Page 9784
1 Le lundi 14 février 2011
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.
6 Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin suivant dans le prétoire, s'il
7 vous plaît.
8 Bonjour, Monsieur Tolimir.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] [hors micro] Je souhaite que cette journée se
10 finisse selon la volonté de Dieu.
11 J'aimerais, Monsieur le Président, que les témoins qui ont déjà été
12 annoncés à citer à la barre ne devraient pas être -- on ne devrait pas
13 changer l'ordre de l'apparition de ces témoins avant, puisque c'est
14 vendredi dernier qu'on a annoncé à mon avocat qu'il y aurait un changement
15 pour ce qui est de l'ordre de l'apparition des témoins déjà annoncés.
16 Puisqu'on ne veut pas interrompre le témoignage d'un témoin comme cela et
17 que ce témoin quitte le bâtiment du Tribunal.
18 Merci.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je propose qu'on en discute au début
20 du volet suivant de l'audience puisque le témoin est déjà dans le prétoire.
21 Et je pense que c'est quelque chose qui à avoir avec la disposition du
22 témoin dernier, Dr Brunborg, si je ne me trompe.
23 Monsieur Vanderpuye.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 J'aimerais en discuter, mais après la pause. Oui, ça a quelque chose à
26 avoir avec la disposition du témoin qui a déjà témoigné et quelque chose à
27 avoir avec sa disponibilité pour ce qui est de son témoignage cette
28 semaine.
Page 9785
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, la Chambre de
2 première instance a juste, comme votre avocat, appris que l'ordre de
3 l'apparition des témoins serait modifié pour ce qui est de cette semaine.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Momcilovic.
6 Bienvenue au Tribunal. Je vous prie maintenant de lire le texte de la
7 déclaration solennelle.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je déclare solennellement que je
9 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 LE TÉMOIN : BOZO MOMCILOVIC [Assermenté]
11 [Le témoin répond par l'interprète]
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous
13 asseoir.
14 M. Vanderpuye va vous poser des questions maintenant.
15 Monsieur Vanderpuye, vous avez la parole.
16 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
17 Madame, Messieurs les Juges.
18 Interrogatoire principal par M. Vanderpuye :
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Momcilovic.
20 Je suppose que votre témoignage sera plus court cette fois par rapport à la
21 dernière fois.
22 Vous vous rappelez avoir témoigné dans l'affaire le Procureur contre
23 Popovic et consorts le 22 août 2007 ?
24 R. Oui.
25 Q. Avez-vous eu l'occasion d'examiner votre témoignage avant d'être venu
26 dans le prétoire aujourd'hui ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que vous avez pu écouter l'enregistrement audio de votre
Page 9786
1 témoignage ?
2 R. Oui.
3 Q. Monsieur Momcilovic, après avoir écouté l'enregistrement audio de votre
4 témoignage, pouvez-vous nous dire, si on vous posait les mêmes questions,
5 est-ce que vos réponses seraient les mêmes que les réponses que vous avez
6 données pendant votre témoignage précédent ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci.
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais proposer
10 que le compte rendu du témoignage précédent de M. Momcilovic soit versé au
11 dossier. Il s'agit du document 65 ter 6632, ainsi que 6633, et également
12 les pièces à conviction associées. Il s'agit des documents 65 ter 2075,
13 3407, et c'est tout.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ces documents sont versés au dossier.
15 Le premier document 65 ter 6632, sous pli scellé.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le 65 ter document 6632 aura la cote
17 P1808, versé sous pli scellé.
18 65 ter 6633 aura la cote P1809.
19 65 ter 2075 aura la cote P1810.
20 Et 65 ter 3407 deviendra la pièce ayant la cote P1811.
21 Merci.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.
23 Monsieur Vanderpuye, poursuivez.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 J'ai un court résumé du témoignage précédent de ce témoin et j'aimerais le
26 lire aux fins du compte rendu.
27 Bozo Momcilovic est né dans le village d'Opravdici dans la municipalité de
28 Bratunac. Il a fait son service militaire obligatoire dans la JNA en 1980
Page 9787
1 et 1981 et, en 1986, il a eu le diplôme en économie à Belgrade. En 1987, il
2 travaillait à l'usine de production de briques qui appartenait à l'Etat à
3 Bratunac -- à la tuilerie, connue sous le nom de Ciglana, et entre 1992 et
4 1994, il était le PDG de la tuilerie. C'était son obligation de travail.
5 En octobre 1994, Momcilovic a été mobilisé et a été affecté au 1er Bataillon
6 de la Brigade de Bratunac en tant que commandant adjoint chargé de la
7 logistique. Il a eu le grade de sergent. Deux mois plus tard, il a été
8 affecté au commandement de la Brigade de Bratunac en tant qu'agent préposé
9 à la logistique, et son supérieur était l'adjoint commandant chargé de la
10 logistique de la brigade, le commandant Dragoslav Trisic.
11 Le 4 juillet 1995, pendant l'opération de la VRS contre l'enclave de
12 Srebrenica, Momcilovic a été réaffecté au poste de commandement avancé du
13 Corps de la Drina à Pribicevac. Il a commencé à s'acquitter de cette
14 mission le lendemain, et sa tâche consistait à coordonner les activités de
15 la logistique. Pribicevac se situe à une hauteur au sud-est de Srebrenica,
16 d'où il est possible de voir une partie de la vallée de Srebrenica et
17 d'observer les opérations militaires. Momcilovic y est resté pendant la
18 journée du 11 juillet et recevait les ordres du général Radislav Krstic,
19 qui, à l'époque, était le chef de l'état-major du corps; et du commandant
20 Milenko Jevdzevic, qui était à la tête du 5e Bataillon des Transmissions du
21 Corps de la Drina.
22 Mis à part les unités du 3e Bataillon de la Brigade de Bratunac, dont
23 le commandement se trouvait après Pribicevac, Momcilovic savait que
24 d'autres unités de la VRS se trouvaient dans la région ou aux alentours, y
25 compris les unités de Zvornik, de Sekovici ainsi que les membres du
26 Bataillon des Travailleurs. Les officiers supérieurs de l'état-major
27 principal ainsi que les officiers du Corps de la Drina venaient également
28 au poste de commandement avancé, y compris le commandant de l'état-major
Page 9788
1 général de la VRS, le général Mladic, que le témoin a vu à plusieurs
2 reprises, ainsi que le général Milenko Zivanovic, qui, à l'époque, était le
3 commandant du Corps de la Drina.
4 Dans l'après-midi du 9 juillet 1995, Momcilovic a vu le commandant
5 adjoint chargé du moral, des affaires juridiques et des affaires du culte
6 de l'état-major principal de la VRS, le général Milan Gvero, qui est arrivé
7 au poste de commandement avancé. Il a vu le général Gvero qui est arrivé
8 ensemble avec le commandant Trisic et le président du Conseil exécutif de
9 la municipalité de Bratunac. D'après Momcilovic, à ce moment-là, la VRS
10 avait déjà fini la séparation des enclaves de Srebenica et de Zepa et il
11 n'y avait plus d'engagement de ces unités aux opérations de combat
12 concernant ces enclaves.
13 Momcilovic s'est souvenu que le général Gvero, Trisic et le président
14 du Conseil exécutif se sont rendus voir le général Krstic, qui se trouvait
15 à quelque 30 mètres plus loin, et qu'ils se sont rencontrés à cet endroit,
16 et la réunion a duré une heure. Le commandant Jevdzevic, le colonel Vukota,
17 probablement le colonel Vukota Vukovic, et d'autres étaient présents.
18 Pendant cette visite ce jour-là, le général Gvero, le commandant Trisic
19 ainsi que le président du Conseil exécutif y sont restés et, par la suite,
20 sont partis ensemble. Le 11 juillet, ou vers cette date, le 11 juillet
21 1995, Momcilovic a vu le chef de sécurité du Corps de la Drina, le
22 lieutenant-colonel Vujadin Popovic, ainsi que le chef de l'état-major
23 général de la VRS chargé de la sécurité, le colonel Ljubisa Beara, qui se
24 trouvaient au poste de commandement avancé du Corps de la Drina à
25 Pribicevac. Miroslav Deronjic, il était commissaire civil du président
26 Karadzic pour Srebenica, y était présent. Momcilovic pensait qu'ils y
27 étaient pour observer Srebenica du poste du commandement avancé, mais il
28 n'était pas sûr de cela et il n'était pas sûr s'ils sont venus pour
Page 9789
1 d'autres raisons. Bien que Momcilovic ait connu Deronjic, il n'a pas vu le
2 lieutenant-colonel Popovic, ni le colonel Beara avant. Pourtant d'autres
3 personnes au poste de commandement avancé lui ont dit à l'époque qui ils
4 étaient et, en particulier, qu'ils étaient les officiers chargés de la
5 sécurité.
6 Pendant son témoignage, Momcilovic a décrit le colonel Beara et le
7 lieutenant-colonel Popovic et a confirmé qu'il les a vus plus tard à la
8 télévision, et il n'avait aucun doute qu'il s'agissait de ces personnes.
9 Momcilovic a témoigné qu'il avait fini sa mission à Pribicevac vers la date
10 du 11 juillet 1995. De plus, il est parti en vacances et il est retourné au
11 commandement de la Brigade de Bratunac à la date du 16 juillet ou vers
12 cette date. Il a affirmé qu'il ne connaissait pas les circonstances pour ce
13 qui est du transfert de la population musulmane de Potocari ou pour ce qui
14 est de la détention des prisonniers musulmans pendant cette période-là.
15 Monsieur le Président, j'ai fini la lecture du résumé et j'ai
16 quelques questions pour M. Momcilovic.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Allez-y.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation]
19 Q. Monsieur, j'ai quelques questions pour vous.
20 Permettez-moi de poser la question concernant votre carrière
21 professionnelle. Travaillez-vous maintenant ?
22 R. Oui. Je travaille dans l'entreprise d'exploitation des bois à
23 Srebenica.
24 Q. Et depuis quand travaillez-vous dans cette entreprise ?
25 R. Depuis 1998.
26 Q. Pouvez-vous nous dire à quelle position vous vous trouvez, quelle
27 fonction vous exercez ?
28 R. Je suis le chef du département des finances.
Page 9790
1 Q. J'ai lu dans le résumé que vous êtes né à Opravdici. Pourriez-vous nous
2 dire où se trouve ce village par rapport à Bratunac ?
3 R. C'est un hameau du village de Kravica. Cela se trouve à à peu près 12
4 kilomètres par rapport à Bratunac.
5 Q. Est-ce que vous habitez toujours là-bas, ou est-ce que les membres de
6 votre famille y habitent toujours ?
7 R. Oui, j'y suis retourné en 1996 et j'y vis avec les membres de ma
8 famille.
9 Q. Je vais vous poser quelques questions concernant les personnes que vous
10 avez vues pendant que vous étiez au poste de commandement avancé du Corps
11 de la Drina à Pribicevac.
12 Dans l'affaire Popovic et consorts, vous avez déposé que vous aviez vu
13 certains officiers supérieurs de la VRS ainsi que quelques civils renommés,
14 tels que Miroslav Deronjic. Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait
15 d'autres officiers supérieurs de la VRS ou d'autres civils renommés que
16 vous avez vus pendant que vous étiez au poste de commandement avancé du
17 Corps de la Drina ?
18 R. Les représentants du SDS venaient de la direction de Skelani. Momcilo
19 Cvetinovic [phon] et Dane Katanic, à une occasion, ils ont apporté de
20 l'aide, des vivres, des boissons, et cetera. Ça a été destiné au
21 commandement.
22 Q. Vous avez mentionné qu'il s'agissait de représentants du SDS de la
23 municipalité de Srebrenica. Est-ce que c'était leur position à l'époque où
24 ils sont venus vous rendre visite ou est-ce que c'était leur fonction avant
25 cette visite ?
26 R. C'était leur fonction en 1992. Je pense qu'ils étaient membres du SDS,
27 mais je ne sais pas s'ils exerçaient cette fonction en tant que
28 représentants du SDS.
Page 9791
1 Q. Avez-vous vu Ljubisa Simic, qui, à l'époque, était président de
2 l'assemblée municipale de Bratunac, pendant que vous étiez au poste de
3 commandement avancé ?
4 R. J'en suis pas certain. Il y était peut-être avec d'autres.
5 Q. Bien. Dans votre témoignage, vous avez dit que vous aviez vu le général
6 Mladic. Vous vous souvenez d'avoir dit ça ?
7 R. Oui. A plusieurs reprises.
8 Q. Est-ce que vous avez vu d'autres membres de l'état-major principal
9 pendant que vous étiez à Pribicevac ?
10 R. J'ai déjà dit que j'avais vu le général Gvero, M. Popovic et M. Beara,
11 mais je ne connaissais pas ces officiers. Je ne les connaissais pas. Donc
12 ce que j'ai vu, c'est ce que j'ai dit. Puisque moi, j'étais civil au sein
13 de la brigade.
14 Q. Avez-vous entendu parler du colonel Jankovic pendant que vous étiez à
15 Pribicevac ?
16 R. Non. Non, je ne sais pas de qui il s'agit.
17 Q. Vous avez dit que vous avez vu le lieutenant-colonel Popovic, qui était
18 adjoint commandant chargé de la sécurité du Corps de la Drina. Avez-vous vu
19 d'autres membres du Corps de la Drina, d'autres hauts officiers au
20 commandement du Corps de la Drina à Pribicevac ?
21 R. Mis à part le commandant Trisic, qui était mon supérieur, le commandant
22 Blagojevic y était brièvement. D'autres officiers du Corps de la Drina, je
23 ne les voyais pas. Le commandant --
24 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom du dernier officier.
25 M. VANDERPUYE : [interprétation]
26 Q. Mais vous avez vu le colonel Krstic, n'est-ce pas ?
27 R. Il y était pendant tout le temps.
28 Q. Avez-vous vu le colonel Acimovic à un moment donné pendant la période
Page 9792
1 pendant laquelle vous étiez à Pribicevac ?
2 R. Non, je ne l'ai pas vu. Je le connaissais.
3 Q. Avez-vous vu le lieutenant-colonel Kosoric, Svetozar Kosoric, qui était
4 le commandant adjoint chargé du renseignement au Corps de la Drina ?
5 R. Non. Je ne le connaissais pas.
6 Q. Au niveau de la brigade -- vous avez dit que vous avez vu le colonel
7 Blagojevic, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous souvenez-vous quand vous l'avez vu ?
10 R. Le 6 ou le 7 juillet. Il est venu un jour, et depuis, je ne l'ai plus
11 revu.
12 Q. Est-ce qu'il est venu seul ou avec d'autres officiers ou d'autre
13 personnel de l'armée ?
14 R. Il était seul avec une personne du centre de transmission. Il était
15 membre de l'équipe du 3e Bataillon, puisque le 3e Bataillon avait déjà son
16 commandement. Je ne sais pas où il s'est rendu par la suite.
17 Q. Avez-vous vu Momir Nikolic à un moment donné pendant que vous étiez à
18 Pribicevac ? Momir Nikolic était commandant adjoint chargé de la sécurité
19 au niveau de la brigade.
20 R. Je ne l'ai pas vu, mais je n'exclus pas qu'il soit venu, puisque moi,
21 je n'étais pas en charge de contrôler qui venait et qui partait.
22 Q. Bien. Permettez-moi de vous poser les quelques questions suivantes.
23 Dans l'affaire Popovic et consorts, vous avez déposé que pendant que vous y
24 étiez, à la date du 9 juillet, qu'il n'y avait pas d'opérations de combat.
25 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela lors de votre précédent témoignage ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la même chose aujourd'hui ? Est-ce que
28 vos souvenirs sont inchangés par rapport à cela ?
Page 9793
1 R. Oui.
2 Q. J'aimerais vous montrer un document. C'est le document 65 ter 28,
3 00028.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est 00228, je m'excuse. Merci.
5 Est-ce qu'on peut afficher la page numéro 3 dans la version en B/C/S.
6 Q. J'aimerais attirer votre attention sur le point 2, Monsieur Momcilovic.
7 Vous voyez qu'il s'agit du document provenant du commandement de la 1ère de
8 la Brigade d'infanterie légère de Bratunac, du 9 juillet 1995, intitulé :
9 "Rapport de combat régulier."
10 Et au point 2, on peut lire :
11 "Nos forces ont mené également des activités de combat contre les Turcs."
12 D'abord, savez-vous ce que cela veut dire, les Turcs, ou Potorice [phon] ?
13 R. Je suppose qu'il s'agit de Musulmans.
14 Q. Ensuite, on peut y lire :
15 "Le commandant de la 1ère Brigade d'infanterie légère de Bratunac se trouve
16 toujours au poste de commandement avancé."
17 Ce commandant est le colonel Blagojevic, n'est-ce pas ?
18 R. Oui. Je ne sais pas dans quel secteur il se trouvait à l'époque, mais
19 il n'était pas au poste de commandement avancé à ce moment-là.
20 Q. Mais vous êtes d'accord pour dire que c'est ce qu'on peut lire dans ce
21 document ?
22 R. C'est le secteur vers Bratunac, et non pas vers Pribicevac. Donc il est
23 dit dans ce document que les activités de combat se déroulaient dans ce
24 secteur.
25 Q. Bien. Il y est dit qu'il y avait des activités de combat, que le
26 commandant de la 1ère Brigade d'infanterie légère de Bratunac se trouve
27 toujours au poste de commandement avancé dans la zone du 3e Bataillon,
28 n'est-ce pas ?
Page 9794
1 R. Comme je l'ai déjà dit, il pouvait se trouver dans la zone du 3e
2 Bataillon, mais il ne se trouvait certainement pas au poste de commandement
3 avancé.
4 Q. Donc vous êtes au courant de cela, n'est-ce pas, que les activités de
5 combat se déroulaient à la date du 9 juillet ?
6 R. J'ai dit qu'il n'y avait pas d'activités de combat partant du poste de
7 commandement avancé où je me trouvais. Cela se déroulait plutôt dans le
8 secteur vers Bratunac.
9 Q. Bon. Il faut clarifier cela. C'est parce que vous avez fait référence à
10 ces opérations de combat pendant cette période de temps. Mais vous avez dit
11 qu'il n'y avait pas d'activités de combat dans la zone où vous étiez,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Merci.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je propose que ce document soit versé au
16 dossier.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 228 recevra la cote
19 P1812. Merci.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'aimerais vous montrer un autre document.
21 Il s'agit du document P590.
22 Q. Il s'agit du document du poste de commandement avancé du Corps de la
23 Drina. Vous pouvez lire : "Le poste de commandement avancé du Corps de la
24 Drina, Pribicevac." Le 9 juillet 1995. C'est donc la même date. Et je pense
25 que vous pouvez voir qu'il y a le nom du général Krstic dactylographié.
26 J'aimerais que vous regardiez le point 2 dans le document, où on peut lire
27 :
28 "Le 9 juillet 1995, nos unités ont mené une attaque violente le long des
Page 9795
1 axes de Zeleni-Jadar-Srebrenica, Pribojevici, le village de Podravanje et
2 Kvarac-Srebrenica et sont arrivées à la ligne Divljakinja, Olovine," et
3 c'était Zivoko Brdo.
4 Voyez-vous vous ce point, le point 2 ?
5 R. C'est ce que je vous ai dit. La séparation entre les enclaves de
6 Srebrenica et Zepa était finie. Podravanje c'est, en fait, la limite entre
7 Srebrenica et Zepa.
8 Q. C'est vers le sud ?
9 R. Oui, c'est entre Srebrenica et Zepa. Podravanje se trouve, oui, vers le
10 sud, entre Srebrenica et Zepa.
11 Q. Et Pribicevac --
12 R. Non, Pribicevac ne se trouve pas sur cet axe.
13 Q. Quelle est la distance qui sépare Pribicevac de ces localités qui sont
14 énumérées au point 2 du document ?
15 R. Podravanje se trouve à une distance de plus de 20 kilomètres, et un
16 autre village est plus près.
17 Q. Et ce village qui est plus près, quelle est la distance qui le sépare ?
18 R. Eh bien, 2 kilomètres, 3 kilomètres au plus.
19 Q. Là encore, il est question des combats qui se sont déroulés le 9
20 juillet; ai-je raison de l'affirmer ?
21 R. Oui, mais au moment où le général Gvero est arrivé, vers midi, à ce
22 moment-là, il n'y avait pas d'activités de combat. Donc je n'ai jamais
23 affirmé qu'il n'y ait jamais eu d'activités de combat au cours de la
24 journée toute entière, mais au moment où le général Gvero [phon] est
25 arrivé, lui, dans la zone où nous nous trouvions, il n'y avait pas de
26 combats.
27 Q. Merci d'avoir apporté ces précisions et d'avoir rendu votre témoignage
28 plus concret.
Page 9796
1 Donc, dans votre déposition, vous indiquiez non seulement qu'il n'y
2 avait pas d'activités de combat à l'endroit précis où vous vous trouviez,
3 mais maintenant vous venez de préciser qu'au moment où vous avez vu le
4 général Gvero, le commandant Trisic et le président du Conseil exécutif de
5 la municipalité de Bratunac, qu'à ce moment-là, il n'y avait pas
6 d'activités de combat; ai-je raison de l'affirmer ?
7 R. Oui, tout à fait.
8 Q. Bien. Merci.
9 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite
10 demander le versement au dossier de ce document -- ah, non, je vous demande
11 pardon. Il a déjà reçu une cote.
12 Un instant de patience, s'il vous plaît. J'aurais encore deux ou trois
13 questions à poser au témoin seulement.
14 Q. Monsieur, dans votre déposition, vous avez indiqué que vous étiez parti
15 du poste de commandement avancé le 11 juillet; ai-je raison de l'affirmer ?
16 R. Dans la soirée, oui. J'étais accompagné de mon équipe, donc il y avait
17 des membres de la sécurité et de la logistique. Nous avons emballé tout
18 l'équipement qui s'y trouvait et nous avons quitté le poste du commandement
19 avancé. Mais dans la zone de Pribicevac, les membres du 3e Bataillon, ils y
20 sont restés puisque c'était là que se trouvait leur lieu d'affectation.
21 Q. Et savez-vous si les membres du bataillon chargé des transmissions sont
22 restés à Pribicevac après votre départ ?
23 R. Les officiers chargés des transmissions avaient leur propre ordre du
24 jour. Il y avait une équipe à part au sein du bataillon qui était chargé
25 des transmissions. Je ne sais vraiment pas à quel moment ils ont quitté le
26 poste de commandement avancé parce que j'avais mes propres tâches à
27 exécuter.
28 Q. Lorsque vous êtes revenu au commandement de la brigade le 16 juillet -
Page 9797
1 et si je me trompe au niveau de la date, corrigez-moi, s'il vous plaît -
2 avez-vous appris quoi que ce soit sur les événements qui se sont déroulés
3 pendant votre absence ? Je pense notamment au déplacement de la population
4 musulmane de Srebrenica ou la mise en détention des hommes musulmans dans
5 la zone de Bratunac pendant la période pertinente.
6 R. J'avais entendu dire que la population avait été évacuée et qu'on les
7 avait transférés depuis Potocari vers Kladanj. Alors, je ne sais pas de
8 combien de personnes il s'agissait exactement. Je ne sais pas ce qui s'est
9 passé au juste, mais j'ai appris que c'était ce qui s'était passé pendant
10 la période de mon absence.
11 Q. Et avez-vous entendu parler de la détention de prisonniers dans la
12 ville de Bratunac ?
13 R. Non, je n'en ai pas entendu parler parce qu'il n'y avait personne à
14 capturer dans la ville même de Bratunac. On aurait pu éventuellement
15 capturer des hommes en dehors de Bratunac, mais je sais qu'on avait procédé
16 à l'évacuation de la population de la ville de Bratunac. Alors, est-ce
17 qu'on a mis un certain nombre de personnes en détention ou non, je ne sais
18 rien là-dessus, mais je sais qu'il n'y a jamais eu de prison proprement
19 dite dans la ville de Bratunac.
20 Q. Avez-vous entendu parler de prisonniers qui auraient été détenus dans
21 les écoles de Bratunac ? Avez-vous entendu évoqués ces prisonniers par
22 Momir Nikolic ou par d'autres membres de la police militaire ?
23 R. Je crois avoir entendu parler d'une école qui s'appelait, me semble-t-
24 il, Vuk Karadzic. Il me semble avoir entendu dire qu'un certain nombre de
25 personnes y avaient été détenues. Je ne sais pas quel était le nombre de
26 prisonniers qui s'y trouvaient, je ne sais pas pendant combien de temps ces
27 personnes y sont restées, mais je l'avais entendu dire.
28 Q. Merci, Monsieur Momcilovic. Mon interrogatoire principal vient de
Page 9798
1 toucher à sa fin.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci, Monsieur Vanderpuye.
4 Monsieur Momcilovic, c'est maintenant le tour de M. Tolimir qui va entamer
5 son contre-interrogatoire.
6 Monsieur Tolimir, vous avez la parole.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci encore une fois. Je présente mes
8 meilleurs vœux à toutes les personnes présentes, et je souhaite que le
9 procès d'aujourd'hui se termine conformément à la volonté de Dieu, et non
10 pas conformément à ma volonté.
11 Contre-interrogatoire par M. Tolimir :
12 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, puisque nous nous exprimons dans
13 une même langue, j'aimerais que vous suiviez le compte rendu d'audience que
14 vous voyiez à l'écran, et une fois que le texte arrête, vous répondrez aux
15 questions que je vous pose, afin d'éviter que les voix se chevauchent.
16 Au cours de son interrogatoire principal, M. Vanderpuye vous a posé un
17 certain nombre de questions, et moi, je vais vous interroger maintenant sur
18 les mêmes sujets évoqués par lui. Alors, à la page 14 du compte rendu
19 d'audience, ligne 3, M. Vanderpuye vous a posé la question de savoir qui
20 était resté à Pribicevac au moment où vous êtes parti. Il vous a demandé si
21 les officiers chargés des transmissions y étaient restés.
22 Alors, qu'en est-il ?
23 R. J'ai répondu que les membres du 3e Bataillon étaient restés sur place,
24 et je ne sais pas à quel moment précis l'équipe chargée des transmissions
25 avait quitté le poste de commandement. Il s'agissait d'une équipe commandée
26 par le commandant Jevdzevic. Quant au général Krstic, pour sa part, il
27 était déjà parti.
28 Q. Merci. La question que je souhaite vous poser est la suivante : avez-
Page 9799
1 vous emporté tout l'équipement logistique et tout l'équipement qui
2 appartenait à votre brigade au moment où vous avez quitté le poste de
3 commandement avancé à Pribicevac ?
4 R. Non. On avait des équipements qui représentaient un surplus, et c'est
5 seulement cet équipement-là que nous avons emporté, mais nous n'avons pas
6 tout emporté.
7 Q. Merci. Donc vous avez laissé sur place ce dont le bataillon avait
8 besoin ?
9 R. Oui.
10 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, à quel moment ce départ a-t-il eu lieu ?
11 Est-ce que cela s'est passé dans la matinée, dans la soirée, dans l'après-
12 midi ? A quelle heure ?
13 R. Cela s'est passé le 11 dans la soirée, vers 10 heures ou 11 heures du
14 soir.
15 Q. Merci. Au cours de l'interrogatoire principal, à la page 10 du compte
16 rendu d'audience, ligne 24, vous avez évoqué la localité où se trouvait le
17 colonel Blagojevic. Le Procureur vous a demandé si vous l'aviez vu sur
18 place, et vous avez indiqué ne plus l'avoir vu après le 5 ou le 6.
19 Ma question serait la suivante : est-il possible que le commandement de la
20 Brigade de Bratunac ait établi un poste de commandement avancé à un endroit
21 différent par rapport à celui où se trouvait le poste de commandement
22 avancé du Corps de Drina ?
23 R. C'est tout à fait possible. Il aurait pu l'établir là où se trouvait le
24 secteur du 3e Bataillon, parce que tout ce secteur-là relevait de leur zone
25 de responsabilité, mais il n'y avait pas de poste de commandement avancé
26 séparé.
27 Q. Merci. A la page 7, M. Vanderpuye vous a posé la question suivante. Il
28 vous a demandé si vous aviez vu les représentants du SDS qui sont venus au
Page 9800
1 poste de commandement avancé pour apporter de l'aide humanitaire. Vous avez
2 répondu que vous les aviez vus, et alors il vous a posé la question de
3 savoir s'ils avaient été des membres du SDS à l'époque, et vous avez
4 répondu que, d'après vous, il s'agissait bien des membres du SDS.
5 Maintenant, je souhaite vous poser la question suivante : le SDS a-t-il
6 arrêté de fonctionner après la chute de Srebrenica ou son siège a-t-il été
7 déplacé ailleurs ?
8 R. Le SDS n'a jamais cessé de fonctionner. Le SDS de Srebrenica fonctionne
9 même de nos jours.
10 Q. Merci. M. Vanderpuye vous a posé plusieurs questions concernant les
11 personnes que vous auriez vues au poste de commandement avancé de
12 Pribicevac. Vous avez évoqué les noms de plusieurs officiers, dont
13 notamment celui du général Gvero et des colonels Popovic et Beara; ai-je
14 raison de l'affirmer ?
15 R. Oui.
16 Q. Maintenant, je souhaite vous poser la question suivante : vous
17 souvenez-vous de quelque autre personne que ce soit qui se trouvait sur
18 place ?
19 R. J'ai déjà indiqué que les généraux Zivanovic et Mladic y venaient eux
20 aussi.
21 Q. Très bien. Donc, pour ce qui est des membres de l'état-major principal,
22 vous y aviez vu le général Mladic, le général Zivanovic, le colonel Beara,
23 et puis vous aviez vu également Popovic et Krstic du Corps de la Drina.
24 Aviez-vous vu quelqu'un d'autre ?
25 R. Non, je n'ai vu personne d'autre. J'ai vu tout simplement le commandant
26 Trisic de la Brigade de Bratunac.
27 Q. Merci. Et m'avez-vous vu moi à ce poste de commandement avancé ?
28 R. Non, je ne vous y ai jamais vu.
Page 9801
1 Q. Merci. Au cours de l'interrogatoire principal, le Procureur vous a
2 présenté un document. Il s'agit d'un rapport envoyé par la Brigade
3 d'infanterie légère de Bratunac. Et le Procureur vous a donné lecture du
4 paragraphe 2, où il est indiqué : Nos forces sont engagées dans des
5 activités de combat.
6 R. Oui, mais j'avais précisé que les activités de combat ne concernaient
7 pas la zone de Pribicevac, où nous nous trouvions, mais plutôt la direction
8 qui va de Bratunac vers Milici.
9 Q. Merci. Dans le premier paragraphe, où il est indiqué : L'ennemi a
10 engagé des activités de combat contre nous le long de la ligne du front. Et
11 puis, dans la suite, le colonel Popovic indique : Nos forces sont actives
12 elles aussi. Alors, s'agissait-il d'une riposte, à votre avis ?
13 R. Eh bien, je ne sais pas. S'il l'a indiqué ainsi, il devait en être
14 ainsi. Mais moi, je n'avais pas été sur place pour le voir.
15 Q. Merci. Dans votre déclaration préalable, vous avez indiqué avoir été né
16 dans le village d'Opravdici. Et votre famille habitait dans le village de
17 Kravica en 1992, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, tout à fait.
19 Q. Dans votre déclaration préalable, vous indiquez également avoir trouvé
20 la tête tranchée de votre père devant la maison où vous habitiez, et à la
21 maison de votre père et toutes les maisons environnantes avaient été
22 rasées, n'est-ce pas ?
23 R. Oui. Par ailleurs, M. Stankovic l'a consigné par écrit. Il a décrit
24 dans son rapport d'autopsie le cadavre de mon père qu'il a trouvé.
25 Q. Merci. Alors, pourriez-vous nous dire quelle attaque avait été subie le
26 7 janvier par le village de Kravica ? Et quelle était la distance qui
27 séparait la ligne de front établie pour défendre le village de Kravica et
28 les lignes musulmanes ?
Page 9802
1 R. Eh bien, le village entier couvre une surface de 4 kilomètres, donc il
2 s'agit d'un espace assez réduit où se trouvaient 400 à 500 personnes
3 chargées de la défense. Il s'agissait essentiellement des gens locaux et
4 des membres de la police. Le 7, dans la matinée, l'attaque a commencé, et
5 le village avait été brûlé avant l'après-midi. Trente-huit personnes ont
6 été tuées et plus de 30 personnes ont été blessées et tout a été détruit.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous parliez d'une
8 déclaration préalable du témoin. S'agit-il de la déclaration préalable
9 donnée au Procureur le 2 avril 2004 ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de m'avoir
11 rappelé. Il s'agit d'une déclaration préalable faite par le témoin pour la
12 Défense dans l'affaire Blagojevic. Alors, je vais vous indiquer la cote. Il
13 s'agit du document 1D581.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans votre liste de documents que
15 vous souhaitez présenter au témoin, ce document figure au numéro 1, mais
16 dans la description, il est indiqué qu'il s'agit d'une déclaration donnée
17 au Procureur.
18 Peut-être que Me Gajic pourra nous expliciter ce problème.
19 Maître Gajic, vous avez la parole.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-on afficher
21 à l'écran le document D74, ou plutôt, le document 1D223. Ce qu'il nous
22 faut, c'est la page 2, le paragraphe 4, et puis vous comprendrez tout.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, non, non, il doit s'agir d'une
24 erreur. Le document D74 est une chronologie. Or, nous venons d'évoquer une
25 déclaration préalable.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, penchons-nous sur le document 1D581.
27 C'est la cote de la déclaration préalable.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le document vient d'être affiché à
Page 9803
1 l'écran.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on afficher la page 2 dans le
3 système du prétoire électronique. Merci.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Momcilovic, vous souvenez-
5 vous d'avoir fourni cette déclaration préalable ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, à vous.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 M. TOLIMIR : [interprétation]
10 Q. Monsieur Momcilovic, veuillez vous pencher sur la neuvième ligne sur
11 cette page affichée à l'écran, qui commence par les mots :
12 "Je me trouvais à Kravica lors du Noël orthodoxe le 7 janvier, au moment où
13 les Musulmans se sont attaqués contre mon village."
14 Est-ce bien ce que vous avez déclaré dans votre déclaration préalable ?
15 R. Oui.
16 Q. Et puis, vous parlez de votre père, et vous dites :
17 "Je l'ai trouvé mort la même année où le village a été libéré. Il était
18 allongé, mort, devant la maison, et sa tête avait été tranchée et jetée
19 près d'une clôture qui se trouvait non loin de là."
20 N'est-ce pas ?
21 R. Oui, tout à fait.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges
23 [phon], je souhaite que ce document soit versé au dossier, s'il vous plaît.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui. Mais avant de le faire,
25 j'aimerais préciser un point.
26 Vous êtes en train de présenter au témoin ce qui s'est produit pour Noël le
27 7 janvier 1993. C'est ce qui est indiqué dans le document. Or, vous avez
28 parlé, vous, du 9 janvier 1992.
Page 9804
1 Pourriez-vous nous expliquer cette divergence ?
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, j'ai dû faire un lapsus en disant
3 1992. Dans la déclaration préalable du témoin, nous avons bien le 7 janvier
4 1993 qui figure comme date. Nous pouvons poser la question au témoin pour
5 le vérifier, si vous le souhaitez.
6 M. TOLIMIR : [interprétation]
7 Q. Monsieur le Témoin, veuillez décrire aux Juges de la Chambre à quel
8 moment cette attaque contre le village de Kravica a eu lieu, je parle de
9 l'attaque au cours de laquelle votre père a trouvé la mort ?
10 R. C'était le 7 janvier 1993, et c'est ce jour-là que les activités de
11 guerre ont commencé dans le village.
12 Q. Très bien. Pourriez-vous nous dire combien de maisons ont été rasées
13 dans le village, combien de paysans ont-ils été capturés ?
14 R. Eh bien, tout a été rasé, les maisons, les infrastructures, tout. Deux
15 personnes seulement ont été capturées. Il s'agissait d'un vieillard d'une
16 soixantaine d'années et d'une femme. Un soldat a également été capturé,
17 mais il a été tué. Nous l'avons retrouvé suite à la libération de
18 Srebrenica. Quant au nombre de personnes tuées, ils étaient plus de 38.
19 C'était une véritable catastrophe qui s'était produite ce Noël-là.
20 Q. Pourriez-vous nous dire si ce membre de l'armée avait été amené à
21 Srebrenica et tué ? S'agissait-il bien d'un soldat de la Republika Srpska ?
22 R. Oui, tout à fait.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez répéter votre réponse. Les
24 interprètes n'ont pas saisi.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai tout simplement indiqué le nom de cette
26 personne. Il s'agissait de Kostadin Popovic. C'est un membre de la VRS qui
27 a été capturé le 7 et par la suite tué à Srebrenica. En fait, il a succombé
28 aux blessures qui lui ont été infligées parce qu'il avait été roué de
Page 9805
1 coups.
2 M. TOLIMIR : [interprétation]
3 Q. Pourriez-vous indiquer aux Juges si les citoyens du village de Kravica
4 avaient attaqué Srebrenica à l'époque; et si oui, comment cette attaque a-
5 t-elle eu lieu ?
6 R. Les villageois de Kravica vivaient dans la zone de leur propre village.
7 Ils ne quittaient jamais leur village. Et la même chose vaut pour les
8 membres de l'armée, ils ne quittaient jamais le territoire du village même.
9 Donc ils n'attaquaient personne.
10 Le village dans sa totalité comptait 2 500 villageois. Le village
11 était pratiquement encerclé par des villages musulmans, celui de Konjevic
12 Polje et quelques autres villages musulmans. Donc les Musulmans étaient au
13 nombre de 7 à 8 000, et c'est, par ailleurs, toujours le cas aujourd'hui.
14 Q. Merci. Et pourriez-vous nous dire si les Musulmans étaient venus du
15 territoire contrôlé par les Musulmans, par la zone de Srebrenica et ces
16 villages musulmans que vous venez d'évoquer ?
17 R. Ils étaient venus de Glogova, de Srebrenica et de Konjevic Polje, donc
18 de tous ces villages environnants. C'était là la zone qui était habitée par
19 les Musulmans. C'était seulement en direction de la Drina qu'on trouvait
20 les zones habitées par les Serbes, et c'est en passant par là que l'armée a
21 pu se retirer.
22 Q. Merci. Dans vous déclaration préalable, vous avez indiqué que le
23 général Morillon était venu assister à l'enterrement de toutes les
24 personnes assassinées dans le village. Pourriez-vous nous en dire davantage
25 ?
26 R. Eh bien, il était impossible de procéder à l'enterrement dans le
27 village de Kravica à cause des combats qui étaient en cours, donc
28 l'enterrement a eu lieu dans la ville de Bratunac. Par ailleurs, un grand
Page 9806
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 9807
1 nombre de victimes se trouvent toujours enterrées au cimetière de Bratunac.
2 Q. Vous décrivez tout ceci au paragraphe 1 de votre déclaration préalable,
3 et c'est la raison pour laquelle je vous ai posé toutes ces questions.
4 Merci.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous souhaitiez verser au dossier ce
6 document. Il sera admis au dossier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges [comme interprété],
8 ce sera la pièce D160. Merci.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, à vous.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
11 M. TOLIMIR : [interprétation]
12 Q. Monsieur, d'autres villages serbes dans les environs de Srebrenica ont-
13 ils également été attaqués au cours des années 1992, 1993 et 1994 ?
14 R. En 1993, lorsque le village de Kravica a été brûlé, il ne restait plus
15 que le village de Skelani, un peu vers le nord, puis ce village-là a été
16 attaqué lui aussi le 16 et le 17. Bref, à l'exception de Bratunac, tous les
17 villages serbes ont été détruits.
18 Q. Merci. Vous dites que les villages ont été détruits. Pourriez-vous nous
19 dire par qui et en quelle année ?
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, il est très
21 difficile pour les interprètes de vous suivre si vous ne ménagez pas une
22 pause entre la question et la réponse. Il est nécessaire de le faire, sinon
23 les interprètes ne pourront pas vous suivre et notre compte rendu
24 d'audience ne sera pas fiable. Pensez-y, s'il vous plaît.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 M. TOLIMIR : [interprétation]
27 Q. Alors, Monsieur le Témoin, veuillez répéter aux fins du compte rendu
28 d'audience : qui a attaqué les autres villages serbes au mois de janvier
Page 9808
1 1993 ? Quels sont les villages serbes détruits par les Musulmans au cours
2 de l'année 1993 ?
3 R. Sous le commandement de Naser Oric, les Musulmans sont arrivés depuis
4 le village de Srebrenica. Et tous les villages qui se trouvaient le long de
5 la rivière de Drina ont été brûlés : Fakovici, Bjelovac, Skelani et tous
6 les petits villages entourant Bratunac, Srebrenica et Kravica en 1993, et
7 quelques autres villages dès 1992.
8 Donc il ne restait plus que le village de Bratunac à la mi-mai. Et peut-
9 être quelques autres villages le long de la Drina.
10 Q. Et tout ceci s'est passé dans la première moitié de l'année 1993 ?
11 R. Oui.
12 Q. Srebrenica a-t-elle été proclamée zone protégée par la suite ? Un
13 cessez-le-feu a-t-il été signé ?
14 R. Lorsque Kravica a été libérée le 17 mars 1993, on a procédé à des
15 opérations en direction de Skelani, et à la fin du mois de mars ou au début
16 du mois d'avril, une ligne de front a été mise sur pied. On a effectivement
17 proclamé que cette zone-là était une zone protégée et on a mis fin à des
18 activités de combat.
19 Q. Merci. Vous avez été mobilisé en 1994. C'est bien ce qui a été indiqué
20 par le Procureur dans son résumé. Alors, une fois établie la zone protégée
21 et démilitarisée, les villages serbes ont-ils continué à faire objet
22 d'attaques par les Musulmans ?
23 R. On n'a pas cessé de se livrer à des provocations. Des personnes étaient
24 tuées, des passages étaient dynamités. Oui, il y a eu des activités de ce
25 type.
26 Q. Merci. Et dans les environs de Srebrenica, des villages serbes ont-ils
27 été incendiés et la population a-t-elle été tuée ?
28 R. Tous les villages avaient été incendiés : Jezero, Krusici et quelques
Page 9809
1 autres. Pas un seul village n'est resté sur le territoire de la
2 municipalité de Srebrenica.
3 Q. Très bien. Vous souvenez-vous si le village de Visnjica a été attaqué
4 en 1994 depuis le territoire de la zone protégée de Srebrenica ?
5 R. Oui. C'est un village qui se trouvait pas loin de Milici. Je pense
6 qu'un groupe de cinq à six personnes a été tué. Il s'agissait d'une attaque
7 montée par un groupe. J'en ai entendu parler.
8 Q. Et vous souvenez-vous si ces attaques étaient lancées toujours depuis
9 le territoire de la zone protégée, si ces attaques étaient toujours
10 dirigées contre la population civile ? L'armée de la Republika Srpska a-t-
11 elle donné des raisons quelconques pour qu'on procède à une offensive ou à
12 une attaque ? A-t-elle attaqué elle-même les forces musulmanes de
13 Srebrenica ?
14 R. Eh bien, sincèrement, je n'en sais pas grand-chose. Mais j'imagine que
15 les choses se sont passées comme vous venez de le dire.
16 Q. Merci. Au cours de l'interrogatoire principal, le Procureur vous a posé
17 des questions au sujet des événements qui se sont déroulés au moment où il
18 y a eu séparation entre Srebrenica et Zepa; vous en souvenez-vous ?
19 R. Oui.
20 Q. Pourquoi la VRS a-t-elle entrepris des activités pour séparer les zones
21 de Srebrenica et Zepa; le savez-vous ?
22 R. Il y avait un très grand nombre d'effectifs qui provenaient d'une zone
23 à l'autre. La zone protégée était Zepa, mais Srebrenica aussi, donc il a
24 fallu couper cette partie-là qui assurait la coopération entre Zepa et
25 Srebrenica. Je ne sais pas exactement comment répondre à votre question.
26 Q. Merci bien. Lorsque vous avez été mobilisé de nouveau en 1994, êtes-
27 vous resté dans la Brigade de Bratunac pendant toute cette période, et ce,
28 jusqu'à ce que vous ne soyez nommé commandant adjoint au Corps de la Drina
Page 9810
1 ?
2 R. Oui. J'ai passé deux mois au 1er Bataillon, et par la suite je suis
3 passé dans la brigade en décembre 1994.
4 Q. Merci. Et pendant la durée de la guerre, êtes-vous resté dans la
5 Brigade de Bratunac ?
6 R. Non, seulement à partir du mois de septembre 1994. En 1992 et 1993,
7 j'avais une obligation de travail. J'étais directeur adjoint d'une
8 entreprise.
9 Q. Merci bien.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Momcilovic, vous savez, il
11 serait fort utile, et plus particulièrement utile pour les interprètes, si
12 vous pouviez attendre quelques instants avant de commencer votre réponse,
13 parce qu'il y a chevauchement des deux voix et il est bien difficile pour
14 les interprètes d'interpréter.
15 Ménagez une petite pause avant de répondre, s'il vous plaît. Merci.
16 Monsieur Tolimir, je vous écoute.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de votre
18 avertissement.
19 M. TOLIMIR : [interprétation]
20 Q. Monsieur Momcilovic, pourriez-vous, je vous prie, nous dire quelle est
21 la différence entre une obligation de travail et la mobilisation ?
22 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelle est la différence entre
23 les deux; quelles sont les tâches qui vous sont confiées lorsque vous êtes
24 en obligation de travail et que faites-vous lorsque vous êtes mobilisé ?
25 R. Les personnes qui ont une obligation de travail sont assignées à leur
26 propre emploi à l'intérieur de l'entreprise. Moi, je travaillais dans la
27 briqueterie et nous essayions d'obtenir un profit. Alors que lorsque vous
28 êtes mobilisé, vous rejoignez les rangs d'une unité militaire. L'obligation
Page 9811
1 de travail, vous savez, est effectuée alors que vous portez des vêtements
2 civils. Et lorsque vous êtes mobilisé, à ce moment-là, vous êtes mobilisé
3 en tant que membre de l'armée, membre de la brigade.
4 Q. Très bien. Merci.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on afficher à l'écran la pièce P590.
6 Il s'agit du télégramme du poste de commandement avancé envoyé par
7 Blagojevic. Encore une fois, c'est quelque chose que le Procureur a lu lors
8 de l'interrogatoire principal.
9 Je voudrais attirer votre attention sur la page 12, lorsque le Procureur a
10 demandé le versement au dossier de ce document.
11 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis vraiment désolé. Nous avons à l'écran
13 le document manuscrit. En fait, j'aimerais que l'on se penche sur la pièce
14 65 ter 228. C'est la pièce manuscrite.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1812.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci à M.
17 l'Huissier qui s'occupe du prétoire électronique. Je voudrais que l'on
18 affiche la page 2, s'il vous plaît. Merci.
19 M. TOLIMIR : [interprétation]
20 Q. A la page 2, ce qui m'intéresse particulièrement, c'est le dernier
21 paragraphe, paragraphe correspondant au paragraphe 7 de ce rapport. Et nous
22 pouvons voir le chiffre 7 apparaître.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, nous ne pouvons pas
24 l'apercevoir.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on afficher la page suivante en
26 anglais.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la page 4 en B/C/S dans le
28 prétoire électronique.
Page 9812
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Comme M. le Greffier vient de nous
2 l'indiquer, ce paragraphe, plutôt, correspond à la page 4 dans le prétoire
3 électronique.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
5 M. TOLIMIR : [interprétation]
6 Q. Au point 7, on peut lire :
7 "Deux véhicules du HCR des Nations unies avec 15 soldats de la FORPRONU qui
8 ont fui sur notre territoire étaient emmenés dans le commandement de notre
9 brigade et ont été placés à l'hôtel Fontana à Bratunac."
10 Signé par le commandant colonel Vidoje Blagojevic. C'est effectivement une
11 mention que l'on peut trouver dans son rapport de combat régulier du 9
12 juillet 1995.
13 Alors, dites-moi si vous avez entendu parler de ceci ou est-ce que vous
14 avez des connaissances concernant ce qui est mentionné au paragraphe en
15 question ?
16 R. Je sais qu'il y avait un certain nombre de membres, qu'il y avait des
17 effectifs qui étaient cantonnés au-dessus de Srebrenica, et ces derniers
18 étaient venus dans la zone de Pribicevac au début de l'action. Par la
19 suite, ils ont été envoyés à Bratunac, mais j'ignore quel était le nombre
20 exact de ces effectifs.
21 Q. Très bien. Merci. Et dites-moi, est-ce que vous étiez informés de leur
22 arrivée, vous, membres de la Brigade de Bratunac ? Et lorsqu'ils sont
23 arrivés dans Bratunac, comme le mentionne le commandant, avez-vous été
24 avisés de leur arrivée, ou bien ces derniers avaient-ils été envoyés par
25 leurs supérieurs ?
26 R. Je ne sais pas. C'est effectivement quelque chose qui a été écrit par
27 le commandant. Je n'ai aucune connaissance particulière de cet événement.
28 Q. On peut voir ici : "deux véhicules du HCR des Nations unies…," mais en
Page 9813
1 réalité, il faudrait lire "véhicules de la FORPRONU" ?
2 R. Oui, vous avez raison, de la FORPRONU.
3 Q. Très bien.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant demander le versement au
5 dossier de ce document. Je ne sais pas si le document a déjà été versé au
6 dossier. En fait, mon assistant m'apprend que le document est déjà versé au
7 dossier. Très bien. Merci.
8 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions pour ce témoin.
9 Monsieur Momcilovic, je voudrais vous remercier d'être venu au Tribunal
10 pénal pour l'ex-Yougoslavie. Je vous remercie des réponses que vous avez
11 données. Je vous remercie de votre temps. Je voudrais vous souhaiter bon
12 retour à la maison. Que Dieu vous protège. Ce sont toutes les questions que
13 j'avais pour vous, Monsieur.
14 Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de questions.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien.
16 Monsieur Vanderpuye.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, j'ai quelques questions seulement
18 pour le témoin.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez commencer alors.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.
21 Nouvel interrogatoire par M. Vanderpuye :
22 Q. [interprétation] Monsieur Momcilovic, je crois qu'à la page 18, lignes
23 3 à 4, le général Tolimir vous a posé une question à savoir si vous aviez
24 vu des membres de l'état-major principal de la VRS. En fait, il vous a
25 demandé en particulier si vous l'aviez vu, lui, présent.
26 Vous souvenez-vous qu'il vous ait posé cette question ?
27 R. Oui, tout à fait.
28 Q. Savez-vous si le général Tolimir avait eu des contacts avec le
Page 9814
1 commandement au poste de commandement avancé à Pribicevac au cours de la
2 période pendant laquelle vous étiez sur place, outre le fait d'être présent
3 physiquement ?
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Le témoin a dit qu'il ne m'a pas vu alors que le Procureur dit que j'étais
7 physiquement présent. Je demanderais que le substitut du Procureur pose une
8 question précise afin de ne pas créer de confusion dans l'esprit du témoin.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, ce n'est pas juste.
10 M. Vanderpuye a fait référence exactement à vos propos; il vous a cité et
11 il a cité la réponse du témoin également. Ensuite, il voulait savoir quels
12 étaient les contacts qu'il a pu y avoir avec les personnes, outre les
13 personnes présentes au poste de commandement avancé.
14 Alors, veuillez poursuivre, je vous prie.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation]
16 Q. Monsieur Momcilovic, est-ce que vous avez compris la question et m'avez
17 -- voulez-vous que je la repose ?
18 R. Je ne sais pas quels sont les contacts que les gens avaient les uns
19 avec les autres. J'étais chargé de la nourriture, des vêtements, et cetera.
20 Je n'étais pas intéressé à savoir ce qui se passait ailleurs, et de toute
21 façon, je n'avais jamais entendu parler du général Tolimir, et je n'avais
22 pas fait sa connaissance non plus. Je ne sais pas qui avait des contacts
23 avec qui. Ce n'était pas important pour mon travail. J'étais chargé des
24 questions de logistique. J'étais chargé de l'approvisionnement en matière
25 de nourriture.
26 Q. Permettez-moi de vous montrer la pièce D41.
27 M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous avons maintenant l'anglais dans le
28 prétoire électronique. Le B/C/S est quelque peu écrit en caractères très
Page 9815
1 petits. Voilà. C'est bien. Alors, c'est un document de l'état-major
2 principal de l'armée de la Republika Srpska qui porte la date du 9 juillet
3 1995 :
4 "Mention très urgente. Au président de la Republika Srpska pour
5 information. Poste de commandement avancé du Corps de la Drina."
6 A être remis en mains propres aux généraux Gvero et Krstic.
7 Q. Monsieur, vous souvenez-vous quand est-ce que vous avez dit que le
8 général Gvero se trouvait à Pribicevac ?
9 R. J'ai dit que c'était le 9 juillet. Je crois que c'était le 9 juillet.
10 Non, je ne peux pas changer ma réponse.
11 Q. C'est la date à laquelle vous l'avez vu sur place ?
12 R. Oui.
13 Q. Mais vous n'avez pas vu le général Tolimir, ni ce jour-là ni à d'autres
14 moments d'ailleurs, alors que vous étiez sur le poste de commandement
15 avancé, n'est-ce pas ?
16 R. Mais je n'ai jamais fait sa connaissance. Je ne le connaissais pas.
17 Même si je l'avais vu, je n'aurais pas su qui c'était. Donc je ne me
18 souviens vraiment pas. Je ne sais réellement pas.
19 Q. S'agissant de cette communication particulière, enfin celle-ci, dans le
20 bloc signature, on peut voir un nom tapé à la machine, et on peut lire :
21 Major général Zdravko Tolimir.
22 R. Oui.
23 Q. S'agissant des opérations de combat autour de Srebrenica, il s'agit des
24 opérations que vous avez mentionnées dans vos dépositions précédentes,
25 n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Au premier paragraphe de ce document, on peut lire :
28 "Le président de la Republika Srpska était informé des opérations de combat
Page 9816
1 réussies autour de Srebrenica par les unités du Corps de la Drina et qu'ils
2 ont pu occuper la ville de Srebrenica même grâce à cette opération
3 réussie."
4 R. Oui, je le vois.
5 Q. Au troisième paragraphe, on peut lire :
6 "Le président de la Republika Srpska a ordonné qu'à la suite des opérations
7 de combat, une protection complète devrait être donnée aux membres de la
8 FORPRONU et à la population civile musulmane et qu'à ces derniers, il
9 faudrait assurer la sécurité si ces derniers traversent sur le territoire
10 de la Republika Srpska."
11 Est-ce que vous voyez ceci ?
12 R. Oui, oui, je vois.
13 Q. Encore une fois, ce document est envoyé à l'endroit où vous vous
14 trouviez le 9 juillet 1995, et c'est là que vous avez vu le général Gvero à
15 Pribicevac, n'est-ce pas ?
16 R. Oui. C'est ce qu'on voit ici, effectivement.
17 Q. Donc le fait que vous n'ayez pas vu le général Tolimir ne veut pas dire
18 que le général Tolimir n'était pas en contact avec des membres de l'état-
19 major principal à Pribicevac que vous avez vus ?
20 R. Je n'ai jamais vu quelque chose somme ça. Je ne sais pas. Je n'ai
21 jamais nié ce fait.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que le Procureur pose des
24 questions directes. Si j'ai envoyé un télégramme à l'état-major principal -
25 - je ne vois pas pourquoi je leur aurais envoyé des télégrammes si j'étais
26 en contact avec eux. Je demanderais que l'on pose une question directe,
27 s'il vous plaît.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, il n'y a pas de
Page 9817
1 malentendu. Le témoin nous a dit à plusieurs reprises que vous n'étiez pas
2 présent, qu'il ne vous a pas vu. A savoir maintenant si une lettre ou un
3 télégramme a été envoyé, ceci représente un contact depuis une distance
4 quelconque.
5 Veuillez poursuivre, je vous prie, Monsieur Vanderpuye.
6 M. VANDERPUYE : [interprétation]
7 Q. Je voudrais vous montrer maintenant la pièce D85.
8 Pendant que l'on attend l'affichage du document, permettez-moi de vous
9 poser cette question-ci. Le général Tolimir vous a demandé de lui donner
10 les raisons quant à la séparation de Srebrenica et de Zepa, et vous lui
11 avez répondu que les raisons étaient connues en partie. Je crois que c'est
12 ce que vous avez déclaré à la page 26, lignes 8 et 9. Vous avez maintenant
13 vu un document que je viens de vous montrer qui porte la cote D41, et ce
14 document appelle à l'occupation de la ville même. Ayant été sur place au
15 cours de cette période, pourriez-vous nous dire pourquoi la séparation de
16 l'enclave exigeait une occupation de la ville ?
17 R. Lorsque les enclaves sont séparées, la ceinture est affaiblie. Je ne
18 sais pas. C'était beaucoup plus facile de nettoyer une enclave à la fois
19 que les deux ensembles. Mais je ne suis pas un soldat, je ne suis pas non
20 plus un spécialiste en matière tactique, donc je ne peux pas vraiment
21 répondre à votre question. Après la séparation de l'enclave, la ceinture
22 autour de Srebrenica est affaiblie, et donc elle était à la portée de la
23 main, si vous voulez.
24 Q. Vous avez mentionné qu'il était beaucoup plus facile de nettoyer une
25 enclave à la fois --
26 R. Non, non, mais --
27 Q. Est-ce que vous pouvez me dire pourquoi la séparation des enclaves
28 exige un nettoyage de la population de l'une ou de l'autre enclave ?
Page 9818
1 R. Ce n'est pas la zone de responsabilité, nécessairement, qui est plus
2 restreinte, mais c'est beaucoup plus facile d'effectuer le contrôle. Je
3 suis plutôt spécialisé en matière d'entreposage de denrées plutôt qu'en
4 matière technique.
5 Q. Est-ce que vous savez pourquoi la séparation de l'enclave exigeait le
6 déplacement de la population de Srebrenica ou de Zepa ?
7 R. Je ne sais pas quel était le but réel. Je ne sais pas ce que les gens
8 faisaient exactement. Je ne sais pas. Ce qui est arrivé est arrivé.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Vous savez, lorsqu'on pose ce type de questions au témoin, on demande au
12 témoin de se livrer à des conjectures et de donner des réponses qu'il ne
13 peut pas donner. Puisqu'il n'a pas vu certaines choses, il n'est pas sûr de
14 certaines réponses. Donc je vous demanderais de ne pas oublier de tenir
15 compte de ceci.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois qu'il y a quelque mérite à
17 ce que vient de dire M. Tolimir.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne
19 faisais que donner un suivi quant aux réponses déjà données par le témoin,
20 à savoir que les raisons de la séparation étaient bien connues, et donc je
21 voulais simplement établir quels étaient les objectifs.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] A ce moment-là, vous pouvez lui
23 demander quelles étaient ses connaissances relatives à ce sujet à l'époque
24 --
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] O.K.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] -- et ne lui demandez pas de vous
27 donner son opinion sur des questions de manœuvres tactiques.
28 M. VANDERPUYE : [interprétation]
Page 9819
1 Q. Lorsque vous dites que les raisons sont bien connues pour la séparation
2 des enclaves, est-ce que vous nous parlez à la suite de votre connaissance
3 que vous aviez à l'époque de la question ou bien de la connaissance que
4 vous avez acquise plus tard ?
5 R. C'est ce que je sais maintenant. Mais à l'époque, je ne savais pas que
6 lorsqu'on divisait les enclaves, on pouvait restreindre l'activité, la zone
7 de responsabilité. Et donc, ça devient beaucoup plus facile à ce moment-là.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche de nouveau la
9 pièce D141 [comme interprété].
10 Q. C'est un autre document que vous pouvez voir qui porte le titre :
11 "Corps de la Drina, section du renseignement et de la sécurité."
12 Si vous passez au bas du document, vous pouvez voir que le document est
13 signé à la machine, commandant Zdravko Tolimir.
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] En fait, nous avons la pièce D85 à
15 l'écran, et non pas notre pièce.
16 Q. Vous pouvez voir que c'est très urgent, et le document est dirigé au
17 poste de commandement avancé du Corps de la Drina à Pribicevac, au général
18 Krstic en mains propres. On peut également lire la mention suivante :
19 "Etat-major principal de la VRS, renseignement et sécurité --"
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il me semble que nous avons un petit
21 problème. Nous voulions voir la pièce D85 à l'écran.
22 M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je crois que nous avons la pièce D41
24 à l'écran, parce que vous l'avez mentionnée un peu plus tôt, et par la
25 suite, vous vous êtes corrigé.
26 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc la pièce qui nous intéresse est
28 la pièce D85.
Page 9820
1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Alors, on peut lire :
3 "Etat-major principal de la VRS, secteur chargé du renseignement et de la
4 sécurité, très urgent, à être remis en mains propres au général Krstic."
5 Voyez-vous ceci ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous verrez que ceci porte sur les communications entre le général
8 Nicolai et le général Tolimir. Vous pouvez voir que l'on fait référence au
9 général Tolimir au bas du deuxième paragraphe.
10 Voyez-vous ceci, Monsieur ?
11 R. Oui.
12 Q. Au milieu du deuxième paragraphe, on peut lire :
13 "Je demande une explication d'un tel comportement et je demande que vos
14 effectifs se retirent 4 kilomètres au sud," après avoir indiqué que les
15 unités se trouvaient à 1 kilomètre de la ville de Srebrenica, qui était
16 estimée être une zone de sécurité.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Je vous demanderais la chose suivante : ceci dépasse le cadre du contre-
20 interrogatoire. Cette question ne découle pas du contre-interrogatoire. Je
21 n'ai jamais parlé des contacts entre le général Nicolai et le poste de
22 commandement avancé ainsi que l'état-major principal. Je crois que le
23 Procureur devrait simplement poser des questions qui découlent de mon
24 contre-interrogatoire. Il faudrait trouver la référence en question lui
25 permettant de poser ces questions supplémentaires. Merci.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.
27 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 La référence remonte aux questions posées par le général Tolimir lorsqu'il
Page 9821
1 a parlé des contacts qu'il a eus avec le commandement de Pribicevac. En
2 fait, ce que j'essaie d'établir, c'est que s'il n'était pas là, il ne
3 savait pas ce qui se passait sur place. Donc c'est un document qui porte
4 son nom concernant une information qui lui a été donnée. Ce document porte
5 également sur les contacts qu'il a eus avec le commandant du Corps de la
6 Drina à Pribicevac, où se trouvait ce témoin, et ceci porte également sur
7 les informations qui ont été relayées là-bas, malgré l'absence physique du
8 général Tolimir à cet endroit-là. Donc c'est la base qui me permet de poser
9 ces questions.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, ce document
11 ainsi que le document précédent figurent déjà au dossier, n'est-ce pas ?
12 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le témoin vous a dit qu'il n'avait
14 aucune connaissance des communications et ne sait pas non plus ce qui se
15 passait concernant les communications. Le témoin peut seulement vous dire
16 qui étaient les personnes qui étaient présentes au poste de commandement
17 avancé.
18 Alors, comment pensez-vous qu'il puisse faire des commentaires sur ce
19 télégramme ou sur la teneur de ce télégramme ?
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Il y a deux choses qui sont pertinentes.
21 La première c'est que ce document est envoyé à une personne au poste de
22 commandement avancé, et le témoin peut nous confirmer que cette personne,
23 effectivement, se trouvait au poste de commandement avancé car il l'a vue.
24 D'abord - donc c'est la raison - je voulais établir la raison pour laquelle
25 ce document a été envoyé sur place, et ensuite, le but, c'est-à-dire
26 d'établir la communication avec le général Krstic, que le témoin a vu au
27 poste de commandement avancé ce jour-là.
28 Mais c'est également pertinent parce que ce contact direct effectué avec le
Page 9822
1 général Krstic était un contact qui, effectivement, a été clairement
2 communiqué au général Tolimir également, car vous pouvez apercevoir son nom
3 sur le document. Et donc, ce document nous montre qu'il y a effectivement
4 eu une communication entre les deux, une communication bidirectionnelle
5 entre le poste de commandement avancé et des membres de l'état-major
6 principal, les deux qui ont été vus et non vus par ce témoin. Donc c'est la
7 seule raison pour laquelle je pose ces questions à ce témoin, parce qu'on a
8 suggéré -- le général Tolimir, dans sa question à savoir qui le témoin a vu
9 ou non -- qui sont les personnes que le témoin a vues de l'état-major
10 principal, à savoir s'il a vu le général Tolimir à l'état-major principal,
11 ceci nous démontre de façon implicite que le général Tolimir n'était pas du
12 tout informé de ce qui se passait là-bas.
13 Alors, s'il est d'accord pour accepter ceci à ce moment-là et s'il veut
14 bien dire pour le compte rendu d'audience qu'il savait très bien ce qui se
15 passait au poste de commandement avancé à Pribicevac le 9 juillet 1995,
16 comme il est indiqué sur ce document, il n'y a absolument aucun problème.
17 Et je crois qu'à ce moment-là, le témoin est, en fait, une personne tout à
18 fait appropriée à qui on peut poser ce genre de questions, puisque le
19 témoin était sur place à ce moment-là.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] J'aimerais demander à M. Momcilovic
21 la chose suivante.
22 Monsieur, pouvez-vous nous dire, est-ce que vous avez quelque connaissance
23 que ce soit concernant les paragraphes et d'autres communications
24 électroniques qui se faisaient entre le poste de commandement avancé et
25 d'autres personnes qui n'étaient pas présentes à ce moment-là au poste de
26 commandement avancé, mais qui étaient des personnes pertinentes ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai aucune connaissance de ce type de
28 communication. C'était le travail qui relevait de l'officier chargé des
Page 9823
1 communications.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais avez-vous jamais un télégramme
3 de ce type avant aujourd'hui ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, jamais.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous vouliez dire
6 quelque chose ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Justement, vous avez dit ce que je voulais dire. Vous avez lu mes pensées.
9 Je n'ai jamais demandé au témoin de me dire quoi que ce soit. Je voulais
10 simplement savoir s'il m'a vu ou pas. Et j'ai dit que la raison pour
11 laquelle j'ai posé cette question, c'est parce que le Procureur a posé une
12 question -- sur la base des questions posées par le Procureur, à savoir qui
13 le témoin a vu sur place. Alors, je n'ai pas essayé de suggérer autre
14 chose.
15 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. C'est entendu. Nul besoin
16 de le répéter.
17 Monsieur Vanderpuye, vous devriez tenir compte de la position de ce témoin
18 et vous devriez vous poser la question si ce témoin, effectivement, est le
19 bon témoin qui peut nous parler des communications qui pouvaient exister
20 entre le poste de commandement avancé et d'autres personnes à l'extérieur.
21 Tenez compte de ceci, je vous prie.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien. Je crois que cette question et
23 réglée, Monsieur le Président. Cela dit, je n'ai plus d'autres questions
24 pour ce témoin.
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, donc cela mène à la fin de
28 votre témoignage dans cette affaire. Merci d'être venu à nouveau à La Haye
Page 9824
1 pour nous aider pour établir les faits. Merci encore une fois. Maintenant,
2 vous pouvez retourner chez vous et à vos activités régulières.
3 Nous allons faire la première pause maintenant et nous allons
4 poursuivre nos travaux à 11 heures.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
6 [Le témoin se retire]
7 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
8 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Thayer. Je ne sais
10 pas à qui je dois adresser la question suivante. Ce matin, M. Tolimir a
11 soulevé la question concernant le calendrier pour ce qui est des témoins de
12 cette semaine, puisque ce calendrier diffère du calendrier qui a été déjà
13 fixé. Je pense qu'il y a eu des problèmes pour ce qui est de ce sujet.
14 J'aimerais donc que M. Thayer ou M. McCloskey m'explique ce qui se passe.
15 M. THAYER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
16 Madame et Monsieur les Juges. Bonjour à la Défense et à tout le monde dans
17 le prétoire. Monsieur le Président, je vais répondre à la question que vous
18 venez de poser, puisque pour ce qui est du calendrier des témoins, c'est
19 quelque chose qui m'incombe. Donc je suis en quelque sorte le suspect
20 numéro un pour ce qui est de ce calendrier.
21 Monsieur le Président, je pense qu'il y a eu un malentendu pour ce qui est
22 de la communication entre l'Accusation et la Défense. Je ne sais pas
23 pourquoi le général Tolimir pense que ce calendrier a été modifié, parce
24 que je pense que cela n'a pas été le cas. Voilà ce qui s'est passé : M.
25 Brunborg a commencé à déposer, et comme la Chambre le sait, cela a continué
26 cette semaine. Nous pensions que son témoignage aurait été fini la semaine
27 dernière, donc nous avions un autre calendrier pour cette semaine. Nous
28 avions communiqué cela à la Défense. Le témoin qui vient de déposer et le
Page 9825
1 témoin suivant étaient sur le programme pour cette semaine, mais le témoin
2 qui vient de finir sa déposition a dû commencer lundi pour des raisons
3 d'activités professionnelles. Le témoin qui doit maintenant témoigner a été
4 programmé pour cette semaine pour des raisons similaires. Il a une question
5 [comme interprété] qui l'aide, et il y a également des questions liées au
6 budget et d'autres concernant le fonctionnement de l'Unité qui s'occupe des
7 Témoins et des Victimes. Donc, pour ce qui est de cette semaine, depuis le
8 début, ce témoin qui vient de finir son témoignage était prévu. Je dis
9 "depuis le début" puisque la Chambre de première instance se rappellera que
10 l'Accusation a déposé une requête. J'ai envoyé un mail et téléphoné à la
11 Défense, donc la Défense a été informée de tout cela au moment où la
12 décision définitive a été rendue. Je pense que, et c'est ce que j'ai déjà
13 dit, nous essayons de ne pas encombrer la Chambre de première instance de
14 tout cela. Nous essayons d'informer la Chambre de première instance
15 d'essentielles modifications du programme pour ce qui est des témoins. Nous
16 aimerions en avoir déjà fini avec la déposition de M. Brunborg aujourd'hui,
17 mais vu que les témoins que nous avons programmés pour cette semaine, non
18 seulement le témoin vient de finir sa déposition, mais d'autres témoins,
19 ont nécessité beaucoup de consultations et de persuasion, pour être franc,
20 pour qu'ils reviennent --
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, j'aimerais vous
22 arrêter ici.
23 M. THAYER : [interprétation] Oui, d'accord.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous avons reçu le document
25 comportant la raison que vous venez de nous expliquer et je peux vous dire
26 que la Chambre, ainsi que la Défense, ont reçu un message électronique le 6
27 février selon lequel aujourd'hui, deux témoins allaient témoigner : M.
28 Momcilovic et le témoin protégé qui viendra maintenant pour déposer. Par
Page 9826
1 conséquent, cela ne représente aucunement une surprise. La question qui se
2 pose maintenant, c'est la disponibilité de M. Brunborg. Je pense que cela a
3 déjà été expliqué --
4 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai parlé à Me Gajic
5 pour confirmer notre calendrier des témoins. Je lui ai parlé deux fois
6 vendredi dernier. Je pense que lorsque l'accusé se défend lui-même et
7 lorsqu'il ne parle pas la langue du témoin, ça complique un peu la chose.
8 Nous devons continuer avec M. Brunborg.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je ne pense pas qu'il soit
10 nécessaire d'en discuter davantage. Est-ce que nous pouvons recevoir la
11 liste des témoins pour la semaine suivante. Cela veut dire pour jeudi de la
12 semaine qui précède.
13 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, malheureusement, nous
14 avons eu besoin des estimations de la Défense pour ce qui est de M.
15 Brunborg, des estimations du temps nécessaire. Nous avons essayé de
16 communiquer cela à la Chambre de première instance. Nous avons fait de
17 notre mieux.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Nous aimerions recevoir des
19 estimations pour ce qui est du temps nécessaire pour la Défense, pour le
20 contre-interrogatoire pour chacun des témoins pour cette semaine.
21 Maintenant, le témoin suivant peut être emmené dans le prétoire. Et
22 nous passons d'abord à huis clos pour qu'il puisse entrer dans le prétoire.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos maintenant.
24 [Audience à huis clos]
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 9827
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier
13 d'audience.
14 Bonjour, Monsieur.
15 LE TÉMOIN : [hors micro]
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bienvenue à ce Tribunal. Je vous prie
17 d'attendre quelques instants.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
19 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maintenant, j'aimerais que vous
20 lisiez à voix haute le texte de la déclaration solennelle qui figure sur
21 cette feuille que M. l'Huissier va vous remettre.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 LE TÉMOIN : PW-013 [Assermenté]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous
27 asseoir.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
Page 9828
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous savez que les mesures de
2 protection sont toujours en vigueur, en particulier, il s'agit du
3 pseudonyme qui vous a été accordé.
4 D'abord, c'est M. Thayer du bureau du Procureur qui va vous poser des
5 questions maintenant.
6 Monsieur Thayer, vous avez la parole.
7 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
9 Interrogatoire principal par M. Thayer :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
11 R. Bonjour.
12 Q. Maintenant, j'aimerais qu'on affiche le document qu'il ne faut pas
13 afficher en public.
14 M. THAYER : [interprétation] Il s'agit du 65 ter 7175 dans le prétoire
15 électronique.
16 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais --
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ça va apparaître dans quelques
18 instants. Pouvez-vous confirmer qu'il s'agit de votre nom en dessous de
19 votre pseudonyme PW-013.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le vois. Je vois mon nom à l'écran.
21 M. THAYER : [interprétation]
22 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
23 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande le
24 versement au dossier du 65 ter 7175.
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera P1813, sous pli scellé.
27 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut
28 maintenant aller à huis clos partiel pour parler des éléments concernant la
Page 9829
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 9830
1 biographie de ce témoin.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, on va passer à huis clos
3 partiel.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
5 partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 9831
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page 9831 expurgée. Audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 9832
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 [Audience publique]
18 M. THAYER : [interprétation]
19 Q. Est-ce que vous avez quitté Bratunac à un moment donné, Monsieur, après
20 que la guerre ait commencé ?
21 R. Oui, j'ai quitté Bratunac à peu près le -- enfin, le 8 avril, j'ai
22 quitté ma maison de Bratunac. En fait, je ne suis pas parti. J'ai fui
23 Bratunac. Je suis parti là où mes parents vivaient avec ma famille et avec
24 deux frères et avec leurs familles. Nous sommes partis avec l'intention d'y
25 revenir dans peu de temps, puisque nous pensions que la guerre n'éclaterait
26 pas. Nous pensions que l'armée et la police allaient résoudre cela et qu'il
27 n'y aurait pas la guerre. Je suis parti comme pour passer un week-end à la
28 maison de mes parents. Mais je ne suis plus retourné là-bas avant 2005.
Page 9833
1 C'est la première fois que je me suis rendu là-bas pour visiter ma maison
2 en 2005.
3 Q. Vous avez dit qu'en fait, vous avez fui Bratunac. Pourquoi avez-vous
4 fui Bratunac en avril 1992, Monsieur ?
5 R. L'état de guerre n'a pas été décrété, mais cela ressemblait à l'état de
6 guerre, puisqu'à l'époque, la JNA passait à bord de camions pour se rendre
7 dans des villages serbes. Le commandant de l'armée est arrivé. Il a pillé
8 et il a tué les gens.
9 Sa femme est Ceca, chanteuse de musique folk et populaire.
10 Q. Bien. J'aimerais savoir ce qui s'est passé concrètement. Et j'aimerais
11 attirer votre attention sur quelque chose que vous avez mentionné lors de
12 votre témoignage précédent. Pour la Défense, je mentionne les numéros de
13 pages du compte rendu 6 850 et 6 889. C'est son témoignage dans l'affaire
14 Popovic et consorts. Vous avez mentionné quelque chose qui s'est passé en
15 avril 1992 à Bratunac, au stade de football. Pouvez-vous nous dire
16 brièvement ce qui s'est passé en avril 1992 au stade de football ?
17 R. Il a été proclamé que tous les citoyens viennent au stade de football à
18 Bratunac parce qu'il a fallu signer les déclarations d'allégeance auprès
19 des autorités serbes qui ont été créées à l'époque. Au terrain de jeu, ils
20 ont commencé à séparer les hommes des femmes et ils ont été transportés
21 jusqu'à Kladanj, jusqu'à Tuzla. Et les uns sont restés à l'école que j'ai
22 fréquentée, c'est l'école Vuk Karadzic. C'est là où ils ont créé un camp.
23 C'est là où ils ont torturé et tué les gens, mais je ne connais pas le
24 nombre exact de ces gens. Je connais des survivants qui ont eu la chance
25 d'être échangés. Il y en avait qui ont survécu à cela, mais il y en a
26 d'autres qui n'ont pas survécu à ces tortures.
27 J'ai supposé que quelque chose comme cela allait se passer, et je suis
28 parti au village de mes parents. J'ai pensé que tout cela n'allait pas
Page 9834
1 durer longtemps, que l'armée allait empêcher que cela se produise, mais ça
2 a été le départ définitif de ma maison, et là, je suis retourné en 2005. Il
3 y avait déjà des points de contrôle établis par les Chetniks à des endroits
4 comme Zuti Most, le "pont jaune", et à Ljubovija à Kravica. A ce point de
5 contrôle, deux jeunes hommes ont été tués pendant la nuit.
6 Q. Bien. Vous avez dit que certaines personnes avaient été emmenées à
7 l'école Vuk Karadzic. D'abord, dites-nous si ces personnes étaient
8 musulmanes ou serbes, ces personnes qui ont été emmenées à l'école Vuk
9 Karadzic ?
10 R. Il y avait des personnes qui portaient les uniformes de la JNA. Les uns
11 s'appelaient Aigles blancs, Bijeli Orlovi, et les autres, Arkan -- ah oui,
12 maintenant, je me souviens. Arkan était à Bratunac. Il était à la tête des
13 pillages, des arrestations, des tortures. Au début, il y avait des
14 hooligans qui n'attendaient que ça. Ils ont pris des fusils et ils ont
15 établi ces points de contrôle.
16 Q. Il faut que je vous interrompe encore une fois. Je voudrais que vous
17 écoutiez attentivement mes questions.
18 Les personnes qui ont été amenées à l'école Vuk Karadzic en avril
19 1992, est-ce que ces personnes étaient musulmanes ou serbes ?
20 R. Ce sont les Serbes qui amenaient des Musulmans pour les mettre dans un
21 camp qui avait été mis sur pied dans mon école primaire, qui s'appelait
22 l'école Vuk Karadzic.
23 Q. Très bien. Et les Musulmans détenus à l'école Vuk Karadzic au mois
24 d'avril 1992, s'agissait-il des femmes, des enfants et des hommes, ou
25 retrouvait-on surtout des hommes ou surtout des femmes ?
26 R. Je n'ai rien entendu dire au sujet des femmes. Il s'agissait surtout
27 des hommes en âge de porter des armes. C'est quelque chose qu'on peut, par
28 ailleurs, constater en consultant la documentation disponible. Et parmi les
Page 9835
1 hommes détenus, il y avait un hodja qui avait été brutalement roué de coups
2 devant un autre groupe de personnes dans l'espace de l'école Vuk Karadzic.
3 Q. Très bien. Une autre question de suivi. Vous avez évoqué le nom
4 d'Arkan, et alors, tout à l'heure, vous avez évoqué une personne dont le
5 nom vous échappait, mais qui était marié avec une chanteuse folk. Pensiez-
6 vous à Arkan tout à l'heure lorsque ce nom vous échappait ?
7 R. Oui, oui, c'est bien Arkan dont il s'agit.
8 Q. Très bien. Alors, j'aimerais que nous restions en audience publique
9 dans la mesure du possible. Donc essayez de répondre à la question suivante
10 sans citer de nom particulier, et alors il nous sera possible de rester en
11 audience publique.
12 Dites brièvement aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, pendant que vous
13 habitiez à Bratunac avant le début de la guerre, quels étaient les rapports
14 qui régnaient entre les représentants de différents groupes ethniques ? Et
15 si vous pouviez illustrer votre propos de quelques exemples, je pense que
16 ce serait très utile aux Juges de la Chambre.
17 R. Eh bien, c'était une belle vie que nous y menions. Je le pense même de
18 nos jours. Si je pouvais revivre la vie que nous avions à l'époque, je le
19 ferais volontiers même aujourd'hui. Tout le monde se respectait
20 mutuellement, les Musulmans, les Catholiques, les Orthodoxes. Je dirais
21 même que je ne savais pas qu'il y avait une différence qui divisait les
22 Catholiques et les Orthodoxes entre eux. Lorsqu'il y avait des fêtes, tout
23 le monde venait se féliciter entre voisins. Moi, j'allais souvent assister
24 à des fêtes religieuses de mes voisins orthodoxes. La mosquée se trouvait
25 en face de l'église. C'était une très belle vie que nous menions. C'était
26 là mon sentiment à l'époque, et c'est ce que je ressens même aujourd'hui.
27 Je ressens une nostalgie profonde pour la vie que nous menions. Nous nous
28 respections mutuellement. Nous savions qu'il y avait une différence de
Page 9836
1 religion entre nous, mais que nous étions quand même un seul et même
2 peuple. Il n'y a aucun doute là-dessus.
3 Q. Hier, au cours de la séance de récolement, vous avez évoqué deux amis
4 ou deux camarades d'école serbes et deux événements que vous avez retenu,
5 qui se sont inscrits dans votre mémoire : un incident qui concerne un
6 groupe jouant de la musique et un autre incident qui a avoir avec les
7 donations sanguines. Alors, sans citer de noms propres, pour que nous
8 puissions rester en audience publique, expliquez brièvement aux Juges de la
9 Chambre de quoi il s'agissait au juste dans ces cas de figure.
10 R. Très bien. C'est une surprise que j'ai essuyée. En 1995, je suis allé
11 voir le village de Srebrenica pour la première fois depuis la fin de la
12 guerre --
13 Q. Permettez-moi de vous interrompre avant de poursuivre, Monsieur.
14 L'année consignée dans le compte rendu d'audience est l'année 1995.
15 C'est bien l'année à laquelle vous avez pensé ?
16 R. Non, non, excusez-moi, il ne s'agit pas de l'année 1995, mais plutôt de
17 l'année 2005. Donc je suis rentré chez moi pour la première fois et j'ai
18 visité le centre mémorial qui se trouve à Potocari. Il y a un service
19 mémorial qui est organisé le 11 juillet tous les ans, et pourtant, le 12
20 juillet, donc le lendemain, on organise une fête des Chetniks. Et j'ai été
21 stupéfait d'y voir un camarade d'école. Je l'ai vu assister à cette fête de
22 Chetniks. Or, moi, je me souviens d'avoir aidé sa mère à un moment donné;
23 sa mère était malade, elle avait besoin de sang frais, et moi qui étais
24 encore écolier, je me suis porté volontaire pour lui donner de mon sang. Je
25 n'ai touché aucune rémunération pour ce faire. Donc j'ai fait une donation
26 de mon sang, et j'avais été le seul à l'avoir fait, parce que, comme par
27 hasard, tous ses parents, ses oncles, ses frères, ses cousins, ils étaient
28 tous malades et ils étaient incapables de donner du sang. Et il m'a
Page 9837
1 remercié. Mais je me demande maintenant s'il a été sincère, parce que s'il
2 était sincère, il aurait dû me le montrer autrement. J'ai été stupéfait de
3 le voir arborer un uniforme carrément fasciste.
4 Q. Hier, vous avez évoqué un autre ami d'appartenance ethnique serbe qui
5 vous a dit quelque chose au moment qu'un orchestre jouait de la musique.
6 Pourriez-vous en dire davantage aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît.
7 R. Ah, vous m'en demandez trop. Non, non, je ne saurais vous en parler
8 maintenant.
9 Q. Très bien. Je comprends que c'est parfois difficile d'évoquer ces
10 sujets-là.
11 Si vous vous sentiriez plus à l'aise, nous pouvons, si vous le souhaitez,
12 passer à huis clos partiel.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
15 le Président, Madame, Monsieur les Juges.
16 [Audience à huis clos partiel]
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 9838
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 [Audience publique]
27 M. THAYER : [interprétation]
28 Q. Monsieur le Témoin, vous avez expliqué que --
Page 9839
1 R. Merci.
2 Q. -- vous étiez parti avec votre famille pour aller dans le village de
3 votre père à un moment donné au mois d'avril 1992. Etes-vous parti du
4 village de votre père pour aller à Srebrenica par la suite ?
5 R. Compte tenu de la situation qui prévalait à l'époque -- je pense que
6 c'était, en fait, l'époque de l'embargo et qu'il était devenu impossible
7 d'importer des vivres, de la farine. Donc c'était tout au début de la
8 guerre. Et alors, je me disais, quand je suis allé dans le village de mon
9 père, qu'on pourrait y acheter des vivres. Mais quand je suis allé au
10 magasin, j'ai constaté qu'il n'y avait rien à acheter. J'ai acheté une
11 vingtaine de petits gâteaux italiens, et c'était la dernière chose qu'on
12 pouvait acheter. Et, par ailleurs, il y avait une paire de galoches,
13 disons. Voilà, ce sont les deux choses que j'ai pu acheter. La maison était
14 vide. Mes parents n'étaient plus en vie. Le village était pratiquement
15 déserté. La crise régnait et il était difficile de se débrouiller et de
16 trouver quelque chose à manger. Alors, je me suis dit que peut-être qu'à
17 Srebrenica il serait plus facile d'acheter des vivres pour me nourrir, moi
18 et ma famille, et au mois de juin 1992, je suis parti pour Srebrenica. Et
19 voilà, j'y suis resté.
20 Q. Très bien. Lorsque vous avez déménagé à Srebrenica, combien d'enfants
21 vous accompagnaient-ils et quel âge ces enfants avaient-ils ?
22 R. Ma fille aînée avait cinq ans. Elle avait été née en 1987. Et puis,
23 j'avais une autre petite fille née en 1990, âgée de deux ans. Par ailleurs,
24 ma femme était enceinte et elle a donné naissance à un troisième enfant le
25 12 juillet.
26 Q. Pendant que vous habitiez à Srebrenica, étiez-vous membre de l'ABiH ?
27 R. Eh bien, je ne sais pas s'il s'agissait d'une armée proprement dite. Il
28 s'agissait de gardes montées par des villageois, donc des groupes de
Page 9840
1 personnes armées. Et il fallait bien les rejoindre pour créer une défense
2 quelle qu'elle soit pour nous protéger des attaques de Chetniks, parce que
3 la même chose s'était passée dans d'autres villages, dans d'autres
4 municipalités. Dans la municipalité de Bratunac, la population avait été
5 massacrée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'avais quitté mon
6 village, celui où j'habitais, près de Bratunac.
7 Q. Avez-vous été blessé à un moment donné; et si oui, de quelle façon et à
8 quel moment ?
9 R. Oui. Dans le village de Likari, je montais la garde avec d'autres
10 villageois. Et un jour, je ne me souviens plus de la date, un million de
11 mines sont tombées sur le village. Le village a été pilonné de façon
12 intense. Une autre personne a été tuée qui était venue de la municipalité
13 de Bratunac. Cette personne, je la connaissais très bien, il s'agissait
14 d'un homme un peu âgé, et il a trouvé la mort lors de ce pilonnage.
15 Quant à moi, j'ai été touché par le shrapnel à la cuisse, et c'est pourquoi
16 je n'ai plus participé à ces gardes que nous montions dans les villages,
17 parce que j'avais subi une blessure grave.
18 Q. Et à quel moment cet incident s'est-il produit, Monsieur, à peu près ?
19 R. Excusez-moi ?
20 Q. A quel moment avez-vous été touché par le shrapnel ? Indiquez-nous le
21 mois tout simplement.
22 R. Cela s'est produit en 1992. Je ne saurais vous indiquer la date
23 précise, mais en tout cas, cela s'est passé avant la naissance de mon fils.
24 Q. Très bien. J'aimerais que nous nous concentrions maintenant sur le mois
25 de janvier 1993.
26 Ce matin, les Juges de la Chambre ont entendu une déposition portant sur
27 l'attaque organisée par les Musulmans contre le village de Kravica lors du
28 nouvel an orthodoxe au mois de janvier 1993. Vous vous souvenez de cet
Page 9841
1 incident, n'est-ce pas ?
2 R. Je sais qu'une attaque a eu lieu. Je n'y ai pas participé parce que
3 j'avais été blessé. A l'époque, il n'y avait pas de vivres. Il n'y avait
4 rien à manger nulle part. Les convois humanitaires n'arrivaient plus, et la
5 population avait faim. Elle recherchait désespérément de quoi manger. C'est
6 sans doute la raison pourquoi cette invasion a eu lieu.
7 Q. Très bien. Alors, ce qui m'intéresse, Monsieur, est ce qui suit. Après
8 l'attaque montée contre le village de Kravica -- je ne vous demande pas de
9 fournir des détails, je vous demande tout simplement de nous dire si vous
10 êtes au courant de ce que je vais vous dire ou non.
11 Suite à cette attaque organisée par les Musulmans contre le village
12 de Kravica, la VRS a-t-elle entamé des actions militaires dans la zone à
13 partir du mois de janvier 1993 ?
14 R. Je ne suis pas très sûr pour ce qui est de la date, mais il est vrai
15 que des pilonnages intenses ont commencé. Et je pense que c'est vers cette
16 époque que le village de Konjevic Polje a été occupé. Un grand nombre
17 d'habitants de ce village est venu à Srebrenica. Je ne saurais vous
18 indiquer la date précise. Mais il est vrai que des attaques, des pilonnages
19 ont commencé à cette époque-là.
20 Q. Vous dites que votre épouse a donné naissance à un bébé au cours de
21 l'été 1993 [comme interprété]. S'agissait-il d'un garçon ou d'une petite
22 fille ?
23 R. C'est un garçon.
24 Q. Et pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui est arrivé à votre
25 fils.
26 R. Eh bien, vous savez, les pilonnages étaient intenses ce jour-là
27 précisément. Il y avait une maison qui se trouvait devant nous et elle
28 avait été touchée par le pilonnage. L'école qui se trouvait à côté a été
Page 9842
1 touchée elle aussi. Toutes les vitres étaient cassées. Et j'imagine que mon
2 bébé a trouvé la mort lors de l'explosion, parce qu'il n'était pas malade
3 avant cet incident. Mais après, tout simplement, dans la soirée, il a
4 commencé à avoir de la fièvre, puis j'ai vu qu'il y avait de la mousse qui
5 lui sortait par la bouche.
6 J'ai du mal à en parler.
7 Q. Monsieur, si vous souhaitez bénéficier d'une pause, je pense que nous
8 pouvons vous accorder une pause. Vous n'avez qu'à nous le dire.
9 R. Oui, s'il vous plaît. Je n'en peux plus.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, vous souhaitez que nous
11 fassions une pause maintenant ? Il n'y a aucun problème, je vous assure.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous allons faire une pause et nous
14 allons reprendre nos travaux à midi 20. Et puis, nous allons voir si nous
15 pouvons poursuivre l'interrogatoire du témoin au courant du dernier volet.
16 --- L'audience est suspendue à 11 heures 51.
17 --- L'audience est reprise à 12 heures 21.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, j'espère que pendant la
19 pause vous avez pu bénéficier de l'assistance du personnel de l'Unité
20 chargée des Témoins et des Victimes. J'espère que vous avez pu surmonter la
21 crise.
22 M. Thayer va maintenant poursuivre son interrogatoire principal, mais si
23 vous souhaitez que nous vous accordions une autre pause, n'hésitez pas à
24 nous le signaler.
25 Monsieur Thayer, vous avez maintenant la parole.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
27 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. Bonjour de nouveau, Monsieur le Témoin.
Page 9843
1 Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, en quel mois
2 de l'année 1993 vous avez perdu votre fils ?
3 R. Je crois que c'était le mois de janvier, le 20 ou le 21 janvier. Je ne
4 suis pas tout à fait sûr pour ce qui est de la date.
5 Q. Bien.
6 R. Je lui avais rédigé un texte post mortem et je l'ai affiché à un arbre,
7 et j'avais gravé la date de sa mort en me servant du feu. Mais après mon
8 retour en 2005, je n'ai pas pu retrouver le site où je l'ai enterré. Cela
9 s'est passé vers le 20 janvier.
10 Il y a eu ce pilonnage, et j'imagine qu'il est mort des suites d'une
11 détonation.
12 Q. Quelqu'un d'autre a-t-il été blessé ou tué lors de ce pilonnage ?
13 R. Une femme qui se trouvait dans la maison. Elle avait déjà été blessée
14 précédemment. Mais je ne suis plus sûr : a-t-elle été tuée ou blessée
15 seulement ? Un instant, s'il vous plaît.
16 Il y a eu d'autres cas de figure. Plus en haut, un médecin a trouvé la
17 mort. Mais comment s'appelait-il ? Niaz. Je ne suis pas sûr si cela s'est
18 produit le même jour ou non. Je n'en suis pas tout à fait certain.
19 Q. Les Juges de la Chambre ont déjà pu entendre des dépositions de témoins
20 concernant l'arrivée des convois HCR au début de l'année 1993. Nous avons
21 entendu des dépositions portant sur le chaos qui a régné au moment où un
22 certain nombre de personnes ont essayé de quitter les camions du HCR vides.
23 Dites, s'il vous plaît, aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu au
24 sujet de ces camions qui se trouveraient à Srebrenica en 1993.
25 R. Pour commencer, il faut dire que les conditions de vie étaient
26 impossibles, très incertaines, comme les pilonnages survenaient tous les
27 jours vers cette époque-là. Les Chetniks s'étaient emparés de Cerska, et
28 donc toute la population était venue à Srebrenica. Il n'y avait pas de quoi
Page 9844
1 manger. Il n'y avait pas d'abri où on pouvait héberger toute cette
2 population. Donc la vie était pratiquement rendue impossible. Lorsque la
3 FORPRONU a fait venir de l'aide humanitaire pour la première fois, il a été
4 annoncé qu'ils pouvaient transférer les femmes, les vieillards et les
5 enfants vers le territoire libre, vers la ville de Tuzla. Et moi-même,
6 j'avais l'intention de faire embarquer mon épouse et mes enfants à bord de
7 ces camions. Mais il était impossible de les approcher. Il y avait une
8 foule tellement dense. Tout le monde essayait de s'approcher des camions.
9 Il arrivait que des gens tombent en suffoquant.
10 Je me souviens d'avoir vu une femme qui essayait de monter à bord du
11 camion, et comme la foule se pressait de tous les côtés, son enfant a été
12 étouffé. Et au moment où elle l'a remarqué, elle-même s'est évanouie. Parce
13 que dans toute cette foule, elle tenait son enfant devant elle et elle ne
14 s'était même pas aperçue que l'enfant avait été étouffé.
15 Alors, je ne sais pas combien de personnes ont été transférées vers Tuzla.
16 Je pense qu'ils ont réussi à en prendre un certain nombre. Mais je ne sais
17 pas non plus combien de camions il y avait. Et puis, on a mis fin à cette
18 évacuation.
19 Et voilà, l'évacuation a été terminée.
20 Q. J'aimerais maintenant que nous nous concentrions sur un autre
21 événement. Les Juges de la Chambre ont également entendu déjà des
22 dépositions de témoins à ce sujet-là, je pense plus précisément à une
23 attaque, à un pilonnage du terrain de jeu qui se trouvait près de l'école
24 dans la ville de Srebrenica.
25 Veuillez dire aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît, ce que vous en
26 savez. Que savez-vous de cette attaque ?
27 R. D'après mes souvenirs, à ce moment-là, je me trouvais chez moi dans mon
28 appartement. Il était à peu près midi. Je ne sais plus exactement de quelle
Page 9845
1 date il s'agit. Le pilonnage a été terrifiant. Nous avions de quoi manger,
2 mais nous n'avions pas d'eau. Et donc, j'ai dit à ma petite fille, celle
3 qui était plus âgée, d'aller chercher de l'eau à un point d'eau.
4 Mais entre-temps, le pilonnage a commencé, et j'ai couru après elle
5 parce que j'avais paniqué. J'avais peur qu'elle ne soit tuée. Donc je suis
6 arrivé en courant à ce point d'eau. Je ne l'ai pas retrouvée, et puis j'y
7 ai vu une vieille femme qui était assise. J'avais cru qu'elle s'était
8 assise comme ça pour se reposer, mais à la regarder de plus près, je me
9 suis aperçu qu'en fait elle était tombée. Et puis, je suis monté un peu
10 plus haut. J'ai vu un enfant, mais je me suis aperçu que ce n'était pas mon
11 enfant à moi.
12 Alors, tout paniqué comme j'étais, (expurgé)
13 (expurgé) et elle m'a répondu. Elle a dit :
14 Papa, Je suis là, et alors, je me suis senti soulagé
15 Entre-temps, il y avait un jeune homme dans une voiture avec une
16 petite remorque, et alors nous nous sommes mis à ramasser les personnes
17 blessées et nous les avons amenées à l'hôpital. Et une fois arrivé à
18 l'hôpital, j'ai passé quelque temps à regarder les morts et les blessés
19 qu'on n'arrêtait pas d'apporter. Et puis, il y avait un médecin qui est
20 sorti, qui m'a vu, et il m'a reconnu parce que c'est dans cet hôpital-là
21 que j'avais été traité lorsque j'ai été touché par l'obus, et comme il y
22 avait trop de monde, il m'a dit : Mais tu aurais dû apprendre quelque chose
23 pendant que tu étais malade. Sans doute tu peux faire un simple pansement.
24 Alors, je me suis mis à aider les médecins. Je me suis mis à panser les
25 blessés.
26 Q. Permettez-moi de vous arrêter quelques instants.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Nyambe a une question pour le
28 témoin.
Page 9846
1 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci. En fait, j'ai une question
2 pour M. Thayer plutôt. A la page 60, lignes 15 à 19, vous avez dit :
3 "Je souhaiterais attirer votre attention sur un autre événement dont la
4 Chambre a déjà entendu parler lors de témoignages précédents. Il s'agit de
5 pilonnage, d'une attaque lancée contre un terrain de jeu tout près de
6 l'école."
7 Pourriez-vous, je vous prie, placer ceci dans son contexte, à quelle
8 période a eu lieu cette attaque en question ?
9 M. THAYER : [interprétation] Certainement, Madame le Juge.
10 Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.
11 M. THAYER : [interprétation] Je peux d'abord vous dire que le transcript,
12 aux pages 1 118 à 1 125, c'est le témoignage précédent. Je voulais montrer
13 au témoin des rapports des Nations Unies et d'autres documents qui pourront
14 vous permettre de placer le tout dans son contexte et de donner la date et
15 l'endroit pour ce qui est du pilonnage, et je voulais également obtenir
16 d'autres éléments et d'autres détails du témoin concernant ce pilonnage.
17 J'espère pouvoir répondre à votre question de cette façon-ci. Monsieur le
18 Président, je voudrais une expurgation à deux endroits. Il y a deux
19 références qu'il nous faut expurger.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous attirer mon attention
21 sur le premier endroit qu'il faut expurger. Nous avons déjà noté le
22 deuxième.
23 M. THAYER : [interprétation] Oui, la première mention qu'il faudrait
24 expurger se trouve… un instant, s'il vous plaît.
25 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
26 M. THAYER : [interprétation] A la page 61, ligne 12, le témoin mentionne un
27 nom. J'imagine que vous faites référence à une mention préalable au nom de
28 sa fille, n'est-ce pas ?
Page 9847
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous l'avons vu à la page 61, et
2 alors ceci sera expurgé. Et l'autre ?
3 M. THAYER : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner la
5 référence, je vous prie ?
6 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
7 M. THAYER : [interprétation] Page 61, ligne 6, Monsieur le Président -- 7,
8 plutôt.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Alors, le passage sera
10 expurgé. Très bien.
11 Veuillez poursuivre, je vous prie.
12 M. THAYER : [interprétation]
13 Q. Monsieur, vous venez de nous dire que le médecin vous a demandé de
14 l'aider à prodiguer des soins à ces personnes blessées.
15 Alors, pour continuer dans cette veine, pourriez-vous, je vous prie,
16 expliquer aux Juges de la Chambre qui a fait l'objet de cette attaque ?
17 Pourriez-vous nous dire quels étaient les objectifs ou les cibles qui ont
18 été touchés ? Enfin, dites-nous, s'il vous plaît, ce que vous avez vu, et
19 par la suite nous allons entrer dans des détails.
20 R. Je ne sais pas quelle était la cible précise. Mais je sais que l'école
21 était bondée de réfugiés alors que le terrain de jeu servait aux enfants et
22 aux locataires pour se divertir. Ces derniers jouaient au foot, et il y
23 avait plusieurs personnes qui passaient leur temps sur ce terrain de jeu
24 pour se divertir. Tous les jours, il y avait un tournoi de foot mineur.
25 C'est là que les gens passaient leur temps libre quand ils le pouvaient,
26 quand il n'y avait pas de pilonnage, bien sûr.
27 Q. Et lorsque le terrain de jeu a fait l'objet de pilonnage, que s'est-il
28 passé ?
Page 9848
1 R. Les enfants et les personnes -- vous savez, Srebrenica était
2 surpeuplée. Il y avait énormément de personnes. Même si la personne qui
3 souhaitait lancer un obus, même sans cible spécifique, comme il y avait
4 tellement de gens partout, même si on lançait un obus au hasard, on pouvait
5 certainement blesser un très grand nombre de personnes. Mais il est certain
6 que ce terrain de jeu où les enfants jouaient au foot --
7 C'était une journée où il y a eu environ 70 blessés. C'est ce qu'on disait
8 à l'hôpital : 100 personnes ont été tuées, et 70, blessées.
9 Q. Expliquez-nous, et expliquez aux Juges de la Chambre également, ce que
10 vous avez fait lorsque le médecin vous a demandé de l'aider à prodiguer des
11 soins.
12 R. eh bien, je l'ai aidé, effectivement. A un moment donné, on m'a emmené
13 un homme de Kapetanovic Cuprija, de Potocari. En réalité, je connaissais
14 cet homme. Il s'appelait Jahija Smajlovic, surnommé Pasalic. Il était
15 grièvement blessé à la suite de blessures d'éclats d'obus. On avait dit
16 qu'il y avait eu un pilonnage là-bas. Et j'avais presque terminé de lui
17 prodiguer des soins, de le panser, et il est mort là sur place.
18 Et par la suite, il y avait un garçon de 13 ans, il a été blessé au tibia.
19 Sa tête était recouverte de sang. On semblait apercevoir simplement une
20 égratignure plutôt à la surface, pas tellement en profondeur, mais en tout
21 cas, son tibia était plutôt assez amoché.
22 Et il y a avait également une femme un peu plus vieille qui attendait son
23 tour. Elle attendait d'être pansée, et entre-temps, elle est décédée.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] A quel moment est-ce que ceci a eu
25 lieu ? Est-ce que vous pouvez nous donner une date ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de la date.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais approximativement. Pouvez-vous
28 nous donner une indication quant au mois, quant à l'année ?
Page 9849
1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était pendant la période pendant laquelle on
2 était censés créer l'enclave, lorsque Morillon est arrivé. Je sais qu'il
3 avait été question qu'il devait peut-être rester ou partir, mais je ne me
4 souviens plus de la date exacte.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en avril. En avril, je crois, oui.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous souvenez-vous de l'année ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'était en 1993. C'était en avril
9 1993. Oui, oui, certainement en avril. Je suis sûr que c'était en avril,
10 parce qu'avant ça, j'ai essayé de --
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. THAYER : [interprétation]
13 Q. Monsieur, permettez-moi de vous interrompre quelques instants.
14 Vous avez déjà mentionné plus tôt que des musiciens jouaient dans la zone
15 près du terrain de jeu. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre si
16 vous vous souvenez de ce qui se passait ce jour-là sur le terrain de jeu.
17 Vous souvenez-vous qu'en 2007, vous aviez déclaré qu'il y avait une sorte
18 de fête sur le terrain de jeu et que les musiciens jouaient ?
19 R. Non, ce n'était pas une fête. Il y avait des tournois, des tournois en
20 foot de salle. C'était des enfants qui jouaient au foot. Mais en fait, ce
21 n'était pas seulement des enfants. Il y avait également des adultes et des
22 civils. Toutes les personnes qui souhaitaient jouer au foot pouvaient
23 s'organiser en équipe et il y avait des tournois entre ces équipes. Et
24 c'est là que la population se rassemblait. Il y avait des femmes, des
25 jeunes hommes, des enfants. C'est là qu'ils venaient pour passer leur
26 temps, puisqu'il n'y avait pas d'autres activités ou obligations. Mais vous
27 avez effectivement bien dit.
28 Il y avait une clôture en fer autour du terrain de jeu, et dans un coin,
Page 9850
1 effectivement, un obus est tombé, mais l'obus n'a pas touché les musiciens.
2 Mais il y avait du sang et il y avait des bouts de parties de corps qui
3 étaient accrochés à ce fil barbelé de cette clôture en fer. Et après, les
4 gens faisaient des blagues pour dire à quel point les musiciens n'ont pas
5 finalement succombé. Ils n'ont pas du tout été touchés par cet obus.
6 Q. Très bien.
7 M. THAYER : [interprétation] Jetons un coup d'œil sur la pièce 65 ter 6167.
8 Q. La pièce sera affichée dans quelques instants à l'écran.
9 Voyez-vous dans votre propre langue qu'il s'agit d'un rapport de la
10 FORPRONU ?
11 R. Oui.
12 Q. Le rapport porte la date du 12 avril 1993. L'objet de ce rapport porte
13 sur la situation à Srebrenica.
14 Prenons la page 2 en anglais, et je voudrais également qu'on affiche la
15 page 2 en B/C/S. Il s'agit d'une lettre du commandant Wahlgren de la
16 FORPRONU adressée au président Karadzic. Et l'objet est la situation à
17 Srebrenica.
18 Le premier paragraphe est lisible, et ici on peut voir qu'il dit :
19 "Malgré une promesse d'une solution politique au problème de
20 Srebrenica, les promesses qui nous ont été données par le général Mladic,
21 j'ai reçu le rapport suivant de mon personnel â Srebrenica à 18 heures 30
22 heure locale…"
23 Et sur la page couverture, nous pouvons voir que la date est le 12
24 avril 1993.
25 Alors, je vous demanderais de bien vouloir prendre connaissance des
26 paragraphes qui suivent en votre for intérieur, je vous prie.
27 R. Cette deuxième déclaration est plutôt correcte, mais…
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il faudrait agrandir quelque peu le
Page 9851
1 texte.
2 M. THAYER : [interprétation]
3 Q. Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous demander si vous avez eu
4 l'occasion de lire le document ?
5 R. Oui, je me suis arrêté au paragraphe C.
6 Q. Très bien. Sur la base de ce que vous avez lu dans ce rapport,
7 pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si ce qui est décrit ici est
8 bien la description du pilonnage dont vous avez parlé il y a quelques
9 instants, ou s'agit-il d'une autre attaque ?
10 R. C'est probablement la même attaque puisque nous voyons qu'il y a un
11 très grand nombre de blessés; 35 morts et 65 blessés. Ceci correspond aux
12 chiffres que j'avais entendus à l'hôpital, à savoir qu'il y avait environ
13 70 blessés et 100 morts. Pour ce qui est maintenant du point A, oui,
14 effectivement, je crois que c'est tout à fait juste.
15 J'imagine que ceci correspond puisqu'il y a un nombre assez important
16 de blessés et de morts.
17 Q. Au paragraphe B, on fait référence au fait que l'école servait de
18 centre de réfugiés. Pourriez-vous nous dire à quoi ceci fait référence ?
19 R. Oui, effectivement, c'était un centre de réfugiés pour les personnes
20 qui étaient expulsées. Le terrain de jeu se trouvait devant l'école
21 élémentaire et l'école secondaire de Srebrenica. L'école s'appelait Mihajlo
22 Bilakovic.
23 Q. Au paragraphe C, on peut voir qu'il est fait référence à une deuxième
24 ronde de pilonnage, qui parle de l'arrivée des tirs de riposte, et on dit
25 ici qu'il y a eu des victimes. Est-ce que vous vous souvenez du fait qu'il
26 y a eu un deuxième pilonnage ce jour-là ?
27 R. Oui, il y avait un deuxième pilonnage, mais je crois que c'était plutôt
28 dans la soirée, donc vers la tombée de la nuit. Maintenant, je ne sais pas
Page 9852
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 9853
1 combien il y avait de blessés lors de ce deuxième pilonnage, et je ne sais
2 pas combien il y avait de victimes. Mais oui, effectivement, un autre
3 pilonnage a eu lieu.
4 Q. Vous souvenez-vous si les Bosniens ont riposté à la suite de ce
5 deuxième pilonnage ?
6 R. Je ne le sais pas.
7 Q. D'après vous, Monsieur, d'après vos connaissances, le premier
8 pilonnage, qui a tué ces jeunes enfants et ces personnes qui se trouvaient
9 là sur ce terrain de jeu, est-ce que vous savez s'il y a eu une provocation
10 quelconque ? Est-ce que vous savez s'il y a eu des tirs du côté bosnien
11 avant que l'on effectue ce pilonnage du terrain de jeu ce jour-là ?
12 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas. Je ne crois pas que
13 c'était causé par une provocation. Je crois que c'est à ce moment-là que la
14 FORPRONU venait. Ils essayaient de passer et ils empêchaient le passage des
15 effectifs de la FORPRONU à Srebrenica. Et c'est à ce moment-là qu'ils
16 faisaient ces pressions avec le pilonnage.
17 Q. Bien.
18 R. Je crois qu'il fallait procéder à la formation de l'enclave. C'était
19 leur objectif. Sans provocation. A savoir qu'ils souhaitaient simplement
20 tuer la population de Srebrenica. La population musulmane.
21 Q. Très bien.
22 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation demande le
23 versement au dossier de la pièce 65 ter 6167.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Elle sera versée au
25 dossier.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce
27 portera la cote P1814.
28 M. THAYER : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche la pièce 3573,
Page 9854
1 s'il vous plaît.
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Y a-t-il une traduction en anglais ?
3 M. THAYER : [interprétation] Je crois qu'il devrait y avoir une traduction
4 en anglais.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le greffe nous dit que la traduction
6 en anglais n'est pas téléchargée dans le prétoire électronique, elle
7 n'existe pas.
8 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] On m'apprend qu'une traduction existe
10 effectivement, qu'elle est également cotée, mais qu'il n'y a pas de lien
11 nous permettant de l'afficher à l'écran. Donc il doit y avoir un problème
12 technique, mais effectivement, elle existe et elle est téléchargée dans le
13 prétoire électronique.
14 M. THAYER : [interprétation] Ce n'est qu'une toute petite partie qui
15 m'intéresse, et nous pourrions l'afficher à l'écran si vous le souhaitez
16 pour l'instant.
17 Q. Monsieur, nous avons devant nous un document pour lequel nous pouvons
18 tous être d'accord pour dire qu'il s'agit d'un rapport du service de
19 renseignement qui porte la date du 14 avril 1993. En haut du document, les
20 trois premières lignes se lisent comme suit : "Etat-major principal, armée
21 de la Republika Srpska."
22 R. Oui.
23 Q. Administration chargée des questions administratives et questions
24 relatives à la sécurité, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maintenant, la traduction apparaît à
27 l'écran.
28 M. THAYER : [interprétation] Merci. Très bien.
Page 9855
1 Q. Il s'agit d'un rapport du renseignement qui porte la date du 14 avril
2 1993. Ce rapport est envoyé deux jours après le pilonnage que nous avons vu
3 il y a quelques instants du commandant des effectifs au président Karadzic.
4 M. THAYER : [interprétation] Passons maintenant à la dernière page des deux
5 versions, s'il vous plaît. Il s'agira, en fait, de l'avant-dernière page en
6 B/C/S et il s'agira également de l'avant-dernière page en anglais. Nous
7 voyons ici que le rapport a été envoyé par le général Tolimir. Je
8 souhaiterais revenir une page en arrière.
9 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Dans le document, on peut lire
10 colonel Zdravko Tolimir.
11 M. THAYER : [interprétation] Oui. En fait, M. Tolimir était colonel à
12 l'époque.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais saluer
15 le témoin. Je souhaite que son témoignage se déroule selon la volonté de
16 Dieu, et non pas selon la mienne. Je lui souhaite une bonne journée parmi
17 nous.
18 J'aimerais savoir comment cela se fait-il qu'à l'écran, nous ayons vu un
19 texte qui a été biffé au feutre noir. J'aimerais que l'on m'explique ce que
20 c'est, puisque je n'ai jamais vu cette ligne diagonale traverser la page
21 auparavant.
22 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, de quoi s'agit-il ?
23 M. THAYER : [interprétation] Nous pouvons passer en revue chaque page du
24 document. Je ne suis pas l'auteur du document. Je ne suis pas le
25 récipiendaire non plus du document. C'est l'état dans lequel le document
26 nous est parvenu. Je peux toutefois vous informer, Monsieur le Président,
27 que sur la base de ce que je peux vous dire à prime abord, c'est que
28 quelqu'un a dû biffer une partie qui n'était pas pertinente pour eux, qui
Page 9856
1 ne les intéressait pas. Je ne peux que me livrer à des conjectures,
2 toutefois. Je ne le sais pas.
3 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce qui est nécessaire d'expliquer,
4 c'est justement ce que vous venez de dire, que donc c'est dans cet état-là
5 que vous avez reçu ce document.
6 M. THAYER : [interprétation] C'est --
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ce n'est pas le bureau du Procureur
8 qui a biffé cette page, n'est-ce pas ?
9 M. THAYER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. C'est
10 effectivement le cas.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.
12 M. THAYER : [interprétation] Passons maintenant à la page 3 et la page 2,
13 respectivement en B/C/S et en anglais.
14 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais que l'on
16 affiche de nouveau à l'écran cette page biffée. Je voulais savoir pourquoi
17 elle a été biffée et j'aimerais en prendre connaissance, s'il vous plaît.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, laissez M. Thayer
19 mener son interrogatoire principal. Vous pouvez aborder cette question plus
20 tard si vous le souhaitez, mais pour l'instant, M. Thayer est en train de
21 montrer des documents au témoin. Si vous le souhaitez, vous pouvez soulever
22 cette question et demander l'affichage de la page en question lors de votre
23 contre-interrogatoire.
24 Veuillez poursuivre, Monsieur Thayer.
25 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Q. Prenons la page 2 de l'original --
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Tolimir.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection à
Page 9857
1 formuler. Est-ce que c'est le témoin qui a rédigé ce document ? Le
2 connaît-il ? Si on demande le versement au dossier de ce document par le
3 biais de ce témoin, je voudrais savoir qu'en est-il. J'ai vu une ligne
4 diagonale tout à l'heure à l'écran. Je ne peux pas poser la question au
5 témoin puisque ce n'est pas l'auteur du document.
6 Voilà mon problème.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Vous pouvez, dans le cadre de votre
8 contre-interrogatoire, Monsieur Tolimir, poser toutes les questions que
9 vous souhaitez au témoin concernant ce document. Mais vous allez pouvoir
10 revenir sur ce document plus tard.
11 Monsieur Thayer, poursuivez, je vous prie.
12 M. THAYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Je voudrais attirer votre attention, Monsieur le Témoin, sur un
14 paragraphe qui se trouve à la page 2 de l'original, que vous avez sous les
15 yeux. Ce qui nous intéresse particulièrement, c'est le paragraphe qui
16 commence dans votre langue avec les mots "u funkciji". On fait référence au
17 fait qu'il faut internationaliser le problème. Et en anglais, c'est le
18 paragraphe qui commence avec :
19 "Leur campagne de propagande…"
20 Voyez-vous ce paragraphe, Monsieur, qui fait référence à ceci ?
21 R. Oui.
22 Q. Dans ce paragraphe -- il faut d'abord faire déplacer cette page un peu
23 vers le côté droit de l'écran pour que tout le texte en B/C/S soit visible.
24 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, il faut le faire.
25 M. THAYER : [interprétation]
26 Q. Comme ça, vous pouvez le lire.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais sur tous les écrans, l'affichage
28 est différent. Par exemple, sur notre écran, on ne voit pas le côté gauche
Page 9858
1 de la page. Mais il faut d'abord agrandir la page pour que le témoin puisse
2 le lire, ce texte.
3 M. THAYER : [interprétation]
4 Q. Oui, Monsieur. Donc deux jours après l'attaque que vous avez décrite,
5 le général Tolimir a écrit dans ce rapport du renseignement. Il dit, je
6 cite :
7 "… pour faire attirer l'attention de la communauté internationale sur ce
8 problème et pour sécuriser le déploiement de la FORPRONU à Srebrenica, il y
9 a des pilonnages…" Il souligne qu'il y a des pilonnages, des tirs
10 d'artillerie sur la ville et que beaucoup de civils ont péri.
11 Monsieur, vous étiez là-bas. Est-ce que c'est ce que vous avez vu, ce
12 que le général Tolimir a écrit dans ce rapport en appelant cela des
13 allégations ?
14 R. Oui, il y a eu cette campagne de propagande dans les médias. Nous avons
15 pu improviser certains récepteurs radio en utilisant des moteurs
16 électriques et certaines pièces de vélo. Il y a eu une proclamation selon
17 laquelle un corridor serait ouvert pour que toute la population civile
18 puisse sortir de Srebrenica. Moi, j'ai décidé d'emmener avec moi mon épouse
19 et mes enfants, donc je me trouvais sur la route dans ce corridor, mais
20 j'ai été intercepté.
21 Q. Bien. Nous allons en parler. Nous allons parler du corridor dans
22 quelques instants, et de cette route. Mais concentrons-nous sur cette
23 partie du rapport du renseignement écrit par le colonel Tolimir deux jours
24 après le pilonnage que vous avez vu.
25 Il est fait référence à cette campagne de propagande où il y aurait eu des
26 pilonnages de la ville, des tirs d'artillerie sur la ville. J'aimerais vous
27 poser la question suivante : ce que vous avez vu, est-ce que cela faisait
28 partie de la campagne de propagande ?
Page 9859
1 R. Il y a eu, dans les médias, une campagne --
2 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suis désolé, je ne savais pas que
3 vous aviez déjà fini de poser votre question. J'aimerais d'abord donner la
4 parole à M. Tolimir.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 M. Thayer, en lisant la lettre que le témoin n'a jamais vue, essaie
7 d'obtenir une réponse du témoin par rapport à cette lettre. J'aimerais que
8 M. Thayer pose ses questions de façon différente, et non pas de montrer
9 cette lettre au témoin pour lui poser des questions par la suite. Cette
10 question posée par M. Thayer était une question directrice.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer.
12 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, nous voyons à l'écran
13 un document, et ce document a été écrit par l'accusé au moment des
14 événements décrits par ce témoin. Dans cette lettre, il s'agit des
15 événements qui ont été décrits d'une certaine façon. L'accusé parle des
16 informations qu'il a reçues, des informations dont il disposait à l'époque,
17 et c'est pour cela que je pose cette question au témoin, pour savoir si ces
18 allégations concernant des présumés tirs d'artillerie sur la ville dont le
19 général Tolimir parle dans la lettre ne sont que des allégations ou des
20 faits.
21 C'est pour cela que j'aimerais savoir si ce que le témoin a vu le 12
22 avril 1993 faisait partie de la campagne de propagande ou bien est un fait.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La dernière partie de la
24 question est absolument appropriée et c'est la question que vous devriez
25 poser au témoin.
26 M. THAYER : [interprétation]
27 Q. Monsieur le Témoin, permettez-moi de poser à nouveau cette question.
28 Ce que vous avez vu le 12 avril 1993, est-ce que c'était une allégation du
Page 9860
1 côté musulman ou est-ce que c'était un fait, quant au pilonnage ce jour-là
2 ?
3 R. Il y a eu du pilonnage, c'est absolument certain. Pour ce qui est du
4 corridor qui aurait été ouvert et ce que les médias ont dit, il s'agissait
5 de leur propagande pour exercer une pression sur la population de
6 Srebrenica, pour que la population quitte Srebrenica. Pour ce qui est des
7 pilonnages, il y a eu des pilonnages. Et ça ne se représente pas en une
8 seule preuve pour corroborer cela. Les gens ont été mutilés ou ont disparu
9 dans les bois. Mais il y en a qui ont survécu, donc on a des témoins
10 oculaires de tout cela.
11 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation propose
12 que ce document 3573 soit versé au dossier.
13 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je ne sais pas si ce
14 témoin est le témoin qui puisse témoigner du document affiché pour ce qui
15 est de l'authenticité du document, pour -- comment dire ?
16 Nous parlons de l'année 1993 et vous n'avez fait référence qu'à un seul
17 paragraphe d'un document long. Donc vous devez tirer ce point au clair,
18 parce que je pense que ça peut nous amener à avoir des doutes par rapport à
19 cela. Ou vous pourriez peut-être le faire verser par le biais d'un autre
20 témoin ultérieurement.
21 M. THAYER : [interprétation] D'accord, Monsieur le Président.
22 Q. Regardons un autre document. Vous avez mentionné le corridor que vous
23 décrit comme faisant partie de la propagande des Serbes de Bosnie.
24 M. THAYER : [interprétation] Regardons le document 65 ter 5876, s'il vous
25 plaît.
26 Q. Monsieur, ce qu'on voit à l'écran, c'est une dépêche envoyée par le
27 commandant du Corps de la Drina, c'était le colonel Zivanovic, et il l'a
28 envoyée du département de l'état-major principal qui s'occupait des
Page 9861
1 affaires juridiques et des affaires du culte. Je pense que c'était le
2 général Gvero à l'époque qui s'occupait de ce département. La date est le
3 13 avril 1992 [comme interprété], à savoir le lendemain du pilonnage que
4 vous avez décrit.
5 Nous pouvons voir ici les références pour ce qui est d'un grand nombre de
6 civils qui a trouvé refuge à Srebrenica. Ensuite, un grand nombre de civils
7 qui va essayer de se sauver, de partir de cet endroit encerclé. J'aimerais
8 que vous regardiez le bas de la proposition du général Gvero, où il dit :
9 "Nous demandons que vous vous engagiez pour que la population qui veut
10 quitter Srebrenica quitte Srebrenica et que l'assistant du commandant pour
11 le moral, le général Gvero, ainsi que ses organes, s'engagent pour résoudre
12 ce problème pour ce qui est de la réception des informations concernant les
13 Musulmans de Srebrenica et concernant leur évacuation sûre de la zone des
14 activités de combat."
15 Vous avez parlé du corridor et vous avez parlé des médias des Serbes
16 de Bosnie. Pouvez-vous dire à la Chambre si vous voyez un lien entre la
17 proposition faite par le général Zivanovic au général Gvero, par rapport à
18 votre expérience à l'époque ? Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui s'est
19 passé, et sur la base de quoi vous pouvez dire à la Chambre que cela est
20 reflété dans ce document de la VRS ?
21 R. Oui, quelque chose s'est passé.
22 Moi, j'ai essayé de trouver un refuge. Dans les médias, selon cette
23 propagande, le corridor aurait été ouvert vers Tuzla -- entre Zvornik via
24 Srebrenica et vers Tuzla. Et moi, je me dirigeais vers soi-disant un
25 corridor ouvert ensemble avec ma famille. On a passé 30 kilomètres dans les
26 bois. C'était très dur. Ma fille, qui avait cinq ans à l'époque, a fait
27 elle-même cette route. Nous avons rencontré certaines personnes de Konjevic
28 Polje, et elles disaient qu'il y avait des personnes qui étaient blessées,
Page 9862
1 qui étaient interceptées. J'ai rencontré la sœur de mon épouse, qui était
2 avec son époux et avec son enfant. Elle est retournée et son époux est venu
3 cinq jours après. Donc les gens ont entrepris cette route. Mais il
4 s'agissait, en fait, d'un mensonge, puisque les gens ont péri. Et j'ai
5 décidé de retourner à Srebrenica. J'ai renoncé à cela.
6 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre --
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je suis
8 préoccupé par l'utilisation du temps dans le prétoire. Dans le résumé de ce
9 témoin, que l'Accusation a communiqué à la Chambre, le bureau du Procureur
10 a dit que ce témoin déposerait des événements survenus à Zepa en juillet
11 1995. A l'époque, il a été dit que la déposition de vive voix allait durer
12 une heure et 15 minutes. Maintenant, nous pouvons voir que ce témoin dépose
13 depuis déjà une heure et 30 minutes, et vous avez dit que vous auriez
14 besoin de deux heures pour l'interrogatoire principal. Nous sommes toujours
15 en 1993.
16 Je me demande comment vous allez réussir à en finir avec
17 l'interrogatoire principal en deux heures prévues pour l'interrogatoire
18 principal.
19 M. THAYER : [interprétation] Je ne serai pas capable de le faire en
20 deux heures, Monsieur le Président. Nous avons donc augmenté notre temps
21 par rapport à notre estimation au début qui était de deux heures. Nous
22 avons parlé des événements de 1992 et 1993. Il en a parlé dans son
23 témoignage précédent, mais ces événements sont vraiment des événements
24 cruciaux pour que la Chambre puisse avoir une image complète et le contexte
25 historique de ces événements, puisque c'est lié à des événements en 1995.
26 C'est ce que nous avons dit dans notre mémoire préalable au procès et la
27 déclaration liminaire. Donc les événements de 1995 ne peuvent pas être
28 compris de façon appropriée sans revenir aux événements de 1992 --
Page 9863
1 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, il y a peut-
2 être des raisons pour cela, mais la semaine dernière, vous avez dit que
3 vous alliez en finir avec votre interrogatoire principal en deux heures.
4 C'est pour cela que la Chambre est préoccupée. L'Accusation ainsi que la
5 Défense devraient essayer d'en finir avec leur interrogatoire dans le laps
6 de temps prévu.
7 M. THAYER : [interprétation] C'est vrai, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Continuez, Monsieur Thayer.
9 M. THAYER : [interprétation]
10 Q. Monsieur, pouvez-vous dire à la Chambre comment vous avez entendu
11 parler du corridor et comment exactement avez-vous entendu parler du
12 corridor.
13 R. J'ai entendu parler du corridor à la télévision et à la radio serbe. Il
14 n'y avait pas d'autres stations radio dans cette région qui pouvaient être
15 captées. Nous avons donc entendu parler du corridor pour toute la
16 population civile. La population civile pouvait se rendre de Srebrenica via
17 Zvornik à Tuzla.
18 Moi, j'ai décidé d'emprunter cette route. J'ai passé 30 kilomètres à pied.
19 L'un de mes enfants était sur mon dos, l'autre était à côté de moi. Mon
20 épouse portait un peu de nourriture et des vêtements pour mes enfants. Une
21 fois arrivé à Konjevic Polje, j'ai rencontré la sœur de mon épouse qui
22 était déjà dans ce corridor, mais ils ne pouvaient plus avancer puisqu'une
23 attaque avait été lancée et la population s'est dispersée. Je ne sais pas
24 s'il y a eu des blessés. Je ne sais pas, puisqu'elle n'en disait rien. Donc
25 elle fuyait et elle était arrivée le premier jour.
26 Mais le cinquième jour, son époux et son enfant sont arrivés. Ils ont fui,
27 et le cinquième jour, il est arrivé chez lui. J'ai donc décidé de ne plus
28 continuer puisque j'ai vu que c'était dangereux. J'ai décidé de ne plus
Page 9864
1 m'engager dans ce corridor qui, apparemment, était dangereux et je suis
2 retourné à Srebrenica, où je suis resté pendant une période de temps.
3 Q. Et une dernière question de suivi concernant le corridor.
4 Lorsqu'on en a parlé à la radio et à la télé serbes, a-t-on défini un
5 laps de temps au cours duquel le corridor serait ouvert ?
6 R. On a parlé de sept jours, d'une semaine, dix jours au maximum, me
7 semble-t-il.
8 Q. Très bien. Mais ma question était la suivante : lorsqu'on a annoncé à
9 la radio que le corridor serait ouvert, a-t-on défini un laps de temps au
10 cours duquel il resterait ouvert ?
11 R. On ne l'avait pas dit avec précision, mais on avait indiqué que le
12 corridor resterait ouvert pendant une dizaine de jours.
13 Q. Très bien.
14 M. THAYER : [interprétation] L'Accusation souhaite demander le versement au
15 dossier du document 5876 de la liste 65 ter.
16 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Thayer, je pense que nous
17 nous retrouvons ici dans la même situation qu'avec le document précédent.
18 Le témoin n'a pas été à même de nous dire quoi que ce soit sur la
19 teneur du document, et notamment il a été incapable de l'authentifier. Il
20 nous a décrit amplement la situation qui prévalait sur le terrain, mais
21 nous nous demandons si c'est bien le témoin par l'intermédiaire duquel il
22 faut demander le versement au dossier de ce document.
23 M. THAYER : [interprétation] Je comprends ce qui préoccupe les Juges
24 de la Chambre, mais je souhaite également vous présenter mon point de vue.
25 Le même critère a été appliqué à la Défense lorsqu'elle demandait le
26 versement au dossier de documents similaires dans des circonstances
27 comparables. Nous pensons que si le témoin peut s'exprimer au sujet des
28 événements qui sont évoqués dans un document, même s'il n'a pas participé à
Page 9865
1 la rédaction dudit document, nous pouvons tout de même demander le
2 versement au dossier de ce document. Alors, c'est de cette façon-là que
3 nous avons interprété les décisions prises par les Juges de la Chambre et
4 c'est pourquoi nous adoptons cette approche avec ce témoin.
5 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Thayer, mais il
6 faut distinguer. Je n'ai pas lu ce document dans sa totalité, mais ce que
7 vous avez présenté au témoin est un ordre qui prévoit la façon dont il
8 fallait résoudre la situation à l'avenir, et non pas la situation telle
9 qu'elle prévalait sur le terrain à ce moment donné. Il faut distinguer
10 entre les deux.
11 M. THAYER : [interprétation] Je l'ai parfaitement compris, Monsieur
12 le Président.
13 Q. Alors, pour gagner du temps, Monsieur, passons de l'année 1993
14 directement à l'année 1995, et je vais vous poser des questions quelque peu
15 directrices pour gagner du temps. Peut-on dire que vous êtes parti de
16 Srebrenica à un moment donné au cours de l'année 1993 pour reprendre le
17 chemin du village de votre père ?
18 R. Oui, tout à fait. Souhaitez-vous que je vous explique les raisons
19 pour lesquelles j'ai agi ainsi ?
20 Q. Si vous pouvez le faire très brièvement, dans une phrase ou deux,
21 alors oui. Expliquez aux Juges de la Chambre pourquoi vous êtes parti de
22 Srebrenica.
23 R. Avant tout, nous faisions face à une catastrophe humanitaire à
24 Srebrenica. Il n'y avait pas de vivres. Tandis qu'à Zepa, les convois
25 humanitaires arrivaient avec plus de régularité. Et j'avais aussi ma maison
26 familiale et mon petit bout de terrain qu'il m'était possible de labourer
27 pour avoir des fruits et des légumes dès le printemps. C'est tout.
28 Q. A regarder le compte rendu d'audience, je trouve votre réponse un peu
Page 9866
1 difficile à déchiffrer. Ce qui est indiqué est ce qui suit :
2 "La situation humanitaire sur le terrain était désastreuse. Il n'y avait
3 pas de vivres à Zepa --"
4 R. Non, j'avais dit qu'il n'y avait pas de vivres à Srebrenica.
5 Q. Tandis que la situation était bien meilleure à Zepa, n'est-ce pas ?
6 R. Mais oui, certainement.
7 Q. Très bien. Les Juges de la Chambre ont entendu un grand nombre de
8 témoins parler des Casques bleus ukrainiens envoyés à Zepa. Nous avons
9 entendu dire que l'aide humanitaire a commencé à arriver dans la zone de
10 Zepa à un moment donné. Alors, dites-nous très brièvement, en disant oui ou
11 non, si vous avez pris part à la distribution de cette aide humanitaire
12 dans l'enclave de Zepa ?
13 R. Oui, j'y ai pris part. J'ai distribué de l'aide humanitaire.
14 Avant, il y a eu un autre groupe qui distribuait de l'aide humanitaire,
15 mais à un moment donné, on avait constaté qu'il y avait eu des vols. C'est
16 à ce moment-là que sept d'entre nous ont été sélectionnés pour se charger
17 de la distribution de l'aide humanitaire. Il est clair que la population
18 nous estimait puisque nous étions choisis pour distribuer cette aide.
19 Q. Lorsque vous êtes revenu dans la zone de Zepa, vous y êtes resté de
20 1993 jusqu'à, disons, au mois de juillet 1995. Etiez-vous engagé au sein de
21 l'armée pendant ce temps-là ?
22 R. Non. En fait, si, juste avant la chute de l'enclave. On nous a tous
23 forcés à sortir sur les lignes pendant qu'on pilonnait les villages. Les
24 Chetniks nous attaquaient de tous les côtés. De l'autre côté de Zepa, ils
25 avaient déjà tout occupé. Ils pénétraient dans les maisons, ils les
26 pillaient, les incendiaient, et cetera.
27 Q. Nous y arriverons dans quelques instants, Monsieur.
28 En 1995, avez-vous relevé quoi que ce soit au sujet de la régularité avec
Page 9867
1 laquelle l'aide humanitaire était apportée à l'enclave de Zepa ?
2 R. Quelque deux mois avant la chute de l'enclave, l'aide humanitaire
3 arrivait régulièrement, deux ou trois fois par mois. Mais un mois avant la
4 chute de Zepa, nous ne recevions plus rien au niveau de l'aide humanitaire.
5 Ceci avait un impact sur la situation, parce qu'il y avait un grand nombre
6 de réfugiés qui venaient à pied de Srebrenica pour récupérer des vivres.
7 Par exemple, moi, je connaissais un grand nombre de personnes, et si on
8 venait me quémander des vivres, je ne pouvais pas refuser de donner à ces
9 personnes un bout de pain ou un sac de farine. D'autres personnes
10 agissaient de même que moi. Donc nous distribuions de l'aide un peu à tout
11 le monde.
12 Et puis, à un moment donné, toute aide a été arrêtée.
13 Q. Avez-vous entendu des histoires, voire des rumeurs, au sujet
14 d'hélicoptères qui auraient été utilisés pour apporter des armes, des
15 munitions et d'autres équipements aux combattants bosniens dans les
16 enclaves ? Disons, entre les années 1994 et 1995. Avez-vous des rumeurs qui
17 circulaient à cet effet, des histoires qu'on racontait ?
18 R. Oui. J'ai entendu dire qu'un hélicoptère avait été abattu et que
19 l'homme, le pilote, a survécu. Ceci se serait produit à Zepa. C'est ce que
20 j'ai entendu dire.
21 Q. Très bien.
22 R. Un ou deux hommes, en fait, auraient survécu à cet accident.
23 Q. Et en 1995, pour nous concentrer sur cette année-là uniquement, avez-
24 vous entendu de nouveau des histoires ou des rumeurs qui circulaient au
25 sujet d'attaques ou de tentatives de sabotage qui auraient été faites par
26 les membres de l'ABiH de l'intérieur des enclaves de Zepa et de Srebrenica
27 ? Ces attaques auraient été dirigées contre des cibles serbes bosniaques
28 qui se trouveraient en dehors des enclaves.
Page 9868
1 R. Non, je n'ai jamais rien entendu dire à ce sujet-là. Je ne faisais pas
2 partie de l'armée pendant que la paix régnait toujours dans les enclaves de
3 Zepa et de Srebrenica, je parle de l'époque où cette zone a été
4 démilitarisée. Je n'ai jamais rien entendu dire à ce sujet.
5 Q. Très bien. Et vous avez déjà dit aux Juges de la Chambre qu'à un moment
6 donné, à la veille de la chute de l'enclave de Zepa, donc au mois de
7 juillet 1995, vous avez pris part à la défense de l'enclave. Vous dites
8 qu'à Zepa, vous n'étiez pas soldat, mais au moment où l'enclave était sur
9 le point d'être occupée, vous avez quand même pris part à un certain nombre
10 d'activités.
11 Qu'avez-vous fait au juste ?
12 R. J'ai été envoyé sur la ligne de front près de l'endroit appelé Stublic.
13 Mais nous étions obligés de le faire. Il fallait monter la garde, le jour
14 comme la nuit. Les pilonnages étaient extrêmement intenses. Il y avait un
15 grand nombre de personnes qui avaient survécu à la chute de Srebrenica,
16 mais qui n'avaient pas réussi à arriver sur le territoire libre. Ils nous
17 racontaient ce qui s'était passé après la chute de Srebrenica. Et donc,
18 nous étions paniqués à l'idée que les Chetniks pouvaient pénétrer dans
19 l'enclave et nous assassiner tous, nous, les femmes, les enfants, tout le
20 monde. C'est la raison pour laquelle nous étions tous déployés le long des
21 lignes de la défense. Et puis, il a été annoncé que les civils devaient
22 être transférés. Moi, par ailleurs, tous les autres, nous avions emmené nos
23 femmes et nos enfants à l'endroit prévu parce que nous avions entendu dire
24 que toutes les femmes, tous les enfants et toutes les personnes âgées
25 devaient se rendre à un endroit précis de Zepa pour être transférés vers
26 Kladanj par la Croix-Rouge internationale. Mais ce n'était pas la Croix-
27 Rouge internationale qui s'en chargeait, en fait. Pas question d'une
28 escorte fournie par la Croix-Rouge internationale. Tout simplement, ils ont
Page 9869
1 été transférés à bord de véhicules et, en route, ils avaient été fouillés,
2 on les a menacés, et cetera.
3 Q. Très bien. Nous allons y arriver dans quelques instants, Monsieur.
4 Une autre question, très rapidement : lorsque vous êtes arrivé à cette
5 localité de Stublic, étiez-vous armé ?
6 R. J'ai récupéré le fusil des gardes qui avaient été chargés de surveiller
7 la situation avant moi. A Stublic, on avait quelques armes, mais de façon
8 générale, on ne les portait pas sur soi. Je ne sais pas pourquoi.
9 Probablement que ce n'était pas très sûr. Mais quand j'y suis allé, je me
10 souviens d'y avoir passé trois jours. Il m'a été impossible de dormir
11 pendant ce temps-là parce que la situation était extrêmement dangereuse.
12 Nous pouvions entendre les soldats Chetniks discuter tout près de nous, en
13 contrebas. Et j'avais du mal à dormir au cours de la nuit parce que j'avais
14 trop peur qu'ils pouvaient venir me capturer ou m'égorger, ou qu'en sais-
15 je. Mais à chaque fois que je terminais mon service en tant que garde, je
16 laissais mon fusil derrière moi. Je rentrais chez moi pour un jour ou deux.
17 Et les choses se déroulaient ainsi pendant à peu près deux semaines à la
18 veille de la chute de l'enclave.
19 Mais un chaos total régnait. On ne savait plus qui faisait quoi, qui
20 avait quoi à sa disposition. C'est depuis Vratar qu'on a pénétré dans
21 l'enclave. On a incendié les villages. Et après avoir laissé derrière moi
22 mon épouse, j'ai vu le village de Vratar, et puis, de l'autre côté du mont
23 Borovac, ce village était incendié, et j'ai passé la nuit dans la forêt. En
24 fait, je suis d'abord allé à la maison, et puis je suis allé chercher
25 d'autres personnes pour me consulter avec vous. Que devions-nous faire ? La
26 situation était extrêmement dangereuse. C'est était impossible à décrire.
27 Tu ne sais pas où aller. Tu as peur de ce qu'il t'arrivera si on te
28 capture. Que vont-ils faire à tes enfants ?
Page 9870
1 Le lendemain, j'ai rencontré à Igrisnjik, un groupe plus grand de
2 personnes, et je leur ai demandé ce qui se passait et ce que nous allions
3 faire. On m'a dit qu'on ne pouvait aller nulle part, qu'il fallait rester
4 sur place. C'est là que je suis retourné à Poljanica, où j'ai rencontré mes
5 frères, ainsi que des amis et des connaissances. Nous avons constaté qu'il
6 n'était pas possible de passer en grands groupes à travers la ligne Chetnik
7 de façon imperceptible, et nous avons décidé d'y rester pendant une
8 certaine période de temps, de ne pas bouger, puisque nous nous attendions à
9 ce que l'aide des Nations unies arrive, ou de l'OTAN, que ces organisations
10 allaient réagir d'une façon ou d'une autre. Pourtant, rien ne s'est passé.
11 Il n'y avait pas de réaction aucune.
12 On est partis dans le défilé de la Drina pour se cacher dans une
13 cave. Nous amenions avec nous de la farine, des vivres. Et la dernière fois
14 que je suis parti de cette cave, j'ai rencontré un ancien camarade de
15 classe qui fréquentait la même école secondaire de mine à Srebrenica et il
16 m'a dit -- d'abord, je lui ai demandé ce qu'il comptait faire, où aller et
17 comment faire. Il m'a dit qu'il était avec son cousin -- le fils de son
18 frère et d'autres cousins, et il m'a dit qu'il avait l'intention de partir
19 pour la Macédoine, puisque avant, il y avait des personnes qui ont réussi à
20 arriver jusqu'à la Macédoine et de quitter l'enclave. Il m'a donc dit qu'il
21 connaissait le terrain. Il travaillait dans une entreprise de Belgrade. Il
22 m'avait dit qu'il avait été dans la région où la nouvelle centrale
23 hydroélectrique avait été construite, donc il s'est trouvé sur le terrain,
24 et je lui ai demandé si je pouvais me joindre à eux. Il m'a dit qu'il n'y
25 avait absolument pas de problème.
26 Et j'ai donc décidé de l'accompagner. Par la suite, je suis retourné
27 dans la grotte et j'ai dit : Ecoutez, je ne voudrais pas vous faire de
28 proposition quelconque, mais voilà ce que j'ai l'intention de faire, parce
Page 9871
1 que je ne voudrais pas que vous périssiez à cause de ma décision. Ce serait
2 peut-être mieux de se séparer. Donc je les ai salués et je suis parti.
3 Ensuite, j'ai traversé la Drina. Dans l'après-midi de cette même
4 journée, j'ai donc traversé la Drina. Nous avons fait un feu, nous avons
5 essayé de nous sécher un petit peu, nous nous sommes changés et nous sommes
6 sortis sur la montagne. A un moment donné, l'armée yougoslave s'est
7 présentée. Ils ont dit qu'ils allaient garantir notre sûreté. Ils ne nous
8 ont pas du tout maltraités. Il y avait environ une dizaine d'eux. Et
9 lorsqu'ils nous ont emmenés dans un groupe où il y avait environ 150
10 personnes, il n'y avait pas non plus de mauvais traitement, jusqu'à ce
11 qu'un nouveau groupe de l'armée yougoslave n'arrive. Il y en avait un
12 certain qui s'appelait Crni, il a commencé à nous insulter, à nous
13 maltraiter. Par la suite, ils nous ont placés en colonne et ils avaient
14 l'intention de nous emmener quelque part. Je ne sais pas où ils voulaient
15 nous emmener.
16 Mais nous sommes arrivés sur un pré, et c'est à ce moment-là que,
17 lorsque j'ai essayé de voir où nous étions, j'ai pensé un petit peu à
18 l'endroit où nous pouvions être et j'ai entendu, à un moment donné, dire :
19 Arrête. Le fusil était également pointé vers nous. J'ai entendu les armes.
20 J'étais pétrifié, j'ai cru qu'ils allaient nous fusiller. Mais vous savez,
21 dans des situations pareilles, on réfléchit tellement rapidement, il y a
22 plein de choses qui nous passent par la tête, et à un certain moment donné,
23 je me suis dit qu'il fallait fuir de la colonne étant donné que la Drina
24 était tout proche de là et il y avait une forêt qui était non loin
25 également. Et à un certain moment donné --
26 Q. Alors, je voudrais revenir à l'instant où vous avez traversé la rivière
27 pour vous rendre en Serbie; est-ce que c'est bien ça ?
28 R. Oui.
Page 9872
1 Q. J'aimerais vous ramener à l'instant avant de traverser la rivière et
2 j'aimerais vous poser des questions de suivi avant de parler de ce qui est
3 arrivé après que l'on vous ait capturé du côté serbe.
4 Je remarque qu'il nous reste encore cinq minutes avant la fin de la
5 journée. Il me reste encore à peu près 15 minutes pour l'interrogatoire de
6 ce témoin, et je m'approche des deux heures que j'avais demandées.
7 Alors, Monsieur, vous avez décrit vous être retrouvé dans une grotte
8 avant de passer de l'autre côté. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la
9 Chambre à quoi ressemblait ce terrain, cet endroit où ces personnes de Zepa
10 se cachaient avant que vous ne décidiez quoi faire.
11 R. Dans la région de Poljanica dans le canyon de Drina, il y a un terrain
12 de chasse et il y a également une grotte dans laquelle je me trouvais.
13 C'est une grotte qu'avait utilisée également mon père qui, pendant la
14 Deuxième guerre mondiale, fuyait les fascistes, les Chetniks. Donc c'était
15 une vieille caserne, on connaissait son existence. Et il y avait également
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé) mais ils n'ont pas pu passer sur le territoire libre. Donc il y
19 avait environ une quarantaine de personnes autour de moi, avec moi et avec
20 mes frères.
21 Q. [aucune interprétation]
22 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, il nous faudra procéder
23 à une expurgation. Il s'agit de la mention qui se trouve à la page 87,
24 ligne 13.
25 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, ce sera fait.
26 M. THAYER : [interprétation]
27 Q. Ma question est très précise. Vous avez mentionné une caverne, vous
28 avez mentionné une gorge ou un canyon dans cette région de Poljanica.
Page 9873
1 Pourriez-vous décrire aux Juges de la Chambre à quoi ressemble ce terrain
2 dans cette région précise, à cet endroit-là où vous vous cachiez. Est-ce
3 que c'était plat, était-ce une forêt, était-ce vallonné ? Enfin, à quoi
4 ressemblait ce terrain ?
5 R. Le canyon de la Drina se trouve à une -- enfin, les rochers se trouvent
6 à une très grande altitude. Il y a également une forêt. C'est un terrain
7 boisé. Il y a des sentiers et il y a cette caverne qui s'appelle Sokolina.
8 Et depuis la Sokolina en allant vers le bas, vers la Drina, les rochers
9 sont très abrupts. Enfin, on ne peut pas vraiment se déplacer par là. C'est
10 inaccessible et c'est très dangereux. On ne peut plus avancer, on s'arrête
11 là.
12 Et de toute façon, c'est dans la région de Poljanica. Cette entrée où
13 le sentier commence, le sentier qui longe ces rochers -- il y a donc un
14 sentier. C'était des prés. Maintenant, peut-être qu'il y a une forêt. Je ne
15 sais pas.
16 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, car il ne nous
17 reste encore que quelques minutes avant la fin de la journée d'aujourd'hui,
18 de quelle façon, comment vous y êtes-vous pris pour traverser la Drina ?
19 Comment avez-vous traversé ?
20 R. Nous avions des pneus intérieurs des camions -- vous savez, ces gros
21 pneus. Donc on les avait gonflés, et c'est ainsi que nous avons pu passer
22 de l'autre côté de la Drina.
23 M. THAYER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que j'aurais
24 besoin d'encore 15 minutes pour le témoin. J'ai une carte à montrer au
25 témoin pour qu'il puisse nous faire des annotations. Donc je crois que je
26 vais pouvoir terminer l'interrogatoire de ce témoin en deux heures comme
27 c'était prévu. Il me restera encore 15 minutes pour demain.
28 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
Page 9874
1 Monsieur, il nous faut lever la séance aujourd'hui puisque nous nous
2 trouvons à la fin de notre audience d'aujourd'hui. Vous allez revenir
3 demain, et je suis vraiment désolé pour cela. Et M. Tolimir va également
4 vous poser des questions demain.
5 La séance est levée pour l'instant. Nous allons reprendre nos travaux
6 demain après-midi à 14 heures 15 dans cette même salle d'audience.
7 M. l'Huissier vous escortera à l'extérieur de ce prétoire.
8 Je vous remercie. La séance est levée.
9 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mardi 15 février
10 2011, à 14 heures 15.
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28