Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 30 janvier 2004

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Général, je voudrais vous

  7   rappeler que vous avez prononcé une déclaration solennelle au début de

  8   votre déposition et elle reste valable.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement. Merci, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers.

 11   LE TÉMOIN: ANDREW ROBERT DOUGLAS PRINGLE [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   Mme SOMERS : [interprétation] Merci. Bonjour.

 14   Interrogatoire principal par Mme SOMERS : 

 15   Q. [interprétation] Général Pringle, à votre avis, est-il probable qu'un

 16   commandant de bataillon, de sa propre initiative -- si  un climat de

 17   commandement favorable ou propice existe, est-il probable qu'un commandant

 18   d'unité, au niveau d'un bataillon mène, de sa propre initiative, une

 19   opération comme une attaque qui serait contraire aux intentions de son

 20   commandant ? Avant que vous ne répondiez à cette question, pourriez vous

 21   expliquer ce qu'il faut entendre par intention du commandant.

 22   R.  Par intention du commandant, il faut entendre exactement ce qui est dit

 23   dans cette expression, à savoir, les intentions du commandant. En d'autres

 24   termes, ce que le commandant souhaite atteindre comme objectifs, quel est

 25   l'objectif de la mission, ainsi que les raisons. Les deux questions qui


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  1   composent les intentions du commandant sont quoi et pourquoi.

  2   Votre question était : Est-il probable qu'un commandant d'une unité réalise

  3   une action de sa propre initiative, contraire aux intentions du commandant.

  4   Et bien, si c'était le cas, ce faisant sciemment, il réaliserait un acte

  5   non-conforme aux intentions de son commandant. Or cela ne serait pas très

  6   sage pour un certain nombre de raisons. Pourquoi ? Parce que, en premier

  7   lieu, la totalité, l'ensemble du plan risquerait d'être mis à mal;

  8   deuxièmement, il ne disposerait pas forcément de l'appui nécessaire en

  9   termes de combat et de logistique à l'appui de son action ou pour l'aider

 10   pour leur approvisionnement des munitions ou encore, l'évacuation des

 11   blessés. Donc, pour répondre brièvement à votre question, à savoir, est-ce

 12   qu'un commandant d'unité serait susceptible de mener une attaque, de façon

 13   délibérée, alors que cette dernière serait contraire aux intentions de son

 14   commandant, je répondrais : C'est très peu probable, à moins qu'il n'y ait

 15   eu un effondrement complet de la discipline.

 16   Q.  Comment le commandant communique-t-il son intention ?

 17   R.  L'intention du commandant est répercutée par le biais du système des

 18   ordres. En d'autres termes, il s'agit d'un ensemble d'ordres écrits et

 19   oraux et l'interaction entre les commandants des différents échelons dont

 20   nous parlions hier. Dans un ordre opérationnel, le premier paragraphe

 21   concerne la situation et là, dans différents pays, on appelle cela

 22   différemment mais il s'agirait du plan d'opérations ou du plan de

 23   manœuvres, où l'on retrouve son intention. Et c'est dans ce paragraphe, que

 24   le commandant expose ses objectifs et la façon dont il souhaite y parvenir.

 25   Tout le monde comprend ainsi quel rôle il joue dans ce contexte. Puis


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  1   ensuite, on attribue telle ou telle mission.

  2   Voilà donc, la façon formelle de faire part de son intention. Ce qui serait

  3   étayé, par la suite, par des instructions verbales ou orales.

  4   Q.  Si, comme vous l'avez suggéré, l'appui, en termes de munitions ou

  5   d'évacuation des blessés, existait, dans le cadre du scénario qui a été

  6   évoqué, à savoir le commandant d'une unité, par exemple, un bataillon, qui

  7   s'engagerait dans une opération de sa propre initiative, à supposer que cet

  8   appui existe, qu'est-ce que cela implique en termes des intentions du

  9   commandant, si cet appui était disponible et s'il était utilisé ?

 10   R.  Je crois qu'il faut établir une distinction entre plusieurs choses,

 11   ici. Tout d'abord, l'hypothèse dont nous parlons et l'unité dont nous

 12   sommes en train d'évoquer l'hypothèse bénéficie peut-être de son appui

 13   logistique et de son appui au combat. Cet appui relève du commandement et

 14   est à disposition du commandant de l'unité en question. Par conséquent,

 15   l'utilisation de ces moyens-là relève du ressort de ce commandant. Et s'il

 16   utilisait ces ressources, on pourrait en déduire uniquement qu'il a pris la

 17   décision de les utiliser. Si des moyens, qui ne relèvent pas directement du

 18   commandement de ce commandant d'unité étaient affectés à une action ou

 19   étaient utilisés, par exemple, des pièces d'artillerie supplémentaires, des

 20   mortiers lourds, un appui par hélicoptère, un appui logistique ou autre,

 21   alors cela indiquerait, selon moi, que l'action concernée engloberait autre

 22   chose. Il ne s'agirait pas uniquement d'une décision, d'une initiative du

 23   commandant de l'unité en question. Cela suggérerait, selon moi, qu'une

 24   coordination à haut niveau, une aide à haut niveau, a été décidée.

 25   Q.  Par moyens en dehors du commandement immédiat de ce commandant, vous


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  1   impliquez qu'il s'agit d'unités venant d'autres unités de la zone et l'aide

  2   d'autres unités ?

  3   R.  Oui. Si cette aide a été planifiée à l'avance et si ces unités-là ont

  4   reçu une notification d'une attaque, à un moment donné, de la part de cette

  5   unité, et si d'autres unités se trouvaient en attente, à ce moment-là, cela

  6   montrerait que, lors de cette attaque, ce n'était pas uniquement la

  7   décision du commandant qui était en jeu.

  8   Q.  Si pour poursuivre cette hypothèse l'on n'a pas forcément planifié cela

  9   à l'avance, mais si on a mis à la disposition ces unités, si elles ont

 10   continué à être disponible, alors quelle conclusion peut-on en tirer ?

 11   R.  Cela montrerait, selon moi, que le commandant de l'unité agissait

 12   conformément aux instructions et aux intentions qui lui ont été communiqués

 13   précédemment. Et que ce faisant, comme cela, d'ailleurs aurait été le cas

 14   normalement, le reste des forces opérationnelles auront été disponibles

 15   pour offrir un appui et d'ailleurs aurait été appelé pour prêter assistance

 16   en cas de besoin.

 17   Q.  Général, à votre avis, dans quelques circonstances, le commandant de ce

 18   bataillon risquerait-il à tenter une attaque ou une action contraire aux

 19   intentions de son commandant si on prend le cas d'une armée plus

 20   centralisée, plus fondée sur des ordres, en quelque sorte ?

 21   R.  Un commandant qui décide de mener une attaque délibérée, préalablement

 22   planifiée, qui à sa connaissance est complètement contraire aux intentions

 23   de son commandant, agirait en s'écartant de sa propre autorité, il agirait

 24   en opposition aux intentions de son commandant. Il mettrait en danger la

 25   mission qu'il a été transmis par le commandant. En résumé, il se mettrait


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  1   dans une situation extrêmement dangereuse, et je parle d'attaques

  2   délibérées, parce que dans certains cas, un commandant peut estimer qu'une

  3   occasion se présente et que cela lui permet d'atteindre l'objectif qui

  4   faisait partie des intentions du commandant. Et s'il voit que cette

  5   occasion est là, et s'il décide de la saisir de sa propre initiative, pour

  6   atteindre cet objectif, là, c'est envisageable. Mais ce n'est pas le cas de

  7   figure dont nous étions en train de parler, parce que votre question était

  8   la suivante : Qu'en est-il d'une action qui serait contraire aux intentions

  9   du commandant ? Si c'est le cas, alors en réalité ce commandant, dans

 10   toutes armées disciplinées, serait passible, risquerait d'être traduit

 11   devant une cour martiale. Il risquerait d'être démis de ses fonctions.

 12   Q.  A votre avis, Général, que peut-on dire d'un climat de commandement, si

 13   dans une zone de responsabilité d'un certain commandant, les unités

 14   relevant du contrôle du commandant en question ont attaqué des sites placés

 15   sous la protection du droit international et protégés par certains ordres

 16   spécifiques permanents.

 17   R.  Là, nous sommes en train de revenir à ce que nous avons parlé hier. Si

 18   des ordres précis et permanents existent, selon lesquels les sites en

 19   question doivent être protégés, on ne doit donc pas y porter atteinte, on

 20   ne doit pas les attaquer et si, pourtant on s'attaque à ces sites, alors

 21   cela est contraire aux ordres donnés et aux intentions affichées. Là, on

 22   peut donc s'attendre à ce que des mesures soient prises pour empêcher cela.

 23   On pourrait au moins songer, qu'après le premier cas de ce type, l'on

 24   ouvrirait une enquête pour essayer de déterminer les causes de l'action et

 25   à moins qu'il n'existe qu'une cause valable, alors des mesures


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  1   disciplinaires seraient prises. Mais si ce n'est pas ce qui se produit,

  2   alors cela [imperceptible] dans cette question du climat de commandement.

  3   Si l'on ne fait rien, alors on songera, tout le monde pensera que ce type

  4   d'agissements est acceptable. Nous avons parlé de cette idée de façade,

  5   d'apparence hier. Mais si des ordres sont donnés pour qu'on n'attaque pas

  6   ces cibles et si ces cibles sont attaquées, pourtant rien ne se passe,

  7   alors les personnes engagées dans ce type d'actions en retireront

  8   l'impression que c'est parfaitement autorisé, que c'est parfaitement

  9   légitime.

 10   Alors soit l'autorité du commandant a été complètement anéantie et là, vous

 11   parlez d'une période assez longue, je pense que cela serait peu probable.

 12   Q.  Général, j'ai parlé au contraire d'une période assez brève.

 13   R.  Je pensais que vous aviez dit trois mois.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic.

 15   M. PETROVIC : [interprétation] Je vous prie, de m'excuser, mais je me vois

 16   contraint d'intervenir. Je vais poser une question qui me semble

 17   essentielle.

 18     Je ne comprends pas les questions de Mme Somers. Enfin, on voit bien où

 19   elle veut en venir, lorsqu'elle pose des questions de cet ordre. Je crois

 20   qu'en l'espèce, pour que les choses soient parfaitement équitables, il

 21   faudrait faire la chose suivante : Si, elle est en train de parler

 22   d'événements qui seront cruciaux pour votre décision en fin de compte,

 23   alors il serait certainement utile de dire au témoin de quels événements,

 24   il s'agit, de lui fournir des documents à l'appui, des éléments de preuve,

 25   et à ce moment-là, on ne serait pas en train de parler sans avoir tous ces


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  1   éléments à l'appui. On pourrait demander au témoin de donner son opinion en

  2   connaissance de cause. Il pourrait examiner ces pièces, il pourrait

  3   examiner ces documents écrits, il pourrait examiner les autres pièces, et à

  4   ce moment-là, il pourrait se prononcer. Même si, selon moi, c'est au Juge

  5   en premier lieu, qu'incombe d'exprimer cette opinion.

  6   En effet, dans ce cas, Mme Somers est en train de parler de façon très,

  7   très détaillée de certaines situations, or, elle ne donne pas le nom des

  8   commandants, des bataillons, et cetera, concernés. Pourquoi ne donne-t-elle

  9   pas des noms précis pour qu'on en parle de façon très claire ? Parce

 10   qu'elle est en train d'en parler, mais en occultant certains détails, elle

 11   souhaite faire comme si cette situation devait être traitée de façon très

 12   générale. Et cet expert militaire est appelé à témoigner dans ce contexte.

 13   Il est ici pour nous donner le point de vue d'un expert militaire, mais non

 14   pas pour énoncer son jugement sur telle ou telle situation. Mais si, c'est

 15   ce que Mme Somers souhaite, alors qu'on lui donne tous les documents

 16   concernés et qu'il nous dise ce qu'il pense du 6 décembre, du commandant

 17   Kovacevic, du commandant Strugar, Jokic, et autres.

 18   Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Petrovic.

 20   Madame Somers.

 21   Mme SOMERS : [interprétation] Je pense que ces questions sont parfaitement

 22   justifiées. Nous posons des questions qui ont trait au commandement. On

 23   peut envisager tout cas de figure pour évoquer cette question du

 24   commandement. Si, vous souhaitez que nous entrions dans plus de détails, je

 25   me conformerai aux instructions, mais il me semble superflu d'entrer dans


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  1   les différents ordres faits, et cetera. Nous parlons de la façon dont un

  2   commandant se comporte dans la façon dont son commandement s'exerce, des

  3   communications, des obligations, et autres.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Si j'ai bien compris, là où

  5   veut en venir Mme Somers, Maître Petrovic, elle est en train de poser des

  6   questions au témoin qui se basent sur des hypothèses. Le témoin lui répond

  7   en donnant son point de vue sur les causes et les effets de telle ou telle

  8   situation militaire qui se produit d'ordinaire, en se fondant sur sa propre

  9   expérience. Mais une fois de plus, il s'agit d'hypothèses que Mme Somers

 10   lui soumet. Ces éléments seront utiles ou non pour les Juges au moment où

 11   ils prendront leur décision en fin de compte dans cette affaire. Cela

 12   dépendra, en effet, d'autres éléments de preuve éventuels qui auraient

 13   montré ou non l'existence d'une situation analogue à celle qui est

 14   présentée comme hypothèse au témoin. . Si les autres éléments de preuve ne

 15   montrent pas l'existence d'une telle situation alors la déposition de ce

 16   témoin ne sera peut-être pas utilisée par le juge pour parvenir à leur

 17   décision. Mme Somers agit compte tenu du fait, me semble-t-il, qu'elle a

 18   l'intention de présenter d'autres éléments de preuve pour montrer que les

 19   hypothèses qu'elle présente au témoin existaient réellement. C'est la façon

 20   dont j'avais cru comprendre les questions de Mme Somers. Le témoin nous

 21   donne son point de vue, mais il ne me semble pas qu'il tente de s'exprimer

 22   sur la situation au sein de la JNA le 6 décembre 1991. S'il tentait de le

 23   faire, si c'était là son intention, alors je crois que cela poserait des

 24   questions très graves en termes de recevabilité et de pertinence des avis

 25   de témoins experts. Comme vous l'avez dit à juste titre, c'est aux Juges de


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  1   prendre leur décision à la lumière de tous les autres éléments de preuve

  2   qui seront présentés.

  3   Il me semble que Mme Somers évite de s'engager sur ce terrain. Ce qu'on

  4   nous présente uniquement, ce sont des hypothèses qui n'auront de valeur ou

  5   non qu'à lumière de la déposition d'autres témoins factuels qui nous

  6   parleront de la situation à l'époque. Nous autorisons les questions qui

  7   sont en train d'être posées à se poursuivre sur cette base.

  8   Oui, Madame Somers.

  9   Mme SOMERS : [interprétation]

 10   Q.  Général, si une attaque contre un site protégé se produisait pendant

 11   une attaque contre un objectif militaire, quelle mesure d'urgence -- je

 12   vous prie de m'excuser, mais mon collègue me rappelle que nous n'avons pas

 13   entendu la dernière réponse dans sa totalité.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais je pense que le témoin a eu

 15   lui-même perdu le fil.

 16   Mme SOMERS : [interprétation] Très bien. Alors je vais reprendre le compte

 17   rendu d'audience.

 18   Q.  Général, il me semble que vous avez parlé d'une période plus longue

 19   alors que je vous ai indiqué qu'il s'agissait d'une période plus courte,

 20   quelques mois.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais peut-être que les Juges,

 22   également, souhaitent qu'on répète la question et pas uniquement le témoin.

 23   [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

 24   Mme SOMERS : [interprétation]

 25   Q.  Alors la question était : à votre avis, Général, que pourrait-on dire


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  1   du climat de commandement si dans la zone de responsabilité d'un

  2   commandant, à plusieurs reprises et pendant une période de temps

  3   relativement brève, disons plusieurs mois, des unités sous son contrôle ont

  4   attaqué des sites protégés en vertu du droit international et par le biais

  5   d'ordres permanents spécifiques ?

  6   R.  Si pendant une période de plusieurs mois, en contradiction avec des

  7   ordres permanents, de tels sites ont été attaqués et si aucune mesure n'a

  8   été prise pour y remédier même si cela était contraire à des ordres

  9   permanents; cela indiquerait, selon moi, que le climat de commandement,

 10   dans lequel les unités et les formations opèrent, est un climat, même si

 11   des ordres sont donnés indiquant que tel ou tel acte est, particulièrement,

 12   sensible ou même interdit et que de tels actes arrivent pourtant et qu'ils

 13   ne sont pas sanctionnés par des mesures disciplinaires, alors cela montre,

 14   selon moi, que pour les troupes, ces actions sont perçues comme

 15   parfaitement acceptables. Plus, l'on constate que des mesures

 16   disciplinaires ne sont pas prises, plus cette idée est confirmée dans leur

 17   esprit. Ils se demanderont peut-être, tiens on nous dit que telle action

 18   est interdite alors que lorsque nous le faisons aucune mesure disciplinaire

 19   n'est prise, nous ne pouvons qu'imaginer que d'autres raisons expliquent

 20   qu'on nous l'affirme, mais pourtant c'est acceptable.

 21   Q.  C'était la première partie de ma question portant sur le climat du

 22   commandement, mais ma deuxième question était que peut-on penser des

 23   intentions du commandant en l'espèce ?

 24   R.  Si, sur le plan disciplinaire, aucune mesure n'est prise, on peut en

 25   déduire et c'est la conclusion que je tirerais, malgré les ordres formels


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  1   qui sont donnés en réalité, les actes concernés relèvent des intentions du

  2   commandant et il estime que ces actes sont acceptables. Pourquoi ? Parce

  3   que si cela ne lui plaisait pas, il prendrait des mesures.

  4   Q.  Général, quelles mesures supplémentaires seraient appropriées selon

  5   vous si un ordre stratégique est donné concernant une réunion politique, un

  6   cessez-le-feu ou autre, en tout cas un événement qui aurait des

  7   implications stratégiques importantes dans la zone de responsabilité ?

  8   Quelles mesures appropriées, pourrait prendre le commandant supérieur

  9   concernant le niveau des hostilités immédiatement avant la mise en œuvre du

 10   cessez-le-feu, par exemple, ou d'une autre mesure politique ? Imaginons

 11   qu'il s'agisse d'un cessez-le-feu aux fins de cette hypothèse.

 12   R.  Prenons un cessez-le-feu éminent, qui aurait été décidé au plus haut

 13   niveau. Il s'agirait d'un élément, particulièrement, significatif pour les

 14   commandants aux échelons supérieurs qui opéreraient au niveau de

 15   l'interface entre ce qui est opérationnel et les actions stratégiques. Ce

 16   serait, particulièrement, significatif pour ce commandant. On peut imaginer

 17   que ces commandants prendraient les mesures qui leurs semblent importantes

 18   pour que leurs subordonnés comprennent bien les tenants et aboutissants de

 19   l'affaire, pour qu'ils comprennent comment cela modifiera les ordres qui

 20   ont été donnés auparavant. Si c'est un cessez-le-feu qui est sur le point

 21   d'être mis en œuvre, et si, jusque là, on était en face d'attaques, cela

 22   exigerait que l'on modifie les ordres et que l'on modifie les intentions.

 23   Le commandant au niveau opérationnel devrait donner les ordres appropriés à

 24   ses subordonnés. Les subordonnés et, notamment, les commandants subordonnés

 25   devraient comprendre parfaitement de quoi il ressort. Ils devraient


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  1   appréhender les changements nécessaires dans les procédures pour ne pas

  2   porter atteinte au cessez-le-feu éminent. Les commandants au niveau

  3   opérationnel comprennent bien le caractère sensible de l'opération. Une

  4   action au niveau tactique peut avoir certaines conséquences stratégiques

  5   importantes si elle n'est pas conforme à la présentation qui est souhaité

  6   par le commandant. En résumé, on peut dire que dans un cas comme celui-ci,

  7   le commandant supérieur au niveau opérationnel se verrait obliger de

  8   prendre un certain nombre de mesures parce qu'il serait de son devoir de

  9   faire en sorte que cet ordre soit, parfaitement, exécuté.

 10   Q.  Vous venez de dire pour que rien n'arrive, A votre avis, quelles sont

 11   les possibilités qu'un commandant supérieur souhaiterait écarter dans un

 12   tel cas et quelles sont les mesures qu'il envisagerait pour éviter que des

 13   choses arrivent comme vous l'avez dit ?

 14   R.  Le commandant supérieur, qui par définition, est expérimenté,

 15   comprendrait que faire en sorte que le cessez-le-feu soit mis en œuvre de

 16   façon effective ne sera pas forcément chose facile, parce que ses troupes,

 17   imaginons que ses troupes aient combattu l'ennemi pendant plusieurs mois,

 18   et situons-nous dans le même cadre temporel que pour la dernière question.

 19   Donc, pendant plusieurs mois, des échanges de tirs d'artillerie, de

 20   mortiers et autres ont eu lieu; des attaques, des contre-attaques, des

 21   blessés, des problèmes d'approvisionnement, de nombreuses actions ont été

 22   entreprises et même si la ligne de front n'a pas, forcément, bougé.

 23   Le commandant comprendra que si, à présent, on lui demande de faire en

 24   sorte qu'un cessez-le-feu soit mis en œuvre, il doit, en quelque sorte,

 25   stabilisé le front et il doit procéder à un désengagement afin qu'aucune


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  1   des parties ne soient dans une situation où la mise en œuvre du cessez-le-

  2   feu est simplement impossible. Personne n'acceptera que le cessez-le-feu

  3   commence à telle heure si l'attaque fait rage et s'il y a des attaques aux

  4   mortiers ou autres. Il faut donc éviter ce type de situation. Le commandant

  5   doit prendre des mesures concrètes, donner des ordres et contrôler la

  6   situation pour que, tout le long de la chaîne de commandement, tout le

  7   monde soit bien conscient que la situation a changé. La situation,

  8   maintenant, ne consistera pas cette attaque effrénée, mais plutôt un

  9   désengagement et les préparations des conditions propices pour

 10   l'établissement d'un cessez-le-feu. Le commandant ordonnera à ses troupes

 11   de ne pas entreprendre d'actions offensives qui pourraient empêcher qu'on

 12   s'achemine vers un cessez-le-feu. Il donnera, probablement également, des

 13   instructions pour éviter toute situation où on risque d'être provoqué.

 14   Quoi qu'il arrive, il faut mener à bien le cessez-le-feu.Il faut que

 15   cessez-le-feu puisse se réaliser et il faut éviter toute provocation de la

 16   part de l'ennemi ou bien de notre part. Il pourrait dire la chose suivante

 17   : "Même si l'on vous tire dessus, par des feux d'artillerie ou bien, s'il

 18   s'agit des agissements de tireurs isolés, et bien, vous ne devez pas

 19   répondre. Dans ce cas de figure, il devrait dire quelque chose dans ce

 20   genre. Il est plus important en ce moment, de garder les profils bas et de

 21   bien ouvrir les yeux pour faire du mieux pour réaliser et mettre en œuvre

 22   ces cessez-le-feu. Ceci n'est pas facile.

 23   C'est très complexe. Il s'agit du changement de l'intention. Il s'agit c'un

 24   changement de l'œuvre car les soldats sont engagés dans une action de

 25   combat. La mission du commandement, dans le cadre de cette chaîne de


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  1   commandement, est, parfaitement, claire. Il s'agit d'un commandement

  2   concret. Il s'agit de vraiment bien contrôler ses hommes. Il ne s'agit pas

  3   d'une action qui est automatique. Il faut, vraiment, mettre en œuvre cette

  4   autorité de commandement pour mener à bien cette opération.

  5   Q.  Est-ce qu'un commandement, relevant d'un niveau supérieur de la chaîne

  6   du commandement dans ce cas de figure, doit prendre en compte tous les

  7   facteurs pertinents pour mettre en œuvre ces cessez-le-feu ?

  8   R.  A tous les niveaux, les commandements vont se poser, je pense, la même

  9   question. Qu'est-ce qui pourrait se passer demain ? Qu'est-ce qui pourrait

 10   se produire ? Quelles sont les actions qui pourraient intervenir pour que

 11   j'en avertisse mes troupes pour qu'ils prennent des actions précises et

 12   correctes pour les empêcher ? Par exemple, si la veille, il y avait des

 13   agissements de l'artillerie de la partie adversaire, et si l'ordre était de

 14   répondre fermement, et bien, aujourd'hui, l'ordre serait, il est plus

 15   important de se protéger, de ne rien faire pour empirer les choses, pour

 16   réussir à mettre en œuvre ces cessez-le-feu. Donc ils vont, à tous les

 17   niveaux, poser les questions et vraiment à tous les niveaux à partir du

 18   commandant du peloton à la ligne de front jusqu'aux niveaux les plus

 19   élevés, de savoir d'où viennent ces tirs pour donner les instructions

 20   suivantes à leurs soldats : notre objectif, c'est le cessez-le-feu, c'est

 21   l'action la plus importante qu'il faut réaliser et il faut, tout, faire

 22   pour ne pas la mettre en danger. On ne riposte pas, à moins, que je

 23   n'autorise cette riposte. C'est, probablement, l'ordre qu'il leur donnerait

 24   dans ce cas de figure.

 25   Q.  Est-ce qu'il conviendrait d'attirer l'attention des chefs d'unité sur


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  1   les problèmes disciplinaires qui auraient pu arriver dans le passé, et

  2   qu'il ne conviendrait surtout pas de répéter ?

  3   R.  A nouveau, il s'agit de savoir ce que c'est, pour le commandant. S'il

  4   sait qu'il y a une unité qui pose problème ou bien une brigade ou une

  5   compagnie qui pose problème, quel que soit le niveau, et que ces problèmes

  6   se sont posés justement parce que les soldats ont beaucoup de caractère et

  7   les commandements en ont moins. S'il est arrivé que les commandants de

  8   telle unité perdent le contrôle de ces unités qui auraient agi de leur

  9   propre gré sans consulter les commandements et sans prendre en compte les

 10   ordres du commandant, dans ce cas-là, il conviendrait de faire tout ce qui

 11   est nécessaire pour que cette unité qui pose des problèmes ne fasse pas en

 12   sorte que le cessez-le-feu ne se réalise pas.

 13   Q.  Est-ce que ceci pourrait inclure, par exemple, la possibilité

 14   d'enlever, de redéployer cette unité ou bien ces personnes?

 15   R.  Oui, oui.

 16   Q.  Merci.

 17   R.  Oui, vous savez il faut rester réaliste. Si cette unité, qui peut poser

 18   des problèmes, si cette unité a déjà posé des problèmes et si le

 19   commandant, qui n'a pas su les contrôler est toujours en place, et bien je

 20   pense qu'il aurait fallu le remplacer plus tôt. Mais si cela n'a pas été

 21   fait, si on n'a pas mis un homme, un commandant plus musclé à sa place, et

 22   bien, dans ce cas-là, je pense qu'il conviendrait effectivement de le

 23   remplacer parce que cette demande s'est posée de toute façon.

 24   Q.  Je vais vous poser encore quelques questions, ensuite je vais terminer

 25   assez rapidement. Si une attaque, sur un site protégé, a eu lieu sous ces


Page 1608

  1   circonstances précises et avec cet objectif militaire, quelles mesures

  2   d'urgence le commandement supérieur doit prendre pour arrêter cette attaque

  3   menée contre un site protégé ?

  4   R.  Et bien s'il devient clair qu'un site protégé a été attaqué, et bien

  5   cela veut dire que les rapports sont envoyés en suivant la chaîne de

  6   commandement et que les commandants sont en train de réaliser, même s'ils

  7   ne le savaient pas au début, tout au début, qu'un site protégé est placé

  8   sous l'attaque. Et je pense que dans ce cas-là, ces commandants devraient

  9   immédiatement faire savoir que ces agissements sont contre les ordres

 10   donnés et ne correspondent pas aux intentions du commandement. Et il

 11   faudrait qu'il demande que tous les commandants, de tous les niveaux, en

 12   soient conscients. Car il n'est pas inimaginable, par exemple, qu'une

 13   batterie, un missile agisse sur un tel site protégé provoquant des dégâts

 14   énormes et dans ce cas-là, et bien il faut la localiser et vérifier qu'est-

 15   ce qui se passe et pourquoi ils font cela.

 16   Donc la première question qui se pose, c'est pourquoi vise-t-on ce site

 17   protégé ? Et si on ne reçoit pas de réponse satisfaisante ou bien si la

 18   réponse est telle que le commandant évalue qu'il convient d'agir, et bien

 19   dans ce cas-là, le commandant sera obligé, le commandant de cette batterie

 20   et missile sera obligé d'obéir aux ordres et d'arrêter de viser ce site

 21   protégé.

 22   Et là, il s'agit d'une action qui devra être prise par le commandant

 23   direct, le commandant qui est en train d'agir sur un site protégé. Et s'il

 24   ne le fait pas, et bien son commandant supérieur doit l'arrêter et s'il ne

 25   le fait pas, et bien c'est l'autre le commandant, qui est encore plus élevé


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  1   sur la chaîne hiérarchique qui doit l'arrêter. Et j'imagine que cette

  2   information traverserait toute la chaîne de commandement car ces sites

  3   protégés sont très sensibles et ils font l'objet des ordres spécifiques

  4   venant du niveau le plus haut élevé. Et évidemment ils veulent que ces

  5   ordres soient respectés. Donc, il faudrait vérifier ce qui se passe sur

  6   tous les niveaux et ensuite faire en sorte que cette attaque s'arrête.

  7   Q.  Mon Général, si ce site protégé a fait l'objet d'un ordre indiquant

  8   qu'en aucun cas de figure, il nous faudrait tirer sur ce site en direction

  9   de ce site et bien, quelle serait alors votre conclusion si une attaque est

 10   tout de même menée contre ce site ?

 11   R.  Si dans l'ordre on a indiqué qu'en aucun cas de figure, il nous

 12   faudrait tirer sur ce site protégé et si on a des informations concrètes

 13   indiquant qu'on est en train de tirer sur ces sites protégés, et bien, si

 14   par exemple on tire sur cette unité justement depuis ces sites protégés, et

 15   bien dans ce cas-là, il faut qu'il le réfère immédiatement et très

 16   rapidement à son commandement supérieur, et qu'il leur explique qu'on est

 17   en train de lui tirer dessus et justement d'où ce site protégé et dans ce

 18   cas-là, le commandement supérieur va peut-être changer son ordre et dire

 19   qu'on peut éventuellement riposter ou dire que non, en aucun cas, il ne

 20   convient de tirer sur ce site protégé car il s'agit d'un endroit, d'un site

 21   beaucoup trop précieux.

 22   Donc, il faudrait qu'il réfléchisse à toutes ces possibilités.

 23   Q.  Mon Général, par rapport à ce que vous avez dit tout à l'heure, cette

 24   hypothèse de désengagement, vu les objectifs stratégiques où vous avez dit

 25   qu'aucune action contre un site protégé ne devrait être entreprise, même


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  1   pas penser en aucun cas de figure, vu la nécessité de respecter les

  2   objectifs stratégiques ?

  3   R.  Et bien ceci est tout à fait consistent avec mon point de vue à savoir

  4   que le commandant, comprenant qu'il s'agit d'une action très sérieuse, doit

  5   s'assurer qu'il ne va pas créer de telles conditions ou que de telles

  6   choses pourraient se produire. C'est pour cela que le commandant va donner

  7   de tels ordres et pour qu'il ne se retrouve jamais dans ce cas de figure.

  8   Mais si jamais, si toutefois ces cas de figure se produisent, il doit quand

  9   même penser que l'objectif, le but ultime, c'est le cessez-le-feu. Et donc,

 10   il doit avoir en tête cet objectif stratégique et c'est pour cela qu'il

 11   doit s'arrêter, revenir à la case de départ.

 12   Ce n'est pas facile vous savez, mais s'il voit qu'il ne contrôle plus la

 13   situation et bien je pense qu'il doit se dire, arrêtez de tirer,

 14   désengagez-vous et revenez à la case de départ, tout simplement. Ce n'est

 15   pas facile, mais il faut qu'il le fasse.

 16   Q.  Mon Général, si on n'a pas fait une enquête, qui, une enquête utile et

 17   sensible, ou bien si on n'a pas pris des mesures disciplinaires appropriées

 18   alors qu'une action illégale est en train de se produire, est-ce que cela

 19   vous amènerait à tirer des conclusions quant aux véritables intentions du

 20   commandant ?

 21   R.  S'il n'y a pas eu de mesures disciplinaires de prises suite à de tels

 22   événements, qui sont expressément interdits, et bien, on peut en conclure

 23   qu'il a essayé de fermer les yeux devant des désobéissances à des ordres

 24   donnés. Et, évidemment, il s'agit d'actions qui ne sont vraiment pas

 25   acceptables et qui ne correspondent pas à l'intention.


Page 1611

  1   Q.  Mon Général, quelles mesures disciplinaires, vu ce que vous venez de

  2   dire, vous vous attendriez que l'on prenne contre de tels actes illégaux

  3   pris par des unités subordonnées et qui ne correspondent pas à l'objectif

  4   du commandant ?

  5   R.  Et bien, si de tels actes illégaux étaient faits en accord avec le

  6   commandant, avec l'objectif du commandant, si cela correspond, et bien, il

  7   n'est pas surprenant qu'il n'y ait pas eu de mesures de prises.

  8   Q.  Est-ce que l'existence d'un tel climat de commandement nuit justement à

  9   la responsabilité du commandement pour les actes de ses subordonnés.

 10   R.  La responsabilité du commandant pour les actes de ses subordonnés à

 11   tous les niveaux, dépend, justement, de son autorité, l'autorité de

 12   commandement hiérarchique. Donc, quel que soit le climat de commandement, à

 13   quel niveau que ce soit, cela ne désengage pas sa responsabilité. En

 14   réalité, il convient, dans le cadre de ses responsabilités, de créer ce

 15   climat qui engendrerait des actions appropriées.

 16   Q.  Merci, Monsieur le Général, je n'ai pas d'autres questions.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Madame Somers, je vous

 18   remercie.

 19   Maître Rodic.

 20   M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais emprunter

 21   le pupitre de Mme Somers, s'il vous plaît.

 22   Contre-interrogatoire par M. Rodic : 

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Général Pringle. Je m'appelle Goran Rodic, je

 24   suis avocat de Podgorica et membre de la Défense du Général Strugar, je

 25   vais vous poser un certain nombre de questions, suite à votre rapport


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  1   d'expert et aux questions et aux réponses que vous avez donné dans le cadre

  2   de l'interrogatoire principal.

  3   Concernant la deuxième partie de l'interrogatoire principal, qui relevait,

  4   je pense que vous conviendrez, de situations hypothétiques, et bien,

  5   pourriez-vous me dire si tout ce que vous avez dit dans la dernière partie

  6   de votre déposition, est-ce que vous pouvez, par rapport à tout cela, nous

  7   fournir des preuves relevant de votre expérience professionnelle ou bien

  8   d'une autre pratique sur laquelle vous vous êtes basé pour fournir toutes

  9   ces réponses.

 10   R.  Bonjour, Maître Rodic.

 11   Oui, en effet, je pense que je peux affirmer que j'ai de l'expérience

 12   personnelle, professionnelle surtout en ce qui concerne de tels événements,

 13   quand il s'agissait d'en parler, d'en traiter  dans le cadre de différentes

 14   formations, de manœuvres, des exercices, mais aussi dans le cadre de

 15   véritables actions militaires menées dans des endroits comme l'Irlande du

 16   Nord ou la Bosnie. Peut-être que ces situations n'étaient pas précisément

 17   les mêmes que les situations qui nous ont servi d'hypothèse, dont nous

 18   allons parler durant l'interrogatoire principal, mais je pense que ces

 19   expériences m'ont fourni suffisamment d'éléments pour comprendre toutes les

 20   implications et des actions nécessaires dans le cas d'une telle hypothèse

 21   et qui relèverait, donc, du commandement supérieur en question.

 22   Q.  Je suppose que ces exemples s'appliquent à l'armée des professionnels

 23   qui était la vôtre ?

 24   R.  Non. Je parle plutôt des aspects du commandement qui relèveraient du

 25   commandement et des commandants. Donc, nous parlons du commandement de haut


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  1   niveau et il s'agirait là de commandants chevronnés, expérimentés, de

  2   professionnels probablement.

  3   Q.  Est-ce que vous avez suivi une formation quant à l'organisation des

  4   autres armées, hormis l'armée britannique ?

  5   R.  Oui. Cela fait partie d'une formation que j'ai reçue. Justement, dans

  6   le cadre de formations organisées pour les officiers de carrière et au

  7   cours des exercices. Je peux dire qu'au cours des deux premiers tiers de ma

  8   carrière, il y avait surtout des choses qui étaient au cœur de ma carrière.

  9   D'un côté, il y avait le problème de l'IRA, donc le terrorisme de l'armée

 10   républicaine -- le terrorisme en Irlande et, aussi, il s'agissait des

 11   formations dispensées par l'OTAN  contre les pays du Pacte de Varsovie. Et

 12   donc, tous les exercices, toutes les manœuvres, toutes les formations pour

 13   les officiers supérieurs, les écoles de guerre, et cetera, étudiaient les

 14   armés relevant du Pacte de Varsovie, leurs doctrines, leurs organisations,

 15   et cetera.

 16   Q.  Très bien. Puisque nous avons encore en tête les questions que vous

 17   avez fournies dans la dernière partie de l'interrogatoire principal, je

 18   vais vous poser quelques questions à ce sujet. Si on parle de l'hypothèse

 19   que le commandant d'un bataillon a mené une attaque sans en recevoir

 20   l'ordre au préalable, donc, sur sa propre initiative, pouvez-vous nous dire

 21   ce qui se passerait si, en dépit du cessez-le-feu, qui pour cette période

 22   longue, a été violé à 17 sept reprises, et que la dix-septième ou la dix-

 23   huitième fois où il y a une violation du cessez-le-feu, le commandement du

 24   bataillon en subit  des conséquences graves car ses soldats meurent.

 25   Comment évalueriez-vous la situation en partant de cette hypothèse-là et si


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  1   ce même commandant a attaqué un objectif militaire pour neutraliser,

  2   justement, l'artillerie de la partie adverse, à savoir, l'endroit d'où

  3   viennent les tirs ?

  4   R.  Et bien vous me peignez là un tableau peu confortable pour le

  5   commandant en question. Ce commandant va devoir faire face à un dilemme.

  6   D'un côté, il se prépare pour le cessez-le-feu et de l'autre côté, il doit

  7   faire face à une action émanant de l'ennemi et qui va rendre le

  8   désengagement, dont j'ai déjà parlé, assez difficile à mettre en œuvre.

  9   C'est pour cela, justement, qu'il est très important que ce commandant

 10   sache, exactement, quelle est l'intention de ses supérieurs hiérarchiques ?

 11   Qu'est-ce qui est important ? Est-il plus important de faire en sorte que

 12   le cessez-le-feu se réanime ou bien est-il plus important de riposter en

 13   quelque sorte en sachant pertinemment que ceci va mettre en danger le

 14   cessez-le-feu ? Là, vous m'avez dépeint un tableau peu confortable. Les

 15   commandants sont payés pour savoir faire face à de telles situations peu

 16   confortables.

 17   Mme SOMERS : [interprétation] Puis-je soulever une objection, s'il vous

 18   plaît ? Si j'ai bien lu la question, il semblerait que ces tirs viennent

 19   d'une action antérieure et que, justement, les cessez-le-feu n'ont pas été

 20   respectés à cause des actions antérieures et c'est pour cela qu'il y a eu

 21   des pertes. Je me demande si le conseil pourrait éclaircir cela car, dans

 22   ce cas-ci, la réponse ne correspond pas à la question posée ?

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne vois pas le problème, Madame

 24   Somers, puisque Monsieur a parlé de 17 ou 18 incidents qui se sont produits

 25   sur une période assez longue. Si le commandant souffre des conséquences


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  1   assez graves et s'il perd ses soldats, et bien -- car il s'agit là de 17 ou

  2   18 incidents qui se sont produits.

  3   Mme SOMERS : [interprétation] Merci pour votre clarification.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que c'est dans ce contexte-là

  5   que les réponses ont été fournies, n'est-ce pas, Monsieur mon Général ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela. C'est-à-dire

  7   d'après la façon dont j'ai compris les choses, ce commandant fait l'objet

  8   de tirs d'artillerie importants et a beaucoup de pertes et il sait qu'il

  9   doit réaliser les cessez-le-feu, mais il se pose, quand même, la question

 10   de ce qu'il doit vraiment faire.

 11   M. RODIC : [interprétation]

 12   Q.  Peut-être que je peux clarifier la situation pour vous. Il s'agit d'un

 13   territoire qui couvre à peu près 30 000 kilomètres carrés. Il s'agit d'un

 14   territoire qui est quatre fois supérieur au territoire de l'Irlande du

 15   nord. Vous avez cinq garnisons déployées et les problèmes sont différents.

 16   Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent car il y a des pertes de

 17   vie humaine. Il y a des opérations militaires. Ce grand groupe stratégique

 18   contient plusieurs corps. Nous avons le commandant du groupe stratégique,

 19   nous avons les commandants des corps d'armée, le commandant des brigades,

 20   les commandants de bataillons et les compagnies, et cetera. La tâche de ce

 21   groupement stratégique ne consiste pas à s'emparer de certaines parties du

 22   territoire, mais bien au contraire, de bloquer, d'immobiliser, d'assiéger

 23   ce territoire aux fins de protéger, d'un point de vue militaire, les

 24   arrières de ce groupe stratégique et vise à entraver l'acheminement des

 25   armes et l'armement des formations paramilitaires dans ce secteur-là du


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  1   territoire qui est censé être sous blocus.

  2   Il y a, également, une autre situation qui est celle de voir un groupe

  3   stratégique en tout état de cause supérieur en force vis-à-vis des

  4   formations paramilitaires qui se trouvent dans une partie de ce territoire

  5   sous blocus.

  6   Je voudrais, également, préciser que ce groupe stratégique ne vise pas à

  7   s'emparer de ces territoires, ne vise pas à faire irruption dans les

  8   territoires concernés. Pendant une période temps prolongé, à partir des

  9   territoires en question, les unités et le corps d'armée qui est chargé de

 10   la zone de responsabilité en question procède à une tactique de

 11   négociations et vise à mettre en œuvre des soi-disant cessez-le-feu qui

 12   sont violés 17 fois de suite, il vient dans une situation qui est celle que

 13   dont j'ai parlée. Le commandant qui a subi des pertes militaires se lance

 14   dans une opération de neutralisation d'un point de tirs concrets.

 15   Pouvez-vous alors, compte tenu de cette situation-là, nous apportez une

 16   réponse quelque peu plus précise, je vous prie ?

 17   R.  Je ne sais trop si c'était une déclaration ou une question, Maître

 18   Rodic. Je vais, pour ma part, essayer d'en faire ce que je pourrai. La

 19   situation, que vous avez décrite, se rapporte à la responsabilité au sens

 20   large du terme d'un commandant au niveau opérationnel. Je ne vais pas

 21   prétendre que ces responsabilités ne sont pas de grande envergure, ne sont

 22   pas de nature variée et très nécessiteuses du point de vue de son

 23   engagement. Son attention devra se centrer sur tout un tas de questions

 24   qu'il devra maîtriser, mais il faut, aussi, qu'il centre le gros de ses

 25   efforts sur une chose qui pourra évoluer en fonction des événements. Son


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  1   objectif, voir son effort principal, peut être centré sur une secteur

  2   déterminé et tenu par un corps donné qui se trouve sous le feu de l'ennemi

  3   et qui a besoin d'appuis, de renforts. Au moment où la situation devient

  4   plus claire et au moment où le front se stabilise, il arrive autre chose.

  5   Prenons, par exemple qu'il ait à faire face à des nécessités stratégiques

  6   qui sont celles d'aboutir à un cessez-le-feu sur un autre secteur de son

  7   front. C'est, absolument, une tâche qui incombe au niveau opérationnel et

  8   son centre de gravité, en supposant que le reste du secteur ne requiert pas

  9   son attention prioritaire, devient alors le traitement ou la solution de ce

 10   problème particulier. Le gros de son énergie devra être consacrée à la

 11   solution de ce problème. Ce que je voulais dire, c'est qu'en dépit du fait

 12   que le commandant au niveau opérationnel ait un grand éventail d'unités

 13   sous son commandement et couvre un secteur géographique important pour ce

 14   qui est de ses responsabilités opérationnelles, il dispose, également, d'un

 15   état-major et il se doit de concentrer ses efforts sur ce que lui semble

 16   être le plus important à ce moment-là. Est-ce que j'ai bien répondu à votre

 17   question ?

 18   Q.  Peut-être la situation englobée par vos soins a-t-elle été d'une trop

 19   grande envergure. Nous avons parlé d'un commandant de bataillon, et sur le

 20   plan hypothétique, je dirais ce qui suit : qu'advient-il, au cas où il

 21   s'agirait d'un commandant de bataillon qui ne serait pas très équilibré sur

 22   le plan psychique et qu'il y a situation où il déborderait ? Est-ce que

 23   cela influe, de façon individuelle, sur la situation concrète

 24   indépendamment de l'ambiance ou du climat de commandement, indépendamment

 25   des ordres reçus et ainsi de suite?


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  1   R.  Si vous avez face à vous, un commandant de bataillon qui n'est pas très

  2   stable sur le plan mental, alors son commandant direct, son supérieur

  3   direct a un problème très grave, il aurait, déjà, dû écarter le commandant

  4   en question d'ores et déjà.

  5   Q.  Oui. Mais si, le premier et le deuxième supérieur hiérarchique immédiat

  6   qui ont, notamment, le plus de contacts avec un commandant de ce bataillon

  7   n'informent pas le commandement supérieur, de façon véridique et en temps

  8   utile de la situation, telle qu'elle s'avère l'être dans ce cas

  9   particulier.

 10   R.  La responsabilité de mettre à l'écart un commandant de bataillon

 11   psychiquement instable relève des attributions du commandant de la brigade.

 12   Il n'a guère besoin de recevoir des attributions d'ailleurs. Il est,

 13   certainement ou probablement, tenu d'informer les échelons supérieurs dans

 14   la chaîne de commandement, mais il n'a pas à recevoir leur approbation pour

 15   faire une telle chose.

 16   Q.  A l'occasion de l'incident dont nous avons parlé et de ces excès de la

 17   part du commandant du bataillon, le commandant du corps, dont fait partie

 18   la brigade et le bataillon, dont nous sommes en train de parler, alors,

 19   s'agissant de l'incident en question, qu'arrive-t-il si ce commandant-là

 20   présente un rapport au commandement suprême des forces armées et reçoit de

 21   la part du dit commandement des instructions très explicites, à savoir

 22   qu'il convient de procéder une enquête, et si le commandant du corps, dont

 23   nous parlons, procède à une enquête effectivement, mais ne prend aucune

 24   mesure à l'encontre du commandant de bataillon dont nous avons, déjà,

 25   parlé ? Alors, est-ce que la situation s'agissant de cet incident-là, ne


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  1   vient-elle pas à être obturé sur ce segment-là ? L'incident ne devient-il

  2   pas clos ?

  3   R.  Je m'excuse, je suis en train de relire l'énoncé de votre question.

  4   Si j'ai bien compris, vous étiez en train de dire qu'au cas où il y aurait

  5   enquête à l'encontre de ce commandant de bataillon psychiquement instable,

  6   autrement dit, si le fait de le voir mentalement instable est traité par un

  7   niveau correspond au corps d'armée, il y a un fait, qui est le fait du

  8   commandant de bataillon psychiquement instable, qui était donc constaté, et

  9   la question consiste donc voir qu'il n'y est aucune action ou une mesure de

 10   prise.

 11   Q.  Je m'excuse. Peut-être, devrais-je vous poser la question de façon plus

 12   appropriée. Je crois que vous seriez, alors, en mesure de mieux répondre.

 13   Je vous ai, hypothétiquement, parlé d'une thèse, à savoir celle, de voir un

 14   commandement de bataillon psychiquement instable. Vous avez répondu à ma

 15   question en parlant de ce commandant et disant qu'il relève des

 16   attributions du commandant de la brigade. Alors moi, je vous pose la

 17   question qui est la suivante. Dans une situation, où il y a eu incident. Un

 18   incident dans lequel, un commandant de bataillon, instable sur le plan

 19   psychique et en dépit du cessez-le-feu, qui occasionnerait un incident qui

 20   viserait à neutraliser des tirs de la part de l'ennemi qui lui font subir

 21   des pertes importantes en vie humaine. Si, le commandant du corps, dont

 22   fait partie le bataillon et le commandant de ce bataillon, présente un

 23   rapport à l'intention du commandement militaire le plus élevé de cette

 24   armée-là; et si cette direction-là, lui fournirait des instructions lui

 25   demandant une enquête afférente à l'incident, et lui demanderait d'enquêter


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  1   sur les circonstances de l'incident; et si le commandant du corps procède à

  2   cette enquête sans toutefois prendre quelques mesures que ce soit en

  3   l'encontre du dit commandant; est-ce que cette situation, concernant

  4   l'incident et le commandant du bataillon, ne se trouve pas close, au niveau

  5   de commandement qui est celui du commandant du corps d'armée ?

  6   R.  Merci. J'ai compris, à présent, la question que vous m'avez posée.

  7   Lorsque l'on a un officier de commandement qui transgresse, de façon

  8   évidente, les ordres reçus pour des raisons de la stabilité psychique ou

  9   autre, c'est une question qui doit attirer l'attention des niveaux les plus

 10   élevés du commandement sur ce théâtre des combats. Le fait qu'une enquête

 11   ait été ordonnée pour ce qui est de la conduite d'activités,

 12   d'investigations, à l'encontre de cet officier de commandement, cela

 13   s'avérerait tout à fait justifié. C'est, partant des résultats de cette

 14   enquête que, le commandant du corps, qui est le niveau d'autorité qui est

 15   appelé à traiter de la question, décide de rejeter les accusations ou les

 16   allégations à son encontre. Cela relève de ses attributions. Cela met un

 17   terme au problème, en effet. Mais il dépend de cette situation, le fait de

 18   savoir, si le commandant du corps est satisfait et estime que l'enquête,

 19   cette investigation a été conduite de façon adéquate. S'il y a eu

 20   appréciation adéquate des résultats de l'enquête, donc il s'agit de savoir

 21   si l'on a conduit les activités de façon appropriée.

 22   Ce que je suis en train de dire, c'est que si, hypothétiquement parlant, le

 23   commandant du corps fait les allégations, les accusations à l'encontre de

 24   son subordonné, et je suis toujours dans le domaine hypothétique, alors le

 25   commandant du corps, son supérieur à lui, a pour mission, pour devoir,


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  1   d'entreprendre des démarches, non pas seulement à l'encontre du commandant

  2   du bataillon qui a transgressé les ordres, mais également à l'encontre du

  3   commandant du corps qui a passé sous silence, ou qui a blanchi les

  4   activités de son subordonné. J'ai répondu d'une façon tout à fait

  5   hypothétique moi-même, pour répondre à la question.

  6   Q.  Je vais apporter des éclaircissements. Le commandant de la brigade a

  7   certainement les attributions, pour ce qui est de relever de ses fonctions

  8   un commandant de bataillon. Mais le commandant de corps, qui s'est vu

  9   confié une tâche, qui est celle de conduire une enquête, est également

 10   habilité à prendre des mesures pour ce qui est d'une révocation éventuelle

 11   ou l'énoncé de mesures disciplinaires à l'encontre d'un tel commandant.

 12   Mais il y a une situation, qui est celle d'avoir à informer, non pas

 13   seulement le premier niveau de commandement au-dessus de soi-même, mais le

 14   commandement le plus au sommet, le plus élevé. Alors, je vous pose la

 15   question, qui est celle de savoir si le commandant de corps a conduit

 16   l'incident à une situation qui est celle de l'incident clos, tant à l'égard

 17   de ses supérieurs que du commandant de ce bataillon. Le commandant du corps

 18   a estimé que, son commandant de bataillon n'a pas été irresponsable ou

 19   responsable du tout de l'incident.

 20   R.  En supposant que le supérieur du commandant du corps se trouverait

 21   satisfait de la façon dont l'enquête a été diligentée et s'il est convaincu

 22   que cette enquête a été réalisée de façon rigoureuse, avec analyse

 23   appropriée, et si le constat ou l'issue de cette enquête serait estimé

 24   comme étant raisonnable, oui, cela aurait mis un terme à la chose.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Serait-ce à présent un moment


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  1   approprié, Monsieur Rodic ou aviez-vous, peut-être, à ajouter quelque chose

  2   ?

  3   M. RODIC : [interprétation] Peut-être juste un aspect de la question.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

  5   M. RODIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous dites, le supérieur, le commandant du corps. Je voudrais que vous

  7   soyez plus précis. Nous parlons d'une situation hypothétique où le

  8   supérieur du commandant du corps est un commandant d'armée. Puis il y a un

  9   grand état major au-dessus et au final, on passe au niveau le plus élevé du

 10   commandement militaire, dans cette armée, à savoir le secrétaire fédéral à

 11   la Défense. Le secrétaire fédéral à la Défense, à savoir, le ministre de la

 12   Défense, a donné un ordre qui portait sur une enquête relative à

 13   l'incident. Ce niveau très élevé, l'état major, le secrétaire fédéral, ont

 14   été informés de l'enquête et des résultats de cette enquête. Est-ce que

 15   vous parliez d'eux ? Si, quand vous dites qu'ils ont estimé que l'incident

 16   étant analysé et qu'il n'y avait pas de responsabilité du commandant du

 17   bataillon, est-ce que vous estimez que là, l'incident se trouverait être

 18   clos et le cercle fermé ?

 19   R.  J'ai essayé de répondre à votre question en plaçant ma réponse dans le

 20   contexte d'une question plutôt longue que vous avez posée et au sujet de

 21   laquelle j'ai eu pas mal de difficultés. Et où il a été question de

 22   l'existence d'un groupe opérationnel dans une chaîne de commandement, sous

 23   le commandement duquel il y avait un certain nombre de corps, de brigades

 24   et d'unités indépendantes. Ce que j'ai dit moi-même c'est que, au cas où le

 25   commandant du corps rejetterait effectivement les accusations en question.


Page 1623

  1   Je vais être plus précis encore, le supérieur du commandant de corps, et

  2   dans ce cas concret, ce serait le commandant du groupe opérationnel, au cas

  3   où lui, aurait été satisfait des modalités de la conduite de cette enquête,

  4   alors la chose prendrait fin au niveau du commandant de corps. Une

  5   information aurait été transmise vers le niveau du commandant du groupe

  6   opérationnel et plus loin encore, au niveau fédéral, au niveau du ministre

  7   de la Défense, la question serait close. Mais il y a toute une série de

  8   suppositions ou d'hypothèses, entre l'un et l'autre.

  9   Q.  Je vais être plus clair. Pendant que l'incident était en cours et le

 10   ministre de la Défense vient à en être informé, le commandant du corps

 11   présente un rapport au ministre de la Défense au sujet de l'incident et il

 12   obtient des instructions lui demandant, lui enjoignant de conduire une

 13   enquête. Il le fait et il informe de cette enquête, des résultats de celle-

 14   ci, le commandement le plus élevé, le ministère de la Défense et lui

 15   communique les résultats de cette enquête. Estimez-vous qu'à ce moment-là,

 16   la question se trouve être close ou pas ?

 17   R.  Je pense pouvoir supposer et il me semble que nous avons sauté un

 18   niveau, qui est le niveau entre le commandant de corps et le ministère

 19   fédéral de la Défense. Vous êtes en train de brosser une situation dans

 20   laquelle le commandant de corps communique directement avec le ministre

 21   fédéral de la Défense, en contournant son commandant supérieur, qui est le

 22   commandant du corps. Dans de telles circonstances, je m'attendrais à ce que

 23   ce commandant supérieur au commandement du corps, à savoir le commandant du

 24   groupe opérationnel, prenne des mesures, demande au ministère de la Défense

 25   a) pourquoi il traite de ces questions en le contournant et b) il devrait


Page 1624

  1   poser la même question au commandant de corps. Donc, du point de vue d'un

  2   commandant du groupe opérationnel, à moins qu'il ne soit absolument pas

  3   satisfait de ce qui se passe et du fait qu'il ait été contourné, je suppose

  4   que pour lui, à ses yeux, la question n'aurait certainement pas été close,

  5   non.

  6   Q.  Bien, je vous remercie.

  7   M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons faire une

  8   pause, à présent.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons procéder à une pause de 20

 10   minutes, à présent.

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

 12   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic. Veuillez continuer.

 14   M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   Q.  Monsieur Pringle, en répondant à mes questions tout à l'heure, au

 16   moment où j'ai parlé des groupes stratégiques et de l'armée, j'ai parlé de

 17   ces catégories. En répondant, vous avez vous-même parlé d'un groupe

 18   opérationnel. Pouvez-vous me dire d'où tenez-vous cela ?

 19   R.  Oui. Parce qu'en termes généraux, je dirais que j'ai lu bon nombre de

 20   documents se rapportant à cette affaire.

 21   Q.  Pouvez-vous m'indiquer ce que vous avez lu au juste ?

 22   R.  J'ai lu un grand nombre de documents portant sur la doctrine de la JNA,

 23   j'en ai cité un hier, d'ailleurs. J'ai également lu des descriptions ou

 24   résumés descriptifs de ce qui se passe des événements et de ce qui se passe

 25   au niveau de ce Tribunal. Ce qui fait que, de manière générale, je suis au


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  1   courant des questions soulevées au sujet de la chaîne de commandement, si

  2   je puis m'exprimer ainsi, du moins pour ce qui concerne l'affaire ici

  3   présente.

  4   Q.  Pouvez-vous m'indiquer quels sont les documents que vous avez lus

  5   portant sur la doctrine de la JNA ?

  6   R.  Certainement. En ma qualité de conseil militaire auprès du TPIY, j'ai

  7   été sollicité pour apporter mon aide à une équipe chargée des analyses

  8   militaires et à plusieurs avocats du conseil de la Défense. Et c'est la

  9   première fois, que je suis en train de comparaître en qualité de témoin

 10   devant ce Tribunal. Mais dans le courant des 18 mois écoulés, j'estime,

 11   avoir lu un nombre très important de documents affairant la doctrine de la

 12   JNA, y compris celui que j'ai cité hier, à savoir celui qui porte sur

 13   l'application de la mise en œuvre du droit de guerre international. Je vais

 14   également dire que j'ai lu les choses auxquelles je me suis référé dans ma

 15   déclaration. Cela concerne le commandement et le contrôle de l'armée, ainsi

 16   que l'application du droit international. J'ai pu lire ce qui porte sur les

 17   applications, la mise en œuvre de la doctrine militaire au niveau des

 18   corps. Je ne puis à présent vous citer tous les titres dès à présent, mais

 19   nous pouvons peut-être vous donner un aperçu, si vous le désirez.

 20   Q.  Dans quelle équipe, avez-vous été appelé à intervenir en tant que

 21   conseil à titre consultatif ?

 22   R.  Mon premier contact avait été celui qui s'était effectué avec une

 23   équipe chargée des analyses militaires.

 24   Q.  Etait-ce une équipe du bureau du Procureur ?

 25   R.  Non, pour autant que je sache. Cela a été un groupe constitué


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  1   essentiellement de personnes qui étaient intervenues dans des forces armées

  2   dans le passé, et qui avaient été sollicitées pour ce qui était des

  3   analyses militaires dans différentes affaires. De là à savoir s'i elles

  4   faisaient partie des équipes du bureau du Procureur, je ne le sais pas. La

  5   question est à poser à quelqu'un d'autre. C'est eux, qui traitent de ce

  6   type de choses.

  7   Q.  Vous parlez d'une équipe d'analystes militaires, mais à qui étaient

  8   transmis les résultats de vos analyses, dans le contexte de cette analyse

  9   des affaires devant de ce Tribunal ?

 10   R.  Le chef du département de l'analyse militaire vient de changer très

 11   récemment, quant à moi, c'est Peter Nicholson, chef de l'équipe des

 12   analystes militaires, qui me confiait un certain nombre de tâches, c'est à

 13   lui que je faisais rapport.

 14   Q.  Est-ce qu'il travaille pour le bureau du Procureur au sein du

 15   Tribunal ?

 16   R.  A présent, il travaille pour la Cour pénale internationale. Avant, en

 17   tant que chef des analystes militaires, enfin en réalité, j'ai bien peur de

 18   ne pas savoir, si officiellement, il travaillait pour le bureau du

 19   Procureur ou s'il s'agit d'un organisme indépendant qui offre ses conseils,

 20   le cas échéant. Malheureusement, j'ai peur que vous devriez poser ce type

 21   de questions à un expert en terme d'organisation du TPIY pour avoir une

 22   réponse à cette question.

 23   Q.  Est-ce qu'il vous a jamais fourni un quelconque document écrit qui

 24   aurait pu vous indiquer qui, il était exactement, où il travaillait, pour

 25   qui,


Page 1627

  1   R.  Oui. J'ai reçu un grand nombre de documents de sa part, et à l'occasion

  2   de mes différents séjours à La Haye. J'ai lu un grand nombre de documents.

  3   L'équipe des analystes militaires fournit une analyse militaire à

  4   l'intention des avocats exerçant devant le TPIY. En effet, un grand nombre

  5   d'affaires ont trait à des questions d'ordre militaire, cela permet aux

  6   avocats de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ces questions.

  7   Q.  Mais est-ce qu'il travaillait pour le bureau du Procureur ? Est-ce

  8   qu'il remettait cela au bureau du Procureur ou est-ce qu'il remettait cela

  9   au conseil de la Défense qui exerce également devant ce Tribunal?

 10   R.  Les analyses et les conseils sont destinés aux avocats, aux juristes

 11   qui composent les équipes du bureau du Procureur, c'est certain. Je crois

 12   que tout élément de preuve ou toute déclaration utilisée, par la suite dans

 13   le cadre du procès, est également fournie au conseil de la Défense.

 14   Corrigez-moi si je me trompe.

 15   Q.  Est-ce que vous avez participé à l'élaboration d'analyses en rapport

 16   avec l'opération de Dubrovnik ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire pourquoi alors vous n'en faites pas état

 19   dans votre curriculum vitae ?

 20   Mme SOMERS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le

 21   curriculum vitae, même détaillé, ne doit pas aller au-delà des compétences

 22   ou des postes occupés par le témoin. Cela nous semble pas approprié de

 23   parler de ce type de chose dans un curriculum vitae.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, effectivement.

 25   M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Q.  Vous avez dit que vous avez reçu un résumé des événements en question,

  2   pouvez-vous me dire sous quelle forme vous avez reçu ce résumé ? S'il

  3   s'agissait d'un document et de qui vous l'avez reçu ?

  4   R.  Oui. Il s'agissait d'une équipe d'analyse militaire qui a rédigé un

  5   résumé des événements et qui offrait son analyse sur ces événements dans

  6   différentes affaires. Dans l'affaire qui nous occupe, j'ai lu ce document

  7   et je me suis exprimé dessus. J'ai donné mon point de vue, notamment, sur

  8   les points qui me semblaient fondés et infondés et ce afin de contribuer à

  9   l'élaboration appropriée des éléments de preuve.

 10   Q.  De ce fait, automatiquement, vous auriez fait partie de l'équipe du

 11   bureau du Procureur. Pourquoi ce document n'est-il pas annexé à votre

 12   rapport ?

 13   Mme SOMERS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, ce témoin

 14   est cité par l'Accusation. Toute consultation dans le cadre de la

 15   préparation de la déposition d'un témoin donne, forcément, lieu à ce type

 16   d'échange et je pense que cette question vise à semer la confusion.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers, je comprends dans une

 18   certaine mesure ce que vous essayez de dire mais la situation n'est pas

 19   parfaitement claire parce que les Juges n'ont pas connaissance du rôle

 20   exact du groupe ou de l'équipe dont le témoin fait partie. Me Rodic est en

 21   train de demander au témoin un certain nombre de choses. Le témoin,

 22   manifestement, ne veut pas donner la réponse qu'il attend, à savoir est-ce

 23   que cette équipe relève du bureau du Procureur ou non ? Vous et moi, savons

 24   bien que cela n'est pas la même chose que la déposition du témoin dans ce

 25   prétoire. Pour des raisons que nous comprenons tous, la Défense aimerait


Page 1629

  1   avoir une réponse à cette question. Pouvez-vous nous aider ?

  2   Mme SOMERS : [interprétation] Monsieur le Président, dans notre échange on

  3   voit qu'on insinue que le témoin était membre de l'équipe du bureau du

  4   Procureur or le témoin n'a pas fait partie du bureau du Procureur, il a

  5   simplement collaboré avec le bureau du Procureur.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'est-ce que j'avais dit quant au

  7   bureau du Procureur ?

  8   Mme SOMERS : [interprétation] Je crois qu'il est dit, ici, que l'on se pose

  9   la question du rôle de l'équipe ou du groupe dont le témoin fait partie.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais je ne veux pas dire par là

 11   qu'il s'agit, forcément, d'une équipe du bureau du Procureur. Je parle du

 12   groupe, de l'équipe d'analystes en terme de défense.

 13   Je n'ai pas encore une réponse.

 14   Mme SOMERS : [interprétation] Ce que j'ai cru comprendre, c'est que le

 15   témoin a parlé d'une équipe, du bureau du Procureur, mais peut-être que

 16   c'est moi qui ai mal compris. Je pensais que vous aviez suggéré un certain

 17   nombre de choses mais peut-être que j'ai mal compris.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce que je vous ai demandé, c'est

 19   d'aider à apporter une réponse à la question de Me Rodic à laquelle

 20   manifestement le témoin ne veut pas répondre.

 21   Mme SOMERS : [interprétation] La question est la suivante : est-ce que le

 22   MAT fait partie du bureau du Procureur ? Le MAT relève du bureau du

 23   Procureur, oui. Il n'est pas membre du MAT, et cela, je peux également le

 24   confirmer.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qui n'est pas membre du MAT ?


Page 1630

  1   Mme SOMERS : [interprétation] Le témoin n'est pas membre du

  2   MAT.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que Maître Rodic a eu une

  4   réponse à sa question ? J'ai dû poser des questions, moi-même, pour essayer

  5   d'obtenir une réponse pour vous, Maître Rodic.

  6   M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui,

  7   effectivement, c'est très utile. Précisément, par mes questions, j'essayais

  8   d'en arriver à ce que le témoin a dit dans sa déposition, à savoir qu'il

  9   réalisait des analyses militaires générales au sein de cette équipe

 10   militaire. En d'autres termes, des analyses militaires, à caractère général

 11   sur cette affaire, qui ont été transmises à l'Accusation. Donc, on comprend

 12   bien pour quelle partie il travaillait et de quelle façon, il a travaillé.

 13   C'est la raison pour laquelle, nous sommes intervenus car en réponse à

 14   l'interrogatoire principal nous avons pu constater cela. Alors la question

 15   que je me pose : c'est pourquoi les questions de l'Accusation ont-elle été

 16   des questions d'ordre général, alors qu'il était clair que même si on

 17   parlait d'hypothèse, le témoin n'était pas en train de parler de façon

 18   générale et spontanée.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic, j'ai essayé d'expliquer

 20   la façon dont les Juges envisageaient cette déposition à savoir que nous

 21   n'attendons pas du témoin qu'il évoque les détails de cette affaire précise

 22   car il n'a pas de connaissances directes de ces faits. On l'a autorisé à

 23   comparaître uniquement pour qu'il nous parle de questions qu'il connaît en

 24   tant qu'expert militaire. En effet, de par sa connaissance des pratiques et

 25   de la théorie militaire, il peut nous donner certaines réponses.


Page 1631

  1   Les questions qu'on lui pose sont des hypothèses et il s'agit, là, de la

  2   teneur de sa déposition mais l'intention n'est pas de le faire déposer de

  3   façon précise sur cette affaire et, pour autant que je puisse en juger, il

  4   ne sait rien de par sa connaissance directe de cette affaire-ci. Il n'est,

  5   donc, pas en train de suggérer ce qui aurait pu se passer à la lumière de

  6   ses lectures, à la lumière de ce que d'autres personnes lui auraient dit.

  7   Nous, en tant que Juges, nous nous appuierons sur le témoignage de

  8   personnes qui ont directement été en contact avec les événements. Cela

  9   concernera ou non, peut-être, votre client à un moment donné. Nous

 10   n'essayons pas de tirer des conclusions sur les événements à proprement

 11   parler à partir d'hypothèse ou de théorie. Mais par contre, cela peut nous

 12   être d'une certaine utilité, car nous comprenons ainsi quels sont les

 13   principes et les attentes militaires dans une telle ou telle situation

 14   donnée, hypothétique. C'est là, que nous apprécions le témoignage de ce

 15   témoin en particulier.

 16   M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai bien

 17   compris.

 18   Q.  Monsieur Pringle, pour enchaîner sur votre dernière réponse et

 19   l'incident impliquant le commandant d'un bataillon, j'aurais aimé vous

 20   poser la question suivante. Imaginons que le commandant, nous pouvons,

 21   maintenant, parler de groupe opérationnel puisque c'est vous qui avez

 22   utilisé ce terme, donc imaginons, qu'il était au courant d'instructions

 23   directes émanant du ministre de la Défense données au commandant du corps

 24   d'armée, et imaginons, qu'il était au courant que le commandant du corps,

 25   après une enquête, a informé le ministre de la Défense des résultats de


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  1   l'enquête. Est-ce qu'on peut s'attendre à ce que le commandant du groupe

  2   opérationnel intervienne ou examine les conclusions finales du ministre de

  3   la Défense et du grand état major ?

  4   R.  Je crois que je m'attendrais à ce que le commandant du groupe

  5   opérationnel se demande pourquoi le ministère de la Défense s'occupe de

  6   façon directe de la question et s'adresse directement à un commandant de

  7   corps qui est subordonné au commandant du groupe opérationnel. Peut-être

  8   qu'au sein de la JNA, c'est une procédure habituelle et normale, je

  9   l'ignore. Mais dans mon expérience, cette façon de procéder sera assez

 10   irrégulière, et je m'attendrais à ce que le commandant du groupe

 11   opérationnel pose des questions et demande pourquoi les choses se passent

 12   de cette façon. En partant de l'hypothèse que le communauté du groupe

 13   opérationnel est entièrement compétent tant à ce qui se passe dans sa zone,

 14   dans son secteur, j'imagine que le fait qu'il soit court-circuiter en

 15   quelque sorte, qu'on ne lui pose pas la question, pourrait être considérer

 16   comme assez curieux.

 17   Q.  Vous êtes en train, dans votre réponse, de me donner votre point de

 18   vue, votre impression, mais je vous pose une question très concrète. Est-ce

 19   que le commandant du groupe opérationnel serait habilité à remettre en

 20   question la décision sur cet incident et donc sur ce lien direct du

 21   ministère de la Défense et avec le commandant du corps d'armée ? Est-ce que

 22   vous affirmez que le commandant du groupe opérationnel devrait remettre en

 23   question la décision définitive délivrée par le ministère de la Défense ?

 24   R.  Je m'attendrais à ce que le commandant du groupe opérationnel, qui se

 25   trouve entre le commandant du corps d'armée et le ministre de la Défense, à


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  1   ce qu'il essaye de vérifier que l'enquête en question a été conduite de

  2   façon régulière parce qu'enfin de compte, en dernière analyse, il est

  3   responsable. Je pourrais, même, évoquer d'autres hypothèses avec vous, mais

  4   une fois de plus, je m'attendrais à ce que le commandant du groupe

  5   opérationnel essaye, au moins, de savoir du ministre de la Défense,

  6   pourquoi on s'adresse directement à un de ses subordonnées en le court-

  7   circuitant. Cela ne me paraît pas régulier.

  8   Q.  Imaginons que le commandant du groupe opérationnel était ignoré pour

  9   une raison ou pour une autre. Est-ce qu'à ce moment-là, il serait habilité

 10   à remettre en cause la décision finale ?

 11   R.  Je crois que dans la doctrine disciplinaire de la JNA, on pourrait

 12   trouver une réponse à cela car les rôles des différentes composantes de la

 13   chaîne de commandement dans le traitement de ces incidents seraient

 14   définis.

 15   Q.  Pour ce qui est de ma dernière question. J'aurais aimé que vous me

 16   donniez une réponse très concrète, oui ou non. En d'autres termes, je parle

 17   de la remise en cause d'une décision du ministre de la Défense par le

 18   commandant du groupe opérationnel dans les circonstances que nous avons

 19   évoquées. Est-ce que vous répondez oui ou non ?

 20   R.  Si l'enquête a été conduite conformément aux lois en place au sein de

 21   la JNA et si le règlement a été respecté, alors, la réponse est oui. Je ne

 22   peux pas vous dire si cela était le cas ou non.

 23   Q.  Mais nous parlons d'hypothèse. Est-ce que cela veut dire que les

 24   supérieurs du commandant du groupe opérationnel auraient fait cela ?

 25   R.  Fait quoi ?


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  1   Q.  Le fait de remettre en cause la décision finale du ministre de la

  2   Défense.

  3   R.  La décision finale du ministre de la Défense comme dans tous les

  4   ministères de la Défense serait définitive. Par ce que je disais, il

  5   faudrait voir si toutes les mesures appropriées auraient été prises avant

  6   que cela n'arrive au niveau ministre de la Défense. Si certaines étapes ont

  7   été omises, alors, j'imagine que le ministre de la Défense prend ses

  8   décisions en suivant des pratiques qui ne sont pas régulières.

  9   Q.  Pour l'hypothèse que vous êtes en train d'évoquer, dans les réserves

 10   que vous émettez, je vais ajouter la chose suivante. Si le commandant du

 11   corps d'armée a mené une enquête conformément au directive du ministre de

 12   la Défense et conformément au règlement militaire qu'il connaît

 13   certainement; il en a informé, directement, le ministre de la Défense et la

 14   décision définitive sur cet incident a été rendue; est-ce qu'à ce moment-

 15   là, le commandant du groupe opérationnel peut intervenir et remettre en

 16   question la décision du ministre de la Défense. Ma question est donc

 17   parfaitement claire, même si c'est formulé de façon hypothétique, et vous

 18   pouvez me donner une réponse par oui ou par non.

 19   R.  La question est claire, mais je ne pense pas qu'on puisse y répondre

 20   par oui ou par non, parce que, dans l'hypothèse que vous évoquez, le

 21   commandant opérationnel de l'échelon supérieur a été court-circuité. Or, en

 22   vertu de la loi en vigueur, il a des responsabilités bien précises. Il doit

 23   faire en sorte que tout ce qui relève de son commandement se fasse en

 24   respectant la réglementation. Par conséquent, à mon avis, il doit s'assurer

 25   que l'enquête dont vous parlez a été conduite de façon appropriée. Et donc,


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  1   il doit intervenir et que des conclusions appropriées ont été tirées. Et

  2   c'est sur cette base que les conclusions seront transmises au ministre de

  3   la Défense qui les avalise ou non. Mais le commandant du groupe

  4   opérationnel doit être parfaitement convaincu que tout s'est fait de façon

  5   régulière. Je ne peux pas vous répondre par oui ou par non parce que vous

  6   êtes en train de laisser de côté cet élément qui est pourtant essentiel

  7   dans la chaîne du commandement.

  8   Q.  Cet élément essentiel et critique dont vous êtes en train de parler, et

  9   bien, je vous ai pourtant dit la chose suivante : Le commandant du groupe

 10   opérationnel est informé de l'incident, le commandant du groupe

 11   opérationnel connaît les instructions directes du ministre de la Défense au

 12   commandant du corps d'armée. Il sait quelle est la décision définitive du

 13   ministre de la Défense. Alors, pourquoi le ministre de la Défense, pour

 14   suivre cette hypothèse, pourquoi a-t-il contourné, court-circuité le

 15   commandant du groupe opérationnel ? Là, c'est une question qui implique le

 16   ministre de la Défense. C'est son affaire. Mais la situation que j'ai

 17   évoquée est tout de même assez concrète et je pense donc qu'on peut y

 18   répondre. Alors, je vous demande, est-ce qu'après une décision définitive

 19   du ministre de la Défense, vous pouvez imaginer que le commandant du groupe

 20   opérationnel remette en question sa décision ? Oui ou non.

 21   R.  Vous venez de décrire une situation hypothétique avec une dimension

 22   supplémentaire, à savoir que le commandant du groupe opérationnel est

 23   pleinement conscient de ce qui se passe. L'hypothèse maintenant semble être

 24   que le commandant du groupe opérationnel est d'accord avec la façon dont

 25   l'affaire est menée. En d'autres termes, il s'est écarté, il s'est retiré,


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  1   il a abandonné son autorité volontairement, auquel cas, quelle que soit la

  2   raison, il cesse de s'intéresser à l'incident. S'il le fait et si la

  3   décision du commandement du corps est avalisé par le ministre de la

  4   Défense, le commandant du groupe opérationnel, en se retirant, infirme par

  5   la même, que l'affaire est réglée. Et, dans ces conditions, alors je peux

  6   répondre par oui.

  7   Q.  Maître Rodic, je dois avouer que je suis assez admiratif vis-à-vis de

  8   votre faculté à détourner l'hypothèse que je vous présente, pour parler

  9   d'une autre situation hypothétique. Je pense que cela a permis d'éclaircir

 10   les choses et je vais passer à autre chose.

 11   De 1998 à 2000, vous avez été chef de l'état major conjoint de l'armée

 12   britannique, ou plutôt, vous avez été membre de cet état major ?

 13   R.  J'étais sur le point de dire, en réponse à votre question : Si c'était

 14   effectivement le cas ou non. Malheureusement, ce n'était pas le cas. Entre

 15   1998 et 2001, j'étais chef d'état major et directeur des opérations du

 16   quartier général permanent conjoint des forces armées, non pas seulement de

 17   l'armée, mais des forces armées britanniques.

 18   Q.  Dans votre curriculum vitae, j'ai pu voir que vous avez entrepris de

 19   collaborer avec différentes organisations de la société civile et des

 20   organisations non gouvernementales, vous avez travaillé en collaboration

 21   étroite avec de telles organisations. Est-ce que cela concernait uniquement

 22   la Grande-Bretagne, ou d'autres endroits également ?

 23   R.  J'ai eu des liens étroits de contact avec des agences civiles et des

 24   associations non gouvernementales, surtout dans les Balkans. En ce qui

 25   concerne la planification, depuis cet état major permanent et conjoint,


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  1   c'était un des aspects du planning que l'on devrait prendre en compte.

  2   Parce que, en ce qui concerne ces opérations, que nous étions en train de

  3   mener, dans le cadre de ces opérations, les agences civiles et les

  4   organisations non gouvernementales devaient jouer le rôle principal.

  5   Q.  Pourriez-vous nous dire pourquoi n'avez-vous pas indiqué dans votre

  6   curriculum vitae, qui est pourtant très détaillé, le fait que vous avez

  7   coopéré en tant qu'analyste militaire pour le bureau du Procureur de ce

  8   Tribunal ?

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez déjà posé cette question et

 10   nous nous en sommes occupés. Vous l'avez posée très vite dans votre contre-

 11   interrogatoire.

 12   M. RODIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 13   Q.  Monsieur le Témoin, au cours de la période allant de 1992 et 1994, vous

 14   étiez l'adjoint au chef du quartier général chargé des analyses et vous

 15   vous reportiez indirectement au comité de renseignements conjoints où vous

 16   prépariez des analyses militaires dans les Balkans.

 17   R.  Oui, c'est exact. Je ne l'ai pas fait dans les Balkans. J'ai fait ce

 18   rapport concernant la région des Balkans.

 19   Q.  Est-il exact que vous avez recueilli ces informations de sources

 20   publiques et secrètes ?

 21   R.  Oui, en effet. C'est le rôle même des analystes.

 22   Q.  Est-il exact que vous vous évaluez la situation, vous analysez la

 23   situation qui s'empirait rapidement dans les Balkans.

 24   R.  Oui, en effet, c'est exact.

 25   Q.  A part le fait de rapporter, est-ce que vous aviez un autre rôle


Page 1638

  1   concernant cette situation qui s'empirait dans les Balkans ?

  2   R.  Je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence. Moi qui était un

  3   des vice-présidents de l'équipe d'évaluation, je devais fournir des

  4   analyses de renseignements sur la base des sources publiques et secrètes au

  5   comité de renseignements conjoint sur de nombreuses zones de responsabilité

  6   et pour moi, dans mon cas de figure, il s'agissait des Balkans. C'était ma

  7   zone de responsabilité.

  8   Q.  Pour ce qui concerne les Balkans, est-ce que vous avez fait aussi des

  9   analyses concernant l'ex-République socialiste fédérative de la

 10   Yougoslavie ?

 11   R.  Ces analyses comprenaient l'analyse de la situation complète, qui

 12   prévalait dans les Balkans pendant la période pertinente qui comprenait la

 13   RSFY, oui.

 14   Q.  A l'époque, avez-vous, de quelque façon que ce soit, participé à des

 15   quelconque opérations concernant la situation dans la RSFY ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Vos analyses, vos rapports de renseignements étaient-ils utilisés

 18   contre qui que ce soit au moment où la situation se détériorait dans la

 19   RSFY à l'époque ?

 20   R.  Ce n'était pas l'objectif de ces rapports. Ces rapports avaient pour

 21   but d'informer les niveaux les plus hauts du gouvernement de l'évaluation

 22   de la situation. Et ces rapports devaient informer les ministres des

 23   différents ministères quant à l'évaluation de la situation telle que perçue

 24   par les Britanniques.

 25   Ces rapports n'ont été utilisés contre qui que ce soit ou quoi que ce soit.


Page 1639

  1   Q.  Très bien. Merci. Est-ce que vous avez pris part à de la planification

  2   des différentes opérations ou de la planification stratégique, des

  3   opérations extrêmement risquées, extrêmement importantes de grande

  4   envergure, complexes ou non ? Et est-ce que vous avez été membre d'une

  5   équipe qui devait organiser la participation de l'armée à de telles

  6   opérations et organiser la campagne et éventuellement des opérations à

  7   Monténégro avec la participation des trois forces armées ?

  8   R.  Et bien là vous parlez plutôt de mon travail de directeur des

  9   opérations, dans le cadre du quartier général principal, permanent et

 10   conjoint plutôt que de parler de mon travail au ministère. Et là, en effet,

 11   j'ai participé à des opérations de planification stratégique en ce qui

 12   concerne beaucoup d'opérations dans le monde. Et je pense qu'il y en a eues

 13   qui auraient pu inclure les Balkans. Et vous m'avez posé la question au

 14   sujet du Monténégro, et bien oui, il a pu y avoir des actions qui auraient

 15   pu concerner le Monténégro à un moment donné.

 16   Q.  Est-ce que vous pouvez me dire à quel moment vous avez élaboré un tel

 17   plan, dans quelles circonstances ?

 18   R.  Ce quartier général, conjoint et permanent était responsable de la

 19   planification de toute une série d'opérations dans le monde entier. Il

 20   s'agissait de planifier les opérations des troupes, et cetera. Nous,

 21   évidemment, réfléchissions à l'époque de la possibilité d'une opération qui

 22   se déroulerait dans les Balkans et ceci jusqu'au moment où l'OTAN arrive au

 23   Kosovo. A ce moment-là, j'ai commencé à abandonner cette région.

 24   Q.  Vous avez dit que vous avez été à la tête d'une équipe qui devait

 25   planifier, organiser une opération au Monténégro et Kosovo, avec la


Page 1640

  1   participation et contribution possible des trois armées des forces armées.

  2   Cette période concernait quelle époque précisément ? Pour l'année 1990,

  3   pour l'année 1995, pour l'année 1999 ? Voici ma question.

  4   R.  Oui. J'ai passé tellement d'années dans les Balkans que toutes ces

  5   campagnes et opérations se fondent en une seule. Mais si nous parlons de la

  6   période d'après la Bosnie et avant que l'OTAN ne vienne au Kosovo, c'était

  7   quand, c'est en 1999, c'est cela ?

  8   Q.  Pourquoi pas,  mais vous savez je n'étais pas membre de ce quartier

  9   général, moi-même, mais c'est l'hypothèse que j'avance, oui effectivement.

 10   Pourriez-vous dire quelle était donc cette opération, cette campagne ? Quel

 11   était le but de cette opération, de cette campagne, quelle devait être sans

 12   doute ?

 13   R.  Je ne pourrais pas vous dire cela. Mais je peux vous dire qu'il

 14   s'agissait d'une planification normale concernant les troupes que n'importe

 15   quel état ferait, vu les circonstances.

 16   Q.  Quand vous parles de campagne, je suppose que les forces de l'armée

 17   britannique, dans le cadre des forces de l'OTAN, devaient maintenant se

 18   rendre sur le territoire du Monténégro et Kosovo avec la participation des

 19   trois aspects des forces armées et cela a été écrit dans son curriculum

 20   vitae. Est-ce exact ?

 21   R.  Les forces britanniques font partie des forces de l'OTAN et en effet,

 22   elles sont allées au Kosovo, oui.

 23   Q.  Est-ce qu'une évaluation d'une campagne éventuelle, qui aurait lieu au

 24   Monténégro, a été faite pour permettre, par exemple, aux troupes de se

 25   déployer au Monténégro ?


Page 1641

  1   R.  Nous y pensions effectivement. Toutes les options étaient possibles.

  2   Cela dépendait de la tournure des événements. Clairement, dans le cadre de

  3   nos responsabilités, nous devions imaginer toutes opérations imaginables

  4   dont nous aurions pu avoir besoin. Cela fait partie des opérations de

  5   planification. Si je vous dis, qu'en mon temps, nous faisions les mêmes

  6   plans concernant Sierra Leone, est-ce que vous comprendrez mieux.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, est-ce que nous

  8   parlions de l'année 1999 ? Est-ce que c'est bien l'année à laquelle vous

  9   vous référez par rapport à vos questions.

 10   M. RODIC : [interprétation] Oui. En ce qui concerne cette campagne et en ce

 11   qui concerne le Monténégro, effectivement, j'ai fait référence à l'année

 12   1999.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien, j'essaye de voir où est la

 14   pertinence de cela par rapport à cette affaire-là, et dont la période

 15   pertinente se situe huit années auparavant. Pourriez-vous m'éclaircir à ce

 16   sujet ?

 17   M. RODIC : [interprétation] Il en va de la qualification du témoin expert

 18   pour comparaître en tant qu'expert en l'espèce. Mais si ces questions vous

 19   dérangent, je peux passer à un autre sujet, si vous le souhaitez.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense qu'à présent, nous avons bien

 21   compris quels étaient les différents emplois du témoin au cours des années.

 22   Je vous prie, de bien vouloir passer à un autre sujet.

 23   M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Monsieur le Témoin, pourriez-vous me dire si en 1990, 1991, et 1992, si

 25   vous connaissiez la situation qui prévalait dans l'ex-RSFY ? Est-ce que


Page 1642

  1   vous connaissiez bien cette situation vu vos fonctions et le poste que vous

  2   aviez ?

  3   R.  Pendant que je travaillais dans le ministère, j'ai dit que je devais,

  4   entre autre, évaluer la situation dans les Balkan. Donc au cours de cette

  5   période-là, je peux dire que je suis devenu assez familier avec la

  6   situation. Je la connaissais très bien.

  7   Q.  Merci. Avez-vous jamais entendu parler d'un quelconque état au monde

  8   ayant trois armées à la fois ?

  9   R.  Vous voulez dire un seul état qui dispose de trois armées. A moins que

 10   vous nous parliez de Bosnie.

 11   Q.  Oui. C'est, justement, à cela que je faisais référence.

 12    Pouvez-vous me dire si vous avez lu l'acte d'accusation

 13   d'espèce ?

 14   R.  Je fais une pause, je m'arrête, car je ne pense pas que je l'ai fait.

 15   Justement rien qu'hier, j'ai demandé à quelqu'un mais quel est le chef

 16   d'Accusation ? Il est accusé de quoi exactement, cet homme ? Peut-être que

 17   je l'ai fait, écoutez, je ne le pense pas mais toutes les possibilités sont

 18   ouvertes.

 19   Q.  Puisque vous dites que vous l'avez peut-être fait, et bien, je vais en

 20   profiter pour vous rappeler le chef 4 de l'acte d'accusation. En tant

 21   qu'officier professionnel, Pavle Strugar était obligé de respecter les

 22   règlements de la JNA tels que prévu dans la loi concernant la stratégie de

 23   la lutte armée de 1983, la loi relative à la défense populaire généralisée

 24   1982, la loi sur les services dans les forces armées de 1985, la règle des

 25   services de 1985 et les règlements relatifs à l'application des lois


Page 1643

  1   internationales de la guerre par les forces armées de la RSFY 1988Est-ce

  2   que vous êtes au courant de cela ?

  3   R.  Vous me demandez si j'ai vu cela. Je ne pense pas, mais je ne suis pas

  4   du tout surpris de ce que vous dites.

  5   Q.  Avant de venir témoigner, avez-vous étudié tous ces textes que je viens

  6   de vous énumérer ?

  7   R.  Nous avons, déjà, parlé de certains de ces textes. Je vous ai dit qu'en

  8   tant que consultant auprès d'une équipe d'analyse militaire, nous avons dû

  9   lire pas mal de textes de la JNA. Entre autre, un de ces documents a fait

 10   l'objet d'un débat et, hier, je l'avais entre mes mains. Effectivement, je

 11   dirais que j'ai lu un grand nombre de ces textes.

 12   Q.  Les documents qui figurent dans votre rapport d'expert sont-ils les

 13   seuls documents sur lesquels vous vous êtes appuyé pour faire cette analyse

 14   de l'organisation de la JNA ?

 15   R.  Non. J'ai aussi lu des rapports élaborés par l'équipe des analystes

 16   militaires. J'ai fait des commentaires à ce sujet dans le passé. En ce qui

 17   concerne mes connaissances de la JNA, je dirais que cette connaissance ne

 18   se limitait pas seulement et uniquement à la lecture des textes de la JNA

 19   même s'il s'agit-là d'une part importante. Mais en lisant la doctrine de la

 20   JNA, je dois dire que j'ai été impressionné par sa qualité et par sa

 21   précision.

 22   Q.  Je dois vous interrompre. Telle n'était pas ma question. Dans votre

 23   rapport d'expert, vous fournissez la bibliographie sur laquelle vous vous

 24   êtes appuyé pour élaborer ce rapport d'expert. Je vous répète ma question.

 25   Est-ce que cette bibliographie représente les seuls documents sur lesquels


Page 1644

  1   vous vous êtes fondé pour faire votre rapport d'expert sur les forces

  2   armées avant d'élaborer ce rapport d'expert et de venir déposer en tant que

  3   témoin expert.

  4   R.  Je vous ai déjà répondu à cette même question et ma réponse était

  5   négative.

  6   Q.  Mais ne pensez-vous pas que ceci ne suffit pas pour fournir une

  7   analysecomplète basée, justement, sur les textes qui régissent les forces

  8   armées ?

  9   R.  Je n'ai pas fait un rapport complet concernant les règles des forces

 10   armées. Moi, j'ai fait un rapport concernant que quelques  questions très

 11   précises, concernant le commandement et d'ailleurs nous en avons parlé

 12   hier.

 13   Q.  Pensez-vous que les documents, que vous énumérez dans votre

 14   bibliographie, suffisent pour parler de façon exacte du commandement et de

 15   la gestion des forces armées de la RSFY ?

 16   R.  Le document que j'ai écrit, même s'il s'appuie sur deux documents

 17   concrets relevant de la doctrine de la RSFY, a été écrit plutôt de façon

 18   abstraite. Si vous faites référence à ce document, et bien dans ce

 19   document, je pose une question en italique concernant l'analyse d'équipe

 20   d'analystes militaires et j'ai fourni une réponse à ce sujet. Je ne peux

 21   pas dire que j'ai essayé de faire une analyse détaillée de l'organisation

 22   du travail de la JNA. Moi, je me suis concentré sur les questions du

 23   commandement. Je me suis demandé ce qu'on pourrait s'attendre qu'un

 24   commandant fasse dans certaines circonstances.

 25   Q.  Savez-vous quelles sont les forces armées de la RSFY ? Elles


Page 1645

  1   consistaient en quoi ?

  2   R.  Je ne suis pas un expert des forces armées de la RSFY. Mais

  3   normalement, vous avez l'aviation, vous avez l'armée de terre, vous avez la

  4   marine, et puis ensuite vous avez aussi une organisation territoriale ou

  5   bien de police.

  6   Q.  Je ne suis pas d'accord avec vous, car justement, ces règles, au sujet

  7   desquelles je vous ai posé une question et que vous n'avez pas lues,

  8   indiquent que les forces armées forment une entité compacte et quelles

  9   consistent de la JNA et de la Défense territoriale. Qui dirigent les forces

 10   armées ? Qui commandent les forces armées ?

 11   R.  Vous êtes en train de me poser des questions pour voir si j'ai une

 12   connaissance détaillée de la JNA. Moi, je pense que c'était le SNO.

 13   Q.  Malheureusement, ce n'est pas vrai. Ce sont, justement, les organes

 14   compétents de la Fédération, mais je ne veux pas vous dire lesquels, quels

 15   sont ces organes.

 16   Pourriez-vous me dire qui définit l'organisation des forces armées ? Qui

 17   définit leur déploiement, leur développement, leur utilisation, la

 18   planification de leur utilisation ?

 19   Mme SOMERS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, le témoin a

 20   déjà dit qu'il ne se prend pas pour un expert en JNA ou de la structure de

 21   la JNA. Je pense que c'est, exactement, la même question qui a été posée

 22   mais de façon plus détaillée.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense, Madame Somers, qu'en dépit

 24   de votre objection cela ne nous fera pas de mal de voir si le témoin est en

 25   mesure ou non de répondre à cette question.


Page 1646

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc vous me demandez: qui est responsable de

  2   la planification et de l'utilisation du déploiement des forces armées pour

  3   assurer leur unité et leur action ? Qui a créé tout le système ? Et bien,

  4   je vous réponds par la négative.

  5   M. RODIC : [interprétation]

  6   Q.  Savez-vous qui, conformément au plan de base, définit les

  7   réglementations concernant justement la planification de l'utilisation de

  8   ces forces armées et de leur développement ?

  9   R.  Là, il s'agit de questions qui relèvent d'un expert au niveau du

 10   ministre. Comme je vous l'ai déjà dit, moi je ne me considère pas comme un

 11   expert qui a assez de connaissances de la JNA, quelle que soit la question

 12   que vous me posez. Moi, j'ai répondu aux questions grâce à l'expérience

 13   dont je dispose. Par rapport à une question précise, de savoir ce qui est

 14   raisonnable d'attendre d'un commandant dans certaines circonstances. Là, il

 15   s'agit d'une question complètement différente mais vous pouvez toujours

 16   continuer de me poser les questions, mais je pense que mes réponses ne vont

 17   pas être très, très bonnes.

 18   Q.  J'apprécie votre sincérité. Je vais continuer. Je vais vous demander de

 19   répondre surtout brièvement.

 20   Savez-vous quel est l'organe de commandement le plus élevé dans les forces

 21   d'armées de la RSFY ?

 22   R.  Je pense qu'il s'agit de celui qui se trouve à la tête de la JNA, dans

 23   la terminologie anglaise, cela correspondrait au ministère de la Défense.

 24   Q.  Je vais revenir à la première de mes questions. Vous parlez constamment

 25   de la JNA. Est-ce que vous faites une distinction entre forces armées de la


Page 1647

  1   RSFY et JNA, l'armée populaire yougoslave ?

  2   R.  Non. Je pense que la JNA, comme vous l'avez déjà indiqué auparavant,

  3   englobe les forces armées de mer, de terre et de l'air et ceci est

  4   chapeauté par un état major conjoint.

  5   Q.  Je vais vous aider à cet effet. Les forces armées de la RSFY sont

  6   constituées d'en ensemble, un tout et elles sont constituées de la JNA et

  7   de la Défense territoriale. Ce que vous avez indiqué à savoir les forces

  8   armées de mer, de terre et de l'air, c'est une chose qui est du point de

  9   vue organisationnelle constitue la JNA, seule. C'est tout à fait à l'opposé

 10   de ce que je vous ai demandé.

 11   Savez-vous ce que c'est que l'état major, le grand état major pour la JNA ?

 12   R.  Le grand état major est l'organe qui se trouve au niveau le plus élevé.

 13   C'est le QG du plus haut niveau qui conduit toutes les activités afférentes

 14   à ces trois composantes qui constituent la JNA.

 15   Q.  A votre avis, c'est ce grand état major qui se voit imparti le rôle le

 16   plus important ?

 17   R.  Je m'excuse quand vous dites le rôle le plus important, à quoi pensez-

 18   vous ?

 19   Q.  Pour ce qui est du commandement.

 20   R.  En effet.

 21   Q.  Je me dois de vous poser la question suivante :  avez-vous, à quelques

 22   moments que ce soit, entendu dire que la présidence de la RSFY était

 23   l'organe le plus élevé, l'organe au sommet pour ce qui est du commandement

 24   et de la direction des forces armées de la RSFY ? Le savez-vous ?

 25   R.  Et bien, je pense que c'est ce que j'avais à l'esprit quand j'avais dit


Page 1648

  1   SNO, secrétariat fédéral à la Défense. Cela veut plutôt dire que l'armée

  2   est plutôt subordonnée aux instances politiques.

  3   Q.  SNO, l'abréviation que vous mentionnez est plutôt celle de SSNO, SSNO

  4   signifiant secrétariat fédéral à la Défense nationale, ce qui correspond au

  5   ministère de la Défense.

  6   Savez-vous de quoi se compose la JNA, en sa qualité de composante des

  7   forces armées ? Quelles sont les composantes qui constituent toutes les

  8   armées contemporaines du monde, de nos jours ?

  9   R.  Et bien, je sais qu'il y avait une armée de terre, un élément maritime,

 10   une armée de mer et un élément aéroporté, une armée de l'air. Vous avez

 11   également mentionné tout à l'heure la Défense territoriale. Je pense que

 12   cela a constitué ce que vous entendez par composante.

 13   Q.  Je dois vous rectifier une fois de plus. Je vous ai déjà dit qu'il

 14   s'agissait d'aspects organisationnels de la JNA ou de formes

 15   organisationnelles de celle-ci. Mais la JNA en tant que composante des

 16   forces armées de la JNA se compose de commandements, d'unités et

 17   d'institutions. Le saviez-vous ?

 18   R.  Mais ne parlons-nous pas de la même chose ? La JNA, en sa qualité de

 19   composante des forces armées, était constituée de niveaux  de commandement,

 20   d'unités et d'institutions. Etes-vous en train de me dire que la JNA était

 21   constituée seulement de QG, ou y avait-il encore, dans ces unités, les

 22   composantes que j'ai mentionnées

 23   moi-même ?

 24   Q.  L'armée de mer, de terre et de l'air, que vous avez mentionnées en

 25   guise de composantes des forces armées de la RSFY, sont, au contraire, des


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  1   formes organisationnelles de ce qui constitue l'armée populaire yougoslave.

  2   Ce dont vous avez parlé tout l'heure, par contre, à savoir votre réponse de

  3   tout à l'heure, me fait vous dire que toutes ces armes, l'armée de mer, de

  4   terre et de l'air, sont constituées de composantes, à savoir, commandement,

  5   unités et institutions qui rentrent dans ce qui constitue l'organisation

  6   générale de la JNA. Mais allons donc de l'avant.

  7   R.  Je crois que nous sommes en train de parler de la même chose.

  8   Q.  Je pense, pour ma part, que la réglementation de la ex-RSFY, réglemente

  9   les choses autrement. Je ne suis pas, pour ma part, un expert militaire,

 10   mais je me base sur ce qui figure dans la réglementation de cette ex-RSFY,

 11   pour vous demander si vous avez lu la réglementation. Dites-moi, de quoi

 12   sont composées les armées ?

 13   R.  Vous parlez des armées, à savoir l'infanterie, les forces blindées, le

 14   génie civil ?

 15   Q.  Oui. Quand je parle de la JNA et des armes de celle-ci, je parle de

 16   l'armée de l'air, de l'armée de terre et de la marine. En quoi ou de quoi

 17   cela est-il constitué ?

 18   R.  Si j'ai bien compris votre question, ce qui constitue l'élément de

 19   combat d'une armée, tel que je les conçois, c'est ce que j'ai mentionné

 20   tout à l'heure, l'élément de combat de la marine, de l'armée de l'air et de

 21   l'armée de terre, je suppose. A moins que votre question ne porte sur des

 22   détails pour ce qui est de la structure de commandement que je ne connais

 23   pas. Je dirais que, dans l'armée de l'air, il y a les forces aéroportées et

 24   ce qui les appuie. Pour ce qui est de la marine, j'entends par là, la

 25   flotte, mais je ne suis pas tout à fait certain de savoir où est-ce que


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  1   votre question veut en venir.

  2   Q.  Et bien, je dirais, qu'en vertu de la réglementation, les armées, les

  3   armes plutôt, l'armée de terre, l'armée de mer, l'armée de l'air, notamment

  4   ayant dans sa composante, dans ses rangs, la défense anti-aérienne et ainsi

  5   de suite. Et vous, vous êtes en train de répondre en vous fondant sur une

  6   expérience militaire qui est celle de l'armée britannique. Pouvez-vous nous

  7   dire maintenant, comment les forces armées de la RSFY étaient complétées,

  8   pour ce qui est de ces effectifs ?

  9   R.  Monsieur Rodic, lorsque nous avons commencé tout ceci, je vous ai bien

 10   expliqué que je n'étais pas un expert en matière de détails relatifs à la

 11   JNA ou en matière de différents aspects de la réglementation de celle-ci.

 12   Par conséquent, mes réponses ne vont probablement pas vous paraître

 13   satisfaisantes. Toutefois, pour autant que j'en ai connaissance, la RSFY

 14   avait combiné, pour ce qui est de ses effectifs, une combinaison de

 15   conscrits, de mobilisations, est-ce bien le bon terme, si mobilisation est

 16   le bon terme pour parler des forces, des effectifs territoriaux qui

 17   constituent les effectifs des forces armées de la RSFY.

 18   Q.  Est-ce que vous entendez par là aussi le complètement des effectifs de

 19   l'armée par brassage dans les forces de réserve ?

 20   R.  Oui. Je veux entendre que ceci constitue une forme de renforcement des

 21   effectifs pour la conduite d'une guerre ?

 22   Q.  Très bien. Allez-vous me dire par là que des volontaires sont tout

 23   aussi susceptibles de venir compléter les rangs de ces forces armées de la

 24   RSFY ?

 25   R.  Je sais que des volontaires ont effectivement complété les effectifs


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  1   des forces armées de la RSFY. De là à savoir si cela est conforme à la

  2   réglementation ou pas, je ne suis pas certain. Mais, si, par ?volontaires?

  3   vous entendez les organisations du type Tigres de Arkan ou chose analogue,

  4   je dirais qu'il relève de ce qui est notoirement connu, à savoir que cela a

  5   effectivement complété les effectifs. Maintenant, de là à savoir si c'est

  6   réglementaire ou pas, je ne le sais pas. Mais pour ce qui est de la

  7   possibilité pour les volontaires de rejoindre les forces armées : je

  8   dirais, je répondrais en disant oui, en effet.

  9   Q.  Moi, j'ai parlé de volontaires, je n'ai pas parlé d'Arkan. Et, pour ce

 10   qui est des volontaires, ceux-ci faisaient partie ou rentraient dans les

 11   unités des commandements et ils en faisaient partie, en tant que composante

 12   des forces armées. Ils ont été subordonnés au commandement des forces

 13   armées. La chose est stipulée dans les dispositions assez nombreuses que je

 14   vous ai mentionnées et que vous n'avez pas eu l'occasion de connaître avant

 15   que de venir témoigner en tant qu'expert.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Rodic, permettez-moi de vous

 17   interrompre. Je vous ai laissé continuer dans cette ligne de questions

 18   pendant assez longtemps parce que j'avais estimé que vous vouliez

 19   clairement indiquer, à l'intention de la Chambre, ce que le témoin a dit

 20   dès le début à savoir le fait, qu'il n'avait pas de connaissances

 21   détaillées concernant la structure juridique et la structure

 22   organisationnelle de RSFY et voir ou de la JNA. Je pense que le témoin, là,

 23   non seulement dit, de façon directe, mais vous l'avez abondamment démontré

 24   jusqu'à présent, je vous suggère l'absence de nécessité de continuer dans

 25   ce sens. Nous avons fort bien votre reçu votre message.


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  1   M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

  2   m'étais perdu dans ma lancée.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et bien, je me demande puisque nous

  4   avons procédé à une interruption, si ce moment serait propice à une pause.

  5   Cela vous permettra de vous concentrer plus directement sur ce que vous

  6   avez l'intention de poser comme question au final.

  7   Je vous vois debout Madame Somers.

  8   Mme SOMERS : [interprétation] Oui, j'ai une question, Monsieur le

  9   Président. Si je puis la poser. Le Général Pringle doit partir aujourd'hui,

 10   pouvons-nous savoir quand est-ce que le contre-interrogatoire va prendre

 11   fin, étant donné que j'aurais quelques questions complémentaires à poser

 12   très brièvement et nous avons l'intention de finir ce témoignage

 13   aujourd'hui, si je peux le rappeler à la Chambre ?

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et bien, comment s'agence votre

 15   calendrier ou votre organigramme pour ce qui est de votre contre-

 16   interrogatoire, Maître Rodic ?

 17   M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense pouvoir

 18   terminer d'ici la fin de la journée de travail d'aujourd'hui. J'ai de quoi

 19   à lui poser des questions pour ce qui est du contre-interrogatoire et je

 20   crains fort d'être plutôt à l'étroit, ne pas  avoir les coups de franche

 21   [comme interprété] compte tenu de l'heure de l'achèvement de la journée de

 22   travail d'aujourd'hui. Donc je crains fort de voir abréger mon contre-

 23   interrogatoire pour me conformer aux limites de temps imparties.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et bien, je me félicite de vous avoir

 25   entendu de dire cela. Cela nous permettra d'aller un peu plus rapidement.


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  1   Nous allons donc faire une pause de 20 minutes seulement et nous allons

  2   continuer pour vous ménager le plus de temps possible. Merci.

  3   --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

  4   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez continuer, Maître Rodic.

  6   M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Q.  Monsieur Pringle, dans votre rapport, celui que vous nous avez confié,

  8   il est évident que vous avez consulté des documents qui avaient été

  9   utilisés dans la JNA, à savoir un manuel de l'académie militaire afférent

 10   au commandement et à la direction des forces armées. Comme vous l'avez

 11   précisé, cela avait été signé par le chef de la 4e Direction de la JNA,

 12   auprès du grand état major de celle-ci, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je pense que cela est tout à fait exact, oui.

 14   Q.  Veuillez nous préciser, s'il vous plaît, si vous savez à quels types

 15   d'activités vaquait cette 4e administration au niveau du grand état major

 16   de la JNA ?

 17   R.  Pas tout à fait, mais j'imagine qu'elle avait été chargée de la

 18   doctrine et des publications traitant de ladite doctrine.

 19   Q.  Quand vous dites "doctrine", pouvez-vous éclairer notre lanterne et

 20   nous dire ce que vous sous-entendez par là ? Je vous prie d'être bref.

 21   R.  Certes. Doctrine, au niveau littéral du terme, signifie ce qui est

 22   enseigné. Je décrirais ce type de publication, dont vous avez parlé en

 23   disant qu'il s'agit de publication afférente à la doctrine, donc une

 24   publication qui, en d'autres termes, énonce la réglementation et les

 25   activités des forces armées, et parle des types d'opérations que celle-ci


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  1   est amenée à conduire.

  2   Q.  Je ne serais pas d'accord avec vous. Je dirais que cette administration

  3   était chargée de la formation des supérieurs qui devaient commander les

  4   soldats, mais n'avait pas été du tout habilitée pour ce qui est de l'énoncé

  5   d'une doctrine, quelle qu'elle soit, du point de vue du commandement.

  6   R.  Bien, je vous ai dit auparavant ce que doctrine signifie sur le plan

  7   littéral, c'est ce qui est enseigné, cela revêt parfaitement du sens.

  8   Q.  Je pense que cela n'est pas tout à fait exact. Je vais aller plus de

  9   l'avant. Savez-vous que cette doctrine de commandement, qui a fait l'objet

 10   de formation des différents QG, pour ce qui est du commandement au niveau

 11   des temps de paix et des temps de guerre, cela avait été notamment la tâche

 12   de la première des administrations du Grand état major de la JNA.

 13   Mme SOMERS : [interprétation] Messieurs les Juges et Madame la Juge, je

 14   vais faire objection. Ceci devient une polémique et je ne pense pas que

 15   cela corresponde à une quelconque des questions qui avait été soulevée à

 16   l'occasion de l'interrogatoire principal.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Votre objection, pour ce qui est de sa

 18   première partie, porte sur le style et je suis d'accord avec. Mais dans

 19   l'intérêt de la rapidité, je crois que c'est la façon la plus rapide de

 20   procéder.

 21   Aussi, serais-je d'avis que vous pourriez parcourir cela assez rapidement,

 22   Maître Rodic. Il n'est point nécessaire de mettre l'accent sur l'ignorance

 23   du témoin afférent pour ce qui est de ce sujet. Pour parler des différentes

 24   administrations ou de leurs différentes responsabilités respectives, je

 25   crois que vous pouvez y aller de façon directe.


Page 1655

  1   M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Savez-vous que sept ans après la rédaction du document auquel vous vous

  3   référez dans votre rapport, il a été publié une instruction pour le

  4   fonctionnement des QG de l'armée en temps de paix et en temps de guerre.

  5   Cela a servi, notamment, de manuel d'enseignement pour ce qui est de la

  6   formation des équipes de commandement.

  7   R.  Cela n'a pas fait partie de mes obligations. Tout ce que j'ai fait a

  8   consisté à me référer aux documents officiels de la JNA qui ont revêtu de

  9   la pertinence pour les aspects de commandement dont j'avais à traiter en

 10   partant de ce qu'on m'avait demandé d'apporter comme commentaires.

 11   Q.  Je viens justement de vous dire que sept ans après le document que vous

 12   citez en référence dans votre rapport, il a été publié une instruction pour

 13   le fonctionnement des QG en tant de paix et en temps de guerre et c'est

 14   cela qui ont constitué le manuel de commandement à l'intention des QG.

 15   Aviez-vous connaissance de cela ? Oui ou non ?

 16   R.  Non. Je suis certain que cela se fondait en substance sur la

 17   documentation précédente parce que l'application du droit de guerre

 18   international dans les forces armées de la RSFY est applicable tant dans le

 19   courant de cette année-là, que sept ans après, n'est-ce pas ?

 20   Q.  Oui, là nous pouvons tomber d'accord. Pour ce qui est de l'application

 21   du droit de guerre international, cela ne constitue pas, dans son ensemble,

 22   ce qui constitue la totalité de domaines régis par cette instruction. Mais

 23   allons de l'avant.

 24   Pour parler maintenant de l'ambiance de commandement, pouvez-vous d'abord

 25   nous dire qui est-ce qui crée cette ambiance de commandement ? Est-ce que


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  1   c'est le peloton ou est-ce que c'est le sommet de l'armée, ceux qui se

  2   trouvent au top de l'armée ? Qui est-ce qui crée cette ambiance de

  3   commandement ?

  4   R.  Pour répondre, je répéterai ce que j'ai dit hier, chaque commandant met

  5   en place un climat de commandement approprié et le commandement supérieur

  6   établit le climat général de ce commandement. Le climat général sera, lui,

  7   fixé par le commandant au sommet.

  8   Q.  Précisément. Quel est le climat de commandement dont on peut parler

  9   lorsque la moitié des membres de ce commandement supérieur a déserté ?

 10   R.  Ce n'est pas une question portant sur le climat de commandement, c'est

 11   une question afférente au problème disciplinaire.

 12   Q.  Mais je vous demande : Quelle est l'influence au niveau du climat de

 13   commandement que peut avoir ce fait-là ?

 14   R.  Si l'on suppose que le commandant au sommet est toujours présent, si la

 15   moitié de son état major est là et l'autre moitié a déserté, il a

 16   effectivement un problème. Ce n'est pas une question qui concerne le climat

 17   de commandement. Cela peut constituer une résultante du climat de

 18   commandement qu'il avait mis en place. Peut-être tout le monde avait-il été

 19   mécontent de la façon dont il commandait, que c'est la raison pour laquelle

 20   la moitié avait déserté. C'est hypothétique mais c'est tout ce que je puis

 21   faire pour répondre à votre question.

 22   Q.  Je vais vous rapprocher la chose pour ce qui est des relations qui ont

 23   prévalu en RSFY. Je vous demanderais : Lorsque les officiers les plus

 24   éminents de la JNA, le commandant de l'aviation de guerre et de la lutte

 25   antiaérienne déserte et devient chef d'état major de la partie adverse,


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  1   est-ce que c'est là un fait qui est susceptible d'influer sur l'ambiance ou

  2   le climat de commandement au sein de la JNA et sur le quartier général de

  3   celle-ci ? Soyez bref, je vous prie, parce qu'il y aura plusieurs questions

  4   sous-jacentes, de la même nature.

  5   R.  Je ne pense pas que cela puisse affecter le climat de commandement, du

  6   commandement suprême, au niveau opérationnel dont nous parlons en ce cas-ci

  7   parce que cela constitue l'un des facteurs qu'il devra prendre en

  8   considération et cela affectera les modalités de la conduite du

  9   commandement pour lui. Cela peut même être un défi, cela peut affecter son

 10   comportement mais cela n'influera pas sur le climat de commandement. Il

 11   relève de ses responsabilités de s'assurer que cela n'influe pas sur le

 12   climat de commandement.

 13   Q.  Quel est le climat de commandement qui prévaut si certains membres

 14   individuels du commandement suprême s'opposent au désarmement des

 15   formations paramilitaires dans un seul et même état ?

 16   R.  Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir compris votre question.

 17   Toujours est-il que si certains membres du commandement suprême s'opposent

 18   au désarmement des unités paramilitaires dans un état, je dirais que cela

 19   crée une ambiance d'insécurité et que cela affecte la chaîne de

 20   commandement.

 21   Q.  Savez-vous quel peut être le climat de commandement dans une brigade

 22   dont le commandant vient à déserter ? Je parle ici, pour être concret,

 23   d'une brigade de la JNA.

 24   R.  Une brigade dont le commandant a déserté se trouve certainement en

 25   position difficile. Je suppose que quelqu'un doit prendre la relève et


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  1   c'est censé être son adjoint, l'adjoint du commandant de brigade, qui lui,

  2   crée son propre climat de commandement.

  3   Q.  Quel peut être le climat de commandement prévalent dans cette brigade

  4   lorsque le commandant qui a fait sortir les soldats de la caserne a

  5   déserté, connaissant l'emplacement des soldats de son ex-brigade, commence

  6   à pilonner ces positions où se trouvent ses ex-soldats et tue, le premier

  7   jour de ces activités-là, huit de ses propres ex-soldats en prenant part au

  8   combat du côté de la partie hostile, du côté des unités de l'ennemi ? Est-

  9   ce que cela influe favorablement ou défavorablement sur le climat de

 10   commandement de cette brigade ?

 11   R.  Dans de telles circonstances, je suppose que la brigade dont le

 12   commandant a déserté et a donné l'ordre de pilonner celle-ci, je suppose

 13   que cela crée une ambiance désagréable et cela doit constituer matière à

 14   cohésion pour un nouveau commandant pour

 15   à faire le nécessaire, donc je n'accepte pas de dire que le commandant de

 16   brigade, qui a déserté et qui se trouve à présent ou dorénavant du côté

 17   ennemi, doive forcément influer sur le climat de commandement prévalant à

 18   cette brigade, à la tête de laquelle il y a un nouveau commandant.

 19   Q.  Avez-vous connu un cas de cette nature pour parler en terme concret ?

 20   R.  Je n'ai pas eu d'expérience où un commandant de brigade aurait déserté

 21   les rangs de sa propre brigade.

 22   Q.  Merci. Avez-vous connaissance du fait qu'un groupe opérationnel

 23   constitue une organisation provisoire, qui n'avait pas existé en tant que

 24   telle auparavant. J'entends par là le 2e Groupe opérationnel de la JNA.

 25   R.  Je crois savoir que c'était effectivement le cas de la même façon que


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  1   des groupes ad hoc ont été constitués pour s'adapter aux circonstances

  2   particulièrement difficiles à l'époque, oui. Et si je peux ajouter quelque

  3   chose, je dirais que, par définition, un groupe opérationnel est un

  4   groupement de formation qui a été rassemblé à une fin précise. Un groupe

  5   opérationnel peut également être un quartier général, qui est mis à

  6   disposition pour faire en sorte qu'il y ait cohésion de la structure de

  7   commandement pour différentes formations. Et dans les deux cas, ce n'est

  8   pas forcément une partie intégrante de la chaîne de commandement, qui

  9   existe de façon permanente, mais c'est une partie de la chaîne de

 10   commandement, qui est mise en place pour s'adapter à telle, telle

 11   situation.

 12   Q.  Merci. Si dans une période assez brève un groupe opérationnel change de

 13   commandant, et si après qu'un des commandants du corps a été tué, dans le

 14   cadre de ces groupes opérationnels, est-ce que le nouveau commandant

 15   rencontre également des difficultés dans le cadre de son travail, et dans

 16   l'instauration d'un nouveau climat suite à cette situation ?

 17   R.   Le commandant rencontre une situation, qui est typique d'une situation

 18   de guerre, à savoir que des soldats et des commandants sont tués, cela fait

 19   partie des défis qu'implique une fonction de commandant. Si l'un des

 20   commandants de corps d'armée a été tué, c'est très triste, c'est

 21   regrettable, mais un nouveau commandant nous met à la tête du corps d'armée

 22   et c'est au nouveau commandant du corps de s'assurer du bon fonctionnement

 23   de ce corps d'armée. Si les commandants du groupe opérationnel ont changé,

 24   alors c'est à chaque commandant du groupe opérationnel, au moment où il est

 25   nommé, de prendre en main la situation et de faire en sorte que la


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  1   situation de commandement fonctionne bien. Et c'est la façon dont cela se

  2   passe dans toutes les armées du monde.

  3   Q.  Savez-vous de façon générale, en principe, combien de temps il faut

  4   pour que la passation de pouvoir se fasse, de façon efficace, entre deux

  5   commandants de ce niveau-là, commandant de groupe opérationnel, qui, au cas

  6   où vous ne le sauriez pas, correspond au même échelon qu'une armée ?

  7   R.  Mais cela dépend de la pratique qui est celle de l'armée concernée,

  8   mais n'oublions pas que chaque commandant a un état major qui l'appuie --

  9   assez important à ce niveau-là. Parfois, il y a changement de commandement,

 10   très, très rapidement et d'ailleurs pour que la disponibilité au combat

 11   soit appropriée, il faut que cela se fasse de façon quasi immédiate, si un

 12   des commandant venait à être tué.

 13   Et d'ailleurs dans mon expérience personnelle, les commandants du groupe

 14   opérationnel ne se réunissent même pas, parfois ne se rencontrent même pas.

 15   Il y en a un qui part avant que l'autre n'arrive, et l'un remplace l'autre

 16   sans qu'on n'en parle plus avant, pour faire en sorte qu'il y ait une --

 17   ensuite ce sont les ordres du quartier général qui font en sorte qu'il y

 18   ait continuité, mais je ne sais pas si c'était la pratique au sein de la

 19   JNA.

 20   Q.  Merci.

 21   Est-ce que ce changement de commandant a des répercussions sur le climat de

 22   commandement, et est-ce que les répercussions sont défavorables, et est-ce

 23   que le fait que le commandant du groupe opérationnel ne connaissait, aucun

 24   des commandants des unités qui lui étaient subordonnées, pour ce qui est de

 25   ce 2e Groupe opérationnel, est-ce que cela représente une difficulté ?


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  1   R.  C'est un défi pour le nouveau commandant, mais ce n'est pas un défi si

  2   surprenant que cela à ce niveau. Comme je vous l'ai dit hier, un

  3   commandant, au moment où il franchit la porte de son bureau, au moment où

  4   il est nommé, commence à imposer un climat de commandement. Dans ce

  5   contexte un nouveau commandant, j'imagine qu'il essayerait très rapidement

  6   d'apprendre à connaître ses commandants subordonnés et faire en sorte

  7   qu'ils le connaissent également pour créer ce climat de commandement.

  8   Q.  Combien de temps faut-il pour qu'un tel climat de commandement

  9   favorable soit créé, compte tenu des difficultés que j'ai évoquées dans ma

 10   question précédente ?

 11   R. Plus vous disposez de temps, plus c'est facile pour toutes les personnes

 12   qui composent la chaîne de commandement de se connaître, d'apprendre à se

 13   connaître. Mais un commandant peut, de façon très rapide, aller dans ce

 14   sens et exercer son commandement par le biais d'un ordre qui explique qu'il

 15   est arrivé, qu'il s'apprête à  exercer son commandement de telle ou telle

 16   manière, conformément à la doctrine, conformément à la primauté de droit,

 17   et cetera. Cela prend cinq minutes, tout cela pour montrer quelle est sa

 18   position. Quant aux détails cela prendra plus longtemps, mais il peut tout

 19   de même commencer à exercer son commandement sur ses subordonnés très

 20   rapidement, notamment en utilisant son quartier général.

 21   Q.  Est-ce que vous affirmiez maintenant que le climat de commandement

 22   peut-être instauré par le biais d'une annonce disant :  Voilà, je suis

 23   arrivé, et cetera, ou est-ce que par climat de commandement, il faut

 24   entendre plutôt comme vous le dites dans votre rapport, un concept qui

 25   dépend de différents facteurs.


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  1   R.  Les deux, mais il faut bien commencer quelque part. Vous m'avez demandé

  2   comment un commandant pouvait commencer à créer un tel climat de

  3   commandement. Je dirais que les deux aspects sont concernés, parce

  4   qu'ensuite c'est la personnalité du commandant, ses réactions, et cetera

  5   qui ont des répercussions. Comme nous l'avons dit hier, cela dépend

  6   également des mesures qu'il prendra lorsqu'il sera confronté à différents

  7   événements, et notamment les événements qui ne sont pas conformes aux

  8   ordres qu'il avait donnés. Maintenant nous parlons d'un climat qui est

  9   entretenu, qui est renforcé, au cours du temps, par le biais des mesures

 10   qui sont prises.

 11   Q.  Un commandant qui reprend le contrôle d'un groupe opérationnel, s'il ne

 12   connaît pas les unités qui composent le groupe opérationnel, s'il ne

 13   connaît pas la zone de responsabilités de ce groupe, s'il ne connaît pas

 14   les officiers supérieurs dans la chaîne de commandement, s'il n'a été

 15   informé de la situation opérationnelle qu'au moment où il a pris ses

 16   fonctions, est-ce que ce sont des facteurs problématiques pour le

 17   commandant dans la création de ce climat de commandement au fil du temps ?

 18   R.  Je pense que c'est un défi qui se pose à ce commandant, mais je pense

 19   que tout commandant, lorsqu'il reprend le commandement d'une formation, à

 20   un quelconque niveau, est confronté à ce problème. Il connaît parfois ses

 21   subordonnés, parfois pas. Parfois il connaît les données opérationnelles,

 22   or parfois, il a besoin de briefings approfondis. Il n'y a rien

 23   d'inhabituel à cela. Ce sont les membres de l'état major du commandant qui

 24   l'en informent. C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle ils sont là et

 25   on les a formés à cela.


Page 1663

  1   Q.  Existe-t-il une différence, compte tenu des facteurs que j'ai évoqués,

  2   est-ce que dans une compagnie et dans un groupe opérationnel, au niveau

  3   d'une armée, on peut dire qu'il y a des différences en termes de

  4   déploiement des unités, d'effectifs, et cetera ? Est-ce qu'on peut penser

  5   que, de façon objective, dans les deux cas de figure, le temps requis n'est

  6   pas le même ?

  7   R.  Oui. Bien évidemment, plus vous vous situez aux échelons supérieurs,

  8   plus c'est complexe. Au niveau inférieur, je dirais que le commandant peut

  9   exercer son autorité de façon quasi-immédiate, convoquer les 100 à 120

 10   personnes qui dépendent de lui et imprimer sa marque à ces hommes.

 11   Alors qu'aux échelons supérieurs, les responsabilités, la zone géographique

 12   couverte, et cetera, sont nettement plus importants. Par ailleurs, il doit

 13   également passer par ses commandants qui lui sont subordonnées. Une fois de

 14   plus, il est certainement formé à le faire et j'imagine que, très

 15   rapidement, il va certainement soit les convoquer, soit aller les voir, et

 16   je parle des commandants subordonnés, afin de leur faire comprendre quelle

 17   est sa façon de voir les choses, pour qu'ensuite eux répercutent

 18   l'information à leurs subordonnés, qui, à leur tour, le feront savoir à

 19   leurs subordonnés, et cetera. Mais il ne fait aucun doute que, plus vous

 20   vous situez à un échelon élevé, plus c'est difficile.

 21   Q.  Est-ce qu'on pourrait dire que c'est plus difficile lorsqu'un groupe

 22   opérationnel est composé essentiellement de volontaires et de réservistes ?

 23   R.  Oui. Mais une fois de plus, cela nous ramène à ce que nous disions

 24   hier, à savoir, la différence qui existe entre une armée de métier et une

 25   armée composée de recrues, de réservistes, de soldats à temps partiel, et


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  1   cetera. Cela fait que la tâche soit plus difficile.

  2   Q.  Est-ce que la tâche est encore plus difficile si les réservistes ont

  3   été mobilisés pour un exercice militaire et non pas pour la guerre, parce

  4   que, par exemple, les autorités d'état n'ont pas déclaré, proclamé l'état

  5   de guerre ?

  6   R.  Une fois de plus, il s'agit là d'un défi pour le commandant. Il s'agit

  7   d'une question à laquelle les commandants sont formés et ils ont l'habitude

  8   de s'en occuper. Cela a trait au moral.

  9   Q.  Pour ce qui est de cette question de moral, ils y ont répondu au moment

 10   où ils ont répondu à la mobilisation. Je vous ai demandé si le fait que des

 11   réservistes étaient mobilisés pour un exercice militaire et non pas pour la

 12   guerre, représente une difficulté additionnelle pour le commandant dans son

 13   effort de création d'un tel climat de commandement, parce qu'il doit

 14   également traiter des problèmes qui se posent en rapport avec cela ?

 15   R.  Oui. Bien sûr. Il doit s'occuper --

 16   Q.  Je vous prie de vous en tenir là.

 17   Mme SOMERS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le témoin

 18   n'a pas eu la possibilité de répondre de façon complète, or, je crois qu'il

 19   faudrait l'autoriser à le faire.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Rodic, je pense

 21   effectivement, comme Mme Somers, qu'il faut laisser au témoin la

 22   possibilité de terminer sa réponse s'il le souhaite.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Bien entendu, il prendra les mesures appropriées pour traiter cette

 25   question. Je ne suis pas en train d'insinuer que cela ne sera pas une


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  1   gageure. Certes, ce sera une gageure. Cela mettra à l'épreuve ses capacités

  2   de direction. Après tout, c'est pour cela qu'il a été formé.

  3   M. RODIC : [interprétation]

  4   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que toute discipline militaire

  5   efficace, requise pour un bon fonctionnement de l'armée, que la discipline

  6   est plus difficile à mettre en place si les unités se composent

  7   essentiellement de réservistes et de volontaires qui n'ont pas eu une

  8   formation et un entraînement suffisants ?

  9   R.  Oui, je suis d'accord. C'est la raison pour laquelle le commandant en

 10   question se voit investi d'une responsabilité supplémentaire.

 11   Q.  Ma question était : Est-ce que cela rend sa tâche plus difficile dans

 12   l'instauration d'un climat de commandement ? Oui ou non ?

 13   R.  Cela ne va pas forcément faciliter sa tâche ou la rendre plus

 14   difficile, mais cela exigera du commandant de consacrer un effort personnel

 15   à la question pour imposer le climat de commandement qui lui tient à cœur.

 16   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que la mise en œuvre

 17   des lois de la guerre, dans la situation que j'ai évoquée, est rendue plus

 18   problématique et plus difficile dans ce cas-là, plutôt que dans le cas

 19   d'unités qui sont mieux entraînées, surtout lorsqu'il s'agit d'une armée de

 20   métier comme l'armée britannique, par exemple ?

 21   R.  Je l'ai reconnu de façon très directe hier. J'ai dit que le fait

 22   d'engager une armée de conscrits, très rapidement mobilisée pour la guerre,

 23   rendait la situation difficile et que, par conséquent, il était du devoir

 24   du commandant de s'occuper des questions où les problèmes risquaient le

 25   plus de se poser. Dans un monde parfait, on se bat et on va à la guerre


Page 1666

  1   avec des soldats parfaitement organisés et formés, mais vous avez évoqué

  2   une situation différente.

  3   Q.  Je vais vous poser, à présent, une série de questions en rapport avec

  4   votre rapport et du concept de deux plus deux. J'aurais aimé vous poser la

  5   question suivante : Quelle est la doctrine de commandement privilégiée dans

  6   le système de commandement qui est évoquée dans les références que vous

  7   citées ?

  8   R.  La doctrine de commandement et ce système de deux plus deux ne sont pas

  9   forcément équivalents. Je crois que nous avons déjà dit ou, en tout cas,

 10   j'ai déjà donné mon point de vue là-dessus, à savoir que la doctrine de

 11   commandement en vigueur au sein de la JNA était plus influencée par les

 12   ordres que par la doctrine du type mission.

 13   Q.  Si l'on estime que le commandement était centralisé au sein de la JNA,

 14   alors, pouvons-nous être d'accord pour dire que cela indiquait que les

 15   initiatives étaient absentes ?

 16   R.  Je crois que nous pouvons être d'accord sur la première partie, mais

 17   pas la deuxième. Ce serait abusif. Lorsque j'ai parlé d'initiative, j'ai

 18   parlé d'initiative pour atteindre un objectif conforme aux intentions du

 19   commandant et pas forcément aux ordres de ce moment-là. Je n'ai pas insinué

 20   qu'il n'y avait pas d'initiative au sein de la JNA, mais qu'au moment où

 21   l'initiative était utilisée, alors, c'était pour répondre à des ordres bien

 22   précis.

 23   Q.  Sommes-nous d'accord pour dire que dans un commandement décentralisé,

 24   il faut englober des pouvoirs plus étendus pour les commandants et la prise

 25   d'initiative aux différents niveaux de commandement ?


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  1   R.  Oui, effectivement, je serais d'accord.

  2   Q.  Pour ce qui est de la prise d'initiative, il y a donc différents degrés

  3   entre un commandement centralisé et un commandement décentralisé.

  4   R.  Dans un mode de commandement centralisé, l'on attend des subordonnés

  5   qu'ils prennent des initiatives pour exécuter les ordres précis qu'ils ont

  6   reçus, alors que dans un mode commandement décentralisé, les commandants

  7   subordonnés sont censés comprendre pleinement le rôle qui doit être le leur

  8   dans l'exécution des intentions du commandant supérieur. Le cas échéant,

  9   ils sont tenus d'agir même sans ordre dans ce sens. Là, il y a une

 10   différence.

 11   Q.  Pouvez-vous nous expliquer comment vous envisagez l'application de ce

 12   principe deux plus deux dans le cadre d'un système décentralisé ? Comment

 13   envisagez-vous l'application de ce principe à un système entièrement

 14   centralisé comme l'était la JNA ? Je vous demanderais d'être extrêmement

 15   bref.

 16   R.  Je pense que ce système de deux plus deux est un principe qui régie la

 17   façon de penser des commandants dans la plupart des armées. Par deux

 18   échelons plus hauts, on veut dire par là que le commandant doit être bien

 19   conscient des tenants et aboutissants des ordres. Quant aux échelons

 20   inférieurs ou deux échelons inférieurs, il s'agit de procéder à une

 21   vérification mentale que les ressources sont bien disponibles. Je ne pense

 22   pas que cela dépende forcément de telle ou telle doctrine. Il s'agit

 23   surtout d'une question de bon sens.

 24   Q.  Page 9 de votre rapport, vous citez un extrait du manuel de

 25   commandement et de contrôle de 1983 pour étayer votre thèse, pour dire que


Page 1668

  1   ce principe pouvait être observé au sein de la JNA. Est-ce que je me

  2   trompe ?

  3   R.  De façon générale, effectivement, c'est le cas. D'ailleurs, ce n'est

  4   pas surprenant parce qu'il s'agit, en réalité, d'une question de bon sens

  5   pour tout commandant qui souhaite s'acquitter de sa tâche.

  6   Q.  Bien. Revenons à cet extrait. Je vous demanderais de reprendre le

  7   paragraphe concerné de votre rapport où on parle, de façon expresse, de

  8   cette question de deux échelons au-dessus et deux échelons en dessous.

  9   R.  Dans mon rapport, à la note de bas de pages 14 et 17, je cite manuel de

 10   commandement britannique, pour la première note de bas de page, alors que

 11   pour la deuxième note de bas de page, je cite le règlement des forces

 12   terrestres de la RSFY. J'avance que, même si les termes utilisés ne sont

 13   pas les mêmes, la similitude est frappante. Je peux vous en donner lecture

 14   si vous le souhaitez.

 15   Q.  Non. Je vous remercie. J'ai lu ces passages. Je souhaitais uniquement

 16   entendre ce que vous venez de dire.

 17   Est-ce que, personnellement, vous avez eu la possibilité d'analyser

 18   certains des documents délivrés par le commandant du groupe opérationnel ?

 19   R.  Non, pas de façon détaillée. Même si j'ai pu voir un certain nombre

 20   d'ordres opérationnels délivrés par la JNA, pas forcément ce groupe

 21   opérationnel-ci, ce qui m'a frappé, c'est le caractère détaillé de ces

 22   ordres.

 23   Q.  Sans entrer dans une analyse détaillée des différents ordres de

 24   commandement, il est difficile de tirer cette conclusion quant à

 25   l'application du principe deux plus deux ?


Page 1669

  1   R.  La conclusion que j'en ai tiré, c'est que les commandants de la JNA

  2   appliquaient probablement ce principe et procédaient probablement de la

  3   sorte, tout comme d'autres collègues dans d'autres armées du monde, car

  4   cela les aidait dans la planification et dans la rédaction des ordres.

  5   Q.  C'est une hypothèse de votre part ? C'est une supposition ?

  6   R.  Mais vous m'avez demandé quelle conclusion j'avais tirée. Voilà la

  7   conclusion à laquelle je suis parvenu.

  8   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que le commandant du groupe

  9   opérationnel s'il est critiqué de façon implicite, est-ce que vous êtes

 10   d'accord pour dire qu'une critique implicite du commandant du groupe

 11   rationnel exigerait l'analyse des ordres délivrés à ses subordonnés et des

 12   rapports transmis à ses supérieurs ?

 13   R.  Effectivement pour critiquer le commandant du groupe opérationnel alors

 14   il faudrait forcément prendre en compte ces ordres.

 15   Q.  Page 10 de votre rapport, vous citez un extrait du manuel qui concerne

 16   la formation des organes chargée de tâches opérationnelles. Pouvez-vous me

 17   dire dans ce paragraphe où vous retrouvez ce principe de deux échelons,

 18   plus hauts, deux échelons plus bas ?

 19   R.  Je vous prie de m'excuser, Maître Rodic. Mais mon rapport s'arrête à la

 20   page 9. De quoi êtes-vous en train de parler exactement ? Vous parlez de la

 21   note au bas de page 17 ? "Le travail d'un commandant du corps d'armée à

 22   partir du moment où il reçoit l'ordre --"?

 23   Q.  Non. Je parle de la note au bas de page, numéro 16, il s'agit d'une

 24   citation relative à cette note ?

 25   R.  Très bien. Donc là dans ce document de bas de page, j'ai cité :


Page 1670

  1   "Le fait que le corps, l'organe chargé de la formation est responsable du

  2   planning et des opérations et autres formes des opérations des combats. Il

  3   supervise constamment la situation et connaît les décisions du parlement --

  4   "

  5   Donc ça veut dire qu'il regarde vers le haut,

  6   "L'unité regarde vers le corps d'armée, et quand le corps d'armée supervise

  7   des unités --?

  8   Cela veut dire qu'on regarde vers le bas.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais vous demander de terminer

 10   votre contre-interrogatoire dans cinq minutes.

 11   M. RODIC : [interprétation] J'ai encore quelques questions très importantes

 12   à poser. Moi, j'ai voulu raccourcir mon contre-interrogatoire, mais j'ai

 13   encore quelques questions importantes à poser par rapport à ces principes.

 14   Et vous savez l'interrogatoire principal a duré plus de trois heures.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, c'est précisément pour cela que

 16   je vous ai prévenu suffisamment tôt pour que vous puissiez terminer plus

 17   tôt. Mme Somers doit avoir la possibilité de poser ses questions

 18   additionnelles.

 19   M. RODIC : [interprétation]

 20   Q.  Savez-vous que cet organe chargé de la formation -- excusez-moi.

 21   D'après la doctrine des commandements de la JNA, l'organe chargé de la

 22   formation opérationnelle faisait partie de l'état major dans le sens du

 23   commandement de l'unité et cet organe a planifié des opérations mais n'a

 24   pas donné des ordres. Donc le principe, deux au-dessus ou deux en dessous

 25   ne peut pas s'appliquer à cela.


Page 1671

  1   R.  Et bien, chaque personne, chaque organe qui planifie sans appliquer ces

  2   principes, deux au-dessus, deux en dessous, fait des plans vagues.

  3   Q.  Savez-vous que l'organe de formation du QG planifie des opérations

  4   seulement et uniquement sur la base des décisions prises par le

  5   commandement. Le chef d'état major et son supérieur lui disent quels sont

  6   ces décisions, et cela dans le cadre de l'activité de cet organe, qu'il

  7   n'est pas possible d'appliquer ce système de principe, deux au-dessus, deux

  8   en dessous ?

  9   R.  Le QG doit aider les commandants pour qu'ils puissent aboutir à ces

 10   décisions. Et au cours de ce processus, je dirais qu'ils appliquent ce

 11   principe, deux au-dessus, deux en dessous, justement pour être présents

 12   quand différentes options se présentent au moment où le commandant doit

 13   prendre sa décision à ce sujet.

 14   Q.  Est-ce que vous savez quels étaient les principes qui prévalaient dans

 15   la doctrine du commandement de la JNA, c'est-à-dire que ces principes

 16   étaient appliqués aux unités immédiatement subordonnées et ensuite en

 17   descendant la chaîne de commandement et chaque commandant donnait des

 18   ordres aux commandants qui lui étaient subordonnés directement ?

 19   R.  Mais ce n'est pas différent, tel est le cas dans chaque chaîne de

 20   commandement.

 21   Q.  Et la doctrine du commandement de la JNA, ne conviendrez-vous pas,

 22   d'après le document sur lequel vous vous êtes appuyé, préfère plutôt le

 23   principe, un au-dessus et un en dessous, que le principe que vous prônez ?

 24   R.  Non. Nous ne sommes pas d'accord là-dessus. Moi, je vous ai dit que le

 25   principe de deux au-dessus et deux en dessous est plutôt un processus


Page 1672

  1   mental de pensée plutôt qu'un mécanisme impliquant les ressources. Enfin

  2   les ressources humaines, c'est pour cela qu'on parle de deux au-dessus,

  3   deux en dessous. Et c'est un mécanisme extrêmement important pour

  4   comprendre tous les événements.

  5   Q.  Je me suis posé une question au sujet de la JNA et pas de l'armée

  6   britannique. Pourquoi est-ce que vous n'avez pas utilisé tous ces

  7   documents ?

  8    R.  Vous savez, moi je vous dis, que c'est un principe de base, c'est-à-

  9   dire qu'on donne l'ordre à l'échelon suivant. Il ne s'agit pas de deux

 10   personnes et deux échelons. Et si vous ne comprenez pas cela, si vous

 11   donnez vos ordres à deux échelons en dessous du vôtre, en sautant deux

 12   échelons, et bien là, vous avez un vrai problème.

 13   Q.  Le dernier paragraphe dans votre rapport, vous citez un règlement de

 14   l'armée. Il s'agit de la note de bas de page 17. Là vous parlez que le

 15   règlement du corps d'armée, des forces de terre, apparemment où l'on reçoit

 16   un ordre. Vous conviendrez avec moi que ce paragraphe, d'une part définit

 17   les devoirs du commandant de comprendre la mission de l'opération et de la

 18   manœuvre, telle que communiquée par son supérieur hiérarchique direct et

 19   pas les supérieurs, supérieurs hiérarchiques directs, comme on pourrait en

 20   conclure, vu le contexte dans lequel vous citez ces paragraphes.

 21   R.  Je ne pense pas que je suis d'accord car il y est écrit justement: "Que

 22   le travail du commandement du corps, à partir du moment où il a reçu un

 23   ordre consiste à une étude et une compréhension de l'ordre reçu --"

 24   Donc, il s'agit là d'un processus d'analyse et il faut le mener à bien.

 25   "Il est important de comprendre la mission pour comprendre également les


Page 1673

  1   objectifs de l'action." Et c'est dans ce contexte large qu'il convient de

  2   se situer.

  3   Et ensuite [imperceptible] : "L'idée du commandant supérieur, son idée

  4   d'une manœuvre est importante." L'idée que votre supérieur hiérarchique se

  5   fait d'une manœuvre ne vient pas seulement de sa tête, mais d'un contexte

  6   beaucoup plus large dans le cadre duquel il donne des ordres et les reçoit

  7   de l'au-dessus.

  8   Et ensuite il est écrit: "La place et le rôle du corps dans le cadre de la

  9   mission maintient l'autorité du corps à plusieurs unités dépendants."

 10   Je vous ai dit qu'il est important de se situer dans le contexte car il

 11   travaille dans le cadre d'un contexte.

 12   Q.  Je ne suis pas d'accord avec vous parce qu'ici c'est le singulier.

 13   C'est l'idée du manoeuvre du commandant, l'idée que le commandant se fait

 14   du manœuvre. Quand vous citez cette règle, vous, vous la citez au pluriel,

 15   car vous allez au-delà du commandant, et vous allez au niveau bien plus

 16   élevé. C'est très précis. L'idée du commandement supérieur comprend qu'il y

 17   en a un au-dessus.

 18   R.  Il n'y est pas écrit l'idée du commandant supérieur direct. Il y est

 19   dit : "L'idée que se fait le commandant supérieur direct du manœuvre".

 20   C'est  son interprétation du manœuvre. C'est son plan, dans le cadre duquel

 21   contexte il opère. Il pense à cela. C'est de cela que nous parlons.

 22   Q.  Je ne suis pas d'accord avec vous, car cette règle est très complète.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Posez vos dernières questions, Maître

 24   Rodic.

 25   M. RODIC : [interprétation]


Page 1674

  1   Q.  Quand on parle de règles ou plutôt des instructions concernant la mise

  2   en place des lois internes régissant l'état de guerre dans la RSFY, comme

  3   il est décrit dans un des documents qui figure dans votre bibliographie,

  4   est-ce que vous savez que ces lois, ces textes, ces instructions, sont

  5   appliqués dans le cas d'un conflit armé dont une des parties est la RSFY, à

  6   partir du moment où le commandement suprême donne un tel ordre et déclare

  7   l'état de guerre ?

  8   R.  Je suis tout à fait d'accord. C'est écrit dans l'introduction du

  9   document. C'est le but même de la loi internationale de guerre que

 10   d'empêcher qu'il y ait des pertes évitables et que souffrent ceux qui

 11   n'agissent pas forcément, et pas de façon significative sur le résultat

 12   militaire de la guerre. Ce document décrit dans quel document il peut

 13   s'appliquer et quelles sont les responsabilités des commandants à tout

 14   niveau de commandement. Si dans votre question, vous me demandez s'il y a

 15   eu une déclaration de guerre ou non, je ne peux pas vous répondre. Toujours

 16   est-il qu'en effet, une guerre a eu lieu et elle était en cours en

 17   Yougoslavie.

 18   Q.  Sur la base de quelles lois, de quels textes, le commandant d'un groupe

 19   opérationnel devait agir ? Je parle des lois qui étaient en vigueur à

 20   l'époque.

 21   R.  Je pense qu'il doit obéir à la réglementation de la JNA, les manières

 22   des procédures standard opérationnelles de la JNA, la loi internationale,

 23   et cetera. Il faudrait qu'ils régissent en fonction de tout cela.

 24   M. RODIC : [interprétation] Puisque vous me l'avez demandé, Monsieur le

 25   Président, je termine par cette question mon contre-interrogatoire, bien


Page 1675

  1   que j'aie encore beaucoup de questions à poser. Je voudrais vous demander

  2   aussi la permission de verser au dossier l'intégralité des documents et

  3   passer outre certaines portions ou certaines pages. Justement, parce que je

  4   n'ai pas eu le temps de poser toutes les questions que j'ai voulu poser, et

  5   tout document sorti du contexte change un peu le sens. Les Procureurs

  6   possèdent tous ces documents.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic, merci de nous avoir

  8   aidés en respectant les délais impartis. Vous avez posé un certain nombre

  9   de questions très importantes. Elles étaient très utiles pour les Juges de

 10   la Chambre.

 11   Madame Somers, je pense qu'il conviendrait, peut-être pas tout de suite,

 12   mais à partir du moment où vous recevrez ces documents, je pense qu'il

 13   conviendrait de verser ces documents dans leur intégralité. A présent, si

 14   vous avez quelques questions additionnelles à poser, vous pouvez y aller.

 15   Mme SOMERS : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 17   Mme SOMERS : [interprétation]

 18   Nouvel interrogatoire par Mme Somers :

 19   Q. [interprétation] Mon Général, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire

 20   s'il est du devoir d'un commandant d'agir d'une façon ou d'une autre, à

 21   partir du moment où il comprend, et là, on parle d'une hypothèse, qu'un

 22   commandant mentalement et psychiquement instable, qui est responsable des

 23   armes et d'autres vies humaines, du sort des civils dans sa zone de

 24   responsabilité, si on comprend qu'il y a eu des conséquences négatives qui

 25   ont résulté de ses actes, peut-être qu'il y a eu un certain nombre de


Page 1676

  1   facteurs, mais de ses actes. Est-ce que, dans ce cas-là, un commandant doit

  2   agir ?

  3   R.  Oui, je pense que c'est le commandant supérieur hiérarchique, à

  4   l'échelon suivant, qui doit agir immédiatement. Ensuite, tous les autres

  5   niveaux de commandement placés au-dessus doivent faire le nécessaire pour

  6   que ce commandant de bataillon qui est psychiquement déstabilisé et qui

  7   possède des armes, il faudrait prendre les mesures nécessaires à ce sujet.

  8   Q.  Mon Général, vous avez dit qu'à un échelon plus élevé, il est peut-être

  9   plus difficile de s'occuper des questions qui relèvent d'un échelon moins

 10   élevé. Tout de même, vous avez dit que ceci fait partie du commandement,

 11   même si ce commandement est plus difficile. Si un commandant de bataillon,

 12   au sujet duquel on dit qu'il n'a pas toute sa tête, ou bien qu'il est

 13   psychiquement très instable, si ses actes deviennent tellement connus, que

 14   la communauté internationale se voit obligée d'intervenir, si l'autre

 15   partie agit et riposte par rapport à ses actes, quand je parle de la

 16   communauté internationale, je parle, évidemment, des observateurs et des

 17   médias. Est-ce que ceci leur suffirait pour prendre des mesures ?

 18   R.  Dans ces circonstances, évidemment, on voit bien où est le devoir. Il

 19   s'agit d'agir vite, car il est clair que, dans ce cas qui figure, celui que

 20   vous venez de décrire, il est peut-être même trop tard pour agir. En tout

 21   cas, il faudrait agir si rien n'a été fait jusque-là.

 22   Q.  Même si les supérieurs hiérarchiques se trouvent à la tête d'une

 23   formation qui est une formation ad hoc, est-ce que cela est important ?

 24   R.  Que cette formation, que cette unité qui se trouve à la tête de cette

 25   chaîne de commandement, qu'elle soit créée ad hoc ou non, le commandant


Page 1677

  1   reste un commandant, et il est revêtu toujours de la même autorité. Il doit

  2   prendre les mesures nécessaires au niveau nécessaire.

  3   Q.  Au cours du contre-interrogatoire, on vous a demandé si un tel

  4   comportement qui restait hypothétique, si le commandant du corps d'armée

  5   devait agir par rapport à un tel comportement hypothétique, est-ce qu'il

  6   doit tout de même le faire si quelqu'un a un niveau supérieur, au niveau du

  7   ministère de la Défense ou du niveau fédéral, l'a fait, l'a déjà fait en

  8   court-circuitant les commandants du 2e Groupe opérationnel ?

  9   Est-ce qu'il peut, de façon volontaire, abandonner sa responsabilité et la

 10   laisser entre les mains des autres ? Qu'est-ce qui se serait passé si une

 11   telle chose se produisait ?

 12   R.  Monsieur Rodic et moi-même, avons discuté longuement à ce sujet, autour

 13   de cette probabilité. Je trouve l'hypothèse avancée, c'est que le ministère

 14   de la Défense agi sans en informer le commandant, le commandant du corps

 15   d'armée. Dans ce cas-là, soit ce commandant de corps dit qu'il est content

 16   avec cela, dans ce cas-là, il oublie sa responsabilité, il laisse à côté sa

 17   responsabilité, il l'abandonne. Je dois dire, que là, il s'agit d'une

 18   procédure qui est tout à fait inhabituelle.

 19   Q.  Si le commandant du 2e groupe opérationnel --

 20   M. PETROVIC : [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation] 

 22   M. PETROVIC : [interprétation] Cela fait deux fois que Me Somers, parle du

 23   2e Groupe opérationnel. Vous avez attiré son attention là-dessus déjà deux

 24   fois. J'ai posé des questions hypothétiques. Les réponses du témoin sont

 25   très spécifiques, puisque Mme Somers pose des questions précises au sujet


Page 1678

  1   du 2e Groupe opérationnel.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense, Monsieur Petrovic, que vous

  3   n'avez pas très bien compris la référence que Mme Somers faisait au 2e

  4   Groupe opérationnel. Elle parlait en posant l'hypothèse où il y avait deux

  5   groupes opérationnels. Le premier et le deuxième. Elle ne parlait pas

  6   vraiment d'une unité particulière de la JNA. C'est de cette façon-là que

  7   j'ai compris les choses.

  8   Est-ce que c'est ce que vous vouliez dire ?

  9   Mme SOMERS : [interprétation] Je suis très contente de ne pas donner de

 10   nombre à ce groupe opérationnel. Il s'agit d'une question qui a été posée

 11   au cours du contre-interrogatoire. On peut appeler cela tout simplement,

 12   groupe opérationnel, même si, elle a été posée de façon très spécifique.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Vous pouvez le faire.

 14   Mme SOMERS : [interprétation] Pas de problème.

 15   Q.  Si la personne placée à la tête d'un groupe opérationnel et qui est

 16   placé au-dessus d'un commandant d'un corps d'armée, n'est pas content du

 17   fait que l'on a contourné ce commandant, d'après ce que vous avez dit

 18   aujourd'hui, peut-être même hier, plutôt d'accepter cet ordre, cela aurait

 19   pu le remettre en question. Est-ce qu'il pourrait dire qu'il n'était pas

 20   d'accord ?

 21   R.  Oui. Je suis tout à fait d'accord. Je pense que je l'ai dit. J'ai dit

 22   que le commandant du groupe opérationnel en question aurait pu, au moins,

 23   poser la question au ministère pour savoir pour quelle raison il a été

 24   contourné. De toute façon, je ne peux imaginer qu'il peut y avoir des

 25   circonstances où un commandant accepterait d'être court-circuité de la


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  1   sorte par son commandement.

  2   Q.  Si la personne qui a fait l'objet de cela, qui a été court-circuité

  3   comme cela, le découvre, si elle n'est pas contente avec le résultat, car

  4   il se sent responsable pour tout ce qui se passe dans sa zone de

  5   responsabilité, y compris la destitution de quelqu'un, qui soi-disant

  6   mentalement instable, s'il n'est pas content avec cela, qu'est-ce qu'il

  7   peut faire à ce sujet ?

  8   R.  Il doit dire quelque chose à ce sujet, car le fait que l'on a destitué

  9   cette personne qui a des problèmes psychiques ou quelle que soit la façon

 10   dont on la décrive dans sa zone de responsabilité, va avoir des suites pour

 11   lui, par rapport à lui aussi. Il ne s'agit pas d'un cas qui n'a aucune

 12   importance. Si un commandant opérationnel, qui lui dit, pour quelque raison

 13   que ce soit, que le ministère de la Défense est content, qu'il est sous ses

 14   ordres un commandant de bataillon, qui a des problèmes psychologiques, qui

 15   ne doit pas le démettre de ses fonctions, dans ce cas-là, je pense que ce

 16   même commandant opérationnel ferait une objection très véhémente.

 17   Q.  Si on se dit qu'au cours d'une attaque qui a été ordonnée par un

 18   officier qui a des problèmes psychiques, est-ce que le fait qu'il n'a pas

 19   obéi aux ordres, implique tout de même la nécessité pour ses supérieurs

 20   d'agir ?

 21   R.  Oui. Ils doivent agir à partir du moment où un ordre est violé ou pas

 22   respecté quel que soit le niveau.

 23   Q.  Est-ce que vous pourriez nous donner votre point de vue quant à une

 24   personne qui se trouve à la tête du bataillon, peut-être durant la période

 25   concernée par exemple, qu'est-ce qui arrive si on les laisse rester dans


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  1   l'armée encore cinq années, s'il est promu même ? Est-ce qu'on a attiré

  2   attention primo sur sa capacité de rester dans l'armée, et ensuite sur

  3   l'attitude générale qui est la sienne, en ce qui concerne la mise en œuvre

  4   des ordres ?

  5   R.  Si on le laisse rester dans l'armée, si en plus il est promu, dans ce

  6   cas-là, cela veut dire qu'on est content de ses actions, et c'est pour cela

  7   qu'il est promu.

  8   Q.  Si un commandant du groupe opérationnel qui n'est pas content, mais qui

  9   de toute façon est dans la position où il laisse ses commandants de

 10   bataillon, même s'il a fait des infractions, reste en place, si lui aussi,

 11   s'il reste dans l'armée encore pendant plusieurs années, si lui aussi s'il

 12   est promu par la suite, est-ce que cela ne veut pas dire, qu'il n'était pas

 13   si malheureux que cela, et qu'il a choisi délibérément de ne pas agir, de

 14   ne pas protester.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Somers, pourriez-vous poser des

 16   questions qui tiennent plus des principes militaires que de la

 17   psychologie ?

 18   Mme SOMERS : [interprétation]

 19   Q.  Si un commandant des opérationnelles n'est pas d'accord, s'il le montre

 20   suffisamment fort, est-ce que vous vous attendriez à ce qu'il démissionne

 21   ou bien qu'il entreprenne une quelconque action dans ce sens, pour résoudre

 22   ce problème qui relève des personnes placées sous son commandement.

 23   R.  Si ce commandant avait une impression suffisamment forte, qu'on l'a

 24   forcé à garder cette personne qui est psychiquement instable dans sa chaîne

 25   de commandement, je m'attendrais au moins, à ce qu'il est une objection


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  1   formelle, qui est faite auprès du ministère de la Défense ou un autre

  2   niveau supérieur. Aussi, je m'attendrais à ce que des explications très

  3   claires soient données pour savoir pour quelle raison ce commandant

  4   psychiquement instable est resté. Il s'est trouvé dans cette situation

  5   très, très difficile. Souvent le commandant dirait, "Je ne peux pas mettre

  6   en œuvre cet ordre. Je prends la responsabilité de tout ce qui se passe

  7   dans mon commandement, et je ne peux pas le faire si on me force à agir de

  8   la façon dont je ne souhaite pas agir."

  9   Mme SOMERS : [interprétation] Très bien. Je n'ai pas d'autres questions à

 10   poser.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Madame Somers, merci. Nous

 12   vous remercions de nous avoir aidé à gagner du temps aujourd'hui.

 13   Mon Général, je vous remercie de votre déposition et votre aide qui nous a

 14   été précieuse. A présent, vous pouvez partir.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation]  Merci, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons continuer mardi

 17   de la semaine prochaine.

 18   [Le témoin se retire]

 19   --- L'audience est levée à 13 heures 57 et reprendra le mardi 3 février

 20   2004, à 9 heures 00.

 21  

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