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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi, le 6 juin 1996
4 (10 heures)
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, allez-vous vous occuper du témoin
6 suivant - non pas vous en occuper, mais l'interroger ?
7 M. KEEGAN : Oui, Mme la Présidente. L'Accusation appelle le colonel Ludwik
8 Kranjc.
9 LE COLONEL LUDWIK KRANJC est appelé à la barre.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, pourriez-vous prêter serment, s'il
11 vous plaît ?
12 LE TEMOIN (interprétation) : Je jure solennellement de dire la vérité,
13 toute la vérité, rien que la vérité.
14 (Prestation de serment du témoin)
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
16 (Interrogatoire par M. KEEGAN)
17 QUESTION : Colonel Kranjc, pour le procès verbal, quels sont vos nom et
18 prénom ?
19 REPONSE : Je m'appelle Ludwik Kranjc.
20 QUESTION : Etes-vous né en Slovénie, dans l'ex-Yougoslavie ?
21 REPONSE : Je suis né le 13 septembre 1943 dans la municipalité de Lasko,
22 République de Slovénie.
23 QUESTION : Après vos études secondaires, avez-vous étudié à l'Académie
24 militaire yougoslave à Belgrade ?
25 REPONSE : J'ai étudié à l'Académie militaire à Belgrade de 1962 à 1965.
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1 QUESTION : Qui était l'un de vos camarades de promotion ?
2 REPONSE : L'un des sous-lieutenants de ma promotion en 1965 était le
3 général Ratko Mladic.
4 QUESTION : Quelle était votre arme durant votre service ?
5 REPONSE : J'étais officier d'unités blindées et mécanisées dans l'armée
6 populaire yougoslave.
7 QUESTION : Quand avez-vous quitté l'armée ?
8 REPONSE : J'ai quitté l'armée le 31 octobre 1962 (sic)
9 QUESTION : Quel était votre grade à cette époque ?
10 REPONSE : Mon grade était colonel de l'Armée populaire yougoslave.
11 QUESTION : Colonel Kranjc, la traduction de la réponse à la question sur
12 la fin de vos fonctions militaires mentionne 31 octobre 1962.
13 Vouliez-vous dire 1992 ?
14 REPONSE : 1992, je m'excuse. J'ai quitté l'armée le 31 octobre 1992.
15 QUESTION : Vous avez quitté les rangs de quelle armée ?
16 REPONSE : Je servais dans les rangs de l'Armée populaire yougoslave et
17 j'ai officiellement terminé mon service dans l’Armée de Yougoslavie.
18 QUESTION : Quand vous avez quitté l'armée, quel poste occupiez-vous ?
19 REPONSE : J'ai terminé au poste d'Officier chargé des opérations au
20 commandement du 1er corps de la Krajina.
21 QUESTION : Le quartier général du corps se trouvait-il dans la région de
22 Banja Luka en République de Bosnie-Herzégovine ?
23 REPONSE : Oui, son quartier général était dans la région de Banja Luka.
24 QUESTION : Pouvez-vous décrire brièvement les types de commandements et
25 autres postes majeurs que vous avez occupé dans l'armée yougoslave
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1 entre septembre 1965 et septembre 1992 ?
2 REPONSE : De 1965 à 1971, j'ai occupé divers commandements subalternes au
3 Centre de formation.
4 QUESTION : Avez-vous commandé des unités blindées aux échelons de la
5 compagnie, du bataillon et de la brigade ?
6 REPONSE : Puis de 1971 jusqu'en 1992, j'ai été officier des opérations au
7 commandement de régiments en Slovénie et au commandement de
8 bataillons à Vipava jusqu'en 1975. Je suis ensuite allé à l'Ecole de
9 guerre supérieure d'où je suis sorti en 1977 avec d'excellentes
10 notes. De 1977 à 1982 j'ai dirigé un cours au centre de formation
11 militaire de Banja Luka. J'ai ensuite été transféré à Belgrade
12 auprès du Chef d'état-major du 1er corps de cavalerie jusqu'en 1984.
13 De 1984 à 1985 je suis sorti de l'Ecole de défense nationale, la
14 plus haute institution d'enseignement de l'Armée populaire
15 yougoslave.
16 De 1985 à 1989 j'ai commandé une brigade d'unités blindées à
17 Pancevo. J'ai ensuite été transféré à Banja Luka et, de 1989 à 1991
18 j'ai été Officier des opérations au commandement du 5ème corps déjà
19 mentionné. De mai 1991 à mai 1992, j'étais Commandant du Centre de
20 formation des unités blindées et mécanisées à Banja Luka et en mai
21 j'ai été transféré au commandement du 5ème corps.
22 QUESTION : Le 5ème corps est devenu plus tard le 1er corps de la Krajina ?
23 REPONSE : En mai ou fin mai, le 5ème corps du 2ème district militaire a
24 été rebaptisé 1er corps de la Krajina de l'armée de la République
25 ... Je m'excuse, de l'armée de la Republika Srpska.
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1 QUESTION : Durant votre formation en tant qu'officier subalterne et aux
2 diverses écoles militaires que vous avez connues, vous a-t-on
3 enseigné qu'il y avait une méthode et un format standard de
4 préparation d'un ordre d'opérations ?
5 REPONSE : A l'Ecole on nous apprenait les tâches opérationnelles à
6 l'échelon du bataillon ainsi que la planification et la conduite des
7 opérations jusqu'aux échelons de l'armée et du corps d'armée. Et à
8 l'école militaire supérieure, en plus de la planification pour le
9 commandement du corps et de l'armée, on nous enseignait aussi la
10 planification pour l'utilisation de l'ensemble des forces armées de
11 la République socialiste fédérative de Yougoslavie.
12 QUESTION : Le format de base d'un ordre d'opérations est-il resté le même
13 durant toute votre carrière ?
14 REPONSE : La planification des opérations de combat était régie par une
15 réglementation intéressant le combat pour un échelon donné d'unité
16 et par certains autres règlements et ouvrages applicables à
17 l'ensemble des forces armées. Ces règlements ont été observés durant
18 toute ma carrière dans l'armée.
19 QUESTION : Tous les officiers chargés de la planification dans chaque
20 unité de la JNA étaient-ils tenus de respecter le format ?
21 REPONSE : Oui. Leur participation était régie par le poste qu'ils
22 occupaient. Les instructions étaient très précises. A l'échelon
23 subalterne, les officiers savaient comment utiliser et planifier les
24 opérations de combat pour leur échelons; et les officiers supérieurs
25 étaient au courant des règles à leur échelon.
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1 QUESTION : Pourriez-vous expliquer brièvement le processus et le contenu
2 d'un ordre d'opérations de combat ?
3 REPONSE : Quand un commandant d'unité reçoit une tâche de son supérieur
4 hiérarchique, il l'étudie pour la comprendre et définit un concept
5 fondamental la concernant qu'il communique aux membres de son
6 commandement. Puis les organes constituant ce commandement, en
7 fonction de leurs compétences et des départements dont ils ont la
8 charge, préparent des propositions pour le commandant, concernant
9 l'utilisation et l'engagement des unités. Après ces propositions, le
10 commandant de l'unité transmet la principale décision et familiarise
11 les membres de son commandement à son sujet. Sur cette base, l'ordre
12 final est donné concernant l'engagement des unités au combat. Cet
13 ordre comprend plusieurs parties ou points.
14 Il commence par des données sur l'ennemi, l'agresseur ou
15 l'adversaire. Le deuxième point définit la tâche de l'unité
16 particulière engagée. Le troisième point concerne les tâches et
17 données relatives aux unités voisines des forces de chacun, sur les
18 deux flancs, à l'avant et à l'arrière, si ces unités existent. Au
19 quatrième point, la décision est exprimée, décrite brièvement - la
20 décision du Commandant qui explique comment le commandant des unités
21 subalternes va exécuter les tâches assignées au point deux. Au point
22 cinq et dans ses sous-parties, les tâches spécifiques sont indiquées
23 pour l'utilisation des unités, y compris la direction de leur action
24 ou la zone sous leur responsabilité, les modalités d'exécution de
25 ces tâches, qui les appuiera, où se situe le poste de commandement
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1 de l'unité intéressée et quelques autres données nécessaires.
2 Les points suivants sont consacrés aux différents types de soutien
3 dont bénéficieront ces unités - artillerie, train, défense
4 antiaérienne etc. Un point aborde ensuite le soutien logistique puis
5 un autre le soutien moral, les renseignements, les questions
6 politiques et diverses. Enfin, l'ordre se termine par la structure
7 du commandement et les signaux, l'endroit où se situe le poste de
8 commandement de l'unité et le réseau de communication entre les
9 unités. Puis l'ordre porte la signature du Commandant.
10 QUESTION : L'ordre doit-il être signé par le commandant de l'unité qui le
11 prépare avant d'être transmis aux unités subalternes ?
12 REPONSE : Oui, il doit être signé.
13 QUESTION : En supposant que le temps le permette, chaque ordre relatif à
14 une offensive doit-il être approuvé par un quartier général
15 supérieur avant exécution ?
16 REPONSE : Oui.
17 QUESTION : Dans le cas, par exemple, d'une brigade comme unité à l'origine
18 de l'ordre, cela signifie-t-il qu'il devra être soumis au corps
19 d'armée pour approbation ?
20 REPONSE : Oui, le commandement de la brigade ou, plutôt, la brigade agit
21 sous les ordres reçus du commandement du corps.
22 QUESTION : De même, le corps devra soumettre ses ordres relatifs à une
23 offensive à l'approbation de l'état-major général ?
24 REPONSE : Oui, le commandement du corps reçoit ses ordres de son supérieur
25 hiérarchique. En juin et juillet 1992 et par la suite, c'est le
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1 commandement du 1er corps de la Krajina qui recevait ses ordres de
2 l'état-major de l'armée de la Republika Srpska.
3 QUESTION : Au cas où le corps déclenchait une action de combat de sa
4 propre initiative, devait-il aviser l'état-major de son ordre ou de
5 son plan de combat avant son exécution, en supposant que le temps le
6 permette ?
7 REPONSE : Oui, toutes les unités le savaient. Cela s'appliquait au
8 commandement du corps et aux obligations du commandement et du
9 commandant du corps. Les unités subalternes connaissaient leurs
10 obligations pour ce qui est de faire rapport lors de la réception
11 des ordres et ce qu'elles devaient faire lors de cette réception des
12 ordres du supérieur hiérarchique.
13 QUESTION : Cette procédure était-elle employée dans chaque unité à
14 laquelle vous avez été affecté durant votre carrière ?
15 REPONSE : Je connais bien la structure hiérarchique entre le commandement
16 du corps et l'état-major général ainsi qu'entre le commandement du
17 corps et les unités subalternes. A ces échelons, dans les deux
18 directions, la structure hiérarchique était en place conformément à
19 la réglementation en vigueur.
20 QUESTION : Ce processus et ces procédures étaient-ils présentés et
21 enseignés à l'école des blindés à Banja Luka pendant que vous la
22 dirigiez ?
23 REPONSE : Oui, c'était la procédure suivie et les jeunes cadets, les
24 futurs officiers, se voyaient enseigner la façon dont cette
25 procédure est préparée et exécutée.
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1 M. KEEGAN : Ce document pourrait-il être marqué comme pièce à conviction
2 de l'Accusation ? Ce serait la pièce 179. Peut-elle être remise au
3 témoin ? (Remise de la pièce 179 au témoin) (Au témoin) : Colonel
4 Kranjc, connaissez-vous ce document ?
5 REPONSE : Je ne l'ai pas vu mais je peux le lire et le comprendre.
6 QUESTION : Peut-on placer ce document sur l'elmo, s'il vous plaît, tout
7 d'abord la version en serbe ?
8 REPONSE : On peut lire en haut : "Etat-major général de l'armée de la
9 Republika Srpska. Strictement confidentiel. No 02/2-109, date
10 28/08/1994. Très urgent". C'est le format habituel. Il faut apposer
11 un tampon ou l'inscription indiquant le nom de l'unité ou du
12 commandement ou de l'organe envoyant le document, le degré de
13 confidentialité et la date puis, en dessous, le degré d'urgence.
14 QUESTION : Colonel Kranjc, que représente ce document, de façon générale ?
15 REPONSE : Ce document est un ordre donné par l'état-major général de
16 l'armée de la Republika Srpska au commandement du 1er corps de la
17 Krajina et au corps de la Bosnie de l'est; il est aussi envoyé au
18 poste de commandement de l'état-major général de l'armée de la
19 Republika Srpska et à la cinquième brigade d'infanterie légère de
20 Kozara. Il donne l'ordre ...
21 QUESTION : Si je pouvais seulement ...
22 REPONSE : ... d'engager partie des forces dans une opération que l'état-
23 major général a nommé "breza-94". Il précise aussi les obligations
24 du corps de la Bosnie de l'est pour rendre les unités pleinement
25 opérationnelles au plan du combat ainsi que préparer un bataillon et
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1 l'envoyer au 1er corps de la Krajina. Une date limite est donnée
2 pour l'arrivée du bataillon sur la zone d'opérations le 4 septembre
3 1994.
4 M. KEEGAN : Mme la Présidente, je dépose ce document.
5 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?
6 M. KAY : Pas d'objections, Mme la Présidente.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 179 est versée.
8 M. KEEGAN (Au témoin) : Colonel Kranjc, ce document est-il représentatif
9 d'un ordre standard, d'un ordre général pour une opération dont
10 l'exécution serait ordonnée au corps par l'état-major général ?
11 REPONSE : Oui, mais si je peux me permettre, j'aimerais ajouter quelque
12 chose sur la terminologie de l'Armée populaire yougoslave qui a été
13 absorbée par l'armée de la Yougoslavie et celle de la Republika
14 Srpska. Nous différencions deux types de documents par leur nom. "Le
15 "zapovjest", un document plus large ordonnant l'emploi d'unités de
16 combat dans le cadre d'une opération majeure; et le "naredjenje" ou
17 l'ordre, les instructions, qui affectent les tâches de moindre
18 importance et dont l'effet est plus bref. Dans le cas présent, il
19 s'agit d'un "naredjenje" mais il y a également un "zapovhest" - les
20 deux termes signifiant "ordre" - à un échelon supérieur et qui est
21 plus détaillé.
22 QUESTION : Quelles obligations ce document impose-t-il au 1er corps et au
23 corps de la Bosnie de l'est ...
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi M. Keegan, pourriez-vous nous donner
25 la traduction en anglais ?
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1 M. KEEGAN : J'allais le faire, Mme la Présidente, quand le témoin aura
2 terminé sa version. Il peut lire tout le document.
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien, merci.
4 TEMOIN : La première partie de l'ordre émane de l'état-major général et il
5 est destiné au commandement du 1er corps de la Krajina et au corps
6 de la Bosnie de l'est; il est signé par le général de corps d'armée
7 Ratko Mladic et l'autre par le général de corps d'armée Momir Talic.
8 Dans cet ordre, le commandement de la 6ème brigade d'infanterie
9 légère et de la 5ème brigade d'infanterie Kozara reçoivent l'ordre
10 d'assister à une réunion des commandants de ces unités, celles
11 agissant dans le cadre de l'opération Breza-94 et d'amener au
12 briefing les décisions sur l'utilisation des unités et d'être prêts
13 à les expliquer ainsi que de discuter de la méthode d'exécution de
14 cette opération.
15 QUESTION : Pourrions-nous avoir la version en anglais s'il vous plaît ?
16 Colonel Kranjc, ce document est-il bien représentatif de la
17 procédure d'élaboration des ordres de combat que vous avez décrit
18 auparavant, c'est-à-dire spécifiquement l'ordre de l'unité
19 supérieure pour l'élaboration d'un plan puis l'obligation des
20 commandants de présenter des rapports sur la façon dont ils
21 entendent accomplir ces tâches fondamentales ?
22 REPONSE : Oui, vous pourriez le qualifier d'exemple textuel de la façon
23 dont un ordre est libellé et transmis.
24 QUESTION : Breza-94 - s'agissait-il d'une opération comportant l'emploi de
25 forces serbes dans la région de Bihac-Velika-Kladusa en Bosnie-
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1 Herzégovine ?
2 REPONSE : Pour autant que je sache, cette opération devait être effectuée
3 de la région ouest de la Republika Srpska à travers la rivière Una
4 vers la région de la soi-disant province autonome occidentale de
5 Bosnie.
6 QUESTION : Prévoyait-elle le mouvement d'unités sur le territoire de ce
7 qu'on appelait la Krajina de la Republika Srpska, c'est-à-dire le
8 territoire croate ?
9 REPONSE : Oui.
10 QUESTION : Colonel Kranjc, vous avez témoigné que les ordres relatifs à
11 des actions de combat devaient être transmis au quartier général
12 hiérarchiquement supérieur pour approbation si le temps le
13 permettait. Tous les commandants d'unités devaient-ils aussi
14 recevoir l'approbation de leur supérieur avant d'engager leurs
15 unités dans des offensives ?
16 REPONSE : Oui.
17 QUESTION : Donc, par exemple, si la brigade 343 ou l'une quelconque de ses
18 unités de Prijedor devait participer à une attaque dans la région de
19 Prijedor-Kozarac, le colonel Arsic devait-il en informer le
20 commandement du 1er corps de la Krajina avant l'attaque ?
21 REPONSE : Oui.
22 QUESTION : Si les délais ou d'autres circonstances rendaient les
23 communications impossibles avec le corps avant l'attaque, le
24 commandant de la brigade était-il tenu de notifier le corps dans les
25 meilleurs délais ?
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1 REPONSE : Oui, il doit le faire de la meilleure façon, dès que possible.
2 Il doit les informer soit par le canal d'un officier de liaison, par
3 radio, par téléphone; plusieurs moyens vous permettent d'informer
4 votre supérieur hiérarchique d'une action entreprise.
5 QUESTION : Pendant votre appartenance au 5ème corps et sous son nom
6 ultérieur, au 1er corps de la Krajina, l'officier responsable du
7 corps, le général à sa tête, connaissait-il les détails des
8 opérations du corps ?
9 REPONSE : Oui.
10 QUESTION : Quelles étaient les obligations des unités du corps pour ce qui
11 est de l'établissement des rapports ?
12 REPONSE : Les unités subalternes devaient faire rapport ou informer le
13 commandant du corps de plusieurs façons accusant réception des
14 ordres donnés et indiquant qu'elles s'étaient engagées dans leur
15 exécution, dans des opérations de combat sur la base de ces ordres,
16 sur la conduite de ces opérations de combat et, enfin, le résultat
17 des tâches effectuées.
18 De surcroît, la réglementation ou les instructions relatives au
19 combat prévoyaient l'établissement de rapports quotidiens sur les
20 combats et ces rapports couvraient les informations de la façon
21 suivante : informations relatives à l'ennemi, situation sur le
22 territoire, situation dans l'unité, degré de succès, exécution de la
23 tâche durant la journée, décision ou idées du commandant de cette
24 unité particulière sur les opérations dans la période à venir et les
25 demandes et besoins relatifs aux matériels et équipements
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1 nécessaires au combat adressées au commandement hiérarchiquement
2 supérieur.
3 QUESTION : En plus de ces rapports quotidiens, les commandants de brigade
4 avaient-ils aussi des communications directes privées avec le
5 commandant du corps ?
6 REPONSE : Oui, elles étaient nécessaires.
7 QUESTION : Les obligations relatives au rapport dans le 1er corps étaient-
8 elles appliquées rigoureusement ou si une unité ne respectait pas
9 ces obligations, le corps était-il chargé de déterminer le problème
10 ?
11 REPONSE : Oui. De façon générale, les unités observaient très
12 rigoureusement cette obligation. Au cas où une unité ne le faisait
13 pas ou ne pouvait pas soumettre un rapport, quelque en soit la
14 raison, en fonction de l'importance de cette unité, le service
15 opérationnel du commandement du corps intervenait immédiatement
16 auprès du service opérationnel de cette unité et, de temps en temps,
17 directement auprès du commandant pour connaître les raisons de cette
18 situation et il sollicitait des renseignements, même très
19 brièvement, très brefs, soit par téléphone soit par d'autres moyens
20 de communication.
21 QUESTION : En 1992 pensez-vous qu'une brigade du 1er corps aurait pu être
22 engagée dans une offensive dans la région de Banja Luka en utilisant
23 artillerie, blindés et infanterie sans avoir notifié le commandant
24 du corps avant l'offensive ?
25 REPONSE : C'était impossible.
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1 QUESTION : A votre connaissance, la brigade 343 était-elle sous un ordre
2 permanent du corps quand vous y êtes arrivé en juin 1992 ?
3 REPONSE : Quand j'ai rencontré le chef d'état-major du corps, la brigade
4 343 a reçu des ordres, écrits et autres, du commandement du corps,
5 de même que toutes les autres unités de ce corps.
6 QUESTION : Est-ce que le libellé de ces ordres reflétait les ordres
7 permanents antérieurs ?
8 REPONSE : Je ne comprends pas la question.
9 QUESTION : Les ordres que vous avez vu donner à la brigade 343
10 commençaient-ils par une référence aux ordres permanents antérieurs
11 relatifs à ses opérations ?
12 REPONSE : Oui, quand vous envoyions des ordres relatifs à des opérations
13 de combat aux unités de la brigade 343, l'ordre disait généralement
14 qu'elle devait exécuter ses tâches conformément à l'ancien plan, au
15 plan originel. Je n'ai jamais vu le plan originel dans les documents
16 à ma disposition.
17 QUESTION : Dans la structure de la défense de l'ex-Yougoslavie, est-il
18 vrai que toutes les unités de la Défense territoriale ainsi que les
19 forces de police relevaient du contrôle opérationnel de la JNA pour
20 les actions militaires en cas de déclaration de guerre ou d'état
21 d'urgence ?
22 REPONSE : Oui, c'est exact.
23 QUESTION : Cette même structure et ces conditions ont-elles été maintenues
24 sur le territoire connu plus tard sous le nom de Republika Srpska ?
25 REPONSE : Oui.
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1 QUESTION : Par conséquent donc, le général commandant un corps ou son
2 principal officier d'état-major avait-il le pouvoir et la capacité
3 de contrôler les actions militaires de toute force de police ou de
4 la Défense territoriale relevant du secteur de responsabilité du
5 corps ?
6 REPONSE : Oui, il pouvait mettre un terme au comportement, à la conduite
7 de ces unités ou les approuver ou, plutôt, y donner son
8 consentement.
9 QUESTION : Avez-vous entendu parler d'un groupe paramilitaire connu sous
10 le nom de Forces de défense serbes ou SOS ?
11 REPONSE : Oui.
12 QUESTION : Ce groupe était-il formé dans la région de Banja Luka ?
13 REPONSE : Oui, il était formé à Banja Luka.
14 QUESTION : Les membres de cette unité portaient-ils des bérets rouges ?
15 REPONSE : Oui, c'est leur autre nom, soit "bérets rouges" soit Forces de
16 défense serbes.
17 QUESTION : Cette unité a-t-elle reçu un entraînement ?
18 REPONSE : Ce groupe a été entraîné au camp d'entraînement militaire du
19 Centre de formation des unités blindées et mécanisées appelé
20 Manjaca.
21 QUESTION : Comment le savez-vous ?
22 REPONSE : Je le sais parce que le commandant du camp d'entraînement à
23 Manjaca, l'un de mes subordonnés, m'a indiqué que dans une facilité
24 proche d'un étang, un groupe d'individus en uniformes recevait une
25 formation pour l'emploi de blindés ainsi qu'une formation au combat
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1 et que cet entraînement au camp avait été autorisé par mon assistant
2 pour la logistique, le colonel Subotic. Quand j'ai appris cela, j'ai
3 convoqué le colonel Subotic qui m'a confirmé qu'il avait approuvé
4 l'utilisation de cette installation et de ce secteur pour la
5 formation.
6 J'ai donc fait rapport ensuite, comme il convient, à mon supérieur,
7 le général Arandjelovic, chef de l'administration des unités
8 blindées et mécanisées à Belgrade, qui l'a approuvé et m'a dit que
9 c'était possible.
10 QUESTION : Vers quelle époque cet entraînement se déroulait-il à Manjac ?
11 REPONSE : Je ne me souviens pas de la date exacte mais je pense que
12 c'était en février ou mars 1992.
13 QUESTION : Quelle poste le lieutenant-colonel Subotic a-t-il occupé par la
14 suite en Republika Srpska ?
15 REPONSE : En mai 1992, il est devenu le premier Ministre de la défense de
16 la Republika Srpska.
17 QUESTION : Aux termes des règles que vous avez décrites, avant que ce
18 groupe, le SOS ou les bérets rouges, soit utilisé pour une action
19 militaire significative dans le secteur du 1er corps de la Krajina,
20 les personnes les engageant dans cette action auraient-elles notifié
21 le commandant du 1er corps ?
22 REPONSE : Oui, s'ils devaient être engagés dans une action combattante, le
23 commandant du corps en aurait été informé.
24 QUESTION : Pourquoi ?
25 REPONSE : Parce qu'il est responsable de toutes les opérations
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1 combattantes dans son secteur; parce qu'un commandant de corps est
2 responsable de toutes les opérations militaires ou combattantes dans
3 le secteur de responsabilité de son corps; et aussi, puisqu'il
4 connaissait l'existence de ces forces, il envisageait peut-être leur
5 déploiement et si quelqu'un d'autre les avait déjà déployées ou
6 engagées dans une autre action, il ne serait plus alors en mesure de
7 le faire. Il devait savoir où se trouvaient ces forces et si elles
8 étaient disponibles ou non.
9 QUESTION : Le commandant du 1er corps était-il un membre du Krizni Stab
10 dans la région de Banja Luka ?
11 REPONSE : Oui, il en était membre ex officio.
12 QUESTION : Quel groupe politique contrôlait le Krizni Stab dans la région
13 de Banja Luka ?
14 REPONSE : Le parti, le Parti démocratique serbe ou SDS comme ils
15 l'appelaient, contrôlait non seulement les opérations du Comité de
16 crise mais tout ce qui se passait dans la région de Banja Luka.
17 QUESTION : Existait-il une coopération étroite entre le Krizni Stab et le
18 1er corps de la Krajina dans la région de Banja Luka ?
19 REPONSE : Oui, la coopération était étroite non seulement parce que le
20 commandant ou son adjoint était un membre du Comité de crise et
21 assistait aux réunions ordinaires mais il y avait aussi d'autres
22 contacts et une coopération étroite.
23 QUESTION : Les groupes militaires ou paramilitaires organisés soutenus ou
24 organisés par le SDS étaient-ils intégrés dans les forces armées
25 utilisées par le 1er corps de la Krajina ?
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1 REPONSE : Oui.
2 QUESTION : En commençant avec votre affectation au 5ème corps (son nom de
3 l'époque) de la JNA en 1989 puis en continuant durant votre
4 affectation à Banja Luka et vos dernières fonctions auprès du 1er
5 corps de la Krajina, avez-vous jamais eu à votre disposition des
6 renseignements ou éléments réels indiquant la préparation d'une
7 "Jihad" (guerre sainte) par des groupes musulmans ?
8 REPONSE : Non.
9 QUESTION : Durant ce même ...
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi, M. Keegan, que signifie le terme
11 "jihad" ?
12 M. KEEGAN : Guerre sainte. (Au témoin) : Durant cette même période, avez-
13 vous jamais vu des renseignements ou éléments militaires faisant
14 état d'un armement ou d'une préparation sur une grande échelle de
15 groupes musulmans pour des opérations militaires ?
16 REPONSE : Non plus.
17 QUESTION : La population serbe dans la région de Banja Luka a-t-elle été
18 armée par la JNA en 1991 et 1992 ?
19 REPONSE : Oui.
20 QUESTION : Comment le savez-vous ?
21 REPONSE : Je le sais parce que j'ai observé, entendu et vu le colonel
22 Subotic, mon assistant pour la logistique, accompagné de plusieurs
23 autres officiers quitter de temps à temps le Centre de formation et
24 procéder au transfert d'armes de divers dépôts de l'armée à la
25 région de Banja Luka et elles étaient ensuite distribuées à
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1 différents endroits. Il m'en a également parlé, sans entrer dans les
2 détails mais il m'a dit qu'il exécutait les tâches que ses
3 supérieurs ... dont ses supérieurs étaient au courant et qu'il le
4 faisait pour le bien de son peuple.
5 QUESTION : Quelle a été l'échelle de ce transfert d'armes et de matériel ?
6 REPONSE : C'est arrivé à plusieurs reprises et il m'a précisé qu'il était
7 accompagné de plusieurs supérieurs, trois ou autre, parfois une
8 douzaine, qu'il y avait un officier dans chaque véhicule. Ils
9 n'utilisaient pas les véhicules de l'armée pour le transport mais de
10 gros poids lourds d'organisations civiles et je pense que c'est
11 arrivé au moins une dizaine de fois. Je dirais qu'environ 10 000
12 armes légères, peut-être plus, et d'autres équipements et munitions
13 ont été transportés, introduits dans la région de cette façon.
14 QUESTION : Vous dites que le lieutenant colonel Subotic a indiqué que ses
15 supérieurs connaissaient ses activités. A-t-il mentionné le nom de
16 ces supérieurs ?
17 REPONSE : Il a mentionné le nom du général de brigade Dragoljub
18 Arandjelovic, le chef de l'administration des unités blindées et
19 mécanisées à l'état-major général de la JNA. Lors d'une
20 conversation, alors que je présentais un rapport au général
21 Arandjelovic sur la situation au Centre de formation, il m'a demandé
22 ce que faisait le colonel Subotic et où il se trouvait. Je lui ai
23 répondu qu'il exécutait les tâches dont il était lui-même informé et
24 il a dit : "bien, qu'il continue".
25 QUESTION : Quelles opérations significatives se sont déroulées pendant que
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1 vous faisiez partie de l'état-major opérationnel du 1er corps de la
2 Krajina ?
3 REPONSE : Pendant mon séjour à l'état-major opérationnel du commandement
4 du 1er corps de la Krajina, nous avons planifié certaines opérations
5 et nous avons exécuté les suivantes : retrait des forces du 1er
6 corps de la Krajina qui avaient été déployées jusque fin juin 1992
7 au nord de la Save dans ce qu'on appelle la Slavonie de l'ouest.
8 Durant la même période, nous avons organisé une opération en vue
9 d'ouvrir le corridor de la vallée de la Save. L'ordre de ces deux
10 opérations a été donné par l'état-major général de l'armée de la
11 Republika Srpska. Ces deux opérations ont été planifiées. L'une se
12 rapportait au retrait des forces de l'autre côté de la Save et
13 l'autre à l'ouverture du corridor. Ces deux actions ont été
14 organisées et exécutées conformément aux règlements et instructions
15 en vigueur de l'état-major général. Une troisième opération a aussi
16 été organisée. Il s'agit de l'attaque, de l'action en vue de
17 s'emparer de Jajce.
18 QUESTION : Quelle a été au début la tournure prise par les combats de
19 l'opération du corridor à Posavina ?
20 REPONSE : Début juin, durant les combats pour l'ouverture du corridor de
21 la vallée de la Save - nous l'appelons le "corridor" uniquement -
22 seul un petit nombre d'unités étaient engagées dans cette opération.
23 Il y avait les unités du groupe d'opérations dit de Doboj, la
24 brigade motorisée 327 dans la région de Derventa et, vers le 10 juin
25 ou un peu plus tard, un bataillon en provenance de la République
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1 serbe de la Krajina, de Knin, avec Milan Martic à sa tête, est venu
2 les renforcer.
3 Quand les unités du 1er corps ont été retirées de la rive opposée de
4 la Save, c'est-à-dire quand elles sont passées de la Slavonie de
5 l'ouest sur le territoire de la Republika Srpska, les unités
6 chargées de l'ouverture du corridor ont été renforcées et une plus
7 grande partie des unités du 1er corps de la Krajina y ont été
8 envoyées, comme la 6ème brigade motorisée, la 5ème brigade de
9 Kozara, la majeure partie de la brigade 329 (renommée plus tard la
10 1ère brigade blindée) et les brigades légères des municipalités, des
11 territoires centrés autour du corridor, ont également été engagées
12 dans cette action - Prnjavor, de Prnjavor, Srbac, Orsin, Kurnin (?),
13 Trebava et quelques autres brigades légères de l'ARS.
14 QUESTION : Plusieurs de ces unités que vous venez de nommer, comme la 5ème
15 brigade de Kozara et la brigade légère ainsi que les municipalités,
16 constituaient-elles auparavant des unités de la Défense territoriale
17 ?
18 REPONSE : Oui, elles étaient des unités de la Défense territoriale, sauf
19 qu'elles n'étaient pas des brigades. Certaines étaient des
20 détachements, d'autres des bataillons de la Défense territoriale.
21 QUESTION : La désignation de Défense territoriale a-t-elle fini par être
22 abandonnée et ont-elles fini par être considérées comme des unités
23 régulières de l'armée ?
24 REPONSE : Oui, je n'ai pas vu d'ordres de l'état-major général dans ce
25 sens mais je sais qu'en juin on ne pouvait plus employer
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1 l'expression "Défense territoriale" ou elle est simplement tombé en
2 désuétude. L'expression "unité de Défense territoriale" n'était plus
3 utilisée. Nous avons employé l'expression "brigades légères". A
4 toutes fins pratiques, chaque municipalité dans la région de Banja
5 Luka, c'est-à-dire dans le secteur de responsabilité du corps de
6 Banja Luka avaient au moins une brigade comme les brigades légères
7 et, à mon époque, pendant mon séjour, il y en avait quatre à Banja
8 Luka.
9 QUESTION : Avant le renforcement par les unités du 1er corps de la
10 Krajina, les unités exécutant l'opération du corridor de Posavina
11 étaient-elles efficaces au combat ?
12 REPONSE : Les unités qui participaient au début à l'opération d'ouverture
13 du corridor n'ont pas réussi. Cela tenait en partie au petit nombre
14 d'unités engagées. Une deuxième raison à mon avis était que les
15 unités se concentraient plus sur le pillage que sur les opérations
16 combattantes et qu'elles craignaient les engagements. Si je peux me
17 permettre, c'étaient les bruits qui courraient parmi les officiers
18 du commandement.
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, on s'inquiète à ce stade du degré de
20 détail considérable de votre interrogatoire et vous pourriez peut-
21 être en expliquer l'intérêt. Par exemple, si vous parlez des
22 événements de 1991 et essayez d'en montrer la pertinence, pouvez-
23 vous nous dire ... J'ai suggéré à M. Tieger qu'il pourrait peut-être
24 nous donner une indication de la conclusion de l'ouvrage, ce qui
25 nous permettrait peut-être de comprendre la pertinence. Bien sûr, ce
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1 n'est pas ainsi qu'on lit un livre mais si vous pouvez nous donner
2 une idée de la pertinence, même très brièvement, cela pourrait nous
3 aider.
4 M. KEEGAN : Bien sûr. Les informations précédentes intéressaient la
5 direction et le commandement des forces militaires dans une région
6 particulière, ce qui est pertinent pour la présente affaire, ainsi
7 que les obligations de présentation de rapports, l'élaboration des
8 opérations combattantes et comment elles devaient être établies et
9 communiquées.
10 Comme vient de le dire le témoin, les unités effectuant ces
11 opérations dans le corridor de Posavina en 1992 s'intéressaient
12 davantage au début au pillage qu'aux combats. Nous allions ensuite
13 dégager le point de savoir si le Corps connaissait ou non cette
14 situation et s'il en a informé l'état-major général; et quelles
15 actions ont ou n'ont pas été prises concernant le pillage et
16 certaines autres questions qui seront abordées plus loin.
17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Suggérant la responsabilité par omission.
18 M. KEEGAN : Indiquant la connaissance effective, la capacité de contrôler.
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.
20 JUGE STEPHEN : De la part de M. Tadic ? C'est ce qui nous intéresse.
21 M. KEEGAN : Non, pas de M. Tadic.
22 JUGE STEPHEN : Cela ressemble davantage à une commission
23 extraparlementaire.
24 M. KEEGAN : Cela vise la question de savoir s'il s'agit ou non d'un
25 conflit armé international et si l'on a pu observer des attaques
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1 généralisées et systématiques.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je pense que le témoignage que vous avez obtenu
3 concernant l'entrée en Croatie sur le chemin de Bihac étaye ce
4 point. Je vous encourage de toute manière à avancer aussi rapidement
5 que possible ...
6 M. KEEGAN : Je le répète, c'est la raison du présent témoignage selon
7 lequel les unités engagées à Posavina, certaines des unités,
8 venaient du territoire de la République de Croatie avec à leur tête
9 des leaders de cette région.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci.
11 M. KEEGAN : Le moment est peut-être propice pour une suspension
12 d'audience, Mme la Présidente, à moins que vous préfériez que je
13 continue.
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous suspendons normalement l'audience à 11
15 heures 30. Vous n'êtes pas la première personne. Il est 11 heures
16 30. Vous pouvez continuer. Je ne veux pas vous interrompre si c'est
17 le but que vous poursuivez. Merci.
18 M. KEEGAN (Au témoin) : Le commandement du corps a-t-il reçu des rapports
19 mentionnant le pillage et le déplacement forcé de non-Serbes dans la
20 région des opérations dans le corridor de Posavina ?
21 REPONSE : Oui, l'information sur le pillage de biens de résidents non
22 serbes et parfois aussi de Serbes figurait, comme j'ai pu le voir,
23 dans les rapports quotidiens sur les combats envoyés par les unités
24 de cette région ainsi que les unités proches de Jajce; et les
25 commandant ou les organes de commandement en faisaient mention lors
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1 de leurs briefings réguliers. Nous avons recueilli ces informations
2 à l'échelon du commandement du corps dans nos rapports quotidiens et
3 les avons envoyées au quartier général du commandement de l'armée de
4 la Republika Srpska.
5 De plus, le commandant adjoint du corps chargé du moral et les
6 échelons inférieurs analysaient régulièrement les rapports sur ces
7 problèmes et ils envoyaient aussi leurs rapports selon la filière
8 hiérarchique jusqu'au commandement suprême. Les services de sécurité
9 et les autres organes du commandement du corps les recevaient, de
10 sorte que l'état-major général de l'armée de la Republika Srpska en
11 était informé.
12 QUESTION : Quelle fut la réaction du commandant du corps et de l'état-
13 major général à ces rapports ?
14 REPONSE : La réponse a été que ce pillage et les autres tendances
15 négatives devraient être arrêtées ou réduites à un minimum.
16 Cependant, nous n'avons pas semblé y parvenir.
17 QUESTION : Est-ce que, en fait, les renseignements sur le pillage et le
18 déplacement forcé des non-Serbes observés dans les trois secteurs
19 d'opérations ont continué d'être communiqués durant toute leur durée
20 ?
21 REPONSE : Oui, ils ont fait l'objet de rapports réguliers qui ont atteint
22 le commandement suprême.
23 QUESTION : Le commandant du corps ou l'état-major général ont-ils jamais
24 pris des mesures directes ou efficaces pour empêcher le pillage ou
25 le déplacement forcé des non-Serbes ?
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1 REPONSE : Des mesures ont été prises, officiellement et juridiquement. Le
2 chef d'état-major ou plutôt l'état-major de l'armée de la Republika
3 Srpska ont donné des ordres à notre corps et notre corps a donné des
4 ordres verbaux et écrits aux unités subalternes dans le secteur de
5 responsabilité du 1er corps. Un tribunal militaire a été constitué
6 avec tous ses organes. De nombreux rapports ont été rassemblés et de
7 nombreux commandants ont admis les accusations criminelles devant
8 les organes responsables mais j'ignore si des poursuites ont été
9 engagées, si elles ont eu des répercussions, si des mesures ont été
10 prises contre des individus mais ces actions, ce pillage se sont
11 poursuivis sans fin.
12 QUESTION : En tant que membre de l'état-major du corps, vous a-t-on
13 indiqué que la police militaire ou d'autres autorités étaient
14 envoyées sur le terrain pour arrêter les pilleurs ou ceux
15 participant à des activités criminelles ?
16 REPONSE : Je n'ai jamais vu de tels ordres. En plus du pillage, je dois
17 dire que des expulsions ont été commises de même que le nettoyage
18 ethnique du territoire et cela figurait dans les rapports.
19 QUESTION : Avez-vous reçu des rapports ou entendu dire ou avez-vous appris
20 que des responsables étaient envoyés sur le terrain et que des
21 commandants étaient arrêtés et internés pour avoir permis la
22 continuation de ces actions ?
23 REPONSE : Non. Je n'ai jamais vu un tel rapport.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, puis-je vous poser une question sur
25 ce point parce que j'ai peut-être perdu une partie du témoignage. Le
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1 général Talic était un commandant du 5ème corps, colonel ?
2 REPONSE : Oui. Il était le commandant du 5ème corps jusqu'à ce que celui-
3 ci soit rebaptisé 1er corps de la Krajina. En fait, il s'agit du
4 même corps si ce n'est que, jusqu'en mai 1992, il s'appelait le 5ème
5 corps et que, après le moi de mai, il s'est appelé le 1er corps de
6 la Krajina de l'armée de la Republika Srpska.
7 QUESTION : Cela couvrait alors la région géographique aux alentours de
8 Prijedor, y compris Kozarac ?
9 REPONSE : Oui.
10 QUESTION : En cas de pillage et d'expulsion de personnes de cette région
11 commis par des groupes paramilitaires, quelle était la
12 responsabilité du commandant Talic concernant ces activités ?
13 REPONSE : Selon moi, quand le 1er corps ou plutôt le 5ème corps a été
14 rebaptisé 1er corps, et à compter de cette date, le général Talic a
15 été chargé de toutes les opérations dans sa zone, dans son secteur
16 de responsabilité, s'il connaissait l'existence des organisations
17 paramilitaires et n'est pas intervenu contre elles, il les a en fait
18 légalisées et reconnues et les a alors intégrées dans sa propre
19 formation. Quand le 1er corps de la Krajina a été rebaptisé, elles
20 n'étaient plus des organisations paramilitaires proprement dites. Le
21 corps était au courant et elles avaient donc perdu leur caractère
22 paramilitaire, elles faisaient partie de la force régulière.
23 QUESTION : Voulez-vous dire qu'il n'y avait plus de groupes paramilitaires
24 dans la région quand le 5ème corps a été rebaptisé 1er corps de la
25 Krajina ? Voulez-vous dire qu'ils sont devenus alors partie de
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1 l'armée ?
2 REPONSE : Ils sont devenus partie des forces blindées dans le secteur et
3 Talic pouvait leur donner des ordres et les engager, ce qu'il a fait
4 et si tel était le cas, ils n'étaient plus alors un groupe
5 paramilitaire. Ils étaient sous son commandement.
6 QUESTION : La Défense territoriale est devenue partie de l'armée si je me
7 souviens de votre témoignage antérieur en mai 1992 ?
8 REPONSE : Oui, les unités de la Défense territoriale ont simplement reçu
9 l'ordre d'abandonner cette désignation - celle de "Défense
10 territoriale" - et elles ont par la suite été appelées brigades
11 légères de l'armée de la Republika Srpska, c'est-à-dire le 1er corps
12 de la Krajina.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Allez-vous poser des questions sur la police
14 civile, M. Keegan ? Je vous devance un peu mais je me demandais où
15 elle se situe dans tout cela.
16 M. KEEGAN : En fait, Mme la Présidente, elle était comprise dans le
17 témoignage antérieur sur les unités de la Défense territoriale et la
18 police.
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La police civile est-elle également devenue
20 partie de l'armée après 1992 pour ce qui est de la responsabilité du
21 colonel Talic ?
22 TEMOIN : Non, la police civile relevait de la compétence des autorités
23 régulières dans les municipalités mais, en cas de besoin ou de leur
24 participation au combat, ces unités pouvaient être détachées ou,
25 plutôt, incorporées dans les forces du corps et engagées dans les
Page 2178
1 opérations de combat.
2 QUESTION : Dans ce cas, l'autorité dans le 1er corps de la Krajina,
3 l'autorité suprême du 1er corps de la Krajina incomberait au général
4 Talic ?
5 REPONSE : Oui.
6 QUESTION : Le pouvoir sur la police civile au cas où elle se trouverait
7 engagée dans des activités combattantes ?
8 REPONSE : Seulement s'ils participaient aux combats, aux opérations
9 combattantes. Dans le cadre de leurs activités de police ordinaires
10 elles échappaient au commandement du corps.
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je m'excuse, M. Keegan. Vous pouvez continuer.
12 M. KEEGAN (Au témoin) : Pour éclaircir ce point, donc, colonel Kranjc, si
13 les forces de police de Prijedor étaient intégrées dans
14 l'organisation ou la force utilisée dans le cadre d'une attaque
15 militaire contre une commune locale comme Kozarac, dans cette
16 situation elles relevaient alors et seraient assujetties à
17 l'autorité du 1er corps de la Krajina ?
18 REPONSE : Oui, elles seraient placées sous l'autorité du commandement du
19 corps ou, plutôt, l'échelon de commandement le plus élevé dans cette
20 région, et il s'agissait de la 43ème brigade ou de la brigade 343 à
21 Prijedor.
22 QUESTION : Vous avez déclaré que la brigade venant du territoire de la
23 Croatie, de la région connue sous le nom de République de la Krajina
24 serbe, a participé aux combats dans le corridor de Posavina sous le
25 commandement de Martic. De quelle époque s'agit-il ?
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1 REPONSE : J'ai dit que c'était vers le 10 juin 1992 ou quelques jours plus
2 tard. J'ai dit qu'un seul bataillon est venu du territoire de la
3 République de la Krajina serbe et non plusieurs unités; un seul
4 bataillon, qui est resté une dizaine de jours. Martic était avec ce
5 bataillon et après cela il est rentré à Knin en passant par Banja
6 Luka. Il n'y avait pas d'autres unités de cette région, de la
7 République de la Krajina serbe, pour autant que je sache.
8 QUESTION : Etes-vous au courant d'attaques d'artillerie conduites du
9 territoire de la République serbe au-dessus de la rivière Drina
10 contre la Bosnie-Herzégovine après le 18 mai 1992 ?
11 REPONSE : On disait en ville et à Radio Sarajevo que des tirs d'artillerie
12 avaient été déclenchés depuis le territoire de la République
13 fédérale de Yougoslavie ou de la République de Serbie vers la
14 Bosnie.
15 QUESTION : En juin et juillet 1992 avez-vous commencé à entendre parler
16 des événements intervenus dans la région de Prijedor et de Kozarac
17 plus tôt durant l'été ?
18 REPONSE : Oui, j'en avais déjà entendu parler au début de juin quand je
19 suis arrivé au commandement du corps bien qu'il se soit agi alors
20 d'un bref rapport mais on en parlait davantage en ville parmi la
21 population à la fin de juin et en juillet - des massacres, du
22 pillage et des expulsions de la population musulmane, en particulier
23 de la région de Kozarac et de Prijedor.
24 QUESTION : Durant cette période, avez-vous eu un entretien avec le
25 lieutenant-colonel Vaso Tepsic concernant le camp d'Omarska ?
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1 REPONSE : Oui, c'était à l'occasion d'une réunion officielle du commandant
2 du corps avec ses adjoints les plus proches à laquelle j'ai aussi
3 assisté et durant laquelle le colonel Tepsic Vaso, commandant
4 adjoint du corps pour la logistique, a mentionné au commandant
5 l'existence de problèmes au camp de prisonniers de guerre d'Omarska
6 concernant l'approvisionnement en vivres et en eau pour les
7 prisonniers.
8 QUESTION : En août 1992, avez-vous vu un important convoi de non-Serbes
9 emmenés de la région ?
10 REPONSE : Oui. J'étais présent quand le convoi est passé.
11 M. KEEGAN : Pourrait-on montrer la pièce jointe 78 au témoin s'il vous
12 plaît et la placer sur l'elmo ? (Remise de la pièce jointe 78 au
13 témoin)
14 Peut-on se concentrer plus particulièrement sur la région centrale ?
15 (Au témoin) : Colonel Kranjc, pourriez-vous indiquer sur la carte
16 l'endroit où vous vous trouviez quand vous avez vu ce convoi passer
17 ?
18 REPONSE : Madame, messieurs de la Cour, j'inspectais des unités de la
19 22ème brigade motorisée qui capturaient des positions dans la région
20 générale de Vlasic. En rentrant de cette inspection, sur la route
21 entre Vlasic et Skender Vakuf, j'ai remarqué une longue file
22 d'automobiles et d'autocars menée par des policiers qui nous ont
23 fait signe à moi-même et à mon conducteur de nous écarter et de
24 laisser passer la colonne. C'était à proximité du village d'Imljani,
25 qui est sur la carte à peu près ici.
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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pour le procès verbal, cela se situe au dessous
2 de Skender Vakuf, colonel ?
3 TEMOIN : C'est au sud de Skender Vakuf, à environ sept ou huit kilomètres
4 ou à cinq ou six kilomètres au nord de Vlasic.
5 M. KEEGAN : Vlasic - parlez-vous du Mont Vlasic ?
6 REPONSE : Oui, le Mont Vlasic, mais nous employons ce nom pour toute la
7 région au pied de la montagne et je peux vous désigner cette région
8 sur la carte. (Le témoin indique la région).
9 QUESTION : Merci. Pour le procès verbal, la région indiquée couvre
10 essentiellement le "R" de "Herzégovine" sur cette carte. Qu'avez-
11 vous remarqué dans cette colonne ...
12 REPONSE : Je m'excuse, c'est juste sur la carte, la région coïncide peut-
13 être avec "Herzégovina" mais elle se situe en Bosnie. Elle fait
14 partie de la Bosnie.
15 QUESTION : Oui, je mentionnais également l'emplacement sur cette carte
16 particulière. Le nom "Herzegovina" se trouve à cet endroit.
17 REPONSE : Les lettres, oui.
18 QUESTION : Qu'avez-vous observé dans ce convoi ?
19 REPONSE : J'ai déjà mentionné que la police civile et non la police
20 militaire se trouvait à la tête de ce convoi. Les plaques
21 d'immatriculation de la plupart des véhicules étaient celles de
22 l'opstina ou de la municipalité de Prijedor, ce qui peut signifier
23 que les personnes, les passagers n'étaient peut-être pas
24 nécessairement tous de Prijedor mais de la région, parce que ces
25 plaques de Prijedor couvraient plusieurs villes ou opstinas voisines
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1 de Prijedor.
2 Dans les automobiles, (et il y en avait plusieurs dans le convoi),
3 les passagers étaient plus ou moins assis normalement dans leurs
4 sièges et quand les autocars sont passés, les passagers baissaient
5 la tête. Selon moi, ils devaient probablement être contraints de le
6 faire parce qu'il y avait un policier dans chaque autocar alors
7 qu'il n'y en avait pas dans les automobiles, la raison pour laquelle
8 les passagers de ces dernières n'avaient pas reçu l'ordre de baisser
9 la tête.
10 La plupart des passagers des autocars étaient des femmes, des
11 vieillards et des enfants. Il y avait aussi plusieurs hommes dans
12 les automobiles. A en juger par les vêtements, en particulier ceux
13 des femmes, j'en ai conclu que la plupart d'entre elles étaient des
14 femmes musulmanes.
15 QUESTION : Savez-vous où se dirigeait le convoi ?
16 REPONSE : Le convoi avançait dans la direction de Vlasic. Je vais vous
17 montrer sur la carte. Un point où le colonel, le lieutenant-colonel
18 Pejovic, commandant de la 22ème brigade motorisée, a procédé à des
19 échanges dans plusieurs cas avec les forces croates se trouvait dans
20 la région frontalière de Travnik, ici. C'est la jonction.
21 A cet endroit, ce croisement, des échanges avaient parfois lieu -
22 des échanges de cadavres, de victimes entre les belligérants
23 croates, musulmans et serbes; et en ce même endroit, les personnes
24 se rendant dans cette direction étaient déchargées et elles devaient
25 alors continuer à pied vers Turbe et Travnik. Turbe est un peu en
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1 dessous du croisement et Travnik est un peu plus loin. Ce même jour,
2 le lieutenant-colonel Pejovic m'avait expliqué comment cela
3 s'effectuait et dans quelle direction et quand j'ai vu ce convoi,
4 j'ai compris qu'il se rendait vers ce croisement et que les
5 personnes seraient déchargées des autocars et marcheraient vers
6 Turbe et Travnik.
7 QUESTION : A quelle date, approximativement, avez-vous vu ce convoi ?
8 REPONSE : C'était entre le 10 et le 15 août 1992.
9 QUESTION : Peu de temps après cette date, avez-vous eu un entretien avec
10 l'un des autres commandants adjoints sur le terrain à propos d'un
11 autre convoi de non-Serbes traversant cette région ?
12 REPONSE : Après cet événement, quand j'ai vu le convoi, j'ai décidé de ne
13 plus travailler dans l'armée de la Republika Srpska et de ne plus me
14 rendre dans cette région. Le 18 août, j'ai cessé mes activités avec
15 l'approbation du commandant du corps et quelques jours plus tard, le
16 colonel Drago Rodic est venu me voir. Il était commandant adjoint du
17 groupe de brigades légères à Banja Luka - nous étions bons amis et
18 il était un de mes anciens camarades. Il m'a dit que lorsqu'il
19 s'était déplacé le long de cette même route dans la direction de
20 Vlasic, son chauffeur lui avait mentionné qu'il avait entendu dire
21 qu'un de ces convois - comme celui que je viens de décrire - avait
22 été stoppé à un endroit par les policiers de l'escorte - je vais
23 vous indiquer l'endroit sur la carte, c'était juste avant un
24 tournant - et il y a là un précipice profond de 150 à 200 mètres et
25 ils y auraient jeté tous les passagers. Il n'en connaissait pas le
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1 nombre exact mais le situait entre 150 et 200 personnes et le
2 colonel Rodic a déclaré qu'il avait honte de ce qui s'était passé.
3 Ce point se situe à peu près ici.
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Colonel, n'inscrivez rien sur la carte s'il vous
5 plaît. Vous pouvez indiquer mais sans rien marquer - merci - à moins
6 que les parties ne le veuillent.
7 M. KEEGAN : Non, Mme la Présidente. Indiquons au procès verbal que le
8 témoin indique un point sur la route à peu près sur la barre
9 horizontale médiane de la lettre "E" de "Herzegovina".
10 (Au témoin) : Colonel Kranjc, ont-ils mentionné les responsables qui
11 ont participé à ce convoi ?
12 REPONSE : Le colonel Rodic m'a précisé qu'il s'agissait de la police
13 civile ou de la milice, comme on l'appelle, de la région de
14 Prijedor. Je ne connais pas l'endroit exact mais de la région de
15 Prijedor.
16 QUESTION : Merci.
17 M. KEEGAN : Mme la Présidente, ce serait peut-être un moment propice avant
18 de passer à un nouveau domaine ?
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne me souviens pas de la date et je regardais
20 l'écran pour voir si je pouvais la repérer. A quelle date, colonel,
21 vous a-t-on fait part de ces événements - pas la date quand on vous
22 les a mentionnés, mais la date où vous pensez qu'ils ont été commis
23 ?
24 REPONSE : Madame, messieurs de la Cour, j'ai vu le convoi entre le 10 et
25 le 15 août et à cette époque on n'en parlait pas et quand j'ai
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1 dépassé les véhicules, j'ai regardé dans la gorge et je n'ai rien
2 vu. L'événement a donc dû avoir lieu, à mon avis, entre le 15 et le
3 20 août 1992.
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue pendant 20 minutes.
5 (11 heures 30)
6 (Brève suspension d'audience)
7 (11 heures 50)
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, voulez-vous reprendre s’il vous plaît
9 ?
10 M. KEEGAN : Merci, Mme la Présidente. (Au témoin) : Colonel Kranjc,
11 j'aimerais maintenant vous poser une série de questions relatives à
12 la division publique de la JNA. La JNA et les autorités fédérales de
13 l'ex-Yougoslavie ont-elles traité différemment le retrait de la JNA
14 des diverses Républiques ?
15 REPONSE : Oui, il y a eu des différences.
16 QUESTION : Quand la JNA s'est retirée de la République de Slovénie,
17 entendait-elle emmener tout son personnel et son équipement avec
18 elle ?
19 REPONSE : Oui, c'était l'intention.
20 QUESTION : Et elle a été couronnée de succès ?
21 REPONSE : Pour l'essentiel, oui.
22 QUESTION : De même, en République de Macédoine, la JNA entendait-elle
23 retirer tout son personnel et son équipement lors de son départ ?
24 REPONSE : Oui, l'intention était la même.
25 QUESTION : En Croatie, la JNA avait-elle une intention semblable pour son
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1 retrait du territoire croate ?
2 REPONSE : L'intention n'était pas la même en ce qui concerne la Croatie
3 ou, plutôt, elle envisageait quelque chose d'autre.
4 QUESTION : De quoi s'agissait-il ?
5 REPONSE : Dans les régions où la JNA avait ses unités et ses garnisons
6 jusqu'à la proclamation de l'indépendance de la République de
7 Croatie et où les Croates étaient le groupe ethnique majoritaire,
8 elle entendait et se préparait à retirer tout son équipement et
9 toutes ses troupes; et dans les régions où les Serbes étaient le
10 groupe ethnique majoritaire, la JNA entendait laisser la majeure
11 partie de ses troupes et de ses armements, l'explication étant
12 qu'ils serviraient à la protection de la population serbe.
13 QUESTION : Ce retrait partiel de la JNA du territoire de la Croatie a-t-il
14 réussi ?
15 REPONSE : La JNA a plus ou moins réussi à laisser la majeure partie de son
16 équipement et de ses troupes dans les régions où les Serbes étaient
17 le groupe majoritaire; et dans les régions où les Croates formaient
18 la majorité de la population, elle n'a pas réussi à appliquer
19 intégralement sa tâche, ses intentions.
20 QUESTION : Que s'est-il passé dans ces régions ?
21 REPONSE : A l'époque, la République de Croatie avait déjà son armée, ses
22 forces blindées et elles encerclaient la plupart des garnisons et
23 des casernes. Une partie des unités ont réussi à sortir de ces
24 garnisons et de ces casernes en combattant, par la force et d'autres
25 unités ont négocié le retrait des unités et du matériel et certaines
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1 unités et parties du commandement se sont rendues aux autorités
2 croates.
3 QUESTION : Quelle était l'intention de la JNA sur le territoire de la
4 République de Bosnie-Herzégovine ?
5 REPONSE : Sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine,
6 l'intention était la même que pour la République de Croatie. En
7 d'autres termes, dans les régions où les Serbes étaient
8 minoritaires, la JNA voulait retirer la majeure partie de ses
9 troupes et de son matériel; dans les régions où ils étaient
10 majoritaires et où la Republika Srpska était déjà formée ou en voie
11 de formation, l'intention était d'y laisser la majeure partie des
12 troupes et de l'équipement. C'est en grande partie ce qui s'est
13 passé, ce qu'ils ont fait.
14 QUESTION : En fait, pourriez-vous dire qu'en ce qui concerne la région du
15 territoire de la Croatie et de la République de Bosnie-Herzégovine
16 que la JNA a laissé, en fait, des armées complètes dans des parties
17 de ces régions où elle le voulait ?
18 REPONSE : Le terme "armée" est inexact mais elle a laissé derrière elle
19 des unités de l'échelon du corps et d'échelons subalternes. Je peux
20 peut-être expliquer ce qu'est un corps et ce qu'est une armée. Une
21 unité comme le corps de Banja Luka est subordonnée au commandement
22 du district militaire ou au commandement de l'armée. A Sarajevo,
23 vous aviez le commandement du district militaire tandis qu'en Bosnie
24 vous aviez trois corps, les corps de Sarajevo, Tuzla et Banja Luka,
25 et la JNA a réussi à retirer la majeure partie des troupes et de
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1 l'équipement des secteurs de Tuzla et de Sarajevo, bien sûr, tandis
2 que la majeure partie des effectifs et des armes du 5ème corps,
3 c'est-à-dire alors du 1er corps de la Krajina, sont restés sur
4 place. Elle a donc retiré une partie du corps, de l'équipement et du
5 matériel et une partie est restée sur place.
6 QUESTION : S'agissant de l'annonce publique d'une division de la JNA et du
7 retrait des forces yougoslaves du territoire de Bosnie-Herzégovine,
8 avez-vous jamais eu connaissance d'un ordre ordonnant à tous les
9 membres de la JNA qui n'étaient pas de Bosnie-Herzégovine de quitter
10 le territoire de cette République avant le 19 mai 1992 ?
11 REPONSE : J'ai vu uniquement l'ordre touchant les membres de l'unité,
12 c'est-à-dire le Centre de formation des unités blindées et
13 mécanisées et des unités sous mon commandement.
14 QUESTION : L'ordre était-il de transférer l'école sur le territoire de la
15 République de Serbie ?
16 REPONSE : Oui, il y a eu tout d'abord l'ordre en avril que le Centre de
17 formation devait être prêt avec tous ses effectifs, facilités et
18 équipement pour le transfert à la République de Serbie, c'est-à-dire
19 la République fédérale de Yougoslavie; puis nous avons reçu un ordre
20 en mai qui modifiait quelque peu le précédent au sens où les hommes
21 devaient partir et, s'agissant de l'équipement, seulement ce qui
22 pouvait être transporté en Yougoslavie par voie aérienne devait
23 l'être, parce que les voies terrestres vers la Yougoslavie étaient
24 déjà fermées à l'époque.
25 QUESTION : Combien de membres du personnel de l'école sont effectivement
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1 partis pour la Yougoslavie ?
2 REPONSE : Le 19 mai, le jour où les troupes et partie de l'équipement
3 devaient partir pour la Yougoslavie, de 25 à 30 officiers sont
4 partis pour Belgrade, de même qu'un certain nombre de civils
5 travaillant pour la JNA. Plus tard, ceux qui sont restés derrière
6 pendant un certain temps dans le secteur du 5ème corps sont
7 également partis pour la Yougoslavie et ont rejoint l'armée de la
8 Yougoslavie sur une base individuelle.
9 QUESTION : Vous avez personnellement été transféré au 5ème corps ?
10 REPONSE : Le 12 ou le 13 mai, j'ai reçu l'ordre du chef de
11 l'administration du personnel du Secrétariat fédéral pour la défense
12 nationale, le général Krstic, le chef de l'administration l'avait
13 signé le 11 mai et d'après cet ordre, je devais me démettre de mes
14 fonctions de commandant des unités blindées et mécanisées et
15 reprendre le poste que j'occupais auparavant au service opérationnel
16 du 5ème corps. Il s'appelait encore officiellement le 5ème corps à
17 cette époque.
18 QUESTION : Ce poste auprès de la section opérationnelle du 5ème corps ...
19 Vous n'en étiez qu'un membre, vous n'étiez pas le chef de cette
20 section, est-ce exact ?
21 REPONSE : Oui, j'étais le chef adjoint du service de formation
22 opérationnelle à l'état-major ... le chef adjoint du service des
23 affaires de formation opérationnelle au quartier général du 5ème
24 corps. C'était mon affectation.
25 QUESTION : S'agissant des unités opérationnelles de la JNA sur le
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1 territoire de la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, du 5ème
2 corps, plutôt que d'ordonner le retrait général de tous les
3 officiers des forces yougoslaves, les officiers ont-ils au contraire
4 été encouragés à rester en Bosnie-Herzégovine ?
5 REPONSE : Oui, je n'ai ni vu ni entendu un ordre relatif à leur transfert
6 ou à l'envoi de troupes; de façon générale, ils devaient tous être
7 inclus dans l'armée de Yougoslavie.
8 QUESTION : Y a-t-il eu après le 19 mai 1992 un changement significatif ou
9 un changement tout simplement dans le personnel du 5ème corps qui
10 est devenu par la suite le 1er corps ?
11 REPONSE : J'ai pris mes fonctions le 2 juin au commandement de ce qui
12 avait déjà été renommé le 1er corps de la Krajina et j'ai constaté
13 que tous les officiers et toutes les autres troupes qui étaient déjà
14 là un an plus tôt durant mon affectation précédente ... Je les ai
15 retrouvés au corps et c'était vrai également des commandants des
16 bataillons, brigades et autres officiers.
17 QUESTION : La façon dont les officiers et les soldats étaient traités dans
18 le contexte de cette division publique de la JNA était-elle
19 différente ?
20 REPONSE : Oui, les soldats qui, à cette époque, en mai 1992 par exemple,
21 effectuaient leur service militaire dans la région de la Republika
22 Srpska ou, plutôt dans le secteur du 5ème corps et n'étaient pas
23 originaires de Bosnie-Herzégovine, pouvaient et ont reçu la
24 possibilité de rentrer dans leur République, c'est-à-dire la
25 République fédérale de Yougoslavie.
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1 QUESTION : Craignait-on que les conscrits ne se battent pas aussi
2 agressivement pour une République qui n'était pas la leur ?
3 REPONSE : Oui, cette crainte existait mais il y avait aussi une
4 réglementation disposant qu'une personne qui n'était pas un
5 ressortissant d'un Etat ne pouvait pas servir dans l'armée de cet
6 autre Etat. Les Serbes avaient proclamé la Republika Srpska comme
7 leur Etat et les soldats qui étaient des ressortissants de la
8 République fédérale de Yougoslavie n'étaient pas des citoyens de la
9 Republika Srpska. Cela s'expliquait donc aussi par cette
10 réglementation militaire en vigueur avant et durant le conflit.
11 QUESTION : Vous a-t-on jamais officiellement affecté à une entité appelée
12 Republika Srpska ou à son armée ?
13 REPONSE : Oui, je l'ai déjà dit, j'ai reçu l'ordre du chef de
14 l'administration du personnel du Secrétariat fédéral, ordonnant mon
15 transfert du Centre de formation, le seul centre de ce genre dans la
16 JNA, au commandement du 5ème corps qui, à cette époque, faisait
17 aussi partie de la JNA. De cette manière j'ai simplement été
18 transféré d'une unité de la JNA à une autre de ses unités.
19 QUESTION : Avez-vous jamais prêté un nouveau serment de loyauté à l'armée
20 de la Republika Srpska ou à cette dernière proprement dite ?
21 REPONSE : Personne ne m'a jamais demandé de prêter ou de répéter un
22 serment de loyauté.
23 QUESTION : Des officiers de votre connaissance ont-ils jamais eu à prêter
24 un tel serment de loyauté ?
25 REPONSE : Je ne connais personne qui y ait été invité.
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1 QUESTION : Quel uniforme portiez-vous pendant vos fonctions après le 19
2 mai 1992 ?
3 REPONSE : J'ai, comme mes amis, continué à porter le même uniforme.
4 QUESTION : C'est-à-dire l'uniforme de la JNA, de l'armée ...
5 REPONSE : Oui, c'était l'uniforme de l'Armée populaire yougoslave sauf
6 que, puisque l'état-major général de l'ARS avait donné l'ordre de
7 porter l'écusson de cette armée, la plupart des officiers le
8 portaient, principalement sur leurs képis et au bras mais je ne l'ai
9 jamais fait et je n'ai jamais eu aucun problème à ce sujet.
10 QUESTION : Est-ce que d'autres ont aussi continué de porter l'écusson de
11 la JNA sur leurs uniformes ?
12 REPONSE : Oui, certains des officiers ont continué de porter l'ancien
13 écusson.
14 QUESTION : Des problèmes ont-ils jamais été suscités par ce fait ?
15 REPONSE : Pour autant que je sache, personne n'a jamais eu de problèmes à
16 cause de cela.
17 QUESTION : Pour autant que l'aient compris les officiers du 1er corps et
18 des autres unités avec lesquelles vous avez été en rapport, quel
19 était le but socio-politique du conflit armé dans lequel étaient
20 engagés les divers groupes de l'Armée de l'ex-Yougoslavie sur le
21 territoire de la République de Bosnie-Herzégovine et celui de la
22 République de Croatie ?
23 REPONSE : A ma connaissance, sur la base de conversations avec des
24 particuliers et mes collègues officiers, le but était de rassembler,
25 de les unir à la République de Yougoslavie au plan territorial tout
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1 d'abord puis d'en faire tôt ou tard les forces blindées communes de
2 la Yougoslavie.
3 QUESTION : Le but des officiers et du personnel de l'armée que vous
4 connaissiez était donc de réunifier ces trois parties de la JNA ?
5 REPONSE : Non seulement les commandements mais les troupes, les hommes en
6 parlaient, parlaient du fait qu'ils se considéraient comme partie de
7 la Yougoslavie et qu'ils voulaient rejoindre après s'être séparés,
8 avoir fait sécession tout d'abord de la République déjà reconnue de
9 Bosnie-Herzégovine et puis de rejoindre la Yougoslavie.
10 QUESTION : On peut donc dire que le but ou le rôle que les officiers du
11 1er corps et d'autres que vous connaissiez envisageaient pour eux-
12 mêmes étaient de continuer à faire partie de la Yougoslavie ?
13 REPONSE : Oui.
14 QUESTION : J'aimerais vous poser maintenant quelques questions sur la
15 situation suivante. Considérons un homme d'origine serbe, en âge
16 d'effectuer ses obligations militaires, disons entre 25 et 45 ans,
17 qui réside dans une opstina dans la région de Banja Luka durant la
18 période de mai à juin 1992. Pensez-vous qu'il est possible que les
19 responsables du SDS dans la région de Banja Luka permettent à un tel
20 homme qui a quitté sa commune locale avant le début des hostilités
21 dans cette commune parce qu'il ne voulait pas se battre contre des
22 non-Serbes sur ce territoire ...
23 M. KAY : Puis-je soulever un point avant que le témoin réponde à la
24 question et ...
25 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Attendez. Je ne pense pas que la question soit
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1 terminée. Finissez la question et j'écouterais votre objection avant
2 de permettre au témoin de répondre.
3 M. KAY : Merci, Mme la Présidente.
4 M. KEEGAN : Dans cette situation, cette personne pourrait-elle rentrer
5 dans sa commune locale trois ou quatre semaines plus tard après la
6 fin des combats pour devenir le Président du SDS dans cette commune
7 locale, le secrétaire de la commune locale et un membre des forces
8 de réserve de la police ?
9 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Excusez-moi colonel. Avez-vous une objection,
10 M. Kay ?
11 M. KAY : Oui, Mme la Présidente. C'est une très longue question posée à ce
12 témoin qui porte sur un certain nombre de points différents. Pour ma
13 part, je ne vois aucun fondement ou préparation indiquant les
14 raisons pour lesquelles ce témoin devrait donner plus
15 particulièrement son opinion sur ces points. On lui demande des
16 commentaires sur la position au sein du SDS d'un homme hypothétique
17 d'un certain âge qui a peut-être commis des actes particuliers,
18 comme avoir fui sa région, sans qu'on ait expliqué pourquoi il
19 devrait donner son opinion sur ces points particuliers.
20 Nous n'avons entendu aucun élément de preuve détaillé quant à la
21 connaissance qu'aurait ce témoin du SDS et ce qu'il peut nous dire à
22 son sujet qui le qualifie particulièrement à donner cette opinion.
23 Il me semble que c'est l'occasion pour l'Accusation de faire cette
24 déclaration sur la base d'une situation hypothétique dont nous
25 connaissons tous l'objectif et d'obtenir une sorte de commentaire du
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1 témoin sans que cette opinion soit dûment fondée.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan ?
3 M. KEEGAN : S'il plaît à la Cour..
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : L'objection est longue mais j'aimerais que vous
5 vous concentriez sur la connaissance qu'aurait le témoin de la
6 hiérarchie du SDS et de ses modalités d'opération.
7 M. KEEGAN : Oui, Mme la Présidente, je vais approfondir la question du
8 fondement.
9 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Il a certainement beaucoup parlé de la JNA mais
10 voyons ce qu'il sait du SDS.
11 M. KEEGAN (Au témoin) : Colonel Kranjc, en plus de votre service dans la
12 région de Banja Luka, avez-vous été candidat à l'Assemblée
13 municipale de Banja Luka en 1990 ?
14 REPONSE : Oui, lors des premières élections dites démocratiques dans la
15 République de Bosnie-Herzégovine en 1990, le Parti du changement
16 démocratique à Banja Luka m'a nommé et inscrit sur sa liste de
17 candidats à l'assemblée municipale de Banja Luka, bien que je n'ai
18 pas été membre de ce parti. Le parti a remporté un nombre suffisant
19 de voix; j'étais le septième candidat sur la liste et il a remporté
20 17 sièges à l'assemblée municipale de sorte que je suis devenu
21 conseiller municipal, un membre de l'assemblée municipale pendant
22 plus d'un an jusqu'à ma démission de cette fonction. Pendant plus
23 d'un an j'ai donc été en contact avec le fonctionnement de
24 l'assemblée municipale à Banja Luka et les activités de tous les
25 partis. Peu de temps après je suis devenu le commandant du Centre de
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1 formation et en raison de mes contacts personnels ou officiels, j'ai
2 rencontré la majorité des dirigeants ou des membres et des
3 responsables du SDS à Banja Luka et j'ai eu connaissance du mode
4 d'opération de ce parti.
5 M. KEEGAN : Peut-on montrer la pièce à conviction 141 au témoin, s'il vous
6 plaît ?
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Pendant qu'on la montre au témoin,
8 l'interprétation indiquait qu'il était membre du Parti du changement
9 démocratique; c'est le SDS n'est-ce pas ?
10 M. KEEGAN : Non, c'est inexact, Mme la Présidente. Je vais l'expliquer
11 quand nous examinerons la pièce à conviction 141. (Remise de la
12 pièce à conviction 141 au témoin) (Au témoin) : Colonel Kranjc,
13 pourriez-vous examiner cette pièce à conviction ? De quoi s'agit-il,
14 s'il vous plaît ?
15 REPONSE : C'est le numéro du Journal officiel de la municipalité de Banja
16 Luka du 9 novembre 1990, No 9, page 192; l'annonce de la liste
17 commune. Voulez-vous que je la lise ?
18 QUESTION : Si vous pouviez seulement la placer sur l'elmo s'il vous plaît
19 ?
20 REPONSE : C'est la liste fournie par les partis de leurs candidats aux
21 sièges de l'assemblée municipale de la municipalité de Banja Luka.
22 Comme je l'ai dit, mon nom est le septième sur la liste. En plus du
23 Parti réformiste, notre parti était le seul qui n'ait pas été
24 monoethnique. Comme vous pouvez le voir, il y avait des Croates, des
25 Serbes, des Yougoslaves, des Slovènes, des Musulmans etc. Et le SDS,
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1 le SDA et le HDZ étaient des partis monoethniques. Leurs listes de
2 candidats étaient monoethniques.
3 QUESTION : Merci colonel Kranjc. Pourriez-vous placer la traduction en
4 anglais sur cette partie de l'écran ? La première section était
5 intitulée "Liste de candidats de la Ligue communiste de Bosnie-
6 Herzégovine, du Parti socialiste démocratique et de l'Alliance
7 démocratique socialiste de Bosnie-Herzégovine". C'est le parti qui
8 vous a nommé ?
9 REPONSE : Oui.
10 QUESTION : Merci. Durant l'année que vous avez passée à l'assemblée, vous
11 avez déjà mentionné que vous avez eu des contacts avec les
12 responsables du SDS et des autres partis ?
13 REPONSE : Oui.
14 QUESTION : Etiez-vous au courant de leurs positions et de leurs programmes
15 ?
16 REPONSE : Le programme de chaque parti était publiquement ... était rendu
17 public avant les élections.
18 QUESTION : Les conditions nécessaires appropriées pour devenir membre du
19 parti, les conditions pour qu'un Serbe devienne membre du SDS,
20 ressortaient-elles clairement de vos contacts avec des membres du
21 SDS ?
22 REPONSE : Oui, c'est arrivé lors de réunions auxquelles j'ai assisté.
23 C'est aussi arrivé et on en a parlé lors de réunions de l'Assemblée
24 municipale et en d'autres occasions, et les buts poursuivis, les
25 raisons de la lutte du Parti démocratique serbe, étaient également
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1 publiés dans la presse.
2 QUESTION : La presse n'a-t-elle pas en fait publié une provocation ou une
3 menace publique lancée contre vous et d'autres membres du 1er corps
4 par des membres du SDS ?
5 REPONSE : Oui. Le responsable du SDS à Banja Luka, Vukic, m'a mentionné
6 ainsi qu'un certain nombre d'autres membres du corps de Banja Luka,
7 m'a attaqué dans la presse, le Banja Luka Glas. Le journaliste
8 déclarait que Kranjc, Hasotic, Osman Selak et Radman Zvonko devaient
9 quitter l'armée, qui était encore à l'époque la JNA et qu'il
10 s'assurerait auprès du commandement du corps que ce genre de
11 personnes ne pourrait plus rester dans le corps de Banja Luka. Ce
12 fut répété à plusieurs reprises dans des termes différents.
13 QUESTION : Quand ils faisaient référence à "ce genre de personnes",
14 visaient-ils le fait que vous n'étiez pas des Serbes et que, par
15 conséquent, vous ne pouviez pas être considérés comme fiables ?
16 REPONSE : Oui. Ils me connaissaient autrement comme un commandant mais les
17 intérêts personnels de Vukic n'étaient pas satisfaits avec un
18 Slovène à la tête du Centre de formation, même si la JNA continuait
19 d'exister à cette époque, parce que les attaques dans les médias,
20 dans la presse et à la radio, ont surtout eu lieu en février, mars,
21 avril. Il n'y en a pas eu en mai si je me souviens bien.
22 QUESTION : Ressortait-il clairement de vos conversations et de vos
23 contacts avec les responsables du SDS qu'ils permettraient ou non à
24 quelqu'un de faire partie de l'équipe dirigeante du parti si cette
25 personne recherchait la coexistence pacifique avec les non-Serbes
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1 dans la région de Banja Luka ?
2 REPONSE : Ils ne le disaient pas en public mais c'était leur position dans
3 les cercles plus restreints.
4 QUESTION : Plus particulièrement, quand le conflit a éclaté sur le
5 territoire de la République de Croatie et s'est propagé à celui de
6 la République de Bosnie-Herzégovine, est-il devenu évident que tout
7 Serbe qui refuserait de participer à cette activité ne serait pas
8 considéré comme un membre loyal et, par conséquent, ne pourrait être
9 membre du SDS ?
10 REPONSE : Incontestablement, parce que le SDS et toutes les autorités, les
11 organes et la population pensaient la même chose - que leur armée ne
12 faisait qu'une et qu'elle devait être respectée et obéie et que tout
13 devait être fait en sa faveur, que vous deviez y participer et que
14 les personnes mobilisées devaient la rejoindre.
15 QUESTION : Pour en revenir à la question hypothétique que je vous ai posée
16 il y a quelques instants ...
17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Si vous vous apprêtez à poser la même question,
18 nous l'avons au procès-verbal. Voyons si M. Kay a toujours une
19 objection.
20 M. KAY : Merci beaucoup, Mme la Présidente. La position est que ce témoin
21 a été membre de l'assemblée municipale pendant un an, ayant été
22 candidat aux élections pour un parti différent du SDS sur lequel la
23 question porte. Et la question du statut du SDS de Kozarac peut se
24 révéler entièrement différente de celle des dirigeants du SDS sur
25 lesquels a porté la question de mon confrère pendant qu'il
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1 établissait ce fondement. Les positions des milieux dirigeants du
2 SDS et du SDS dans une petite région comme celle de Kozarac où nous
3 savons que 141 membres ont participé au plébiscite en novembre 1991
4 peuvent être tout à fait différentes. Ce qui m'inquiète ici est que
5 l'on va poser au témoin des questions hypothétiques de telle façon
6 que des points de fait devant être tranchés par ce Tribunal vont
7 dans une certaine mesure être remplacés.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je vais rejeter votre objection, M. Kay. Vous
9 avez raison quand vous dites que nous parlons de Kozarac, des
10 événements de Kozarac. Si je me souviens bien du témoignage
11 cependant, le contrôle était significatif à défaut d'être absolu, du
12 bureau régional de Banja Luka d'où vient ce témoin, en dépit, si je
13 me souviens bien, d'un règlement interdisant un tel contrôle,
14 d'après au moins un autre témoin. C'est le souvenir que j'ai de ce
15 témoignage. Par conséquent, bien que le SDS ait été présent à
16 Kozarac, le colonel est à Banja Luka. Mon souvenir du témoignage est
17 que le quartier général local exerçait un contrôle et une direction
18 significatives bien que le règlement l'ait interdit. L'autre
19 question, si je peux me permettre ... M. Keegan, corrigez-moi tout
20 d'abord si je me trompe.
21 M. KEEGAN : Non, Mme la Présidente, je ne vais pas corriger votre
22 déclaration.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : En particulier si je vais rejeter l'objection
24 mais vouliez-vous ajouter quelque chose ?
25 M. KEEGAN : Tout d'abord, bien sûr, l'hypothèse ne se rapportait pas
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1 directement à Kozarac; elle se rapportait à la région de Banja Luka.
2 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Mais la personne hypothétique quitte Kozarac et
3 y revient, n'est-ce pas ?
4 M. KEEGAN : Non, je n'ai pas mentionné de village spécifique. J'ai parlé
5 d'une commune locale dans la région de Banja Luka. Le second point
6 concerne, bien sûr, le témoignage du témoin ...
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Permettez-moi de vous interrompre. S'il ne se
8 rapporte pas alors à la commune locale de Kozarac, quel en est
9 l'intérêt, pour en revenir à la préoccupation manifestée
10 antérieurement ce matin par le Juge Stephen à propos du
11 développement de questions et de témoignages au-delà de ce qui nous
12 concerne directement ?
13 M. KEEGAN : En fait, Mme la Présidente, les questions suivantes allaient
14 se rapporter au fait que les dirigeants régionaux du SDS à Banja
15 Luka contrôlaient les positions du SDS pour la région. Je n'avais
16 pas encore atteint ce stade dans le témoignage.
17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Mais nous l'avons appris d'autres témoignages,
18 au moins je l'ai entendu.
19 M. KEEGAN : Exact, ce qui est la raison pour laquelle j'allais
20 l'interrompre et ne pas contredire votre déclaration. De plus, si je
21 comprends bien, vous avez rejeté l'objection et je vais donc
22 simplement continuer.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Notre Règlement de procédure et de preuve,
24 l'article 89 en particulier, permet, comme nous l'avons déjà
25 indiqué, la recevabilité de témoignages pertinents ayant valeur
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1 probante. Nous rejetons l'objection, acceptons la réponse et lui
2 donnerons le poids que nous considérerons approprié.
3 M. KAY : Oui. Mme la Présidente se rend compte que je m'inquiète de la
4 pertinence comme elle vient de le mentionner à l'instant dans sa
5 décision.
6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne vous ai pas entendu soulever une objection
7 au motif de la pertinence. Ce que j'ai entendu, et je m'intéresse
8 particulièrement aux événements de Kozarac; cependant Kozarac est
9 dans la région de Banja Luka et présente donc un intérêt général.
10 J'aimerais bien, cependant, que l'on se rapproche un peu plus de
11 Kozarac. Je rejette également votre objection sur cette base. M.
12 Keegan, voulez-vous qu'on lise la question ou pouvez-vous la répéter
13 ?
14 M. KEEGAN : Je peux la répéter.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien.
16 M. KEEGAN : Colonel Kranjc, pour reprendre l'hypothèse que je vous ai
17 présentée plus tôt - la situation d'un homme serbe en âge
18 d'effectuer ses obligations militaires qui réside dans une opstina
19 dans la région de Banja Luka durant la période mai-juin 1992 - cette
20 personne peut-elle fuir sa commune locale juste avant l'ouverture
21 des hostilités et y retourner environ trois semaines plus tard et, à
22 ce stade, être nommée au poste de Président du SDS de cette commune
23 locale, devenir le secrétaire de la commune locale et un membre des
24 forces de réserve de la police ?
25 REPONSE : A mon avis, c'était impossible. Madame, messieurs de la Cour, si
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1 je peux me permettre, je ferais une remarque. Kozarac en tant que
2 commune locale relève de l'opstina de Prijedor et non de celle de
3 Banja Luka. Ce n'est peut-être pas très clair parce qu'on parle
4 parfois de la région de Banja Luka qui, à certains égards,
5 comprenait la région de Prijedor mais nous parlons parfois de la
6 région de Prijedor qui couvrait de Bosanski Novi vers Dubica, Sanski
7 Most et Klucj, environ à mi-chemin entre Banja Luka et Prijedor. Il
8 est vrai que Kozarac en tant que commune locale n'appartenait pas à
9 Banja Luka mais à Prijedor.
10 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : L'opstina de Prijedor ou la région de Prijedor ?
11 REPONSE : L'opstina de Prijedor comprenait la commune locale de Kozarac
12 et, parfois, l'expression "région de Prijedor", plus étendue que
13 l'opstina, est utilisée et elle s'appuie sur la ville de Prijedor
14 aux plans économique, sanitaire, éducatif etc.
15 QUESTION : L'opstina de Prijedor est-elle dans la région de Banja Luka ?
16 REPONSE : Oui, parce que Banja Luka se considérait comme le siège de la
17 Région autonome de la Krajina et Prijedor faisait partie de cette
18 région mais on parlait parfois seulement de la région de Banja Luka
19 et parfois de la Région autonome de la Krajina bosniaque. Tout
20 dépendait de la façon dont les gens utilisaient l'expression.
21 Officiellement, il s'agissait de la Région autonome de la Krajina
22 bosniaque qui comprenait toutes les opstinas dans lesquelles les
23 Serbes étaient majoritaires ou plutôt dans lesquelles le SDS était
24 majoritaire aux assemblées de sorte que cette municipalité pouvait
25 voter en faveur de l'appartenance à la Région autonome. Cela ne
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1 s'est pas passé ainsi à Prijedor parce que le Parti d'action
2 démocratique, ou SDA, a remporté les élections de 1990 et il se
3 composait en majorité ou en totalité de Musulmans.
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, quand vous demandez dans votre
5 question si cela se trouve dans la région de Banja Luka, l'entendez-
6 vous au sens de Région autonome de la Krajina bosniaque ? Utilisiez-
7 vous la région de Banja Luka de cette façon ?
8 M. KEEGAN : J'utilisais la région de Banja Luka de cette façon, Mme la
9 Présidente, pour distinguer la transformation quand la Région
10 autonome de la Krajina bosniaque est devenue plus tard partie de la
11 Republika Srpska. Plutôt que de risquer cette confusion, j'essayais
12 seulement de nous limiter à la région de Banja Luka.
13 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Je voulais simplement savoir si,
14 quand vous parliez de "région de Banja Luka", vous parliez de la
15 Région autonome de la Krajina bosniaque et la réponse est : "oui".
16 Est-ce correct ?
17 M. KEEGAN : Oui, Mme la Présidente, c'est ainsi que j'entendais cette
18 expression.
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : De même que le témoin ?
20 M. KEEGAN : Correct.
21 JUGE STEPHEN : Une autre question pour éclaircir la vôtre. Vous la
22 confinez à une personne hypothétique qui fuit, avec tout ce que ce
23 terme comporte, et fuit pour une raison particulière que vous avez
24 mentionnée ?
25 M. KEEGAN : Exact.
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1 Pour en revenir à votre témoignage, colonel Kranjc, quel parti
2 contrôlait le gouvernement de la Région autonome de la Krajina ?
3 REPONSE : Il était entièrement sous le contrôle du SDS, le Parti
4 démocratique serbe, dont le siège était à Banja Luka et qui était
5 dirigé par Brdjanin et Kupresanin.
6 QUESTION : Si à un certain stade les membres serbes de l'assemblée de
7 l'opstina de Prijedor ont formé leur propre assemblée serbe de
8 l'opstina de Prijedor et voté de se joindre à la Région autonome de
9 la Krajina, à votre avis, relèveraient-ils alors du pouvoir des
10 dirigeants du SDS à Banja Luka ?
11 REPONSE : Oui, certainement.
12 QUESTION : En tenant compte de tous ces facteurs, votre réponse resterait-
13 elle la même si, dans cette région de Banja Luka, c'est-à-dire la
14 Région autonome de la Krajina, cet individu fuyait l'opstina pour
15 éviter les combats dans cette opstina et rentrait trois ou quatre
16 semaines plus tard après l'achèvement de ces opérations - le SDS
17 permettrait-il à cette personne de devenir son président dans cette
18 commune, le secrétaire de cette commune locale et un membre des
19 forces de réserve de la police ?
20 REPONSE : Il ne le pourrait pas sauf si, sur instructions ou dans le cadre
21 d'une mission du SDS ou pour son compte, il était parti pour
22 accomplir une mission importante pour les besoins du SDS. Mais
23 normalement il ne le pourrait pas.
24 QUESTION : Si cette personne avait en fait participé à ces combats dans
25 l'opstina dont il était originaire et si elle était par la suite
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1 devenue président du SDS, cette participation serait-elle
2 nécessairement notée dans son livret militaire officiel ?
3 REPONSE : Non, pas nécessairement. Peut-être que c'était impossible en
4 raison du manque de temps, de la lenteur des organes administratifs
5 et parce que la plupart des choses étaient faites ou résolues par
6 accords et ordres verbaux plutôt que par écrit.
7 QUESTION : A votre avis donc, durant cette période quand des conflits
8 armés se déroulaient en 1992 dans cette région, quelqu'un pouvait-il
9 montrer son livret militaire sans que celui-ci porte de notation
10 d'une mission auprès d'une unité spécifique engagée dans des
11 opérations de combat et se servir de cela comme preuve qu'il n'avait
12 pas participé aux hostilités ?
13 REPONSE : C'est possible.
14 QUESTION : Je m'excuse, la question était : pouvait-il utiliser l'absence
15 de notation comme preuve qu'il ne participait pas au combat ?
16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Il a déjà répondu à la question et il s'agit
17 indéniablement d'une question juridique pour ce qui est de savoir si
18 cela peut servir de preuve, mais je pense qu'il y a déjà répondu
19 antérieurement, disant que ce n'est pas nécessairement le cas, parce
20 que durant les événements de l'époque, les décisions étaient prises
21 oralement. Je vais donc présenter une objection pour vous, M. Kay.
22 M. KAY : Je vous en suis reconnaissant.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez tourner la question différemment si
24 vous insistez pour la poser de nouveau.
25 M. KEEGAN : Très bien, Mme la Présidente. Durant cette période de mai-juin
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1 1992, quelqu'un pouvait-il entrer dans les forces de réserve locales
2 de la police plutôt que de rejoindre les rangs d'une unité de combat
3 régulière ?
4 REPONSE : Je m'excuse, je ne comprends pas bien la question. Pourriez-vous
5 la répéter ?
6 QUESTION : Oui. Durant cette période de mai-juin 1992, était-il possible
7 pour un individu de se présenter et de se joindre aux rangs des
8 forces de réserve de la police pour éviter son devoir de combattant
9 ordinaire ou de participer à des missions de combat ou comme
10 exception à ces missions ?
11 REPONSE : Oui, c'était possible s'il avait certaines relations ou
12 certaines raisons d'être récompensé. Il pouvait éviter ses
13 obligations militaires dans une unité de combat réelle et rester
14 dans une unité de la police.
15 QUESTION : Ces postes dans les forces de réserve de la police étaient-ils
16 vérifiés et contrôlés en vue d'assurer la nature ou la qualité des
17 gens qui étaient acceptés dans leurs rangs ?
18 REPONSE : Oui, la police civile exerçait un contrôle, de même que ceux qui
19 étaient envoyés dans la police militaire, du fait que la police
20 municipale ou locale était sous l'influence directe ou, plutôt, la
21 compétence du parti au pouvoir et des organes administratifs; ils
22 contrôlaient pour vérifier en particulier ceux qui entraient dans
23 ces cercles très restreints.
24 QUESTION : Etait-il possible que des facteurs comme les relations
25 politiques ou la fortune puissent permettre à quelqu'un d'obtenir
Page 2208
1 ces postes ?
2 REPONSE : Oui.
3 QUESTION : Etait-il possible, durant cette période de mai-juin 1992, pour
4 un Serbe de quitter son opstina dans la région de Banja Luka, la
5 Région autonome de la Krajina et de se rendre à Banja Luka
6 proprement dit pour se voir délivrer une arme et des munitions par
7 la Défense territoriale de Banja Luka ?
8 REPONSE : Oui, c'était également possible, parce que certaines personnes
9 recevaient des armes de plusieurs sources, pas une seule arme mais
10 plusieurs.
11 QUESTION : Les chances seraient-elles meilleures si la personne était un
12 membre digne de confiance ou influent du SDS ?
13 REPONSE : Je m'excuse, que voulez-vous dire ? Un dirigeant important du
14 SDS ?
15 QUESTION : Oui.
16 REPONSE : Un membre de rang élevé ? Vous pensez à quelqu'un occupant un
17 poste élevé au SDS ?
18 QUESTION : Oui, un poste élevé ou exerçant une forte influence au sein du
19 SDS.
20 REPONSE : Oui, c’était normal. C'est probablement normal dans d'autres
21 organisations que la personne qui occupe un poste élevé a davantage
22 de privilèges, de plus grandes possibilités d'obtenir un meilleur
23 emploi, une mission plus facile, moins exposée au danger des combats
24 et occuper néanmoins un poste de responsabilité.
25 QUESTION : Pourrait-on montrer au témoin la pièce à conviction 8 de la
Page 2209
1 Défense, s'il vous plaît. ( La pièce à conviction 8 de la Défense
2 est remise au témoin). Colonel Kranjc, pouvez-vous vous rendre à la
3 page 20 ?
4 REPONSE : Oui.
5 QUESTION : Pouvez-vous expliquer la raison d'être de la section marquée 13
6 ?
7 REPONSE : La section 13 représente des données sur la cessation des
8 obligations militaires.
9 QUESTION : Si une personne a reçu une mission lui conférant des
10 responsabilités civiles au lieu d'une mission militaire spécifique,
11 cela serait-il consigné dans cette partie du livret militaire ?
12 REPONSE : Cela devrait l'être.
13 QUESTION : Un individu accomplissant une mission professionnelle plutôt
14 que militaire serait-il néanmoins considéré comme s'acquittant de
15 ses obligations militaires ?
16 REPONSE : Oui.
17 QUESTION : La partie relative à la fin des obligations militaires serait-
18 elle alors remplie avant qu'il termine cette obligation
19 professionnelle ?
20 REPONSE : En principe oui mais à cette époque certaines questions
21 administratives prenaient du temps. Des personnes étaient
22 transférées d'un poste à un autre sans que la procédure complète
23 soit suivie, c'est-à-dire l'envoi des rapports entre unités.
24 QUESTION : Si cette section était remplie et close, cela ne signifiait-il
25 pas que ledit individu avait terminé son obligation professionnelle
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1 au lieu et place de ses obligations militaires et, par conséquent,
2 avait terminé son service militaire ?
3 REPONSE : Oui, si ce livret était rempli, c'est bien ce que cela
4 signifiait mais les obligations militaires pouvaient prendre fin de
5 plusieurs façons, pour des raisons de santé, par exemple, une
6 incapacité permanente ou l'âge et le motif de cessation de ces
7 obligations était alors indiqué. L'organe responsable doit porter
8 ici, à ces deux endroits, la référence à l'article de la législation
9 sur la certification des obligations militaires entraînant le
10 retrait des rôles, et une date doit être ajoutée de même que le
11 tampon et la signature de la personne compétente. Alors la procédure
12 est complète.
13 M. KEEGAN : Indiquons au procès verbal que le témoin a montré les deux
14 premières lignes vides pour l'endroit où les articles de la loi sur
15 le service militaire doivent être portés puis la ligne évidente pour
16 la date et la signature. Merci, colonel Kranjc. Je n'ai pas d'autres
17 questions.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
19 Contre-interrogatoire par M. Kay
20 QUESTION : Peut-on rester sur ce point, s'il vous plaît, colonel.
21 Examinons la section 13 du livret militaire qui serait remplie,
22 n'est-ce pas, quand quelqu'un termine définitivement ses obligations
23 militaires ?
24 REPONSE : Définitivement ou provisoirement.
25 QUESTION : Définitivement. Vous êtes déchargé de vos obligations
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1 militaires pour une raison particulière en vertu du code militaire ?
2 REPONSE : J'ai dit qu'il peut être rendu définitivement ou provisoirement
3 à la vie civile et on peut s'en rendre compte au vu du numéro de
4 l'article sur la législation relative aux obligations militaires. Je
5 n'en connais pas exactement tous les articles mais la personne
6 certifiant ce cas, et je pense à celle qui signe, a devant elle le
7 texte de la loi, elle l'étudie et trouve l'article concernant les
8 motifs de la décharge. Je ne connais pas tous les articles qui
9 s'appliquent à ces cas.
10 QUESTION : Il peut donc servir pour un sursis des obligations militaires
11 ou être rendu définitivement à la vie civile; est-ce bien ce que
12 vous dites ?
13 REPONSE : Oui.
14 QUESTION : Si une personne s'est acquittée de ses obligations militaires
15 et que cette section n'est pas remplie, quel genre de problèmes
16 pourrait-elle rencontrer ?
17 REPONSE : Si cet individu est réellement visé par la législation, l'un des
18 articles de la législation sur le service militaire qui prévoit une
19 réforme du service et s'il peut le prouver avec les documents
20 nécessaires, alors il n'aura pas de problèmes; mais s'il n'a pas les
21 documents nécessaires ou si ces documents étaient faux ou s'il avait
22 réussi à se faire réformer grâce à de bonnes relations ...
23 QUESTION : S'il ...
24 REPONSE : ... et il a reçu cette signature, ce sera découvert tôt ou tard.
25 QUESTION : Si vous étiez requis de prouver que vous étiez réformé du
Page 2212
1 service militaire et que vous vouliez en être réformé, vous pourriez
2 fournir la documentation et faire remplir cette section si vous
3 étiez appelé sous les drapeaux ?
4 REPONSE : Oui.
5 M. KAY : Merci. Le moment serait propice, Mme la Présidente. Je ne pense
6 pas que j'ai d'autres questions mais j'aimerais y réfléchir durant
7 la suspension d'audience du déjeuner.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Vous en avez la possibilité.
9 L'audience est suspendue jusqu'à 14 heures 30.
10 (13 heures)
11 (Suspension de l'audience pour déjeuner)
12 (14 heures 30)
13 M. KAY : Mme la Présidente, j'ai terminé mon contre-interrogatoire.
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff est assis. Je voulais dire que
15 vous nous avez manqué ce matin. M. Kay, voulez-vous continuer votre
16 contre-interrogatoire ?
17 M. KAY : J'ai terminé mon contre-interrogatoire. Pas d'autres questions.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. M. Keegan ?
19 M. KEEGAN : Pas de questions Mme la Présidente.
20 Examen par la Cour
21 JUGE STEPHEN : Colonel, vous pouvez peut-être m'aider sur un point. A
22 l'époque où l'ordre a été donné aux membres de la JNA qui n'étaient
23 pas bosniaques de rentrer en Yougoslavie, dans la Yougoslavie
24 croupion, l'ordre a aussi été donné aux Bosniaques de rester en
25 Bosnie-Herzégovine, si je comprends bien ?
Page 2213
1 REPONSE : (Un microphone, s'il vous plaît). Madame, messieurs de la Cour,
2 je n'ai vu que l'ordre sur la réaffectation du personnel et de
3 l'équipement du Centre de formation, puisqu'il s'agissait du Centre
4 de formation principal pour les unités blindées et mécanisées de
5 l'ensemble de la JNA. L'ordre spécifiait et permettait aux hommes
6 nés ou originaires du territoire de Bosnie-Herzégovine d'aller en
7 Yougoslavie, pas seulement ceux venant d'en dehors de la Bosnie-
8 Herzégovine mais aussi ceux dont la résidence s'y trouvait. Ils
9 pouvaient se rendre en Yougoslavie mais cela s'appliquait au Centre
10 de formation et aux commandants et officiers qui y travaillaient. On
11 m'a aussi offert le choix soit d'aller en Yougoslavie soit de rester
12 à ce poste.
13 QUESTION : Je vois. Quand vous dites qu'ils pouvaient rester en Bosnie ou
14 se rendre en Yougoslavie, cela signifie qu'ils seraient affectés à
15 des unités particulières spécifiques, je suppose. Ils ne
16 deviendraient pas simplement des civils ?
17 REPONSE : Oui, cela signifiait que tous les officiers du Centre de
18 formation qui décidaient de quitter Banja Luka pour la Yougoslavie
19 avaient été informés qu'ils seraient maintenus dans les mêmes postes
20 au Centre de formation mais à un nouvel endroit.
21 QUESTION : Ceux qui choisissaient de rester en Bosnie étaient-ils affectés
22 à des unités particulières ?
23 REPONSE : Oui, les officiers du Centre de formation qui ne voulaient pas
24 se rendre en Yougoslavie ont aussi reçu des ordres de
25 l'Administration du personnel à Belgrade mais sur une base
Page 2214
1 individuelle pour leur affectation provisoire à de nouveaux postes
2 dans le 5ème corps.
3 QUESTION : Je m'excuse, j'ai manqué les derniers mots.
4 REPONSE : 5ème corps.
5 QUESTION : 5ème corps. Merci.
6 JUGE VOHRAH : Colonel, quand les bérets rouges sont devenus partie de la
7 VRS, ont-ils pris leurs ordres des commandants du corps de la VRS ?
8 REPONSE : Le commandement du 1er corps de la Krajina se trouvait à Banja
9 Luka. Je ne sais pas exactement de qui ils recevaient les ordres.
10 Dans le cas des ordres relatifs à des opérations de combat, ils
11 émanaient du commandement du corps. S'ils s'appliquaient à d'autres
12 activités, ils émanaient alors des autorités civiles ou des
13 autorités locales dans la région de Banja Luka. Les casernes sous
14 mon commandement, c'est-à-dire le Centre de formation, ont été
15 encerclées à deux reprises. Il y avait des installations dans le
16 centre de la ville et les casernes des brigades de la Krajina se
17 trouvaient à quelque sept kilomètres au nord de Banja Luka. Des
18 rumeurs ont commencé à circuler sur le retrait par la JNA de
19 l'équipement et du matériel se trouvant dans ces casernes, à
20 destination de Belgrade, de sorte que quelqu'un en ville a déclenché
21 cette action et le lendemain les bérets rouges ont bloqué ces
22 casernes, les deux casernes. Je suis intervenu immédiatement auprès
23 du Comité de crise et, après une brève conversation, ces
24 encerclements ont été levés. Dans certains autres cas, quelqu'un
25 d'autre n'appartenant pas au commandement du corps a également donné
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1 des ordres aux bérets rouges,
2 QUESTION : Ces bérets rouges étaient-ils des Serbes de Serbie ou des
3 Serbes de Bosnie ou un mélange des deux ?
4 REPONSE : Je ne sais pas exactement et je ne peux donc pas vous donner une
5 réponse exacte. Personnellement, je pense qu'ils étaient de la
6 région de Banja Luka et de Bosnie.
7 JUGE VOHRAH : Merci.
8 JUGE STEPHEN : Colonel, votre témoignage soulève une autre question. Vous
9 avez dit qu'une raison pour laquelle les soldats du 5ème corps
10 avaient en mai 1992, reçu l'ordre de rentrer en République fédérale
11 de Yougoslavie était que, légalement, ils ne pouvaient pas servir
12 dans ce qui était un Etat étranger, à savoir la Republika Srpska.
13 Est-ce exact ?
14 REPONSE : Oui. C'est exact et je l'ai cité comme la deuxième raison parce
15 que, officiellement ou juridiquement parlant, deux Etats avaient été
16 proclamés, la Republika Srpska et la Yougoslavie.
17 QUESTION : Je crois que vous avez dit que cela s'appliquait aux soldats.
18 Qu'en était-il des officiers parce que, clairement, des officiers
19 ont servi auprès de la Republika Srpska qui était un Etat étranger ?
20 REPONSE : Du point de vue juridique, cela s'appliquait aussi aux
21 officiers, clairement, mais d'après les ordres précédents, ils
22 n'étaient affectés que provisoirement et, pour autant que je sache,
23 personne n'a jamais soulevé la question du point de vue juridique ou
24 autrement. Si un individu optait pour rester sur place, il y était
25 autorisé. Cela lui était rendu possible.
Page 2216
1 JUGE STEPHEN : Merci.
2 TEMOIN : Merci.
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai une question et elle concerne l'Armée
4 populaire yougoslave. Après que la Croatie, la Slovénie et la
5 Bosnie-Herzégovine aient acquis leur indépendance, tout ce qui
6 restait de l'Armée populaire yougoslave, la JNA, était basée si je
7 comprends bien, en République socialiste fédérative de Serbie; est-
8 ce correct ?
9 REPONSE : Il est difficile de répondre à cette question juridiquement ou
10 officiellement. Jusqu'au 19 mai il n'y avait qu'une JNA ou, au moins
11 en ce qui nous concerne au plan des documents que nous avons tous
12 reçus, il y avait aussi une JNA sur le territoire de la Bosnie-
13 Herzégovine. Après cela elle a été divisée en deux Etats - je
14 m'excuse, en deux armées.
15 J'avais reçu des ordres quelque 10 jours auparavant sur mon lieu
16 d'affectation et il était même spécifié que je devais me rendre au
17 5ème corps, son ancien nom, parce que l'armée de la Republika Srpska
18 n'avait pas encore été proclamée. J'ai accepté cela. Mais en dehors
19 de cela, chaque officier, en dehors de cette partie officielle de
20 l'ordre officiel, il y avait aussi quelque chose d'autre, quelque
21 autre motif de rester ou au contraire de partir.
22 QUESTION : Que voulez-vous dire par là ? Quel "motif de rester ou au
23 contraire de partir" ?
24 REPONSE : Mme la Présidente, je n'ai pas dit ... Je voulais dire d'autres
25 raisons, des raisons familiales etc.
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1 QUESTION : Qui était le Commandant suprême de l'Armée populaire yougoslave
2 alors en Serbie après le 22 mai 1992 ? Aux Etats-Unis, par exemple,
3 le Président des Etats-Unis est le Commandant en chef des forces
4 armées. Qui était le Commandant suprême de l'armée populaire
5 yougoslave après le 22 mai 1992, si vous le savez ?
6 REPONSE : Je ne connais pas la constitution de cette nouvelle Yougoslavie
7 après mai 1992 mais, pour autant que l'on puisse voir dans les
8 médias, la télévision, la presse, le Commandant en chef,
9 officiellement ou juridiquement, était le Président de la République
10 de Yougoslavie. Il s'agissait d'abord de Dobrica Cosic puis un
11 nouveau Président l'a remplacé parce que l'ancienne présidence de la
12 République socialiste
13 fédérative de Yougoslavie était composée tout d'abord de huit
14 membres puis, après l'indépendance des quatre Républiques, elle a
15 été abolie.
16 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai pas d'autres questions, M. Keegan ?
17 M. KEEGAN : Pas d'autres questions, Mme la Présidente.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?
19 M. KAY : Non, merci, Mme la Présidente.
20 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à ce que le colonel soit
21 excusé de façon permanente ?
22 M. KAY : Non.
23 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Colonel Kranjc, vous êtes excusé de façon
24 permanente. Merci beaucoup d'être venu.
25 TEMOIN : Madame, messieurs de la Cour, merci beaucoup de m'avoir invité à
Page 2218
1 témoigner.
2 (Départ du témoin)
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?
4 M. NIEMANN : Madame, messieurs de la Cour, je voulais seulement mentionner
5 un point à ce stade. Je ne vais pas interroger le prochain témoin
6 mais il y a un point que je veux mentionner. Nous sommes
7 actuellement, cet après-midi, en train de déposer une requête
8 relative à un témoin particulier que nous nous attendons à voir
9 témoigner la semaine prochaine, demandant une ordonnance aux fins de
10 mesures de protection. Je l'annonce maintenant; j'imagine que vous
11 la recevrez cet après-midi. Je l'annonce maintenant en raison de la
12 brièveté du délai. Le témoin arrive la semaine prochaine et la
13 requête mentionnera la raison de sa venue à une date aussi avancée.
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Nous chercherons donc la requête. Je vous suis
15 reconnaissante de nous en avoir averti. Nous allons donc pouvoir
16 nous assurer que nous l'obtiendrons cet après-midi.
17 M. NIEMANN : Oui.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci.
19 M. KEEGAN : Le témoin suivant est M. Jerko Doko, Mme la Présidente.
20 M. JERKO DOKO est appelé dans le prétoire
21 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Doko, voulez-vous prêter serment s'il vous
22 plaît ?
23 LE TEMOIN (Interprétation) : Je jure solennellement de dire la vérité,
24 toute la vérité, rien que la vérité.
25 (Prestation de serment du témoin)
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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez vous asseoir, M. Doko. M. Keegan,
2 vous pouvez commencer.
3 M. KEEGAN : Merci, Mme la Présidente.
4 Interrogatoire par M. KEEGAN
5 QUESTION : M. Doko, pourriez-vous décliner votre identité pour le procès-
6 verbal s’il vous plaît ?
7 REPONSE : Jerko Doko.
8 QUESTION : Quelle est votre date de naissance ?
9 REPONSE : 14 septembre 1952.
10 QUESTION : Etes-vous né en République de Bosnie-Herzégovine sur le
11 territoire de l'ex-Yougoslavie ?
12 REPONSE : Oui.
13 QUESTION : Résidez-vous actuellement en République de Croatie ?
14 REPONSE : Actuellement, oui.
15 QUESTION : Avez-vous grandi dans la région voisine de Mostar sur le
16 territoire de la Bosnie-Herzégovine et étudié à l'université de
17 Mostar ?
18 REPONSE : Oui, j'ai résidé à Mostar jusqu'en 1991.
19 QUESTION : Avez-vous accompli votre service militaire obligatoire dans
20 l'Armée populaire de Yougoslavie.
21 REPONSE : Oui.
22 QUESTION : A quelle époque ?
23 REPONSE : En 1974/75.
24 QUESTION : Entre 1976 et 1990, avez-vous servi dans les forces de réserve
25 et dans les rangs de la Défense territoriale de Mostar ?
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1 REPONSE : Oui. J'appartenais aux effectifs de la Défense territoriale de
2 la municipalité de Mostar. J'étais le chef du Département de la
3 défense nucléaire, biologique et chimique.
4 QUESTION : Aviez-vous le grade de capitaine de 1ère classe ?
5 REPONSE : Oui.
6 QUESTION : Avez-vous aussi été le chef de cabinet du premier maire élu de
7 Mostar ?
8 REPONSE : Oui, en 1991.
9 QUESTION : Avez-vous ensuite été nommé Ministre de la Défense de la
10 République de Bosnie-Herzégovine ?
11 REPONSE : Oui, le 1er février 1991, j'ai assumé le poste de Ministre de la
12 défense du Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine.
13 QUESTION : Quand avez-vous cessé d'exercer cette fonction ?
14 REPONSE : Le 13 août 1992.
15 QUESTION : Quand vous êtes arrivé à votre poste le 1er février 1991,
16 quelles étaient les principales fonctions du Ministre de la défense
17 ?
18 REPONSE : Les principales fonctions du Ministre de la défense étaient, à
19 l'époque, de réorganiser le Ministère de la défense et de le
20 contrôler, ainsi que la mobilisation des forces dans notre
21 République de Bosnie-Herzégovine.
22 QUESTION : A l'époque à laquelle vous avez assumé vos fonctions, un
23 conflit opposait-il la République et les autorités fédérales quant
24 au titulaire du contrôle sur la mobilisation des forces de la
25 République ?
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1 REPONSE : Oui, c'était peu de temps avant les élections en novembre 1990.
2 L'assemblée fédérale a modifié la loi sur la défense nationale
3 spécifiant que les textes sur la mobilisation et les dossiers
4 devraient relever des autorités militaires envers lesquelles le
5 gouvernement et l'assemblée républicains étaient hostiles après les
6 élections. C'était donc là le conflit de compétences.
7 QUESTION : Pouvez-vous décrire brièvement la composition et le but de la
8 Défense territoriale en Bosnie-Herzégovine dans l'ancienne
9 République socialiste fédérative de Yougoslavie ?
10 REPONSE : La Défense territoriale était l'un des éléments des forces
11 armées de l'ancienne RSFY. Elle avait des quartiers généraux
12 républicains qui étaient responsables politiquement et
13 opérationnellement devant les conseils exécutifs et les présidences
14 des républiques d'alors et, au plan des questions militaires, elle
15 était responsable devant l'état-major général de la JNA. Nous avions
16 huit districts. Notre Défense territoriale en Bosnie-Herzégovine
17 était divisée en huit districts. Elle avait des quartiers généraux
18 républicains ainsi qu'à l'échelon de la zone et de la municipalité.
19 QUESTION : Quel but la Défense territoriale devait-elle servir dans
20 l'ancien système ?
21 REPONSE : Comme son nom l'indique, la Défense territoriale était chargée
22 de la protection du territoire. Les troupes sur le territoire
23 étaient chargées de le protéger. Tous les concours financiers et
24 matériels étaient fournis par les gouvernements républicains, c'est-
25 à-dire les Conseils exécutifs, à ces unités de la Défense
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1 territoriale.
2 QUESTION : Est-ce la raison pour laquelle la législation initiale
3 conférait le contrôle de la mobilisation de cette Défense
4 territoriale aux autorités de la République et non aux autorités
5 fédérales ?
6 REPONSE : La responsabilité de la mobilisation devrait être placée entre
7 les mains des autorités civiles plutôt que dans celles des autorités
8 militaires du fait que les agences et le gouvernement républicains
9 en étaient chargés, de la capacité économique et fonctionnelle de
10 différentes parties du territoire, et il était tout à fait logique
11 qu'ils le fassent, plutôt que Belgrade ou l'armée, par exemple.
12 QUESTION : Quand vous êtes arrivé à votre poste, qui occupait les
13 fonctions de Ministre de la défense ?
14 REPONSE : Le Ministre de la Défense précédent était le général Fetagic, un
15 général de la JNA.
16 QUESTION : La majorité de son personnel était-il aussi constitué
17 d'officiers de la JNA ?
18 REPONSE : La plupart d'entre eux, oui. Son chef de cabinet était un civil,
19 de même que l'Assistant pour les affaires civiles. Tous les autres
20 assistants et adjoints étaient des officiers de la JNA.
21 QUESTION : A l'époque de votre prise de fonctions, qui contrôlait les
22 armes de la Défense territoriale républicaine en Bosnie-Herzégovine
23 ?
24 REPONSE : Dès le début de 1990, les ordres sont arrivés de remettre les
25 armes à la JNA et de les placer dans ses entrepôts pour un meilleur
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1 stockage ou un meilleur entretien. A mon avis, cela signifiait le
2 désarmement de la Défense territoriale. Ce fut fait en Croatie, en
3 Bosnie-Herzégovine et en Macédoine par le comité des partis d'alors.
4 Les autorités de Slovénie ne l'ont pas fait et ils avaient leurs
5 armes.
6 QUESTION : Quelles ont été les répercussions de la capacité de la Slovénie
7 d'armer sa Défense territoriale quand elle a déclaré son
8 indépendance ?
9 REPONSE : Quand l'Armée populaire yougoslave a attaqué la Slovénie, leur
10 ministre, Janez Jansa a mobilisé la Défense territoriale, l'a
11 équipée et l'a armée et il ne leur a fallu que quatre jours pour
12 être en état de se défendre.
13 QUESTION : Quand vous êtes arrivé à votre poste, qui commandait la Défense
14 territoriale de la République ?
15 REPONSE : Le commandant était un Serbe, le général ... Son nom m'échappe
16 pour l'instant. Il n'a été en poste que brièvement, pendant un mois,
17 avant qu'ils n'envoient quelqu'un d'autre, le général Drago
18 Vukosavljevic, un général de la JNA.
19 QUESTION : Le général qui commandait la Défense territoriale quand vous
20 avez pris vos fonctions, était-il un partisan de la position
21 républicaine ou de la position fédérale relative à la mobilisation?
22 REPONSE : Il soutenait la position républicaine et nous avons tenu une
23 réunion de travail durant laquelle le ministère de la défense et
24 l'état-major devaient examiner les plans de formation des unités
25 pour le matériel, l'approvisionnement en équipement etc. et je crois
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1 que c'est la raison pour laquelle on l'a remplacé.
2 QUESTION : Le général Vukosavljevic était-il un partisan de la position
3 républicaine ou de la fédérale ?
4 REPONSE : De la position fédérale.
5 QUESTION : La Présidence de la République de Bosnie-Herzégovine a-t-elle
6 approuvé la nomination du général Vukosavljevic au poste de
7 Commandant de la Défense territoriale de la République ?
8 REPONSE : Après les élections pluri-partites, du fait que les partis
9 nationaux HDZ, SDA et SDS avaient remporté une majorité à
10 l'Assemblée, ils ont réparti les grands postes entre eux de sorte
11 que le Ministère de la défense a été donné à un représentant des
12 Croates, le Ministère de l'intérieur à un représentant des Musulmans
13 et le Chef d'état-major était un représentant des Serbes. L'état-
14 major général de la JNA a proposé ou plutôt a nommé Drako
15 Vukosavljevic et la Présidence de la Bosnie-Herzégovine l'a accepté.
16 QUESTION : En tant que haut responsable gouvernemental de la République de
17 Bosnie-Herzégovine, avez-vous suivi toutes les sessions de
18 l'Assemblée de la République ?
19 REPONSE : Oui, c'était mon devoir en tant que membre du gouvernement
20 d'assister aux travaux de l'Assemblée.
21 QUESTION : Au deuxième semestre de 1991 et jusque durant le premier
22 semestre de 1992, les divergences politiques à l'Assemblée ont-elles
23 semé la discorde ?
24 REPONSE : Oui.
25 QUESTION : Quelles étaient les raisons fondamentales de ces dissensions ?
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1 REPONSE : L'une des raisons majeures à l'époque était de décider si cette
2 législation particulière sur la mobilisation et le recrutement ...
3 si nous devions appliquer la loi fédérale ou, comme la plupart
4 d'entre nous le voulions, s'il devait s'agir d'une affaire interne
5 du gouvernement de Bosnie-Herzégovine et que nous devrions contrôler
6 le recrutement de nos hommes et la mobilisation de notre population.
7 C'était l'un des problèmes majeurs à l'origine des dissensions.
8 QUESTION : La question de l'indépendance de la République était-elle aussi
9 l'une des questions majeures ?
10 REPONSE : Oui, elle figurait aux débats de l'Assemblée. Notre but
11 primordial, ultime était de déclarer l'indépendance de la Bosnie-
12 Herzégovine, à laquelle s'opposaient les membres du SDS, qui
13 voulaient quelque chose de différent.
14 QUESTION : Un vote définitif a-t-il eu lieu sur l'acceptation ou non de la
15 loi fédérale sur la mobilisation par la République ?
16 REPONSE : Oui, il s'est déroulé le 29 février et le 1er mars 1992. Un
17 référendum a eu lieu en Bosnie-Herzégovine sur l'indépendance du
18 pays et les résultats ont ensuite été confirmés par l'Assemblée
19 quand l'indépendance a été votée à la majorité requise des voix. Les
20 membres du SDS ont quitté l'Assemblée à la demande de leur
21 Président, Karadzic.
22 QUESTION : Que s'est-il passé dans les rues de Sarajevo après le départ
23 des membres du SDS ?
24 REPONSE : Des membres du SDS ont commencé à dresser des barricades ou à en
25 organiser.
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1 QUESTION : Quelles mesures ont alors été prises pour constituer les forces
2 armées de Bosnie-Herzégovine ?
3 REPONSE : Nous avons élaboré une loi sur la défense nationale de Bosnie-
4 Herzégovine qui a, par la suite, été adoptée par l'Assemblée, dans
5 laquelle il était indiqué que les forces armées seraient constituées
6 de la Défense territoriale, des forces de défense existant déjà dans
7 le sud, du HVO, nous avions des unités HOS et de tous les groupes
8 qui défendraient la Bosnie-Herzégovine ainsi que les forces armées
9 du Ministère.
10 QUESTION : Voulez-vous dire par là les forces de police ?
11 REPONSE : Oui, les forces de police.
12 QUESTION : Durant cette même période, peu de temps après le départ du SDS
13 de l'Assemblée et l'amorce de la loi en vue de constituer les forces
14 armées de Bosnie-Herzégovine, la JNA a-t-elle commencé à occuper des
15 positions autour de Sarajevo ?
16 REPONSE : Oui. la JNA s'est notamment concentrée sur un blocus, sur un
17 siège de Sarajevo. Ils l'ont fait avant même de préparer les
18 structures nécessaires aux pièces d'artillerie sur les collines
19 encerclant Sarajevo. Quand nous avons insisté pour qu'ils nous
20 donnent une explication, ils ont répondu qu'il s'agissait de
21 manoeuvres de l'armée pour la protection de la ville et nous savons
22 ce qu'il en est advenu par la suite : ils ont bombardé la ville et
23 ils ont transféré ces armes aux forces du SDS de Karadzic qui ont
24 détruit Sarajevo.
25 QUESTION : M. Doko, je remarque que vous avez sorti quelques notes de
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1 votre attaché-case sur la table. Avez-vous préparé des aide-mémoire
2 pour vous aider avec les faits, les chiffres, dates et lieux
3 relatifs aux points sur lesquels vous allez témoigner ?
4 REPONSE : Oui. Mon témoignage fait appel à de nombreuses données et je ne
5 voudrais pas les interpréter de manière erronée. Je les ai donc
6 mises par écrit pour vous les transmettre le cas échéant.
7 M. KEEGAN : Ce document pourrait-il être montré au témoin, s'il vous plaît
8 et pourrait-il être marqué pièce à conviction 180 ? (Remise de la
9 pièce à conviction 180 au témoin) (Au témoin) : M. Doko,
10 reconnaissez-vous la pièce à conviction 180, ce document ?
11 REPONSE : Oui.
12 QUESTION : Est-ce l'aide-mémoire que vous avez préparé pour vous aider
13 dans votre témoignage ?
14 REPONSE : Oui.
15 QUESTION : Une traduction en anglais y est jointe.
16 REPONSE : Oui.
17 M. KEEGAN : Mme la Présidente, je dépose la pièce à conviction 180.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous une objection ?
19 M. KAY : Il me semble qu'il ne s'agit pas techniquement d'une pièce à
20 conviction. C'est un aide-mémoire du témoin, dont le statut est tout
21 à fait différent. Ce n'est pas un élément important concernant le
22 contexte de l'affaire mais quelque chose pour l'aider avec son
23 témoignage devant la Cour. La Cour peut penser qu'une distinction
24 est nécessaire entre la nécessité d'en faire une pièce à conviction
25 ou simplement de l'aider à donner son témoignage.
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1 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je ne vois personnellement aucun problème à ce
2 qu'il utilise des notes le cas échéant pour l'aider à répondre aux
3 questions, dans la mesure où vous en avez une copie, à laquelle vous
4 avez droit. Quant à savoir s'il doit être versé, normalement il ne
5 le serait pas. Certes, nous n'avons pas de règle sur ce point mais
6 ...
7 M. KEEGAN : C'est exact, Mme la Présidente. Normalement je ne le verserais
8 pas mais, compte tenu de ce système, j'ai pensé que vous pourriez
9 souhaiter qu'il fasse partie du procès-verbal et je l'ai donc
10 déposé.
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous une objection, M. Kay ?
12 M. KAY : Je ne pense pas qu'il soit nécessaire qu'il fasse partie du
13 procès-verbal. On pourrait y avoir excessivement recours. Je peux
14 imaginer qu'il n'y aura pas de limites si on devait se lancer
15 maintenant dans cette direction, parce qu'il y a une distinction
16 entre l'aide-mémoire d'un témoin et ses pièces à conviction se
17 rapportant à l'affaire qu'il produit.
18 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Assurément, dans notre système, il ne serait pas
19 recevable. Je vais conférer avec mes confrères puisqu'il n'y a pas
20 de disposition sur ce point et voir si nous pouvons dégager un
21 consensus.
22 (Les juges confèrent)
23 J'accepte votre objection, M. Kay. Il semble que nos systèmes sont
24 plus semblables qu'ils ne sont différents et, comme je l'ai indiqué,
25 il n'y a pas de dispositions sur ce point. Nous voulons entendre le
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1 témoin, et c'est donc important. C'est un peu comme une déposition
2 préalable dans votre système. Elle ne serait pas versée s'il est ici
3 pour témoigner. Vous pouvez, bien sûr, s'il existe une déposition
4 qu'il aurait donnée antérieurement, et je suis certaine que c'est le
5 cas, et si ce n'est pas ce qui a été marqué pièce à conviction 180
6 aux fins d'identification, vous pouvez utiliser cet argument aux
7 fins de contestation ou, si vous le voulez, vous pouvez prendre
8 connaissance de cette déclaration s'il l'utilise pour se rafraîchir
9 la mémoire. Mais nous ne le voulons pas comme pièce à conviction et
10 j'accepte donc votre objection. C'est un document que nous n'aurons
11 pas à étudier.
12 M. KEEGAN : Très bien, Mme la Présidente, merci. (Au témoin) : Après
13 l'adoption de la loi sur la défense en République de Bosnie-
14 Herzégovine, comment le Ministère a-t-il constitué l'état-major des
15 forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine et qui y a été
16 nommé ?
17 REPONSE : Le 6 avril 1992 nous nous sommes installés dans les bureaux de
18 l'ancien quartier général de la Défense territoriale de Bosnie-
19 Herzégovine et nous avons commencé à constituer un nouvel état-major
20 qui serait loyal au gouvernement de Bosnie-Herzégovine et qui en
21 organiserait la défense. Le chef d'état-major était à l'époque - je
22 dois regarder, j'ai tendance à oublier les noms - Hasan Efendic; il
23 était officiellement à Sarajevo et il était le chef d'état-major et
24 un Musulman Stjepan Siber, un colonel qui avait occupé des fonctions
25 dans l'ancien état-major de la Défense territoriale et qui a exprimé
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1 sa loyauté au gouvernement de Bosnie-Herzégovine et il était l'un
2 des adjoints; le colonel Jovan Divjak, un Serbe, était un autre
3 adjoint. Par conséquent, le chef d'état-major était un Musulman et
4 ses adjoints, un Croate et un Serbe. La structure de l'état-major
5 était constituée de 25 Croates, d'une dizaine de Serbes et le reste
6 était des Musulmans.
7 QUESTION : Quand vous avez créé l'état-major et déclaré l'existence des
8 forces armées, la République a-t-elle été en mesure de reprendre le
9 contrôle de ses armes à la JNA ?
10 REPONSE : Non, nous n'avons pas pu obtenir les armes. Ils ne voulaient
11 avoir aucun rapport avec nous; et l'ancien état-major, en
12 collaboration avec le corps sur le terrain, affectait des armes aux
13 effectifs de la Défense territoriale municipale avec une population
14 à majorité serbe et mobilisait ces unités dans ces opstinas sans que
15 nous en soyons informés.
16 QUESTION : En juillet 1992, les forces armées de Bosnie-Herzégovine sont-
17 elles officiellement devenues l'armée de Bosnie-Herzégovine, le HVO
18 avec des forces de police distinctes ?
19 REPONSE : Oui.
20 QUESTION : J'aimerais revenir sur certaines questions relatives à
21 l'ouverture des hostilités dans l'ex-Yougoslavie. En septembre 1991,
22 la Présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie
23 a-t-elle voté une déclaration de la loi martiale pour la JNA ?
24 REPONSE : Oui, il s'agissait d'une présidence croupion de la RSFY d'où
25 étaient absents les représentants de la Slovénie, de la Croatie, de
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1 la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine. Il n'en restait que quatre
2 : les représentants de la Serbie, du Monténégro, du Kosovo et de la
3 Macédoine. On la connaissait sous le nom de présidence "croupion"
4 et elle a adopté des décisions sur l'engagement des unités de la JNA
5 et le redéploiement des forces de Slovénie et de Croatie vers la
6 Bosnie-Herzégovine, ce qui était inacceptable pour nous parce que la
7 présidence ne représentait pas l'ensemble de la Yougoslavie.
8 QUESTION : Une personne était-elle clairement identifiée comme le leader
9 de ces quatre membres de la Présidence ?
10 REPONSE : Oui, cette présidence croupion était dirigée par le représentant
11 du Monténégro, Kostic.
12 QUESTION : Etait-il sous le contrôle d'une autre personne ?
13 REPONSE : Oui, c'est exact. Il était sous le contrôle du Président, de la
14 présidence, de Serbie, Slobodan Milosevic, en coopération avec le
15 chef de l'état-major général des forces armées.
16 QUESTION : Après ce vote, les Présidents des Républiques, Tudjman,
17 Izetbegovic et Milosevic ont-ils tenu une série de réunions ?
18 REPONSE : Oui, l'une de ces réunions s'est tenue à Sarajevo, dans la
19 localité appelée Stojcevac. J'ai participé à l'organisation, la
20 préparation et la sécurité de cette réunion à laquelle ont participé
21 les Présidents des anciennes Républiques de la Yougoslavie.
22 QUESTION : Quels ont été la substance, les thèmes de ces réunions ?
23 REPONSE : Pour autant que je sache, ils ont examiné les moyens pacifiques
24 de régler la crise yougoslave. Des projets de confédération ont été
25 présentés je crois.
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1 QUESTION : Est-ce que la série de décisions relatives à la structure et
2 aux actions de la JNA durant cette période faisait partie de la
3 crise ?
4 REPONSE : Oui.
5 QUESTION : La Présidence de la RSFY avait-elle annoncé ce que devait être
6 le rôle de la JNA en Bosnie-Herzégovine ?
7 REPONSE : Le rôle, oui, la présidence déterminait le rôle de la JNA en
8 Bosnie-Herzégovine. Elle devait assurer la protection d'une partie
9 des citoyens qui, d'après eux, étaient en danger parce qu'ils ne
10 voulaient pas de la Bosnie-Herzégovine. Mais ils auraient voulu de
11 la Bosnie-Herzégovine et ils sont citoyens de la Bosnie-Herzégovine
12 - il s'agit de la population serbe - et c'était leur argument pour
13 dire que la JNA devrait protéger une population.
14 QUESTION : Par protéger ...
15 JUGE STEPHEN : Le compte-rendu semble erroné. "... Ils ne voulaient pas de
16 la Bosnie-Herzégovine mais ils auraient voulu de la Bosnie-
17 Herzégovine". Il y a un problème avec l'interprétation.
18 M. KEEGAN : Oui, merci, M. le Juge. (Au témoin) : Vous dites que le but
19 était de protéger une partie des citoyens de Bosnie-Herzégovine. Que
20 vouliez-vous dire par "protéger" ces personnes; qu'entendait-on par
21 leur permettre de faire ?
22 REPONSE : En fait, cette présidence a pris la décision en décembre 1991
23 que la JNA en Bosnie-Herzégovine devrait empêcher la propagation des
24 conflits ethniques et cela pourrait être acceptable et,
25 deuxièmement, elle a pris la décision de protéger les Serbes contre
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1 la violence et le génocide, ce qui signifiait affecter la JNA à la
2 protection directe d'une population.
3 QUESTION : De quelle population s'agissait-il ?
4 REPONSE : Les Serbes. Juste avant l'agression contre la Bosnie-Herzégovine
5 en décembre, la présidence a déclaré que l'armée devrait d'abord
6 permettre par la force la solution pacifique du conflit et permettre
7 à toutes les personnes en Yougoslavie désireuses de vivre dans un
8 Etat commun ainsi qu'à celles qui ne le voulaient pas, d'obtenir ce
9 droit de façon pacifique. Ce fut la décision de la présidence
10 croupion. Nous savions cependant ce qu'était la situation en Bosnie-
11 Herzégovine. Le SDS, qui représentait la population serbe, ne
12 voulait pas de la Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, si l'armée les
13 protège, qu'en est-il du reste de la population ? Quelle protection
14 recevons-nous de cette armée ?
15 QUESTION : Avez-vous jamais entendu parler de quelque chose appelé le
16 "plan RAM" ?
17 REPONSE : Oui.
18 QUESTION : Qu'est-ce que le terme "RAM" signifie en serbe ?
19 REPONSE : Il signifie cadre.
20 QUESTION : Quel était l'objet de ce plan ?
21 REPONSE : L'objet de ce plan était de créer une Grande Serbie. Ce RAM
22 devait suivre les lignes de Virovitica - Karlovac - Karlobag, ce qui
23 s'est confirmé dans les faits par la suite lors de la décision du
24 retrait de la JNA, l'Armée populaire de Yougoslavie, de Slovénie et
25 en partie de Croatie, sur ces positions en Slovénie de l'ouest
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1 jusqu'à Karlovac et, au sud, jusqu'à Karlobag.
2 QUESTION : Connaissez-vous l'origine de ce plan RAM ?
3 REPONSE : Le plan RAM a été élaboré par l'Académie serbe des arts et des
4 sciences, la SANU, où il a été mis au point avec les dirigeants
5 serbes, avec Milosevic et certains membres de l'état-major général
6 de la JNA - normalement dans le plus grand secret.
7 QUESTION : S'agissant de ce retrait des forces de la JNA du territoire de
8 Slovénie puis des parties de la Croatie, quelles recommandations
9 avez-vous faites en tant que Ministre de la Défense de la République
10 de Bosnie-Herzégovine concernant toutes forces pénétrant sur le
11 territoire de Bosnie-Herzégovine ?
12 REPONSE : Oui, avec mes cadres au Ministère, j'ai proposé au Gouvernement
13 de Bosnie-Herzégovine, ce qui a par la suite été adopté par
14 l'Assemblée et par la Présidence du pays, une proclamation selon
15 laquelle l'armée se retirant de Slovénie et de Croatie, la JNA,
16 devait se rendre directement en Serbie et que tous ses membres ne
17 pouvaient rester en Bosnie-Herzégovine. Le nombre de soldats et
18 d'officiers restant en Bosnie-Herzégovine devrait correspondre à
19 notre potentiel économique et seuls devaient rester les partisans
20 d'une Bosnie-Herzégovine indépendante, disposés à exprimer leur
21 loyauté au gouvernement et à la Présidence de la Bosnie-Herzégovine.
22 L'état-major général et la Présidence de l'administration fédérale
23 de l'époque ont refusé.
24 QUESTION : Quand vous parlez de "l'état-major général", s'agit-il de celui
25 de la JNA ?
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1 REPONSE : Oui, l'état-major général de la JNA.
2 QUESTION : Comment la Présidence de la République socialiste fédérative de
3 Yougoslavie et l'état-major général on-ils décrit ce repli des
4 forces de Slovénie et de parties de la Croatie ? Quel nom ont-ils
5 donné aux territoires sur lesquels ce repli s'effectuait ?
6 REPONSE : Je vous ai déjà mentionné que la JNA devait éviter la
7 propagation des conflits entre ethnies et qu'elle était censée
8 protéger les relations entre ethnies ainsi que les personnes
9 désireuses de continuer de faire partie de l'ex-Yougoslavie, de leur
10 permettre de le faire. Vous savez où la population serbe résidait et
11 c'est dans ces régions qu'ils ont envoyé les forces de la JNA.
12 QUESTION : De quelles parties de la Croatie et de Bosnie-Herzégovine
13 s'agissait-il ?
14 REPONSE : Dans les soi-disant Krajinas serbes.
15 QUESTION : Qu'est-ce que ce repli des forces de la JNA dans les régions
16 que vous appelez Krajina tant en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine
17 signifiait pour vous ?
18 REPONSE : Pour nous, il s'agissait d'une agression contre notre
19 République.
20 QUESTION : La JNA a-t-elle commis d'autres actes indiquant une préparation
21 au conflit armé ?
22 REPONSE : Bien sûr, on pouvait le voir au déploiement des unités; au
23 contrôle des routes par la JNA; le déploiement de l'artillerie sur
24 les collines entourant toutes les villes majeures de Bosnie-
25 Herzégovine; leur collaboration avec les milieux extrémistes du SDS,
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1 en les armant; la distribution des armes de la Défense territoriale,
2 qui étaient censées être dans ses entrepôts, dans les municipalités
3 à majorité serbe et ils n'ont pas accepté notre demande de
4 distribution d'armes aux unités de la Défense territoriale dans les
5 municipalités dominées par des Musulmans ou des Croates.
6 QUESTION : Quels renseignements directs avez-vous reçu, s'il en est, en ce
7 qui concerne l'armement de civils serbes et de la Défense
8 territoriale serbe par la JNA en Bosnie-Herzégovine ?
9 REPONSE : Par exemple, dans la région de Doboj, dans les villages à
10 majorité serbe, environ 8 000 fusils d'assaut ont été distribués.
11 Dans la région de Foca, l'armement des Serbes avait déjà commencé en
12 juillet 1990, d'après des documents de la 2ème région militaire et
13 le 19 mars 1993, la JNA avait distribué parmi les unités de
14 volontaires serbes environ 51 000 armes et environ 23 000 aux
15 membres du SDS.
16 Ces unités paramilitaires étaient aussi armées de quelque 200 chars
17 et la JNA était la seule à être dotée de blindés. Elle leur a donc,
18 apparemment, donné des blindés, de même qu'environ 400 pièces
19 d'artillerie lourde, 800 mortiers etc. Je pourrais dresser la même
20 liste dans d'autres régions.
21 Ils ont aussi constitué quatre régions militaires directement de
22 sorte à couvrir l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine pour la
23 contrôler et ils ont également établi de nombreux corps.
24 Le Commandant des forces armées de Yougoslavie, le général Adzic, a
25 inspecté ces troupes vers la fin mars 1992 dans la région de Banja
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1 Luka et de Tuzla. Il a inspecté les unités des 5ème, 9ème, 11ème et
2 12ème corps de la JNA pour vérifier leur degré de préparation aux
3 combats pour les futures opérations en Bosnie-Herzégovine. Il est
4 venu sur place. Nous, et par là j'entends mon ministère et le
5 Premier ministre, n'avons même pas été informés de sa visite bien
6 que nous ayons été au courant.
7 Puis il y avait un corps et ces unités de la JNA ... Si ces corps et
8 les unités de la JNA devaient protéger la Bosnie-Herzégovine, il
9 serait naturel que le commandant de ces forces à Belgrade nous en
10 informe et coopère avec nous. Clairement, leurs intentions étaient
11 très différentes, comme ils l'ont démontré par la suite.
12 QUESTION : Cette tournée d'inspection par le général Adzic de l'état-major
13 général - la Présidence de la République a-t-elle présenté une
14 demande pour qu'il soit accompagné, comme requis par la législation
15 antérieure ?
16 REPONSE : La Présidence leur a immédiatement demandé de ne pas venir en
17 Bosnie-Herzégovine sans qu'elle en soit informée, sans qu'elle ait
18 donné son autorisation mais, de toute évidence, ils n'ont prêté
19 aucune attention aux décisions et demandes de la Présidence de
20 Bosnie-Herzégovine. Ils faisaient leur travail, tel qu'ils le
21 concevaient.
22 QUESTION : Avez-vous reçu des rapports directs du général Vukosavljevic,
23 le Commandant de la Défense territoriale en République de Bosnie-
24 Herzégovine sur l'armement des Serbes par la JNA ?
25 REPONSE : Oui, lors d'une réunion de la Présidence, de la Présidence
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1 élargie, quand la JNA avait déjà occupé la Bosnie-Herzégovine, nous
2 n'avions aucune possibilité de sortir, de quitter Sarajevo - les
3 membres du gouvernement et de la Présidence. Mais nous avons
4 maintenu le contact avec nos représentants sur le terrain et ils
5 nous ont informé que ces unités de la Défense territoriale avaient
6 reçu des armes à Sipovo et à Mrkonjic Grad. Les membres de la
7 Présidence élargie en temps de guerre étaient le Ministre de la
8 Défense et le Ministre de l'intérieur, le Ministre des affaires
9 étrangères, le Premier Ministre et le chef d'état-major de la
10 Défense territoriale.
11 Le général Vukosavljevic nous a alors dit qu'il n'était au courant
12 de rien. Quand nous lui avons demandé qui devrait en être informé,
13 il a répondu qu'il devrait l'être et que rien ne devrait être fait
14 sans lui et qu'il devrait recevoir les ordres relatifs à de telles
15 opérations uniquement de la Présidence de Bosnie-Herzégovine. Le
16 lendemain il nous a dit qu'il nous en informerait puis il a ajouté
17 quelque chose de complètement différent. Il nous a dit que c'était
18 parfaitement dans les règles, que cela avait été approuvé par le
19 commandant du corps de Banja Luka, le général Nikola Uzelac, que
20 celui-ci leur avait donné des armes et que cela était conforme à un
21 ordre militaire, ce que nous ne pouvions pas accepter parce qu'il
22 s'agissait d'un acte anticonstitutionnel et illégal.
23 QUESTION : Quand le général Vukosavljevic a-t-il quitté son poste de
24 Commandant de la Défense territoriale en Bosnie-Herzégovine ?
25 REPONSE : Il est parti le 5 avril 1992. Il avait assisté à une réunion
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1 avec nous la veille, la réunion dont je viens de vous parler. Il est
2 parti à Pale.
3 QUESTION : Vous êtes-vous ultérieurement rendu aux bureaux de la Défense
4 territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine ?
5 REPONSE : Oui, le 6 avril nous sommes entrés dans ses locaux qui étaient
6 fermés et nous avons dû entrer par effraction. Nous n'avons trouvé
7 aucun dossier, parce qu'ils avaient tous été enlevés par ses
8 adjoints, les personnes qui étaient restées en arrière et celles qui
9 avaient prêté serment de loyauté au début, comme je l'ai déjà dit,
10 les commandants, leurs adjoints et le personnel des différents
11 services.
12 QUESTION : Pour en revenir à l'époque de la tournée d'inspection du
13 général Adzic, quelle était la situation de la JNA en Bosnie-
14 Herzégovine et ces forces ont-elles été renforcées durant cette
15 période ?
16 REPONSE : Oui, elles ont reçu des renforcements. D'après nos
17 renseignements, les troupes de la JNA déployées en Bosnie-
18 Herzégovine étaient d'environ 100 000 hommes armés, hommes et
19 officiers. Environ 700 à 800 blindés; 1 000 APC et autres véhicules
20 blindés; plus de 4 000 mortiers et pièces d'artillerie; jusqu'à 100
21 avions et 500 hélicoptères, soit une forte concentration d'effectifs
22 ainsi que de matériel et d'équipement sur le territoire de Bosnie-
23 Herzégovine. A cette époque où la JNA occupait la République avec
24 ces troupes et armements, elle était sous le commandement direct de
25 l'état-major général de la JNA et, à notre connaissance, il était
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1 déjà sous l'influence majeure de Slobodan Milosevic.
2 QUESTION : Après le 19 mai 1992, date d'une division publique de la JNA
3 quand ces forces sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ont été
4 rebaptisées armée de la Republika Srpska, quels types d'hommes et
5 d'équipements restaient pour constituer cette armée ?
6 REPONSE : Tous les types d'armes que je viens d'énumérer. L'Armée
7 populaire yougoslave avait abandonné toutes ces armes aux mains de
8 cette soi-disant armée serbe, l'armée des Serbes, de la République
9 serbe, parce qu'elle n'en avait aucune, de même que nous n'en avions
10 aucune. Tous les résidents de cette République ont payé pour ces
11 armes et elles sont cependant tombées aux mains d'une seule partie
12 de la population et des forces armées, comme ils les appelaient.
13 QUESTION : Quand les troupes de la JNA ont-elles perpétré leur premier
14 acte d'agression directe contre la Bosnie-Herzégovine ?
15 REPONSE : Permettez-moi de regarder mes notes ? L'agression contre la
16 Bosnie-Herzégovine par l'Armée populaire yougoslave et l'agresseur
17 serbo-monténégrin a eu lieu le 20 septembre 1991. C'est la date à
18 laquelle les troupes de la JNA du corps Drava Uzice ont affirmé que
19 l'aéroport militaire à Mostar et la population serbe en Herzégovine
20 de l'est étaient en danger. L'excuse réelle était la préparation de
21 l'opération Dubrovnik-Split dans le cadre du plan RAM. Ils sont
22 entrés sur le territoire de Bosnie-Herzégovine en provenance de
23 Serbie-Monténégro. Ces corps étaient composés de nombreux
24 réservistes et volontaires de Serbie et d'Herzégovine qui ont semé
25 une terreur sans précédent dans la population non serbe, pillant les
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1 biens, persécutant la population. A compter de 1991, ces troupes ont
2 participé à l'attaque contre le village de Ravno, habité
3 essentiellement par une population croate. Ils ont tué un certain
4 nombre de villageois et détruit le village, affirmant que des unités
5 paramilitaires de la République de Croatie avaient tiré sur des
6 unités de la JNA. La vérité est que plusieurs soldats de ces troupes
7 avaient été tués dans une embuscade à proximité du village de
8 Cepikuce, situé sur le territoire de la Croatie.
9 Le 10 avril, ces unités ont bombardé Dubrave dans la municipalité de
10 Stolac et mené des opérations au-dessus de Neum et de Podvelezje, à
11 Mostar. Le 9 avril elles ont occupé des positions tactiques autour
12 de Doboj, pris Modrica et continué à déployer leurs troupes entre
13 Tuzla et Gracanica. Le 12 avril elles sont entrées dans les villes
14 de Mesici et Ustipraca et capturé Jabuka.
15 Durant la nuit du 13 avril, ces unités ont pris position au nord-est
16 de Mostar et bloqué le sud, un quartier de la ville. Le 16 avril,
17 elles se sont dirigées sur Mojmil Brdo et Dobrinja, près de
18 Sarajevo, et la JNA et les formations armées du SDS ont encerclé
19 Brcko ainsi que la région entourant Gurbavica le 17 avril -
20 Gradacac, excusez-moi le 17 avril.
21 Dans la nuit du 20 avril, les unités blindées de la JNA ont bloqué
22 Vlasenica, une ville dont, d'après le recensement de 1991, la
23 population était composée de 55,3 % de bosniaques et de Musulmans et
24 de 42,2 % de Serbes, et elles on aidé la garde serbe et le SDS à
25 s'emparer de la ville.
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1 Le 25 avril, les chars de la JNA sont entrés à Bratunac et, en
2 compagnie des groupes blindés du SDS, ont massacré les Musulmans -
3 les bosniaques, excusez-moi. Le 28 avril 1992, l'artillerie de la
4 JNA a détruit Tomislavgrad et le génie a fait sauter le pont sur la
5 Save à Brcko.
6 QUESTION : M. Doko, vous avez mentionné que les troupes engagées
7 initialement étaient les corps Uzice et Podgorica de la JNA ?
8 REPONSE : Oui.
9 QUESTION : Où se situe Uzice ?
10 REPONSE : Uzice se trouve en Serbie, en République de Serbie.
11 QUESTION : Où se situe Podgorica ?
12 REPONSE : C'est la capitale de la République du Monténégro.
13 QUESTION : Comment savez-vous que cette invasion particulière du 20
14 septembre 1991 a eu lieu en cet endroit avec ces unités ?
15 REPONSE : Le 21 septembre, quand ils ont atteint les collines au-dessus de
16 la municipalité de Stolac, j'ai convenu avec certains membres du
17 gouvernement de me rendre à cet endroit et de voir d'où était venue
18 cette armée et les raisons de son invasion. J'ai demandé au
19 commandant de la garnison de Mostar et à son adjoint, le lieutenant
20 -colonel Slobodan Pudar, de nous accompagner parce que je leur avais
21 demandé ce qui se passait et de quoi il s'agissait et ils m'avaient
22 répondu qu'ils ne savaient pas.
23 Ils m'ont donc accompagné et j'ai reconnu l'armée. J'ai même reconnu
24 un jeune homme de la République du Monténégro, d'une localité
25 appelée Bar, qui était dans les rangs de ces unités. Ils portaient
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1 des uniformes différents de ceux de la JNA ou de la Défense
2 territoriale. Certains d'entre eux portaient même le chapeau de
3 fourrure des Chetniks. Quand j'ai demandé au jeune homme la raison
4 de leur présence, leurs intentions, il m'a répondu que ce territoire
5 était serbe et que la Serbie s'étendait jusque là. Nous avons
6 informé le gouvernement qui les avait envoyés là. C'est ainsi que
7 nous avons appris de quelles unités il s'agissait.
8 QUESTION : Vous avez déjà indiqué dans votre témoignage que le corps de
9 Podgrica est resté sur le territoire de Bosnie-Herzégovine pendant
10 une bonne partie de 1992, est-ce exact ?
11 REPONSE : Oui, il est resté là. C'est un fait que les unités qui sont
12 venues à Mostar apparemment pour garder l'aéroport ont commis un
13 massacre le 18 juin 1992 à un endroit appelé Uborak et Sutina dans
14 la banlieue de Mostar où les cadavres de 88 musulmans et croates ont
15 été retrouvés avec la gorge tranchée et 12 autres à un endroit
16 appelé Sutina. A l'époque, ces troupes étaient commandées par le
17 général Perisic.
18 QUESTION : Le corps de Podgrica a-t-il aussi participé au conflit dans la
19 région de Trebinje en Bosnie-Herzégovine durant l'été et l'automne
20 de 1992 ?
21 REPONSE : Oui.
22 M. KEEGAN : Ce document pourrait-il être marqué pièce à conviction 180.
23 Peut-il être placé sur l'elmo ? (Au témoin) : M. Doko, la pièce à
24 conviction 180 est la traduction en anglais d'un article publié par
25 Tanjug, le service national de l'agence de presse de Belgrade,
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1 concernant le démenti par le corps de Podgrica de leur retrait de la
2 péninsule de Prevlaka le 28 septembre 1992. Connaissez-vous cet
3 article ?
4 REPONSE : Oui, je connais cet article et je suis familier avec la
5 situation.
6 QUESTION : Merci. Mme la Présidente, je verse la pièce à conviction 180.
7 M. WLADIMIROFF : Pas d'objections.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 180 est admise.
9 M. KEEGAN (Au témoin) : Tanjug est-elle l'agence de presse yougoslave, de
10 la République fédérale de Yougoslavie, contrôlée par l'Etat ?
11 REPONSE : Oui.
12 QUESTION : Cet article précise qu'il s'agit d'une déclaration de la 2ème
13 armée de la République fédérale de Yougoslavie, son service
14 d'information. S'agit-il du service officiel d'information de
15 l'armée ? Je vais répéter ma question. L'article indique que la
16 déclaration a été publiée par le service d'information de la 2ème
17 armée, celle-ci faisant partie de l'armée yougoslave. S'agit-il du
18 service d'information officiel de l'armée ?
19 REPONSE : Tanjug n'est pas un service officiel d'information de l'armée,
20 c'est l'agence de presse officielle.
21 QUESTION : Oui, je sais cela. Je parle de l'article proprement dit, qui
22 précise qu'il a été publié, transmis à Tanjug par le service
23 d'information de la 2ème armée.
24 REPONSE : Oui, oui.
25 QUESTION : L'article déclare : "Les troupes du corps de Podgrica de
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1 l'armée yougoslave déployé à l'est de Dubrovnik exécutent leurs
2 tâches habituelles conformément aux ordres du commandement du corps"
3 et précise qu'elles n'ont aucune intention de se retirer de la
4 région. Quelle est la région à l'est de Dubrovnik ?
5 REPONSE : Trebinje en République de Bosnie-Herzégovine.
6 QUESTION : A votre connaissance, le corps de Podgrica de ce qui s'appelait
7 alors l'armée de la République fédérale de Yougoslavie ou l'armée
8 yougoslave participait-il encore au conflit armé dans la région de
9 Trebinje en septembre 1992 ?
10 REPONSE : Oui.
11 QUESTION : Merci. Vous avez mentionné le général Perisic. Qui était le
12 général Perisic et quelle unité commandait-il fin 1991, durant la
13 période à laquelle vous faisiez référence ?
14 REPONSE : Vers la fin de 1991, il est venu prendre le commandement de la
15 garnison de la JNA à Mostar, en provenance de Zadar.
16 QUESTION : De quelles attaques a-t-il été responsable ?
17 REPONSE : Vous voulez dire quand il est venu à Mostar ?
18 QUESTION : Exact.
19 REPONSE : Il a été responsable d'attaques qui ont mené à la destruction,
20 la démolition de ponts sur la Neretva; du massacre que je viens de
21 décrire à Mostar, Uborak et Sutina; du meurtre de civils à Mostar,
22 de la démolition de la ville. Il a mené ces opérations directement.
23 QUESTION : En février ou mars 1992, avez-vous eu un entretien avec le
24 général Perisic concernant l'attaque contre Mostar et Zadar ?
25 REPONSE : Oui. Puisque je me trouvais à Mostar et que c'était mon devoir
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1 en tant que Ministre de la défense, je me suis rendu à son bureau
2 dans le quartier nord de Mostar. Nous avons eu un long entretien et
3 il a déclaré qu'ils l'avaient trompé à Zadar - j'ai vu Zadar après
4 son départ, son degré de destruction - et qu'il détruirait la ville,
5 qu'il la raserait. J'ai essayé de lui parler comme à un homme normal
6 et j'ai compris que c'était impossible. J'ai compris alors qu'il
7 détruirait Mostar et qu'il commettrait tous ces crimes. J'ai compris
8 les ordres qu'il avait reçus à ce sujet.
9 QUESTION : Bien. Vous avez dit que, selon lui, il avait été trompé à Zadar
10 ?
11 REPONSE : Oui.
12 QUESTION : Qu'est-ce que signifiait cette déclaration pour vous, à quoi
13 faisait-il allusion ?
14 REPONSE : Cela signifiait qu'il n'était pas un homme normal et que le sort
15 de Mostar serait plus grave encore parce qu'il était impossible de
16 communiquer, de parler avec lui normalement.
17 QUESTION : Je vise la déclaration "ils m'ont trompé". Qui étaient les
18 "ils" auxquels le général Perisic fait référence et pourquoi
19 s'estimait-il trompé ?
20 REPONSE : Il avait été trompé par ses supérieurs qui lui avaient dit que
21 Zadar faisait partie de la Grande Serbie et que rien ne s'est passé
22 avec le repli, le retrait sur Neretva; puis il a dit que la
23 frontière serbe serait sur la Neretva et qu'on ne le tromperait pas
24 là.
25 QUESTION : Quel poste le général Perisic a-t-il occupé par la suite ?
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1 REPONSE : Il a été promu commandant du district militaire de Nis. Peu de
2 temps après, il a été promu au poste le plus élevé, celui de
3 commandant en chef des forces armées de la République fédérale de
4 Yougoslavie.
5 M. KEEGAN : Mme la Présidente, le moment est peut-être propice avant
6 d'aborder un nouveau sujet ?
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue pendant vingt minutes.
8 (16 heures)
9 (Brève suspension d'audience)
10 (16 heures 20)
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Keegan, pouvez-vous reprendre s’il vous plaît
12 ?
13 M. KEEGAN : Merci, Mme la Présidente. (Au témoin) : M. Doko, après le
14 bombardement initial de Sarajevo en avril 1992, avez-vous eu un
15 contact direct avec le général Mladic ?
16 REPONSE : Oui.
17 QUESTION : Quelle a été la nature de ce contact ?
18 REPONSE : Il s'est agi d'une conversation téléphonique.
19 QUESTION : Comment avez-vous reçu ce coup de téléphone; pouvez-vous en
20 décrire les circonstances ?
21 REPONSE : Oui. Le premier tir de roquettes sur Sarajevo avait eu lieu la
22 nuit précédente. Dans l'immeuble de la Présidence où je me trouvais
23 en compagnie de membres de la Présidence et d'autres membres du
24 Gouvernement, nous avons écouté et enregistré le poste de
25 commandement du général Mladic. Le lendemain nous avions en notre
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1 possession un enregistrement sur lequel il s'adresse au commandement
2 de son artillerie et leur demande : "Avez-vous la Présidence dans le
3 champ de mire ? Nikola, es-tu prêt ? Tire sur la Présidence" et nous
4 avons ensuite entendu la roquette. Des personnes ont été blessées
5 durant cette nuit, dont l'un de mes secrétaires au Ministère; l'eau,
6 le gaz ...
7 QUESTION : Avez-vous parlé vous-même au général Mladic ?
8 REPONSE : ... et la Présidence a été touchée. Avec cette situation dans le
9 bâtiment, je suis venu travailler normalement à 8 heures du matin.
10 Les autres employés n'étaient pas encore arrivés et mes réflexions
11 se sont trouvées interrompues dans mon bureau par la sonnerie du
12 téléphone. Quand j'ai pris l'écouteur, une voix a demandé : "Est-ce
13 le Ministre Doko" ? J'ai répondu : "Qui est-ce" ? et la voix a dit :
14 "Général Mladic". Au début je ne voulais pas le croire. J'ai dit que
15 je n'appréciais pas ce genre de plaisanteries en particulier après
16 une nuit pareille. Il a dit : "c'est bien moi" ! J'ai reconnu sa
17 voix parce que je lui avais déjà parlé quand nous avons évacué les
18 casernes dans la ville de Sarajevo. J'ai reconnu sa voix et il m'a
19 dit notamment : "Je voulais vous dire que j'ai 110 roquettes
20 pointées sur vous et sur Sarajevo; je vous tuerais tous". J'ai
21 répondu qu'il ne pouvait rien faire contre nous, que nous avions du
22 courage et que la population se soulèverait contre lui et qu'il ne
23 pouvait détruire toute la population et la ville de Sarajevo. C'est
24 la conversation que j'ai eue avec lui.
25 QUESTION : Avez-vous une connaissance directe de la participation de
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1 forces paramilitaires menées par un individu connu sous le nom
2 d'Arkan sur le territoire de Bosnie-Herzégovine ?
3 REPONSE : Oui. zeljko Raznjetovic, Arkan, est entré à Bijeljina en mars
4 1992 et y a commis un massacre. Il a massacré des civils. Nous avons
5 regardé les événements à la télévision. Nous avons ensuite convoqué
6 une session de la Présidence où fut prise la décision d'envoyer une
7 délégation de la Présidence et du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine
8 à Bijeljina pour voir ce qui s'y passait.
9 Il a été décidé que Fikret Abdic représenterait la Présidence, le
10 vice-premier ministre Simovic représenterait le Gouvernement et que
11 je les accompagnerais en ma qualité de Ministre de la défense. Nous
12 sommes partis et nous sommes arrivés tard dans la nuit à l'extérieur
13 de Bijeljina. Nous avons été arrêtés par certaines formations armées
14 portant des masques noirs. Ils ont déclaré qu'ils appartenaient à
15 des unités d'Arkan et que nous ne pourrions pas entrer à Bijeljina.
16 Entre-temps, d'autres soldats nous ont approchés. Ils nous ont
17 insultés. Ils nous ont appelés tour à tour "turcs", "oustachas". Ils
18 nous ont ordonnés de nous allonger sur le sol. Cela a duré quelques
19 minutes. L'un des hommes masqués avait une radio portable, de marque
20 Motorola, et comme il était près de moi j'ai pu entendre une voix à
21 l'autre bout demander : "Les invités sont-ils arrivés" ? c'est-à-
22 dire nous, les membres du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Quand
23 il a répondu "oui" on a déclaré qu'il ne fallait pas nous nuire et
24 les soldats sont partis. Ils nous ont ordonné de nous lever.
25 Nous avons attendu une quarantaine de minutes puis Zlejko
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1 Raznjetovic, Arkan en personne, est arrivé. Il s'est présenté. Il
2 était accompagné de cinq de ses soldats. Quand nous lui avons dit
3 que nous voulions lui parler de ce qui se passait à Bijeljina il a
4 répondu que la ville était serbe, qu'il en avait le contrôle, qu'il
5 était venu avec ses hommes à Bijeljina et qu'il n'y avait rien à
6 discuter. Quand M. Abdic a insisté sur un entretien - nous étions
7 mardi - il a répondu que nous devrions venir le samedi quand tout
8 serait réglé.
9 Nous sommes rentrés à Sarajevo après minuit en passant par Brcko et
10 Tuzla. Ce samedi là, M. Abdic, accompagné de Biljana Plavsic, est
11 allé à Bijeljina et vous connaissez les photographies où on la voit
12 embrasser Arkan au centre de Bijeljina. Ce fut ma rencontre avec
13 Arkan.
14 QUESTION : Vous dites donc que Biljana Plavsic était membre de cette
15 deuxième délégation ?
16 REPONSE : La deuxième délégation qui a été envoyée après nous le samedi se
17 composait de Fikret Abdic et de Biljana Plavsic, membres de la
18 Présidence de Bosnie-Herzégovine à l'époque. Ils sont allés à
19 Bijeljina. Ils ont pu y entrer et nous pas. Ils y sont entrés et sur
20 la place - on a pu le voir à la télévision - tout le monde l'a vue
21 embrasser Arkan.
22 QUESTION : Quelle a été l'interprétation générale de sa façon d'accueillir
23 Arkan sur la place en l'embrassant ?
24 REPONSE : A l'époque, Biljana Plavsic était un membre de la Présidence de
25 Bosnie-Herzégovine et le vice-président - elle est le vice-président
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1 du SDS, de Karadzic; et les gens ont pensé que ces criminels qui
2 tuaient nos gens étaient des occupants et des agresseurs et, par
3 conséquent, cette façon de l'accueillir en l'embrassant a été
4 considérée comme leur approbation et acceptation par le SDS.
5 M. KEEGAN : Je n'ai pas d'autres questions, Mme la Présidente.
6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Contre-interrogatoire ?
7 M. KAY : Pas de contre-interrogatoire, Mme la Présidente.
8 JUGE STEPHEN : Quand on vous a interrogé à propos d'une conversation
9 téléphonique que vous avez eue avec le général Mladic, vous avez
10 commencé par décrire une conversation qui, si je comprends bien,
11 avait été interceptée d'une certaine façon. Aviez-vous les moyens
12 d'intercepter les conversations entre le général Mladic et les
13 hommes chargés de l'artillerie ?
14 REPONSE : Je ne comprends pas la question.
15 QUESTION : Permettez-moi de l'expliquer. Si je comprends bien votre
16 témoignage, pendant le bombardement dans l'immeuble de la
17 Présidence, vous avez entendu une
18 conversation entre le général Mladic et quelqu'un chargé de
19 l'opération de l'artillerie. Est-ce exact ?
20 REPONSE : Oui.
21 QUESTION : Cependant, vous n'avez pas expliqué comment vous l'avez
22 entendue. Disposiez-vous d'un moyen d'intercepter les communications
23 radio ?
24 REPONSE : Oui, nous avions des liaisons entre son personnel et le nôtre et
25 le lendemain, cinq jours plus tard le monde entier avait traduit cet
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1 enregistrement en cinq langues. Vous pouviez entendre les ordres
2 donnés disant "Nikola, la Présidence est-elle dans la ligne de mire
3 ? Feu !". Et cet enregistrement a été diffusé et entendu aux Nations
4 Unies.
5 JUGE STEPHEN : Merci.
6 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai pas d'autres questions. M. Keegan ?
7 M. KEEGAN : Non, Mme la Présidente.
8 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Conseil de la défense, un contre-interrogatoire
9 ?
10 M. KAY : Non, Mme la Présidente.
11 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections à ce que M. Doko soit excusé de
12 façon permanente ?
13 M. KAY : Non, Mme la Présidente.
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : M. Doko, vous êtes excusé de façon permanente.
15 Merci d'être venu. Vous pouvez partir maintenant. Merci.
16 TEMOIN : Merci.
17 (Départ du témoin)
18 M. KEEGAN : Mme la Présidente, l'Accusation appelle M. Ed Vulliamy à la
19 barre.
20 Appel de M. ED VULLIAMY à la barre
21 M. KEEGAN : Mme la Présidente, puisque la Cour a indiqué qu'elle aimerait
22 connaître à l'avance l'objet d'un témoignage, nous l'informons que
23 celui-ci sera notre dernier témoin général dans cette affaire.
24 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, vous allez devoir prêter serment dans
25 un instant, si on trouve le texte.
Page 2253
1 TEMOIN : Je déclare solennellement de dire la vérité, toute la vérité,
2 rien que la vérité.
3 (Prestation de serment du témoin)
4 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Bien, merci. Vous pouvez vous asseoir.
5 TEMOIN : Merci.
6 Interrogatoire de M. KEEGAN.
7 QUESTION : Pourriez-vous décliner votre identité pour le procès-verbal,
8 s'il vous plaît ?
9 REPONSE : Edward Sebastian Vulliamy.
10 QUESTION : M. Vulliamy, vous êtes un citoyen du Royaume-Uni ?
11 REPONSE : Oui.
12 QUESTION : Pourriez-vous nous dire où vous avez fait vos études et dans
13 quel domaine ?
14 REPONSE : J'ai étudié la politique et la philosophie à Oxford, en
15 Angleterre puis à Florence, en Italie.
16 QUESTION : Etes-vous devenu journaliste ?
17 REPONSE : Oui.
18 QUESTION : Quel est votre employeur actuel ?
19 REPONSE : Je travaille actuellement pour le Guardian, de Londres.
20 QUESTION : Quels secteurs couvrez-vous généralement ?
21 REPONSE : Toutes sortes de choses bien que dernièrement je me sois surtout
22 consacré à la guerre dans l'ex-Yougoslavie. J'ai couvert des
23 conflits dans le monde entier pour le Guardian et d'autres
24 organisations.
25 QUESTION : Avez-vous été le lauréat de prix particuliers en tant que
Page 2254
1 journaliste ?
2 REPONSE : On m'a décerné le Royal Television Society Award for Current
3 Affairs au milieu des années 1980 pour un film sur l'Irlande du
4 nord; et pour mon travail sur l'ex-Yougoslavie j'ai reçu le Granada
5 Television International Reporter of the Year Award. On m'a
6 également décerné le Foreign Correspondent fo the year Award.
7 Amnesty International m'a présenté un prix "Pour le journalisme dans
8 l'intérêt des droits de l'homme" et j'ai remporté le prix James
9 Cameron que l'on considère comme le Pulitzer britannique.
10 QUESTION : En plus de vos articles sur les hostilités pour le Guardian et
11 d'autres publications, êtes-vous aussi l'auteur d'un ouvrage
12 intitulé "Seasons in Hell", qui porte sur le conflit dans l'ex-
13 Yougoslavie et vos expériences dans ce conflit ?
14 REPONSE : Oui.
15 QUESTION : Quand avez-vous commencé à couvrir l'ouverture des hostilités
16 dans l'ex-Yougoslavie ?
17 REPONSE : Dès le début. J'étais en poste à Rome et j'ai été envoyé en
18 Slovénie dès le début, durant l'été de 1991, à l'occasion des
19 premiers échanges entre l'armée plutôt ad hoc de la Slovénie et
20 l'Armée populaire yougoslave.
21 QUESTION : Quand êtes-vous allé pour la première fois dans l'ex-
22 Yougoslavie pour couvrir le conflit directement ?
23 REPONSE : C'était en juin 1991.
24 QUESTION : A quel endroit êtes-vous allé ?
25 REPONSE : J'ai commencé en Slovénie de l'est, à Ljublijana, la capitale de
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1 la Slovénie. Puis la guerre s'est propagée en Croatie et je me suis
2 rendu dans ce pays, partout en fait, tout en étant basé à Zagreb la
3 plupart du temps. Je me déplaçais pendant des périodes allant de un
4 jour à une semaine ou peut-être même à deux semaines dans la région
5 au sud de Zagreb qui était un front entre les Serbes de Croatie et
6 le gouvernement croate - le gouvernement croate naissant. J'ai
7 beaucoup travaillé en Slavonie de l'est aux alentours de Vukovar,
8 Vinkovci et Osijek.
9 M. KEEGAN : Ce document pourrait-il être marqué pièce à conviction 181
10 puis montré au témoin s'il vous plaît ? Mme la Présidente, je verse
11 la pièce à conviction 181 au dossier.
12 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?
13 M. WLADIMIROFF : Non, Mme la Présidente.
14 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 181 est admise.
15 M. KEEGAN (Au témoin) : A titre d'information, il s'agit d'une carte
16 communiquée antérieurement. M. Vuliamy pourriez-vous ...
17 REPONSE : Excusez-moi ?
18 QUESTION : ... indiquer sur la carte où vous avez commencé à couvrir
19 directement le conflit ?
20 REPONSE : Oui. J'ai commencé ici en Slovénie, dans cette région et, en
21 dehors de la carte, là puis la guerre s'est étendue à la Croatie.
22 J'étais basé dans la région de la capitale, à Zagreb. J'ai beaucoup
23 travaillé dans cette région, Glina, Petrinja, Sisak. Il y avait un
24 front entre ou, disons, un front naissant entre les Serbes de
25 Croatie et les forces croates ou ce qu'elles étaient à l'époque.
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1 J'ai passé beaucoup de temps dans cette région, là, Vukovar, Borovo,
2 Delj, Osijek, Vinkovci et autour de ces lignes de front qui ont
3 délimité par la suite le siège de Vukovar. Travaillant des deux
4 côtés, nous traversions la Hongrie pour nous rendre en Serbie de
5 l'est, Sombor, Apatin, Bogojevo (un endroit qui n'est pas marqué sur
6 la carte, une ville importante), une ville importante appelée Sid
7 ici, près de Vukovar.
8 Je travaillais donc du côté serbe ou du côté yougoslave, comme on
9 l'aurait décrit plus correctement à l'époque, et le côté croate et
10 aussi, durant le siège de Dubrovnik, ici, sur la côte - là - où les
11 forces monténégrines, comme on les appelait à l'époque, assiégeaient
12 Dubrovnik. Disons que nous couvrions à peu près tout le territoire
13 croate.
14 QUESTION : Pourriez-vous en revenir à la région de Vinkovic-Vukovar ?
15 REPONSE : Oui, c'est ici dans l'est de la Croatie.
16 QUESTION : A quelle époque approximativement couvriez-vous cet aspect du
17 conflit ?
18 REPONSE : J'y suis allé pour la première fois quand nous pouvions encore
19 circuler entre les deux communautés, traverser ce qui allait devenir
20 les lignes durant l'été, en juillet ou fin juin 1991 et j'y suis
21 resté jusqu'à la fin de la guerre et la chute de Vukovar en décembre
22 1991.
23 QUESTION : Pouvez-vous décrire le type de forces engagées des deux côtés
24 et le type d'armements qu'elles déployaient dans la région ?
25 REPONSE : Certainement. Du côté croate, vous aviez une sorte d'armée
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1 constituée de bric et de broc, motivée mais légèrement armée au
2 début, progressivement mieux armée au fur et à mesure du conflit.
3 Elle défendait Vukovar où je me trouvais jusqu'à la veille du jour
4 où la ville a été coupée par les Serbes et complètement encerclée.
5 Nous en sommes sortis par un chemin traversant un champ de maïs sous
6 les tirs adverses le dernier jour avant que Vukovar soit encerclée.
7 Les armées croates étaient alors basées principalement à Osijek, qui
8 se situe ici, et à Vinkovci, utilisant des kalashnikov et un étrange
9 assortiment de blindés de fortune. Ils fabriquaient eux-mêmes des
10 véhicules blindés, parfois à partir d'automobiles.
11 Le tableau était tout à fait différent du côté serbe ou de l'Armée
12 populaire yougoslave. J'ai passé beaucoup de temps dans les villes
13 de garnisons de Bogojevo, en Serbie de l'ouest, à peu près ici à
14 proximité de la frontière avec la Croatie et dans cette ville
15 importante de Sid, là, près de Vukovar. Il s'agit de villes de
16 garnisons où se trouvaient rassemblés et accumulés, réparés, de
17 nombreux chars et véhicules blindés. Les hommes y étaient clairement
18 cantonnés. Les hommes qui combattaient en territoire croate
19 pouvaient s'y retirer pour la soirée en raison des courtes
20 distances, pour boire un verre.
21 La situation était facile à suivre. Il s'agissait de lignes de front
22 tenues pour l'essentiel par des forces locales de volontaires en
23 Croatie - les villages serbes du côté croate - soutenus par
24 d'importantes rangées de chars et de pièces d'artillerie qui, assez
25 régulièrement, traversaient la frontière en provenance de ces villes
Page 2258
1 de garnisons de Bogojevo et Sid. Nous suivions ce mouvement et en
2 faisions état de façon très précise dans nos articles.
3 QUESTION : Avez-vous eu des contacts avec ces unités d'irréguliers, comme
4 vous les appelez, les unités paramilitaires et avez-vous discuté
5 avec eux leur rôle dans ce conflit ?
6 REPONSE : Oui, constamment - à n'en plus pouvoir, pensions-nous quelque
7 fois. Nous passions beaucoup de temps avec eux au front. Nous
8 prenions un verre avec eux au bar après le travail, si l'on peut
9 dire. Nous avons ou j'ai passé des nuits entières avec eux au front,
10 plus particulièrement dans un endroit appelé Bijelo Brdo, qui est
11 situé à l'intérieur de la Croatie, juste de l'autre côté de la
12 frontière avec la Serbie. J'ai passé une nuit qui m'a beaucoup
13 appris avec les forces irrégulières sur le front. Nous étions
14 littéralement dans une maison et les Croates se trouvaient dans des
15 maisons de l'autre côté du champ et les échanges entre les deux
16 parties étaient intensifs. Et oui, nous avons parlé de la guerre, de
17 leurs existences, de leurs sentiments sur leurs actions et ils
18 étaient très clairs sur ce dernier point.
19 QUESTION : Comment percevaient-ils leur rôle ? Que faisaient-ils ?
20 REPONSE : La meilleure description m'en a été donnée par un homme qui a
21 mis sa main sur la table et a déclaré "à Zagreb", zoom, comme cela
22 tout simplement. (Mouvement du témoin). C'est anecdotique et
23 j'admets qu'il avait pas mal bu mais cela semblait être l'idée
24 générale. Nous nous sommes longuement entretenus avec eux dans un
25 endroit appelé Borovo Selo, qui était le cantonnement des
Page 2259
1 irréguliers, je pense, en Croatie. Oui, ils ne s'en cachaient pas.
2 Ils n'en faisaient pas un secret. Nous avons également discuté de
3 tactiques avec eux, de la façon, par exemple, dont ils allaient
4 s'emparer d'Osijek par l'arrière etc.
5 QUESTION : Qu'avez-vous observé à Borovo Selo ?
6 REPONSE : Borovo Selo était l'un des importants carrefours ou points de
7 rencontre entre les forces régulières de l'Armée populaire
8 yougoslave et les irréguliers combattant au front. C’était un point
9 stratégique important parce qu'il s'agissait du dernier village
10 serbe avant Vukovar, que les Croates continuaient de tenir, et
11 c'était également l'un des endroits d'où l'artillerie, les blindés
12 et les hommes pouvaient se diriger vers les différents points
13 d'affectation sur le front. Nous ...
14 QUESTION : Avez-vous vu ... Je m'excuse.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Où cette ville se trouve-t-elle ? Pourriez-vous
16 l'indiquer sur la carte, s'il vous plaît ?
17 REPONSE : Oui, certainement. Vous pouvez voir sur la carte, "Borovo", ici.
18 QUESTION : Oui.
19 REPONSE : Je ne voudrais pas paraître trop compliqué mais Borovo est en
20 fait croate. Borovo Selo, qui signifie littéralement le village de
21 Borovo, est la vieille partie du village, juste au nord de Borovo,
22 ici, sur la carte. Le front se situait donc entre Borovo et Borovo
23 Selo, la partie serbe se trouvant juste au nord de l'endroit marqué
24 Borovo sur la carte.
25 M. KEEGAN : D'après vos observations, la coordination entre ces groupes
Page 2260
1 paramilitaires ou de volontaires et les forces régulières de la JNA
2 était-elle claire ?
3 REPONSE : Indéniablement. Ils se rencontraient socialement et, dans les
4 casernes de Bogojevo et de Sid, ils partageaient les locaux, les
5 endroits où leur équipement était garé. Les officiers de l'armée
6 yougoslave avec lesquels je me suis longuement entretenu et avec
7 lesquels j'ai passé beaucoup de temps indiquaient clairement qu'ils
8 avaient sous leurs ordres et leurs propres forces régulières et les
9 gens qu'ils aidaient sur le terrain dans les villages où ils
10 combattaient, oui.
11 QUESTION : Avez-vous aussi observé cette coordination et ce contrôle sur
12 le champ de bataille ?
13 REPONSE : Oui, il n'y avait pas de secret à ce sujet. Je peux donner comme
14 exemple une nuit que j'ai passée au front en cet endroit, Bijelo
15 Brdo, et la situation sur place était que vous aviez ces maisons au
16 bord d'un champ, avec les irréguliers et les tireurs embusqués
17 tirant sur les Croates de l'autre coté du champ, et dans le champ en
18 fait, et derrière eux se trouvaient ces chars garés dans la grande
19 rue du village et pointant sur Osijek, la ville croate, et les
20 lignes croates. C'était donc bien coordonné. C'était très simple et
21 cohérent.
22 De même, à un endroit appelé Trpinje, dans la région de Vukovar,
23 nous avions aussi cette situation de petites maisons pleines
24 d'irréguliers, de tireurs embusqués et d'individus utilisant des
25 radios, parlant parfois avec des connaissances à Vukovar que,
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1 ironiquement, ils assiégeaient et ils étaient appuyés de l'arrière
2 par un important groupe de mortiers servis par des soldats de
3 l'armée populaire yougoslave.
4 QUESTION : En plus de cela, après ce conflit dans la région Vukovar-
5 Vinkovci, avez-vous continué à couvrir les hostilités dans l'ex-
6 Yougoslavie sur une base régulière dans d'autres régions - et dans
7 quelles régions ?
8 REPONSE : Oui. Mais je suis constamment retourné dans la région de
9 Vukovar. La guerre a fini par prendre fin, au moins temporairement,
10 et la situation a commencé à bouger en Bosnie-Herzégovine.
11 QUESTION : Vous êtes-vous rendu en Bosnie-Herzégovine ?
12 REPONSE : Oui. J'étais allé en Bosnie en fait avant le début de la guerre
13 parce que l'un des colonels de la JNA - l'armée populaire yougoslave
14 - que j'avais connu durant la guerre en Croatie, commençait à ouvrir
15 un front en Bosnie. C'est donc la première fois que je suis allé en
16 Bosnie puis, en fait, j'y ai été renvoyé couvrir les hostilités qui
17 éclataient.
18 QUESTION : Pouvez-vous indiquer rapidement sur la carte les différents
19 endroits, en Bosnie-Herzégovine et dans d'autres régions de l'ex-
20 Yougoslavie, où vous vous êtes rendus depuis 1991 ?
21 REPONSE : Oui. Excusez-moi si cela prend un peu de temps parce que la
22 réponse est que je suis allé presque partout. Je vais le faire
23 géographiquement plutôt que chronologiquement, si vous le voulez
24 bien. Ici, se trouve la poche de Bihac. Elle était assiégée par les
25 Serbes. C'est une région musulmane. J'ai travaillé ici. Là se trouve
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1 la Krajina bosniaque, comme on l'appelle, autour de Prijedor et de
2 Banja Luka. J'y ai travaillé. C'est tout entre 1992 et jusqu'à il y
3 a quelques semaines.
4 J'ai travaillé dans la capitale, Sarajevo, durant le siège. J'ai
5 beaucoup travaillé dans cette région là, nous l'appellerons la
6 Bosnie centrale, Turbe, Travnik, Novi Travnik, Zenica, Vitez. Je
7 connais bien, très bien tout ces endroits. J'ai travaillé en
8 Herzégovine, qui est la région ici dans le sud-est, principalement
9 croate, plus particulièrement à Mostar, là, la capitale de
10 l'Herzégovine. J'ai travaillé à Tuzla, qui se trouve ici, là dans
11 cette région, dans le nord de la Bosnie centrale dirions-nous.
12 Plus tard, parce que la région était bloquée durant la guerre, mais
13 après les hostilités, j'ai commencé à explorer la vallée de la Drina
14 qui se trouve ici, Visegrad, Rogatica et le territoire tenu par les
15 Serbes, ici.
16 La réponse est donc que j'ai couvert la majeure partie du
17 territoire.
18 QUESTION : Dans tous ces endroits, vous êtes-vous entretenu avec des
19 membres des trois principaux groupes ethniques ou nationaux ?
20 REPONSE : Oui, longuement.
21 QUESTION : Vous êtes-vous entretenu avec des membres des unités
22 militaires, paramilitaires et de la police ?
23 REPONSE : Oui.
24 QUESTION : Avec des victimes ?
25 REPONSE : Oui.
Page 2263
1 QUESTION : Dans tous ces entretiens, vous êtes vous concentré sur leur
2 rôle dans le conflit, sur la façon dont ils le conduisaient ou
3 comment ils étaient devenus ses victimes, quels étaient ses origines
4 et ses buts ?
5 REPONSE : Oui, qu'il se soit agi de victimes, de perpétrateurs ou des
6 officiers ou des hommes ou de qui que ce soit, nous ne parlions
7 guère d'autre chose.
8 QUESTION : Dans vos recherches et vos articles sur les événements en
9 Bosnie-Herzégovine, en particulier en 1992, et à l'occasion de vos
10 recherches pour votre ouvrage, vous êtes-vous entretenu avec vos
11 confrères journalistes et examiné des archives sur les événements
12 qui se déroulaient dans différentes régions de Bosnie-Herzégovine ?
13 REPONSE : Oui, en ce qui concerne mes confrères journalistes, nous étions,
14 comme vous pouvez l'imaginer, tout un clan et nous comparions
15 constamment nos notes, chaque jour, chaque soir. S'agissant des
16 dossiers historiques et des archives, oui, certainement pour ce qui
17 est de mon livre. J'ai lu tous ceux qui paraissaient nécessaires et
18 bon nombre d'ouvrages pouvant présenter un intérêt et autant de
19 sources que possible, oui.
20 QUESTION : Ces sources comprenaient-elles des rapports officiels
21 d'organismes et organisations gouvernementaux et non gouvernementaux
22 ?
23 REPONSE : Oui, toutes sortes de choses de tous les gouvernements concernés
24 et d'agences non gouvernementales - vous voulez dire dans l'ex-
25 Yougoslavie ?
Page 2264
1 QUESTION : Oui, comme le CICR, le HCR etc.
2 REPONSE : Absolument, oui. Nous lisions toutes leurs publications,
3 parlions avec le HCR, la Croix-Rouge, partagions des renseignements
4 avec eux et en obtenions de leur part et, souvent, nous leur
5 donnions en fait des informations parce que nous pouvions accéder à
6 des endroits qui leur étaient interdits de sorte que les échanges
7 n’étaient pas à sens unique.
8 QUESTION : S'agissant des personnes d'origine serbe, en particulier celles
9 résidant dans les régions appelées Krajina, tant en Croatie qu'en
10 Bosnie-Herzégovine, de même que de l'autre côté de la frontière, en
11 République de Serbie, d'après vos expériences et vos entretiens,
12 avez-vous déterminé si leur point de vue différait envers les
13 personnes considérées comme des Musulmans par rapport à celles
14 d'origine croate ?
15 REPONSE : Oui, les Serbes des Krajinas bosniaque et croate considéraient
16 certainement ces deux groupes de personnes comme leurs ennemis mais
17 de façon différente. J'ai toujours eu le sentiment, en particulier
18 durant la guerre en Croatie, que les Serbes et les Croates étaient
19 des ennemis qui se respectaient. Ils se craignaient mutuellement.
20 Les Serbes étaient intimidés par les Croates, ce qui se comprend
21 étant donné leur histoire, en particulier durant la Deuxième Guerre
22 mondiale. Il y avait donc une sorte de respect mutuel, si vous
23 voulez, entre ces deux peuples puissants et fiers. L'opinion des
24 Serbes concernant les Musulmans dans cette région était différente.
25 On les qualifiait parfois de fanatiques de l'Islam ou de
Page 2265
1 fondamentalistes ou d'autres termes, ce qui ne veut pas dire grand
2 chose, mais c'était souvent beaucoup plus insultant. On les
3 qualifiait de "balija", un terme courant et qui se traduit en gros
4 par "infecte cochon". Il n'y avait aucune crainte à l'égard de ces
5 personnes en dehors de la propagande standard. Ils étaient
6 considérés comme sales, avec tous les adjectifs habituels que l'on
7 entend fréquemment à propos de beaucoup trop de gens dans le monde,
8 de fornicateurs, ce genre de choses. Un jour que j'accompagnais un
9 convoi de musulmans faisant l'objet d'un nettoyage ethnique,
10 conduits au-dessus de la montagne à la pointe du fusil, des
11 personnes nous criaient sur le côté de la route - je vais devoir
12 vérifier - "zakalati tocu vas" ou quelque chose du genre. J'ai
13 demandé à mon ami parlant serbo-croate ce que cela signifiait et il
14 m'a répondu "abattez-les, abattez-les" mais c'était l'expression
15 utilisée pour décrire l'abattage d'animaux, pas d'êtres humains.
16 C'était le sens de ces choses, ces gens étaient de sales gitans.
17 QUESTION : Avez-vous remarqué ce type de description des Musulmans par les
18 dirigeants serbes dans leurs entretiens avec vous et dans la presse
19 ou dans leurs discours ?
20 REPONSE : Oui, clairement. Je me rappelle une conversation avec le vice-
21 président de ce qui est maintenant la Republika Srpska, un homme
22 appelé Nikola Koljevic, un professeur, qui parlait des Musulmans
23 comme de gens non éduqués, sales, ne comprenant rien, sans histoire.
24 Il a une fois employé l'expression "mémoire raciale"; ils n'ont pas
25 de "mémoire raciale" a-t-il dit. Ils ne sont pas un peuple disait-
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1 il; "naro" est l'expression utilisée, au sens de "volk" en allemand.
2 Il y avait cette allusion constante à leur saleté, aux enfants trop
3 nombreux, cette sorte de chose.
4 QUESTION : Quelle est votre expérience de la propagande des dirigeants
5 serbes pour conditionner leur population et leurs combattants au
6 début et durant tout le conflit ?
7 REPONSE : Le message du gouvernement de Belgrade et de ses administrations
8 sur le terrain en Bosnie était implacable, à la télévision, dans les
9 communiqués de presse, aux réunions. La plupart d'entre nous - et
10 par là j'entends les journalistes et les agents des organismes
11 d'aide, etc. - le considérions comme banal mais il était
12 certainement très cohérent et dangereux. C'était un message
13 d'urgence, une menace contre votre peuple, contre votre nation, un
14 appel aux armes et, oui, une sorte d'instruction pour une levée en
15 armes afin de défendre votre peuple. Ce message était diffusé de
16 toutes sortes de façons - bandes dessinées, revues, télévision - et
17 de façon ininterrompue. Il enfonçait constamment le clou. C'était un
18 peu comme d'asséner des coups de marteau sur la tête je suppose.
19 QUESTION : M. Vulliamy, si je peux me permettre, votre témoignage doit
20 encore être traduit en français et en serbo-croate. Pourriez-vous
21 ralentir un peu s’il vous plaît ?
22 REPONSE : Certainement. Je m'excuse.
23 QUESTION : Dans vos recherches, tant pour vos articles que pour votre
24 livre, avez-vous déterminé s'il existait un précédent historique
25 pour l'utilisation de la propagande et d'unités paramilitaires liées
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1 officiellement à l'armée régulière en vue de commettre des atrocités
2 pour faire avancer la cause serbe ?
3 REPONSE : Oui, incontestablement. Durant mes recherches pour mon livre,
4 j'ai étudié l'histoire de la révolte serbe contre l'empire ottoman,
5 de la révolte serbe contre l'empire austro-hongrois et, surtout,
6 l'apparition de ce qu'on peut appeler le mouvement nationaliste
7 extrémiste serbe durant la Deuxième Guerre mondiale. On note chaque
8 fois que l'armée, qu'il s'agisse de l'armée royale ou de l'armée
9 yougoslave ou d'une armée serbe autonome, coopère avec des
10 irréguliers et les utilisent. Ils ont été appelés toutes sortes de
11 choses mais "Cheta" est le terme qui a fini par émerger et nous
12 donner "chetnik" utilisé aujourd'hui pour décrire au sens strict les
13 royalistes serbes et au sens large le mouvement nationaliste. Mais
14 oui, c'est un thème récurrent durant toute l'histoire du peuple et
15 de son pays.
16 QUESTION : Avez-vous constaté une similitude entre, d'une part, le type de
17 propagande utilisé à l'époque et l'utilisation des unités
18 paramilitaires durant cette époque et, d'autre part, la façon dont
19 la propagande et les unités paramilitaires ont été utilisées durant
20 le conflit actuel ?
21 REPONSE : Oui. Le même langage retentit à travers les décennies si ce
22 n'est à travers les siècles. Le thème qui dominait les hostilités
23 est qu'il s'agissait d'une reprise, d'une reproduction du passé et
24 ce langage était repris dans tous ces cas, oui.
25 QUESTION : Sur la base de vos recherches et de vos nombreux contacts avec
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1 des Serbes de tous les milieux, selon vous, connaissent-ils leur
2 histoire et sont-ils motivés par elle ?
3 REPONSE : Oui, sans aucun doute. Il importe de préciser, je crois, que
4 quand nous parlons de "Serbes", il y avait des Serbes qui
5 participaient à ces combats, à cette guerre, contre les Musulmans et
6 les Croates et ceux qui n'y participaient pas. De très nombreux
7 Serbes sont restés à Sarajevo alors qu'ils auraient pu partir et bon
8 nombre de Serbes ont combattu dans les rangs de l'armée
9 gouvernementale que nous appelons souvent le côté musulman. On
10 rencontrait constamment des Serbes. Ma traductrice à Sarajevo qui
11 était assiégé était Serbe et son frère était dans l'armée. Elle
12 était Serbe et elle combattait pour l'autre côté. Par conséquent,
13 quand je parle des "Serbes", je ne les vise pas tous. Disons que les
14 Serbes qui acceptaient le langage, si vous voulez, l'appel aux armes
15 lancé de Belgrade, de Banja Luka et de Pale, ne manifestaient pas
16 seulement une conscience de leur histoire mais qu'ils en étaient
17 obsédés.
18 QUESTION : A votre avis, les dirigeants serbes en République de Serbie
19 comme dans les Krajinas de Bosnie-Herzégovine et de Croatie étaient-
20 ils conscients du précédent historique et de l'obsession, comme vous
21 dites, du peuple serbe avec son histoire ?
22 REPONSE : Certainement. Le dirigeant que j'ai rencontré personnellement le
23 plus souvent était le professeur Koljevic que j'ai mentionné, le
24 vice-président de M. Karadzic, maintenant vice-président de la
25 Republika Srpska et, oui, je l'ai interviewé il y a seulement
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1 quelques semaines et il parlait de la mémoire raciale comme d'une
2 chose particulièrement importante pour les Serbes. Il a déclaré que
3 "cette guerre que nous venons de mener est la troisième grande
4 guerre des Balkans". Il était un dirigeant, le numéro 2. Tous les
5 événements étaient resitués dans ce contexte historique, faisaient
6 partie de l'histoire, étaient une prolongation de l'histoire. Il
7 était indéniablement obsédé par l'histoire.
8 QUESTION : Les dirigeants serbes s'appuyaient-ils sur des documents ou des
9 écrits particuliers pour promouvoir leurs idéaux et ces arguments
10 historiques ?
11 REPONSE : Oui. Divers documents des années 1940 étaient reproduits,
12 régurgités et cités dans certains des manuels militaires qui
13 parlaient beaucoup d'une Grande Serbie dont les frontières variaient
14 en fonction de l'année dont vous parliez mais semblaient couvrir la
15 majeure partie de la Bosnie-Herzégovine, si ce n'est sa totalité, et
16 d'importants morceaux de la Croatie. Ces textes dataient des années
17 1940, de la Deuxième Guerre mondiale. Puis vous aviez des textes
18 plus récents comme un mémorandum d'un groupe appelé SANU, l'Académie
19 des sciences de Belgrade, qui a ressuscité ce concept d'une Grande
20 Serbie et a rédigé un célèbre ou tristement célèbre mémorandum
21 exhortant sa reconstitution et c'était certainement un document
22 fréquemment cité. D'autres poèmes épiques et autres points culturels
23 de référence apparaissaient de temps en temps. Mais oui, il y a des
24 textes et ils sont très connus.
25 QUESTION : Connaissez-vous bien le mémorandum de la SANU ?
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1 REPONSE : Oui, je l'ai lu. Je ne m'en rappelle pas très bien mais je me
2 souviens du thème principal. Ils étaient censés être, si vous
3 voulez, le "centre de réflexion" de la nouvelle pensée serbe à
4 l'époque, animé par le Président Milosevic. Il demandait la
5 résurrection de la Grande Serbie, une renaissance du sentiment de
6 fierté ethnique chez les Serbes, etc.
7 QUESTION : Le contenu de ces divers mémorandums ou le fonds de leurs
8 arguments était-il constamment publié et republié dans la presse et
9 discuté à la radio et à la télévision dans les régions serbes ?
10 REPONSE : Oui, sous diverses formes, de même, bien sûr, que par leurs
11 adversaires.
12 QUESTION : Vous avez mentionné vos contacts directs avec certaines forces
13 paramilitaires ou de volontaires en Croatie en 1991. Avez-vous eu
14 des rapports directs avec les forces paramilitaires ou de
15 volontaires de la République de Serbie en Bosnie-Herzégovine durant
16 le deuxième semestre de 1992 ?
17 REPONSE : Oui, je me souviens d'une occasion où je me trouvais au poste de
18 police de Prijedor en train d'attendre des documents pour pouvoir
19 poursuivre ma route, fin août 1992. Nous nous sommes retrouvés par
20 hasard avec une bande d'individus assez durs qui étaient parmi les
21 rares à s'appeler eux-mêmes Chetniks sans chercher d'excuses. Ils
22 nous ont dit qu'ils combattaient à un endroit appelé Klucj, une
23 ville plus au sud, peuplée de nombreux résidents musulmans et
24 maintenant tenue par les Serbes; et ils nous ont dit qu'ils y
25 étaient allés et qu'ils rentraient maintenant en Serbie. L'un d'eux
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1 venait d'un endroit appelé Nis, une importante ville industrielle du
2 sud de la Serbie. Ils semblaient prendre un repas, si ce n'est être
3 logés, au poste de police mais la police locale ne voulait pas que
4 nous poursuivions cette conversation. Ils nous ont demandé de sortir
5 et d'attendre dans une autre pièce. C'est l'une des rencontres dont
6 je me souviens.
7 QUESTION : Avez-vous vu le type de véhicules qu'ils utilisaient pour se
8 déplacer ?
9 REPONSE : De grands autocars et camions aux couleurs de l'armée.
10 QUESTION : Les marques sur ces autocars ou camions étaient-ils de la
11 République de Serbie ?
12 REPONSE : Oui.
13 QUESTION : Vous dites que vous les avez rencontrés au poste de police de
14 Prijedor ?
15 REPONSE : Oui, au poste de police.
16 QUESTION : Leur présence semblait-elle tenir à quelque action juridique ou
17 à une arrestation ou semblaient-ils être là comme invités ?
18 REPONSE : Ils utilisaient le poste de police comme une sorte de station de
19 repos. J'ai eu l'impression qu'ils ne faisaient que passer. Ils
20 étaient, comme ils l'ont dit eux-mêmes, sur le retour et s'ils
21 devaient s'arrêter, le poste de police était l'endroit évident ou se
22 rendre et ils y étaient bien reçus. Il semble qu'on les y
23 connaissait un peu.
24 QUESTION : Après avoir suivi la dissolution de l'ex-Yougoslavie depuis le
25 début, êtes-vous au courant de la publication périodique de
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1 déclarations sur la crise concernant des réfugiés et la perpétration
2 d'atrocités, émanant d'agences des Nations Unies, du CICR, figurant
3 dans la presse d'Herzégovine et de Serbie, ainsi que des
4 déclarations par des dirigeants politiques et militaires de toutes
5 les Républiques de l'ex-Yougoslavie, ainsi que des responsables
6 croates et serbes de Bosnie ?
7 REPONSE : Oui. J'ai quitté le territoire de l'ex-Yougoslavie pendant la
8 majeure partie des deux premiers mois de la guerre, c'est-à-dire
9 avril-mai 1992 mais j'ai gardé le nez collé sur les journaux et la
10 télévision. De toute évidence, je suivais tout ce que disaient le
11 HCR, la Commission sur les réfugiés et la Croix-Rouge ainsi que les
12 dirigeants et le gouvernement croates qui étaient responsables de la
13 plupart des réfugiés entrant sur leur territoire. Oui, je suivais
14 les événements très attentivement et, en particulier, les
15 déclarations du HCR mentionnant une foule énorme de personnes. Un M.
16 Kesler du HCR a déclaré en une occasion qu'il s'agissait du pire
17 exode ou déplacement forcé de population depuis la Deuxième Guerre
18 mondiale.
19 QUESTION : Vous avez mentionné que vous étiez en fait ... que vous avez
20 participé à un convoi de réfugiés. Pouvez-vous nous en donner les
21 raisons ?
22 REPONSE : Oui. Nous étions à Zagreb et le HCR venait de décider avec le
23 gouvernement croate ... Le gouvernement croate venait de déclarer
24 qu'il ne pouvait plus accueillir de réfugiés. Ils franchissaient en
25 grand nombre la frontière en provenance de Bosnie du nord et les
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1 Croates ne pouvaient plus les accepter. Le HCR a décidé à l'époque
2 qu'ils n'allaient pas jouer le jeu, si on peut dire, en continuant
3 d'accepter ces gens. J'étais à Zagreb avec un ami et nous nous
4 sommes dits que la porte de devant était fermée mais que cela
5 n'arrêterait pas les événements. Nous nous sommes demandés où se
6 trouvait la porte de derrière. Il nous a semblé ... En fait, il a
7 déclaré, il n'y a qu'une façon de savoir. Oui, je sais, nous devons
8 aller nous faire nettoyer ethniquement nous mêmes. Ce que nous avons
9 fait. Nous nous sommes rendus à Prijedor et avons rencontré un grand
10 convoi garé le long de la route.
11 QUESTION : Pouvez-vous indiquer sur la carte le lieu où vous avez
12 rencontré ce convoi ?
13 REPONSE : Prijedor est ici. C'était un peu à l'extérieur de Prijedor,
14 entre Prijedor et Kozarac, ici. Il y a un petit hameau appelé
15 Lamovita, qui est l'endroit exact, mais c'est à quelques kilomètres
16 de Prijedor.
17 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : C'était à quelle époque, M. Vulliamy ?
18 REPONSE : Fin août 1992. Le 17 août, je crois.
19 M. KEEGAN : Quelle était l'importance approximative de ce convoi ?
20 REPONSE : Nous l'avons compté. Il y avait 55 automobiles et de 11 à 15
21 camions et de 6 à 8 autocars remplis de gens.
22 QUESTION : Avez-vous déterminé d'où provenait ce convoi ?
23 REPONSE : Oui. Ils étaient garés le long de la route et nous nous sommes
24 dits que nous allions discrètement nous joindre à eux. Ils se
25 reposaient et nous avons donc commencé à parler avec des gens et ils
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1 venaient d'un endroit appelé Sanski Most.
2 QUESTION : Pourriez-vous l'indiquer sur la carte, s'il vous plaît ?
3 REPONSE : Ici. C'est maintenant marqué comme faisant partie du territoire
4 de la Fédération croato-musulmane mais l'endroit était alors aux
5 mains des Serbes.
6 QUESTION : Avez-vous déterminé l'origine ethnique des réfugiés du convoi ?
7 REPONSE : Des Musulmans avec un ou deux Croates.
8 QUESTION : Comment êtes-vous parvenu à cette conclusion ?
9 REPONSE : Je leur ai demandé. Cela n'a pas pris beaucoup de temps.
10 QUESTION : Ce convoi était-il accompagné par des forces officielles ?
11 REPONSE : Oui, ils étaient escortés, pourrait-on dire, convoyés serait
12 plus précis, par des hommes de la police serbe de Bosnie en
13 uniformes bleus et armés des kalashnikov.
14 QUESTION : Après que vous vous soyez joints au convoi à Lamovita ... Je
15 m'excuse, avez-vous déterminé le nombre de réfugiés dans le convoi ?
16 REPONSE : C'était difficile à dire immédiatement mais nos calculs ajoutés
17 à leur récit nous a amené à conclure qu'ils étaient environ 1 600.
18 QUESTION : Ces réfugiés vous ont-ils indiqué comment ce convoi avait été
19 formé ou organisé ?
20 REPONSE : Ils nous ont raconté exactement ce qui leur était arrivé ce
21 matin là. On leur avait ordonné de sortir de leurs maisons. Une
22 annonce à la radio locale occupée par les Serbes le jour précédent
23 avait indiqué que c'était la dernière chance pour les Musulmans -
24 rassemblez-vous demain matin, nous organiserons le transport de ceux
25 qui n'en ont pas le moyen, amenez votre propre véhicule si vous le
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1 voulez. Ils devaient payer pour partir. Ils nous ont raconté ce qui
2 leur était arrivé à Sanski Most; avant leur départ, ils étaient
3 attaqués dans leurs maisons.
4 QUESTION : Vous ont-ils dit où ce convoi était censé se rendre ?
5 REPONSE : Oui, on leur avait dit qu'ils allaient en Allemagne ou en
6 Autriche et que tous les documents avaient été préparés.
7 QUESTION : Pouvez-vous nous montrer sur la carte la route effectivement
8 empruntée par le convoi, s'il vous plaît ?
9 REPONSE : Oui, certainement. Nous avons emprunté cette route passant par
10 Banja Luka et, un peu après Banja Luka, nous avons commencé à
11 grimper dans les montagnes sur de petits chemins et autour de gorges
12 et en passant les sommets et les cols des sommets. La route
13 traversait cet endroit appelé Skender Vakuf, une petite ville dans
14 les montagnes.
15 QUESTION : Pouvez-vous décrire ce qui s'est passé à Skender Vakuf ?
16 REPONSE : Skender Vakuf était la dernière ville avec des rues couvertes
17 d'un semblant de revêtement et c'était un endroit très effrayant.
18 Elle était peuplée de membres d'unités militaires ou paramilitaires.
19 Ils arrêtaient les automobiles à leur gré de temps en temps ; la
20 plupart d'entre eux avaient bu. Ils ouvraient la porte et vous
21 crachaient au visage ou vous frappaient de coups de pied ou
22 défonçaient une vitre. Ils ont arrêté notre automobile et c'était
23 effrayant. Un homme vociférait à mon sujet et je pensais que s'il se
24 rendait compte que j'étais un étranger, ma sécurité n'était plus
25 garantie. J'ai joué les imbéciles et mon ami, qui parlait la langue,
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1 lui a dit qu'il perdait son temps à m'injurier parce que je ne
2 pouvais pas comprendre un mot de ce qu'il disait. Ils m'ont donné
3 une brûlure au poignet, enlevé l'essuie-glace, frappé la voiture et
4 nous ont laissés passer mais je pense que ce fut pire pour d'autres.
5 QUESTION : Quel a été l'arrêt suivant après Sansko Most ?
6 REPONSE : Après Skender Vakuf, nous sommes entrés dans les montagnes. Nous
7 n'avions aucune idée de l'endroit où nous allions et ils arrêtaient
8 constamment le convoi à diverses installations, usines et sortes de
9 fermes industrielles, comme des élevages de poulets, qui semblaient
10 désertes. C'était un peu inquiétant parce que nous nous demandions
11 ce qui se passerait si cette destination était un camp. Nous ne
12 savions pas où nous allions. Nous avancions et nous arrêtions,
13 avancions et arrêtions. Je me souviens d'observations, importantes
14 comme c'était une occasion rare de voir l'artillerie au sommet des
15 collines et il y avait de nombreux canons, howitzer, lanceurs de
16 roquettes toutes sortes de choses ainsi qu'une quantité considérable
17 de munitions.
18 QUESTION : Quand vous vous arrêtiez en ces divers endroits, parliez-vous
19 avec les réfugiés qui se trouvaient dans les voitures et les
20 autocars ?
21 REPONSE : Oui, nous nous asseyions sur l'herbe et ils nous donnaient du
22 fromage, ce genre de choses et nous leur parlions.
23 QUESTION : Quelles étaient leurs inquiétudes quand vous vous arrêtiez dans
24 ces divers endroits ?
25 REPONSE : Personne ne savait où nous allions. Nous avons demandé s'il
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1 s'agissait d'un camp. Quelqu'un a déclaré à un moment qu'il espérait
2 que ce ne serait pas un massacre. Mon ami a déclaré alors "on vient
3 d'évoquer l'impensable". Personne ne savait ce qui se passait.
4 QUESTION : Des personnes étaient-elles retirées du convoi par la police ou
5 le personnel militaire dans la région ?
6 REPONSE : Oui. Nous avons continué. La nuit approchait et cela devenait
7 assez inquiétant. Nous avons traversé un endroit appelé Vitovje, au
8 sud de Skender Vakuf, et nous avons vu des filles qu'on faisait
9 sortir d'une voiture rouge vers l'arrière du convoi. Nous étions
10 arrêtés alors. Il y a eu une altercation, un argument, des gens qui
11 devenaient très excités. Nous n'étions pas très sûrs de ce qui se
12 passait. Je reconnais maintenant que nous étions trop stupides alors
13 pour comprendre ce qui se passait. On se fait ensuite une idée assez
14 claire des raisons pour lesquelles deux jeunes filles sont retirées
15 d'une voiture et faites prisonnières. Mais oui, des femmes ont été
16 retirées de la voiture.
17 QUESTION : Ont-elles regagné le véhicule avant le départ du convoi ?
18 REPONSE : Je n'en ai pas l'impression.
19 QUESTION : Est-ce aussi l'endroit où des gens criaient au convoi "Abattez-
20 les, abattez-les".
21 REPONSE : Abattez-les, abattez-les, oui. Ils venaient littéralement à
22 travers les prairies pour cracher sur le convoi, nous injurier,
23 faisant le geste de nous trancher la gorge.
24 QUESTION : Des véhicules du convoi ont-ils été volés à ce stade ?
25 REPONSE : Cela s'est passé un peu plus tard quand nous sommes arrivés à la
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1 dernière ligne serbe. La nuit était tombée et tous les véhicules à
2 l'exception de six ont été volés. Les réfugiés étaient simplement
3 sortis des automobiles; on leur ordonnait de prendre ce qu'ils
4 pouvaient emmener à pied et tous les réfugiés à bord des autocars
5 ont également dû en sortir. Les camions ont également été confisqués
6 et les automobiles ont systématiquement été remmenées dans la
7 direction dont nous venions.
8 QUESTION : Où avez-vous atteint ce "bout de la ligne" ?
9 REPONSE : Nous étions alors au milieu de nulle part et au beau milieu de
10 la nuit. L'idée de ce qui se passait, à défaut de l'endroit, était
11 devenue claire. Nous étions envoyés sur une route en direction du No
12 Man's Land et, en fin de compte, vers le front, la ligne croato-
13 musulmane. C'était très effrayant parce que l'une des règles durant
14 un conflit est de ne jamais traverser les lignes et, pour autant que
15 nous sachions, nous serions le premier convoi de cette sorte et tout
16 soldat intelligent de l'autre côté, nous voyant arriver de cette
17 façon, allait probablement ouvrir le feu.
18 QUESTION : Ce village au bout de la ligne serbe avait-il un nom ?
19 REPONSE : Il s'appelait Smet.
20 QUESTION : Qui étaient les gens qui contrôlaient cette ligne ?
21 REPONSE : Ils ressemblaient à des irréguliers. Ils étaient très bien armés
22 mais portaient un mélange de vêtements ordinaires et de treillis.
23 QUESTION : A ce stade, dans le village de Smet, toutes les personnes du
24 convoi ont été sorties des véhicules, des autocars et des camions ?
25 REPONSE : Oui, de tous à l'exception de six automobiles qu'ils ont laissé
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1 passer dont la nôtre. C'est à ce stade que nous avons révélé que
2 nous étions des journalistes et ils nous ont permis de garder la
3 voiture.
4 QUESTION : La police qui escortait le convoi a-t-elle dit quoi que ce soit
5 aux réfugiés ou leur a-t-elle donné une idée de ce qui les attendait
6 ?
7 REPONSE : Non. Ils les ont simplement placés le long de la route.
8 QUESTION : Vous avez indiqué que tous les véhicules avaient fait demi tour
9 et étaient repartis. Qui les a pris ?
10 REPONSE : Les soldats, les hommes armés.
11 QUESTION : A ce village, les réfugiés ont-ils aussi été contraints de
12 remettre tous leurs objets de valeur ?
13 REPONSE : Cela s'est passé un peu plus tôt. Durant un arrêt, un autocar
14 est tombé en panne juste devant nous et les soldats ont parcouru la
15 file de voitures. Ils prenaient de l'essence. J'ai vu une femme leur
16 remettre sa bague et ses possessions à la demande de soldats.
17 QUESTION : Quand vous avez traversé la ligne, avez-vous observé une
18 activité militaire, des tirs ?
19 REPONSE : Oui, énormément. Les tirs passaient essentiellement au-dessus de
20 nous. Un village en contrebas dans la vallée, à cinq cent mètres
21 environ au-dessous de nous, était tenu par les Musulmans et les
22 Croates. Les tirs passaient au-dessus de nous et vous pouviez voir
23 très nettement les balles traçantes. Oui, les combats étaient très
24 intensifs sur la route.
25 QUESTION : Avez-vous remarqué sur le terrain que vous traversiez alors,
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1 des indices de personnes tuées récemment ?
2 REPONSE : Oui.
3 QUESTION : Comment vous en êtes-vous rendu compte ?
4 REPONSE : On pouvait observer du sang gluant sur la route et parties de
5 cadavres; à un moment j'ai marché sur une main, une main tranchée.
6 QUESTION : Est-ce ce que vous avez décrit comme du sang encore frais sur
7 le sol ?
8 REPONSE : Gluant.
9 QUESTION : Pouvez-vous décrire la marche à travers ce terrain ?
10 REPONSE : C'était extraordinaire. Nous avions encore l'automobile à ce
11 stade, remplie de gens, d'autres sur la carlingue etc. J'ai envoyé
12 l'un de mes collègues à l'avant avec une torche pointant en
13 direction d'un T-shirt blanc, espérant que l'autre côté
14 l'interpréterait comme un drapeau blanc. Nous avons marché environ
15 trois kilomètres dans cette procession et nous avons fini par
16 atteindre des rochers bloquant la route et qui marquaient la ligne
17 de démarcation si vous voulez, la frontière, au milieu du No Man's
18 Land. Nous avons dû abandonner la voiture parce qu'il y avait un
19 précipice d'un côté et un champ de mines de l'autre et elle ne
20 pouvait passer nulle part. Nous l'avons donc abandonnée. C'était
21 pathétique; vous aviez ces gens grimpant au-dessus des rochers et
22 quand je dis "rochers" je parle de rochers entassés d'une hauteur
23 dépassant celle d'un être humain.
24 QUESTION : Quel genre de personnes formaient ce convoi ?
25 REPONSE : Vous aviez de tout. C'est en fait en atteignant ces rochers que
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1 l'on a pu réellement se rendre compte. Il y avait une ou deux
2 personnes en fauteuil roulant et elles ont dû être hissées au-dessus
3 des rochers, de même que les fauteuils roulants. Je m'en souviens
4 très bien. Vous aviez des enfants passés aux parents, les jouets,
5 des chaussures et autres vêtements abandonnés. Il s'agissait de
6 familles.
7 QUESTION : Des personnes âgées ?
8 REPONSE : Des personnes âgées, de très jeunes, de tout.
9 QUESTION : Que s'est-il passé quand vous avez atteint les lignes
10 gouvernementales bosniaques ?
11 REPONSE : Nous avons continué de marcher. Certaines personnes étaient si
12 effrayées par les tirs qu'elles ont essayé de s'abriter, si l'on
13 peut dire, dans l'ombre laissée par cette pente abrupte. Un jeune
14 homme leur a donné l'ordre de continuer, disant qu'elles ne
15 pouvaient pas rester là. Les femmes pleuraient. Nous leur avons
16 demandé d'arrêter parce que nous ignorions qui se trouvait à
17 proximité. Des enfants pleuraient et nous leur avons aussi demandé
18 d'arrêter. Puis nous avons continué et nous étions organisés en une
19 sorte de file indienne afin d'éviter un trop grand nombre de
20 victimes si nous étions touchés par un obus de mortier. Quelques
21 kilomètres plus loin, j'ignore combien, nous avons soudainement
22 rencontré le premier soldat des forces gouvernementales bosniaques.
23 Il a indiqué aux personnes à l'avant de la colonne, parmi lesquelles
24 nous nous trouvions maintenant, que nous ne pouvions pas continuer
25 le long de cette route parce que les combats étaient trop intenses
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1 dans le village, le bombardement du village en contrebas était trop
2 intensif. Il nous a donc envoyé le long d'un sentier, littéralement
3 un sentier de chèvres le long du versant de la montagne. Je n'avais
4 aucune idée de son nom ou de l'endroit où nous nous trouvions mais
5 je sais maintenant qu'il s'agit du Mont Vlasic.
6 QUESTION : Qu'est-il advenu du groupe après que vous ayez grimpé ce
7 versant de montagne?
8 REPONSE : Nous avons grimpé le versant pendant plusieurs heures. Certaines
9 personnes âgées ne pouvaient pas suivre. J'ai cru comprendre que
10 quelqu'un en était mort par la suite. Les parents devaient
11 maintenant porter leurs enfants mais heureusement les combats se
12 poursuivaient maintenant en contrebas dans la vallée. Avec le recul,
13 c'était une véritable épopée; sur le moment c'était tout simplement
14 terrifiant. Puis nous avons commencé à descendre un versant. Nous
15 nous sommes arrêtés à un abreuvoir afin de boire et de nous
16 approvisionner en eau, la première fois depuis des heures. Puis nous
17 avons rencontré des bâtiments et je me souviens de quelqu'un disant
18 : " J'ignore où nous sommes mais il semble que nous soyons quelque
19 part". Nous étions tous épuisés. Un homme est sorti de la nuit et
20 nous a annoncé : "J'appartiens à votre armée. Bienvenue à Travnik.
21 Des autocars vont vous transporter le reste du chemin". Il était
22 alors trois heures du matin et il y avait bien des autocars en train
23 de nous attendre. Enfin, une foule nombreuse attendait de monter à
24 bord des autocars qui faisaient l'aller-retour pour emmener les
25 réfugiés à Travnik.
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1 M. KEEGAN : Ce serait peut-être un endroit propice pour nous arrêter avant
2 de passer à un autre point ?
3 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Je veux seulement soulever une question.
4 M. Vulliamy, vous êtes excusé jusqu'à demain 10 heures. Vous avez indiqué,
5 M. Niemann, qu'il s'agit de votre dernier témoin général. Est-ce exact ?
6 M. NIEMANN : Oui, Mme la Présidente.
7 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Le matériel d'interprétation différée n'est pas
8 encore installé. J'ai parlé avec quelqu'un durant le déjeuner et je
9 ne suis pas certaine que ce sera installé pour demain. Je ne sais
10 pas combien de temps vous aurez besoin de M. Vulliamy ou même si
11 vous avez besoin de cet équipement avant de commencer avec votre
12 premier témoin au titre du chef I, si je me souviens bien de la
13 liste. Je vous informe seulement de cette situation.
14 M. NIEMANN : Merci, Mme la Présidente.
15 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez essayer d'obtenir davantage de
16 renseignements puis décider de la façon dont nous procéderons
17 demain.
18 M. NIEMANN : Y a-t-il des chances que ce soit installé pour mardi ?
19 PRESIDENT DE LA CHAMBRE : Oui, si j'ai bien compris, mais je vais essayer
20 d'obtenir des renseignements plus précis maintenant que je me rends
21 compte que c'est votre dernier témoin général. Je pensais que vous
22 en aviez trois autres commençant avec
23 M. Vulliamy mais je vais essayer de savoir ce qu'il en est et vous faites
24 de même de votre côté. Je voulais seulement vous informer de la
25 situation. M. Wladimiroff nous ayant toujours informé des rumeurs
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1 qui lui parviennent, j'ai pensé faire la même chose ! Nous
2 résoudrons le problème ce soir. L'audience est levée jusqu'à demain
3 10 heures.
4 (Ajournement de l'audience jusqu'au lendemain)
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