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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire: IT-94-1-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Vendredi 10 mai 1996
4 (10 heures)
5 LE PRESIDENT : Maître Niemann, êtes-vous prêt ? Je crois que vous avez
6 terminé l’audition de M. Gow ...
7 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.
8 LE PRESIDENT : ... hier soir.
9 MAITRE NIEMANN : C’est exact, Madame le Président.
10 LE PRESIDENT : Pouvez-vous présenter M. Gow au contre-interrogatoire,
11 cependant ?
12 MAITRE NIEMANN : Avec plaisir.
13 (Rappel de M. JAMES GOW)
14 LE PRESIDENT : Vous pouvez vous asseoir, M. Gow. Vous comprenez que vous
15 êtes toujours sous serment, n’est-ce pas ?
16 LE TEMOIN : Oui.
17 (Interrogatoire mené par les juges)
18 JUGE STEPHEN : Au fil du temps, M. Gow, mes questions, qui étaient au
19 nombre de deux, se sont réduites à une. Je ne sais plus très bien
20 qui, de Markovic ou de Panic, a été le dernier Premier Ministre
21 fédéral de Yougoslavie.
22 R. Le dernier Premier Ministre fédéral de la RSFY a été Ante Markovic.
23 Milan Panic devait, plus tard, être le Premier Ministre de la
24 République fédérale de Yougoslavie, c’est-à-dire de la République
25 déclarée à partir du 27 avril 1992 et composée de la Serbie et du
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1 Monténégro.
2 Q. Je crois que ma question porte sur Panic, je pense; quelle est la
3 situation, depuis l’époque de Panic, en ce qui concerne
4 l’organisation fédérale de la Serbie et du Monténégro ? Je crois
5 comprendre qu’il y avait un Exécutif fédéral et deux Exécutifs de
6 Républiques ?
7 R. Il existe des organes fédéraux en Serbie et au Monténégro. La
8 plupart des observateurs considéreront sans doute que la Fédération
9 n’a guère d’autre sens que celui de servir l’intérêt de Belgrade en
10 assurant la succession de la RSFY grâce à la conservation de son
11 nom. La position du Monténégro dans la Fédération se caractérise par
12 l’existence d’une certaine friction; toute une série de difficultés
13 commerciales inter-Républiques sont apparues, dans la période
14 récente, mais parler de guerre commerciale serait excessif.
15 Le Monténégro fait partie de la Fédération, mais comme un
16 responsable yougoslave me l’a dit, la Fédération est à 95 % serbe.
17 Il est significatif de constater que c’est le Président serbe,
18 Slobodan Milosevic, qui a représenté la République fédérale de
19 Yougoslavie, par exemple, aux pourparlers de Dayton, à la base
20 aérienne de Wright Patterson, et pas des responsables de la
21 Fédération.
22 Q. Existe-t-il un Président fédéral et un Premier Ministre fédéral ?
23 R. Oui, ces deux postes existent, oui.
24 Q. Et sont-ils relativement insignifiants ?
25 R. Ils sont relativement insignifiants du point de vue de l’exercice du
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1 pouvoir politique.
2 JUGE STEPHEN : Merci.
3 JUGE VOHRAH : M. Gow, vous avez dit que lors de l’instauration de la
4 dictature royale, en 1929, une province dénommée Banovina croate a
5 également été créée; le mot « Banovina » a-t-il un sens particulier
6 ?
7 R. Je voudrais d’abord lever un malentendu. Je crois que le procès-
8 verbal montrera que j’ai déclaré que la Banovina croate a été créée
9 en 1939, et non en 1929, lorsqu’a été proclamée la dictature royale.
10 Le mot « Banovina » tire son sens du mot « ban », mot ancien qui
11 veut dire à peu près « duc ». Il avait un sens pour les Croates de
12 la partie hongroise de l’Empire austro-hongrois, sens qu’il convient
13 de relier aux idées d’Etat et de monarchie que défendaient les
14 Croates. Il avait existé un royaume croate au Moyen-Age.
15 JUGE VOHRAH : Merci.
16 LE PRESIDENT : Maître Niemann, en avez-vous terminé avec votre
17 interrogatoire principal de M. Gow ?
18 MAITRE NIEMANN : Oui, Madame le Président.
19 LE PRESIDENT : Merci. Maître Orie, pouvez-vous procéder au contre-
20 interrogatoire ?
21 MAITRE ORIE : Merci, Madame le Président.
22 (Contre-interrogatoire mené par Maître ORIE)
23 Q. M. Gow, je tiens tout d’abord à vous dire que je ne suis pas
24 anglophone de naissance, donc s’il y a quoi que ce soit qui n’est
25 pas clair dans mes questions, je vous prierais de ne pas hésiter à
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1 me le dire, de façon à éviter tout malentendu.
2 R. Je suis tout à fait d’accord, mais je doute que cela soit
3 nécessaire. Mon expérience des Néerlandais m’a montré qu’ils parlent
4 beaucoup mieux l’anglais que certains des habitants de mon pays.
5 Q. Je ne cherchais pas de compliment, mais merci tout de même. M. Gow,
6 vous avez dit à la Chambre que vous connaissiez un peu la langue
7 serbo-croate et la langue slovène. Pourriez-vous nous dire
8 exactement quelle est votre connaissance de ces deux langues ?
9 R. Je dirais que j’ai une connaissance fonctionnelle de ces deux
10 langues, qui me permet de les utiliser dans le travail. Je m’en suis
11 servi dans les recherches que j’ai menées lors de la préparation
12 d’un doctorat, puis plus tard, dans les diverses fonctions
13 universitaires qui ont été les miennes. Je m’en sers pour parler
14 avec des responsables et des militaires en poste dans les pays de
15 l’ex-Yougoslavie et je m’en suis servi, avant, en RSFY. Je dis que
16 j’ai quelque connaissance de ces deux langues pour éviter de donner
17 l’impression que je me considère comme quelqu’un qui les parle
18 couramment et les connaît à fond, mais j’en ai une connaissance
19 suffisante pour travailler et je les ai utilisées au cours de ma
20 carrière.
21 Q. Merci, M. Gow. Avez-vous jamais traduit des documents pour
22 l’Accusation ?
23 R. Je n’ai effectué aucune traduction officielle de quelque document
24 que ce soit pour l’Accusation. J’ai attiré l’attention de
25 l’Accusation sur des documents publics, qui étaient publiés, et je
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1 les ai officieusement traduits pour le Bureau du Procureur. Le
2 Bureau du Procureur a alors fait appel à des traducteurs qui ont
3 effectué les traductions nécessaires à une utilisation de ces
4 documents dans les travaux du Bureau du Procureur.
5 Q. M. Gow, avez-vous jamais attiré l’attention de l’Accusation sur des
6 documents déjà traduits, en anglais, je veux dire ?
7 R. Oui, j’ai attiré son attention, par exemple, sur les documents tirés
8 du recensement yougoslave qui ont été soumis en tant qu’éléments de
9 preuve, hier. Il est possible que j’aie attiré son attention sur
10 d’autres documents déjà traduits, également.
11 Q. Lorsque vous avez attiré l’attention de l’Accusation sur un texte en
12 anglais, avez-vous vérifié si sa traduction était fidèle ou pas ?
13 R. Je crois comprendre que ce que vous me demandez, - c’est peut-être
14 un problème de langue - c’est si j’ai procédé à des vérifications.
15 La réponse est oui. En certaines occasions, j’ai procédé à de telles
16 vérifications, mais il serait inexact de dire que je l’ai fait en
17 toutes occasions.
18 Q. Merci, M. Gow. Vous êtes-vous rendu dans la région de l’opstina de
19 Prijedor ?
20 R. Non. Je ne suis jamais allé dans la région de Prijedor.
21 Q. Vous ne vous êtes jamais trouvé dans cette région ?
22 R. Je ne me suis jamais trouvé dans la région de Prijedor.
23 Q.: Merci, M. Gow. Puis-je vous renvoyer à une réponse que vous avez
24 fournie lorsque l’on vous a montré la pièce à conviction n° 51, à
25 savoir la Constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine
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1 du 28 février 1992 ? Le Juge Stephen vous a demandé, hier, si cette
2 Constitution désignait une capitale, Knin ou Sarajevo. Vous avez
3 répondu que vous pensiez qu’elle ne désignait aucune capitale.
4 Pourriez-vous, je vous prie, examiner à nouveau, avec l’aide du
5 Greffe, la pièce à conviction n° 51, l’examiner attentivement, et
6 voir si elle désigne une capitale ?
7 R. (Remise du document). Je tiens à éclaircir un détail, sinon à le
8 corriger. Je crois avoir dit hier que je ne me rappelais pas si
9 c’était le cas. Je serais également prêt à dire, sur la base de mes
10 réflexions de la nuit dernière, que certains ont prétendu que la
11 capitale se trouvait à Sarajevo, et la division éventuelle de
12 Sarajevo a fait l’objet de discussions. En lisant l’article 9, vous
13 verrez que Sarajevo est désignée comme capitale de la République.
14 Q. Donc, cela figure dans la Constitution ?
15 R. Ce qui figure dans la Constitution, c’est que la Republika Srpska,
16 ou plutôt ce qui était encore à l’époque la République serbe de
17 Bosnie-Herzégovine, souhaitait établir Sarajevo ou une partie de
18 Sarajevo en tant que capitale de sa République.
19 Q. Oui. Puis-je vous demander, M. Gow, si cette portion du texte est
20 bien traduite dans cette partie de la pièce à conviction qui est
21 disponible en anglais ?
22 R. Je dois dire que l’article 9 n’apparaît pas du tout dans la
23 traduction anglaise.
24 Q. Merci, M. Gow. Donc le texte anglais ne dit rien de la capitale,
25 alors que l’original en traite ?
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1 R. L’original en traite, effectivement. La traduction anglaise ne
2 comprend pas l’article 9 dans lequel il est fait référence à la
3 capitale.
4 Q. Merci beaucoup, M. Gow. M. Gow, le 7 mai, vous avez parlé des
5 déplacements de population. Vous avez déposé sur la base de la pièce
6 à conviction n° 7, je crois. Pourrait-on, s’il vous plaît, remettre
7 la pièce à conviction n° 7 au témoin ? (Remise du document). Peut-on
8 placer le texte à l’écran ? C’est très bien, pour ce qui me
9 concerne. Ainsi, M. Gow, parlant des déplacements de population,
10 vous avez attiré notre attention sur le nord de la Bosnie, qui
11 constitue une partie de cette pièce à conviction. Pourriez-vous, je
12 vous prie, voir avec moi quelle était la situation dans d’autres
13 régions également ?
14 R. Certainement.
15 Q. Pourriez-vous, je vous prie, voir où se trouve Tuzla, pour nous dire
16 s’il y a eu, à Tuzla, d’importants déplacements de population serbe
17 ?
18 R. Il y a eu, effectivement, des départs importants de population serbe
19 de la région de Tuzla. Vous constaterez que cette population s’est
20 réduite, sans rentrer dans les détails, à environ un quart de ce
21 qu’elle était en 1991. En même temps, vous constatez un doublement,
22 à peu près, de la population musulmane. C’est, en gros, ce que l’on
23 peut dire des déplacements de population globaux dans cette région.
24 Si vous regardez ce qui s’est passé, dans le même temps, dans
25 l’ouest de l’Herzégovine, vous verrez que le résultat est très
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1 semblable, avec une réduction de la population serbe, qui est passée
2 de 43 500 habitants à seulement 5 000, en même temps que se
3 produisait une augmentation significative de la population musulmane
4 de cette région.
5 Q. Oui. Pourriez-vous, je vous prie, regarder du côté de Bihac ? Y a-t-
6 il eu une importante réduction de la population serbe à cet endroit
7 ?
8 R. Là encore, vous constaterez une réduction significative de la
9 population serbe de la région de Bihac.
10 Q. Y a-t-il eu réduction significative de la population serbe dans la
11 région de Zenica ?
12 R. Là encore, vous constaterez une réduction significative de la
13 population serbe dans la région située autour de Zenica, ainsi
14 qu’une réduction moins importante de la population croate dans cette
15 région, et une croissance de près de 100 000 habitants de la
16 population musulmane.
17 Q. M. Gow, pourriez-vous, je vous prie, nous dire où sont allés ces
18 Serbes ? Les Serbes dont je parle sont ceux qui sont originaires de
19 Tuzla, Bihac et Zenica.
20 R. Je ne crois pas que quiconque soit capable de vous dire exactement
21 où ils sont tous allés. De façon générale, je pense qu’il est permis
22 de dire qu’ils sont partis soit vers les régions indiquées sur ce
23 tableau comme ayant subi une augmentation de la population serbe,
24 soit vers les territoires de la Serbie et du Monténégro. Dans la
25 période considérée dans ce tableau, et bien que mes souvenirs ne
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1 soient pas très précis à cet égard, je crois qu’il y a eu plusieurs
2 centaines de milliers, peut-être 5 000 ou 6 000 réfugiés qui sont
3 partis de Croatie et de Bosnie vers la Serbie et le Monténégro.
4 Q. M. Gow, donc vous affirmez que personne ne pourrait nous dire avec
5 exactitude où ces personnes sont allées ?
6 R. Je ne pense pas que quiconque pourrait vous dire exactement où ces
7 personnes sont allées. Je crois que si vous vous adressiez à des
8 représentants d’organisations humanitaires, notamment au Haut
9 Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, eux seraient en
10 mesure, sur la base des données qu’ils recueillent et qui figurent
11 dans ce tableau, de vous fournir une réponse plus précise que je ne
12 peux le faire moi-même.
13 Q. M. Gow, si eux devaient mener la même enquête sur le sujet,
14 n’auraient-ils pas besoin au moins de savoir quelles personnes ont
15 été prises en compte dans les chiffres du recensement, puisque les
16 premiers sont des chiffres d’avant-guerre, pour autant que je puisse
17 en juger, des chiffres du recensement --
18 R. Oui.
19 Q. -- et les derniers des chiffres relatifs au nombre des réfugiés
20 enregistrés par le HCNUR ? Ces chiffres sont connus avec précision.
21 Disons, pour la Bosnie occidentale, ces 304 000 Serbes, qui étaient-
22 ils exactement ?
23 R. Le HCNUR, pour autant que je le sache et pour autant qu’il y soit
24 parvenu, dresse des registres des gens et en rend compte à ...
25 Q. Je parle de la situation qui prévalait avant la guerre.
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1 R. Oh, excusez-moi ! Il existait un registre des habitants, destiné au
2 recensement, et donc je suppose qu’il existe des traces de
3 l’identité de chacun. Ces traces, je ne sais pas si elles indiquent
4 individuellement le nom des habitants ainsi que leur appartenance
5 ethnique. Je ne sais donc pas s’il existe un registre, au Bureau
6 fédéral des statistiques de Belgrade ou ailleurs, qui fournisse le
7 nom d’un individu et au regard de ce nom, le groupe ethnique ou
8 national auquel cet individu a déclaré appartenir.
9 Q. Ai-je raison de penser, par conséquent, que l’enquête dont je parle
10 n’aurait guère de chance d’aboutir, puisqu’aucun des noms figurant
11 dans le registre de recensement ne peut être relié aux chiffres du
12 recensement d’avant-guerre ?
13 R. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris la question.
14 Q. Je vous demandais si l’on savait qui étaient ces personnes. J’ai
15 compris ce que vous avez déclaré dans votre réponse, à savoir que le
16 HCNUR pourrait en être informé, puisqu’il possédait des listes de
17 noms. Je vous ai alors demandé si ces listes de noms dataient
18 d’avant-guerre, car je pense qu’on aurait besoin des deux pour
19 découvrir où ces personnes se trouvaient alors et où elles se
20 trouvent aujourd’hui. J’ai également compris la réponse que vous
21 avez apportée à cette question, lorsque vous avez déclaré qu’il
22 était pour le moins incertain que ces noms d’avant-guerre soient
23 connus.
24 R. J’ai répondu que c’était incertain, ou du moins que je ne savais pas
25 si ces noms étaient connus et s’ils étaient reliés à la désignation
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1 d’un groupe ethno-national en quelque endroit que ce soit. Je ne
2 suis pas sûr de bien suivre la logique de cette question; peut-être
3 est-ce dû au fait, simplement, que je ne la comprends pas. Il me
4 semble que dans l’intérêt de la déposition que je fournis ici, une
5 indication générale des déplacements de population a été fournie, et
6 dans le cadre d’une indication générale, je ne crois pas qu’il soit
7 indispensable de rechercher la trace de chaque individu; mais
8 n’hésitez pas à me corriger si tel n’est pas le cas. Et je vous
9 indiquerai sans hésiter la possibilité de vous adresser à des
10 organisations telles que le HCNUR qui, elles, enregistrent les
11 données de ce type et demandent souvent, sinon toujours, aux
12 personnes qu’elles enregistrent les coordonnées de leur localité
13 d’origine. Je crois donc qu’elles pourraient fournir quelque
14 indication sur le sujet. Je n’ai aucune idée de la nature de ces
15 indications et je ne suis pas sûr que ces organisations possèdent
16 ces renseignements, mais à mon avis il est probable qu’elles les
17 possèdent.
18 Q. Permettez-moi de vous poser une brève question. Existe-t-il un moyen
19 de vérifier les noms connus entre 1991 et 1994 ?
20 R. Je vous demande pardon ?
21 Q. Existe-t-il quelque moyen que ce soit d’effectuer une référence
22 croisée des noms connus entre 1991 et 1994 ?
23 R. Je vous prie de m’excuser, je ne suis toujours pas sûr d’avoir bien
24 compris la question.
25 Q. Y a-t-il moyen d’effectuer une référence croisée en ce qui concerne
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1 les noms, entre les chiffres d’avant-guerre et les chiffres de
2 juillet 1994 ?
3 LE PRESIDENT : Si vous avez des chiffres, par exemple ce chiffre est de
4 82 235 pour les Serbes de Tuzla, est-ce que vous avez des noms au
5 regard de ces chiffres, qui vous permettent de déterminer qui est
6 qui ?
7 R. Est-ce que j’ai les noms ?
8 LE PRESIDENT : Est-ce que quelqu’un possède ces noms ? Sont-ils
9 disponibles, à votre connaissance ? Je ne crois pas que vous
10 puissiez les avoir vous-même en votre possession.
11 R. Je ne les ai pas en ma possession et je ne sais rien de leur
12 disponibilité ou de leur indisponibilité.
13 MAITRE ORIE : Merci, M. Gow. M. Gow, lorsque l’on vous a interrogé au
14 sujet des déplacements de population, vous avez dit qu’il était
15 surtout question de déplacements de population musulmane. Vous avez
16 affirmé que, bien que d’autres personnes se soient également
17 déplacées, telles les Serbes et les Croates, le nombre et l’échelle
18 de ces déplacements de population étaient différents de ce qu’ils
19 étaient pour les déplacements de population musulmane. Pourriez-
20 vous, je vous prie, nous fournir les chiffres associés aux
21 déplacements de population musulmane ?
22 R. Le nombre total de personnes déplacées dans la période 1993/1994,
23 pour autant que je me le rappelle, se situe aux alentours de 2,7
24 millions de personnes. Je fais un grand effort pour me rappeler les
25 chiffres, et selon mes souvenirs, la moitié peut-être ou un peu plus
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1 de la moitié se compose de Musulmans, mais je n’ai pas en tête les
2 chiffres exacts.
3 Q. Puisque vous parlez de chiffres, sont-ce des chiffres absolus ou des
4 chiffres relatifs ? Etablissez-vous une comparaison avec la partie
5 de la population musulmane, croate ou serbe qui vivait dans la
6 région auparavant ?
7 R. Le chiffre que je viens de citer à titre de référence, pour autant
8 que je m’en souvienne car je ne peux l’affirmer avec certitude,
9 était un chiffre absolu. Le HCNUR a parlé, si ma mémoire est exacte,
10 de 2,7 millions de personnes - mais je ne peux garantir que ma
11 mémoire ne me trahit pas - et je pense que près de la moitié,
12 légèrement plus de la moitié se composait de Musulmans, donc il
13 s’agit d’un chiffre absolu et non d’un chiffre proportionnel. La
14 moitié ou un peu plus de la moitié se rapporte, si je ne m’abuse,
15 aux 2,7 millions, si je ne me trompe pas.
16 Q. Pourriez-vous nous dire ce qu’il en est des autres 50 % ? S’agit-il
17 de Serbes, de Croates ou des deux ? Se répartissaient-ils également
18 dans cette deuxième moitié ?
19 R. Je ne peux vous le dire. Je ne peux vous fournir une réponse exacte
20 ou même ce que je considérerais comme une réponse approximative
21 fiable. A mon avis, mais il est difficile de l’affirmer, un certain
22 nombre de Serbes ont quitté ces régions dans les premiers temps de
23 la guerre et, tout à fait à la fin, en 1993, un certain nombre de
24 Croates ont quitté la Bosnie centrale. Mais n’ayant pas vérifié ces
25 faits, je ne souhaite pas vous donner, je ne souhaite pas tenter de
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1 vous citer un chiffre exact en la matière.
2 Q. M. Gow, pourriez-vous, alors, je vous prie, nous expliquer une
3 nouvelle fois comment vous avez pu nous dire que les déplacements de
4 population musulmane s’étaient faits sur une échelle différente des
5 déplacements des autres groupes, car, pour autant que je le
6 comprenne, vous nous dites à présent avoir le vague souvenir qu’il
7 pouvait s’agir de 50 %, mais ne pas savoir ce qu’il en est des
8 autres 50 %, ni s’ils sont Serbes ou Croates. Pouvez-vous, alors,
9 nous expliquer où vous trouvez cette différence d’échelle ?
10 R. L’échelle est différente parce que le plus grand nombre de personnes
11 impliquées appartenait aux communautés musulmanes, comme je crois
12 l’avoir indiqué à l’instant, et je formule ces affirmations, non sur
13 la base d’une quelconque vérification des chiffres officiels à
14 laquelle j’aurais procédé, mais sur la base d’une observation de
15 longue durée que j’ai effectuée ces dernières années, ainsi que sur
16 la base d’entretiens avec des responsables de diverses organisations
17 internationales, et notamment du Haut Commissariat des Nations Unies
18 pour les réfugiés; mais je crains de ne pas être en mesure, ici
19 même, aujourd’hui, d’en dire davantage sans une préparation
20 complémentaire.
21 Q. Est-ce que des chiffres vous ont été fournis, ou simplement des
22 impressions ?
23 R. Des chiffres et des impressions. Vous constaterez que certains
24 chiffres ont été présentés ici.
25 Q. Permettez-moi de me pencher sur ces chiffres que vous avez
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1 présentés, M. Gow. Si je regarde cette partie de votre pièce à
2 conviction où figurent des chiffres, sans éléments mixtes
3 surajoutés, car j’ai quelque difficulté à comprendre ce qu’il est
4 advenu de certaines personnes si, finalement, elles font partie
5 d’une population mixte, car il est difficile de voir exactement ce
6 qui leur est arrivé; sur la base de ces autres chiffres, en laissant
7 donc de côté Sarajevo, les enclaves et la Bosnie orientale,
8 pourriez-vous nous donner une idée générale quant aux déplacements
9 de population dans ces régions, je parle en termes de départs et
10 d’arrivées et je vous pose la question de savoir, par exemple, si
11 l’on remarque une différence importante entre les déplacements de
12 population musulmane et croate ?
13 R. Excusez-moi ? Remarque-t-on une différence importante entre les
14 déplacements de population musulmane et croate, c’est cela que vous
15 me demandez ?
16 Q. Si je vois le nombre de personnes parties, le nombre de personnes
17 arrivées, parce que nous ne savons pas s’il s’agit ou non des mêmes
18 personnes, donc prenons le solde, le solde définitif, à l’aide de
19 ces chiffres et en laissant de côté Sarajevo, les enclaves et la
20 Bosnie orientale, combien de personnes manquent et combien figurent
21 en sus par rapport aux chiffres antérieurs ?
22 R. Je regrette, je ne suis toujours pas sûr de bien comprendre ce que
23 vous me demandez.
24 Q. Je vais essayer de vous le réexpliquer. En vous servant de ces
25 chiffres, vous pouvez finir par calculer le nombre de personnes
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1 ayant quitté la région globale décrite dans le tableau et le nombre
2 de celles qui y sont arrivées en sus, à la fin de la période ?
3 R. Vous me demandez, excusez-moi, mais je vais essayer d’être un peu
4 plus clair, est-il exact de dire que l’on me demande un exercice
5 d’arithmétique ?
6 Q. Oui, en fait, si vous acceptez de me suivre. Bien entendu, j’ai
7 essayé d’effectuer moi-même ce calcul et je suis arrivé à un déficit
8 de près de 250 000 Musulmans, sans être précis à 2 000 ou 3 000
9 près, et à un déficit de 175 000 pour les Croates. Vous me suivez ?
10 J’essaie vraiment de faire de mon mieux.
11 R. D’accord. Est-ce que je pourrais prendre les chiffres globaux ?
12 Q. Oui, je comprends votre problème. Peut-être serait-il bon que je
13 vous dise sur quels chiffres j’ai fondé mon calcul. Je suis parti
14 des Musulmans de Bosnie occidentale : moins 250 000, puis en
15 Herzégovine occidentale : moins 70 000; Zenica : plus 100 000; Tuzla
16 : plus 285 000; Bosnie septentrionale : moins 350 000; Bihac, à peu
17 près inchangé. Cela fait un total de moins 250 000. Si j’examine, à
18 présent, la situation des Croates, je vois, en Bosnie occidentale,
19 approximativement moins 30 000, en Herzégovine occidentale, plus
20 55 000, à Zenica, moins 50 000, à Tuzla, égalité approximative, en
21 Bosnie septentrionale, moins 150 000, à Bihac, égalité
22 approximative. Si vous ajoutez ces chiffres, cela vous donne 250 000
23 Musulmans...
24 R. Et 175 000 Croates.
25 Q. ... moins 250 000 Musulmans et moins 175 000 Croates. M. Gow,
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1 connaissez-vous la répartition des Musulmans et des Croates par
2 rapport à la population de la région à laquelle se rapporte la pièce
3 à conviction ? Quelle est la répartition Croates/Musulmans dans
4 cette région ?
5 R. Je regrette, mais il me faut comprendre ce que vous me demandez,
6 encore une fois. Nous parlons de plusieurs régions.
7 Q. Oui. Pourriez-vous me dire quels étaient les pourcentages, d’un
8 point de vue ethnique, de la population de cette région en 1991 ?
9 R. Cette région, si la région dont nous parlons est le territoire de la
10 Bosnie-Herzégovine, dans ce cas, le pourcentage des Croates, pour
11 autant que je me souvienne, était d’environ 17 % et celui des
12 Musulmans de 44 %.
13 Q. Oui. Si vous comparez ces pourcentages au total des personnes ayant
14 quitté la région, si vous les reliez à ce nombre, vous constaterez
15 que le résultat final, du point de vue des Croates de la région,
16 donc manquant dans la région à la fin - nous ne savons pas où ils
17 sont allés - est considérablement inférieur, proportionnellement, ou
18 bien est-il considérablement supérieur, ou bien est-il égal ? Donc,
19 nous avons moins 250 000 Musulmans sur 44 % de la population et nous
20 avons moins 175 000 sur 17 % de la population. Pourriez-vous, je
21 vous prie, nous donner votre avis quant à la proportion des
22 habitants qui sont partis par rapport a la proportion des habitants
23 présents à l’époque ?
24 R. En tant qu’universitaire spécialisé dans les Etudes de guerre et non
25 en arithmétique, je peux vous donner mon impression, qui est que
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1 170 000 est une proportion plus importante de quelque chose qui a
2 été exprimé comme étant 17 % que 250 000 en tant que proportion de
3 quelque chose qui a été exprimé comme étant 44 %.
4 Q. Merci.
5 R. Mais peut-être certains sont-ils meilleurs en arithmétique.
6 Q. Cela répond à ma question, M. Gow. M. Gow, un Mémorandum de
7 l’Académie serbe des Arts et des Sciences a été produit en tant que
8 pièce à conviction devant cette Chambre d’instance mercredi.
9 Pourquoi avez-vous estimé que la version dont vous parliez à ce
10 moment-là faisait davantage autorité, c’est ce que vous nous avez
11 dit ?
12 LE PRESIDENT : S’agit-il de la pièce à conviction n° 21, Maître Orie ?
13 MAITRE ORIE : Oui, Madame le Président, il s’agit de la pièce à conviction
14 n° 21. Je ne reviens pas sur le contenu de cette pièce à conviction.
15 LE TEMOIN : Mon jugement, selon lequel cette version faisait davantage
16 autorité, s’appuyait sur deux éléments. D’abord sur ce dont le
17 document, - sur le thème abordé dans le document, ainsi que sur le
18 contexte dans lequel il a été élaboré et le fait que cette version,
19 contrairement aux autres versions du même document que j’ai pu voir,
20 correspond, me semble-t-il, plus précisément et avec plus de
21 modération au sujet en discussion. Le deuxième élément, ce sont les
22 discussions que j’ai eues avec des universitaires de Belgrade, dont
23 certains connaissaient les bases du document, je veux parler
24 notamment, si je peux le citer, du Professeur Svetozar Stojanivic.
25 Q. Pouvez-vous, je vous prie, nous dire ce que vous entendez exactement
Page 439
1 par « faire autorité » ?
2 R. J’ai utilisé le terme « autorité » comme je l’ai fait, non pas pour
3 indiquer que le document jouissait de l’autorité de l’Académie, car
4 je pense avoir indiqué que selon l’Académie, il ne s’agissait pas
5 d’un document officiel, mais de rien d’autre que d’un document
6 émanant d’un groupe de discussion; j’ai utilisé le terme
7 « autorité » pour signifier qu’il reflétait plus fidèlement les
8 préoccupations de ses auteurs que les autres versions.
9 Q. Et sur quelle base vous appuyez-vous pour penser que vous connaissez
10 exactement les préoccupations de ce petit groupe de travail, composé
11 des personnes qui ont travaillé à l’élaboration de l’une des
12 versions de ce document ?
13 R. Je crois avoir déjà répondu à cette question, mais je serais heureux
14 de le refaire; je me suis appuyé sur le sentiment que j’avais des
15 sujets en discussion et sur le fait que j’avais vu, précédemment,
16 deux autres versions de ce document ou, plutôt, deux autres
17 documents présentés comme d’autres versions de celui-ci, et je me
18 suis également appuyé sur les discussions que j’ai eues avec des
19 universitaires de Belgrade et notamment avec le Professeur Svetozar
20 Stojanivic qui, à l’époque, était très proche de certaines des
21 personnes dont on disait qu’elles avaient été impliquées dans la
22 préparation de ce document.
23 Q. En même temps, vous avez dit, M. Gow, que ce document ne faisait
24 peut-être pas autorité. Je veux dire, comment dois-je comprendre que
25 vous affirmiez, d’une part, que ce document fait davantage autorité,
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1 alors que de l’autre, vous déclarez qu’il ne fait peut-être pas
2 autorité ?
3 R. Une fois de plus, je pense que je viens d’indiquer la réponse à
4 apporter à cette question, mais je serais heureux de la répéter.
5 J’utilise le terme, si j’utilise le terme ...
6 Q. Puis-je vous interrompre, peut-être pour rendre la question plus
7 claire. Vous parlez bien du même document ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous avez d’abord déclaré qu’il ne faisait peut-être pas autorité,
10 puis, quelques lignes plus bas, vous avez déclaré qu’il faisait
11 davantage autorité.
12 R. Puis-je apporter quelques éclaircissements ? Veuillez excuser mon
13 emploi de la langue anglaise. C’est, manifestement, une nouvelle
14 occasion qui prouve que votre usage de l’anglais, en tant que
15 néerlandophone, apparaît très supérieur à celui d’un anglophone de
16 naissance. La première utilisation du terme « autorité », comme je
17 l’ai indiqué dans ma réponse, il y a quelques instants, visait à
18 signifier que, selon moi, l’Académie serbe des Arts et des Sciences
19 ne considère pas ce document comme officiel, comme un document
20 investi de l’autorité de l’Académie.
21 La seconde utilisation du terme « autorité » et de
22 l’expression « faisant davantage autorité » n’avait rien à voir avec
23 cette déclaration selon laquelle ce document n’était pas considéré
24 comme faisant autorité, mais était employé en référence aux
25 documents que j’ai vus et qui se présentaient comme d’autres
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1 versions de ce même texte. Par conséquent, je déclare penser que la
2 version qui a été utilisée est susceptible de fournir une indication
3 à peu près exacte des préoccupations des membres du groupe qui,
4 quels qu’ils soient et en tant que membres de l’Académie serbe des
5 Sciences, étaient dans la situation de la Serbie et de la
6 Yougoslavie de l’époque.
7 Q. L’autre version que vous avez vue ne reflétait-elle pas votre idée
8 personnelle quant aux problèmes existants ?
9 R. Les autres documents que j’ai vus reflétaient certainement ces
10 préoccupations. Mon évaluation à leur sujet remonte déjà loin et je
11 dois dire que je ne me souviens pas précisément des détails de son
12 contenu; l’un des autres documents que j’ai vus me semble
13 outrepasser le degré de modération apparent dans celui-ci,
14 s’agissant de l’usage de la langue, même si les préoccupations
15 exprimées sont identiques. C’est donc pour cette raison que je pense
16 que ce document est celui que j’aurais choisi pour en faire un
17 exemple, aux dépens d’un document plus - moins raisonné -. Je ne
18 suis pas sûr, encore une fois, d’utiliser les mots justes, mais je
19 tente d’indiquer, de façon raisonnable, comment je considère la
20 version du document qui a été présentée.
21 Q. Merci, M. Gow. Je comprends que vous préfériez cette version du
22 document. M. Gow, je voudrais vous poser quelques questions sur des
23 thèmes constitutionnels. Je commencerai par la Constitution de la
24 Yougoslavie fédérative. Vous avez déclaré que dans la Constitution
25 yougoslave de 1974, le droit à l’autodétermination était évoqué dans
Page 442
1 le Préambule. Le Préambule auquel vous faisiez référence se trouve-
2 t-il en page 5 de la pièce à conviction n° 19 ? Je prierais le
3 Greffe de bien vouloir vous remettre la pièce à conviction n° 19.
4 (Remise de la pièce).
5 R. Oui.
6 Q. Je ne sais pas si vous réussirez à lire le texte sur le moniteur,
7 mais je ne voudrais pas vous empêcher de le lire. Le Préambule
8 auquel vous faites référence se trouve-t-il en page 5 de la pièce à
9 conviction n° 19 ?
10 R. J’en ai parlé comme du Préambule. Ici, il est désigné sous les
11 termes « partie liminaire », mais c’est bien à cela que je faisais
12 référence, effectivement.
13 Q. M. Gow, le droit à l’autodétermination, y compris le droit à la
14 sécession, est-il mentionné en quelque endroit que ce soit de cette
15 Constitution à part dans le Préambule ?
16 R. Je n’en suis pas sûr. Je ne peux dire si c’est le cas ou non.
17 Q. Vous ne savez pas s’il est évoqué où que ce soit dans la
18 Constitution, hormis dans le Préambule ?
19 R. Je ne me rappelle pas. J’ai compulsé la Constitution, je ne sais pas
20 si je l’ai jamais lue jusqu’au dernier mot et je ne me rappelle
21 absolument pas si ce concept apparaît à quelque autre endroit que ce
22 soit.
23 Q. Quel est le sens à donner, dans le Préambule, à l’expression « les
24 nations de Yougoslavie » ?
25 R. L’expression « les nations de Yougoslavie » - tirée de l’original
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1 serbo-croate où « nation » se dit « narod » - est utilisée dans deux
2 sens différents. Selon l’un de ces sens, elle désigne, sinon indique
3 clairement, les peuples fondateurs d’Etats.
4 Q. Je n’ai pas compris cette partie de votre réponse. Pourriez-vous la
5 répéter, je vous prie ?
6 R. Toute la réponse ?
7 Q. Non. Vous avez commencé à nous dire qu’il existait deux
8 significations, avez-vous dit, et puis je n’ai pas compris ce que
9 vous avez dit ensuite.
10 R. D’accord. Je pense que le terme « nations » est utilisé ici dans un
11 double sens. En serbo-croate, le terme « narod » signifie à la fois
12 « nation » et « peuple ». Et je considère, c’est mon jugement
13 personnel, d’un point de vue politique, en abordant ces événements
14 sous l’angle des études politiques ou des relations internationales,
15 je considère qu’il existe une certaine ambiguïté dans ce terme, sans
16 doute placé intentionnellement à cet endroit par les personnes
17 concernées en Yougoslavie.
18 Le terme « nation », « narod » signifie à la fois peuple et
19 nation en serbo-croate. Le terme « nation » est utilisé pour
20 impliquer, sinon indiquer clairement, que l’on fait référence aux
21 peuples fondateurs d’Etats de la RSFY, des territoires de la RSFY.
22 Je crois que nous en avons discuté lorsque j’ai déposé ici, au cours
23 de la première partie de ma déposition. Ainsi, les Serbes, les
24 Slovènes, les Croates, etc., étaient considérés comme des peuples
25 fondateurs d’Etats. Mais l’usage du terme « nations » découle
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1 également de son utilisation dans les relations internationales, où
2 il revêt le sens de « peuples », car dans la documentation
3 internationale, en politique internationale, le droit à
4 l’autodétermination est inhérent aux peuples, et non aux groupes
5 ethno-nationaux considérés comme des peules fondateurs d’Etats.
6 C’est un débat complexe qui a cours parmi les universitaires
7 et, dans la pratique, ce terme, et je ne parle pas de la formule
8 utilisée ici ou dans d’autres parties de la Constitution, au cas où
9 ce terme apparaîtrait en d’autres endroits, mais je parle d’un point
10 de vue pratique, le droit à l’autodétermination, appelé ici « le
11 droit de toute nation à l’autodétermination » est, en fait, d’après
12 moi, un terme utilisé dans la documentation internationale et dans
13 la pratique - excusez-moi, en pratique, il correspond, pour autant
14 que cela soit possible, aux documents internationaux où il est
15 considéré comme désignant des peuples, ces « peuples » ayant
16 toujours été interprétés comme les habitants de territoires
17 désignés, jouissant, en général, d’une certaine qualité de
18 souveraineté ou de quelque chose d’approchant.
19 Donc, au cours du processus de décolonisation qui a marqué
20 l’ère des Nations Unies, le droit à l’autodétermination a été
21 consenti aux habitants de tous les territoires des anciennes régions
22 coloniales et non, par exemple, aux groupe ethno-nationaux
23 particuliers résidant dans l’un des pays anciennement colonisés.
24 C’est d’ailleurs l’une des raisons, comme vous pouvez l’imaginer, du
25 grand nombre de conflits intercommunautaires qui ont éclaté dans de
Page 445
1 nombreux pays à la fin de l’ère coloniale.
2 Q. M. Gow, l’expression « les nations de Yougoslavie » employée dans ce
3 Préambule l’est-elle par comparaison, par opposition aux
4 nationalités ?
5 R. C’est effectivement le cas.
6 Q. Ce qui est désigné par « nations » dans ce Préambule n’est pas
7 établi de la façon la plus claire, puisque je ne comprends pas, sur
8 la base de votre déposition, que le terme « nationalités » désigne
9 des minorités nationales. C’est l’explication que vous avez fournie
10 au sujet du terme « nationalités » le 8 mai.
11 R. Je suis désolé, pourriez-vous répéter la question ? Je crois ne pas
12 avoir saisi la fin.
13 Q. Ma question consistait à vous demander si le terme « nations » était
14 à comparer ou à opposer au terme « nationalités » dans ce Préambule;
15 je crois que vous avez répondu que c’était le cas.
16 R. Le terme « nationalités » apparaît, oui. Si vous lisez environ à
17 partir de la moitié du premier paragraphe, vous trouverez la
18 première référence aux « nations » et aux « peuples ». Cela se
19 trouve après le mot, après l’expression « intérêt commun », « avec
20 les nationalités » .
21 Q. Peut-il donc y avoir encore ambiguïté quant à la signification du
22 terme « nations » employé ici, alors qu’il est comparé aux minorités
23 nationales, pourrait-il faire référence à un Etat ? Vous avez
24 indiqué que dans d’autres pays, peut-être même sur d’autres
25 continents, l’autodétermination avait évolué, mais j’aimerais que
Page 446
1 nous nous en tenions à ce Préambule, où l’évocation des nations de
2 Yougoslavie est à comparer, à opposer au concept de nationalités. Ce
3 terme peut-il donc revêtir une quelconque autre signification que
4 celle des principaux groupes slaves du sud en Yougoslavie, à savoir
5 les Croates, les Macédoniens, les Monténégrins, les Musulmans, les
6 Serbes et les Slovènes ?
7 R. Juxtaposés de la sorte, les termes « nations » et « nationalités »
8 signifient, dans le contexte yougoslave, qu’il existe une différence
9 entre ces groupes désignés comme nations, peuples fondateurs
10 d’Etats, ceux auxquels vous avez fait référence, et d’autres
11 groupes.
12 J’ai indiqué précédemment qu’il y avait une certaine ambiguïté
13 liée au fait que l’emploi de l’expression « le droit de toute nation
14 à l’autodétermination », - parce que le même mot est utilisé en
15 serbo-croate -, crée une certaine ambiguïté, puisque les deux
16 significations sont mutuellement exclusives. Le droit à
17 l’autodétermination accordé à des peuples peut aussi, théoriquement,
18 s’appliquer à des groupe ethno-nationaux, j’en suis sûr. J’ai
19 simplement dit que dans la pratique, il s’est toujours appliqué,
20 pour autant que je le sache (en tout cas dans l’ère des Nations
21 Unies) à des territoires plutôt qu’à des groupe ethno-nationaux. Il
22 y a donc là emploi ambigu de la terminologie.
23 Dans un certain sens, dans le premier paragraphe, l’emploi des
24 termes « nations de Yougoslavie » se justifie probablement par leur
25 juxtaposition avec le terme « nationalités » que l’on peut
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1 comprendre comme désignant des groupes ethno-nationaux fondateurs
2 d’Etats, mais le fait de placer le même mot à la ligne suivante crée
3 une ambiguïté du point de vue des relations internationales, en tout
4 cas c’est mon avis.
5 Q. Je parle des aspects constitutionnels et non des complications
6 internationales qui en découlent. Pourriez-vous, je vous prie, nous
7 lire à haute voix, de façon à ce que nous sachions exactement où, à
8 votre avis, réside cette ambiguïté ?
9 R. Vous voulez que je le fasse ?
10 Q. Je vous demande de lire le Préambule, oui, je vous prie.
11 R. Exhaustivement ?
12 Q. Oui. C’est ce que je vous demande.
13 R. « Les nations de Yougoslavie. Procédant du droit de toute nation à
14 l’autodétermination, y compris du droit de sécession, qui découle de
15 la libre expression de leur volonté au cours de la lutte commune de
16 toutes les nations et nationalités dans la guerre de libération
17 nationale et au cours de la révolution socialiste et est conforme à
18 leurs aspirations historiques, conscientes qu’elles sont que la
19 consolidation ultérieure de leur fraternité et de leur unité est
20 dans l’intérêt commun, ont, avec les nationalités aux côtés
21 desquelles elles vivent unies au sein d’une République fédérale de
22 nations et nationalités libres et égales fondée sur une communauté
23 socialiste du peuple travailleur, la République socialiste
24 fédérative de Yougoslavie, dans laquelle, dans l’intérêt de chaque
25 nation et nationalité considérée isolément ainsi que dans l’intérêt
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1 d’elles toutes considérées ensemble, elles réalisent et garantissent
2 - vous voulez que je continue ?
3 Q. Merci, M. Gow. Les Slaves islamisés de Bosnie étaient-ils un peuple
4 fondateur d’Etat ?
5 R. La Constitution de 1974 les a qualifiés comme étant l’une des
6 nations de Yougoslavie. A la fin de la seconde guerre mondiale - en
7 fait, je suppose, au cours de la seconde guerre mondiale - des
8 discussions ont surgi quant à la position des Slaves islamisés, mais
9 à cette époque, ils n’étaient pas considérés comme l’une des
10 nations, l’un des peuples fondateurs d’Etats. Au cours des années
11 60, la question de leur statut a à nouveau été évoquée, et je pense
12 que c’est en 1968 que les documents du Parti les ont identifiés sous
13 les termes de « l’une des nations ». Lorsqu’a été adoptée la
14 Constitution de 1974, ils étaient considérés comme l’une des nations
15 de Yougoslavie.
16 Q. Une dernière question : possédaient-ils leur propre Etat, ces Slaves
17 islamisés ?
18 R. La réponse est non.
19 Q. La réponse est non. Merci, M. Gow. Les Républiques de Yougoslavie
20 ont-elles reçu le droit de se séparer de la Fédération en vertu de
21 cette Constitution ? Je parle des Républiques, pas des Républiques
22 populaires.
23 R. Les Républiques n’ont pas reçu explicitement le droit de quitter la
24 Fédération, même si, selon toutes les Constitutions, les fédérations
25 sont des unions de Républiques et ce sont les Républiques qui sont
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1 les entités territoriales politiques.
2 Q. Oui, mais la réponse est non, les Républiques en tant que telles
3 n’ont pas reçu le droit de faire sécession ?
4 R. Les Républiques n’ont pas explicitement reçu le droit de partir.
5 Q. Cela répond à ma question, M. Gow. Au vu du fait que la Constitution
6 de 1974 n’accordait pas explicitement le droit de se séparer aux
7 Républiques, le fait de s ’opposer à la sécession était-il un moyen
8 de soutenir la Constitution légitime ? Autrement dit, si vous vous
9 opposiez à la sécession, était-ce un moyen de soutenir la
10 Constitution légitime ?
11 R. Nous entrons là dans un domaine très complexe et très ambigu. Nous
12 nous heurtons, à nouveau, à l’emploi ambigu du terme « narod », qui
13 a deux sens. Un examen philosophique de l’évolution de ces
14 Républiques, de leur parcours au cours de la seconde guerre
15 mondiale, lorsqu’elles étaient les Conseils régionaux du Conseil
16 antifasciste de libération nationale de la Yougoslavie, montre à
17 l’évidence la nécessité d’une part, d’octroyer ou de conférer la
18 qualité d’Etats aux peuples fondateurs d’Etats tels qu’on les
19 définissait durant la seconde guerre mondiale, et le droit à
20 l’autodétermination a été utilisé de façon assez ambiguë; encore une
21 fois, en raison du double sens dont j’ai déjà parlé.
22 Bien qu’explicitement, le droit à la sécession n’ait pas été
23 accordé aux Républiques, pour autant que je le sache, ces
24 Républiques ont été, à partir de 1946, considérées comme les unités
25 constitutionnelles de la fédération et du point de vue de
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1 l’application du principe d’autodétermination dans la pratique des
2 relations internationales, il était courant que ce soient les
3 communautés territoriales politiques, et non les groupes ethno-
4 nationaux, qui jouissent du privilège d’exercer ce droit.
5 En rédigeant ces Constitutions, je crois que les Yougoslaves
6 ont explicitement tenté de jouer sur les deux tableaux dans leur
7 façon de traiter deux autres questions posées à la fédération
8 complexe qu’étaient tant la RSFY que celle qui l’avait précédée, la
9 République populaire fédérale de Yougoslavie. Par conséquent, même
10 si explicitement, le droit à la sécession n’était pas prévu, le
11 droit à l’autodétermination était sujet à interprétation et à
12 application et ne pouvait, en pratique, être mis en oeuvre que par
13 des communautés territoriales politiques.
14 S’opposer à la sécession d’une République, au cas où celle-ci
15 la souhaitait, était donc l’attitude convenable, car je pense avoir
16 fait référence à l’article 5 de la Constitution, selon lequel un
17 changement ne pouvait intervenir qu’avec l’accord de tous les Etats
18 composant la RSFY.
19 Q. Donc, l’opposition à la sécession représentait une forme d’appui à
20 la Constitution ? Tel était le fond de ma question.
21 R. Oui.
22 Q. Ai-je raison de dire, M. Gow, que vous avez déclaré que lors des
23 élections libres de 1990, les partis nationalistes l’ont emporté
24 dans toutes les Républiques ?
25 R. Je devrais sans doute vérifier le procès-verbal pour dire avec
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1 certitude si vous avez raison ou non. Je pense avoir dit qu’en
2 Slovénie, le parti nationaliste et le parti communiste réformé qui
3 proposait un programme nationaliste, avaient gagné les élections.
4 Quelque chose de ce genre. En Croatie, les partis nationalistes ont
5 gagné les élections, en Bosnie-Herzégovine, la majorité des voix a
6 suivi les lignes de division des partis nationaux. En Serbie et au
7 Monténégro, les communistes ou communistes réformés présentant un
8 programme nationaliste ont gagné les élections. Je n’ai pas
9 mentionné la Macédoine, je crois, mais en Macédoine également, une
10 forte dimension nationaliste s’est dégagée, avec le succès aux
11 élections d’espèces de communistes et de quelques nationalistes.
12 Q. La Constitution fédérale yougoslave garantissait-elle l’égalité en
13 droits des citoyens ?
14 R. Oui, je crois que c’était le cas.
15 Q. Savez-vous à quel endroit figure cette garantie ?
16 R. Non.
17 Q. Merci. L’amendement de la Constitution slovène de 1989 - je ne parle
18 plus de la Constitution fédérale - est en violation de cette
19 disposition de la Constitution fédérale, puisqu’elle accorde aux
20 Slovènes ethniques des droits supérieurs à ceux des autres citoyens
21 de Yougoslavie vivant en Slovénie ?
22 R. Je ne suis pas sûr de savoir à quelle disposition vous faites
23 référence et je suppose que même si je l’étais, je ne serais pas en
24 mesure de répondre à votre question.
25 Q. Alors, je laisserais peut-être ce sujet de côté pour le moment, le
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1 temps de voir si je peux vous fournir le texte, bien que vous ayez
2 indiqué ne pas être, peut-être, en mesure de répondre à cette
3 question. La Constitution croate de 1990, je ne parle plus de la
4 Constitution slovène, accorde des droits supérieurs aux Croates
5 ethniques par rapport à ceux des autres citoyens de Yougoslavie
6 vivant en Croatie ?
7 R. Je ne suis pas sûr qu’elle accorde des droits supérieurs aux Croates
8 ethniques, mais elle a certainement modifié le statut des Serbes
9 ethniques, officiellement, en République de Croatie.
10 Q. Dans quel sens ?
11 R. Je crois avoir dit, au cours de ma déposition, que la Constitution
12 de la République de Croatie de 1990 a modifié la dénomination de
13 cette République de Croatie, qui « d’Etat du peuple croate, du
14 peuple serbe et des autres » est devenu l’«Etat du peuple croate,
15 des Serbes et des autres ». Ainsi, par conséquent, les Serbes qui,
16 selon la première dénomination, étaient un peuple, arrivent, selon
17 la deuxième, en tête de liste des « Serbes et des autres ». Je crois
18 avoir dit cela dans ma déposition, l’autre jour.
19 Q. Ils ont donc été dégradés ?
20 R. Certainement, du point de vue de la dénomination, leur statut a
21 changé. Je pense avoir également dit, déjà, que cela a suscité
22 l’inquiétude du peuple serbe de Croatie.
23 Q. Oui. Savez-vous si les lois croates relatives à la citoyenneté
24 établissaient une discrimination contre les non-Croates ? Je ne
25 parle donc pas de la Constitution, mais...
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1 R. Je crains de ne pas être suffisamment informé des dispositions
2 régissant la citoyenneté ou des lois qui s’y rapportent, et de
3 n’avoir qu’une connaissance limitée des dispositions qui régissent
4 la citoyenneté dans mon propre pays.
5 Q. Sans perdre cela de vue, ce dont nous venons de discuter, les non-
6 Croates vivant dans la Croatie de 1991 pouvaient-ils raisonnablement
7 craindre la discrimination, dans une Croatie nationaliste
8 indépendante ?
9 R. Tout le poids de votre question porte sur le mot « raisonnable »,
10 d’où un certain nombre de difficultés. D’un côté, en raison de
11 l’expérience historique, personne ne pouvait dire que les membres de
12 la communauté serbe, qui avaient vécu des choses terribles sous le
13 régime oustachi des années 40, pouvaient ne pas avoir dans leurs
14 arrière-pensées quelques souvenirs susceptibles de susciter
15 l’inquiétude.
16 En même temps, le poids de votre question pèse sur le mot
17 « raisonnable ». Il faut donc jauger la situation. Je serais tenté
18 de penser qu’il est très difficile de formuler un jugement précis
19 sur ce sujet. Oui, le peuple avait sans doute des raisons de nourrir
20 des arrière-pensées, mais était-il raisonnable pour lui de vivre une
21 peur importante, je n’en suis pas sûr.
22 Q. Je ne vous ai pas demandé s’il vivait une peur importante, je vous
23 ai demandé s’il était raisonnable, pour les non-Croates de Croatie,
24 de craindre de faire l’objet de discriminations.
25 R. Encore une fois, le poids porte sur le mot « raisonnable ». Il
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1 serait inexact de dire qu’il n’y avait aucune raison justifiant une
2 certaine inquiétude de leur part; maintenant, était-il raisonnable
3 ou non, pour eux, de craindre des discriminations, c’est une
4 question qui, je suppose, si je voulais y répondre, m’inciterait à
5 m’éloigner pour réfléchir et effectuer des recherches approfondies.
6 C’est une question très difficile. Certainement, il est exact qu’il
7 pouvait y avoir quelques raisons légitimant leur inquiétude.
8 Q. Je vais vous poser la question de façon différente. M. Gow, si vous
9 aviez été dégradé au rang de citoyen de deuxième classe, craindriez-
10 vous des discriminations, dans vos arrière-pensées ou -
11 R. Je suis sûr que cela dépendrait de la situation et du contexte. Je
12 ne suis pas certain de savoir ce que signifie le fait d’être dégradé
13 au rang de citoyen de deuxième classe. Je peux imaginer à quoi doit
14 ressembler le fait de n’être pas citoyen britannique, mais citoyen
15 britannique d’un territoire dépendant, par exemple, mais dans ce
16 cas, la cause serait liée au fait d’être originaire d’une région
17 différente, d’une partie du monde différente, et mon statut ainsi
18 que mes droits de résidence au Royaume-Uni s’en trouveraient
19 modifiés.
20 Je ne suis pas sûr de savoir comment cela se passerait à
21 l’intérieur des frontières d’un même pays, comment on désigne
22 différentes classes de citoyens. Pour autant que je le sache, aucun
23 processus ne visait à désigner différentes classes de citoyens, mais
24 ce que j’en dis n’est que pour autant que je le sache, s’agissant de
25 la situation prévalant en Croatie, à laquelle, je crois, vous vous
Page 455
1 intéressez.
2 Q. Merci, M. Gow. M. Gow, puisque la Constitution fédérale yougoslave
3 de 1974 évoque les nations de Yougoslavie comme étant habilitées à
4 faire sécession et qu’elle n’accorde pas explicitement ce droit aux
5 Républiques, l’argument selon lequel des régions possédant une
6 population majoritaire issue de l’une de ces nations ou de ces
7 nations pourraient se séparer d’une République ou exiger le droit de
8 faire sécession pour former un nouvel Etat-nation à l’intention de
9 leur majorité, cet argument est-il nécessairement illégitime, suis-
10 je clair ? Je crains de ne pas l’être.
11 R. Je ne suis donc pas le seul !
12 Q. Vous verrez que ma première remarque n’est pas sans fondement. Je
13 vais tenter de reformuler ma question. M. Gow, je voudrais vous
14 renvoyer à la pièce à conviction n° 24. Je me demandais si nous
15 pourrions placer vos remarques au sujet de l’éclatement de l’ex-
16 Yougoslavie dans leur contexte. Peut-être pourrions-nous d’abord
17 voir la pièce à conviction n° 24. J’aimerais placer vos remarques au
18 sujet de la préparation, par la Serbie, de l’éclatement de l’ex-
19 Yougoslavie, dans leur contexte. N’est-il pas exact que près d’un an
20 auparavant, en 1989, la Slovénie avait déjà amendé sa Constitution,
21 avant tout amendement de la sienne par la Serbie, afin d’affirmer la
22 primauté de ses dispositions constitutionnelles propres sur celles
23 de la Constitution fédérale ?
24 R. Dans mon souvenir, en 1989, sinon peut-être déjà en 1988, mais ma
25 mémoire n’est pas précise, la République de Slovénie a commencé - le
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1 Parlement de la République de Slovénie a accompli une série d’actes
2 législatifs destinés à affirmer, sinon à renforcer, la souveraineté
3 de la République de Slovénie en tant qu’un des Etats de la RSFY. Si
4 cela doit être en 1988 (et ma mémoire n’est pas précise), que ce
5 soit en 1988, sinon que ce soit en 1989, il a commencé ce processus
6 d’affirmation de souveraineté et d’amendement de la Constitution.
7 Mais s’il s’agit de 1989, je soulignerais que, bien que vous me
8 renvoyiez aujourd’hui à la Constitution de la République de Serbie
9 de 1990, dans ma déposition antérieure, j’ai fait référence à
10 l’amendement de sa Constitution par la République de Serbie en 1989.
11 Donc, déclarer que cela a eu lieu un an avant me semble
12 inopportun. C’est un an avant que la République de Serbie a adopté
13 une nouvelle Constitution, mais c’est à ce moment-là que la
14 République de Serbie a adopté sa Constitution propre.
15 Q. Que comportaient exactement ces amendements ? J’aimerais les
16 comparer aux amendements adoptés en Slovénie.
17 R. Les amendements s’intéressaient, dans les deux cas, à affirmer la
18 souveraineté des deux Républiques. Dans le cadre de ces amendements
19 (et je crois en avoir déjà discuté), la République de Serbie
20 cherchait à renforcer la qualité (si une telle chose est possible)
21 de sa souveraineté; je ne suis pas sûr de cela, en fait, mais en
22 tout cas, elle cherchait à renforcer la réalité de l’exercice de ses
23 droits souverains en tant qu’Etat, en cherchant à supprimer les
24 pouvoirs des deux provinces autonomes qui gênaient sa souveraineté,
25 d’après les autorités.
Page 457
1 Ainsi, dans les deux cas et dans celui de la Slovénie
2 notamment, dans une situation marquée par des inquiétudes liées aux
3 événements de 1988 quant au risque que la souveraineté de la
4 République ne soit pas respectée, le Parlement et les autorités de
5 la République de Slovénie, partant d’une perspective différente, ont
6 fondamentalement agi dans le même sens, en cherchant à renforcer la
7 souveraineté de celle-ci.
8 Q. Ai-je raison de comprendre que les amendements dont nous avons
9 parlé, pour la Serbie, avaient tous un rapport avec la situation
10 spécifique des petites régions placées sous sa souveraineté, ou
11 peut-être pas sous sa souveraineté, mais faisant partie de la
12 République de Serbie, ces régions autonomes, donc les amendements ne
13 portaient que sur des questions internes à la Serbie ?
14 R. Il est très difficile de répondre à cette question, même si les deux
15 provinces autonomes étaient à l’intérieur de la Serbie et qu’en
16 Serbie, l’intégrité de la République serbe dans son ensemble était
17 en débat, c’était un important sujet de discussion en RSFY, car les
18 deux provinces autonomes avaient des représentants; par exemple, au
19 sein de la présidence collégiale, elles étaient considérées comme
20 ayant un certain statut au niveau fédéral. Par conséquent, en
21 prenant ces mesures eu égard à l’autorité politique régissant ses
22 territoires, la République de Serbie estimait que ses actions
23 auraient également une incidence sur l’ensemble de la RSFY.
24 Q. J’imagine sans peine la nature de cette incidence, car les mesures
25 prises à l’intérieur de la République de Serbie n’ont pas été sans
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1 effet, mais par ses amendements, la Serbie refusait-elle d’accepter
2 la primauté de la Constitution fédérale, a-t-elle placé sa propre
3 Constitution plus haut que la Constitution fédérale ?
4 R. Je ne suis pas sûr de savoir si c’est le cas ou pas.
5 Q. C’est le fond de ma question.
6 R. Je ne suis pas sûr qu’il soit possible de répondre par l’affirmative
7 ou la négative. Je crois qu’elle ne l’a pas fait de façon formelle,
8 en tout cas, même si en affirmant sa souveraineté, elle l’a
9 manifestement fait de facto.
10 Q. M. Gow, je sais que ceci est un sujet très complexe, mais ma
11 question portait sur le fait de savoir si, dans cette Constitution,
12 la primauté de la Constitution fédérale a été supprimée, éliminée.
13 Est-ce que cela a été le cas avec les amendements slovènes ? Ont-ils
14 déclaré, dans la nouvelle Constitution, que chaque fois qu’il y
15 aurait conflit, dans les dispositions constitutionnelles, entre la
16 Fédération et la Constitution slovène, c’est la Constitution slovène
17 qui prévaudrait ?
18 R. Je crois que c’est le cas et que c’est une attitude cohérente de la
19 part de tout Etat décidant d’exercer ses droits souverains, pour en
20 revenir à la définition des Républiques en tant qu’entités
21 souveraines.
22 Q. Merci. M. Gow, puis-je vous renvoyer à une autre partie de votre
23 déposition d’hier et d’avant-hier ? Lorsque la République de Bosnie-
24 Herzégovine a été reconnue par quelques Etats européens, pouvez-vous
25 définir avec précision à notre intention le territoire exact qui
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1 constituait cette République de Bosnie-Herzégovine reconnue à
2 l’époque ? Quel était exactement le territoire de l’Etat, le statut
3 de ce territoire, de ce peuple, quel était le territoire, pouvez-
4 vous nous le montrer sur une des cartes que vous avez utilisées ?
5 R. Avec plaisir.
6 Q. Ces cartes ont été préparées sous votre direction, vous savez donc
7 mieux que quiconque laquelle convient le mieux...
8 R. J’utiliserai probablement la première carte. C’est la plus simple,
9 je pense.
10 LE PRESIDENT : Il s’agit de la pièce à conviction n° 2, n’est-ce pas ?
11 MAITRE ORIE : De la pièce à conviction n° 2. (Remise de la pièce).
12 LE TEMOIN : Je crains d’avoir perdu le pointeur que l’on m’a donné l’autre
13 jour. Je pense très clairement que les frontières de la Bosnie-
14 Herzégovine - essayons encore une fois. Après les difficultés que
15 j’ai éprouvées à manipuler cet objet à distance hier, je ferais
16 mieux de faire attention. Vous voyez ici cette ligne, si vous la
17 suivez, elle indique les frontières de la Bosnie-Herzégovine. Vous
18 voyez également cette étroite bande, ici, qui débouche sur la mer
19 Adriatique.
20 MAITRE ORIE : Merci, M. Gow. Y avait-il un gouvernement central dans
21 l’Etat de Bosnie-Herzégovine au moment de sa reconnaissance ?
22 R. Oui.
23 Q. Où était son siège ?
24 R. A Sarajevo.
25 Q. A Sarajevo. Ce gouvernement exerçait-il toutes les fonctions
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1 courantes d’un Etat sur l’ensemble du territoire de la Bosnie-
2 Herzégovine ?
3 R. Je crains de ne pas être sûr de comprendre ce que vous me demandez.
4 Q. Je vais peut-être vous donner un meilleur exemple.
5 R. D’accord.
6 Q. Par exemple, il est généralement admis qu’être responsable de la
7 police du territoire fait partie des fonctions d’un gouvernement. Le
8 gouvernement central de Sarajevo contrôlait-il la police sur le
9 territoire de la Bosnie-Herzégovine ?
10 R. Je pense qu’il y a une différence entre responsabilité et contrôle.
11 Les gouvernements sont toujours responsables, même s’ils n’ont pas
12 toujours le contrôle des situations. Je sais que dans mon pays, et
13 parfois aux Etats-Unis, il existe des régions dans lesquelles - sans
14 doute également dans d’autres pays - les forces de police agissent
15 de façon inappropriée; mais je ne pense pas que cela supprime la
16 responsabilité du gouvernement par rapport à ce qui se passe, car
17 les gouvernements sont responsables, même s’ils ne sont pas
18 réellement capables de contrôler les événements.
19 Q. Lorsque je parle de contrôle, je ne parle pas des occasions où il
20 peut arriver qu’un officier de police fasse quelque chose
21 d’incorrect, qu’il convient d’empêcher, mais je parle de la
22 situation, de façon générale. Prenons un exemple, le gouvernement de
23 Sarajevo contrôlait-il la police de Prijedor, par exemple ?
24 R. Contrôlait. Pour autant que je puisse parler des forces de police de
25 Prijedor, je ne suis pas sûr qu’elles étaient, je ne suis pas sûr,
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1 mais encore une fois, je ne pense pas que cela supprime la
2 responsabilité du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine. C’était une
3 situation difficile, comme nombre d’autres situations dont nous
4 avons discuté.
5 Q. Oui. Vous avez déjà attiré mon attention deux fois sur la
6 responsabilité formelle. Est-ce une façon de dire qu’il s’agissait
7 d’une responsabilité formelle, ne consistant pas à donner des
8 instructions, des ordres devant être obéis, c’est ce que j’entends
9 lorsque je parle de contrôle exercé sur les forces de police, mais
10 d’une responsabilité formelle qui, dans les faits, ne signifiait
11 rien ? Pourriez-vous, je vous prie, nous éclairer sur la situation
12 qui prévalait à l’époque de la reconnaissance de cet Etat, pour ce
13 qui concernait - je les prends comme exemple - les forces de police
14 ?
15 R. Je n’ai aucune connaissance spécifique de la situation d’un point de
16 vue global et absolu, s’agissant des forces de police de quelque
17 partie de la Bosnie-Herzégovine que ce soit. Ayant émis clairement
18 cette réserve, je ne serais pas du tout surpris que dans la
19 situation prévalant en Bosnie-Herzégovine en 1990 et 1991, et en
20 tout cas au début de 1992, l’on puisse découvrir qu’il existait des
21 régions où il y avait des policiers susceptibles de recevoir des
22 instructions de Sarajevo, mais qui refusaient d’agir selon ces
23 instructions.
24 Q. Permettez-moi d’aborder une autre fonction essentielle d’un Etat,
25 celle qui a trait aux aspects monétaires. Par exemple, à l’époque,
Page 462
1 la situation prévalant en Herzégovine était-elle telle que les
2 Croates avaient leur propre devise et peut-être également leur
3 propre police ?
4 R. Peut-être pourriez-vous rendre la question plus claire, encore une
5 fois ? Je suis désolé de toujours vous demander la même chose,
6 mais...
7 Q. J’essaie d’en apprendre davantage sur le fonctionnement effectif de
8 l’Etat de Bosnie-Herzégovine à l’époque de sa reconnaissance.
9 R. D’accord.
10 Q. J’ai commencé par vous poser des questions portant sur le fait de
11 savoir s’il contrôlait la police. Vous avez dit : « Eh bien, je ne
12 sais pas. Il est possible qu’il ne la contrôlait pas dans certaines
13 régions ». Une autre fonction essentielle de l’Etat a trait à la
14 fonction monétaire et à la monnaie. Y avait-il des régions de
15 Bosnie-Herzégovine, par exemple l’Herzégovine occidentale, où les
16 Croates avaient leur propre devise et n’utilisaient pas la devise
17 officielle de l’Etat de Bosnie-Herzégovine ?
18 R. Non. Les Croates de la région que vous avez évoquée n’utilisaient
19 pas leur propre devise.
20 Q. Ils n’utilisaient pas leur propre devise ?
21 R. Non. Ils utilisaient - mais la devise de la République de Croatie
22 circulait librement. C’est un peu comme lorsqu’on se trouve au
23 Luxembourg, où on peut utiliser des francs belges, je suppose. Si
24 vous considérez le territoire de la RSFY avant sa dissolution, le
25 deutsche mark était le plus couramment utilisé, je suppose, dans la
Page 463
1 plupart des transactions autres que les achats à l’épicerie et des
2 choses de ce genre.
3 Q. Cela n’indique-t-il pas que la devise du pays ne fonctionnait pas
4 correctement -
5 R. Je ne suis pas sûr que cela l’indique.
6 Q. - d’un point de vue monétaire ?
7 R. Je ne suis pas sûr que cela indique que la devise du pays ne
8 fonctionnait pas correctement, pas plus que la libre utilisation du
9 franc belge au Luxembourg n’indique que le Luxembourg ne fonctionne
10 pas en tant que pays, ou que l’utilisation du deutsche mark ou
11 l’utilisation relativement libre du deutsche mark dans les
12 territoires de la RSFY avant sa dissolution n’indique que le système
13 monétaire ne fonctionnait pas dans ce pays. Je serais d’accord, dans
14 le cas de la RSFY, pour juger qu’il ne fonctionnait pas, mais je ne
15 suis pas sûr que cela suffise pour établir clairement les choses
16 dans un sens ou dans l’autre.
17 Q. Peut-être pourrions-nous aborder une autre fonction de l’Etat, la
18 fiscalité. Les impôts étaient-ils collectés sur l’ensemble du
19 territoire par le gouvernement central ?
20 R. Dans la situation de 1991 et 1992, j’en doute beaucoup.
21 Q. Vous en doutez ?
22 R. J’en doute, oui.
23 Q. Qu’en était-il d’une autre fonction de l’Etat, la défense, l’armée ?
24 Pourriez-vous nous parler de l’armée du Gouvernement central de
25 Bosnie-Herzégovine ?
Page 464
1 R. Je suppose que vous vous situez toujours à l’époque de la
2 reconnaissance de l’identité internationale indépendante de la
3 Bosnie-Herzégovine et, si tel est le cas -
4 Q. Je parle de cette période. Ensuite, nous pourrons aborder une
5 période ultérieure.
6 R. C’était simplement à titre d’éclaircissement. Oui, à l’époque de la
7 reconnaissance de l’identité indépendante de la Bosnie-Herzégovine,
8 comme c’était le cas dans bien d’autres domaines, la situation était
9 complexe. Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine était responsable
10 des forces de la Défense territoriale du pays. A l’époque, j’ai déjà
11 parlé de la présence de l’Armée populaire yougoslave sur le
12 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je pense avoir indiqué qu’un
13 certain nombre de groupes armés irréguliers étaient présents sur le
14 territoire de la Bosnie-Herzégovine, de même que l’armée croate.
15 J’espère que ceci répond à votre question, mais encore une fois, il
16 est possible que je n’aie pas bien compris ce que vous me demandiez.
17 Q. Quel contrôle le gouvernement de Sarajevo exerçait-il, et j’utilise
18 le mot « contrôle » dans le même sens que celui que j’ai indiqué
19 précédemment, lorsque j’ai parlé des forces armées présentes sur le
20 territoire ?
21 R. Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine contrôlait les éléments
22 centraux de la Défense territoriale ainsi que la Défense
23 territoriale d’autres régions. Dans certaines régions, comme je l’ai
24 déjà dit au cours de ma déposition, des activités étaient
25 entreprises aux fins de modifier, de changer la composition des
Page 465
1 forces de la Défense territoriale et de mobiliser les Serbes
2 ethniques au sein de certaines unités de la Défense territoriale, en
3 vue de préparer d’éventuelles actions ultérieures.
4 S’agissant de ces unités, même si le commandement centralisé
5 de la Défense territoriale pouvait émettre des instructions, je suis
6 tout à fait certain que s’ils recevaient ces instructions, ils n’y
7 prêtaient aucune attention.
8 S’agissant de l’Armée populaire yougoslave, la situation
9 demeurait, à l’époque, quelque peu ambiguë, car la JNA vivait un
10 processus de transformation et des éléments en son sein étaient
11 manifestement favorables à des plans d’action prévus pour plus tard,
12 dont ils avaient connaissance. Un fort sentiment yougoslave
13 prévalait encore chez ces éléments de la JNA. Certains, à Sarajevo,
14 parlaient au gouvernement bosniaque, cherchaient, peut-être même
15 davantage que le gouvernement bosniaque ne pouvait le faire, à
16 résoudre la situation, en tentant de prévenir toute détérioration
17 supplémentaire.
18 S’agissant de la situation, j’ai parlé de la présence de
19 l’Armée croate à l’époque, bien que l’Armée croate ait été présente,
20 dans mon souvenir, il avait été formellement indiqué qu’elle était
21 présente afin d’appuyer le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, même
22 si la nature de sa présence n’a plus été la même plus tard; et
23 s’agissant du contrôle exercé sur les diverses forces irrégulières,
24 autres que les forces de la Défense territoriale, que l’on appelle
25 peut-être irrégulières dans une certaine terminologie, s’agissant du
Page 466
1 contrôle exercé sur ces autres forces irrégulières, je dirais que le
2 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine n’en avait certainement plus le
3 contrôle.
4 Q. Pourriez-vous, je vous prie, être un peu plus précis et nous dire de
5 quelle partie de la Défense territoriale vous parlez, car vous avez
6 déclaré que certaines étaient peut-être sous le contrôle du
7 gouvernement central et d’autres non; la différence provenait-elle
8 de l’appartenance ethnique, autrement dit là où la majorité était
9 serbe, n’y avait-il aucun contrôle, dans ces endroits, sur la
10 Défense territoriale ?
11 R. Je considère que c’est une possibilité raisonnable, pour employer à
12 nouveau ce mot, de supposer que dans une majorité serbe,
13 certainement dans un certain nombre de régions majoritairement
14 peuplées de Serbes ainsi que dans des régions plus mixtes, selon les
15 éléments de preuve que j’ai déjà fournis et certains documents que
16 j’ai déjà présentés, dans certaines régions, en effet, les
17 instructions du commandement de la Défense territoriale de la
18 Bosnie-Herzégovine étaient ignorées ou n’étaient pas reçues.
19 Q. Puisque vous parlez de ces régions, pourriez-vous nous dire
20 approximativement quel pourcentage du pays elles représentaient ?
21 R. Je ne suis pas sûr que l’on puisse citer un pourcentage
22 approximatif. Je dirais - non, je ne pense pas que je puisse citer
23 un pourcentage approximatif.
24 Q. Merci, M. Gow. Je ne sais pas si -
25 LE PRESIDENT : Avant que vous ne passiez à votre question suivante, Maître
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1 Orie, nous suspendons l’audience pendant vingt minutes.
2 (11 h 30)
3 (Suspension de l’audience pendant quelques instants)
4 (11 h 53)
5 LE PRESIDENT : Maître Orie, vous pouvez poursuivre.
6 MAITRE ORIE : Si je peux poursuivre, Madame le Président.
7 LE PRESIDENT : Oui, je vous en prie.
8 MAITRE ORIE : M. Gow, revenons d’abord sur certains des sujets et certains
9 des problèmes constitutionnels dont nous avons discuté. Revenons
10 d’abord sur la question des Slovènes ou des Serbes qui n’étaient
11 plus fidèles à la Constitution fédérative, est-il permis de dire que
12 les Slovènes ont été les premiers à abandonner la Yougoslavie ?
13 R. Je suis désolé, je ne suis vraiment pas sûr de comprendre le sens de
14 votre question.
15 Q. Ma question consiste à vous demander s’il est permis de dire que les
16 Slovènes ont été les premiers à abandonner la Yougoslavie. C’est une
17 question courte.
18 R. C’est une question courte. Je ne suis simplement pas sûr...
19 LE PRESIDENT : Je pense qu’il vous a demandé ce que vous vouliez dire. Il
20 ne comprend pas ce que vous voulez dire par « abandonner ». C’est
21 bien là qu’est le problème ?
22 MAITRE ORIE : Qu’avez-vous compris - comment l’entendez-vous ? Je vous
23 pose cette question de façon à déterminer où réside l’incertitude.
24 R. Je ne suis pas -
25 Q. Si vous dites que cela ne signifie rien, c’est aussi une réponse à
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1 mes yeux, et je pourrais tenter de reformuler ma question.
2 R. Dans ce cas, je ne suis pas sûr d’être autorisé à parler.
3 Q. Ma question consistait à vous demander, si vous dites : cela n’a pas
4 de sens et pour cette raison, je ne peux répondre, je serai heureux
5 de l’entendre. Mais ma question portait sur le fait de savoir s’il
6 était permis de dire que les Slovènes ont été les premiers à
7 abandonner la Yougoslavie.
8 LE PRESIDENT : Comprenez-vous la question, M. Gow ?
9 LE TEMOIN : Je ne suis pas sûr de la comprendre.
10 LE PRESIDENT : Pourriez-vous la reformuler ?
11 MAITRE ORIE : D’accord. Pourrais-je, dans ce cas, vous poser une autre
12 question ? Que vouliez vous dire lorsque vous avez déclaré, devant
13 la Commission des affaires étrangères de la Chambre des Communes,
14 que les Slovènes avaient été les premiers à abandonner la
15 Yougoslavie ?
16 R. Dans ce cas, oui. Dans ce contexte, ce que je voulais dire, et je ne
17 me rappelle pas les termes exacts que j’ai employés, mais dans ce
18 contexte, j’ai indiqué qu’au plus tard en 1990, en dépit de
19 certains, et ici je parle des autorités politiques de la République
20 de Slovénie, les Slovènes, et dans ce sens, je fais référence aux
21 autorités politiques de la République de Slovénie, à la fin de 1990
22 au plus tard, elles ont décidé qu’il n’y avait plus d’avenir au sein
23 de la RSFY et elles ont commencé à se préparer à l’indépendance de
24 la Slovénie. Je me félicite de ce que vous ayez utilisé ces termes,
25 car il devient plus facile de conceptualiser, dès lors que le mot
Page 469
1 « permis », qui me créait quelques difficultés, est supprimé.
2 J’espère avoir bien répondu.
3 Q. Je reviens sur un autre sujet que nous avons abordé ce matin et qui
4 est la protection des Serbes de Croatie. Je vous ai demandé quelle
5 était leur situation aux termes de la Constitution, je vous ai
6 demandé s’ils avaient été dégradés et nous avons parlé de la
7 législation régissant la citoyenneté. Vous avez déclaré ne rien
8 savoir à ce sujet. Avez-vous connaissance d’une autre législation
9 régissant spécifiquement la situation des Serbes de la République de
10 Croatie ?
11 R. Une législation régissant spécifiquement ?
12 Q. Oui. Ses fondements et les droits qu’elle octroie. Nous avons vu
13 qu’ils ont été dégradés, n’étant plus mentionnés, à l’instar des
14 Croates, comme une entité à laquelle appartenait l’Etat de Croatie.
15 N’y avait-il peut-être pas une législation régissant la citoyenneté,
16 pas une Constitution, mais une autre législation ?
17 R. Je ne me souviens pas.
18 Q. Pensez-vous qu’une protection légale aurait été efficace pour les
19 Serbes de Croatie ? Pouvaient-ils réellement s’attendre à ce que les
20 lois soient respectées par l’Etat ou qui que ce soit d’autre, en ce
21 qui les concernait ?
22 R. Je pense qu’elles auraient pu l’être par quelqu’un d’autre.
23 Q. Voulez-vous dire qu’il n’y avait pas d’Etat de droit en Croatie ?
24 R. Je dirais que dans une situation de transition, je ne compterais pas
25 sur la possibilité, pour quoi que ce soit d’être totalement efficace
Page 470
1 sur une partie du territoire de la RSFY.
2 Q. Mais il n’y a pas de question spécifique, de préoccupation
3 spécifique, liée à la situation des Serbes de Croatie ? Je veux
4 dire, vous êtes en train de décrire une situation générale, dans
5 laquelle personne n’était sûr de savoir si l’Etat de droit
6 prévaudrait ou pas, mais existait-il des préoccupations spécifiques,
7 liées aux Serbes de cette région, avant l’indépendance ?
8 R. Si je vous ai bien compris, vous me demandez si les Serbes de
9 Croatie exprimaient des préoccupations. Si c’est bien cela, les
10 Serbes de Croatie ont, en effet, exprimé des préoccupations.
11 Q. Non, ce n’était pas le sens de ma question. Ma question portait sur
12 le fait de savoir si, peut-être, il existait, à votre avis, une
13 préoccupation réelle quant à l’efficacité de la protection accordée
14 aux Serbes dans la République de Croatie.
15 R. Encore une fois, si j’ai bien compris, vous me demandez si, à mon
16 avis, la préoccupation exprimée par les Serbes était justifiée, et
17 si j’ai bien compris, je vous renvoie à une réponse que j’ai fournie
18 précédemment, selon laquelle, compte tenu de l’expérience historique
19 des Serbes de cette région, il était permis de nourrir quelques
20 préoccupations dans cette situation. Le fait de savoir si ces
21 préoccupations justifient les actions entreprises, notamment
22 l’érection de barricades ou la distribution d’armes aux populations,
23 si ces préoccupations ont pu croître au point de rendre nécessaires
24 de telles mesures, je ne suis absolument pas certain que tel était
25 le cas, ce qui ne signifie pas que localement, dans certains
Page 471
1 endroits, des incidents susceptibles de susciter d’inévitables
2 préoccupations ne se sont pas produits. De même, des incidents se
3 sont produits contre les Croates ethniques de Croatie, à cette
4 époque, et là encore, le Gouvernement croate n’a pas été capable
5 d’assumer effectivement ses responsabilités ou de fournir la
6 protection efficace qu’il était permis d’attendre de lui. C’est une
7 question très difficile.
8 Q. Donc vous ne contestez pas spécifiquement l’activité de protection
9 des Serbes de Croatie dans un Etat de droit ?
10 R. Je pense qu’elle est certainement contestable dans la mesure où,
11 dans certaines régions de Croatie majoritairement peuplées de
12 Serbes, des dirigeants serbes locaux, bénéficiant peut-être d’un
13 soutien extérieur, ont effectivement créé une espèce de contrôle sur
14 ces territoires, de sorte que la protection effective fournie par
15 les lois croates, par les autorités croates, était de facto rendue
16 impossible, indépendamment de toute autre considération.
17 Q. Pensez-vous, M. Gow, qu’une quelconque disposition légale protégeant
18 les Serbes de Croatie aurait pu être considérée comme sérieuse ?
19 R. Je ne suis pas sûr de pouvoir réellement répondre à cette question.
20 Elle implique un certain degré de spéculation, que je ne crois pas
21 approprié. Peut-être n’ai-je pas compris la nature de la question ?
22 Q. Ce que je vous ai demandé, et c’est de là que je suis parti, en
23 fait, c’est de me dire si, à votre avis, une préoccupation
24 spécifique quant à la protection légale des Serbes de la République
25 de Croatie se justifiait ou pas, si, à votre avis, il convenait de
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1 nourrir quelques préoccupations au sujet de leur protection dans le
2 cadre de l’Etat de droit, quelques préoccupations quant au sérieux
3 des activités censées assurer cette protection.
4 R. Ceci est une question très complexe et très difficile. J’ai indiqué
5 que, parce que des Serbes locaux avaient effectivement pris le
6 contrôle de certaines régions, en discuter en termes d’application
7 effective de l’Etat de droit par les autorités de Zagreb semble être
8 presque une question, mais aussi le contraire d’une question. Je
9 dirais que les autorités de Zagreb assumaient la responsabilité,
10 dans cette situation, mais le fait de déterminer si oui ou non, dans
11 une situation où les forces de police croates étaient de facto
12 incapables de se rendre dans ces régions, il semble difficile de
13 dire si les dispositions de la loi étaient, oui ou non, appliquées
14 par le Gouvernement croate - peut-être avant d’en finir avec ce
15 sujet, pourrais-je vous demander de répéter votre question, de façon
16 à m’assurer que je suis toujours en train d’y répondre ?
17 Q. Bien. Ma première question -
18 R. Excusez-moi, si cela ne vous dérange pas.
19 Q. J’ai commencé par vous demander s’il existait des dispositions
20 légales spécifiquement destinées à protéger, ou qui, au moins
21 mentionnaient, les Serbes qu’il convenait de protéger en République
22 de Croatie. C’est par là que j’ai commencé. Votre réponse a été que
23 vous ne le saviez pas.
24 R. Je ne le sais pas.
25 Q. Vous ne le savez pas. Je suis passé, ensuite, à une deuxième
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1 question, plus générale, qui consistait à vous demander si, en
2 l’absence de disposition spécifique, les Serbes pouvaient s’attendre
3 à ce que l’Etat de droit s’applique également à eux, autrement dit à
4 ce que la protection fournie par la loi soit également efficace dans
5 leur cas, et cette protection fournie par la loi signifiait, à leurs
6 yeux, qu’ils bénéficiaient d’une protection sérieuse de la part du
7 législateur.
8 R. Si telle est votre question, les Serbes de ces régions ne
9 s’attendaient pas, semble-t-il, à ce que les autorités croates
10 appliquent effectivement l’Etat de droit, car de facto, les Serbes
11 de ces régions en avaient pris le contrôle.
12 Q. Puis-je vous demander si les mots suivants vous semblent familiers :
13 « Avant la déclaration d’indépendance, il existait des dispositions
14 légales mentionnant spécifiquement les Serbes, auxquels elles
15 offraient certains types de protection et de garanties ». Les formes
16 de protection existantes étaient donc légales. La question qui se
17 pose consiste à savoir si elles pouvaient être appliquées, si elles
18 étaient sérieuses ou si elles étaient de simples formalités, à
19 l’instar des Constitutions communistes. » Est-ce là une description
20 fidèle de la situation, s’agissant de la protection des Serbes ?
21 R. Ce n’est pas un jugement auquel je m’opposerais.
22 Q. Vous ne vous y opposeriez pas ?
23 R. Non.
24 Q. Cela signifie que vous êtes d’accord avec ce jugement ?
25 R. Oui. Je veux dire, je - j’utilise cette terminologie pour dire,
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1 encore une fois, que la situation était complexe, mais je ne
2 m’opposerais certainement pas à ce jugement.
3 Q. Non ?
4 R. Bien.
5 Q. Ma première question a consisté à vous demander si ces mots vous
6 étaient familiers.
7 R. En tant que tels, ils ne le sont pas, mais il n’est pas impossible
8 que je puisse, y compris, les avoir écrits.
9 Q. Oui, ou les avoir prononcés devant la Chambre des Communes, M. Gow.
10 Je ne suis pas parvenu à formuler convenablement la question ce
11 matin, je vais donc faire une nouvelle tentative, à présent, si vous
12 le permettez. Une République pouvait-elle légitimement parvenir à
13 former un nouvel Etat-nation à partir d’une population majoritaire
14 selon la Constitution de 1974 ?
15 R. Encore une fois, je ne suis pas absolument sûr de comprendre ce que
16 vous me demandez.
17 Q. Je ne vous ai pas compris.
18 R. Je suis désolé, mais encore une fois, je ne suis pas sûr d’avoir
19 absolument saisi ce que vous me demandez. Je comprends tous les
20 mots, mais je ne suis pas absolument sûr de saisir ce que vous me
21 demandez.
22 Q. Une République pouvait-elle, légitimement, faire sécession en vue de
23 créer un nouvel Etat-nation sur la base d’une population
24 majoritaire, selon la Constitution de 1974 ? Je suis tout à fait
25 prêt à répéter cette question à votre intention. Je dois dire que
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1 j’ai bénéficié de l’assistance de mes amis britanniques pour
2 reformuler cette question, j’ai donc moins de doutes quant au
3 vocabulaire que j’emploie.
4 JUGE STEPHEN : Cela n’accélérerait-il pas le processus si vous disiez ce
5 que vous pensez qu’il veut dire et nous pourrions voir s’il est
6 d’accord. Cela ne sert pas à grand chose de simplement répéter la
7 question.
8 LE TEMOIN : Je suis d’accord et si cela vous convient, je peux essayer.
9 MAITRE ORIE : Oui.
10 R. Je voudrais établir une distinction entre les concepts de légalité
11 et de légitimité, et j’ignore quelle serait la réponse précise, dans
12 l’un ou l’autre cas. La réponse à cette question pourrait consister
13 à associer l’interprétation d’un certain nombre de facteurs
14 politiques, de facteurs juridiques et je suppose, également, de
15 divers facteurs internationaux. Pour autant que je comprenne le mot
16 d’un point de vue politique, le terme légalité découle de plusieurs
17 niveaux, ou pourrait découler de plusieurs niveaux du droit
18 constitutionnel et d’autres aspects similaires du droit, ainsi que
19 d’éléments du droit public international, et c’est l’un des facteurs
20 qui a joué un rôle dans la dissolution de la République socialiste
21 fédérative de Yougoslavie. Je dis cela en me fondant, non sur mon
22 interprétation personnelle, mais sur des documents publics. C’est un
23 fait qui s’est produit en raison de ces éléments.
24 En matière de légitimité qui, à mon avis, implique une série
25 d’autres possibilités susceptibles de relever de l’éthique, il est
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1 possible qu’interviennent des aspects sociopolitiques liés à la
2 Constitution et impliquant une forme de soutien; il est possible
3 qu’une série d’autres facteurs interviennent. Si vous désirez que je
4 m’efforce de décrire les choses en fonction de cette terminologie
5 politique, je peux le faire, mais si j’ai déjà suffisamment répondu
6 à votre question, je serais heureux de m’arrêter là.
7 Q. M. Gow, je préférerais que vous répondiez à ma question, ou comme
8 vous le dites vous-même, que vous apportiez deux réponses.
9 Premièrement, une République pouvait-elle légalement faire
10 sécession, et deuxièmement, une République pouvait-elle légitimement
11 faire sécession ? J’aimerais connaître votre avis. Je suis tout à
12 fait sûr que vous devez avoir de bonnes raisons de défendre cette
13 opinion.
14 R. Pour répondre à la première de vos questions, les aspects juridiques
15 de la sécession sont difficiles, et pour traiter de ce sujet
16 objectivement, je le répète, car le thème a été traité dans des
17 documents publics, il a fait l’objet d’un débat dans les territoires
18 de la RSFY à la fin de son existence, et ce débat s’appuyait sur des
19 arguments relevant d’une série complexe d’interprétations de la
20 Constitution et vous m’avez interrogé sur certaines de ces
21 dispositions ce matin, vous m’avez interrogé sur les dispositions
22 que j’ai citées en référence, aux fins d’illustrer ce débat, dans
23 les parties précédentes de ma déposition. Le droit à la sécession
24 concernait les peuples. La souveraineté était accordée aux
25 Républiques. L’interprétation de la souveraineté qui, pour autant
Page 477
1 que je l’ai comprise, régnait dans les territoires de la RSFY à la
2 fin de son existence, implique que la souveraineté signifiait, à la
3 fin, le droit de ne pas se soumettre à des ingérences extérieures et
4 d’un point de vue formel, dans le cadre des Constitutions
5 communistes que j’ai mises en exergue précédemment, il était entendu
6 qu’elle ne devait pas revêtir de signification réelle, que la
7 qualité de la souveraineté, ou quelques éléments de la qualité de la
8 souveraineté, que quelques-uns des droits souverains s’exerçaient au
9 niveau de la Fédération, un peu comme certains des droits souverains
10 des Etats membres de l’Union européenne, qui s’exercent par le
11 truchement de la création de cette Union.
12 Je tiens à être clair. Je ne suis pas en train de dire que la
13 RSFY était identique à l’Union européenne; je désire simplement
14 illustrer l’exercice des droits souverains, en tant que principe.
15 Les Etats membres de l’Union européenne ont clairement indiqué que
16 c’était ce qu’ils souhaitaient faire, que c’était ainsi qu’ils
17 concevaient la volonté politique à mettre en oeuvre. Dans le cas des
18 Constitutions communistes de la RSFY et de la République populaire
19 fédérale, la connotation était plus formelle, mais pour être clair,
20 sur le principe, techniquement, il s’agissait du même genre de
21 transfert.
22 Par conséquent, si la souveraineté était le droit de décision
23 ultime à l’intérieur des frontières d’un territoire, et que ce droit
24 appartenait aux Républiques, au sens classique de l’application du
25 droit à l’autodétermination, l’usage du terme « peuple » concernait
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1 les personnes habitant un territoire, une communauté politique
2 prédéfinie vivant à l’intérieur de frontières territoriales
3 déterminées et satisfaisant peut-être à quelques autres critères,
4 mais ne concernait pas un groupe ethno-national, où qu’il se trouve;
5 le débat est né sur ces bases et a été accepté comme tel par la
6 communauté internationale, qui a entériné cette idée au moment de la
7 dissolution de la Yougoslavie. Dans le contexte créé par la
8 Constitution de la RSFY, pour en revenir précisément à votre
9 question, vous constaterez sur la base de ce que j’ai dit jusqu’à
10 présent, qu’il s’agit d’une question complexe et difficile...
11 Q. Je commence à m’en rendre compte, M. Gow !
12 R. Etant donné la nature du débat, il était entendu que les Républiques
13 étaient des Etats souverains, le débat en cours en Bosnie et en
14 Slovénie portant sur la nature de la souveraineté exercée par ces
15 Etats au sein de la RSFY et, pour la Slovénie, en dehors des
16 frontières de la RSFY, dans la dernière période. La question de
17 savoir si l’exercice des droits souverains équivaut à un droit légal
18 à la sécession, puisque vous parlez du droit à la sécession, s’il
19 existait, ce droit serait revenu aux peuples. L’ambiguïté présente
20 dans le Préambule ou Partie liminaire de la Constitution est
21 indicatif d’une tentative d’interpréter l’usage du terme « peuple »
22 ou « narod » de deux façons différentes. J’ai indiqué dans les deux
23 premières lignes qu’il était utilisé dans deux sens différents, même
24 si en serbo-croate, il s’agit d’un seul et même mot.
25 Dans ce contexte, il était possible de discuter sur le point
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1 de savoir si, oui ou non, le droit à la sécession était inhérent au
2 groupe ethno-national mentionné à la première ligne ou aux peuples
3 et implicitement aux territoires sur lesquels ils résidaient, qui
4 sont mentionnés à la deuxième ligne. Je pense qu’il était entendu,
5 compte tenu de l’un des extraits que nous avons montré hier sur le
6 vidéo-moniteur, qu’en 1990, le Président Milosevic, dans ses
7 discussions avec le Président slovène, proposait de modifier
8 formellement la Constitution de la RSFY, de façon à ce que ce droit
9 devienne le droit égal de tous les groupes ethno-nationaux et ne
10 soit plus attaché à un territoire.
11 Q. M. Gow ...
12 R. Ainsi, pour en finir avec cette longue réponse complexe, je dirais
13 que le fait de savoir s’il existait ou non un droit légal dépendait,
14 pouvait dépendre en partie de la perspective où on se plaçait, que
15 ce droit légal, s’il existait, était la somme de plusieurs facteurs
16 et que, politiquement, ce droit n’a pas nécessairement été un
17 facteur dans la dissolution finale de la RSFY, car aux yeux de la
18 majorité des citoyens de la RSFY eu égard à la communauté
19 internationale, l’éclatement final de la RSFY a été considéré comme
20 découlant du non-fonctionnement de la Fédération et de sa
21 dissolution qui, en tout état de cause, n’avait rien à voir avec un
22 problème de sécession. Mais pour répondre à votre question,
23 légalement, tout dépendait de la perspective où l’on se plaçait,
24 ainsi que de la Constitution - ce n’est pas le terme exact - d’un
25 ensemble de facteurs impliqués dans cette situation particulière et
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1 de l’interprétation qui en était faite.
2 Q. M. Gow, ai-je raison de comprendre que vous voyez là une question
3 complexe au sujet de laquelle vous n’avez pas d’opinion claire ?
4 R. Je pensais qu’en dépit de la complexité de la question, j’avais émis
5 une opinion claire. Si ce n’est pas le cas, je vous prie de me
6 pardonner, je serais heureux de la rendre plus claire.
7 Q. Si je peux m’exprimer, j’ai entendu tellement de « si » et tellement
8 de « la chose peut être perçue de cette façon ou de cette autre
9 façon » que les mots de Shakespeare me viennent à l’esprit : Si les
10 « si » et les « et » étaient des casseroles et des marmites, il n’y
11 aurait plus besoin de gobelets.
12 R. Ce qui signifie ?
13 LE PRESIDENT : M. Gow, voyons si je parviens à vous comprendre. Etes-vous
14 en train de dire, n’est-ce pas, que la Constitution de 1974
15 autorisait la sécession si l’on définissait une nation, celle qui
16 est mentionnée à la première ligne, je crois que c’est à la
17 première, peut-être est-ce à la seconde, je crois que c’est à la
18 première ligne de la Constitution de 1974, si l’on définissait une
19 nation comme constituant une République et non pas un groupe humain
20 ? Pouvez-vous, simplement, tenter de répondre à cela, et le faire le
21 plus brièvement possible ?
22 R. La référence aux peuples vivant sur un territoire se trouve à la
23 deuxième ligne; celle-ci est liée au concept de souveraineté exprimé
24 dans la Constitution, et d’après la Constitution, si des Républiques
25 ont conclu un accord express, en vertu de l’article 5 de la
Page 481
1 Constitution de la RSFY, cela serait légal.
2 LE PRESIDENT : Oui.
3 R. La légalité de cela dépendrait d’un accord sur les termes de
4 l’article 5.
5 LE PRESIDENT : D’accord. Cela vous aide-t-il ? Oui, si vous définissez le
6 terme « nation » contenu dans la première ligne d’une façon
7 déterminée. Ensuite, vous avez poursuivi, en fait, je ne vais pas
8 aborder les propos de Milosevic.
9 MAITRE ORIE : L’absence d’opinion claire est due au fait que tout dépend
10 de la façon de présenter les choses.
11 LE PRESIDENT : Je crois qu’il vous fournit une réponse. Oui, si vous
12 définissez la nation d’une certaine manière, mais vous devez vous
13 fonder sur l’article 5 de la Constitution. Ensuite, il a dit, enfin,
14 Milosevic a adopté une certaine position et j’ignore quelle est son
15 incidence sur la définition légale, mais il déclare que de toute
16 façon, cela ne change rien, puisque la dissolution n’a rien à voir
17 avec ce qui est écrit dans la Constitution de 1974. C’est de cette
18 façon que j’ai entendu sa réponse. Mais en réponse à votre première
19 question, il apparaît que la réponse est oui, à condition de définir
20 la nation d’une certaine façon. Est-ce exact, M. Gow ou ne l’est-ce
21 pas ?
22 R. Cela me semble exact.
23 MAITRE ORIE : Madame le Président, j’aimerais pouvoir réfléchir pendant la
24 pause déjeuner, afin de voir si je souhaite que l’on reprojette la
25 bande vidéo de Milosevic sur ce point.
Page 482
1 LE PRESIDENT : D’accord. Je n’ai aucune intention de m’ingérer, mais
2 j’essayais de voir si nous pouvions conclure sur le premier point.
3 MAITRE ORIE : (A l’intention du témoin). M. Gow, j’aimerais aborder
4 quelques autres questions constitutionnelles et je reviens en
5 Bosnie-Herzégovine. Dans votre déposition, le 9 mai, vous avez
6 déclaré que le Parlement de Bosnie-Herzégovine avait affirmé la
7 souveraineté de la République, comme nous l’avons vu dans la pièce à
8 conviction n° 47. Vous avez également fait remarquer que la plupart
9 des représentants serbes n’avaient pas participé au vote. C’est
10 exact ?
11 R. Je crois que c’est exact.
12 Q. Savez-vous, M. Gow, si la Constitution de Bosnie-Herzégovine en
13 vigueur à l’époque prévoyait une représentation proportionnelle des
14 nations et nationalités de Bosnie-Herzégovine au Parlement ?
15 R. Je ne connais pas les détails précis des arrangements conclus en
16 Bosnie-Herzégovine, mais je peux dire que, tout comme pour certains
17 éléments de la RSFY, il y avait des régions où prévalait le principe
18 de proportionnalité ethno-nationale. En RSFY, il existait deux
19 Chambres, l’une élue au suffrage direct et l’autre sur la base d’une
20 espèce de proportionnelle. Je crois que c’était également le cas en
21 Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui concerne la présidence, la
22 présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine, une disposition
23 formelle prévoyait que deux représentants seraient serbes, deux
24 croates, deux musulmans et un serait désigné - s’autodéfinirait
25 comme yougoslave.
Page 483
1 Q. Cela reflétait la même idée ?
2 R. Oui.
3 Q. Savez-vous si la Constitution de Bosnie-Herzégovine en vigueur à
4 l’époque avait mis en place un mécanisme particulier permettant de
5 trancher, au cas où le principe d’égalité des nations et
6 nationalités de Bosnie-Herzégovine, etc., serait violé ?
7 R. Si je ne m’abuse, la Constitution de Bosnie-Herzégovine, la
8 Constitution de 1974 de la Bosnie-Herzégovine, définissait les trois
9 principaux groupes, les Slaves islamisés, les Croates et les Serbes,
10 comme étant les peuples fondateurs de la Bosnie-Herzégovine. Je
11 crois qu’un amendement a été apporté à cette Constitution en 1990,
12 dont je ne peux vous donner les détails précis, mais qui a eu pour
13 effet d’indiquer que les intérêts des communautés ethno-nationales
14 seraient protégés, dans une certaine mesure, par les importants
15 changements intervenus en Bosnie-Herzégovine, dans l’ordre
16 constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine.
17 Q. Savez-vous si la procédure spéciale à laquelle vous venez de faire
18 référence, cet amendement de la Constitution de Bosnie-Herzégovine
19 de 1990 qui permettait de régler des questions aussi sensibles, a
20 été respecté, eu égard au programme adopté le 16 octobre, le
21 programme que nous avons vu dans la pièce à conviction n° 47 ?
22 R. Je ne sais pas si elle l’a été.
23 Q. Vous ne savez pas si elle l’a été ?
24 R. Je pensais que votre question consistait à me demander si la
25 procédure avait été respectée et ma réponse a été que je ne savais
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1 pas si elle l’avait été.
2 Q. Oui. Dans ce programme, au paragraphe 2 (sic ?) de l’article 1, il
3 est stipulé : « Toute possibilité de s’assurer une victoire aux voix
4 dans le processus de décision concernant des questions cruciales
5 impliquant l’égalité en droits de toutes les nations et nationalités
6 vivant dans la République sera empêchée par une structure appropriée
7 de l’Assemblée de la République de Bosnie-Herzégovine ». Est-il
8 exact de dire que l’objectif visé dans ce programme était lié à une
9 volonté de s’assurer une telle victoire aux voix ?
10 R. Serait-il possible de voir le document ?
11 Q. Oui. Il s’agit de la pièce à conviction n° 47. (Remise de la pièce).
12 R. Merci. Cela vous ennuierait-il de répéter la question ?
13 Q. Non. Je peux la répéter. Le texte est écrit noir sur blanc, il m’est
14 donc facile de la répéter, même littéralement. Au paragraphe 1 (sic
15 ?) de l’article 1 du programme, c’est-à-dire de la pièce à
16 conviction n° 47, nous lisons : « Toute possibilité de s’assurer une
17 victoire aux voix dans le processus de décision concernant des
18 questions cruciales impliquant l’égalité en droits de toutes les
19 nations et nationalités vivant dans la République sera empêchée par
20 une structure appropriée de l’Assemblée de la République de Bosnie-
21 Herzégovine ». Ma question était : serait-il exact de dire que
22 l’objectif recherché dans ce programme était lié à une volonté de
23 s’assurer une telle victoire aux voix ?
24 R. Non, ce n’est pas le cas, car les représentants serbes ne se
25 trouvaient pas au Parlement à ce moment-là. Si les représentants
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1 serbes s’étaient trouvés au Parlement et avaient voté contre le
2 texte, le problème créé par la volonté de s’assurer une victoire aux
3 voix aurait existé.
4 Q. M. Gow, dans votre déposition, le matin du 9 mai, vous avez déclaré
5 que lorsque la Communauté européenne a invité les Républiques de
6 Yougoslavie à briguer leur reconnaissance, la présidence et le
7 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine l’ont fait. La décision de ces
8 organes, je veux parler de la présidence et du gouvernement,
9 a-t-elle été prise avec la participation des Serbes élus à l’issue
10 des élections libres de 1990, c’est bien 1990, n’est-ce pas ?
11 R. La décision n’a pas impliqué la participation de ces élus de 1990.
12 Elle a impliqué - parce que, comme je l’ai indiqué hier, Madame
13 Plavsic et Monsieur Koljevic avaient quitté la présidence - je suis
14 désolé, pouvez-vous me dire de quelle période vous parlez ?
15 Q. Je parle du moment où la CE a invité les Républiques de Yougoslavie
16 à briguer leur reconnaissance et vous avez déclaré que la présidence
17 et le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine l’avaient fait.
18 R. Et la question est ? Est-ce que les représentants serbes ont
19 participé à cette décision ? Je ne sais pas s’ils ont participé à
20 cette décision.
21 MAITRE ORIE : Madame et Messieurs les juges, il y a une chose qui n’est
22 pas claire dans mon esprit, et puisque nous parlons de la présidence
23 et du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, j’aimerais que cette
24 partie de la bande que nous avons vue hier soit à nouveau projetée;
25 celle où Arkan rencontre une femme, si je me souviens bien.
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1 J’aimerais la revoir, je ne sais pas exactement, j’ai un peu perdu
2 le fil, mais peut-être l’Accusation peut-elle m’aider.
3 MAITRE NIEMANN : Madame le Président ...
4 LE PRESIDENT : C’est la pièce à conviction n° 69. Nous n’avons pas entendu
5 -
6 MAITRE NIEMANN : La pièce n° 69, partie 2.
7 LE PRESIDENT : C’est bien la partie 2 ?
8 MAITRE NIEMANN : La partie 2, Madame le Président.
9 LE PRESIDENT : La première cassette de la pièce à conviction n° 69, partie
10 2.
11 MAITRE ORIE : Je ne m’intéresse pas tant à la première partie, mais à une
12 rencontre avec une femme, dans la rue, pour que les choses soient
13 claires.
14 LE PRESIDENT : Cela se trouve dans la première séquence, au point 13.34,
15 je pense. Est-ce bien cela ? Maître Niemann, le savez-vous ? De
16 toute façon, souhaitez-vous que la pièce à conviction n° 69 soit
17 projetée ?
18 MAITRE ORIE : Oui, je vous prie.
19 LE PRESIDENT : La partie 2. Pouvez-vous la localiser rapidement ?
20 MAITRE ORIE : C’est celle-ci.
21 (Nouvelle projection de cet extrait de la bande vidéo)
22 LE PRESIDENT : Vous voulez que l’on s’arrête ? Vous voulez que l’on
23 poursuive ?
24 MAITRE ORIE : Oui. (A l’intention du témoin). J’aimerais vous poser une
25 question sur cette partie précise de la vidéo. Vous avez dit dans
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1 votre déposition, vous avez cité le nom de la femme - je pense
2 qu’elle était membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine -
3 pourriez-vous, je vous prie, nous le redire, de façon à ce que nous
4 sachions qui est cette femme ?
5 R. Il s’agit de Biljana Plavsic, qui était membre - qui représentait la
6 Serbie à la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine.
7 Q. C’est bien la personne à laquelle vous avez fait référence il y a
8 une minute ou deux ?
9 R. Lorsque j’ai commencé à répondre à une longue question, au moment où
10 je me suis aperçu que la période considérée était différente, oui,
11 effectivement.
12 Q. Oui. Vous avez dit qu’elle félicitait Arkan pour son succès.
13 Pourriez-vous, je vous prie, nous dire d’où vous tirez cette
14 information, car je n’ai pas entendu de son dans cette partie
15 précise de la bande vidéo. Ma question était : comment savez-vous
16 qu’elle félicite Arkan, c’est ce que vous avez dit hier dans votre
17 déposition, pour son succès militaire ? Vous avez fourni une
18 interprétation de ce qu’elle disait, mais j’aimerais savoir quelle
19 est la source de votre information ?
20 R. La source de mon information, je l’exprime, je fais cette
21 déclaration sur la base de ce que certaines personnes ont écrit -
22 sur la base d’articles parus à l’époque dans les journaux, ainsi que
23 de rapports fournis aux chercheurs qui ont travaillé à la
24 réalisation de ce film, et qui s’étaient rendus sur place pour s’y
25 procurer les extraits nécessaires à ce film. Madame Plavsic se
Page 488
1 trouvait là en tant que membre de la délégation de la présidence de
2 Bosnie-Herzégovine, dont faisaient partie le Ministre de la défense
3 bosniaque, un Croate, Jelko Doko et plusieurs autres personnes dont
4 j’ai oublié les noms exacts. Mais Madame Plavsic, qui était, si je
5 ne m’abuse, venue enquêter sur les incidents, s’est séparée des
6 autres membres du groupe et a rencontré Arkan.
7 Q. Oui, le fait qu’elle ait rencontré Arkan est, je crois, tout à fait
8 clair. Pourriez-vous être un peu plus précis, car vous avez dit
9 qu’elle le félicitait de son succès. Vous avez déclaré : « Eh bien,
10 j’ai entendu cela de certaines sources ». Je me demandais quelles
11 étaient ces sources, car sur l’écran vidéo, nous voyons simplement
12 quelques personnes.
13 LE PRESIDENT : Vous souhaitez que l’on s’arrête ici ?
14 MAITRE ORIE : Oui.
15 LE PRESIDENT : Vous voulez que l’on s’arrête sur cette image ?
16 MAITRE ORIE : De cette façon, nous pourrons voir qui était à distance
17 d’audition. L’une quelconque des personnes que nous voyons à l’écran
18 compte-t-elle au nombre de vos sources ?
19 R. Je ne crois pas, non.
20 Q. Pourriez-vous, maintenant, être plus précis au sujet de vos sources
21 ? Vous avez parlé de façon relativement générale. Pourriez-vous, je
22 vous prie, me dire exactement qui a tiré cette conclusion, et sur
23 quelle base et à quel moment cela vous a été dit ?
24 R. J’ai indiqué que, dans mon souvenir, les faits ont été rapportés
25 dans la presse, à l ’époque, et que Madame Plavsic s’était exprimée.
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1 C’est ce dont je me souviens. Ce souvenir est étayé et la partie
2 centrale de ma déclaration s’appuie sur les propos des chercheurs
3 qui ont réalisé cette vidéo; ils se sont donc rendus dans la région,
4 ont obtenu le film et ont parlé aux personnes présentes ou aux
5 personnes qui avaient été présentes et impliquées dans la région.
6 Q. Là encore, vous ne citez pas précisément les noms des personnes qui
7 auraient dit, plus ou moins : « j’ai entendu cela ».
8 R. Le chercheur qui travaillait à la rédaction du rapport destiné au
9 programme Cook est Paul Calverley.
10 Q. Par ailleurs, vous dites que vous avez vu ces faits rapportés dans
11 la presse. Est-ce également l’une des sources sur lesquelles vous
12 fondez votre opinion ?
13 R. Dans mon souvenir, des articles ont paru sur le sujet des incidents
14 survenus, à l’époque, à Bijelina, et ma mémoire me dit que c’est
15 Madame Plavsic qui, comme je l’ai dit, a félicité Arkan - et je
16 crois que les salutations et l’accolade sont une indication de cela;
17 peut-être n’est-ce pas le cas, mais je dirais que c’est une
18 interprétation autorisée de ce qui se passe à ce moment-là - et la
19 rencontre entre Madame Plavsic et Arkan a été rapportée dans la
20 presse, où il était indiqué que Madame Plavsic était, en fait, en
21 train de féliciter Arkan. Ces articles étaient-ils fondés ou pas, je
22 ne peux le dire, mais ces articles existent.
23 Q. Est-ce ce que vous vouliez dire hier, qu’elle félicitait Arkan, si
24 les sources sur lesquelles vous vous êtes appuyé sont fiables, et si
25 elles ne sont pas fiables, qu’elle ne félicitait pas Arkan ?
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1 R. Non, je dirais que mes sources sont fiables et j’en reviendrai donc
2 à ma déclaration initiale, selon laquelle elle était effectivement
3 en train de féliciter Arkan.
4 Q. L’une des sources que vous avez mentionnée est la presse. Pourriez-
5 vous nous dire de quels journaux il s’agit ? S’agissait-il de
6 journaux serbes, de journaux musulmans, de journaux croates, de
7 journaux occidentaux ?
8 R. Je ne m’en souviens pas aujourd’hui.
9 Q. Vous ne vous en souvenez pas ? Parmi les autres -
10 R. Je lisais toutes sortes de journaux, à l’époque. Je ne pourrais pas
11 dire dans quel journal précis ces articles ont paru.
12 Q. Oui.
13 R. Mais j’indiquerai également que la même interprétation a été faite
14 en plusieurs endroits.
15 Q. Vous avez également indiqué, si je vous ai bien compris, M. Gow, que
16 sa façon de l’accueillir indiquait qu’elle le félicitait ?
17 R. C’est effectivement mon interprétation.
18 Q. Merci, M. Gow, sur ce point. Je poursuis en abordant les aspects
19 constitutionnels de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons discuté de la
20 possibilité d’une victoire aux voix. Nous avons parlé de la
21 participation des députés serbes et des membres serbes de la
22 présidence bosniaque - excusez-moi, je dois retrouver l’endroit où
23 nous nous étions arrêtés, oui, je pense que ma dernière question
24 avant que je n’attire votre attention sur cette vidéo d’Arkan
25 portait sur le fait de savoir si les élus serbes à la présidence
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1 bosniaque - non, accordez-moi simplement deux secondes pour que je
2 retrouve l’endroit où je m’étais arrêté. Oui. Ma question suivante,
3 M. Gow, portera sur le fait de savoir si les élus serbes à la
4 présidence bosniaque ont fourni un motif pour expliquer leur boycott
5 des activités de cet organe.
6 R. Ce n’est pas - je ne me rappelle pas s’ils ont fourni une
7 explication précise, mais je peux vous fournir, pour autant que je
8 m’en souvienne, une explication plus générale, à défaut d’une
9 explication précise; d’après ce dont je me souviens, je peux vous
10 fournir une explication générale de ce boycott.
11 Q. Une explication générale. Je vous demande si les élus serbes ont
12 invoqué un motif. Donc ce que vous dites, c’est « je ne connais
13 aucun motif invoqué par ces élus » ?
14 R. J’ai indiqué que je ne pouvais pas citer un motif précis, car je ne
15 me rappelle pas qu’un motif précis ait été invoqué. Mais je peux
16 citer un motif général.
17 Q. Un motif général invoqué par qui ?
18 R. Par les représentants serbes auxquels j’ai fait référence.
19 Q. D’accord. Je comprends donc que vous n’allez pas citer les motifs
20 explicitement invoqués par les élus, mais une interprétation
21 générale de ce qu’ont été ces motifs. C’est cela que vous souhaitez
22 nous dire ? J’aimerais que vous le fassiez, effectivement.
23 R. Je ne me souviens pas du texte ou du contenu précis de quelque
24 déclaration spécifique que ce soit. Le contexte est à rechercher, je
25 crois, dans les quatre ou cinq jours de discussion qui avaient été
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1 consacrés à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, dont la
2 majeure partie s’est, je crois, déroulée à huis clos; cette
3 discussion faisait suite à une discussion antérieure consacrée à la
4 même question, en février de la même année. Dans les deux cas, la
5 population serbe - les Serbes ou au moins une majorité, je ne suis
6 pas sûr qu’ils aient été unanimes, une majorité des représentants
7 serbes, s’était formé l’opinion qu’il convenait de s’opposer à cette
8 action et leur refus de participer à la séance parlementaire à
9 laquelle, je crois, vous avez fait référence, provenait du sentiment
10 général qui était le leur, de leur désir de ne pas être partie
11 prenante dans une décision de ce genre.
12 Q. L’interprétation générale de ces motifs réside-t-elle, pour partie
13 également, dans le fait qu’une décision de ce genre aurait été
14 anticonstitutionnelle ? ils ne souhaitaient pas participer à une
15 décision « de ce genre », avez-vous dit, sans préciser de quel type
16 de décision il s’agissait.
17 R. Je pensais - peut-être ai-je mal compris - que vous aviez précisé
18 qu’il s’agissait de la décision relative à la déclaration, au
19 programme adopté eu égard à la souveraineté de la Bosnie-
20 Herzégovine. Si je me suis trompé sur ce point, peut-être pourriez-
21 vous me corriger, car cela signifierait que je parle depuis quelques
22 minutes d’un sujet totalement différent.
23 Q. Non, je ne pense pas qu’il y ait malentendu.
24 R. D’accord. Très bien. Dans ce cas - je ne pense pas, si je me
25 rappelle exactement la question que vous m’avez posée comme
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1 consistant à savoir si les représentants serbes n’avaient pas
2 participé parce qu’ils considéraient la décision comme
3 anticonstitutionnelle, ma réponse précise et stricte sera que je ne
4 sais pas si c’était le cas.
5 Q. Je ne vous demande pas si c’était le cas ou pas. Je vous ai d’abord
6 demandé quelle a été le motif invoqué par les élus. Vous avez
7 déclaré ne pas être en mesure de répondre à cette question, et vous
8 avez ajouté « mais je peux fournir une idée générale de ce qu’était
9 le motif invoqué à l’appui de ce refus de participation ».
10 R. C’est exact.
11 Q. A la dernière partie de ma question, vous avez répondu en disant
12 qu’ils refusaient de participer à une décision de « ce genre »; je
13 vous ai demandé, alors, si selon l’interprétation de ce motif, une
14 telle position eût été anticonstitutionnelle.
15 R. Je ne pense pas être en mesure de répondre à cette question. Je ne
16 suis pas sûr de la comprendre.
17 Q. Je prierais mes compétents amis britanniques de m’aider à déterminer
18 les vocables qui ne sont pas suffisamment clairs. Ma question
19 suivante, M. Gow, consiste à vous demander si les élus serbes à la
20 présidence bosniaque ont indiqué à quelles conditions ils
21 participeraient à nouveau aux activités de cet organe.
22 R. Dans mon souvenir, ils y ont à nouveau participé, mais je n’ai aucun
23 souvenir précis des conditions qu’ils ont pu poser.
24 Q. Vous dites n’avoir aucun souvenir précis, ce qui signifie que -
25 R. J’ai dit que dans mon souvenir, ils y ont à nouveau participé, mais
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1 je n’ai aucun souvenir précis des conditions qu’ils ont pu poser.
2 Q. Oui, d’accord. M. Gow, les élus serbes au Parlement et à la
3 présidence bosniaque ont-ils refusé de négocier avec les autres
4 partis politiques de Bosnie-Herzégovine après s’être retirés de ces
5 organes ?
6 R. Non.
7 Q. C’est une réponse claire.
8 R. Oui. - Non, des négociations ont eu lieu, donc ils n’ont pas dû
9 refuser. J’ignore s’ils ont prononcé une déclaration de refus ou
10 pas, mais ils ont participé à des négociations ultérieures.
11 Q. La réponse était claire, à mes yeux, M. Gow. La réponse était non.
12 Dans votre déposition, le 9 mai, vous avez évoqué la Constitution de
13 la République serbe de Bosnie-Herzégovine du 28 février 1992 et dit
14 qu’il s’agissait d’une Constitution provisoire. Cette Constitution,
15 cette Constitution provisoire comporte des dispositions indiquant la
16 volonté de négocier la continuité des liens qui les unissaient aux
17 autres peuples de Bosnie-Herzégovine ?
18 R. L’article 4 de cette Constitution indique la possibilité de créer,
19 de nouer des liens avec des unités - je ne me souviens pas
20 exactement - avec d’autres communautés de Bosnie-Herzégovine, mais
21 selon la lecture que j’en ai faite, cela dépendait de l’article 3,
22 qui indiquait que la République serbe déclarée demeurerait au sein
23 de la République fédérale. Donc, dans un sens -
24 Q. Ce n’était pas une disposition explicite ?
25 R. - dans un sens, l’article 4 pouvait signifier qu’en présence d’une
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1 volonté des autres peuples de rejoindre cette nouvelle mini-
2 Yougoslavie, une telle possibilité était ouverte.
3 Q. Cela devait être négocié dans un sens ou dans l’autre, merci, M.
4 Gow. Vous avez fait remarquer à plusieurs reprises que la
5 Constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine stipulait
6 que la République faisait partie de la République fédérale. Cela
7 figure à l’article 3 que vous venez d’évoquer. La Yougoslavie
8 fédérale, la République fédérale de Yougoslavie a-t-elle jamais
9 reconnu cette intention des Serbes bosniaques de la rejoindre ?
10 R. Pour autant que je le sache, les autorités de la République fédérale
11 n’ont jamais, à aucun moment, reconnu l’inclusion de ce territoire.
12 Q. Donc, elles n’ont jamais reconnu cette prétention d’appartenance des
13 Serbes de Bosnie ? C’est ainsi que je comprends votre réponse.
14 R. Pas de façon officielle, non. Mais l’argument selon lequel ces
15 Serbes, ou ceux d’autres régions, ou ceux de quelque autre endroit
16 que ce soit, avaient le droit de demeurer unis au sein d’un Etat
17 commun du peuple serbe, comme le dit le général Kadijevic dans son
18 livre, ayant été avancé à certains moments du processus de
19 dissolution de la Yougoslavie, nous sommes encore une fois en
20 présence d’une situation complexe et ambiguë. Il n’y avait aucune
21 reconnaissance légale, officielle, mais la question était clairement
22 posée, dans ses dimensions politiques ainsi que dans les écrits du
23 général Kadijevic, donc aussi dans ses dimensions politico-
24 militaires.
25 Q. Merci. J’ai reçu une réponse claire et je vois qu’elle est complexe,
Page 496
1 à nouveau. J’aimerais vous renvoyer à la pièce à conviction n° 52.
2 (Remise de la pièce).
3 Vous avez reçu la pièce à conviction n° 52 ? Il s’agit de la
4 décision de la Commission Badinter. Si vous lisez ce qui figure en
5 page 3, comme vous l’avez fait remarquer le 9 mai, La Commission
6 Badinter y admet le fait que les activités des responsables serbes
7 consécutives au plébiscite organisé par les Serbes ont créé des
8 conditions qui ne permettaient pas d’établir entièrement la volonté
9 des peuples de Bosnie-Herzégovine de constituer une République, un
10 Etat indépendant. M. Badinter ajoute qu’un référendum peut être le
11 moyen de faire connaître une telle volonté. Vous avez fait remarquer
12 que le référendum s’est tenu. La décision d’organiser ce référendum
13 a-t-elle été appuyée par les élus serbes de la République de Bosnie-
14 Herzégovine ?
15 R. Elle n’a pas été appuyée par les membres du Parti démocratique
16 serbe. Quelques-uns des élus serbes faisaient encore partie du
17 Parlement et, je crois, soutenaient cette décision. Donc, si vous
18 pensez aux représentants du Parti démocratique serbe, la réponse est
19 qu’ils ne l’ont pas appuyée, je crois, si telle était la question...
20 Q. Combien de représentants serbes étaient membres du Parti et combien
21 n’en étaient pas membres ?
22 R. Je ne me souviens d’aucun de ces deux chiffres, mais une écrasante
23 majorité des représentants serbes à l’Assemblée était membre du
24 Parti démocratique serbe.
25 Q. Vous avez fait remarquer que de nombreux serbes n’ont pas voté lors
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1 du référendum. Vous rappelez-vous quel était le pourcentage des
2 Serbes vivant en Bosnie-Herzégovine en 1991 ?
3 R. Ce pourcentage était d’environ 31 %, peut-être un peu plus, c’est à
4 peu près cela.
5 Q. Un peu plus de 30 % ?
6 R. Un peu plus de 30 %, près d’un tiers de la population.
7 Q. Quel pourcentage de la population a voté, combien de pour cent ont
8 voté lors de ce référendum ?
9 R. Dans mon souvenir, ils ont été 63,5 % à voter, quelque chose comme
10 cela.
11 Q. Dans ces conditions, un référendum peut-il être considéré comme
12 établissant la volonté des peuples - j’insiste sur le pluriel, que
13 j’emploie à l’instar de M. Badinter - de Bosnie-Herzégovine de
14 constituer un Etat indépendant ? Cette décision est-elle venue des
15 peuples ?
16 R. Je ne suis pas sûr de savoir exactement ce qu’est une décision des
17 peuples, mais M. Badinter et le Conseil des Communautés européennes
18 l’ont certainement considérée comme telle.
19 MAITRE ORIE : Madame le Président, si vous permettez, nous avons eu
20 beaucoup de mal à préparer ce contre-interrogatoire, compte tenu de
21 l’absence d’un des membres de notre équipe. Si cela ne vous ennuie
22 pas, pourriez-vous suspendre maintenant, avec cinq minutes d’avance
23 sur l’horaire ? J’aimerais, en outre, porter à votre connaissance le
24 fait que l’Accusation a eu quelques difficultés à maîtriser les
25 problèmes complexes abordés par M. Gow, malgré notre travail
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1 intensif. Nous aimerions tirer profit de la pause-déjeuner pour voir
2 s’il nous sera possible de poursuivre tout l’après-midi.
3 Je vous dis cela car nous avons besoin d’un peu de temps et le
4 week-end arrive. Donc, je ne dis pas que je pourrai conclure cet
5 après-midi. Nous poursuivrons sans aucun doute après la pause-
6 déjeuner. Mais, comme le stipule l’article 21 du Statut, en tant que
7 conseils de la Défense, nous avons droit à des installations, mais
8 aussi à du temps. Nous n’agirons pas de même avec tous les témoins
9 factuels, mais j’aimerais indiquer que nous allons en discuter au
10 cours du déjeuner, et que nous verrons où nous arrivons cet après-
11 midi; à ce moment-là, il est possible que nous vous demandions -
12 peut-être pouvez-vous commencer à y penser - de suspendre l’audience
13 à, disons, 15 h ou 16 h, pour ne reprendre que lundi prochain; nous
14 pourrions donc continuer, nous disposerions d’au moins 48 heures
15 supplémentaires pour réfléchir à tous les problèmes très complexes
16 évoqués dans la déposition de M. Gow.
17 LE PRESIDENT : Serez-vous prêt à poursuivre après le déjeuner ? Vous serez
18 prêt à poursuivre à 14 h 30 ?
19 MAITRE ORIE : Oui.
20 LE PRESIDENT : C’est bien cela ?
21 MAITRE ORIE : Oui, mais nous ne savons pas si nous serons prêts à
22 conclure.
23 LE PRESIDENT : Donc, il vous faudra peut-être davantage de temps, vous
24 souhaiteriez que nous suspendions plus tôt que prévu et que nous
25 poursuivions plus tard ?
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1 MAITRE ORIE : Nous souhaiterions poursuivre lundi; en effet, ce n’est pas
2 qu’une question de temps, nous devons aller dans une bibliothèque,
3 consulter des sources, etc. C’est pourquoi il est possible que cet
4 après-midi, nous vous demandions de suspendre un peu plus tôt, pour
5 reprendre lundi matin.
6 LE PRESIDENT : J’ai une question, simplement, M. Gow, qui porte sur ce
7 point; j’essaie de comprendre ce que vous avez dit hier, M. Gow. 63
8 % de la population totale de la Bosnie-Herzégovine a voté, c’est
9 cela que vous avez dit dans votre déposition ?
10 R. De l’électorat total.
11 Q. De l’électorat total, du total, je suppose, des personnes inscrites;
12 je ne sais pas s’il était nécessaire d’être inscrit ?
13 R. Oui.
14 Q. 63 % des élus ont voté (sic ?). Vous venez de dire, il y a quelques
15 minutes, que 31 % de la population de l’époque se composait de
16 Serbes, en Bosnie-Herzégovine. Savez-vous quel pourcentage de
17 l’électorat serbe a boycotté les élections ? Nous l’avez-vous dit
18 hier ou lorsque vous avez déposé sur ce point, peu importe la date ?
19 R. Je ne vous l’ai pas dit. Je ne crois pas être en mesure de vous le
20 dire. Je serais surpris que quiconque puisse vous le dire
21 précisément. Tout ce que je peux dire, c’est qu’une très forte
22 proportion, une majorité écrasante de la population serbe a boycotté
23 les élections, mais des Serbes de ces régions y ont participé. De
24 même, bien sûr, quelques Musulmans et quelques Croates n’y ont pas
25 participé, je suppose.
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1 Q. Savez-vous quel pourcentage de l’électorat était serbe ? Je suppose
2 que les 31 % en Bosnie-Herzégovine étaient 31 % de la population
3 totale, ou était-ce 31 % de l’électorat ?
4 R. 31 % de la population totale. Je ne connais pas avec précision quel
5 pourcentage de l’électorat ils représentaient, mais je ne vois
6 aucune raison de supposer qu’elle était radicalement différente.
7 Q. Radicalement différente, plus importante que l’autre ---
8 R. Non, je ne vois aucune raison de supposer qu’elle était radicalement
9 différente, donc, je pense que cette proportion était à peu près la
10 même.
11 LE PRESIDENT : Merci. Nous suspendons l’audience jusqu’à 14 h 30.
12 (13 heures)
13 (Suspension d’audience pour le déjeuner)
14 (14 h 30)
15 LE PRESIDENT : Maître Orie, êtes-vous prêt à poursuivre ?
16 MAITRE ORIE : Je suis prêt à poursuivre, Madame le Président. (A
17 l’intention du témoin). M. Gow, je voudrais revenir très brièvement
18 sur la question de la protection des Serbes de Croatie. Serait-il
19 exact de dire que selon le recensement de 1991, près de 570 000
20 Serbes vivaient en Croatie ?
21 R. Je ne sais pas si ce serait exact, mais je crois savoir que les
22 Serbes constituaient près de 12 % de la population de Croatie.
23 Q. 12 % sur une population totale de combien de personnes ?
24 R. Sur une population totale de 4,5 millions d’habitants, je pense.
25 Q. Donc 12 %, cela fait environ 500 000, 12 % de 4,5 millions ?
Page 501
1 R. Encore une fois, vous calculez manifestement plus vite que moi, mais
2 je suis prêt à accepter votre calcul.
3 Q. Savez-vous quel est le nombre approximatif des Serbes résidant
4 encore en Croatie aujourd’hui ?
5 R. Très approximativement, oui, c’est une proportion inférieure à 5 % -
6 excusez-moi, inférieure à, je dois faire attention, je ne suis pas
7 sûr du chiffre que j’ai en tête, est-ce 5 % ou 5 % de ceux qui y
8 vivaient avant ? Mais il est sans doute plus simple de dire que plus
9 de 150 000, je ne connais pas le chiffre exact, mais certainement
10 plus de 150 000, probablement plus de 200 000 Serbes ont quitté le
11 territoire de la Croatie dans le courant de l’année dernière,
12 d’autres l’ayant quitté avant.
13 Q. Ce qui signifie, semble-t-il, pour en revenir à l’arithmétique, que
14 quelques 200 000 ou 300 000 Serbes y vivent encore. Bien sûr, nous
15 sommes partis du chiffre de 500 000, soit 12 % de 4,5 millions,
16 approximativement.
17 R. Non, je ne pense pas que la signification soit celle-ci; car je me
18 rappelle ce que je viens de dire et c’est que dans le courant de
19 l’année dernière, 150.00, peut-être 200 000 Serbes ont quitté le
20 territoire de la Croatie, mais que d’autres l’avaient quitté avant.
21 Je n’ai pas pu préciser le chiffre correspondant à ces départs, mais
22 il est très élevé.
23 Q. Les Serbes qui restent, pensez-vous qu’ils soient moins de 100 000
24 sur le territoire croate ?
25 R. Je dirais que c’est le cas, effectivement.
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1 Q. Moins de 100 000 ---
2 R. Sans doute moins de 100 000, oui.
3 Q. -- en ce moment. Nous avons parlé, ce matin, M. Gow, de la
4 protection des Serbes; nous avons parlé de l’activité de protection
5 et de son sérieux dans un Etat de droit. Dans vos réponses, vous
6 avez déclaré que le Gouvernement croate risquait de ne pas être en
7 mesure de protéger efficacement les Serbes des régions sous contrôle
8 serbe. Les Serbes vivant en Croatie résidaient-ils surtout dans des
9 zones sous contrôle serbe ?
10 R. Je répondrai avec précaution à cette question en raison de l’emploi
11 du terme « surtout ». Près de la moitié de la population, dans mon
12 souvenir, d’après ce que je sais, résidait dans ces zones. D’autres
13 parties de la population serbe vivait dans d’autres régions. La
14 communauté serbe était importante, par exemple, dans les villes de
15 Zagreb et de Split, ainsi qu’en d’autres endroits. Donc près de la
16 moitié des Serbes, était-ce un peu plus ou un peu moins de la
17 moitié, je ne le sais pas exactement, vivait dans des zones sous
18 contrôle serbe.
19 Q. Un grand nombre de Serbes vivaient donc, en Croatie, ailleurs que
20 dans les zones sous contrôle serbe ?
21 R. C’était le cas.
22 Q. M. Gow, êtes-vous au courant de rapports selon lesquels des
23 résidences secondaires serbes auraient été détruites sur le
24 territoire de la Croatie ?
25 R. Si par « rapports », vous entendez des rapports, au sens général du
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1 terme, je suis au courant que des résidences secondaires de Croatie,
2 pas seulement serbes, ont été détruites ou confisquées, et que des
3 résidences secondaires des Serbes ont été impliquées dans ces
4 confiscations de résidences secondaires.
5 Q. Quelles ont été les autres habitations détruites - je parle plus
6 spécialement de destructions, pas seulement de confiscations ?
7 R. Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu destruction, mais un problème a
8 surgi entre la République de Slovénie et la République de Croatie en
9 ce qui concerne les habitations qui étaient la propriété de Slovènes
10 - de citoyens de la République de Slovénie; y a-t-il eu des
11 destructions, je n’en suis pas sûr. Ce n’est pas le genre de choses
12 auxquelles je m’intéresse énormément, mais c’est le souvenir que
13 j’en ai.
14 Q. De quelle époque parlons-nous, lorsque vous faites état de rapports
15 selon lesquels des résidences auraient été confisquées ou détruites
16 ?
17 R. Il s’agit de la période consécutive aux déclarations d’indépendance
18 de la Slovénie et de la Croatie - cette période peut-elle être
19 considérée comme achevée, je n’en suis pas sûr - mais c’est la
20 période qui va au moins du milieu de l’année 1991 jusqu’à une date
21 indéterminée, cette période n’étant peut-être pas achevée -, il
22 s’agit d’une période non spécifiée, peut-être pas encore terminée.
23 Q. M. Gow, êtes-vous au courant de rapports selon lesquels des
24 habitations serbes auraient été détruites en 1990, durant l’été 1990
25 ?
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1 R. Je suis au courant du fait que durant l’été 1990, des incidents se
2 sont produits sur le territoire de la République de Croatie, qui ont
3 impliqué le recours à des habitations appartenant à des citoyens de
4 la République de Croatie qui, selon ces rapports, étaient d’origine
5 serbe ou d’origine croate, ont été attaquées.
6 Q. Où cela s’est-il passé - je parlais des résidences secondaires, des
7 résidences d’été, de quoi est-ce que vous, vous parlez ?
8 R. Dans ce cas, puis-je me corriger ? J’avais oublié que vous parliez
9 des résidences secondaires, et dans le commentaire que je viens de
10 faire, je faisais simplement référence à des habitations attaquées;
11 étaient-ce des résidences secondaires ou des résidences principales,
12 je ne le sais pas.
13 Q. Donc, vous ne connaissez aucun rapport précis selon lesquels des
14 résidences secondaires, des résidences d’été serbes, auraient été
15 détruites sur la côte, durant l’été 1990 ?
16 R. Je ne connais aucun rapport précis, si vous avez en tête un rapport
17 précis.
18 Q. Docteur, je n’ai pas de rapport précis en tête. Etes-vous au courant
19 du fait que les premiers actes de destruction se sont produits
20 durant l’été 1990 et étaient dirigés contre des résidences
21 secondaires serbes, les premiers actes de destruction de tout le
22 conflit ?
23 R. Ne pouvant être au courant des actes auxquels vous faites référence,
24 je ne peux être certain qu’il étaient les premiers, mais étant donné
25 qu’en tout état de cause, la situation étant très complexe, je ne
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1 sais pas exactement quel a été le premier incident impliquant le
2 recours à la violence, je ne crois pas pouvoir répondre de façon
3 satisfaisante à cette question.
4 Q. M. Gow, je voudrais vous interroger sur un autre sujet. Vous avez
5 abondamment parlé, dans votre déposition, des objectifs assignés à
6 la guerre, des objectifs poursuivis par les Serbes, des objectifs
7 assignés à la JNA sur le territoire croate; vous avez fait référence
8 à un livre qui indiquait assez précisément quels étaient exactement
9 ces objectifs. Lorsque vous avez parlé des différentes phases de
10 l’attaque, des différentes phases de la poursuite des objectifs
11 assignés à la guerre en Croatie, était-ce une reconstitution fondée
12 sur des publications parues ultérieurement, telle celle du Général -
13 j’ai oublié son nom, en fait -
14 R. Kadijevic.
15 Q. - oui - ou la nature de l’objectif assigné à cette guerre était-il
16 clair depuis le début ?
17 R. Je regrette, je ne comprends pas bien ce que vous me demandez.
18 Q. Les objectifs assignés à cette guerre étaient-ils clairs, dès le
19 début de celle-ci, pendant son déroulement, étaient-ils déjà clairs,
20 à ce moment-là, ou bien votre déclaration quant à la nature de ces
21 objectifs s’appuie-t-elle avant tout sur ce qui a été écrit plus
22 tard sur le sujet, notamment par le Général que vous venez de
23 mentionner ?
24 R. Je soulignerais, tout d’abord, que le Général en question était, à
25 l’époque en question, responsable de l’Armée populaire yougoslave.
Page 506
1 Q. Oui.
2 R. Nous ne sommes pas en présence, simplement, d’un Général qui examine
3 une situation a posteriori et en fournit une analyse. Le Général
4 était impliqué, il était au coeur d’une grande partie de ce qui se
5 passait. Dans ce cas, je crois permis de dire, sur la base de la
6 description de certaines situations faite par le Général, et comme
7 l’indique également la partie des moyens de preuve liée au général
8 Panic, que la JNA avait une idée claire de la nature de ses
9 objectifs; quel était le degré de précision ou de clarté de cette
10 idée dans les différentes phases, il est difficile de le dire, mais
11 il est certain qu’elle en avait une idée claire, notamment dans les
12 deniers stades, lorsqu’il était question de fixer les frontières des
13 zones qu’elle avait désignées comme devant tomber sous son contrôle;
14 je crois que cela apparaît clairement dans les déclarations selon
15 lesquelles la JNA n’est pas parvenue à atteindre ses objectifs dans
16 certaines régions.
17 Q. Oui.
18 R. Le général Kadijevic a aussi indiqué (et je crois l’avoir déjà dit
19 au cours de ma déposition) qu’il convenait d’opérer dans un but
20 précis, à savoir ---
21 Q. Je n’ai pas compris votre dernière réponse.
22 R. Excusez-moi. Je crois avoir déjà indiqué que le général Kadijevic
23 avait laissé entendre qu’il convenait d’opérer dans un but précis,
24 celui de séparer les communautés afin de réaliser ce que la JNA
25 considérait comme sa mission, consistant à aider le peuple serbe,
Page 507
1 dans ce cas précis, le peuple serbe de Croatie.
2 Ce fait devait, à lui seul, créer une situation dans laquelle,
3 parce que la JNA n’avait pas d’objectif clairement défini, excusez-
4 moi, clairement exprimé, un certain degré d’incertitude a continué à
5 peser, dans les rapports avec la communauté internationale, par
6 exemple, quant à ce qui se passait réellement, même si pas mal de
7 gens de la région, notamment le chef de la Mission de contrôle de la
8 Communauté européenne, Henri Vijnaendts, ont indiqué, à l’époque,
9 qu’ils croyaient être en présence d’une tentative d’accomplissement
10 du genre de projet auquel j’ai fait référence et qui, je crois, a
11 été évoqué par le général Kadijevic dans son ouvrage.
12 Nombreux étaient ceux, en Croatie comme dans d’autres parties
13 de la Yougoslavie, qui estimaient que ce qui était en train de se
14 passer était clair. Donc, je répondrais que ce que la JNA et les
15 forces politiques et militaires serbes étaient en train d’essayer de
16 réaliser était clair. Cela devait être clair aux yeux de la JNA, car
17 les propos des Généraux nous le montrent, mais cela n’a pas toujours
18 été clair aux yeux des nombreux observateurs extérieurs, la nature
19 des objectifs poursuivis n’a pas été exprimée clairement.
20 Q. Ma question était, M. Gow, était-ce clair ou non à vos yeux; je
21 sais, à présent, si cela a été clair aux yeux de la JNA et de bien
22 d’autres personnes. Pourriez-vous, je vous prie, vous exprimer sur
23 le point de savoir si la nature des objectifs assignés à la guerre
24 était, à l’époque, claire à vos yeux ?
25 R. Je pense - je suppose que vous parlez de la période de la guerre en
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1 Croatie, en 1991 ?
2 Q. Oui.
3 R. Mon jugement me dit que dans la période de 1991, pas seulement après
4 la déclaration d’indépendance de la République de Croatie, le 25
5 juin, mais même avant, certains indices pouvaient donner à penser
6 que des éléments de la JNA coopéraient avec les forces politiques et
7 militaires serbes présentes sur le territoire de la République de
8 Croatie; mais dans une telle situation de transition, certaines
9 parties de l ’Armée populaire yougoslave continuaient à prôner
10 l’idée d’une certaine variante de Yougoslavie, et par variante de
11 Yougoslavie, elles entendaient une variante de la Yougoslavie de
12 Tito.
13 Dans ce contexte, je crois qu’il apparaît clairement qu’en
14 dépit du fait que, dans la première partie de 1991, des
15 représentants de la direction politique serbe et des représentants
16 de la JNA à Belgrade ont tenté de discuter, - nous avons vu
17 certaines de ces discussions évoquées dans quelques-unes des
18 séquences vidéo qui ont été projetées - des divergences d’opinion
19 existaient, à cette époque. Donc, ce n’était pas clair, pour une
20 part parce que certaines des actions entreprises relevaient d’une
21 politique délibérément désireuse de faire régner cette absence de
22 clarté, et ce n’était pas clair, et donc, pas clair à mes yeux, pas
23 susceptible de me permettre d’être absolument affirmatif; des
24 indices de collaboration ont existé dans certaines régions, mais pas
25 dans les premiers stades.
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1 Pour autant que je me souvienne, selon mon jugement de
2 l’époque, c’est-à-dire il y a cinq ans et je m’efforce vraiment de
3 me rappeler comment je voyais les choses à l’époque, car ma
4 compréhension des événements a évolué au fur et à mesure que de
5 nouvelles informations étaient disponibles, mais à l ’époque,
6 certains aspects de la guerre étaient peu clairs, notamment en
7 raison des divergences d’opinion et des préoccupations de certains
8 membres de la JNA, ainsi que des préoccupations de certains pro-
9 yougoslaves de la JNA.
10 Q. Merci, M. Gow. Vous avez consacré une partie de votre déposition à
11 parler de l’idéologie de la grande Serbie. Etait-ce l’idéologie de
12 cette seule partie du territoire de l’ex-Yougoslavie, c’est-à-dire,
13 cette idée de la grande Serbie était-elle la seule idéologie
14 opposée, disons, à l’idéologie fédérale, ou y avait-il d’autres
15 idéologies qui cherchaient à étendre leur pouvoir politique sur la
16 base de l’ethnicité ?
17 R. Pour commencer, dans mon souvenir, je n’ai pas parlé de l’idéologie,
18 bien que ce ne soit pas nécessairement un terme inexact, mais de
19 l’idée de la grande Serbie dans le contexte du XIXe siècle; j’ai
20 aussi indiqué qu’au XIXe siècle, une autre idée, et sans doute
21 plusieurs autres idées, avaient également cours; mais l’autre idée à
22 laquelle j’ai fait référence était l’idée yougoslave, l’idée
23 illyrienne, celle d’un cadre qui eût permis de réunir tous les
24 Slaves du sud. C’est dans ce contexte que j’ai fait référence à la
25 grande Serbie. Je suis désolé. Pourriez-vous répéter la dernière
Page 510
1 partie de votre question ? Je l’ai oubliée.
2 Q. Dans votre réponse, vous avez dit : « j’ai évoqué, à part l’idée de
3 grande Serbie », que vous l’appeliez une idéologie ou une idée n’a
4 pas grande importance en ce moment, mais vous avez dit : « j’ai
5 aussi fait référence à une autre idée parmi plusieurs autres ».
6 Pourriez-vous nous dire quelles autres idées, à part celles que vous
7 avez évoquées, avaient cours, à votre avis ?
8 R. Je n’ai pas dit « parmi plusieurs autres ». J’ai dit qu’il a pu y en
9 avoir plusieurs, si ma mémoire est fidèle. Il ne fait aucun doute
10 qu’un certain nombre d’idées précises avaient cours. Je ne me
11 considère nullement un expert en histoire du XIXe siècle, mais je ne
12 vois aucun problème à supposer que certaines personnes existaient,
13 qui souhaitaient créer quelque chose à l’intention d’une des
14 multiples communautés habitant ces territoires et, en particulier,
15 certainement au XXe siècle, de nombreux Croates qui regardaient du
16 côté du Moyen-Age croate ont nourri une telle idée.
17 Q. Ainsi, l’idée de la grande Serbie n’est pas unique, en ce sens qu’il
18 existe également l’idée de la grande Croatie, qui remonte assez loin
19 dans l’histoire ? Cette idée est-elle encore vivace ? Connaissez-
20 vous une époque quelconque où ces idées ont resurgi ? Vous parlez du
21 XXe siècle; parlez-vous de la totalité de ce siècle ou de quelques
22 moments précis ?
23 R. Encore une fois, je crois me souvenir avoir dit qu’il a pu y avoir
24 une idée d’un Etat croate. Je ne vois aucune raison - je ne me
25 rappelle pas avoir beaucoup lu sur le sujet, mais je ne vois aucune
Page 511
1 raison de supposer qu’une telle idée n’ait pas pu faire partie d’un
2 débat intellectuel mené à tel ou tel moment, au cours du XIXe
3 siècle.
4 Lorsque j’ai fait référence au XXe siècle, je crois que
5 l’entité formée sous l’égide des puissances de l’Axe dans les années
6 40, cet Etat indépendant de Croatie, était indicatif de la forme que
7 pourrait revêtir un Etat grand-croate; car, pour autant que je me
8 souvienne, le royaume médiéval de Croatie englobait des parties de
9 la Bosnie-Herzégovine, dont certains estiment que celles-ci
10 devraient faire partie de la Bosnie-Herzégovine.
11 Je n’ai vu se développer aucun débat majeur autour de l’idée
12 selon laquelle, parce que lorsqu’il existait, le royaume de Bosnie
13 englobait des parties importantes de la Croatie et de la Serbie, la
14 Bosnie devrait à présent s’emparer de ces territoires, mais je
15 n’exclue pas la possibilité que quelqu’un, quelque part, ait pu
16 l’affirmer.
17 Q. Vous faites précisément référence à ce qui s’est passé dans les
18 années 40. Cette idée de la grande Serbie a-t-elle refait surface à
19 un moment ultérieur au cours de l’histoire ?
20 R. L’idée de la grande Croatie est axée sur une Croatie débordant des
21 frontières de la République de Croatie actuelle. D’un point de vue
22 territorial - je crois que vous me posez la question du point de vue
23 de l’exercice du pouvoir politique -, mais d’un point de vue
24 territorial, c’est une idée qui a certainement suscité des
25 discussions dans les années 90, mais c’est une idée, et une idée que
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1 certains ont peut-être voulu appliquer, dans une certaine mesure,
2 dans les années 90, sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
3 Q. M. Gow, une idée comparable existe-t-elle, par exemple, pour ce qui
4 a trait à la Macédoine ? Connaissez-vous un quelconque événement en
5 Macédoine, une attitude politique qui chercherait à créer une grande
6 Macédoine ?
7 R. Je ne suis au courant d’aucun mouvement d’envergure qui, au cours
8 des années 90, aurait cherché à créer une grande Macédoine. Je pense
9 que la République de Macédoine s’est créée, s’est trouvée dans une
10 position si vulnérable et si affaiblie qu’il y a eu place pour un
11 débat sérieux et important sur ce sujet (sic). Mais encore une fois,
12 je n’exclue pas la possibilité qu’il puisse y avoir quelqu’un,
13 quelque part, ou plusieurs personnes, quelque part, qui pensent dans
14 ces termes.
15 Q. Connaissez-vous le parti politique de Macédoine appelé IMRO, I-M-R-O
16 ?
17 R. J’en parle en général comme du VMRO, mais, oui, c’est le même, c’est
18 l’organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine.
19 Q. Connaissez-vous la tendance favorable à une grande Macédoine qui
20 caractérise son programme politique ?
21 R. Je sais que c’est une organisation qui s’est créée à la fin du XIXe
22 siècle, je crois, avec l’aide des autorités bulgares, celle des
23 services secrets, je crois; c’était une organisation terroriste
24 défendant la cause de l’inclusion de la Macédoine dans une grande
25 Bulgarie. Elle a joué un rôle important, par exemple, dans
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1 l’assassinat du roi Alexandre, en 1934, à Marseille; je crois avoir
2 déjà fait référence au fait que cette organisation était illégale
3 dans la Yougoslavie de Tito, qu’elle a réapparu en tant que parti
4 politique en 1990, je crois, avec une aile plus radicale et une aile
5 plus modérée et démocratique, qui défendait manifestement une ligne
6 politique plus démocratique et qui aurait pu, d’une certaine façon,
7 avoir été le signe d’une aspiration à une grande Macédoine qui
8 aurait incorporé des parties de la Bulgarie, qui était favorable à
9 une union avec la Bulgarie. Je ne suis pas au courant que cela ait
10 existé, mais comme précédemment, je n’exclurais nullement la
11 possibilité que l’on trouve, dans les documents ou dans les
12 déclarations de membres du VMRO, l’expression d ’une telle
13 aspiration; mais, s’agissant de la situation en Macédoine, je ne
14 pense pas que ce soit une question réellement importante.
15 Q. Le parti IMRO, pouvez-vous nous donner une idée de son importance,
16 était-ce un grand parti ? Lors des élections de 1990, par exemple,
17 quel a été son résultat ? Je veux dire, combien de voix a-t-il
18 recueilli aux élections ?
19 R. Je ne me rappelle pas si - je ne me rappelle pas son score exact,
20 mais je pense qu’il a probablement été le parti le mieux élu et il a
21 certainement fait partie d’une coalition gouvernementale.
22 Q. Merci, M. Gow, sur ce sujet. M. Gow, ai-je raison de comprendre que
23 vous avez déclaré, dans votre déposition, que les non-Serbes (je
24 passe maintenant à un sujet entièrement nouveau) n’ont pas fait
25 grand chose pour préparer la guerre de 91 et 92 en Bosnie-
Page 514
1 Herzégovine ?
2 R. Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre question ?
3 Q. Ai-je bien compris que vous avez déclaré, dans votre déposition, que
4 les non-Serbes n’avaient pas fait grand chose pour se préparer à la
5 guerre de 91 et 92 en Bosnie-Herzégovine ?
6 R. Je ne suis pas sûr d’avoir dit cela dans ma déposition. Je suis prêt
7 à croire que j’ai dit quelque chose de vaguement approchant.
8 Q. Donc, c’est approximativement ce que vous ---
9 R. Je ne me rappelle pas avoir fourni ce témoignage.
10 Q. D’accord, pourriez-vous, dans ce cas, je vous prie, nous donner
11 votre avis un peu plus détaillé quant à la façon dont les non-Serbes
12 se sont préparés, peu ou prou, à la guerre de 91 et 92 ?
13 R. Encore une fois, la question n’est pas simple, pas facile.
14 S’agissant du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, je suppose que
15 c’est ce dont vous parlez lorsque vous évoquez les non-Serbes dans
16 ce contexte, il a déployé quelques efforts limités, assez
17 tardivement, pour tenter de commencer à développer la Défense
18 territoriale et en faire l’Armée de Bosnie-Herzégovine.
19 En même temps et jusqu’au tout dernier moment, peut-être même
20 après le tout dernier moment, y compris, en mai 1992, la présidence
21 et le gouvernement bosniaques ont, sur le plan politique, cherché à
22 conclure un arrangement de quelque sorte que ce soit avec le
23 commandement local de la JNA, pour tenter de renverser certaines des
24 conditions du conflit qui, au début, était en gestation et, plus
25 tard, déjà en cours. La JNA et le gouvernement bosniaque ont coopéré
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1 dans ces efforts, en organisant des patrouilles conjointes pour
2 tenter d’instaurer le calme et, dans la mesure du possible, de
3 désarmer certains groupes non officiels.
4 Agir de la sorte équivalait, et j’utiliserais une citation, je
5 citerais approximativement Laura Silber qui, dans son ouvrage
6 compare cela au fait de confier un poulet, un poulailler à un
7 renard. Cette citation est valable, dans une certaine mesure, car il
8 est clair que des parties de la JNA ont coopéré avec certains
9 éléments des Serbes de Bosnie à la préparation de la voie menant à
10 la guerre. En même temps, je suis prêt à croire qu’il restait, au
11 sein de la JNA, quelques éléments qui s’efforçaient sérieusement de
12 coopérer, je parle de ceux qui n’étaient pas nécessairement
13 impliqués dans ce genre de projet, enfin, qui n’étaient pas au
14 courant du genre de projet que j’ai évoqué précédemment.
15 Quant aux Croates de Bosnie, il est vrai que dans certaines
16 régions d’Herzégovine occidentale, la JNA ayant cherché à désarmer
17 les forces de la Défense territoriale dans les régions fortement
18 croates et n’y étant pas parvenue, dans certaines régions, les
19 Croates locaux avaient réussi à garder le contrôle de certaines
20 armes de la Défense territoriale.
21 Dans le même temps, des éléments appartenant à un groupe connu
22 sous le nom de HOS, H-O-S, un groupe paramilitaire croate qui avait
23 été en Croatie au moment où la guerre s’y déroulait, étaient passés
24 en Herzégovine occidentale et il est permis de considérer cela comme
25 une préparation au conflit.
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1 Q. Ce groupe HOS que vous avez évoqué était-il lourdement armé ?
2 R. Son importance est estimée, je crois, à environ 15 000 hommes et il
3 n’était pas lourdement armé, si par ces mots, vous entendez des
4 armes de gros calibre qui seraient classées dans la catégorie des
5 forces conventionnelles par le Traité européen, mais il était
6 certainement armé.
7 Q. Vous avez évoqué ce groupe HOS, mais il s’agit, si j’ai bien
8 compris, d’un groupe paramilitaire croate. Des groupes
9 paramilitaires musulmans étaient-ils actifs, se préparaient-ils à ce
10 qui pouvait arriver ?
11 R. Excusez-moi, oui, j’allais y venir - il existait un groupe appelé
12 les « bérets verts », qui était un groupe paramilitaire musulman,
13 dont l’importance est très difficile (sic). Je n’ai vu aucune
14 estimation fiable quant à l’importance de ce groupe. Il devait
15 certainement compter des centaines d’hommes, très probablement des
16 milliers et, si je peux anticiper sur votre question suivante,
17 n’était pas lourdement armé, mais était armé.
18 Q. Il était armé ? Cherchait-il à se procurer d’autres armes, M. Gow ?
19 R. Je ne sais pas s’il cherchait à se procurer d’autres armes.
20 Q. Pourriez-vous, je vous prie, indiquer si l’organisation des bérets
21 verts était simplement une organisation locale ou si elle était
22 représentée dans plusieurs localités de la région ?
23 R. Non, je crois qu’elle possédait des unités dans un certain nombre de
24 localités de Bosnie-Herzégovine.
25 Q. Un certain nombre. Pourriez-vous être un peu plus précis parce qu’un
Page 517
1 certain nombre peut vouloir dire trois ou quatre, mais aussi dix ou
2 plus.
3 R. Non, je ne crois pas pouvoir être plus précis; un certain nombre,
4 certainement supérieur à trois ou quatre.
5 Q. Alors, je vous poserai la question suivante : y avait-il des bérets
6 verts à Bugojno ?
7 R. Je crois que j’ignore quelle est la réponse.
8 Q. Y avait-il des bérets verts à Mostar ?
9 R. D’après ce que je me rappelle, j’ai entendu rapporter la présence de
10 bérets verts à Mostar, mais pour quelque information à ce sujet,
11 cela fait longtemps et mes souvenirs sont forcément peu sûrs.
12 Q. Y avait-il des bérets verts à Travnik ?
13 R. Encore une fois, je ferai la même réponse, à savoir que d’après ce
14 que je me rappelle, il peut y en avoir eu, mais je n’ai aucun,
15 aujourd’hui, plusieurs années plus tard, je n’ai aucun souvenir
16 assuré quant au contenu des rapports traitant de cela.
17 Q. Y avait-il des bérets verts à Jajce ?
18 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.
19 Q. Y avait-il des bérets verts à Zenica ?
20 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.
21 Q. A Konjic ?
22 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.
23 Q. A Maglaj ?
24 R. Encore une fois, je ferai la même réponse, avec un peu plus de
25 certitude, dans ce cas.
Page 518
1 Q. A Bihac, M. Gow ?
2 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.
3 Q. Y en avait-il à Gornji Vakuf, je ne sais pas si je prononce bien ?
4 R. Gornji Vakuf.
5 Q. Oui.
6 R. Encore une fois, je ferai le même genre de réponse. Il se peut qu’il
7 y en ait eu, il n’est pas déraisonnable de penser qu’il ait pu y en
8 avoir, mais mon souvenir n’est vraiment plus assez sûr.
9 Q. Y en avait-il à Gorazde, M. Gow ?
10 R. Encore une fois, je ferai la même réponse.
11 Q. Y en avait-il à Sarajevo ?
12 R. A Sarajevo, je peux être pratiquement sûr qu’il y en avait, oui.
13 Q. J’essaie de compter, M. Gow, et j’essayais d’aller jusqu’à trois ou
14 quatre. Pourriez-vous, je vous prie, parce que je n’ai pas trouvé
15 trois ou quatre endroits où leur présence est avérée, pourriez-vous
16 nous dire quelles étaient ces trois ou quatre localités ? Sarajevo
17 en est une et Mostar aussi, je crois ?
18 R. Je regrette, mais je ne suis pas sûr de savoir quels trois ou quatre
19 vous avez à l’esprit.
20 Q. Je vous ai demandé s’ils étaient répartis un peu partout ou
21 simplement dans quelques endroits, car vous avez parlé d’un certain
22 nombre d’endroits.
23 R. Oui.
24 Q. Je vous ai demandé s’il s’agissait de trois ou quatre, ou de dix
25 endroits, car « un certain nombre » est un peu vague à mes yeux. Je
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1 crois que vous avez dit : « Eh bien j’arriverais à trois ou
2 quatre », mais quand je vous ai demandé et je viens de tenter de ---
3 R. Si vous me permettez, je ne me souviens pas avoir dit cela; j’ai dit
4 qu’il y avait plusieurs endroits, certainement plus de trois ou
5 quatre.
6 Q. Certainement plus de trois ou quatre ?
7 R. C’est ce que je me rappelle avoir dit.
8 Q. D’accord. Dans ce cas, je vous demande si vous pouvez me citer
9 d’autres endroits, même si vous dépassez trois ou quatre, car je
10 crois comprendre que vous êtes à peu près sûr au sujet de Sarajevo.
11 R. Au sujet de Sarajevo, j’étais à peu près sûr et au sujet de Maglaj,
12 j’ai des souvenirs assez précis; j’ajouterais que je suppose que la
13 liste que vous venez de lire est celle de lieux où la présence des
14 bérets verts vous a été rapportée, et je ne vois rien de particulier
15 qui me permette d’en disconvenir. Je dis simplement ne pas pouvoir
16 confirmer que c’était bien le cas. Les bérets verts, l’organisation
17 des bérets verts avait été créée et était présente dans plusieurs
18 localités, dont j’ai dit que leur nombre était sans doute supérieur
19 à trois ou quatre. Je ne suis pas sûr de savoir ce que vous me
20 demandez à présent.
21 Q. Je vous demande dans quelles localités ils étaient présents et
22 puisque vous avez dit qu’il pouvait y en avoir trois ou quatre, je
23 tente de découvrir si vous savez de quelles localités il s’agissait
24 ?
25 R. Je répète que j’ai le souvenir d’avoir dit ne pas pouvoir préciser
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1 les localités, lorsque j’ai répondu à la première question que vous
2 m’avez posée dans cette partie de votre interrogatoire; et si ma
3 mémoire me trahit, je vais le dire maintenant, que c’était le cas,
4 que l’organisation des bérets verts avait été créée et était
5 présente dans certaines parties de la Bosnie-Herzégovine. Je n’ai
6 plus le souvenir précis de la majorité des régions où on pouvait les
7 trouver.
8 LE PRESIDENT : Je crois que ce qui s’est passé, si vous me permettez de
9 vous interrompre, c’est que Maître Orie a donné lecture d’une liste
10 de lieux en vous demandant si vous saviez si les bérets verts
11 s’étaient trouvés en ces lieux; vous avez répondu oui pour certains
12 et aussi que vous ne saviez pas. Ce qu’il souhaite que vous fassiez,
13 je pense, c’est de récapituler, est-ce bien cela, et de dire, à
14 présent, dans cette liste, quels sont les endroits où vous pouvez
15 confirmer la présence effective de bérets verts.
16 MAITRE ORIE : S’il n’y en avait pas dans la majorité des lieux que j’ai
17 cités, et si le témoin a déclaré, comme je l’ai compris - je peux
18 m’être trompé, auquel cas je serais heureux de voir corriger mon
19 erreur de compréhension - j’ai eu l’impression de l’avoir entendu
20 dire que dans au moins trois ou quatre endroits du territoire de la
21 Bosnie-Herzégovine, les bérets verts avaient été présents. J’ai cité
22 cette liste mais n’ai pas obtenu plus d’un, ou peut-être deux
23 endroits. Je suis donc curieux de savoir dans quels autres endroits
24 il a été possible de localiser des bérets verts, puisque M. Gow a
25 déclaré qu’il devait y en avoir eu au moins trois ou quatre, ce que
Page 521
1 j’ai compris comme signifiant qu’il y en avait même peut-être plus
2 de trois ou quatre.
3 LE PRESIDENT : Vous trouvez une question dans tout cela ? Sur la liste
4 dont Maître Orie a donné lecture, êtes-vous en mesure, sur la base
5 de vos souvenirs, d’indiquer qu’il y avait des bérets verts dans
6 plus d’un endroit ?
7 R. Si je pouvais --
8 Q. Et dans combien avec certitude ?
9 R. Si je pouvais me rappeler ma réponse, j’ai dit qu’à l’exception de
10 Sarajevo et peut-être de Maglaj, je n’excluais pas la possibilité
11 qu’il y ait eu des bérets verts dans l’une quelconque des autres
12 localités. Je me rappelle avoir répondu que je n’ai plus de souvenir
13 assuré, mais que je considérerais qu’il n’est pas déraisonnable
14 d’estimer qu’il a pu y avoir des bérets verts organisés dans ces
15 régions. Si le souvenir de ce que j’ai dit est erroné, je vous prie
16 de m’excuser, mais je suis pratiquement certain d’avoir dit cela.
17 Je ne disais donc pas que - je n’ai pas répondu que - j’ai
18 répondu qu’ils étaient en plusieurs endroits, en réponse à votre
19 question, dans plus de trois ou quatre endroits, mais s’agissant du
20 nom de ces endroits, je ne me rappelle pas avec précision dans
21 quelles localités il était possible de les trouver, à l’exception de
22 Sarajevo, où leur présence était notable. Excusez-moi, mais je crois
23 que je n’ai peut-être pas été assez clair dans ma façon de répondre,
24 pour commencer.
25 MAITRE ORIE : Je comprends. La deuxième partie de votre réponse a consisté
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1 à dire « au moins à Sarajevo et peut-être à Maglaj », et pourtant
2 vous ajoutez « je n’exclue pas qu’ils aient pu se trouver,
3 également, dans ces autres endroits ». La première partie de votre
4 réponse a consisté, si ma mémoire est bonne, à déclarer qu’on
5 pouvait les trouver dans au moins trois ou quatre endroits.
6 R. Je me rappelle avoir dit qu’ils étaient dans plusieurs endroits,
7 dont le nombre était sans doute supérieur à trois ou quatre, mais
8 que cinq ans plus tard, je ne pouvais pas préciser le nom de ces
9 endroits. Mais je ne vois aucun problème - mais je ne vois aucun
10 problème à admettre qu’il est possible qu’ils se soient trouvés dans
11 certains des endroits que vous avez indiqués.
12 Q. Oui. J’en resterai là. J’inscrirai plus de deux endroits sur ma
13 liste. Avez-vous été au courant de leur présence à Prijedor, la
14 présence des bérets verts ?
15 R. Je ne peux pas dire aujourd’hui que j’ai été au courant de leur
16 présence à Prijedor.
17 Q. A Banja Luka ?
18 R. Encore une fois, je ne peux pas dire que j’ai été au courant de leur
19 présence à Banja Luka.
20 Q. M. Gow, j’aimerais ---
21 R. Mais si je peux, je voudrais dire simplement que je m’appuie sur les
22 mêmes bases que lorsque j’ai répondu aux questions précédentes, à
23 savoir que cinq ans plus tard, il est très difficile de se rappeler
24 exactement des détails aussi précis que ceux-ci.
25 Q. Oui, bien entendu, je comprends qu’il vous est difficile de vous
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1 rappeler avec exactitude les endroits où ils auraient pu se trouver.
2 S’agissant des groupes paramilitaires, j’aimerais vous poser
3 quelques questions au sujet de ce que vous savez des événements de
4 Gorazde. Pourriez-vous commencer par nous dire où se trouve Gorazde
5 ?
6 R. Gorazde se trouve au sud, au sud-est de la Bosnie-Herzégovine, quand
7 on parcourt plus ou moins le bas, au point qui part du coin en bas à
8 droite, l’accès qui part de la frontière avec la Serbie, en passant
9 par la frontière entre la Serbie et le Monténégro, pour déboucher
10 sur la mer Adriatique, en bas. Gorazde est situé dans cette bande
11 d’accès.
12 Q. M. Gow, quelle était la situation ethnique à Gorazde ? Y avait-il
13 une majorité musulmane, une majorité serbe, une majorité croate ?
14 R. Je n’en suis pas sûr.
15 Q. Mais la population ---
16 R. Dans mon souvenir, ou plutôt, je ne suis pas sûr, mais je sais qu’on
17 en parlait, en général, comme d’une ville majoritairement peuplée de
18 musulmans.
19 Q. Comme d’une ville musulmane ?
20 R. Oui, il est classique d’en parler comme d’une ville à prédominance
21 musulmane, mais je ne connais pas les chiffres de tête.
22 Q. Y avait-il une minorité serbe dans cette ville, pour autant que vous
23 le sachiez ?
24 R. Il y en avait une.
25 Q. Il y avait une minorité serbe. Savez-vous si le maire était serbe,
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1 musulman ou croate ?
2 R. Je crains de ne pas être un expert en gouvernement local de Bosnie,
3 je ne peux donc répondre à cette question.
4 Q. Etes-vous au courant d’une arrestation effectuée par le maire de
5 Gorazde, de l’emprisonnement de Serbes ?
6 R. Je ne suis pas au courant de cela. Je ne suis pas davantage expert
7 en activités criminelles locales ou en activités apparentées en
8 Bosnie, que je ne le suis en gouvernement local.
9 Q. Je sais que vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question,
10 mais j’aimerais néanmoins vous la poser, car il est possible que sur
11 certains aspects précis, vous connaissiez la réponse. Etes-vous au
12 courant du fait que la police a été reprise par le gouvernement
13 musulman de Gorazde, pour autant que vous puissiez parler d’un
14 gouvernement ?
15 R. Non, je ne suis pas non plus au courant de cela.
16 Q. Savez-vous ce qu’il est advenu de Gorazde plus tard ? Je ne parle
17 plus de gouvernement local, mais Gorazde a-t-elle jamais été prise
18 par les forces serbes ?
19 R. Les forces serbes ont pénétré dans la ville de Gorazde en avril
20 1994. La ville de Gorazde ---
21 Q. M. Gow, vous permettez ?
22 R. Excusez-moi, je suis désolé.
23 Q. J’essayais d’axer mes questions sur la situation dont nous étions en
24 train de parler, la préparation à la guerre et c’est de là que je
25 suis parti, des groupes paramilitaires, est-ce qu’il y avait des
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1 groupes qui préparaient activement la guerre en 1991 et 1992 ? Donc,
2 j’aimerais connaître votre réponse au sujet, disons, de la période
3 englobant les deux années suivantes. C’est cela qui m’intéresse pour
4 le moment. Donc, j’aimerais savoir si Gorazde a été prise, disons, à
5 la mi-93 ?
6 R. Je suis désolé, pourriez-vous ---
7 Q. Oui, je vais reformuler ma question. M. Gow, la ville de Gorazde a-
8 t-elle été défendue avec succès par les habitants locaux au début de
9 la guerre, en 1992 ?
10 R. Pour autant que je me souvienne, la ville de Gorazde était l’un des
11 points de Bosnie-Herzégovine dont le gouvernement musulman, ou
12 bosniaque, a gardé le contrôle pendant toute la période, même s’il y
13 a eu des périodes de combat dans la région, et il y a certainement
14 eu des périodes où les combats - j’en resterai là.
15 Q. Merci. J’aimerais, maintenant, vous emmener dans la ville de Tuzla.
16 Avez-vous quelque connaissance que ce soit de la composition du
17 gouvernement, de l’identité de ceux qui étaient aux commandes à
18 Tuzla ? Le maire, le Conseil ?
19 R. Je n’ai aucune connaissance de la composition du gouvernement local
20 de Tuzla, mais je peux rendre compte du fait que nombreux sont ceux
21 qui considèrent cette région comme une région où régnait la
22 modération politique.
23 Q. Savez-vous ce qui est arrivé à la JNA qui était en garnison à Tuzla
24 au début de la guerre ? Y avait-il une caserne de la JNA à Tuzla ?
25 R. Il y avait une caserne de la JNA à Tuzla, oui.
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1 Q. Savez-vous combien de soldats, d’officiers de la JNA s’y trouvaient
2 ? Etait-ce une garnison importante ? Etait-ce une petite garnison ?
3 R. Dans mon souvenir, c’était une garnison relativement importante. Un
4 chiffre - je ne me rappelle pas le chiffre.
5 Q. Que leur est-il arrivé lorsque la guerre a commencé, M. Gow ?
6 R. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous me demandez.
7 Q. Qu’est-il arrivé à la JNA ? A-t-elle commencé à se battre ? Est-elle
8 partie en Italie ? Je vous le demande.
9 R. Elle n’est certainement pas partie en Italie, pour autant que je le
10 sache. Je n’ai pas de souvenir précis, je n’ai connaissance d’aucun
11 détail au sujet de ce qui s’est passé mais, plus généralement, je
12 pense que les unités de la JNA sur place se sont, pour la plupart,
13 retirées, peut-être sous la pression de ---
14 Q. Sous la pression de qui ?
15 R. Je crois qu’elles l’ont fait principalement sous la pression de,
16 peut-être sous la pression des circonstances, probablement aussi
17 sous la pression des unités du gouvernement bosniaque.
18 Q. Etes-vous au courant de négociations entre le gouvernement local de
19 Tuzla et la JNA, alors que la JNA était prise au piège dans sa
20 caserne, négociations qui visaient à lui accorder - j’ose à peine
21 prononcer le mot - un sauf-conduit pour sortir de la ville ?
22 R. Je ne suis pas au courant de ces négociations, mais je sais que des
23 négociations de ce genre avaient lieu dans d’autres parties de
24 Bosnie-Herzégovine, donc, par conséquent, cela serait cohérent.
25 Q. Ai-je raison de supposer que vous ne savez rien de ce qui s’est
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1 passé lorsque ces sauf-conduits négociés ont été mis en oeuvre,
2 lorsque la JNA a quitté la ville, au sujet de ce qui est arrivé à
3 ces membres de la JNA ?
4 R. Je pense que vous avez sans doute raison, effectivement.
5 Q. Etes-vous au courant d’une attaque, perpétrée après que sa sortie de
6 la ville ait été négociée, sa sortie de Tuzla, d’une attaque contre
7 ces membres de la JNA qui quittaient la ville ?
8 R. Je ne me rappelle rien de ce genre aujourd’hui, mais encore une
9 fois, ce serait cohérent avec les événements et les circonstances.
10 Q. M. Gow, vous avez parlé de la création des comités de crise par les
11 Serbes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, aux fins de
12 préparer la prise du pouvoir. Le mot que j’utilise n’est pas le bon
13 ?
14 R. Je crois avoir fait référence à quelque chose qui s’appelait un
15 quartier général de crise, mais je me souviens vous avoir parlé de
16 la création de quartiers généraux de crise.
17 Q. Où ces quartiers généraux de crise étaient-ils basés ?
18 R. Les quartiers généraux de crise devaient être organisés, pour autant
19 que je me souvienne, dans les municipalités un peu partout en
20 Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Je me suis trompé; ce que j’ai appelé les comités de crise, je fais
22 référence à ce que vous appelez les quartiers généraux de crise,
23 répartis un peu partout ---
24 R. Krizni Stab.
25 Q. Oui, c’est un mot qui me paraît familier. Les quartiers généraux de
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1 crise étaient-ils exclusivement serbes ou les autres entités en
2 avaient-elles également organisé ?
3 R. Je ne suis pas au courant de quartiers généraux de crise qui
4 auraient été organisés par d’autres protagonistes en Bosnie-
5 Herzégovine.
6 Q. Vous n’êtes pas au courant de l’existence d’une espèce de cellule de
7 crise - qu’elle porte ou non le même nom n’est pas essentiel à mes
8 yeux -, d’une organisation comparable quant à ce qu’il convenait de
9 faire si la guerre éclatait ?
10 R. Si vous êtes en train de dire : est-ce que d’autres protagonistes de
11 Bosnie-Herzégovine ont pris des dispositions pour diriger les
12 régions en cas de survenue de certains autres événements, dans ce
13 cas, ce que je crois savoir, c’est que des préparatifs ont eu lieu,
14 mais qu’ils n’étaient pas du même type ni de la même nature.
15 Q. Quelle était, alors, la différence, M. Gow ?
16 R. Pour autant que je sois capable de cerner cette différence, et il
17 est possible que mes connaissances s’appuient sur un malentendu, le
18 degré auquel le Parti démocratique serbe, qui avait pris des
19 dispositions et s’était organisé sur l’ensemble des territoires de
20 la Bosnie-Herzégovine, n’était pas nécessairement - excusez-moi,
21 était plus intensif, plus détaillé, et impliquait une collaboration
22 plus importante avec les services de sécurité et, en fait, avec les
23 unités de la JNA, que les préparatifs comparables, dont j’ai eu
24 connaissance et que je n’ai appris que par mes lectures, effectués
25 par les autres protagonistes de Bosnie-Herzégovine, mais le fait
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1 demeure, selon mes lectures, que d’autres protagonistes ont effectué
2 des préparatifs.
3 Q. Oui, puis-je comprendre que vous connaissez moins bien le détail des
4 préparatifs effectués par les autres protagonistes ?
5 R. Si vous parlez de la période à laquelle se réfère ma déposition,
6 dans ce cas, je pense que c’est sans doute une évaluation exacte.
7 Q. Merci, M. Gow. Avez-vous eu connaissance du fait que des unités de
8 la JNA ont été prises au piège dans leur caserne ?
9 R. J’en ai eu connaissance.
10 Q. Pouvez-vous, je vous prie, nous dire où elles ont été prises au
11 piège ?
12 R. La JNA a eu des difficultés à son siège de Sarajevo, et en réponse à
13 cela, le Commandant a organisé, en mai, un véritable enlèvement du
14 Président de Bosnie-Herzégovine, alors que celui-ci revenait d’une
15 réunion, d’une réunion de la Communauté européenne avec les
16 protagonistes bosniaques, qui visait à tenter de garantir la sortie
17 de la JNA de sa caserne de Sarajevo.
18 Q. Avez-vous eu connaissance du fait que d’autres unités de la JNA ont
19 été prises au piège dans leurs caserne ?
20 R. Je n’ai pas de souvenir précis de quelque autre unité prise au
21 piège, mais encore une fois, comme cela avait été le cas en Croatie,
22 c’était une tactique des forces n’appartenant pas à la JNA que de
23 tenter de maintenir les forces de la JNA dans leur caserne, dans les
24 casernes, la Bosnie-Herzégovine se distinguant de la Croatie par le
25 fait que, la plupart du temps, la JNA avait déjà retiré le gros de
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1 ses forces des casernes de Bosnie-Herzégovine, mais la tactique
2 demeurait la même.
3 Q. M. Gow, nous venons de parler de quelques organisations
4 paramilitaires, est-ce qu’elles coopéraient avec le gouvernement
5 central ?
6 R. Encore une fois, je ne suis pas sûr de savoir ce que vous me
7 demandez.
8 Q. Je vais reformuler ma question. Y a-t-il jamais eu des réunions
9 communes entre les organisations paramilitaires et des responsables
10 du gouvernement central, en vue d’établir une stratégie commune ?
11 R. Je n’ai aucune connaissance précise quant à des rencontres entre des
12 responsables gouvernementaux et des membres de quelque groupe
13 paramilitaire que ce soit, en vue d’établir une stratégie - est-ce
14 bien cela que vous avez dit ?
15 Q. Etablir une stratégie ?
16 R. En vue d’établir une stratégie militaire. Je n’ai eu connaissance
17 d’aucune rencontre précisément organisée à cette fin.
18 Q. Vous n’avez pas eu connaissance d’une rencontre organisée en
19 décembre 1991, au cours de laquelle M. Izetbegovic a rencontré des
20 organisations paramilitaires ?
21 R. Je suis au courant du fait que M. Izetbegovic a rencontré des
22 membres d’organisations paramilitaires; je ne suis pas au courant,
23 parce que ces réunions étaient rapportées par la presse, du contenu
24 précis de ces réunions.
25 Q. Quelle idée vous faites-vous, alors, - peut-être est-ce une question
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1 trop difficile - quant au sujet de leurs discussions ? De quoi M.
2 Izetbegovic pouvait-il discuter avec des organisations
3 paramilitaires ? Peut-être devrais-je --- ?
4 R. Je réponds ?
5 Q. Je n’aurais rien contre. Je retire cette question, Madame le
6 Président. M. Gow, au moment où, dans votre déposition, vous avez
7 parlé des nombreuses attaques lancées sur le territoire de la
8 Bosnie-Herzégovine, vous avez dit que ces attaques étaient
9 coordonnées. Pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer exactement
10 ce que vous entendez en employant le terme « coordonnées » dans ce
11 contexte ?
12 R. Encore une fois, je ne me rappelle pas avoir employé le terme
13 « coordonnées », mais si j’ai dit « coordonnées », je pourrais peut-
14 être qualifier mon propos dans les termes suivants : il y avait
15 coopération, coordination, entre les dirigeants serbes locaux, entre
16 des éléments de la JNA et certains groupes paramilitaires. Cela
17 faisait partie, selon mon interprétation, d’un programme global et,
18 par conséquent, je le répète, des éléments de coordination étaient
19 impliqués, en vue de s’assurer le contrôle de certaines localités
20 d’une quelconque importance stratégique de Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Je n’ai pas entendu la dernière partie de votre réponse. Pourriez-
22 vous la répéter, je vous prie ?
23 R. Bosnie-Herzégovine.
24 Q. Non, je parlais de la partie antérieure, des dix ou douze derniers
25 mots. Peut-être pourrais-je regarder le procès-verbal. Si cela ne
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1 vous ennuie pas, peut-être ferais-je mieux de regarder le procès-
2 verbal pour voir ce que je peux en tirer. Vous venez peut-être de
3 vous référer aux cartes dont nous avons discuté hier, celles qui
4 montraient les sites militaires des bases aériennes. Y a-t-il jamais
5 eu, par exemple, des attaques simultanées contre des ponts ?
6 R. Je ne suis pas sûr de pouvoir dire qu’il y ait eu des attaques
7 simultanées contre des ponts. Il est certain qu’un certain nombre de
8 ponts ont été détruits, à certains moments, un certain nombre de
9 ponts sur la Sava, ainsi que le pont de Bosanski Brod, je pense, qui
10 a été investi, sinon détruit le 27 mars. Mais je ne suis pas au
11 courant d’attaques simultanées, ou du moins, je ne me rappelle
12 aujourd’hui aucune attaque simultanée.
13 Q. Est-ce très utile, d’un point de vue militaire, de détruire un pont
14 en laissant les autres intacts, sans détruire simultanément les
15 autres ponts enjambant la même rivière ?
16 R. La destruction des ponts est liée à leur usage potentiel à venir et
17 n’a pas besoin d’être effectuée simultanément, mais tout de même,
18 elle doit s’intégrer à un programme d’activités militaires.
19 Q. Vous nous avez dit que cela était planifié, qu’il y avait eu
20 coopération entre la JNA et les autres groupes impliqués. Pourriez-
21 vous nous expliquer, s’il s’agissait d’une action planifiée, quelle
22 idée justifie que l’on se soit attaqué à telle ville en premier,
23 puis à telle autre ? Pourriez-vous nous apporter une explication
24 justifiant la tactique qui sous-tendait exactement cette
25 coordination, en utilisant peut-être la même carte qu’hier ? Il
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1 s’agit de la pièce à conviction n° 66.
2 R. Si vous le désirez. Si je pouvais ---
3 Q. Ce n’est pas la bonne. J’ai la mauvaise carte, en fait. C’est la
4 carte sur laquelle figurent les dates des attaques contre les
5 différents villages. Le Greffe voit-il ce que je veux dire ?
6 LE PRESIDENT : Maître Niemann, pouvez-vous nous aider ? Peut-être est-ce
7 la pièce à conviction n° 58, je ne sais pas ?
8 MAITRE NIEMANN : Il est possible qu’il s’agisse de la pièce à conviction
9 n° 57, Madame le Président.
10 MAITRE ORIE : Je crois qu’il s’agit de la pièce à conviction n° 57, Madame
11 le Président. J’attends que le Greffe la retrouve. Pourriez-vous
12 m’expliquer les aspects systématiques justifiant telle date ou telle
13 autre ? Vous êtes en train de nous parler de coordination.
14 R. Tout d’abord, je pense qu’il peut être nécessaire de dire clairement
15 que nous parlons, encore une fois, d’une situation dans laquelle
16 prévalait une certaine ambiguïté, dans laquelle le fait de lancer
17 une attaque type, régulièrement coordonnée et appuyée par des forces
18 armées régulières, n’eût pas servi les intérêts de ceux qui
19 défendaient le projet de créer les territoires serbes dont j’ai
20 parlé. Cela ne leur aurait pas convenu, du point de vue du type de
21 forces dont ils disposaient, et cela ne leur aurait pas convenu du
22 point de vue de la position diplomatique dans laquelle ils se
23 seraient trouvés. Par conséquent, la nature des attaques, réparties
24 sur une période d’un mois, dépendait en partie des ressources
25 disponibles, du type de forces disponibles et de la nécessité, dans
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1 la mesure du possible, de ne pas faire de ce qui se passait une
2 activité explicite, de façon à pouvoir conserver un certain degré
3 d’ambiguïté à la situation. Encore une fois, je ferais référence au
4 général Kadijevic que j’ai cité hier, parlant de la guerre en
5 Croatie et évoquant la nécessité, dans un sens, de déguiser, de
6 masquer ce qui était réellement en train de se passer.
7 L’importance des localités que je crois avoir montrées hier
8 réside dans le fait qu’elles permettaient de contrôler l’accès à la
9 Bosnie-Herzégovine et la sortie de Bosnie-Herzégovine; donc,
10 s’agissant des villes frontalières situées le long de la Drina, dont
11 certaines, telles Visegrad, étaient majoritairement musulmanes, bien
12 qu’encore une fois, mon souvenir ne soit pas très sûr sur ce point,
13 il convenait de s’assurer que les équipements nécessaires pourraient
14 entrer et sortir de Bosnie-Herzégovine pour approvisionner la JNA ou
15 les autres forces serbes sur place. Vous verrez que Bijelina,
16 Zvornik et Visegrad se trouvent toutes le long des itinéraires
17 principaux qui relient la Serbie et la Bosnie-Herzégovine et, en
18 fait, la principale voie d’approvisionnement ou de communication
19 allait de Belgrade vers le Quartier général de l’Armée qui s’établit
20 en Bosnie lorsque le second District militaire s’est déplacé de
21 Sarajevo à Han Pijesak, ici, à peu près ici, il est difficile d’être
22 sûr sans avoir de point de repère précis, et qu’il a obéi à l’ordre
23 de changer de nom pour prendre celui de Quartier général de l’ARS,
24 en mai. La voie de communication reliant Zvornik et Vlasenica jouait
25 un rôle fondamental dans cette espèce de chaîne logistique. De même,
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1 toutes les forces se déplaçant vers les régions méridionales de
2 Bosnie-Herzégovine, notamment s’agissant du Corps d’Uzice auquel
3 j’ai déjà fait référence à plusieurs reprises, Uzice se trouve ici,
4 quelque part, dans le sud de la Serbie, eh bien encore une fois, ces
5 forces utilisaient couramment ces voies de communication ou
6 d’approvisionnement pour pénétrer en Bosnie-Herzégovine.
7 De l’autre côté, le long de la frontière septentrionale qui
8 longe la rivière Sava, au nord, ici, se trouve la République de
9 Croatie. Il était manifeste que, si les points de passage
10 frontaliers et les principaux points de communication situés
11 immédiatement à l’intérieur du territoire de la Bosnie-Herzégovine
12 n’étaient pas contrôlés, s’ils n’étaient pas contrôlés, eh bien il
13 deviendrait possible pour les troupes croates de pénétrer les
14 régions septentrionales de la Bosnie-Herzégovine. Les troupes de
15 l’Armée croate étaient présentes à Bosanski Brod le 27 mars -
16 excusez-moi, elles étaient présentes à Slavonski Brod, de l’autre
17 côté de la rivière, le 27 mars -, au moment où le conflit s’est
18 produit, au moment où des incidents se sont produits ici.
19 La prise de Bijelina et des régions septentrionales de la
20 Bosnie était notamment importante, je pense, en raison de ce que
21 beaucoup de gens connaissent aujourd’hui, à savoir ce que les Serbes
22 considèrent comme un corridor stratégique vital, qui longe le nord
23 de la Bosnie à partir du territoire de la Serbie, passe par
24 Bijelina, la ville de Brcko et la région périphérique de cette
25 ville, connue sous le nom de corridor de Posavina, pour aller
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1 ensuite vers le nord de la Bosnie et déboucher sur le territoire
2 contrôlé par les Serbes en traversant la ville de Banja Luka qui, je
3 crois, doit se trouver ici, avant d’arriver sur le territoire
4 qu’occupaient, à l’intérieur des terres de Dalmatie, les Serbes de
5 Croatie. Cette liaison était vitale, elle reliait plusieurs
6 territoires serbes auxquels j’ai fait référence hier, et auxquels le
7 général Kadijevic a fait quelques références dans son ouvrage.
8 De même, si vous descendez ici vers la ville de Kupres,
9 indiquée ici, Kupres est importante, car la région indiquée ici, au
10 sud, plus ou moins au sud de cette ville, était un territoire à
11 forte population croate. C’est le territoire dans lequel les forces
12 croates, j’ai parlé du HOS, étaient présentes en quelques points.
13 Kupres est essentielle et les monts de Kupres, qui se trouvent ici,
14 étaient essentiels pour garantir la domination stratégique de la
15 région située à l’ouest, en direction des côtes dalmates, mais
16 également de l’ensemble du territoire menant vers le nord et le
17 centre de la Bosnie. Par conséquent, tous les endroits où ont éclaté
18 les premiers incidents semblaient relever d’un plan stratégique bien
19 pensé, visant à prendre le contrôle de la situation en cas de
20 conflit en Bosnie-Herzégovine.
21 J’espère qu’en disant tout cela, je suis parvenu à répondre à
22 votre question. Si tel n’est pas le cas, je serais heureux de faire
23 une nouvelle tentative.
24 LE PRESIDENT : J’ai simplement une question. Vous avez évoqué tous ces
25 endroits, très certainement la plupart d’entre eux, en les montrant
Page 537
1 sur la carte, sinon en les nommant. Parlez-moi de Prijedor. Vous
2 voyez une date, là, en dessous, celle du 30 avril. Bien sûr, l’Acte
3 d’accusation de ce procès incrimine des agissements dont il est
4 allégué qu’ils ont été commis à Prijedor. Pourriez-vous m’en dire
5 plus sur ce sujet, je vous prie ?
6 R. Ma connaissance de Prijedor - je tiens à vous avertir d’emblée -
7 Q. Vous avez dit n’y être jamais allé, je comprends cela.
8 R. - est relativement limitée. Prijedor apparaît sur la carte en raison
9 d’une discussion qui a eu lieu avec le Bureau du Procureur. Etant
10 donné l’affaire qui nous occupe, il a été estimé que la ville de
11 Prijedor devrait être indiquée, ainsi que la date à laquelle les
12 Serbes en ont pris le contrôle. La prise de Prijedor, d’après ce que
13 j’ai compris, s’est faite sans grande effusion de sang. Elle a
14 impliqué la présence de forces armées, mais il n’y a pas eu de
15 combats importants. C’est ce que j’ai compris, mais, comme je l’ai
16 déjà dit, je n’ai que des connaissances très limitées au sujet de
17 Prijedor.
18 Q. Mais vous vous rendez compte que l’Acte d’accusation incrimine des
19 actes commis dans la région de Prijedor ?
20 R. Je crois, encore une fois, ce que je me rappelle, c’est d’avoir
21 indiqué que tel était le cas et que, compte tenu de la nature de ce
22 procès particulier, une discussion a eu lieu avec le Bureau du
23 Procureur, qui a demandé que Prijedor figure également sur la carte.
24 Q. Donc vous ---
25 R. Si vous le permettez, j’ajouterais que Prijedor se trouve aussi le
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1 long de cet axe de communication majeur, qui traverse le nord de la
2 Bosnie pour aller vers les territoires Serbes de Croatie.
3 Q. Dans ce cas, pouvez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet
4 d’autres actions que celles que vous avez évoquées, aux alentours du
5 30 avril, en poursuivant peut-être même jusqu’à la fin de l’année ?
6 Avez-vous des connaissances tirées de vos lectures ? Vous nous avez
7 dit que votre déposition d ’aujourd’hui s’appuyait sur la lecture
8 que vous avez faite de la presse. Donc, même si vous n’avez pas de
9 connaissance de première main, vous avez dû lire des articles au
10 sujet des événements survenus à Prijedor, je vois la ville sur la
11 carte ici, et ce serait très intéressant par rapport à ce que l’on
12 nous demande d’examiner. Je pensais que nous pourrions obtenir cela.
13 Pouvez-vous dire quoi que ce soit au Tribunal au sujet des actes
14 commis à Prijedor, le 30 avril ou aux environs du 30 avril, selon ce
15 qu’indique la pièce à conviction, quel est son numéro, la pièce à
16 conviction n° 57 ?
17 R. Avant de faire la moindre tentative pour répondre à votre question,
18 je tiens à dire que lorsque l’on m’a demandé de prêter assistance au
19 Bureau du Procureur dans cette affaire, j’ai effectué quelques
20 recherches spécifiques à cette fin et à l’époque, compte tenu de mon
21 expérience, je croyais connaître suffisamment certains détails et
22 certains événements survenus dans la région. Ce travail ne fait pas
23 partie intégrante de mes connaissances globales de la situation,
24 comme c’était le cas des questions précédentes relatives à Gorazde.
25 La plupart du temps, je ne dispose pas de toutes les informations
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1 précises, au moindre détail près. J’ai agi dans le cadre de mon
2 travail à Londres en me fondant sur des photos générales, même si
3 j’ai, parfois, j’ai, par hasard, obtenu des renseignements plus
4 détaillés. Dans ce contexte, je dirais que malgré les quelques
5 recherches approfondies que j’ai effectuées au sujet de la région de
6 Prijedor, je ne me sens plus entièrement à l’aise, notamment dans
7 cette situation, et je dis que bien que satisfait du travail
8 accompli à un certain moment, jusqu’à un certain moment, je ne pense
9 pas qu’il serait bon que j’aille beaucoup plus loin que cela sur le
10 sujet de l’affaire de Prijedor.
11 Je peux indiquer que la prise de Prijedor a eu lieu le 30
12 avril, que des unités militaires étaient présentes, qu’une série
13 d’événements a eu lieu ensuite et que dans la région, en mai par
14 exemple, d’autres incidents plus violents se sont également produits
15 dans des villages proches de l’opstina, mais je ne me considère pas,
16 je considère qu’au sujet de la région de Prijedor, mes connaissances
17 sont générales et non précises. Si vous désirez que j’aille plus
18 loin que cela, je serais heureux de le faire, mais je ne jugerais
19 pas, personnellement, que ce soit une bonne chose à faire.
20 Q. Si vous n’en n’êtes pas capable, je ne vous le demanderai
21 certainement pas. J’imagine que quelqu’un nous parlera de Prijedor.
22 MAITRE NIEMANN : Madame le Président, puis-je venir à votre aide sur ce
23 point ? Nous avons l’intention d’appeler un témoin qui traitera de
24 Prijedor en particulier.
25 MAITRE ORIE : M. Gow, j’aimerais toutefois vous poser une question sur ce
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1 sujet. Vous avez choisi onze lieux sur une carte et, pour autant que
2 je l’aie compris, vous avez présidé à la confection de cette carte
3 qui est censée illustrer un plan d’activités coordonné. Pour quelle
4 raison avez-vous placé Prijedor sur cette carte, ainsi que la date
5 du 30 avril et pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer quel est
6 le rapport temporel qui unit tous ces lieux, qu’est-ce qui explique,
7 précisément, que Bosanski Brod soit associé à la date du 27 mars et
8 Prijedor à celle du 30 mars (sic), à part le fait que 32 jours
9 exactement se soient écoulés entre ces deux dates ? Pourriez-vous,
10 je vous prie, nous expliquer cela, car vous avez dit hier, dans
11 votre déposition, que cela expliquait beaucoup de choses ? Qu’est-ce
12 que cela explique, exactement, du point de vue du temps et de la
13 coordination des actions ?
14 R. Je me rappelle avoir répondu il y a quelques instants, à la première
15 partie de votre question, que la ville de Prijedor, je pense avoir
16 répondu cela à la question de Madame le Président MacDonald,
17 Prijedor en particulier a été placée sur la carte suite à une
18 discussion avec le Bureau du Procureur, qui a pris cette décision.
19 J’ai été invité à la placer sur la carte, car cela devait être
20 utile, dans le contexte de l’affaire particulière qui vous occupe.
21 L’incident survenu à Prijedor, la prise de Prijedor, n’a pas, pour
22 autant que je puisse en juger, impliqué un recours actif à la
23 violence armée, contrairement aux autres endroits que j’ai indiqués.
24 Mais Prijedor trouve néanmoins sa place dans le cadre que j’ai tenté
25 de décrire, d’établir, au cours du premier mois, à peu près, de
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1 conflit armé, à savoir une semaine environ, ou dix jours avant la
2 reconnaissance internationale de l’identité internationale
3 indépendante de la Bosnie-Herzégovine et pendant le reste de ce même
4 mois, après cette reconnaissance, plusieurs actions armées ont été
5 menées dans des localités précises et l’importance des localités
6 indiquées sur la carte vient de ce qu’elles pouvaient jouer un rôle
7 vital, sur le plan stratégique, en cas de guerre.
8 L’incident de Bosanski Brod est survenu le 27 mars, comme je
9 crois l’avoir déjà indiqué, mais je suis heureux de le redire. Je
10 suspecte qu’à l’époque, et c’était la première fois, il a été dû
11 précisément aux informations faisant état de la présence de forces
12 croates de l’autre côté de la rivière et si l’interprétation que je
13 vous ai fournie est exacte, s’agissant de la nécessité de contrôler
14 les points d’entrée et de sortie de Bosnie-Herzégovine, en vue,
15 notamment, d’empêcher les forces croates venant de Bosanski Brod de
16 descendre jusqu’à Banja Luka, si cela est exact, l’intervention des
17 forces armées est devenue, de ce fait, nécessaire plus tôt que cela
18 n’eût été le cas en d’autres circonstances.
19 Je pense que dans ce contexte, j’essaie de m’exprimer très
20 clairement, les localités indiquées ne sont pas seulement celles où
21 des incidents armés se sont produits pendant cette période. Par
22 exemple, le pilonnage important de Sarajevo était en train de
23 commencer - ce ne sont pas seulement les lieux dans lesquels des
24 incidents armés se sont produits qui sont indiqués, mais au cours
25 des premiers temps de la guerre, plusieurs régions ont subi un
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1 traitement comparable, qui visait à prendre le contrôle de positions
2 importantes en Bosnie-Herzégovine, qui seraient importantes aux yeux
3 de toute personne cherchant à conduire des opérations futures, dans
4 une perspective militaire et politique de nature stratégique, car
5 cela pouvait leur permettre, plus généralement, de créer les axes
6 des territoires destinés à faire partie de l’entité serbe à
7 laquelle, je le répète, j’ai déjà fait référence un peu plus tôt
8 dans ma déposition. Ces territoires étaient définis comme devant
9 englober à la fois les régions autonomes serbes et les types de
10 territoires auxquels, je crois, le général Kadijevic faisait
11 référence.
12 Q. M. Gow, je pense que je ne poursuivrai pas davantage sur ce point,
13 bien que je n’aie toujours pas compris clairement ce qu’est une
14 coordination dans le temps et que je ne voie toujours pas clairement
15 pourquoi vous avez placé Prijedor sur cette carte alors que Sarajevo
16 n’y figure pas; Prijedor, en effet, n’a pas fait partie de l’action
17 militaire. Mais j’en resterai là.
18 LE PRESIDENT : Parce que ce n’est pas exact ?
19 R. Je crois avoir indiqué que, bien que des éléments armés aient été
20 impliqués, selon moi, à l’époque de la prise de Prijedor, la
21 violence en tant que telle, du moins si l’on en parle sans rentrer
22 dans le détail et, je le répète, d’autres que moi viendront sûrement
23 témoigner de façon plus détaillée sur le sujet, n’a pas - excusez-
24 moi, le degré de violence n’a pas été notable - mais j’ai indiqué
25 que si Prijedor a été placée sur la carte, en partie en raison de
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1 l’affaire particulière qui nous occupe et pour aider le Tribunal, il
2 est également important de remarquer que nous nous situons dans la
3 première partie du conflit et que Prijedor était l’un des points
4 situés sur les axes de communication menant au nord de la Bosnie.
5 J’ai indiqué que l’objectif stratégique vital d’une action de ce
6 genre consistait à s’assurer le contrôle des principaux axes de
7 communication menant au nord de la Bosnie, ainsi qu’au sud et au
8 sud-ouest de la Bosnie. Je crois avoir dit cela, mais j’espère avoir
9 pu à présent rendre les choses plus claires.
10 MAITRE ORIE : M. Gow, vous considériez que les Serbes ont provoqué le
11 conflit en ex-Yougoslavie. Vous êtes-vous forgé cette opinion,
12 lorsque vous avez évalué ces problèmes, parce que vous avez un
13 préjugé contre les Serbes ?
14 R. C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre, car
15 je ne suis pas sûr d’être entièrement d’avis que les Serbes ont
16 provoqué le conflit, si c’est cela que vous avez dit, mais que ce
17 soit ce que vous avez dit ou pas, il est certainement inexact
18 d’affirmer que cela reflète un préjugé, de quelque nature que ce
19 soit, de ma part.
20 Q. M. Gow, un article vient de vous être remis. Pouvez-vous me dire qui
21 en est l’auteur ?
22 R. Moi-même.
23 Q. Je demande que cet article soit versé au dossier.
24 LE PRESIDENT : Souhaitez-vous que lui soit affecté un numéro particulier,
25 ou est-ce que cela sera la pièce à conviction n° 1, A, B de la
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1 Défense ?
2 MAITRE ORIE : Je pense que M. Bos se chargera de cela.
3 LE PRESIDENT : D1. L’article sera désigné sous la cote D1, et vous l’avez
4 identifié comme étant un article écrit par vous, M. Gow. Maître
5 Niemann, savez-vous de quel article il s’agit ?
6 MAITRE NIEMANN : Je ne sais rien à son sujet, Madame le Président. Peut-on
7 me le remettre ?
8 MAITRE ORIE : Nous avons des copies. M. Gow, j’aimerais donner lecture de
9 quelque portions de cet article. Dans la première partie, vous
10 commencez cet article, intitulé : « Le nationalisme serbe et le
11 serpent sifflant dans l’ordre international : quelle souveraineté,
12 quelle nation ? », je lis : « L’écroulement du communisme a déchaîné
13 un serpent sifflant et qui a craché son venin avec le plus de
14 causticité dans les ruines de l’Etat qu’était l’ex-Yougoslavie. Si
15 le sifflement de ce serpent a été entendu ailleurs, dans l’Europe
16 post-communiste, le cas de la Yougoslavie en fournit, par sa
17 virulence, l’exemple le plus frappant, notamment en raison du fait
18 que les problèmes en cause y ont été le mieux définis, mais aussi
19 parce qu’un autre serpent, particulier au contexte yougoslave, y
20 sifflait. En fait, la créature (sic) particulière est la promptitude
21 avec laquelle le serpent sifflant caractérise les problèmes de
22 souveraineté, d’autodétermination, d’identité étatique et de
23 sécurité - les quatre mots en « s » qui sont revenus sur la scène
24 européenne avec un désir de vengeance et qui renvoient à des échos
25 significatifs au niveau planétaire ».
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1 Ce sont des mots très forts, n’est-ce pas, M. Gow ?
2 R. Je ne sais pas, je ne sais pas ce que vous entendez par - je crains
3 de ne pas comprendre ce que vous entendez par « des mots très
4 forts », mais ---
5 Q. Je crains de ne pouvoir m’exprimer plus clairement qu’en utilisant
6 l’expression « des mots très forts ».
7 LE PRESIDENT : En fait, lorsque le M. Gow déclare ne pas savoir ce que
8 vous entendez par « des mots très forts », je dirais, je ne sais
9 pas, qu’il dit « je ne peux pas dire s’ils sont forts ».
10 MAITRE ORIE : Je pensais avoir été clair, mais je dois poser la question à
11 mes collègues anglophones. Je suis d’accord avec mes amis
12 britanniques pour dire que ces mots étaient empreints d’émotion, que
13 vous avez dépeint une situation à l’aide d’images, voilà ce que
14 signifie l’expression « des mots très forts ». Je suis d’accord. Ai-
15 je bien compris ?
16 R. Si vous suggérez qu’il s’agissait d’une tentative d’écrire une
17 introduction légèrement littéraire et imagée, dans ce cas, je ne
18 crois pas que je pourrais me risquer à dire que tel n’était pas le
19 cas.
20 Q. D’accord. Vous êtes allé plus loin, M. Gow, et je vais continuer à
21 lire - « Le serpent sifflant particulier au contexte yougoslave, le
22 serpent qui a inspiré ce contexte est celui du nationalisme serbe,
23 regroupé autour des quatre « s » apparaissant dans le symbole
24 traditionnel serbe et qui, pour certains, peut se comparer à la
25 croix gammée des nazis ». Je voudrais vous lire un autre passage.
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1 LE PRESIDENT : Pour le procès-verbal, je vous prierais, Maître Orie,
2 d’indiquer de quelles pages vous tirez les passages dont vous donnez
3 lecture.
4 MAITRE ORIE : Oui. Le premier passage dont j’ai donné lecture, Madame le
5 Président, était tiré du premier paragraphe de la page 456. Le
6 deuxième passage provenait de la page 457, pratiquement au bas de
7 cette page, les premières lignes de l’intitulé « SSSS, le serpent
8 sifflant du nationalisme serbe ». Je vais, à présent, lire un
9 passage tiré de la page 471. Il y est écrit, en haut de la page :
10 « Le fait réel que la Serbie ainsi que les Serbes vivant en dehors
11 des frontières de la Serbie ont provoqué les autres Républiques pour
12 que celles-ci déclarent leur indépendance et commencent la guerre ne
13 peut être ignoré, pas davantage qu’un autre fait réel, le fait que
14 si les Serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine refusaient de
15 reconnaître ces Etats, un problème de légitimité était posé ».
16 Vous avez poursuivi, M. Gow, et je lis à présent un passage
17 tiré de la page 475, la première page de la conclusion : « La grande
18 question qui se posait à la communauté internationale, à la veille
19 de l’écroulement de la Yougoslavie et de l’Union soviétique, a
20 consisté à trouver un terrain d’entente avec le serpent sifflant sur
21 les questions soulevées par la fin de la guerre froide; celles de la
22 souveraineté, de l’autodétermination, de l’identité étatique et de
23 la sécurité. L’écroulement du communisme et la nécessité de
24 reconstruire des Etats, dans certains cas, celle d’en construire de
25 nouveaux, a fait évoluer les points de vue découlant de ces
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1 conceptions. Chacune a dû être abordée avec une urgence nouvelle et
2 a dû subir un processus de réinterprétation. Ce processus s’est
3 déroulé à la lumière de la guerre de dissolution de la Yougoslavie,
4 au coeur de cette guerre et entouré par cette guerre. Si ces
5 questions n’étaient pas les seules, si elles n’étaient même pas les
6 éléments cruciaux de la guerre, elles y ont joué un rôle important.
7 « Il est manifeste qu’une bonne compréhension de ces mots à
8 double sens, sinon la simple prise de conscience de leur existence,
9 est nécessaire pour traiter les problèmes résultant de leur
10 ambiguïté. Les conséquences que pourrait avoir une compréhension
11 différente est attestée par la guerre de Yougoslavie, dans laquelle
12 le serpent sifflant du nationalisme serbe s’est déroulé parce que
13 ces questions se posaient. Les événements de Yougoslavie ont montré
14 ce qui peut arriver lorsque des concepts de ce genre ne sont pas
15 compris par l’un ou l’autre des protagonistes, ou lorsque ceux qui
16 ne sont pas impliqués dans un conflit tentent de s’en mêler ».
17 Pour finir, je vais vous lire la fin de l’article dont vous
18 êtes l’auteur : « Il arrive qu’il faille affirmer la souveraineté en
19 recourant à la force armée - et le recours à la force armée peut
20 être le seul moyen de parvenir à mater quelque peu les serpents
21 sifflants lorsqu’ils ont commencé à cracher leur venin ».
22 Votre description péjorative de la Serbie n’est-elle pas le
23 signe d’un préjugé ?
24 R. Je ne - je ne suis pas au courant de l’existence d’une description
25 péjorative, c’est bien cela que vous avez dit ?
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1 Q. La description de la Serbie.
2 R. Je ne suis pas au courant qu’il y ait une description de la Serbie,
3 en tout cas pas de description péjorative, elle n’est donc le signe
4 d’aucun préjugé d’aucune sorte.
5 MAITRE ORIE : Madame le Président, je voudrais vous demander, et je vous
6 renvoie à ce que j’ai dit ce matin, si vous pourriez nous accorder
7 un report jusqu’à lundi matin, car nous devons nous préparer. Nous
8 ne pouvons pas tout faire ici. Nous devons trouver des sources, pour
9 cela, nous avons besoin du week-end. Nous accordez-vous un report ?
10 LE PRESIDENT : Oui. Nous pouvons suspendre l’audience aujourd’hui avec
11 près d’une heure d’avance, quinze minutes environ. Normalement, nous
12 suspendons à 17 h 30, donc nous allons suspendre, mais vous
13 comprendrez, comme cela a été dit plus tôt, avant le déjeuner, que
14 c’est une mesure exceptionnelle, qui ne devrait pas, j’espère,
15 devenir pratique courante.
16 MAITRE ORIE : Cela ne deviendra pas pratique courante, mais énormément de
17 documents ont été présentés et discutés et, par ailleurs, Maître Kay
18 ne nous aide pas depuis quelques jours.
19 LE PRESIDENT : J’ai compris cela. Mais les pièces à conviction ont été
20 communiquées au préalable. L’Accusation, j’en suis sûre, a fourni à
21 la Défense l’ensemble de ses pièces à conviction.
22 MAITRE NIEMANN : Oui. en décembre dernier, Madame le Président.
23 LE PRESIDENT : Est-ce exact ?
24 MAITRE WLADIMIROFF : C’est exact. Je pourrais dire, à titre
25 d’éclaircissement, que nous nous sommes répartis la préparation et
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1 c’est là qu’un problème s’est posé.
2 LE PRESIDENT : Je comprends. Vous avez vos problèmes et je suppose que
3 j’ai des responsabilités. Mes responsabilités consistent à ne pas
4 être trop souple. Je tente donc de vous inciter à respecter les
5 délais. Normalement, nous suspendrions à 17 h 30, mais je comprends
6 vos problèmes. Nous suspendons jusqu’à lundi à 10 heures.
7 (Suspension d’audience jusqu’au lundi 13 mai 1996)
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10 Témoin : M. Gow Traduction
11 Vendredi 10 mai 1996 Affaire n° IT-94-1-T
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