à ce

22 moment-là ?

23 R. Oui.

24 Q. Puisque vous êtes un reporter averti, avez-vous vu qu'une telle

25 situation était anormale ? Avez-vous constaté que les casernes des forces

Page 640

1 armées légales étaient entourées de barricades ?

2 R. Oui, cela n'était -- c'était inhabituel. Mais, encore une fois, nous

3 avions, à ce moment-là, déjà vu, en Europe de l'est, un certain nombre

4 d'évènements tout à fait inhabituels. Les forces en présence qui avaient

5 été contestées et, quelques fois, tout simplement renversées.

6 Q. Pouvez-vous nous décrire davantage votre départ pour Dubrovnik ?

7 Comment avez-vous eu l'occasion de vous rendre à Dubrovnik. Je pense qu'à

8 ce moment-là, vous saviez que Dubrovnik faisait l'objet d'un blocus. Est-ce

9 que quelqu'un vous a-t-il accompagné ? Quelqu'un vous a-t-il aidé à vous y

10 rendre ?

11 R. Personne ne nous a aidés dans la préparation de notre voyage. Nous nous

12 y sommes rendus en espérant pouvoir y aller. Au cours de mes différentes

13 missions, il m'est arrivé de constater que certains lieux étaient

14 inaccessibles car ceux-ci étaient assez assiégés. Nous sommes partis avec

15 l'espoir de pouvoir nous y rendre et, au cours de notre voyage, nous avons

16 appris qu'une tentative avait été menée, une tentative tout à fait

17 sérieuse, de rompre ce blocus. Alors, il y avait une flottille de bateaux

18 qui transportait des artistes, des musiciens, différents artistes et

19 quelques hommes politiques, qui allaient faire montre de leur désaccord et

20 qui souhaitaient casser ce blocus et illustrer les difficultés qui se

21 faisaient jour au quotidien, de plus en plus, à Dubrovnik.

22 Quand, bien, même ceci ne réussirait pas, nous nous étions dit que nous

23 allions nous rallier à eux. Nous avons -- de Rijeka, nous avons descendu

24 la côte en bateau et nous avons appris, en cours de route, que cette

25 flottille quittait le port de Split. Et nous avons eu un contact radio, à

Page 641

1 partir du bateau sur lequel nous nous trouvions, et ils ont accepté de

2 retarder leur départ, afin de pouvoir faire monter l'équipe de journalistes

3 que nous constituions en dehors du bateau. C'est comme cela que les choses

4 se sont passées. Et ils se sont arrêtés devant le port de Split et nous

5 avons été transférés à bord d'un petit bateau qui nous a fait rejoindre la

6 flottille. C'est ainsi que nous sommes entrés dans Dubrovnik.

7 Q. Avez-vous l'autorisation de mener votre reportage dans Dubrovnik ?

8 Aviez-vous votre accréditation sur vous ? Votre carte de journaliste ?

9 R. Nous avions notre propre équipe de tournage. Nous avions notre matériel

10 de tournage. Nous avions nos cartes de presse, mais il est vrai que nous

11 n'avions pas d'accréditation des autorités croates, ni de l'ex-Yougoslavie.

12 Q. Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, lorsque vous êtes montés au

13 bord du bateau Slavija, combien de temps a duré votre voyage sur ce bateau,

14 avant d'arriver au port de Dubrovnik.

15 R. Quasiment deux jours, le voyage a duré quasiment deux jours, y compris

16 une nuit.

17 Q. Donc, vous avez eu l'occasion de rencontrer les passagers qui se

18 trouvaient à bord de ce bateau ? Vous pouviez aussi préparer un reportage

19 sur ce voyage, ainsi que les passagers de ce bateau au bord duquel vous

20 veniez de monter.

21 R. C'est exact. Nous avons interviewé un certain nombre de passagers. Il y

22 avait des personnes que nous ne connaissions pas particulièrement nous-

23 mêmes, il y avait des chanteurs, des artistes très connus dans leurs

24 propres pays et nous nous sommes entretenus avec eux. C'est la raison pour

25 laquelle ils prenaient ce risque, c'est ce qu'ils espéraient obtenir par là

Page 642

1 et nous avons consacré beaucoup de temps à la négociation avec --

2 Q. Pardonnez-moi, j'y reviendrai un peu plus tard. Vous souvenez-vous du

3 nom de ces personnalités, des postes qu'ils occupaient ? Ou vous souvenez-

4 vous ce que représentaient ces personnes ? S'il s'agissait de personnalités

5 au plan culturel. Il y avait-il des hommes politiques ? Qui était au bord

6 de ce bateau ?

7 R. Pour ce qui est des artistes, je ne me souviens pas de leurs noms. Ce

8 n'était pas des gens que je connaissais moi-même avant cela. Je sais

9 seulement, par l'accueil qu'ils ont reçu à Dubrovnik, qu'il s'agissait de

10 personnalités fort connues en ex-Yougoslavie. Il y avait -- je me souviens

11 un chanteur, un tzigane, peintre très connu. Il y avait également un homme

12 politique, Stipe Mesic, qui se trouvait également sur le bateau Slavija, le

13 même bateau que nous avions -- sur lequel nous avions voyagé.

14 Q. Vous souvenez-vous quel était son poste à ce moment-là, à cet homme

15 politique dont nous parlons ?

16 R. Ecoutez, je ne sais pas quelle fonction il occupait. Je sais simplement

17 qu'il s'agissait d'un homme politique de rang, et que c'était la

18 personnalité politique la plus dominante à bord de cette flottille de

19 bateaux.

20 Q. Pourriez-vous nous dire environ, d'après votre destination, combine de

21 personnes se trouvaient à bord de ce bateau ? Combien de personnes se

22 trouvaient au bord des bateaux qui constituaient cette flottille.

23 R. Ecoutez, je ne peux vous donner qu'une réponse approximative -- non, je

24 ne peux pas. De mon point de vue, il y avait peut-être 100 ou 200, c'est

25 difficile à dire. Il y avait beaucoup de petits bateaux. Cela étant dit,

Page 643

1 certains de ces bateaux ne transportaient que deux ou trois personnes. Il y

2 avait des bateaux de pêche, il y avait des bateaux encore plus petits. Il

3 est difficile de vous donner un chiffre exact. Sur le bateau Slavija, il y

4 avait beaucoup de monde. Nous dormions sur le pont. Nous dormions sur le

5 pont, mais environ 100 à 200, je crois que je ne peux pas vous donner de

6 chiffres plus exacts que cela.

7 Q. Pensez-vous qu'il y avait davantage de personnes sur tous ces bateaux ?

8 R. Ecoutez, je ne pense pas, mais c'est possible.

9 Q. Pourriez-vous nous parler davantage des passagers qui se trouvaient sur

10 ces bateaux ? Ce qui m'intéresse, par exemple, c'est le nombre d'hommes et

11 de femmes.

12 R. A vrai dire, je ne me souviens pas bien. Je ne me souviens pas quelle

13 était la répartition entre les hommes et les femmes. Il y avait les deux.

14 Il me semble qu'il n'y avait plus d'homes que de femmes, mais je ne peux

15 pas être plus précis que cela.

16 Q. Et s'il y avait environ 200 passagers, à votre avis, y avait-il que des

17 artistes parmi ces passagers ?

18 R. Bien, c'est vrai que lorsque j'avance ce chiffre de 200, c'est un

19 chiffre très approximatif et ne fait pas référence au seul bateau la

20 Slavija. Et je n'avais pas connaissance de toutes les personnes à bord. On

21 ne nous a pas donné ce type d'information. Je ne savais pas qui étaient

22 toutes ces personnes.

23 Q. Merci. Je vous ai interrompu il y a quelques instants. Je suppose que

24 quelqu'un a contrôlé le bateau avant qu'il entre dans le port de Dubrovnik.

25 Pourriez-vous me dire comment cela s'est passé ?

Page 644

1 R. Oui, oui, tout à fait. Les marins qui se trouvaient sur les bateaux de

2 guerre sont descendus sur notre bateau et notre bateau a été arrêté devant

3 le port de Dubrovnik, et notre bateau a été fouillé. Il y a eu une période

4 de négociation. A un moment donné, quelqu'un est venu nous dire de quoi il

5 s'agissait. On nous a dit que ces négociations étaient en fait une

6 conversation à caractère officieux. Notre bateau avait été arrêté et il

7 souhaitait que nous repartions en direction dont nous étions venus et

8 ensuite une discussion a eu lieu, nous avons eu le droit de poursuivre

9 notre route sous certaines conditions; ensuite le bateau a été fouillé. Des

10 marins sont venus à bord, ils ont regardé dans la cale, en particulier, et,

11 pour finir, nous avons eu le droit de poursuivre notre route.

12 Q. Rapidement, est-ce que vous pourriez nous dire qui a mené des

13 négociations ?

14 R. Je ne sais pas qui a mené les négociations, mais je sais que Stipe

15 Mesic se trouvait dans la salle de contrôle de la Slavija à l'époque. Du

16 bateau nous l'avons filmé alors qu'il s'entretenait avec quelqu'un, à

17 savoir s'il s'agissait là des négociations ou d'autres choses, de

18 négociations ou de conversations parallèles, je ne sais pas. Mais il se

19 trouvait certainement là, à cet endroit-là et nous l'avons filmé, à ce

20 moment-là, nous l'avons photographié. Je ne sais pas s'il était en train de

21 négocier et je ne sais pas si c'est lui ou quelqu'un d'autre qui menait les

22 négociations. S'il s'agissait de l'armée qui allait décider de savoir où

23 nous pourrions poursuivre notre route, je ne sais pas qui était cette

24 personne qui menait ces négociations.

25 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Dubrovnik, vous avez dit que vous avez été

Page 645

1 hébergé dans l'hôtel Argentine. J'aimerais savoir comment vous vous êtes

2 déplacés dans la ville, comment vous avez pu obtenir des informations.

3 Saviez-vous qu'il y avait un centre de Renseignements à Dubrovnik ? Etiez-

4 vous en contact avec les gens de ce centre ou d'autres personnes et pour ce

5 qui est des déplacements dans les environs de Dubrovnik ? Et dans des

6 régions, des éléments qui auraient pu vous intéresser au plan

7 professionnel, est-ce qu'on vous a aidé en ce sens et, si oui, qui aurait

8 pu vous aider ?

9 R. Je savais qu'il y avait un centre d'Informations qui existait et,

10 lorsque j'avais besoin de renseignements de leur part, il m'arrivait de

11 m'adresser à eux, mais ils ne nous aidaient pas énormément dans le travail

12 que l'on faisait. Nous ne voulions pas obtenir des renseignements de

13 propagande ou -- et cetera. Nous voulions simplement nous déplacer

14 librement et voir par nous-mêmes et voir ce qui se passait et de mettre

15 tout ça sur pellicule. Dans de telles situations, lorsqu'on ne voit qu'une

16 partie du conflit, la seule façon de faire un reportage intéressant et

17 important c'est de le faire en obtenant des témoignages oculaires et c'est

18 ce que nous avions essayé de faire. S'il y avait des personnes, qui étaient

19 en mesure de nous donner une information concernant un problème énorme ou

20 un événement important, on recevait l'information en question, on en tenait

21 compte et ils nous étaient possible, à un certain moment donné. En fait,

22 plus tard, on a pu obtenir des véhicules, mais au tout début il nous a

23 fallu emprunter des véhicules pour nous permettre de nous déplacer dans

24 Dubrovnik -- dans différentes régions autour de Dubrovnik pour pouvoir

25 filmer les événements.

Page 646

1 Q. Il s'agit d'une région couverte qui faisait l'objet de combats. Est-ce

2 que vous aviez une personne qui vous escortait ? Y avait-il un représentant

3 qui vous suivait, une personne de Dubrovnik ?

4 R. Oui. Il nous arrivait d'avoir une escorte.

5 Q. Pourriez-vous nous dire de qui il s'agissait ?

6 R. Il nous arrivait d'avoir de temps en temps surtout au tout début de

7 notre arrivée car nous ne connaissions pas, bien sûr, bien non plus la

8 ville et la configuration du terrain il y avait un policier qui nous

9 prêtait assistance chaque fois que nous avions le besoin de nous déplacer

10 dans une zone où il était probable que des représentants officiels nous

11 disent : "Qu'il nous était interdit d'y entrer". C'est à ce moment-là qu'on

12 a été escorté par ce policier.

13 Q. Est-ce que ce policier était armé ? Portait-il un uniforme ?

14 R. Non. Lorsqu'il était avec nous, il ne portait pas d'armes, il n'était

15 pas en uniforme non plus. Mais, indépendamment de l'heure de la journée,

16 comme c'est d'ailleurs le cas avec tous les hommes en âges de porter les

17 armes, il avait un rôle à jouer dans la défense de la ville de Dubrovnik.

18 Q. Quel âge avait-il ?

19 R. Je dirais qu'il était dans la trentaine.

20 Q. Vous parlez toujours donc du même policier ? C'est le policier qui vous

21 a escorté à plusieurs reprises, est-ce exact ?

22 R. Oui. Il a probablement été avec nous trois ou quatre fois. Il était

23 avec nous une fois où il y avait des combats pendant la nuit. Ils nous

24 étaient important d'avoir une personne de l'endroit pour nous aider à nous

25 déplacer et il nous a également guidé lorsque nous nous sommes rendus à

Page 647

1 Srdj pour la première fois, et par la suite, pas seulement parce qu'il

2 faisait d'autres choses, et pas seulement parce que nous étions débrouillé

3 -- nous commencions à comprendre un peu la situation géographique de la

4 ville. Nous avions obtenu notre propre véhicule, nous n'avions plus

5 tellement besoin de faire appel à lui.

6 Q. A qui est-ce que vous aviez fait appel ? Comment est-ce que vous avez

7 rencontré ce policier ?

8 R. Nous n'avons pas fait de demande particulière, nous l'avons rencontré

9 au port lorsque nous sommes arrivés. Il nous a aidé à transporter certains

10 équipements à l'hôtel Argentina et nous a demandé si on avait besoin de

11 lui. Il nous a offert donc ses services puisque nous venions d'arriver et

12 il a dit que si jamais nous avions besoin de lui, de lui donner un coup de

13 fil et il a dit qu'il viendrait nous aider.

14 Q. Vous nous avez dit que vous vous êtes servis de lui en tant que guide

15 lorsqu'il y a eu un pilonnage pendant la nuit, pourriez-vous nous dire quel

16 était son rôle ? Est-ce que c'était une personne qui assurait votre -- vos

17 déplacements ? Est-ce qu'il vous permettait de passer là où il était

18 interdit de passer ? Est-ce que c'était pour d'autres raisons ?

19 R. Dans la plupart des cas, c'était encore -- c'était même plus simple que

20 ça. Nous ne savions pas -- nous ne connaissions pas la ville, il y avait

21 des bombardements. Il avait un véhicule et il était prêt à nous montrer ce

22 qui se passait et à nous aider à nous déplacer.

23 Q. Pourriez-vous nous dire -- est-ce que vous savez quels étaient les

24 motifs qui l'animaient à vous aider ?

25 R. Je crois que ces motifs, principalement, étaient le fait qu'il était

Page 648

1 bien content qu'une équipe de télévision étrangère soit présente à

2 Dubrovnik et il était heureux que le monde extérieur, à ce moment-là,

3 pouvait avoir une idée de ce qui se passait dans la ville de Dubrovnik. Il

4 voulait simplement nous aider à faire notre travail.

5 Q. Dites-moi brièvement, pendant votre séjour, est-ce que vous avez reçu

6 de l'aide de la part de l'armée croate, une aide semblable à celle que vous

7 aviez obtenue de ce policier dont vous parlez ?

8 R. Non, non. Nous avions reçu de l'aide dans le sens où ils nous ont

9 permis de les filmer quelquefois, et ils nous ont permis d'interviewer

10 certaines personnes. Mais ils ne nous ont jamais emmenés à un endroit où on

11 pourrait voir, soit leurs installations, où on pouvait les filmer en

12 action, par exemple. Il n'y avait pas ce genre de coopération, si vous

13 voulez. Nous avions essayé d'arriver à certains endroits. Nous n'avons pas

14 pu y arriver. Il semblait que le tout se déroulait au niveau beaucoup moins

15 sophistiqué si vous voulez -- c'était à nous de nous déplacer, de trouver

16 des situations à filmer. Plus tard dans l'ex-Yougoslavie, j'ai vu que

17 l'opération, lorsqu'il s'agit prendre charge d'un groupe ou de la presse

18 des médias, était beaucoup plus sophistiquée. Ça se faisait à un niveau

19 beaucoup élaboré, mais pas ici, de toute façon.

20 Q. Lorsque vous avez parlé des membres de l'armée croate, vous avez dit

21 que ces derniers vous permettaient de les filmer, comme vous nous avez

22 expliqué de les filmer de façon assez limitée, est-ce que c'était un simple

23 soldat qui vous permettait de les filmer ? Qui -- à qui vous adressiez-vous

24 pour obtenir de tels permis ? Bon, que d'obtenir de permis de filmer.

25 R. Généralement parlant, alors que nous nous déplacions dans le cadre

Page 649

1 d'une journée ordinaire, nous voulions savoir, par exemple, ce qui se

2 passait. Donc, nous rencontrions une personne et si la situation était

3 propice, nous pouvions simplement filmer les personnes sans leur demander

4 la permission. Par exemple, s'il y avait des tirs ou s'il y avait une

5 action quelconque, nous pouvions également voir des personnes qui suivaient

6 le cours normal d'une journée, qui faisaient quelque chose, et nous les

7 approchions pour leur demander si nous pouvions les filmer. Et ensuite,

8 nous pouvions nous adresser, par exemple, au commandant local, et ce

9 n'était jamais quelqu'un qui était très haut placé. Et la plupart du temps,

10 il s'entretenait avec nous. Il nous disait oui, vous pouvez faire ceci ou

11 cela. Des fois, il nous disait non, vous ne pouvez pas faire telle ou telle

12 chose, mais ils semblaient être assez coopératifs. Lorsque nous filmions la

13 situation, ils avaient compris que cela serait bénéfique pour eux puisque,

14 de toute façon, ils se sentaient comme étant des victimes du conflit.

15 Q. Concrètement au cours de votre séjour, est-ce que vous avez fait un

16 reportage sinon pas plus d'activités provenant d'un soldat croate ?

17 R. Nous avons filmé des soldats croates en action. Mais je ne me souviens

18 pas d'avoir pu -- d'avoir filmer un soldat croate appuyé sur la gâchette.

19 J'ai filmé à plusieurs reprises des soldats croates qui étaient derrière

20 leurs armes, leurs fusils, avec les fusils qui pointaient en direction des

21 positions de la JNA. J'ai également filmé des soldats croates déplaçant un

22 mortier à un autre endroit, depuis l'endroit où il était, et à trois ou

23 quatre reprises, j'ai filmé les résultats de ce qu'avaient fait les soldats

24 croates, c'est-à-dire, qu'on pouvait voir les points d'impact de mortiers

25 et que nous ne pouvions voir les soldats tirer des obus. Nous pouvions voir

Page 650

1 les cratères laissés par les obus. Et je n'ai jamais filmé un soldat en

2 train de tirer -- de lancer un obus. Mais cela, je ne dis pas qu'ils ne

3 l'ont pas fait, mais cela n'est jamais arrivé devant les caméras.

4 Q. Pourriez-vous nous dire donc quelle est la raison pour laquelle vous

5 n'avez pas de telle -- ne pas filmer rien de la sorte, alors que vous étiez

6 en position de le faire, vous étiez en mesure de le faire ? Vous étiez tout

7 près d'eux.

8 R. Il y a plusieurs raisons à cela. Je crois qu'en réalité cela ne se

9 passait pas aussi fréquemment que les tirs qui provenaient et qui tombaient

10 -- les tirs qui étaient dirigés en direction de la baie de Dubrovnik. Donc

11 c'est l'une des réponses, une autre réponse serait que les pièces

12 d'artillerie et les mortiers qui étaient utilisés à chaque fois qu'on s'en

13 servait, ils étaient bien cachés. En fait, c'est les deux raisons

14 principales.

15 Q. Mais vous dites que vous avez filmé les résultats de ce qu'avaient fait

16 les forces croates ?

17 R. Oui. En fait, on s'est peut-être perdu dans l'interprétation, une

18 activité ne veut pas nécessairement vouloir dire qu'on tirait, parce que je

19 parle d'activités. Je ne voulais pas nécessairement parler de tirs, mais je

20 vais répéter. Je ne me souviens pas d'avoir filmé de soldats croates en

21 train de tirer depuis leurs armes, mais je sais avoir vu les résultats de

22 ce qu'ils avaient fait et je sais que je m'étais entretenu avec eux, et

23 qu'ils m'avaient dit qu'ils avaient tiré, mais je n'ai jamais filmé de tels

24 événements.

25 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de filmer les résultats de leurs

Page 651

1 activités ? Si vous n'avez pas pu filmer le moment même où on a ouvert le

2 feu, est-ce que vous avez pu filmer les résultats des activités de leur

3 artillerie ?

4 R. Oui. Et les images que nous avons tournées, ont servi pour un grand

5 nombre de reportages, et le reportage le plus important est celui que vous

6 avez vu, c'est qu'on ait atteint une cible depuis la position de Zarkovica.

7 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire qui vous a permis d'atteindre les

8 positions de l'armée croate à Srdj et comment vous êtes-vous rendu à cet

9 endroit-là ?

10 R. Et bien, nous ne connaissions pas non plus l'endroit où on pouvait --

11 le chemin que nous pouvions emprunter pour nous rendre jusqu'au sommet de

12 la montagne. Il y avait un sentier piéton et le policier nous a montré par

13 où passer. Par la suite, nous connaissions le chemin et nous pouvions nous

14 déplacer par nous-même. Je devrais dire sans doute pour être encore plus

15 clair, que nous avions avec nous un interprète, cela nous a aidé à

16 communiquer sans avoir un guide officiel. Il s'agissait de l'interprète

17 qui, en fait, était venu avec nous à Dubrovnik.

18 Q. Vous êtes entré donc dans une forteresse à pied, il s'agit d'une

19 installation militaire depuis laquelle on tire -- depuis laquelle il y a

20 des activités de combats. On tirait également sur cette forteresse de

21 l'autre côté donc la JNA avait pris pour cible cette forteresse en plein

22 milieu de ses activités de guerre dans une zone de combats. Il est un peu

23 inhabituel que vous y entriez à pied comme vous avez dit vous-même, qu'il

24 s'agissait de la position la plus importante.

25 R. Des fois, il est possible de le faire, il faut user de son jugement.

Page 652

1 Nous avions entendu une petite accalmie et nous pensions que si les combats

2 allaient recommencer nous allions nous retirer immédiatement. Ce sont des

3 questions que l'on doit se poser au moment même où les choses se passent.

4 Par exemple, quelqu'un aurait pu dire, est-ce que c'est réaliste de se

5 trouver à l'intérieur de Dubrovnik alors que l'extérieur, il y a des

6 combats encore plus importants qui se passe.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que le moment est importun

8 Monsieur Rodic, ou est-ce que vous êtes en train de poser des questions

9 très importantes. Je ne voudrais pas vous couper le flux de vos idées --

10 M. RODIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, j'ai beaucoup

11 d'autres questions importantes, et je souhaiterais continuer demain le

12 contre-interrogatoire du témoin.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur.

14 Je vais vous demander de revenir jeudi matin. Nous allons reprendre nos

15 travaux à ce moment-là.

16 Et je voudrais également mentionner quelque chose à Mme Somers. La Défense

17 nous a fourni un écrit concernant la question, à savoir si on peut parler

18 avant la date du 6 décembre. Je me demandais si l'Accusation pouvait

19 répondre à cela.

20 Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons été informé

21 que le document a été envoyé. Nous n'avons pas encore été -- que la requête

22 avait été faite et nous n'avons pas encore pu répondre.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je me sentirais plus à l'aise si vous

24 me disiez que vous alliez répondre le plus rapidement que possible.

25 Mme SOMERS : [interprétation] Je n'ai pas encore reçu ces documents.

Page 653

1 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

2 Mme SOMERS : [interprétation] Je crois que la Défense nous a indiqué qu'il

3 y avait trois documents qu'il voulait nous faire parvenir, mais nous ne les

4 avons pas encore reçus.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Alors la journée de demain sera

6 peut-être une journée propice pour répondre à cela.

7 Mme SOMERS : [interprétation] Oui. Certainement, Monsieur le Président,

8 nous allons nous y mettre demain. J'aimerais parler de la disposition de

9 témoins qui avaient été prévus et qui se trouve sur la liste. Je sais que

10 Monsieur Davies ne croyait pas -- ne pensait pas qu'il allait devoir

11 revenir et nous, les membres de l'Accusation, ainsi que les membres de la

12 Défense, nous n'avions pas compris que demain est une journée où nous ne

13 siégerons pas. Pour ce qui est du témoin de demain, c'est un témoin qui

14 reviendra jeudi et vendredi. Il s'agit d'un témoin qui est un ambassadeur

15 et c'est une personne qui est très occupé. Nous allons, donc, essayer de

16 l'accueillir quand elle pourra. Ensuite, nous avons un autre témoin pour

17 lundi qui a également des contraintes de temps et M. Samardzic était notre

18 prochain témoin, en fait, c'était le témoin qui aurait -- qui viendrait

19 témoigner après l'ambassadeur Alajbeg. Donc, à ce moment-là, cela veut dire

20 que nous allons devoir changer l'ordre de comparution des témoins. Ce n'est

21 pas quelque chose que nous avions prévu et je ne sais pas si la Chambre

22 souhaite que ce témoin revienne jeudi ou désirez-vous changer l'ordre du

23 témoin.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Donc vous me demander s'il est

25 possible d'interrompre le témoignage de M. Davies et de lui demander de

Page 654

1 revenir à un moment qu'il lui conviendrait mais pour ne pas interrompre

2 non plus l'ordre des témoins.

3 Mme SOMERS : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, est-ce que cela vous

5 dérangerait si vous coupiez votre contre-interrogatoire, vous

6 l'interrompiez, est-ce que ça vous dérangerait que M. Davies se présente à

7 une date ultérieure et plutôt que de revenir jeudi matin ?

8 M. RODIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je peux

9 certainement me plier à la demande la Chambre. Il est vrai que le continu

10 de la chose se perdra un peu de cette façon-là, mais il est tout à fait

11 certain que nous sommes prêts à nous plier aux demandes de l'Accusation,

12 mais je n'ai pas compris qu'après M. Davies, on fera appel à l'ambassadeur.

13 Je présume qu'on parle de Mme Alajbeg, mais justement je croyais que

14 c'était M. Samardzic qui viendra témoigner. Donc cela nuit quelque peu à la

15 façon dont nous pourrions nous préparer, donc je vous demanderais que la

16 règle soit la même, c'est-à-dire que nous sachions exactement qui est le

17 prochain témoin à comparaître car nous devons nous préparer pour le témoin.

18 Donc je vous demanderais à ce que l'on ne change pas l'ordre de comparution

19 du témoin dans l'avenir s'il est possible.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Rodic. Je

21 vous remercie d'avoir dit que vous êtes prêt à vous plier aux demandes de

22 la Chambre et à Mme Somers. Je comprends, Monsieur Davies, que vous avez

23 des contraintes de temps.

24 Mme SOMERS : [interprétation] Concernant l'ambassadeur --

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, concernant l'ambassadeur ?

Page 655

1 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, effectivement, M. Samardzic était prévu

2 pour aujourd'hui et pour demain, et c'est la raison pour laquelle je

3 parlais de l'ambassadeur, mais cela est hors de notre contrôle et nous

4 voulions certainement nous assurer que l'ambassadeur termine son

5 témoignage. C'est la raison pour laquelle nous avions besoin de la journée

6 de jeudi et de vendredi. Je ne peux pas changer la comparution ou l'ordre

7 de comparution.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Lorsque ce genre de problèmes s'avère

9 dans l'avenir, je vous demanderais de profiter de la première occasion

10 possible pour informer la Défense afin que celle-ci puisse se préparer et

11 savoir qu'un changement aura lieu plutôt que de découvrir à la dernière

12 minute et de se trouver face à un témoin pour lequel ils ne sont pas

13 préparés.

14 Mme SOMERS : [interprétation] Mais, certainement, Monsieur le Président. Et

15 pour vous parler de la cassette vidéo, elle a été soumis à la Défense le 10

16 avril 2002, c'est donc la raison pour laquelle -- c'est la première fois

17 que nous leur avions fait parvenir cette cassette. Mais nous essaierons de

18 vous fournir d'autres réponses concernant cette cassette puisqu'il

19 semblerait quelle a causé un certain nombre de problèmes.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Donc, Monsieur Davies, nous

21 allons lever la séance jusqu'à jeudi matin. Et Monsieur Davies vous n'êtes

22 pas tenu de rentrer ou de retourner jeudi matin. J'espère que vous allez

23 pouvoir revenir à un moment où vous pourrez le faire.

24 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous interromps pour

25 vous demander s'il était possible de demander à l'Accusation d'obtenir la

Page 656

1 source de ce film et je voudrais que l'Accusation nous fournisse d'autres

2 réponses.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, justement, Mme Somers a dit

4 quelle vous a fait parvenir ces cassettes vidéo en 2002, donc il y a assez

5 longtemps et c'est justement à cause de cela qu'il ne sera pas en mesure de

6 donner une réponse complète immédiatement. Mais dès que la réponse leur

7 sera plus claire, dès qu'ils auront fait la recherche nécessaire, ils vous

8 feront, ils vous communiqueront les résultats de leur recherche. Je suis

9 tout à fait certain que cela se passera avant que M. Davies ne revienne

10 pour terminer sa déposition.

11 M. RODIC : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est exact. J'ai compris ce

12 qu'a dit mon éminent confrère, mais je dois dire que la clarification de

13 cet extrait nous est parvenu qu'aujourd'hui mais j'attendrai patiemment la

14 réponse à toutes mes questions. Merci.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie donc. Nous allons

16 lever la séance jusqu'à jeudi matin à 9:00 heures du matin.

17 --- L'audience est levée à 13 heures 52 et reprendra le jeudi 15 janvier

18 2004, à 9 heures.

19

20

21

22

23

24

25