Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-94-Tbis-R117

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Vendredi 15 Octobre 1999

4 L'audience est ouverte à 10 heures 02.

5 Mme le Président (interprétation). - Je demanderai au Greffier

6 de bien vouloir nous donner la dénomination de l'affaire.

7 M. Dubuisson. – Il s'agit de l'affaire IT bis R-117, le

8 Procureur contre Dusko Tadic.

9 Mme le Président (interprétation). - Les conseils peuvent-ils se

10 présenter ainsi que le Procureur ? Le Procureur d'abord.

11 M. Yapa (interprétation). – Bonjour, Madame la Présidente, je

12 comparais ici au nom du Procureur avec Mme Brenda Hollis et

13 M. Michael J. Keegan.

14 Mme le Président (interprétation). - Et vous vous appelez ?

15 M. Yapa (interprétation). – Je m'appelle M. Yapa.

16 Mme le Président (interprétation). – Merci, Monsieur Yapa.

17 M. Clegg (interprétation). – Bonjour, Madame la Présidente, je

18 suis ici avec John Livingston du côté de la défense.

19 Mme le Président (interprétation). – Merci beaucoup. Eh bien

20 permettez-moi d'abord de vous dire quelques mots d'introduction au sujet

21 des raisons qui nous réunissent aujourd'hui.

22 Le 7 mai 1997, la Chambre de première instance n° 2, qui se

23 composait de M. le Juge Stephen, de M. le Juge Vohra et moi-même à

24 l'époque, a estimé que M. Tadic était coupable sur neuf chefs, coupable

25 partiellement sur deux chefs, et non coupable sur un chef.

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1 S'agissant de onze de ces chefs d'accusation, la Chambre de

2 première instance a estimé; à la majorité, que les charges retenues en

3 vertu de l'article 2 du Statut du Tribunal étaient inapplicables à quelque

4 moment que ce soit dans la municipalité de Prijedor car il n'avait pas été

5 prouvé que les personnes concernées étaient des personnes protégées en

6 vertu des conventions de Genève de 1949.

7 S'agissant des charges qui constituent le fondement de trois des

8 vingt charges, la Chambre de première instance a estimé que les éléments

9 de preuve ne soutenaient pas le prononcé de culpabilité au-delà de tout

10 doute raisonnable. Suite à l'appel déposé par le Procureur et la défense

11 contre l'opinion de la Chambre de première instance n° 2, et contre le

12 jugement, la Chambre d'appel a prononcé son jugement le 15 juillet 1999.

13 La Chambre d'appel a estimé que les victimes mentionnées aux chefs

14 d'accusations 8, 9, 12, 15, 21, 29 et 32 de l'acte d'accusation étaient

15 des personnes protégées selon les conventions de Genève de 1949.

16 En outre, la Chambre d'appel a conclu que les éléments des

17 charges figurant aux chefs d'accusation 29, 30 et 31 étaient réunis au-

18 delà de tout doute raisonnable.

19 En conclusion, la Chambre d'appel a estimé que M. Tadic était

20 coupable sur ces neuf chefs d'accusations.

21 La Chambre d'appel à remis à une date ultérieure le jugement sur

22 les autres chefs d'accusation et a décidé qu'une Chambre d'instance

23 désignée par le Président du Tribunal allait prononcer son jugement. C'est

24 la Chambre qui se réunit aujourd'hui qui doit prononcer la sentence contre

25 Dusko Tadic au regard des chefs d'accusation 8, 9, 12, 15, 21, 29, 30, 31

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1 et 32.

2 La Chambre de première instance a, sous les yeux, le document

3 présenté par les parties le 30 septembre 1999 et en vertu d'une requête

4 émanant du conseil de la défense, la Chambre de première instance a

5 demandé au Greffe de demander au commandant de l'unité de détention un

6 rapport au sujet du comportement de l'accusé au cours de sa détention. La

7 Chambre de première instance a également reçu de la défense une demande

8 d'autorisation de dépôt d'une réponse de l'accusé à l'évaluation des

9 documents relatifs à la coopération de Dusko Tadic avec l'accusation.

10 Cette autorisation est accordée et la Chambre de première instance a déjà

11 demandé à l'accusation de déposer ces documents confidentiels évoqués dans

12 la réponse en question.

13 Ces documents ont été déposés hier soir à 18 heures à peu près,

14 c'est un document très volumineux, nous l'avons reçu et je pense que le

15 conseil de la défense l'a reçu également ainsi que le rapport du

16 commandant de l'unité de détention.

17 Je suppose en tout cas que le conseil de la défense a reçu ce

18 rapport ainsi que les représentants de l'accusation.

19 (Signe affirmatif des deux parties).

20 Mme le Président (interprétation). - Merci. Les parties sont

21 convenues que l'accusation s'exprimera la première. Vous n'avez pas reçu

22 ce document, Monsieur Clegg ?

23 M. Clegg (interprétation). – Nous ne l'avons pas reçu. Mais je

24 l'ai reçu ce matin juste avant le début de notre audience. C'est un

25 document d'une demi page, donc cela ne me pose pas de problème.

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1 Mme le Président (interprétation). - Voici mon exemplaire si

2 vous n'en avez pas sous les yeux.

3 M. Clegg (interprétation). – Merci.

4 Mme le Président (interprétation). – Les parties ont donc décidé

5 que l'accusation s'exprimerait la première et j'aimerais donner aux

6 parties le conseil suivant : la Chambre de première instance a examiné de

7 façon approfondie les documents déposés, je le répète de façon

8 approfondie, et je vous demande de ne pas perdre cela de vue lorsque vous

9 vous exprimerez oralement.

10 Qui va s'exprimer au nom de l'accusation ?

11 M. Yapa (interprétation). – Au nom de l'accusation, c'est

12 Michael J. Keegan qui va s'exprimer.

13 Mme l Président (interprétation). - Très bien. De combien de

14 temps aurez-vous besoin, Monsieur Keegan, à peu près ?

15 M. Keegan (interprétation). – Vingt minutes environ,

16 Madame la Présidente.

17 Mme le Président (interprétation). – Merci. Qui s'exprimera au

18 nom de la défense ?

19 M. Clegg (interprétation). – C'est moi qui le ferais.

20 Mme le Président (interprétation). - Très bien. Je suppose que

21 vous aurez besoin de plus de vingt minutes.

22 M. Clegg (interprétation). – Pas beaucoup plus, Madame la

23 Présidente.

24 Mme le Président (interprétation). – Merci beaucoup,

25 Monsieur Keegan, vous pouvez procéder

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1 M. Keegan (interprétation). – Eu égard aux chefs d'accusations

2 supplémentaires mentionnés aux paragraphes 4 et 5 des dispositions du

3 jugement prononcé par la Chambre d'appel, Dusko Tadic devrait être

4 condamné à une sanction qui correspond à la nature hideuse de ses crimes

5 et cerne les objectifs de rachat de ses fautes et de dissuasion. La nature

6 extrême de ses actes et le cynisme avec lequel il les a commis imposent

7 une sentence sévère.

8 Dusko Tadic devrait recevoir un message de dissuasion claire.

9 De tels crimes, un tel comportement vis-à-vis d'autres êtres

10 humains ne seront pas tolérés.

11 Dans le prononcé d'une sentence appropriée à l'encontre de

12 Dusko Tadic, deux problèmes principaux doivent être examinés par la

13 Chambre de première instance.

14 Ces questions sont les suivantes : premièrement la sanction

15 qu'il convient de prononcer au sujet des chefs d'accusations

16 supplémentaires sur lesquelles il sera condamné et deuxièmement de quelle

17 façon cette sanction doit être mise en œuvre.

18 En conséquence, et selon le conseil de Dusko Tadic, la Chambre

19 d'instance doit examiner les facteurs établis dans le document soumis à

20 elle, s'agissant du barème des peines à appliquer si nécessaire et que la

21 Chambre de première instance doit établir et appliquer.

22 Selon les arguments de la défense, ces facteurs prouvent que

23 Dusko Tadic est un auteur de crimes mineurs qui, selon un barème de peine

24 mythique, ne devrait être condamné qu'à une peine de courte durée

25 concurrente des 20 ans qui lui ont déjà été imposés.

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1 La défense estime que Dusko Tadic devrait ne subir aucune

2 sanction supplémentaire en dépit des chefs d'accusation ajoutés en ce

3 moment. La position de la défense est erronée et ne tient pas compte d'un

4 principe et d'un objectif essentiels de ce Tribunal qui consiste à ramener

5 la justice contre les individus responsables de violations graves du droit

6 humanitaire international dans l'ex-Yougoslavie, et la nécessité d'être

7 dissuasives vis-à-vis de violations futures du droit international

8 humanitaire ainsi que la nécessité de contribuer au rétablissement de la

9 paix et de la sécurité dans la région.

10 Alors que ce Tribunal peut concentrer son attention à juste

11 titre sur les personnes qui ont eu des positions dirigeantes dans les

12 conflits survenus dans l'ex-Yougoslavie, ce qui lui est imposé par les

13 obligations qu'il assume, il n'en demeure pas moins que des criminels de

14 niveau inférieur peuvent être jugés également. Dusko Tadic ne devrait pas

15 bénéficier d'une sentence arbitrairement réduite en raison du fait qu'il

16 convient de laisser la place pour des accusés plus importants.

17 Il y a en fait d'autres mécanismes ou d'autres options

18 disponibles au Tribunal pour distinguer les accusés responsables de crimes

19 beaucoup plus nombreux que ceux commis par Dusko Tadic, comme par exemple

20 l'imposition de sanctions consécutives et bien entendu l'imposition d'une

21 peine maximale en vertu du statut c'est-à-dire l'emprisonnement pour toute

22 la durée de la vie de la personne condamnée.

23 La défense estime que l'évolution d'un barème de peine est

24 souhaitable parce que cela pourrait encourager les accusés à plaider de

25 façon plus réaliste et à coopérer avec l'accusation. Cette affirmation

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1 n'est pas fondée, ni dans le contexte des accusés qui se présentent devant

2 ce Tribunal, ni d'une façon plus générale. L'expérience de ce tribunal à

3 consisté à constater que très peu d'accusés coopèrent avec l'accusation de

4 façon significative, deux seulement ayant plaidé coupable. La plupart des

5 accusés considèrent que plaider coupable ou coopérer avec l'accusation n'a

6 d'intérêt que pour les membres de leur famille qui sont encore dans l'ex-

7 Yougoslavie. Un barème de peine ne changera rien à ce scénario.

8 De plus l'imposition d'une peine légère à quelqu'un comme Dusko

9 Tadic qui n'a pas coopéré avec l'accusation de quelque façon significative

10 que ce soit, permettrait d'envoyer un message tout à fait opposé à celui

11 qu'il convient d'adresser, à savoir que rien n'incite à coopérer avec

12 l'accusation ou à plaider coupables vis-à-vis des chefs d'accusation

13 retenus contre l'accusé.

14 Dans le même ordre d'idée que les arguments de la défense,

15 celle-ci continue à dire que Dusko Tadic devrait être condamné qu'à une

16 peine mythique ou symbolique. D'abord la défense déclare que Dusko Tadic

17 n'est pas un responsable de haut rang tel que d'autres personnes accusées

18 par ce Tribunal, qu'il n'a été que membres d'une cellule de crise de l'ex-

19 Yougoslavie, mais qu'il est un individu de rang inférieur comparable a des

20 milliers d'autres dans l'ex-Yougoslavie.

21 La défense cite également les commentaires du Juge Richard

22 Goldstone et d'autres, à l'appui de cette proposition. Deuxièmement la

23 défense cite le fait que Dusko Tadic a commis ces crimes à un moment où le

24 bombardements de la propagande nationalises étaient au plus fort.

25 Troisièmement, la défense cite les éléments de preuve présentés

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1 par des témoins de personnalité devant la première Chambre de première

2 instance qui l'a jugé et disant que rien n'indique la possibilité pour

3 Dusko Tadic de répéter les crimes déjà commis par lui. Enfin la défense

4 fait remarquer que les effets de la détention sur la famille de Dusko

5 Tadic pourraient être très négatifs. Contrairement aux affirmations de la

6 défense, Dusko Tadic ne peut pas affirmer ne présenter aucun risque pour

7 autrui où affirmer que ses actes ont été dus à la propagande diffusée à

8 l'époque. Il n'y a pas eu des milliers d'individus qui ont volontairement

9 commis les crimes barbares commis par Duskoc Tadic et dans des

10 circonstances de ce genre, la Chambre de première instance a prononcé le

11 jugement qu'elle a jugé bon de prononcer.

12 Le comportement criminel de Dusko Tadic n'a pas été isolé du

13 contexte. En fait, Dusko Tadic a eu tout le temps de réfléchir à ces

14 entreprises criminelles et s'il est vrai que la propagande diffusée par

15 les autorités serbes a créé un environnement qui encourageait ce genre de

16 crimes et donnait des assurances réelles ou erronées aux auteurs de ces

17 crimes, c'est tout de même l'individu qui fait le choix de commettre des

18 actes aussi odieux que ceux-là, en dehors de toute propagande, actes qui a

19 l'évidence sont des crimes, en vertu des textes fondamentaux de ce

20 Tribunal et du droit international.

21 La défense utilise les commentaires du juge Goldstone en les

22 plaçant hors de leur contexte et en leur faisant dire le contraire de ce

23 qu'ils disent. Elle a souligné une partie des propos de M. Goldstone en

24 laissant de côté les éléments les plus importants. Le juge Goldstone à

25 insisté pour

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1 dire que la situation n'était pas satisfaisante et que rien ne

2 pouvait excuser la conduite de M. Dusko Tadic ou permettre qu'il soit

3 remis en liberté et n'ait pas à répondre de ses actes alors qu'il est un

4 acteur direct de ces crimes.

5 Mais rien dans les commentaires du Juge Goldstone ne peut être

6 interprété comme étant à l'appui des arguments selon lesquels la situation

7 permet que Dusko Tadic ne soit pas jugé comme il convient par ce Tribunal

8 ou qu'il ne soit condamné qu'à une peine légère.

9 Le Juge Goldstone a fait remarquer qu'il aurait préféré que la

10 Chambre de première instance ait à juger un client de rang plus élevé mais

11 que cela n'exonérait pas Dusko Tadic de ses responsabilités et ne lui

12 permettait pas d'éviter une sanction importante.

13 L'affirmation de la défense selon laquelle rien n'indique que

14 Dusko Tadic commettrait ces actes une nouvelle fois n'est pas pertinente

15 dans les débats qui nous réunissent aujourd'hui.

16 Après qu'une personne a été condamnée, le problème de la

17 récidive est une question directement liée au contexte de réhabilitation.

18 Comme cela est déclaré dans un document concernant la réhabilitation,

19 celle-ci n'est pas un élément primordial pour déterminer la sentence

20 applicable où la possibilité de rachat et de dissuasion doivent intervenir

21 en premier lieu.

22 Dusko Tadic est ici devant nous aujourd'hui pour faire face à

23 des charges supplémentaires en raison du caractère criminel de ses actes.

24 Il a commis ses actes en étant conscient du fait qu'il avait une famille.

25 L'autoriser à utiliser sa famille aujourd'hui en tant que bouclier pour

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1 éviter la sanction, dû au fait qu'il a détruit des victimes et leur

2 famille, serait manifestement injuste.

3 Toute réflexion de la durée de la peine imposée à Dusko Tadic et

4 de l'effet de cette durée sur la vie de sa famille doit être mise en

5 parallèle avec la nature de ses crimes, et notamment le fait qu'il a

6 assassiné cinq hommes ce qui a causé une souffrance ineffaçable pour les

7 familles de ces hommes.

8 En outre, il convient de remarquer que la première Chambre de

9 première instance a jugé le problème des circonstances atténuantes ainsi

10 que la situation personnelle et familiale de Dusko Tadic, et a conclu que

11 le mal causé aux victimes et à leur famille par Dusko Tadic était

12 l'élément le plus important. Elle a aussi fait remarquer que le mal ne

13 peut pas être supprimé en pointant le doigt sur autrui.

14 Eu égard au problème de la coopération, la position du Procureur

15 a été exposée dans notre mémoire que nous avons soumis au préalable avant

16 la réunion à huis clos de la Chambre et dont nous pouvons discuter à huis

17 clos si la Chambre le souhaite.

18 Un autre facteur que la défense affirme, c'est que la Chambre de

19 première instance devrait prendre en compte le comportement de Dusko Tadic

20 au sein de l'unité de détention des Nations Unies. Nous n'avons reçu le

21 rapport de l'unité de détention qu'hier après-midi et nous l'avons

22 examiné. Le Procureur estime en conséquence que les informations fournies

23 à la Chambre dans cette affaire peuvent être considérées comme

24 suffisantes.

25 Nous demandons l'autorisation, Madame la Présidente, de déposer

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1 des copies de ce document devant la Chambre. Nous en avons un exemplaire

2 pour la défense mais nous nous excusons d'avoir déposé ce document, compte

3 tenu du fait que nous avons reçu le document, qui est à l'origine de notre

4 réponse, tard également.

5 Mme le Président (interprétation). - Excusez-moi de parler sans

6 micro mais j'aimerais demander l'avis de la défense. Vous n'avez pas vu ce

7 document avant, donc peut-être pouvons-nous remettre l'examen de la

8 question à un moment ultérieur pour que vous ayez le temps d'examiner le

9 document.

10 M. Clegg (interprétation). - Ce qui m'ennuie, voyez-vous, c'est

11 que le rapport du commandant de l'unité de détention, M. McFaden, n'a pas

12 été déposé au nom de l'appelant, bien que l'appelant ait simplement

13 indiqué à la Chambre que des investigations pouvaient être menées sur ce

14 point.

15 Mais je crois que le document a été déposé par la Chambre,

16 n'est-ce pas, puisqu'il n'a pas été déposé par nous non plus ? Donc je

17 pense que ce document est tout de même plus important que simplement un

18 élément de preuve lié à la personnalité de l'appelant ; et discuter des

19 faits sur la base d'un document d'une demi page qui ne dit pas grand-chose

20 d'autre, simplement que le prisonnier a été un prisonnier modèle et qu'il

21 a parfaitement bien respecté les règles de l'unité de détention, me paraît

22 un peu exagéré.

23 Bien sûr, il appartient à la Chambre de décider du sort réservé

24 à ce document, mais nous pensons que ce document n'est pas de nature a

25 être déposé au dossier, versé au dossier par l'accusation. Car en général

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1 après le dépôt d'un document par le Procureur, nous avons besoin d'une

2 demi-journée ou d'une journée pour l'examiner et faire connaître nos

3 réactions.

4 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Clegg, j'essaie

5 dans votre document de retrouver la référence exacte qui a été faite à ce

6 rapport, mais je n'y suis pas encore parvenue. Mais dans mon souvenir, la

7 défense n'a pas proposé que ce document soit exigé par la Chambre.

8 M. Clegg (interprétation). – Paragraphe 11 en fait vous

9 trouverez cette référence. Il y est dit que la Chambre est invitée avant

10 le prononcé de la sentence, à demander un rapport au sujet de la conduite

11 de l'accusé.

12 Mme le Président (interprétation). - C'est donc vous qui nous

13 avez demandé de nous procurer ce rapport ?

14 M. Clegg (interprétation). - Oui mais néanmoins j'ai le

15 sentiment que la procédure de dépôt et de dépôt d'un document en réponse

16 est un peu trop lourde pour un document de cette nature.

17 Mme le Président (interprétation). - Eh bien, Me Keegan vient de

18 déposer un document relatif au prononcé de la sentence contre Dusko Tadic

19 avec des annexes confidentielles et je pense que nous pourrions peut-être

20 vous donner le temps nécessaire pour examiner ce document avant d'en

21 parler.

22 Excusez-moi de vous interrompre, il y a un autre point qui a été

23 évoqué par M. Keegan, à savoir la possibilité de discuter de la

24 coopération de l'accusé à huis clos partiel. Je suppose, Monsieur Keegan

25 que vous parliez de huis clos complet ?

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1 M. Keegan (interprétation). - Je parlais de huis clos partiel,

2 je pensais simplement que la galerie du public ne devrait pas avoir accès

3 à ces débats.

4 Mme le Président (interprétation). - Oui mais en tout cas rien

5 ne sera divulgué au public. Quel est votre avis sur la question

6 Monsieur Clegg ?

7 M. Clegg (interprétation). – Oui, je suis d'accord que sur ce

8 point, le débat devrait se tenir à huis clos partiel ou complet.

9 Mme le Président (interprétation). - Très bien nous rendrons une

10 décision quant à la requête du Procureur, relative a des documents sur ce

11 point lors d'une audience ultérieure.

12 M. Keegan (interprétation). - Ces documents contiennent en fait

13 le procès-verbal d'une déposition d'un témoin, c'est le compte rendu

14 complet de l'audition de ce témoin, c'est la raison pour laquelle ce

15 document est volumineux comme vous l'avez fait remarquer. Ce document

16 contient également la réponse soumise par le conseil de la défense

17 antérieure de l'accusé. Bien entendu, ces documents sont soumis parce que

18 la défense à demandé à la Chambre d'examiner la conduite de l'accusé au

19 quartier pénitentiaire, estimant que c'était un élément pertinent et nous

20 avons estimé que les information soumises par nous pourraient avoir une

21 influence sur la décision de la Chambre. Mais nous ne pensons pas que cela

22 exige des débats complémentaires. Cela dit, la Chambre est bien entendu

23 libre de rendre sa décision à ce sujet.

24 Mme le Président (interprétation). - La défense aurait

25 l'occasion je suppose, en cas de débat sur ce point, de répondre au

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1 contenu de ces documents et de fournir des témoignages le cas échéant.

2 M. Clegg (interprétation). - Mais il semble que tout cela ne

3 mène qu'à la nécessité d'une audience supplémentaire , nous ne sommes pas

4 sûrs que ce soit absolument indispensable.

5 Mme le Président (interprétation). - Nous avons le temps

6 nécessaire, nous pouvons tenir une audience complète si nécessaire, mais

7 nous pouvons aussi bien sur débattre de façon plus brève.

8 M. Keegan (interprétation). - Madame le Président, si je puis me

9 permettre de terminer ; la déposition dont nous vous avons donné un compte

10 rendu s'est déroulée en présence de M. Livingston, pendant toute la durée

11 de cette déposition.

12 Mme le Président (interprétation). – Cette déposition se trouve

13 dans les documents supplémentaires déposés par vous M. Keegan ?

14 M. Keegan (interprétation). - Oui Madame le Président.

15 Mme le Président (interprétation). - Passons à autre chose. Je

16 vous prie de m'excuser M. Keegan de vous avoir interrompu; vous pouvez

17 procéder.

18 M. Keegan (interprétation). - Merci Madame le Président.

19 Indépendamment des déclarations concernant la conduite de M. Tadic en

20 prison, nous estimons que cet élément n'est pas pertinent. Une bonne

21 conduite en prison a pertinence eu égard au prononcé de la peine, mais

22 j'insiste sur le fait que c'est la réhabilitation qui est l'élément le

23 plus important à cet égard. Une réduction de la peine pour bonne conduite

24 est une incitation pour une personne détenue à participer à des programmes

25 d'activité particulière dans la prison, à des fins de réhabilitation ou

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1 bien à obéir aux ordres et aux règlements susceptibles de préparer la

2 réinsertion de cette personne dans la société.

3 Une fois de plus la réhabilitation est un facteur important,

4 mais non primordial dans l'imposition d'une sentence par ce Tribunal. Nous

5 avons aussi fait remarquer sur la base de faits évoqués au cours du

6 premier procès que Dusko Tadic, à l'évidence, n'a pas accordé une grande

7 considération aux prisonniers d'Omarska ou de Keraterm.

8 Par ailleurs, une bonne conduite en détention a eu des

9 compensations pour Dusko Tadic et cela n'a rien à voir avec le prononcé de

10 la peine. La bonne conduite d'un détenu lui garantit de bénéficier de tous

11 les avantages disponibles au sein de l'unité de détention et d'avoir de

12 meilleures relations avec le personnel de la prison. Par contre, une

13 mauvaise conduite peut résulter dans des sanctions ou dans la perte de

14 privilèges. Ainsi la bonne conduite au sein de l'unité de détention ne

15 présente que des avantages pour la personne détenue. En conséquence Dusko

16 Tadic ne devrait pas bénéficier de ces éléments au moment du prononcé de

17 la peine, la bonne conduite ne devrait pas intervenir.

18 A la lumière de ces circonstances particulières, on devrait

19 noter aussi que les éléments de la sentence ne devraient englober le

20 comportement de la bonne conduite que dans des conditions tout à fait

21 limitées. Notre mémoire comprend les recommandations que nous faisons pour

22 ce qui est serait une peine appropriée, je ne répéterai pas les arguments

23 repris dans le document.

24 Mme le Président (interprétation). - Vous pourriez le faire

25 puisqu'il ne faudrait pas simplement que ce soit une phrase ou deux.

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1 M. Keegan (interprétation). - Pour ce qui est de la confusion

2 des peines, nous comprenons que la citation de l'affaire Celebici ne

3 s'applique pas ici parce que la décision à prendre ici relève de la même

4 catégorie que la décision prise au départ par la Chambre de première

5 instance dans la présente instance. Le verdict rendu par les deux Chambres

6 de première instance portait sur des chefs d'accusation dont ils avaient

7 jugé responsables les accusés respectifs. Ces Chambres de première

8 instance ont alors établi que les peines devraient faire l'objet d'une

9 exécution simultanée. Mais ces circonstances qui valaient pour ces procès-

10 là ne s'appliquent pas ici.

11 Cette Chambre de première instance doit faire face à la décision

12 suivante : quelle est la peine complémentaire à infliger et ceci doit se

13 baser sur des éléments que vous n'avez jamais considéré lors du premier

14 procès. La défense n'offre aucune jurisprudence, que ce soit émanant du

15 Tribunal ad hoc à l'appui de sa position selon laquelle il faudrait qu'il

16 y ait confusion des peines avec la peine déjà prononcée. Comme ceci a été

17 reconnu par des décisions précédentes, ce Tribunal n'est pas lié ni tenu

18 par les pratiques nationales quelles qu'elles soient. Dans la mesure

19 cependant où la défense va peut-être se baser sur une pratique nationale à

20 l'appui de sa thèse, nous estimons qu'une telle démarche est vouée à

21 l'échec.

22 Etant donné les circonstances de la présente espèce, toutes les

23 juridictions du monde imposeraient une peine supplémentaire de façon à

24 accroître le montant de la peine initiale. Et selon nous, elles ne se

25 contenteraient pas d'imposer une confusion de peine avec la peine actuelle

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1 et la peine précédente.

2 Nous estimons qu'il y a les systèmes d'Argentine, d'Italie, du

3 Mexique, de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de Zambie qui peuvent être

4 utilisés comme exemple. Nous pourrons bien entendu fournir ces références

5 au Greffe après cette présentation.

6 En sus de ces systèmes, la cour devrait voir quelle est

7 l'importance de la peine à infliger et puis ajouter ces peines à la

8 première ou encore modifier la première pour la rendre plus lourde.

9 Ce qui compte surtout ici, c'est que quelle que soit la peine

10 jugée adéquate par cette présente Chambre de première instance, l'effet de

11 cette peine serait d'accroître la peine déjà infligée à Dusko Tadic. Comme

12 nous l'avons indiqué dans notre mémoire, l'accusation pense tout du moins

13 que la sanction devrait entraîner une augmentation d'au moins 15 ans, ce

14 qui donnerait une peine globale de 35 ans.

15 Cet accroissement minimal, toutefois, peut augmenter de façon

16 significative en fonction des peines infligées pour chacun des nouveaux

17 chefs d'accusation et en fonction de la question de savoir s'il faut qu'il

18 y ait confusion des peines pour ces nouveaux chefs d'accusation ou une

19 exécution consécutive de celle-ci.

20 Nous l'avons fait remarquer dans notre mémoire à l'exception du

21 chef d'accusation 29. Le crime dont est désormais accusé Dusko Tadic en

22 vertu de l'article 2 du Statut se fonde sur un comportement dont il a été

23 aussi accusé au titre des articles 3 et 5 du Jugement.

24 Les infractions graves représentent toutefois quelque chose qui

25 est important en soi aux yeux de la communauté internationale. Cette

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1 Chambre de première instance va peut-être vouloir établir que la

2 protection de ces valeurs constitue un facteur supplémentaire important ;

3 et lui permettra d'accroître la peine initiale en conséquence.

4 Indépendamment de la façon dont la Chambre va aborder la

5 question des infractions graves, les condamnations supplémentaires pour

6 les cinq meurtres de Jaskici représentent des éléments qui n'avaient pas

7 du tout été pris en compte lors du prononcé initial, alors que ces actes

8 sont les actes les plus graves qui aient été commis par Dusko Tadic à

9 titre individuel.

10 Par conséquent, il ne fait aucun doute qu'il faut infliger une

11 peine complémentaire. Faire autrement serait contraire au principe de la

12 punition et de la dissuasion, et contraire à la justice qu'il incombe de

13 rendre à ces victimes et à la communauté internationale.

14 Il reste à la Chambre de déterminer si la peine complémentaire

15 pour chacun de ces chefs d'accusation, eu égard aux meurtres commis, doit

16 être exécutée de façon simultanée ou de façon consécutive. La peine

17 découlant de cette décision devrait être ajoutée à la peine déjà infligée

18 de 20 d'emprisonnement.

19 Je vous remercie Madame le Président, Messieurs les Juges.

20 Mme le Président (interprétation). - Merci Maître Keegan.

21 Maître Clegg, vous avez la parole. Un petit instant

22 Maître Clegg.

23 (Les Juges se consultent sur le siège.)

24 Mme le Président (interprétation). - Maître Clegg, le

25 Juge Robinson aimerait poser quelques questions à Me Keegan dès

Page 19

1 maintenant.

2 M. Robinson (interprétation). - Maître Keegan, j'aimerais

3 évoquer deux questions avec vous. D'abord, la démarche dont vous faites

4 part dans votre mémoire pour ce qui est de la réhabilitation ou

5 réadaptation.

6 Pour ce qui est de la première chose que vous dites à ce propos,

7 vous dites que ce n'est pas un élément auquel il doit être accordé une

8 importance très grande ; que ce qui compte avant tout, c'est le principe

9 de la punition et de la dissuasion.

10 Un peu plus loin vous dites de façon plus claire, que la

11 sanction, la punition n'est pas un facteur à prendre en compte dans le

12 prononcé de la peine. Et, là, vous ne parlez pas d'éléments primaires ou

13 primordiaux.

14 J'aimerais savoir exactement ce qu'il en est. Pensez-vous que la

15 réhabilitation n'est pas un facteur primordial ou n'est pas du tout un

16 facteur à prendre en compte ? Est-ce que c'est là un principe que vous

17 énoncez ? Ou est-ce que vous vous basez sur la jurisprudence pour le

18 dire ?

19 A cette fin, il ne me paraît pas suffisant de dire que ce

20 Tribunal a pour objet de veiller à ce qu'une dissuasion soit exercée et

21 qu'une punition soit imposée. Je voudrais que vous me donniez une bonne

22 base qui vous permette de dire que lors du prononcé d'une peine ici dans

23 ce Tribunal, la réadaptation ou la réhabilitation n'est pas un facteur

24 important.

25 Deuxième question, vous venez d'évoquer ce point. Quelle que

Page 20

1 soit la peine infligée par cette Chambre de première instance, cette

2 décision doit avoir pour effet d'accroître la peine déjà infligée. Et je

3 pense que vous avez fait référence à certains systèmes, à certaines

4 jurisprudences d'Italie, d'Allemagne, ce genre de chose.

5 Vous m'aideriez beaucoup si vous pouviez citer les dispositions

6 pertinentes dont vous disposez, émanant de l'un ou l'autre de ces

7 systèmes ; références qui pourraient nous montrer que c'est bien le cas.

8 M. Keegan (interprétation). - Je vous remercie Monsieur le

9 Président. Pour ce qui est de la question de la réhabilitation et du rôle

10 que ceci peut éventuellement jouer dans l'établissement de la peine, je

11 pense que nous avons bien sûr cité deux éléments de jurisprudence à

12 l'appui de cette thèse qui émanent à la fois de ce Tribunal et aussi du

13 Tribunal du Rwanda ; dont par exemple la citation que nous avons reprise

14 de l'affaire Kambanda et aussi une citation reprise du procès Erdemovic

15 institué ici devant ce Tribunal.

16 A notre avis, et cela va de soi, il n'est jamais possible

17 d'exclure un facteur que celui de la réhabilitation, si ceci concerne un

18 accusé particulier, un procès particulier. Ainsi, si un accusé n'était

19 qu'un protagoniste mineur, par exemple si s'était un soldat qui comparait

20 devant ce Tribunal, si cet homme est jeune, à ce moment-là effectivement

21 on peut se demander quel sera son avenir. Mais dans les l'écrasante

22 majorité des cas, ici pour ce qui est des procès dont ce Tribunal est

23 saisi, la réhabilitation ne devrait pas être un facteur à prendre en

24 compte en fonction de la nature des crimes commis et des circonstances

25 dans lesquelles ces crimes ont été commis.

Page 21

1 Ici nous n'avons manifestement pas à faire à des crimes de droit

2 commun qui auraient été commis dans des systèmes nationaux où là, on fait

3 l'impossible pour effectivement réintégrer la personne dans la société

4 afin qu'elle puisse y jouer un rôle à part entière. Les personnes qui

5 comparaissent ici en règle générale sont les auteurs des infractions les

6 plus graves, des violations les plus graves du droit international

7 humanitaire. Et nous estimons que pour imposer une peine adéquate, il faut

8 se baser sur les valeurs à défendre dans le droit et la communauté

9 internationale.

10 On ne peut pas dire que quelqu'un pourrait revenir d'avoir

11 commis un tel crime pour devenir ou redevenir simplement un citoyen comme

12 les autres. Je ne dis pas que ce facteur de la réhabilitation ne doit pas

13 être pris en compte ici devant le Tribunal mais nous pensons qu'étant

14 donné la jurisprudence évoquée dans notre mémoire et étant donné aussi la

15 nature des procès intentés par ce Tribunal, vu la nature des accusés, ce

16 facteur ne devrait pas se voir accorder un poids trop grand.

17 M. Robinson (interprétation). - Ce qui m'intéresse davantage,

18 c'est la position de principe, parce que vous citez la doctrine du

19 Tribunal.

20 En effet la réhabilitation est un facteur un principe d'ordre

21 général au niveau du prononcé de la peine et ceci vaut pour la plupart des

22 systèmes nationaux mais si je vous comprends bien, vous dites qu'étant

23 donné la nature des crimes commis et des crimes qui sont jugés par ce

24 Tribunal, étant donné la gravité de ces crimes la réhabilitation ne doit

25 pas nécessairement être prise en compte.

Page 22

1 M. Keegan (interprétation). – Ou doit se voir accorder un poids

2 très faible effectivement, Monsieur le Juge.

3 M. Robinson (interprétation). - Je tiendrai compte de votre

4 dernier commentaire.

5 Mme le Président (interprétation). – J'enchaîne sur la question

6 posée par le Juge Robinson s'agissant de la réhabilitation et je vous

7 renvoie au jugement portant sentence rendu par la Chambre qui était

8 composée de moi-même, du Juge Stephen et du Juge Vohrah, jugement rendu le

9 14 juillet 1997, paragraphe 61 et je vous en donne lecture de surcroît :

10 "même si les principes des sanctions pénales incluent une juste

11 rétribution et le fait de mettre hors d'état de nuire des personnes

12 dangereuses tout en incluant la réhabilitation, nous reprenons un principe

13 général de la pénologie à savoir qu'il faut penser aussi à la vie future

14 et pas seulement aux crimes commis."

15 Fin de citation.

16 Ce que je voulais dire, que tout du moins dans le premier

17 jugement rendu par la première Chambre de première instance, elle a

18 reconnu que la réhabilitation était un facteur qu'elle prendrait en compte

19 même si la philosophie moderne de la pédagogie était que celle-ci devrait

20 s'appliquer aux criminels davantage qu'aux crimes.

21 Voulez-vous dire que le premier jugement était incorrect ?

22 M. Keegan (interprétation). – Nous avons interprété cette phrase

23 du paragraphe 61 comme étant un principe général sur lequel nous sommes

24 d'accord. La question est de savoir si ces philosophies s'appliquent

25 directement ici en ce Tribunal est c'est là que nous disons qu'en fait et

Page 23

1 même s'il est évident et s'il faut reconnaître cela comme un principe et

2 qu'il peut être appliqué par les Etats, cette situation ne s'applique pas

3 ici pour le Tribunal.

4 Mme la Présidente (interprétation). – Toutefois, dans ce

5 jugement portant sentence, nous ne parlions pas de crimes ordinaires

6 produits dans des Etats puisque ce jugement s'appliquait à ce procès

7 précis qui impliquait des crimes très sérieux, très graves.

8 M. Keegan (interprétation). – Oui.

9 Mme le Président (interprétation). - Encore un autre

10 commentaire, puisque nous en sommes aux questions et ceci porte sur

11 l'importance à accorder aux comportements affichés par Tadic pendant sa

12 détention.

13 Voyez le paragraphe 10 du jugement portant condamnation, la

14 Chambre cite l'article 41-1 du Code pénal de la RSFY et vous faites

15 remarquer, au regard de l'avant-dernière ligne, ou plutôt la troisième

16 phrase, et ceci a trait aux différents facteurs à prendre en compte

17 lorsqu'on détermine une peine en fonction de ce Code pénal de la RSFY ; la

18 dernière phrase dit les circonstances personnelles des auteurs, ainsi que

19 le comportement adopté par celui-ci après avoir commis l'infraction.

20 Pour vous est-ce que le comportement au quartier pénitentiaire

21 est un comportement qui se produit après commission de l'infraction ?

22 M. Keegan (interprétation). – Je suppose que ceci doit être

23 inclus ; je ne sais pas si c'est précisément ce à quoi ont pensé les

24 auteurs de ces dispositions, est-ce qu'ils ne parlent pas de la détention

25 préventive du comportement de l'accusé dans l'attente du procès ?

Page 24

1 Mais la Chambre de première instance l'a fait remarquer dans son

2 premier jugement, même si elle a tenu compte de la grille des peines en

3 ex-Yougoslavie, elle n'est pas liée par celle-ci. Il y a d'autres facteurs

4 qui jouent peut-être un rôle primordial dans un Etat donné parce que cet

5 Etat veut réintégrer des personnes condamnées dans la société. Ces

6 facteurs ne s'appliquent pas forcément à ce Tribunal, la question qui se

7 pose alors est celle du poids qu'il faut accorder à ce facteur précis et

8 nous pensons que la jurisprudence établie par ce Tribunal corrobore, étaye

9 le fait qu'il faut accorder très peu de poids à ce facteur, étant donné

10 les circonstances de l'espèce.

11 Mme la Présidente (interprétation). - J'enchaîne. Alors comment

12 voulez-vous que nous interprétions l'article 24-1 du statut et l'article

13 101-B-3-i du Règlement et qui porte sur les faits, des pratiques en

14 matière de prononcé de peines en ex-Yougoslavie ?

15 Vous dites que nous ne sommes pas liés, mais que faire de ceci,

16 parce que la défense affirme dans son mémoire que si nous imposons une

17 peine complémentaire, et si nous commençons à faire courir celles-ci après

18 exécution des vingt premières années que nous avons déjà imposées pour le

19 premier chef d'accusation, ceci dépassera cette limite des vingt ans

20 appliquée pour le moment en ex-Yougoslavie.

21 La question que je vous pose, en fait j'en ai deux :

22 Quel poids accorder ? Vous dites que nous ne sommes pas tenus

23 par cette grille des pratiques yougoslaves, mais quel poids lui accorder ?

24 Deuxième question : Ai-je raison de croire qu'au moment où ces

25 infractions ont été commises, la peine de mort existait et s'appliquait

Page 25

1 encore en ex-Yougoslavie et que par la suite elle a été abolie par nos

2 modifications de la Constitution, du moins dans certaines de nos

3 Républiques.

4 Aujourd'hui nous avons un maximum de vingt ans qui s'applique à

5 des personnes qui auraient dû avoir été condamnées précédemment à la peine

6 de mort.

7 Et dans notre jugement portant condamnation -je parle du

8 jugement rendu en juillet 1997-, nous avons établi que si une personne

9 avait commis un crime méritant peine de mort en ex-Yougoslavie, que nous,

10 nous pourrions imposer un emprisonnement à perpétuité, est-ce que vous

11 êtes d'accord sur cette thèse, je suppose que vous l'êtes mais pourriez-

12 vous revenir sur ces trois points puisque nous parlions de ce sujet ?

13 M. Keegan (interprétation). – Tout à fait, Madame la Présidente.

14 Les deuxième et troisième points découlent du premier et

15 j'aurais soulevé ces questions par rapport au facteur à prendre en compte

16 au niveau du prononcé de la peine. Nous avions déjà parlé de la question

17 lorsque nous avions déposé nos premières écritures pour le premier

18 jugement, et c'est précisément ce point qui revient. Si l'on s'en tenait à

19 ce qui s'est passé ou ce qui se produit encore en ex-Yougoslavie ou en

20 matière de prononcé de peine, Dusko Tadic aurait risqué la peine de mort.

21 Bien sûr, ceci n'existe pas chez nous mais ce que nous avons, c'est un

22 emprisonnement à perpétuité, ce qui semble être une solution de rechange

23 acceptable à l'autre solution.

24 Et effectivement à ce moment-là, on dépasse la limite des 20 ans

25 parce qu'il était accepté que les 20 ans de réclusion pouvaient être

Page 26

1 imposés à la place de la peine de mort. Dans le droit-fil des arguments

2 déposés dans ces premières écritures, s'agissant des pratiques en matière

3 de prononcé de peine en ex-Yougoslavie, je pense que nous avions retenu

4 cette démarche pour tenir compte du principe de la légalité, de la

5 légitimité. C'était une sorte de vérification ou de contrôle. Si par

6 exemple une disposition particulière de notre Statut, de notre Règlement,

7 venait par hasard à placer une personne condamnée devant le risque d'une

8 sanction qui n'avait pas de fondement ni de reconnaissance dans le droit

9 de l'ex-Yougoslavie, effectivement la Chambre serait forcée de dire que

10 nous sommes tout du moins tenus de respecter ce cadre des peines, un cadre

11 de peine que reconnaîtrait l'accusé, qu'il comprend qu'il aurait pu subir

12 ce genre de peine s'il avait été jugé en ex-Yougoslavie. C'est tout du

13 moins l'idée qui sous-tend notre démarche.

14 Si c'est une bonne démarche que nous avons retenue, au moment où

15 ces actes furent commis, il aurait pu risquer au maximum effectivement la

16 peine de mort. Il en découle donc une conclusion tout à fait logique, en

17 deçà de cette peine et bien ce à quoi aurait pu s'attendre un accusé en

18 ex-Yougoslavie.

19 Nous estimons par conséquent, qu'étant donné que ce Tribunal

20 dispose d'une peine à perpétuité, ceci relève effectivement des conflits

21 du droit appliqué en ex-Yougoslavie, puisque c'est une solution de

22 rechange, si vous voulez, qui se substitue à la peine capitale. Eh bien,

23 si vous parlez effectivement de ce qui s'est passé par la suite, vous

24 savez qu'en Bosnie-Herzégovine, la peine de mort a été abolie, ceci à la

25 suite de la constitution qui découlait des accords de Dayton ;

Page 27

1 effectivement on a introduit en substitution la peine de perpétuité, ce

2 qui veut dire que cette limite des 20 ans ne tient plus.

3 Mme le Président (interprétation). - Donc vous êtes d'accord sur

4 le jugement rendu en première instance ?

5 M. Keegan (interprétation). - Oui.

6 Mme le Président (interprétation). - Puisque nous en sommes là,

7 parlons un instant de la coopération. L'article 101 B 2 du Règlement du

8 Tribunal, évoque une coopération importante. Vous, vous avez utilisé un

9 terme différent au moment où vous avez présenté vos arguments. Acceptez-

10 vous l'idée que c'est là un des facteurs que cette Chambre de première

11 instance va peut-être utiliser comme circonstance atténuante s'il y a un

12 degré important de coopération ?

13 M. Keegan (interprétation). - J'ai parlé de coopération

14 importante, c'était ce que je voulais dire.

15 Mme le Président (interprétation). - Mais comment déterminer ce

16 qui est une coopération importante ? Peut-être allons nous revenir sur

17 cette question à huis clos partiel, parce que vous voulez peut-être

18 aborder des détails si vous voulez répondre à ma question ?

19 M. Keegan (interprétation). - Je peux répondre de cette façon,

20 tout du moins, nous avons soumis des documents supplémentaires parmi

21 lesquels nos commentaires, nos écritures, les réponses de la défense, et

22 nous pensons que dans ce contexte, c'est l'accusation qui doit arriver à

23 cette décision parce qu'elle connaît bien le type d'information qui compte

24 dans tel ou tel procès. Je pense donc que c'est effectivement le Bureau du

25 Procureur qui doit prendre cette décision et la Chambre de première

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1 instance devra tenir compte de ces éléments comme des éléments de révision

2 d'un procès, si par exemple on pourrait déterminer si le Bureau du

3 Procureur a abusé de ses pouvoirs.

4 Mme le Président (interprétation). - Une dernière question à

5 propos du chef d'accusation 8. La Chambre d'appel a déclaré M. Tadic

6 coupable de ce chef d'accusation n °8. Dans l'acte d'accusation, on

7 l'accuse d'infractions graves, sanctionnées par l'article 2 B, tortures et

8 traitements inhumains. Comment voulez-vous que nous imposions la peine en

9 tant que tortures ou en tant que traitements inhumains ? Pourriez-vous

10 nous donner le fondement de votre position ?

11 M. Keegan (interprétation). - Tout à fait. Un instant.

12 Nous estimons que la présente Chambre de première instance,

13 comme nous l'avons dit dans nos écritures, devrait déterminer les éléments

14 factuels, eu égard au comportement de l'accusé. Les allégations les plus

15 importantes, - et je crois que ceci apparaît clairement dans la

16 formulation de l'acte d'accusation - posent sur la torture, mais étant

17 donné la nature des procédures à ce stade, s'il y a une ambiguïté

18 quelconque, si vous estimez qu'un traitement inhumain est une forme

19 moindre, pour ainsi dire de ce crime, qu'il y a d'un côté le crime et d'un

20 autre côté le traitement inhumain, si c'est là votre avis, à ce moment-là

21 il faudra adopter la forme moindre s'il y a une quelconque ambiguïté. Mais

22 nous estimons que ce n'est pas le cas étant donné les faits détermines par

23 la Chambre de première instance. A ce moment-là, nous pensons que la

24 torture est l'élément qui s'impose.

25 Mme le Président (interprétation). - Vous voulez poursuivre,

Page 29

1 Maître Keegan ?

2 M. Keegan (interprétation). – Non, mais je n'ai toujours pas

3 répondu à la deuxième question du Juge Robinson, je pourrais la répercuter

4 par écrit.

5 M. Robinson (interprétation). – Je voudrais simplement vous

6 expliquer, afin de ne perdre aucun temps, que ceci ne m'intéresse que dans

7 la mesure où vous les présenteriez comme significatives d'une certaine

8 jurisprudence appliquée dans ces pays, laquelle exigerait que dans des

9 procès similaires à celui-ci, la punition, la sanction doit s'ajouter à la

10 peine initiale. C'est dans ce contexte seul que ceci m'intéresse.

11 M. Keegan (interprétation). - Tout à fait. Il y a eu des

12 références faites à ces jurisprudences qui seront soumises afin d'établir

13 effectivement que dans la façon dont sont structurées les peines dans ces

14 pays, il y aurait une augmentation, un ajout de la peine à une autre.

15 Mme le Président (interprétation). - Maître Keegan, la Chambre

16 d'appel qui a jugé l'appel interlocutoire dans l'affaire Tadic, s'est

17 attachée à l'article 3 du Statut, a interprété celui-ci de façon à

18 introduire l'article commun 3 des Conventions de Genève, donc toutes les

19 infractions qui n'étaient pas couvertes par les articles 2-4 ou 5. A votre

20 avis, y a-t-il un quelconque obstacle à ce que maintenant nous jugions, en

21 vertu de l'article 2, étant donné qu'il y a une décision, à savoir que

22 l'article 3 était une espèce d'article-balai, qu'il fallait d'abord

23 étudier cet article pour ne passer qu'ensuite à l'article 2. Bien sûr la

24 Chambre d'appel a donné des instructions à cette Chambre-ci pour que nous

25 jugions en vertu de l'article 2, mais ceci est mis de côté, qu'en pensez-

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1 vous ?

2 M. Keegan (interprétation). - Nous l'avons dit dans notre

3 mémoire, nous pensons que chacun de ces articles a un Statut bien

4 particulier, bien à lui dans le droit international. Il y a bien sûr des

5 valeurs de société différentes, des normes de société qui les inspirent

6 telles qu'elles ont été établies par des Etats et par la communauté

7 internationale.

8 A notre avis, comment faut-il voir cette décision de l'appel

9 interlocutoire ? Elle présente une hypothèse quelque peu inversée, à

10 savoir qu'il faut d'abord examiner l'article 2 pour parler de ce crime

11 bien particulier, bien déterminé. Et c'est seulement si les éléments

12 constitutifs de cette fraction ne peuvent pas être réunis qu'il faut

13 passer à l'article 3 pour accorder aux victimes une protection en vertu du

14 droit international.

15 C'est bien l'avis majoritaire rendu dans la première décision où

16 on n'avait pas prouvé la protection, ce qui veut dire qu'on ne pouvait

17 avoir que l'article 3 pour assurer la protection des personnes couvertes

18 par ces circonstances.

19 Mme le Président (interprétation). - Vous n'y voyez donc aucun

20 obstacle ?

21 M. Keegan (interprétation). - Non.

22 Mme le Président (interprétation). - Encore une question sur ce

23 point.

24 Si je ne m'en souviens pas, - je n'ai pas examiné ces documents

25 récemment - c'est parce que cela fait à peu près 500 pages ce jugement

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1 Celebici.

2 Mais si je me souviens bien, la Chambre de première instance a

3 estimé que les éléments constitutifs de l'homicide volontaire, en vertu de

4 l'article 2, infractions graves, sont les mêmes que le meurtre en vertu de

5 l'article 3. C'est là bien sûr une décision prise par une Chambre de

6 première instance.

7 Mais si nous estimons que c'est là une bonne jurisprudence dont

8 nous pouvons nous inspirer, est-ce que nous pouvons condamner pour les

9 meurtres de Jaskici en vertu et de l'article 2 et de l'article 3 si nous

10 estimons que les éléments constitutifs sont les mêmes.

11 M. Keegan (interprétation). - Les éléments constitutifs du

12 crime, effectivement que ce soit l'homicide volontaire ou le meurtre d'une

13 personne, sont les mêmes que ceux qui se retrouvent dans un système

14 national.

15 Les facteurs supplémentaires pris par l'article 2, ce qui fait

16 que c'est implicitement différent, fait que ceci se produit dans un

17 conflit international armé et que la victime est une personne protégée au

18 titre de la 4 ème Convention de Genève. Et cette exigence particulière, si

19 vous voulez considérer cela comme un élément constitutif du crime pour que

20 soit appliqué l'article 2, ne diffère pas de l'article 3.

21 C'est cette protection, ce régime de comportement, qu'essaie de

22 protéger la communauté internationale en créant les Conventions de Genève,

23 et l'applique dans le cadre d'un conflit armé international.

24 C'est la valeur, la norme de société qui est ici protégée, même

25 si l'acte au départ est le même pour les articles 2, 3 et 5. C'est la

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1 nature du crime, le contexte dans lequel il se produit que nous essayons

2 de protéger et qui représente une certaine valeur afin de renforcer

3 l'application du droit international par l'application de sentences. Ceci

4 vaut aussi pour ces crimes et c'est à ce moment-là que la question de la

5 confusion des peines devient une question plus manifeste par contraste

6 avec les 5 meurtres de Jaskici.

7 Mme le Président (interprétation). - Si je me souviens bien, la

8 majorité des Juges dans l'affaire Tadic avait estimé que des personnes

9 protégées, ou du moins l'exigence selon laquelle il fallait prouver que

10 les victimes étaient des personnes protégées, constituaient un des

11 éléments de l'article 2. Est-ce que je ne me trompe pas ?

12 Ce qui veut dire qu'apparemment il y a une démarche quelque peu

13 différente entre Tadic et Celebici ; et laquelle choisir ?

14 M. Keegan (interprétation). - Nous estimons quant à nous qu'il

15 est nécessaire en effet de prouver qu'il s'agit de personnes protégées

16 pour appliquer l'article 2. C'est d'ailleurs la différence qui existe

17 entre l'article 2 et l'article 3.

18 Mme le Président (interprétation). - Merci Monsieur Keegan.

19 Un instant, s'il vous plaît.

20 (Les Juges se consultent sur le siège.)

21 Merci, Monsieur Keegan. Non, M. le Juge Vohrah n'a pas de

22 question à vous poser.

23 Maître Clegg, vous pouvez maintenant vous exprimer.

24 M. Clegg (interprétation). - Merci beaucoup. Dans notre mémoire,

25 la question du prononcé de la peine de M. Tadic pour les charges dont il a

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1 été reconnu coupable par la Chambre d'appel, soulève des principes

2 importants en matière de prononcé de la peine.

3 Nous estimons dans notre mémoire que le premier principe qu'il

4 convient d'appliquer dans le cadre du prononcé d'une peine, c'est que la

5 peine applicable à un chef d'accusation particulier doit refléter la

6 nature du crime et doit correspondre également à la nature de l'accusé.

7 Donc le principe de base, le principe simple que l'on applique

8 ici, c'est qu'une peine, une sanction doit être conforme à la fois au

9 crime qui a été commis et à celui qui l'a commis.

10 Deuxième principe, dont nous estimons qu'il doit être pris en

11 compte, c'est le principe de la totalité, à savoir que la totalité de la

12 peine prononcée pour tous les crimes commis doit refléter une peine juste

13 si on la considère dans le contexte du conflit qui a fait rage dans l'ex-

14 Yougoslavie, et si on la compare avec les peines prononcées dans d'autres

15 affaires pour des gens qui ont été condamnés pour des crimes similaires.

16 L'importance du premier principe, c'est que pour ce qui est du

17 chef d'accusation n° 1 de l'acte d'accusation, la Chambre de première

18 instance a prononcé une peine de 20 ans. Et c'est dans ce contexte que la

19 nouvelle Chambre de première instance envisage elle-même le prononcé de sa

20 peine.

21 Donc, si l'on considère cette période de 20 ans, nous estimons

22 qu'il faut procéder sur la base suivante : la première Chambre de première

23 instance a estimé qu'il s'agissait là d'une peine appropriée pour les

24 crimes du chef d'accusation n° 1. Elle a considéré également qu'il

25 s'agissait d'une peine appropriée pour cet accusé en particulier, accusé

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1 qui a été reconnu coupable de ces crimes. Nous estimons donc que c'est le

2 point de départ qui doit être appliqué.

3 De plus, la Chambre de première instance a prononcé des peines

4 pour les autres chefs d'accusation dont M. Dusko Tadic a été reconnu

5 coupable. Des peines ont donc été prononcées et la Chambre de première

6 instance a décidé que ces peines devraient être purgées de façon

7 simultanée et non consécutive.

8 En faisant ceci, la Chambre de première instance a suivi une

9 disposition qui est prévue dans le Règlement puisqu'on lui donne le

10 pouvoir de prononcer ces peines de cette façon. Et en prononçant ces

11 peines, la Chambre de première instance n'a pas fait ce que l'accusation

12 vous demande de faire, c'est-à-dire de prononcer une peine de façon

13 concomitante.

14 Et je lis ici le paragraphe 19 de leur mémoire, à savoir qu'une

15 peine simultanée ou une confusion des peines irait à l'encontre de l'effet

16 de dissuasion recherché par la Chambre de première instance.

17 L'importance, ce que je dis c'est que lorsqu'elle a décidé de la

18 peine, la première Chambre de première instance a estimé que pour les

19 autres crimes en dehors des chefs d'accusation n° 1, et il s'agissait bien

20 entendu d'infractions, de crimes très graves, mais la Chambre a estimé que

21 pour ce qui était de ces autres crimes, on pouvait appliquer la confusion

22 des peines.

23 La Chambre de première instance ne voulait nullement dire que

24 ces crimes et ces infractions n'étaient pas graves ; et cela on peut le

25 voir très clairement si on lit son jugement. Ce n'était pas du tout son

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1 intention.

2 Mais ce qu'a dit la Chambre de première instance, c'était de

3 souligner le principe qui doit être appliqué dans le cadre du prononcé

4 d'une peine, à savoir le principe de totalité, un principe que l'on

5 retrouve dans tous les systèmes juridiques partout dans le monde.

6 A titre d'exemple, si on imagine quelqu'un qui est accusé de

7 cambriolage, et qui est passible d'un an de prison, si cette personne

8 commet 100 cambriolages ; dans aucun système juridique national cette

9 personne ne sera condamnée à 100 ans de prison.

10 Il faut donc prendre en compte le principe de totalité au vu des

11 crimes qui ont été commis. Dans le cas qui nous intéresse, la décision la

12 plus importante que doit prendre cette Chambre de première instance, c'est

13 de savoir si la peine qui va être maintenant prononcée, une peine qui doit

14 correspondre au crime dont l'accusé a été reconnu coupable, la question

15 est donc de savoir s'il doit y avoir confusion des peines ou si ces peines

16 doivent être purgées de façon consécutive.

17 Je pose la question suivante : quelle est la démarche que doit

18 adopter la Chambre de première instance ?

19 Première démarche possible, c'est d'analyser le jugement portant

20 prononcé de la peine de la première Chambre de première instance. Et la

21 Chambre devrait se poser la question suivante : qu'aurait dû faire cette

22 première Chambre de première instance s'il s'agissait alors de prononcer

23 la peine ?

24 Ce que je souhaite avancer ici, c'est que l'appelant ne doit pas

25 se voir pénaliser du fait que la Chambre de première instance s'est

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1 trompée en le prononçant innocent pour certains chefs d'accusation où elle

2 n'aurait pas dû le prononcer innocent.

3 Si l'on pouvait définir ce qu'aurait dû dire la première Chambre

4 de première instance, moi, je dis qu'il ne faudrait pas que l'accusé soit

5 pénalisé. Il ne faut pas qu'il lui soit infligé une peine supérieure à

6 celle qui aurait été infligée par la première Chambre de première

7 instance.

8 La démarche adoptée par la première Chambre de première instance

9 dans le cadre du prononcé de la peine s'articulait de la façon suivante :

10 il s'agissait tout d'abord de déterminer quelle était la peine appropriée

11 pour le chef d'accusation n° 1. Et on a décidé que c'étaient 20 ans.

12 Et ensuite deuxième élément de la démarche, et c'est ce qu'ils

13 ont fait, c'était de savoir si cette période de 20 ans était suffisante

14 pour l'affaire qui nous intéresse en appliquant le principe de totalité,

15 sans imposer des peines consécutives et supplémentaires pour les autres

16 chefs d'accusation.

17 Il apparaît clairement que la Chambre de première instance, la

18 première Chambre de première instance a estimé que cette peine de 20 ans

19 correspondait aux crimes qui avaient été commis et qui étaient reflétés

20 dans les chefs d'accusation.

21 Nous invitons la Chambre de première instance à réfléchir à

22 ceci. Si la première Chambre de première instance avait imposé des peines

23 devant être purgées de façon consécutive pour les questions qui nous

24 intéressent aujourd'hui, donc si elle avait fait cela en 1997, elle

25 devrait le faire aujourd'hui également. Rien ne s'est passé entre-temps

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1 qui permettrait de modifier cette démarche.

2 Mme le Président (interprétation). - Permettez-moi de vous

3 interrompre, Maître Clegg. Je veux être sûre de bien comprendre ce que

4 vous êtes en train de nous dire.

5 Maître Linvingston, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

6 M. Clegg (interprétation). - J'ai commis un lapsus, j'ai dit

7 consécutif au lieu de simultané.

8 Mme le Président (interprétation). - Oui, mais à l'époque, et

9 moi-même j'appartenais avec MM. le Juge Vohrah et le Juge Stephen à cette

10 première Chambre de première instance, nous avons considéré que M. Tadic

11 n'était pas coupable du chef énoncé au paragraphe 12. Et la majorité des

12 Juges a estimé que l'article 2 ne s'appliquait pas en l'instance,

13 puisqu'il ne s'appliquait pas à des violations graves. Il y a, au chef

14 d'accusation n° 1, deux meurtres, un chef d'accusation de persécution et

15 de crime contre l'humanité.

16 La Chambre d'appel nous demande maintenant de prononcer une

17 sentence pour les chefs 29, 30 et 31, il s'agit, si je ne me trompe, du

18 meurtre de cinq personnes.

19 Vous avez donc au chef d'accusation n° 1, deux personnes qui ont

20 été tuées et M. Tadic a été reconnu coupable de leur meurtre, il s'agit de

21 policiers dont l'un a été égorgé. Or, maintenant nous avons à traiter de

22 cinq crimes et je comprends bien que vous essayez de nous guider dans

23 notre façon de procéder ; vous avez peut-être raison ou non, mais quoi

24 qu'il en soit, si nous avions eu cela à considérer auparavant, nous

25 aurions peut-être pris cela en considération, ces cinq personnes, et nous

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1 aurions peut-être prononcé une peine plus grave. Que doit-on faire s'il y

2 a non pas deux personnes qui ont été tuées mais cinq ?

3 M. Clegg (interprétation). – Si, à l'époque, vous aviez dû

4 prendre en compte ces chefs d'accusation et si vous en étiez arrivé à la

5 conclusion que la peine appropriée, c'était mettons 25 ans, à ce moment-là

6 mon argument tombe à l'eau.

7 Mais si à ce moment-là, bien entend nous nous plaçons dans une

8 situation totalement hypothétique, vu la participation de l'accusé dans

9 ces crimes, vous aviez estimé qu'une peine de 20 ans était appropriée, à

10 ce moment-là il faudrait que ce soit la peine qui soit appliquée

11 aujourd'hui, en prenant en compte bien entendu la participation à ces deux

12 séries de crimes.

13 Nous, nous pensons qu'il ne s'agit pas simplement d'ajouter le

14 nombre de victimes, de dire pour deux morts, deux victimes, c'est 20 ans,

15 et pour cinq morts, 50 ans.

16 Il faut aller au-delà. Il faut prendre en compte les

17 circonstances dans lesquelles ces deux séries de crimes ont été commises.

18 Le chef d'accusation n° 1, comme vous vous en souviendrez, a trait au fait

19 que deux policiers musulmans ont été égorgés et ceci du fait de l'accusé

20 en personne ; c'est lui qui tenait le couteau et ceci a été confirmé par

21 un témoin oculaire, Nihad Zahirovic.

22 Dans ce contexte, je ne souhaite nullement critiquer la décision

23 de la Chambre puisqu'il s'agit, et c'est indéniable, d'un acte d'une

24 extrême gravité, nonobstant le texte dans lequel cela s'est déroulé, le

25 contexte d'une guerre civile ; mais les nouveaux chefs d'accusation dont

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1 il a été reconnu coupable sont très différents. L'accusé faisait partie

2 d'un groupe d'hommes qui s'est rendu dans un village dans lequel cinq

3 hommes ont été enlevés et ont été emmenés ailleurs. Et dans le mémoire

4 relatif au prononcé de la peine de l'accusation, l'accusation reconnaît

5 qu'aucun élément de preuve ne permet d'indiquer que l'accusé, M. Tadic,

6 ait joué un rôle quelconque, un rôle physique dans ces meurtres.

7 Rien ne permet de prouver qu'il ait lui-même porté la main sur

8 ces victimes. Il a été condamné parce qu'il a participé à cet enlèvement

9 avec d'autres et donc il a été reconnu coupable du fait qu'il ait joué un

10 rôle dans le meurtre de ces personnes, mais aucun élément de preuve

11 n'indique qu'il ait participé lui-même à ces meurtres. Et nous, nous

12 pensons que c'est une distinction extrêmement importante à prendre en

13 compte, une distinction entre les deux chefs d'accusation.

14 Cependant, nous estimons qu'en se penchant sur la nature des

15 deux chefs d'accusation, nous ne pensons pas que l'on puisse conclure que

16 le meurtre de ces cinq personnes puisse être considéré comme plus grave

17 que les meurtres des deux policiers.

18 La peine de vingt ans : cette peine correspond également à la

19 peine maximale pouvant être infligée à une personne dans le cadre du

20 système juridique de l'ex-Yougoslavie et je voudrais ici faire référence à

21 l'article 24 qui demande à la Chambre de première instance de prendre en

22 compte les pratiques des tribunaux de l'ex-Yougoslavie en matière de

23 prononcé des peines. Ici, dans cet article 24, on parle de pratiques

24 générales, pour moi c'est un terme un peu bizarre et je pose la question

25 théorique suivante, qu'est-ce que cela signifie exactement cela,

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1 "pratiques générales" ?

2 Nous, nous estimons que cela signifie que la Chambre de première

3 instance doit prendre en compte le niveau des peines, la durée des peines

4 prononcées dans l'ex-Yougoslavie. Et la logique que l'on doit suivre est

5 la suivante d'après nous : les rédacteurs de l'article 24 souhaitaient

6 qu'il y ait une parité de peine entre les peines prononcées par ce

7 Tribunal et celles prononcées par les tribunaux de l'ex-Yougoslavie, sinon

8 pourquoi stipuler qu'il s'agit de prendre en compte la pratique générale

9 des tribunaux de l'ex-Yougoslavie, pourquoi ne pas mentionner les Etats-

10 Unis ou l'Europe ou le Royaume-Uni ?

11 A l'article 24, il ne s'agit pas de prendre en compte des

12 principes généraux, ce n'est pas cela que cela veut dire, puisqu'il s'agit

13 plutôt de prendre en compte le niveau des peines prononcées en

14 Yougoslavie. Et la seule raison pour laquelle l'article 24 stipule cette

15 exigence, c'est que les rédacteurs de ce document avaient la priorité

16 suivante à l'esprit : ils voulaient que les personnes accusées du même

17 type de crimes ou d'infractions soient passibles du même niveau à peu

18 près, du même niveau de peine, qu'elles soient jugées ici ou qu'elles

19 soient jugées en ex-Yougoslavie. Je ne vois pas d'autre signification à

20 cet article, personnellement.

21 M. Robinson (interprétation). – Maître Clegg, je voudrais savoir

22 si pour vous, il y a une différence entre ce qui est dit à l'article 24,

23 qui stipule qu'il faut se référer à la pratique générale, et s'il y a donc

24 un rapprochement avec l'article 101 du Règlement, l'article 101 qui

25 stipule que lorsqu'elle prononce une peine, la Chambre de première

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1 instance doit tenir compte de la grille générale des peines

2 d'emprisonnement telles qu'appliquées par les tribunaux en Ex-

3 Yougoslavie ?

4 M. Clegg (interprétation). – C'est un sujet dont il a déjà été

5 question auparavant et quant à savoir s'il y a une différence entre ces

6 deux articles, je pense que c'est le Statut qui prévaut sur le Règlement,

7 c'est du moins notre opinion.

8 A l'article 24 du statut on voit le terme de "avoir recours" et

9 les termes utilisés sont beaucoup plus forts que ceux que l'on trouve à

10 l'article 101 du Règlement, article 101 du Règlement qui lui - je vous le

11 rappelle - tient compte des dispositions. Je ne veux dire nullement que le

12 Tribunal soit tenu de respecter ou soit lié par les pratiques en vigueur

13 dans l'ex-Yougoslavie. Je suis bien conscient des différences de

14 terminologie qui existent, j'estime et je pense que la Chambre de première

15 instance doit se référer au Statut plutôt qu'au Règlement.

16 Mme le Président (interprétation). - Maître Clegg, je vais vous

17 demander de vous référer une fois de plus au jugement relatif à la

18 sentence du 14 juillet 1997. Vous verrez que nous citons l'article 41 du

19 Code pénal de la République fédérale socialiste de Yougoslavie.

20 Dans cet article, les autorités chargées du prononcé des peines

21 de l'ex-Yougoslavie prennent en compte le degré de responsabilité

22 criminelle - il s'agit de la 6 ème ligne.

23 Donc vous nous dites que nous ne sommes pas tenus de les

24 respecter mais que nous devons en prendre compte ?

25 M. Clegg (interprétation). - Oui.

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1 Mme le Président (interprétation). - Mais étant donné le niveau

2 de responsabilité pénale, peut-être devons-nous nous sentir plus liés que

3 cela ?

4 M. Clegg (interprétation). - Je pense qu'en effet il faut en

5 tenir compte mais je voudrais attirer l'attention de Madame et Messieurs

6 les Juges à l'annexe de notre mémoire, il s'agit d'une lettre du Comité

7 d'Helsinki pour la protection des droits de l'homme. On peut y voir le

8 niveau des peines qui sont prononcées par les tribunaux en Republika

9 Srpska.

10 Il y a par exemple une peine de 15 ans pour des crimes de guerre

11 et des crimes multiples ainsi que des tortures infligées à plusieurs

12 prisonniers. Il est précisé que les représentants des Nations Unies, qui

13 ont observé ce procès, n'ont pas émis d'objections significatives au sujet

14 de la procédure. Il s'agit d'un rapport assez bref et donc on peut y lire

15 que des peines de 7 ans et 8 ans ont été prononcées pour des actes qui

16 s'apparentent pratiquement à des meurtres.

17 Nous estimons donc que les pratiques générales en matière de

18 prononcé de la peine en ex-Yougoslavie sont bien clairement indiquées ici.

19 Et je note que l'accusation n'a fait référence à aucun jugement, aucune

20 peine prononcée dans l'ex-Yougoslavie, pour demander une peine

21 supplémentaire pour notre client.

22 La mise en place d'un barème de peines, de condamnations, cela

23 fait partie de la fonction intrinsèque d'un Tribunal et cela n'est pas

24 limité aux questions qui ont été évoquées par M. Keegan dans son

25 intervention.

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1 C'est un principe fondamental dans tout système juridique. Et ce

2 principe est le suivant : à savoir que si des crimes similaires ont été

3 commis dans des circonstances similaires, la peine doit être également

4 similaire. Parce que si l'on fait le contraire, eh bien cela peut susciter

5 un sentiment d'injustice de la part de ceux qui se sont vus défavorisés du

6 fait d'une telle démarche. Et la mise en place d'un barème de peines,

7 lorsqu'il y a plusieurs Chambres de première instance ainsi qu'une Chambre

8 d'appel, est à notre avis essentiel.

9 La première Chambre de première instance avait très peu

10 d'éléments auxquels se référer en matière de prononcé de la peine

11 puisqu'il s'agissait du premier procès dont a eu à connaître ce Tribunal.

12 Aujourd'hui, les choses sont différentes puisque les autres Chambres de

13 première instance peuvent se référer aux peines qui ont été prononcées

14 dans d'autres procès maintenant terminés.

15 Nous estimons donc qu'il est très important de comparer les

16 différentes affaires tout en ayant bien conscience de la difficulté que

17 cela représente. Mais nous pensons qu'il est nécessaire de le faire afin

18 de déterminer quelles sont les peines qui doivent être prononcées pour ce

19 type, pour un type donné de crimes.

20 Si l'on se penche sur les autres peines qui ont été prononcées

21 par les Chambres de première instance de ce Tribunal, eh bien l'on

22 constate à notre avis que chaque fois qu'il y a eu des condamnations

23 multiples pour un accusé ou d'autres, eh bien on a choisi la solution de

24 la confusion des peines.

25 L'argument de l'accusation selon lequel il faudrait, dans le cas

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1 présent, décider de prononcer une peine qui devrait être exécutée de façon

2 consécutive serait sans précédent, puisque ce genre de décision n'a jamais

3 été prise par aucune Chambre de première instance.

4 Nous affirmons que de bonnes raisons justifient notre propos. En

5 effet, un élément doit intervenir dans la réflexion menant au prononcé de

6 la peine appropriée, et cet élément doit être la réhabilitation. Il faut

7 qu'il y en ait une part dans le jugement. Il faut que dans le jugement

8 soit respecté l'espoir, que chacun est autorisé à nourrir, quant au fait

9 que le territoire de l'ex-Yougoslavie pourra revenir à un système de

10 gouvernement démocratique. Et les procès qui se déroulent ici ont bien sûr

11 un rôle très important à jouer dans ce processus. Il importe de les situer

12 dans ce cadre.

13 Le dernier point à évoquer, s'agissant de l'examen de la peine

14 la plus appropriée consiste à reconnaître la nécessité d'une structure de

15 pénalisation qui rende bien compte de la responsabilité individuelle des

16 personnes mises en accusation par ce Tribunal.

17 Nous affirmons qu'il doit exister un barème de peines qui

18 permettra qu'une personne occupant un poste de commandement et prenant

19 donc les décisions qui ensuite sont mises en oeuvre, de se voir infliger

20 une sentence rendant effectivement compte de l'aspect criminel plus

21 important de son acte ; aspect criminel plus important que celui que l'on

22 trouve dans les actes de personnes telles que Tadic qui se trouvait tout

23 au bas de l'échelle hiérarchique.

24 Et nous affirmons donc que l'importance de l'acte doit être

25 prise en compte ainsi que l'importance du poste doit être prise en compte

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1 dans le prononcé, pour que le barème général donne une image générale

2 juste.

3 C'est pour toutes ces raisons que la défense affirme d'abord que

4 les peines prononcées par la première Chambre de première instance et les

5 peines prononcées par cette Chambre doivent être exécutées de façon

6 consécutive, selon la pratique en vigueur dans les Chambres de ce

7 Tribunal.

8 Et j'ai même l'audace de proposer que cela aurait été le point

9 de vue de la Chambre de première instance, si l'ensemble de la question,

10 si l'ensemble de la sentence avait été examiné en 1997.

11 S'agissant maintenant de la durée de la peine, il est tout à

12 fait manifeste que le meurtre de cinq personnes ajoute à la gravité de

13 l'acte, mais il importe de se poser la question de savoir si une peine

14 plus longue que 20 ans est exigée compte tenu de la gravité pénale de

15 l'acte commis.

16 A notre avis, ce n'est pas le cas. J'appelle l'attention de la

17 Chambre sur le rôle joué par l'accusé dans deux de ces meurtres qui est

18 différent du rôle joué dans les autres meurtres. J'appelle l'attention sur

19 la pratique et le barème de peines en vigueur dans l'ex-Yougoslavie et sur

20 le fait que le Tribunal est tenu ou appelé à respecter ces dispositions.

21 Et nous affirmons donc que la justice peut être rendue dans la

22 présente affaire en prononçant une sentence qui n'excède pas la durée déjà

23 appliquée par la première Chambre de première instance.

24 Sous réserve d'autres questions que les Juges de cette Chambre

25 pourraient avoir à poser, la seule question qu'il reste à débattre est

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1 celle de la portée de la coopération fournie par l'appelant au Procureur.

2 Mme le Président (interprétation). - Merci Monsieur Clegg,

3 j'aurai quelques questions à vous poser à présent.

4 Vous avez parlé des chefs d'accusation supplémentaires qui

5 portent sur les meurtres de Jaskici et qui sont donc les chefs 29, 30

6 et 31. Et si j'ai bien compris votre première observation à cet égard,

7 c'est que la peine déjà prononcée en première instance a été de 20 ans,

8 que c'est la peine la plus importante et que nous ne devrions pas la

9 dépasser car si nous avons prononcé cette peine de 20 ans qui est la plus

10 importante, les autres peines devraient être concomitantes.

11 Mais je vous demande, je vous pose la question suivante : en

12 effet dans les chefs 29, 30 et 31 nous avons cinq meurtres, et vous avez

13 dit que l'implication concrète de M. Tadic était différente de celle jugée

14 au chef n° 1. Donc si la différence de cette participation est reconnue,

15 dites-vous, le traitement appliqué devrait être différent également .

16 Mais si vous examinez le jugement de la Chambre de première

17 instance de juillet 1997, vous constaterez que la Chambre a estimé qu'il

18 n'y avait pas implication, participation directe de M. Tadic dans les

19 actes jugés. Car M. Tadic était dans le hangar au moment où ces actes ont

20 été commis, et bien que déclaré coupable, la Chambre n'a pas conclu à sa

21 participation directe.

22 S'agissant du crime contre l'humanité, nous l'avons condamné à

23 10 ans ; et pour violation des lois aux coutumes de la guerre, nous

24 l'avons condamné à 9 ans. Et puis, je vous renvoie aux chefs 22 et 23,

25 c'est-à-dire l'incident, si je me souviens bien, concernant M. Icic; et là

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1 il y avait participation directe de M. Tadic, en tout cas c'est ce à quoi

2 la Chambre a conclu puisque celui-ci a participé au passage à tabac et à

3 l'enroulement d'un câble au autour du cou de la victime qui a provoqué

4 l'évanouissement de celle-ci.

5 Mais notre peine, la peine que nous avons infligée, a été plus

6 légère : pour crime contre l'humanité, 7 ans ; et pour violation des lois

7 aux coutumes de la guerre, 6 ans. Donc en deux occasions, si l'on compare

8 l'implication directe, la participation directe et une participation qui

9 est indirecte, vous constaterez que nous avons effectivement appliqué les

10 conseils que vous nous donniez.

11 Quelle est votre réponse à cela ? Vous pouvez commencer bien sûr

12 par dire que nous avons eu tort, mais quoi d'autre ?

13 M. Clegg (interprétation). - Il est difficile d'analyser les

14 peines auxquelles vous venez de faire référence car la situation n'est pas

15 absolument identique.

16 Mme le Président (interprétation). - Je comprends mal ce que

17 vous voulez dire.

18 M. Clegg (interprétation). - Je n'admettrai pas que la Chambre

19 de première instance a nécessairement eu raison en prononçant la peine

20 prononcée.

21 Mme le Président (interprétation). - Je comprends bien.

22 M. Clegg (interprétation). - Mais en disant cela, je fais preuve

23 d'une audace peut-être exagérée. Je pense que dans la plupart des systèmes

24 judiciaires en tout cas, la peine maximale pour un crime est prononcé

25 après prise en compte de cette distinction entre participation directe ou

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1 participation indirecte. Et bien sûr j'admets cela tout à fait.

2 Néanmoins, malgré l'attitude adoptée par la Chambre de première

3 instance à laquelle vous venez de faire référence, j'aimerais inviter la

4 présente Chambre à se demander si, de façon générale, celui qui a commis

5 un crime est plus coupable sur le plan pénal que quelqu'un qui a

6 encouragé, incité ou aidé à la commission de ce crime, tous autres

7 éléments étant identiques.

8 Vous pouvez bien sûr vous trouver devant une affaire où la

9 personne qui a organisé un crime s'avère plus coupable que la personne qui

10 l'a effectivement exécuté. Si quelqu'un commandite un crime, il est

11 possible de conclure à la culpabilité plus importante du commanditaire que

12 celui qui a exécuté les ordres. Mais dans ce cas particulier, s'agissant

13 des faits qui ont été examinés dans l'affaire Tadic, ce qu'il importe de

14 considérer c'est ce que Tadic a effectivement fait ou pas fait au cours

15 des meurtres qui ont été jugés. Il est extrêmement difficile de réfléchir

16 aux chefs d'accusations 29 à 31 si l'on ne tient pas compte de cet

17 élément-là.

18 S'agissant des meurtres stipulés au chef d'accusation n° 1,

19 j'inviterai la Chambre à réfléchir à l'acte effectivement commis par

20 Tadic. Non seulement il n'est pas la personne qui a physiquement tranché

21 la gorge des deux policiers, acte qui selon les témoins à été commis de

22 sang-froid et sans incitation ou participation de tiers, donc sans cette

23 incitation qui vient du groupe dans certaines circonstances et nous disons

24 que c'est une raison supplémentaire pour distinguer entre le chef n° 1 et

25 les chefs d'accusation 29, 30 et 31.

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1 Mme le Président (interprétation). – Comment répondez-vous aux

2 questions qui ont été évoquées par M. Keegan eu égard à l'existence d'une

3 peine de mort dans l'ex-Yougoslavie à l'époque où ces délits ont été

4 commis, où ces crimes ont été commis ?

5 Etes-vous d'accord avec le fait que la peine capitale existait à

6 l'époque où ces crimes ont été connus et à l'époque où le Tribunal a été

7 créé ?

8 M. Clegg (interprétation). – Oui, bien sûr. C'était le cas à

9 l'époque mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Or, la sentence que vous

10 prononcez, vous la prononcez aujourd'hui.

11 Mme le Président (interprétation). – Oui, je sais bien que mes

12 collègues et moi-même prononçons une peine aujourd'hui. Monsieur Clegg, il

13 est important, lors d'un prononcé de peine, de tenir compte de l'Etat de

14 droit dans l'ex-Yougoslavie au moment où la peine en question est

15 prononcée.

16 En effet, le Statut et le Règlement utilisent le présent ; donc

17 il est important, eu égard à ce que dit l'article 24 du Statut, de se

18 fonder sur l'Etat du droit au moment où la peine est prononcée par le

19 Tribunal.

20 Or, l'Etat du droit en ex-Yougoslavie actuellement, c'est que la

21 peine capitale n'existe pas. Indépendamment de ce qu'était la situation il

22 y a deux ans, nous disons que cette situation d'il y a deux ans n'a rien à

23 voir avec ce que nous faisons ici aujourd'hui.

24 Mme le Président (interprétation). – Donc, nous ne prononçons

25 pas la peine que nous prononçons en fonction des pénalités applicables à

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1 l'époque où les infractions ont été commises mais nous nous fondons sur la

2 peine maximale applicable aujourd'hui, c'est bien ce que vous dites,

3 Monsieur Clegg ?

4 M. Clegg (interprétation). – Oui, c'est la méthode habituelle

5 lorsqu'on aborde le prononcé d'une peine, car à moins qu'il soit

6 précisément stipulé qu'une modification du droit ne porte que sur les

7 peines applicables à l'avenir lorsqu'il y a changement du droit il y a

8 changement des peines à ce moment-là.

9 Mme le Président (interprétation). - Vous recommandez que les

10 peines soient donc exécutées de façon concomitante et que les peines

11 applicables aux chefs d'accusations 29, 30 et 31 n'excèdent pas 20 ans ?

12 M. Clegg (interprétation). – En effet.

13 Mme le Président (interprétation). - Avez-vous une

14 recommandation quant à la durée appropriée de la peine ?

15 M. Clegg (interprétation). – Je serais d'accord avec le

16 Procureur sur le fait que la peine la plus appropriée est de quinze ans.

17 Mme le Président (interprétation). - Peine concomitante avec la

18 peine correspondant au chef d'accusation n° 1.

19 M. Clegg (interprétation). – Oui.

20 Mme le Président (interprétation). - Merci.

21 M. Robinson (interprétation). – Monsieur Clegg, mais qu'en est-

22 il de ce que vous avez dit au sujet du principe de totalité de la peine

23 applicable ?

24 J'ai cru comprendre que vous disiez que le principe de totalité

25 s'appliquait lorsqu'une sentence est prononcée mais vous parlez

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1 aujourd'hui d'une peine totale de quinze ans. Je vois mal comment les deux

2 choses concordent ?

3 M. Clegg (interprétation). – Non, il y aurait toujours une peine

4 de vingt ans s'agissant du chef d'accusation n° 1 puisque ce n'est pas la

5 peine dont nous traitons aujourd'hui dans nos débats.

6 M. Robinson (interprétation). - Et la peine de quinze ans ne

7 concernerait que les débats d'aujourd'hui ?

8 M. Clegg (interprétation). – Oui. En fait c'est une démarche en

9 deux étapes à notre avis.

10 Vous décidez d'abord quelle est la peine appropriée, eu égard au

11 chef d'accusation considéré - je dirai qu'il s'agit de quinze ans - et

12 puis vous examinez le problème de la totalité et vous rendez votre

13 décision, eu égard à la concomitance ou à la consécutivité de l'exécution

14 de la peine.

15 M. Robinson (interprétation). - Et vous justifiez les quinze

16 ans, durée inférieure à vingt ans, en vous fondant sur le fait que la

17 personne accusée n'a pas participé physiquement ?

18 M. Clegg (interprétation). – Oui, c'est le cas, en effet, en

19 l'espèce.

20 M. Robinson (interprétation). - Mais si cette personne avait

21 participé physiquement, quelle serait la durée de la peine recommandée par

22 vous ?

23 M. Clegg (interprétation). – Eh bien, je ne voudrais pas traiter

24 de cette question, cela dépend de la nature de la participation et de la

25 réalité des faits.

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1 M. Robinson (interprétation). - Si par exemple cette personne

2 avait coupé la gorge aux victimes, Monsieur Clegg, il est difficile dans

3 ce cas-là de demander moins de vingt ans.

4 M. Clegg (interprétation). - Merci.

5 Mme le Président (interprétation). – Monsieur Clegg, si M. Tadic

6 souhaite s'exprimer au cours des présents débats, je souhaite que vous

7 sachiez que la possibilité lui en sera donnée. Mais nous allons maintenant

8 faire une pause de vingt minutes.

9 Je souhaitais quinze minutes mais mes collègues ne sont pas

10 d'accord avec moi, vingt minutes donc et lorsque nous reprendrons nos

11 débats nous serons à huis clos partiel.

12 (L'audience, suspendue à 11 heures 50, est reprise à

13 12 heures 10.)

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15 Mme le Président (interprétation). - Nous sommes en ce moment à

16 huis clos partiel ? Oui ?

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11 Mme le Président (interprétation). - Nous repassons en audience

12 publique.

13 Merci, Monsieur Dubuisson.

14 Un instant, Monsieur Tadic, afin que nous puissions prendre

15 toutes les dispositions nécessaires.

16

17 Mme le Président (interprétation). - Vous pouvez procéder,

18 Monsieur Tadic.

19 M. Tadic (interprétation). – J'aimerais dire un certain nombre

20 de choses au sujet des documents qui viennent d'être évoqués ici,

21 s'agissant de conclure à la portée de la coopération qu'ils indiquent.

22 Je n'ai pas gardé ces documents en ma possession pour nuire à

23 qui que ce soit, je souhaitais tirer partie de la première occasion qui me

24 serait donnée pour les remettre, car je n'ai pas vu de documents de cette

25 nature qui aient été communiqués et qui traitent des lieux évoqués dans

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1 ces documents ou des personnes évoquées dans ces documents.

2 Bien sûr j'avais peur pour ma famille et j'ai attendu le moment

3 où mon épouse et mes enfants se sont trouvés sur le territoire le plus sûr

4 pour transmettre ces documents. Ils sont en Serbie à l'heure actuelle. Mon

5 frère est toujours dans la zone dangereuse, et bien sûr cela peut

6 constituer un risque si je remets ces documents.

7 J'ai examiné tous ces documents en question, je crois les

8 connaître bien et en les lisant, j'ai trouvé des noms qui ont un lien avec

9 les événements survenus dans la municipalité de Prijedor car il s'agissait

10 de noms que je connaissais personnellement.

11 J'ai proposé ma coopération et je la propose encore aujourd'hui,

12 je suis prêt à tout expliquer. Je ne demande pas d'avantage particulier,

13 je propose simplement ma coopération car je suis prêt à dire tout ce que

14 je sais au sujet de toutes les personnes que je connais sur ces

15 territoires.

16 S'agissant de l'année 1996, j'ai été une victime des

17 circonstances, je n'étais pas destiné à vivre sur ces territoires ; je

18 suis sans aucun doute la victime du gouvernement de la Republika Sprska,

19 la victime des événements politiques. J'ai tiré parti du premier moment où

20 cela a été possible pour mettre ma famille à l'abri en l'éloignant de ce

21 territoire. Moi, je me suis trouvé sur le territoire de la municipalité de

22 Prijedor un peu par hasard et j'aurais pu m'y faire tuer moi-même, à moins

23 de m'enfuir.

24 J'ai tiré parti du premier moment possible pour m'enfuir. Je

25 souhaitais m'échapper de cette situation alors que la guerre a duré

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1 beaucoup plus longtemps.

2 Puis, je tiens à dire que je ressens du chagrin lorsque je pense

3 aux victimes, aux familles des victimes également sur ce territoire. Il se

4 trouve que mes frères vivent encore à Kozarac, à côté des voisins

5 musulmans mais que les rapports se sont considérablement améliorés

6 aujourd'hui. Et j'exprime une peine sincère au sujet de tout ce qui s'est

7 passé et je tiens à ce que vous en teniez compte. Mes frères sont encore

8 là-bas et c'est en raison de tout cela que ma femme et mes enfants ne sont

9 plus là-bas. Je ressens une peine profonde à l'égard de tout ce qui s'est

10 passé et je n'ai rien d'autre à dire.

11 Mme le Président (interprétation). - Je vous remercie,

12 Monsieur Tadic. Dans ce qu'a déposé la défense, apparemment il semble que

13 M. Tadic soit remarié et ait réépousé son épouse.

14 M. Clegg (interprétation). – C'est exact

15 Mme le Président (interprétation). - Est-ce qu'il y a des

16 preuves de ce certificat de mariage ?

17 M. Clegg (interprétation). – Je peux vous soumettre ceci dans

18 les sept jours évidemment, mais je ne sais pas si ce certificat est ici en

19 Serbie.

20 Mme le Président (interprétation). - Quand est-ce qu'ils se sont

21 remariés ? Où est-ce que ceci a eu lieu ?

22 M. Clegg (interprétation). – Au quartier pénitentiaire, ceci

23 pourrait peut-être être confirmé par ledit quartier pénitentiaire mais je

24 pense que pour ce qui est du mariage, du certificat de mariage, il est de

25 nouveau en Serbie.

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1 Mme le Président (interprétation). - Ceci pourrait être

2 confirmé ?

3 M. Clegg (interprétation). – Absolument, par le commandant de la

4 prison.

5 Mme le Président (interprétation). - Je rappelle que l'audience

6 de prononcé de la peine est prévue le 11 novembre à 10 heures.

7 Les conseils de la défense et l'accusation n'ont plus rien à

8 ajouter ? Fort bien. L'audience est levée.

9 L'audience est levée à 12 heures 45.

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