Affaire n° : IT-97-25/1-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCEII

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel A. Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti

M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
27 juillet 2004

LE PROCUREUR

c/

MITAR RASEVIC

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DÉCISION RELATIVE À « L’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE SOULEVÉE PAR LA DÉFENSE EN APPLICATION DES ARTICLES 50 C) ET 72 A) ii) DU RÈGLEMENT » DÉPOSÉE LE 10 JUIN 2004

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Le Bureau du Procureur :

Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. William Smith
Mme Christina Moeller

Le Conseil de l’Accusé :

M. Vladimir Domazet

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (la « Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

Vu l’Exception préjudicielle soulevée par la Défense en application des articles 50 C) et 72 A) ii) du Règlement (l’« Exception préjudicielle »), déposée par le Conseil de Mitar Rasevic (la « Défense ») le 10 juin 2004, par laquelle la Défense prie la Chambre de première instance d’ordonner au Bureau du Procureur (l’« Accusation ») « d’éliminer les vices de forme1 » de l’« Acte d’accusation modifié » du 12 mai 2004 (l’« Acte d’accusation modifié »), notamment ceux indiqués aux paragraphes 69 a), b) et c) du dispositif de la Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation rendue par la Chambre de première instance le 28 avril 2004 (la « Décision »),

VU la réponse de l’Accusation à l’Exception préjudicielle (Prosecution’s response to Defence’s preliminary motion pursuant to the Rules 50 (C) and 72 (A) (ii)) déposée par l’Accusation le 22 juin 2004, par laquelle l’Accusation demande que l’Exception préjudicielle soit rejetée,

VU les principes généraux régissant la présentation des accusations, qui sont déjà énoncés dans la Décision2,

ATTENDU que la Défense, au paragraphe 14 de l’Exception préjudicielle, admet que l’Accusation a effectivement respecté les instructions formulées par la Chambre de première instance au paragraphe 69 c) de la Décision,

ATTENDU que la Défense, au paragraphe 15 de l’Exception préjudicielle, soutient que l’Accusation n’a pas suivi les instructions figurant au paragraphe 69 e) de la Décision,

ATTENDU EN OUTRE que la Défense — à ce que la Chambre de première instance comprend3 — prétend aux paragraphes 3 et 19 de l’Exception préjudicielle que l’Accusation a ajouté de nouvelles allégations dans l’Acte d’accusation modifié, mais qu’elle n’a pas présenté de requête aux fins d’éliminer ces « vices de forme »4,

ATTENDU par conséquent que la Défense demande en fait à la Chambre de première instance d’enjoindre à l’Accusation de se conformer aux dispositions des paragraphes 69 a), b) et e) de la Décision,

ATTENDU qu’au paragraphe 69 de la Décision, la Chambre de première instance a ordonné à l’Accusation de modifier comme suit le premier acte d’accusation modifié et ses annexes A à E (First Amended Indictment with Schedules A to E) daté du 2 décembre 2003 (le « Premier Acte d’accusation modifié ») :

a) Lever l’ambiguïté du paragraphe 2 ;

b) Lever l’ambiguïté du paragraphe 8 ; et

e) Changer le libellé du Premier Acte d’accusation modifié de manière à indiquer clairement quelle(s) forme(s) d’entreprise criminelle commune sera (seront) plaidée(s),

ATTENDU que tout acte d’accusation « indique précisément et expressément, pour chaque chef d’accusation, la nature de la responsabilité alléguée. Une telle précision ne serait pas nécessaire dans les cas où, par exemple, la nature de la responsabilité alléguée est la même pour chaque chef d’accusation. Par contre, ceux où la nature de la responsabilité diffère, il ne faudrait pas laisser à l’accusé (et en fin de compte, à la Chambre de première instance [saisie d’une] inévitable exception préjudicielle) le soin de déduire de l’absence de faits révélateurs d’une responsabilité personnelle que cette responsabilité personnelle n’est pas en cause5 »,

ATTENDU que, dans le Premier Acte d’accusation modifié, l’Accusation a précisé les chefs d’accusation retenus contre l’Accusé, mettant à sa charge la commission matérielle d’actes uniquement au titre de certains chefs6, et de plus, de façon cumulative, la participation à une entreprise criminelle commune en tant que coauteur ou, à titre subsidiaire, en tant que complice,

ATTENDU que la Chambre d’appel a dit que :

Cette disposition [l’article 7 1) du Statut] couvre d’abord et avant tout la perpétration physique d’un crime par l’auteur lui-même, ou l’omission coupable d’un acte requis en vertu d’une règle de droit pénal. Toutefois, on considère que la perpétration de l’un des crimes visés aux articles 2, 3 4 ou 5 du Statut peut aussi revêtir la forme d’une participation à la réalisation d’un dessein ou d’un but commun7.

ATTENDU que la « commission » en tant que coauteur ou, à titre subsidiaire, en tant que complice dans une entreprise criminelle commune ainsi que la « commission » matérielle d’un des crimes visés aux articles 2, 3, 4 et 5 du Statut peuvent chacune être considérées comme des formes de responsabilité distinctes8,

ATTENDU que la référence à la « commission matérielle », faite au paragraphe 8 de l’Acte d’accusation modifié, est limitée par les restrictions exposées au paragraphe 2 du texte,

ATTENDU que la Chambre de première instance a conclu dans la Décision que l’Accusation avait présenté suffisamment d’éléments montrant l’intention coupable (mens rea) relevant des première, deuxième et troisième catégories de l’entreprise criminelle commune invoquée9,

ATTENDU par conséquent que l’Accusation a en grande partie levé les ambiguïtés des paragraphes 2 et 8 du Premier Acte d’accusation modifié, et que celui-ci a été modifié de telle manière que les formes d’entreprise criminelle commune invoquées sont suffisamment claires,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION DE l’article 72 du Règlement de procédure et de preuve,

REJETTE L’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 27 juillet 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
___________
Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1. Exception préjudicielle soulevée par la Défense en application des articles 50 C) et 72 A) ii) du Règlement (l’« Exception préjudicielle »), dernier paragraphe.
2. Décision, section II.
3. Les arguments de la Défense étaient souvent difficiles à comprendre en raison de la pauvreté du langage utilisé, ce qui, dans une certaine mesure, a pu résulter de problèmes de traduction.
4. Exception préjudicielle, par. 19.
5. Cf. Décision, par. 38 et note 59, où est cité Le Procureur c/ Krnojelac (affaire n° IT-97-25-PT), Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000, par. 60 ; voir aussi Le Procureur c/ Aleksovski (affaire n° IT-95-14/1-A), Arrêt, 24 mars 2000, note 319.
6. Voir Premier Acte d’accusation modifié, par. 2.
7. Le Procureur c/ Milorad Krnojelac (affaire n° IT-97-25-A), Arrêt, 17 septembre 2003 (l’« Arrêt Krnojelac »), par. 73 (cité dans Le Procureur c/ Dusko Tadic (affaire n° IT-94-1-A), Arrêt, 15 juillet 1999 (l’« Arrêt Tadic »), par. 188), non souligné dans l’original.
8. Pour ce qui est des arguments concernant le cumul de qualifications, voir la Décision (par. 29 et 30), dans laquelle la Chambre rappelle que l’Accusation n’est pas tenue de choisir entre différentes formes de responsabilité et souligné que le principe des qualifications alternatives pour ce qui est de la forme de responsabilité a été admis par la jurisprudence du Tribunal.
9. Décision, par. 50 à 58.