Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL Affaire IT-94-1-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 mercredi, le 19 juin 1996

4 (Audience publique)

5 (10 heures)

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bonjour. M. Niemann, voulez-vous appeler

7 votre témoin suivant à la barre, s'il vous plaît ?

8 M. NIEMANN : Oui, Madame le Président. J'aimerais, auparavant, corriger un

9 point que j'ai mentionné hier. Je crois avoir dit que le premier

10 témoin d'identification serait le neuvième. C'était une erreur. Il

11 est, en fait, le septième témoin à compter de M. Mujcic mais, de

12 toute manière, nous pouvons modifier l'ordre si nécessaire pour

13 allonger le délai.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous l'intention de répondre aux

15 conclusions de M. Wladimiroff ?

16 M. NIEMANN : Oui, Madame le Président.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Quand envisagez-vous de le faire ? Nous

18 sommes mercredi. Je ne sais pas comment nous progressons avec vos

19 témoins. Je n'ai pas compté les heures. Mais d'après un calcul

20 rapide, je ne pense pas que nous atteindrons ce témoin avant juillet

21 puisque nous nous ajournons mercredi prochain.

22 M. NIEMANN : Oui, Madame le Président. Il se peut que nous ne parvenions

23 pas au témoin. Mais si nous y parvenons, ce pourrait être la semaine

24 prochaine. Nous envisageons de présenter notre réponse d'ici mardi,

25 au moins, de sorte que le témoin pourrait comparaître ensuite mais

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1 cela pourrait n'avoir lieu qu'en juillet.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Vous présenterez votre réponse mercredi

3 prochain au plus tard. Si en raison de la rapidité de la comparution

4 des témoins il devait témoigner, disons, mercredi, vous devrez alors

5 nous donner votre réponse un peu plus tôt pour que nous puissions

6 résoudre la question.

7 M. NIEMANN : C'est ce que nous ferons.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Merci.

9 M. NIEMANN : J'appelle Salko Karabasic à la barre.

10 Appel de M. SALKO KARABASIC à la barre.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce devrait être le No 22. Avez-vous changé

12 l'ordre de vos témoins ? Je vois. Le nouveau est le 22 et l'original

13 était le 26. Vous les avez renumérotés dans la nouvelle colonne.

14 Très bien. M. Kay, cela vous semble-t-il aller ? Vous paraissez tous

15 les deux un peu surpris.

16 M. KAY : Nous nous attendions à quelqu'un d'autre.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Mais vous pouvez voir dans la nouvelle

18 colonne que c'est le no 22. Dans la colonne de gauche. C'est

19 correct. C'est le 22e témoin d'après la nouvelle liste présentée le

20 11 juin.

21 M. NIEMANN : Oui.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Karabasic, pouvez-vous prêter serment s'il

23 vous plaît ?

24 TEMOIN (Interprétation) : Je jure solennellement de dire la vérité, toute

25 la vérité, rien que la vérité.

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1 (Prestation de serment du témoin)

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci, monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

3 Interrogatoire par M. NIEMANN

4 Q. : Vous appelez-vous Salko Karabasic ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Quelle est votre date de naissance ?

7 R. : Le 10 mars.

8 Q. : Quel est votre lieu de naissance ?

9 R. : Brdjani.

10 Q. : Quelle est la distance approximative entre Brdjani et le centre de

11 Kozarac ?

12 R. : Un kilomètre.

13 Q. : Où avez-vous fait vos études primaires ?

14 R. : A Kozarac.

15 Q. : Et vos études secondaires ?

16 R. : Je n'ai suivi que quatre années d'enseignement primaire.

17 Q. : Je vois.

18 JUGE STEPHEN : Si ça peut présenter un intérêt, la date de naissance ne

19 mentionne pas l'année, seulement la date.

20 M. NIEMANN : Je m'excuse, monsieur le Juge. (Au témoin) : En quelle année

21 êtes-vous né ?

22 R. : 1945.

23 M. NIEMANN : Où avez-vous vécu jusqu'à l'éclatement des hostilités à

24 Kozarac en 1992 ?

25 R. : A Kozarac, à Brdjani.

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1 Q. : Quelle profession exerciez-vous durant cette période, jusqu'en 1992 ?

2 R. : J'étais manoeuvre.

3 Q. : Où travailliez-vous ?

4 R. : A Kozarac, à la scierie.

5 Q. : Avez-vous fait votre service militaire ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Quand avez-vous servi sous les drapeaux ?

8 R. : En 1965.

9 Q. : Où avez-vous fait votre service militaire ?

10 R. : A Celje, en Slovénie.

11 Q. : Etes-vous de religion musulmane ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Etiez-vous dans les rangs de la Défense territoriale ou de la JNA

14 immédiatement avant l'ouverture des hostilités à Kozarac en 1992 ?

15 R. : Dans la Défense territoriale.

16 Q. : Aviez-vous été appelé comme réserviste de la Défense territoriale à

17 cette époque ?

18 R. : Oui.

19 Q. : En était-il de même de la plupart des autres personnes qui servaient

20 sous les drapeaux dans l'ex-Yougoslavie avant cette date ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Connaissez-vous l'accusé dans cette affaire, Dule Tadic ?

23 R. : Très bien.

24 Q. : Depuis combien de temps le connaissez-vous ?

25 R. : Je le connais depuis qu'il a 15 ans.

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1 Q. : Où avez-vous fait sa connaissance ?

2 R. : Je passais devant son domicile tous les jours en allant au travail et

3 en rentrant.

4 Q. : Votre lieu de travail se trouvait du côté Trnopolje de Kozarac, est-

5 ce exact ?

6 R. : Je n'avais pas à traverser la route de Banja Luka; c'était juste à

7 côté de cette route.

8 Q. : C'est exact. Vous viviez à Brdjani, dans la direction de la montagne.

9 R. : Oui.

10 Q. : Durant la période où vous avez habité à Kozarac, jusqu'en 1992, avez-

11 vous vu l'accusé Dule Tadic rarement, occasionnellement ou

12 fréquemment ?

13 R. : Occasionnellement.

14 Q. : Pouvez-vous décrire son domicile à Kozarac ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Pouvez-vous nous dire où se trouvait ce domicile ?

17 R. : Il habitait près de l'école, au-dessus de la nouvelle école, de la

18 nouvelle grande école et fondamentalement en face de l'école au-

19 dessus du Restaurant.

20 Q. : Y avait-il un restaurant dans ces locaux ?

21 R. : Non.

22 Q. : Qu'entendez-vous par "au-dessus du Restaurant" ?

23 R. : Dans cette direction vers ... en allant jusqu'à Kozarac en venant de

24 la route de Banja Luka, il y avait un Restaurant puis une maison

25 appartenant à Banda puis, au-dessus, sa maison.

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1 Q. : Je vois. Il y avait donc un bâtiment assez important appelé

2 localement le "Restaurant" - c'est à cela que vous faites référence

3 ?

4 R. : Oui.

5 Q. : L'endroit que vous décrivez comme la résidence de Dule Tadic, à votre

6 connaissance, a-t-il toujours habité à cet endroit pendant son

7 séjour à Kozarac ?

8 R. : Pour autant que je me souvienne, oui.

9 Q. : Connaissez-vous la profession qu'il exerçait avant la guerre en 1992

10 ?

11 R. : Non.

12 Q. : Connaissiez-vous sa femme ?

13 R. : Oui, très bien.

14 Q. : Comment s'appelle-t-elle ?

15 R. : Vidovic, Mira. Mira Vidovic.

16 Q. : Connaissiez-vous des amis ou des fréquentations de l'accusé Dule

17 Tadic ?

18 R. : Oui, j'en connaissais certains.

19 Q. : Pouvez-vous en nommer quelques uns ?

20 R. : Emir Karabasic était un de ses bons amis.

21 Q. : Vous avez mentionné la famille de son épouse, Vidovic. Savez-vous où

22 ils habitaient, où la famille de sa femme résidait ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Et où était-ce ?

25 R. : A Vidovici.

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1 Q. : Connaissez-vous le nom du père de son épouse ?

2 R. : Mira.

3 Q. : Je m'excuse, connaissez-vous le nom du père de l'épouse de l'accusé

4 Dule Tadic ?

5 R. : Oui, Radovan.

6 Q. : A l'époque où vous connaissiez l'accusé Dule Tadic à Kozarac, se

7 rasait-il ou portait-il la barbe ?

8 R. : Il portait parfois une barbe très courte, comme le jour où je l'ai

9 vu.

10 Q. : Savez-vous s'il pratiquait des activités sportives en ville ?

11 R. : Oui, j'ai entendu dire qu'il pratiquait, qu'il enseignait le karaté.

12 Q. : En-dehors de la ville de Kozarac, l'avez-vous rencontré en d'autres

13 endroits ou dans la région de Kozarac ?

14 R. : Quand je l'ai vu, je l'ai vu ce jour là et je ne l'ai plus revu par

15 la suite.

16 Q. : Non, avant 1992. Vous venez de dire que vous le voyiez à son domicile

17 quand vous alliez travailler à Kozarac. L'avez-vous jamais vu en

18 d'autres endroits dans la région de Kozarac avant 1992 ?

19 R. : Je ne comprends pas la question.

20 Q. : Avez-vous vu l'accusé Dule Tadic de temps à autre avant 1992 en

21 d'autres endroits dans la région de Kozarac, mais pas nécessairement

22 dans la localité même de Kozarac ?

23 R. : Je ne l'ai pas vu parce que jusqu'en 1992 j'étais toujours à Kozarac.

24 Je ne quittais pas Kozarac.

25 Q. : Vous avez dit que vous connaissiez l'endroit où habitait le père de

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1 sa femme ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Pouvez-vous nous en répéter le nom ?

4 R. : Le lieu où son père résidait ?

5 Q. : Non.

6 R. : Parlez-vous du père de Dule ?

7 Q. : Non. Vous avez dit il y a quelques instants que vous connaissiez

8 l'endroit où habitait le père de sa femme. Savez-vous où c'était ?

9 R. : Oui. Il habitait à Vidovici.

10 Q. : Est-ce près de l'endroit où vous viviez autrefois ?

11 R. : La distance est d'environ 500 mètres entre mon village et Vidovici.

12 Q. : Rencontriez-vous de temps en temps des gens dans le secteur de

13 Vidovici ? Avant 1992.

14 R. : Oui.

15 Q. : Avez-vous jamais rencontré la femme de l'accusé, Mira Vidovic, dans

16 cette région ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Avez-vous jamais aperçu l'accusé à cet endroit ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Vous rappelez-vous quand a commencé l'attaque de Kozarac ?

21 R. : Le 24 mai.

22 Q. : Vers quel moment de la journée a-t-elle éclaté ?

23 R. : Elle a commencé dans l'après-midi.

24 Q. : Au début ou en fin d'après-midi ?

25 R. : Au début.

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1 Q. : Où vous trouviez-vous au début de l'assaut contre Kozarac ?

2 R. : J'étais dans l'auberge de montagne.

3 Q. : Où se trouve-t-elle par rapport à la localité de Kozarac ?

4 R. : De Kozarac vous vous rendez d'abord à Brdjani puis à Vidovici et

5 c'est à environ 500 ou 600 mètres de Vidovici.

6 Q. : Que faisiez-vous à cet endroit quand l'attaque a commencé ?

7 R. : Nous montions la garde.

8 Q. : La garde contre quoi ?

9 R. : Nous faisions partie des unités de réserve.

10 Q. : De la Défense territoriale ?

11 R. : Oui, de la Défense territoriale.

12 Q. : Savez-vous qui était le commandant de la Défense territoriale à

13 l'époque ?

14 R. : Vaskan Kulasic.

15 Q. : Comment étiez-vous vêtu quand vous montiez la garde ?

16 R. : Nous portions les uniformes de la JNA.

17 Q. : D'où venait cet uniforme de la JNA ?

18 R. : Je l'avais reçu de la Défense territoriale.

19 Q. : Combien de temps avant 1992 avez-vous reçu cet uniforme de la Défense

20 territoriale ?

21 R. : Exactement huit mois avant la guerre. Je ne me souviens pas de la

22 date.

23 Q. : Etiez-vous armé à ce moment là ?

24 R. : Oui, j'avais reçu l'arme en même temps que l'uniforme.

25 Q. : Etiez-vous armé le jour de l'attaque le 24 mai 1992 ?

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1 R. : Oui.

2 Q. : De quelle arme disposiez-vous ?

3 R. : Un fusil modèle M-48.

4 Q. : Est-ce une arme de type Deuxième guerre mondiale ?

5 R. : Oui, c'est une vieille arme.

6 Q. : Aviez-vous des munitions ?

7 R. : 25 balles.

8 Q. : Pouvez-vous me décrire ce que vous faisiez exactement à cet endroit à

9 ce moment particulier ?

10 R. : J'étais là, c'était le tour de mon groupe.

11 Q. : Que faisiez-vous ? Que gardiez-vous ?

12 R. : Nous gardions ... tout d'abord nous étions devant le bâtiment de la

13 Commune locale à Kozarac, que nous gardions, puis près du magasin

14 pour éviter le pillage et après cela ils nous ont transférés en haut

15 à l'auberge de montagne.

16 Q. : Qui sont ces "ils" ?

17 R. : La Défense territoriale.

18 Q. : Quels étaient les effectifs approximatifs de la Défense territoriale

19 à cette auberge de montagne au-dessus de Kozarac ?

20 R. : Je n'en connais pas exactement le nombre parce que nous changions

21 constamment d'équipes.

22 Q. : Durant le bombardement ou l'attaque de Kozarac, avez-vous

23 personnellement rencontré des attaquants serbes et avez-vous ou non

24 utilisé votre arme ?

25 R. : Je n'ai pas tiré une seule balle pendant que j'étais à l'auberge de

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1 montagne.

2 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à l'auberge de montagne ?

3 R. : Jusqu'à ce qu'ils commencent le bombardement et à ce moment là

4 c'était chacun pour soi.

5 Q. : Avez-vous à ce moment là abandonné votre fusil et votre uniforme ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Qu'avez-vous fait ...

8 R. : ... le même jour.

9 Q. : Qu'avez-vous fait avec votre fusil et votre uniforme ?

10 R. : Je les ai emmenés chez moi. J'ai enterré le fusil et les balles et je

11 sais où ils sont. Et j'ai laissé mon uniforme chez moi.

12 Q. : Avez-vous alors rejoint votre famille ?

13 R. : J'ai cherché les membres de ma famille pendant une journée et je me

14 suis joint à eux quand je les ai trouvés.

15 Q. : Vous rappelez-vous quel jour c'était ?

16 R. : Quand j'ai retrouvé ma famille ?

17 Q. : Oui.

18 R. : Le lundi 25.

19 Q. : Le 25 mai 1992 ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Qu'avez-vous fait quand vous avez trouvé votre famille ?

22 R. : Nous nous sommes cachés dans des refuges et des caves; nous

23 cherchions les caves les plus sûres et les plus grandes et c'est là

24 que nous nous sommes réfugiés.

25 Q. : Etes-vous retourné à votre domicile le 26 mai 1992 ?

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1 R. : Seulement occasionnellement pour voir ma maison puis je retournais

2 dans ces caves.

3 Q. : Quand vous êtes retourné voir votre maison, avez-vous observé les

4 forces serbes en train d'avancer vers votre village ?

5 R. : Elles étaient déjà dans Kozarac.

6 Q. : Je vois. Qu'avez-vous fait alors ? Qu'avez-vous fait ensuite ?

7 R. : Qu'est-ce que j'ai fait ? Je suis rentré. J'ai retrouvé ma famille et

8 je suis resté avec elle.

9 Q. : Où êtes-vous resté avec votre famille après votre retour ?

10 R. : Nous étions dans la maison d'une femme appelée Suada Blazevic.

11 Q. : Dans quelle ville ou village se trouvait-elle ?

12 R. : C'est juste entre Brdjani et Vidovici, à mi-chemin entre ces deux

13 endroits.

14 Q. : Combien de temps y êtes-vous resté ?

15 R. : Je ne suis pas certain. Toute la journée je pense.

16 Q. : Etes-vous ensuite allé au village de Vidovici proprement dit ?

17 R. : Eno Mehmedagic est venu de Brdjani et il est resté dans la maison

18 jusqu'à l'arrivée des troupes. Et quand le char est arrivé à Brdjani

19 ils l'ont forcé à sortir. Il est monté à Vidovici et nous a dit :

20 "Partez d'ici et marchez vers Kozarac autrement ils vont tous vous

21 abattre".

22 Q. : Quel jour était-ce ?

23 R. : Le 27.

24 Q. : Avez-vous suivi son conseil ? Vous êtes-vous dirigé vers Kozarac ?

25 R. : Oui, nous étions ... Nous demeurions avec Radovan et Ostoja Vidovic

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1 et ils nous ont dit : "Vous feriez mieux de partir autrement nous

2 aurons à le faire, nous aurons des difficultés à cause de vous".

3 C'est ce que nous avons fait, nous sommes partis; nous étions tous

4 dans ce village et nous sommes partis.

5 Q. : Vous cherchiez à vous réfugier chez Radovan Vidovic ?

6 R. : Oui, chez Radovan et Ostoja Vidovic. Ils nous ont permis d'entrer

7 chez eux.

8 Q. : Ce Radovan Vidovic chez qui vous demeuriez ou qui vous a abrité

9 était-il le beau-père de l'accusé Dule Tadic ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Le 27 donc vous avez quitté le village de Vidovici et vous vous êtes

12 dirigé vers Kozarac ?

13 R. : Oui, il était 11 heures 45 quand Eno est venu et nous a donné la

14 nouvelle. Nous avons alors quitté le village et nous nous sommes

15 dirigés vers Kozarac.

16 Q. : Quand vous dites "nous", était-ce vous uniquement ou est-ce qu'un

17 certain nombre de personnes se rendaient dans cette direction ?

18 R. : Un certain nombre de personnes qui étaient avec nous à Vidovici.

19 Q. : Pouvez-vous nous donner un nombre approximatif ou une estimation du

20 nombre des personnes qui ont commencé à former ce convoi vers

21 Kozarac ?

22 R. : Je ne peux pas vous donner un nombre exact mais il devait y avoir au

23 moins 200 ou 300 personnes, des femmes, des enfants.

24 Q. : Quelle était la nationalité de la majorité des personnes dans cette

25 colonne ?

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1 R. : Musulmane.

2 Q. : Comment ces personnes se déplaçaient-elles ? Etaient-elles à pied ou

3 à bord de véhicules motorisés ou de véhicules tractés par des

4 chevaux ?

5 R. : Il y avait quelques tracteurs. La plupart des gens marchaient.

6 Q. : Je vais vous demander d'examiner, si vous le voulez bien, la pièce à

7 conviction D12, qui est une carte de la région. Pouvez-vous examiner

8 cette carte un instant pour vous orienter, s'il vous plaît ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Ce que j'aimerais que vous fassiez ... Nous allons placer cette carte

11 D12 sur le rétroprojecteur qui est à côté de vous, pas devant vous

12 mais à côté de vous - je vais demander à Mme Sutherland de vous

13 aider - puis je vous demanderai, avec un doigt ou une baguette, de

14 nous indiquer la direction générale dans laquelle la colonne s'est

15 dirigée en allant de Vidovici vers Kozarac. Peut-on placer cette

16 pièce sur le rétroprojecteur ? Vous allez devoir pointer sur le

17 rétroprojecteur parce que, bien que cela apparaisse sur votre écran

18 de télévision, si vous pointez sur cet écran nous ne voyons pas ce

19 que vous désignez. Vous devez donc pointer vers ce que vous voyez

20 là. Pouvez-vous retracer le trajet que vous avez effectué ?

21 R. : Nous sommes allés de Vidovici vers la mosquée Mutnik puis nous sommes

22 descendus vers Kozarac et la route de Banja Luka et quelque part

23 vers cet endroit, ici, la route bifurque et l'une des branches part

24 vers Kalate.

25 Q. : Peut-on rendre cette carte au Greffier ? Quand cette colonne est

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1 descendue vers Kozarac, avez-vous observé des forces serbes ou leur

2 matériel dans ce secteur ...

3 R. : Nous avons aperçu des forces serbes dès que nous avons atteint

4 Brdjani et les soldats étaient tous alignés le long des rues.

5 Q. : S'agissait-il selon vous de forces régulières de la JNA ou de forces

6 paramilitaires ?

7 R. : Des troupes de la JNA.

8 Q. : Avez-vous remarqué si elles disposaient de matériel militaire lourd à

9 ce moment là ?

10 R. : Il y avait un char à Brdjani.

11 Q. : Avez-vous remarqué si des maisons ou des bâtiments avaient été

12 incendiés ?

13 R. : Oui, certains l'étaient déjà.

14 Q. : Avez-vous remarqué s'il y avait des cadavres de personnes dans le

15 secteur pendant que vous descendiez ?

16 R. : Vous voulez dire à Brdjani ?

17 Q. : Oui.

18 R. : Non.

19 Q. : Avez-vous par la suite observé des cadavres ?

20 R. : A Brdjani ?

21 Q. : Non, plus tard, après que vous ayez dépassé Brdjani.

22 R. : Oui, quand nous sommes entrés dans Kozarac, j'en ai vu.

23 Q. : D'autres personnes se sont-elles jointes à la colonne pendant votre

24 trajet vers Kozarac ?

25 R. : Oui.

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1 Q. : Des membres de votre famille vous accompagnaient-ils dans cette

2 colonne pendant le trajet ?

3 R. : Oui.

4 Q. : S'agissait-il de votre famille directe, de votre femme et de vos

5 enfants ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Ils étaient avec vous ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Vos frères et soeurs, vos parents étaient-ils aussi dans cette

10 colonne ?

11 R. : Ils étaient dans la colonne mais nous n’étions pas ensemble. Nous ne

12 formions pas un groupe dans la colonne.

13 Q. : Que s'est-il passé quand la colonne est arrivée à Kozarac ?

14 R. : Nous avons descendu la route de Brdjani pour arriver à la mosquée

15 Mutnik puis nous avons suivi ... tout d'abord il y a la vieille

16 école, l'endroit où la Défense territoriale avait ses locaux, et un

17 puits se trouve derrière l'école. Vous tournez ensuite vers Kalate

18 et au coin il y avait un kiosque où on vendait des poulets et du

19 pain. Il y avait un kiosque, un étal à cet endroit.

20 Q. : Pouvez-vous examiner la photographie que l'on vous remet maintenant ?

21 Peut-on la marquer 224 pour identification ? Pouvez-vous examiner

22 cette photographie et me dire si vous reconnaissez ...

23 R. : Oui.

24 Q. : ... que représente-t'elle ?

25 R. : Oui, je le peux.

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1 Q. : Que représente cette photographie ? Je m'excuse, que montre t-elle ?

2 R. : On y voit la Commune locale et, un peu plus haut, il y a une sorte de

3 club ou de pub ou quelque chose du genre. Le kiosque se trouvait

4 près de ce peuplier. Il a maintenant disparu, comme vous pouvez le

5 voir.

6 M. NIEMANN : Je verse cette photographie, Madame, messieurs de la Cour.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections ?

8 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 224 de l'Accusation est

10 admise.

11 M. NIEMANN (Au témoin) : M. Karabasic, pourriez-vous maintenant s'il vous

12 plaît , placer cette photographie ... nous allons la placer sur

13 l'écran ... et avec la baguette, je vais vous demander de nouveau de

14 désigner divers points sur cette photographie. On pourrait peut-être

15 l'élargir au maximum ? Premièrement, en regardant cette

16 photographie, pourriez-vous placer la baguette dans la direction de

17 la route vers Kalate ?

18 R. : La route vers Kalate se trouve ici, à droite.

19 Q. : Vous allez devoir le faire sur le projecteur, autrement nous ne

20 pouvons pas voir ce que vous désignez si vous pointez sur l'écran de

21 télévision. Vous devez pointer sur la photographie proprement dite.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Sur votre droite, M. Karabasic.

23 TEMOIN : Ici, voici la route de Kalate, vers la droite.

24 M. NIEMANN : Bien. Pouvez-vous m'indiquer la direction de la rue Marsala

25 Tita, la grande rue de Kozarac, dans quelle direction se trouve-t-

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1 elle ?

2 R. : Ici, derrière ce bâtiment, derrière ce grand bâtiment, mais vous ne

3 pouvez pas la voir.

4 Q. : Pouvez-vous désigner l'endroit où se trouvait le kiosque que vous

5 avez mentionné ?

6 R. : Le kiosque était ici, juste à côté de ce peuplier. Il était

7 exactement au coin et le kiosque était juste derrière.

8 Q. : Peut-on rendre cette photographie au Greffier ? Madame, messieurs de

9 la Cour, des copies sont en train d'être tirées et nous les

10 distribuerons.

11 Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé, ce que vous avez vu

12 quand vous êtes arrivés à cet endroit que vous venez de désigner ?

13 R. : Nous sommes passés près de cette vieille école et auprès du puits ici

14 et, immédiatement à droite, vous tournez vers Kalate. C'est là que

15 se tenait Dule Tadic, juste en face, près du kiosque de l'autre

16 côté, mais Goran Borovnica se tenait sur le côté de la route.

17 Q. : Qu'avez-vous vu d'autre ?

18 R. : Quand je suis arrivé là, mon frère, Ismet Karabasic et Foric, ont été

19 retirés de la colonne. Ils étaient à côté de ce "koka".

20 Q. : Vous rappelez-vous du prénom de Foric ?

21 R. : Redzep.

22 Q. : Quand vous dites "à côté de ce koka", faites vous référence au

23 kiosque ?

24 R. : Oui, je veux dire le kiosque. Cela ne faisait qu'un.

25 Q. : Que s'est-il passé alors ?

Page 3063

1 R. : Dule Tadic a pointé avec son doigt et il a dit à Borovnica "Sors

2 celui-là" et il est venu et l'a saisi par le cou et l'a ajouté aux

3 deux autres près du kiosque, portant ainsi leur nombre à trois. Et

4 mon fils, qui était près moi dans la colonne, s’est retourné pour

5 voir mon frère Ekrem et Dule a dit à Borovnica "prends celui-là

6 également". Et il est venu et s'est emparé de mon fils. Il le tirait

7 et je le tirais de mon côté et nous le poussions et le tirions

8 chacun de notre côté.

9 Q. : Je dois revenir sur ce point un peu plus lentement. Le premier que

10 vous avez vu retirer de la colonne était votre frère, Ekrem, par

11 Borovnica ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Puis vous dites que votre fils qui vous accompagnait ... votre fils

14 était-il avec vous ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Comment s'appelait votre fils ?

17 R. : Sejdo.

18 Q. : Borovnica est donc venu vers l'endroit où se trouvait Sejdo ?

19 R. : Il est descendu, oui, et j'ai essayé de tirer mon fils vers moi et il

20 le tirait dans l'autre direction. Il me l'a arraché et il m'a dit :

21 "Voulez-vous venir également ?"

22 Q. : Où a-t-il emmené votre fils Sejdo ?

23 R. : Avec Ekrem, Enver et Redzo.

24 Q. : Quand vous dites "avec", voulez-vous dire vers le kiosque ?

25 R. : Oui.

Page 3064

1 Q. : Où se trouvait Dule Tadic, pour autant que ...

2 R. : Il se tenait à l’endroit même où je l'avais aperçu auparavant. Je

3 reconnaîtrais le mètre carré où il se tenait.

4 Q. : Pendant combien de temps avez-vous pu apercevoir Dule Tadic quand

5 vous approchiez de cet endroit ?

6 R. : Ce fut bref, comme de traverser cette pièce ici, je dirais que

7 c'était ...

8 Q. : A quelle distance ?

9 R. : ...c'était comme cela.

10 Q. : Je m'excuse. Quelle est la distance la plus courte qui vous a séparé

11 de Dule Tadic quand vous êtes passé à cet endroit ?

12 R. : Pas plus de deux mètres et demi, trois mètres.

13 Q. : Faisait-il beau ou les conditions atmosphériques rendaient-elles la

14 vue difficile ?

15 R. : C'était une très belle journée.

16 Q. : Votre vue était-elle obstruée par quoi que ce soit à ce moment là ?

17 R. : Non.

18 Q. : Avez-vous entendu la voix de Dule Tadic ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Avez-vous reconnu sa voix ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Aviez-vous rencontré auparavant dans Kozarac la personne qui était

23 avec Tadic, Borovnica ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Le connaissiez-vous ?

Page 3065

1 R. : Oui.

2 Q. : Avez-vous observé comment Dule Tadic était vêtu en cette occasion ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Que portait-il ?

5 R. : Il portait un uniforme de camouflage et un chapeau du même type.

6 Q. : Etait-il armé à ce moment là ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Qu'avait-il comme armes ?

9 R. : Il avait un pistolet à la ceinture et une arme automatique à la main.

10 Q. : Est-ce Dule Tadic qui donnait les instructions ou est-ce que

11 Borovnica agissait de sa propre initiative ?

12 R. : Dule Tadic donnait les ordres et Borovnica les exécutait.

13 Q. : Que s'est-il passé après que votre fils et vos deux frères aient été

14 emmenés à ce kiosque ?

15 R. : Il a pris quelqu'un d'autre, Meho Mujkan, le cinquième.

16 Q. : Que s'est-il passé alors ?

17 R. : Dule a de nouveau donné l'ordre et Borovnica s'est de nouveau

18 approché de nous et a retiré Meho Mujkan qui a rejoint les quatre

19 autres.

20 Q. : Pendant que ces événements se déroulaient, la colonne continuait-elle

21 d'avancer ?

22 R. : Ils nous disaient "ralentissez, ralentissez, plus lentement, à petits

23 pas".

24 Q. : Mais elle continuait néanmoins d'avancer, n'est-ce pas ?

25 R. : Oui.

Page 3066

1 Q. : Dans quelle direction continuait-elle d'avancer ?

2 R. : Vers la route de Banja Luka/Prijedor.

3 Q. : Vous êtes-vous à un moment quelconque dans la colonne approché de

4 l'endroit où se trouvait ce kiosque, où les hommes se tenaient ?

5 R. : Je suis passé à côté de mon frère, Ismet. Il n'était pas à plus de

6 deux mètres de moi. Au coin, près du kiosque, se trouvait mon frère

7 Ismet. Tout ce qu'il a pu faire a été de me signaler avec sa main de

8 continuer d'avancer.

9 Q. : Ismet vous a fait signe de continuer ?

10 R. : Oui, avec sa main.

11 Q. : Vous rappelez-vous comment Ismet se tenait contre ce kiosque ?

12 R. : Il se tenait comme ceci et avait les mains contre le kiosque. Il a

13 tourné la tête légèrement vers la route et a fait un léger signe

14 pour montrer que nous devions continuer.

15 Q. : La colonne a-t-elle continué ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Pouvez-vous examiner ce plan que je vous montre maintenant ? Peut-on

18 le marquer 225 pour identification ? Ce n'est pas un plan que vous

19 avez tracé vous-même mais en regardant les marques qui y sont

20 portées et le plan proprement dit, pouvez-vous reconnaître ce qu'il

21 représente ?

22 R. : C'est le plan de l'endroit près de ce "koka" à ce petit carrefour. A

23 droite se trouve la bifurcation vers Kalate et si vous continuez un

24 petit peu dans cette direction, vous arrivez à la tour.

25 Q. : Bien. J'aimerais que, avec le crayon que je vous donne maintenant,

Page 3067

1 vous traciez sur le rétroprojecteur tout d'abord la direction dans

2 laquelle la colonne avançait ? Vous pouvez tracer une flèche, s'il

3 vous plaît, et la désigner au-dessus par un "C". Pouvez-vous tracer

4 une flèche dans la direction suivie par la colonne ?

5 R. : (Le témoin marque le plan). C'est là qu'on se dirige vers Kalate et

6 ici que se trouve la tour.

7 Q. : Bien. La tour s'appelle Kula, n'est-ce pas ?

8 R. : Oui.

9 Q. : La première marque - pourriez-vous tracer une flèche indiquant la

10 direction suivie par la colonne ? Simplement une flèche .

11 R. : (Le témoin marque le plan).

12 Q. : Bien. Pouvez-vous regarder en haut du plan et me dire si vous voyez

13 l'inscription "Mosquée Mutnik" ?

14 R. : Je m'excuse, je l'ai mis à l'envers.

15 Q. : Pas de problème.

16 R. : J'ai mis le plan à l'envers.

17 Q. : C'est plus facile pour vous de l'examiner ainsi. Vous pouvez peut-

18 être tracer une flèche dans la direction suivie par la colonne.

19 R. : (Le témoin marque le plan). Ceci est la direction suivie par la

20 colonne.

21 Q. : Pourriez-vous mettre un "C" sous la petite flèche que vous venez de

22 tracer ? Merci. Pouvez-vous, si possible, mettre un "W" à l'endroit

23 où vous dites que le puits se trouvait, devant la vieille école qui

24 abritait les locaux de la Défense territoriale ?

25 R. : Voici l'endroit où il se trouvait. (Le témoin marque le plan).

Page 3068

1 Q. : Pourriez-vous écrire la lettre "T" où vous dites que vous avez vu

2 Dule Tadic, l'endroit approximatif où vous avez aperçu Dule Tadic ?

3 R. : (Le témoin marque le plan)

4 Q. : Pourriez-vous inscrire la lettre "B" à l'endroit où vous dites que

5 vous avez vu Borovnica ?

6 R. : (Le témoin marque le plan).

7 Q. : Pouvez-vous inscrire la lettre "K" là où se trouvait ce kiosque ?

8 R. : (Le témoin marque le plan).

9 Q. : Pouvez-vous tracer un "X" à l'endroit où vous dites que ces hommes

10 étaient alignés contre ce kiosque ?

11 R. : (Le témoin marque le plan).

12 Q. : Pouvez-vous tracer la paroi du kiosque contre laquelle il se tenaient

13 ?

14 R. : (Le témoin marque le plan)

15 Q. : Merci. Je verse cette pièce, Madame la Présidente.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

17 M. WLADIMIROFF : Non, Madame la Présidente, mais nous aimerions en avoir

18 une copie, parce que nous n'en avons pas, sur laquelle nous pouvons

19 porter ces indications.

20 M. NIEMANN : Je vous en fournirais une.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous tirerons une copie pour vous. Vous

22 voulez une copie du plan avec les marques ?

23 M. WLADIMIROFF : Oui.

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous l'aurons lors de la suspension ou plus

25 tôt. Nous pouvons le faire maintenant si vous n'allez pas continuer

Page 3069

1 à l'utiliser ?

2 M. NIEMANN : Non, je ne vais plus l'utiliser, Madame la Présidente.

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce à conviction 225 est admise.

4 M. NIEMANN : Vous avez dit il y a un instant, M. Karabasic, que la colonne

5 avançait et bien qu'elle ait avancé lentement, elle continuait de

6 descendre la rue, est-ce exact ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Etes-vous alors allé vers le bas de la rue Marsala Tita ...

9 R. : Oui.

10 Q. : ... dans la colonne ? Avez-vous entendu quoi que ce soit pendant que

11 vous descendiez la rue Marsala Tita ?

12 R. : Non.

13 Q. : Où êtes-vous allé après avoir atteint le bas de la rue Marsala Tita ?

14 R. : Nous nous sommes ensuite dirigés vers Kozarusa.

15 Q. : Avez-vous jamais revu votre fils Sejdo après ce jour là ?

16 R. : Non, je ne l'ai jamais revu.

17 Q. : Avez-vous jamais revu votre frère Ekrem ?

18 R. : Non.

19 Q. : Quel était l'âge de votre frère Ekrem ?

20 R. : Il est né en 1954.

21 Q. : Quelle était sa profession ?

22 R. : Il était ouvrier.

23 Q. : Etait-il engagé dans les rangs de la JNA ou de l'armée lors de

24 l'attaque contre Kozarac ?

25 R. : Il était avec moi dans la Défense territoriale.

Page 3070

1 Q. : Quand on l'a retiré de la colonne ce jour-là, le 27 selon vous,

2 était-il armé ?

3 R. : Ce jour là ou avant ?

4 Q. : Non, seulement au moment où Borovnica l'a retiré de la colonne.

5 Etait-il armé quand il était dans la colonne ?

6 R. : Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas qui l'a retiré de la colonne

7 parce qu'il était en tête et je ne me souviens pas. Je ne sais pas

8 qui l'a retiré et s'il était armé parce qu'il avait déjà été retiré

9 et se tenait à cet endroit quand je suis passé.

10 Q. : Je m'excuse. Ma question n'était pas claire. Quand vous l'avez aperçu

11 à cet endroit, vous paraissait-il armé ?

12 R. : Comment aurait-il pu l'être alors qu'on l'a amené à cet endroit les

13 mains nues ?

14 Q. : Portait-il des vêtements civils ordinaires ou un uniforme militaire ?

15 R. : Il était en civil.

16 Q. : Quelle est la date de naissance de votre frère Ismet ?

17 R. : 1950.

18 Q. : Quand vous l'avez aperçu à cet endroit, au coin, près du kiosque le

19 27 mai 1992, avez-vous remarqué s'il était armé ou non ?

20 R. : Il ne l'était pas.

21 Q. : Portait-il des vêtements civils ou militaires ?

22 R. : Civils.

23 Q. : Avez-vous jamais revu votre frère Ismet ?

24 R. : Non.

25 Q. : Quelle est la date de naissance de votre fils Sejdo ?

Page 3071

1 R. : 1968.

2 Q. : Quand il a été retiré de la colonne le 27 mai 1992, à cet endroit à

3 Kozarac, était-il armé pour autant que vous sachiez ?

4 R. : Il n'avait rien. Il n'appartenait à aucune organisation. Il n'a

5 jamais participé à rien.

6 Q. : Portait-il des vêtements civils ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Et Redzo Foric ? Redzo Foric était-il en civil ?

9 R. : Oui.

10 Q. : L'avez-vous jamais revu ?

11 R. : Non.

12 Q. : Qu'a fait la colonne après avoir atteint le bout de la grande rue à

13 Kozarac ? Où êtes-vous allés ensuite ?

14 R. : Nous avons tourné vers Prijedor, vers Kozarusa.

15 Q. : Où êtes-vous allés ? Etes-vous allés à Kozarusa ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à Kozarusa ?

18 R. : C'est là que se trouvait le commandement de l'armée serbe. C'est là

19 que nous avons été séparés, les femmes, les vieillards et les

20 enfants d'un côté et les hommes de l'autre. C'est là qu'a eu lieu la

21 séparation.

22 Q. : Durant ce trajet vers Kozarac, avez-vous vu des cadavres sur le bord

23 de la route ?

24 R. : Oui, j'en ai vu.

25 Q. : Portaient-ils des vêtements civils ou militaires ?

Page 3072

1 R. : Civils.

2 Q. : Vous semblaient-ils avoir des armes, des armes militaires quelconque

3 ?

4 R. : Ceux qui étaient tués ?

5 Q. : Oui.

6 R. : Non.

7 Q. : Vous dites que les gens ont été séparés lors de votre arrivé à

8 Kozarusa. Avez-vous été séparé de votre famille ?

9 R. : Oui, nous avons été séparés.

10 Q. : Où avez-vous été emmené ?

11 R. : J'ai été emmené à Keraterm à bord d'un autocar.

12 Q. : Avec vous à bord de cet autocar, pouviez-vous voir des femmes et des

13 enfants ou uniquement des hommes ?

14 R. : Il n'y avait que des hommes à bord de mon autocar.

15 Q. : Quelle était la nationalité de ces hommes ? Musulmans ?

16 R. : Oui, Musulmans.

17 Q. : Combien de temps a-t-il fallu pour arriver à Keraterm ?

18 R. : De Kozarac, il nous a fallu à peu près une heure et demi, deux

19 heures.

20 Q. : Que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à Keraterm ?

21 R. : Quand nous sommes arrivés à Keraterm, ils nous ont fait sortir des

22 cars. Ils nous ont fait sortir; le car est reparti et de nouveaux

23 cars arrivaient continuellement avec d'autres personnes.

24 Q. : Etes-vous entrés dans l'un des bâtiments du camp ou êtes-vous

25 simplement restés dehors après être sortis des cars ?

Page 3073

1 R. : J'étais à l'extérieur.

2 Q. : Combien de temps êtes-vous restés à cet endroit après être sortis des

3 cars ?

4 R. : Je ne peux pas vous dire exactement mais peut-être quatre ou cinq

5 heures.

6 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

7 R. : Les cars, de nouveaux cars sont arrivés. Ils nous ont fait monter à

8 bord et nous ont emmené à Omarska.

9 Q. : Que vous est-il arrivé personnellement ?

10 R. : On m'a fait monter à bord d'un car et emmené à Omarska.

11 Q. : Quelque chose s'est-il passé dans les cars durant le trajet de

12 Keraterm à Omarska ?

13 R. : Il faisait déjà nuit et rien ne s'est passé dans mon car.

14 Q. : A quelle heure êtes-vous arrivés à Omarska, approximativement ? Vous

15 rappelez-vous ?

16 R. : Il pouvait être vers 4 heures du matin, l'aube pointait.

17 Q. : C'était le lendemain, n'est-ce pas, le 28 mai 1992 ?

18 R. : Oui, c'était le jeudi 28.

19 Q. : Que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à Omarska ?

20 R. : Ils ont garé le car près de la porte et nous sommes descendus. Nous

21 avions les mains sur la nuque, puis les cars sont partis.

22 Q. : Où vous a-t-on emmenés ?

23 R. : On nous a emmenés à un autre étage.

24 Q. : Quand vous dites qu'on vous a "emmenés à un autre étage", vous a-t-on

25 emmenés dans un bâtiment genre garage où le matériel de la mine, les

Page 3074

1 camions étaient garés et réparés ?

2 R. : Oui, nous sommes passés par le garage puis nous sommes montés, nous

3 avons tourné à droite puis nous avons monté un autre étage. Il y

4 avait un local à cet endroit.

5 Q. : C'était donc à un étage de ce grand garage ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Durant votre première nuit au camp d'Omarska, avez-vous demandé à

8 vous rendre aux toilettes ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Que s'est-il passé alors ?

11 R. : J'ai demandé à me rendre aux toilettes et ils m'ont autorisé à le

12 faire. Le gardien dans le couloir m'a permis d'y aller, ce que j'ai

13 fait. Il n'y avait pas de poignée sur la porte. Pas de poignée. Je

14 suis entré et il a injurié ma mère et il a dit "Ferme la porte

15 derrière toi". J'ai essayé de fermer la porte mais elle s'est

16 immédiatement bloquée et il a de nouveau injurié ma mère, ma mère

17 musulmane. Et il a dit "Tu vas voir maintenant". Il est retourné

18 dans le couloir et a trouvé une nouvelle clenche. Il est revenu et a

19 ouvert la porte et m'a contraint à faire face au mur puis il m'a

20 frappé dans le dos et sur la tête avec son fusil.

21 Q. : Avec quelle partie du fusil vous a-t-il frappé dans le dos et sur la

22 tête ?

23 R. : Avec la crosse de son fusil.

24 Q. : Vous frappait-il avec le fusil de toutes ses forces ?

25 R. : Oui.

Page 3075

1 Q. : Avez-vous perdu plusieurs dents à la suite de ces coups ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Huit jours plus tard environ vous a-t-on appelé pour vous interroger

4 ?

5 R. : Quelque chose comme cela, oui.

6 Q. : Vous rappelez-vous ce qu'ils cherchaient durant votre interrogatoire

7 ?

8 R. : Ils essayaient de déterminer s'il y avait des extrémistes, si

9 j'appartenais aux extrémistes. C'est ce qu'ils voulaient savoir.

10 C'était le but de l'interrogatoire.

11 Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans ce garage, dans ce bâtiment ?

12 Combien de temps vous y a-t-on gardé ?

13 R. : Toute la durée de mon séjour à Omarska.

14 Q. : Avez-vous jamais vu des cadavres durant votre séjour au camp

15 d'Omarska ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Avez-vous vu des cadavres de façon régulière ?

18 R. : Oui, régulièrement.

19 Q. : Ces cadavres étaient-ils vêtus en civil ou en uniformes militaires ?

20 R. : En civil.

21 Q. : D'après ce que vous avez pu voir, ces personnes semblaient-elles être

22 des détenus, des prisonniers du camp ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Où voyiez-vous régulièrement ces cadavres ?

25 R. : Quand ils nous emmenaient pour le déjeuner ou le petit déjeuner, ici,

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1 sur la "pista", près de la maison ici, nous pouvions voir les corps

2 autour de la maison blanche jonchant le sol.

3 Q. : Combien en avez-vous vu approximativement ? Combien de cadavres

4 pouviez-vous voir souvent à cet endroit ?

5 R. : Je ne pourrais pas vous dire exactement. Nous n'étions pas autorisés

6 à lever la tête et à regarder. Nous regardions le sol et nous

7 essayions de voir quelque chose mais je ne pouvais même pas compter

8 ces corps.

9 Q. : Comment était la nourriture servie à Omarska ?

10 R. : Mauvaise, infâme.

11 Q. : Avez-vous entendu des gens être passés à tabac pendant votre séjour à

12 Omarska ?

13 R. : Oui, quand nous allions déjeuner, des hommes étaient appelés

14 fréquemment.

15 Q. : Des hommes ont-ils été battus durant la nuit durant votre séjour à

16 Omarska ?

17 R. : C'était incroyable. C'était incroyable la façon dont ils les

18 battaient.

19 Q. : Avez-vous vu des hommes revenir avec des blessures dues aux sévices

20 qui leur avaient été infligés ?

21 R. : Oui j'en ai vu et nous essayions de leur poser des compresses. Nous

22 utilisions nos chemises et nos t-shirt, les trempions dans l'eau

23 froide puis nous en servions comme une compresse sur les hommes qui

24 avaient été frappés.

25 Q. : La période qui a précédé Petrov Dan a-t-elle été particulièrement

Page 3077

1 désagréable au plan des sévices infligés au camp d'Omarska ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Pouvez-vous expliquer à la Cour ce que vous entendez par Petrov Dan ?

4 R. : Je ne suis pas certain. C'est un jour de congé serbe, quelque chose

5 du genre.

6 Q. : Vers quelle date tombe ce jour de congé serbe ?

7 R. : Je ne connais pas la date exacte.

8 Q. : Est-ce en juillet ?

9 R. : Oui.

10 Q. : En dehors de votre appartenance à la Défense territoriale et de votre

11 service militaire, avez-vous appartenu d'une façon ou d'une autre à

12 des groupes militaires ou paramilitaires présentant une résistance

13 armée aux Serbes ?

14 R. : Non.

15 Q. : A votre connaissance, quelqu'un vivant dans la région de Kozarac

16 ressemblait-il beaucoup ou de quelque façon à l'accusé Dule Tadic ?

17 R. : Non, personne ne lui ressemblait.

18 Q. : Avez-vous entendu dire que l'accusé Dule Tadic a été pris pour

19 quelqu'un d'autre vivant dans la région parce qu'il aurait ressemblé

20 à cette personne ?

21 R. : Non.

22 Q. : Pouvez-vous, s'il vous plaît, regarder dans le prétoire et me dire si

23 vous voyez la personne que vous connaissez et reconnaissez comme

24 étant Dule Tadic ?

25 R. : Oui, il est là. Il est assis là bas.

Page 3078

1 Q. : Est-ce l'homme ... Pouvez-vous me dire exactement où il est assis ?

2 Pouvez-vous me le désigner et me le décrire ?

3 R. : Il est assis entre les deux policiers.

4 M. NIEMANN : Peut-on l'inscrire au procès-verbal, Madame la Présidente ?

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui. Le procès-verbal mentionnera que le

6 témoin a identifié l'accusé.

7 M. NIEMANN : En juin 1995, avez-vous été interrogé par un enquêteur du

8 Bureau du Procureur du Tribunal international à votre domicile ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Est-ce qu'une déposition rédigée en anglais de cet interrogatoire a

11 été prise à ce moment là ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Est-ce une déposition qui a été rédigée en anglais et qui vous a été

14 lue dans votre propre langue ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Avez-vous ensuite apposé votre signature au bas de cette déposition

17 qui vous a été lue dans votre propre langue ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Depuis votre arrivée à La Haye pour témoigner à ce procès, parties au

20 moins de cette déposition vous ont-elles été relues ?

21 R. : Oui, des parties de la déclaration.

22 Q. : Avez-vous noté qu'il y a au moins une erreur dans la déposition qui a

23 été prise en juin 1995 ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Cette erreur se rapporte-t-elle à la personne que vous avez vue

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1 retirer de la colonne, que vous avez observé être retirée de la

2 colonne quand vous étiez à cet endroit à Kozarac le 27 mai 1992 ?

3 R. : C'est exactement cette erreur.

4 Q. : Oui. Pouvez-vous, dans vos propres termes, nous décrire l'erreur que

5 vous avez notée ou remarquée quand la déposition vous a été lue ?

6 R. : A la lecture, on a dit qu'Ekrem avait été retiré avec Ismet. Ce

7 n'était pas lui. C'est Redzo qui a été retiré avec Ismet. C'était là

8 l'erreur.

9 Q. : Quand vous avez vu Dule Tadic à cet endroit à Kozarac le 27 mai 1993,

10 quand votre fils Sejdo a été retiré de la colonne, êtes-vous certain

11 que c'est bien Dule Tadic que vous avez observé ce jour là ?

12 R. : Absolument.

13 M. NIEMANN : Je n'ai pas d'autres questions, Madame la Présidente.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, votre contre-interrogatoire ? Nous

15 suspendons maintenant l'audience pendant 20 minutes M. Kay.

16 M. KAY : Oui, Madame la Présidente.

17 (11 heures 15)

18 (Brève suspension d'audience)

19 (11 heures 35)

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, voulez-vous procéder au contre-

21 interrogatoire ?

22 M. KAY : Oui, merci, Madame le Président.

23 Contre-interrogatoire par M. KAY

24 Q. : M. Karabasic, j'aimerais vous poser quelques questions, tout d'abord

25 à propos de la date à laquelle vous avez quitté Kozarac en raison de

Page 3080

1 l'attaque de cette ville et quand vous vous trouviez dans la région

2 de Vidovici ?

3 R. : Je n'étais même pas à Kozarac quand l'attaque a commencé.

4 Q. : Oui, je le sais. Je voulais seulement vous poser des questions sur

5 l'heure à laquelle vous avez quitté Brdjani pour aller à Vidovici et

6 quand vous vous êtes réfugiés à cet endroit en raison de l'attaque

7 contre le secteur.

8 R. : Je suis allé à Vidovici durant la matinée.

9 Q. : A cet endroit, un abri vous a été offert ainsi qu'à d'autres

10 personnes de Kozarac par la famille Vidovic, est-ce exact ?

11 R. : Oui, nous étions chez Radovan et Ostoja Vidovic.

12 Q. : Il y a une dizaine de maisons dans ce hameau particulier, est-ce

13 exact ?

14 R. : Il y en a neuf, à ma connaissance.

15 Q. : Les gens s'abritant avec vous étaient-ils nombreux ...

16 R. : Je ne pourrais pas vous donner le nombre exact mais oui, nous étions

17 nombreux - hommes, femmes et enfants.

18 Q. : Mais à un certain moment il est devenu trop dangereux pour ces gens

19 de continuer à vous abriter et vous avez dû quitter Vidovici, est-ce

20 exact ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Vous rappelez-vous à quelle heure vous avez quitté Vidovici avec le

23 convoi le 27 ?

24 R. : Midi moins le quart.

25 Q. : Vous souvenez-vous de l'heure à laquelle vous êtes arrivé à la

Page 3081

1 mosquée Mutnik à Kozarac ?

2 R. : Peut-être 12 heures 30 ou vers cette heure là. Peut-être 13 heures

3 mais pas plus tard.

4 Q. : Puis vous avez descendu la rue Marsala Tita ...

5 R. : Oui.

6 Q. : ... en traversant Kozarac, est-ce exact ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Si nous examinons le plan que vous avez tracé, la pièce à conviction

9 224 - peut-on en placer une copie devant le témoin ?

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je crois que c'est la 225.

11 M. KAY : Merci. (Au témoin) : Vous avez tracé sur ce plan une ligne

12 indiquant la position du kiosque à poulets, est-ce exact ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Cette ligne montre que le kiosque semble former un angle ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Est-ce exact ?

17 R. : Il formait un angle.

18 Q. : Cette extrémité du kiosque donnait donc sur la rue Marsala Tita, est-

19 ce exact ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Et l'autre extrémité du kiosque donnait sur la route qui va vers

22 Kalate, est-ce exact ?

23 R. : Oui.

24 Q. : Examinons la photographie, la pièce 224. La Cour n'en dispose pas

25 d'une copie mais nous pouvons peut-être la placer sur l'écran. Un

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1 arbre se trouve juste au croisement de la rue Marsala Tita et de la

2 route qui va vers Kalate, est-ce exact ?

3 R. : Oui, c'est exact.

4 Q. : Quand vous regardez cette photographie, vous regarderiez l'avant du

5 kiosque à poulets, s'il était encore là ?

6 R. : Voulez-vous dire que nous regardons de côté ?

7 Q. : Oui. Je pourrais peut-être poser la question différemment : l'avant

8 du kiosque faisait-il face au coin de la rue, comme vous l'avez

9 indiqué sur votre plan ?

10 R. : L'avant du kiosque faisait face à la grande rue et l'auvent où vous

11 achetiez les journaux, les poulets et le pain, et l'autre côté où se

12 trouvait Borovnica et où se tenait Dule, c'était l'autre côté du

13 kiosque, qui se trouvait derrière la rue.

14 Q. : Cette partie du kiosque avait-elle des fenêtres ou offrait-on des

15 services de ce côté là, ou était-ce simplement une paroi du kiosque

16 ?

17 R. : Il n'y avait pas de fenêtres. Ce côté là n'avait pas de fenêtres et

18 l'auvent où nous achetions les différents articles faisait face à la

19 grande rue.

20 Q. : Merci. Quelle heure était-il quand vous êtes arrivés à cet endroit

21 dans la rue Marsala Tita ?

22 R. : Il devait être entre midi et treize heures.

23 Q. : A ce stade vous étiez dans la colonne avec un groupe de membres de

24 votre famille, est-ce exact ?

25 R. : Oui, ma famille.

Page 3083

1 Q. : Vous rappelez-vous si vous étiez en tête de cette colonne qui était

2 descendue de Vidovici, dans le milieu ou à l'arrière ?

3 R. : J'étais dans la deuxième moitié de la colonne.

4 Q. : Quelle était la largeur de la colonne ? Couvrait-elle toute la

5 largeur de la rue Marsala Tita ?

6 R. : Pas toute la rue mais une bonne partie.

7 Q. : Quelle était la situation à Kozarac à ce moment là ? Les bâtiments

8 étaient-ils en feu, des dégâts et des destructions avaient-ils été

9 infligés aux bâtiments de la ville ?

10 R. : Les destructions étaient limitées mais certaines maisons étaient

11 incendiées.

12 Q. : Quand vous dites que l'armée était présente, parlez-vous des forces

13 ordinaires de la JNA ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Portaient-ils les uniformes de la JNA ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Les soldats étaient-ils nombreux dans cette partie de Kozarac ?

18 R. : Oui, il y avait de nombreux soldats; nombreux n'est peut-être pas le

19 mot mais il y avait des soldats.

20 Q. : J'aimerais vous poser maintenant des questions sur ce que vous avez

21 vu à Kozarac à ce moment là, au croisement de la rue Marsala Tita et

22 de la route vers Kalate. Vous étiez dans un groupe constitué de

23 membres de votre famille. Avez-vous vu Ismet Karabasic être retiré

24 du convoi ?

25 R. : Non.

Page 3084

1 Q. : Avez-vous vu Foric Redzep être retiré de la colonne ?

2 R. : Non.

3 Q. : Les avez-vous vus debout près du kiosque ?

4 R. : Oui, je les ai vus en approchant.

5 Q. : A un certain moment avant votre arrivée à cet endroit, Ismet et Foric

6 ont donc été retirés du convoi ?

7 R. : Pas Ismet Foric, Redzep Foric.

8 Q. : Je comprends, j'ai dit Ismet et Foric.

9 R. : Vous avez interchangé le nom et le prénom, Ismet Karabasic, pas Ismet

10 Foric.

11 Q. : Quelque chose a dû se perdre dans l'interprétation. Ekrem a-t-il été

12 retiré de la colonne ?

13 R. : Il en a été retiré devant mes yeux.

14 Q. : Vous avez déclaré ce matin durant votre témoignage que Dusko Tadic a

15 pointé le doigt et a dit à Goran Borovnica de retirer Ekrem de la

16 colonne, est-ce exact ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Et votre fils Sejdo a aussi été retiré de la colonne ?

19 R. : Oui, Sejdo a tourné la tête pour voir comment ils retiraient Ado puis

20 Dule Tadic a indiqué Sejdo et a dit "Prends celui-là également".

21 Q. : Quand vous dites que Sejdo a tourné la tête pour voir ce qui se

22 passait, vous avez mentionné un nom particulier, Ado. Qui visez-vous

23 par là ?

24 R. : Sejdo ? Ado, Sejdo.

25 Q. : Vous dites que Sejdo a été retiré de la colonne quand il a tourné la

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1 tête. Regardait-il quelque chose de particulier à ce moment là ?

2 R. : Oui, il regardait mon frère, Ekrem. Il regardait Goran sortir Ekrem

3 de la colonne, Goran Borovnica retirer Ekrem.

4 Q. : Ekrem était-il donc derrière vous dans la colonne ?

5 R. : Devant moi.

6 Q. : Ekrem a donc été retiré du groupe le premier puis ce fut le tour de

7 Sejdo peu de temps après, est-ce exact ?

8 R. : Je ne comprends pas. Oui, le premier à être retiré a été Ismet et je

9 l'ai vu. Je n'ai pas vu qui l'a retiré. Puis ce fut le tour d'Ekrem

10 d'être retiré de la colonne et enfin le tour de Sejdo.

11 Q. : Si je comprends bien, vous avez dit aussi que Redzep Foric avait

12 également été retiré de la colonne ?

13 R. : Oui, il avait été retiré avant que je passe près de cet endroit,

14 avant Ekrem et avant Sejdo. Il avait été retiré avec Ismet.

15 Q. : Pour éviter toute ambiguïté, vous avez, tout d'abord, vu Ismet et

16 Foric se tenant sur le côté de la route après avoir été retiré de la

17 colonne, est-ce exact ?

18 R. : Pas Ismet Foric, Redzep Foric.

19 Q. : Ces deux personnes, Ismet Karabasic et Foric Redzep ...

20 R. : Oui.

21 Q. : ... ont été tous les deux retirés ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Mais vous ne l'avez pas vu faire ?

24 R. : Je les ai aperçus mais je n'ai pas vu quand ils ont été retirés de la

25 colonne.

Page 3086

1 Q. : Le suivant que vous avez vu être retiré de la colonne est Ekrem ?

2 R. : Oui, Ekrem. Quand nous avons approché l'endroit, Ekrem a été le

3 premier à être retiré après Ismet et Redzo. Redzo avait été retiré

4 auparavant sans que je vois par qui puis Ekrem en a été retiré

5 devant mes yeux.

6 Q. : Après Ekrem, vous avez également vu Sejdo être retiré de la colonne ?

7 R. : Oui.

8 Q. : M. Niemann vous a déjà renvoyé à une déposition que vous avez faites

9 l'an dernier concernant les événements qui se sont déroulés en cette

10 occasion. Vous rappelez-vous qu'il vous a posé des questions à ce

11 sujet ce matin ?

12 R. : Je m'en souviens.

13 Q. : J'ai ici une copie de cette déposition dans votre langue, qui a été

14 traduite. Madame la Présidente, je remets cette déposition au

15 témoin. Il y en a une copie aussi pour l'Accusation. (Déposition

16 remise au témoin).

17 Il s'agit d'une traduction en anglais de la déposition que

18 vous avez faite originellement par l'intermédiaire d'un interprète.

19 Vous pouvez voir en première page des renseignements vous

20 concernant, votre nom et les personnes présentes à l'interrogatoire.

21 Miryana Chok était votre interprète. Vous rappelez-vous d'elle ?

22 R. : Je ne me souviens pas qui c'était.

23 Q. : Si vous tournez la page vous verrez que votre déposition commence

24 avec des détails sur votre adresse et vos antécédents, le fait que

25 vous ayez été dans la JNA et ce qui s'est passé...

Page 3087

1 R. : J'étais à l'armée.

2 Q. : ... le 24 mai 1992. Le voyez-vous ? A la troisième page de la

3 déposition, si vous tournez la page, pouvez vous voir le passage qui

4 commence par "Nous avons quitté le village de Vidovici et commencé à

5 nous diriger vers Kozarac" ? C'est le troisième paragraphe sur cette

6 page 3. Voulez-vous le relire pour vous-même un instant ?

7 R. : Pour moi-même uniquement ?

8 Q. : Oui. Regardez seulement ce que vous avez déclaré en cette occasion.

9 Vous dites que vos deux frères, Ismet et Ekrem, étaient devant vous

10 en tête de la colonne avec leurs familles, est-ce exact ?

11 R. : C'est faux. Ekrem était avec moi.

12 Q. : Vous avez déclaré également "Bien que je ne les ai pas vus être

13 retirés de la colonne de mes propres yeux"...

14 R. : Je n'ai pas vu quand Ismet et Redzo ont été retirés. Non.

15 Q. : Oui, je comprends que c'est ce que vous dites mais j'aimerais

16 continuer à lire cette déposition parce que vous y mentionnez Redzep

17 Foric mais vous dites que Ajka Karabasic vous a raconté les

18 événements, que Ismet et Ekrem avaient été retirés de la colonne,

19 est-ce exact ?

20 R. : Non, ce n'est pas vrai.

21 Q. : Je veux seulement à ce stade confirmer ce que vous avez déclaré à

22 l'époque. "J'ai vu mes deux frères, Ismet et Ekrem, se tenir sur la

23 droite avec les mains contre le mur du magasin où l'on vend les

24 poulets" ?

25 R. : Je ne les ai vus là qu'après le retrait d'Ekrem et il a été placé

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1 avec Ismet. C'est à ce moment que je les ai vus là tous les deux.

2 Q. : Mais avez-vous aussi déclaré en cette occasion que deux autres

3 Musulmans que vous avez reconnus étaient avec vos frères ? Il

4 s'agissait de Redzep Rasima Foric et Meho Edhema Vujkanovic ?

5 R. : Non.

6 Q. : Pouvez-vous simplement examiner votre déposition ? Vous pouvez peut-

7 être revenir à la page 3 de cette déposition parce que vous y

8 mentionnez bien Redzep Foric, n'est-ce pas ?

9 R. : Oui, je mentionne Redzep Foric mais nous ne sommes pas d'accord. J'ai

10 mentionné l'avoir vu quand je passais devant le kiosque. Je ne fais

11 qu'énumérer les gens qui se trouvaient déjà là.

12 Q. : Oui, et vous dites dans cette déposition ici qu'il se trouvait déjà

13 là à ce moment précis ?

14 R. : Oui, il était debout quand je suis passé devant eux.

15 Q. : Avec Meho Edhema Vujkanovic ?

16 R. : Oui. Mujkanovic avec un "M" et non un "V".

17 Q. : Oui, il y a une erreur de frappe ici et c'est un "V" à la place d'un

18 "M", est-ce exact ?

19 R. : C'est exact.

20 Q. : Vous ne confondez pas Redzep Foric pour Ekrem, n'est-ce pas, parce

21 que vous placez déjà Ekrem près du kiosque ?

22 R. : Non, je pense que la personne qui m'a interrogé n'a simplement pas

23 reproduit la séquence correctement. J'ai dit qui était là et quand

24 et c'est ce que j'ai dit avoir vu quand je suis passé. Ils étaient

25 déjà là quand je suis passé et c'est l'erreur qui a été commise.

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1 Q. : Parce que je vous suggère que vous n'avez pas vu Dule Tadic

2 sélectionner qui que ce soit dans cette colonne; qu'il n'était pas

3 sur les lieux.

4 R. : Je ne l'ai pas vu choisir Ismet et Redzep. Je n'ai pas vu ça.

5 Q. : Vous avez déclaré à la Cour aujourd'hui qu'il était vêtu ... que Dule

6 Tadic ... portait un uniforme camouflé ?

7 R. : Oui, un uniforme bariolé, oui, j'ai dit cela.

8 Q. : Pourquoi avez-vous déclaré dans cette déposition qu'il était en civil

9 ? Si vous passez à la page 4 ...

10 R. : Je m'en suis souvenu plus tard. J'étais très déprimé puis je me suis

11 rappelé, je me suis souvenu comment il était vêtu.

12 Q. : Vous convenez donc que vous avez déclaré antérieurement qu'il était

13 vêtu en civil ?

14 R. : Oui, mais j'ai simplement retrouvé la mémoire par la suite et je m'en

15 suis rappelé. J'ai tout d'abord cru qu'il s'agissait d'un uniforme

16 civil mais ce n'était pas le cas, c'était une sorte d'uniforme

17 militaire. Je sais que certaines personnes à Kozarac portaient aussi

18 une sorte d'uniforme, une tenue bariolée et j'ai toujours pensé

19 qu'il s'agissait d'une sorte d'uniforme civil mais ce n'est pas le

20 cas. J'avais tort. C'était un uniforme militaire.

21 Q. : Vous rappelez-vous d'autres Serbes en dehors de Borovnica et de Tadic

22 ...

23 R. : Non.

24 Q. : ... qui étaient ...

25 R. : Non, non.

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1 Q. : Parce qu'ils n'étaient pas seuls, n'est-ce pas ? Il y avait d'autres

2 personnes avec eux ?

3 R. : Il y avait des soldats.

4 Q. : Mais y avait-il d'autres personnes que des soldats à cet endroit ?

5 R. : Personne d'autre que nous qui avancions dans la colonne, les civils.

6 Q. : Est-ce que Tadic et Borovnica étaient avec d'autres dans un groupe ?

7 R. : Je ne l'ai pas remarqué parce qu'ils se tenaient chacun séparément,

8 l'un d'un côté et l'autre de l'autre.

9 Q. : Vous ne pouvez donc pas nommer d'autres personnes qui se trouvaient à

10 cet endroit ?

11 R. : Non.

12 M. KAY : Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay, la traduction que vous avez préparée,

14 la déclaration qui a été donnée au Procureur par le témoin, sera

15 marquée comme pièce 14 de la Défense aux fins d'identification,

16 simplement pour que le procès-verbal soit exact.

17 M. KAY : Merci beaucoup, Madame le Président.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous d'autres questions ?

19 Nouvel interrogatoire par M. NIEMANN

20 Q. : M. Karabasic, pouvez-vous examiner pour moi, s'il vous plaît, le

21 document 14 de la Défense que l'on vient de vous montrer et vous

22 rendre à la quatrième page. Pouvez-vous la trouver ? Les numéros

23 sont en bas de page. Voyez-vous le numéro 4 tout à fait au bas de la

24 page ? Voulez-vous prendre la 14e ligne à partir du haut, s'il vous

25 plaît, compter 14 lignes et me dire quand vous arrivez à la

Page 3091

1 quatorzième ?

2 R. : Oui. "Je ne suis pas certain mais je pense que Dule Tadic portait un

3 fusil automatique et qu'il était vêtu en civil. Je ne suis même pas

4 certain exactement de ce que je portais ce jour là. Quand nous nous

5 sommes approchés, mon fils Sejdo ...

6 Q. : Si vous pouviez seulement ...

7 R. : ... marchait à ma droite".

8 Q. : Merci.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Le procès-verbal mentionnera que le témoin

10 lit la pièce 14 de la défense.

11 M. NIEMANN : Oui. Puis-je vous répéter simplement la version en anglais

12 pour que nous soyons certains de la citation ? Pouvez-vous écouter

13 et regarder ce que je vous ai montré dans le compte rendu et lit-on

14 "Je ne suis pas certain mais je pense que Dule Tadic portait un

15 fusil automatique et qu'il était vêtu en civil. Je ne suis même pas

16 certain exactement de ce que je portais ce jour là".

17 R. : Oui, c'est bien cela.

18 M. NIEMANN : Je n'ai pas d'autres questions.

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

20 M. KAY : Pas d'autres questions, Madame la Présidente.

21 JUGE STEPHEN : Pourriez-vous demander au témoin pour moi si c'était Enver

22 ou Emir Karabasic qui était un bon ami de Tadic ? C'était tout à

23 fait au début de son témoignage.

24 TEMOIN : Oui.

25 M. NIEMANN : Vous avez entendu la question de monsieur le Juge. Pouvez-

Page 3092

1 vous nous dire si c'était Enver ou Emir Karabasic qui était le grand

2 ami ?

3 R. : Emir.

4 JUGE STEPHEN : Pouvez-vous me dire quels étaient alors vos liens avec Emir

5 Karabasic ?

6 R. : Nous avons le même nom de famille mais nous n’avons aucun lien de

7 parenté.

8 JUGE STEPHEN : Merci.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : D'autres questions, M. Niemann ?

10 M. NIEMANN : Non, Madame le Président.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Kay ?

12 M. KAY : Non, merci.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à ce que M. Karabasic

14 soit dispensé définitivement de ses obligations ?

15 M. KAY : Non, Madame le Président.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, vous êtes relevé de vos

17 obligations. Vous pouvez vous retirer. Merci d'être venu.

18 LE TEMOIN : Merci.

19 (Le témoin se retire)

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, pouvez-vous appeler votre témoin

21 suivant s'il vous plaît ?

22 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Le témoin suivant de l'Accusation

23 est Uzeir Besic.

24 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai noté le temps pris par l'Accusation.

25 Vous aviez prévu trois ou quatre heures pour M. Karabasic et il ne

Page 3093

1 vous a fallu qu’ une heure et 11 minutes. C'est peut-être la raison

2 pour laquelle le témoin suivant n'est pas ici.

3 JUGE STEPHEN : Pendant que nous l'attendons, je pourrais peut-être poser

4 une question aux Conseils. On a demandé à M. Karabasic s'il était

5 membre de la Défense territoriale puis s'il était réserviste.

6 J'avais déduit des dépositions antérieures que la JNA était divisée

7 en service actif et de réserve. Je n'avais pas compris que c'était

8 également le cas de la Défense territoriale. Je ne pense pas que ce

9 dernier témoin puisse répondre à

10 cette question mais il serait peut-être bon de savoir si la Défense

11 territoriale était dotée ou non d'unités de réserve.

12 M. NIEMANN : Madame, messieurs de la Cour, je vérifierais ce point

13 personnellement parce que je crois comprendre que certains membres

14 sont des réservistes mais j'aimerais le confirmer avant de vous

15 répondre sur ce point.

16 JUGE STEPHEN : Merci.

17 M. UZEIR BESIC est appelé à la barre

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Monsieur, veuillez prêter serment s'il vous

19 plaît ?

20 LE TEMOIN (Interprétation) : Je jure solennellement de dire la vérité,

21 toute la vérité, rien que la vérité.

22 (Prestation de serment du témoin)

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous pouvez vous asseoir. Merci.

24 Interrogatoire par M. TIEGER

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, vous pouvez commencer.

Page 3094

1 M. TIEGER : Merci, Madame le Président. Monsieur, comment vous appelez-

2 vous ?

3 R. : Uzeir Besic.

4 Q. : Où êtes-vous né, M. Besic ?

5 R. : A Kozarac.

6 Q. : Quelle est votre année de naissance ?

7 R. : 1963.

8 Q. : Quelle est votre nationalité ?

9 R. : Musulman.

10 Q. : Avez-vous grandi à Kozarac ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Dans quel quartier de Kozarac ?

13 R. : Besici.

14 Q. : Besici est un quartier de Kozarac ?

15 R. : Oui.

16 Q. : C'est juste derrière la mosquée, vers Mrakovica et la montagne ?

17 R. : Oui.

18 M. TIEGER : Madame le Président, nous pourrions peut-être montrer ce que

19 je crois être la pièce à conviction 195 ... en tout état de cause,

20 les techniciens connaissent la partie de cette pièce à conviction

21 spécifique - pour voir si l'on peut désigner l'endroit où se situe

22 Besici ?

23 Monsieur, pourriez-vous jouer la vidéo dans son entier et nous

24 dire d'abord si vous reconnaissez l'endroit en général.

25 (Présentation de la vidéo).

Page 3095

1 R. : Oui, je peux reconnaître certaines de ces choses.

2 Q. : Voyez-vous la rivière derrière la route ?

3 R. : Oui. C'est Besici.

4 Q. : Peut-on continuer un instant ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Voyez-vous cette structure ou ce kiosque, le point de contrôle. Peut-

7 on s'arrêter un instant, s'il vous plaît ? Avez-vous vu la structure

8 que nous venons de passer ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Est-elle directement en face de la mosquée Mutnik ?

11 R. : Je crois.

12 Q. : Peut-on continuer, s'il vous plaît ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Quel est ce bâtiment ?

15 R. : C’était l'école.

16 Q. : Peut-on s'arrêter ici, s'il vous plaît ? Voyez-vous le bâtiment blanc

17 que nous approchons maintenant ?

18 R. : Oui.

19 Q. : De quel bâtiment s'agissait-il ?

20 R. : Le centre des jeunes n'était pas là. Il ne se trouvait pas là

21 auparavant.

22 Q. : Quand vous dites que ce n'était pas là, vous parlez de la petite

23 structure sur la droite de l'écran ?

24 R. : Oui, cette structure, là. La Commune locale, le Centre des jeunes de

25 Kozarac. Il y avait un kiosque à cet endroit. Il a disparu.

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1 Q. : Pouvons-nous revenir en arrière avec la vidéo et remonter au début ?

2 Peut-on la jouer de nouveau ? M. Besic, pouvez-vous nous demander

3 d'arrêter la vidéo quand nous avons la meilleure vue de Besici ?

4 R. : Ici, oui, c'est parfait.

5 Q. : Très bien. Peut-on continuer un tout petit peu ? Il y a une vue

6 panoramique qui nous montre une grande partie des collines.

7 R. : Oui.

8 Q. : Peut-on s'arrêter ici ?

9 R. : Oui.

10 Q. : Le quartier de Besici se trouve-t-il au premier plan ou davantage

11 vers les collines ?

12 R. : Ici, plus haut vers les collines.

13 Q. : Merci. Quelles nationalités vivaient à Besici ?

14 R. : Des musulmans.

15 Q. : Quel était le nombre approximatif des habitants du village ou du

16 hameau de Besici ?

17 R. : Il y avait jusqu'à 80 ménages. Je ne sais pas exactement, c'est une

18 approximation.

19 Q. : Etes-vous allé à l'école primaire à Kozarac ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Etes-vous allé à pied chaque jour à l'école à partir de Besici ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Combien de temps vous fallait-il ?

24 R. : Une quinzaine de minutes.

25 Q. : Après l'école primaire, avez-vous suivi une formation de mécanicien ?

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1 R. : Non, je n'étais pas un mécanicien.

2 Q. : Avez-vous suivi une formation professionnelle après l'école primaire

3 ?

4 R. : J'ai d'abord travaillé à Ivanic-Grad. Puis j'ai fait mon service

5 militaire. Après l'armée, je suis allé travailler dans une société à

6 Ivanic-Grad et j'ai reçu une formation dans la Dvor Na Uni.

7 Q. : Vous rappelez-vous approximativement quand vous avez commencé à

8 travailler à Ivanic-Grad ?

9 R. : J'ai commencé en 1980.

10 Q. : Travailliez-vous comme peintre pour une compagnie à Ivanic-Grad ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Ivanic-Grad se situe en Croatie près de Zagreb n'est-ce pas ?

13 R. : Oui, près de Zagreb.

14 Q. : Retourniez-vous souvent à Kozarac durant cette période ?

15 R. : Tous les week-end.

16 Q. : Vous nous avez également dit que vous avez effectué vos obligations

17 militaires dans la JNA. C'était en quelle année ?

18 R. : De 1982 à 1983.

19 Q. : Dans la JNA, vous avez servi dans l'infanterie pendant trois mois

20 puis au service de blanchisserie par la suite ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Avez-vous commencé à travailler pour une entreprise de construction à

23 Ljubljana en Slovénie en 1986 ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Reveniez-vous souvent chez vous durant cette période ?

Page 3098

1 R. : Tous les quinze jours ou une fois par mois.

2 Q. : Vous êtes rentré à Kozarac en 1990 quand la société qui vous

3 employait a fait faillite ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Etes-vous ensuite resté à Besici jusqu'à l'attaque de Kozarac ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Connaissez-vous Dule Tadic ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Depuis quand le connaissez-vous ?

10 R. : Depuis l'école.

11 Q. : Votre école était-elle proche de sa maison ?

12 R. : Oui.

13 Q. : Le voyiez-vous fréquemment en ville pendant votre enfance ?

14 R. : Plus ou moins.

15 Q. : Etait-il une personnalité en ville ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Pour quelle raison ?

18 R. : En raison du karaté. Il pratiquait le karaté, on le voyait souvent.

19 Q. : Certains de vos amis ont-ils suivi ses cours ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Avez-vous assisté parfois à l'entraînement de Dule Tadic et de vos

22 amis ?

23 R. : Oui, quelques fois, mais rarement.

24 Q. : Dule Tadic a-t-il le même âge que vous ?

25 R. : Non.

Page 3099

1 Q. : Est-il plus âgé ou plus jeune ?

2 R. : Plus âgé.

3 Q. : Avez-vous un frère de son âge ?

4 R. : Oui.

5 Q. : Votre frère connaissait-il bien Dule Tadic ?

6 R. : Oui, de façon générale, il le connaissait mieux que moi.

7 Q. : Quand vous rencontriez Dule Tadic dans les rues de Kozarac, aviez-

8 vous l'habitude de vous saluer par un "bonjour" ?

9 R. : Surtout quand j'étais avec certains de mes amis, des gens qu'il

10 connaissait mais nous n'avons jamais entretenu de relations

11 sociales. Nous ne sommes jamais sortis ensembles.

12 Q. : Etait-il marié ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Quel était le nom de sa femme ?

15 R. : Mira.

16 Q. : Quelle était sa profession ?

17 R. : Je crois qu'elle était infirmière.

18 Q. : Avaient-ils des enfants ?

19 R. : Oui.

20 Q. : Combien ?

21 R. : Je crois qu'ils en avaient deux.

22 Q. : A Kozarac, vous rappelez-vous quelle était la stature de Dule Tadic ?

23 Pouvez-vous nous le décrire physiquement ?

24 R. : Tadic était de taille moyenne. Il était plus grand que moi, assez

25 costaud.

Page 3100

1 Q. : Portait-il parfois la barbe ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Etait-il parfois rasé ?

4 R. : Oui. Parfois il portait la barbe et parfois il était rasé mais il

5 portait surtout la barbe.

6 Q. : M. Besic, j'aimerais maintenant vous poser quelques questions sur la

7 période qui s'est écoulée entre la prise de Prijedor par les

8 autorités serbes et l'attaque de Kozarac. Les forces militaires

9 serbes avaient-elles établi des barrages routiers sur le principal

10 axe reliant Kozarac et Prijedor et celui joignant Kozarac et Banja

11 Luka ?

12 R. : Je pense qu'ils ont dressé des barrages quand ils ont pris le pouvoir

13 à Prijedor.

14 Q. : Des forces et du matériel militaires serbes étaient-ils postés dans

15 la région de Kozarac durant cette période ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Les autorités serbes ont-elles envoyé un message à la population de

18 Kozarac pour qu'elle dépose les armes et accepte l'étendard serbe ?

19 R. : Oui. Il y a eu des négociations pour que la population se rende et

20 dépose les armes, pour que la Défense territoriale et la police

21 déposent les armes, qu'on livre nos armes aux Serbes et dans ce cas

22 nous n'aurions aucun problème.

23 Q. : Les dirigeants musulmans de Kozarac ont-ils essayé de négocier une

24 solution pacifique avec les autorités serbes ?

25 R. : Oui, ils ont participé à des négociations de paix. Je ne connais pas

Page 3101

1 très bien cette question mais j'ai entendu dire qu'ils ont négocié

2 sans succès une solution pacifique du problème.

3 Q. : Quand l'attaque serbe de Kozarac a-t-elle commencé ?

4 R. : Le 24 mai.

5 Q. : Vers quelle heure ?

6 R. : Vers 14 heures je crois.

7 Q. : Malgré le rassemblement de troupes et de matériel, malgré l'ultimatum

8 des autorités serbes pour déposer les armes et accepter l'étendard

9 serbe, l'attaque a-t-elle constitué une surprise pour vous, votre

10 famille et vos amis ?

11 R. : Ce fut une surprise, oui. Nous nous attendions à quelque chose mais

12 personne ne s'attendait vraiment à un assaut.

13 Q. : Kozarac était-il organisé pour se défendre militairement ?

14 R. : Non.

15 Q. : Vous avez mentionné l'existence d'une force de police locale et de la

16 Défense territoriale. Les institutions locales ont-elles été gardées

17 avant l'attaque ?

18 R. : Oui, il y avait naturellement la Défense territoriale et la police;

19 il y avait quelques gardes.

20 Q. : Durant la période qui a précédé immédiatement l'attaque, a-t-on

21 essayé de mobiliser la Défense territoriale locale ?

22 R. : Oui. Mais rien n'est sorti de cette mobilisation.

23 Q. : Avez-vous entendu parler de personnes essayant d'organiser une sorte

24 de défense ?

25 R. : Oui, des personnes ont essayé de faire quelque chose mais

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1 généralement sans succès. Kozarac était indéfendable.

2 Q. : Après l'attaque de Kozarac, avez-vous observé que quelqu'un avait

3 réussi à organiser une défense militaire de la localité ?

4 R. : Non.

5 Q. : Où vous trouviez-vous quand l'attaque a commencé ?

6 R. : J'étais chez moi à Besici.

7 Q. : Qui était avec vous ?

8 R. : J'étais avec ma famille - mon père, ma mère, ma femme et mes enfants.

9 Q. : Comment l'attaque a-t-elle commencé, quelles armes ont-ils employées

10 ?

11 R. : Elle a débuté par un bombardement.

12 Q. : Quand le bombardement a commencé, qu'avez-vous fait avec votre

13 famille ? Où êtes-vous allés ?

14 R. : Nous sommes allés dans une cave proche parce que notre maison n'en

15 avait pas.

16 Q. : D'autres habitants de Besici se sont-ils réfugiés dans la cave de ce

17 voisin ?

18 R. : On s'est retrouvé principalement dans la cave. C'était le premier

19 refuge qu'ils cherchaient; tous ceux qui pouvaient trouver un

20 endroit pour s'abriter.

21 Q. : Avez-vous passé cette nuit là à Besici ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Quelle était l'intensité du bombardement de Kozarac ce jour là ?

24 R. : C'était un bombardement très intensif.

25 Q. : Besici a-t-il été bombardé ?

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1 R. : Essentiellement non ou à un moindre degré.

2 Q. : Le bombardement a-t-il continué le lendemain matin ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Avez-vous quitté Besici avec votre famille ?

5 R. : Oui, nous sommes partis vers la montagne, vers la forêt et d'autres

6 habitants de Kozarac, des villages voisins, se sont joints à nous.

7 Nous avons fui principalement vers la forêt. Nous recherchions un

8 endroit qui nous permettrait de rester sains et saufs.

9 Q. : Vous avez mentionné que vous avez été rejoints par d'autres habitants

10 de Kozarac et des localités voisines. Pouvez-vous nous donner une

11 estimation du nombre de personnes qui se sont réfugiées dans la

12 forêt ?

13 R. : De nombreuses personnes, de très nombreuses personnes, des centaines,

14 ont cherché refuge dans la forêt. Elles venaient de Kozarac et

15 d'autres localités, d'autres quartiers de Kozarac, de Besici etc.

16 Q. : Se sont-elles retrouvées au même endroit ou en différents endroits de

17 la forêt ?

18 R. : Elles ne se sont pas toutes retrouvées dans le même groupe; il y

19 avait plusieurs groupes importants.

20 Q. : Il s'agissait d'hommes, de femmes, d'enfants, de personnes âgées ?

21 R. : Oui, il y avait des femmes, des personnes âgées, des enfants, toutes

22 sortes de gens.

23 Q. : Quel était le groupe ethnique de ces gens.

24 R. : Musulman.

25 Q. : Etes-vous retourné à Besici le lendemain matin avec votre femme et

Page 3104

1 vos enfants ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Etes-vous retourné brièvement dans la forêt ce matin là ?

4 R. : Oui. J'y suis retourné parce que les gens quittaient la forêt et

5 rentraient. Puis quelqu'un a vu ma mère qui était restée dans la

6 forêt, qui ne pouvait pas descendre et je suis allé la rechercher et

7 la ramener à Besici.

8 Q. : Que se passait-il à Besici ce matin là, le mardi matin ?

9 R. : Quelqu'un est venu de Kozarac nous informer de la situation. Je ne me

10 souviens pas qui c'était mais on nous a dit que nous pouvions

11 descendre en colonnes, que les gens descendaient pour se rendre. Les

12 colonnes étaient constituées de femmes et d'enfants et précédées

13 d'un drapeau blanc. Mais ces gens ont été pris de panique quand on a

14 entendu dire qu'ils sélectionnaient les hommes et les exécutaient.

15 J'ai donc envoyé ma femme et mes enfants et je suis reparti dans la

16 forêt.

17 Q. : Quand les gens sont descendus à Kozarac pour se rendre, comment ont-

18 ils indiqué leur intention de se rendre ?

19 R. : La colonne était précédée d'un drapeau blanc.

20 Q. : Vos parents ont-ils décidé de descendre avec la colonne et de se

21 rendre ?

22 R. : Mes parents sont restés chez eux. Ils ne voulaient pas quitter leur

23 maison, comme d'autres personnes.

24 Q. : Espéraient-ils que les choses s'arrangeraient pour des personnes

25 âgées comme eux ?

Page 3105

1 R. : Ils espéraient qu'on ne les toucherait pas. Ils étaient dans leur

2 propre maison. Ils ne voulaient pas partir. Ils sont restés dans

3 leur maison.

4 Q. : Avez-vous appris par la suite ce qui était arrivé à ceux qui étaient

5 restés à Besici comme vos parents ?

6 R. : Oui, j'ai appris pendant mon séjour au camp de Keraterm que mon père

7 avait été exécuté.

8 Q. : Avez-vous appris ce qui était arrivé à votre mère ?

9 R. : Ma mère était avec ma tante et une autre femme. Elles sont restées

10 sur place. J'ai entendu dire qu'elle avait été blessée et je ne sais

11 pas ce qui lui est arrivé par la suite.

12 Q. : Avez-vous quitté Besici et êtes-vous retourné dans la forêt ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Des gens se trouvaient-ils encore dans la forêt ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Autant qu'auparavant ?

17 R. : Non, ils étaient moins nombreux.

18 Q. : Certains d'entre eux se préparaient-ils à se rendre ?

19 R. : Certains se préparaient à partir et à se rendre et certains sont

20 restés dans la forêt et cherchaient où aller et ce qu'il convenait

21 de faire.

22 Q. : Cette foule de gens était-elle divisée en plusieurs petits groupes ?

23 R. : Elle était essentiellement constituée de petits groupes.

24 Q. : Sur quelle base étaient-ils constitués ? S'agissait-il d'amis, de

25 parents ?

Page 3106

1 R. : De façon générale, les groupes étaient constitués de parents, d'amis,

2 de gens de connaissance.

3 Q. : Vous êtes-vous joint à un tel groupe ?

4 R. : Oui, nous étions des parents ou des amis.

5 Q. : Combien de personnes appartenaient à votre groupe ?

6 R. : Nous étions douze.

7 Q. : Les autres sont-ils restés dans la forêt pour la même raison que

8 vous, la crainte de ce qui arriverait aux hommes musulmans qui se

9 rendraient ?

10 R. : Oui.

11 Q. : Qu'envisageaient de faire les hommes de votre groupe ?

12 R. : Nous espérions, nous pensions qu'ils ne viendraient pas aussi

13 rapidement dans la forêt. Nous réfléchissions à ce que nous devrions

14 faire et nous pensions pour l'essentiel aller en Croatie en passant

15 par Kozarac.

16 Q. : Etiez-vous armés ?

17 R. : Non.

18 Q. : Combien de temps êtes-vous resté dans les bois avec vos amis ?

19 R. : Jusqu'au 31 mai.

20 Q. : Qu'avez-vous fait durant la période qui a précédé le 31 mai ?

21 R. : Nous étions dans la forêt. Nous cherchions de la nourriture.

22 Q. : Vous cachiez-vous ?

23 R. : Oui, nous nous cachions dans la forêt, nous y dormions.

24 Q. : Le 31 mai, certains membres de votre groupe ont-ils décidé de

25 rechercher de la nourriture ?

Page 3107

1 R. : Oui, quatre d'entre nous parce que nous avions décidé que nous avions

2 besoin de trouver davantage de nourriture et ils ont essayé de

3 passer en Croatie et huit d'entre nous sont restés dans la forêt.

4 Q. : Est-ce que ce jour là, ces huit qui étaient restés ont été repérés

5 par les forces serbes ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Ont-ils tiré sur vous ?

8 R. : Oui, ils ont tiré sur nous, ils nous ont repérés. Nous étions

9 effrayés et nous nous sommes éparpillés dans la forêt. Ils nous

10 invitaient à en sortir et à ne pas avoir peur parce qu'ils n'avaient

11 pas l'intention de nous nuire, disant qu'ils ne nous feraient rien

12 et de ne pas nous inquiéter.

13 Q. : Des membres de votre groupe ont-ils répondu à cet appel ?

14 R. : Oui, un de mes amis. Nous avions tous peur, nous étions tous

15 paniqués. C'était notre premier contact de ce genre. Il a commencé à

16 hurler "ne tirez pas, ne tirez pas, nous sortons" et il a couru sur

17 la route - nous étions à proximité d'une route - près d'un endroit

18 appelé Kadina.

19 Q. : Qu'est-ce que les autres ont fait après que cet ami soit sorti des

20 bois ?

21 R. : Nous sommes tous sortis.

22 Q. : Les forces serbes ont-elles alors pris vos papiers et vos objets de

23 valeur ?

24 R. : Quand nous sommes sortis de la forêt, un groupe de soldats est venu

25 vers nous. Ils nous ont ordonné de lever les bras et de vider nos

Page 3108

1 poches. Ils ont pris tout ce que nous avions là, papiers, argent,

2 tout ce que nous avions dans nos poches.

3 Q. : Vous êtes vous rendu compte si ces soldats serbes étaient des serbes

4 locaux, des gens de l'endroit ?

5 R. : Non, pas à ce moment là. Je n'ai reconnu personne.

6 Q. : Certains d'entre eux connaissaient-ils ou ont-ils reconnu des membres

7 de votre groupe ?

8 R. : Oui, l'un d'eux a reconnu un de mes amis et l'a appelé par son nom et

9 lui a dit : "Tu es ici également. Tu vas avoir ce que tu mérites".

10 Q. : Où les soldats serbes ont-ils emmené votre groupe ?

11 R. : Ils nous ont emmené devant une maison qui se trouvait au pied des

12 collines de Kozarac. Quand nous y sommes arrivés, les troupes serbes

13 étaient nombreuses en cet endroit. Une femme se trouvait devant

14 cette maison, sa propriétaire, Jasna, et un homme avec une barbe,

15 une longue barbe, se trouvait sur un banc. Il ne portait pas une

16 tenue camouflée. Il portait une toque de fourrure agrémentée d'une

17 "Kokarda" (cocarde).

18 Q. : Portait-il une sorte d'uniforme tchetnick ?

19 R. : Oui, c'était un tchetnick.

20 Q. : Comment les soldats serbes vous ont-ils traité à ce stade, ainsi que

21 les membres de votre groupe ?

22 R. : Ils nous ont lié les mains avec une sorte de corde. Nous étions

23 étendus devant cette maison. J'étais le troisième. C'est ainsi que

24 nous étions allongés. Ils nous provoquaient, ils nous insultaient,

25 nous injuriaient. Ils ne nous ont pas frappés mais ils pointaient

Page 3109

1 leurs armes sur nous, ils nous visaient.

2 Q. : Vous avez dit que les soldats vous insultaient et vous injuriaient.

3 S'agissait-il d'insultes ethniques ?

4 R. : Oui, il s'agissait d'insultes ethniques. Ils injuriaient nos mères

5 turques, nos mères musulmanes.

6 Q. : Utilisaient-ils le terme "balija" ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Vous a-t-on sélectionné parmi votre groupe ?

9 R. : A un certain moment, la femme, la propriétaire de la maison a reçu

10 l'ordre d'entrer dans sa maison. Sa belle-fille restait là puis elle

11 a commencé à pleurer et elle est aussi entrée dans la maison. Elle

12 est entrée dans la maison puis un soldat serbe est venu me frapper

13 d'un coup de pied et il m'a ordonné de me lever. Je me suis levé et

14 il m'a dit : "tu vas nous accompagner à Kozarac". J'avais peur. Je

15 n'avais pas envie d'y aller, d'être séparé de mon groupe. J'étais

16 effrayé. Il a dit : "Allez, avance. Qu'est-ce que tu attends ?" Un

17 groupe de mes parents et amis est donc resté sur place. Je me suis

18 tourné vers eux et nous nous sommes regardés. Puis j'ai commencé à

19 marcher.

20 Q. : Quand vous êtes parti pour la forêt, avez-vous entendu quelque chose,

21 des sons, provenant de l'endroit que vous veniez de quitter ?

22 R. : Oui, quand je les ai accompagnés et après avoir parcouru une

23 cinquantaine de mètres, j'ai entendu des hurlements, des coups de

24 feu. J'ai immédiatement compris et je me suis dit qu'ils les avaient

25 tous exécutés. Je me suis demandé ce que je devais faire. Comment

Page 3110

1 pouvais-je continuer ? Je me suis dit que s'ils se préparaient à me

2 faire quelque chose, je me mettrais à courir et ils pourraient

3 m'abattre s'ils le voulaient.

4 Q. : Ces hommes ont-ils jamais été revus vivants par vous-même ou par des

5 parents et amis ?

6 R. : Les hommes serbes ?

7 Q. : Les membres de votre groupe, vos amis et parents ?

8 R. : Je n'ai pas bien compris la question ?

9 Q. : Avez-vous jamais revu vivants les membres de votre groupe, vos

10 parents et amis ?

11 R. : Non, jamais.

12 Q. : En 1993, après que vous ayez quitté la Bosnie, quelqu'un vous a-t-il

13 contacté et indiqué qu'une personne avait pris des photos de

14 cadavres à l'endroit approximatif où vous vous étiez trouvé ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Ces photos vous ont-elles été montrées en 1993 ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Avez-vous pu reconnaître les dépouilles figurant sur ces photos sur

19 la base des vêtements qu'elles portaient ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Madame le Président, peut-on marquer ces quatre photographies pièces

22 à conviction 226 A, B, C et D ? Monsieur, pourriez-vous regarder ces

23 photographies et nous dire si ce sont bien celles auxquelles vous

24 venez de faire référence ?

25 R. : Oui, ce sont bien ces photos.

Page 3111

1 Q. : Peut-on les placer sur l'écran s'il vous plaît ? Est-ce que ce sont

2 quatre membres de votre groupe M. Besic ?

3 R. : Oui.

4 Q. : La photographie suivante s'il vous plaît ? Peut-on voir la suivante ?

5 Est-ce un autre membre de votre groupe ?

6 R. : Oui.

7 Q. : La photographie suivante s'il vous plaît ? Est-ce le sixième membre

8 de votre groupe, un autre de vos amis ou parents ?

9 R. : Oui.

10 Q. : La dernière photographie s'il vous plaît ? Monsieur, savez-vous

11 exactement quand ces photographies ont été prises ?

12 R. : Les photos ont été prises un mois je pense après l'événement.

13 Q. : Est-ce le septième membre de votre groupe, un autre ami ou parent ?

14 R. : Oui.

15 M. TIEGER : Madame le Président, je verse 226 A à D au dossier.

16 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Les pièces 226 A, B, C et D sont admises.

18 L'audience est suspendue jusqu'à 14 heures 30.

19 (13 heures)

20 (Suspension d'audience du déjeuner)

21 (14 heures 30)

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

23 M. NIEMANN : Merci, Madame le Président. Madame, messieurs de la Cour, je

24 voulais simplement attirer votre attention sur la liste des témoins

25 et avertir la Cour qu'il pourrait y avoir certains changements dans

Page 3112

1 l'ordre.

2 Le témoin No 26 sur la liste réside en Amérique du Nord. Il a

3 rencontré des difficultés de passeport et il semble qu'il ne sera

4 pas ici en temps voulu pour témoigner comme nous l'avions prévu.

5 Le témoin No 27 est le témoin d'identification dont nous avons

6 parlé et nous l'avons repoussé sur la liste du fait de la question

7 d'identification qui doit maintenant être résolue. Nous le retirons

8 donc pour l'instant de sa place dans la liste.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Où placeriez-vous le 27 ?

10 M. NIEMANN : C'est un peu difficile à dire à ce stade mais à la fin de la

11 semaine prochaine, ce pourrait être mercredi la semaine prochaine,

12 où on pourrait le reporter en juillet, en fonction de nos progrès,

13 Madame, messieurs de la Cour.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous n'allez donc pas appeler le témoin 27

15 après M. Besic ?

16 M. NIEMANN : Non, Madame, messieurs de la Cour. Nous attendrons la

17 solution de cette question d'identification.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Votre prochain témoin sera donc 24 puis nous

19 aurons 25 et 26 ... Non, vous n'êtes pas certain à propos de la date

20 de comparution de 26 en raison de problèmes de passeport ?

21 M. NIEMANN : Oui, il a des problèmes de passeport.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quand le saurez-vous ? Quand saurez-vous

23 s'ils ont été réglés ?

24 M. NIEMANN : Tout dépend du gouvernement qui délivre les passeports,

25 Madame, messieurs de la Cour et nous ignorons quand le problème sera

Page 3113

1 réglé.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Qu'allons-nous faire ? Quand pourrez-vous

3 informer la Défense ? Je m'inquiète surtout pour la Défense. Ils

4 veulent savoir pour pouvoir procéder au contre-interrogatoire. Vous

5 aurez 27, 24, 25 puis qu'est-ce qui se passe ?

6 M. NIEMANN : 25 et puis ...

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Puis 26 ou 30 ?

8 M. NIEMANN : Puis nous passons au suivant après le 25, qui est maintenant

9 le 30.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Oui.

11 M. NIEMANN : Puis 31.

12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quel est le délai de préavis en ce qui

13 concerne 26 au plan de la situation du passeport ?

14 M. NIEMANN : On lui a parlé hier et sa demande est toujours en cours. Nous

15 avons parlé avec des fonctionnaires du gouvernement intéressé et

16 leur avons demandé d'accélérer au maximum le processus. C'est

17 simplement une question de jours. Nous espérions que le problème

18 serait maintenant résolu, qu'il serait en chemin et qu'il n'y aurait

19 pas de difficultés mais pour l'instant la question est en suspens.

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Vous préviendrez donc le Conseil de la

21 Défense la veille du jour où vous envisagez de le citer ?

22 M. NIEMANN : Certainement.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Au moins la veille et pas plus tard que le

24 jour où vous entendez citer 26. Nous laisserons donc 26 en suspens

25 pour l'instant jusqu'à ce que vous nous disiez ce qu'il en est et

Page 3114

1 nous placerons 27 après quel témoin ?

2 M. NIEMANN : Après les conclusions et la solution intéressant la question

3 de l'identification.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 27 est le premier témoin d'identification. Y

5 en a-t-il un autre qui approche ?

6 M. NIEMANN : Pas avant lui.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Quand vient celui qui suit 27 ?

8 M. NIEMANN : Le témoin suivant après 27 ou le témoin d'identification

9 suivant ?

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il un autre témoin d'identification

11 après 27 et, si oui, quel est son numéro ?

12 M. NIEMANN : Je ne suis pas en mesure de répondre, Madame le Président.

13 Nous citons d'autres témoins d'identification mais il est le premier

14 de cette catégorie appartenant à ce groupe de témoins. Nous l'avons

15 repoussé parce que la question a besoin d'être résolue avant de

16 l'appeler à la barre mais il y en aura d'autres ensuite. Mais je ne

17 suis pas en mesure de répondre pour l'instant à cette question,

18 Madame le Président. Je vais devoir vérifier chaque déposition pour

19 différencier entre les témoins d'identification et ceux

20 d'attestation ...

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien.

22 M. NIEMANN : ... et je ne l'ai pas fait.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Assurez-vous que nous avons suffisamment de

24 temps pour résoudre la question avant que nous entendions 27. Vous

25 pourrez peut-être nous dire demain matin quand vous voulez appeler

Page 3115

1 27, parce que je crois comprendre que certains dans ce groupe ne

2 sont pas des témoins oculaires, des témoins touchés par la question

3 d'identification.

4 M. NIEMANN : Oui, tous les autres sont des témoins d'attestation, Madame

5 le Président. Nous avons établi une nouvelle liste pour pouvoir

6 continuer de sorte que maintenant ce sera la même liste, sauf que

7 26, 27 et 29 sont retirés pour l'instant mais 28 reste en place de

8 même que 30 et 31. Je vais préparer une nouvelle liste pour que ce

9 soit facile à suivre.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 30 et 31 n’ont pas des problèmes

11 d'identification ?

12 M. NIEMANN : Non, ni 28.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Qu'en est-il de 32 ?

14 M. NIEMANN : Ni 32 .

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Je pense que nous avons suffisamment de

16 témoins. Nous avons certainement suffisamment de témoins pour

17 terminer la semaine et probablement même pour aller jusqu'à mardi

18 avant d'arriver au problème de l'identification.

19 M. NIEMANN : C'est notre plan, Madame le Président.

20 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous allons donc devoir aborder le problème

21 de l'identification mercredi. Je verrais avec les juges si nous

22 pouvons arrêter une date ... peut-être mercredi matin.

23 M. NIEMANN : Une autre question, Madame, messieurs de la Cour. Je me suis

24 entretenu avec la Défense et nous avons convenu entre nous que quand

25 nous mentionnons nos interprètes, plutôt que d'indiquer leur nom,

Page 3116

1 nous passerons simplement la déposition au témoin et lui demanderons

2 s'il s'agit bien de l'interprète qui était présent, si cet

3 arrangement convient à la Cour.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. MM. Kay et Wladimiroff, pourrez-

5 vous ainsi éviter de mentionner le nom des interprètes ?

6 M. WLADIMIROFF : Oui, Madame, messieurs de la Cour.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous autre chose ?

8 M. NIEMANN : Non, Madame le Président.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien. Continuons avec le témoin.

10 M. UZEIR BESIC est rappelé à la barre.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, vous pouvez reprendre.

12 M. TIEGER : Merci, Madame le Président.

13 M. Besic, juste avant la suspension d'audience, vous avez

14 identifié les photographies de vos amis et parents. A quel groupe

15 ethnique appartenaient ces personnes ?

16 R. : Musulman.

17 Q. : Vous avez indiqué auparavant que les Serbes vous ont sélectionné et

18 emmené pour, ont-ils dit, que vous leur montriez la direction de

19 Kozarac. Vous ont-ils emmené jusqu'à Kozarac ?

20 R. : Non.

21 Q. : Où se sont-ils arrêtés ?

22 R. : Ils se sont arrêtés près des premières maisons vers le village de

23 Besici.

24 Q. : Vous ont-ils demandé à ce moment là ou plus tôt où se trouvaient

25 certaines parties de l'opstina de Prijedor ?

Page 3117

1 R. : Quand nous sommes descendus de la maison où nous nous trouvions, un

2 groupe y est resté comme je l'ai dit et l'un des commandants ainsi

3 que partie des effectifs sont descendus avec moi. Leur supérieur m'a

4 demandé où j'étais né, où je travaillais, ce que je faisais et je le

5 lui ai dit. Il m'a demandé si j'avais des enfants et je lui ai dit.

6 Il a alors pris un couteau et il a tranché mes liens. Nous nous

7 sommes arrêtés quand nous avons atteint les premières maisons et ils

8 m'ont demandé où se trouvait le village de Rajkovici, dans quelle

9 direction se trouvaient Prijedor et Corici.

10 Puis des soldats se sont rendus dans une maison et l'ont

11 incendiée. Ce commandant m'a demandé ce que je ferais s'il me

12 libérait et je ne savais que répondre. J'étais très effrayé. Une

13 vieille femme et un homme âgé ainsi qu'un jeune garçon se trouvaient

14 près d'une autre maison. J'ai demandé si je pouvais rester avec eux

15 et il a accepté. Ils étaient encore là et ils ont pris leur position

16 à cet endroit. J'ai commencé à réaliser qu'il ne m'exécuterait peut-

17 être pas.

18 Q. : Etes-vous resté quelque temps à cette maison ?

19 R. : Oui. Il m'a dit de rester dans cette maison mais il a aussi ajouté

20 qu'un autre groupe de soldats allaient arriver et qu'il leur

21 donnerait mon nom pour que rien ne m'arrive. Puis ils sont partis et

22 l'autre groupe de soldats est arrivé. Ils portaient des uniformes de

23 la SMB et des brassards blancs. Ils m'ont demandé mes nom et prénom

24 parce que le commandant précédent devait leur avoir dit - il avait

25 un walkie-talkie - que j'étais là. Je suis donc resté à cet endroit

Page 3118

1 jusqu'au 3.

2 Q. : Les soldats qui sont arrivés, ceux qui portaient l'uniforme de la

3 SMB, vous ont-ils ordonné de ne pas bouger, de ne pas essayer de

4 vous enfuir ?

5 R. : Oui, plus tard, alors que j'étais dans la maison avec ces vieillards

6 et le jeune garçon, un soldat est venu et m'a ordonné de ne pas même

7 essayer de m'enfuir, de n'aller nulle part.

8 Q. : Durant votre trajet vers cet endroit, avez-vous vu d'autres soldats

9 serbes dans la région que vous avez traversée, entre l'endroit où

10 vous avez laissé vos amis et parents et les environs de Besici ?

11 R. : Je suis resté dans la maison jusqu'au 3 puis l'ordre que nous

12 quittions la maison est arrivé - moi-même, ces deux vieillards et le

13 garçon - et ils nous ont emmenés vers Rajkovici. Nous somme allés

14 dans la direction de la forêt et quand nous avons approché de

15 Rajkovici, il n'y avait que des soldats serbes. Ils avaient pris

16 leurs positions à cet endroit là.

17 Q. : Vous avez mentionné le 3. Il s'agit bien du 3 juin ?

18 R. : Oui.

19 Q. : Quelle sorte de village était Rajkovici, quelles étaient les

20 nationalités de ses habitants ?

21 R. : La majorité des habitants de Rajkovici étaient des catholiques.

22 Q. : Ils étaient donc de nationalité ou d'origine croate ?

23 R. : Oui. Croates, catholiques, des Croates de Bosnie dirions-nous.

24 Q. : Durant cette période, avez-vous entendu ces soldats parler d'une

25 manière indiquant qu'ils n'étaient pas de Bosnie ?

Page 3119

1 R. : Oui, leur accent était différent. Leur accent n'était pas bosniaque

2 et c'est ainsi que j'ai pu déterminer qu'ils n'étaient pas des

3 serbes locaux, venant de cette région. Il y avait cependant certains

4 Serbes locaux parmi eux mais venant je crois d'autres endroits.

5 Q. : Quand on vous a emmené à Rajkovic, en plus des nombreux soldats que

6 vous avez observés, avez-vous aussi aperçu un autre prisonnier

7 croate ou musulman ?

8 R. : Oui, quand nous sommes arrivés à Rajkovici, j'ai vu un garçon attaché

9 à un arbre. Il avait été blessé et battu et il était attaché à un

10 arbre.

11 Q. : Quel était l'âge approximatif de ce garçon ou de ce jeune homme ?

12 R. : Je dirais qu'il avait à peu près mon âge.

13 Q. : Quel était son état physique ?

14 R. : Il était meurtri, il avait été violemment battu et il était blessé à

15 la jambe.

16 Q. : Les soldats vous ont-ils demandé si vous le connaissiez ?

17 R. : Oui. Par la suite deux policiers serbes m'ont emmené le voir et m'ont

18 demandé si je le connaissais. J'ai répondu par la négative. Ils lui

19 ont alors demandé s'il me connaissait et il a seulement secoué la

20 tête négativement. Même si je l'avais connu je n'aurais pas pu le

21 reconnaître tellement il était meurtri.

22 Q. : Que vous est-il arrivé après que vous ayez dit que vous ne

23 connaissiez pas le jeune homme et qu'il ait dit qu'il ne vous

24 connaissait pas ?

25 R. : Ils m'ont frappé, les soldats ...

Page 3120

1 Q. : Comment vous ont-ils battu ?

2 R. : Ils m'ont donné des coups de pied etc. Je ne m'en souviens même plus.

3 Je sais seulement qu'ils m'ont battu. Je sais que j'ai été passé à

4 tabac à cet endroit.

5 Q. : Vous disaient-ils quoi que ce soit, vous injuriaient-ils pendant ce

6 passage à tabac ?

7 R. : Pendant qu'ils me battaient, oui. Ils m'ont injurié, insultant ma

8 "mère balija" etc. C'était essentiellement des insultes ethniques.

9 Q. : Que vous ont-ils fait après le passage à tabac ?

10 R. : Après ce passage à tabac, un commandant quelconque est arrivé. Je

11 suppose que c'était le commandant. Il a ordonné de détacher celui

12 qui était attaché à un arbre et de nous lier avec le fil de fer et

13 de nous placer dans un véhicule militaire - un genre de fourgon - et

14 de nous emmener quelque part.

15 Avant cela ils lui ont demandé ce qu'ils devaient faire de ces

16 deux vieillards, parce qu'il y avait ce vieil homme et cette vieille

17 femme - je connaissais l'homme mais pas la femme - et il leur a dit

18 de les emmener dans la forêt et de les exécuter parce qu'ils avaient

19 défendu ce camp.

20 Q. : Le vieux couple a-t-il été emmené dans la forêt ?

21 R. : Oui, ils l'ont été. J'ai entendu des coups de feu puis nous avons dû

22 monter dans le fourgon et nous sommes partis.

23 Q. : Qui est monté dans le fourgon ?

24 R. : Moi-même, celui qui était attaché à l'arbre et le garçon qui était

25 avec ces vieillards et qui est venu avec moi.

Page 3121

1 Q. : Quel était l'âge approximatif de ce jeune homme, pas de celui qui

2 était attaché à l'arbre ?

3 R. : Il devait avoir 16, 17 ou peut-être 18 ans. Il était jeune.

4 Q. : Le fourgon dans lequel vous avez été transportés avait-il des

5 fenêtres ?

6 R. : Oui.

7 Q. : Avez-vous pu voir l'endroit où on vous a emmené quand vous êtes

8 arrivés ? Avez-vous pu le voir et le reconnaître ?

9 R. : Oui, je pouvais voir durant ce trajet. Je pouvais tourner la tête et

10 voir que nous allions vers Prijedor et quand nous sommes arrivés, je

11 me suis rendu compte que nous étions dans la caserne de Prijedor.

12 Q. : S'agit-il de la caserne de la JNA ?

13 R. : Oui, de l'ancienne JNA.

14 Q. : Où vous a-t-on emmené quand vous êtes arrivés dans la caserne de la

15 JNA à Prijedor ?

16 R. : Quand nous sommes descendus du fourgon on nous a emmené dans un

17 bâtiment. Le conducteur nous a fait entrer dans un couloir. J'ignore

18 quelle était leur occupation, s'ils étaient des policiers ou quoi et

19 ils ont dit " les voilà" puis il a indiqué "celui-là avait une

20 mitraillette, battez-le" et ils ont commencé à me frapper. Ils me

21 donnaient des coups de pieds et me frappaient avec leurs matraques.

22 Q. : Quand on vous a emmené dans ce bâtiment et dans ce couloir, avez-vous

23 été mis avec les deux autres dans la même partie du couloir ?

24 R. : Oui, nous sommes entrés dans ce couloir et je me souviens qu'il y

25 avait une pièce là, des toilettes et nous nous tenions contre le

Page 3122

1 mur. Des salles se trouvaient de l'autre côté du couloir et nous

2 faisions face au mur.

3 Q. : Y avait-il une partie du couloir sur votre droite pendant que vous

4 faisiez face au mur ?

5 R. : Oui, un long couloir.

6 Q. : Y avait-il des bureaux ou des salles donnant sur le couloir à votre

7 droite ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Y avait-il aussi une partie du couloir sur votre gauche quand vous

10 faisiez face au mur ?

11 R. : Il y avait la sortie du bâtiment.

12 Q. : Les deux jeunes hommes étaient-ils à votre droite ou à votre gauche ?

13 R. : A ma gauche.

14 Q. : Vous avez dit que les soldats ont alors commencé à vous frapper.

15 Disaient-ils quoi que ce soit pendant ce passage à tabac ?

16 R. : Les injures habituelles.

17 Q. : Vous ont-ils battu avec des objets ?

18 R. : Ils nous ont battu avec des matraques de la police.

19 Q. : Etes-vous resté debout durant le passage à tabac ?

20 R. : Après les premiers coups je me suis effondré sur le sol.

21 Q. : Quelle partie de votre corps frappaient-ils au début du passage à

22 tabac ?

23 R. : Au début, ils frappaient mes épaules, mon dos.

24 Q. : Vous dites que vous vous êtes effondré sur le sol. Dans quelle

25 position étiez-vous ?

Page 3123

1 R. : Je me suis effondré. J'étais à genoux et faisais face au mur.

2 Q. : Votre tête était-elle tournée vers la droite ou la gauche ou faisait-

3 elle directement face au mur ?

4 R. : Elle était tournée vers la droite.

5 Q. : Les soldats ont-ils continué de vous frapper quand vous êtes tombé à

6 genoux ?

7 R. : Oui, leurs coups étaient un peu moins violents et ils me frappaient

8 également avec leurs jambes.

9 Q. : Alors que vous étiez à genoux face à droite, avez-vous aperçu

10 quelqu'un sortant d'un bureau dans le couloir ?

11 R. : Oui. Pendant que j'étais à genoux j'ai vu Dule Tadic sortir d'une

12 pièce dans le couloir et sortir du bâtiment.

13 Q. : Se dirigeant dans votre direction ?

14 R. : Oui. Il se dirigeait vers la sortie.

15 Q. : L'avez-vous vu sortir du bureau puis venir vers vous dans le couloir

16 ?

17 R. : Oui, il venait vers nous. Il a quitté la pièce. Il s'est dirigé vers

18 nous et alors qu'il s'apprêtait à sortir, il m'a donné plusieurs

19 coups de pied puis il est sorti. J'ignore où il est allé ensuite.

20 Q. : Que s'est-il passé ensuite ?

21 R. : Nous avons été détachés. Rien ne s'est passé. Ils ont arrêté de nous

22 frapper. Ils faisaient comme si rien ne s'était passé et ils ont

23 commencé à nous interroger dans une pièce, dans un bureau.

24 Q. : Durant l'interrogatoire, vous ont-ils posé des questions sur des

25 armements ?

Page 3124

1 R. : Oui, ils m'ont interrogé sur les armes, où je me trouvais, ce que je

2 faisais etc. Le type d'armes que je possédais.

3 Q. : Que leur avez-vous répondu ?

4 R. : Mon interrogateur m'a dit qu'il était préférable d'admettre que

5 j'avais un fusil. Je l'ai donc admis puis j'ai fini par signer une

6 déclaration disant que j'avais participé à une insurrection armée

7 contre le peuple serbe.

8 Q. : Après qu'on vous ai présenté ce document et à la fin de

9 l'interrogatoire, où vous a-t-on emmené ?

10 R. : Après cet interrogatoire, nous trois ... une voiture est arrivée, la

11 Yugo est arrivée avec deux policiers et ils nous ont emmené au camp

12 de Keraterm.

13 Q. : Ils vous ont emmené avec les deux autres qui étaient avec vous ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Quand vous êtes arrivés à Keraterm, avez-vous été pris en charge tous

16 les trois par des Serbes en uniforme ?

17 R. : Quand nous sommes arrivés à Keraterm, ces deux policiers qui nous

18 avaient conduits nous ont transférés à un soldat nommé Zoran Sigic.

19 Quand je dis "Zoran Sigic", je ne connaissais pas cette personne

20 auparavant mais j'ai entendu mentionner son nom dans le camp par la

21 suite et il nous a accueilli avec d'autres soldats, d'autres gardes.

22 M. TIEGER : Madame le Président, pourrais-je avoir Z3. 30-9 ... On me dit

23 qu'il serait préférable de placer ceci sur l'elmo. Cette

24 photographie pourrait-elle donc être identifiée comme la pièce à

25 conviction 227 de l'Accusation ?

Page 3125

1 M. Besic, reconnaissez-vous ce qui figure sur cette

2 photographie ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Décrit-elle en général l'endroit où vous vous trouviez avec Zoran

5 Sigic ?

6 R. : Oui, elle montre ... il y a une échelle. Je crois que ceci est une

7 échelle. Je n'ai jamais été dans ce bâtiment auparavant.

8 M. TIEGER : Madame le Président, je verse la pièce 227 pour admission au

9 dossier.

10 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 227 est admise.

12 M. TIEGER : Peut-on marquer cette photographie pièce à conviction 228 ?

13 M. Besic, cette photographie montre-t-elle clairement

14 l'endroit dont vous parliez ?

15 R. : Oui.

16 M. TIEGER : Je verse 228 Madame le Président.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

18 M. WLADIMIROFF : Quel est le numéro de cette photographie ?

19 M. TIEGER : 29-16.

20 M. WLADIMIROFF : Pas d'objection.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 228 est admise.

22 M. TIEGER : Peut-on la placer sur l'écran s'il vous plaît ? Madame le

23 Président, je peux montrer 227. C'est seulement ...

24 JUGE STEPHEN : Si c'est une pièce à conviction, nous devrions la voir.

25 M. TIEGER : Certainement. Voici la pièce 227, Madame le Président. Pour le

Page 3126

1 procès-verbal, la pièce qui se trouve actuellement à l'écran est la

2 228.

3 (Au témoin) : Quand Zigic vous a reçu tous les trois dans cet

4 endroit, que s'est-il passé ? Qu'a-t-il demandé ou fait tout d'abord

5 ?

6 R. : Quand nous sommes arrivés près de lui, il nous a demandé notre

7 nationalité. Nous lui avons répondu que nous étions musulmans. Il

8 nous a alors ordonné de lui montrer comment prient les Musulmans.

9 Nous avons donc dû le lui montrer. Puis il nous a ordonné d'enlever

10 nos sous-vêtements pour voir si nous étions circoncis et il nous a

11 dit que si nous ne l'étions pas, il pratiquerait lui-même cette

12 opération. Nous avons donc dû lui obéir. Puis il nous a frappé à

13 coups de pied. Je crois qu'il avait aussi un fusil et qu'il nous a

14 asséné des coups de crosse avant de nous envoyer dans une pièce. Je

15 crois qu'elle s'appelait salle No 1. Elle était déjà pleine de

16 détenus.

17 Q. : Zigic vous a-t-il ordonné de rester dans un endroit particulier de la

18 salle No 1 ?

19 R. : Oui, près de la porte il nous a dit "Restez-ici".

20 Q. : Plus tard ce même jour, d'autres prisonniers ont-ils été amenés à

21 Keraterm et jetés dans la même cellule ?

22 R. : Oui, le même jour et un peu plus tard de nombreux détenus sont

23 arrivés et nous avons appris par la suite qu'ils étaient de Ljubija

24 près de Prijedor. Il s'agissait de Croates et de Musulmans.

25 Q. : Combien de Croates et de Musulmans ont été amenés de Ljubija ce jour

Page 3127

1 là ?

2 R. : Ils étaient 10. Je crois qu'ils étaient 10.

3 Q. : Sigic les a-t-il aussi accueillis quand ils sont arrivés ?

4 R. : Oui, il les a traités de la même façon. J'ai pu voir de derrière le

5 coin où je me tenais qu'il les frappait. Il les a ensuite amenés à

6 l'étage dans la pièce où je me trouvais.

7 Q. : L'interprétation parle d'un "étage". Etiez-vous au rez-de-chaussée ou

8 à l'étage ?

9 R. : J'étais au rez-de-chaussée mais je voulais dire dans la direction des

10 balances vers la salle où je me trouvais, près de la salle où

11 j'étais.

12 Q. : Vous avez également dit qu'il y avait de nombreux autres détenus dans

13 la salle ou la cellule No 1 quand vous êtes arrivés. Quelle était

14 leur nationalité ?

15 R. : Il s'agissait surtout de Musulmans et de quelques Croates.

16 Q. : Durant les deux semaines suivantes avez-vous, de même que d'autres

17 détenus, été appelés de la cellule et passés à tabac de façon

18 répétée ?

19 R. : Oui, régulièrement. Sigic nous a constamment fait sortir pour nous

20 passer à tabac, de même que d'autres détenus. Devant la porte il

21 nous ordonnait de chanter et il nous frappait simultanément.

22 Q. : Qui d'autre subissait ce sort ?

23 R. : En dehors de moi ... il y avait ce jeune arrivé avec moi de

24 Rajkovici, celui qui était attaché à l'arbre et d'autres qui sont

25 arrivés après moi à Keraterm en provenance de Ljubija.

Page 3128

1 Q. : Vous rappelez-vous s'ils ont fait subir le même sort au jeune homme

2 qui était venu avec vous de Besici à Rajkovici puis à la caserne et

3 enfin à Keraterm ?

4 R. : Non, il n'a pas été appelé dehors.

5 Q. : Vous dites que vous et les autres avez été contraints de chanter. De

6 quel genre de chansons s'agissait-il ?

7 R. : Nous chantions des chansons serbes et quand Zigic voulait nous

8 tourmenter il nous ordonnait de chanter des chants extrémistes du

9 genre "nous écraserons la JNA et la Krajina s'effondrera et Alija

10 est notre leader". Il se tenait devant nous, nous forçant à chanter

11 et il nous demandait alors "qui va s'effondrer ?"

12 Q. : Zigic a-t-il contraint des détenus à se battre ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Vous avez également mentionné que, en dehors de vous même et des

15 détenus qui vous accompagnaient, d'autres prisonniers étaient

16 appelés et passés à tabac. Cela arrivait-il souvent ?

17 R. : Cela arrivait surtout durant le tour de garde de Zigic. Il appelait

18 les détenus dans la soirée pour les frapper.

19 Q. : Combien de temps êtes-vous resté à Keraterm.

20 R. : Je ne peux pas vous dire exactement, environ 14 jours.

21 Q. : Où vous a-t-on emmené après cela ?

22 R. : Après cela une voiture, un fourgon de la police est venu et 13

23 d'entre nous ont été appelés et emmenés à Omarska.

24 Q. : Quand vous êtes arrivés à Omarska avez-vous été pris en charge par

25 des gardes à la descente du fourgon ?

Page 3129

1 R. : Oui. Il y avait des gardes quand nous sommes arrivés à Omarska. Nous

2 sommes sortis un par un et on nous a ordonné de lever les bras et de

3 placer nos mains sur la nuque puis d'entrer dans le garage un par

4 un. Nous avons formé une colonne et pendant que nous marchions et

5 nous rendions à la salle No 15 ils nous frappaient et nous

6 battaient.

7 Q. : Etes-vous resté dans ce local jusqu'à votre interrogatoire ?

8 R. : Oui, je suis resté dans la salle No 15 jusqu'à mon interrogatoire.

9 Q. : Où vous a-t-on interrogé ?

10 R. : On nous a interrogé dans une salle à l'étage près de la cantine.

11 Q. : Etait-ce au rez-de-chaussée ou à l'étage ?

12 R. : A l'étage.

13 Q. : Connaissiez-vous la personne qui a mené l'interrogatoire ?

14 R. : J'ai été interrogé par Radakovic, le directeur du Parc national à

15 Kozarac. Je le connaissais à Kozarac, le parc national de Kozarac.

16 Je le connaissais un peu.

17 Q. : Radakovic savait-il que vous étiez déjà passé par la caserne de la

18 JNA et le camp de Keraterm ?

19 R. : Je pense qu'il le savait. Je lui ai aussi tout raconté. Je lui ai dit

20 ce qui s'était passé, comment j'étais arrivé là et ce qui s'était

21 passé jusqu'à ce moment là, jusqu'à mon interrogatoire.

22 Q. : Vous a-t-on frappé durant l'interrogatoire ?

23 R. : J'ai d'abord été interrogé par Radakovic, qui ne m'a pas battu mais

24 j'ai été passé à tabac par le garde qui m'a amené dans la pièce où

25 j'ai été interrogé.

Page 3130

1 Q. : Comment vous a-t-on passé à tabac ?

2 R. : J'ai été frappé de sorte que je me suis retrouvé à genoux et ils

3 m'ont asséné des coups de matraque dans le dos et sur les reins.

4 Q. : A l'issue de cet interrogatoire et de ce passage à tabac, vous a-t-on

5 présenté un document à signer ?

6 R. : Après cet interrogatoire on m'a emmené à la "pista" et après un

7 certain temps un garde est venu me chercher pour me ramener à

8 Radakovic. Ils m'ont lu ma déposition, tout ce que je leur avais dit

9 durant l'interrogatoire. J'ai signé ce document et suis retourné à

10 la "pista".

11 Q. : La "pista" est la partie extérieure située entre le bâtiment de la

12 cantine et le hangar ?

13 R. : Oui.

14 Q. : C'est un endroit bétonné ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Y êtes-vous resté durant la journée ?

17 R. : Oui, c'est là que nous passions la journée. Dans la soirée nous

18 allions surtout à la cantine et parfois nous dormions dehors.

19 Q. : Les détenus étaient-ils protégés du soleil pendant la journée ?

20 R. : Non, il n'y avait pas de protection. Il y avait davantage d'ombre

21 pour les détenus qui arrivaient les premiers au hangar mais

22 autrement nous devions nous asseoir au soleil, sous un soleil

23 ardent.

24 Q. : Pouvez-vous nous donner le nombre approximatif des prisonniers sur la

25 "pista" ?

Page 3131

1 R. : Sur la "pista" nous étions peut-être 300 ou 500, selon mon

2 estimation. Je ne sais pas exactement, mais je sais que la "pista"

3 était toujours pleine.

4 M. TIEGER : Madame le Président, pourrais-je présenter maintenant un bref

5 extrait vidéo montrant cette partie du camp d'Omarska ?

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Est-ce un extrait d'une pièce à conviction

7 déjà versée comme élément de preuve ?

8 M. TIEGER : Pour autant que je sache, ce n'est pas le cas. La Défense a vu

9 cet extrait.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous le marquerons, que proposez-vous ? 229 ?

11 M. TIEGER : 229 Madame le Président.

12 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Parfait.

13 (Présentation de la pièce à conviction 229)

14 M. Besic, cela montre-t-il la "pista" en regardant vers le

15 bâtiment du restaurant, le cameraman tournant le dos au hangar ?

16 R. : Oui.

17 Q. : Que voit-on actuellement sur l'écran ?

18 R. : La cantine.

19 Q. : Avons-nous maintenant la vue opposée de la "pista", c'est-à-dire

20 prise en regardant vers le hangar, le cameraman tournant le dos à la

21 cantine ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Voyons-nous maintenant la "pista" avec le cameraman se trouvant dans

24 la zone générale de la maison blanche ?

25 R. : Oui.

Page 3132

1 M. TIEGER : Madame le Président, je verse la pièce à conviction 229.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections ?

3 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

4 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : 229 est admise.

5 M. TIEGER : Le moment est peut-être opportun pour indiquer à la Cour que

6 l'extrait présenté antérieurement et que je croyais provenir de la

7 pièce à conviction 195 venait en fait, me dit-on, de la pièce 107.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : C'était le film. Est-ce correct ?

9 M. TIEGER : Oui. Il montrait Besici.

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Très bien, merci.

11 M. TIEGER : Durant la journée M. Besic, comment les prisonniers se

12 tenaient-ils sur la "pista" ? Comment étaient-ils assis et dans

13 quelle position ?

14 R. : Parfois nous étions assis et parfois nous étions étendus sur le

15 ventre. Si nous étions assis nous tournions le dos à la cantine. Si

16 nous étions allongés nous faisions face au hangar.

17 Q. : Vous avez dit que quand vous étiez assis vous tourniez le dos à la

18 cantine. Cela signifie-t-il que vous faisiez alors face au hangar ?

19 Dans quelle direction faisiez-vous face quand vous étiez assis ?

20 R. : Quand nous étions assis nous faisions face à la cantine. Si nous

21 étions allongés sur le ventre nous nous tournions et faisions face

22 au hangar.

23 Q. : Les prisonniers étaient-ils parfois contraints de s'étendre plutôt

24 que de s'asseoir ?

25 R. : Généralement on nous ordonnait de nous allonger. Ils criaient

Page 3133

1 "Allongez-vous". De même dans le cas d'un incident, si quelque chose

2 se passait, si quelqu'un était emmené à un interrogatoire, pour que

3 nous ne puissions rien voir.

4 Q. : Quand les prisonniers étaient assis, les gardes les décourageaient-

5 ils généralement de regarder autour d'eux ?

6 R. : Non. Si quelque chose se passait, nous n'étions pas assis. S'ils

7 battaient quelqu'un ou transportaient quelqu'un à l'issue d'un

8 interrogatoire - parce que les détenus étaient transportés après les

9 interrogatoires, meurtris ou morts - dans ces cas là nous devions

10 nous étendre sur le ventre pour que nous ne puissions pas voir; ou

11 si les gardes étaient de mauvaise humeur, alors, parfois, nous

12 devions rester étendus au soleil pendant des heures.

13 Q. : Pendant que vous étiez sur la "pista", avez-vous jamais aperçu Dule

14 Tadic au camp d'Omarska ?

15 R. : Pendant que j'étais sur la "pista" j'ai aperçu Dule Tadic une fois.

16 Q. : Où étiez-vous assis à ce moment là ? Pouvez-vous prendre cette

17 baguette sur la table et indiquer sur la pièce à conviction 130, le

18 modèle, l'endroit approximatif où vous étiez assis quand vous avez

19 vu Dule Tadic ?

20 R. : Oui. J'étais assis ici, plus ou moins. (Le témoin indique l'endroit

21 sur le modèle) Ici.

22 Q. : Dans quelle position étiez-vous assis ? Pas votre position par

23 rapport au camp mais de quelle façon étiez-vous assis ? Etiez-vous

24 agenouillé ou assis normalement ?

25 R. : J'étais assis normalement avec les genoux dans cette position, comme

Page 3134

1 tout le monde, de sorte que mes genoux étaient placés ainsi, se

2 trouvaient ici.

3 Q. : Dans quelle direction étiez-vous tourné ?

4 R. : Je faisais face au bâtiment dans lequel les interrogatoires se

5 déroulaient.

6 Q. : Avant de voir Dule Tadic, quelque chose a-t-il attiré votre attention

7 dans la direction où vous avez fini par l'apercevoir ?

8 R. : Oui. Mon attention a été attirée ... j'ai entendu des cris et des

9 hurlements de certains prisonniers ou détenus qui se tenaient

10 derrière le bâtiment où se déroulaient les interrogatoires. J'ai

11 entendu des cris, des hurlements, de sorte que j'ai simplement

12 regardé dans cette direction.

13 Q. : Pouvez-vous indiquer la zone générale d'où provenaient ces cris ?

14 R. : Oui. Les cris venaient d'ici, de ce côté, de là. (Le témoin indique

15 l'endroit sur le modèle).

16 Q. : Qu'avez-vous vu ensuite ?

17 R. : Après cela j'ai vu les détenus sortir. Ils étaient déjà sortis et

18 Dule Tadic se trouvait avec quelques soldats. J'ignore combien ils

19 étaient. On nous a soudain ordonné de nous allonger et nous avions

20 déjà appris que s'allonger signifiait se mettre dans une position

21 couchée. D'autres sont venus de la droite de la maison blanche, ceux

22 qui venaient de l'autre côté, de cet autre bâtiment, sont venus

23 s'étendre près de moi en ligne.

24 Q. : De sorte qu'avant de vous allonger sur le ventre sur la "pista" comme

25 on vous l'avait ordonné, vous avez vu Dule Tadic et quelques soldats

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1 sortir de derrière la cantine avec des prisonniers ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Pouvez-vous indiquer où il se trouvait quand vous l'avez aperçu pour

4 la première fois ?

5 R. : La première fois que je l'ai aperçu il se trouvait quelque part ici.

6 (Le témoin indique l'endroit sur le modèle).

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Avez-vous vu cela M. Wladimiroff ?

8 M. WLADIMIROFF : Non.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pourriez-vous indiquer de nouveau l'endroit ?

10 M. TIEGER : M. Besic, pourriez-vous indiquer l'endroit une nouvelle fois ?

11 R. : Ici, approximativement.

12 Q. : Après que vous vous soyez étendu sur la "pista", les prisonniers qui

13 avaient été amenés du coin du bâtiment de la cantine sont venus près

14 de vous ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Pouvez-vous nous montrer à nouveau où vous vous trouviez ainsi que

17 les prisonniers ?

18 R. : Oui, ici, plus ou moins. Tout cet endroit était rempli de détenus et

19 je me trouvais ici. Ceux qui sont arrivés et que j'ai mentionnés,

20 ils sont venus ici près de moi et chacun d'eux a pris la même

21 position.

22 Q. : Les prisonniers qui sont venus de derrière le restaurant se sont donc

23 placés à votre droite ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Avez-vous entendu des bruits émanant de ces prisonniers ? Vous pouvez

Page 3136

1 vous asseoir M. Besic.

2 R. : Vous voulez dire ceux allongés près de moi ?

3 Q. : Les prisonniers qui étaient venus de la direction de la cantine et

4 qui étaient étendus à votre droite - émettaient-ils des bruits ?

5 R. : Oui, ils étaient allongés autour de moi. Je pense qu'ils gémissaient

6 de douleur et j'ai levé la tête légèrement. J'ai pu voir qu'ils

7 étaient frappés, qu'on leur assénait des coups de pied, qu'on

8 sautait sur eux et Dule Tadic les frappait, sautait sur eux etc. On

9 leur a ordonné de se lever et d'avancer et ils se sont dirigés vers

10 la maison blanche où ils sont entrés. Je n'ai pas pu voir s'ils y

11 sont tous entrés ou si certains ont continué et je les ai vus les

12 poursuivre, mais je les ai vus entrer et j'ignore ce qui est arrivé

13 ensuite à ces gens. Je connaissais le nom de famille de bon nombre

14 d'entre eux. Il y avait Alic, Foric et d'autres. Je n'ai plus jamais

15 entendu parler de ces gens, j'ignore s'ils sont en vie ou non. En

16 tout état de cause, je ne les ai jamais revus.

17 Q. : Quand Dule Tadic sautait sur ces prisonniers etc., avez-vous regardé

18 plusieurs fois durant ce passage à tabac ?

19 R. : Je crois que j'ai regardé deux ou trois fois.

20 Q. : Combien de temps ce passage à tabac a-t-il duré ?

21 R. : Cela n'a pas duré longtemps mais je ne sais pas, je ne me souviens

22 pas.

23 Q. : Certains des prisonniers souffraient-ils au point de devoir être

24 transportés ?

25 R. : Oui, certains étaient si meurtris qu'ils ont dû être transportés. Je

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1 me souviens d'un jeune homme qui hurlait et d'autres devaient le

2 porter. Je veux dire que des détenus moins meurtris devaient le

3 porter et il hurlait "finissez-moi". Je crois qu'il avait la colonne

4 brisée.

5 Q. : Vous a-t-on transféré de la "pista" quelques jours après cet incident

6 ?

7 R. : Quelques jours plus tard on m'a transféré à la salle 26.

8 Q. : Etes-vous resté dans la salle 26 jusqu'à ce que la plupart des

9 prisonniers aient quitté Omarska début août ?

10 R. : Oui, je suis resté dans la salle 26 jusqu'à la fermeture du camp

11 d'Omarska.

12 Q. : Vous a-t-on transféré à Manjaca ou à Trnopolje quand la plupart des

13 prisonniers ont quitté Omarska ?

14 R. : Non, je suis resté un peu plus longtemps à Omarska en compagnie d'une

15 centaine d'autres détenus.

16 Q. : Quand la plupart des prisonniers sont partis pour Manjaca et

17 Trnopolje, les appelait-on par leur nom figurant sur des listes,

18 avant qu'ils ne montent à bord des autocars ?

19 R. : Oui, ils étaient appelés, je pense qu'ils l'étaient. Je crois qu'il y

20 avait deux groupes. Un groupe a été emmené vers les autocars et un

21 autre groupe a été envoyé à Trnopolje par la suite. Ils étaient

22 assis sur la "pista". On appelait leur nom et on les répartissait en

23 deux groupes . Je pense qu'il y avait deux groupes.

24 Q. : Y avait-il de nombreux prisonniers ... de nombreux noms appelés sont-

25 ils restés sans réponse ?

Page 3138

1 R. : Oui, la plupart d'entre eux. Quand ils appelaient les noms, ils

2 appelaient aussi les noms de ceux qui avaient disparu du camp

3 d'Omarska, ceux qui avaient été emmenés ou tués ou qui étaient morts

4 des suites des sévices. Ils ne savaient pas qui ils avaient tué. Ces

5 gens figuraient donc toujours sur la liste des vivants.

6 Q. : Combien de prisonniers sont restés à Omarska ?

7 R. : Je ne me souviens pas exactement mais je crois 182 ou 162. Je ne peux

8 pas vous dire exactement. En tout état de cause, c'est alors que la

9 Croix rouge est venue au camp d'Omarska et a relevé nos noms.

10 Q. : Que s'est-il passé cette nuit là ?

11 R. : Cette nuit là, après le départ de tous les autres - un groupe était

12 parti pour Manjaca et un autre, plus tard, pour Trnopolje et nous

13 étions restés en arrière - nous étions tous effrayés. "Tout le monde

14 est parti et nous sommes encore là. Dieu sait ce qui va nous

15 arriver" nous disions-nous. On nous a mis plus tard dans une pièce

16 derrière la cantine ou, plutôt, derrière le bâtiment où nous avions

17 été interrogés. Et après un certain temps, un gros semi-remorque est

18 arrivé. Plusieurs gardes sont venus et ont ordonné à une dizaine

19 d'entre nous de le décharger, ce que nous avons fait. Nous avons vu

20 des lits de camp et nous avons compris que quelque chose allait nous

21 arriver. Nous avons donc déchargé ces lits de camp et les avons

22 installés dans la pièce. C'est ainsi que nous avons passé la nuit.

23 Q. : Les lits sont donc arrivés cette nuit là et ont été assemblés ?

24 R. : Oui, nous n'avons pas du tout dormi. Nous les avons assemblés et, à

25 l'aube, un commandant du nom de Brk - je crois que son surnom était

Page 3139

1 Brk - est arrivé et il nous a ordonné à tous de sortir du couloir.

2 Il nous a annoncé que nous aurions ce jour là la visite de

3 journalistes et que nous étions logés à cet endroit pour ne pas

4 répéter ce qu'il allait nous dire. (sic)

5 Il nous a déclaré que nous ne pouvions pas dire que nous

6 étions incarcérés depuis plus de 20 jours. Nous devions dire que

7 nous étions logés ici, que nous avions des lits, deux repas

8 quotidiens et que nous n'avions pas subi de sévices etc.

9 Et nous avons bien eu deux repas ce jour là. Nous sommes allés

10 prendre nos repas et il y avait une énorme quantité de nourriture.

11 Nous avons chacun reçu un demi pain de sorte que nous avons vraiment

12 mangé suffisamment. Mais en fait il y avait trop de nourriture et

13 puisque nous étions tous affamés, certains d'entre nous ont été

14 malades - j'en ai fait partie - du fait de cet excès de nourriture.

15 Puis nous avons dû nettoyer toutes les salles où les détenus avaient

16 été incarcérés pour éliminer toute trace de leur séjour, tout indice

17 susceptible de révéler quelque chose.

18 Q. : Durant le nettoyage, a-t-on ordonné aux prisonniers d'enlever toute

19 trace de sang des diverses salles ?

20 R. : Oui, les ordres étaient de faire disparaître tout ce qui pouvait

21 indiquer un meurtre ou quelque chose du genre. Certains d'entre nous

22 sont allés nettoyer les salles et j'ai été affecté au nettoyage du

23 hangar. Il y avait un fil (sic) et encore quelques vestes, chaussures

24 de sport et chaussures qui avaient été abandonnées et nous avons dû

25 tout réunir. Nous avons tout chargé dans un énorme récipient puis

Page 3140

1 nous avons pris des tuyaux d'arrosage et nous avons tout lavé. Et à

2 proximité de la maison blanche, nous avons observé certains casiers

3 qu'ils enlevaient. Nous avons pensé qu'ils cherchaient à faire

4 disparaître toutes les traces de balles et autres.

5 Q. : M. Besic, l'interprétation mentionne des "serrures" (locks) dans la

6 maison blanche ?

7 R. : Des casiers ("lockers").

8 Q. : Merci. Ce point est réglé. Vous nous avez dit que Brk a annoncé que

9 des journalistes viendraient ce jour là. Savez-vous si des

10 journalistes étaient déjà venus avant le départ de la plupart des

11 prisonniers d'Omarska ?

12 R. : J'ai entendu parler de journalistes mais je ne les ai pas vus.

13 Q. : Est-ce que des femmes comptaient parmi les 160 à 180 personnes qui

14 étaient restées dans le camp ?

15 R. : Oui, il y avait cinq femmes.

16 Q. : Les a-t-on présentées aux journalistes ou les a-t-on cachées ?

17 R. : Chaque fois que des journalistes ou la Croix rouge venaient, elles

18 étaient emmenées quelque part et dissimulées aux regards, de sorte

19 qu'on ne les a jamais montrées à Omarska.

20 Q. : M. Besic, vous venez d'expliquer les conditions qui prévalaient à

21 Omarska après le départ de la plupart des détenus à destination de

22 Trnopolje ou de Manjaca et que des journalistes aient été autorisés à

23 visiter le camp. Quelles étaient les conditions à Omarska avant cela

24 ?

25 R. : Avant cela, les conditions étaient horribles. Nous ne recevions pas

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1 suffisamment de nourriture ou d'eau. Nous étions sales. L'hygiène

2 était inexistante. Nous avions des poux et souffrions de la

3 dysenterie.

4 Q. : Les détenus étaient-ils constamment maltraités ?

5 R. : Etaient-ils battus après que je sois resté en arrière ou avant ? Je

6 ne comprends pas très bien.

7 Q. : Merci. Avant le départ de la plupart des détenus d'Omarska,

8 subissaient-ils régulièrement des passages à tabac ?

9 R. : Oui, régulièrement.

10 Q. : Ces sévices étaient-ils commis quand les prisonniers allaient prendre

11 leurs repas, par exemple ?

12 R. : Oui, nous allions à la cantine par groupes de trente. Les passages à

13 tabac étaient plus fréquents que leur absence.

14 Q. : Y avait-il des femmes dans le camp en plus des hommes ?

15 R. : Oui.

16 Q. : Où étaient-elles incarcérées ?

17 R. : Durant la journée, les femmes étaient généralement assises dans la

18 cantine. Elles étaient assises là. Au moment des repas, certaines

19 d'entre elles travaillaient dans la cuisine, je ne sais pas,

20 nettoyaient.

21 Q. : Des prisonniers étaient-ils appelés des différentes salles la nuit et

22 battus ou exécutés ?

23 R. : Oui. Ils étaient appelés et emmenés; certains sont revenus et

24 d'autres pas.

25 Q. : Quelle était la nationalité des prisonniers du camp ?

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1 R. : La plupart d'entre eux étaient des Musulmans et il y avait quelques

2 Croates.

3 Q. : Quelle était la nationalité des gardes et des commandants du camp ?

4 R. : Je crois que tous les gardes et commandants du camp étaient des

5 Serbes.

6 Q. : Quel était le groupe ethnique, par exemple, de M. Radakovic qui vous

7 a interrogé ?

8 R. : Serbe, je crois.

9 Q. : M. Besic, j'aimerais que vous regardiez dans le prétoire et que vous

10 nous disiez si Dule Tadic y est présent aujourd'hui ?

11 R. : Oui, il est ici.

12 Q. : Pouvez-vous nous indiquer où il est assis, s'il vous plaît ?

13 R. : Là bas.

14 Q. : Que porte-t-il ?

15 R. : Il porte un costume et une cravate. Il est correctement vêtu, rasé,

16 ses cheveux sont peignés.

17 M. TIEGER : Le procès-verbal peut-il mentionner l'identification de

18 l'accusé ?

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pourquoi ne lui posez-vous pas davantage de

20 questions ? Il y a de nombreuses personnes ici vêtues d'un costume et

21 d'une cravate, n'est-ce pas, rasées et correctement vêtues ... Je

22 regarde un clerc.

23 M. TIEGER : Il pointait dans la direction en même temps, Madame le

24 Président mais je peux lui demander de le refaire. Monsieur,

25 pourriez-vous de nouveau pointer vers Dule Tadic, la personne que

Page 3143

1 vous avez indiquée, portant le costume et la cravate ?

2 R. : Oui.

3 Q. : Allez-y.

4 R. : Il s'agit de cette personne assise entre deux policiers. Il porte un

5 costume vert, une cravate à poix et il est rasé de près et apparaît

6 très élégant. C'est cet individu.

7 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Merci M. Besic. Vous pouvez vous asseoir.

8 Oui, le procès-verbal mentionnera que le témoin a identifié M. Tadic.

9 M. TIEGER : M. Besic, êtes-vous certain que c'est bien l'homme qui vous a

10 donné des coups de pied dans la caserne de la JNA à Prijedor et qui a

11 maltraité les prisonniers sur la "pista" dans le camp d'Omarska ?

12 R. : Absolument certain.

13 M. TIEGER : Merci, monsieur. Je n'ai pas d'autres questions, Madame le

14 Président.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : L'audience est suspendue pendant 20 minutes.

16 (15 heures 55)

17 (Brève suspension d'audience)

18 (16 heures 20)

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Niemann ?

20 M. NIEMANN : Madame, messieurs de la Cour, j'aimerais aborder la question

21 soulevée par Juge Stephen concernant la Défense territoriale.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien. Je pensais que vous alliez nous en

23 apprendre davantage à propos des témoins. Chaque fois que nous nous

24 réunissons et que vous êtes debout, je me demande "que va-t-il nous

25 dire cette fois-ci?" Bien. Ce point est facile. Parlez-nous de la

Page 3144

1 réserve de la Défense territoriale.

2 M. NIEMANN : Madame, messieurs de la Cour, il semble que la Défense

3 territoriale ait un personnel permanent, un modeste personnel

4 administratif permanent opérant dans chaque municipalité. Les

5 effectifs de la Défense territoriale sont du type unités de réserve.

6 Ce n'est probablement pas tout à fait exact de parler de "réserve"

7 parce qu'il s'agit bien en fait des effectifs de la Défense

8 territoriale qui sont mobilisés en cas d'urgence mais on doit les

9 comparer au personnel permanent qui opère constamment et,

10 apparemment, certains témoins parlent bien de "réserve".

11 JUGE STEPHEN : Merci beaucoup.

12 M. UZEIR BESIC est rappelé à la barre

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il un contre-interrogatoire de M. Besic

14 ?

15 M. Tieger, avez-vous terminé ... oui. M. Wladimiroff, très bien.

16 Parfait.

17 M. WLADIMIROFF : Oui, Madame le Président.

18 Contre-interrogatoire par M. WLADIMIROFF

19 Q. : M. Besic, vous avez été interrogé en Allemagne en 1994, n'est-ce pas

20 ?

21 R. : Oui, j'ai été interrogé en Allemagne.

22 Q. : Il ressort de la déclaration que vous avez faite aux autorités

23 allemandes qu'on vous a demandé, et je cite : "M. Besic, pouvez-vous

24 faire des déclarations sur les crimes et actes de guerre commis par

25 l'accusé Dusko Tadic dont vous avez été le témoin oculaire en dehors

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1 des deux incidents mentionnés dans vos notes ?" Vous rappelez-vous

2 que l'on vous ai posé cette question ?

3 R. : J'ai fait des déclarations indiquant que j'avais aperçu Dule Tadic

4 dans la caserne et dans le camp d'Omarska.

5 Q. : C'était, si je comprends bien, sur la base de la déclaration que vous

6 avez rédigée personnellement, vous même ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Madame le Président, j'aimerais montrer au témoin cette déclaration

9 aux fins d'identification s'il vous plaît ?

10 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce serait la pièce 15 de la Défense ...

11 M. WLADIMIROFF : Il se peut que je ne la verse pas et j'aimerais donc

12 simplement la montrer.

13 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Nous tenons néanmoins à la marquer pour

14 identification pour que nous en ayons une trace. Quel sera son numéro

15 M. Bos ? 15 ?

16 M. WLADIMIROFF : M. Besic, pourriez-vous seulement la regarder. Elle a été

17 dactylographiée. Reconnaissez-vous cette déclaration ? Il est inutile

18 que vous la lisiez en entier.

19 R. : Dans l'ensemble, oui.

20 Q. : Merci.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

22 M. TIEGER : Madame le Président, je n'ai pas eu l'occasion d'examiner

23 l'ensemble de la partie dactylographiée mais, comme l'ont indiqué

24 M. Wladmiroff et le témoin, il s'agit d'un document manuscrit rédigé

25 par le témoin. Je remarque, par exemple, dans ce document, des

Page 3146

1 citations qui ne m'apparaissent pas évidentes dans le document

2 manuscrit. Je me demande s'il ne serait pas plus clair et plus utile

3 d'utiliser le document original du témoin ?

4 M. WLADIMIROFF : Je montrerais donc le document manuscrit au témoin bien

5 que la copie ne soit pas très nette. Mais essayons.

6 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La version manuscrite est dans sa langue

7 maternelle. Dans quelle langue est la version dactylographiée ?

8 M. WLADIMIROFF : Dans sa langue maternelle.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Dans sa langue maternelle également. Nous la

10 marquerons pièce 16 de la Défense aux fins d'identification.

11 M. WLADIMIROFF : Est-ce votre écriture monsieur ?

12 R. : Oui, c'est mon écriture.

13 Q. : Merci. Pour quelle raison avez-vous rédigé cette déclaration M. Besic

14 ?

15 R. : Je l'ai écrite parce que c'est la vérité.

16 Q. : Quelqu'un vous a-t-il demandé de l'écrire ?

17 R. : Non, je l'ai fait de ma propre initiative et pendant que je rédigeais

18 ce document à Göttingen, j'étais dans un abri pour personnes

19 menacées. Je l'ai faxé ici.

20 Q. : L'avez-vous faxé spontanément ou vous a-t-on demandé de le faire ?

21 R. : Ils m'ont demandé ma déclaration parce que je leur ai dit que j'avais

22 vu Dule Tadic à cet endroit puis j'ai écrit brièvement ce qui m'était

23 arrivé, comment j'avais abouti au camp, où je l'avais aperçu etc.

24 Q. : Qui sont ces "ils"?

25 R. : Les gens qui travaillent à Göttingen.

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1 Q. : L'une de ces personnes s'appelle-t-elle Mme Fadila Memisevic ?

2 R. : Fadila Memisevic, oui.

3 Q. : Pourquoi vous a-t-elle contacté et demandé d'écrire ces notes ?

4 Avait-elle une raison particulière de vous contacter ?

5 R. : Non. En une occasion à Göttingen, nous nous sommes entretenus des

6 souffrances et je lui ai raconté mon histoire. Elle m'a dit d'écrire

7 quelque chose à ce sujet, ce que j'ai fait.

8 Q. : Vous avez donc rédigé ces notes à sa demande ?

9 R. : Pas à sa demande; à ma demande.

10 Q. : M. Besic, figurez-vous dans le film de Monika Gras ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Monika Gras ou l'un de ses collaborateurs vous ont-ils interrogé ?

13 Avez-vous été interrogé aux fins de ce film ?

14 R. : Essentiellement dans le film de Monika Gras, qui parlait des cadavres

15 à l'endroit où je me trouvais, des dépouilles, mais un groupe est

16 passé par Kozarac et c'est ainsi qu'on a découvert que j'étais en vie

17 et c'est ainsi que j'ai fini par figurer dans le film de Monika Gras.

18 Q. : Combien de fois avez-vous été interrogé par Monika Gras ?

19 R. : Deux fois je crois avant le film puis durant le tournage de celui-ci.

20 Q. : Ces interrogatoires ont-ils été diffusés dans ce film à la télévision

21 ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Est-il exact que Mme Fadila Memisevic vous a vu dans ce film et vous

24 a contacté pour cette raison ?

25 R. : Je pense qu'elle m'a vu.

Page 3148

1 Q. : Vous avez donc tout d'abord été interrogé par Monika Gras puis vous

2 avez été contacté par Mme Memisevic et vous lui avez ensuite présenté

3 vos notes. Est-ce exact ?

4 R. : Oui. J'étais à Göttingen et après cela j'ai rédigé mes notes.

5 Q. : M. Besic, vous avez également parlé au professeur Muenzel, vous

6 rappelez-vous ?

7 R. : Oui.

8 Q. : Vous a-t-il interrogé ?

9 R. : Ce n'était pas vraiment un interrogatoire; nous avons discuté.

10 Q. : Quelle a été la durée de cet entretien ?

11 R. : Je ne peux pas vous dire exactement.

12 Q. : Peut-on dire une heure, approximativement ?

13 R. : Disons une heure, peut-être plus, peut-être moins.

14 Q. : Des notes ont-elles été prises durant cette conversation ?

15 R. : Je ne sais pas. Il prenait des notes mais je ne sais pas ce qu'elles

16 contenaient.

17 Q. : Cet entretien avec le professeur Muenzel s'est-il déroulé avant ou

18 après votre interrogatoire par Monika Gras ?

19 R. : Après, je crois.

20 Q. : M. Besic, vous avez également accordé des entretiens à des

21 journalistes français, est-ce exact ?

22 R. : Je ne me souviens pas.

23 Q. : D'après votre déposition allemande, il semble que vous ayez accordé

24 un entretien à des journalistes français. Si je vous le montre, cela

25 va-t-il vous rafraîchir la mémoire ?

Page 3149

1 R. : Je crois que j'ai accordé cet entretien à Göttingen.

2 Q. : Avez-vous évoqué vos expériences avec d'autres personnes et, plus

3 spécifiquement, en ce qui concerne Dusko Tadic ?

4 R. : Non.

5 Q. : Jamais depuis votre arrivée en Croatie après votre départ de Bosnie

6 ... Vous n'avez jamais parlé de ce qui vous était arrivé sauf pour ce

7 que je viens de vous demander ?

8 R. : Je ne comprends pas très bien la question.

9 Q. : Avez-vous parlé avec d'autres personnes des événements, de ce qui

10 était arrivé en Bosnie, plus spécifiquement de Dusko Tadic, avec

11 d'autres personnes que celles que je viens de mentionner ?

12 R. : Je n'ai pas parlé de Dusko Tadic sauf avec les gens du Tribunal et

13 quand j'ai fait cette déposition en Allemagne et à Göttingen.

14 Q. : Avez-vous rencontré d'autres Musulmans de Bosnie résidant au même

15 endroit que vous, dans votre pays de résidence, et avez vous discuté

16 avec ces réfugiés des événements de Bosnie ?

17 R. : Là où j'habite, la plupart des résidents ont été détenus dans des

18 camps et tout le monde a sa propre histoire sur le camp.

19 Q. : Je suppose que vous avez échangé vos expériences, n'est-ce pas ?

20 R. : Non, nous évoquons des événements spécifiques, les conditions du camp

21 en ce qui nous concernait, si nous nous rappelons de ceci ou de cela.

22 Q. : Et ce "ceci ou cela" ne se rapporte pas aussi à Dusko Tadic ?

23 R. : Il se peut qu'on l'ait parfois évoqué.

24 Q. : M. Besic, dans votre témoignage aujourd'hui, vous avez déclaré à la

25 Cour que vous connaissez Dusko Tadic depuis Kozarac ?

Page 3150

1 R. : Oui.

2 Q. : Vous ne le connaissiez pas bien n'est-ce pas ?

3 R. : Je le connaissais suffisamment. Je ne l'ai jamais contacté. Nous

4 n'étions pas amis. Nous n'avions pas le même entourage. Il est plus

5 âgé que moi et il a son propre entourage mais je le connaissais de

6 vue. Je crois que tous les habitants de Kozarac connaissaient Dule

7 Tadic parce qu'il était célèbre.

8 Q. : Pourquoi était-il célèbre, M. Besic ?

9 R. : Il était célèbre en raison du karaté. Il enseignait le karaté et il

10 venait à l'école, au gymnase où nous nous entraînions et il

11 s'entraînait là ou il enseignait à d'autres personnes.

12 Q. : Mais dans votre déposition aujourd'hui, quand on vous a demandé si

13 vous regardiez parfois Dule Tadic et vos amis s'entraîner, vous avez

14 répondu, parfois mais très rarement.

15 R. : Oui.

16 Q. : Vous ne l'avez donc vu que rarement ?

17 R. : Non, j'assistais rarement à l'entraînement de Dule Tadic parce que je

18 ne m'intéressais guère au karaté. Quand nous étions jeunes, nous

19 regardions parfois par la fenêtre pour voir ce qu'ils faisaient dans

20 le gymnase.

21 Q. : Vous êtes plus âgé que Dusko Tadic n'est-ce pas ?

22 R. : Non, c'est faux.

23 Q. : Il est plus âgé que vous ?

24 R. : Oui.

25 Q. : Combien mesurez-vous, M. Besic ?

Page 3151

1 R. : Je ne sais pas vraiment. Je ne me suis pas mesuré depuis longtemps.

2 Je ne suis pas grand. Je suis de petite taille.

3 Q. : Revenons en à vos contacts avec d'autres réfugiés dans votre pays de

4 résidence et rappelons-nous que ce "ceci ou cela" se rapportait aussi

5 à Dusko Tadic. Avez-vous aussi discuté de l'épouse de Dusko Tadic et

6 de la composition de sa famille ? D'autres réfugiés ont-ils formulé

7 des commentaires à ce sujet ?

8 R. : Non, je n'ai jamais fait de commentaire sur son épouse et je n'ai

9 parlé de sa famille avec personne.

10 Q. : Vous rappelez-vous de l'arrestation de Dusko Tadic en Allemagne ?

11 R. : Oui, je m'en souviens un peu.

12 Q. : L'événement a fait l'objet d'une publicité considérable n'est-ce pas

13 ?

14 R. : Je l'ai regardé à la télévision.

15 Q. : Il y a eu aussi par la suite des émissions sur la famille Tadic,

16 n'est-ce pas ?

17 R. : Je ne me souviens pas de ce qui a été dit sur sa famille. J'ai

18 regardé son arrestation et certains détails sur la façon dont elle

19 s'est déroulée.

20 Q. : Bien sûr, vous avez vu le film de Monika Gras, n'est-ce pas ?

21 R. : Oui.

22 Q. : Si je vous dit, M. Besic, que Dusko Tadic ne vous connaît pas,

23 comment se fait-il que vous prétendiez le connaître ?

24 R. : J'affirme que je connais Dusko Tadic.

25 Q. : Est-il vrai que la police allemande vous a montré une photographie de

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1 Dusko Tadic lors de votre interrogatoire ?

2 R. : Oui.

3 Q. : M. Besic, revenons à la période qui a précédé le conflit en 1992.

4 Vous étiez membre de la Défense territoriale n'est-ce pas ?

5 R. : Non, je n'étais pas membre de la Défense territoriale.

6 M. WLADIMIROFF : Madame, messieurs de la Cour, j'aimerais montrer à ce

7 témoin la pièce à conviction D6, s'il vous plaît ? M. Bos, vous

8 pourriez peut-être montrer au témoin la page A1-73 ?

9 M. Besic, pouvez-vous lire ce qui est dactylographié à gauche

10 en haut de cette page ?

11 R. : Dois-je le lire ?

12 Q. : Oui, s'il vous plaît ?

13 R. : "Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, Quartier général de

14 Kozarac".

15 Q. : Ce qui est ...

16 R. : "Quartier général de la Défense territoriale à Kozarac".

17 Q. : Merci. Que peut-on lire à droite, "Besici" ?...

18 R. : Oui.

19 Q. : ...C'est votre lieu de naissance ?

20 R. : Oui.

21 Q. : Et l'endroit où vous habitiez ?

22 R. : Oui.

23 Q. : Pouvez-vous lire à la Cour le nom dactylographié à côté du No 1 ?

24 R. : "Besic Uzeir".

25 Q. : Et votre nom est également écrit à la main. C'est bien votre écriture

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1 ?

2 R. : Oui. C'est mon écriture.

3 Q. : Pourriez-vous placer ce document à droite sur l'elmo ? M. Bos ? Merci

4 M. Bos.

5 Pouvez-vous lire ce qui est écrit à côté de votre nom ? Je lis

6 quelque chose du genre "kusti" mais vous savez mieux que moi ce que

7 cela veut dire.

8 R. : On lit "Besic Uzeir" puis vient ma signature et ensuite Russian

9 Dobosar.

10 Q. : Qu'est-ce que cela veut dire ?

11 R. : Cela signifie fusil fabriqué en Russie.

12 Q. : Ce fusil vous a-t-il été remis quand vous avez signé cette liste ?

13 R. : Non.

14 Q. : Savez-vous pourquoi cette inscription figure à côté de votre nom ?

15 R. : Cela vient de la liste de la Défense territoriale à Kozarac, en cas

16 de nécessité de mobiliser tous les hommes aptes à porter les armes.

17 Ma maison était la première à Besici et je figurais donc en tête sur

18 la liste. Ils ont parcouru la liste - c'est au moins ce que je pense

19 - et je ne sais pas qui exécutait les ordres. Nous avons dû

20 signer l'ordre de mobilisation et, en cas d'insurrection ou de quelque

21 chose du genre, j'aurais alors reçu ce fusil russe.

22 Q. : Vous rappelez-vous quand vous avez signé cette fiche de mobilisation

23 ?

24 R. : Immédiatement avant l'attaque de Kozarac, peut-être un jour ou deux

25 avant.

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1 Q. : Vous venez de déclarer que, malgré l'imminence de l'attaque, vous

2 n'avez pas reçu le fusil ou l'arme de poing mentionné ici.

3 R. : Non, je ne l'ai pas reçu.

4 Q. : A droite, on voit écrit "Privatna" n'est-ce pas ?

5 R. : Oui, c'est exact.

6 Q. : Qu'est-ce que cela veut dire M. Besic ?

7 R. : Je n'en suis pas certain. Ils l'ont probablement ajouté par la suite.

8 Q. : N'est-il pas vrai que vous déteniez ce fusil chez vous à titre privé

9 ? Vous disposiez déjà de l'arme avant de signer ce document ?

10 R. : Non, ce n'est pas vrai. C'est faux. Je n'avais pas d'arme.

11 Q. : Durant votre audition aujourd'hui, l'Accusation vous a demandé et je

12 cite : "Avez-vous entendu parler d'un individu qui aurait essayé

13 d'organiser une sorte de défense?" et vous avez répondu à cette

14 question en disant, je cite de nouveau, "Oui, des gens essayaient de

15 faire quelque chose mais généralement sans succès". Vous rappelez-

16 vous ?

17 R. : Je me souviens avoir dit que des gens essayaient de faire quelque

18 chose, essayaient d'établir une défense de Kozarac mais sans succès.

19 Q. : Ces gens étaient-ils organisés ?

20 R. : Ils l'étaient mais j'ignore de quelle façon. Je n'ai assisté à aucune

21 réunion et je ne sais donc pas de quoi ils parlaient et s'ils étaient

22 organisés avec la police ou la Défense territoriale. Je ne sais

23 vraiment pas.

24 Q. : M. Besic, puis-je vous demander maintenant d'examiner votre propre

25 déclaration. Vous pouvez utiliser celle qui est dactylographiée ou la

Page 3155

1 manuscrite si vous préférez. Pourriez-vous examiner un passage qui

2 ... non, ce n'est pas dans votre déclaration manuscrite, excusez-moi.

3 C'est dans votre interrogatoire par les autorités allemandes et je

4 vais donc vous lire cet extrait. Ce n'est pas dans votre déclaration.

5 Vous dites dans votre déposition aux autorités allemandes et

6 je cite : "Un ancien officier de l'armée yougoslave, un Musulman

7 appelé Sead Cirkin, a créé un petit groupe doté d'un armement léger,

8 composé de membres des unités de la Défense territoriale et de

9 volontaires et voulait s'opposer aux Serbes". Vous rappelez-vous

10 avoir fait cette déclaration aux autorités allemandes ?

11 R. : Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas avoir fait ce genre de

12 commentaire ?

13 Q. : Connaissez-vous Sead Cirkin ?

14 R. : Oui.

15 Q. : Qui est-ce ?

16 R. : Sead Cirkin. Je ne le connaissais pas avant la guerre. Je pense qu'il

17 était dans l'armée. J'ai entendu parler de lui. Je l'ai vu à

18 plusieurs reprises à Kozarac, c'est tout, et au camp de Manjaca.

19 Q. : Avez-vous entendu dire qu'il avait organisé un petit groupe

20 légèrement armé composé de membres de la Défense territoriale et de

21 volontaires ?

22 R. : J'ai entendu dire qu'il avait organisé quelque chose, essayé

23 effectivement d'organiser une défense de Kozarac, mais que ce soit

24 dans le cadre de la Défense territoriale ou de la police, je

25 l'ignore.

Page 3156

1 Q. : Je vous le demande de nouveau, M. Besic, apparteniez-vous à ce groupe

2 de Sead Cirkin ?

3 R. : Non, je n'appartenais pas à ce groupe.

4 Q. : Ce groupe était-il aussi actif sous le commandement de Sead Cirkin

5 dans la région de Hambarine ?

6 R. : Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.

7 Q. : Avez-vous dit la vérité aux autorités allemandes quand elles vous ont

8 interrogé ?

9 R. : Je pense que je dis la vérité et rien que la vérité.

10 Q. : Mais avez-vous dit la vérité en cette occasion en 1994 quand vous

11 avez été interrogé par les autorités allemandes ?

12 R. : Bien sûr.

13 Q. : Comment ce fait-il alors que, dans votre déclaration aux autorités

14 allemandes, vous ayez dit que Sead Cirkin organisait ou établissait

15 un petit groupe légèrement armé, composé de membres de la Défense

16 territoriale et de volontaires. Avez-vous dit la vérité en cette

17 occasion ?

18 R. : Oui. J'ai bien mentionné Sead Cirkin. Je pense que je l'ai mentionné.

19 Q. : M. Besic, dans votre témoignage aujourd'hui vous avez dit à la Cour

20 qu'après avoir été arrêté et emmené au village de Besici, on vous a

21 demandé de monter à bord d'un fourgon qui vous a emmené à Prijedor.

22 Vous rappelez-vous ?

23 R. : Non, je ne suis pas monté dans le fourgon à Besici.

24 Q. : Où était-ce alors ?

25 R. : C'était à Rajkovici.

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1 Q. : Et de là, ce fourgon vous a transporté à Prijedor n'est-ce pas ?

2 R. : J'ai été passé à tabac, attaché avec du fil de fer. On m'a demandé

3 d'identifier un jeune garçon attaché à un arbre puis on nous a fait

4 monter dans un fourgon et on nous a emmené à la caserne de Prijedor.

5 Q. : Vous avez témoigné aujourd'hui que vous avez pu voir que vous vous

6 dirigiez vers Prijedor et que vous êtes arrivés à une caserne de la

7 JNA ?

8 R. : Oui.

9 M. WLADIMIROFF : J'aimerais montrer une carte au témoin aux fins

10 d'identification et je la verserais au dossier ultérieurement.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ce sera donc la pièce 17 de la Défense.

12 M. WLADIMIROFF : Vous pourriez peut-être la placer sur l'elmo ensuite ?

13 Pouvez-vous d'abord la montrer au témoin et ensuite ... M. Besic,

14 pouvez-vous nous dire ce que cette carte représente ?

15 R. : Cela ressemble à une carte de Prijedor, je ne sais pas.

16 M. WLADIMIROFF : Oui. Je verse cette carte, Madame le Président. J'ai fait

17 des copies supplémentaires non seulement pour l'Accusation mais aussi

18 pour vous.

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Des objections M. Tieger ?

20 M. TIEGER : Pas en principe. J'aimerais d'abord voir la carte.

21 M. WLADIMIROFF : Bien sûr.

22 M. TIEGER : Non, pas d'objection Madame le Président.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La pièce 17 de la Défense est admise.

24 M. WLADIMIROFF : M. Besic, si vous pouvez vous orienter sur cette carte,

25 pouvez-vous nous y montrer où vous êtes entré dans Prijedor à bord de

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1 ce fourgon ?

2 R. : Sur cette carte ?

3 Q. : Sur cette carte, s'il vous plaît. Si vous pouvez déchiffrer la carte,

4 pourrait-on la placer sur le rétroprojecteur s'il vous plaît ?

5 R. : Cette carte n'est pas très claire. Je peux expliquer où je suis

6 entré, en provenance de quelle direction mais je ne peux pas le

7 montrer sur cette carte.

8 Q. : Pouvez-vous repérer la caserne sur la carte ?

9 R. : Pas sur cette carte.

10 Q. : Pouvez-vous alors nous décrire comment vous êtes arrivé à Prijedor

11 dans ce fourgon et où se situe approximativement la caserne ?

12 R. : Je suis arrivé à Prijedor dans ce fourgon et je pouvais voir

13 l'extérieur par les fenêtres. Je connais la route. Quand nous sommes

14 entrés à Prijedor nous avons tourné à droite vers Bosanska Dubica.

15 Q. : Arrêtons-nous ici un instant. Vous êtes entré à Prijedor par le nord

16 ou en provenance d'une autre direction ?

17 R. : De la direction de Kozarac.

18 Q. : Bien. Le véhicule avait donc emprunté la route principale ?

19 R. : Oui, la route principale Banja Luka/Prijedor.

20 Q. : Etait-ce la nouvelle ou l'ancienne route ?

21 R. : Qu'entendez-vous par là ?

22 Q. : Etait-ce la nouvelle route ou l'ancienne route venant de Kozarac ?

23 R. : L'autoroute Banja Luka/Prijedor.

24 Q. : Bien, et en entrant dans la ville de Prijedor, êtes-vous passé devant

25 l'usine de Keraterm ?

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1 R. : Probablement mais je n'ai pas fait attention.

2 Q. : Si vous examinez cette carte de nouveau et si vous regardez à droite

3 sur la carte, voyez-vous une route partant sur le côté droit ?

4 R. : Je ne vois pas réellement. Je suis perdu avec cette carte.

5 Q. : Essayons de nouveau. Vous êtes entré de l'extérieur dans la ville de

6 Prijedor. Où vous a-t-on emmené ensuite ? Où vous trouviez-vous à

7 Prijedor quand vous y êtes entré ?

8 R. : De Kozarac nous avons pris la route principale reliant Banja Luka et

9 Prijedor. Nous nous sommes dirigés vers Prijedor. Je sais que nous

10 sommes entrés dans Prijedor et que nous avons atteint la caserne.

11 Quand nous sommes arrivés, je sais que je me trouvais dans la caserne

12 de Prijedor.

13 Q. : Etes-vous jamais entré auparavant dans cette caserne de Prijedor ?

14 R. : Non. Je ne suis jamais allé dans la caserne à Prijedor. Je n'ai fait

15 que passer devant.

16 Q. : Vous connaissiez donc l'emplacement de la caserne ? Vous l'aviez vue

17 auparavant ?

18 R. : Je connaissais la caserne parce que je passais devant soit en autocar

19 soit en automobile quand je me rendais en Croatie en passant par

20 Bosanska Dubica. Je prenais souvent cette route.

21 Q. : Cette caserne est-elle dans le centre ou à la périphérie de Prijedor

22 ?

23 R. : La caserne n'est pas dans le centre de la ville. Elle est située dans

24 le quartier qui, je crois, s'appelle Puharska.

25 Q. : Où se trouve-t-il à Prijedor, au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest ?

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1 R. : La caserne est sur la route allant vers Puharska, dans la direction

2 de Bosanska Dubica.

3 Q. : Vous ne savez pas si c'est au nord, à l'ouest, au sud ou à l'est ?

4 R. : Je n'ai vraiment aucun sens de l'orientation.

5 Q. : Est-ce un problème relatif aux cartes ou est-ce un problème général

6 d'orientation ?

7 R. : J'ai des problèmes avec l'endroit.

8 Q. : Je vois. Vous avez déclaré que vous êtes arrivé à la caserne le 3

9 juin, est-ce exact ?

10 R. : Oui, je suis arrivé à la caserne le 3 juin.

11 Q. : Vous avez aussi déclaré que vous avez été amené à la caserne puis

12 qu'on vous a donné l'ordre de vous arrêter dans un couloir et de vous

13 tenir contre le mur.

14 R. : Oui, on m'a ordonné d'entrer dans un couloir et de me tenir contre un

15 mur de ce couloir.

16 Q. : Face au mur ?

17 R. : Oui.

18 Q. : Etiez-vous seul ?

19 R. : Non, il y avait les deux autres personnes qui étaient arrivées avec

20 moi de Rajkovici.

21 Q. : Où se tenaient-elles ?

22 R. : J'étais le premier, puisque j'étais entré le premier, et ils étaient

23 à côté de moi.

24 Q. : Un de chaque côté ou tous les deux du même côté ?

25 R. : Je me tenais à droite et ils étaient tous les deux à gauche vers

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1 l'entrée.

2 Q. : Vous avez ensuite été battu par les soldats pendant que vous vous

3 teniez dans le couloir ?

4 R. : Ils nous ont asséné des coups de matraque dans le dos et sur les

5 épaules pendant que nous nous trouvions là.

6 Q. : Vous avez donc tous les trois été frappés ?

7 R. : J'ai été battu de même qu'un autre mais je ne suis pas tout à fait

8 certain en ce qui concerne le jeune garçon. Je le crois mais je n'en

9 suis pas sûr.

10 Q. : Où vous a-t-on frappé ? Au visage ?

11 R. : Non, pas au visage. Ils nous ont frappé dans le dos et sur les

12 épaules.

13 Q. : Vous avez ensuite déclaré que vous vous êtes effondré sur les genoux,

14 est-ce exact ?

15 R. : Non, je ne me suis pas évanoui. Je me suis simplement effondré.

16 Q. : Vous étiez à genoux ?

17 R. : Oui. Je suis tombé à genoux et je m'appuyais contre un mur.

18 Q. : La tête vous tournait-elle ?

19 R. : Je ne pense pas.

20 Q. : Avez-vous beaucoup souffert du passage à tabac ?

21 R. : Oui, c'était douloureux mais je me débattais, je voulais vivre.

22 Q. : Avez-vous reçu des blessures ? Avez-vous été blessé ?

23 R. : Non

24 Q. : Vous aviez peur n'est-ce pas ?

25 R. : Oui, nous étions effrayés. J'avais peur mais je n'étais pas blessé.

Page 3162

1 L'ami qui était avec moi et l'autre, il a été blessé à la jambe.

2 Q. : Où se trouvaient les soldats quand ils ont arrêté de vous frapper ?

3 R. : Je suis tombé après qu'ils m'aient asséné ces coups de matraque. J'ai

4 aussi reçu quelques coups de pied puis je ne sais pas où ils sont

5 allés.

6 Q. : Vous n'avez pas remarqué parce que vous étiez meurtri ?

7 R. : Non, ils étaient derrière moi.

8 Q. : Pendant que vous faisiez face au mur vous ne pouviez donc pas voir ce

9 qui se passait derrière vous ?

10 R. : Je ne pouvais pas voir ce qui se passait sur ma gauche.

11 Q. : Vous ne pouviez pas voir ce qui se trouvait sur votre gauche. Les

12 deux autres personnes se trouvaient sur votre gauche, n'est-ce pas ?

13 R. : Oui.

14 Q. : Avez-vous vu si elles étaient frappées ?

15 R. : J'ai entendu des cris de douleur. On pouvait entendre les coups de

16 matraque et j'ai appris plus tard qu'ils avaient été battus mais

17 c'était chacun pour soi.

18 Q. : Vous avez dit dans votre déclaration qu'après cet incident vous avez

19 vu Dusko Tadic sortir d'une pièce pendant que vous vous teniez dans

20 le couloir ou que vous étiez sur le sol ?

21 R. : J'ai dit que j'ai vu Dule Tadic pendant que j'étais à genoux, la tête

22 contre un mur et tournée vers la droite. Puis Dule Tadic est sorti

23 d'une pièce et s'est dirigé vers la sortie de ce bâtiment.

24 Q. : Dusko Tadic est sorti d'une pièce et vous vous dirigiez vers la

25 sortie de ce bâtiment à ce moment là. Est-ce bien ce que vous dites ?

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1 R. : Non, je ne bougeais pas.

2 Q. : Vous étiez donc seulement à cet endroit, à genoux ?

3 R. : Oui, avec la tête contre le mur et tournée vers la droite.

4 Q. : Où se trouvait la pièce dont est sorti Dusko Tadic pour entrer dans

5 le couloir ?

6 R. : Elle se trouvait à droite. Je ne peux pas dire exactement de quelle

7 pièce il s'agissait mais il est sorti de l'une des pièces.

8 Q. : Quand il est sorti, il est passé derrière votre dos n'est-ce pas ?

9 R. : Il se dirigeait vers nous et lorsqu'il est passé il m'a délivré

10 plusieurs coups de pied au corps avant de sortir pour aller je ne

11 sais où. Je ne l'ai pas revu.

12 Q. : Il vous a délivré des coups de pied, c'est bien cela ?

13 R. : Oui, avec ses pieds.

14 Q. : M. Besic, pourriez-vous examiner votre déclaration écrite ou la

15 version dactylographiée, celle que vous préférez ? Elle est sur la

16 table. Pouvez-vous l'examiner s'il vous plaît ? Pourriez-vous

17 maintenant regarder le paragraphe qui commence par "Puis le 3 juin

18 ils nous ont emmené, c'est-à-dire moi et les deux autres personnes,

19 au village de Rajkovici". L'avez-vous trouvé ?

20 R. : Oui, je l'ai. Bien.

21 Q. : Si vous descendez, vous verrez quelque sept lignes plus bas - je ne

22 sais pas si c'est exactement la même chose dans la version manuscrite

23 - "Ils nous ont attaché tous les deux avec du fil de fer barbelé et

24 nous ont emmené directement à la caserne de Prijedor". Avez-vous

25 trouvé ce passage ?

Page 3164

1 R. : "... directement à la caserne de Prijedor". Oui. Exact.

2 Q. : Pourriez-vous garder votre doigt à cet endroit pour ne pas perdre ce

3 passage ? Je reprends ... vous étiez donc à genoux dans le couloir,

4 Dusko Tadic est sorti d'une pièce, il est passé près de vous et vous

5 a asséné des coups de pied, est-ce exact ?

6 R. : Il n'est pas passé près de moi. C'est faux mais avant qu'il me passe,

7 il m'a asséné des coups de pied.

8 Q. : A-t-il administré des coups de pied également aux deux autres

9 personnes ou seulement à vous ?

10 R. : Je ne me souviens pas qu'il les ait frappés.

11 Q. : Reprenons à l'endroit que marque votre doigt. La phrase suivante

12 commence ainsi : "Quand nous y sommes arrivés, ils nous ont accusé"

13 ... avez-vous trouvé ?

14 R. : Quand nous sommes arrivés à la caserne.

15 Q. : Pourriez-vous passer à la ligne suivante et me la lire s'il vous

16 plaît ?

17 R. : "... ils nous ont accusé tous les deux du meurtre d'enfants serbes et

18 de viol".

19 Q. : La ligne suivante s'il vous plaît ?

20 R. : "Puis ils nous ont de nouveau frappé tous les deux".

21 Q. : Et la suivante s'il vous plaît ?

22 R. : "Ils nous ont battu et passé à tabac dans un couloir; Dule Tadic, en

23 tenue camouflée, est sorti d'une pièce et après cela l'interrogatoire

24 sous les coups a commencé". Dois-je continuer ?

25 Q. : Oui, s'il vous plaît.

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1 R. : "Vers la fin de cet interrogatoire on m'a amené une sorte de

2 déclaration à signer disant que j'avais participé à l'insurrection

3 armée contre les Serbes dans la caserne de Prijedor. Je ne

4 connaissais personne sauf Dule Tadic".

5 Q. : Merci. Ma traduction parle de "il" en faisant référence à Dusko

6 Tadic, disant "il nous a frappé également au visage et nous a donné

7 des coups".

8 R. : Non, il ne nous a pas frappé au visage ou donné de coups. Ils l'ont

9 écrit, pas moi.

10 Q. : Pouvez-vous nous relire cette phrase, celle que vous avez écrite ?

11 R. : Oui, ils nous ont accusé tous les deux de meurtre.

12 Q. : Pourriez-vous reprendre à l'endroit où vous dites que Dule Tadic est

13 sorti d'une pièce ? Pourriez-vous commencer là s'il vous plaît ?

14 R. : ""Dule Tadic, en tenue camouflée, est sorti d'une pièce et nous a

15 frappé. Après cela l'interrogatoire sous les coups a commencé. Vers

16 la fin de cet interrogatoire ..."

17 Q. : "Il nous a frappé" et, dit-on dans vos notes, "il nous a frappé au

18 visage" ?

19 R. : Non, ce n'est pas mentionné et il est faux qu'il nous ait frappé au

20 visage. Je le maintiens.

21 Q. : Merci. Après cela M. Besic on vous a emmené au camp d'Omarska ?

22 R. : Pas au camp d'Omarska mais au camp de Keraterm. De la caserne je suis

23 allé au camp de Keraterm.

24 Q. : C'est exact. Mon erreur. Après Keraterm vous avez été transféré au

25 camp d'Omarska n'est-ce pas ?

Page 3166

1 R. : Oui, après quelque temps j'ai été transféré de Keraterm au camp

2 d'Omarska.

3 Q. : Vous avez parlé de la "pista" à la Cour et vous avez montré son

4 emplacement sur le modèle qui est devant vous.

5 R. : Oui, j'ai montré où se trouvait la "pista" sur le modèle.

6 Q. : Pouvez-vous nous dire de nouveau dans quelle direction vous regardiez

7 quand vous étiez assis sur la "pista" ?

8 R. : Je regardais vers le bâtiment dans lequel se déroulait les

9 interrogatoires et vers la cantine.

10 Q. : Dans quelle direction regardiez-vous quand vous étiez allongé sur le

11 béton ?

12 R. : Quand nous étions étendus sur le béton, sur la "pista", nous faisions

13 face au hangar.

14 Q. : Si vous faisiez face à la cantine, étiez-vous autorisés à regarder

15 autour de vous ou vous ordonnait-on de ne regarder que dans la

16 direction de la cantine ?

17 R. : On ne nous ordonnait pas de ne regarder que dans une direction. On

18 pouvait jeter un coup d'oeil ici et là quand nous étions assis. Cela

19 dépendait parfois de l'humeur des gardes quand nous étions allongés

20 sur la "pista".

21 Q. : Je ne vous demande pas quand vous étiez étendus mais quand vous étiez

22 assis. Etiez-vous autorisés, quand vous étiez assis, à regarder dans

23 une autre direction, c'est-à-dire à ne pas regarder dans celle de la

24 cantine ?

25 R. : Nous regardions essentiellement vers la cantine. Vous pouviez

Page 3167

1 regarder à droite et à gauche. On ne pensait pas vraiment à ce que

2 les autres faisaient, à ce qu'ils regardaient.

3 Q. : Etiez-vous autorisés à regarder autour de vous quand vous étiez

4 allongés ?

5 R. : Cela dépendait comment vous étiez étendus et dans quelle direction

6 votre tête était tournée.

7 Q. : Vous avez témoigné aujourd'hui qu'en certaines occasions on vous

8 ordonnait de vous allonger quand des passages à tabac avaient lieu ou

9 que quelqu'un procédait à un interrogatoire. Vous souvenez-vous de

10 cela ?

11 R. : On nous ordonnait de nous allonger, en particulier durant les

12 incidents où quelqu'un était sauvagement passé à tabac ou quand

13 quelqu'un venait de l'extérieur ou si on sortait un cadavre de la

14 salle des interrogatoires et des choses de ce genre. On nous

15 ordonnait alors de nous étendre pour que nous ne puissions pas voir.

16 Q. : Vous ne pouviez donc pas voir l'événement se dérouler ?

17 R. : Probablement de façon à ce qu'on ne puisse pas voir ce qui se

18 passait, en fonction des circonstances. (sic)

19 Q. : Dans le cas des passages à tabac, quand on vous ordonnait de vous

20 allonger, je suppose que tout le monde obéissait strictement à cet

21 ordre pour ne pas avoir de problème n'est-ce pas ?

22 R. : Je ne comprends pas très bien la question ?

23 Q. : S'il y avait des passages à tabac sur la "pista" et qu'on vous

24 ordonnait de vous étendre, personne ne devait regarder autour pour ne

25 pas courir le risque d'en devenir la victime ?

Page 3168

1 R. : Oui. Dans le cas de passages à tabac, oui, nous étions dans la

2 position allongée, nous étions étendus sur le ventre, et on pouvait

3 peut-être jeter un coup d'oeil de côté, en fonction des coups. Quand

4 nous étions allongés sur la piste, la tête n'était pas baissée, nous

5 n'avions pas le nez collé au sol. Elle était tournée d'un côté ou de

6 l'autre.

7 Q. : Avez-vous entendu dire que des détenus avaient été punis pour avoir

8 regardé autour d'eux après avoir reçu l'ordre de s'allonger la face

9 contre le béton ?

10 R. : Je ne me souviens pas de cas pareils. Je pense qu'il y en a eu mais

11 je ne me souviens pas d'un cas particulier.

12 Q. : Vous nous avez dit aujourd'hui que lorsque vous étiez sur la "pista",

13 votre attention avait été attirée par des bruits émanant de la

14 direction de la cantine. Est-ce exact ?

15 R. : Derrière la cantine.

16 Q. : Oui. Qu'aviez-vous à l'esprit à ce moment là ? Pensiez-vous à des

17 passages à tabac ? Avez-vous associé ces sons à un passage à tabac ?

18 R. : Je les ai associés à un passage à tabac. Quand j'ai entendu ces sons,

19 j'ai su que quelqu'un était frappé, qu'on assénait des coups puis

20 vous pouviez entendre des cris de douleur ou des hurlements et ils se

21 sont ensuite mis à courir sur la "pista". C'est ainsi que j'ai jeté

22 un coup d'oeil dans la direction d'où ils venaient.

23 Q. : On vous a alors ordonné de vous étendre le visage à terre ?

24 R. : Avant cela j'ai aperçu ce groupe en train de courir. Cela s'est passé

25 très vite et c'est alors que j'ai aperçu Tadic et quelques autres

Page 3169

1 soldats, puis est venu l'ordre de s'allonger.

2 Q. : Vous vous êtes donc étendu n'est-ce pas ?

3 R. : Oui.

4 Q. : Face au sol ?

5 R. : Oui.

6 Q. : Puis le groupe est passé en courant près de vous ?

7 R. : Ce groupe de détenus ... Il y avait une pièce près de moi à ma droite

8 parce que je me trouvais au bout et je pense qu'ils ont aussi reçu

9 l'ordre de s'étendre sur la "pista" dans la position prostrée.

10 Q. : Est-ce que des gardes se tenaient dans votre voisinage ?

11 R. : Je ne me souviens pas s'il y avait des gardes près de moi.

12 Q. : Auriez-vous couru le risque de devenir une victime de ces passages à

13 tabac ?

14 R. : Je ne comprends pas ce que vous entendez par "risque" ?

15 Q. : Auriez-vous fait quoi que ce soit qui vous aurait fait courir le

16 risque de vous trouver pris dans ces passages à tabac ?

17 R. : Je ne sais pas.

18 Q. : Vous seriez-vous levé pour voir ce qui se passait ?

19 R. : Non, je ne me serais sûrement pas levé.

20 Q. : Vous seriez-vous assis pour voir ce qui se passait ?

21 R. : Non, je ne me serais pas assis. Debout ou assis, le risque aurait été

22 considérable.

23 Q. : Auriez-vous levé la tête pour regarder aux alentours ?

24 R. : Je levais la tête légèrement.

25 Q. : Vous avez couru le risque en levant légèrement la tête ?

Page 3170

1 R. : A ce moment là je ne pensais pas vraiment au risque.

2 Q. : Pendant que d'autres étaient battus ?

3 R. : Cela m'intéressait. Je voulais confirmer de nouveau qui était là.

4 Q. : M. Besic, je suggère que vous n'avez pas regardé parce que vous aviez

5 peur de devenir une victime du passage à tabac et qu'on vous a

6 raconté cette histoire ?

7 R. : Je ne pense pas avoir donné une fausse déclaration. Je vous dit

8 exactement ce qui s'est passé.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, passez-vous à un autre

10 domaine ?

11 M. WLADIMIROFF : Il me reste deux questions à poser avant d'en terminer.

12 M. Besic, connaissez-vous quelqu'un s'appelant Danicic ?

13 R. : Non.

14 Q. : Etiez-vous entré dans ce prétoire avant d'y venir aujourd'hui pour

15 témoigner ?

16 R. : Si je suis déjà entré dans le prétoire ?

17 Q. : Oui, vous a-t-on présenté le prétoire avant de témoigner aujourd'hui

18 ?

19 R. : Oui, on m'a montré le prétoire.

20 Q. : Et vous a-t-on expliqué où siégeraient les parties, les Juges, la

21 Défense, l'Accusation, l'accusé ?

22 R. : On m'a montré où siégeraient les Juges, la Défense mais pas où se

23 trouverait l'accusé ?

24 Q. : Vous a-t-on indiqué où siégerait l'Accusation ?

25 R. : Voulez-vous dire la Défense de Tadic ?

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1 Q. : Non, l'Accusation.

2 R. : L'Accusation ? Oui, on me l'a montré.

3 Q. : Où pensez-vous que Tadic siégerait, aux côtés de la Défense ou aux

4 côtés de l'Accusation ?

5 R. : Je ne m'attendais à rien, je ne savais pas où il se trouverait.

6 J'ignorais où il allait s'asseoir.

7 M. WLADIMIROFF : Merci. Je n'ai pas d'autres questions madame, messieurs

8 de la Cour.

9 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

10 M. TIEGER : Merci, Madame le Président.

11 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Voyons si nous pouvons en terminer avec ce

12 témoin.

13 M. TIEGER : Permettez-moi d'évoquer un point rapidement, si je peux me

14 permettre, avant d'interroger de nouveau le témoin et je peux peut-

15 être poser la question à la Défense par l'intermédiaire de la Cour.

16 Je veux être certain qu'il n'y a pas la moindre suggestion

17 d'inexactitude dans la lecture de sa déclaration par le témoin telle

18 qu'interprétée pour cette Cour; dans le cas contraire, j'aimerais

19 qu'une personne indépendante en fasse la relecture. Je ne veux pas

20 qu'on revienne sur ce point. Quand il a lu les passages à propos

21 desquels M. Wladimiroff a insisté qu'il disposait d'une autre

22 traduction, d'une mauvaise traduction en l'occurrence.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, il semble que votre

24 traduction en anglais telle que je vous ai entendu la lire puis la

25 façon dont le témoin a lu le texte dans sa langue - il semble qu'il y

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1 ait une différence.

2 M. WLADIMIROFF : Oui.

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger veut donc vous demander de convenir

4 que le témoin a lu sa déclaration correctement et que votre

5 traduction était seulement différente.

6 M. WLADIMIROFF : Oui. La traduction qui m'a été fournie par le Tribunal

7 semble être la traduction de la version dactylographiée de la

8 déclaration. Il semble qu'il y ait une différence entre les versions

9 dactylographiée et manuscrite mais, à ce stade, je dirais que je

10 vérifierais moi-même s'il existe une différence en ce qui concerne

11 cette phrase spécifique. Je crois comprendre qu'il y a une

12 différence.

13 M. TIEGER : La version dactylographiée n'est pas différente.

14 M. WLADIMIROFF : Elle n'est pas différente ? Dans ce cas alors la

15 traduction était incorrecte mais je le vérifierais également.

16 M. TIEGER : On peut, certes, vérifier cela plus tard. Je voulais seulement

17 que tout le monde soit convaincu que la lecture était correcte et il

18 semble que M. Wladimiroff soit d'accord.

19 M. WLADIMIROFF : Je suppose que la lecture était correcte parce que j'ai

20 lu en même temps que le témoin à partir de la version dactylographiée

21 mais je vérifierais également avec la version manuscrite. Il y a donc

22 apparemment une différence.

23 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, êtes-vous satisfait ou voulez-vous

24 régler la question différemment ? Nous n'avons pas à nous précipiter

25 sur ce point. Nous pouvons rappeler le témoin demain, comme vous

Page 3173

1 voulez.

2 M. TIEGER : A ce stade je ne vois pas comment le résoudre autrement. Un

3 examen de la version manuscrite montre clairement que les termes sont

4 exactement identiques à ceux de la version dactylographiée mais je ne

5 peux pas imposer cette conclusion à M. Wladimiroff s'il s'inquiète de

6 différences potentielles.

7 M. WLADIMIROFF : En fait, il a lu ce qu'il a lu. Je conviens qu'il n'a

8 rien lu d'autre.

9 M. TIEGER : Parfait. Il a lu sa version manuscrite.

10 M. WLADIMIROFF : Bien. je vérifierais cela au moins par rapport à la

11 version dactylographiée. C'est la même mais la vraie question ici est

12 de déterminer la qualité de la traduction. Je ne peux pas faire

13 d'observations à ce stade.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : La déclaration manuscrite en serbo-croate est

15 la même que la version dactylographiée en serbo-croate. La différence

16 est dans la traduction en anglais. Bien. Etes-vous satisfait ?

17 M. TIEGER : Oui.

18 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Les versions manuscrite et dactylographiée en

19 serbo-croate sont identiques.

20 M. TIEGER : Et le témoin a lu in extenso à partir de sa déclaration

21 manuscrite.

22 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Il a lu ce qui figurait dans la déclaration

23 manuscrite en serbo-croate, est-ce exact ? Bien.. Parfait.

24 Nouvel interrogatoire de M. TIEGER

25 M. TIEGER : Quelques questions seulement, M. Besic. M. Wladimiroff vous a

Page 3174

1 posé quelques questions à propos de Sead Cirkin. Le fait est,

2 M. Besic, que vous avez expressément mentionné Sead Cirkin aux

3 allemands, n'est-ce pas, au moins d'après la déclaration rédigée par

4 eux.

5 R. : Oui, je pense que je l'ai mentionné.

6 Q. : Avez-vous aussi dit aux autorités allemandes que les Musulmans de

7 Kozarac voulaient une solution pacifique au conflit ?

8 R. : Oui.

9 Q. : Avez-vous déclaré également que, quels qu'aient été les projets de

10 Sead Cirkin, vous ne pouviez pas préciser les effectifs de son

11 groupe, par exemple.

12 R. : Je ne pouvais pas les estimer mais je pense qu'ils n'étaient pas

13 nombreux.

14 Q. : En fait, quand la guerre, quand l'attaque de Kozarac a eu lieu, vous

15 n'avez constaté aucun élément d'une défense qui aurait été organisée

16 à l'avance ?

17 R. : Non, je n'ai rien vu. Quand l'attaque de Kozarac a commencé, il était

18 impossible de défendre Kozarac et je pense qu'il n'y a eu aucune

19 forme de défense.

20 Q. : En tout état de cause, vous n'avez pas essayé de dissimuler Sead

21 Cirkin aux autorités allemandes et vous le leur avez mentionné

22 explicitement, ce qui est indiqué dans la déclaration allemande. Est-

23 ce exact ?

24 R. : Oui, quelque chose comme cela.

25 Q. : M. Wladimiroff vous a aussi demandé si les autorités allemandes vous

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1 ont montré une photographie de Dule Tadic. Vous rappelez-vous de

2 cette question ?

3 R. : S'ils m'ont montré une photographie de Dule Tadic ?

4 Q. : Il vous a posé cette question, n'est-ce pas, et vous lui avez répondu

5 que vous aviez vu une photographie de Dule Tadic ?

6 R. : Oui, il y avait une photographie je crois.

7 Q. : Il ne vous a rien demandé à propos d'autres photographies qu'on vous

8 aurait montrées. On vous a montré une série de photographies de gens

9 et demandé si vous reconnaissiez Dule Tadic parmi eux ?

10 R. : Non, non. Il y avait plusieurs photographies, je ne sais pas

11 exactement combien et on m'a demandé d'indiquer les gens que je

12 connaissais, de les montrer. Parmi ces photographies, il y en avait

13 aussi une de Tadic.

14 Q. : Vous rappelez-vous s'il y avait ou non au moins 14 photos puisque le

15 chiffre 14 est inscrit près de la sienne dans la déclaration ?

16 R. : Je ne me souviens pas quel chiffre elle portait.

17 Q. : M. Besic, par curiosité, savez-vous quel type de fusil est un Ruski

18 Dobosar ?

19 R. : Oui, je le sais. J'en ai vu à l'armée. Les membres de la Défense

20 territoriale en étaient dotés. La Défense territoriale à Kozarac en

21 était équipée, du Ruski Dobosar. C'est un fusil à canon court avec un

22 barillet de balles, quelque chose comme ça.

23 Q. : De quand date ce fusil ? Est-il plus ancien que le M-48 par exemple ?

24 R. : Je pense qu'il est plus ancien.

25 Q. : M. Besic, puis-je vous demander de regarder une nouvelle fois la

Page 3176

1 pièce à conviction de la Défense, la page de la pièce à conviction 6

2 de la Défense qu'on vous a montrée ? En regardant cette liste de 38

3 personnes qui étaient en vie à Besici quelques jours avant l'attaque,

4 pouvez-vous nous donner les noms des personnes figurant sur cette

5 liste qui sont mortes ou qui n'ont jamais été revues par leurs amis

6 ou familles depuis l'attaque de Kozarac ou leur internement dans des

7 camps ?

8 R. : Oui, je le peux. J'aimerais ne pas mentionner le nom des gens. Je

9 mentionnerais seulement le numéro parce que je sais que des parents

10 cherchent encore leurs enfants et je ne suis par certain en ce qui

11 les concerne tous. Je sais avec certitude que certains sont morts

12 mais le décès de certains autres n'est pas confirmé et il y a

13 toujours l'espoir qu'ils réapparaîtront.

14 Q. : C'est une excellente suggestion. Je suis sûr qu'il n'y a pas

15 d'objection.

16 M. WLADIMIROFF : En fait, je n'ai pas d'objection à ce qu'il mentionne un

17 chiffre en tant que tel mais mon problème concerne la possibilité

18 pour ce témoin de répondre à cette question. Comment peut-il savoir ?

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Cela touche le fond et vous pourrez

20 l'interroger à votre tour et je repousse votre objection sur ce

21 motif. Mais cela excède indéniablement le champ du nouvel

22 interrogatoire par l'Accusation. Si vous fondez votre objection sur

23 ce motif, je l'accepterais.

24 M. WLADIMIROFF : Oui.

25 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Bien, objection acceptée.

Page 3177

1 M. TIEGER : Allez-y monsieur.

2 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Ou en fait la question excède le champ de

3 l'interrogatoire.

4 LE TEMOIN : Juste le chiffre ?

5 M. TIEGER : Oui.

6 R. : Je vais devoir regarder cela.

7 M. TIEGER : Je m'excuse.

8 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : J'ai dit que cela excédait le champ de

9 l'interrogatoire. La pièce n'a été versée que pour montrer que le

10 témoin avait signé, tout d'abord, et ce qui se trouvait près de son

11 nom. Par conséquent, cela échappe à votre interrogatoire.

12 M. TIEGER : Très bien, Madame le Président.

13 M. Besic, je retire cette question. Vous n'avez pas besoin d'y

14 répondre. Merci.

15 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff ?

16 M. WLADIMIROFF : Pas d'autres questions, Madame le Président.

17 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Je n'ai qu'une question. Quelles sont les

18 dates de votre séjour dans le camp d'Omarska M. Besic ?

19 R. : Les dates ... je ne me souviens pas exactement à quelle date je suis

20 arrivé à Omarska mais quand le camp a fermé j'y suis resté 20 jours

21 de plus que les autres. J'ai été enregistré par la Croix rouge au

22 camp d'Omarska.

23 Q. : Vous rappelez-vous de la date à laquelle vous avec vu M. Tadic sur la

24 "pista" ?

25 R. : Si je me souviens de la date ?

Page 3178

1 Q. : Oui.

2 R. : Non, je ne me souviens pas de la date exacte.

3 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger, avez-vous d'autres questions ?

4 M. TIEGER : Puis-je avoir un instant, Madame le Président ?

5 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Certainement.

6 Nouvel interrogatoire par M. TIEGER

7 M. TIEGER : M. Besic, vous êtes arrivé à Omarska au début de juin, vers le

8 3 juin, est-ce exact ?

9 R. : A Omarska ?

10 Q. : Excusez-moi, à Keraterm ?

11 R. : Oui.

12 Q. : Puis vous êtes resté à Keraterm environ deux semaines ?

13 R. : Approximativement. Peut-être plus, peut-être moins. Je ne me souviens

14 plus exactement.

15 Q. : Vous souvenez-vous combien de temps vous êtes resté dans la pièce 15

16 avant d'être interrogé ?

17 R. : Disons 20, 25 jours, je ne suis pas certain exactement.

18 Q. : Après l'interrogatoire on vous a emmené à la "pista" ?

19 R. : Oui, après l'interrogatoire je suis allé à la "pista".

20 M. TIEGER : Merci.

21 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Wladimiroff, avez-vous d'autres questions

22 ?

23 M. WLADIMIROFF : Une seule, Madame le Président.

24 Nouveau contre-interrogatoire par M. WLADIMIROFF

25 M. Besic, seulement pour aider la Cour, pouvez-vous nous dire

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1 comment vous vous rappelez être arrivé à Keraterm le 3 juin ?

2 R. : Je sais que c'était le 3 juin parce que l'armée serbe nous a arrêté

3 le 31 mai, nous a fait prisonniers. Je sais que c'était le 3 juin, je

4 m'en souviens très bien.

5 Q. : Mais cela appelle une autre question Madame le Président. Comment

6 savez-vous que vous avez été arrêté le 31 mai ?

7 R. : Je sais que c'était le 31 mai. C'était je crois un dimanche.

8 Q. : Y a-t-il une raison spécifique expliquant que vous ayez cette date à

9 l'esprit ?

10 R. : Oui, il y a une raison pour laquelle je n'ai pas oublié. Ce jour là

11 les gens de mon groupe ont été tués près de Kozarac Kamen. Je m'en

12 souviens relativement bien.

13 M. WLADIMIROFF : Pas d'autres questions Madame le Président.

14 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : M. Tieger ?

15 M. TIEGER : Pas d'autres questions Madame le Président.

16 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Y a-t-il des objections à ce que M. Besic

17 soit libéré de ses obligations de façon permanente ?

18 M. WLADIMIROFF : Non, Madame le Président.

19 LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE : Pas d'objection. M. Besic, vous êtes relevé

20 de vos obligations de façon permanente. Vous pouvez vous retirer.

21 Merci d'être venu.

22 L'audience est ajournée à demain 10 heures.

23 (17 heures 52)

24 (L'audience est ajournée au lendemain)

25