LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

Décision rendue par :
M. le Juge Theodor Meron, Président du Tribunal

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
5 novembre 2003

LE PROCUREUR

c/

MITAR RASEVIC

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DÉCISION RELATIVE À L’APPEL DÉPOSÉ CONTRE LA DÉCISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE

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L’Accusé :

Mitar Rasevic

Autres parties :

Slavisa Prodanovic

 

1. En vertu de l’article 45 C) du Code de déontologie pour les avocats exerçant devant le Tribunal international (le « Code de déontologie »), M. Slaviša Prodanovic a fait appel de la décision du Conseil de discipline lui interdisant d’exercer devant le Tribunal1. M. Prodanovic affirme que le Conseil de discipline a conclu à tort que le Code de déontologie de 2002 lui était applicable en l’espèce. Il estime également que le délai d’introduction d’une procédure disciplinaire à son encontre était écoulé.

2. Le Conseil de discipline a été créé en vertu du Code de déontologie tel que modifié en 2002 (le « Code de 2002 »). À la date où la faute professionnelle a été commise, c’est le Code de déontologie de 1997 qui s’appliquait (le « Code de 1997 »). Le Conseil de discipline a estimé que le Code de 2002 pouvait être appliqué à M. Prodanovic sur la base du Code de 1997. M. Prodanovic estime quant à lui que cette décision est erronée parce que le Code de 1997 ne prévoit pas explicitement l’existence d’un Conseil de discipline habilité à prendre des décisions ou à engager des procédures, et qu’il ne peut donc justifier l’application du Code de 20022. Il déclare que le Conseil de discipline a fait erreur en estimant que l’article  22 du Code de 1997, aux termes duquel le conseil doit se conformer à toute décision ou procédure disciplinaire établie par le Tribunal conformément au Règlement, autorise l’application du Code de 20023. M.  Prodanovic affirme qu’il ressort de l’article 1 4) du Code de 19974, lu en conjonction avec l’article 22 dudit code5, que pour être applicable, toute procédure menée en vertu du Code de déontologie doit également être conforme au Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »)6. Il affirme qu’à la date où il a commis la faute professionnelle, le seul organe compétent pour engager une procédure à son encontre était, en application de l’article 46 B) du Règlement du Tribunal, l’Ordre des avocats dans le ressort de Foca/Srbinje7.

3. M. Prodanovic a présenté des objections similaires devant le Conseil de discipline, qui a rejeté ses arguments. Cette décision est bien fondée. Comme l’ont fait observer les membres du Conseil, tous les avocats exerçant devant le Tribunal sont liés par le Code de déontologie, ainsi que cela est inscrit à l’article 44 du Règlement8. L’article 22 du Code de 1977 prévoyait explicitement que « SlCe conseil se conforme de son plein gré à toute décision ou procédure disciplinaire établie par le Tribunal conformément au Règlement9 ». Ce code prévoyait donc expressément la possibilité qu’une procédure et des mesures disciplinaires soient instaurées ultérieurement. Le fait qu’elles ne l’aient été qu’avec l’adoption du Code de 2002 ne les empêche pas d’être applicables à une faute professionnelle commise avant leur mise en place.

4. M. Prodanovic conteste également la conclusion du Conseil de discipline selon laquelle la procédure disciplinaire engagée à son encontre le 18 août 2003 a été introduite dans les délais puisque la partie plaignante n’a été informée de sa faute que le 30 août 2002. L’article 41 3) du Code de 2002 dit que « SlCa plainte doit être déposée au plus tard douze mois après que la faute alléguée a été portée à l’attention du plaignant ou que ce dernier aurait raisonnablement dû en avoir connaissance. M. Prodanovic a estimé que le Greffier aurait dû avoir connaissance de sa faute présumée dès le 27 juillet 2002, date à laquelle l’Enquêteur financier du Bureau de l’aide juridique et des questions de détention a appris de M. Goran Jovanovic qu’il n’avait procédé à aucune investigation dans l’affaire Le Procureur c/ Kunarac et consorts. Le Conseil de discipline a toutefois jugé que ce fait ne suffisait pas à établir que le plaignant était raisonnablement informé de la faute professionnelle de M. Prodanovic, et a estimé que « pour établir définitivement le caractère raisonnable d’une accusation, il faut nécessairement, après en avoir été informé, procéder à des vérifications supplémentaires10 . Cette conclusion était raisonnable. Les informations obtenues par l’Enquêteur financier du Bureau de l’aide juridique et des questions de détention n’étaient pas suffisantes en soi pour permettre d’établir que le plaignant était raisonnablement informé. Elles étaient par contre suffisantes pour informer ce dernier que des recherches supplémentaires étaient nécessaires. Ces recherches supplémentaires ont abouti à une déclaration du Conseiller juridique en date du 30 août 2002, et le Conseil de discipline a eu raison de conclure que l’on pouvait considérer que suite à cette nouvelle déclaration, le plaignant était raisonnablement informé et que le délai prévu à l’article 41 3) du Code de déontologie commençait donc à courir à compter de cette date11. La plainte contre M. Prodanovic a par conséquent été déposée en temps utile, puisqu’elle l’a été le 18 août 2003, moins de douze mois après le 30 août 2002.

6. Le dernier argument de M. Prodanovic, selon lequel le délai imparti pour l’achèvement de la procédure disciplinaire engagée à son encontre avait lui aussi expiré, est également rejeté12. Le Code de 2002 ne prévoit aucun délai pour l’achèvement d’une procédure disciplinaire contre un conseil, et les arguments avancés par M. Prodanovic à l’appui du contraire sont infondés. En tout état de cause, puisque le Greffier n’a pas eu raisonnablement connaissance de la faute professionnelle de M. Prodanovic avant le 30 août 2002, on ne saurait considérer que l’achèvement de cette procédure, marqué par la décision rendue le 6 octobre 2003 par le Conseil de discipline, ait pris un temps déraisonnable ou préjudiciable à M. Prodanovic.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 5 novembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président du Tribunal
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Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Decision by the Disciplinary Panel on Case DP-2-3, 6 octobre 2003 (la « Décision »).
2 - Appeal of Mr Slavisa Prodanovic to Disciplinary Decision against him for Professional Misconduct, 16 octobre 2003 (le « Mémoire d’appel »), par. 9 à 11.
3 - Mémoire d’appel, par. 13.
4 - L’article 1 4) du Code de 1997 est ainsi libellé : « Tout en liant le conseil, le présent Code n'est pas un code de déontologie détaillé et complet et ne doit pas être interprété comme tel. Des critères et obligations complémentaires pourront s'appliquer à la déontologie du conseil en vertu de la compétence inhérente du Tribunal et des différents codes de déontologie propres aux différents ordres nationaux auxquels l'avocat appartient. »
5 - L’article 22 dispose que « [l]e conseil se conforme de son plein gré à toute décision ou procédure disciplinaire établie par le Tribunal conformément au Règlement ».
6 - Mémoire d’appel, par. 18 et 19.
7 - Ibid., par. 23 et 24.
8 - Décision, par. 10.
9 - Décision, par. 11 et 12.
10 - Décision, par. 22.
11 - Décision, par. 20 à 23.
12 - Mémoire d’appel, par 31.