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1 Le jeudi 26 février 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Encore une fois, Monsieur
7 Jusic, puis-je vous rappeler que vous êtes lié par la déclaration
8 solennelle que vous avez faite.
9 Monsieur Petrovic, c'est à vous de poursuivre le contre-interrogatoire.
10 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 LE TÉMOIN: DJELO JUSIC [Reprise]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 Contre-interrogatoire par M. Petrovic :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jusic.
15 R. Mes respects, Monsieur.
16 Q. Vous évoquez, au cours de votre déposition, qu'en date du 5 décembre
17 des hauts parleurs ont été installés au niveau des positions de la JNA.
18 Est-ce exact ?
19 R. C'est exact.
20 Q. Dites-nous, est-ce une première fois, pour vous, d'entendre quoi que ce
21 soit de ce genre d'événements depuis les positions de la JNA ?
22 R. Oui. Pour la première fois, et cela s'est passé au niveau des positions
23 de Zarkovica et de Bosanka.
24 Q. Sur la base de quoi, déduisez-vous que ceux qui se trouvaient sur les
25 hauteurs savaient ce qui se passait ce jour-là, notamment à Dubrovnik ?
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1 R. Avec tous ces malheurs ressentis, la ville de Dubrovnik a essayé et
2 s'efforçait de vivre une vie culturelle telle quelle, et voilà que le 5
3 décembre, nous avons, pour commémorer le bicentenaire de la mort de Mozart,
4 organisé ce concert. Le tout a été diffusé, communiqué, annoncé par la
5 station de radio de Dubrovnik. Il n'y a là rien de secret, rien d'illégal.
6 Q. Vous dites dans votre déclaration en déposant, que ce jour-là, ils ont
7 fait entendre du haut-parleur des chansons nationalistes serbes.
8 R. Oui.
9 Q. Vous rappelez-vous de quelles chansons qu'il s'agissait ?
10 R. Il s'agit de chansons accompagnées à la gusle, connues de moi, et même
11 je les ai trouvées intéressantes. Mais ce jour-là, il y avait le texte de
12 ces chansons, qui me semblait un peu étrange.
13 Q. Vous rappelez-vous ce texte ?
14 R. Je me souviens de l'un de ces textes. Le texte était plutôt de
15 caractère vulgaire. Je ne sais pas si cette Chambre de première instance me
16 permettrait de m'étendre là-dessus plus en détail.
17 Q. S'il s'agit de vulgaire, passons outre. Allons de l'avant. D'après vous
18 la gusle, est-ce quelque chose qui serait l'esprit ou quelque chose de
19 présentation sophistiquée d'un peuple ?
20 R. Mais tout comme chaque peuple, les gens de Dubrovnik ou les Dalmates
21 ont leur petite tamburica ou le lijerica et d'autres chansons ainsi que
22 pour les Serbes. Toutes ces chansons qui me semblent être une espèce de
23 chansons de gestes montrent plutôt plus -- il n'y avait rien qui ne me
24 serait pas sympathique et qui me serait étranger.
25 Q. Passons à la date du 6 décembre. Avant-hier, en réponse à des questions
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1 qui vous ont été posées par mon éminent collègue, vous avez évoqué le
2 fortissimo de ces événements, en date du 6 décembre. Entre autres, vous
3 dites que ce jour-là, à l'encontre de Dubrovnik opéraient canons, vaisseaux
4 et bâtiments de guerre et appareils avions. Est-ce exact ?
5 R. Oui.
6 Q. Dites-moi, ce jour-là, est-ce qu'il vous est arrivé de filmer ces
7 appareils qui survolaient ?
8 R. C'est d'après le bruit de ces avions que -- et ce que j'ai dit, j ai pu
9 voir que, déjà en août, en septembre, les avions survolaient en basse
10 altitude dans la ville même.
11 Et là, le bruit d'un avion, qui est en train pratiquement, en quelque
12 sorte, de faire une descente abrupte pour piquer et semble-t-il tirer. Ce
13 bruit m'est connu.
14 Q. Est-ce qu'en date du 6 décembre, vous l'avez entendu ce bruit d'un
15 avion qui s'apprête à faire une descente rapide pour piquer, pour ainsi
16 dire tirer ?
17 R. Oui.
18 Q. Je suppose qu'en cette date-là même, il vous est arrivé d'observer ces
19 vaisseaux, ces canonnières qui ouvraient le feu à l'encontre de la vieille
20 ville et de Dubrovnik.
21 R. Il y en avait plusieurs. Quatre pour le moins.
22 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, où se trouvait à approximativement l'un des
23 ces vaisseaux de guerre en date du 6 décembre ? Vous connaissez bien les
24 eaux de Dubrovnik.
25 R. Je suppose que le plan de Dubrovnik, vous êtes en tête, vous l'avez à
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1 l'esprit. Il y en avait deux de ces vaisseaux entre l'île de Lokrum et
2 Kupari. Et puis, il y avait un autre vaisseau à droite par rapport à l'île
3 de Lokrum et puis un autre en direction de la ville, plus près,
4 immédiatement du noyau de la ville.
5 Q. Puisque vous avez pu les observer, à quelles fréquences ont-ils tiré
6 ces vaisseaux?
7 R. Les tirs n'ont pas été assez concentrés pour que j'aie pu, tout de
8 même, dénombrer le nombre de tirs. Je crois que c'était si dangereux que
9 j'ai tout de même dû m'occuper de moi-même pour garder la vie sauve.
10 Lorsqu'un de ces vaisseaux a tiré, à un moment donné, toutes les vitres de
11 mes fenêtres se sont effondrées pratiquement, elles ont éclatées. Tout le
12 reste, mes peintures qui sont, tout simplement, tombées du mur. C'est
13 étonnant à quel point on a des trucs qui sont dans un appartement qui sont
14 capables de s'effondrer comme cela.
15 Q. Quand est-ce que tout cela est arrivé ?
16 R. Le 6 décembre.
17 Q. C'est le 6 décembre que votre appartement a été touché ?
18 R. Non, non, non. C'est sous la fenêtre que tout cela a dû percuter. Il y
19 avait un palmier là et c'est pour cela que je dis que le tout a éclaté pour
20 s'effondrer et tomber dans mon appartement.
21 Q. Avez-vous fait faire un relevé de ces dégâts ou l'avez-vous filmé vous-
22 même ?
23 R. Non, non. Par rapport à tous les palais qui ont été détruits et ces
24 belles maisons, je crois que ce serait plutôt honteux et misérable pour ma
25 part de le faire, de m'en occuper pour enregistrer. En tout cas, c'est à
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1 mes frais que j'ai fait faire des réparations des vitres et du reste.
2 Q. Par conséquent, le 6 décembre votre appartement a subi des dégâts et
3 des dommages sérieux et vous ne les avez pas filmés, moyennant votre
4 caméra ?
5 R. Monsieur, je n'ai pas dit que c'est un dommage ou endommagement
6 beaucoup trop grave ou sérieux, c'était plutôt peu sérieux par rapport,
7 disais-je, à tout ce qui était détruit et ayant tant de valeur dans la
8 ville de Dubrovnik. Pour moi, il importait beaucoup plus de voir sauve
9 cette ville qui m'est si chère que le peu de choses que j'ai dans ma
10 maison.
11 Q. Qu'est-ce qui avait encore pour parler endommagement. Vous parlez de
12 vitres, et cetera, et ce qu'il y a eu des fauteuils renversés, et cetera ?
13 R. Oui, en effet. Moi, j'étais dans un fauteuil. Il y avait d'ailleurs,
14 dans mon appartement, un fauteuil où j'aime m'asseoir pour fumer ma pipe.
15 Ce fauteuil a été touché, notamment, pour être transporté d'un bout à
16 l'autre. Que serait-il advenu de moi si j'y étais.
17 Q. Dans quel état se trouvait votre appartement après tout cela ?
18 R. Dans un état lamentable.
19 Q. Quant à vous, quel était votre état d'esprit ? Comment vous sentiez-
20 vous par rapport à cet endommagement ? S'agit-il de dire, que les dommages
21 sont des plus graves dans votre appartement tels que vous les invoquez ?
22 R. C'est plutôt de l'atteinte à mon état d'esprit et moral que je voudrais
23 parler par là, même. C'est peu de chose par rapport à ce que j'ai pu
24 ressentir pour ne pas emprunter de termes poétiques.
25 Q. Comment se fait-il, Monsieur Jusic, qu'après deux journées
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1 d'interrogatoire principal mené par mon collègue, après une journée de
2 contre-interrogatoire, que pour la première fois, vous évoquez le fait que
3 c'est à votre appartement qu'il y a eu cet endommagement et les dégâts
4 occasionnés ? Comment se fait-il ?
5 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, avec tous mes
6 respects, puis-je signaler que c'est pour une première fois qu'on pose une
7 telle question. Par conséquent, il ne s'agit pas d'incohérence entre
8 déposition préalable faite par le témoin.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Kaufman. Continuez
10 Maître Petrovic.
11 M. PETROVIC : [interprétation]
12 Q. S'il vous plaît, répondez-moi à la question. C'est votre vie qui était
13 en danger; il y a eu un shrapnel qui vous a manqué pratiquement alors que
14 vous étiez dans un fauteuil. Comment ce fait-il que vous n'en parliez pas ?
15 Que vous n'ayez pas eu l'occasion d'en parler ?
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Petrovic, maintenant, vous
17 êtes en train de procéder à une distorsion de la déposition du témoin.
18 Evidemment, vous le faites de façon indirecte. Il ne s'agit pas de parler
19 de shrapnels. Lui a parlé des vitres qui ont volé en mille éclats à cause
20 de l'explosion alors que c'est le fauteuil qui a été endommagé par les
21 shrapnels.
22 M. PETROVIC : [interprétation]
23 Q. Qui a-t-il eu d'endommagé ?
24 R. Vous parlez tout le temps d'un obus qui devait tomber dans mon
25 appartement. Vous me posez des questions additionnelles pour m'amener à
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1 faire une erreur. Et bien, écoutez tant que je ne l'aurai pas fait, je vais
2 vous dire : un obus a atterri près de mon appartement sous la fenêtre.
3 C'est l'effet du souffle qui a fait que les vitres ont éclaté et volé en
4 mille éclats. Il y a eu tant d'impacts de ces, comment dirais-je, éclats
5 d'obus et les traces en reste, de ces impacts, dans le mur. Un de ces
6 éclats a pu pénétrer et transpercer mon fauteuil, voilà. De même en est-il
7 pour dire qu'il y a eu ces mêmes éclats d'obus que l'on trouve dans les
8 murs. Il s'agit de cet éclat d'obus et brûlant, je crois.
9 Q. Cet éclat d'obus brûlant, comme vous dites, il s'agit de quelque chose
10 qui vient d'un obus ?
11 R. Oui.
12 Q. Si le shrapnel a percuté votre appartement, c'est-à-dire votre fauteuil
13 ou un siège, où vous risquiez de vous faire tuer, pourquoi n'en avez-vous
14 pas parlé ici devant cette Chambre de première instance lors de
15 l'interrogatoire principal ?
16 R. Monsieur, c'est seulement maintenant que nous venons de parler de ce
17 sujet. J'ai été très précis pour dire que pour moi, il importait peu d'en
18 parler quant aux dégâts occasionnés par votre armée.
19 Q. Je vous prie, Monsieur Jusic, de faire preuve de dignité devant cette
20 Chambre de première instance et de vous retenir quant aux qualifications
21 "votre armée" et ainsi de suite.
22 Il ne reste aucune trace. Vous n'avez rien filmé de tout cela parce que
23 vous l'avez considéré comme étant peu important ?
24 R. Non pas, peu important, mais il y avait des choses beaucoup plus
25 importantes que cela.
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1 Q. Ce coup, ce fut un tir d'une canonnière, n'est-ce pas ?
2 R. Je ne suis pas un expert en matière d'armement. En ce moment-là, on
3 tirait un peu de partout et moyennant tout.
4 Q. Quand est-ce que cela a eu lieu, Monsieur Jusic ?
5 R. Je vous ai dit en date du 6 décembre. Vous vous intéressez à la période
6 de temps, oui ?
7 Q. Précisez l'heure ?
8 R. Vers, l'après-midi peut-être. Une heure d'après-midi.
9 Q. Où étiez-vous ?
10 R. J'étais dehors, pas dans ma maison comme une souris. Devais-je aller
11 aussi me rendre dans ma ville pour voir ce qui se passait dans ma ville,
12 entre-temps.
13 Q. Etiez-vous, telle une souris qui s'était blottie quelque part près d'un
14 balcon pour filmer ce qui se passait dans votre ville ?
15 R. Oui. On le voyait très bien dans notre cassette vidéo. Le visionnage
16 vous a permis de le voir ainsi.
17 Q. Ce qui était visionné, Monsieur Jusic, rien de pareil ne nous l'avons
18 vu, ni ces shrapnels, ni autre chose qui aurait dû passer dans votre
19 appartement, au-dessus de votre tête ?
20 R. De toute évidence, vous n'avez pas suffisamment bien vu et regardé la
21 cassette vidéo et le film. On a pu voir, par exemple, qu'il y avait, comme
22 si, par exemple, je devais marcher à reculons ou comme s'il y avait des
23 feuilles ou des branches qui se trouvaient, à un moment donné, en mouvement
24 ou comme balayés ou quelque chose qui, en tout cas, m'empêchait ou qui
25 empêchait de filmer.
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1 Q. C'est à ce moment-là que l'obus était tombé et que vous avez été
2 touché, là-bas, votre appartement.
3 R. Oui. Je dirais plutôt qu'il y avait comme une espèce de pression de
4 l'air contre moi. Par conséquent, j'avais le sentiment que j'allais me
5 renverser ou tomber à la renverse comme quoi --
6 Q. C'est dans ce sens-là, vous n'avez pas pu voir autre chose que de
7 tourner la ville de Dubrovnik mais pas votre appartement.
8 R. Non, ce n'est pas que je n'ai pas pu, en fait tourner le film même,
9 mais j'ai été tourner ailleurs, en d'autres directions.
10 Q. Pour filmer autre chose.
11 R. Exactement. J'ai voulu filmer les événements de Dubrovnik.
12 Q. A aucun moment donné, vous ne voulez pas filmer ce qui s'est passé dans
13 votre appartement. Votre caméra ne tombait pas de votre main, vous ne la
14 laissez pas tomber. Vous avez été quelque peu chancelant dans votre geste
15 et attitude, mais vous continuez notamment de filmer ce qui se passait dans
16 Dubrovnik, sans vouloir filmer quoi que ce soit de ce qui s'était passé
17 dans votre appartement.
18 R. Exact, dans ces termes-là.
19 Q. A quelle distance de votre appartement, cet obus a-t-il explosé ?
20 R. A une dizaine de mètres. Je crois que le tir a dû percuter le palmier.
21 On devait le voir, mais on ne pouvait voir encore que le tronc.
22 Q. Mais le palmier, il s'est effondré.
23 R. Si, l'arbre, pour parler de son tronc, mais voilà que cela repousse. Le
24 palmier repousse, c'est bien repoussé.
25 Q. Par rapport au balcon, quelle est la hauteur de cette section du
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1 palmier ainsi touché ?
2 R. Peut-être que la couronne du palmier est au même niveau que le balcon.
3 Q. Par conséquent, le coup direct a touché le palmier.
4 R. Oui, et puis, il y avait un homme qui a été tué par le même obus qui se
5 trouvait non loin de ma fenêtre.
6 Q. Mais vous n'en avez pas parlé non plus dans votre déposition.
7 R. Brave homme, je ne vous parle que de ce que vous me demandez. Si vous
8 me demandez autre chose, je vous en parlerai également, en réponse à votre
9 question.
10 Q. Mais regardez, avant-hier, vous avez parlé du mois d'octobre. M.
11 Kaufman, ne vous a pas demandé de dire qu'une canonnière a tiré au mois
12 d'octobre, et qu'un obus a touché le poète Milisic, et c'est comme cela il
13 a péri.
14 R. Oui. Bien entendu, mais il s'agit du côté gauche, par rapport à mon
15 appartement, l'autre incident a eu lieu à droite et Dubrovnik est tout
16 droit.
17 Q. Il ne s'agit pas de parler de côté droit ou gauche par rapport à votre
18 maison. M. Kaufman, vous pose des questions, alors vous dites, "Je souhaite
19 vous relater l'épisode de la mort du poète Milisic." Alors qu'ici, sans
20 qu'on vous demande quoi que ce soit ou lorsqu'on vous pose une question
21 précise, vous parlez de shrapnel, qui évidemment touche votre appartement
22 et vous dites ensuite, "Que personne ne vous a jamais rien demandé."
23 Pourquoi, est-ce que vous avez relaté le sort du poète Milisic ?
24 R. Ecoutez, Monsieur, vous êtes beaucoup plus jeune que moi. Il y a dans
25 la vie des choses qui sont importantes, d'autres qui le sont moins, et
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1 surtout d'autres qui sont plus importantes. Moi, je n'ai parlé que de
2 l'essentiel, de choses qui me semblent le plus important.
3 Q. Mais cet homme-là qui s'est fait tuer par l'obus, cet obus qui a
4 pénétré dans votre appartement, ne s'agit-il pas d'un homme important ?
5 Tout aussi important que les autres hommes.
6 R. Je n'ai jamais pris connaissance de son nom ni du reste des
7 circonstances dans lesquelles il se trouvait. J'ai appris qu'il avait
8 laissé une femme derrière lui et des petits enfants.
9 Q. Mais cette tragédie n'était-ce pas un prétexte pour vous, pour vous en
10 occuper ? Parce qu'il s'agit d'un obus qui est tombé sur votre fenêtre.
11 R. Ecoutez, lorsque les enquêteurs étaient venus chez moi, lorsque j'en ai
12 parlé à M. Kaufman, on m'a fait comprendre que je devais parler des
13 dévastations subies par Dubrovnik à l'échelle culturelle, et voilà ce que
14 j'ai fait pour ainsi dire. Si vous êtes prêt à me poser des questions, je
15 suis prêt à y répondre.
16 Q. Encore une fois, je voudrais savoir si vous êtes certain que cela s'est
17 passé le 6 décembre. Pouvez-vous me répondre franchement ? Etes-vous sûr
18 que cela s'est passé le 6 ?
19 R. N'employez pas le terme "honnêtement ou franchement." Je ne sais pas si
20 vous ne vous êtes jamais trouvé dans ce genre de situation où on vous tire
21 dessus. Vous n'êtes pas certain de vivre, de ne pas mourir dans un instant.
22 Dubrovnik n'a pas été attaqué uniquement le 6, il a été attaqué à plusieurs
23 reprises en 2002. Il a été attaqué avant ce 6 décembre, en novembre. Ma
24 réponse est la suivante : Je ne peux pas être à 100 % sûr, mais ce que je
25 suis en train de vous dire, cela s'est passé le 6.
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1 Q. Fort bien. Ici vous avancez la chose suivante. Si cela s'est passé
2 peut-être en 1992, c'est à ce moment-là que la ville a été attaquée, n'est-
3 ce pas possible que cela ce soit produit à ce moment ? Parce qu'il y a eu
4 des attaques graves en mai et en juin, beaucoup plus sérieuses que celles
5 que nous sommes en train de parler maintenant.
6 R. Pourquoi est-ce que vous posez la question si vous le savez mieux que
7 moi ?
8 Q. Je vous demande si cela est possible.
9 R. C'est possible, mais ce qui s'est passé à ce moment-là lorsque mes
10 fenêtres ont été endommagées, cela s'est passé le 6. Cela j'en suis sûr.
11 Q. Fort bien. Alors dites-moi, s'il vous plaît, comment avez-vous pu
12 déterminer la provenance d'un tir ?
13 R. Les canonnières, je les ai vues. Je les ai vues, on le voit à l'image.
14 Lorsqu'une canonnière tire un obus, elle se couvre de fumée, il disparaît
15 dans la fumée. Pour ce qui est de ce qui est arrivé de l'est, Zarkovica et
16 Bosanka, cela s'est près. C'est comme si quelqu'un vous tirait, à bout
17 portant, quelque chose. Il y avait des obus qui avaient des trajectoires
18 plutôt longues, et à en juger d'après d'autres films que j'ai vu faits par
19 d'autres, il y avait des obus qui provenaient de l'aéroport. Certains
20 disaient qu'il en avait aussi qui étaient tirés de Trebinje. C'est une
21 évaluation que vous avez là d'un homme qui a une ouie parfaite, l'oreille
22 parfaite.
23 Q. Je ne vous demande pas ce que vous avez vu à l'image dans des
24 enregistrements vidéo faits par d'autres. Moi, ce que je veux savoir, c'est
25 ce que vous avez entendu ce jour-là. Je ne vous demande pas ce que vous
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1 avez vu à l'image. Donc le jour en question, comment avez-vous pu
2 identifier la provenance des tirs ?
3 R. Monsieur Petrovic, je suis certain d'une chose, je suis très précis. Je
4 vous ai dit que j'ai vu comment ils tiraient depuis les canonnières. Je
5 vous ai dit que, d'après la proximité, j'ai pu identifier que cela venait
6 de Bosanka ou de Zarkovica. D'après certains bruits, j'ai pu identifier
7 qu'il y avait des obus qui venaient de loin. Donc, j'ai été précis.
8 Q. Est-ce que vous faites une distinction entre le moment où un obus est
9 tiré et la détonation ? Est-ce que vous connaissez la différence ?
10 R. La différence, il me semble que je l'ai déjà dit le premier jour de ma
11 déposition. Lorsqu'on tire un obus, il y a un coup, et après, il y avait de
12 15 à 20 bruits de détonation. On ne pouvait pas identifier, si cela venait
13 de terre, du ciel, de la mer. Cela c'est quelque chose dont j'ai parlé le
14 premier jour.
15 Q. Mais dites-moi, pourquoi il n'y a pas de retentissement lorsqu'on
16 tire ?
17 R. Vraisemblablement parce que cela se passe dans un bois, par exemple. Il
18 n'y a pas de place pour que le son se propage.
19 Q. Mais savez-vous de quel bois ?
20 R. Mais il y a des bois au mont Bosanka, au mont Zarkovica, aussi derrière
21 la colline, en surplomb, c'est tout à fait clair.
22 Q. A Lapad, Babin Kuk, le parc Gradac, Ilijina Glavica, est-ce qu'il y a
23 des bois là-bas aussi ?
24 R. Oui, il y a des pins, il y a des cyprès.
25 Q. vous pouviez entendre le tir lui-même et à peu près 15 retentissements
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1 de détonations ?
2 R. C'est d'un point de vu acoustique que je vous en parle. C'était "dum,
3 dum, dum, dum", comme --
4 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la réponse du témoin.
5 M. PETROVIC : [interprétation]
6 Q. Je ne sais pas si j'ai bien compris. Cela veut dire que s'il y a un ou
7 deux obus qui sont tirés, cela donne l'impression qu'on tire par rafale ?
8 R. Non, on a l'impression que c'est l'enfer, "inferno".
9 Q. Lorsqu'un mortier tire, connaissez-vous ce bruit ?
10 R. Non, je n'en ai aucune idée. Cela, je ne fais pas la différence.
11 Q. Est-ce que vous savez quel est le son lorsque c'est un obusier qui
12 tire ?
13 R. A en juger d'après les mots que vous employer, les termes, ne me jugez
14 pas trop sévèrement, mais vous me parlez d'un obusier, et cela semblerait
15 être une arme plus sérieuse, plus consistante, donc cela devrait être un
16 bruit plus grave.
17 Q. Et un canon ?
18 R. Comme vous venez de le dire, en B/C/S "top".
19 Q. Un canon sans recul ?
20 R. Cela, je ne l'ai jamais entendu. Je ne l'ai vu qu'en image, dans le
21 film. Il me semble que c'est la télévision monténégrine qui a filmé cela,
22 en surplomb de Dubrovnik; comment de jeunes hommes tiraient sur Dubrovnik
23 en se servant de ces canons sans recul.
24 Q. Avez-vous vu un film du même genre filmé à Dubrovnik en 1991 ?
25 R. Qu'entendez-vous par là ? Quelqu'un aurait filmé à Dubrovnik ?
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1 Q. Oui, la HTV.
2 R. Je dois être un petit critique à leur égard. Il n'y avait pas d'équipe
3 de la HTV à Dubrovnik. Ils n'ont pas beaucoup filmé. C'était plutôt nous,
4 les amateurs, qui avons fait cela.
5 Q. Il y a un film de Vedran Benic, qui est votre ami. Vous l'avez
6 mentionné hier.
7 R. Il s'est servi de ma musique pour son film. Il a fait un film sur la
8 forteresse Impériale.
9 Q. De quel genre de film s'agit-il ?
10 R. Il a fait un film qui dit la vérité sur cette forteresse, l'histoire de
11 celle-ci et, ce, jusqu'à nos jours.
12 Q. L'avez-vous vu ce film ?
13 R. Il me semble que non. Peut-être n'étais-je pas à Dubrovnik à ce moment-
14 là. Je sais qu'il m'a demandé une musique qui ajoute au suspense.
15 Q. Avez-vous une idée de quoi il parle de ce film, des événements les plus
16 récents; enfin, ils ne sont plus les plus récents parce que cela se situe
17 en 1991 ?
18 R. Je ne l'ai pas vu.
19 Q. Vous ne cherchiez pas à savoir comment on s'est servi de votre
20 musique ?
21 R. C'est un ami à moi. Pour tirer un parallèle, j'ai un ami à Belgrade,
22 cela fait dix ans ou plus, il m'a appelé un jour et il m'a demandé : "S'il
23 pouvait utiliser l'une de mes chansons dont les vers sont 'Pendant que les
24 palmiers agitent leurs branches', pour s'en servir dans un contexte d'une
25 histoire sur le club de foot Résistants Partisans." Je lui ai dit qu'il
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1 pouvait le faire, et on l'entend encore aujourd'hui. En plus, j'aimais bien
2 cette équipe de football.
3 Q. Très bien. Alors, c'est un film qui a été fait en 1994 ?
4 R. Lequel ?
5 Q. Le film de Benic, celui dont nous sommes en train de parler ?
6 R. Je ne me rappelle pas l'année exacte. On est 2004, aujourd'hui.
7 Q. Il est exact que vous avez enregistré, le 6 décembre, tout ce qui vous
8 semblait important ?
9 R. J'ai filmé tout ce qui nous semblait important; les palais, le bâtiment
10 du festival, des institutions culturelles.
11 Q. Je vous prie de répondre précisément à mes questions. Ma question est
12 donc la suivante : est-il exact que le 6 décembre vous avez enregistré tout
13 ce que vous estimiez être important ?
14 R. Vous savez, ce jour-là, la rue principale, le Stradun, était déserte.
15 Moi aussi, je frôlais les murs, et même si je l'avais souhaité, je n'aurais
16 pas pu venir plus près des bâtiments, de certains bâtiments. C'était en
17 état d'alerte, des obus auraient pu tomber à tout moment. J'ai couru un
18 risque personnel, et c'est ainsi que j'ai montré mon dévouement à ma ville,
19 au risque de perdre ma vie.
20 Q. Vous avez filmé cela le 6 décembre. A quel moment avez-vous filmé
21 l'autre chose que nous avons déjà vu, lorsqu'il y avait des obus qui
22 tombaient sur la vieille ville ?
23 R. Le 6. Je suis entré dans la ville le 7, Monsieur. Je suis entré dans la
24 ville le 7 et j'ai enregistré tout ceci. Nous en avons déjà parlé hier.
25 Nous avons conclu ces points hier.
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1 Q. Non, vous n'arrêtez pas de me dire que ces choses se sont passées le 7
2 et, moi, je vous pose des questions au sujet du 6.
3 R. Le 6, je filmais Dubrovnik. Je me trouvais sur mon balcon, et c'est ce
4 que nous avons vu. Tout d'abord, nous avons regardé le 7 après le 6. Je ne
5 pouvais pas être à deux endroits en même temps.
6 Q. Pour la troisième fois, je vous demande la même chose.
7 R. Je vous en prie.
8 Q. Est-il exact que le 6 vous avez enregistré tout ce qui était
9 important ?
10 R. Depuis mon balcon.
11 Q. Oui.
12 R. J'ai filmé où tombaient les obus.
13 Q. Vous avez filmé tout ce qui vous semblait être important ?
14 R. Vers midi, je n'avais plus de piles, donc j'ai filmé à peu près jusqu'à
15 13 heures.
16 Q. Vous rappelez-vous le fait que vous nous avez dit hier que, vers midi
17 ou vers 13 heures, vous avez arrêté de filmer. A ce moment-là, vous avez
18 rechargé vos piles pour pouvoir filmer le lendemain ?
19 R. Non, non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que j'allais
20 m'arrêter de filmer pour que mes piles ne se déchargent pas complètement.
21 J'ai dit que j'ai filmé aussi longtemps que j'ai pu, mais que j'ai couru à
22 Revelin ou à un autre bâtiment où il y avait du courant, afin de recharger
23 mes piles. C'est à vous d'essayer de m'induire en erreur, mais il
24 m'appartient à moi de ne pas commettre d'erreur. Je me souviens très bien
25 de cela.
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1 Q. Heureusement, Monsieur Jusic, nous avons le compte rendu d'audience.
2 Donc, c'est le 6 que vous êtes allé recharger votre pile ?
3 R. Après cinq ou six heures l'après-midi. Je pense que c'est à peu près à
4 ce moment-là. C'est là que le pilonnage s'est arrêté.
5 Q. Où l'avez-vous fait ? Vous ne l'avez pas dit.
6 R. C'est dans la forteresse Revelin. C'est sur la droite quand vous
7 rentrez dans la ville. Ils avaient un groupe électrogène.
8 Q. Dites-moi, des véhicules de la police entraient-ils dans la vieille
9 ville de Dubrovnik ?
10 R. Des véhicules de la police ? Non, ils n'entraient pas dans la ville.
11 Non, absolument pas.
12 Q. S'il vous plaît, pour ce qui est de Pavo Urban, que savez-vous de la
13 mort de ce garçon ? Comment l'avez-vous appris ?
14 R. On le voit d'après les dernières photos qu'il a prises. On voit
15 exactement où il se trouvait. Puis, sa mère se tient près. Elle a vu, de sa
16 fenêtre, son enfant se faire tuer et c'est après cela que je l'ai su. Quant
17 à ce jeune homme, et bien, je le connaissais comme un garçon très, très
18 courageux qui se rendait partout pour filmer. Il a fait de merveilleuses
19 photos.
20 Q. Sa mère a pu voir depuis sa fenêtre comment il a été tué. Où vit-elle,
21 où habite-t-elle ?
22 R. C'est à peu près la rue Zudioska ou Boskoviceva, dans ce secteur-là.
23 C'est à une, deux rues de distance.
24 Q. C'est de cette rue-là qu'elle a vu son fils se faire tuer ?
25 R. Je n'ai pas dit Zudioska, j'ai dit entre Zudioska et Boskoviceva. Je
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1 connais, à peu près, la fenêtre de leur appartement, de l'endroit d'où ils
2 habitent et je connais l'homme qui a couru pour sortir le corps, pour le
3 sauver sous la porte d'entrée dans la ville de Dubrovnik, mais il n'a pas
4 pu le sauver.
5 Q. Savez-vous depuis quand existe le comté de Neretva à Dubrovnik.
6 Brièvement. Si vous ne le savez pas, dites-le.
7 R. Je ne sais pas exactement. Vraisemblablement depuis les premières
8 élections car à l'époque, avant cela, il n'y avait pas de comtés.
9 Q. Où est le siège du comté ?
10 R. Devant la mairie et maintenant, c'est en face du palais des Ducs.
11 Q. C'est dans la vieille ville ?
12 R. Dans la vieille ville.
13 Q. Savez-vous qui a été le premier président du comté à l'époque qui nous
14 intéresse ?
15 R. Je pense que c'était le Dr Jure Buric.
16 Q. Savez-vous si Buric a joué un rôle quelconque au sein de la cellule de
17 Crise ?
18 R. Non. Il n'a joué aucun rôle. En fait moi je ne le sais pas parce que je
19 ne me suis jamais trouvé présent lors d'une réunion ou quoi que ce soit de
20 concret. C'était un oto-rhino très connu à Dubrovnik, un ORL. Il est devenu
21 président du comté, je suppose lors des élections, tout à fait en bonne et
22 due forme.
23 Q. Il y a quelques jours, vous nous avez dit que vous avez filmé tout ce
24 qui s'était produit d'important le 6 décembre. Vous avez utilisé quelle
25 longueur de votre bande cassette ?
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1 R. Je vous ai dit une cassette et j'ai entamé aussi une deuxième cassette
2 VHS.
3 Q. Si mes additions sont bonnes, vous nous avez dit que c'était des
4 cassettes de 120 puisqu'elles ne se coincent pas aussi souvent ?
5 R. Non, j'ai dit 60, 120, et que j'avais renoncé à 240, c'est précisément
6 ce que j'ai dit.
7 Q. Quelle est la cassette que vous avez utilisée ce jour-là ?
8 R. Je crois que c'était celle d'une heure.
9 Q. L'autre, quelle a été sa longueur ?
10 R. J'avais filmé avant la guerre un anniversaire, on a fêté avec des amis,
11 il y avait peut-être 10 à 15 minutes de cela sur la cassette, donc il y
12 avait pas mal de place encore.
13 Q. Ce 6 décembre, vous avez utilisé cette longueur de la bande ?
14 R. Non, nous avons vu la voiture et moi j'avais commencé à filmer sur
15 cette bande depuis le mois de novembre. Ce n'est pas uniquement le 6 et 7
16 que je l'ai utilisé.
17 Q. Allez, recommençons. Le 6 décembre, quelle est la longueur de la
18 cassette que vous avez utilisée ? Pendant combien de temps votre caméra a-
19 t-elle été branchée ?
20 R. Vous voulez savoir pendant combien de minutes.
21 Q. Heures, minutes, secondes ?
22 R. Peut-être une heure et demie, deux heures. Vous savez, moi, j'avais
23 beau être un héros mais je n'ai pas passé tout mon temps sur le balcon. Il
24 m'est arrivé de me mettre à l'abri à plusieurs reprises aussi. J'ai filmé
25 jusqu'à ce que la pile se décharge.
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1 Q. Deux heures et demie me dites-vous ? A présent, je voudrais savoir la
2 chose suivante. Compte tenu du fait que depuis le 6 décembre, sur cette
3 bande qui a été présentée à la Chambre, il y a neuf minutes et 25 secondes.
4 Dites-moi où sont passées les deux heures et 21 minutes de film que vous
5 avez filmé le 6 décembre ?
6 R. Monsieur Petrovic, là vous vous livrez dans des calculs sur des heures
7 et des minutes, moi je n'ai jamais dit cela. J'ai dit qu'une bande était de
8 60 minutes, une autre peut-être d'une quinzaine de minutes, ceci ne peut
9 absolument pas faire deux heures.
10 Q. Je n'ai pas dit cinq minutes -- deux minutes, deux minutes, je vous ai
11 demandé ce que vous avez filmé ce jour-là et vous m'avez répondu en page
12 20, ligne 17, "deux heures et demie."
13 R. C'en est une chose de passer dix heures et demie sur un balcon et une
14 autre chose de filmer. Vous voulez savoir pendant combien de temps ma
15 caméra est-elle restée brancher sans interruption. C'est le temps que j'ai
16 passé sur le balcon. Je ne peux pas vous dire exactement si j'ai filmé
17 pendant une heure ou 15 minutes, c'est le temps que j'ai passé, ce matin-
18 là, sur mon balcon. Il y a eu des interruptions, des pauses. Il m'est
19 arrivé de sortir me rafraîchir, boire un verre et je revenais. Ce n'est pas
20 de manière continue que j'ai filmé pendant deux heures et demie. Il n'est
21 pas possible qu'il y ait deux heures et demie de film.
22 Q. Quelle est la longueur du film que vous avez tourné le 6 décembre. S'il
23 vous plaît, je vous en prie, moi, je suis obligé d'en terminer avec cet
24 interrogatoire au plus vite, vous me faites gaspiller mon temps. Qu'est-ce
25 que vous avez filmé le 6 décembre ?
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1 R. Vraisemblablement, en ai-je terminé avec une cassette. Après, je vous
2 ai dit, j'ai coupé les pauses.
3 Q. Où se trouve ce que vous avez coupé ?
4 R. Hier, je vous ai invité à venir vous rendre chez moi à Dubrovnik pour
5 qu'on visionne ensemble ces cassettes et je maintiens mon invitation.
6 Q. Je vous remercie. Tout ce qui est important tient dans ces neuf minutes
7 et 25 secondes, c'est cela.
8 R. Les choses les plus importantes.
9 Q. Qu'est-ce qui est important ?
10 R. Le plus important, c'est de voir comment la maison saute, de voir
11 comment brûle le bâtiment du festival des jeux d'été, l'église du Saint-
12 Blaise, les trous sur la rue principale Stradun, les églises, les murs
13 troués de balles, le clocher.
14 Q. Monsieur Jusic avez-vous besoin de faire une pause ?
15 R. Non, non.
16 Q. Je vous ai posé une question pour le 6 décembre. Moi, je continue à
17 vous interroger au sujet du 6 décembre. Vous me répondez à côté.
18 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président --
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman.
20 M. KAUFMAN : [interprétation] Il semblerait que le témoin est en train de
21 donner une réponse détaillée au sujet de toute une série de bâtiments qu'il
22 a vu endommagés ou qu'il a vus en feu. Me Petrovic l'interrompt au milieu
23 de sa réponse.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si Maître Petrovic ne l'avait pas
25 fait, je l'aurais fait moi-même. Monsieur Jusic, il nous est très difficile
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1 de vous suivre en donnant votre déposition. Vous avez deux jours de
2 tournage importants. Le 6 décembre et le 7 décembre. Le 7 décembre si j'ai
3 bien compris votre déposition, vous êtes allé dans la vieille ville et vous
4 avez identifié, vous avez enregistré différents bâtiments d'importance qui
5 ont été endommagés et vous avez filmé quelques scènes un peu générales. Le
6 6 décembre, nous avons uniquement quelques minutes d'enregistrement, celles
7 que nous avons vues. Ce que Me Petrovic essaie d'établir, c'est quelles
8 sont les autres scènes que vous avez filmées le 6 ? Ce n'est pas le 7 qui
9 l'intéresse ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Ce
11 que j'essaie de dire, enfin c'est assez sympathique cet échange, vous savez
12 c'est comme des passes dans le foot. Ce que j'ai déjà dit, c'est que j'ai
13 filmé pendant deux heures et demie, le 6. Après j'ai coupé uniquement des
14 pauses longues entre deux chutes d'obus, par exemple, à des moments où je
15 suis allé boire un verre d'eau ou je suis allé me rafraîchir pour me
16 rasséréner un petit peu. C'était le 6.
17 Or, le 7, de manière très posée, sereinement, je suis rentré dans ma ville,
18 armé de ma caméra, et je ne montre que les dommages sur des bâtiments
19 culturels. Je crois que je l'ai dit très précisément. Il y a peut-être une
20 minute de plus, une minute de moins. De manière très sincère, j'ai invité,
21 Me Petrovic, à se rendre dans ma ville, nous pouvons partir ensemble et
22 nous verrons ce qui reste. Ecoutez, je ne peux pas vous dire sur-le- champ
23 ce qui reste. Mais les choses les plus importantes, je les ai montrées, là.
24 Je vous remercie.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors revenons au 6 décembre. La seule
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1 chose que nous avons, c'est quelques minutes de tournage. Est-ce que la
2 seule chose que vous avez filmée, ce sont les seules images d'obus qui
3 explosent et des choses comparables, ce jour-là ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a peut-être des choses un peu moins
5 importantes, des moments moins importants, cela c'est possible. C'est pour
6 cela que j'offre de re visionner cela encore une fois.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en remercie. Ce qui nous
8 préoccupe, c'est de savoir ce que contient ce que nous avons ici. Quoi
9 d'autres avez-vous filmé le 6 et que l'on ne voit pas dans l'enregistrement
10 que nous avons ici. Alors pour le moment, à en juger d'après ce que vous
11 êtes en train de nous dire, il semblerait qu'il y a des passages qui ont
12 été coupés parce qu'il y avait des interruptions. Il y avait des moments
13 sans importance, et peut-être avez-vous ajouté plus de scènes qui
14 montraient davantage l'attaque sur la ville. Est-ce bien cela ou y a-t-il
15 quelque chose d'autre, de nouveau que vous avez filmé le 6 décembre ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Mais je vous ai dit de manière très
17 précise qu'il y avait des choses moins importantes. Cela c'étaient des
18 choses importantes. Ce que je veux dire c'est la chose suivante, personne
19 ne m'a forcé, personne ne m'a payé, personne ne m'a engagé pour filmer
20 cela. Personne ne m'en contraint à venir déposer ici devant ce Tribunal que
21 je respecte. Je suis venu de bonne fois. Je souhaite aider à établir la
22 vérité, j'ai prononcé une déclaration solennelle, un serment à cette fin.
23 Si Me Petrovic a d'autres questions à me poser, je suis prêt à dire la
24 vérité, mais il me semble que j'ai enregistré, montré ce qui était le plus
25 important, pour montrer qu'elle était la situation à Dubrovnik.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. Petrovic a un rôle précis à jouer
2 et il agit au nom de son client. Il essaye de comprendre quelle est la
3 différence entre les quelques minutes d'enregistrement que nous avons ici
4 et le récit que vous faites ici, à savoir que vous avez filmé pendant plus
5 de deux heures. C'est ce qu'il est en train d'essayer de faire.
6 Maître Petrovic, il me semble que nous avons peut-être épuisé ce sujet. La
7 Chambre est parfaitement consciente des différences qui existent entre
8 l'enregistrement et la déposition au sujet de la durée de l'enregistrement
9 le 6, et c'est ce qui était le plus important pour vous.
10 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Il y a eu combien d'impacts sur la vieille ville ce jour-là, le 6 ?
12 R. Je n'en connais pas le nombre, mais au jour d'aujourd'hui à Dubrovnik,
13 vous avez un plan à l'entrée de la ville, aussi bien du côté est que du
14 côté ouest. Tous les impacts sont consignés, représentés par des points
15 noirs. Je ne sais pas s'il s'agit des centaines ou des milliers d'impacts.
16 Toujours est-il, ils étaient extrêmement nombreux et que ceci figure dans
17 les archives.
18 Q. Il y en avait en tout cas plusieurs centaines ou peut-être plusieurs
19 milliers.
20 R. Non, pour être honnête, je dirais plutôt 1 000, allez, on va dire 1 000
21 impacts.
22 Q. Tout ceci concerne la vieille ville, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. J'imagine que vous, vous avez enregistré, vous avez filmé, le gros de
25 ces impacts.
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1 R. Vous savez, quand vous voyez une maison exploser, je ne sais pas, s'il
2 s'agit d'un obus, de plusieurs obus, c'est un enfer tout simplement. Je ne
3 saurais vous répondre avec exactitude, je ne suis qu'un profane en la
4 matière.
5 Q. Mais je ne vous demande pas des réponses d'expert. Vous avez dit que
6 vous avez filmé presque tous ces impacts.
7 R. Mais non, vous savez. Ma caméra, je la portais sur mon épaule, elle
8 n'était pas sur trépied prête à filmer tout le temps.
9 Q. Vous allez être surpris Monsieur Jusic, si je vous dis à la chose
10 suivante : à 3 heures 58, on a filmé un tir, un impact. Ensuite, je parle
11 de l'heure qui est indiquée sur votre enregistrement vidéo. Ensuite, à 3
12 heures 58. A 16 heures 18, un impact a été enregistré au sud de Stradun,
13 qui figure sur la vidéo que vous avez faite. Ensuite à 4 heures 34, vous
14 avez filmé la fumée au dessus de Srdj. A 6 heures 18, vous avez filmé deux
15 impacts au sud de Stradun. A 7 heures 25, vous avez filmé un impact au
16 niveau de l'école de musique. A 10 heures 14, un impact au niveau de
17 l'école de musique. Et à 11 heures 35, un impact au niveau de Stradun, mais
18 plutôt au nord. Et à 13 heures 07, vous avez filmé un obus tombé sur
19 Stradun ou plutôt au sud de Stradun.
20 Monsieur Jusic, vous avez filmé neuf impacts dans la vieille ville.
21 R. Et quelle est la question ?
22 Q. Je vous demande justement si c'est exact, s'il est exact que vous avez
23 filmé neuf impacts d'obus dans la vieille ville.
24 R. Vous savez Dubrovnik c'est une ville qui est unique, qui fait un tout
25 qu'il faut regarder dans son ensemble. C'est comme si vous arrachez un
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1 ongle à une belle fille, ce n'est plus la même fille. Ce n'est plus la même
2 chose. Neuf impacts, c'est très grave. Tirer neuf obus sur une telle
3 beauté, brûler neuf châteaux, neuf bâtisses.
4 Moi, je vous ai dit quelles sont les évaluations officielles qui figurent
5 dans les archives dans la ville. Je vous ai dit combien il y a eu de tirs
6 sur la ville. Ceci a été confirmé aussi bien par les Nations Unies que par
7 l'UNESCO. Pour moi, c'est une honte, c'est tout simplement une honte. C'est
8 une honte qu'on a osé tirer sur une telle beauté, qu'on a osé tirer une
9 telle beauté même jeter une pierre sur une beauté pareille. Cela aurait été
10 honteux et nous ne parlons pas d'obus. C'est ce que j'essaye de vous dire.
11 Q. Vous avez filmé neuf impacts, évidemment c'est trop.
12 R. Oui. C'est trop. C'est beaucoup trop.
13 M. PETROVIC : [interprétation] A présent, je vais demander à Mme McCreath
14 de m'aider si elle peut. Je voudrais lui demander de me montrer la première
15 moitié de la vidéo enregistrée, plutôt les trois premières minutes, c'est-
16 à-dire la troisième minute. De l'arrêter au niveau de trois minutes dix
17 secondes puisque cela ne vous pose pas de problème.
18 [Diffusion de cassette vidéo]
19 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez-vous, s'il vous plaît. Arrêtez.
20 Faites un gros plan.
21 Q. Monsieur Jusic, est-ce que vous voyez ce qui figure sur l'écran devant
22 vous ?
23 R. Oui, je vois une canonnière.
24 Q. Pouvez-vous nous dire à quel moment cela a été filmé ?
25 R. Vous savez pendant deux, trois mois, on voyait ces canonnières au
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1 large, pendant trois mois au moins. Elles étaient au large à Dubrovnik.
2 Elles sillonnaient la mer en tirant.
3 Q. Est-ce que vous avez filmé cela de façon chronologique ?
4 R. Non. Moi, je ne réfléchissais pas comme un metteur en scène. Vous
5 savez, je ne suis pas un professionnel. J'ai tout simplement voulu
6 enregistrer.
7 Q. Est-ce que vous vouliez que les séquences ne soient pas filmées de
8 façon chronologique ?
9 R. Je n'ai pas réfléchi à cela. Je voulais montrer le plus possible. Je
10 voulais montrer les canonnières, les obus, les tirs, entendre le bruit des
11 tirs, et cetera. Voyez-vous, cette canonnière, et bien, elle vient de
12 tirer, on voit la fumée de canon.
13 Q. Mais où voyez-vous la fumée ?
14 R. A la droite du pont du capitaine, on voit la fumée.
15 Q. Peut-être.
16 R. Non, certainement.
17 Q. Ne vous inquiétez pas, nous allons en trouver avec de la fumée.
18 Vous avez fait des coupures. Vous avez édité cette masse d'éléments que
19 vous aviez. Il n'y a pas de chronologie. Vous dites que le pilonnage de la
20 vieille ville que vous avez filmé, qui a eu lieu le 6, peut-être que cela a
21 eu lieu plus tôt, plus tard, enfin à un autre moment.
22 R. Non, non, ce n'est pas possible. C'était le 6 et pas à une autre date.
23 Q. Mais comment vous pouvez affirmer cela puisqu'en répondant aux
24 questions posées par M. Kaufman, vous avez dit à plusieurs reprises, par
25 exemple, qu'au moment où vous avez filmé cette voiture en train d'exploser,
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1 et bien, vous lui avez bien dit que ce n'était pas le 6 ?
2 R. Oui, c'est vrai que cela a eu lieu au mois de novembre, mais en ce qui
3 concerne le pilonnage de la ville, et bien, je l'ai filmé le 6 et pas une
4 autre date.
5 Q. En ce qui concerne cette canonnière, est-ce que vous connaissez la
6 date ?
7 R. Non, non, non. Là, je ne saurais vous donner la date exacte à laquelle
8 j'ai filmé cette canonnière parce qu'elles étaient toujours là, et disons
9 que j'ai fait cette prise de vue à un moment donné, sans planifier cela.
10 Q. Mais comment avez-vous organisé cela, tout ce matériel. Tout d'abord,
11 vous filmez une voiture et, ensuite, vous voyez une canonnière. Je ne vois
12 pas de chronologie là-dedans. Quelle est la chronologie que vous avez
13 respectée ?
14 R. Voyez-vous, j'ai filmé cette voiture au mois de novembre. Mais ensuite,
15 il y a eu cette attaque, qui a eu lieu le 6. Et ensuite, vous avez les
16 événements, enfin, ce que j'ai filmé le 7, quand je me suis dirigé vers la
17 vieille ville. En ce qui concerne cette canonnière, elle était au large de
18 Dubrovnik un mois avant cela et encore deux mois plus tard. Et elle n'était
19 toute seule d'ailleurs. Il y en avait quatre ou cinq.
20 M. PETROVIC : [interprétation] A présent, je vais demander à Mme McCreath
21 de nous montrer ce qui figure dans l'enregistrement de vidéo au niveau de
22 la 15e minute et 40e seconde de l'enregistrement. Je vais vous demander de
23 faire un arrêt sur image à ce moment-là.
24 [Diffusion de cassette vidéo]
25 M. PETROVIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Jusic, vous entrez dans la ville. Là, nous sommes en la date
2 du 7 décembre ?
3 R. Oui.
4 Q. Nous sommes sur Stradun ?
5 R. Oui, oui. C'est le début de cette rue de Stradun, à l'est.
6 Q. Est-ce qu'il y a beaucoup de gens sur Stradun ce jour-là ?
7 R. Beaucoup trop pour ce jour-là.
8 Q. Cela a été filmé à quel moment ?
9 R. A 7 heures du matin peut-être.
10 Q. Très bien.
11 M. PETROVIC : [interprétation] A présent, je voudrais vous demander de
12 faire un arrêt sur image au niveau de la 17e minute et 35e seconde de la
13 bande vidéo.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 M. PETROVIC : [interprétation] Faites un arrêt sur image, s'il vous plaît.
16 Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire avancer la bande, mais très
17 lentement, si cela ne vous dérange pas. Arrêtez-vous, arrêtez-vous. Voilà.
18 Merci.
19 Q. Est-ce que vous voyez une voiture, Monsieur Jusic, sur l'écran ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous y voyez une plaque d'immatriculation bleue ?
22 R. Oui. Ce n'est pas très clair, mais c'est bleu, c'est vrai.
23 Q. Cette plaque d'immatriculation appartient à qui ?
24 R. C'est très flou. Je ne vois pas très bien. Pouvez-vous ajuster
25 l'image ?
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1 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelle voiture avait la
2 plaque d'immatriculation bleue en RSFY, et en République de Croatie à
3 l'époque ?
4 R. Si mes souvenirs sont bons, c'était la plaque d'immatriculation de la
5 police.
6 Q. Pourriez-vous faire avancer un peu l'image, s'il vous plaît. Voyez-vous
7 ce véhicule de couleur bleue ?
8 R. Oui.
9 Q. Quels étaient les véhicules de couleur bleue ?
10 R. Mon avant-dernière voiture était bleue. Aujourd'hui, j'ai une voiture
11 qui est rouge.
12 Q. Monsieur Jusic, vous avez beaucoup d'humour, ceci n'est pas
13 contestable. Une voiture bleue avec des plaques d'immatriculation bleues,
14 pouvez-vous me dire à qui appartient cette voiture ?
15 R. Vous savez à l'époque, à Dubrovnik, il y avait beaucoup de plaques
16 d'immatriculation différentes. Des plaques d'immatriculation
17 internationales. Je ne saurais déterminer à qui appartient cette voiture.
18 Je vois bien que c'est une voiture bleue mais, de l'autre côté, je vois des
19 housses de siège blanches, et je n'ai jamais vu de housses de siège
20 blanches dans une voiture de police.
21 Q. Monsieur Jusic, une voiture bleue avec des plaques d'immatriculation
22 bleues M, est-ce que vous savez à qui cela appartient ?
23 R. Je ne sais pas.
24 Q. Vous ne savez pas ?
25 R. Mais d'où vous tenez cette lettre M ? D'où cela vient ?
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1 Q. La première lettre qui figure sur cette plaque d'immatriculation est la
2 lettre M' car c'était la seule possibilité. C'était la seule lettre qui
3 était toujours la première lettre figurant sur les plaques
4 d'immatriculation bleues des voitures de police.
5 R. Mais, chez nous, cela ne s'appelait pas la milice, mais la police.
6 Normalement, logiquement, c'était une lettre P, pas une lettre M.
7 Q. Bon. Je pense qu'en 1991 le nom était le même, comme partout dans l'ex-
8 Yougoslavie, la milice. Mais bon, passons, passons.
9 Pouvez-vous me dire où cela a été filmé ? Devant la municipalité ?
10 R. Oui, je suis sorti du bâtiment de la municipalité et j'ai filmé à peu
11 près jusqu'à 9 heures. Ensuite, j'y suis allé à nouveau. Je suis revenu à
12 la mairie pour charger ma batterie puisqu'ils avaient un groupe
13 électrogène. Nous allons voir quelle heure il est, car je l'ai filmé cela
14 aussi.
15 Q. Ce véhicule a été filmé devant le bâtiment municipal près du palais du
16 Recteur en face de l'église Saint-Blaise ?
17 R. Oui, c'est exact. C'est sûr que c'est comme cela.
18 M. PETROVIC : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, avancer un
19 peu la bande vidéo jusqu'à la 17e minute et 50e seconde.
20 [Diffusion de cassette vidéo]
21 M. PETROVIC : [interprétation] Encore un petit peu en avant. Peut-on
22 essayer de voir cette séquence en entier, encore un petit peu voilà. Très
23 bien, merci.
24 Q. Où sont ces gens, tous ces gens ?
25 R. Très bonne question. Justement, je voulais vous poser la question.
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1 Avez-vous entendu. On a entendu le bruit des sirènes, c'était l'alerte et
2 les gens sont partis dans les abris.
3 Q. Vous êtes sûr que là, il s'agit de la même séquence, que vous n'avez
4 pas changé de séquence ?
5 R. Non. Vous allez voir à peu près une demi-minute plus tard, plus loin
6 dans le film, je demande à un passant, quel jour on est aujourd'hui, comme
7 si je savais qu'un jour vous alliez me poser cette question-là.
8 Q. [aucune interprétation]
9 R. Oui, je me souviens très bien, il dit il est midi moins le quart. Oui,
10 ou plutôt midi moins 20, moins 20.
11 Q. Très bien.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvons-nous intervenir, Maître
14 Petrovic.
15 Monsieur Jusic, on voit l'ombre, l'ombre assez important qui traverse la
16 rue et apparemment, il s'agit de l'ombre d'un immeuble. Est-ce que vous
17 conviendrez, qu'à cette période-là, le soleil se lève à peu près à sept
18 heures ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que vous voyez-là a été filmé à midi moins
20 20 et le soleil est au zénith. Ce que vous voyez sur ce plan a été filmé à
21 midi moins 20.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A quel moment le soleil se lève à
23 cette période de l'année à Dubrovnik ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Vers 6 heures et demie ou sept heures.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cette ombre vous paraît
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1 habituelle pour midi. Est-ce que cela vous étonne ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] L'ombre que l'on peut voir ici c'est une rue,
3 une rue ensoleillée et comme la rue se continue, les choses changent.
4 Permettez-moi d'ajouter quelque chose, normalement, cette rue a une surface
5 complètement lisse. C'est comme un miroir alors que là, on voit les impacts
6 d'obus, et cetera.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci, Maître Petrovic de
8 nous avoir permis de vous interrompre quelques instants. M. PETROVIC :
9 [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vous en prie.
10 Q. Monsieur Jusic, pourriez-vous nous donner le nombre exact de bâtisses
11 qui ont brûlé, comme vous le dites, le 6 décembre ?
12 R. On commence par le bâtiment du festival d'été de Dubrovnik. Ensuite, il
13 y a le bâtiment numéro 2, ensuite le numéro de Ivo Grbic, un peintre de
14 renommé, c'est la troisième. Ensuite, la quatrième maison qui a brûlé, elle
15 est juste à côté. Ensuite, deux palais 5 et 6 en face de l'église
16 orthodoxe. Ensuite, à la droite, vous avez un bâtiment aussi qui a brûlé,
17 donc on va dire que c'est le 7e et juste à côté un 8e bâtiment, c'est dans
18 la rue de Sorkocevic. Je l'ai filmé. Là, je ne parle pas d'impact d'obus.
19 Je vous parle uniquement de maisons qui ont brûlé entièrement.
20 Q. Monsieur Jusic, nous allons, à nouveau, examiner votre vidéo, car là on
21 en compte que 6. Deux de ces bâtiments ne peuvent être vus que
22 partiellement.
23 M. PETROVIC : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous amener
24 à la 26e minute et 20e seconde de la vidéo.
25 [Diffusion de cassette vidéo]
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1 M. PETROVIC : [interprétation]
2 Q. Permettez-moi de vous poser des questions.
3 [Diffusion de cassette vidéo]
4 M. PETROVIC : [interprétation] Attendez que je vous pose les questions.
5 Faites un arrêt sur l'image là, merci.
6 Q. Cela, c'est la maison du peintre Grbic, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce la boutique de prêt-à-porter de Belgrade, Bogradska Confectir
9 [phon], qui se trouvait au rez-de-chaussée de la maison ?
10 R. Oui. Il habitait à l'étage.
11 Q. Oui. Merci.
12 M. PETROVIC : [interprétation] A présent, pourriez-vous vous arrêter à la
13 28e minute.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 M. PETROVIC : [interprétation] Faites un arrêt sur l'image.
16 Q. Comment se fait-il que ce lampadaire soit resté entier ? Il est fait de
17 quoi ?
18 R. Maître Petrovic, ne vous fâchez pas mais c'est une question qui n'a
19 aucun sens, cela ne fait pas de sens. C'est une honte. Toute la maison
20 était brûlée. C'est un hasard, c'est un pur hasard. Comment, je suis resté
21 en vie ?
22 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, soyez gentils, ne lui
23 permettez pas de me poser ces telles questions. Ce ne sont pas des
24 questions polies tout au moins. C'est le moins que l'on puisse dire.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Jusic, je comprends bien que
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1 vous ressentiez très profondément ces choses-là, mais vous pouvez répondre
2 de façon très simple et très brève à une question semblable. Vous dites
3 "par hasard", vous n'avez pas besoin d'ajouter quoi que ce soit d'autre.
4 Cela suffit, amplement.
5 M. PETROVIC : [interprétation] On continue.
6 [Diffusion de cassette vidéo]
7 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez-vous, s'il vous plaît, ici.
8 Q. Est-ce que dans ce bâtiment se trouvait une boutique du prêt-à-porter
9 de Titograd. Ce qui est écrit ici, c'est boutique Titex ?
10 R. Oui. Je ne sais pas qu'elle était cette boutique. Je ne sais pas à qui
11 elle appartenait. Là, on regarde ces deux lampions à l'extérieur et on voit
12 qu'ils ont été protégés par les murs. C'est vraiment extraordinaire qu'ils
13 soient restés intacts.
14 Q. Je vous ai demandé si c'était une boutique de prêt-à-porter de
15 Titograd.
16 R. Ici, je vois qu'il est écrit boutique, mais je ne sais pas à qui
17 appartenait, quelle était cette boutique.
18 M. PETROVIC : [interprétation] A présent, je vous demande de me montrer la
19 29e minute.
20 [Diffusion de cassette vidéo]
21 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez-vous, s'il vous plaît. Faites un
22 arrêt sur l'image. Merci.
23 Q. Monsieur Jusic, à nouveau, on voit des maisons qui ont brûlé.
24 R. C'est un palais.
25 Q. Un palais oui. En bas à gauche, voyez-vous le logo qui figure ?
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1 R. Oui.
2 Q. Kluz, le prêt-à-porter de Belgrade.
3 R. C'est peut-être même Kluc. Car j'ai l'impression d'avoir un
4 diacritique, au niveau du C.
5 M. PETROVIC : [interprétation] Pourriez-vous mettre au point l'image ?
6 [Diffusion de cassette vidéo]
7 R. Arrêtez-vous là. Qu'est-ce que vous avez dit qui était écrit ?
8 M. PETROVIC : [interprétation]
9 Q. Kluz.
10 R. Mais pour moi, ce n'est pas un Z. Parce que je vois un trait au dessus
11 de la dernière lettre, pour moi c'est plutôt la lettre C.
12 Q. Bien.
13 M. PETROVIC : [interprétation] Nous allons faire avancer un petit peu,
14 faites un arrêt sur l'image.
15 [Diffusion de cassette vidéo]
16 M. PETROVIC : [interprétation] Là, nous avons vu trois immeubles qui ont
17 brûlé.
18 Q. En face de l'église orthodoxe, vous avez cette quatrième bâtisse qui a
19 brûlé, la boutique du Serbe.
20 R. Oui.
21 Q. N'est-il pas étonnant que sur les quatre immeubles qui ont brûlé, il y
22 en au moins trois qui appartenaient aux Serbes ?
23 M. KAUFMAN : [interprétation] Je me demande, si l'on ne demande pas, par
24 cette question-là, au témoin de faire des suppositions. C'est pour cela que
25 je soulève une objection.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous avez une réponse à
2 cette question, Monsieur Jusic ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vais répondre volontiers.
4 Tout d'abord, ce sont les bâtisses qui appartenaient à l'ex-Yougoslavie. Ce
5 sont les fonds de commerce qui se trouvent au rez-de-chaussée de ces
6 bâtiments, mais en haut à l'étage, habitaient des Croates. Ce qui démontre
7 bien que les assaillants n'ont pas choisi les façons d'attaquer, ils ne
8 faisaient pas de distinction entre nationalités ou religions. Ce qu'ils
9 voulaient, c'était détruire.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, je pense que le
11 moment est opportun.
12 M. PETROVIC : [interprétation] Je suis tout à fait conscient de ce que vous
13 avez dit hier. Vous savez, j'ai eu beaucoup de mal à obtenir les réponses
14 de ce témoin, c'est pour cela que je présente mes excuses et que je vous
15 demande de bénéficier d'encore une quinzaine de minutes après la pause.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous vous accordons dix minutes,
17 Maître Petrovic.
18 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A ce moment-là, nous allons faire une
20 pause. Nous allons prendre une pause habituelle, à présent.
21 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
22 --- L'audience est reprise à 10 heures 56.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic, c'est à vous.
24 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Jusic, pour ce qui est des dalles du Stradun, comme telles,
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1 combien d'impacts avez-vous pu filmer ?
2 R. Je n'ai pas prêté attention pour les dénombrer vraiment, pour filmer le
3 tout, mais il y en avait au moins une dizaine de dalles qui ont été très
4 endommagées.
5 Q. Vous avez en filmé deux, l'une en face de cette camionnette, près du
6 palais, qui avait le festival et un autre dans la rue Palmoticeva.
7 R. En tout cas, il y en avait plusieurs.
8 Q. Combien de parties y a-t-il eu près du monument d'Orlando ?
9 R. Pour être concret, il s'agit de deux trous dans les dalles, un moins
10 grand et l'autre assez grand et, puis, près de Saint-Blaise, près de
11 l'église.
12 Q. Je vous pose la question au sujet des dalles.
13 R. Il y en avait juste deux, mais j'en ai filmée également une autre près
14 de Saint-Blaise, de l'église.
15 M. PETROVIC : [interprétation] J'aimerais que Mme McCreath nous permette de
16 nous reporter à la 55e minute.
17 Q. Mais avant d'y arriver, s'il vous plaît, Monsieur Jusic, vous avez
18 également filmé les dégâts tels qu'occasionnés dans le monastère
19 franciscain ?
20 R. Exact.
21 Q. Il me semble que vous avez filmé également tous les dégâts occasionnés
22 dans le réfectoire, salle à manger du monastère.
23 R. Exact.
24 Q. Il me semble que vous avez filmé le trou par lequel l'obus est entré et
25 l'emplacement de son explosion.
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1 R. Oui.
2 Q. Pouvez-vous vous rappeler du lieu de l'explosion ?
3 R. Je crois qu'un des gars, Mato Polonio, je crois qu'il s'appelait, m'en
4 a parlé, quant à l'emplacement.
5 Q. Oui, et qu'est-ce qu'il a dit ? Où c'était, le point d'impact de
6 l'explosion ?
7 R. C'est par le doigt qu'il a désigné l'orifice, c'est-à-dire l'obus est
8 entré par la fenêtre, de provenance de Zarkovica ou de Bosanka.
9 Q. Mais où est-ce qu'il a dit que l'explosion a eu lieu, dans l'enceinte
10 elle-même, dans la pièce de la salle à manger ?
11 R. Non, il n'a pas dit ainsi.
12 Q. D'après vous, où l'obus a-t-il explosé ?
13 R. Je crois qu'il a explosé à l'impact même, en percutant la fenêtre.
14 M. PETROVIC : [interprétation] Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous faire
15 voir maintenant la cassette vidéo. Faites défiler jusqu'à la minute 35
16 minutes 12 secondes.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 R. Voilà la garde --
19 M. PETROVIC : [interprétation]
20 Q. Attendez, je vais vous poser la question.
21 M. PETROVIC : [interprétation] Pouvez-vous nous rembobiner un petit peu,
22 s'il vous plaît.
23 [Diffusion de cassette vidéo]
24 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez, arrêtez, s'il vous plaît, la régie.
25 Arrêtez ici. Oui.
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1 Q. Monsieur Jusic, expliquez-nous, comment se fait-il que, dans cette
2 pièce-là, tout semble rester en place, indemne, si, par exemple, il y a eu
3 une explosion qui s'était produite là. On peut voir un bocal, un bocal
4 d'eau, une chaise, et cetera. Comment se fait-il que cela soit comme ça ?
5 R. Je vous ai dit que l'obus a explosé au niveau de la fenêtre. S'il avait
6 explosé dans l'intérieur, les dégâts auraient pu être plus importants.
7 Q. A quelle distance se trouve la fenêtre par rapport à ce bocal d'eau ?
8 R. Cinq mètres.
9 Q. Le bocal d'eau n'a rien reçu lorsque l'explosion a eu lieu, à une
10 distance de cinq mètres ?
11 R. Ecoutez, l'explosion de l'obus s'est produite à l'extérieur de la
12 fenêtre, pas en passant par la fenêtre, dans l'embrasure de la fenêtre.
13 Lorsqu'on se pose la question de l'emplacement de la fenêtre, elle est au-
14 dessus de la garde que vous voyez, pas au-dessus du bocal.
15 Q. Très bien.
16 M. PETROVIC : [interprétation] Je m'excuse, je dois vous demander de
17 rembobiner. Nous sommes, si vous voulez bien, à la 24e minute et à 30e
18 seconde. Rembobiner encore un petit peu. Merci. Arrêtez.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez maintenant.
21 Q. J'ai compris que vous avez dit qu'il y a eu quelqu'un, un cycliste,
22 quelqu'un en mobylette, qui roule le long de Stradun. C'est ainsi que vous
23 avez dit. Cette voiture, qu'est-ce que cela veut dire, cela, maintenant ?
24 On voit passer une voiture ?
25 R. Mais ceci devrait être, tout simplement, l'expression, pure et simple,
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1 d'une anarchie qui règne. Que voulez-vous que je vous dise de plus ?
2 M. PETROVIC : [interprétation] Pouvez-vous faire défiler, s'il vous plaît,
3 la cassette.
4 [Diffusion de cassette vidéo]
5 M. PETROVIC : [interprétation] Reportez-nous à la fin de la 24e minute.
6 Essayons maintenant, essayons de nous arrêter maintenant. Arrêtez-vous
7 maintenant. Peut-être faites rembobiner, mais juste peut-être un rien de
8 séquence en arrière.
9 [Diffusion de cassette vidéo]
10 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez-vous ici. Je vous remercie, Madame.
11 Q. Comment se trouve situé, de par l'orientation géographique, ce
12 clocher ?
13 R. Vous vous intéressez à cet emblème, à ce drapeau ?
14 Q. Non, non, non. Ce qui m'intéresse, ce sont les quatre points cardinaux.
15 R. A gauche, vous avez le sud. Là, ce que je montre, est à l'est. De
16 l'autre côté, l'ouest, et cetera.
17 Q. Trois jours de suite, vous nous parlez de façon assez opiniâtre que les
18 obus parvenaient de l'est. Où se trouve ici un dégât occasionné, par quoi
19 que ce soit, qui aurait pour provenance le côté est ?
20 R. Je me souviens très, très bien, Monsieur, que cet obus devait avoir sa
21 provenance de Zarkovica. D'après ce trou-là, ceci doit indiquer, notamment,
22 la provenance de Zarkovica.
23 Q. Très bien. Tout cela, évidement, à une provenance de l'est.
24 R. Exact, de l'est. C'est ce que j'ai dit.
25 Q. Vous soutenez donc que c'est le côté est du bâtiment qui se trouve
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1 endommagé ?
2 R. Hier, j'ai bien marqué la carte pour vous faire voir l'est et Zarkovica
3 mais, en tout cas, je peux le refaire encore. Mais je sais très bien qu'il
4 s'agit de Zarkovica.
5 Q. Fort bien.
6 M. PETROVIC : [interprétation] Maintenant, Monsieur le Président, je me
7 vois obligé de renoncer à un bon nombre de questions que je me proposais de
8 poser. Mais probablement, le temps est venu, pourrions-nous le faire par
9 écrit, à ce sujet, faire quelque chose.
10 Maintenant, voyons la 43e minute et 33e seconde.
11 [Diffusion de cassette vidéo]
12 M. PETROVIC : [interprétation] Faites défiler, s'il vous plaît. Encore un
13 peu. Arrêtez-vous ici. Je vous remercie. Peut-être, pouvez-vous rembobiner
14 juste pour quelques secondes seulement.
15 Q. Monsieur Jusic, est-ce que vous pouvez voir, ici, cette canonnière ?
16 R. Oui. En effet, cette canonnière qui vient de tirer. Et voilà, d'où ce
17 dégât, la fumée dont je parlais.
18 Q. Oui, vous dites qu'il s'agit de la canonnière et c'est pratiquement la
19 fin du tir ?
20 R. Oui.
21 Q. Il s'agit de la 43e ou de la 44e minute.
22 R. Que voulez-vous dire par là, qu'est-ce que vous voulez que je vous
23 dise.
24 Q. Quand est-ce que vous avez filmé cela ?
25 R. Je n'ai pas fixé l'heure, la période de temps, mais en tout cas pour
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1 moi l'essentiel c'est que cette canonnière a tiré sur Dubrovnik et sur moi.
2 Q. Bon. L'essentiel pour vous et l'importance, c'est de voir la canonnière
3 tirer sur Dubrovnik et moi-même, et la date et l'heure ne seraient pas
4 exactes ?
5 R. Ceci ne peut être évidemment important pour vous mais moi je crois que
6 j'étais vraiment aux aguets et cette fois-ci, c'est moi qui était en péril.
7 Q. Par conséquent la date n'est pas importante et l'heure ?
8 R. Ou tout simplement c'est peut-être que ne m'y préparais pas pour parler
9 date et heure. C'est peut-être que ma concentration flanche un petit peu.
10 M. PETROVIC : [interprétation] Passons maintenant à la dernière séquence de
11 la 44e séquence. Faites défiler tout simplement jusqu'à la fin de cette
12 séquence.
13 [Diffusion de cassette vidéo]
14 M. PETROVIC : [interprétation] Arrêtez-vous ici. Rembobinez un peu s'il
15 vous plaît, juste un petit peu. Arrêtez-vous ici.
16 Q. Quand avez-vous filmé cela, Monsieur Jusic ?
17 R. Je ne sais pas. Il s'agit de mon balcon. De ma table à moi mais ce
18 n'est pas une bouteille d'eau de vie de poire William.
19 Q. Est-ce que ceci a été filmé après le coup direct dans votre
20 appartement, avec tout ce qui a été occasionné comme débris, destruction et
21 démolition ?
22 R. Je n'en suis pas certain.
23 Q. Quand l'avez-vous filmé ?
24 R. Ecoutez je vous ai dit que, pour ce qui est d'une section de cette
25 bande vidéo, celle-ci contient des instantanés et épisodes d'une fête, à
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1 savoir de mon anniversaire et peut-être que je n'en suis plus certain.
2 Parce que je vois maintenant que là, on peut voir cette bouteille, deux,
3 trois verres.
4 Q. Monsieur Jusic, il n'y a pas de solutions de continuité depuis la
5 canonnière à cette séquence-là ?
6 R. Oui, je vous comprends fort bien. Mais je vous disais que pendant une
7 période de trois ou quatre mois, les canonnières sillonnaient la mer de
8 Dubrovnik pour tirer. Par conséquent ce n'est pas que c'était justement ce
9 jour-là que --
10 Q. Peut-être il y a une différence de deux ou trois mois après ?
11 R. Oui.
12 Q. Comment se fait-il que sur cette bande vidéo, comme vous l'avez dit,
13 quelques jours après les événements intervenus, vous avez procédé à un
14 montage de l'ensemble du matériel dont nous avons eu le visionnage ici,
15 dans une cave de l'hôtel Libertas ?
16 R. Je n'ai pas dit cela en ces termes-là. Mais lorsque les enquêteurs,
17 comment dirait-on, ceux qui font l'enquête au nom du Tribunal sont venus me
18 voir, je leur en ai parlé, j'ai dit que j'ai des prises de vue. Ils sont
19 restés pris de court pratiquement. Je leur ai dit que j'étais prêt à leur
20 remettre l'ensemble du matériel. Mais c'est à la télévision que j'ai le
21 tout et le montage y a été fait après la guerre. C'est ainsi que ce qui a
22 été monté, je l'ai apporté ici.
23 Q. Vous l'avez monté ce film, le matériel à tourner, après la visite de
24 ces messieurs, les enquêteurs ?
25 R. Exact. Ils s'en sont servis. Je ne sais plus combien de séquences ils
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1 ont pris.
2 Q. Vous dites que vous avez remis aux enquêteurs du Procureur du Tribunal,
3 un matériel monté ainsi que vous l'avez considéré comme devait être fait à
4 la sélection de matériel ?
5 R. Pourrais-je définir autrement. Je leur ai remis ce que je considérais
6 comme étant vraiment l'essentiel à montrer pour moi. Parce que je ne suis
7 pas un réalisateur, je ne suis pas quelqu'un qui serait le préposé au
8 montage du matériel.
9 M. PETROVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
10 Madame, Monsieur le Juge, je n'ai plus de questions pour ce témoin.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Petrovic, vous venez de
12 dépasser la période de temps d'une heure et d'un quart. Nous comprenons
13 fort bien la situation dans laquelle vous vous trouvez.
14 M. PETROVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous
15 apprécions votre attitude à notre égard.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous profitons de l'occasion pour
17 remercier Madame McCreath de son assistance, de ce qu'elle a fait.
18 Monsieur le Procureur, c'est à vous.
19 M. KAUFMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Nouvel interrogatoire par M. Kaufman :
21 Q. [interprétation] Monsieur Jusic, quelques questions seulement que j'ai
22 à vous poser de façon supplémentaire. Après quoi vous serez en mesure de
23 disposer.
24 Parlons du tout dernier volet, à savoir parlons de ce montage. Je crois que
25 tous ne comprennent pas très bien comment et dans quelles circonstances il
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1 y a eu ce montage, c'est-à-dire, ce matériel, de ces cassettes vidéo, au
2 sujet desquelles, des questions vous ont été posées tout à l'heure.
3 Vous avez dit qu'un montage définitif a été fait, lorsque vous avez eu une
4 rencontre avec les enquêteurs et lorsque vous avez fait une déclaration à
5 l'enquêteur. Pouvez-vous nous dire où le montage a eu lieu et quand ?
6 R. Monsieur Kaufman, ici on utilise un terme très sérieux, dont je ne
7 devrais pas être tout à fait fier, que je ne méritais pas. Je suis
8 compositeur de métier. Je ne suis pas un réalisateur. Le montage est le
9 travail qu'effectue des gens hautement qualifiés, formés à cette fin-là et
10 moi j'ai tout simplement filmé tout cela.
11 Je suis allé à une vidéothèque et j'ai dit à un gars, qui était là, de
12 faire défiler la cassette, pour lui dire : "Prends ceci, prends cela,
13 marque cela, et cetera." Nous n'avions pas à notre disposition ce qu'on
14 appelle une table de montage pour procéder à un montage, proprement dit.
15 Par conséquent, j'aimerais qu'on écarte ce terme de "montageur" J'ai voulu
16 tout simplement vous faire voir comment se sont présentées les
17 circonstances dans lesquelles nous avons pu périr nous tous, moi et mes
18 enfants, et mes amis.
19 Q. Monsieur Jusic, je comprends fort bien ce que vous dites, mais
20 lorsqu'en anglais je parle de montage, cela ne veut pas dire que ceci
21 devrait être effectué de façon professionnelle. Vous devez l'avoir à
22 l'esprit et vous devez me comprendre.
23 Dites-moi quelle date, quand est-ce votre anniversaire, et cela tous les
24 ans bien sûr lorsque vous dites qu'il y a une bouteille de cognac, et
25 cetera. Quand est-ce que c'était ?
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1 R. En horoscope, je suis un verseau, le 26 janvier, que je suis né.
2 Maintenant je ne sais pas comment dire que nous le faisons tous les ans
3 pour célébrer mon anniversaire.
4 Q. Par conséquent, ce brandy, ce cognac, c'est tout le 26 janvier que vous
5 l'avez --
6 R. Brandy, oui.
7 Q. Vous avez parlé également de canonnière qui était à proximité de
8 Dubrovnik et cela pendant plusieurs mois ? Je crois qu'à la page 11,
9 première ligne du transcript d'aujourd'hui, il s'agit d'une mauvaise date
10 qui a été consignée. On parle de l'année 2002. Pouvez-vous nous dire en
11 quelle période ces canonnières se trouvaient aux environs de Dubrovnik ?
12 R. Déjà en été 1991, ces vedettes et bateaux se trouvaient à proximité de
13 Dubrovnik, peut-être un mois avant pour tirer après tout le temps presqu'en
14 permanence. D'abord ces canonnières se sont mouillées et puis après se sont
15 mis à circuler pour tirer. Même je dois dire que c'est en date du 26
16 janvier que ces canonnières ont pratiquement annoncé mon anniversaire pour
17 me féliciter.
18 Q. Etait-ce en 2002 ou en 1992. Nous voulons, tout simplement, apporter un
19 éclaircissement pour corriger ce que nous lisons, comme je viens de vous le
20 dire, dans le transcript.
21 R. Ceci ne pouvait être qu'en 1992.
22 Q. Merci, Monsieur. Revenons un petit peu en arrière, et suivons un
23 certain ordre chronologique de ce qui a été posé sous forme de question
24 lors du contre-interrogatoire.
25 A l'intention de la Chambre de première instance et de
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1 Me Petrovic, puis-je vous rappeler qu'il s'agit de la page 87, deuxième
2 ligne du transcript d'hier.
3 Répondant à l'une des questions de Me Petrovic, vous avez dit que le Dr
4 Lang a envoyé un SOS, et que c'était à 6 heures, 6 heures du matin ou 6
5 heures du soir.
6 R. Du soir.
7 Q. Merci, Monsieur. Lors du visionnage de ce film, on vous a vu, vous-
8 même, longer le Stradun. Dites-moi, comment avez-vous procédé pour aller
9 dans le Stradun, où vous tourniez vous avec, par exemple, votre dos, par
10 quel point cardinal ?
11 R. Du dos, j'étais vers l'est.
12 Q. Lorsqu'il y avait, par exemple, cet épisode concernant Maljutka, c'est-
13 à-dire, le point d'impact lorsqu'un obus a percuté le mur, vous vous
14 trouviez où, toujours du côté de votre dos.
15 R. Vers l'est.
16 Q. Je vous remercie. Ce matin, en réponse à une question posée par M.
17 Petrovic, vous avez parlé de ce que vous avez pu entendre, de ce bruit
18 tonitruant à Zarkovica lorsque vous avez dû diriger un concert à l'honneur
19 de Mozart. Monsieur Petrovic, vous a posé une question concernant ces
20 chansons, les paroles de ces chansons, vous avez dit que celles-ci
21 n'étaient pas tout à fait convenables pour en parler.
22 Dites-nous quelle est la nature même de ce qui a été dit à travers les
23 paroles ou les vers que vous dites vulgaires ?
24 R. Monsieur Kaufman, je dois tout de même vous reprendre.
25 M. Petrovic m'a dit que je n'ai guère besoin de parler de texte. Quant à
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1 vous, si vous insistez, je peux vous en parler. Ce n'est certes pas quelque
2 chose qui serait convenable pour être dit dans cette institution, dans
3 cette maison. Je pourrais rédiger les paroles et le texte de cette chanson
4 et vous les remettre à vous et à
5 M. Petrovic. Je ne peux pas proférer ces paroles.
6 Q. Pouvez-vous nous aider pour nous dire de quelles paroles vulgaires, il
7 s'est agi, vous n'êtes pas obligé de les citer ? Qu'avez-vous entendu dire
8 ou chanter moyennant ces hauts parleurs ? Vous n'êtes pas obligé de
9 descendre dans le détail. Dites-nous grosso modo de quoi il s'agit ?
10 R. Si vous le voulez bien, il y a une strophe dans le texte qui se lit,
11 qui se lit comme suit : "Celui qui n'aime pas un Monténégrin, aime son
12 père," --
13 Q. Je n'insisterai plus là-dessus. Allons de l'avant.
14 Monsieur Jusic, pouvez-vous me rédiger le texte, nous écrire les paroles de
15 cette chanson ?
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman, quelle est la fin de
17 tout cela, en vérité ?
18 M. KAUFMAN : [interprétation] Monsieur le Président, je fais de mon mieux
19 de constater s'il s'agissait d'un gros mot, d'un juron qui était lancée à
20 l'encontre de Dubrovnik ou d'une manière générale.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que vous êtes en train de
22 traiter d'une question de moindre importance.
23 M. KAUFMAN : [interprétation] Je passerai volontiers à un autre sujet,
24 Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur Jusic, vous nous avez dit avoir vu un canon ainsi que l'a
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1 diffusé une chaîne de télévision monténégrine. Je prie l'Huissier de
2 m'aider, la régie technique.
3 Je vous prie, de vous reporter à l'écran. De quelle chaîne de télévision
4 il s'agit, Monsieur ?
5 R. Il s'agit de la chaîne de télévision de Monténégro. Ce que nous voyons
6 ici, il s'agit du mont Zarkovica en dessous de Dubrovnik et très loin, on
7 peut voir le mont Srdj mais également, les îles Elafiti.
8 Q. Est-ce qu'on peut voir un canon ici ?
9 R. Oui. Oui, on peut voir un canon. Si on pouvait voir la partie
10 supérieure du cadre de la séquence, on pourrait voir Stradun et tous les
11 clochers qui ont, au cours de cette matinée, été touchés. Probablement,
12 c'est cette arme-là qui a dû tirer pour, entre autre, toucher le clocher du
13 monastère des petits frères des franciscains là où nous avons vu une tour
14 de l'horloge.
15 Q. Merci.
16 M. KAUFMAN : [interprétation] Je voudrais que cette photographie soit
17 versée au dossier. Etant donné ce qui vient d'être dit lors du contre-
18 interrogatoire, nous disposons de plusieurs copies de cette photographie,
19 nous la mettrons à la disposition de la Chambre de première instance.
20 Il me semble que M. Petrovic s'est levé pour nous faire part d'une
21 objection. Je vais m'asseoir.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Petrovic.
23 M. PETROVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ici, nous
24 pouvons lire l'inscription TV Monténégro. De toute évidence, cette émission
25 n'est pas quelque chose qui aurait été diffusé par la chaîne de télévision
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1 à Monténégro parce que nous voyons qu'il s'agirait plutôt de quelque chose
2 qui aurait été diffusé pour illustrer la diffusion d'une chaîne de
3 télévision.
4 Par conséquent, nous devrions savoir, également, à quel moment et à quelle
5 date cette photo a été prise, où ceci a été diffusé, en 1992 ou 1995, et
6 cetera. Ce dont nous ne pouvons certainement pas faire une conclusion
7 quelconque, par conséquent, cette photo ne saurait être reçue et acceptée
8 pour être versée au dossier.
9 Merci, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman, avez-vous quelque
11 chose à dire au sujet du 6 décembre, à cette
12 lumière-là ?
13 M. KAUFMAN : [interprétation] Au cours des questions supplémentaires posées
14 et au sujet de ce qu'il a été dit comme quoi un canon a pu être observé
15 grâce à ce qui a été diffusé par une chaîne de télévision. J'ai voulu, tout
16 simplement, demander à
17 M. Jusic s'il s'agit de ce canon-là. Par conséquent, il s'agit de quelque
18 chose qui a eu lieu suite au contre-interrogatoire et suite à une question
19 posée par M. Petrovic. Voilà, ce que je peux faire en tant que commentaire.
20 Il s'agit, tout simplement, d'un détail de la cassette vidéo --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Petrovic.
22 M. PETROVIC : [interprétation] S'il en ait ainsi, je n'ai pas de raison
23 pour ne pas croire mon éminent collègue. Alors là, une question se pose, à
24 savoir je voudrais vous demander, Monsieur le Président, de me permettre de
25 poser quelques questions là-dessus. Parce qu'il s'agit d'un canon dont le
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1 calibre est de 82 millimètres. Est-ce possible qu'à une distance d'un
2 kilomètre ou deux, M. Jusic, serait capable de voir ce dont vous préjugé M.
3 Kaufman. Alors là, étant donné cette circonstance-là, j'aimerais bien que
4 cette Chambre de première instance m'autorise à poser des questions là-
5 dessus.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que vous avez mal compris M.
7 Kaufman. Lui a dit, tout simplement, qu'il s'agit de quelque chose observé,
8 vu par le témoin à l'écran d'une chaîne de télévision et non pas à partir
9 de la ville.
10 M. KAUFMAN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je
11 déplore le manque de concentration qui est le mien en ce moment-ci, et je
12 vous demande de m'excuser.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette photo a été reçue pour être
14 versée au dossier en tant que pièce à conviction à charge sur la base de ce
15 qui vient d'être dit par M. Kaufman.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction à
17 charge P83.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le moment opportun, une copie de ces
19 photos nous sera distribuée ?
20 M. KAUFMAN : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président.
21 Q. Monsieur, le nom de Glavas Tasovac vous dit-il quelque chose,
22 Monsieur ?
23 R. Glavas Tasovac ?
24 Q. Oui. Voulez-vous épeler ? Il s'agit de T-A-S-O-V-A-C.
25 R. Oui, Tasovac. Oui, oui, oui. C'est un homme assez âgé, un photographe,
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1 très bien connu de nous tous, mais je ne saurais vous dire plus sur lui.
2 Q. Des questions vous ont été posées au sujet des circonstances dans
3 lesquelles a été tué Pavo Urban. Savez-vous quoi que ce soit au sujet de ce
4 que Tasovac et Pavo Urban auraient eu en commun, ou en quoi on pourrait
5 associer ces deux ?
6 R. Non.
7 Q. Monsieur, on vous a posé une question au sujet du fait que vous avez dû
8 filmer pendant une période de deux heures en date du 6 décembre. Or, lors
9 du visionnage du matériel, il n'y avait que quelques minutes que nous avons
10 pu voir. Vous vous en souvenez ? Vous répondez à la question sous forme de
11 métaphore, pour dire que ce que vous avez filmé, c'était comme si on avait,
12 par exemple, arraché un ongle à une belle fille. Monsieur, cet ongle, peut-
13 il présenter la totalité de ce que vous avez vu ce jour-là, ou peut-être ne
14 dépasse pas les événements qui se sont produits comme tels et que vous
15 n'avez pas pu filmer ce jour-là ?
16 R. Les événements qui se sont déroulés là dépassent de loin tout cela, et
17 que je n'ai pas pu filmer ce jour-là.
18 Q. Lorsque vous faites mention d'ongle, nous n'avons pas voulu parler
19 jambes et bras, nous avons parlé de palais incendiés, n'est-ce pas ?
20 R. Ecoutez, si j'ai emprunté cette métaphore, j'ai voulu dire que je
21 considère qu'un ongle, ou une maison d'ailleurs, vaille une vie presque.
22 Q. Monsieur Jusic, permettez-moi d'essayer de faire le jour sur une
23 question qui vous a été posée par les Juges et qui concernent les ombres
24 observées dans le Stradun. Peut-être que la question fournie n'a pas été
25 complète. Peut-être que je vous ai mal compris, quant à moi aussi. Je
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1 voudrais que l'on essaie de visionner cette partie de la cassette vidéo, et
2 j'aimerais bien que vous nous disiez si cet ombre que l'on peut voir sur la
3 cassette vidéo, à savoir en 18e minute du visionnage. S'agit-il d'un ombre
4 que, normalement, on devrait attendre en date du 7 décembre à l'heure
5 signalée par M. le Juge Président, à 11 heures 40, très exactement.
6 Regardez plus précisément cette séquence. Nous allons nous rendre compte du
7 fait que vous avez filmé également l'horloge de la ville. Nous voyons les
8 ombres avant et après les séquences, les cadres où nous pouvons voir
9 l'horloge.
10 M. KAUFMAN : [interprétation] Je vous présente mes excuses. Revenons un
11 petit peu. Apparemment, nous ne voyons rien à l'écran.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela vient, on le voit.
13 [Diffusion de cassette vidéo]
14 R. Stop, vous pouvez arrêter l'image. Ce qu'on voit ici, c'est que le
15 soleil zénith, et la lumière, et bien, on la voit ici, cela c'est la
16 lumière du soleil qui traverse la rue adjacente. Alors, si on continue, on
17 verra, dans les rues qui apparaîtront plus loin, cette même lumière du
18 soleil. C'est la situation avant midi. Comme nous sommes en hiver, le
19 soleil est un petit peu du côté sud.
20 M. KAUFMAN : [interprétation]
21 Q. Un instant, s'il vous plaît, Monsieur Jusic. On pourra revoir les
22 ombres après que vous ayez filmé l'horloge.
23 [Diffusion de cassette vidéo]
24 R. Oui, cela c'est la nouvelle rue. C'est exactement ce que j'ai dit.
25 M. KAUFMAN : [interprétation]
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1 Q. Vous pouvez arrêter l'image, s'il vous plaît. Alors, s'il vous plaît,
2 quelle est l'heure qui est enregistrée ici ?
3 R. 11 heures 40.
4 Q. L'horloge fonctionnait ce jour-là ?
5 R. Je pense que ce qui ne fonctionnait pas, c'est le clocher. Mais là,
6 c'est un mécanisme spécial. Vous voyez les chiffres romains, ils
7 fonctionnaient.
8 Q. Si on devançait un petit peu pour voir les ombres.
9 [Diffusion de cassette vidéo]
10 M. KAUFMAN : [interprétation] Merci. Je ne sais pas si la Chambre estime
11 que le point a été précisé à présent.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais la question qui se pose est
13 de savoir si la lumière et les ombres que nous avons vus bien avant dans
14 cet enregistrement, lorsqu'on rentre pour la première fois dans la ville,
15 est-ce que cela est cohérent à ce qui nous a été indiqué comme l'heure de
16 l'enregistrement. Il semblerait qu'il y a une incohérence entre les deux --
17 ces deux occasions.
18 M. KAUFMAN : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que je poursuive
19 alors ?
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La décision vous appartient, Monsieur
21 Kaufman.
22 M. KAUFMAN : [interprétation]
23 Q. Alors, je voudrais savoir, Monsieur Jusic, à quel moment vous êtes
24 entré dans la ville ce jour-là ? Le 7 décembre ?
25 R. Vers 7 heures, peut-être un petit peu avant.
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1 Q. Pendant combien de temps avez-vous filmé avant que la pile ne se
2 décharge ?
3 R. Entre une heure et deux heures, mais pas de manière continue. Je ne
4 voudrais pas vous induire en erreur. Je branchais et je débranchais ma
5 caméra, et je l'ai fait à plusieurs reprises. En tout, jusqu'à deux heures,
6 mais de manière continue.
7 Q. Vous êtes entré dans la ville vers 7 heures et vous êtes ici en train
8 d'enregistrer vers midi, midi moins vingt. Alors, pouvez-vous nous dire à
9 peu près combien de fois avez-vous débranché ou rebranché la caméra,
10 pendant ce temps-là ? Si vous n'arrivez pas à vous rappeler, dites-le-nous.
11 R. S'il vous plaît, est-ce qu'on peut revoir la scène où j'entre dans la
12 ville, où je m'engage au Stradun, la rue principale ?
13 Q. Oui, cela doit être possible. A 13 minutes 30, à peu près.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 R. Avancez, avancez.
16 Ce que nous voyons ici, en effet, c'est la lumière du soleil. On pourrait
17 peut-être arrêter la bande ici.
18 M. KAUFMAN : [interprétation]
19 Q. Alors, vous voyez ici la lumière du soleil. Savez-vous à peu près à
20 quel moment, il y a le coucher ou le lever du soleil dans la vieille ville,
21 là ?
22 R. Là, c'est entre 6 heures 30 et 7 heures. Vous pouvez le voir. Vous
23 pouvez voir comment les rayons du soleil arrivent de l'est. On voit très
24 bien cette ligne.
25 Q. C'est à peu près à ces moments-là, de la journée que vous vous
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1 attendriez à voir ce genre de rayons de soleil sur cet angle-là ? C'est
2 bien cela ?
3 R. Oui, oui.
4 Q. Merci.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kaufman, en fait, ce qui nous
6 préoccupe, c'est la scène que l'on voit lorsqu'on entre, pour la première
7 fois, on s'engage au Stradun. Il y a eu un commentaire au sujet du nombre
8 important de personnes qui s'y trouvaient.
9 M. KAUFMAN : [interprétation] Il me semble, que c'est peut-être Me Petrovic
10 qui pourrait me rappeler l'heure exacte. C'était vers les 14 minutes, sur
11 la bande.
12 M. PETROVIC : [interprétation] Un instant. Quinze minutes, 30 secondes, à
13 peu près.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 M. KAUFMAN : [interprétation] Arrêtez ici, s'il vous plaît.
16 Q. Monsieur, je vous prie de regarder la tour au fond de l'image avant
17 d'aborder la question des ombres. Alors, est-ce que vous voyez le drapeau
18 de la Croix rouge, sur la tour ?
19 R. Je ne le vois plus.
20 Q. Vous avez également parlé d'une sirène d'alerte qui se déclenche en cas
21 d'attaque aérienne. Est-ce que vous vous rappelez le moment où cette sirène
22 s'est déclenchée le 7 décembre ?
23 R. Oui. Alors c'était la veille, vers 6 heures, que la sirène a signalé la
24 fin de l'état d'alerte. C'était en vigueur jusqu'au lendemain matin, vers 9
25 heures du matin. C'est pour cela qu'on voit des gens. Ces gens ont
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1 travaillé, se sont efforcés d'éteindre les incendies, les flammes, pendant
2 toute la nuit. Ensuite vers 9 heures, la sirène a cessé, s'est tue. Nous
3 pouvons voir qu'il n'y a plus de personnes dans le reste de la scène.
4 Q. Alors, avant d'aborder la question des ombres, est-ce que c'était avant
5 que la sirène ne se taise ? Pour que ce soit précis au compte rendu
6 d'audience.
7 R. Juste avant que la sirène ne s'arrête. Mais je voudrais attirer votre
8 attention sur un autre point. Vous voyez les rayons de soleil tombés de
9 l'est. Ce sont les premiers rayons du soleil dans la matinée, sur la tour,
10 le clocher.
11 Q. Alors, si on regarde ces rayons de soleil, l'angle sous lequel ils se
12 posent sur les bâtiments, en longeant le Stradun, est-ce que ce serait de
13 cette manière-là, qu'on verrait le soleil en décembre avant 9 heures du
14 matin ?
15 R. C'est la matinée à Dubrovnik, enfin, le moment qui nous intéresse,
16 c'est avant -- c'est la matinée à Dubrovnik.
17 Q. Alors, vous avez dit que vous avez arrêté votre caméra et, puis après 9
18 heures dans la matinée, il vous est arrivé de remettre la caméra en marche
19 à plusieurs reprises.
20 R. Je voudrais revoir un petit peu plus de cette vidéo.
21 [Diffusion de cassette vidéo]
22 R. Bien. Par exemple, dans les quelques secondes qui suivent, je vais
23 arrêter de filmer.
24 C'est la fin. Après, je suis allé porter la pile là, à droite, dans notre
25 municipalité ou la mairie pour la recharger. Quand je pars, c'est déjà à
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1 midi.
2 M. KAUFMAN : [interprétation]
3 Q. Il y a un écart, si vous dites que, ceci, c'est à midi. Il y a un trou
4 de trois heures à peu près, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, entre 9 heures et 11 heures 40.
6 Q. Etes-vous en train de nous dire que c'est bien le même jour que cela se
7 passe ? Je voudrais que ce soit précis pour la Chambre et pour toutes les
8 parties présentes, ainsi que pour Me Petrovic.
9 R. Oui, j'en suis absolument sûr. Je n'ai aucun doute là-dessus.
10 Q. Pourriez-vous nous l'expliquer, nous donner une raison ? Si vous le
11 savez, dites-le, sinon, dites-le également. Savez-vous pourquoi, on voit le
12 drapeau de la Croix rouge sur un bâtiment sur lequel on ne voit pas le même
13 drapeau plus tôt le matin ?
14 R. Mais vraisemblablement a-t-on touché ce drapeau a-t-il été touché par
15 quelque chose.
16 Q. Très bien, laissons cela.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant d'avancer, Monsieur Kaufman,
18 pendant que M. Jusic est focalisé sur ces choses-là. Dans l'enregistrement
19 précédent, lorsque vous êtes arrivé au Stradun pour la première fois, vous
20 nous avez dit que c'était vraisemblablement avant 9 heures du matin. Mais
21 il me semble que vous nous avez dit précédemment que vous étiez parti vers
22 7 heures du matin, dans la vieille ville, pour filmer. Pouvez-vous nous
23 dire quelle était l'heure ? A quelle heure cela s'est passé ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être n'étais-je pas clair. Mais je vais
25 répéter cela. Je suis parti pour la ville avant 7 heures et c'est après 9
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1 heures que je suis allé recharger ma pile.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'est pas vers 7 heures, mais vers
3 9 heures que vous filmez pour la première fois. C'est ce que vous êtes en
4 train de dire ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, avant cela vers 7 heures. Je vous ai dit
6 d'une manière précise, c'est le levée du soleil à Dubrovnik et le soleil se
7 lève à Dubrovnik entre 6 heures 30 et
8 7 heures.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
10 M. KAUFMAN : [interprétation]
11 Q. Ma dernière question. Je vais aborder un point complètement différent.
12 Il s'agit du monastère franciscain. On vous a montré une cruche à eau. On
13 vous a demandé si vous saviez comment on a placé cette cruche à eau à cet
14 endroit ?
15 R. Je ne le sais pas.
16 Q. Je vous remercie, Monsieur Jusic, merci d'être venu.
17 M. KAUFMAN : [interprétation] La Chambre a-t-elle d'autres questions pour
18 ce témoin.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kaufman.
20 Monsieur Jusic, j'ai le plaisir de vous annoncer que votre déposition se
21 termine maintenant. Je vous remercie d'être venu, d'être venu nous aider et
22 vous êtes libre à présent de retourner à Dubrovnik.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le
24 Président, deux mots. Puis-je prendre la parole ?
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été un grand honneur pour moi de
2 pouvoir m'exprimer devant une audience aussi importante. Je suis heureux
3 d'avoir eu la possibilité de venir présenter la vérité et je remercie les
4 personnes qui ont permis à ces débats de se dérouler dans toute la dignité.
5 Je tiens à dire que ceci n'aurait jamais dû avoir lieu. Je tiens à le dire
6 à M. Strugar. Nous aurions pu vivre en tant que bons voisins et en paix.
7 C'est très regrettable que ceci se soit produit.
8 Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Jusic.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je m'adresse à Madame Somers. J'ai en
13 face de moi trois éminents substituts du Procureur. Je ne sais pas lequel
14 prendra la parole.
15 Mme SOMERS : [interprétation] Oui, nous sommes prêts à présenter notre
16 témoin suivant, M. Vlasica, si la Chambre nous y autorise. Pour ce qui est
17 des arguments au sujet de documents que nous avons eus dans le prétoire la
18 semaine dernière, je tiens à dire à la Chambre, qu'afin de préciser un
19 certain nombre de points qui m'ont été communiqués, comme étant des points
20 qui suscitent la préoccupation, et bien nous essayons d'entrer en contact
21 avec l'institut pour voir si le personnel de l'institut ne peut pas le
22 préciser. Alors il y aura des éléments de preuve qui seront présentés en
23 complément au sujet des dommages. Peut-être faudrait-il présenter ces
24 moyens de preuve avant tout arguments juridiques supplémentaires. Si ceci
25 pouvait être utile à la Chambre, bien entendu, la décision revient à la
Page 3303
1 Chambre.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce serait peut-être plus pratique de
3 procéder ainsi, vraisemblablement pour être plus rapide.
4 M. PETROVIC : [interprétation] Mais il y a un autre aspect de cette
5 question. S'il y a de nouveaux éléments, de nouveaux documents qui sont
6 présentés, et là il s'agirait de centaines de pages, j'ai bien peur,
7 Monsieur le Président, que nous ne soyons pas capables de gérer des
8 centaines ou des milliers de pages qui apparaîtront pendant le procès,
9 compte tenu du volume, travail que cela entraîne, tout simplement. Je tiens
10 à dire qu'il faut faire preuve de prudence et que la Défense est un petit
11 peu sceptique quant à sa capacité de gérer et de se prononcer de manière
12 avisée sur un si grand volume de documents.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie d'avoir dit cela,
14 Maître Petrovic. D'après ce que j'ai compris, d'après ce que nous pouvons
15 anticiper, c'est qu'une ou plusieurs personnes qui ont pris part à la
16 préparation du rapport, portant sur les dommages, seraient citées en tant
17 que témoins. Vous avez déjà eu à interroger deux témoins sur ce point. Si
18 l'Accusation estime qu'il faut présenter davantage d'éléments de preuve de
19 ce genre, alors il sera possible d'apprécier quel serait le travail que
20 ceci vous demanderait de faire. En plus, est-ce que vous auriez besoin d'un
21 report d'audience ou vous pourriez peut-être avancer sans cela ?
22 M. PETROVIC : [interprétation] Merci.
23 Mme SOMERS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
24 veux simplement qu'une chose soit tout à fait claire. Si l'une de ces
25 personnes est disponible et j'espère que tel est le cas, alors il faudrait
Page 3304
1 qu'il y ait des déclarations de l'une ou des deux de ces personnes, des
2 déclarations au préalable. Je pense que nous pourrions avancer plutôt vite.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et si cela change la question de la
4 recevabilité, bien entendu, j'espère que ceci au moins apporterait des
5 éléments supplémentaires à la Chambre.
6 Mme SOMERS : [interprétation] Nous, quant à nous, nous estimons que ceci
7 est recevable. Nous voulons être certain que la Chambre a reçu les éléments
8 de la manière la plus claire qui soit.
9 M. PETROVIC : [interprétation] Si vous me l'autorisez, une précision. Bien
10 entendu, nous ne préjugeons en rien de ce que l'Accusation souhaite
11 présenter à cette Chambre mais la pièce P51, on a demandé son versement par
12 le truchement du témoin Colin Kaiser. Alors je remercierais Mme Somers de
13 retirer sa requête et de procéder de la manière la plus expéditive. Nous
14 avons cette requête par M. Kaiser.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, merci Maître Petrovic, mais
16 je ne pense pas que ce soit nécessaire de mettre en relation cette pièce
17 directement avec un témoin. Nous avons déjà plusieurs témoins qui se sont
18 prononcés au sujet de cela et il nous est possible d'avoir plus qu'un
19 témoin. Il nous faudra voir l'ensemble des moyens de preuve que concerne ce
20 document.
21 Mme SOMERS : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je continue à voir qui prendra la
23 parole du côté de l'Accusation.
24 Monsieur Kaufman.
25 M. KAUFMAN : [interprétation] Alors en attendant que le témoin rentre, je
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1 voudrais verser au dossier la pièce qui a été utilisée pendant les
2 questions supplémentaires, P83, juste pour le compte rendu d'audience.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il vous plaît, prenez cette feuille
8 qui vous est tendue et donnez-en lecture.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous
12 asseoir.
13 LE TÉMOIN: IVO VLASICA [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner.
16 M. WEINER : [interprétation] Merci.
17 Interrogatoire principal par M. Weiner :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
19 R. Bonjour.
20 Q. Pourriez-vous citer votre nom, s'il vous plaît ?
21 R. Ivo Vlasica.
22 Q. Pouvez-vous nous donner votre âge ?
23 R. J'ai 46 ans.
24 Q. Où vivez-vous ?
25 R. A Dubrovnik.
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1 Q. Dans la vieille ville ?
2 R. Non.
3 Q. Où alors ?
4 R. A Mokosica, dans la banlieue de Dubrovnik. Mon adresse est Izmedju
5 Dolaca, 18.
6 Q. Etes-vous marié ?
7 R. Oui.
8 Q. Avez-vous des enfants ?
9 R. J'en ai deux.
10 Q. Quelle profession ? Où travaillez-vous ? Que faites-vous ?
11 R. Je suis un commerçant, j'ai un commerce. J'ai une boutique.
12 Q. Où se trouve votre local de commerce ?
13 R. A Mlini.
14 Q. Est-ce sur le territoire de la municipalité de Dubrovnik ?
15 R. C'est le comté de Dubrovnik, la deuxième municipalité de ce comté.
16 Q. Etes-vous retraité ?
17 R. Non.
18 Q. Le gouvernement croate, vous verse-t-il une pension à cause des
19 blessures que vous avez reçues ?
20 R. Non.
21 Q. Monsieur, avez-vous jamais été enrôlé dans l'armée population
22 yougoslave ?
23 R. Oui.
24 Q. A quel moment avez-vous fait votre service au sein de cette armée ?
25 R. De 1978 jusqu'en 1979.
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1 Q. Vous étiez enrôlé dans quel genre d'unité ?
2 R. Dans une Unité de sabotage -- de reconnaissance et de sabotage.
3 Q. Alors, avez-vous été formé pour être enrôlé dans cette unité ?
4 R. Oui.
5 Q. Très bien. Pendant combien de temps avez-vous suivi cette formation,
6 cet entraînement ?
7 R. Pendant sept mois.
8 Q. Quel était votre grade au moment où vous terminez votre service
9 militaire en 1979 ?
10 R. Chef de peloton.
11 Q. Après cela, est-ce que vous faites partie des Unités de réserve ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous faisiez partie de ces Unités de réserve pendant quelle période ?
14 R. Entre 1980 et 1989.
15 Q. A la fin de votre service militaire, en 1989, pourriez-vous nous dire
16 quel était votre grade, si vous en aviez un ?
17 R. J'ai été sous-lieutenant.
18 Q. Avez-vous jamais été membre d'un parti politique ?
19 R. J'étais membre de la Ligue des communistes.
20 Q. Pendant combien de temps ?
21 R. Pendant 15 ans.
22 Q. A quel moment vous quittez la Ligue des communistes ?
23 R. En 1990.
24 Q. Est-ce que, par la suite, vous êtes devenu membre d'un autre parti
25 politique ?
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1 R. Non.
2 Q. Monsieur, après avoir terminé votre service militaire, est-ce que vous
3 avez continué votre formation ? Est-ce que vous avez fait d'autres études ?
4 R. Oui, j'ai suivi quelques cours de formation professionnelle, pour
5 avancer dans mon travail.
6 Q. Après la fin de votre éducation, qu'est-ce que vous avez fait ?
7 R. J'ai été gérant dans la boutique.
8 Q. Quel était le nom de cette boutique ?
9 R. Il s'agit de l'entreprise Dubrovkinja.
10 Q. Où se trouve cette entreprise ?
11 R. Dans la vieille ville.
12 Q. Dans quelle rue ?
13 R. La rue Od Puca.
14 Q. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une organisation de travail. Qu'est-ce
15 que vous voulez dire par là ? Vous avez dit que Dubrovkinja était une
16 organisation de travail. Est-ce qu'elle faisait partie d'une chaîne de
17 magasins ?
18 R. Oui, oui, effectivement.
19 Q. Qu'est-ce que vous vendiez dans ces boutiques ?
20 R. Des vivres, du pain, du lait.
21 Q. Je vais vous demander de nous dire où étiez-vous le 1er octobre 1991 à 6
22 heures du matin.
23 R. Je me dirigeais vers mon travail et j'ai été, à 6 heures du matin,
24 entre à peu près au niveau de la caserne des pompiers, derrière la vieille
25 ville. Je me rendais à mon travail, dans ma voiture.
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1 Q. Est-ce que quelque chose s'est produit à ce moment-là ? Est-ce que vous
2 avez pu remarquer quelque chose ?
3 R. A ma gauche, j'ai vu que les pilonnages commençaient depuis le flanc du
4 mont Srdj.
5 Q. Qu'est-ce que vous avez fait ?
6 R. Je suis allé jusqu'au "parking", à Buza. J'y ai laissé ma voiture et,
7 ensuite, je me suis rendu à pied jusqu'à la vieille ville.
8 Q. Le pilonnage s'est-il poursuivi ?
9 R. Oui, dans la mesure où je pouvais l'entendre, parce que j'étais déjà à
10 l'intérieur des remparts.
11 Q. Qu'est-ce que c'est, Uzine ?
12 R. Ce sont les remparts. Nous avons des remparts autour de la ville de
13 Dubrovnik, et c'est une forteresse.
14 Q. Bien. Nous allons, tout d'abord, revenir un petit peu en arrière. Est-
15 ce que tout d'abord vous vous rendiez dans la boutique ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous y êtes resté pendant combien de temps ?
18 R. Jusqu'à 8 heures.
19 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, vous vous rendiez dans un abri ?
20 R. Oui.
21 Q. Où se trouvait cet abri ? A l'intérieur ou à l'extérieur de la vieille
22 ville ?
23 R. A l'intérieur de la vieille ville.
24 Q. Vous êtes allé dans quel abri ?
25 R. Dans la forteresse Saint-Jean, au niveau de l'aquarium.
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1 Q. Merci. Monsieur, nous allons parler de la situation à Dubrovnik,
2 surtout dans la vieille ville, au mois d'octobre et au mois de novembre
3 même, début décembre 1991. Qu'en était-il de l'électricité?
4 R. Bien, c'était mauvais.
5 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire ? Est-ce qu'il y avait de
6 l'électricité ? Est-ce que cela fonctionnait ?
7 R. Non.
8 Q. Pourquoi cela ?
9 R. Que s'est-il passé ?
10 R. L'armée yougoslave pilonnait Komolac, et nous avons perdu
11 l'électricité. Nous n'avions plus de l'électricité dans la vieille ville.
12 Q. On restait sans électricité. Est-ce qu'à partir de ce moment-là vous
13 restez sans eau aussi ?
14 R. Oui.
15 Q. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
16 R. Les turbines à Komolac marchent à l'électricité et c'est de là que
17 vient l'eau dans ma vieille ville. Automatiquement, nous sommes restés
18 aussi sans eau.
19 Q. Est-ce que vous étiez au courant de l'existence d'un blocus de la ville
20 à l'époque ?
21 R. Oui.
22 Q. Qui était à l'origine de ce blocus ?
23 R. L'armée populaire yougoslave avec ces vaisseaux. Il faisait un blocus
24 maritime.
25 Q. Qu'en est-il de la terre ? Quelle était la situation au niveau de la
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1 terre ?
2 R. Leurs forces avançaient vers Dubrovnik.
3 Q. Ce blocus, a-t-il agi sur la possibilité de s'approvisionner en vivres
4 à Dubrovnik ?
5 R. Oui. Oui.
6 Q. Y avait-il des réfugiés dans la région de Dubrovnik ?
7 R. Il y en avait beaucoup, beaucoup.
8 Q. D'où venaient-ils ?
9 R. De Konavle, de Zupa, de Osojnik, mais tout le village aux alentours de
10 Dubrovnik.
11 Q. Avec tous ces réfugiés et le blocus, aviez-vous suffisamment de vivres
12 à Dubrovnik ?
13 R. Non.
14 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, pensez-vous que nous
15 avons besoin d'une pause à présent ?
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous pouvons continuer,
17 Maître Weiner.
18 M. WEINER : [interprétation] Merci.
19 Q. Monsieur, vous nous avez dit que vous n'aviez pas suffisamment de
20 vivres dans la vieille ville. Est-ce que les commerces, où l'on vend de la
21 nourriture, fonctionnaient toujours dans la vieille ville ? Est-ce que
22 c'était tous ouvert ?
23 R. Non.
24 Q. Votre boutique était-elle ouverte ?
25 R. Oui.
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1 Q. Y avait-il des boutiques privées qui fonctionnaient toujours ?
2 R. Il y en avait une dans la vieille ville.
3 Q. Que s'est-il passé avec les autres boutiques ?
4 R. Elles ont fermé car les gens craignaient de se rendre à leur travail.
5 Ils craignaient de se faire tuer en allant travailler.
6 Q. Est-ce qu'ils avaient de quoi à vendre ?
7 R. Nous en avions là-dedans et, ensuite, nous transportions cette
8 marchandise d'une boutique à l'autre.
9 Q. Comme cela se fait que votre boutique était ouverte ?
10 R. J'étais un jeune homme, j'avais ma voiture et je me suis porté
11 volontaire pour travailler dans cette boutique. J'étais suffisamment jeune
12 pour pouvoir venir suffisamment vite -- assez vite de Lapad jusqu'à la
13 vieille ville, et je n'ai pas aussi peur que les autres.
14 Q. Est-ce que vous aviez de la nourriture à vendre dans votre magasin ?
15 R. Oui. Dans les magasins, vous voulez dire ?
16 Q. Oui, dans votre magasin.
17 R. Oui.
18 Q. Y avait-il suffisamment de pain dans la vieille ville ?
19 R. Oui.
20 Q. Comment cela se fait-il qu'il y avait suffisamment de pain dans la
21 vieille ville pendant cette période-là ?
22 R. La boulangerie Orlando travaillait de nuit et on nous livrait ce pain
23 le matin. Avec des camions, on transportait ce pain sous la couverture de
24 la nuit dans la vieille ville pour que l'armée yougoslave ne découvre pas
25 l'existence de ces camions, pour qu'elle ne tire pas dessus.
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1 Q. Monsieur, êtes-vous devenu membre de la Défense civile ?
2 R. Oui.
3 Q. Quand cela ?
4 R. Au mois d'octobre.
5 Q. Qu'est-ce que c'est que cette Défense civile ?
6 R. La Défense civile, c'est une façon d'aider les civils, de leur donner
7 des vivres, des médicaments, de leur fournir des abris, de les héberger, et
8 cetera.
9 Q. Est-ce que cette organisation avait quoi que ce soit à voir avec
10 l'armée ?
11 R. Non.
12 Q. Est-ce que les membres de la Défense civile portaient-ils des
13 uniformes ?
14 R. Non.
15 Q. Etaient-ils armés ?
16 R. Non.
17 Q. Votre boutique avait-elle quoi que ce soit à voir avec la protection
18 civile ?
19 R. Moi, je travaillais dans le cadre de Dubrovkinja, et c'était la
20 boutique qui devait, d'après l'organisation en vigueur, approvisionner la
21 ville en vivres.
22 Q. Quels étaient vos horaires d'ouverture ?
23 R. Entre 6 heures et 8 heures du matin.
24 Q. "8 heures," 8 heures du matin, vous voulez dire.
25 R. Oui, effectivement; sinon, j'aurais dit 20 heures.
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1 Q. Très bien. Pourquoi cette boutique n'était ouverte que pendant deux
2 heures ?
3 R. Par mesures de précaution car il fallait distribuer les vivres que nous
4 avions dans le plus bref délai car nous ne savions pas à quel moment il y
5 aurait éventuellement un pilonnage de la vieille ville. Au début, nous nous
6 sommes dit que jamais au grand jamais ils ne bombarderont la vieille ville
7 et finalement cela s'est produit.
8 Q. Bien. Au mois d'octobre, a-t-on fait quoi que ce soit pour tenter de
9 protéger des édifices culturels de la vieille ville ?
10 R. Oui. Oui. Vous avez des civils et les gens au travers d'un bâtiment.
11 Nous avons pris des planches pour fabriquer des protections de ces centres
12 -- de ces édifices culturels puisqu'on n'avait des informations comme quoi
13 une attaque sur la vieille ville pourrait survenir.
14 Q. Pouvez-vous nous citer quelques exemples de ces édifices qui étaient
15 protégés ?
16 R. Saint-Blaise, l'obélisque d'Orlando, les palais, les façades de toutes
17 les églises, les différentes sculptures sur ces monuments, les fontaines --
18 les deux fontaines, enfin, tout ceux qui relèvent des monuments
19 historiques.
20 Q. Est-ce qu'il y avait-il des drapeaux sur la vieille ville ?
21 R. Oui, vous avez de l'UNICEF et le drapeau de la Croix rouge.
22 Q. Vous parlez de l'UNICEF ou de l'UNESCO ?
23 R. Oui, l'UNESCO. Excusez-moi.
24 Q. Ces drapeaux étaient hissés où exactement ? Là, je parle de ces
25 drapeaux de l'UNESCO.
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1 R. Les drapeaux de l'UNESCO étaient hissés sur la forteresse Minceta, la
2 forteresse Saint-Jean, sur ces deux forteresses-là.
3 Q. Les drapeaux de la Croix rouge ?
4 R. Sur la forteresse Revelin et sur la forteresse de St-Jean.
5 Q. A quoi servaient ces forteresses ? Comment les utilisait-on à
6 l'époque ?
7 R. C'étaient des abris pour les civils de la vieille ville.
8 Q. Au mois d'octobre 1991, a-t-on pilonné la vieille ville ?
9 R. Oui.
10 Q. Nous allons, à présent, parler du mois de novembre. Où travailliez-vous
11 au mois de novembre 1991 ?
12 R. Dans ce même magasin.
13 Q. Vous travailliez toujours que le matin ?
14 R. Oui.
15 Q. Qu'en est-il de votre femme et de vos enfants ? Est-ce que quoi que ce
16 soit s'est produit au mois de novembre ?
17 R. Ma femme travaillait à Lapad, dans le quartier de Cokolino, et aussi
18 dans une entreprise Dubrovkinja, jusqu'au 5 novembre, où une attaque de
19 grande envergure a eu lieu au niveau de Lapad. Je me suis inquiété de sa
20 santé et de la santé de mes enfants. Le 7, du matin, je les ai envoyés, par
21 bateau, en dehors de la ville car l'armée yougoslave ne permettait qu'aux
22 femmes et aux enfants de quitter la ville.
23 Q. Vous, vous restez ou vous quittez la municipalité après leur départ ?
24 R. J'y suis resté.
25 Q. Où habitiez-vous ?
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1 R. A Babin Kuk.
2 Q. Vous habitiez dans quel type d'habitation ?
3 R. Je sous-louais une chambre chez la famille Karaman.
4 Q. Vous étiez combien dans la maison ?
5 R. Il y avait la propriétaire, sa belle-fille et un enfant et, à part ces
6 trois personnes, on était encore 22.
7 Q. Est-ce que ces 22 autres personnes y habitaient toujours -- est-ce
8 qu'ils y ont habité toujours ?
9 R. Non.
10 Q. Mais ils étaient originaires d'où ?
11 R. De Zupa et Konavle.
12 Q. Y avait-il des réfugiés dans la vieille ville ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce qu'ils habitaient dans les hôtels de la vieille ville ou chez
15 des amis ou un membre de leur famille ?
16 R. En général, ils restaient chez des amis ou des membres de leur famille,
17 dans leur maison.
18 Q. Au mois de novembre, pourriez-vous nous dire où étaient déployées les
19 forces de la JNA ?
20 R. Au mois de novembre, les forces de la JNA étaient sur les flanc du mont
21 Srdj, à Komolac, à Mokosica et, ensuite, pratiquement jusqu'à Slano, en
22 direction de Split. En fait, on était complètement encerclé.
23 Q. Est-ce que vous avez jamais pu voir des forces à Zarkovica ?
24 R. Oui.
25 Q. Qu'est-ce que vous y avez vu au mois de novembre 1991 ?
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1 R. Nous n'avions pas d'eau et nous étions obligés de fonctionner avec la
2 situation telle qu'elle était. Nous étions obligés d'apporter de l'eau pour
3 faire nos besoins dans les toilettes. Je suis allé une fois chercher de
4 l'eau dans la mer -- afin de l'eau de mer, et j'ai vu, à Zarkovica, des
5 hommes et des camions car on peut voir bien cela depuis le vieux port.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Weiner, le moment est-il
7 opportun ?
8 M. WEINER : [interprétation] Oui, effectivement.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous prenons une pause à présent.
10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.
11 --- L'audience est reprise à 12 heures 49.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Weiner, à vous de procéder.
13 M. WEINER : [interprétation] Merci.
14 Q. Monsieur, juste avant la suspension d'audience vous avez dit avoir vu
15 des camions, des véhicules à Zarkovica. Que vous aviez vu également des
16 membres de forces armées.
17 R. Oui.
18 Q. Avez-vous remarqué quelque chose d'autre, outre ces forces armées,
19 véhicules comme vous dites ?
20 R. Non,
21 Q. Avez-vous été en mesure d'observer quelque chose à Strincera ?
22 R. Oui, à Strincera, j'ai pu remarquer un char yougoslave.
23 Q. Avez-vous peut-être entendu quelqu'un chanter du haut de Zarkovica ou
24 des chansons ?
25 R. Oui.
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1 Q. Qu'avez-vous entendu ?
2 R. J'ai pu entendre chanter de la musique et une chanson originale.
3 Q. Vous dites "originale," est-ce que vous vous référez à des chansons
4 nationalistes ?
5 R. Pas à ce moment-là, encore que je ne suis pas sans savoir qu'eux, ils
6 chantaient également de telles chansons, d'autres gens m'en ont parlé.
7 Q. Quand est-ce que vous avez entendu ces chansons nationalistes ?
8 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous en prie.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, Maître Rodic.
10 M. RODIC : [interprétation] Répondant à la question de mon éminent
11 collègue, le témoin a donné deux réponses. Première réponse, était que lui
12 a entendu des chansons originales. Mon collègue Weiner, lui, a demandé s'il
13 s'agissait de chansons nationalistes. De façon tout à fait résolue, le
14 témoin a dit qu'il ne s'agit pas de chansons nationalistes, mais qu'il
15 s'agissait de dire plutôt : de chansons que d'autres lui ont dit avoir été
16 chantées, chansons nationalistes. Maintenant M. Weiner lui pose une seconde
17 question : "A quel moment il a entendu ces chansons nationalistes ?" Pour
18 pratiquement lui faire dire quelque chose qu'il n'a pas entendu. Merci,
19 Monsieur le Président.
20 M. WEINER : [interprétation] Si vous vous reportez à la ligne numéro 13 du
21 transcript, il ne dit pas à ce moment-là. Voilà la raison pour laquelle je
22 lui ai posé la question, et qui a suivi quand il a pu entendre cette
23 chanson.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peu importe, je crois que l'objection
25 de M. Rodic était tout à fait bien fondée. Procédez, Monsieur Weiner.
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1 M. WEINER : [interprétation]
2 Q. Quand est-ce vous avez entendu ce type de chansons, Monsieur ?
3 R. Personnellement, je n'en ai pas entendues, mais mes amis à moi, qui se
4 sont rendus à Porporela, ils l'ont entendu. Ils les ont entendus chanter
5 mes amis à moi.
6 Q. En novembre 1991, la ville a-t-elle été pilonnée ?
7 R. Oui.
8 Q. Ce pilonnage a-t-il été d'une intensité plus grande que celui du mois
9 d'octobre ?
10 R. Oui.
11 Q. Quelles dates de ce mois-ci la ville a-t-elle été pilonnée ?
12 R. Etant donné qu'il y avait lieu de parler du siège total du 7 au 12
13 novembre, pendant cette période-là le pilonnage s'est fait extrêmement
14 intense. Ce pilonnage visait la partie de la ville du centre-ville
15 proprement dit, mais également des banlieues.
16 Q. Le port de la vieille ville a-t-il été bombardé également ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce qu'il y a eu quelque chose de particulier qui serait arrivé,
19 par exemple, aux bateaux qui se trouvaient mouillés dans ce port ?
20 R. Oui.
21 Q. Ma question a été aussi de savoir ce qui s'était passé avec ces
22 bateaux ?
23 R. Il s'agit de petits bateaux qui devaient desservir le parcours jusqu'à
24 Lokrum, qui ont été touchés surtout. Et puis un vieux bateau dont le nom
25 m'échappe maintenant a été touché également et a coulé aussi à cette
Page 3320
1 occasion-là. Ont été coulées également énormément de barques qui
2 appartiennent à des civils, toujours dans ces mêmes circonstances de
3 pilonnage.
4 Q. Qu'est-il advenu de votre voiture en novembre 1991 ?
5 R. Lorsque le Babin Kuk, ce à Babin Kuk a été pilonné, ce sont surtout les
6 hôtels de Babin Kuk où se trouvaient des civils qui ont été visés. Pendant
7 ces tirs-là, il y avait des obus qui atterrissaient dans le secteur de
8 Babin Kuk où j'habitais moi, et c'était dans ces circonstances-là que ma
9 voiture a été détruite.
10 Q. Or, en novembre, votre voiture a été touchée, allons-y pas à pas.
11 D'abord votre voiture a-t-elle détruite ?
12 R. Oui.
13 Q. Après la destruction de votre voiture, est-ce que vous vous rendiez
14 toujours au travail dans la vieille ville ?
15 R. Oui. Le matin, très tôt le matin, pendant qu'il fait nuit encore et
16 noir encore, je devais me rendre de Babin Kuk à Stari Grad à la vieille
17 ville à pied.
18 Q. Passons maintenant, allons de l'avant pour passer au mois de décembre.
19 En date du 6 décembre, qu'avez-vous fait ce matin-là ?
20 R. Très tôt ce matin-là, j'étais venu dans mon magasin parce que j'avais
21 pour tâche de distribuer une importante quantité de pain. De Babin Kuk, je
22 suis parti à 5 heures, pour arriver vers 6 heures à Boninovo. Où à ma
23 gauche, j'ai pu voir le mont Srdj. Je me suis rendu compte de pilonnage,
24 qui était rendu fort intensif. Je me suis dit, que je devais continuer mon
25 bout de chemin parce qu'il a fallu organiser la distribution du pain.
Page 3321
1 Je suis passé à côté de l'hôpital, je suis entré dans la vieille ville, je
2 suis arrivé dans mon magasin, je me suis fait un petit café, et j'ai allumé
3 la radio. Ce jour-là, le journal se faisait un petit peu tardif. Après quoi
4 on a entendu dire qu'il y avait une importante attaque par les forces de la
5 JNA, et notamment la vieille ville devait être visée. Je ne savais pas si
6 tel était le cas encore mais j'étais dans mon magasin.
7 Lorsqu'un premier obus a atterri entre 6 heures 30 et 7 heures, je me
8 suis dit : "Ivo, cela tournera mal." En ce moment-là, feu Skocko est passé
9 par là, à bord d'une espèce de véhicule, qui était utilisé dans la vieille
10 ville, tel un véhicule utilitaire pour s'occuper de livraison de
11 victuailles et de denrées alimentaires. Ce véhicule est alimenté par des
12 batteries, petit comme cela, il peut passer dans ces ruelles. Au moment où
13 il devait faire passer le pain dans son magasin, une des personnes, des
14 employés, Kate Buric, qui était employée chez nous, est venue me dire :
15 "Patron, je ne sais pas si ce matin on recevra du pain. Je partirai chez
16 Skocko pour chercher du pain." En réponse, je lui ai dit : "Kate, tu peux y
17 aller, mais fais vite pour rentrer ici pour savoir ce qu'il nous faudra
18 faire."
19 Ce qu'elle a fait d'ailleurs et puis après, quelques minutes après, j'ai eu
20 le sentiment que ceci devait être un camion, d'après le bruit que j'ai
21 entendu qui nous arrivait. Alors j'ai dit : "Kate, voilà le pain qui
22 s'emmène." Et au sortir du magasin, j'étais sur le seuil même et j'ai voulu
23 m'engager et avec la jambe droite pour sortir, j'ai vu qu'il y avait un
24 camion à ma gauche. Mais ceci n'était pas évidemment le camion qui nous
25 concernait. En ce moment-là, quelqu'un devait prendre le véhicule de Skocko
Page 3322
1 pour l'amener vers le secteur à Gospa.
2 C'est en ce moment-là que j'ai entendu la déflagration tonitruante d'un
3 obus et c'est en ce moment-là, j'ai été blessé et c'était une blessure
4 perforante. J'ai dit à Kate que j'étais blessé. En reculant, j'ai essayé de
5 rentrer, j'ai essayé de rentrer pour faire un pas ou deux pour me coucher
6 au sol. Cette blessure perforante se trouvait au côté droit mais je ne sais
7 pas s'il y avait un orifice de sorti également. Je ne m'en suis pas rendu
8 compte parce que, pris de peur et redoutant de ce qui pourrait m'arriver,
9 je n'ai pu constater que l'orifice, la plaie d'entrée. Moi, couché au sol,
10 l'autre voulait évidemment arrêter l'hémorragie.
11 A un moment donné nous avons pu voir qu'il y avait du sang déjà séché dans
12 mon pantalon. Nous nous sommes rendus compte que l'orifice, sorti de la
13 plaie, était encore plus grand que celui d'entrée. Or, cette fille-là, qui
14 était à mes côtés, a appelé le docteur, qui lui se trouvait dans la
15 forteresse Saint-Jean ou à Revelin, pour se renseigner de ce qu'il lui
16 fallait faire. Je ne sais pas qui lui a dit comment procéder, en tout cas,
17 on lui a dit de ne rien mettre sur la plaie, mais si jamais elle disposait
18 de quoi que ce soit d'aseptique, d'essayer de boucher les orifices et
19 d'essayer de prévenir l'hémorragie.
20 Etant donné que le pilonnage de la vieille ville était extrêmement grave,
21 aucune ambulance ne pouvait emmener là personne. Personne n'osait venir et
22 c'est comme cela pendant deux heures et demie que j'ai dû rester coucher au
23 sol et en proie à l'hémorragie.
24 Q. Arrêtons une seconde, vous avez dit tout d'abord que vous avez été
25 touché au pied, vous dites au pied droit ?
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1 R. Non, non, non. Il s'agit de parler de la jambe droite, de ma jambe
2 droite, pas de mon pied. Cette partie de ma jambe qui va depuis le genou
3 jusqu'à la cheville.
4 Q. Bon vous dites, jambe. S'agit-il de cuisse ?
5 R. Oui.
6 Q. Très bien. Vous dites que vous étiez couché au sol, Kate essayait de
7 prévenir l'hémorragie. Qu'avez-vous fait ensuite ?
8 R. J'avais les baskets et j'avais également une ceinture, j'avais un
9 pantalon en jeans et comme il y avait une ceinture, elle s'en est servie
10 Kate pour me garrotter, garrotter notamment pour prévenir évidemment
11 l'hémorragie.
12 Q. Est-ce que cela a marché ?
13 R. Non, non, parce que l'orifice d'entrée de la plaie perforante était
14 beaucoup trop grand et elle n'a pas vraiment réussi; mais en tout cas enfin
15 l'effusion de sang était moins importante.
16 Q. Vous dites ensuite qu'elle a appelé un médecin, qui lui a dit ce qu'il
17 fallait faire pour vous panser ? Qu'est-ce qu'il a fait ?
18 R. Ecoutez, j'étais pratiquement transi de peur et étant donné
19 l'hémorragie, peut-être que j'ai perdu un peu de tonus, de pression. Je me
20 suis dit que, s'il y a eu un obus dans notre magasin nous n'avons pas au
21 plafond une dalle en béton mais plutôt un matériel trop léger. Je me suis
22 dit que si un obus atterri, nous risquions de le recevoir dessus et nous
23 avions eu peur. Elle aussi, elle a eu peur. C'est dans ces circonstances-
24 là, qu'elle a appelé un docteur pour lui demander ce qu'il lui convenait de
25 faire.
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1 Q. Lorsque le médecin lui a dit de se servir de quoi que ce soit pour vous
2 panser, alors qu'est-ce qu'elle a fait pour panser votre blessure ?
3 R. Nous n'avions rien du genre dans notre magasin, pour nous en servir.
4 Nous avions du citron et aussi des serviettes hygiéniques et elle s'en est
5 servie. Puis après, elle a fait comme une compresse moyennant une serviette
6 hygiénique pour ensuite déchirer ma chemise pour se servir comme d'un
7 pansement, d'un bandage. C'est ainsi qu'elle m'a bandé.
8 Q. Comment vous sentiez-vous en ce moment-là ?
9 R. Très mal.
10 Q. Est-ce qu'elle vous a donné quelque chose à boire, du café, et
11 cetera ?
12 R. Non, parce qu'il n'y avait rien dans notre magasin, outre le citron et
13 ce dont je vous ai parlé. Le médecin lui a dit de me donner du citron pour
14 ne pas me permettre évidemment de m'endormir parce qu'endormi, je risquais
15 de périr.
16 Q. Vous dites que vous y êtes resté pendant plusieurs heures, les urgences
17 ne pouvant pas parvenir jusqu'à vous. Le pilonnage a-t-il repris au cours
18 de la matinée ?
19 R. Oui.
20 Q. De quelle intensité était-il ce pilonnage, plus important ou moins
21 important ?
22 R. Très, très important, l'intensité toujours la même.
23 Q. Et en définitive les urgences sont-ils arrivés, une ambulance est-elle
24 parvenue jusqu'à vous ?
25 R. Peut-être vers 11 heures et quelques minutes parce qu'en ce moment-là
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1 pouvait-on savoir l'heure qu'il était. Cette dame a pu entrer en contact
2 avec les gens du bureau de Dubrovkinja de la société. C'était une grande
3 chance parce que les lignes étaient en panne, les lignes téléphoniques
4 étaient en panne. Elle s'est inquiétée en disant que, "Ivo risquait de
5 mourir." Or, je n'apprendrai pas tout de suite le nom du monsieur qui m'a
6 sauvé. Parmi tous ces gens-là, il y avait entre autres, Mario Mrkusic, qui
7 lui a eu une Golf jaune et courageux et en toute responsabilité moyennant
8 cette Golf jaune, il s'est dirigé depuis les vieilles baraques pour
9 emprunter la rue Od Puca directement pour traverser Pile.
10 Lorsque nous traversâmes la rue d'Od Puca, j'ai pu me rendre compte d'un
11 incendie à ma gauche. Il s'agit de dire que les maisons qui se trouvaient
12 en face de l'église orthodoxe étaient en flammes. Voilà donc, avec tous les
13 débris de pierres et de briques et tout ce matériel qu'il y avait au sol,
14 il a dû zigzaguer.
15 Je me souviens que lorsque nous avons dû traverser Pile, je me suis rendu
16 compte du fait que l'hôtel Impériale était incendié également. Après, je ne
17 me souviens plus de rien. J'avais perdu connaissance pour ne la reprendre
18 qu'à l'hôpital. Or, il s'agit de l'hôpital nouveau, qui se trouve dans le
19 secteur Lapad où, évidement, ils ont été dotés de tout matériel du domaine
20 chirurgical et le reste, et le matériel ayant été déjà transféré dans les
21 nouveaux départements de l'hôpital.
22 Q. Fort bien. Revenons un petit peu à ce que vous disiez tout à l'heure.
23 Vous dites qu'il y a eu un M. Mrkusic qui était venu à votre rescousse. A-
24 t-il été employé, lui, à Dubrovkinja ?
25 R. Oui.
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1 Q. A-t-il travaillé dans le bâtiment administratif au moment où Kate a
2 téléphoné ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez dit avoir pu observer les dommages qui ont été occasionnés au
5 moment de votre passage. Vous avez parlé également de bâtiments qui se
6 trouvaient en face de l'église orthodoxe.
7 R. Oui.
8 Q. Avant de traverser la porte de Pile, avez-vous pu vous rendre compte
9 d'autres dommages occasionnés ?
10 R. Je me suis rendu compte du fait que la fontaine d'Onofrio a été
11 également touchée. Et j'en ai vu pas mal de maisons, d'ailleurs, qui
12 étaient en flammes. En fait, j'en ai vus beaucoup plus que je ne vous le
13 dis. En ce moment-là, j'ai dû vraiment combattre pour ma propre vie, alors
14 je n'ai pas pu prêter attention à ce qui se passait à l'extérieur et autour
15 de moi.
16 Q. Fort bien.
17 M. WEINER : [interprétation] Avec la permission de la Chambre de première
18 instance, je demanderais au témoin de se lever.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, ceci pourrait être fait.
20 M. WEINER : [interprétation]
21 Q. Monsieur Vlasica, levez-vous, s'il vous plaît, et mettez-vous comme
22 cela. Ecartez-vous de votre table, en direction de votre gauche.
23 Dites, s'il vous plaît, montrez à la Chambre de première instance dans
24 quelle position vous étiez lorsque vous étiez sur le seuil même, de votre
25 magasin.
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1 R. Si c'était le seuil, j'ai fait un geste, un pas, avec ma jambe droite.
2 L'obus a dû tomber à ma droite, et j'ai reçu un coup direct ici.
3 L'INTERPRÈTE : Le témoin montre sa cuisse.
4 M. WEINER : [interprétation]
5 Q. Fort bien.
6 M. WEINER : [interprétation] Consignons dans le transcript qu'il a tout
7 simplement avancé son pied et sa jambe droite sous un angle de 45 degrés.
8 Q. Monsieur le Témoin, montrez-nous où se trouvait l'orifice d'entrée de
9 votre plaie.
10 R. Ici.
11 M. WEINER : [interprétation] Pour le transcript d'audience, le témoin est
12 en train de montrer sa cuisse droite au niveau de 10 ou 15 centimètres en
13 dessous de sa hanche. Excusez-moi, c'est au niveau de sa poche droite.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] et l'extérieur --
15 M. WEINER : [interprétation]
16 Q. Monsieur, retournez-vous, maintenant, vers moi, pour montrer à la
17 Chambre de première instance où se situait l'orifice de sortie de votre
18 blessure.
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 M. WEINER : [interprétation] Je voudrais que le transcript reflète le fait
21 que le témoin est debout pour montrer la partie latérale, intérieure de sa
22 cuisse, au niveau de 15 ou 20 centimètres environ, par rapport au genou.
23 Q. Je vous remercie, Monsieur. Vous pouvez vous rasseoir.
24 M. WEINER : [interprétation] Je voudrais que l'on présente au témoin la
25 pièce à conviction P13. En fait, serait-il bon de lui faire voir notre
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1 exemplaire au cas où le témoin aurait souhaité poser quelques mentions ou
2 remarques.
3 Q. Monsieur, reconnaissez-vous cette carte qui se trouve sous vos yeux,
4 sur le rétroprojecteur ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce qu'on peut y voir, sur la carte, la vieille ville ?
7 R. Oui.
8 Q. Pouvez-vous apposer la lettre X pour désigner l'emplacement de votre
9 poste de travail, votre magasin, pour que la Chambre de première instance
10 puisse voir où vous avez été employé ?
11 R. [Le témoin s'exécute]
12 Q. Je vous prie, maintenant, d'indiquer le lieu où vous avez vu Tonci
13 Skocko passer à bord de ce petit véhicule, tel que vous l'avez décrit.
14 R. Il était passé dans la rue Od Puca pour aller jusqu'à sa boutique, et
15 il s'est trouvé ici, à un moment donné, comme on l'appelle, rue Uska.
16 M. WEINER : [interprétation] Je voudrais que l'on consigne dans le
17 transcript que le témoin vient d'indiquer la rue Od Puca courant depuis rue
18 Lucarica jusqu'à la croisée de la rue Od Puca et d'une autre rue.
19 Q. Vous disiez, M. feu Skocko. A qui vous référez-vous ? Est-ce que vous
20 connaissez son prénom ?
21 R. Oui. Le prénom est Tonci.
22 Q. Lorsque vous avez vu Tonci Skocko à bord du petit véhicule pour
23 transporter du pain, est-ce que vous vous rappelez sa tenue vestimentaire ?
24 R. Oui, il était en vêtements de civil.
25 Q. S'agissait-il d'un uniforme quelconque ou d'un vêtement qui aurait été
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1 un uniforme de travail ou militaire ?
2 R. Non.
3 Q. Avait-il eu une arme quelconque ou un fusil ?
4 R. Non.
5 Q. Savez-vous de quoi il s'occupait, en fait ? Quel était son métier ?
6 Nous parlons de Tonci Skocko.
7 R. Lui était là pour aider son père. Parce qu'il s'agit, évidement, de
8 parler du fils de l'autre, qui avait un magasin. Il s'agissait d'une
9 affaire familiale.
10 Q. Le fond de commerce de son père, était-ce bien l'une de ces boutiques,
11 ces points de vente de fruits et légumes ?
12 R. Bien entendu, fruits et légumes mais d'autres articles également, d'un
13 assortiment fort large, qui dit assortiment très large; aliments,
14 détergents, alcool, boissons alcoolisées ou autre. Une espèce de
15 "supermarket", c'est-à-dire petite surface commerciale.
16 Q. Monsieur, voulez-vous vous reporter à la carte également. Cette fois-ci
17 pour nous montrer le parcours qui était le vôtre depuis le lieu où vous
18 travailliez jusqu'au lieu où vous avez été blessé ?
19 R. Nous partons du lieu où j'ai travaillé, et puis nous avons emprunté la
20 rue Od Puca pour aller en direction de Pile.
21 Q. En partant, vous nous avez tout à l'heure, que vous avez observé
22 quelques maisons qui étaient incendiées ou qui brûlaient. Pouvez-vous nous
23 montrer cela, l'emplacement de ces maisons.
24 R. Je crois que sur cette carte-là, au numéro 21, nous devrions avoir
25 l'église orthodoxe, oui, en face du chiffre 21. En ma direction maintenant
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1 lorsque nous regardons la carte, ces maisons étaient en flammes. Il y avait
2 un barbier surnommé Jako, sa maison était en flammes. Ensuite, il y avait
3 une boutique yougoslave, de textile. Cette boutique, également, était
4 incendiée. Il s'agit d'une suite de maisons qui se trouvent en face de
5 l'église orthodoxe qui ont été atteintes par le feu.
6 Q. Monsieur, pouvez-vous nous montrer par la même occasion, ces rues ou
7 les emplacements où vous avez pu observer pas mal de matériel ou de débris
8 sur la rue et que vous avez dû éviter ?
9 R. M. Mrkusic, lui, normalement devait éviter tous ces débris, pierres et
10 le reste qui étaient tombés dans la rue par terre. Par conséquent, tout le
11 long de la rue, dans toute cette rue que nous avons longée ces débris se
12 trouvaient sur les dalles.
13 Q. Lorsque vous dites le long de la rue, vous vous référez à la rue Od
14 Puca.
15 R. Oui.
16 Q. Je vous remercie. Autre chose au sujet de la carte, vous dites que la
17 fontaine publique a été touchée également. Où se trouve-t-elle cette
18 fontaine ?
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 Q. Je vous remercie.
21 M. WEINER : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, le témoin a
22 montré le chiffre 5 sur la carte. Je vous remercie.
23 Q. Vous avez dit que vous avez perdu connaissance. Pouvez-vous nous dire à
24 quel moment vous avez retrouvé vos esprits ?
25 R. J'étais sur une table d'hôpital. Ils allaient passer au rayon X ma
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1 jambe parce qu'il voulait savoir si mon os avait été endommagé. Ils ont
2 enlevé mes vêtements, et j'ai demandé à celui qui était là si mon os avait
3 été touché. Il m'a répondu par la négative, je dois dire que cela m'a
4 soulagé.
5 Q. Vous êtes resté à l'hôpital pendant combien de temps ?
6 R. J'y suis resté du 6 au 21.
7 Q. Pendant ce temps-là, vous a-t-on donné du sang ?
8 R. Oui.
9 Q. Avez-vous perdu beaucoup de sang à cause de votre
10 blessure ?
11 R. Croyez-moi, je ne sais pas trop, parce que j'ai énormément saigné. Un
12 exemple, je vous ai dit, au début, qu'il y avait un caillot de sang à côté
13 de cet orifice, cela signifie qu'il y a eu beaucoup de sang que j'ai perdu.
14 Je ne suis pas un médecin, donc je ne peux pas vous dire précisément
15 combien.
16 Q. Monsieur, quand vous êtes arrivé à l'hôpital ce jour-là, vous ont-ils
17 fait des points de suture sur votre blessure ?
18 R. Non. Il y avait un orifice très important de l'intérieur de la cuisse,
19 et puis aussi le point de sortie était très grand. Bien entendu, il fallait
20 nettoyer cela pour qu'il n'y ait pas de pus, pour qu'il n'y ait pas
21 d'infection parce qu'en cas d'infection, j'aurais perdre ma jambe. Il y
22 avait ces orifices très importants causés par l'éclat d'obus.
23 Q. En fin de compte, avez-vous eu des points de suture ?
24 R. Oui, je ne peux pas vous dire au bout de combien de temps. Après avoir
25 nettoyé la plaie et avant de l'avoir pansée, ils m'ont fait des points de
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1 suture.
2 Q. Qui l'a fait, un médecin, une infirmière, qui ?
3 R. Pendant qu'ils faisaient cela, ils m'ont transporté, d'en bas où on
4 était dans le sous-sol, dans la pièce où ils procédaient à des
5 interventions chirurgicales et c'est le Dr Dalmatin qui m'a administré les
6 points de suture, il était assisté de deux infirmières.
7 Q. Très bien. Lorsqu'ils vous ont fait des points suture, est-ce que vous
8 avez bénéficié d'une anesthésie locale ?
9 R. C'était une plaie dont la surface n'était pas tellement importante pour
10 qu'ils me donnent l'anesthésie, ils ne l'ont pas fait. Je n'ai pas eu
11 d'anesthésie.
12 Q. Est-ce qu'il y avait suffisamment de produits pour donner l'anesthésie
13 à l'hôpital ?
14 R. D'après ce que disaient les infirmières, il n'y en avait pas
15 suffisamment ou il n'y en avait pas beaucoup, donc lorsque les cas
16 n'étaient pas trop graves, on n'administrait pas d'anesthésie. On le
17 faisait à vif.
18 Q. Pouvez-vous me dire comment les infirmières s'y sont prises pour aider
19 le médecin à vous faire des points de suture ?
20 R. Une infirmière me retenait au niveau de la cage thoracique et l'autre
21 au niveau de la jambe.
22 Q. Comment a-t-elle retenu vos mains ou vos bras ? Est-ce qu'elle s'est
23 allongée par-dessus vous ?
24 R. Oui, ici. Elle me retenait, moi qui était allongé sur le lit.
25 Q. Vous ont-ils placé quoi que ce soit dans la bouche ?
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1 R. Oui, elle m'a mis un bout de coton pour que je ne me casse pas les
2 dents ou que je ne me morde pas la langue.
3 Q. Pendant que ces deux infirmières vous retenaient, le médecin vous a-t-
4 il recousu la jambe ?
5 R. Oui. Il ne m'a pas vraiment recousu de manière propre et attentive.
6 Vous savez en haut, il y avait trois points de suture et en bas quatre. La
7 distance était de l'ordre d'un centimètre entre les points. Il a fait
8 simplement quelques points puisque la plaie allait se refermer rapidement,
9 et il suffisait de rapprocher ces bouts de peau à la surface.
10 On le voit encore. Je peux vous le montrer. Je peux vous montrer comment
11 ces points de suture ont été administrés.
12 Q. Avez-vous souffert ? Avez-vous ressenti de la douleur pendant qu'on
13 vous a administré ces points de suture ?
14 R. Naturellement. Bien sûr.
15 Q. Vous êtes resté à l'hôpital à peu près pendant 15 jours, un peu plus de
16 deux semaines.
17 R. Oui.
18 Q. A votre sortie de l'hôpital, avez-vous dû revenir à l'hôpital pour un
19 traitement supplémentaire ?
20 R. Oui. Il fallait qu'ils me changent le pansement tous les jours.
21 Q. Lorsque vous dites qu'il fallait qu'ils vous pansent la plaie que
22 devaient-ils faire ?
23 R. Il fallait qu'ils nettoient la plaie et qu'ils me remettent un nouveau
24 pansement, car je ne pouvais pas rester hospitalisé. En fait, il n'y avait
25 pas suffisamment de lits disponibles à l'hôpital car il y avait un nombre
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1 incroyable de blessés. Les blessés se trouvaient partout à l'hôpital. Nous
2 qui n'étions pas des blessés graves, ils nous laissaient sortir de
3 l'hôpital et on revenait pour qu'on nous change de pansements. Ils
4 faisaient attention à ce que cela ne nous infecte pas, qu'il n'y ait pas de
5 gangrène, que la plaie n'empeste pas.
6 Q. Lorsque vous parlez de blessure légère, j'aimerais savoir la chose
7 suivante : à peu près 15 jours, vous êtes resté à l'hôpital et dans votre
8 pièce de votre chambre d'hôpital, il y avait d'autres patients ?
9 R. Oui.
10 Q. Il me semble que vous avez dit que Zika était un autre patient et que
11 vous étiez devenu assez proche avec lui. C'est bien ce nom là, l'ai-je bien
12 prononcé ?
13 R. Oui, ce Zika, je dois dire qu'il était l'un des hommes les plus
14 courageux du mont Srdj de l'époque. Lorsque les forces de l'armée populaire
15 yougoslave sont venues très près de l'entrée de la forteresse, un obus est
16 tombé, alors je ne peux pas vous dire exactement. Il ne m'a pas dit
17 exactement de quel côté est arrivé cet obus, mais il m'a dit qu'une grenade
18 à main est arrivée et il a été blessé. Il s'est retrouvé presque mort, à 80
19 % il a perdu la vie. Grâce à l'aide d'un homme, qui s'appelait Sveto
20 Antunovic, qui l'a porté sur la route principale au pied du mont Srjd, il a
21 été transporté à l'hôpital et il m'a raconté que là c'était une situation
22 très difficile, un bain de sang là-haut. Et que : "S'ils avaient pas été
23 aussi courageux, ils auraient tous perdu la vie."
24 Q. Cet homme Zika, qui était à l'hôpital avec vous, quel genre de
25 blessures avait-il ? Etaient-ce des blessures graves ?
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1 R. Cela était incroyable, ces blessures. J'ai dit dans ma déclaration que
2 pratiquement à 80 % il avait perdu sa vie. Il ne pouvait même pas se rendre
3 seul, rien du tout de manière normale. Il avait perdu cette partie de
4 l'abdomen, de l'estomac.
5 Q. Lorsque vous dites que vos blessures n'étaient pas très graves, en fait
6 vous les comparez aux blessures qu'ont eues cet homme ainsi que d'autres
7 personnes ?
8 R. Oui.
9 Q. Et après ces 15 jours, vous êtes sorti de l'hôpital et vous avez dit
10 que vous étiez patient, qui se rendait à l'hôpital tous les jours, comme
11 dans un hôpital de jour. J'aimerais tout simplement savoir pendant combien
12 de temps avez-vous éprouvé de la douleur dans la jambe ?
13 R. Ecoutez cela a duré pendant tous ces 40 jours qui ont été nécessaires
14 que la plaie cicatrise. Il faut savoir que je marchais tous les jours. Il
15 n'y avait pas de voiture qui aurait pu me transporter. Je marchais tous les
16 jours, ce qui m'a permis d'exercer mon muscle qui avait été transpercé.
17 Même encore, je dois dire que je vis au quotidien, un changement de
18 condition météorologique. Je dois dire que je sens encore la douleur dans
19 ma jambe.
20 Q. Cela est 13 ans plus tard, vous ressentez toujours la douleur dans
21 votre jambe ?
22 R. Mais oui cela est évident. On peut encore voir et sentir qu'il y a une
23 partie qui a été endommagée, qui est assez importante.
24 Q. J'aimerais vous présenter un document, un document qui vient de
25 l'hôpital, Monsieur.
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1 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le
2 Juge, le témoin a apporté ce document avec lui et nous l'avons fait
3 traduire. Nous avons fourni des exemplaires aux interprètes pour qu'ils en
4 donnent lecture, s'ils le souhaitent ou le témoin plutôt pourrait le lire.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et qu'en est-il de la deuxième page ?
6 M. WEINER : [interprétation] Ils ont eu cela hier. Bien plus vite que je ne
7 l'aurais cru.
8 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur ?
9 R. Oui.
10 Q. Qu'est-ce qui vous permet de l'identifier ?
11 R. C'est un document qui m'a été donné à l'hôpital, avant que je ne vienne
12 ici.
13 Q. De quoi s'agit-il, de quoi parle ce document ?
14 R. Cela est ma lettre de sortie qui concerne mon traitement à l'hôpital.
15 Il est confirmé que j'avais été blessé et que je suis resté à l'hôpital du
16 6 au 21 décembre.
17 Q. Retrouvez-vous ici ou reconnaissez-vous le nom des personnes qui ont
18 signé le document ?
19 R. C'est notre directrice à l'hôpital de Dubrovnik actuellement ainsi que
20 le Dr Jaksa Segedin, oui.
21 Q. Je vous remercie. Je vous prie d'en donner lecture en version B/C/S
22 pour le compte rendu d'audience, s'il vous plaît.
23 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas pourquoi
24 on perdrait du temps puisque nous avons ce document à la fin en B/C/S et en
25 version anglaise. Il me semble inutile d'en donner lecture. Le témoin a
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1 expliqué de quoi il s'agissait.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Comme cela est le cas le plus souvent,
3 Maître Rodic, je suis d'accord avec vous.
4 M. WEINER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
5 M. RODIC : [interprétation] Je vous remercie. Puis-je prendre la parole,
6 Monsieur le Président ?
7 Si on verse au dossier ce document en tant que pièce à conviction de
8 l'Accusation, la Défense demandera la chose suivante.
9 Pour le moment la cote qu'on lui attribuerait devrait être uniquement une
10 cote aux fins d'identification puisque nous n'avons reçu ce document
11 qu'hier. C'est uniquement après le contre-interrogatoire qu'on devrait
12 décider le sort que sera réservé à ce document. Merci.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Weiner, il en ressort de la
14 traduction que la description de la blessure concerne la jambe qui n'est
15 pas celle dont nous a parlé le témoin.
16 M. WEINER : [interprétation] Oui, je le sais. Oui, c'est vu de face qu'il
17 s'agit de la jambe gauche, mais pour lui c'est la jambe droite. C'est
18 uniquement vu de face qu'il s'agit de la jambe gauche. C'est une question
19 d'angle.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A votre sens, est-ce que cela poserait
21 problème que l'on attribue pour fin d'identification comme l'a demandée la
22 Défense.
23 M. WEINER : [interprétation] Non. C'est acceptable, Monsieur le Président.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette cote sera MFI P84.
25 M. WEINER : [interprétation]
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1 Q. Monsieur, vous êtes sorti de l'hôpital et vous êtes revenu comme à
2 l'hôpital de jour, vous est-il arrivé, à partir de ce moment-là, de
3 retourner dans la vieille ville ?
4 R. Oui.
5 Q. A quel moment, Monsieur ?
6 R. Au mois de février 1992.
7 Q. Merci. A ce moment-là, avez-vous parcouru dans la ville ?
8 R. Oui.
9 Q. Dans quels quartiers de la vieille ville vous êtes-vous promené ?
10 Pouvez-vous montrer cela sur le plan ?
11 R. J'ai longé le Stradun, la rue Lucarica, l'endroit qui s'appelle
12 Gunduliceva Polja, la rue Od Puca où je travaillais.
13 Q. Qu'avez-vous remarqué ? Commençons par le Stradun que vous nous avez
14 montré. Vous avez descendu le Stradun, qu'avez-vous vu en Stradun ?
15 R. J'ai vu des dévastations énormes.
16 Q. Si on se situe à l'échelle allant d'un éclat d'obus qui endommage une
17 façade jusqu'à la destruction totale d'un édifice, combien de bâtiments
18 situés au Stradun ont été endommagés ?
19 R. Il me serait difficile de vous en citer un qui ne l'aurait pas été.
20 Pratiquement chacun des édifices ou des bâtiments a été touché.
21 Q. Ce niveau d'endommagement, est-ce quelque chose qui était antérieur au
22 6 décembre 1991 ? Etait-ce la situation qui a prévalu avant cette date-là ?
23 R. Non. Non.
24 Q. Vous avez dit que vous avez longé la rue Od Puca où se trouvait votre
25 commerce. Qu'avez-vous vu dans cette rue-là ?
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1 R. C'était deux mois après mon arrivée dans la ville, donc évidemment, on
2 a déblayé pour qu'on puisse fonctionner dans la ville, On a nettoyé les
3 gravas dans la rue et tous les débris dus au feu, l'incendie des maisons,
4 tout ce qui est tombé des toits. On voyait les grandes plaies de la ville
5 de Dubrovnik. On pouvait voir ce qui avait brûlé et on pouvait voir une
6 quantité incroyable de dommages.
7 Q. Parlons maintenant de cette rue Od Puca. En février 1992, quels sont
8 les dommages que vous avez vus ? Pouvez-vous nous le décrire de la manière
9 la plus détaillée possible, s'il vous plaît ?
10 R. Comment vous le dire ? Comment vous décrire ces dommages ? Imaginez une
11 maison, celle qui se trouvait sur ma gauche, après ce qui s'est passé, il
12 ne restait plus rien, que les murs. Le feu a tout dévoré. Il n'y avait plus
13 rien à l'intérieur. Elle était, complètement, éventrée, des fondations
14 jusqu'au toit.
15 M. RODIC : [interprétation] Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Rodic.
17 M. RODIC : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre encore une fois mon
18 éminent collègue, mais il me semble que cela est important, ceci pour ce
19 qui est de la période couverte par l'acte d'accusation. Demander quels
20 étaient les dommages en février 1992, et très précisément quelque chose qui
21 concerne un moment qui se situe trois mois après les événements du 6
22 décembre. Cette personne était absente de la vieille ville pendant trois
23 mois. Que peut-elle en savoir quels étaient les dommages avant le 5, le 6,
24 le 7 ou le 15 janvier ? Cela, nous ne le saurons pas.
25 M. WEINER : [interprétation]
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1 Q. Monsieur, quels sont les autres dommages que vous avez pu voir sur la
2 rue Od Puca ?
3 R. Dans toute la rue, toutes les entrées et sorties étaient cassées, rien
4 ne fonctionnait. C'était barricadé, blindé avec des plinthes en bois, des
5 planches en bois. Je ne peux pas vous dire s'il y avait quelque chose qui
6 était ouvert à ce moment-là. Mais toutes les devantures étaient,
7 complètement, barricadées avec des planches. Il y avait une quantité
8 incroyable de dommages. Au moment de chaque attaque par quelques armes que
9 ce soit, par quels tirs que ce soit ou par quels obus, à chaque fois, il y
10 avait des dommages. Il n'y avait pas de vitre. Les façades étaient
11 endommagées, l'église de
12 Saint-Joseph avait été touchée. La statue qui se trouve au milieu de la
13 façade de Saint-Joseph. C'est sur l'église même qu'un obus est tombé. On
14 s'est employé à détruire systématiquement, méthodiquement la vieille ville.
15 L'intention était de la brûler, de la mettre à feu.
16 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que le
17 moment est venu de lever la séance pour aujourd'hui.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons
19 reprendre demain.
20 Monsieur le Témoin, je vous demande de revenir demain afin de continuer
21 avec votre déposition. Je vous remercie.
22 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le vendredi 27 février
23 2004, à 9 heures 00.
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