Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

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1 Le lundi 23 février 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à tous et à vous, Monsieur

7 Jovic, en particulier. Je voudrais vous rappeler que vous avez fait une

8 déclaration selon laquelle vous diriez la vérité, qui vous lie toujours.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Bonjour.

10 M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour.

11 LE TÉMOIN: NIKOLA JOVIC [Reprise]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 Interrogatoire principal par M. Re : [Suite]

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, lorsque nous avons achevé

15 nos travaux vendredi dans l'après-midi, vous avez dit à la Chambre que vous

16 travailliez depuis plusieurs jours, en novembre, en octobre, novembre 1991

17 et que vous avez dû fermer pendant plusieurs jours.

18 R. Oui.

19 Q. Quand avez-vous ré ouvert votre magasin quand vous avez pu le ré

20 ouvrir ?

21 R. Le magasin a ré ouvert après les attaques intenses, une fois qu'elles

22 aient été terminées, elles s'étaient déroulées pendant cinq ou six jours. A

23 la suite de ces attaques, un convoi est arrivé, un convoi de Libertas, qui

24 était conduit par le président de la Yougoslavie, Stjepan Mesic. Ce convoi

25 est arrivé à Dubrovnik --

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1 Q. Je voudrais vous arrêter ici. Ce que je vous demande en fait, Monsieur

2 Jovic, c'est matériellement quand et pourquoi avez-vous rouvert le

3 magasin ?

4 R. Nous avons ouvert pour les habitants, pour les personnes qui vivaient

5 dans la vieille ville, parce que c'était le seul magasin qui existait dans

6 la vieille ville. Nous avons dû ré ouvrir et nous avions l'obligation des

7 gardes, des autorités de Dubrovnik de rouvrir parce que nous étions le seul

8 magasin qui pouvait vendre du pain dans la vieille ville.

9 Q. Qu'est-ce qui a changé qui vous est permis ou qui vous ait mis en

10 mesure de rouvrir votre magasin ?

11 R. Les attaques qui s'étaient déroulées pendant cinq ou six jours, qui

12 avaient causées beaucoup de destructions et beaucoup de gens, ces attaques

13 avaient cessées, et probablement un cessez-le-feu avait été signé, bien

14 qu'il y ait encore eu des attaques qui se déroulaient dans la périphérie de

15 la ville, mais nous avons continué à travailler. Nous allions au travail

16 tôt le matin, il n'y avait pas de lumière, pas de l'électricité. Nous

17 utilisions le générateur dans la vieille ville pour le réfrigérateur. Nous

18 apportions le pain ainsi que d'autres aliments ou fournitures que nous

19 gardions au magasin et dans d'autres parties de la ville, et nous

20 l'apportions là, et nous voulions le vendre --

21 Q. Bien. Pourrais-je --

22 R. -- dans la vieille ville.

23 Q. Je vous remercie. Ce que je voudrais maintenant évoquer, c'est la

24 journée du 6 décembre. Vous avez dit à la Chambre de première instance

25 vendredi que vous viviez à Gruz. Est-ce que vous viviez à Gruz ? Est-ce que

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1 vous avez dormi à Gruz dans la nuit du 5 décembre ?

2 R. Oui. J'ai toujours vécu à Gruz, et je continue d'y vivre. Ce matin-là,

3 le 6 décembre, nous nous sommes levés tôt, à 5 heures du matin parce que ma

4 sœur et moi-même devions travailler. Nous sommes allés travailler ensemble,

5 et nous sommes allés en auto jusqu'à Gruz où nous avions un autre magasin.

6 Tout près de là, il y avait le chauffeur qui dormait là-bas, conduisait la

7 camionnette et nous sommes allés travailler ensemble parce que les

8 transports urbains avaient cessé de fonctionner. Nous nous sommes levés tôt

9 dans la matinée, nous avons entendu des tirs, ce qui était assez

10 inhabituel.

11 Q. Vous êtes allés de Gruz à l'autre magasin. Où se trouvait votre

12 magasin ?

13 R. J'ai dit le magasin à Gruz, à côté duquel dormait, où habitait notre

14 chauffeur, et nous sommes allés à la vieille ville dans notre magasin.

15 Q. Vous avez dit que vous avez entendu tirer des coups de feu. Est-ce que

16 vous avez vu quoi que ce soit ?

17 R. Oui. Dans la matinée du 6 décembre, c'était assez inhabituel. Les tirs

18 ont commencé assez tôt. C'était inhabituel. Il faisait encore nuit, il n'y

19 avait pas de lumière dans la ville. Vous pouviez voir les projectiles

20 passer au dessus de nous, parce que juste derrière notre appartement se

21 trouve le Mont Srdj. C'était probablement des obus éclairants, je ne sais

22 pas comment on les appelle. Mais ils passaient d'un côté à l'autre et

23 c'était inhabituel. Il n'y a pas eu de menace directe pour nous parce

24 qu'aucun projectile n'atterrissait près de nous.

25 Nous nous sommes rendus à Gruz, nous sommes allés à la boulangerie, nous

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1 sommes rentrés dans la fourgonnette, et nous sommes allés dans la vieille

2 ville. A cinq heures, environ à six heures et quart, des tirs intenses ont

3 commencé à tomber sur toute la ville. On pouvait entendre à la fois, des

4 armes légères, des armes lourdes, l'intensité s'était accrue vers sept

5 heures du matin. Les premiers obus ont commencé à tomber sur la vieille

6 ville de Dubrovnik. Et à ce moment-là --

7 Q. Où vous trouviez-vous lorsque les premiers obus ont commencé à tomber

8 sur la vieille ville ?

9 R. Dans le magasin.

10 Q. Que faisiez-vous dans le magasin ?

11 R. Les choses habituelles. D'habitude nous ouvrions vers six heures du

12 matin, c'était habituel. Les clients qui habitaient dans la vieille ville

13 commençaient à venir parce qu'un très grand nombre de personnes se

14 trouvaient à l'intérieur de la vieille ville. A l'époque, ils venaient

15 chercher du pain, en particulier les personnes âgées, et ils avaient

16 l'habitude de venir assez tôt. Ils avaient peur de venir plus tard, ils

17 venaient donc assez tôt simplement pour avoir leur pain et retourner à

18 l'abri.

19 Ce matin-là, comme d'habitude, les gens sont venus, et alors à ce moment-

20 là, les obus ont commencé sur la vieille ville, et plusieurs personnes, qui

21 se trouvaient dans le magasin à ce moment-là, se trouvaient dans le magasin

22 où les obus ont commencé à tomber.

23 Q. Merci. Qui d'autre y avait-il dans le magasin lorsque les obus ont

24 commencé à tomber ?

25 R. J'étais là, il y avait ma sœur et également Tonci Skocko, et Mato

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1 Skocko, Tonci Skocko qui est décédé et quelques autres.

2 Q. Vous avez décrit Mato Skocko comme étant le propriétaire du magasin.

3 Quel était son âge à ce moment-là ?

4 R. Mato Skocko était le gérant. Il gérait le magasin. Il avait

5 probablement 45 ans à l'époque.

6 Q. Votre sœur, quel était l'âge de votre sœur ?

7 R. Ma sœur était âgée de 23 ans à l'époque.

8 Q. Est-ce que votre sœur était civile ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que Mato Skocko était un civil ?

11 R. Oui.

12 Q. Et Toni Skocko, quel était son âge ?

13 R. Je pense qu'il avait entre 18 et 19 ans, probablement 19 ans à

14 l'époque, environ.

15 Q. Etait-ce un civil ?

16 R. Oui.

17 Q. Ces personnes relativement âgées qui venaient au magasin, pour acheter

18 du pain, quels âges leur donneriez-vous, environ ?

19 R. D'une façon générale, ces personnes étaient celles qui venaient le plus

20 tôt, elles avaient entre 50 et 70 ans. Par la suite les plus jeunes

21 venaient dans la vieille ville, les enfants venaient parfois, mais ceux qui

22 venaient le plus tôt dans la matinée étaient en général les personnes

23 âgées.

24 Q. Est-ce que les personnes âgées étaient à la fois des hommes, des

25 femmes ?

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1 R. Oui.

2 Q. Ils vous donnaient l'impression d'être des civils ?

3 R. Non seulement ils semblaient être des civils, mais c'étaient des

4 civils, ces personnes âgées. Les plus jeunes aussi probablement parce

5 qu'ils avaient peut-être été soldats. S'ils avaient été des soldats, ils

6 auraient probablement été ailleurs à des positions qui se trouvaient

7 ailleurs ce jour-là. C'étaient probablement des civils par conséquent.

8 Q. Qu'en est-il des enfants ? Quels âges avaient les enfants qui sont

9 venus au magasin ?

10 R. Les enfants qui allaient de 7 à 15 ans, dirais-je, leurs parents les

11 envoyaient aussi pour aller chercher du pain tout au moins pour ceux qui

12 n'avaient pas encore quitté la ville.

13 Q. Est-ce que les enfants continuaient de venir au magasin en décembre

14 1991 ?

15 R. Oui.

16 Q. Comment décririez-vous l'intensité des tirs d'obus, vers 7 heures du

17 matin lorsque vous dites que les personnes âgées étaient venues au

18 magasin ?

19 R. Les premiers obus qui ont retentis alentour, nous ne savions même pas

20 qu'ils étaient tombés sur la vieille ville parce que nous nous trouvions à

21 l'intérieur du magasin à travailler lorsqu'on a entendu les coups qui se

22 rapprochaient, les coups de feu. Mais les gens continuaient à entrer et ils

23 étaient évidemment stupéfaits en disant que les obus avaient commencé à

24 tomber sur la Stradun, la fontaine et l'église Saint-Blaise. Ensuite les

25 tirs ont commencé à se rapprocher de plus en plus près. Cela a continué à

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1 augmenter en intensité, de sorte qu'au moment où l'attaque était au plus

2 fort, cinq ou six obus sont arrivés en même temps, sur la vieille ville, de

3 sorte que l'ensemble de la ville subissait une attaque, le centre de la

4 vieille ville. Les lignes téléphoniques avaient été coupées. Le reste de ma

5 famille se trouvait à Gruz et nous ne savions pas ce qui se passait là-bas.

6 On ne savait pas s'ils étaient encore en vie et quelle était l'importance

7 des attaques là-bas. C'était un moment très difficile pour nous.

8 Q. Je voudrais que vous décriviez pour la Chambre de première instance

9 quelle était l'atmosphère dans le magasin au moment où les obus ont

10 commencé à tomber sur la vieille ville, ce matin-là ?

11 R. Comme je l'ai dit, nous étions plusieurs ici. Il y avait évidemment des

12 clients, qui étaient restés dans le magasin. L'un d'entre eux était un

13 peintre bien connu, Josko Skerlj, qui se trouvait dans notre magasin à ce

14 moment-là ainsi que d'autres personnes.

15 Nous étions tous stupéfaits et navrés en entendant les coups de feu, le

16 bruit qui nous atteignait et nous attendions de voir ce qui

17 allait se passer parce que notre sort était tout à fait incertain à ce

18 moment-là. Nous n'étions pas du tout sûr que notre magasin ne serait pas

19 touché et si nous pourrions survivre ou non.

20 L'abri se trouvait un peu plus loin du magasin. Mais nous ne pouvions pas

21 quitter notre magasin pour aller à l'abri. Ce n'était pas possible. Vers 8

22 heures du matin lorsque les premiers obus ont atterri alentour --

23 Q. Je reviendrai à cela plus tard, dans un moment. Lors que vous disiez --

24 non, je retire ma question.

25 Vous venez juste de faire référence à Josko Skerlj, un peintre bien connu.

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1 Est-ce que c'était un civil ?

2 R. Oui.

3 Q. Lorsque vous avez dit, "nous" il y a un moment, est-ce que vous vous

4 référiez à vous-même, à Tonci Skocko, Mato Skocko et aux autres clients qui

5 se trouvaient dans le magasin ?

6 R. Oui.

7 Q. Où dans le magasin vous trouviez-vous, où êtes-vous allés au cours de

8 la première phase de pilonnage ?

9 R. Lorsque tout a commencé, les clients, qui se trouvaient encore à

10 l'intérieur du magasin et les personnes qui entraient dans le magasin, les

11 gens commençaient à cesser d'entrer dans le magasin à un moment donné

12 parce qu'il n'était plus possible de nous atteindre. Nous avons fermé la

13 porte. Le magasin a une superficie d'environ 100 à 120 mètres carrés. Il

14 n'y a qu'une seule porte et une fenêtre qui fait face à la rue, qui donne

15 sur la rue. De l'autre côté du magasin se trouve une maison et une petite

16 partie du magasin a une terrasse avec un jardin extérieur et il y avait une

17 sorte de cave à vins dans laquelle nous avons pu nous abriter, à ce moment-

18 là. Nous avons eu l'impression que c'était un endroit plus sûr pour nous, à

19 ce moment-là, dans cette partie du magasin.

20 Q. Que s'est-il passé -- excusez-moi, où est-ce que vous vous êtes rendus,

21 vous alliez nous dire vers 8 heures du matin ?

22 R. Oui à 8 heures du matin, c'est le moment où le premier obus a atterri,

23 mais les obus pleuvaient autour de nous. Celui-ci a atterri juste à

24 l'extérieur devant notre porte dans la rue. L'explosion était très

25 puissante avec un bruit terrible sur la porte qui s'est ouverte. Les éclats

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1 d'obus volaient partout dans le magasin.

2 Il y avait beaucoup de poussière dans l'air et pendant un moment nous ne

3 savions plus où nous étions. Puis les choses se sont progressivement

4 calmées, la poussière est retombée, l'on entendait encore les coups de feu

5 qui résonnaient tout autour à l'extérieur et nous avons pu à ce moment-là,

6 commencer à nous calmer. L'un de nos clients est sorti juste à l'extérieur

7 de la porte et il a dit que le bâtiment, qui se trouvait près de l'école où

8 il y avait un abri, était en feu. Tonci Skocko, qui est décédé, et moi-même

9 nous nous sommes alors rendus --

10 Q. Pourriez-vous simplement -- je vais revenir à cela dans un moment. Je

11 voudrais simplement que vous nous parliez des obus. Vous dites qu'un obus a

12 atterri à l'extérieur. Vous dites qu'il y a eu une puissante explosion.

13 Est-ce que vous avez vu de la fumée ou du feu dans l'explosion ? Pourriez-

14 vous décrire à la Chambre de première instance ce qu'a représenté cette

15 explosion ?

16 R. Bien, c'est vraiment très difficile de décrire à quelqu'un qui n'a pas

17 vu cela directement. A un moment enfin nous n'avons pas vu le feu, la

18 flamme, nous avons vu simplement les flammes à partir du moment où la porte

19 était ouverte et il y avait beaucoup de poussière. Il y avait des cailloux

20 qui volaient partout ainsi que les éclats d'obus. C'est assez difficile, à

21 décrire, je dois vous dire, quelle était l'apparence à ce moment-là. Vous

22 ne savez pas ce qui

23 se trouvait à ce moment-là. Vous n'avez aucune idée de ce qui se passe, et

24 c'est une très petite pièce, et tout ceci évidemment et toute la poussière

25 dans l'air, fait que nous étions simplement heureux d'être encore en vie.

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1 Q. Comment pourriez-vous décrire le bruit, l'intensité du bruit de

2 l'explosion.

3 R. C'est très difficile à décrire ce bruit et tout ce qui se passait. Je

4 ne crois pas que quelqu'un qui n'a pas une expérience directe de cela,

5 puisse vraiment le décrire correctement.

6 Vous entendez une explosion très forte, "bang," et lorsque cela s'est passé

7 il y avait énormément de poussière à l'intérieur et de fumée, et on a

8 aucune idée de ce qui se passe. Nous nous sommes regardés les uns les

9 autres simplement pour voir que tout le monde était indemne et une fois que

10 nous nous sommes assurés de cela, nous avons commencé à retrouver notre

11 calme et nous avons attendu que la poussière retombe. Il n'y avait pas de

12 lumière à l'intérieur du magasin parce qu'il n'y avait pas de

13 l'électricité.

14 Q. Je viendrai au point où vous êtes sorti du magasin dans un moment. Je

15 voudrais simplement me concentrer sur le moment où a lieu l'explosion à

16 l'extérieur du magasin. Vous dites que vous avez vu du feu une fois que la

17 porte a été ouverte. Je voudrais que vous décriviez, pour la Chambre de

18 première instance, le feu que vous avez vu, l'extension où l'intensité de

19 ce feu.

20 R. C'était une -- je ne pas sûr comment dire, une conflagration. Lorsque

21 l'obus tombe, bien, je trouvais là, j'ai regardé, on voit une flamme. C'est

22 difficile à décrire ce que l'on éprouve lorsque quelque chose se passe tout

23 près de soi. On peut tout simplement pas y croire. On ne parvient pas à y

24 croire. On ne sait pas quoi faire. C'est un éclat immense, un éclair

25 immense, et ensuite il y a une explosion très puissante, puis beaucoup de

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1 poussière dans l'air et de fumée brusquement. De sorte que l'ensemble était

2 tout à fait terrifiant.

3 Q. Est-ce que vous-même et les autres personnes qui se trouvaient dans le

4 magasin avaient eu peur ?

5 R. Oui. Mais ce n'était pas seulement de la peur. Nous ne savions pas, à

6 ce moment-là, si nous étions encore en vie. Nous pensions que nous étions

7 abrités à ce moment-là, mais ce n'était pas un abri fiable. Tout le monde

8 d'abord ne pouvait pas entrer dans le magasin. Nous ne savions pas si nous

9 étions encore tous cela et encore vivants.

10 Q. Est-ce que vous-même et Tonci avez fait lorsque le pilonnage s'est un

11 peu calmé ?

12 R. Cela ne s'est pas vraiment calmé. C'était plutôt le fait que la fumée

13 et la poussière ont commencé à retomber dans le magasin, mais il y avait

14 encore des tirs qui continuaient, des coups de feu, dans toute la ville,

15 des explosions puissantes, tout le temps. Quelqu'un est sorti, a essayé de

16 traverser la rue pour aller dans la maison qui se trouvait juste en face, à

17 la maison qui était près de l'école primaire.

18 M. Tonci, qui est décédé et moi-même, sommes sortis, bien que Mato nous ait

19 dit de rester où nous étions, et de ne pas sortir, mais nous étions

20 curieux, nous avons voulu sortir --

21 Q. Bien. Vous avez mentionné le fait qu'il y avait un abri de l'autre côté

22 de la rue. Quelle était la distance en mètres en ce magasin et cet abri ?

23 R. La boutique se trouve à une distance de 40, 50 mètres, par rapport à la

24 rue.

25 Q. Quelle sorte --

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1 R. Il y avait là une école élémentaire.

2 Q. Est-ce qu'à l'école élémentaire, il y avait un abri emménagé ?

3 R. Oui. Parce que dans la vieille ville, toutes ces maisons sont

4 construites, de sorte à ce qui n'y ait pas vraiment de dalles en béton pour

5 former les étages, les structures. Les planchers sont en bois. Par

6 conséquent, tout cela n'est pas très très solide. Mais avant la guerre

7 cette école a été complètement réaménagée, rénovée, deux ou trois étages

8 ont été surélevés et probablement ce sont les autorités civiles qui ont

9 ordonné à ce qu'il y ait, emménagé dans les sous-sols, une espèce d'abri.

10 Des civils y étaient, peut-être pendant plusieurs jours, il y avait des

11 personnes âgées qui ont trouvé refuge dans ces abris. Or, ce matin-là,

12 probablement cet abri a dû être vraiment comble, bondé de gens.

13 C'était le seul abri, avec la forteresse à Revelin de la vieille ville, qui

14 constituait une espèce d'abri emménagé à cet effet.

15 Q. Pourquoi est-ce que vous-même et les autres personnes qui se trouvaient

16 dans le magasin, vous n'avez pas eu la possibilité ou vous n'avez pas voulu

17 aller chercher un abri là-bas au moment où le pilonnage a commencé, qui ne

18 se trouvait qu'à une quarantaine de mètres de chez vous ?

19 R. Mais nous n'avons pas le temps, parce que d'abord nous avons été pris

20 de cours et puis il y avait pas mal de clients qui étaient là. On ne savait

21 plus. Après nous avons eu peur lorsque l'attaque a été déclanchée, parce

22 qu'une fois sorti, tu ne pouvais jamais savoir si tu ne risquais pas de

23 recevoir sur la tête un obus. C'est comme cela que nous sommes restés tous

24 dans le magasin.

25 Q. Essayons de revenir à ce moment où Tonci et vous, vous étiez sorti

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1 dehors. Quel a été le trajet que vous avez fait pendant que vous êtes allés

2 au marché -- qu'est-il advenu de vous ?

3 R. C'est-à-dire, qu'au sortir de notre magasin, il y avait les marches à

4 grimper. Peut-être que nous étions en ce moment-là, à allumer une cigarette

5 chacun, et puis au fond de la rue, nous avons vu le toit d'une maison en

6 flammes.

7 Nous avons vu observer un civil, qui probablement était sorti de cette

8 maison-là qui était en flamme, qui voulait se sauver pour chercher refuge

9 dans l'abri. Tout cela ne devait durer relativement qu'un temps très

10 court, pendant quelques secondes à une minute ou deux maximum, lorsque nous

11 étions dans la rue.

12 Comme cela debout, à un moment donné quelque chose est arrivé je n'arrive

13 pas encore en ce moment comment décrire cette scène. Tout d'un coup, nous

14 avons pu voir un éclat énorme jaillir, nombre de nous, et puis nous avons

15 entendu une déflagration terrible. Il y avait de la poussière, de la fumée,

16 des débris de pierres.

17 Comme on se tenait près de la porte, le feu Tonci et moi, nous avons essayé

18 de nous sauver en entrant dans le magasin. Lui, le premier, moi, je l'ai

19 suivi. Je crois que ce parcours d'une dizaine de mètres nous l'avons

20 vraiment fait en vitesse. De l'autre côté, comme je vous ai dit, par

21 rapport à notre magasin, de l'autre côté de la cour, il y avait cette

22 espèce de cave à vins, nous avons essayé d'y trouver comme un refuge. Là,

23 il y avait une espèce de comptoir et puis peut-être étagère pour y exposer

24 du vin.

25 Lorsque je suis arrivé au comptoir, Mato m'a dit "Nikola, tu vas te

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1 blesser." Chose que je n'ai absolument pas saisi parce que comme tout cela

2 se passait vite, nous avons eu peur.

3 Q. Excusez-moi. Arrêtez-vous là. Je vais vous arrêter là. Je vous poserai

4 des questions toutes spéciales concernant votre blessure. Essayons de nous

5 concentrer sur Tonci.

6 R. Oui. Donc au moment où Mato Skocko m'a dit, ce qu'il ma dit, je crois

7 que je me suis écroulé et j'ai pu observer du sang. A ce moment-là, Tonci,

8 qui lui était debout à mes côtés, lui aussi, s'est écroulé au sol. Nous ne

9 pouvions pas savoir de quoi il s'agissait. Nous avons cru que c'était dû au

10 choc, à cet impact de l'obus qui a tombé là-bas, et cetera. Nous essayions

11 de saisir ce qui s'était passé. Nous avons essayé de le faire revenir à

12 lui. On a essayé de lui donner quelques gifles comme cela en plein visage

13 pour le faire revenir à lui mais c'était en vain. Quelqu'un essayait de le

14 réanimer avec de la respiration artificielle mais tout cela était en vain.

15 Nous ne savions pas encore que Tonci était mort.

16 Tout ceci ne devait se prolonger que pendant une demi-heure pas plus, lui

17 gisait par terre. Nous avons essayé de l'arroser d'eau, de lui donner du

18 citron mais tout cela ne servait à rien parce que, de fait, il était mort

19 sans que nous ayons pu le savoir. A un moment donné, Mato --

20 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Pendant combien de temps tout cela

21 devait durer ? Pendant combien de temps avez-vous essayé de le réanimer, de

22 le faire revenir à lui, Tonci ?

23 R. Peut-être pendant une demi-heure. Ceci devait durer un peu plus qu'une

24 demi-heure, cette espèce de réanimation que nous avons voulu lui donner.

25 Nous avons tous crû qu'il était sous le choc, et que tout ceci n'était

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1 qu'un choc et que cela devait passer.

2 Q. Mais pour parler pilonnage, après cette demi-heure dont vous parlez,

3 est-ce que le pilonnage a repris ?

4 R. Oui. Le pilonnage a repris. Peut-être les attaques étaient-elles les

5 plus violentes, les plus intensives vers les huit ou neuf heures lorsque

6 toute la ville se trouvait en flammes et dans la fumée sous les obus.

7 C'était vraiment terrifiant.

8 Q. Mato qu'a-t-il fait, qu'a-t-il fait après cette demi-heure écoulée

9 comme cela ?

10 R. Lorsque nous nous sommes rendus compte du fait que tout cela ne donnait

11 rien comme effort, il a dit qu'il allait chercher sa voiture qui se

12 trouvait dans la vieille ville près de Ploce. Nous avons essayé de

13 l'arrêter, de lui dire que c'était tout de même dangereux et risqué mais

14 que voulez-vous, il s'agissait du père de l'autre, c'était son fils. Nous,

15 on essayait encore avec la réanimation, les premiers secours, et cetera.

16 Trois ou quatre femmes, qui étaient là, n'arrêtaient pas de pleurer parce

17 qu'elles ne savaient pas de quoi il s'agissait. Il y avait ma sœur là et il

18 y avait quelques clients parmi eux.

19 Au moment où Mato était de retour, il était presque arrivé en voiture

20 jusqu'aux marches de la rue, là où nous trouvions. Les pneumatiques de sa

21 voiture étaient complètement troués.

22 Lorsque Mato est arrivé, nous et quelques uns d'entre nous, nous nous

23 sommes occupés du corps de Tonci pour le déposer dans la voiture de Mato.

24 Moi, j'étais passé de l'autre côté sur le siège arrière pour essayer de

25 coucher le corps. Tonci avait un T-shirt sur lui et lorsque nous avons

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1 voulu déposer son corps, et comme le T-shirt s'était relevé, j'ai pu voir

2 un trou sur son corps pas plus gros qu'un grain de maïs.

3 Je n'en ai pas parlé à Mato. Nous avons refermé les portières. Mato a

4 allumé le moteur pour passer par le Stradun. On a pu voir d'ailleurs une

5 photo de tout cela. Il l'a transporté à l'hôpital.

6 Moi, j'ai parlé aux autres de ce dont il s'est agi. Lorsque Mato, plus

7 tard, était de retour, peut-être deux ou trois heures après tout cela,

8 lorsqu'il était de retour de l'hôpital, il nous a dit que Tonci était déjà

9 décédé. En fait, il était déjà mort lorsqu'il s'était écroulé en plein

10 magasin parce qu'un éclat d'obus l'a touché en plein cœur et les médecins à

11 l'hôpital ont dit que même s'il s'était trouvé près de l'hôpital, ils

12 n'auraient, certainement, pas pu lui sauver la vie.

13 Q. Vous dites avoir observé un petit orifice, comme un petit trou sur sa

14 cage thoracique lorsque son T-shirt s'était relevé, est-ce que qu'il y

15 avait du sang ?

16 R. Evidemment non, non, chose curieuse mais il n'y avait pas de sang du

17 tout.

18 Q. Voulez-vous, s'il vous plaît, faire une description à l'intention de la

19 Chambre de première instance de ce qui devait être la réaction de Mato qui,

20 lui, se trouvait là près de son fils. Son fils qui a perdu connaissance et

21 qu'il a dû transporter avec sa voiture. Comment est-ce qu'il a réagi,

22 Mato ?

23 Un homme qui voit arrivé tout cela à son fils, vous pouvez vous imaginer

24 quelle réaction a pu être la sienne. Dans un premier temps, lorsque cela

25 s'est passé, lui, moi et Mato avons cru que ceci ne devait être rien de

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1 plus qu'un choc, que Tonci pourrait en sortir indemne. Mais avec le temps

2 qui passait, il s'est rendu compte du fait qu'il y avait quelque chose qui

3 n'allait plus. D'abord, tout le monde s'est mis à paniquer. Ces femmes,

4 comme je vous l'ai déjà dit, qui se sont mises à pleurer et à crier. Donc,

5 nous pouvions savoir que Tonci était mort. Il est vraiment difficile de

6 décrire le comportement du père qui a perdu et qui voit mourir dans ses

7 bras son propre fils.

8 Q. Revenons à votre blessure à vous. Lorsque vous vous trouviez là-bas

9 avec Tonci, ces gens s'occupaient de Tonci pour le réanimer, vous avez dit,

10 vous-même, que vous avez vu du sang sur vous-même, pouvez-vous nous en

11 faire une description, s'il vous plaît ?

12 R. Lorsque je me suis rendu compte du fait que j'avais du sang sur moi et

13 lorsque je me suis rendu compte que je ne ressentais pas de douleur.

14 Vraiment je ne prêtais pas attention à ma blessure à moi. Ce n'est que plus

15 tard, beaucoup plus tard, lorsqu'ils ont emmené Tonci. Comme nous avions

16 dans notre magasin, comme dans chaque magasin, une trousse de premier

17 secours avec des bandages et avec de l'alcool, et cetera, nous avons essayé

18 de nous occuper de cette blessure au niveau du menton et de la jambe. Nous

19 avons bandé tout cela. Il s'agissait, en fait, de blessures en surface

20 parce que j'ai été, pratiquement, touché par ces éclats.

21 Q. Excusez-moi de vous interrompre, est-ce que vous êtes sorti avant cet

22 éclat de lueur de déflagration ou après ?

23 R. Non.

24 Q. Où avez-vous été blessé ?

25 R. Au niveau du menton et à la jambe, en dessous du genou.

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1 Q. Quelle était cette blessure que vous avez eue au menton ?

2 R. Il s'agit comme d'une incision, on dirait que quelqu'un m'aurait fait.

3 Il s'agit d'un éclat d'obus qui m'a effleuré à trois endroits au niveau du

4 menton. J'en ai été touché. Au niveau de la jambe, mon pantalon a été

5 déchiré de même que la peau de la jambe.

6 Q. Est-ce qu'il vous en reste des cicatrices de tout cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous vous lever s'il vous plaît et montrer à la Chambre de

9 première instance en disant d'abord, combien de cicatrices au menton vous

10 avez ?

11 R. Je crois qu'il y en a trois.

12 Q. Et à la jambe ?

13 R. Une cicatrice.

14 Q. Maintenant, pouvez-vous vous lever, s'il vous plaît, et si possible

15 montrer à la Chambre de première instance, les cicatrices que vous avez au

16 menton et puis la cicatrice à la jambe ?

17 R. Oui, je peux le faire et je le ferai.

18 M. RE : [interprétation] Est-ce que le témoin peut peut-être s'approcher

19 plus près des Juges de la Chambre de première instance. Peut-être seriez-

20 vous incapable le voir à une si grande distance ?

21 M. LE JUGE PARKER : [hors micro]

22 M. RE : [interprétation]

23 Q. Restons-là où vous êtes. Levez le menton un peu, levez la tête plutôt

24 pour montrer, cela va.

25 R. [Le témoin s'exécute]

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1 Q. Et la jambe. Le témoin est en train de montrer la partie de sa jambe

2 qui va du genou à la cheville pour montrer l'emplacement de la cicatrice.

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 M. RE : [interprétation] Est-ce cela va comme cela ? Le témoin peut

5 s'asseoir ?

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

7 L'INTERPRÈTE : [interprétation] Le témoin se rassoit.

8 M. RE : [interprétation]

9 Q. Je crois que vous avez dit tout à l'heure, je vous ai entendu dire que

10 vous avez mis des bandages sur vos blessures au magasin même, d'abord.

11 R. Oui.

12 Q. Pendant combien de temps êtes-vous resté au magasin, une fois que vous

13 avez mis les bandages sur vos blessures ?

14 R. Au moment où nous avons quitté le magasin, il devait être déjà 11

15 heures 30, midi ou presque, lorsque la situation s'était calmée, lorsque

16 les attaques ont pris fin. Nous avons quitté le magasin.

17 Q. Excusez-moi. Pendant combien de temps, une fois que Mato a emmené

18 Tonci, vous pouvez dire qu'il s'est écoulé du temps avant que vous ne

19 partiez. Bien entendu, tout cela est loin derrière nous, le temps s'est

20 écoulé depuis, mais essayez de vous en souvenir et dites-le nous ?

21 R. Lorsque Mato a quitté le magasin, il a dû être de retour peut-être dans

22 45 minutes ou après 45 minutes écoulées, parce que l'hôpital n'était pas

23 loin, l'hôpital se trouvait à l'endroit intitulé comme Buninovo, entre la

24 vieille ville et la ville moderne. Ceci ne devait pas être plus d'un, deux

25 kilomètres. Lorsque Mato a emmené son fils à l'hôpital et lorsque les

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1 médecins ont constaté la mort de son fils, il a quitté l'hôpital pour

2 regagner le magasin.

3 Q. Ma question est la suivante : combien de temps s'est-il écoulé depuis

4 le moment où lui, a quitté le magasin pour emmener Tonci à l'hôpital, et

5 votre départ, lorsque vous avez vous-même quitté, et entre-temps Mato était

6 de retour, n'est-ce pas ?

7 R. Mais peut-être dirions-nous qu'il s'est agi [comme interprété] de trois

8 heures ou approximativement.

9 Q. Et vous, vous-même, où êtes-vous allé en quittant le magasin, est-ce

10 que vous êtes parti avec votre soeur ?

11 R. Oui. Oui. Nous avons quitté le magasin. Mato Skocko et je crois que

12 c'était Josko Skel, avec lui et quelqu'un d'autre étaient partis à la

13 maison de Mato, parce que celui-ci était incapable d'y aller tout seul, de

14 rentrer seul. Sa femme, par conséquent, la mère de Tonci, ne savait pas

15 encore que Tonci était décédé qu'il avait péri. Ma sœur et moi, nous avons

16 emprunté la route de Pile et de Buninovo, pour nous acheminer vers Gruz.

17 J'ai voulu passer auprès du centre médical de Gruz pour me faire des soins,

18 mais voilà, que c'était fermé, comme il y avait l'alerte donnée et le

19 pilonnage. Il n'y avait personne. J'ai regagné mon appartement.

20 C'est le lendemain seulement, que j'irais pour me faire faire des bandages.

21 Q. Je vais vous arrêter là, s'il vous plaît. Vous avez dit que vous êtes

22 allé par la porte de Pile, est-ce que vous y êtes passé par Pile, sur votre

23 chemin de retour ?

24 R. Ecoutez, depuis la rue Od Puca, oui, vers Pile et Buninovo en direction

25 de Gruz. Oui, cela est exact.

Page 2950

1 Q. Est-ce dire que c'est à pied que vous êtes rentré avec votre soeur ?

2 R. Oui, à pied.

3 Q. Est-ce que le pilonnage avait repris entre-temps ? Est-ce que le

4 pilonnage durait toujours pendant que vous et que votre sœur, vous étiez en

5 direction de Gruz ?

6 R. Je vous ai dit que j'étais sorti à 11 heures 30 et que le pilonnage

7 s'était déjà arrêté. On ne pouvait plus entendre d'explosions.

8 Q. Le jour suivant, où êtes-vous allé pour vous faire donner des soins et

9 pour que quelqu'un s'occupe du pansement de vos blessures et plaies ?

10 R. Je me suis rendu au centre médical régional de Gruz, là, il y a des

11 médecins et des infirmiers, ils se sont occupés de mes blessures, ils ont

12 pansé mes plaies. Et c'est comme cela que je suis retourné une fois de plus

13 chez moi.

14 Q. Est-ce qu'il vous a fallu suivre un traitement ? Est-ce que vous avez

15 dû recevoir des soins en continuité pendant un temps un peu plus

16 prolongé ou comment ?

17 R. Oui, peut-être dans deux ou trois jours, je devais encore une fois y

18 retourner pour changer les bandages et pour des pansements sans plus, pour

19 parler soins [comme interprété].

20 Q. Est-ce que vous avez jamais pu bénéficier d'une retraite ou d'une

21 pension d'indemnités étant donné les blessures que vous avez reçues ?

22 R. Non. Non. C'est-à-dire, que je n'avais jamais rien sollicité déjà, par

23 conséquent, je n'ai jamais rien reçu comme pension d'indemnités,

24 quelconque.

25 Q. Vous nous avez décrit ces troubles plutôt physiques, et cetera, les

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1 blessures. Mais expliquez-nous la situation psychologique dans laquelle

2 vous vous trouviez étant donné la mort de Tonci, et cetera ? Décrivez-nous

3 la situation psychologique qui était la vôtre, votre état.

4 R. Des jours entiers et des jours après, nous ne pouvions plus absolument

5 pas croire tout cela. Parce qu'on a déjà travaillé avec un jeune gars,

6 qu'on a bien connu, avec qui on passait les jours ensemble, et puis après,

7 tout d'un coup, on l'a perdu. N'oublions pas de dire que son père ne

8 pouvait même plus revenir tout seul pour travailler, et cela pendant des

9 jours. Et puis après, c'est l'insomnie aussi qui s'est installée. On se

10 réveille au beau milieu de la nuit sans pouvoir se rendormir et toutes nos

11 pensées semblent être vraiment profondément gravées par ce qui nous était

12 arrivé.

13 Q. Et lorsque ce jour-là, vous étiez sorti dans la rue, à quoi pensiez-

14 vous ? Quels étaient vos sentiments lorsque Tonci et vous, vous étiez dans

15 la rue ?

16 R. Je ne comprends pas votre question.

17 Q. Comment avez-vous réfléchi plus tard à ce fait-là, que vous vous étiez

18 sortis, tous les deux au beau milieu de pilonnage dehors ? Comment vous

19 vous sentiez-vous ?

20 R. Peut-être pendant longtemps, j'ai eu un sentiment de culpabilité, parce

21 que je me suis considéré comme coupable de la mort de Tonci parce qu'à ce

22 moment-là, j'étais avec lui. On était ensemble dans la rue, et peut-être on

23 essayait de se dire qu'on était fautif de quelque chose, comme si la faute

24 était à moi, parce que j'étais avec lui, et pourquoi est-ce que c'était

25 vraiment à lui que tout cela devait arriver. C'est un sentiment douloureux,

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1 cela vous fait mal.

2 Q. Plus tard, vous a-t-on donné des soins d'ordre psychologique ? Est-ce

3 que peut-être vous avez suivi une séance quelconque d'un conseil de

4 médecin, psychologue, et cetera ?

5 R. Non. Non. Je n'en ressentais pas vraiment le besoin. Je crois que je

6 suis tout de même assez solide et stable de ce point de vue là, dans la

7 mesure du possible.

8 Q. Comment est-ce que vous avez pu avoir le dessus pour ainsi dire, pour

9 surmonter tous ces sentiments qui étaient les vôtres ?

10 R. Avec le temps, tout semble passer. On travaille, on doit travailler.

11 Puis, on se rend compte du fait qu'il n'y pas que nous qui avons ressenti

12 tout cela, qui avons vécu tout cela. Il y a des gens qui ont eu beaucoup

13 plus de mal que nous, qui ont perdu les leurs, les membres de leur famille.

14 Puis, on devait s'occuper de Mato. On devait réfléchir à lui, on devait

15 avoir de l'empathie pour lui, pour savoir ce qu'il lui était arrivé, et

16 cetera. Lorsqu'on est en sa présence, on doit tout faire pour être aussi

17 normal que possible.

18 Q. Après cet événement-là, est-ce que Mato a fermé boutique ?

19 R. Ce jour-là, le lendemain ou durant les deux jours qui ont suivi, je

20 crois qu'on n'a pas travaillé, c'était l'enterrement de Skocko. D'autres

21 jours, on ne travaillait pas et puis après, on a repris ma sœur et moi et

22 puis après une certaine Silva qui travaillait avec nous. Quant à Mato, lui,

23 ce n'est qu'après une quinzaine de jours qu'il s'était remis au travail.

24 Nous étions seuls au magasin.

25 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que vous avez pu observer

Page 2953

1 lorsqu'à pied vous retourniez avec votre sœur et en passant par la vieille

2 ville, à Gruz le 6 décembre ?

3 R. Lorsque tout s'était calmé, lorsqu'il n'y avait plus d'obus, nous

4 sommes, d'abord, sortis dans la rue. Notre rue était dans un état

5 catastrophique. Il y avait beaucoup de débris, d'édifices touchés, d'un

6 côté et de l'autre de la rue, des trous au point d'impact des éclats

7 d'obus. Les maisons sont en pierre et la pierre avait été touchée également

8 et était endommagée, les fenêtres soufflées ou détruites.

9 Il y avait, en face de chez nous, des maisons dont les façades sont en

10 béton, là, les orifices des trous d'impact étaient encore plus visibles. A

11 mesure que nous nous approchions de l'école élémentaire, nous nous sommes

12 rendus compte du fait qu'il y avait beaucoup de maisons qui étaient en feu

13 non loin de l'école élémentaire, plein de débris de pierre, les persiennes

14 complètement démantelées.

15 Non loin de l'église orthodoxe, il y avait un palais à trois ou quatre

16 étages qui, sur longueur de 50 mètres, était en flammes. C'était vraiment

17 une catastrophe. Il a fallu pouvoir tenir le coup à regarder cela. Il y

18 avait tant de gens autour. Il y avait des personnes âgées qui étaient là,

19 assises en plein rue à pleurer parce que leur vie durant, ils avaient dû

20 s'occuper de leur appartement, de leur maison, de la construction de leur

21 maison mais voilà que tout d'un coup, c'était parti en l'air.

22 Partout des débris, partout de la pierre, rue Siroka une grande maison

23 était en flammes. Puis au Stradun, nous avons vu que le bâtiment qui

24 abritait le festival d'été de Dubrovnik lui aussi était touché et incendié,

25 probablement que ville, toute la vieille l'intérieur était déjà en feu.

Page 2954

1 Pour parler de la vieille ville, elle était pratiquement engloutie par la

2 fumée. Les sapeurs pompiers essayaient d'y remédier mais ils avaient du mal

3 à se mouvoir à cause des débris, de la pierre et de la fumée. C'était une

4 catastrophe. La panique s'était emparée de la rue et de la ville d'une

5 manière générale. Les gens qui sortaient de chez eux ne pouvaient plus

6 comprendre ce qui était advenu d'eux et de cette vieille ville de

7 Dubrovnik.

8 Q. Pour ce qui est de la rue où se trouvait votre magasin, il s'agit de la

9 rue Miha Pracata, vous dites qu'il y avait beaucoup de dégâts occasionnés

10 au niveau des façades en pierre. De quel côté de la rue, se trouvaient les

11 maisons qui avaient des façades en pierre ?

12 R. Presque toutes les maisons. Je dirais sur la totalité des maisons de la

13 ville, 90 % des maisons ont une façade en pierre taillée. En face de notre

14 magasin, je vous ai parlé de cette maison qui a une façade en béton mais,

15 en général, presque toutes les maisons de la vieille ville ont une façade

16 en pierre de taille. En maçonnerie, par conséquent, là on peut voir encore

17 mieux.

18 La rue était complètement trouée pour ainsi dire. Beaucoup de marches

19 étaient endommagées parce que, n'oubliez pas, plusieurs obus avaient

20 atterri là-bas.

21 Q. En ce qui concerne ces façades de pierre dans la rue où se trouvait

22 votre boutique et en ce qui concerne aussi les autres types de façades, les

23 façades en béton, pourriez-vous nous dire quelle était la différence au

24 niveau des dégâts occasionnés sur les façades de béton et les façades de

25 pierre ?

Page 2955

1 R. Les dégâts au niveau des façades en béton sont bien plus graves. On les

2 voit mieux. La pierre est plus dure, donc vous voyez moins bien les dégâts.

3 Les dégâts se concentrent surtout autour des fenêtres et des portes. Sur

4 les façades en béton, les trous des impacts sont beaucoup plus larges.

5 Q. Pourriez-vous nous décrire les différences entres les dégâts au niveau

6 des façades en pierre et des façades en béton ?

7 R. Au niveau des façades en béton, les impacts, les cratères sont plus

8 importants, mais c'est bien plus facile de faire la reconstruction. La

9 façade en pierre, même si les cratères ne paraissent pas grands, les dégâts

10 sont, en réalité, plus difficiles à réparer dans la mesure où vous devez

11 changer le support en pierre pour réparer les dégâts au niveau de la

12 façade.

13 Q. Dans la rue où était la boutique, est-ce que les dégâts occasionnés aux

14 immeubles des deux côtés de la rue étaient à peu près égaux ou bien y

15 avait-il plus de dégâts d'un côté plutôt que de l'autre ?

16 R. Bien vous savez, les rues dans la vieille ville, elles ne sont pas plus

17 larges qu'un mètre, un mètre et demi, parfois deux mètres. Ces sont de

18 petites ruelles étroites. Il est difficile de dire que d'un côté, il y a

19 plus de dégâts que de l'autre. Par exemple, dans la maison où se trouvait

20 notre boutique, nous avons pu constater le lendemain qu'elle avait souffert

21 d'un impact direct au toit. Il est difficile de dire si d'un côté, il y

22 avait plus de dégâts que de l'autre. Ces ruelles elles sont étroites. Quel

23 que soit l'obus, le projectile qui tombe dans une telle ruelle et bien les

24 dégâts se font des deux côtés respectivement car ce sont de petites ruelles

25 étroites.

Page 2956

1 Q. Vous avez dit que votre bâtiment a fait l'objet d'un tir direct au

2 niveau du toit. Pourriez-vous nous décrire les dégâts occasionnés au toit ?

3 Par exemple, la dimension du cratère au niveau du toit ?

4 R. C'était un impact direct. C'était vraiment vers la fin du toit. En ce

5 qui concerne le cratère, son diamètre était de deux mètres ou deux mètres

6 et demi. Parfois, vous aviez des obus qui traversaient toute la maison,

7 mais dans notre cas, le projectile a explosé vraiment au niveau du toit, de

8 sorte que les dégâts étaient occasionnés vraiment au niveau du toit et des

9 combles.

10 Q. Pourriez-vous nous dire quels étaient les dommages infligés à cette

11 maison qui abritait la boutique ?

12 R. Je vous avais déjà dit les volets. Il y avait évidemment le toit qui

13 avait été endommagé, ensuite les volets de la maison, les persiennes

14 étaient complètement brisées à cause de l'autre projectile, celui qui est

15 tombé sur la rue. La porte d'entrée était complètement détruite aussi. On

16 peut dire qu'il s'agissait de gros dégâts, mais si vous comparez cela aux

17 dégâts subis par d'autres maisons, et bien, ils n'étaient pas bien sérieux.

18 Q. La boutique se trouvait au rez-de-chaussée et à l'étage il y avait un

19 appartement d'habitation, n'est-ce pas ? Pouvez-vous nous dire de combien

20 avait-il d'étages dans cette maison ?

21 R. Vous aviez la boutique au rez-de-chaussée, ensuite, il y avait un

22 étage, et ensuite, il y avait des combles mais habités, aménagés, vous

23 savez avec des poutres. Nous, on les appelle belvédères dans la vieille

24 ville.

25 Q. Pourriez-vous nous dire ce que c'est ?

Page 2957

1 R. C'est le nom que nous utilisons à Dubrovnik. Ce sont, en fait, les

2 châssis sur le toit que nous on appelle les belvédères. C'est pour pouvoir

3 aménager les combles et pour avoir une vue. Pour avoir une vue, c'est pour

4 cela qu'on dit belvédère; la belle vue. Pour avoir de la lumière aussi. Ces

5 châssis servaient à rendre habitables les combles de ces maisons anciennes.

6 Q. Vous avez dit que la porte de la boutique a été complètement détruite.

7 Est-ce qu'il y avait d'autres dégâts à ce niveau ?

8 R. Cette porte était complètement endommagée par les éclats d'obus. Toute

9 la porte devait être changée tout simplement. Il y avait des impacts

10 d'obus, la porte était complètement trouée. C'était une porte de bois.

11 Q. Quelle était la matière dont était faite cette porte ?

12 R. C'était une porte en bois. Vous savez, de toute façon, c'était la seule

13 matière qui était d'usage dans la vieille ville pour les portes et les

14 fenêtres, du bois. Les immeubles et les maisons étaient faits en pierre.

15 Q. Quels étaient les dégâts à l'intérieur de la boutique ?

16 R. Vous aviez un comptoir avec le téléphone, la caisse, et cetera. La

17 caisse était cassée à l'intérieur. Une partie du comptoir était détruit. Il

18 y avait aussi beaucoup de marchandises et de vivres, qui faisaient partie

19 de l'inventaire de la boutique, qui étaient détruits.

20 Q. Y avait-il des gens qui habitaient à l'étage au cours de l'attaque, à

21 savoir le 6 décembre 1991 ?

22 R. Il n'y avait qu'une vieille dame qui habitait de la maison. Elle est

23 décédée, il y a peu de temps, il y a cinq ou six ans en fait. En général,

24 elle dormait dans la forteresse de Revelin. Elle rentrait chez elle

25 uniquement dans la journée pour nettoyer un peu, pour s'occuper un petit

Page 2958

1 peu de son appartement. Elle passait ses nuits dans cette forteresse, la

2 forteresse de Revelin.

3 Q. Saviez-vous si elle était chez elle le jour de l'attaque, le 6 décembre

4 1991 ?

5 R. Non.

6 Q. Quand vous dites non, vous voulez dire que vous ne savez pas si elle

7 était à la maison ou bien est-ce que vous voulez dire qu'elle n'était pas à

8 la maison ?

9 R. Pour autant que je le sache, elle n'était pas à la maison.

10 Q. Est-ce qu'il y avait des dégâts au niveau des marches ? Est-ce qu'il y

11 a un escalier dans la rue où se trouve la boutique ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que c'est bien les marches dont vous parlez ?

14 R. Oui, ce sont les marches de la rue. Vous savez pour monter la rue, il

15 faut monter les marches, pour monter vers la Sainte-Marie. Toute la vieille

16 ville, toutes les rues de la vieille ville sont faites de marches, à part

17 la rue principale, Stradun.

18 Q. Pourriez-vous nous dire quels étaient les dégâts, au niveau des marches

19 dans la rue, occasionnés le 6 décembre ?

20 R. Toute la rue avec ses marches a été endommagée. Les marches étaient

21 cassées. Il y avait des trous, des cratères, au niveau de l'impact de

22 projectiles. C'étaient des marches en pierre qui étaient cassées, car il y

23 avait des obus qui sont tombés. Il y avait beaucoup de dégâts. Ce jour-là,

24 on avait du mal à descendre la rue même, après tout cela, avec tout ce

25 gravats

Page 2959

1 Q. Pourriez-vous nous dire à quelle distance se trouvent les marches par

2 rapport à la boutique ?

3 R. Dès que vous sortez dans la rue, vous êtes sur les marches directement,

4 en sortant de la boutique.

5 Q. Pouvez-vous nous donner le nom de la maison ou de l'immeuble qui se

6 trouve en face de l'église orthodoxe qui était en feu, le 6 décembre ?

7 R. C'est un palais, et je ne connais pas son nom exact. Je ne m'en

8 souviens pas. C'est, sans doute, écrit dans la carte. Je sais où il se

9 trouve, mais je ne me souviens pas de son nom exact.

10 Q. Vous avez parlé d'un autre palais. Est-ce que vous connaissez le nom de

11 ce deuxième palais qui était en feu ?

12 R. Il y avait le palais dans la Siroka Olica qui était en feu. Il y avait

13 des boutiques en bas, au rez-de-chaussée de ce bâtiment. Aujourd'hui, ce

14 bâtiment abrite la poste. Il y avait aussi l'immeuble qui se trouve sur

15 Stradun qui abrite le festival d'été de Dubrovnik qui était en feu, ce

16 jour-là.

17 Q. Ces dégâts, ces dommages que vous avez vus le 6 décembre et que vous

18 venez de nous décrire qui ont été occasionnés lors du bombardement du 6

19 décembre, est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez pu constater ces

20 mêmes dégâts, le 5 décembre ?

21 R. Mais non, pas du tout. Il y avait rien de tout cela. Le 5 décembre,

22 mais il y avait aussi les deux obus qui étaient tombés au mois d'octobre.

23 Ces obus avaient occasionné des dégâts au niveau de la rue Pracata, mais

24 ici il s'agit des dégâts infligés à la vieille ville et cela ne ressemblait

25 plus à une ville, cela ressemblait à une ruine, un mélange de gravats, de

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1 fumée, de feu, cela ressemblait à tout sauf à une ville.

2 Q. Avez-vous vu des drapeaux des Nations Unies ou de l'UNESCO dans la

3 vieille ville avant le 6 décembre ?

4 R. Dans la vieille ville, au niveau de la colonne d'Orlando, ainsi que sur

5 la forteresse de Minceta et de Lovrijenac, et Boka, à l'entrée dans la

6 ville, au niveau du portail de Pile où même avant, il y avait des drapeaux.

7 On a enlevé les drapeaux de la ville qu'on trouve à cet endroit même au

8 jour d'aujourd'hui. Ces drapeaux ont été remplacés par les drapeaux de

9 l'UNESCO et des Nations Unies. Il en allait de même pour le monastère des

10 petits frères, le monastère dominicain, le palais Sponza, le palais

11 directeur. On avait arboré ces drapeaux pour protéger la ville en tant que

12 patrimoine culturel. Et vous savez, il y avait beaucoup de gens, qui

13 auparavant habitaient à Gruz, à Lapad, enfin en dehors de la vieille ville.

14 Ils avaient déménagé dans la vieille ville en se disant, que de toute

15 façon, personne n'oserait tirer sur la vieille ville.

16 Et malheureusement, ceci est arrivé tout de même de sorte que tous ces

17 édifices importants ont été marqués, bien longtemps avant cette date-là.

18 Q. Je vais vous montrer un plan.

19 M. RE : [interprétation] Je voudrais qu'on montre au témoin la plan, le

20 grand plan de la vieille ville, ce qui est la pièce du Procureur, P13. Je

21 vais lui demander d'annoter ce plan.

22 Q. Monsieur Jovic, pourriez-vous situer, sur le plan, votre boutique et

23 nous la montrer.

24 R. Cette boutique se trouve dans la rue de Miha Pracata, la partie

25 supérieure de la ville, en remontant la rue, dans la partie supérieure de

Page 2961

1 la rue. Vous devez d'abord passer la rue de Nikola Gucetica, et c'est là

2 que se trouve la boutique, à peu près au milieu de ma rue.

3 Q. Pourriez-vous s'il vous plaît apposer la lettre A, et l'encercler au

4 niveau de votre boutique. Maintenant, je vais vous demander de noter

5 l'endroit où vous étiez avec Tonci, au moment où l'obus est tombé. Et je

6 vais vous demander de mettre une flèche dans la direction vers laquelle

7 vous étiez tournés [comme interprété].

8 R. [Le témoin s'exécute]

9 Q. Vous pourriez peut-être aussi apposer la lettre C au niveau de

10 l'escalier, des marches en pierre dans la rue, car on ne les a pas au

11 niveau de la carte.

12 R. Les marches commencent avec le début de la rue, et c'est là justement,

13 et vont jusqu'au moment où la rue croise la rue de Nikola Gucetic.

14 Q. Pourriez-vous apposer des lignes dans la rue pour nous montrer où se

15 trouvent les marches. Et ensuite, nous montrer tous les endroits, où ces

16 marches étaient endommagées par les obus.

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Pourriez-vous aussi noter la lettre C au niveau où se trouve le

19 bâtiment de la même façon que vous avez noté la lettre A. Et dessinez une

20 flèche au niveau de la rue montrant l'endroit de l'impact.

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. Vous avez aussi parlé d'une maison qui était en feu près de l'école

23 élémentaire. Pourriez-vous à nouveau noter la lettre D que vous allez

24 encercler pour marquer cette maison en feu.

25 R. [Le témoin s'exécute]

Page 2962

1 Q. Voyez-vous l'église orthodoxe sur cette carte ?

2 R. Non. Mais on voit le paquet de maisons où se trouve l'église orthodoxe.

3 Q. Pouvez-vous indiquer --

4 R. Qui est marquée par le chiffre 21.

5 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît noter l'endroit où vous avez cette

6 maison en feu et la maison se trouvant en face de l'église orthodoxe.

7 Pouvez-vous marquer cet endroit avec la lettre E que vous allez entourer.

8 Vous allez la placer dans un carré comme vous avez fait pour toutes les

9 autres lettres.

10 R. Lettre E ?

11 Q. Oui.

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 Q. Vous avez aussi parlé d'un autre palais, un palais en feu. Est-ce que

14 vous pourriez aussi noter cet endroit sur le plan en utilisant la lettre F.

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. Est-ce près du bureau de poste ?

17 R. La poste y est aujourd'hui.

18 Q. Vous avez aussi parlé d'autres bâtiments qui étaient en feu. Vous les

19 avez vus en train de brûler. Est-ce que vous pourriez les noter aussi sur

20 le plan à l'aide de la lettre G.

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. Connaissez-vous le nom de ce bâtiment que vous venez de marquer avec la

23 lettre G ?

24 R. C'est le bâtiment qui abrite le festival d'été de Dubrovnik. Je ne

25 connais pas le nom exact de ce palais.

Page 2963

1 Q. Si vous en avez vu d'autres, si vous avez vu d'autres maisons et

2 édifices en feu ce jour-là, pourriez-vous, s'il vous plaît, les marquer

3 avec la lettre H.

4 R. J'étais en train de sortir de la ville et, en sortant de la ville, je

5 n'ai pas vu de maisons en feu, à part l'hôtel au niveau de Pile.

6 Q. Mais cet hôtel se trouve en dehors de la vieille ville.

7 R. Oui, oui.

8 Q. Merci.

9 M. RE : [interprétation] Puis-je demander à l'Huissier de noter cela sur

10 les côtés avec une légende, A, B, C, D, E, F, G, H ?

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela peut être fait, mais peut-être

12 pendant la pause.

13 M. RE : [interprétation]

14 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, écrire votre nom en bas de la carte et

15 signer, et y mettre la date d'aujourd'hui, le 24 février 2004.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 M. RE : [interprétation] Je pensais que nous pourrions peut-être prendre la

18 pause à présent et, pendant la pause, l'Huissier pourrait annoter la

19 carte ?

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une

21 pause de 20 minutes.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

23 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

25 Oui, Monsieur Re.

Page 2964

1 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends qu'au cours de

2 l'interruption, la suspension de séance, les fonctionnaires ont apporté

3 certaines marques sur la carte. Pourrais-je, s'il vous plaît, y jeter un

4 coup d'œil ? Je vous remercie. On a écrit un A, là où il y a le magasin de

5 M. Jovic; B, les flèches qui indiquent où il se trouvait par rapport à

6 l'escalier; C, avez des flèches qui montrent où les obus ont été tirés et

7 endommagés l'escalier; D, l'endroit où se trouve la maison proche de

8 l'école primaire, au pied on y verrait le feu; E, l'endroit où se trouvait

9 le bâtiment proche de l'église orthodoxe qui était en feu; F, l'endroit où

10 se trouve le palais près du bureau de poste, qui était en feu; G, les

11 autres bâtiments en feu [le festival d'été de Dubrovnik], le bâtiment qui y

12 est consacré; et H, il n'y a rien qui le désigne plus particulièrement.

13 Q. Alors, je vous pose la question en ce qui concerne H, Monsieur Jovic,

14 juste avant que nous nous interrompions. Je ne suis pas complètement sûr si

15 on avait clarifié toutes ces questions précisant en ce qui concerne les

16 autres bâtiments que vous pouvez voir en feu dans la vieille ville. Est-ce

17 que vous pourriez marquer ceci avec un H ?

18 R. Dans la vieille ville, il y avait probablement -- il y avait,

19 effectivement, beaucoup de maisons endommagées parce qu'il n'y a que

20 quelques maisons qui n'ont pas subies des tirs. Je n'ai défini ici que les

21 maisons que j'ai vues au moment où nous étions en train de quitter la

22 vieille ville lorsque nous partions pour rentrer chez nous, et pour

23 lesquelles je suis sûr qu'elles étaient en feu.

24 Q. Je vous remercie.

25 M. RE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait demander le versement de

Page 2965

1 cette carte au dossier, s'il vous plaît ?

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle sera reçue.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de l'Accusation P75.

4 M. RE : [interprétation]

5 Q. Monsieur Jovic, combien d'employés est-ce que M. Mato Skocko avait le 6

6 décembre 1991 ?

7 R. Le 6 décembre, dans le magasin, il y avait moi-même, ma sœur, son fils

8 Tonci et Mato Skocko. Il y avait une autre dame qui s'appelait Silva. Je ne

9 me souviens plus de son nom de famille. Elle n'était pas un employé. Elle

10 travaillait également dans le quartier de Lapad, mais elle n'est pas venue

11 travailler ce jour-là.

12 Q. Avez-vous pu -- non, excusez-moi. Est-ce que vous êtes retourné à la

13 vieille ville le 7 décembre ?

14 R. Oui, nous y sommes retournés après que je sois allé à Gruz pour faire

15 soigner ma blessure. Ensuite, nous sommes allés dans la vieille ville, mais

16 il y avait déjà plusieurs milliers de personnes sur le Stradun qui étaient

17 venus voir ce qui s'était passé, de sorte qu'à certains endroits de la

18 ville, il y avait foule de personnes qui étaient en train, en fait, de

19 nettoyer, et dans ces vieilles maisons, ces vieilles maisons qui avaient

20 été incendiées et qui fumaient encore. La ville était dans un état

21 désastreux. On pouvait, à ce moment-là, voir ce qui s'était vraiment passé.

22 Toutes les intersections étaient couvertes de gravât et débris, de morceaux

23 de bois, les briques étaient tombées, les tuiles étaient tombées des toits,

24 le Stradun était une véritable montagne de gravât. C'est comme cela que la

25 route principale de la ville nous paraissait.

Page 2966

1 Q. Est-ce que vous avez aidé à nettoyer ?

2 R. Non.

3 Q. Quelles réparations ont été apportées au magasin de Mato Skocko à la

4 suite de l'attaque du 6 décembre ?

5 R. Le 7, ou peut-être dans l'après-midi du 7, ou le même jour, ou le 7

6 dans la matinée, des gens sont venus, qui ont apporté quelques réparations

7 de fortune à la porte, qui ont simplement cloué des planches avant qu'on

8 n'ait pu mettre une nouvelle porte, avant qu'ils ne puissent remplacer ceci

9 parce que -- remplacé la tuile parce que l'ancienne n'était plus

10 utilisable. Ensuite, ils ont emporté un certain nombre de tuiles avec du

11 verre brisé parce que les bouteilles avaient toutes été brisées par

12 l'explosion. Nous avons tout nettoyé ce jour-là et le 8 également.

13 Q. Quel a été l'effet des drapeaux de l'ONU et de l'UNESCO dans la vieille

14 ville sur les gens de Dubrovnik, la population de la vieille ville ?

15 Excusez-moi, quel était le moral des gens de la vieille ville de Dubrovnik

16 proprement dite ?

17 R. Les drapeaux de l'UNESCO et des Nations Unies, qui avaient été hissés

18 sur les remparts, sur les forts de la vieille ville, afin de protéger les

19 monuments culturels -- les monuments historiques, en fait, avaient inspiré

20 un certaine confiance et un sentiment de sécurité aux habitants parce que

21 les habitants pensaient que, grâce à cela, ces bâtiments ne seraient pas

22 pris pour cible -- la ville ne serait pas pris pour cible ou ne serait pas

23 pilonnée. En fait, non seulement ils ont pensé que ceci n'aurait pas lieu,

24 mais ils ont également -- c'est également la communauté internationale et

25 le reste du monde qui les -- qui protégeraient la vieille ville.

Page 2967

1 Malheureusement, ceci n'est pas comment les choses ont tourné, de sorte que

2 les gens n'ont plus cru aux Nations Unies, ainsi que les autres

3 institutions qui étaient censées protéger la ville et qui ne l'avaient pas

4 fait.

5 Q. Pour autant que vous le sachiez, en octobre, en décembre et jusqu'au 6

6 décembre 1991, y avait-il une installation militaire ou des mortiers situés

7 dans la vieille ville ?

8 R. Il y avait -- ce n'est pas qu'il n'y avait pas de mortiers dans la

9 vieille ville. Il n'y avait pas de soldats -- il n'y avait pas d'armée.

10 Peut-être qu'il y avait un soldat ou deux qui paraissaient en ville parce

11 qu'ils rentraient chez eux en permission, mais il n'y avait pas de position

12 militaire dans la vieille ville de Dubrovnik. Il n'y en avait pas du tout.

13 M. RE : [interprétation] L'interrogatoire -- j'en ai terminé avec

14 l'interrogatoire principal.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

16 Monsieur Rodic.

17 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

18 Est-ce que l'Huissier, pourrait, s'il vous plaît, m'approcher le pupitre.

19 Contre-interrogatoire par M. Rodic :

20 Q. Monsieur Jovic, bonjour. Je suis Goran Rodic, avocat de la Défense. Je

21 vais vous poser un certain nombre de questions concernant la déposition que

22 vous venez de faire.

23 D'emblée, je voudrais vous demander, puisque nous parlons la même langue,

24 d'attendre que mes questions aient été interprétées ou traduites de façon à

25 ce qu'il n'y ait pas de chevauchement et que ceci ne rend pas le travail

Page 2968

1 des interprètes difficile.

2 Pourriez-vous nous dire où exactement vous résidiez à Gruz?

3 R. La rue Stjepan Cvijica.

4 Q. S'agit-il d'une maison de famille, d'une résidence, qu'est-ce

5 exactement ?

6 R. Il s'agit d'un appartement.

7 Q. Qui vit là avec vous ?

8 R. Vous voulez dire à l'époque ou maintenant.

9 Q. A l'époque.

10 R. C'était moi, mon épouse, ma fille, ma mère et ma grand-mère.

11 Q. Est-il exact qu'immédiatement avant le début de cette guerre, vous avez

12 commencé à travailler dans ce magasin ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Vous avez fait votre service militaire en 1993 et vous l'avez achevé à

15 ce moment-là, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Lorsque vous êtes retourné à Dubrovnik, est-ce qu'on vous a donné un

18 poste de mobilisation et dans quelle unité ?

19 R. Je devais faire partie de la Défense territoriale.

20 Q. Et quel était votre poste de mobilisation dans la Défense

21 territoriale ?

22 R. C'était la même chose que ce qui se passait lorsque j'avais reçu une

23 formation dans l'armée, à savoir opérateur de Maljutkas.

24 Q. Au cours de la période 1983 à 1991, est-ce que vous avez participé à

25 des exercices militaires en tant que réserviste ?

Page 2969

1 R. Non. Je me suis trouvé deux fois de suite à Trebinje, c'est-à-dire à la

2 caserne de Trebinje où nous avions des entraînements pour la Maljutka,

3 c'est-à-dire les lance-roquettes multiples.

4 Q. Alors en tant que réserviste de la Défense territoriale, est-ce que

5 vous faisiez partie de la brigade de Trebinje ?

6 R. Non, non. C'était la Défense territoriale de Dubrovnik. C'est comme

7 cela qu'on l'appelait.

8 Q. Vous dites que vous avez été appelé sous les drapeaux et que vous avez

9 reçu l'appel à mobilisation d'une commission militaire, que cette

10 convocation vous a été apportée par un postier qui avait été lui-même

11 mobilisé, n'est-ce pas vrai ?

12 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. Il est probable qu'il avait également été

13 mobilisé.

14 Q. Pourriez-vous être un peu plus précis en nous disant ce qui s'est

15 passé, en ce qui concerne la mobilisation générale, lorsqu'elle a été

16 déclarée ?

17 R. La mobilisation a commencé un peu plus tôt, peut-être déjà vers le mois

18 de -- 25, ou 26 ou 27 novembre, au moment où les attaques sur Konavle

19 avaient commencées.

20 Q. Est-ce que la mobilisation générale a été décrétée et publiée par les

21 médias d'une façon quelconque par la radio, par la télévision ?

22 R. Je ne sais pas.

23 Q. Est-ce que la mobilisation générale impliquait que tous les hommes, en

24 âge de porter les armes, devaient se présenter aux postes les plus proches,

25 aux unités militaires ?

Page 2970

1 R. Pour autant que je le sache, ceux, qui ont reçu ces convocations, ce

2 sont effectivement présentés.

3 Q. Mais lorsque la mobilisation était en cours, les gens pouvaient

4 également se présenter sans avoir été convoqués, n'est-ce pas ?

5 R. Probablement, oui.

6 Q. Vous avez dit que vous aviez reçu la convocation chez vous et vous

7 aviez répondu, ou plus exactement que le poste où vous deviez vous

8 présenter était à Gruz à l'hôtel Stadion; c'est exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Y avait-il également à l'hôtel Stadion, y avait-il un certain nombre de

11 membres du Corps de la Garde nationale ?

12 R. A l'époque non. Pour autant que je le sache, il se trouvait à Vila

13 Rasica, pour ce qui est du Corps de la Garde nationale.

14 Q. Y aurait-il des unités ou des positions autour de l'hôtel Stadion ?

15 R. Non. Il n'y en avait pas.

16 Q. Lorsque vous êtes parti de cet endroit, de l'hôtel Stadion et lorsque

17 vous avez été envoyé à Rasica, est-ce qu'on ne vous a pas hébergé à l'hôtel

18 Vrtovi Sunca ?

19 R. Oui, c'est cela.

20 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr de ce qu'a dit le témoin pour le

21 compte rendu parce qu'il y a eu une erreur dans le compte rendu.

22 M. RODIC : [interprétation]

23 Q. Avez-vous été muté de l'hôtel Stadion à Orasac et avez-vous été logé

24 là-bas à l'hôtel Vrtovi Sunca ?

25 R. Depuis l'hôtel Stadion, les cinq ou six que nous étions, qui s'y

Page 2971

1 trouvions là, sommes allés dans une voiture particulière à Orasac, à

2 l'hôtel Vrtovi Sunca.

3 Q. Y avait-il des membres de la Garde nationale ZNG là-bas ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que ceci veut dire que c'était seulement vous cinq, qui vous

6 trouviez à l'hôtel Vrtovi Sunca, et dans le secteur, pour ce qui concernait

7 les soldats en général ?

8 R. Ce que nous étions, ce que nous représentions que nous fussions des

9 soldats, cela c'est une des choses difficiles à dire. Nous avons été

10 envoyés là-bas, c'était un ordre pour rejoindre l'armée ou la police, pour

11 apporter ces Maljutkas, mais nous n'avions pas d'armes, nous n'avions pas

12 d'uniformes.

13 Q. Etiez-vous censé vous servir de ces Maljutkas pour ouvrir le feu contre

14 la canonnière de la JNA, si vous les receviez ?

15 R. Oui.

16 Q. Ne me dites pas que c'étaient vous cinq, seulement qui deviez combattre

17 un navire de guerre de la JNA ?

18 R. J'ai dit pourquoi nous avions été envoyés là-bas. Maintenant bien

19 entendu l'armée qui se trouvait alentour n'était pas Orasac encore parce

20 qu'Orasac n'avais pas encore été libérée. C'est peut-être près du secteur

21 de Slano qu'il y avait des soldats, mais il n'y en avait aucun à Orasac.

22 Q. Où se trouvaient les positions les plus proches de l'armée croate à

23 votre connaissance ?

24 R. Dans le secteur de Slano pour autant que je le sache, du côté de

25 Trebinje.

Page 2972

1 Q. Qui était censé vous remettre ces Maljutkas ?

2 R. Probablement quelqu'un était censé les apporter par véhicule jusqu'à ce

3 point et nous étions là à attendre à l'hôtel Vrtovi Sunca. Il n'y avait pas

4 d'électricité à l'époque et nous dormions sur place et nous prenions nos

5 repas également sur place parce que bien sûr, un très grand nombre de

6 personnes avaient commencé à se rassembler, comme étant des réfugiés parce

7 qu'ils fuyaient, ils étaient en fuite.

8 Q. Ceux qui étaient censés apporter les Maljutkas, comment étaient-ils en

9 mesure de faire une distinction entre vous et les réfugiés qui se

10 trouvaient là ?

11 R. Ils savaient où nous étions.

12 Q. Qui était censé vous les apporter?

13 R. C'était probablement quelqu'un de la Défense civile, de la Défense

14 territoriale, police, quelqu'un était censé nous apporter.

15 Q. Qui était censé vous donner les instructions concernant votre mission

16 en ce qui concerne vos tâches, et l'opération concrète contre les -- enfin,

17 disant les positions que vous y êtes censé prendre avec ces armes ?

18 R. Nous étions censé établir ces positions nous-même, et cette personne

19 qui se trouvait dans la camionnette était censée également nous y conduire.

20 Nous étions censés établir nos positions par rapport aux deux bateaux qui

21 se trouvaient dans le canal.

22 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité d'avoir une reconnaissance du

23 terrain, alors que vous attendiez les Maljutkas pour voir qu'il serait

24 l'emplacement le plus favorable ?

25 R. Oui. Nous sommes allés reconnaître le terrain, mais nous n'avons pas

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1 identifié où trouver les positions spécifiques jusqu'au moment où on

2 obtiendrait les Maljutkas. Nous n'avons pas obtenu les Maljutkas de sorte

3 que tout s'est arrêté là.

4 Q. Quel aurait été -- est-ce que ces Maljutkas vous auraient été livrés à

5 l'hôtel ?

6 R. Probablement pas à l'hôtel. Il est probable que quelque part sur la

7 route ou sur la côte, nous les aurions eus. A ce moment-là, on les aurait

8 emmenés dans la camionnette ou dans la voiture jusqu'au point voulu.

9 Q. Où peut-on s'approcher en voiture ?

10 R. Près de la mer, près de la côte.

11 Q. Alors, votre position d'où vous allez ouvrir le feu, est-ce qu'elle

12 aurait dû être proche de la mer ou de la côte ?

13 R. Oui, cela l'aurait dû être comme cela.

14 Q. Est-ce que ces positions avaient été préparées précédemment, ou est-ce

15 que vous alliez utiliser les structures déjà existantes ?

16 R. Rien n'avait été préparé d'avance.

17 Q. J'imagine que vous n'auriez pas ouvert le feu à partir de la plage ?

18 R. Il se peut que cela ait été le cas parce qu'on ne savait pas vraiment

19 qu'il était la situation. Il y avait un bateau qui naviguait dans le canal,

20 et qui ouvrait le feu sur les habitants, et peut-être les camions, qui sait

21 quelle position précise nous aurions adoptée si nous avions reçu ces armes

22 et, à partir de quel point, nous aurions ouvert le feu.

23 Q. Je ne crois pas que dans votre formation militaire que vous aviez

24 achevée dans la JNA --

25 R. Oui.

Page 2974

1 Q. Vous ayez été formé à ouvrir le feu avec Maljutka sans protection vis-

2 à-vis de l'objectif que vous preniez pour cible ?

3 R. C'était à une époque différente où vous ne pouvez pas vraiment

4 appliquer tout ce que vous avez fait ou appris dans l'armée, et creuser les

5 tranchets le long d'Orasac, être en mesure de suivre un ordre particulier

6 d'ouvrir le feu contre ces bâtiments -- contre ces bateaux.

7 Q. Pourriez-vous nous dire qui vous a en fait envoyé là-bas ? Qui vous a

8 envoyé à Orasac avec cette mission ?

9 R. Ceux du bureau de recrutement.

10 Q. Mais qui en particulier ?

11 R. Je ne peux pas me rappeler précisément. Je ne sais pas, je ne

12 connaissais pas leurs noms. Pour le moment, en tout les cas, je ne peux

13 m'en souvenir.

14 Q. Est-ce que vous ne vous rappelez d'aucun nom, de quelqu'un qui aurait

15 été en rapport avec vous à ce sujet ?

16 R. Non.

17 Q. Où se trouvait le bureau de recrutement ? Où se trouvaient les gens qui

18 vous ont envoyé à Orasac ?

19 R. Que voulez-vous dire ?

20 Q. L'emplacement du bureau de recrutement qui vous a dit de vous rendre

21 là-bas ?

22 R. C'était à une distance environ 500 mètres de l'hôtel Stadion où nous

23 nous trouvions. C'est proche de Buninovo.

24 Q. C'est la direction générale de la vieille ville ?

25 R. Oui.

Page 2975

1 Q. Qui vous a appelé, vous a convoqué là de façon à ce qu'on vous informe

2 de vos missions ?

3 R. Il y avait cet homme qui est venu jusqu'à l'hôtel pour nous convoquer.

4 Q. Quel était cet homme ? Quel était son nom ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Est-ce que c'était un militaire ? Est-ce qu'il était en uniforme ? Est-

7 ce que c'était un gradé ?

8 R. A l'époque, c'était un civil.

9 Q. Est-ce que vous connaissiez personnellement cet homme avant cette

10 situation dans cette mission dont nous avons parlée ?

11 R. Non.

12 Q. Comment se fait-il que lui savait exactement à qu'il devait parler, et

13 comment vous pourriez vous réunir ? Enfin, comment il pouvait vous

14 trouver ?

15 R. Peut-être qu'il connaissait mon nom et mon prénom.

16 Q. Est-ce que quelqu'un a fait à l'appel des noms lorsqu'il est venu ?

17 R. Lorsqu'il est venu, il cherchait précisément les quatre ou cinq

18 personnes qui étaient là, c'est à nous parce que nous n'avions pas été

19 mobilisés.

20 Q. Qui dans ce groupe aurait dû être le commandant, aurait dû être

21 responsable, aurait dû être le chef et dire aux autres ce qu'il y avait à

22 faire ?

23 R. Bien, ce n'était pas le point essentiel, ce n'était pas une armée au

24 sens propre. Il n'y avait pas de structure de ce genre en place.

25 Q. Est-ce que cela veut dire que les cinq d'entre vous avaient la liberté

Page 2976

1 de faire ce qu'ils voulaient ?

2 R. Oui. En fait, l'un quelconque d'entre nous aurait pu s'en aller, l'un

3 quelconque aurait pu décider de ne pas se joindre à nous. Il était libre de

4 le faire.

5 Q. Lorsque vous avez reçu l'ordre de mobilisation, c'est quand même

6 quelque chose d'obligatoire, il y a une obligation, non ?

7 R. Oui, je suppose, mais c'était un moment très différent, des choses

8 étranges se passaient là-bas. Ce qui est arrivé à Dubrovnik à l'époque,

9 c'était une guerre pour laquelle nous n'étions pas préparés, nous ne

10 l'avons pas vu venir.

11 Q. Vous avez dit que vous avez pris un bateau de l'agence Atlas pour vous

12 rendre à Babin Kuk, pour votre retour d'Orasac ?

13 R. Oui.

14 Q. De quel type de bateau de la compagnie Atlas s'agissait-il ? Est-ce que

15 c'était un bateau pour Babin Kuk en route d'Orasac ?

16 R. Oui.

17 Q. Que se passait-il pour la marine croate ? Est-ce qu'elle avait été

18 réquisitionnée par -- est-ce que ce bateau a été réquisitionné par la

19 marine croate ?

20 R. Il a été utilisé comme pour transporter des civils en navette à partir

21 de la ville. C'est pour cela qu'on l'utilisait comme "ferry".

22 Q. Est-ce qu'il a été utilisé pour transporter des soldats aussi ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Alors, qu'est-ce que vous avez fait à Babin Kuk ? De quelle unité

25 s'agissait-il ? Quelle était l'unité positionnée à cet endroit-là ?

Page 2977

1 R. En fait, ce n'était pas une unité, et nous n'avons rien fait de

2 particulier là-bas. Nous nous sommes simplement descendus du bateau, nous

3 avons reçu -- nous sommes allés à l'hôtel Stadion pour voir à qui nous

4 pourrions nous adresser, à qui nous devions nous présenter, mais une partie

5 des personnes en question avait déjà quitté pour rejoindre leur position,

6 et nous n'avons trouvé personne sur place. Alors, un homme est venu, il

7 nous a dit de nous rendre au bureau de recrutement, et de voir ce que nous

8 étions censés faire. Alors, à ce moment-là, nous nous sommes rendus là-bas,

9 et nous avons vu un fonctionnaire qui ne pouvait pas nous dire où nous

10 devions nous rendre. C'est pour cela que je suis rentré chez moi.

11 Q. Ce bateau de la société Atlas, au lieu d'aller à Babin Kuk, pourquoi

12 n'est-il pas allé directement au quai de Gruz ?

13 R. Je ne sais pas. C'était probablement la voie la plus rapide. De cette

14 façon, il pouvait faire deux ou trois tournées par jour et transporter

15 avantage de gens.

16 Q. Cet homme auquel vous allez vous présenter plus tard au bureau de

17 Recrutement, était-ce une personne différente de celle qui vous avait

18 envoyé à Orasica ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous l'avez connu, lui ?

21 R. Non.

22 Q. Répondant aux questions qui vous ont été posées par le Procureur, vous

23 avez dit qu'ensuite, le 4 et le 5 novembre -- octobre, vous vous étiez

24 présenté une fois de plus au commandement.

25 R. Oui, lorsque j'y suis revenu.

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1 Q. De quel commandement il s'agit ?

2 R. Lorsque nous étions d'abord de retour d'Orasac, le 1er octobre, lorsque

3 commença une première attaque contre la ville, nous étions partis à Orasac.

4 Lorsque Slano a été tombée, les gens -- les habitants des environ ont pris

5 la fuite et -- de leur lieux -- de leurs maisons, et c'est ainsi que, dans

6 l'hôtel Vrtovi Sunca, nous nous sommes retrouvés. Nous, nous avons été

7 transportés par cette camionnette, de Zaton, pour passer à Babin Kuk à

8 Zaton.

9 C'est ensuite que nous nous sommes présentés à ce qu'on appelait le bureau

10 militaire, où se trouvait ce commandement. Il s'agissait-il du commandement

11 de la défense de la ville ou pas, je n'en sais rien. Je ne pense pas que

12 cela ait pu être le cas.

13 Q. Qui était à la tête de ce commandement où vous vous êtes présentés ?

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Ensuite, vous dites qu'étant donné que vous étiez sans arme, vous êtes

16 rentré chez vous à Gruz, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Dites-moi, à quelle unité avez-vous été affecté le 31 décembre ?

19 R. A aucune. J'ai dit que je n'étais pas dans l'armée jusque 31 décembre.

20 Q. Depuis le 31 décembre et, ensuite -- par la suite ?

21 R. Oui, après, j'y étais, jusqu'en mars, avril.

22 Q. Où étiez-vous ?

23 R. Dans le 163e Brigade.

24 Q. Du ZNG ?

25 R. De l'armée croate.

Page 2979

1 Q. Où se trouvait basée cette 163e Brigade de l'armée croate ?

2 R. Au poste de défense de la ville de Dubrovnik.

3 Q. Pouvez-vous me préciser les positions, les postes, tenus par cette

4 armée ?

5 R. Quant à moi, je me trouvais dans l'île de Lokrum. Excusez-moi, je me

6 suis trompé -- dans l'île de Kolocep.

7 Q. Quant aux autres parties de la brigade, où se trouvaient-elles

8 déployées ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. Dites-moi si, du mois d'octobre ou novembre, vous avez été engagé à

11 transporter de la nourriture vers Srdj, où se trouvaient les positions de

12 l'armée croate ?

13 R. Non. C'est que -- ce n'est pas dire que j'ai été engagé à organiser le

14 transport d'aliments vers Srdj. Mais à une occasion seulement, j'y suis

15 allé pour transporter des aliments à Srdj.

16 Q. Quant était-ce ?

17 R. En novembre.

18 Q. Pouvez-vous être un peu plus précis, pour parler du mois de novembre ?

19 R. Peut-être le 10 ou le 11 ou le 15. Je ne saurais être plus précis.

20 Q. A combien de reprises vous y êtes-vous rendu ?

21 R. A une seule reprise, un seul jour.

22 Q. Comment vous êtes arrivé à passer jusqu'à Srdj ?

23 R. A pied.

24 Q. Est-ce dire que c'est de concert avec Tonci Skocko que vous vous êtes

25 occupé de ce ravitaillement ?

Page 2980

1 R. Non.

2 Q. Mais avec qui ?

3 R. Avec d'autres civils qui étaient là -- qui se sont trouvés là et qui

4 étaient prêts à aider. Peut-être qu'il y en avait toujours d'autres qui

5 allaient également d'autres jours, mais qui c'étaient, je n'en sais rien.

6 Q. D'où transportiez-vous ces aliments ? Qui vous a assigné à cette

7 tâche ?

8 R. Depuis la vieille ville, en direction de Sipsin, où se trouve comme un

9 piton de Glavica, on prenait une camionnette. Après quoi, comme tout a été

10 bloqué de partout, il a fallu monté la pente et transporter le tout à pied.

11 Q. Est-ce dire qu'un seul homme pouvait s'en acquitter pour porter tout

12 cela ?

13 R. Je n'ai pas dit que j'étais seul.

14 Q. Combien étiez-vous ?

15 R. Nous étions cinq, six, sept, dix.

16 Q. Attendez pour que l'on traduise votre réponse.

17 R. Je disais que nous étions de sept à dix. Je n'en sais plus rien

18 d'ailleurs quant au nombre de gens.

19 Q. Vous étiez tous en tenu de civils ?

20 R. Oui.

21 Q. Qui c'est qui vous rassemble pour faire une sélection de vous, qui

22 étiez sept ou dix civils, pour vous acquitter de ces tâches ? Qui s'est --

23 et attendez que je termine ma phrase -- qui s'est qui vous a rassemblé

24 comme cela pour vous assigner à cette tâche-là, laquelle consistait à ce

25 que vous transportiez des aliments à Srdj ?

Page 2981

1 R. Ce n'est pas dire que quelqu'un devait nous choisir -- nous

2 sélectionner pour nous assigner à cette tâche. Probablement, des gens

3 étaient tous des volontaires et qui se portaient volontaires pour porter, à

4 bord d'une camionnette, ces aliments. Il y avait partout, à tout moment,

5 des civils qui étaient prêts à le faire. Il y en avait qui le voulaient,

6 d'autres qui ne le voulaient pas.

7 Q. Où et à qui deviez-vous vous présenter pour exécuter ces tâches ?

8 R. C'est que j'étais passé par là.

9 Q. Pouvez-vous être un peu plus précis ?

10 R. J'étais non loin de cet emplacement de Glavica et c'est comme cela.

11 Q. C'est près de cette Glavica, Ilijina Glavica, que vous vous trouvez, en

12 présence de quelqu'un qui vous donne cet ordre, cette tâche à accomplir,

13 pour apporter des aliments à Srdj ?

14 R. Oui. Ce n'est pas que quelqu'un nous donnait des ordres ou nous

15 assignait une tâche, mais, tout simplement, on me demandait si j'étais prêt

16 à le faire, qu'il me demandait à le faire.

17 Q. Qui c'était, s'il vous plaît, qui vous a demandé à aller à Ilijina

18 Glavica pour porter des aliments à Srdj ?

19 R. Mais il y avait toujours quelqu'un. Je ne sais pas qui c'était.

20 Probablement quelqu'un des autorités militaires, mais qui était-ce, je n'en

21 sais rien.

22 Q. S'agissait-il d'un militaire ?

23 R. Probablement que oui. Ceci devait l'être.

24 Q. Est-ce qu'il y a un bureau de poste à Ilijina Glavica ?

25 R. Oui.

Page 2982

1 Q. Est-ce que c'est au beau milieu d'épinettes ?

2 R. Près du bureau de poste ?

3 Q. Non. Mais, pour parler de ce site-là, est-ce qu'il y a des arbres, de

4 la verdure ?

5 R. Pas vraiment près du bureau de poste. Un peu plus tôt en dessous du

6 bureau PTT, ce qu'on appelle "Bogisica Park" -- le parc Bogisica, c'est

7 plus près de la vieille ville.

8 Q. Pour parler de ce piton, d'Ilijina Glavica, y a-t-il eu des positions

9 d'artillerie -- de l'artillerie de l'armée croate ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Est-ce dire que fréquemment vous empruntiez cette route-là pour aller

12 de Gruz en direction de la vieille ville ? Vous étiez obligé de passer par

13 cette Glavica -- Ilijina de Glavica ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qui vous est arrivé d'entendre opérer à partir de ces cites-là,

16 de ces positions ?

17 R. Non.

18 Q. Vous se trouve le parc Bogicica par rapport à Ilijina Glavica ?

19 R. En direction de la vieille ville, c'est-à-dire, il y a une pente qui

20 descend en direction de la vieille ville à cet endroit même.

21 Q. Depuis Ilijina Glavica, quelle distance approximativement se trouve le

22 parc Bogisica ?

23 R. Peut-être à une distance de 500 mètres.

24 Q. Combien faut-il encore faire de parc Bogisica à la vieille ville ?

25 R. Tout de suite après le parc Bogisica, vous avez un hôtel et puis Pile,

Page 2983

1 ce "square" et vous avez la vieille ville -- vous entrez dans la vieille

2 ville.

3 Q. Pour mesurer tout cela en mètres, pouvez-vous être un peu plus précis,

4 nous en donner une idée de sa distance ?

5 R. Bien, le tout devrait peut-être faire deux kilomètres. Deux kilomètres

6 et demi.

7 Q. Du parc Bogisica de la vieille ville.

8 R. Non, non. Je parlais depuis Ilijina Glavica.

9 Q. Ma question plutôt visait à savoir quelle serait la distance du parc

10 Bogisica de la vieille ville ?

11 R. Je ne saurais pas vous le dire. Peut-être un kilomètre, y aurait-il un

12 kilomètre ?

13 Q. A qui avez-vous remis ces aliments à Srjd ?

14 R. A l'armée.

15 Q. A qui deviez-vous vous présenter ?

16 R. Je ne sais pas. Probablement quelqu'un qui était le responsable là-bas,

17 chef -- un chef.

18 Q. Est-ce que vous connaissiez quelqu'un parmi les soldats qui s'y

19 trouvaient là-haut ?

20 R. Pas vraiment.

21 Q. Quel âge avez-vous en 1991 lorsque tout commença ?

22 R. Combien ? Dans les 28 ans.

23 Q. Jusqu'à l'âge de 28 ans vous ne connaissez personne à Dubrovnik ?

24 R. Peut-être que oui.

25 Q. Mais vous ne voulez pas nous le dire.

Page 2984

1 R. Mais il ne s'agit pas de personne que je connaissais. Est-ce que je

2 devrais les connaître ?

3 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de vous rendre ailleurs pour ravitailler

4 en victuaille les autres postes ou positions de l'armée croate ?

5 R. Non.

6 Q. Attendez que je termine ma question pour y répondre. Pouvez-vous me

7 répondre maintenant ?

8 R. Non.

9 Q. Quelle était la couleur de cette camionnette ou de ce véhicule, moyen à

10 lequel vous avez transporté les aliments ?

11 R. Mais on ne peut parler de couleur parce qu'il n'y avait pas de

12 véhicule. Nous devions le faire à pied parce que la camionnette ne pouvait

13 pas monter la pente pour monter à Srdj.

14 Q. En quoi se trouvait -- et dans quoi plutôt ces aliments ?

15 R. Dans les gamelles, marmites, pour parler des aliments, la nourriture,

16 du pain. Quand au pain, il était dans des sacs.

17 Q. Pour parler des mois d'octobre et décembre, quelle était l'assignation

18 de Tonci Skocko ?

19 R. Aucune. Il n'était nulle part à signer. Il se trouvait au magasin tout

20 le temps, tout ce temps-là.

21 Q. Son père, quant à lui, soutenait qu'il ne voulait pas quitter Dubrovnik

22 pour se rendre à Zagreb, il voulait défendre à Dubrovnik.

23 R. Je ne sais pas ce que son père pensait. C'est à lui de poser la

24 question.

25 M. RE : [interprétation] Objection que j'ai à soulever au sujet de cette

Page 2985

1 question. Il s'agit d'un fait qui n'a pas été avancé lors de la déposition

2 du témoin. Il l'est une façon appropriée de mener le contre-interrogatoire.

3 Quant à moi, ceci ne l'est pas. Lorsqu'on pose la question de savoir si ce

4 fait-là devait être passé par le billet du père.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic.

6 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais peut-être poser

7 une autre question. Il est vrai que ce fait-là ne serait déduire d'une

8 question qui aurait été posée lors de l'interrogatoire principal -- mais je

9 vais essayer de reformuler la question ou se sauter cette question.

10 Q. Dites-moi, Monsieur le Témoin, le père de Tonci était chef gérant du

11 magasin ?

12 R. Oui.

13 Q. S'agissait-il de dire que le magasin était du secteur social ou peut-

14 être en propriété privée ?

15 R. Il s'agissait d'une entreprise médiateur, en propriété privée.

16 Q. Qui était le propriétaire ?

17 R. Mirko Obrvan.

18 Q. Pouvez-vous reprendre ce nom, s'il vous plaît, pour le transcript ?

19 R. Mirko Obrvan.

20 Q. Est-ce dit que c'est dans votre magasin que les soldats de l'ancienne

21 ville s'achalandait ?

22 R. Non. Je ne sais pas qu'est-ce que vous voulez dire par là, si les

23 soldats venaient pour s'y achalander. Je n'ai pas compris votre question.

24 Q. Je voulais savoir si les soldats qui se trouvaient en ville venaient

25 pour s'achalander dans votre magasin, faire des achats. Est-ce qu'ils

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1 venaient dans votre magasin pour acheter quelque chose ?

2 R. Oui, lorsqu'ils étaient en permission, peut-être, passaient-ils pour

3 acheter du pain ou des cigarettes.

4 Q. Il ne leur a certainement pas été interdit de venir faire des emplettes

5 dans votre magasin.

6 R. Certainement pas. Non. C'est pour cela que j'ai dit, toutes les fois où

7 ils étaient en permission, ils étaient libres de le faire.

8 Q. Qu'achetaient-ils le plus souvent dans votre magasin ? Qu'avez-vous eu

9 dans votre magasin ?

10 R. Pendant que les navires de guerre commencèrent à accoster, ils se

11 trouvaient là lorsqu'il n'y avait pas de courant ou d'eau, voilà que

12 certains aliments, certains articles devaient être déplacés de Lapad et de

13 Gruz. Avions-nous eu encore des boîtes de conserves, de cigarettes, des jus

14 de fruits, ou d'autres boissons, du pain qu'on transportait vers nous tous

15 les jours ? Mais voilà encore que le pain se faisait rare lui aussi de

16 temps en temps.

17 Q. Est-ce que cela veut dire que ces soldats achetaient des conserves ou

18 des cigarettes ou des jus de fruits ?

19 R. Oui. Bien entendu, ils achetaient dont ils avaient besoin.

20 Q. Est-ce qui vous est arrivé quelques fois de leur offrir gratuitement

21 pour les régaler pour ainsi dire en toute courtoisie sans qu'ils payent ?

22 R. Non.

23 Q. Où étaient-ils positionnés ces soldats ?

24 R. Mais nulle part. C'est --

25 Q. -- Attendez que je termine ma question. Etes-vous fâché ?

Page 2987

1 R. Non, non, non. Vous êtes tout à fait libre de poser vos questions.

2 Q. Je voulais demander au sujet de ces soldats qui venaient acheter des

3 choses chez vous, où se trouvaient-ils positionnés, ces gens-là ?

4 R. Il s'agit de gens qui rentraient chez eux, ils n'étaient positionnés

5 nulle part. Il s'agit de gens, de soldats qui habitaient la vieille ville.

6 Q. Connaissiez-vous quelqu'un, parmi ces soldats, qui habitait la vieille

7 ville ?

8 R. Oui, quelques-uns d'entre eux.

9 Q. Est-ce que leurs noms vous disent quelque chose, vous vous en souvenez

10 peut-être ?

11 R. Oui, pourquoi pas.

12 Q. Alors mettons à l'épreuve votre mémoire.

13 R. Non, nous n'avons aucun besoin.

14 Q. Mais pourquoi alors ne mentionnez-vous pas tous ces gens-là ?

15 R. Je n'ai pas de raisons spéciales pour le faire. Je respecte la vie

16 privée de ces gens-là.

17 Q. Mais est-ce que vous avez peur de le mentionner ou de le dire ?

18 R. Non.

19 Q. Je vous prie, une fois de plus, de bien vouloir patienter pour entendre

20 la fin de ma question.

21 Est-ce que vous redoutez quoi que ce soit pour mentionner un quelconque nom

22 de soldat croate, de cette époque-là ?

23 R. Non, je ne redoute rien.

24 Q. Pourquoi est-ce que vous ne voulez pas me répondre ?

25 R. Je ne le veux pas. Je ne veux pas en parler.

Page 2988

1 Q. Est-ce que c'est de la même façon que vous voulez nous taire d'autres

2 données concernant la présence de l'armée croate à Dubrovnik ?

3 R. Quant aux noms j'ai dit que je ne voulais pas les proférer tout

4 simplement. Pour ce qui est du reste, ce dont je sais quelque chose, je

5 vous parlerais volontiers.

6 Q. Alors comment voulez-vous qu'on vous croit parce que c'est de façon

7 tout à fait partielle, que vous répondez pour parler de noms et sans aucune

8 raison, alors que vous pouvez nous livrer des données concernant l'armée

9 croate.

10 R. Mais c'est une attitude personnelle. Je vous parlerai de l'armée croate

11 et je ne vous dirai pas les noms de gens.

12 Q. Par conséquent, par vos réponses c'est vous qui jugez ce qui est

13 important pour le dire ou pour le taire ?

14 R. Probablement que oui et on devrait le savoir.

15 Q. Est-ce qu'avant votre déposition, quelqu'un a attiré votre attention

16 sur le fait de ce qu'il y a à dire ou à taire ?

17 R. Non, non, plutôt je ne me préparais pas à de telles questions, par

18 conséquent je ne serais pas heureux d'en parler.

19 Q. A quelles questions êtes-vous préparé ?

20 R. Je suis préparé plutôt à déposer au sujet des questions concernant le 6

21 décembre. Ce n'est pas dire que j'étais préparé mais je sais ce qui s'était

22 passé ce jour-là, cette date-là en ville.

23 Q. Vous avez été préparé par qui ?

24 R. Par personne. Je m'y préparai moi-même, tout seul.

25 Q. Est-ce que vous pouvez me donner la description, ne serait-ce que d'un

Page 2989

1 seul soldat croate, dans la vieille ville, qu'il vous est arrivé de voir

2 dans la rue, de croiser quelque part ou de le voir dans votre magasin ?

3 Comment se signalait-il ?

4 R. Comme tout un autre genre humain, homme qui a une tête, deux bras et

5 des jambes, deux yeux, comme tout être normal.

6 Q. Comment savez-vous qu'il s'agit d'un militaire ?

7 R. Parce qu'il s'agit de quelqu'un qui porte un uniforme.

8 Q. Quelles armes portaient-ils ?

9 R. Ils n'avaient pas d'armes dans la vieille ville.

10 Q. Il n'y en avait pas un seul, que vous auriez pu voir dans la vieille

11 ville, qui aurait eu un fusil ?

12 R. Non, certainement pas dans la vieille ville.

13 Q. Où déposaient-ils ces armes, à l'entrée de la vieille ville ?

14 R. Mais bien je n'en sais rien.

15 Q. Y aurait-il eu un râtelier à l'entrée de la vieille ville où on devait

16 déposer les armes, avant d'entrer dans la vieille ville ?

17 R. Non, mais probablement là où ils étaient ensemble, là où ils devaient

18 se présenter à quelqu'un, soit à leur position, à leur poste, mais où, je

19 n'en ai aucune idée.

20 Q. Mais dites donc, en temps de guerre, un soldat peut-il se séparer de

21 son fusil comme ça ?

22 R. Je n'en sais rien. Mais je sais qu'il était strictement interdit de la

23 part de l'armée, de la police, de porter des armes dans la vieille ville.

24 Q. Est-ce qu'il y a eu quelqu'un qui aurait été responsable, responsable

25 de ces interdictions ?

Page 2990

1 R. Mais ceci a dû être l'œuvre de la police et ils ont dû avoir un chef

2 qui en a décidé ainsi.

3 Q. Mais en cette période-là, est-ce que la police aurait été prête à

4 incarcérer un soldat, un militaire quelconque qui aurait porté des armes

5 dans la vieille ville ?

6 R. Certainement, oui.

7 Q. Mais je suis en train de parler moi de la police civile proprement

8 dite ?

9 R. Je ne sais pas s'il s'agissait de police en civil. Il y avait les uns

10 et les autres.

11 Q. Mais est-ce qu'il n'y avait pas la police dans la vieille ville qui

12 devait contrôler le tout et qui devait être de garde ?

13 R. Ce n'est pas que la police devait être contrôlée partout, elle devait

14 avoir ses postes.

15 Q. Mais où se trouvait positionnée la police militaire ou civile pour

16 exercer le contrôle ?

17 R. Comme vous dites, partout dans la vieille ville.

18 Q. Quant à la police civile et militaire, était-elle armée ?

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Rodic, il se fait de plus en

20 plus fréquent, que vous et le témoin, vous vous attaquiez réponse et

21 question respectivement de façon très rapide et vous rendez difficile le

22 travail des interprètes. C'est vous, Monsieur Jovic surtout, qui devez

23 ménager une petite pause, après avoir entendu la question pour tout

24 simplement permettre aux interprètes de traduire. Il me semble que vous

25 avez déjà réfléchi à votre question et vous l'avez pratiquement conçue

Page 2991

1 avant que Me Rodic termine sa question. Voilà ce qui rend extrêmement

2 difficile le travail des interprètes.

3 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie Monsieur le Président, nous

4 tâcherons de faire tout pour ralentir le rythme auquel nous y allons.

5 Q. Ma dernière question était de savoir : si pour lui, la police, soit

6 civile ou militaire dans la vieille ville, était armée ?

7 R. Oui, certainement, certainement, parce que qui dit police, dit armes

8 individuelles, propres à des policiers.

9 Q. De quelles armes, il s'agit ?

10 R. Probablement de pistolets.

11 Q. Y a-t-il eu des policiers militaires armés de fusils ?

12 R. Des fois oui, mais pas toujours. Il y en avait qui avaient un pistolet

13 ou un fusil avec un canon court, d'autres avec un fusil.

14 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de rencontrer quelqu'un parmi les

15 policiers que vous connaissiez ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que peut-être il vous est arrivé de rencontrer des gens parmi

18 ces policiers qui connaissaient fort bien le coin, les rues, la région ?

19 R. Probablement que oui.

20 Q. Où se trouvaient déployés et surtout basés, ces policiers civils et

21 militaires, dans la vieille ville ?

22 R. Tout dépend de leurs domiciles respectifs. Eux, ils se rendaient à leur

23 poste de garde là où il y avait lieu d'assumer une permanence. Mais tout

24 dépend enfin des uns et des autres et tout dépend de leurs domiciles.

25 Q. Est-ce que, pour parler de la vieille ville, il y aurait dû y avoir un

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1 poste de commandement où ils devaient organiser ces permanences. On ne peut

2 pas être officier ou agent de permanence, 24 heures sur 24 ?

3 R. Non, pour autant que je sache. Pour ce qui est de la police civile, ils

4 se trouvaient près de Pile mais pour ce qui est des policiers militaires se

5 trouvaient-ils peut-être à l'hôtel Neptun.

6 Q. Lorsqu'ils étaient dans la vieille ville, les policiers militaires et

7 civils étaient-ils en patrouille ?

8 R. Non, pas vraiment.

9 Q. Lorsque je vous parlais de patrouille, je voulais dire, est-ce qu'ils

10 étaient peut-être un seul à faire le contrôle ou bien étaient-ils à deux ou

11 trois pour pratiquement former une équipe de patrouille ?

12 R. Oui, on pourrait dire que peut-être d'ordinaire, ils étaient par deux.

13 Q. Est-ce qu'il y a eu, dans la vieille ville, des représentants de la

14 police spéciale ?

15 R. Pas pour autant que je le sache.

16 Q. Est-ce que vous avez entendu dire qu'un échelon de la police spéciale a

17 été déployé dans la vieille ville, et un autre échelon Srdj, et c'est ainsi

18 qu'ils opéraient ?

19 R. Non, pour autant que je le sache, ils n'ont pas été déployés pour avoir

20 leur siège à Stari Grad.

21 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de l'unité désignée comme étant

22 Sokol. Il s'agit d'un bras prolongé du parti de droit croate ?

23 R. Sokol, vous dites ?

24 Q. Oui.

25 R. Non.

Page 2993

1 Q. Y a-t-il eu des membres du HOS qui auraient été dans la vieille ville

2 et que vous avez pu croiser ?

3 R. Je ne sais pas en quoi cela différait des autres soldats, peut-être

4 qu'il y en avait, peut-être qu'on en croisait. Il se peut qu'ils portaient

5 des insignes auxquels je n'ai pas vraiment été intéressé.

6 Q. Est-ce qu'à Dubrovnik, il y a eu des accrochages quelconques entre les

7 membres du HOS et ceux de l'armée croate proprement dite ?

8 R. Je n'en sais rien.

9 Q. Vous n'avez jamais entendu parler de cela ?

10 R. Non, pas vraiment.

11 Q. Où, au quelle position se trouvaient les soldats dans la vieille ville

12 pour monter la garde ?

13 R. Stari Grad, vous dites, la vieille ville, vous dites ?

14 Q. Oui.

15 R. Pour autant que je sache, ils n'y étaient pas. En tout cas, moi je n'en

16 ai pas vus.

17 Q. Est-ce que vous voulez dire par là qu'à la sortie, ou aux entrées de la

18 vieille ville, vous n'avez pas pu voir des soldats monter la garde ?

19 R. Non.

20 Q. Quant aux policiers ?

21 R. Il y avait des policiers. Est-ce qu'ils entraient, est-ce qu'ils en

22 sortaient, est-ce qu'ils se trouvaient dans le Stradun pour leur contrôle

23 normal ? Tout dépend. Il nous est arrivé de les croiser.

24 Q. Mais est-ce qu'il n'y a pas eu de soldats qui montaient la garde en

25 sentinelle près de la mairie du palais de Rector ?

Page 2994

1 R. Non, non, pas de soldats parce qu'il s'agissait de policiers, et cela

2 de policiers qui appartenaient à l'échelon de réserve de la police.

3 Q. Où se trouvait cet échelon de réserve de la police de Dubrovnik ?

4 R. Là où ils étaient pour être de permanence.

5 Q. Où étaient-ils de permanence ?

6 R. A la mairie.

7 Q. A l'intérieur du bâtiment de la mairie, mais je vous ai demandé s'il y

8 en avait qui montaient la garde devant le bâtiment pour en assurer la

9 sécurité ?

10 R. Non, il n'y en avait pas.

11 Q. Mais ils étaient combien à cet endroit ?

12 R. Il y avait un ou deux, cela dépendait de la situation pour autant que

13 j'ai pu le constater.

14 Q. Mais qu'avez-vous pu les voir s'ils étaient à l'intérieur ?

15 R. La porte était ouverte quand ils travaillaient, quand ils étaient à

16 l'intérieur.

17 Q. Là je parle du mois d'octobre, le mois de décembre 1991. Est-ce qu'il

18 vous est arrivé d'entrer dans la marie pendant cette période-là ?

19 R. Oui, peut-être une ou deux fois.

20 Q. Pourquoi vous y êtes allé ?

21 R. Je pense qu'il nous est arrivé de leur livrer de la marchandise à

22 plusieurs reprises. Je pense qu'ils avaient besoin du papier toilette, et

23 cetera.

24 Q. Leur avez-vous apporté de vivre ?

25 R. Pour autant que je m'en souvienne, non.

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1 Q. Vous ne leur avez apporté que du papier de toilette ?

2 R. Oui, et peut-être des produits de nettoyage.

3 Q. Qui vous a commandé cela ? Qui vous a passé la commande de cela ?

4 R. C'est eux qui l'ont fait.

5 Q. Mais qui exactement ?

6 R. Soit un fonctionnaire en charge de cela ou une secrétaire, toujours

7 est-il que cette commande a été passée par téléphone.

8 Q. La cellule de Crise était à cet endroit, n'est-ce pas ? N'avait-il pas

9 besoin de plus de vivre que cela ?

10 R. Non, pas dans la vieille ville.

11 Q. La cellule de Crise se trouvait où exactement ?

12 R. Pour autant que je m'en souvienne, dans le bâtiment où se trouve la

13 distribution du pouvoir électrique aujourd'hui, juste au-dessus de la Vila

14 Palma.

15 Q. Pero Poljanic était-il dans la vieille ville ?

16 R. Mais c'était lui le président de la cellule de Crise.

17 Q. Pero Poljanic était-il justement de ce bâtiment municipal de la mairie,

18 près du palais Rector ?

19 R. Oui, peut-être.

20 Q. Zeljko Sikic, était-il là-bas ?

21 R. Oui, c'est vrai qu'il y était plus souvent, mais je ne sais pas, cela

22 étant dit, je ne le voyais pas. Peut-être qu'il était là-bas, peut-être

23 qu'il était ailleurs.

24 Q. Savez-vous où Zeljko Sikic passait le plus gros de son temps ?

25 R. Je ne sais pas.

Page 2996

1 Q. Pourquoi faites-vous une pause ?

2 R. Je n'ai pas fait de pause.

3 Q. Nikola Oubuljen ?

4 R. Je ne sais pas.

5 Q. Y avait-il des gens qui montaient la garde auprès de l'aquarium ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas allé là-bas.

7 Q. Où se trouve Ploce ?

8 R. C'est la sortie de la ville en sud, la sortie sud de la ville.

9 Q. Est-ce qu'il y avait des munitions là-bas ?

10 R. A Ploce ?

11 Q. Oui.

12 R. Non, je ne sais pas.

13 Q. Vous avez entendu dire justement, c'est à cet endroit-là que la

14 munition est bien gardée en lieu sûr, et que c'est pour cela justement

15 qu'on l'avait entreposée là-bas ?

16 R. Mais je ne sais pas du tout où on déposait les munitions.

17 Q. Connaissez-vous Mato Valjalo, le chauffeur de Zeljko Sikic ?

18 R. Oui, le nom me dit quelque chose, mais je ne savais pas que c'était son

19 chauffeur.

20 Q. Vous avez dit que vers la fin du mois d'octobre, et bien au début du

21 mois de novembre, vous avez vu une attaque contre la ville de Dubrovnik

22 aussi bien depuis la terre, les positions sur la terre, que depuis les

23 cuirassés au large ?

24 R. Oui, cela a duré cinq ou six jours.

25 Q. Vous avez dit que vous avez vu aussi bien Lapad que Babin Kuk. D'où

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1 avez-vous regardé pour cela ?

2 R. Depuis mon appartement.

3 Q. Vous avez dit que les hôtels Kompas, Plakir, Park et Palace avaient été

4 touchés lors de cette attaque, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, et ce n'étaient pas les seuls édifices. Il y avait aussi beaucoup

6 de maisons de particuliers à Babin Kuk, qui ont été touchées. D'ailleurs,

7 plusieurs civils, trois ou quatre civils se sont fait tués à Babin Kuk

8 dans leurs maisons.

9 Q. C'est surtout les hôtels qui m'intéressent. Pourriez-vous me dire si

10 vous avez vu cela, vous de vos propres yeux et pendant l'attaque elle-

11 même ? Ou est-ce que vous avez vu ces dommages, ces dégâts après

12 l'attaque ?

13 R. En ce qui concerne l'hôtel Kompas, et l'hôtel Park, et l'hôtel Splendid

14 aussi, je ne le vois, -- l'hôtel Neptun, tous les mois, mais les autres, je

15 voyais bien. C'est vrai que c'était loin, mais on pouvait bien voir

16 l'impact et ensuite la fumée.

17 Q. Vous avez observé cela pendant l'action, pendant l'attaque.

18 R. Oui.

19 Q. L'armée croate a-t-elle réussi à repousser cette attaque ?

20 R. Je ne sais pas puisque cette attaque a duré plusieurs jours. Et d'après

21 ce que j'ai pu entendre, par la suite, un cessez-le-feu avait été signé.

22 Q. Y avait-il des membres de l'armée croate à proximité de ces

23 installations ?

24 R. Près de l'hôtel ?

25 Q. Oui.

Page 2998

1 R. Pour autant que je le sache, il y en avait sur la forteresse de Babin

2 Kuk, mais je ne sais pas si c'étaient vraiment des positions.

3 Q. Mais est-ce qu'il y avait quelqu'un qui se défendait depuis cet

4 endroit-là, qui ouvrait le feu ?

5 R. Non, je n'en ai pas vu.

6 Q. Au cours de ces cinq journées, est-il possible que personne n'a riposté

7 de cet endroit dont nous parlons ?

8 R. D'après ce que j'ai pu apercevoir, non. Mais je vous parle de cette

9 position particulière. Je ne sais pas ce que l'on faisait ailleurs.

10 Q. Est-ce qu'à l'époque, dans l'hôtel Stadion, il y avait une partie de

11 l'armée qui y était stationnée ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. C'est le QG de quelle unité, de quelle entité, qui était hébergé à

14 l'hôtel Kompas ?

15 R. Je pense qu'il n'y avait personne, qu'il n'y avait pas de militaires.

16 Il n'y avait que des réfugiés là-bas.

17 Q. Est-ce que la base des bateaux rapides de la marine croate était à

18 l'hôtel Kompas ?

19 R. Non, je pense qu'elle se trouvait à l'hôtel Neptun.

20 Q. A Lapad ?

21 R. Oui.

22 Q. Il y avait combien de bateaux rapides de l'armée croate dans cet hôtel

23 à Lapad ?

24 R. Je ne sais pas.

25 Q. Est-ce que vous, vous avez vu au moins un bateau là-bas à l'époque ?

Page 2999

1 R. A l'époque, non. Mais, plus tard, quand je me suis rendu à Kalamota,

2 c'est vrai que j'ai utilisé un bateau comme cela pour y aller, mais pas

3 l'époque.

4 Q. Est-ce qu'on utilisait ces hydrofoils pour transporter les gens jusqu'à

5 Ston ? Est-ce c'est là qu'on allait chercher des renforts ?

6 R. Non.

7 Q. Connaissez-vous Mato de la capitainerie du port, qui était un membre de

8 cette vedette ?

9 R. Non.

10 Q. Connaissez-vous le moniteur de plongé du club des plongeurs local, qui

11 est amputé d'une jambe ? Lui aussi, il était capitaine d'une telle vedette.

12 R. Non, j'en connaissais un qui avait une barbe. Il était plutôt âgé. Je

13 ne sais pas quelle était sa fonction, mais toujours est-il qu'il était au

14 volant de cette vedette. Mais c'était plus tard. C'était en 1992.

15 Q. Est-ce qu'il y avait une restriction de la circulation autour de

16 l'hôtel Palace, près de l'hôpital et à Gorica et à Vila Rasica aussi ?

17 R. Non, je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de cela. Je ne le pense

18 pas, car ces hôtels étaient remplis de réfugiés.

19 Q. Est-ce qu'il y avait des membres de l'armée croate dans ces localités ?

20 R. Ils étaient à Vila Rasica.

21 Q. Est-ce qu'il y avait des positions de l'artillerie croate. Il y avait

22 un canon autopropulsé, n'est-ce pas, là-bas ?

23 R. Je ne suis pas au courant de cela.

24 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Re.

Page 3000

1 M. RE : [interprétation] Je voudrais demander à l'avocat de la Défense de

2 préciser la date à laquelle il se réfère quand il pose ses questions au

3 témoin. Sinon, ceci n'est pas très précise et pas très pratique.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que cela nous ferait gagner

5 pas mal de temps dans notre contre-interrogatoire, et ceci serait très

6 utile.

7 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, toutes les questions que

8 je pose, concernent la période allant entre le mois d'octobre et le mois de

9 décembre 1991, à moins que je n'ai précisé qu'il s'agissait d'une autre

10 date.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, ceci n'a pas été clairement dit

12 jusqu'à présent. Peut-être que, dans les réponses, le témoin n'a pas été

13 aussi précis que cela. Mais nous allons, dans l'avenir, faire attention à

14 cela et nous situer par rapport à ces dates-là.

15 M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Au cours de ces cinq journées, dont vous avez parlé, vous avez parlé de

17 l'attaque qui aurait eu lieu à ce moment-là, et vous avez dit que le dépôt

18 de Gruz avait brûlé à l'époque.

19 R. Oui, presque entièrement.

20 Q. Connaissez-vous Jadranko Delas, du secrétariat municipal ?

21 R. Delas ?

22 Q. Delas.

23 R. Non, ce nom de famille ne me dit rien.

24 Q. Savez-vous que les camions de l'entreprise Dubrovkinja, de Ploce,

25 avaient transporté des armes et des munitions ?

Page 3001

1 R. Non.

2 Q. Saviez-vous qu'on avait déposé les munitions et les armes sur

3 l'emplacement des bateaux dans le port de Ploce, entre le 8 et le 9 --

4 entre l'emplacement numéro 8 et le numéro 9 et que ceci a brûlé au cours de

5 l'attaque menée contre le port de Gruz ?

6 R. Non. Je sais qu'il y avait un feu, un incendie, mais -- dans le port de

7 Gruz, mais c'était un dépôt en bois où on entreposait des bananes pour

8 qu'elles mûrissent là-dedans.

9 Q. Pour autant que je le sache, les bananes ne peuvent pas exploser.

10 R. Mais je ne suis pas au courant d'une explosion.

11 Q. Vous n'avez pas entendu d'explosion dans le port de Gruz ?

12 R. Non.

13 Q. Les hommes en âge de combattre, pouvaient-ils quitter la ville de

14 Dubrovnik ?

15 R. Mais vous parlez de quelle période ?

16 Q. Je parle de la période allant entre le 1 octobre et le 31 décembre

17 1991.

18 R. Non, je ne pense pas qu'on avait besoin d'un permis particulier -- non,

19 je ne pense pas qu'ils avaient le droit de quitter la ville. Les seules

20 personnes qui pouvaient quitter la ville, à l'époque, c'étaient les

21 personnes âgées ou bien souffrantes, et qui partaient en bateau, la mi-

22 décembre.

23 Q. Mais, entre le 1er octobre et le 31 décembre, un homme en âge de

24 combattre devait, normalement, bénéficier d'un permis particulier émanant

25 de la cellule de Crise s'il voulait quitter la vieille ville de Dubrovnik ?

Page 3002

1 R. Oui.

2 Q. Qui était chargé de ces permis au sein de la cellule de Crise ?

3 R. Puisque je ne l'ai pas demandé, je ne saurais vous répondre.

4 Q. Mais où fallait-il se rendre, précisément, pour l'obtenir ?

5 R. C'était la cellule de Crise qui était, je pense, dans la bâtisse

6 d'Elektroprivreda.

7 Q. Mais saviez-vous qui était en charge de délivrer de tels permis ?

8 R. Non.

9 Q. Saviez-vous où habitait Tonci Skocko ?

10 R. A Zlatni Potok.

11 Q. N'était-ce pas le capitaine Cengija qui tenait ces positions pendant un

12 certain moment là-bas ?

13 R. Non, je pense qu'il avait des positions peut-être au-dessus de l'hôtel

14 Belvédère et non pas là-bas. Là c'étaient des bâtiments de résidence

15 particulière.

16 Q. Savez-vous qui est le capitaine Cengija ?

17 R. Pour autant que je le sache, c'est un général.

18 Q. Avez-vous entendu parler d'Aziz Suljevic, faisant partie de la police ?

19 R. Je pense qu'il était le commandant de la police militaire, mais je n'en

20 suis pas sûr. Ce nom me dit, pourtant, quelque chose.

21 Q. Avez-vous entendu parler de Dajdza ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui était-ce ?

24 R. Il était à Cepikuce, pour autant que je le sache.

25 Q. Plus tard, il est venu sur le territoire de la ville de Dubrovnik ?

Page 3003

1 R. Je ne sais pas. Je ne le crois pas.

2 Q. Connaissez-vous Zoran Primic [phon] ?

3 R. Primic ?

4 Q. Oui.

5 R. Non, je ne le connais pas.

6 Q. Saviez-vous ce qui se trouvait dans l'hôtel Zagreb ?

7 R. A l'époque, non.

8 Q. Entre le 1er octobre et le 31 décembre.

9 R. Non, je ne sais pas. Je ne sais pas.

10 Q. Nojko Marinovic, était-il là-bas ?

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Vous ne savez pas ou vous n'avez pas le droit de le dire ?

13 R. Mais je ne le sais pas car il n'allait pas montrer aux civils où il

14 habitait.

15 Q. Connaissez-vous Kreso Mandic, le chef de la police spéciale de Plato

16 [phon] ? Avant, il était le chauffeur de Djuro Korda.

17 R. Non.

18 Q. Connaissez-vous Stjepan Medjat [phon] ?

19 R. Medjat ?

20 Q. Oui.

21 R. Ce nom de famille ne me dit rien. Peut-être qu'il y a un nom similaire.

22 Q. C'était le chauffeur de Nojko Marinovic.

23 R. Non, je ne le connais pas.

24 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, le moment est-il

25 opportun pour prendre une pause ?

Page 3004

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, en effet. Merci.

2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

3 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Rodic.

5 M. RODIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Monsieur Jovic, hormis ces journées dont vous nous avez parlé, au mois

7 d'octobre, novembre et décembre 1991, quand la boutique était fermée, votre

8 petit fond de commerce quand les portes étaient closes et vous nous avez

9 donné les raisons, hormis ces jours-là, est-ce que vous alliez travailler

10 en permanence dans la vieille ville, entre le 1e octobre et le 31

11 décembre ?

12 R. Oui, excepté quatre ou cinq journées au début du mois d'octobre,

13 ensuite quelques journée au mois de novembre, et le 6, le 7, et le 8

14 décembre. A part ces dates-là, je suis allé travailler de façon quotidienne

15 et en permanence.

16 Q. Très bien. Quand vous partez de Gruz pour aller travailler dans la

17 vieille ville, pourriez-vous nous décrire votre itinéraire ?

18 R. A tous les jours, je descendais jusqu'au bord de la mer, à Gruz. C'est

19 là qu'habitait le chauffeur de la camionnette qui nous servait à distribuer

20 le pain. Tout d'abord, on passait par la boulangerie, on chargeait les

21 pains et ensuite, on empruntait la route qui passe par Ilijina Glavica et

22 Zlatni Potok. Cette route mène vers la vielle ville.

23 Q. Je ne vous ai pas très bien compris. Vous passez Ilijina Glavica et

24 ensuite vous vous dirigez vers où ?

25 R. Ensuite nous passons par Kapelica, ensuite nous descendons vers la

Page 3005

1 caserne des pompiers, ensuite on passe au niveau de Zichara [phon] et là,

2 vous empruntez le carrefour pour vous diriger vers Zlatni Potok, et c'est

3 là que vous arrivez aux portes de la ville. Vous pouvez, normalement,

4 entrer dans la ville avec votre camionnette.

5 Q. Est-ce que vous pouvez passer par la porte de Pile ?

6 R. Non. Nous n'avons jamais fait cela. Ce n'est pas la direction que vous

7 prenez si vous voulez entrer dans la ville en camionnette.

8 Q. Quand vous parlez de cette camionnette, est-ce que vous parlez de ce

9 véhicule que vous appelez un "caddy", un utilitaire ?

10 R. Oui. C'est bien cela.

11 Q. Est-ce que c'est un "caddy" de golf ?

12 R. Non. Non. C'était une Zastava 101, qui ressemblait en fait à un

13 véhicule utilitaire, genre vraiment pratique.

14 Q. Cette camionnette, vous étiez dans cette camionnette quand vous entriez

15 dans la vieille ville.

16 R. Oui, au niveau de la porte de Ploce. C'est par là, qu'on sortait de la

17 ville aussi.

18 Q. Comment pouviez-vous entrer dans la vieille ville par cette porte-là ?

19 R. Je vous ai dit qu'on passait par Zlatni Potok, ensuite la route

20 descend, c'est un sens unique et de cette façon vous ne pouvez arriver

21 qu'au niveau de l'hôtel Excelsior, ensuite vous arrivez à la porte de

22 Ploce.

23 Q. Est-ce que vous devriez passer par un pont flottant ?

24 R. Non. Non. C'est le vieux pont. Le vieux pont qui est là depuis

25 toujours, depuis 10 000 années, enfin des centaines d'années. Je ne sais

Page 3006

1 plus de quand il date, mais il est là depuis toujours.

2 Q. Compte tenu des marches dont vous nous avez parlé, est-ce que vous

3 pourriez-vous nous dire où vous gariez votre voiture ?

4 R. On déchargeait les pains, au niveau du palais Rector et le chauffeur

5 faisait demi-tour et entrait chez lui. On utilisait des chariots pour

6 porter ces pains dans la boutique.

7 Q. Au cours de cette période auquel vous vous rendiez régulièrement à

8 votre travail, est-ce que vous avez entendu des sirènes d'alerte

9 généralisée, à Dubrovnik ?

10 R. Oui.

11 Q. A chaque fois qu'il y avait des tirs, entendait-on cette sirène ?

12 R. Oui, presque toujours. Dès qu'on commençait à bombarder la ville, on

13 entendait la sirène. Là, je parle de Lapad, de Gruz, de la ville en

14 général, quoi.

15 Q. Les gens que faisaient-ils quand ils entendaient les sons de sirène ?

16 R. Et bien, à la vue tout le monde partait en courant vers les abris. Ils

17 étaient nombreux à essayer de s'abriter dans ces abris. D'ailleurs, il n'y

18 en avait pas beaucoup. Après, les gens s'abritaient partout où ils

19 pouvaient dans leur maison, au sous-sol de leur maison. Ils se sentaient en

20 sécurité, là-bas. Il y en avait qui se rendaient dans ces abris et d'autres

21 qui étaient en train de travailler, qui ne pouvaient pas partir. Par

22 exemple, il y en avait qui venaient dans la boutique.

23 Q. Est-ce que vous vous rendiez dans ces abris pendant les alertes ?

24 R. Ce n'est pas dans la vieille ville. Dans la vieille ville, on se

25 sentait en sécurité. On se disait qu'il n'y aurait pas d'attaque sur la

Page 3007

1 vieille ville.

2 Q. A l'exception du 6 décembre, je pense que vous nous avez dit qu'il n'y

3 avait que deux obus qui sont tombés sur la vieille ville et que c'était au

4 mois d'octobre.

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez dit qu'ils sont tombés dans la rue de Miha Pracata.

7 R. Oui, je pense que c'est bien cela.

8 Q. Vous avez aussi dit que personne n'a été blessé à cette occasion-là.

9 R. Oui.

10 Q. Compte tenu que ce sont des sirènes indiquant des dangers généralisés,

11 que l'on entendait depuis le début des opérations, est-ce que vous vous

12 sentiez en sécurité dans la boutique ?

13 R. Non, ce n'est pas à cause de la boutique que nous nous sentions en

14 sécurité. Nous nous sentions en sécurité parce que nous étions dans la

15 vieille ville. Nous étions convaincus qu'on n'allait pas tirer sur la

16 vieille ville puisque la vieille ville était placée sous la protection de

17 l'UNESCO. Donc, de nombreuses personnes qui habitaient dans la vieille

18 ville se sentaient en sécurité pour cela.

19 Q. Y avait-il des personnes, dans la vieille ville, qui se rendaient tout

20 de même dans l'abri parce que, vraiment, ils entendaient les bruits de

21 sirène ?

22 R. Mais oui, vous aviez des vieillards qui y dormaient même, car ils

23 avaient peur.

24 Q. Le 6 décembre, à partir du moment où les tirs commencent, est-ce qu'on

25 a entendu la sirène ?

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1 R. Oui. Très tôt le matin, avec les premiers obus qui sont tombés sur la

2 ville, vers 6 heures du matin, on a entendu la sirène. C'était au moment où

3 les obus ont commencé à tomber sur Lapad et Gruz, déjà on pouvait entendre

4 les sons de la sirène. Avant même que la vieille ville ne soit attaquée.

5 Q. Ces deux obus qui sont tombés dans la rue Miha Pracata au mois

6 d'octobre, savez-vous où exactement sont tombés ces obus ? Quels étaient

7 les dégâts, et cetera ?

8 R. Il y avait un obus qui est tombé dans la rue, sur les dalles et un

9 autre obus s'est enfoncé dans le mur d'une maison.

10 Q. Savez-vous où se trouvait exactement cette maison, à quelle adresse

11 exacte, à quel numéro de rue ?

12 R. Je ne le sais pas.

13 Q. Au cours de ces cinq journées au mois de novembre, vous avez dit qu'il

14 y a eu beaucoup de pilonnage, pouvez-vous me dire où vous trouviez-vous, à

15 l'époque ?

16 R. J'étais dans mon appartement à Gruz.

17 Q. Après ces cinq journées, vous avez repris votre travail normalement ?

18 R. Oui.

19 Q. Il n'y avait pas beaucoup de changements, beaucoup de dégâts dans la

20 vieille ville, à l'époque non plus. C'est ce que vous avez dit tout au

21 moins.

22 R. Oui, c'est exact. A part le deux obus qui sont tombés, non.

23 Q. Ces deux obus sont tombés au mois d'octobre, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. C'est que j'ai oublié de vous demander une question au sujet de la 163e

Page 3009

1 Brigade de l'armée croate. Pourriez-vous nous dire qui en était le

2 commandant ?

3 R. A l'époque où j'étais, le commandant était, je pense, Nojko Marinovic.

4 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de 116e Brigade.

5 R. Avant cela, il y avait beaucoup de brigades différentes. Je ne sais

6 pas.

7 Q. Il y avait après combien de brigades sur le territoire de Dubrovnik ?

8 R. Avant le 31 décembre, il n'y en avait aucune. Même la 163e n'existait

9 pas encore, car elle n'a été créée qu'au mois de février ou au mois de

10 mars.

11 Q. Est-ce qu'il y avait des éléments de la 114e et de la 116e Brigade

12 déployés sur le territoire de la ville ?

13 R. Non.

14 Q. Quelles étaient alors les unités militaires dans la ville en octobre,

15 novembre, décembre ?

16 R. Tout ce que vous aviez relevait de la Garde nationale à Rasica. Même si

17 cette unité était à son complet, ils ne pouvaient pas être plus nombreux

18 que 200. Puis aussi, vous aviez des civils faisant parties de la Défense

19 territoriale.

20 Q. Est-ce que vous avez vu des personnes armées avec des armes

21 d'infanterie ?

22 R. Oui.

23 Q. Ces soldats, qu'est-ce qu'ils portaient ?

24 R. Leurs fusils. Parce qu'à ce moment-là, c'était difficile de distinguer.

25 On ne pouvait pas distinguer. Tout ceux-ci, en fait, étaient des civils. Il

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1 n'y avait que peu de soldats. Tout cela était des civils qui vivaient dans

2 des maisons et qui voulaient défendre leur chez eux. Si vous rencontriez

3 une personne qui portait un fusil, vous saviez que cette personne était un

4 soldat.

5 Q. Ce qui veut dire qu'il y avait également des civils qui portaient des

6 fusils ou des armes et qui se trouvaient en civils ?

7 R. Excusez-moi.

8 Q. Compte tenu du manque d'uniformes, ceci veut dire qu'il y avait des

9 gens qui portaient des vêtements civils mais qui portaient également des

10 armes.

11 R. Oui. A l'origine, je pense que tous étaient comme cela, parce qu'il n'y

12 avait pas d'uniforme. A l'exception du Corps de la garde nationale. La

13 Défense territoriale, certains d'entre eux, portaient d'anciens uniformes

14 de la JNA, peut-être le type de pantalon, de chaussures, et ils plaçaient

15 des différents insignes pour se distinguer les uns des autres.

16 Q. Quelles étaient les positions de mortier ?

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Est-il exact, comme vous l'avez dit, que les positions de la JNA à

19 terre étaient Osojnik, Vice [phon], Sustjepan, Bosanska, faisant partie de

20 Srdj ?

21 R. Oui.

22 Q. Où se trouvaient les positions croates ?

23 R. Une certaine de ces positions se trouvait à la sortie de Gruz, à

24 Kantafig, autant que je puisse me souvenir, près de l'hôtel Belvédère.

25 Q. Près de l'hôtel Belvédère, est-ce que c'était la dernière ligne de

Page 3011

1 défense de l'armée croate ?

2 R. Je pense que oui. Oui, c'était bien le cas.

3 Q. Qu'est-ce qui s'y trouvait situé là ? Qui est-ce qui se trouvait au

4 Belvédère ?

5 R. Pour autant que je sache, juste l'armée. Je ne vois pas qu'on ait pu y

6 avoir quoi que soit d'autre, là-bas.

7 Q. Y avait-il de l'artillerie, là ?

8 R. Non, il n'y en avait pas.

9 Q. Avez-vous jamais vu ou entendu dans la région de Dubrovnik que l'armée

10 croate ait eue des mortiers, des canons ou des armes de ce genre ?

11 R. A l'époque, je crois que la seule chose qu'ils avaient, pour autant que

12 j'ai entendu, se trouvaient au parc Gradac, mais je n'en suis pas sûr.

13 M. RODIC : [interprétation] Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il vous

14 plaît, présenter au témoin la pièce à conviction de la Défense D31, numéro

15 31. Comte tenu de nos contraintes de temps, on pourrait peut-être,

16 également, préparer les pièces à conviction suivante : D28, 32, 35, et P24,

17 je vous prie.

18 Q. Est-ce que vous connaissez cette partie de la ville ?

19 R. Attendez, je n'arrive pas à m'y retrouver pour le moment.

20 Q. Est-ce que vous pouvez associer ceci au parc Bogisica ?

21 R. Oui, peut-être que le bois peut être un moyen de m'y retrouver, mais je

22 ne sais pas de quelle position cette photo a été prise.

23 M. RODIC : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, montrer au témoin la

24 photographie D28. Pourrions-nous avoir une photographie en couleur, s'il

25 vous plaît ?

Page 3012

1 Toutes ces pièces à conviction sont-elles en fait marquées D. Il s'agit de

2 D28, D31, D32, D35. Ce sont des pièces à conviction présentées par la

3 Défense.

4 Q. Est-ce que vous connaissez cette position-ci?

5 R. Cette photographie ne me dit rien en fait.

6 Q. Ce civil qui est là ?

7 R. Je ne vois pas grand-chose, je dois vous dire. Non.

8 M. RODIC : [interprétation] Pourrait-on alors montrer au témoin la

9 photographie suivante, s'il vous plaît.

10 Q. Vous avez parlé du parc Gradac et vous avez entendu dire qu'il y avait

11 des positions d'artillerie là ?

12 R. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait peut-être des mortiers à cet

13 endroit-là.

14 Q. Nous avons un canon, un canon à Gradac Park. Est-ce que vous avez

15 entendu parler du fait qu'un canon se serait trouvé là ?

16 R. Non. Non. Cette photographie aurait pu être prise à n'importe quel

17 endroit. Elle ne montre pas qu'il s'agit précisément du parc de Gradac.

18 Q. Alors prenons la photographie suivante. Jetez un coup d'œil à la

19 photographie suivante, est-ce que vous n'avez jamais vu un canon à trois

20 tubes, un canon auto propulsé ?

21 R. Non.

22 Q. Est-ce que vous avez entendu dire qu'il y avait un canon à trois tubes

23 monté sur un camion ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous avez entendu dire qu'il y avait des positions de

Page 3013

1 mortiers ou plutôt qu'ils avaient été montés sur un camion de la même

2 manière ?

3 R. Non.

4 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai plus besoin de ces

5 photographies. Est-ce que nous pourrions maintenant voir la pièce à

6 conviction présentée par l'Accusation P24, je vous prie.

7 Q. La deuxième photographie que vous voyez en bas là, avez-vous jamais vu

8 ce transport de troupes blindées ?

9 R. Je l'ai vu au tout début de la guerre.

10 Q. Est-ce que vous savez qui l'utilisait ?

11 R. Non, je ne le sais pas.

12 Q. Elle est armée avec une mitrailleuse lourde, est-ce que vous savez à

13 quelle position elle a été placée ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce que vous avez entendu dire quoi que ce soit à ce sujet ?

16 R. Non.

17 Q. Est-ce que vous pouvez reconnaître cet emplacement sur cette

18 photographie ? Où l'endroit où cette photographie a été prise ?

19 R. Bien peut-être près de la Vila Palma où se trouve la police, mais je

20 n'en suis pas sûr, je ne peux pas le dire avec précision en vérité.

21 Q. Bien, je vous remercie. Vous pouvez rendre cette photographie.

22 Est-ce que vous savez qui était le chef de la police à Dubrovnik ?

23 R. Donnez-moi un instant. Je vais essayer de me rappeler.

24 Q. Est-ce que je peux vous rappeler, est-ce que ce n'était pas Djuro Korda

25 par exemple ?

Page 3014

1 R. Non, ce n'était pas lui.

2 Q. Y avait-il des armements ou du matériel militaire à la Vila Palma ?

3 R. Je ne sais pas. Mais la police s'y trouvait.

4 Q. Devant la Vila Palma, y avait-il des canons à trois tubes antiaériens

5 en particulier le canon qui était monté d'habitude sur le patrouilleur de

6 la police près de Srdj ?

7 R. Je ne sais pas.

8 Q. Y avait-il des soldats croates à l'hôtel Président de Dubrovnik ?

9 R. L'hôtel Président de Dubrovnik à Babin Kuk ?

10 Q. Oui.

11 R. Je ne sais pas. Je ne le crois pas parce que c'était à Babin Kuk et il

12 y avait des réfugiés à Minceta, il y avait des réfugiés à Plakir et Argos.

13 Je pense que dans tous les hôtels se trouvaient des réfugiés peut-être pas

14 à l'hôtel Président parce que c'est celui qui se trouve le plus proche de

15 la mer.

16 Q. A l'hôtel Neptune ?

17 R. Il n'y avait pas de réfugiés à l'hôtel Neptune pour autant que je le

18 sache.

19 Q. Je ne vous pose pas de questions concernant les réfugiés. Je vous

20 demande, s'il y avait des soldats et --

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. -- et des unités dans l'hôtel et autour de l'hôtel.

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. L'hôtel Petka à Gruz ?

25 R. Non.

Page 3015

1 Q. Dans l'hôtel Neptune, Solitudo, est-ce qu'il y avait -- ou à l'hôtel

2 Kompas, y avait-il des soldats ?

3 R. Je ne sais pas peut-être à l'hôtel Neptune -- je ne sais pas pour le

4 reste. Peut-être près de la plage où quelque part par là. Peut-être au

5 Kompas.

6 Q. Dans la zone de Montovjerna, y avait-il des emplacements de mortiers ou

7 de tels -- mortiers antiaériens ?

8 R. Ces positions n'ont été creusées qu'en 1992, cela je le sais et c'était

9 plus tard.

10 Q. A part Gradac, près d'un bâtiment de la radio de Dubrovnik, est-ce

11 qu'il y avait des pièces d'artillerie ?

12 R. Non. Je ne le pense pas.

13 Q. Est-ce que vous connaissez le quartier ou la zone qu'on appelle la

14 muraille de Chine ?

15 R. Cela c'est un -- mais à Lapad.

16 Q. Oui. Est-ce qu'il y avait des positions-là, des positions prises par

17 l'armée.

18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la réponse.

19 M. RODIC : [interprétation]

20 Q. Où se trouvaient les mortiers à Pile ? Y en avaient-ils ?

21 R. Non, il n'y en avait pas parce que je passe par là, à tous les jours et

22 il n'y en avait pas.

23 Q. Vous dites que vous passiez par le côté opposé, le côté de Ploce.

24 R. Oui, une fois qu'on arrivait en ville, on passait au travers de cette

25 entrée vers Buninovo. Cela se trouvait de l'autre côté.

Page 3016

1 Q. A Pile près des autobus, est-ce qu'il y avait bien un quartier général

2 du ZNG ?

3 R. A Pile ? Non, non. Là, où les bus changent de direction, non.

4 Q. Près de la maison de retraite, est-ce qu'il y avait des soldats

5 croates ?

6 R. En ville, dans la vieille ville, ou près de Buninovo ?

7 Q. Les deux.

8 R. Je sais qu'il n'y en avait pas dans la vieille ville. Quant à l'autre

9 endroit, je ne pense pas qu'il y en ait eu non plus.

10 Q. Y avait-il eu des éléments de la marine croate à Batale ?

11 R. Vous voulez dire Batala.

12 Q. Oui.

13 R. Je ne pense pas. Je ne crois pas. Batala se trouve proche du stade et

14 de la gare des autobus. C'est après du port de Gruz.

15 Q. Est-ce qu'il y avait des membres de la ZNG près de l'hôtel Libertas ?

16 R. Je ne sais pas.

17 Q. En passant en ville, avez-vous jamais vu des bunkers qui auraient

18 établi là ?

19 R. En ville ?

20 Q. Oui.

21 R. Vous voulez dire dans la vieille ville, dans la vieille ville ou dans

22 la ville en général.

23 Q. Par exemple, près du bureau de poste.

24 R. Quel bureau de poste ?

25 Q. En dehors de la vieille ville.

Page 3017

1 R. Mais il y en a cinq.

2 Q. Là, où vous prenez la route pour aller chez vous.

3 R. Le Glavica, non.

4 Q. A l'hôtel Petka ?

5 R. Un bunker. Non. Je n'en ai pas vu.

6 Q. J'ai dit bunker. Cela n'a pas besoin d'être quelque chose de construit

7 ou kazmat [phon]. Ce que je veux dire, que c'est peut-être une structure

8 comme des sacs de sable ou des choses de ce genre.

9 R. En tous les cas, ce ne sont pas des bunkers. Il y avait un abri, qui

10 avait été construit dans notre bâtiment, de façon à ce que les gens

11 puissent s'abriter là, dans la cave. Maintenant est-ce que c'est considéré

12 comme un bunker, je ne sais pas.

13 Q. Peut-être que je n'ai pas utilisé le terme qu'il fallait. Ce dont je

14 voulais parler c'étaient des positions où des militaires réglaient la

15 situation. Où il y avait des soldats, par exemple, près de l'axe conduisant

16 à la route principale, près du centre médical.

17 R. Ceci est près de Glavica, là-bas.

18 Q. Oui.

19 R. Je ne suis pas allé.

20 Q. Devant le bâtiment de l'électricité.

21 R. Je ne sais pas. Je ne crois pas, non.

22 Q. Près du marché de la ville.

23 R. Vous voulez parler de celui qui est à Gruz ou celui qui est en ville.

24 Q. En ville.

25 R. Non.

Page 3018

1 Q. Près de la station de service.

2 R. Où cela ?

3 Q. Vers Gruz.

4 R. Il y en a un à la station. Mais où ? Duquel voulez-vous parler ?

5 Q. Est-ce que vous en avez vu un de construit près de la station de

6 service ?

7 R. Non.

8 Q. A l'hôtel Adriatic ?

9 R. Non. Je n'y suis jamais allé.

10 Q. Est-ce que vous avez vu des positions qui avaient été arrangées, par

11 exemple, avec des sacs de sable où que ce soit ?

12 R. J'ai vu effectivement des positions de ce genre, mais seulement plus

13 tard. A Kantafig, à une sortie qui se trouve là sous le pont, à la sortie

14 de Gruz. Pas en ville, en fait.

15 Q. Lorsque vous dites "plus tard," vous voulez dire quand ?

16 R. Je veux dire plus tard en 1992.

17 Q. Quand en 1992 ? Au début de 1992 ?

18 R. Non. Après le mois de mai ou au mois de juin.

19 Q. Etant donné que pour la plupart du temps, vous étiez à Stari Grad, au

20 cours de cette période, courant du 1er octobre au 31 décembre, vous est-il

21 jamais arrivé d'entendre ou voir opérer l'artillerie croate à partir de la

22 région de Dubrovnik ? Je précisais bien au cours de cette période-là.

23 R. Vous vous référez à la période qui court jusqu'au 31 décembre.

24 Q. Oui.

25 R. Pour autant que je sache, et que je m'en souvienne, j'en ai entendu

Page 3019

1 opérer, mais à partir de Srdj, à partir de Sustjepan, et non loin de

2 Belvédère, oui, j'ai bien dit Belvédère.

3 Q. S'agit-il de parler de tirs de pièces d'artillerie ?

4 R. On a pu entendre des explosions. Mais qui a tiré. On ne peut pas le

5 savoir. S'agit-il de pièces d'artillerie qui opéraient ou en tout cas, on a

6 entendu également des explosions et des bruits que provoquent les balles de

7 fusils. Il s'agit de ces combats rapprochés. C'est ce qu'on entendait le

8 plus, de part et d'autre.

9 Q. Vous voulez dire de part et d'autre, vous avez entendu des coups de

10 feu, et coups de feu de fusils, pour parler de tirs.

11 R. Oui, mais je crois que c'était presque sans cesse comme cela.

12 M. RODIC : [interprétation] Je voudrais que l'on présente au témoin la

13 pièce à conviction de l'Accusation P75, P75.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez Maître Rodic.

15 M. RODIC : [interprétation]

16 Q. Pouvez-vous me dire comment d'après vous se présenterait le drapeau de

17 l'UNESCO ?

18 R. Il s'agit d'un drapeau blanc, avec au milieu, les emblèmes de cette

19 organisation internationale, qui est l'UNESCO.

20 Q. Comment se présente le drapeau que vous avez mentionné comme étant

21 arboré au niveau de certains objectifs ?

22 R. Il y avait, oui en effet, des drapeaux où il était inscrit entre autre

23 "Monument culturel."

24 Q. Et de quelle couleur était le drapeau ?

25 R. Blanc.

Page 3020

1 Q. Donc blanc.

2 R. Toujours.

3 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez, le

4 témoin a essayé de faire quelque chose, comme s'il voulait faire le geste

5 pour nous décrire l'insigne tel qu'il le voit. Il a essayé de faire cela de

6 la table qui est devant lui.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez peut-être,

8 Monsieur le Témoin, faire un croquis de ce que vous avez voulu faire tout à

9 l'heure ?

10 LE TÉMOIN : [interpétation] Oui, je pourrais peut-être le faire si vous me

11 passez un bout de papier.

12 M. RODIC : [interprétation] Nous n'en avons guère besoin, Monsieur le

13 Président. Peut-être que ceci pourrait être utilisé par la suite lorsque

14 l'Accusation aura posé des questions supplémentaires au témoin. Je pourrais

15 peut-être de l'avant.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

17 M. RODIC : [interprétation]

18 Q. Voulez-vous, s'il vous plaît nous présenter sur l'ELMO, si vous le

19 voyez bien, où se trouvent ces insignes où ces marques comme vous dites.

20 Si on peut peut-être nous présenter à l'écran, en agrandi cette carte-là,

21 que nous voulons.

22 Monsieur le Témoin, C'est par A, que vous avez marqué votre magasin.

23 R. Oui.

24 Q. S'agit-il de dire que sous B, devrait être l'emplacement où vous

25 teniez, vous et M. Skocko ?

Page 3021

1 R. Oui.

2 Q. La flèche près de la lettre B, devrait indiquer la direction vers

3 laquelle vous vous tendiez. C'est-à-dire, vous étiez face au Stradun,

4 dirigé vers le Stradun, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Or, derrière vous, dans le dos, la lettre B. Ensuite nous avons une

7 flèche qui marque la lettre C. S'agit-il de parler maintenant et de

8 désigner le point d'impact de cet obus ?

9 R. Oui. Grosso modo, ceci devait être la lettre B, d'accord mais one

10 saurait être vraiment très précis, en une dizaine de mètres peut-être.

11 Q. Oui, je sais qu'on ne devrait pas le faire mais essayons de dire que

12 grosso modo cet obus a pu atterrir une dizaine de mètres derrière vous, si

13 j'ai bien compris ?

14 R. Oui. Il y en avait deux. Un obus qui avait atterri préablement, c'est

15 celui là.

16 Q. Voulez-vous me montrer à quel obus vous vous référez ?

17 R. C'est ce qui est marqué par la lettre, en noir.

18 Q. Vous avez été touché par quel obus ?

19 R. Par l'autre obus qui était plutôt en bas par rapport au premier obus.

20 Q. De quel obus s'agit-il ? Pouvez-vous m'indiquer ici, à quelle lettre

21 vous vous référez et utiliser votre pointeur pour le faire ?

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Comment se présentait l'intervalle de temps entre ces deux obus au

24 moment où ils ont percuté, chacun cet endroit ?

25 R. Il devait y avoir un intervalle de 15 minutes, peut-être moins ?

Page 3022

1 Q. Est-ce que cela veut dire que pendant ces 15 ou 20 minutes, vous vous

2 trouviez dans la rue ? Peut-être, que c'est à deux reprises que vous êtes

3 sorti ?

4 R. J'ai dit que j'étais sorti lorsque le premier obus est tombé ou que je

5 me trouvais dans la rue lorsque le premier obus est tombé.

6 Q. Voulez-vous nous indiquer de quel obus vous parlez maintenant ?

7 R. C'est le premier obus. Lorsqu'il a percuté le sol, il a pratiquement

8 percuté le mur, la fenêtre, et cetera.

9 Q. Une seconde, s'il vous plaît. Il s'agit du premier obus qui se trouvait

10 à une dizaine de mètres de la maison désignée par A. Vous ne vous trouviez

11 pas dans la rue, n'est-ce pas ?

12 R. Exact. Non, c'est-à-dire devant le bâtiment qui a été marqué par la

13 lettre A.

14 Q. Est-ce que vous êtes sorti ensuite pour voir où l'obus était tombé.

15 R. Non. Mais lorsqu'un client était sorti pour nous dire que la maison qui

16 se trouve ici sur la carte marquée par la lettre D était en feu.

17 Q. Pouvez-vous dire où se trouvait l'abri ?

18 R. Juste en face de la lettre D. Il s'agit là, de ce qui est désigné par

19 la lettre B comme étant l'école élémentaire.

20 Q. Voulez-vous marquer cela sur votre carte ?

21 R. [Le témoin s'exécute]

22 Q. Il y avait là, une école élémentaire avec un abri ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que là, il y avait également une école de musique ?

25 R. Oui, mais un peu plus en dessus par rapport à ce bâtiment-là. C'est-à-

Page 3023

1 dire ici, voilà ce que je suis en train de montrer, c'est cette maison-là.

2 Q. Ce que vous montrez, c'était l'école de musique ?

3 R. Oui.

4 Q. C'est dans ce carré que vous voyez l'école de musique et, en face de la

5 lettre D, devait être l'école élémentaire, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Dans l'intervalle de 15 ou 20 minutes, c'est-à-dire lequel intervalle

9 marque l'impact des deux obus, est-ce qu'il vous est arrivé de sortir dans

10 la rue à d'autres occasions, devant votre magasin ?

11 R. Non, non, non. Nous sommes sortis qu'une seule fois.

12 Q. Par rapport à ce temps où vous êtes sorti, combien de temps s'est-il

13 écoulé jusqu'à l'impact du second obus ?

14 R. Peut-être une minute ou deux.

15 Q. A quelle distance étiez-vous éloigné de votre magasin lorsque le second

16 obus a atterri ?

17 R. Tout cela s'est passé sur l'escalier, l'escalier qui se trouve devant

18 la boutique, devant le magasin.

19 Q. Est-ce que vous vous teniez juste devant la porte ou peut-être vous

20 vous êtes plutôt déplacé en direction de la maison marquée par D ?

21 R. A regarder la maison marquée par A, je dirais que nous étions près de

22 l'escalier qui s'y trouve.

23 Q. A quelle distance étiez-vous par rapport à la maison marquée par A ?

24 R. Peut-être à une distance d'un mètre ou deux parce que, d'ailleurs,

25 cette rue est une ruelle qui n'est pas plus large qu'un mètre ou deux.

Page 3024

1 Q. Par conséquent, un mètre et demi vous dites en direction de la maison

2 marquée par D ?

3 R. Non, non, non. En face directement, en face pour regarder par la

4 direction qui se trouve ici, comme étant cette rue-là. Nous sommes sortis

5 vraiment dans la rue.

6 Q. Ce matin là, vous est-il arrivé de sortir à plusieurs reprises de votre

7 magasin pour voir où tombaient tous ces obus ?

8 R. Non, pas vraiment au cours de la matinée parce qu'il a fallu travailler

9 dans notre magasin. Nous avons dû vendre du pain et il y avait des clients.

10 Mais après 8 heures, après 7 ou 8 heures, il n'y avait plus personne dans

11 notre magasin. On ne pouvait que suivre les déflagrations.

12 Q. Y a-t-il eu quelqu'un qui allait en direction de l'école de musique ?

13 R. Non, non, vous disais-je. A un moment donné seulement lorsque cette

14 maison était en flammes, un homme, une personne était là, qui pratiquement

15 en courant, est passée vers l'autre maison pour y trouver refuge dans les

16 abris.

17 Q. Y a-t-il eu quelqu'un, quelqu'un de la police qui vous aurait peut-être

18 interrogé au sujet de vos blessures et au sujet des circonstances dans

19 lesquelles Tonci Skocko a été blessé lui aussi ?

20 R. Non.

21 Q. A ce sujet, y a-t-il eu quelqu'un qui aurait interrogé le père du feu,

22 Tonci Skocko ?

23 R. Cela, je ne le sais pas. Cela se peut, mais je ne le sais pas.

24 Q. Savez-vous si peut-être on a fait une inspection des lieux à cause du

25 fait que Tonci Skocko y a péri ?

Page 3025

1 R. Je ne sais pas, je ne saurais vous le dire vraiment.

2 Q. Pouvez-vous fixer l'heure, à l'intention de la Chambre de première

3 instance, pour parler de l'heure en cette matinée où cela s'est produit,

4 ces blessures, la vôtre et celle de Tonci Skocko ?

5 R. Tout a commencé vers 7 heures. Cela peut-être a pu avoir lieu à 8

6 heures ou peut-être à 9 heures, ou peut-être 8 heures 30 plutôt.

7 Q. Est-ce que Pavo Djivanovic de Ljuta vous dit quelque chose comme nom ?

8 R. Je crois que je suis en quelque sorte familiarisé avec ce nom, mais je

9 n'arrive pas à le situer mieux, avec plus de précision.

10 Q. Vlaho Momkovic de Ljuta qui, lui, habite Cavtat ? Est-ce que vous le

11 connaissez ?

12 R. Non.

13 Q. Etant donné que vous avez travaillé pendant longtemps ensemble, est-ce

14 que vous fréquentiez Tonci Skocko ?

15 R. Tonci Skocko a commencé à travailler chez nous au début de l'année 1990

16 ou 1991, en début d'été. Nous nous sommes rendus à Ljuta à une occasion

17 chez lui, chez son père, Mato. Ce n'est pas dire que nous nous fréquentions

18 vraiment. Mais à une occasion, je crois, en été 1991, nous sommes allés

19 pour une partie de "grill", de barbecue organisé chez lui.

20 Q. Est-ce que Tonci vous a dit que ces amis-là, étaient de ses amis ?

21 R. Non. Il m'est difficile de me souvenir de cela, peut-être que oui,

22 peut-être que non.

23 Q. Tonci résidait à Zlatni Potok, au numéro 6 ?

24 R. Je ne saurais être plus précis pour vous dire auquel numéro, mais à

25 Zlatni Potok.

Page 3026

1 Q. Pouvez-vous nous expliquer comment le rapport concernant l'examen du

2 corps, un examen superficiel fait en date du 7 novembre 1991, le rapport

3 étant rédigé par un juge d'instruction de la cour de district et par les

4 techniciens de la police scientifique et des personnes présentent ici, il

5 est dit que Tonci Skocko a été tué près de l'école de musique, à un

6 emplacement tout à fait différent par rapport à ce que vous avez dit ?

7 R. Je ne sais pas, peut-être quelqu'un a pu déclarer quelque chose.

8 Q. Où se trouve l'école de musique par rapport à votre magasin, enfin

9 grossièrement parlant, approximativement.

10 R. Oui, peut-être de 30 à 40 mètres.

11 Q. Avez-vous dit de 30 à 40 ?

12 R. Oui, de 30 à 40.

13 Q. D'après vous, est-ce que vous pouvez vous en souvenir ? Quelle était la

14 tenue vestimentaire ce jour-là, de Tonci Skocko ?

15 R. Je sais qu'il avait une espèce de T-shirt à manches longues. Peut-être

16 qu'il avait, également, un pantalon d'été, je ne sais plus.

17 Q. Comment se présentait ce T-shirt ? Est-ce qu'il était boutonné tout le

18 long ?

19 R. Oui, peut-être deux ou trois boutons.

20 Q. Portait-il quelque chose d'autre, sauf ce T-shirt ?

21 R. Non, certainement pas. Mais si, un pantalon et puis une paire de

22 chaussures.

23 Q. Quand vous dites "pantalon," il s'agit de blue-jeans, baskets, et

24 cetera ?

25 R. Oui, en effet. Je pensais à cela.

Page 3027

1 Q. Vous rappelez-vous la couleur de ses habits ?

2 R. Non.

3 Q. Si je ne me trompe pas, vous avez dit l'avoir porté vous-même pour le

4 placer dans la voiture et que, à un moment donné, le T-shirt s'était

5 relevé ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous vous rappelez la couleur ?

8 R. Non, non, parce que c'était vraiment, il y a très, très longtemps.

9 Q. Y a-t-il eu quelqu'un qui vous aurait fait voir une photographie qui

10 présente le corps du feu Tonci Skocko ?

11 R. Non, je n'ai pas vu de photo.

12 Q. De qui avez-vous appris que Tonci a été touché par un éclat d'obus en

13 plein cœur ?

14 R. Je l'ai appris de son père.

15 Q. Vous avez dit avoir observé sur Tonci une toute petite blessure. Vous

16 l'avez décrite comme étant l'orifice qu'aurait fait un grain de mais.

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous nous décrire l'emplacement même de cet orifice, de cette

19 blessure ?

20 R. Ici à peu près, à ce niveau-là de la cage thoracique.

21 Q. De quel côté, s'il vous plaît ?

22 R. Du côté droit, je pense.

23 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, si ce matin-là le signal d'alerte générale

24 a été donné à cause des opérations de guerre, si je comprends bien, vous

25 avez quitté votre magasin, vous en êtes sorti pour allumer une cigarette

Page 3028

1 devant votre magasin ?

2 R. Vous ne m'avez pas compris. Vous ne m'avez pas vraiment suivi. J'ai dit

3 que lorsque nous sommes arrivés en ville vers 6 heures, 6 heures trente, a

4 été donné le signal d'alerte générale dans toute la ville. Ensuite, lorsque

5 les tirs ont été visés sur toute la ville et les obus se sont mis à tomber

6 dans la vieille ville, il n'y avait pus de clients pratiquement, peut-être

7 sommes-nous sortis, justement en ce moment-là devant, devant le magasin

8 pour fumer une cigarette et c'était justement le moment où Tonci a été

9 touché.

10 Q. N'était-il pas risqué, lorsque le signal d'alerte et de danger général

11 était donné, et lorsque vous aviez, préalablement, entendu et su qu'un obus

12 a percuté la rue Miha Pracata de sortir de votre magasin, là où il n'y

13 avait pas d'abri, pour fumer ?

14 R. Oui, c'était certainement risqué. C'est en ce moment-là où cela est

15 arrivé, comme c'est arrivé. J'ai eu plus tard non seulement des remords,

16 des regrets et des remords, mais voilà c'est arrivé. Il n'y a plus rien à

17 faire. Nous étions sortis justement pour voir de plus près ce qu'il était

18 advenu de cette maison qui se trouvait en feu en face de chez nous.

19 Q. Ah oui, bon d'accord. Excusez-moi. Est-ce que le père de Tonci, Mato,

20 vous a prévenu en disant qu'il ne fallait pas sortir en ce moment-là de

21 votre magasin parce qu'il y avait évidemment les pilonnages ?

22 R. Oui, il l'a fait, en effet.

23 Q. Combien de fois avez-vous fait ce geste-là pour sortir de votre

24 magasin, pour voir ce qui se passait dehors lorsqu'il vous avertissait de

25 ne pas le faire ?

Page 3029

1 R. Je crois que c'était une seule fois qu'il l'a dit, "ne sortez pas

2 dehors," pour autant que je m'en souvienne encore.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois, Maître Rodic, que nous

4 devons vous interrompre maintenant. En l'état, je crois que nous devons

5 nous arrêter pour reprendre de travailler en audience demain.

6 Monsieur Jovic, je vous prie de revenir dans ce prétoire demain matin.

7 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mardi 24 février

8 2004, à 9 heures 00.

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