Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 4 mai 2001.)

2 (Audience de sentence.)

3 (Audience publique.)

4 (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)

5 M. le Président (interprétation): Je vais demander à la Greffière

6 d'audience d'annoncer l'affaire.

7 Mlle Taylor (interprétation): Affaire IT-95-9/1-S. Le Procureur contre

8 Stevan Todorovic.

9 M. le Président (interprétation): Je vais demander aux parties de se

10 présenter.

11 Mme Paterson (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je m'appelle

12 Nancy Paterson. Je représente le Bureau du Procureur. Je suis accompagnée

13 de Gramsci Di Fazio. Monsieur Di Fazio s'occupera de cette affaire à

14 partir du moment où moi-même je quitterai le Tribunal la semaine

15 prochaine.

16 Aisling Reidy est également présent ainsi que notre assistante.

17 M. Brashich (interprétation): Je m'appelle Deyan Ranko Brashich. Je suis

18 avec Me Nikola Kostich ainsi que Me Jovan Blagojevic du barreau de

19 Bosanski Samac.

20 M. le Président (interprétation): Merci.

21 Cette audience est consacrée à la détermination de la sentence de Stevan

22 Todorovic. Elle découle du fait que le 13 décembre 2000, l'accusé a plaidé

23 coupable et ceci découle d'un accord conclu entre l'accusation et

24 l'accusé. Accord au terme duquel l'accusé a plaidé coupable du premier

25 chef de l'Acte d'accusation à savoir persécutions. Et cet accord reposait

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1 sur le fait que le premier chef d'accusation incluait tous les autres

2 chefs d'accusation.

3 Je dois vous dire que les Juges de la Chambre ont pris connaissance des

4 mémoires déposés aussi bien par la défense que l'accusation.

5 Dans le mémoire de la défense, nous avons un résumé, une synthèse de 15

6 déclarations de témoins. La défense a également présenté 10 déclarations

7 d'amis et de membres de la famille de l'accusé relatives à sa

8 personnalité.

9 L'accusation a déposé une requête aux fins de pouvoir contre interroger

10 les témoins de la défense. Ceci afin de répliquer aux éléments de preuves

11 qui vont être présentés parce que l'accusation appelle les témoins sur les

12 faits de la défense.

13 La défense a répondu par une requête qui demande donc que l'on ne permette

14 pas à l'accusation de le faire ou bien qu'on lui accorde sept jours, à la

15 défense, pour répliquer aux éléments de preuves qui vont être présentés

16 par le témoin de l'accusation.

17 La Chambre a examiné avec beaucoup d'attention ces requêtes ainsi que les

18 écritures qui les accompagnaient.

19 Nous sommes ici dans le cadre d'une audience consacrée à la détermination

20 de la peine. De ce fait, les éléments de preuves présentées doivent être

21 pertinents en ce qui concerne la peine et la détermination de la peine.

22 Ceci doit notamment avoir trait à la personnalité de l'accusé. Cependant,

23 le plaidoyer de culpabilité repose sur un accord passé entre l'accusation

24 et la défense. Et un élément essentiel de cet accord, c'était un accord

25 sur les faits.

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1 La Chambre en acceptant le plaidoyer de culpabilité, était tout à fait au

2 courant de l'accord passé, donc il ne serait pas bon que dans le cadre de

3 la procédure destinée à déterminer la peine, il ne serait pas correct de

4 permettre la présentation d'éléments de preuve sur les faits et qui

5 conteste les faits qui ont déjà été admis.

6 Sur la base de ces critères, à savoir que les éléments de preuves

7 présentés doivent être relatifs à la procédure de détermination de la

8 peine et notamment à la personnalité de l'accusé; critères qui veulent

9 également que les éléments de preuve présentés ne contestent nullement les

10 faits qui ont été admis par les deux parties.

11 Donc sur la base de ces critères, nous décidons la chose suivante en ce

12 qui concerne les éléments de preuve qui vont être présentés.

13 Pour me suivre, je vous conseille de vous référer aux déclarations de

14 témoins qui ont été joints au mémoire de la défense, page 1 des

15 déclarations de témoins.

16 La première déclaration vient du Président du Tribunal de Doboj. Ceci sera

17 admis sans contre-interrogatoire.

18 Deuxième déclaration: elle vient du chef du poste de sécurité publique.

19 Ceci sera admis sans contre-interrogatoire.

20 Troisième élément: il émane du Président du Tribunal de police de Bosanski

21 Samac.

22 Je crois que, Maître Braschich, vous avez quelque chose à ce sujet.

23 M. Brashich (interprétation): Je ne cesse de l'oublier mais je crois que

24 nous avons à le dire.

25 M. le Président (interprétation): Car peu nous importe qu'il ait été

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1 condamné ou accusé mais nous savons bien de quoi nous parlons.

2 Quatrième élément: c'est une lettre qui vient du directeur de la société

3 Zenit. Ceci sera admis sans contre-interrogatoire.

4 Cinquième élément: il vient de la société Nova Forma. Ce document sera

5 également admis sans contre-interrogatoire.

6 Ces quatre déclarations ont trait au casier judiciaire de l'accusé ainsi

7 qu'aux possibilités pour lui de trouver un emploi après sa libération.

8 Donc tous ces éléments seront versés au dossier sans contre-

9 interrogatoire.

10 Maintenant, je passe à la déclaration n°6: celle de M. Cedomir Borojevic.

11 C'est un homme de nationalité serbe. La défense souhaite l'appeler en tant

12 que témoin et lui, il va nous dire que M. Todorovic a permis la libération

13 d'un Musulman en 1992. La Chambre admet cette déclaration sans contre-

14 interrogatoire.

15 Déclaration n°7: Mme Lepa Duric; c'est une Serbe.

16 Si j'ai bien compris, la défense ne souhaite pas l'appeler en tant que

17 témoin, mais va s'appuyer sur son témoignage, sur sa déclaration. Elle

18 était employée au poste de police où travaillait l'accusé, à Bosanski

19 Samac. Elle parle de sa bonté, de la gentillesse dont il fait preuve

20 envers les employés pendant la première partie du conflit. Ceci sera admis

21 sans contre-interrogatoire.

22 Déclaration n°8: M. Marko Prgomet.

23 La défense souhaite l'appeler à la barre. C'est un Croate qui, au poste de

24 police de Samac, a été passé à tabac par des soldats. Lorsqu'il a été une

25 fois encore confronté à ces mêmes soldats, M. Todorovic est venu à son

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1 secours en disant: "Personne n'a le droit de te frapper". Et il a fait

2 partir les soldats. Nous n'allons pas admettre cette déclaration parce que

3 les passages à tabac de l'accusé font partie de l'Acte d'accusation et

4 font également partie des faits admis entre les parties.

5 Déclaration n°9: Mme Svetlana Bosic.

6 La défense ne souhaite pas l'appeler à la barre. Cette personne est serbe

7 et elle va dire que l'accusé a aidé un couple de Bosniens; il leur a

8 permis de s'en aller en toute sécurité après que leur fils a été tué et

9 que leur maison a été pilonnée. Nous allons admettre ceci sans contre-

10 interrogatoire.

11 Déclaration n°10: Mme Velinka Alatovic.

12 La défense ne souhaite pas la faire venir à la barre mais va s'appuyer sur

13 sa déclaration. Elle est serbe, elle travaille elle aussi au poste de

14 police de Bosanski Samac, où était employé l'accusé. Elle parle de sa

15 personnalité, d'une personnalité tout à fait satisfaisante et de toutes

16 ses qualités en tant qu'employeur. Nous admettrons ceci sans contre-

17 interrogatoire.

18 Déclaration n°11: Mme Gordana Ninkovic.

19 Elle est serbe. Elle aussi travaillait au poste de police où se trouvait

20 M. Todorovic, à Bosanski Samac. Elle trouvait que c'était un homme bien,

21 un homme compréhensif et humain. Cependant, l'opinion qu'elle présente

22 selon laquelle il traitait tout le monde avec respect et de la même façon

23 remet en question ce qui est à la base des faits admis entre les parties,

24 à savoir la charge de persécution dont la caractéristique principale est

25 la pratique discriminatoire. De ce fait, cette déclaration ne sera pas

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1 admise.

2 Déclaration n°12: M. Ignjatije Bijelic.

3 La défense souhaite le faire venir à la barre. Il est serbe. Il

4 connaissait l'accusé Todorovic depuis l'enfance; ils étaient voisins.

5 Pendant la guerre, l'accusé a aidé son père malade. Il savait que l'accusé

6 jouissait d'une bonne réputation dans son village. Nous allons admettre sa

7 déclaration sans contre-interrogatoire.

8 Déclaration n°13: M. Milan Petrovic.

9 La défense souhaite entendre cette personne en tant que témoin. Il est

10 serbe. Il a travaillé comme chauffeur de Todorovic et Todorovic a aidé sa

11 famille en réussissant notamment à se procurer des médicaments pour son

12 père. Mais il parle également du fait que l'accusé n'avait pas de contrôle

13 sur les unités de l'armée à Samac. Nous n'allons pas admettre sa

14 déclaration parce que la question de la responsabilité de l'accusé et du

15 contrôle qu'il exerçait, cela est couvert par les faits qui ont été admis

16 par les parties.

17 Déclaration n°14: Mme Jasna Marosevic.

18 La défense souhaite la faire venir à la barre. Elle est croate et dit que

19 l'accusé a aidé son père. Mais nous n'allons pas admettre sa déclaration,

20 parce qu'elle fait part d'un panneau qu'elle dit avoir vu quand elle est

21 allée voir son père au centre de la défense. Sur ce panneau, d'après ce

22 qu'elle nous dit, ceci était signé par l'accusé et informait le personnel

23 non autorisé qu'il n'avait pas le droit d'entrer dans le centre des

24 détention et de passer à tabac les détenus. Une fois de plus, les passages

25 à tabac effectués par l'accusé sont couverts par les faits admis par les

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1 parties. De ce fait, cette déclaration ne sera pas admise.

2 Déclaration n°15: M. Ostaja Minic.

3 La défense ne demande pas à appeler ce témoin à la barre, même si elle va

4 s'appuyer sur ses déclarations. C'est un serbe; il était inspecteur de

5 police à Tuzla et également en Republika Srpska. Il va nous expliquer

6 comment, à sa demande, l'accusé a aidé un officier de police croate qui

7 avait été arrêté et il explique également comment l'accusé a participé à

8 l'arrestation de deux dirigeants de groupes serbes, qui étaient

9 responsables de nombre de crimes dans la région de Samac.

10 Tout ceci n'a pas trait aux éléments qui font l'objet d'un accord entre

11 les parties. De ce fait, nous allons admettre sa déclaration sans contre-

12 interrogatoire.

13 Maintenant, je passe aux déclarations de familiers et d'amis: Jovanka

14 Todorovic, c'est la sœur de l'accusé.

15 Mara Todorovic…

16 Ici, je souhaiterais m'interrompre quelques instants pour demander un

17 élément de clarification, d'éclaircissement à Me Brashich. Si j'ai bien

18 compris, vous avez l'intention de faire venir la mère de l'accusé, Mara?

19 M. Brashich (interprétation): Oui.

20 M. le Président (interprétation): Mais on fait référence à Dijana?

21 M. Brashich (interprétation): Il s'agit de la plus jeune sœur de M.

22 Todorovic.

23 M. le Président (interprétation): Nous allons autoriser la sœur, Jovanka,

24 ainsi que la mère, Mara, à déposer.

25 M. Brashich (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

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1 M. le Président (interprétation): Quant aux déclarations des autres

2 membres de la famille de l'accusé et des autres amis, nous allons les

3 admettre au dossier sans contre-interrogatoire.

4 Maintenant, je passe aux éléments de preuve psychiatriques.

5 Nous allons autoriser le Dr Lecic-Tosevski à déposer.

6 En ce qui concerne la requête aux fins de faire venir un certain nombre de

7 témoins pour déposer sur certains faits, les éléments de preuve qui

8 seraient présentés par les témoins que souhaite entendre l'accusation

9 iraient, c'est clair, à l'encontre des faits qui ont été admis par les

10 parties. Et l'objectif de cette déposition, ce serait d'aller à l'encontre

11 de certaines affirmations de la défense.

12 Cependant, la Chambre a refusé d'accepter les déclarations de certains

13 témoins de la défense qui iraient à l'encontre de l'accord passé entre les

14 parties et des faits admis.

15 De ce fait, la requête de l'accusation est rejeté, de même que la requête

16 qui avait été faite en réponse à la première par la défense.

17 (Les Juges se consultent sur le siège.)

18 M. le Président (interprétation): Maître Brashich, j'allais donc

19 maintenant vous expliquer la procédure que nous allons suivre.

20 Nous allons maintenant entendre les témoins. Et si cela n'était pas clair,

21 à ce moment-là, l'accusation aurait la possibilité de contre-interroger

22 ces trois témoins. C'est ce que je souhaite préciser pour que tout soit

23 clair.

24 M. Brashich (interprétation): Mais je crois que la défense doit se

25 réorganiser.

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1 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un langage un petit peu

2 guerrier.

3 M. Brashich (interprétation): Donc Me Kostich et moi-même, nous

4 anticipions une partie de votre décision mais pas sa totalité. Et donc

5 nous nous apprêtions à entendre un grand nombre de témoins ici dans le

6 prétoire.

7 Afin que les choses soit bien claires, je souhaiterais me référer au

8 témoin n°8, M. Marko Prgomet.

9 Vous avez décidé, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, puisqu'il

10 évoquait des questions qui avaient trait aux faits sur lesquels nous avons

11 passé un accord avec l'accusation, de ce fait, vous avez décidé que vous

12 n'autoriseriez pas le versement au dossier de sa déclaration.

13 Afin que les choses soient bien claires, nous avions préparé M. Prgomet

14 pour qu'il vienne témoigner. Est-ce que je dois comprendre que votre

15 décision a également trait à son témoignage oral ici, dans le prétoire,

16 qui avait été résumé dans sa déclaration écrite?

17 M. le Président (interprétation): Oui.

18 M. Brashich (interprétation): Je crois que Me Kostich et moi-même avons

19 besoin d'au moins cinq minutes parce que nous avions sept témoins que nous

20 nous préparions à entendre, le dernier étant l'expert psychiatrique.

21 Il va nous falloir complètement annuler tous ces plans et passer aux deux

22 témoins que la Chambre nous a permis d'entendre. Donc si nous pouvions

23 avoir quelques instants?

24 M. le Président (interprétation): Vous pouvez disposer de dix minutes.

25 Mme Paterson (interprétation): Je souhaiterais rappeler à Me Brashich que,

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1 hier, nous avons eu une discussion au sujet du témoin n°15 et je crois que

2 nous nous sommes mis d'accord sur le fait que certaines des informations

3 qui sont fournies dans cette déclaration seraient éclaircies et précisées

4 par la défense.

5 M. Brashich (interprétation): Oui, effectivement. Merci de me le rappeler.

6 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'un témoin qu'ils ne

7 souhaitent pas entendre mais sur la déclaration duquel ils vont s'appuyer.

8 Mme Paterson (interprétation): Oui, et que vous avez acceptée. La

9 déclaration, vous l'avez acceptée.

10 M. Brashich (interprétation): Comme je l'ai dit, Madame Paterson, nous

11 sommes en train d'effectuer une opération de regroupement, de

12 réorganisation.

13 Donc si vous regardez la déclaration d'Ostaja Minic, la déclaration de ce

14 témoin: un jour, il est venu au poste de police de Bosanski Samac et il a

15 rencontré un certain Lukac. Toute référence à cette rencontre avec M.

16 Lukac au poste de police en 1992, eh bien, Mme Paterson et moi-même avons

17 conclu d'abandonner toute référence de ce type. Et nous vous demandons

18 donc de passer, de ne porter aucune attention à cette rencontre.

19 M. le Président (interprétation): A quoi faites-vous référence? Que

20 devons-nous ignorer complètement?

21 M. Brashich (interprétation): Toute référence au fait que Ostaja Minic a

22 rencontré Dragan Lukac au poste de police en avril 1992.

23 M. le Président (interprétation): Bien.

24 Nous allons faire une pause. Non. Madame Paterson, souhaitez-vous encore

25 dire quelque chose?

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1 Mme Paterson (interprétation): Oui. Nous avons un accord commun que nous

2 avons établi avec la défense. Je ne sais pas que nous présentions ce

3 document maintenant ou pas.

4 Et puis, d'autre part, je souhaiterais savoir si les trois témoins que

5 vous acceptez que la défense interroge, pourrons-nous les contre-

6 interroger?

7 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui. Oui, nous allons

8 maintenant écouter ce que vous avez à nous dire au sujet de cet accord.

9 Mme Paterson (interprétation): Je vais en donner lecture afin que cela

10 soit consigné au compte rendu d'audience et, ensuite, je le remettrai à la

11 Greffière d'audience.

12 Je cite: "Le Bureau du Procureur et la défense de Stevan Todorovic

13 s'accordent que, suite à l'accord passé entre le Bureau du Procureur et la

14 défense, en décembre 2000, Stevan Todorovic a été interrogé à cinq

15 reprises par les représentants du Bureau du Procureur.

16 De plus, nous reconnaissons que le Bureau du Procureur a exprimé la

17 volonté d'avoir d'autres entretiens avec M. Todorovic et il a accepté de

18 s'y conformer.

19 3. Les parties conviennent qu'à ce jour, Stevan Todorovic s'est conformé

20 aux termes et à la lettre de l'accord relatif au plaidoyer de culpabilité

21 et qu'il a fourni au Bureau du Procureur le niveau de coopération qui

22 était prévu par l'accord de plaidoyer."

23 Ce document est signé par moi-même et Me Kostich.

24 M. le Président (interprétation): Merci. Merci beaucoup, Madame Paterson.

25 Bien. Maintenant, nous allons faire une pause pour nous retrouver dans ce

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1 prétoire à 9 heures 40.

2 (L'audience, suspendue à 9 heures 27, est reprise à 9 heures 40.)

3 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Kostich, je vous écoute.

4 M. Kostich (interprétation): Je voulais simplement demander à la Chambre

5 et faire une demande qui découle de votre décision.

6 Voici ce que nous avions fait: nous avions prévu de faire entendre

7 quelques témoins. Nous avons également notre témoin expert, le Dr Lecic,

8 qui se présentera ici à 10 heures. Ce que j'ai fait durant la pause, j'ai

9 pris la liberté d'appeler ce médecin, il sera là sous peu et je voulais

10 vous demander la permission de lui permettre de monter en fait ici car

11 nous ne savons pas de quelle façon il se présentera. Nous voulions savoir

12 s'il pouvait se présenter dans la galerie des témoins et voir si elle

13 pouvait se présenter après la fin des témoignages des autres témoins. Je

14 crois que les membres du Bureau du Procureur ont fait objection. Je

15 voulais simplement savoir quelle est votre opinion concernant cette façon

16 de procéder.

17 M. le Président (interprétation): Nous ne voyons aucun problème concernant

18 cette façon de procéder.

19 M. Brashich (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Avant de

20 poursuivre, je voulais poursuivre sur certaines questions d'intendance.

21 Lorsqu'on aura terminé avec l'audition du témoin expert concernant les

22 plaidoiries de la défense, nous avons partagé en deux, nous avons séparé

23 en deux notre présentation. Monsieur Kostic a pris et couvrira une

24 certaine partie de la plaidoirie et j'en couvrirai une autre. Je voulais

25 assurer à la Chambre que cela ne sera pas redondant et je voulais

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1 simplement vous permettre que lorsque nous entrerons dans nos arguments,

2 notre présentation, donc de permettre à la défense de partager ce que nous

3 allons couvrir.

4 M. le Président (interprétation): Oui, certainement, comme vous avez dit,

5 si ce n'est pas redondant et si vous ne couvrez pas les mêmes points, cela

6 vous sera certainement permis, et surtout si vous n'êtes pas trop long.

7 M. Brashich (interprétation): Oui, nous vous assurons que nous allons

8 faire de notre mieux. Pouvons-nous procéder?

9 M. le Président (interprétation): Oui, certainement.

10 M. Brashich (interprétation): A ce moment-ci, Monsieur le Président,

11 Messieurs les Juges, la défense fera appeler le prochain témoin, il s'agit

12 de Mme Jovanka Todorovic.

13 M. Brashich (interprétation): (Hors micro.)

14 En fait, comme nous n'avons pas la possibilité de faire venir le témoin de

15 la pièce des témoins, puis-je le faire moi-même?

16 M. le Président (interprétation): Non, c'est l'huissier qui procédera à

17 cela, c'est lui qui amènera le témoin.

18 Monsieur l'huissier, allez chercher le témoin Jovanka Todorovic.

19 Maître Brashich, est-ce que votre témoin est non loin d'ici?

20 M. Brashich (interprétation): Oui, il est dans la pièce réservée aux

21 témoins qui se trouve environ à quelques mètres d'ici, en fait. C'est une

22 pièce qui se trouve tout juste à côté des bureaux de la défense. Puis-je

23 sortir quelques instants?

24 M. le Président (interprétation): Oui, certainement. Vous serez peut-être

25 plus en mesure de la trouver.

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1 (Maître Brashich sort du prétoire.)

2 (Le témoin, Mme Jovanka Todorovic est introduit dans le prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que le témoin pourrait faire la

4 déclaration solennelle?

5 Mme J. Todorovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai

6 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Madame.

8 (Le témoin s'assoit.)

9 Je vous écoute, Maître Braschich.

10 (Interrogatoire du témoin, Mme Jovanka Todorovic, par Me Brashich.)

11 M. Brashich (interprétation): Quel est votre nom?

12 Mme Todorovic (interprétation): Je m'appelle Jovanka Todorovic.

13 Question: Connaissez-vous Stevan Todorovic?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Est-ce que vous avez un lien de parenté avec lui?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Vous ne vous attendiez pas à venir témoigner ce matin, n'est-ce

18 pas?

19 Réponse: Non.

20 Question: Depuis quand connaissez-vous M. Todorovic?

21 Réponse: Depuis ma naissance.

22 Question: C'est bien votre frère, n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Et jusqu'au début des conflits armés en Bosnie, jusqu'au début

25 de la guerre vous habitiez ensemble, n'est-ce pas?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce que M. Todorovic a d'autres frères ou sœurs?

3 Réponse: Oui. Il a une sœur plus jeune.

4 Question: Est-ce que vous êtes l'aînée de la famille?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Pourriez-vous nous parler de l'enfance de M. Todorovic,

7 brièvement?

8 Réponse: Mon frère était un enfant joyeux. Lorsqu'il est né, toute la

9 famille était heureuse d'accueillir l'arrivée d'un jeune garçon. Il était

10 un petit garçon turbulent, très bon élève et il recevait toutes sortes de

11 prix à l'école. Et des fois, il lui arrivait également de perdre certains

12 prix parce qu'il lui arrivait de casser une vitre avec une balle ou qu'il

13 jouait avec des enfants sur les lieux où ce n'était pas permis.

14 Question: Parlons maintenant de son école, de ses études: où est-il allé à

15 l'école?

16 Réponse: Il a été à Donja Slatina et à Obudovac; c'est là qu'il a terminé

17 son école primaire. Ensuite, à Samac; il a complété ses études

18 secondaires. C'était une école mécanique et technique. Par la suite, je

19 dois dire qu'il était un bon élève, mais qu'il n'écrivait pas très bien.

20 Son écriture n'était pas bonne, alors c'est lui qui faisait les travaux

21 graphiques et moi, je les transcrivais à la main.

22 Question: Et par la suite, qu'a-t-il fait après ses études universitaires?

23 Réponse: Après avoir complété ses études universitaires, il a commencé à

24 travailler dans une entreprise à Sarajevo; c'était une entreprise

25 technique. D'abord, il était assistant et, par la suite, il est devenu

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1 gérant.

2 Question: Que voulez-vous dire par là? Qu'est-ce qu'il était exactement?

3 Réponse: Eh bien, avant la guerre, les entreprises ne fonctionnaient pas

4 très bien et les employés, qui travaillaient dans l'entreprise dans

5 laquelle il travaillait, avaient souhaité changer le directeur qui était

6 auparavant, car ils ne lui faisaient plus confiance. Il a essayé de

7 remettre sur pied cette entreprise, en fait, de ramener cette entreprise.

8 Et à ce moment-là, on donnait le titre à ce genre de personne qui

9 reprenait l'entreprise, si vous voulez, on lui donnait le nom d'assistant,

10 de directeur assistant.

11 Question: Est-ce que M. Todorovic était une personne qui était aimée avant

12 le conflit? Est-ce que tous les niveaux de la société, est-ce que toutes

13 les couches de la société de Bosanski Samac l'aimaient bien? Etait-ce une

14 personne aimée?

15 Réponse: Oui, certainement. Il avait de très bons amis parmi toutes les

16 nationalités, parmi tous les groupes ethniques; tout le monde l'adorait.

17 Justement, parce que c'est un homme joyeux, il aime beaucoup la musique.

18 Et je dois dire que c'est un homme très intelligent en plus. Aussi, il est

19 très, très travailleur.

20 Question: Et, Madame Todorovic, au cours du conflit, en 1992, allant

21 jusqu'en 1995, est-ce que vous travailliez? Est-ce que vous viviez en fait

22 à Bosanski Samac?

23 Réponse: Même avant la guerre et également au cours de la guerre, je

24 vivais dans le village de Donja Slatina. C'était dans le village de la

25 municipalité de Bosanski Samac.

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1 Question: Quelle est la distance de cet endroit par rapport au centre-

2 ville, le centre de la ville de Bosanski Samac?

3 Réponse: C'est éloigné d'une distance de 11 kilomètres de Bosanski Samac.

4 Question: Pourriez-vous nous dire: ce petit village de Donja Slatina

5 comprend combien de maisons à peu près?

6 Réponse: Environ 200 maisons, 200 foyers.

7 M. Brashich (interprétation): Pourriez-vous nous dire, en parlant de ce

8 petit village…

9 En fait, question retirée, Monsieur le Président. Monsieur le Président,

10 puis-je faire quelques représentations?

11 M. le Président (interprétation): Oui, certainement, Maître Brashich.

12 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, je vais poser trois

13 questions en ce moment-ci et je voudrais qu'il soit très clair que je ne

14 désire d'aucune manière faire des affirmations ou insinuer qu'il y a

15 d'autres victimes à Bosanski Samac.

16 Tout ce que j'essaie d'obtenir de ce témoin, c'est d'essayer d'établir à

17 quoi ressemblait le pilonnage qui avait lieu, qui a eu lieu pendant cette

18 courte période de temps, pendant la guerre. Avec votre permission, je

19 souhaiterais lui poser trois questions sur ce sujet.

20 M. le Président (interprétation): Très bien.

21 M. Brashich (interprétation): Le petit village dans lequel vous habitiez,

22 est-ce que ce village a été pilonné?

23 Mme J. Todorovic (interprétation): Oui.

24 Question: Aviez-vous de l'électricité, du courant électrique?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Est-ce que les conditions qui prévalaient dans le village

2 étaient très difficiles?

3 Réponse: Oui, très difficiles.

4 Question: Mais vous êtes bien, maintenant? Tout s'est rétabli?

5 Réponse: Oui.

6 M. Brashich (interprétation): Très bien. Je n'ai plus d'autres questions

7 pour ce témoin, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

8 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Brashich.

9 En contre-interrogatoire, auriez-vous des questions, Madame Paterson?

10 Mme Paterson (interprétation): Non, Monsieur le Président. Aucune question

11 pour ce témoin.

12 M. le Président (interprétation): Merci.

13 Mme J. Todorovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Madame Todorovic, cela met fin à votre

15 témoignage et vous pouvez maintenant disposer.

16 Mme J. Todorovic (interprétation): Merci.

17 (Le témoin, Mme Jovanka Todorovic, est reconduit hors du prétoire.)

18 M. Brashich (interprétation): Monsieur l'huissier, avec la permission de

19 la Chambre, la défense souhaiterait faire entendre Mara Todorovic à la

20 barre.

21 Monsieur le Président, simplement pour le compte rendu d'audience, je

22 souhaiterais vous informer que notre témoin expert est arrivé. Il est

23 présent et se trouve dans la galerie du public. Dès que nous aurons

24 terminé avec Mme Mara Todorovic, Me Kostich fera l'examen de ce témoin, si

25 vous le permettez.

Page 19

1 M. le Président (interprétation): Oui, certainement.

2 (Le nouveau témoin, Mme Mara Todorovic, est introduit dans le prétoire.)

3 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, je souhaiterais

4 demander au témoin de faire la déclaration solennelle.

5 M. le Président (interprétation): Madame, est-ce que vous pouvez lire la

6 déclaration?

7 Mme M. Todorovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai

8 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Voulez-vous que je lise

9 autre chose?

10 M. le Président (interprétation): Non. Vous pouvez vous asseoir, Madame.

11 Mme M. Todorovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Maître Brashich?

13 (Interrogatoire du témoin, Mme Mara Todorovic, par Me Brashich.)

14 M. Brashich (interprétation): Puis-je poursuivre?

15 Madame, comment vous appelez-vous?

16 Mme Todorovic (interprétation): Je m'appelle Mara Todorovic. Je viens du

17 village de Donja Slatina, tout près de Samac.

18 Question: Etes-vous la mère de Stevan Todorovic?

19 Réponse: Oui, je suis la mère de Stevan Todorovic.

20 Question: Je voudrais vous demander quelques questions très courtes.

21 Essayez de vous calmer, ça va?

22 Réponse: Oui, oui, ça va.

23 Question: Pourriez-vous relater à la Chambre, nous parler de l'enfance de

24 Stevan Todorovic brièvement.

25 Réponse: Stevan Todorovic était toujours très gentil, c'est toujours très

Page 20

1 bien, c'était un bon élève, un bon fils, un peu turbulent. Il était très

2 gentil envers les parents également. Il était tout à fait correct.

3 Question: Et après qu'il ait terminé ses études universitaires, est-il

4 revenu dans la ville de Bosanski Samac?

5 Réponse: Oui, il est revenu à Bosanski Samac et il se présentait, il

6 venait tous les week-ends, il nous aidait. Nous vivons dans un village et

7 nous faisons des travaux agricoles et il nous aidait toujours énormément.

8 Il avait un père qui était un peu maladif et il venait toujours reconduire

9 son père. Il s'occupait de nous. Lorsque son père est mort en 1994, c'est

10 lui qui a pris la relève en tant que chef de la famille. J'avais une mère

11 qui était malade aussi, j'ai deux filles, il s'est vraiment occupé de

12 nous. Il s'occupe encore de nous.

13 Question: Et lorsqu'il est revenu à Bosanski Samac et qu'il a commencé à

14 travailler, est-ce qu'il habitait avec vous et votre mari?

15 Réponse: Oui, il habitait avec nous. Il devait quand même voyager et à

16 chaque fois qu'il revenait du travail, il nous aidait, il s'occupait de

17 nous.

18 Question: D'après vous, était-ce une personne bien aimée à Bosanski Samac

19 avant le conflit?

20 Réponse: Oui, certainement, il avait énormément d'amis. Ses amis

21 l'aimaient beaucoup, sa famille aussi, la parenté également. Il faisait

22 toujours attention à son comportement, il n'y a jamais eu de problème avec

23 lui d'après ce que je sache.

24 Question: Et vous l'aimez?

25 Réponse: Comment voulez-vous que je ne l'aime pas? C'est mon fils unique,

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1 il s'occupe de nous tous, il s'occupe de ses parents, il a un grand cœur

2 pour les membres de la famille, pour tout le monde, pour ses amis, pour

3 tous. Il s'occupait vraiment de tout.

4 M. Brashich (interprétation): Je n'ai plus d'autre question, Monsieur le

5 Président.

6 M. le Président (interprétation): Avez-vous des questions en contre-

7 interrogatoire?

8 Mme Paterson (interprétation): Non, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Madame Todorovic, cela met fin à votre

10 témoignage. Vous pouvez maintenant disposer.

11 Mme Todorovic (interprétation) : Merci beaucoup. Je vous remercie.

12 (Le témoin, Mme Mara Todorovic, est reconduit hors du prétoire.)

13 M. Kostich (interprétation): Monsieur le Président, le Dr Lecic est assis

14 ici dans la première rangée. Avec votre permission, je pourrais essayer ou

15 m'efforcer de la faire venir, de la faire passer par la porte. Me le

16 permettez-vous ou je peux peut-être attendre que l'huissier revienne?

17 M. le Président (interprétation): Madame Paterson, avez-vous quelque chose

18 à dire?

19 Mme Paterson (interprétation): J'avais un point que je voulais soulever.

20 M. le Président (interprétation): Bien, Maître Brashich, vous pouvez y

21 aller, je vous le permets.

22 Mme Paterson (interprétation): Monsieur le Président, les sténotypistes

23 viennent de demander à Me Brashich de faire attention, de faire une pause

24 entre les questions et les réponses. Pourriez-vous instruire de le conseil

25 de la défense?

Page 22

1 M. le Président (interprétation): Oui, certainement, je l'ai observé moi-

2 même. Maître Brashich, pourriez-vous vous efforcer de ménager des pauses

3 entre les questions et les réponses.

4 (Le témoin, Dr Dusica Lecic-Tosevski, est introduit dans le prétoire.)

5 (Interrogatoire principal du Dr Ducica Lecic-Tosevski par Me Brashich.)

6 M. le Président (interprétation): Peut-on demander au témoin de faire la

7 déclaration solennelle?

8 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Je déclare solennellement que je

9 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Madame. Oui,

11 Maître Kostich?

12 M. Kostich (interprétation): Monsieur le Président, je vais poser des

13 questions en langue anglaise. Notre témoin répondra également en langue

14 anglaise. C'est simplement pour informer les interprètes.

15 Pourriez-vous donner votre nom pour le compte rendu d'audience?

16 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Je m'appelle Ducica Lecic.

17 Question: Vous êtes également psychiatre?

18 Réponse: Oui, je suis également psychiatre.

19 Question: Où travaillez-vous en ce moment?

20 Réponse: Présentement, je travaille comme chef de la clinique de stress, à

21 l'Institut de santé mentale à Belgrade. Je suis également professeur

22 associé à l'école de médecine, dans le domaine de la psychiatrie, de

23 l'université de Belgrade.

24 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le

25 permettez, je voulais simplement vous dire que le rapport se trouve au

Page 23

1 compte rendu d'audience; le résumé du curriculum vitae du médecin se

2 trouve également au rapport.

3 Je me suis entretenu avec Mme Di Fazio et mes collègues concernant les

4 qualifications du Dr Lecic-Tosevski. Si je le comprends bien, si j'ai bien

5 compris, ils ne s'objectent pas à ce que le médecin témoigne en tant que

6 témoin expert, de sorte que nous n'avons peut-être pas besoin de revoir en

7 revue toutes les qualifications du médecin, afin que nous puissions

8 admettre son témoignage en tant que témoin expert. Si la Chambre décide de

9 faire le contraire, je serai certainement enclin à passer en revue les

10 qualifications du médecin.

11 (Les Juges se concertent sur le siège.)

12 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Brashich, le curriculum

13 vitae et les qualifications du médecin se trouvent au compte rendu

14 d'audience et nous allons en tenir compte.

15 M. Brashich (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

16 Juges.

17 Docteur, simplement une question concernant vos qualifications. Vous nous

18 avez dit que présentement, vous travaillez à deux endroits: l'un est la

19 clinique de stress. Pourriez-vous nous dire de nouveau, brièvement,

20 quelles sont vos tâches et vos fonctions au sein de cette clinique?

21 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Au sein de la clinique de stress, je

22 suis le chef de cet institut; c'est l'Institut de la santé mentale, établi

23 en 1994. Nous avons des ex-détenus, des réfugiés et également nous

24 traitons des civils qui ont été traumatisés, de quelque façon que ce soit.

25 Je suis également le coordonnateur d'un centre qui est chargé de la

Page 24

1 réhabilitation des victimes qui ont subi des tortures à Belgrade.

2 Question: Je voulais simplement vous demander, puisque vous allez nous

3 donner votre opinion professionnelle et que vous allez vous servir de

4 termes techniques, je vous demanderai de parler quand même assez lentement

5 pour que les interprètes puissent suivre.

6 Vous nous avez également parlé d'autres tâches et responsabilités que vous

7 avez à votre autre poste.

8 Réponse: L'autre poste est un centre de réhabilitation qui traite les

9 victimes de torture. Aimeriez-vous savoir également quelles sont mes

10 tâches et responsabilités au sein de l'association mondiale des

11 psychiatres?

12 Réponse: Non, ce n'est pas nécessaire en ce moment-ci.

13 Concernant l'affaire qui nous occupe ici, vous avez été demandé, on vous a

14 demandé, le Greffe vous a nommé pour examiner l'état de santé de Stevan

15 Todorovic. Est-ce exact?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Vous avez également fait un rapport écrit, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: En fait, ce rapport est maintenant entre les mains des membres

20 du Bureau de l'accusation ainsi qu'entre les mains de la Chambre, n'est-ce

21 pas?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pour pouvoir nous expliquer et nous parler de votre approche

24 dans cette affaire, je voudrais vous demander de nous raconter ce que vous

25 avez fait pour préparer, confectionner ce rapport. Quel genre d'examen

Page 25

1 avez-vous conduit sur la personne?

2 Réponse: Mon examen était basé sur plusieurs choses. Premièrement, j'ai lu

3 les documents émanant du Tribunal, j'ai lu l'Acte d'accusation, j'ai

4 également lu l'accord et j'ai également lu quelques rapports concernant le

5 témoin. J'ai également parlé aux co-conseils et j'ai également effectué

6 une entrevue clinique, des entrevues cliniques plutôt. J'ai également fait

7 plusieurs tests pour pouvoir évaluer la personnalité et les troubles de

8 stress.

9 Question: Concernant l'interview clinique et les tests que vous avait

10 faits, combien de temps avez-vous passé effectivement avec Stevan

11 Todorovic?

12 Réponse: J'ai passé 12 heures avec Stevan Todorovic.

13 Question: Vous nous avez dit que vous avez fait une interview clinique.

14 Quelle est l'importance de cette interview clinique pour pouvoir arriver à

15 votre opinion?

16 Réponse: C'est très important puisqu'en psychiatrie contemporaine, cela

17 s'appelle un standard concernant le diagnostic, pour pouvoir établir le

18 diagnostic du patient.

19 Question: Et je voulais vous demander: quand vous avez communiqué avec M.

20 Todorovic, en quelle langue vous êtes-vous entretenu avec lui?

21 Réponse: Je me suis entretenu avec lui en langue serbe.

22 Question: Vous avez fait également un certain nombre de tests, nous avez-

23 vous dit?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Quelle est la raison pour laquelle vous avez fait ces tests?

Page 26

1 Réponse: Je me suis servi de ces tests pour pouvoir établir le diagnostic,

2 pour que le diagnostic soit beaucoup plus fiable et plus précis. Et exact.

3 Question: Vous savez, bien sûr, que dans votre rapport, nous lisons un

4 résumé des tests dont vous vous êtes servie. Est-ce que c'est exact?

5 Réponse: Oui.

6 Question: J'ai quelques questions assez courtes concernant ces tests.

7 Quelques-uns de ces tests -et corrigez-moi si je ne m'abuse- sont des

8 tests dont on se sert dans le domaine de la psychiatrie internationale,

9 n'est-ce pas? Ils sont toujours acceptés?

10 Réponse: Oui.

11 Question: De quels tests s'agit-il? Pourriez-vous nous en parler un peu?

12 Réponse: Ces tests sont répartis en deux groupes. Le premier groupe sert à

13 évaluer les syndromes de stress, tel l'impact que les événements ont eu

14 sur la personne et, ensuite, il y a une liste de 90 questions que l'on

15 doit compléter. Par la suite, on peut également se servir de tests pour

16 voir la personnalité de la personne. En fait, c'est un inventaire MCM,

17 clinique et un test également qui sert à évaluer les diverses dimensions

18 de la personnalité. En dernier lieu, je me suis servi d'un questionnaire

19 pour essayer d'évaluer les mécanismes de défense.

20 Question: Y a-t-il un lien qui existe entre l'interview clinique et les

21 tests que vous avez donnés?

22 Réponse: Bien sûr, ils sont liés, ils sont en lien direct puisque les

23 tests sont toujours conformes, ou découlent de l'interview clinique que

24 l'on conduit auparavant.

25 Question: Vous êtes psychiatre depuis un vingtaine d'années, est-ce exact?

Page 27

1 Réponse: Oui, depuis 21 ans, en fait.

2 Question: Et je présume qu'il vous arrive à l'occasion de rencontrer un

3 patient ou un sujet dont vous pensez qu'il désire vous donner une certaine

4 information pour que vous puissiez arriver à un autre diagnostic? Cela

5 vous arrive que la personne ne soit pas franche?

6 Réponse: Oui, cela arrive.

7 Question: Est-ce qu'il existe une méthode, un processus par lequel vous

8 pouvez établir, grâce à ces tests que vous faites passer aux patients, qui

9 pourraient en quelque sorte vous donner une très bonne idée, un indice que

10 le patient essaie d'être malhonnête, d'une certaine façon, envers vous?

11 Réponse: Oui, certainement. Il y a une échelle, l'échelle de mensonges

12 dont on se sert au début, avant de procéder à l'évaluation des tests.

13 Question: Est-ce quelque chose dont vous vous êtes servie à des centaines

14 de reprises?

15 Réponse: Oui, c'est exact.

16 Question: Outre les tests que vous lui avez fait passer, vous êtes-vous

17 consulté avec d'autres professionnels, avec d'autres médecins ou d'autres

18 psychiatres concernant le cas de Stevan Todorovic?

19 Réponse: Oui, j'ai consulté le psychiatre de la prison, le Dr Petrovic.

20 Question: Et, simplement pour informer la Chambre, pourriez-vous, s'il

21 vous plaît, relater à la Chambre qui est le Dr Petrovic, quel rôle joue ce

22 médecin?

23 Réponse: C'est un psychiatre de l'unité de détention. Elle accueille, elle

24 reçoit les prisonniers, elle s'occupe des prisonniers de diverses

25 manières.

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1 Question: Et, si j'ai bien compris, a-t-elle vu M. Todorovic dans le

2 passé?

3 Réponse: Oui, elle l'a vu à plusieurs reprises depuis son incarcération,

4 sa détention plutôt.

5 Question: Docteur, maintenant, sur la base des interviews cliniques, sur

6 la base également des tests que vous lui avez fait passer, est-ce que vous

7 êtes arrivée à un diagnostic pour pouvoir arriver à une certitude médicale

8 raisonnable?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et ce diagnostic est quelque chose auquel on se réfère en tant

11 que D-SM4, qui est un trouble de stress?

12 Réponse: Oui, c'est exact. C'est quelque chose qui existe dans les

13 manuels.

14 Question: C'est publié par l'association américaine des psychiatres?

15 Réponse: Oui, certainement. Cela figure dans les manuels de l'association.

16 Question: Qu'est-ce que ce syndrome D-SM4? Que veut-il dire exactement?

17 Réponse: En contrepartie, de notre côté de la planète, ce barème s'appelle

18 ICD10, index des maladies psychiatriques qui traitent des troubles de la

19 personnalité.

20 Question: Revenons au diagnostic. Je vous ai demandé si vous aviez formulé

21 un diagnostic: pouvez-vous nous en dire davantage?

22 Réponse: Mon diagnostic est le suivant: M. Todorovic manifeste un syndrome

23 de stress post-traumatique qui arrive au niveau 1 dans le barème D-SM4; il

24 manifeste également des signes liés à une hyper consommation d'alcool

25 pendant de nombreuses années.

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1 S'agissant des troubles de la personnalité, il n'en présente pas. Mais il

2 présente des traits de personnalités primaires spécifiques sur lesquels je

3 peux m'étendre, si vous me le demandez.

4 Il présente également des troubles psychosomatiques ou

5 psychophysiologiques, comme on les appelle, qui sont dus au stress

6 important qu'il a vécu.

7 Il présente également un mellitus diabétique et de l'hypertension; et

8 d'autres troubles somatiques tels un foie de taille trop importante et une

9 hernie hiatale.

10 Il a également vécu des épisodes de stress importants qui ont été

11 diagnostiqués grâce au barème dont j'ai parlé tout à l'heure, comme

12 atteignant le niveau 4. Ainsi que grâce au questionnaire utilisé par moi.

13 Question: Le diagnostic est décrit dans votre rapport, bien entendu?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Mais je ne voudrais pas qu'on m'accuse de pas vous avoir laissé

16 expliquer un certain nombre d'éléments que vous souhaitez expliquer,

17 notamment au sujet des traits de personnalité, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pourriez-vous dire aux Juges de cette Chambre pourquoi vous

20 souhaitez apporter des explications supplémentaires sur ce point?

21 Réponse: Monsieur Todorovic présente des traits de personnalité marqués

22 par la dépendance. Il a un passé de personnalité extraverti et aime se

23 conformer aux conventions; il est conventionnel, il est plutôt passif dans

24 ses rapports avec les autres. Il respecte les décisions des autres, des

25 tiers, notamment lorsqu'il est en présence d'autorités. S'agissant des

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1 autorités, il est assez ambivalent, c'est-à-dire qu'il manifeste de la

2 crainte mais, en même temps, il respecte les décisions des autorités. Son

3 besoin de faire plaisir aux autres est toujours assez prédominant. Il a

4 besoin d'être accepté par les autres.

5 Question: Je pense aussi que vous pourriez expliquer aux Juges de la

6 Chambre le rapport qui existe entre votre diagnostic et ce qu'a fait M.

7 Todorovic, ses activités en 1992. Pouvez vous répondre à ma demande?

8 Réponse: En 1992, il a développé ce syndrome de stress post-traumatique et

9 a présenté des tendances à une hyper alcoolémie, c'est une consommation

10 excessive d'alcool. Ceci après avoir subi des traumatismes et des stress

11 importants qui ont débouché sur une absence chez lui de capacité à

12 contrôler sa conduite, son comportement, et également à une diminution de

13 sa possibilité de comprendre son comportement.

14 Question: Suis-je en droit de comprendre que l'état que vous venez de

15 décrire s'est produit ou a commencé à se produire dans les premiers mois

16 de la guerre?

17 Réponse: Oui, mais avant cette période, il présentait également des

18 réactions de stress important qui sont les premiers stades du syndrome de

19 stress post-traumatique et se manifeste d'une façon assez comparable,

20 c'est-à-dire par des signes d'évitement, des stimuli douloureux, des

21 réactions excessive, une nervosité, une tension effective et importante,

22 un problème de sommeil. Il se sentait très nerveux, très réactif et un

23 certain nombre d'autres éléments étaient manifestés également dans sa

24 personnalité.

25 Je dois souligner qu'il a vécu des événements très éprouvants comme par

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1 exemple, il a assisté à la mort d'un certain nombre de personnes qui ont

2 été tuées, il a vu les cadavres de ces personnes. Il a subi des

3 destructions des à des bombardements. Il a vu des maisons, des biens

4 détruits par les bombardements, il a été placé en détention pendant

5 plusieurs jours et d'autres événements provocants le stress ont également

6 été vécus par lui qui figurent dans mon questionnaire.

7 Question: Docteur, j'aimerais maintenant passer à un autre sujet. Nous en

8 arrivons à la fin de notre conversation, en tout cas pour ce qui me

9 concerne. Ce qui m'intéresserais et je crois que cela intéressera

10 également les Juges de cette Chambre, c'est de savoir quelles sont les

11 perspectives de rétablissement de M. Todorovic, ou de réhabilitation.

12 Réponse: Monsieur Todorovic avait une personnalité normale et saine avant

13 la guerre. Il ne présentait aucune disposition criminelle. Il a récupéré

14 son fonctionnement normal du point de vue de sa personnalité depuis qu'il

15 est en prison et je pense donc que ces perspectives de réhabilitation sont

16 très bonnes. Je pense qu'il sera capable de mener une vie créative et

17 productive en retrouvant sa place au sein de la société.

18 Question: Vous avez un peu anticipé sur des questions que je souhaitais

19 vous poser par la suite, mais il y a un point sur lequel j'aimerais

20 insister à savoir le problème de la réintégration dans la société et dans

21 la communauté d'où il est originaire.

22 Alors, ce que je vous demande en fait, c'est un peu un pronostic. Ce n'est

23 peut-être pas très juste à votre égard mais je me demandais si vous

24 pouviez me donner un pronostic?

25 Réponse: Cela dépend des perspectives d'avenir qu'il aura et du temps

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1 qu'il devra passer en prison.

2 Si ces perspectives d'avenir lui semblent favorables, je crois qu'il

3 utilisera les mécanismes de défense qu'il possède -je l'ai décrit dans mon

4 rapport: "mécanisme de défense d'un homme mûr"- et qu'il sera capable de

5 surmonter ses traumatisme et de retrouver sa place avec sa personnalité

6 dans la société.

7 Mais si ses perspectives d'avenir ne lui semblent pas favorables, il

8 risque de développer d'autres signes liés à ce syndrome de stress post-

9 traumatique comme il l'a fait, je le signale dans mon rapport, avec le

10 mellitus diabétique qui n'était qu'à un stade de mellitus diabétique au

11 départ et qui est devenu un véritable diabète depuis son emprisonnement.

12 Depuis l'emprisonnement au centre de détention, son état physique s'est

13 aggravé. J'ai constaté qu'il prenait un certain nombre de médicaments et

14 qu'il avait des problèmes cardiaques qui risquent de provoquer une

15 décompensation à l'avenir si ses perspectives ne lui paraissent pas

16 satisfaisantes.

17 Question: Une autre question: au cours de votre interview clinique et des

18 tests que vous avez appliqués à M. Todorovic, je vous demande si vous avez

19 discuté avec lui des sentiments qui sont les siens au sujet de ce qui

20 s'est passé en 1992? A-t-il exprimé ou pas du remords par rapport aux

21 actions auxquelles il a participé à cette époque-là?

22 Réponse: Oui, il l'a fait et, ce faisant, il présentait un niveau très

23 élevé d'excitation. Par exemple, il avait le teint rouge. Il avait l'air

24 mal à l'aise pendant l'ensemble de cet entretien. Il m'a dit qu'il

25 ressentait du remords, de la culpabilité et de l'humiliation par rapport à

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1 ce qui s'est passé en 1992.

2 M. Brashich (interprétation): Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres

3 questions, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Y a-t-il un contre-interrogatoire?

5 (Contre-interrogatoire du Dr Dusica Lecic-Tocevski par M. Di Fazio.)

6 M. Di Fazio (interprétation): Monsieur le Président, je ne suis pas sûr

7 d'avoir bien compris le statut exact du rapport du Dr. J'ai cru comprendre

8 qu'il avait été déposé au Greffe du Tribunal et j'aimerais poser quelques

9 questions au sujet du contenu de ce document.

10 M. le Président (interprétation): C'est entièrement votre droit. Je vous

11 en prie.

12 M. Di Fazio (interprétation): Avez-vous un exemplaire de votre rapport

13 psychiatrique sous les yeux?

14 Dr Lecic-Tocevski (interprétation): Oui.

15 Question: Est-il permis de dire que vous discutez de deux troubles

16 psychiatriques vécus par M. Todorovic?

17 D'abord notamment depuis son arrivée en prison, un trouble de dépression;

18 ensuite, vous avez diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique,

19 n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Ces troubles psychiatriques sont tous ceux que vous avez

22 constatés chez lui?

23 Réponse: Oui, je n'ai pas remarqué de dépression réactive au moment de mon

24 entretien avec lui, mais c'est le psychiatre de la prison qui m'a dit

25 qu'il l'avait vécue antérieurement.

Page 34

1 Question: Mais la dépression, en termes généraux, est une réaction que

2 l'on peut s'attendre à constater dans la situation qui était la sienne?

3 Réponse: Oui.

4 Question: L'autre point sur lequel je voulais vous interroger, c'est ce

5 syndrome stress post-traumatique. Ce diagnostic dépend grandement de ce

6 que M. Todorovic vous a raconté, n'est-ce pas?

7 Réponse: En grande partie, mais j'ai également utilisé des tests pour le

8 constater.

9 Question: Vous avez dit qu'en 1992, il avait une personnalité pré-

10 traumatique; comment avez-vous tiré cette conclusion?

11 Réponse: En étudiant attentivement ce qu'il m'a dit et en utilisant un

12 certain nombre de critères opérationnels qui font partie du barème des

13 SM4.

14 Question: Vous posez donc des questions à M. Todorovic au sujet de son

15 état, vous lui demandez comment il se sent et comment il se sentait en

16 1992. C'est de cette façon que vous l'avez interrogé?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Il répond et, à partir des réponses qu'il vous fait, vous tirez

19 vos conclusions. C'est bien cela?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Dans votre rapport, vers la fin de celui-ci, vous parlez de

22 trois facteurs qui sont importants pour conclure à l'existence d'un

23 syndrome de stress post-traumatique et ces facteurs sont les facteurs

24 biologiques, les facteurs de personnalité et les facteurs sociaux, n'est-

25 ce pas?

Page 35

1 Réponse: Oui.

2 Question: Parlant des facteurs liés à la personnalité, vous dites -et je

3 cite votre rapport-: "Un diagnostic est difficile à établir de façon

4 rétrospective, mais il semble qu'il a vécu un syndrome de stress post-

5 traumatique complet pendant la guerre". Fin de citation.

6 Pourquoi dites-vous qu'il est difficile de prononcer un diagnostic de

7 façon rétroactive?

8 Réponse: C'est un terme technique en psychiatrie.

9 Question: Je ne suis pas sûr de le comprendre. Pouvez-vous nous donner des

10 détails?

11 Réponse: Lorsque nous pensons ou parlons d'événements ou d'éléments

12 auxquels nous n'avons pas assisté nous-mêmes, en tant que psychiatres,

13 nous ne pouvons pas être certains à cent pour cent. C'est la raison pour

14 laquelle nous parlons de diagnostic rétrospectif. Autrement dit, un

15 diagnostic que nous ne pouvons pas prononcer avec une certitude de cent

16 pour cent.

17 Mais il y a des tests qui peuvent être utilisés et confirmer la véracité

18 du diagnostic, notamment lorsqu'il s'agit de syndrome de stress post-

19 traumatique.

20 Question: Oui, mais c'est le diagnostic qui m'intéresse. Comment pouvez-

21 vous être sûr d'un diagnostic en administrant une batterie de tests pour

22 remonter aussi loin?

23 Réponse: Non, c'est simplement une manière d'évaluer un état actuel, ces

24 tests.

25 Question: Oui, c'est ce que je voulais dire, mais comment est-ce que vous

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1 pouvez, sur la base de tests appliqués aujourd'hui, savoir que le

2 diagnostic était le même il y a de nombreuses années?

3 Réponse: Parce que les tests permettent de donner des notes qui sont

4 fiables, en tout cas pour l'appréciation du syndrome de stress post-

5 traumatique actuel, au moment où le patient n'est pas exposé à des stress

6 très importants. C'est une façon d'apprécier l'importance d'un trouble.

7 Question: Cela m'amène à une autre question. Vous dites dans votre rapport

8 que le syndrome de stress post-traumatique est chronique. Mais en parlant

9 de chronicité, vous parlez de la durée d'un trouble mais pas de son

10 intensité, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui, je parle de la situation actuelle de M. Todorovic.

12 Question: Pouvez-vous nous dire si le syndrome de syndrome de stress post-

13 traumatique a des degrés d'intensité variable d'un individu à l'autre?

14 Réponse: Lorsque le syndrome est aigu, il est toujours très important du

15 point de vue de son intensité. Lorsqu'il est chronique, bien sûr,

16 l'intensité est un peu réduite.

17 Question: Un peu quoi?

18 Réponse: Réduite.

19 Question: Les premiers stades du syndrome de stress post-traumatique,

20 quels sont-ils? Autrement dit, est-ce que ce syndrome peut s'étendre sur

21 une longue période de temps? Peut-on acquérir ce syndrome progressivement?

22 Réponse: Oui, on peut l'acquérir en un mois ou en trois mois. Après trois

23 mois, il s'agit d'un syndrome de stress post-traumatique aigu, mais il

24 existe également le concept de syndrome de stress post-traumatique retardé

25 qui se manifeste donc plus tard.

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1 Question: Pouvez-vous nous parler des premiers stades du syndrome en

2 question chez M. Todorovic? Autrement dit, est-ce qu'il a été déclenché

3 tout d'un coup ou est-ce qu'il s'est étendu? Est-ce que cette première

4 phase s'est étendue sur une période ou est-ce qu'il s'agissait de syndrome

5 retardé?

6 Réponse: Non, cela a été un syndrome aigu.

7 Question: Comment le savez-vous?

8 Réponse: Parce que les symptômes sont apparus au cours du premier mois qui

9 a suivi l'exposition au facteur stressant.

10 M. Di Fazio (interprétation): Dans la partie de votre rapport qui commence

11 par le titre "Historique du patient"...

12 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous donner la page?

13 M. Di Fazio (interprétation): Je n'ai pas de numéro de page sur mon

14 exemplaire. Je regarde en fait, je me concentre surtout sur la deuxième

15 partie du rapport. On y trouve le titre "Case history" à un certain

16 moment.

17 M. le Président (interprétation): Oui, je l'ai.

18 M. Di Fazio (interprétation): Je vais interroger le témoin au sujet du

19 texte qui constitue le corps de son rapport, à partir de cet intitulé où

20 il est question de l'appréciation et du diagnostic psychiatriques, pendant

21 une dizaine de pages à peu près.

22 Docteur Lecic-Tosevski, je souhaite vous interroger au sujet de votre

23 rapport quant à l'historique de l'état psychique du patient, ainsi que sur

24 les points qui figurent dans votre rapport à partir de cet intitulé où

25 vous parlez donc de l'appréciation du cas et de votre diagnostic.

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1 Est-il exact que vous avez établi votre diagnostic après entretien avec

2 l'accusé, M. Todorovic?

3 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Oui.

4 Question: Donc votre appréciation résulte des informations que vous a

5 fournies, pour l'essentiel, M. Todorovic?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Et certaines informations vous ont également été fournies par le

8 Dr Petrovic?

9 Réponse: Oui et par les coconseils.

10 Question: Comment?

11 Réponse: Aussi par les coconseils de la défense.

12 Question: Oui, les informations fournies par les conseils de la défense se

13 présentaient sous forme de documents du Tribunal, n'est-ce pas, et l'Acte

14 d'accusation?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Et on y trouvait également des déclarations de témoins?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Des déclarations de témoins, de victimes, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Combien de déclarations de victimes, avez-vous examiné?

21 Réponse: Plusieurs.

22 Question: Pourriez-vous nous donner un chiffre plus précis? Un, deux, dix,

23 douze?

24 Réponse: Trois déclarations au sujet d'agressions sexuelles et une

25 déclaration ou deux au sujet de passages à tabac.

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1 Question: Merci.

2 Avez-vous, à un moment quelconque, eu l'occasion de parler à l'une

3 quelconque de ces victimes?

4 Réponse: Non.

5 Question: Dans votre rapport, dans cette partie de votre rapport, vous

6 parlez de son enfance, de sa scolarité, de sa sexualité, de ses relations

7 personnelles et de son travail. Est-il permis de dire que, dans tous ces

8 paragraphes, on se trouve en présence d'une personnalité qui n'a rien

9 d'exceptionnel, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Il n'y a rien dans tout cela qui vous permettrait de conclure

12 que vous avez constaté les premiers stades d'un trouble psychiatrique?

13 Réponse: Non, rien.

14 Question: Comment avez-vous obtenu ces détails au sujet de la scolarité,

15 de la sexualité et des relations interpersonnelles et de son travail?

16 Réponse: Par un entretien structuré.

17 Question: Est-il permis de dire qu'il s'agit de questions que vous lui

18 avez posées?

19 Réponse: Oui, des questions que je lui ai posées mais également des

20 questions plus structurées, sous forme de questionnaire qui portait sur

21 son passé. C'est ce genre de questionnaire que j'utilise pour l'examen

22 d'anciens combattants de la guerre ou de personnes traumatisées, à la

23 clinique où je travaille.

24 Question: Suis-je en droit de dire que vous l'avez guidé dans ses réponses

25 sur un certain nombre de points en lui posant des questions, en lui

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1 demandant des informations précises?

2 Réponse: Son historique psychiatrique ne pouvait être établi que suite à

3 des questions.

4 Question: Mais il est permis de dire, n'est-ce pas, je suis en droit de

5 dire que vous l'avez guidé un peu en lui posant des questions précises,

6 tant sur des sujets précis tels la scolarité, la sexualité, le travail,

7 etc.?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Dans le passage où il est question des relations personnelles

10 -Monsieur le Président, cela se trouve à la troisième page non numérotée

11 du rapport-, donc à ce passage où il est question de ses relations

12 personnelles, on trouve une déclaration selon laquelle 90% de ses amis

13 étaient d'origine ethnique différente de la sienne et qu'il n'a jamais

14 établi la moindre discrimination entre les gens sur base de nationalité.

15 Vous rappelez-vous ce passage?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Les informations à ce sujet vous ont-elles été données

18 volontairement par M. Todorovic ou vous ont-elles été données alors que

19 vous l'avez interrogé directement sur ce sujet?

20 Réponse: Il a fourni ces informations volontairement, en décrivant ses

21 années d'université.

22 Question: Dans le même passage, on trouve un paragraphe où il est question

23 de son passé en tant que travailleur et une référence est faite à son

24 désir de se trouver avec des Croates et des Musulmans dans l'usine où il

25 travaillait et au fait que des Croates et des Musulmans ont souhaité le

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1 voir au poste de directeur.

2 Réponse: Oui.

3 Question: Cette information vous a-t-elle été fournie par lui,

4 volontairement?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Les détails que vous avez obtenus de lui au sujet de son passé,

7 de son action politique et de son poste en tant que chef de la police à

8 Bosanski Samac, donc lorsqu'il vous a donné ces détails, il vous a dit

9 avoir accepté de présider le comité local du parti démocratique serbe avec

10 réticence, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Encore une fois, je vous demande si c'est lui qui vous l'a dit

13 volontairement ou en répondant à une question posée par vous quant à son

14 enthousiasme par rapport à ce poste?

15 Réponse: Je lui ai demandé comment il se sentait par rapport à cela.

16 Question: Il vous a dit à plusieurs reprises, n'est-ce pas, qu'il

17 ressentait de l'aversion pour la politique?

18 Réponse: Oui, en effet.

19 Question: Il vous a dit qu'il avait toujours été contre l'activité

20 politique? Je cite votre rapport, en fait.

21 Réponse: Oui.

22 Question: Lorsqu'il disait être opposé à la politique et ressentir une

23 aversion vis-à-vis de la politique, comment pensez-vous que cela concorde

24 avec ce qu'il vous a dit quant au fait qu'il s'est engagé dans la

25 politique?

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1 Réponse: Il ne s'est pas engagé dans la politique, car personne dans sa

2 famille n'a jamais fait de politique. En fait, toute sa famille était

3 anticommuniste.

4 Question: Un autre sujet abordé au moment où vous l'interrogiez sur son

5 passé a été son désir ou son absence de désir d'entrer dans la police. Il

6 vous a dit clairement qu'il n'a jamais souhaité devenir policier?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Est-ce une information qu'il vous a donnée volontairement ou en

9 réponse à des questions posées par vous?

10 Réponse: Je l'ai interrogé au sujet des circonstances dans lesquelles il

11 était devenu le chef de la police.

12 Question: En d'autres termes, comment il se faisait qu'il était devenu

13 policier?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et c'est en répondant à cette question qu'il vous a dit n'avoir

16 pas souhaité devenir policier?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Cette affirmation faite par lui quant au fait qu'il ne

19 souhaitait pas devenir policier nous dépeint un homme qui est jeté dans un

20 certain milieu contre sa volonté?

21 Réponse: Oui, c'est cela.

22 Question: Et lorsque vous l'interrogez sur son passé, il était clair à vos

23 yeux, donc après l'avoir interrogé au sujet de son passé au travail et

24 dans d'autres domaines, vous saviez que c'était un homme qui n'avait pas

25 d'expérience de la vie de policier. Et il vous est apparu clairement que

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1 c'était un homme qui ne souhaitait pas, qui ne désirait pas être policier?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Cela a-t-il suscité chez vous un quelconque scepticisme quant à

4 son affirmation selon laquelle il ne voulait pas être policier?

5 Réponse: Non, parce qu'il m'a expliqué les raisons pour lesquelles il ne

6 le souhaitait pas.

7 Question: Et quelle était cette explication?

8 Réponse: L'explication qu'il m'a donnée consistait à dire qu'il ne se

9 sentait pas compétent pour ce poste et qu'il a toujours été opposé au fait

10 d'avoir un poste de premier plan. Il m'avait dit, à un autre moment dans

11 l'entretien, qu'il préférait être toujours à la deuxième ou à la troisième

12 place.

13 Question: Oui, je comprends bien. Je comprends son explication mais ce que

14 je vous demandais est la chose suivante: compte tenu de l'explication

15 fournie par lui quant au fait qu'il n'aimait pas être au premier plan,

16 qu'il préférait avoir des rôles de second plan, compte tenu du fait que

17 finalement il a accepté le poste de chef de la police, tout cela n'a-t-il

18 pas suscité chez vous un quelconque scepticisme par rapport à

19 l'affirmation faite par lui quant au fait qu'il ne souhaitait pas devenir

20 policier?

21 Réponse: Cela a suscité chez moi le désir d'évaluer la personnalité sur le

22 plan psychiatrique, c'est-à-dire d'apprécier les éléments qui sous-

23 tendaient cette personnalité exprimant une telle opposition à un fait

24 établi.

25 Question: Avez-vous des raisons de douter de son affirmation selon

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1 laquelle il ne souhaitait pas devenir policier?

2 Réponse: Je n'en ai pas.

3 Question: Puis-je vous poser quelques questions au sujet des événements

4 plus traumatisants dont il a parlé?

5 Monsieur le Président, je parle actuellement de la sixième page du rapport

6 mais je répète que les pages ne sont pas numérotées.

7 Il vous a décrit des expériences vécues par lui; il vous a dit notamment

8 qu'il était incapable de se rappeler complètement un certain nombre des

9 traumatismes qu'il a subis?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Il vous a dit qu'il ne se rappelait pas grand chose des

12 événements?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Il vous a dit ne pas se rappeler avoir frappé une personne sur

15 la tête, personne qui est décédée par la suite?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Et tout cela va de paire avec le fait que quelqu'un boive

18 beaucoup, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Est-ce que cela va de paire également avec la présence d'une

21 personnalité qui a du mal à accepter la responsabilité de ses actes?

22 Réponse: Oui, mais compte tenu du fait qu'il buvait beaucoup et, même

23 avant la guerre, qu'il avait vécu des épisodes amnésiques ou des pertes de

24 mémoire complètes, je l'ai lié à l'excès de boisson et au stress important

25 qu'il avait vécu.

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1 Question: Rien ne permet de penser que M. Todorovic est alcoolique, n'est-

2 ce pas?

3 Réponse: On ne peut pas dire qu'il est alcoolique, car il n'a vécu aucun

4 problème au moment de son sevrage après son incarcération. Mais il buvait

5 beaucoup déjà quand il était étudiant.

6 M. May (interprétation): Monsieur Di Fazio, il n'est pas contesté, n'est-

7 ce pas, qu'il buvait beaucoup à l'époque des infractions commises? Ces

8 infractions ont été commises sous l'influence de l'alcool?

9 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Cela ne constitue pas une

10 circonstance atténuante et cela était sans doute assez courant à l'époque.

11 M. Di Fazio (interprétation): Monsieur le Président, ce que je voulais

12 dire, ce n'était pas que je mets en cause l'élément atténuant lié à cette

13 consommation excessive d'alcool, mais c'est la responsabilité qui

14 m'intéresse au premier chef.

15 Je ne crains pas que l'alcool soit considéré comme circonstance

16 atténuante, ce qui m'intéresse c'est le lien entre l'alcool et la

17 responsabilité de l'accusé.

18 Madame le Témoin, il ne se rappelle pas non plus les agressions sexuelles?

19 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): En effet.

20 Question: J'en arrive à mon sujet. La raison pour laquelle je vous pose

21 ces questions, c'est que nous sommes donc en présence d'un homme qui ne se

22 rappelle pas grand-chose d'un grand nombre des aspects de son

23 comportement, n'est-ce pas?

24 Réponse: Il ne se rappelle pas les aspects les plus graves de son

25 comportement, ses actes criminels.

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1 Question: Oui, je parle des passages à tabac, des agressions sexuelles,

2 etc.

3 Réponse: Il a des problèmes de mémoire vis-à-vis de ces évènements, comme

4 je l'ai consigné dans mon rapport, mais cela est lié également au syndrome

5 de stress post-traumatique.

6 Question: Mais ce qui m'intéresse dans le fait qu'il prétende ne pas se

7 rappeler les faits les plus significatifs de ces évènements, pensez-vous

8 que c'est dû uniquement à l'influence de l'alcool ou bien à une réticence,

9 ou une incapacité de sa part d'accepter la responsabilité de ses actes?

10 Réponse: La mémoire humaine, la mémorisation est un phénomène très

11 complexe mais ce qu'il est permis de dire c'est qu'il ne se rappelle pas

12 certains événements, dans le cadre d'une amnésie dissociative qui est un

13 des éléments du syndrome de stress post-traumatique.

14 Question: S'agissant de son incapacité à se rappeler ces éléments très

15 précis, comme les passages à tabac ou les agressions sexuelles, vous vous

16 fiez complètement à ce qu'il vous dit, en tout cas vous dépendiez

17 complètement de ce qu'il vous disait pour déterminer si c'était vrai ou

18 pas?

19 Réponse: Oui. Je dépendais également d'un certain nombre d'observations et

20 du résultat de certaines techniques utilisées en psychiatrie pour

21 communiquer avec un patient.

22 Question: De plus, lorsque vous nous parlez des antécédents, vous lui avez

23 donc demandé quelles avaient été les maladies qu'il avait eues et il vous

24 a dit qu'il s'était cassé le bras dans un accident de voiture. Et il a dit

25 que c'était la raison pour laquelle il n'avait pas été en mesure de passer

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1 à tabac les gens à cent pour cent, car il s'était cassé le bras.

2 Est-ce que c'est lui-même qui vous a donné cette information spontanément?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Cet élément d'information suit de près, dans votre rapport,

5 votre affirmation selon laquelle il est dans l'incapacité de se souvenir

6 de grandes parties soit des agressions sexuelles, soit des passages à

7 tabac.

8 Est-il juste de conclure qu'il vous ait parlé de son incapacité de passer

9 les gens à tabac à cent pour cent, une fois que vous lui avez posé des

10 questions au sujet des souvenirs qu'il avait des passages à tabac et des

11 agressions sexuelles?

12 Réponse: Il m'a parlé de son bras cassé. Lorsque je lui ai demandé comment

13 il se portait physiquement, je lui ai demandé de me parler de ses troubles

14 somatiques éventuels, et ensuite on a parlé de son comportement criminel

15 et c'est à ce moment-là qu'il m'a donné cette information.

16 M. Di Fazio (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 un instant, je vous prie.

18 Je n'ai plus d'autres questions à poser au témoin.

19 (Questions de M. le Président au témoin, Dr Dusica Lecic-Tosevski.)

20 M. le Président (interprétation): Madame, il est assez important pour la

21 Chambre de savoir si l'état ainsi décrit, ou plutôt de savoir à quel

22 moment ce syndrome de stress est apparu. Vous avez lu l'Acte d'accusation,

23 vous connaissez les faits. L'Acte d'accusation se rapporte à une période

24 qui s'étend à peu près du 17 avril 1992 jusqu'en décembre 1993.

25 Du fait que maintenant vous êtes au fait des éléments constitutifs de

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1 notre affaire, je voudrais savoir quand les troubles dont vous dites que

2 l'accusé souffre ont commencé.

3 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Cela a commencé dans le premier mois

4 qui a suivi l'entrée à Samac mais je crois qu'il a également présenté une

5 réaction aiguë au stress avant avril 1992. Suite à des éléments de stress

6 extrêmement importants qui étaient présents dans cette région.

7 Question: Quels sont les éléments, les événements précis que vous

8 identifieriez comme étant à la base de son stress?

9 Réponse: La confusion, l'incertitude, les informations relatives à la

10 situation de l'armée, manque de sommeil, manque de concentration ainsi que

11 beaucoup d'autres choses qu'il présentait à cette époque.

12 Question: Oui, mais cela ce sont des symptômes. Je voudrais connaître

13 quels sont les événements qui ont provoqué chez lui ce stress. J'imagine

14 que ce stress résultait d'un certain nombre d'événements?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Ma question est de savoir quels sont le événements dans ces

17 premiers mois qui sont susceptibles d'avoir causé ce stress?

18 Réponse: La région où il vivait était quotidiennement ou pratiquement

19 quotidiennement soumise à des bombardements. Et d'après les informations

20 que j'ai reçues, il y a beaucoup de maisons qui ont été détruites. On a

21 compté quelque 400 morts suite à des bombardements, et quelque 1.500

22 blessés, des gens qui ont été mutilés par les bombes. Il voyait ainsi

23 chaque jour des corps, des cadavres et il a assisté à certaines de ces

24 morts donc il a également participé ou assisté à de nombreux enterrements.

25 Beaucoup de gens ont été tués dont certains de ses parents et amis. Il a

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1 également été présent sur la ligne de front puisqu'il allait donner des

2 cigarettes, apporter de la nourriture aux soldats, sa vie à ce moment-là

3 était en danger. D'autre part, il a été détenu par les forces serbes à ce

4 moment-là, il a été passé à tabac et il était en danger de mort.

5 Question: Est-ce que vous pouvez faire la distinction entre l'impact que

6 pouvait avoir sa consommation d'alcool sur son comportement et d'autre

7 part les conséquences de ce que vous qualifiez de stress post-traumatique

8 ou bien ces deux éléments sont imbriqués?

9 Réponse: Je pense que l'élément primordial est le stress post-traumatique

10 dont une des complications habituelles est l'ingestion d'alcool.

11 Question: Donc, vous nous dites que cet état, ce trouble est aggravé par

12 l'ingestion d'alcool?

13 Réponse: Non, je dis que le principal trouble dont il souffrait était ce

14 trouble de stress post-traumatique.

15 Question: Je pose cette question car lorsque je regarde votre rapport et

16 d'ailleurs, on vous a posé une question à ce sujet, à la page qui a trait

17 aux questions, quand on lui a demandé s'il se souvenait avoir frappé la

18 tête de la personne qui est ensuite décédée, vous nous dites, pendant

19 cette période, il était souvent saoul et qu'il était, je cite, au moment

20 des crimes: "tempori criminis". Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer?

21 Qu'il était toujours saoul au moment des crimes?

22 Réponse: Oui, mais c'était une ingestion alcoolique réactive. Cela avait

23 un effet auto thérapeutique, si je puis dire. C'est à dire, comme la

24 plupart des gens qui boivent, il essayait de combattre le stress qu'il

25 ressentait, d'en neutraliser les effets et l'anxiété qu'il éprouvait.

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1 Question: Etait-il ivre au moment de la perpétration de ces crimes?

2 Réponse: Oui, il me l'a dit lui même.

3 M. le Président (interprétation): Merci.

4 (Questions de M. le Juge May au témoin, Dr Lecic-Tosevski.)

5 M. May (interprétation): Docteur, nous disposons ici d'un rapport que la

6 Chambre a demandé à un médecin munichois: le Dr Soyka, pages 10 et 11 du

7 rapport -je cite-: "M. Todorovic a répété que pendant la période en

8 question, c'est à dire en 1992, il ne ressentait que des changements

9 d'humeur assez limités. Il était bien entendu affecté par la guerre au

10 cours de laquelle plusieurs de ses cousins ont trouvé la mort et également

11 par les nombreux enterrements auxquels il a assisté. A part cela, sa vie

12 personnelle ainsi que celle de sa famille n'ont pas été affectées.

13 Monsieur Todorovic n'a signalé aucun autre trouble ou condition anormale

14 psychiatrique ou psychologique pendant la période de la guerre, y compris

15 des hallucinations, troubles sévères du sommeil ou périodes de tension

16 intense, ou encore troubles de l'humeur et peurs.

17 Monsieur Todorovic a signalé qu'à partir de l'été 1992, il lui est arrivé

18 de se sentir fatigué mais sinon, qu'il se sentait en bonne santé. Il a eu

19 un accident de la circulation en juin 1992, au cours duquel il a été

20 blessé au bras droit." Fin de citation.

21 Ensuite, en ce qui concerne sa consommation d'alcool -je cite-: "Monsieur

22 Todorovic déclare qu'il ne buvait pas de l'alcool tous les jours mais

23 parfois, en tant que directeur de l'usine, il lui arrivait de recevoir des

24 visiteurs avec qui il consommait de l'alcool. Il lui est arrivé une fois

25 de perdre son permis de conduire à cause de l'alcool. Il nie avoir connu

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1 des problèmes graves relatifs à sa consommation d'alcool ou à une

2 consommation de drogue." Fin de citation.

3 Il est possible que vous ne soyez en mesure de commenter ce que je viens

4 de lire, mais il semble que les rapports, les informations que vous avez

5 reçus sont différents de ce qui figure ici.

6 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Est-ce que vous avez des questions?

7 Question: Oui, oui. C'est ce que je viens de vous dire.

8 Réponse: Eh bien, j'ai lu avec beaucoup d'attention le rapport de mon

9 confrère et la seule différence, ce sont les conclusions auxquelles nous

10 arrivons chacun.

11 Si vous me le permettez, je dirais que mon confrère utilise des termes

12 comme "Monsieur Todorovic indique" ou "il indiquait", "il a indiqué"; moi,

13 je crains que mon confrère n'ait pas posé à M. Todorovic des questions

14 relatives à sa personnalité et son expérience en matière de stress. Parce

15 que si l'on ne pose pas des questions, le patient ne répond pas. Il ne

16 suffit pas de lire uniquement des rapports, il faut poser des questions.

17 Dans sa conclusion -une conclusion que j'ai lue avec beaucoup

18 d'attention-, mon confrère exclut la possibilité de tout trouble

19 psychiatrique important, c'est-à-dire psychose ou dépression grave. C'est

20 tout ce qu'il dit. Mais il n'a pas traité de l'expérience du stress de

21 l'accusé, ni de sa personnalité.

22 M. May (interprétation): Nous disposons de ce rapport et nous allons donc

23 l'étudier, ainsi que les éléments de preuve que vous nous avez

24 communiqués.

25 M. le Président (interprétation): Maître Kostich, souhaitez-vous poser des

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1 questions supplémentaires au témoin?

2 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Dr Lecic-Tosevski,

3 par Me Kostich.)

4 M. Kostich (interprétation): Une seule question, Monsieur le Président.

5 Docteur Lecic, vous avez étudié le rapport établi par le Dr Soyka. Dans ce

6 rapport, y a-t-il des éléments qui indiquent que le Dr Soyka ait utilisé

7 un ou plusieurs des tests que vous avez utilisés, ou se soit servi des

8 questionnaires dont vous nous avez parlé?

9 Mme Lecic-Tosevski (interprétation): Non, il n'y a aucune indication dans

10 ce sens.

11 M. Kostich (interprétation): Je n'ai plus de question. Merci.

12 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Kostich.

13 Docteur, vous en avez terminé de votre déposition et vous pouvez

14 maintenant quitter le prétoire.

15 (Le témoin, Mme Lecic-Tosevski, est reconduit hors du prétoire.)

16 Maître Brashich, votre intervention durera combien de temps, s'il vous

17 plaît?

18 M. Brashich (interprétation): Je vais faire une intervention d'environ

19 cinq minutes. Ensuite, je ferai une plaidoirie. D'ailleurs, si je peux me

20 permettre, je pense que le moment serait bien choisi pour faire une pause.

21 M. le Président (interprétation): Oui, certes, nous allons faire une

22 pause, mais je voudrais avoir une idée de la longueur de votre

23 intervention?

24 M. Brashich (interprétation): En tout, je pense que j'aurai besoin 35 ou

25 40 minutes au plus.

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1 M. le Président (interprétation): Fort bien. Madame Paterson?

2 Mme Paterson (interprétation): J'aurai besoin de dix minutes pour

3 intervenir, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation): Maître Brashich, dois-je comprendre que

5 vous en avez terminé des éléments de preuve que vous souhaitiez présentez?

6 M. Brashich (interprétation): Oui, il y aura une déclaration que je ferai

7 dans le cadre de ma plaidoirie, au nom de l'accusé, une déclaration très

8 brève.

9 M. le Président (interprétation): Ceci viendra avant votre plaidoirie?

10 M. Brashich (interprétation): Oui.

11 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons maintenant faire

12 une pause et nous reprendrons les débats à 11 heures 35.

13 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 40.)

14 M. le Président (interprétation): Maître Brashich?

15 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, pendant la pause, je

16 me suis entretenu avec Mme Featherstone ou plutôt Me Kostich s'est

17 entretenu avec Mme Featherstone. Et, avec votre autorisation, notre

18 proposition est la suivante: ce serait que Mme Paterson fasse sa

19 déclaration en conclusion et que M. Todorovic fasse une très brève

20 déclaration que Me Kostich présente la moitié de notre plaidoirie et que

21 moi-même je finisse.

22 M. le Président (interprétation): Donc vous nous suggérez que son

23 intervention soit intercalée entre vous, entre celle de Mme Paterson et la

24 vôtre?

25 M. Brashich (interprétation): Oui.

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1 M. le Président (interprétation): Bien. Il en sera ainsi.

2 Nous allons donc commencer par Mme Paterson.

3 (Réquisitoire de Mme Paterson.)

4 Mme Paterson (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

5 vous êtes au fait des charges contre Stevan Todorovic et des circonstances

6 dans lesquelles il a présenté un plaidoyer de culpabilité. Comme vous le

7 savez, il a plaidé coupable pour un crime de persécution, c'est-à-dire un

8 crime contre l'humanité. Un crime contre l'humanité est un des crimes les

9 plus graves que puisse commettre un être humain et la sentence imposée

10 pour un tel crime doit refléter la gravité de ce crime.

11 Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire relatif à la peine, la

12 Chambre d'appel a déclaré que le Tribunal avait l'obligation de montrer

13 que la communauté internationale ne tolérera pas de tels crimes.

14 Cela étant dit, l'accusation ne veut en nulle manière minimiser le fait

15 que, suite à l'accord relatif au plaidoyer et à la coopération négociée

16 entre le Bureau du Procureur et Stevan Todorovic, M. Todorovic a convenu

17 de coopérer avec le Bureau du Procureur et de fournir des informations

18 importantes.

19 Je peux vous confirmer que M. Todorovic s'est entretenu avec des

20 représentants de notre Bureau à de nombreuses reprises et qu'à chaque

21 fois, il a participé à ces conversations en faisant preuve de beaucoup de

22 coopération. Et certaines des informations qu'il nous a fournies

23 n'auraient peut-être pas été accessibles au Bureau du Procureur s'il ne

24 les avait pas fournies lui-même.

25 Monsieur Todorovic a accepté de continuer à coopérer avec nous et nous

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1 avons déjà prévu de l'interroger à plusieurs reprises dans l'avenir.

2 D'autre part, il a accepté de témoigner au procès en l'espèce, ainsi que

3 dans d'autres affaires, ce qui pourra se révéler très utile. On peut dire,

4 en termes simples, qu'il a tenu sa part du marché.

5 Mais ce qui est important, c'est que, que nous aimions le nom ou non, son

6 plaidoyer faisait partie d'un marché. Il a déjà bénéficié ou reçu les

7 bénéfices de ce marché, c'est-à-dire un accord de la part du Bureau du

8 Procureur de demander une peine qui ne dépasse pas 12 ans.

9 S'il avait été jugé et s'il avait été déclaré coupable, il est très

10 probable qu'il aurait probablement fait face à une peine de 15 à 25 ans,

11 voire plus.

12 Nous n'avons pas l'intention de ne pas tenir notre promesse et je ne vais

13 donc pas vous demander une peine supérieure à 12 ans. Mais je pense qu'une

14 peine inférieure à 12 ans ne serait pas adéquate vu les nombreux facteurs

15 que la Chambre de première instance doit prendre en compte.

16 Dans nos écritures, nous avons fait référence à plusieurs facteurs

17 extrêmement importants qui doivent être pris en compte au moment de

18 déterminer la sentence adéquate. Il est important de constater que Stevan

19 Todorovic a participé directement aux crimes qui lui sont reprochés et

20 qu'il a commis le crime atroce de meurtre et les crimes extrêmement

21 humiliants d'agression sexuelle. Il était très connu au poste de police et

22 dans les autres camps de Bosanski Samac pour la brutalité dont il faisait

23 preuve lors des passages à tabac. Sa participation dans les actions de

24 déportation, de travaux forcés et d'autres violations graves des droits de

25 l'homme, des Musulmans et des Croates de Bosanski Samac ont été des

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1 éléments cruciaux dans le cadre de la campagne de nettoyage ethnique qui a

2 été menée dans cette municipalité et qui a été couronnée de succès.

3 Ce qui est particulièrement troublant, c'est le fait qu'il était le chef

4 de la police à Bosanski Samac au moment où il a commis les crimes qui lui

5 sont reprochés. Parce que c'est lui qui aurait dû être celui que tous les

6 citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, auraient pu contacter

7 pour trouver de l'aide, pour trouver de l'assistance; au lieu de quoi, il

8 est devenu l'un des personnages les plus craints de la ville. Il n'a rien

9 fait pour empêcher ses subalternes et d'autres de semer la terreur au sein

10 de la population non serbe de Bosanski Samac.

11 La défense avance, dans ses argumentations, qu'il faut considérer comme un

12 élément en sa faveur le fait qu'il était le chef d'un poste de police

13 officiel et pas d'une organisation de détention illégale. Or, l'opposé est

14 vrai. En effet, au lieu de faire appliquer la loi et de ramener la

15 stabilité dans une période de grand trouble, il a trompé la confiance du

16 public, la confiance que le public met dans la police et il a permis à des

17 crimes atroces de se passer. Il n'est pratiquement jamais intervenu sauf à

18 quelques très rares reprises.

19 Et ceci nous amène au témoignage du psychiatre. Nous avons lu les deux

20 rapports; comme le M. le Juge May l'a indiqué, il y a des différences

21 entre le contenu de ces deux rapports, mais il y a un point sur lequel les

22 deux psychiatres sont d'accord. Il n'y a absolument aucun élément de

23 preuve qui indique que M. Todorovic présente une diminution de ses

24 capacités mentales ou une absence de telles capacités.

25 Et ceci nous amène au facteur le plus important pour déterminer la peine,

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1 à savoir l'impact des victimes. Il ne faut pas oublier pourquoi nous

2 sommes ici aujourd'hui: pour rendre la justice à ceux qui ont été victimes

3 de ces crimes atroces.

4 Les centaines de familles qui ont été contraintes de quitter Bosanski

5 Samac contre leur vœux et dont la vie a été changée à tout jamais, toutes

6 ces familles doivent savoir que Stevan Todorovic a reçu un châtiment

7 adéquat pour le rôle qu'il a joué dans leur expulsion. Les femmes et les

8 hommes qui ont été contraints de travailler dans des missions de travaux

9 forcés, dans des conditions atroces doivent prendre conscience que le

10 traitement auquel ils ont été soumis a été pris en compte. Les centaines

11 d'hommes, et parfois de femmes, qui ont été détenus dans des conditions

12 inhumaines dans différents camps de détention à Bosanski Samac, les gens

13 qui ont été passés à tabac, torturés, qu'on a fait mourir de faim et qui

14 se sont vu dédaigner leurs droits les plus fondamentaux doivent savoir que

15 nous avons pris en compte leurs souffrances.

16 Les hommes qui ont été personnellement passés à tabac par Stevan

17 Todorovic, Enver Ibralic, Hasan Jasarevic, Omer Nalic, (expurgée)

18 (expurgée), Silvester Antunovic, Hasan Bicic, Kemal Bobic, (expurgée),

19 Abdulah Drljacic, Zlatko Dubric, (expurgée) et Hasan Subasic doivent

20 savoir que les souffrances physiques et mentales qu'ils ont subies ont

21 reçu une punition adéquate.

22 Et, d'autre part, les hommes dont je tairai les noms et qui ont été

23 contraints à se livrer à des actes sexuels extrêmement gênants doivent

24 savoir que ce Tribunal a pris en compte leur humiliation.

25 Et enfin, la famille et les amis d'Anto Brandic, qu'il connaissait tous

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1 sous le nom de Antesa, sa famille et ses amis donc doivent savoir que sa

2 mort, qui est le résultat des actions de Stevan Todorovic et d'autres, a

3 été punie de manière adéquate.

4 Stevan Todorovic a rempli sa part du marché. Il affirme qu'il éprouve du

5 remords pour ce qu'il a fait; nous espérons que cela est vrai. Mais Stevan

6 Todorovic a commis beaucoup de crimes atroces et il doit recevoir une

7 sentence appropriée.

8 Il y a neuf ans, en avril 1992, la vie de tous les résidents de Bosanski

9 Samac a changé à jamais. Pour la majorité des victimes et des témoins en

10 l'espèce, neuf ans plus tard, eh bien, ils ne sont toujours pas en mesure

11 de rentrer chez eux; ils continuent à payer le prix des actes de Stevan

12 Todorovic et de ses acolytes.

13 Aucune peine, quelle que ce soit sa durée, n'annulera le mal qu'il a fait

14 et ne rendra toutes ces années de leur vie aux victimes. Mais, dans les

15 circonstances qui prévalent, nous estimons qu'une peine de 12 ans est tout

16 à fait adéquate. C'est pourquoi nous demandons avec respect à la Chambre

17 de première instance de condamner Stevan Todorovic à 12 ans de prison.

18 Merci.

19 M. le Président (interprétation): Madame Paterson, j'ai une question.

20 Vous avez reconnu que, si l'affaire avait été jugée, la peine envisagée

21 aurait été de 15 à 25 ans. Est-ce que vous êtes en train de nous dire

22 qu'il serait adéquat, dans les circonstances de l'espèce, de prendre en

23 compte le niveau de coopération de l'accusé, en réduisant sa peine pour

24 que, finalement, elle atteigne la moitié de cette peine maximum que vous

25 avez évoquée?

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1 Mme Paterson (interprétation): Moi, ce que je dis, c'est qu'il doit

2 bénéficier de ce marché que nous avons passé avec lui mais qu'il ne faut

3 pas que la peine qui soit prononcée contre lui soit inférieure à 12 ans.

4 Mais comme nous l'avons promis, nous ne demandons pas une peine supérieure

5 à 12 ans.

6 Quant à savoir si cela représente la moitié ou un tiers de la peine qu'il

7 aurait reçue dans d'autres circonstances, ce n'est pas la question ici. La

8 question, c'est qu'il a déjà bénéficié du marché ou de l'accord que nous

9 avons passé suite à son plaidoyer de culpabilité et qu'il bénéficierait

10 ainsi, si vous le décidez, d'une nette diminution de la peine.

11 M. le Président (interprétation): Madame Paterson, merci. Maître Brashich?

12 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais demander

13 que M. Todorovic soit autorisé à faire sa déclaration depuis sa place.

14 M. le Président (interprétation): Allez-y.

15 M. Brashich (interprétation): Monsieur Todorovic, souhaitez-vous vous

16 adresser à la Chambre?

17 (Déclaration de M. Stevan Todorovic.)

18 M. Todorovic (interprétation): Messieurs les Juges, jamais de ma vie, je

19 n'ai désiré être un chef de police. Mais le destin ou peut-être les

20 circonstances malheureuses m'ont emmené à cet endroit, à ce poste dans une

21 période de guerre. Et je suis là devant vous, devant la communauté

22 internationale et devant Dieu.

23 La guerre est un enfer. La ville de Bosanski Samac ainsi que le poste de

24 police avaient été, au cours de toute la guerre, situés en plein sur la

25 ligne de front. Les obus d'artillerie procédaient au pilonnage de la ville

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1 presque tous les jours ainsi que sur tout le territoire de la

2 municipalité. Il arrivait très souvent que des gens perdent leur vie, les

3 soldats se faisaient blesser, les civils étaient blessés, les enfants

4 également ont souffert de tout ceci. J'ai dû assister à des enterrements

5 d'amis, de connaissances et de membres de ma famille.

6 Des témoignages de Serbes qui sont venus de Odzak et de Orakovi(?) ont

7 témoigné de tout ceci et, des fois, il était très difficile d'arriver à

8 une bonne décision. Les événements se déroulaient très rapidement; il y

9 avait une très grande peur, une grande crainte, la panique régnait, le

10 stress, la fatigue et, des fois même, l'effet de l'alcool pouvait

11 certainement agir sur mon comportement. Dans un tel état, il m'est arrivé

12 de prendre de mauvaises décisions et de faire des actes qui n'étaient pas

13 corrects et je n'avais pas assez de courage et assez de détermination à

14 l'époque pour empêcher les volontaires et les criminels locaux de faire

15 ces actes répréhensibles et de procéder au pillage des habitants.

16 Et j'en suis vraiment navré. Et je le regrette.

17 Avant la guerre, je n'avais jamais planifié le nettoyage ethnique ni la

18 persécution des habitants et je n'avais même pas connaissance de ce genre

19 de plan. Et quelques semaines après le début de la guerre, j'ai pu

20 remarquer qu'un grand nombre de Serbes était en train de quitter la

21 région, la municipalité de Samac. J'avais compris ce qui se passait, je

22 voyais ce qui se passait mais je n'avais pas assez de courage pour

23 empêcher la commission de ces actes illégaux et inhumains à l'encontre de

24 la population non serbe civile, qui avait fait en sorte que cette

25 population avait quitté la municipalité ou le territoire de la

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1 municipalité non serbe de Samac.

2 Certaines personnes ont dû partir de peur, même avant les conflits.

3 Certaines personnes avaient quitté la Yougoslavie pour se rendre en Europe

4 de l'ouest alors qu'une partie avait fait l'objet d'un échange contre leur

5 gré. Ces échanges, à l'époque, me semblaient comme une solution

6 temporaire. Aujourd'hui, je comprends que ces échanges étaient illégaux.

7 En automne 1992, j'ai compris que les volontaires de Serbie avaient fait

8 plus de dégâts et plus de malheurs que d'avoir fait quelque chose de bien.

9 Puisque j'avais encore peur d'eux, je les craignais, de façon secrète,

10 nous avions entamé une initiative afin de nous en débarrasser et de les

11 chasser en Serbie. Après cela, ils ont fait l'objet d'arrestations et ils

12 ont été transférés dans la prison militaire de Banja Luka.

13 Cette année, en 1992, j'ai été tout à fait conscient que les Croates et

14 les Musulmans ont souffert malheureusement beaucoup. C'est la raison pour

15 laquelle j'éprouve de très profonds regrets. Tous les jours, je prie Dieu

16 de pardonner ma faute.

17 J'ai donné toute ma coopération à ce Tribunal et je suis prêt, et à

18 l'avenir également, de venir témoigner, de coopérer et de dire tout ce

19 dont j'ai connaissance afin d'arriver à la justice, dans l'intérêt de la

20 justice. Mon désir profond, et j'espère -et bien sûr cela dépend de vous,

21 Monsieur le Président et Messieurs les Juges-, que je puisse retourner

22 dans la merveilleuse période d'avant la guerre, lors de laquelle tous les

23 habitants de Bosnie vivaient heureux et vivaient ensemble.

24 Malheureusement, je ne peux pas changer le passé. Je désire et je suis

25 prêt, si vous me donniez une chance, d'essayer de changer l'avenir.

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1 Si le destin m'offre la possibilité de le faire, je me consacrerai à ma

2 famille et à mes enfants. Et je suis prêt également à mettre tout mes

3 efforts pour que cette nouvelle Bosnie multiethnique redevienne ce qu'elle

4 était auparavant et j'essaierai d'agir de façon positive dans mon

5 entourage, et que les blessures qui ont été causées par ces conflits

6 multiethniques soient (inaudible); et je crois que tous les peuples

7 doivent vivre ensemble et se respecter mutuellement et vivre en harmonie.

8 J'essaierai de la sorte de me racheter pour les torts que j'ai faits, que

9 j'ai commis, devant Dieu et devant les êtres humains.

10 Même si je suis là devant vous, Messieurs les Juges, en tant qu'accusé, je

11 vous remercie de votre attention, de votre compréhension, et je vous

12 remercie d'avoir protégé mes droits. Merci.

13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Todorovic, vous pouvez

14 vous asseoir.

15 Maître Brashich?

16 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, je souhaiterais

17 donner la parole à Me Kostic, il vous présentera la première partie de

18 notre plaidoirie.

19 M. le Président (interprétation): Oui. Maître Kostich?

20 (Plaidoirie de M. Kostich.)

21 M. Kostich (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

22 Monsieur Di Fazio, chers collègues, avant l'accord relatif à la peine dans

23 cette affaire et avant que cet accord ne soit signé par les parties,

24 toutes les questions étaient ouvertes dans cette affaire. Et mon collègue,

25 Me Brashich, a contesté un nombre de requêtes et ainsi de suite.

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1 L'accord relatif au plaidoyer a eu lieu vers la fin du mois d'octobre et

2 en début du mois de novembre; et je crois que c'est très important de dire

3 qu'il s'agissait de situer le tout dans le temps. C'était à l'époque où la

4 demande de Me Brashich avait été faite afin que M. Todorovic se rende, ou

5 soit rendu, ou renvoyé au pays où il avait été arrêté.

6 Je crois que le Tribunal avait démontré un certain intérêt. Il y avait

7 quelques requêtes qui avaient été accordées à ce moment-là et je crois

8 qu'il y avait également des préparatifs qui avaient lieu pour passer à une

9 phase d'appel. Les conditions en Yougoslavie à l'époque étaient

10 différentes qu'elles ne le sont aujourd'hui et le gouvernement était un

11 peu différent de ce qu'il est présentement.

12 En arrivant à cet accord relatif au plaidoyer, je crois que quelques

13 facteurs ont été étalés; de sorte que les deux parties aient bien pu avoir

14 des gains importants, et je crois que les deux parties ont pu tirer des

15 bénéfices. Et plusieurs segments du processus judiciaires ont été

16 également couverts et ont pu bénéficier de cet accord relatif au

17 plaidoyer. Je crois que ce qui est important dans cette situation d'accord

18 relatif au plaidoyer, je crois que c'est le bénéfice qui découle et le

19 fait que les témoins ne sont plus obligés de venir témoigner pour revivre

20 les tragédies et toutes les atrocités qui leur sont arrivées, et que ces

21 victimes ne doivent plus revenir, enfin ne doivent pas témoigner.

22 Et il y a bien sûr une économie de ressources. Le système judiciaire, le

23 Tribunal peut également bénéficier de cette façon-ci, et le Bureau du

24 Procureur. Etant donné que je suis avocat-conseil dans un pays où le

25 common law prévaut, je peux le reconnaître et je le dis de façon

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1 respectueuse; c'est qu'à peu près les deux tiers de la Chambre d'appel

2 proviennent en fait d'un système semblable. C'est que les accords relatifs

3 au plaidoyer sont reconnus et on s'en sert énormément dans ces

4 juridictions qui pratiquent le common law. Les Juges sont donc au courant

5 de tous ces accords qui existent, et je n'ai pas besoin d'entrer dans le

6 détail de cela.

7 Maintenant, concernant M. Todorovic, il a fait plusieurs décisions. Les

8 deux parties étaient représentées par des avocats, et nous en sommes

9 arrivés à un accord relatif au plaidoyer. Je crois qu'à ce moment-là, il

10 était important d'arriver à cet accord puisque la coopération entre le

11 Bureau du Procureur et la SFOR et toutes les questions qui en ont découlé,

12 les questions méticuleuses ou les questions qui ont découlé de ces

13 questions et de ces argumentations n'étaient plus en litige. Je crois

14 qu'il s'agit là d'un bénéfice que le Bureau du Procureur a bien pu tirer,

15 c'est un bénéfice additionnel.

16 Et je crois qu'il est important de bien envisager le tout, de bien voir le

17 moment où cet accord a été rendu. Je crois que M. Todorovic savait très

18 bien qu'il avait des droits et il savait quels étaient ces droits. Et

19 lorsque nous avons entamé nos discours, je crois que Mme Paterson a bien

20 dit, dans ses argumentations et dans cette représentation que le niveau

21 bien sûr, non seulement lorsqu'on parle de la quantité mais de la qualité,

22 laquelle qualité de la coopération est importante. Pour les raisons que

23 l'on connaît bien sûr, c'est que nous ne voulons pas maintenant entrer, ou

24 nous ne devrions pas peut-être entrer trop en détail et parler de cette

25 coopération car je crois que la Chambre peut lire les compte rendus

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1 d'audience de nos rencontres, donc vous êtes au courant de tout ce qui est

2 survenu lors de nos rencontres et des débats.

3 Je crois que ce qui est important, c'est qu'il y a quand même eu, ou nous

4 pouvons comparer ceci à une affaire qui a déjà eu lieu, je crois qu'il a

5 été un précédent à l'époque; je crois que c'est important de le

6 mentionner, c'était l'affaire Erdemovic. C'était en fait la seule autre

7 affaire de fait où l'on a bénéficié d'un accord relatif au plaidoyer, et

8 c'était la Chambre qui a suggéré, qui a proposé une sentence.

9 Je crois que l'une des raisons pour lesquelles la Chambre avait été

10 impressionnée dans cette affaire-là était le fait, tel que l'a stipulé Mme

11 Paterson, et dans cette affaire-ci je veux m'assurer de bien faire la

12 distinction. Néanmoins, je crois qu'elle avait indiqué qu'un certain

13 nombre de renseignements avaient été obtenus grâce aux interviews de M.

14 Todorovic qui autrement n'auraient pas été fournis lors de

15 l'interrogatoire; on n'aurait pas pu arriver à ces renseignements.

16 Donc je crois que dans l'affaire Erdemevic, la situation était un peu

17 semblable; grâce à sa coopération, le Tribunal a pu obtenir des

18 renseignements. Je crois qu'il s'agit là d'une qualité de coopération.

19 M. May (interprétation): Et la sentence a été de cinq ans, n'est-ce pas?

20 La peine qui avait été attribuée était de cinq ans. Donc je crois, si je

21 vous comprends bien et si je suis votre ligne de pensée, c'est que vous

22 désirez dire que la peine devrait être (inaudible) ou diminuée

23 premièrement parce qu'il y a eu un accord relatif au plaidoyer.

24 Donc, cela résulte bien sûr sur le fait que les ressources ont été

25 épargnées, que pas trop d'argent n'a été versé, et le temps bien sûr des

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1 gens ici. Vous êtes donc en train de nous dire que votre client a coopéré

2 de façon très importante, n'est-ce pas?

3 M. Kostich (interprétation): Oui, certainement. Il y a également d'autres

4 facteurs.

5 M. May (interprétation): Oui, certainement, mais outre –nous allons en

6 parler un peu plus tard- le cas, outre l'affaire Erdemovic, est-ce que

7 vous pouvez nous parler d'autres affaires du Tribunal dans lesquelles il y

8 a eu une grande coopération offerte par l'accusé après avoir entré un

9 plaidoyer de culpabilité. Je crois que c'est en fait la deuxième fois que

10 cela se produit.

11 M. Kostich (interprétation): Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Juge.

12 M. May (interprétation): Et dans cette autre affaire, la personne s'est

13 retrouvée avec une peine de 5 ans mais, si cette personne avait été

14 impliquée dans un grand nombre de crimes, elle a été impliquée dans des

15 coups de feu, des fusillades et son argument avait été forcé. Cet homme a

16 opéré sous contrainte, ce qui n'a pas été prise en compte en tant qu'une

17 défense mais en tant que circonstance atténuante. Il n'était, bien sûr,

18 pas un commandant à l'époque, mais je crois que votre argument est le

19 suivant: la peine ne devrait pas… enfin devrait refléter toutes ces

20 questions s'agissant de la coopération et du plaidoyer de culpabilité.

21 M. Kostich (interprétation): Oui, j'ai été l'un des coconseils

22 représentant M. Erdemovic et la seule chose que je voudrais ajouter, c'est

23 qu'il y a eu un nombre de délits… En fait, c'est un peu une question

24 sensible pour moi de vous donner des chiffres concernant les victimes ou

25 le nombre de personnes. Je ne veux pas y aller trop légèrement mais je

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1 veux quand même dire qu'il y a eu des admissions faites par M. Erdemovic

2 qu'il avait été impliqué dans le meurtre de 70 personnes. Cela découle de

3 son propre témoignage. Donc, oui, Monsieur le Juge, cela fait partie de

4 mes représentations.

5 L'une des autres choses que je veux dire, c'est qu'il est des fois

6 difficile…

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Kostich, est-ce que M.

8 Erdemovic était impliqué directement dans les tueries?

9 M. Kostich (interprétation): Oui. Il a été accusé de meurtres et il a

10 plaidé coupable à ces accusations.

11 Et pour terminer, je crois qu'il faut néanmoins prendre cela comme une

12 valeur de précédent. Il y a eu un précédent dans ce Tribunal et j'aimerais

13 dire que, concernant l'affaire de M. Todorovic et lorsqu'on parle de

14 l'affaire Celebici, il y avait un accusé qui s'appelait Music qui a reçu

15 une peine de 7 ans. C'était l'une des personnes qui avaient été accusées

16 d'avoir été un commandant du camp mais les faits devraient être un peu

17 réexaminés si on le compare à M. Todorovic. C'est un chiffre que je vous

18 lance comme cela parce que nous en avons parlé.

19 Simplement, pour terminer, mes commentaires sont les suivants: j'aimerais

20 dire, ou vous donner cette prémisse qui est basée sur le fait que je viens

21 à La Haye depuis 6 ans maintenant, depuis 1995. Je viens périodiquement à

22 La Haye, je sais pourquoi cette instance a été créée. Je ne vais commencer

23 à vous dire, à vous, Honorable Chambre, à vous raconter les raisons pour

24 lesquelles ce Tribunal a été fondé mais ce qui m'a plus surpris ou que je

25 trouve intéressant, c'est que le Tribunal est un véhicule qui est là pour

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1 sanctionner. Mais outre cela, cette instance existe pour donner un

2 soutien, pour aider les gens, les habitants de la Bosnie-Herzégovine de

3 guérir les plaies qui découlent de la guerre et de pouvoir revivre

4 ensemble.

5 Je crois qu'à l'exception de M. Erdemovic -c'est une personne assez jeune;

6 il avait commis ces crimes, il a plaidé coupable-, aucune autre personne

7 en fait ne s'est présentée sous forme publique soit ici dans ce prétoire

8 ou dans un prétoire, qui a dit: "j'ai été impliqué, je suis coupable, j'ai

9 fait, j'ai commis des atrocités, je suis désolé, je sens un remords

10 profond. Je veux vivre, je veux changer les choses et je veux essayer de

11 ramener les choses comme elles étaient auparavant". Ce qui est

12 intéressant, c'est que personne d'autre n'a eu le courage de le faire.

13 Et en réalité, cela m'importe peu si une personne avait été accusée d'un

14 crime ou non, mais il n'y a aucun dirigeant politique en Bosnie-

15 Herzégovine qui est venu le dire de façon publique, est venu dire quelque

16 chose comme cela. Il y a également une commission de réconciliation qui

17 existe, qui n'a pas encore été établie et je crois que ce Stevan Todorovic

18 a un énorme courage de venir ici, de dire devant vous ce qu'il a dit et de

19 plaider coupable et de vous demander de façon claire de rendre un

20 jugement, de fixer une sentence conformément à tout cela. Je ne vous

21 demande pas de lui accorder un prix pour tout ce qu'il a fait, mais je

22 crois qu'il serait important de reconnaître que c'est une des rares

23 personnes qui est sortie de cette guerre atroce et qui a eu le courage de

24 dire ce qu'il a dit. Merci beaucoup.

25 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Kostich. Monsieur

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1 Brashich, vous avez la parole.

2 M. Brashich (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

3 J'ai aujourd'hui le privilège de me tenir debout devant pour défendre

4 Stevan Todorovic.

5 J'ai le privilège d'être son conseil de la défense et j'ai le privilège

6 d'avoir déjà travaillé dans ce Tribunal. Cependant, je suis ici debout

7 devant vous pas seulement en qualité de défenseur, je suis ici également

8 dans une perspective très différente. Je suis aujourd'hui devant vous en

9 tant qu'enfant de la guerre. J'ai subi les bombardements des Américains,

10 peuple auquel j'appartiens aujourd'hui mais aussi par les Allemands. J'ai

11 été un réfugié, j'ai vécu dans des camps de réfugiés. J'ai perdu un pays

12 pour en gagner un autre. J'ai perdu des maisons pour en gagner d'autres.

13 Donc je suis un enfant de la guerre. Et je vous parle ici depuis cette

14 perspective avec cet avantage.

15 Dans mon pays, au cours de la guerre civile qui a eu lieu dans mon pays

16 -et lorsque je dis "mon pays", je parle des Etats-Unis avec une très

17 grande fierté-, la guerre civile dans mon pays a été beaucoup sanguinaire

18 que celle de Bosnie. Un homme qui s'est vu contraint de vivre cette

19 guerre, un général très célèbre, Williams Sherman, l'a dit le premier.

20 Monsieur Todorovic a prononcé ces mots ici aujourd'hui mais je suis sûr

21 qu'en les prononçant il ne savait pas que ces mots devaient être attribués

22 au général Sherman. Ce général qui a marché dans la Géorgie en laissant

23 derrière lui 40 miles de terre dévastée que l'on constate encore la

24 présence aujourd'hui.

25 Donc en tant qu'enfant de la guerre, je parle ici au nom et pour défendre

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1 Stevan Todorovic. Je dirai que j'ai éprouvé quelques réticences à accepter

2 d'intervenir dans cette affaire mais, deux ans et demi plus tard, je suis

3 convaincu que, de toutes les personnes qui sont venues dans ce prétoire, y

4 compris le Dr Lecic, y compris la mère et la sœur de M. Todorovic, je suis

5 celui qui le connaît le mieux.

6 J'ai appris quelle avait été sa jeunesse. J'ai fait le voyage de Bosanski

7 Samac, j'ai parlé à des gens qui le connaissaient dans les bons moments et

8 j'ai aussi parlé à des gens qui l'ont connu dans les mauvais moments.

9 Et par ailleurs, j'ai parlé avec lui pratiquement tous les jours. Je ne

10 crois pas qu'un seul jour se soit écoulé, à moins que l'on tienne compte

11 d'un samedi ou d'un dimanche ici ou là, je ne crois pas qu'il se soit

12 écoulé un seul jour sans que je parle avec Stevan Todorovic. Je le connais

13 et je crois ce qu'il dit.

14 Mon confrère, Me Kostich, a parlé de courage. Je suis d'accord avec lui.

15 Et Me Kostich et moi-même avons l'un avec l'autre une relation très proche

16 sur le plan personnel et qui dure depuis très longtemps, même si nous

17 sommes loin physiquement, géographiquement l'un de l'autre.

18 Il n'a pas besoin de me dire ce qu'il va dire pour que je le comprenne. Et

19 l'inverse est exact également. Donc, c'est un jeu très agréable, pour lui

20 et pour moi, que de représenter ensemble un homme auquel je crois.

21 J'ai assuré le Tribunal que nous n'allions pas, Me Kostich et moi-même,

22 nous répéter. J'espère que nous ne sommes pas en train de le faire. La

23 seule raison pour laquelle j'ai parlé comme je viens de le faire, c'est

24 parce que je crois au courage de Stevan Todorovic. Et je crois également

25 aux remords qu'il ressent.

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1 Il est très difficile, quand on est assis dans une pièce de petite

2 dimension, où l'air manque, une petite pièce à Scheveningen, qui ne mesure

3 pas plus d'un mètre sur deux, il est très difficile, pour quelqu'un qui se

4 trouve dans une telle pièce, de prétendre ressentir un faux remords. Moi,

5 je me suis trouvé dans cette pièce, j'y ai passé pas mal de temps.

6 Madame Paterson vous a dit que l'une des questions posées à ce Tribunal

7 est la question des victimes. Elle a tout à fait raison. Mais moi, je vous

8 parle en tant que victime d'une autre guerre. Et je vous dis qu'un autre

9 facteur que ce Tribunal doit prendre en compte, dans toute son éminence,

10 c'est la réhabilitation: cet homme vaut-il la peine d'être sauvé?

11 Il vaut la peine d'être sauvé. Il mérite une deuxième chance.

12 Je crois en lui, je crois que, si vous atténuez la justice en lui ajoutant

13 un peu de compassion, mon Stevo Todorovic, le nouveau Stevo Todorovic, le

14 Stevo Todorovic plein de courage, peut retourner à Bosanski Samac où il

15 sera un élément qui contribuera à un changement de Bosanski Samac en mieux

16 à l'avenir.

17 J'ai eu le privilège de le représenter. J'ai eu le privilège de m'exprimer

18 devant cette Chambre de première instance.

19 M. Todorovic a fait allusion au fait que cette Chambre avait défendu ses

20 droits. Je suis d'accord avec lui.

21 Je vous remercie. Cela a été pour moi un privilège de m'exprimer devant

22 vous et je demande, au nom de mon client, qu'une deuxième chance lui soit

23 accordée.

24 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Brashich.

25 M. Brashich (interprétation): Je vous en prie, Monsieur le Président.

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1 M. le Président (interprétation): Nous allons à présent délibérer et

2 rendrons notre décision rapidement. Mais avant de suspendre l'audience,

3 Madame Paterson, vous avez bien dit que vous quittiez le Tribunal?

4 Mme Paterson (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Vendredi

5 prochain sera mon dernier jour de travail au Tribunal.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. J'aimerais vous remercier

7 pour votre travail et votre coopération avec le Tribunal.

8 M. Brashich (interprétation): Monsieur le Président, au début de mon

9 intervention, j'ai oublié de remercier Mme Paterson pour la courtoisie

10 dont elle a fait preuve et qui a été grandement appréciée.

11 M. le Président (interprétation): Très bien, nous suspendons l'audience.

12 (L'audience est levée à 12 heures 25.)

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