Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 23 mai 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   S'il n'y a pas de questions de procédure, je propose que nous

  7   fassions tout de suite entrer le témoin dans le prétoire.

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Bienvenue au

 10   Tribunal. Est-ce que vous pouvez lire la déclaration solennelle que

 11   l'huissier vous présente.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 13   vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Et que Dieu me garde.

 14   LE TÉMOIN : ZORAN PETROVIC [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir

 17   et vous mettre à l'aise.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] M. Vanderpuye, qui représente

 20   l'Accusation, va donc commencer l'interrogatoire principal.

 21   Monsieur Vanderpuye, vous avez la parole.

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, allez-y.

 25   LE TÉMOIN : [hors micro] -- très bref.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Si vous préférez utiliser le

 27   français, ce n'est pas un problème; nous entendrons l'interprétation dans

 28   les langues appropriées.


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  1   Alors, que voulez-vous dire ?

  2   LE TÉMOIN : En français, quelques mots seulement. Je voudrais vous

  3   remercier et m'excuser aussi. Je vous ai envoyé -- je vous ai envoyé la

  4   lettre, puisque j'ai provoqué --

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous

  6   interromps. Nous sommes en audience publique. Si vous voulez aborder les

  7   problèmes que nous avons rencontrés avant que vous ne veniez déposer au

  8   Tribunal, je pense que nous devons d'abord passer à huis clos partiel.

  9   LE TÉMOIN : Une phrase seulement.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Alors, allez-y.

 11   LE TÉMOIN : Donc je m'excuse pour les problèmes que j'ai pu provoquer et je

 12   remercie à votre compréhension, et que tout se termine bien. Donc je vous

 13   remercie. Et je vais parler maintenant en serbe dans la journée. Merci.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci beaucoup. Nous prendrons ceci

 15   en compte.

 16   Lorsque vous prenez la parole, veuillez ne pas toucher de la main le micro.

 17   Monsieur Vanderpuye, c'est à vous.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci à nouveau, Monsieur le Président.

 19   Bonjour à tous. Bonjour Madame, Messieurs les Juges.

 20   Interrogatoire principal par M. Vanderpuye : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Petrovic. Un peu plus tôt, je me suis

 22   présenté, je m'appelle Kweku Vanderpuye. Et au nom de l'Accusation, je vais

 23   donc vous présenter des questions qui rentreront dans le cadre de votre

 24   déposition.

 25   Tout d'abord, je voudrais vous informer de certaines choses. Vous avez déjà

 26   comparu ici dans ce Tribunal, donc vous comprenez qu'il est important de

 27   donner des réponses précises aux questions et de parler lentement de façon

 28   à permettre aux interprètes de traduire aussi fidèlement que possible vos


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  1   propos. Et s'il y a des questions que je vous pose qui ne sont pas claires,

  2   faites-le-moi savoir de façon à ce que je puisse reformuler mes questions,

  3   de façon à ce que nous puissions mieux nous comprendre.

  4   Je vous ai dit un peu plus tôt lorsque je vous ai rencontré ce matin que

  5   votre déposition serait composée de votre déposition dans l'affaire Popovic

  6   ainsi que des questions que je vais vous poser avec la permission du

  7   Tribunal. Donc je vais commencer par cela.

  8   Est-ce que vous vous souvenez avoir déposé dans l'affaire contre Popovic

  9   les 4, 5 et 6 décembre 2007 ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens.

 11   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de passer en revue la totalité

 12   de votre déposition dans l'affaire susmentionnée avant de rentrer dans ce

 13   prétoire aujourd'hui ?

 14   R.  Oui. A l'hôtel, au cours des deux derniers jours, j'ai passé en revue

 15   la totalité du document. J'avais une version sans les corrections, mais ça,

 16   ce n'est pas vraiment important.

 17   Q.  Je sais que nous avons abordé quelques points que vous souhaitiez

 18   élucider, et nous allons venir à cela. Mais après avoir passé en revue

 19   votre déposition, est-ce que vous confirmez, est-ce que vous vous en tenez

 20   à ce que vous avez dit, est-ce que ceci représente exactement et fidèlement

 21   ce que vous avez déclaré lorsque vous avez été interrogé, et est-ce que

 22   ceci représente ce que vous répondriez si l'on vous reposait les mêmes

 23   questions ?

 24   R.  Oui.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais verser

 26   la déposition du Dr Petrovic dans l'affaire Popovic. Il s'agit de la pièce

 27   P1243, sous pli scellé, et P1244, ainsi que les pièces associées qui ont

 28   reçu une cote provisoire aux fins d'identification, qui ont été utilisées


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  1   et qui ont été versées par le truchement du témoin ou qui ont été versées

  2   par le truchement d'autres témoins durant le procès Popovic. Si vous

  3   voulez, je peux en donner lecture.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] S'il n'y en a pas trop, oui, ce

  5   serait préférable.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. Alors, en plus des pièces P1243 et

  7   1244, il y a également la pièce P1245, P1248 -- en fait, il s'agit des

  8   pièces P1245 à P1249. Et puis vous avez la pièce P1251, puis P1200 -- non,

  9   en fait, c'est tout. Donc la dernière pièce c'est la pièce P1251.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je suppose donc que vous ne versez

 11   qu'une des pièces qui ont été versées par le truchement de ce témoin dans

 12   l'affaire Popovic, c'est-à-dire la pièce P1245, n'est-ce pas ?

 13   M. VANDERPUYE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. En

 14   fait, je crois qu'il y avait P1240 -- non. En fait, j'avais les pièces

 15   P1245 à P1248.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, mais ceci est différent. Vous

 17   les versez toutes, donc ?

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, effectivement.

 19   M. LE JUGE FLUEGGE : [aucune interprétation]

 20   M. VANDERPUYE : [interprétation] Désolé, je me suis peut-être trompé dans

 21   les cotes.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Effectivement.

 23   Oui, Maître Gajic.

 24   M. GAJIC : [interprétation] Bonjour à tous. La pièce qui avait reçu une

 25   cote provisoire aux fins d'identification P1245 est devenue entre-temps une

 26   pièce à décharge, à savoir la pièce D117. Donc, peut-être que l'on pourrait

 27   prendre ceci en compte de façon à ne pas avoir deux fois la même pièce

 28   versée au dossier.


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  2   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] La greffière m'a dit qu'effectivement

  4   il s'agissait du même document. Est-ce que vous confirmez ceci, Monsieur

  5   Vanderpuye ?

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Tout d'abord, le compte

  8   rendu d'audience dans l'affaire Popovic, P1243 sous pli scellé et P1244,

  9   sera versé à notre dossier avec les mêmes cotes susmentionnées. De plus, je

 10   crois qu'il faudrait utiliser la cote D117 pour le document en question. Et

 11   les pièces P1246 à P1248 seront également versées au dossier comme pièces à

 12   conviction.

 13   Monsieur Vanderpuye, vous avez mentionné que vous alliez verser trois des

 14   pièces utilisées sur les six utilisées par le témoin dans l'affaire

 15   Popovic, mais qu'elles avaient été versées par le truchement d'un autre

 16   témoin. Est-ce que vous avez utilisé ces documents avec ce témoin ?

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il

 18   s'agit en fait de deux documents, la pièce P1249 et 1251. Je me suis

 19   trompé, parce que j'ai parlé de la pièce P1252. Je ne compte pas utiliser

 20   la pièce P1249 avec ce témoin. Mais j'ai cru comprendre que cette pièce

 21   avait été utilisée dans sa déposition précédente, mais cela ne semble pas

 22   particulièrement important pour mon interrogatoire principal. Mais je pense

 23   qu'il est important de disposer de cette pièce puisqu'elle fait partie de

 24   sa déposition dans l'affaire précédente, de façon à ce que les Juges de la

 25   Chambre puissent replacer cette déposition dans son contexte.

 26   Quant à la pièce P1251 -- je vous demande un instant.

 27   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, la pièce P1251 fournit des


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  1   informations supplémentaires qui, je pense, permettront aux Juges de la

  2   Chambre de mieux comprendre le contexte de cette vidéo.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous n'avons pas eu de témoin 92 bis

  4   depuis un certain temps, et je crois que nous avons tous oublié la

  5   procédure du versement de documents par le truchement de témoins qui ont

  6   déposé dans d'autres affaires. Peut-être que vous pourriez réviser votre

  7   position, mais je suggère que vous commenciez votre interrogatoire

  8   principal.

  9   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci beaucoup.

 10   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et nous reviendrons à cela plus tard.

 11   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, tout à fait. Merci, Monsieur le

 12   Président.

 13   Q.  Docteur Petrovic, lorsque l'on s'est rencontrés ce matin, je vous avais

 14   donc expliqué que votre déposition précédente constituerait une partie de

 15   votre déposition, et j'ai un résumé que je vais lire.

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je peux continuer ?

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, allez-y.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] En juillet 1995, Zoran Petrovic était

 19   journaliste à Belgrade. Il était présent à Srebrenica et dans ses environs

 20   les 13 et 14 juillet 1995. Le 12 juillet, afin de couvrir les événements à

 21   Srebrenica, M. Petrovic a essayé d'entrer en Republika Srpska sans succès

 22   par Ljubovija, en Serbie, c'est-à-dire de l'autre côté de la Drina à partir

 23   de Bratunac. Il est rentré à Belgrade et a fait une demande au commandant

 24   en second de la Brigade spéciale de police du MUP de la Republika Srpska,

 25   c'est-à-dire le ministère de l'Intérieur, Ljubisa Borovcanin, en demandant

 26   de l'aide, et ceci s'est matérialisé de la manière suivante le lendemain.

 27   M. Petrovic connaissait Borovcanin depuis l'hiver 1994, où il l'avait

 28   rencontré en tant que journaliste incorporé dans une armée à "Telegraph


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  1   Weekly", une publication de Belgrade, durant les activités de défense d'un

  2   système de relais radio au mont Majevica. Il a rencontré à nouveau

  3   Borovcanin durant l'été 1995. Cela s'est produit plusieurs semaines avant

  4   l'opération de Srebrenica, et il a donc suivi les activités de l'unité de

  5   Borovcanin et leur bataille contre les forces musulmanes à Semizovac.

  6   M. Petrovic est arrivé et entré dans la Republika Srpska le 13 juillet 1995

  7   par le pont de Ljubovija, où Borovcanin l'attendait. Ils sont ensuite allés

  8   à Bratunac en voiture et ils sont arrivés au complexe des Nations Unies à

  9   Potocari vers 2 heures 30 ou 3 heures de l'après-midi. M. Petrovic a filmé

 10   ce qui se passait aux environs du complexe des Nations Unies, et il a déjà

 11   déposé en affirmant qu'il avait été frappé par le nombre important de

 12   personnes qui étaient parties et avaient quitté Srebrenica.

 13   Il a confirmé qu'il a vu énormément d'effets personnels - de sacs, de

 14   couvertures et de vêtements - mais il a nié avoir vu qui que ce soit qui

 15   avait été maltraité ou victime d'abus quelconque ou battu. Il a filmé la

 16   maison blanche où se trouvaient des prisonniers musulmans que l'on peut

 17   voir au niveau du balcon. Il a affirmé que ces prisonniers étaient connus

 18   des services de police ou étaient soupçonnés par ceux-ci, mais n'a pas pu

 19   identifier d'où ils venaient ni d'où provenaient les informations qu'on lui

 20   a données.

 21   M. Petrovic a également filmé ce qui se passait sur l'axe Konjevic Polje-

 22   Bratunac jusqu'au village de Pervani, en direction de Konjevic Polje. Il a

 23   filmé des tirs antiaériens des forces serbes en direction des collines où

 24   la colonne d'hommes musulmans de Srebrenica s'était enfuie, les prisonniers

 25   musulmans détenus au niveau de la prairie de Sandici, les hommes et les

 26   garçons qui avaient été capturés à proximité, ainsi que le mouvement et les

 27   activités de la VRS et des unités du MUP le long de la route en direction

 28   de Konjevic Polje.


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  1   Il a également filmé ce qui s'est passé à l'entrepôt de Kravica

  2   montrant un amas de prisonniers musulmans décédés qui étaient devant le

  3   bâtiment.

  4   M. Petrovic a passé la nuit du 13 juillet dans l'appartement de

  5   Borovcanin à Bratunac.

  6   Le 14 juillet, M. Petrovic a continué à filmer ce qui se passait dans

  7   la ville de Srebrenica, y compris avoir différents entretiens qu'il a

  8   conduits avec des Serbes qui étaient revenus dans la ville. Il a passé la

  9   deuxième nuit à l'appartement de Borovcanin, comme la première, et il est

 10   reparti pour Belgrade le matin du 15 juillet 1995.

 11   Quelques temps après être rentré à Belgrade, suite à ce qu'il avait

 12   filmé les 13 et 14 juillet, M. Petrovic a pu produire un document de 28

 13   minutes intitulé "Opération Srebrenica", et ceci, pour Studio B. Le film a

 14   été diffusé aux environs du 17 juillet 1995.

 15   Le 28 février 2006, M. Petrovic a rencontré des représentants du bureau du

 16   Procureur. Il a fourni un exemplaire de l'enregistrement de départ qui

 17   avait été filmé sur des bandes 8 millimètres et utilisé en juillet 1995. Le

 18   bureau du Procureur a copié cet enregistrement, qui avait été signé par M.

 19   Petrovic. Dans sa déposition concernant les différents films de Studio B,

 20   M. Petrovic a confirmé que certains passages avaient été révisés ou avaient

 21   été modifiés durant la production du documentaire. Il a travaillé avec deux

 22   monteurs dans ce processus. Cependant, il n'a pas été en mesure d'expliquer

 23   complètement pourquoi certains passages qui apparaissaient dans les

 24   documents de Studio B n'étaient pas dans le document de départ.

 25   Par exemple, les passages montrant les prisonniers musulmans sur le balcon

 26   de la maison blanche à Potocari apparaissent sur le documentaire de Studio

 27   B et n'apparaissent pas dans l'enregistrement de départ. De la même

 28   manière, ce qui a été filmé à l'entrepôt de Kravica le 13 juillet 1995


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  1   semble figurer sur le documentaire de Studio B, mais n'apparaît pas sur le

  2   document de départ, ou sur le film de départ.

  3   Cependant, M. Petrovic a déclaré qu'il ne se souvenait pas -- ou qu'il ne

  4   pouvait pas se souvenir de cela durant sa déposition. De plus, même si ceci

  5   avait été signé le 13 juillet 1995, les passages concernant l'entrepôt de

  6   Kravica dans le documentaire de Studio B sont interrompus par des passages

  7   qui ont été enregistrés le 14 juillet. M. Petrovic a déclaré que cette

  8   anomalie était due à des "raisons techniques", en fait, que l'on avait

  9   cherché à obtenir un effet esthétique. M. Petrovic a confirmé dans sa

 10   déposition qu'il n'avait pas reçu quelque entrave que ce soit pour filmer

 11   ce qu'il avait filmé et qu'il n'a jamais abordé ce qu'il a filmé au niveau

 12   de l'entrepôt de Kravica avec Borovcanin. Borovcanin, cependant, était avec

 13   lui lorsque ces passages ont été filmés et, d'après M. Petrovic, la

 14   séquence, c'étaient les images "les plus frappantes qu'il a jamais

 15   filmées."

 16   M. Petrovic a également confirmé dans sa déposition qu'il avait filmé

 17   l'incident de Kravica avec, notamment, un incident impliquant des soldats

 18   de Borovcanin. Il a confirmé qu'il avait entendu un combattant sous le

 19   commandement de M. Borovcanin dont le surnom était --

 20   L'INTERPRÈTE : Nom qui n'a pas été saisi par l'interprète.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] -- qui avait été blessé, que ses bras

 22   avaient été blessés dans une escarmouche et qu'il avait été transporté

 23   d'urgence à l'hôpital de Bratunac.

 24   Il a décrit cet incident dans différents articles, écrivant :

 25   "Au moment où il s'est rendu à l'angle du bâtiment, un soldat musulman a

 26   sauté sur ce combattant serbe, a saisi son arme et l'a truffé de balles. Un

 27   des membres des forces spéciales de Borovcanin l'a frappé. Il a été lui-

 28   même légèrement blessé dans le combat."


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  1   M. Petrovic a déclaré que c'est seulement après son retour à Belgrade que

  2   les rumeurs ont commencé à voir le jour, à savoir que des prisonniers

  3   avaient été détenus au stade de Bratunac et à un établissement scolaire où

  4   un nombre inconnu de personnes avait été tuées.

  5   Ceci conclut mon résumé, Monsieur le Président. Et j'ai un certain nombre

  6   de questions à l'attention de M. Petrovic.

  7   L'INTERPRÈTE : Résumé lu par M. Vanderpuye, mais les interprètes de cabine

  8   française l'ont interprété sans avoir le document devant les yeux.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Poursuivez, s'il vous plaît.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 11   Q.  Maintenant, vous avez entendu que j'ai parlé de vous en vous appelant

 12   M. Petrovic durant ce résumé, mais je crois comprendre que vous avez un

 13   doctorat, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous préférez que je vous appelle Dr Petrovic compte tenu de

 16   cela ?

 17   R.  C'est comme vous le souhaitez. C'est à vous.

 18   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quel est le sujet de votre doctorat

 19   ?

 20   R.  J'ai fait ma maîtrise et mon doctorat à Paris. C'est ce qu'on appelle

 21   une Grande école en français. Il s'agit d'un institut d'hautes études pour

 22   les sciences sociales. Et mon diplôme a été obtenu auprès de la Faculté

 23   d'histoire et de civilisations, et c'est un diplôme en affaires

 24   contemporaines. Et le principal sujet de mes recherches était l'ex-

 25   Yougoslavie. C'est donc un domaine que je connais très bien, une zone que

 26   je connais très bien. Et le titre de ma thèse était "L'anatomie d'une

 27   autodestruction, la montée en puissance de Milosevic de 1982 à 1992", et

 28   c'est donc la première partie de sa carrière politique jusqu'à la guerre en


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  1   Yougoslavie jusqu'à la guerre civile, en fait. C'est donc le sujet de ma

  2   thèse.

  3   Q.  Et est-ce que vous êtes toujours un journaliste en exercice ?

  4   R.  Non. Depuis 2003, je ne suis plus journaliste en exercice. Je suis

  5   chercheur à l'Institut des études politiques à Belgrade, qui est un

  6   établissement d'enseignement supérieur de l'Etat serbe. Mais j'ai gardé ma

  7   carte de presse parce que je pense que les temps ne vont pas être très bons

  8   pour le journalisme, et je voudrais être en mesure de prêter main-forte à

  9   mes collègues si nécessaire.

 10   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous faites à l'heure

 11   actuelle au sein de l'institut ?

 12   R.  A l'institut, je suis responsable de ce centre pour les études

 13   géopolitiques qui s'appelle le Centre pour le sud-est, et je couvre les

 14   sujets géopolitiques. Mon dernier article c'est "La géopolitique de

 15   l'énergie". C'est une publication qui a été publiée à l'automne dernier.

 16   L'une des raisons pour lesquelles je n'ai pas pu comparaître précédemment

 17   devant ce Tribunal c'est que le 17, il y avait une réunion importante qui

 18   mettait l'accent sur les études géopolitiques avec des experts français, et

 19   c'est la raison pour laquelle je n'étais en mesure de déposer qu'à partir

 20   du 18.

 21   Q.  Vous avez parlé d'un article que vous avez écrit sur la géopolitique de

 22   l'énergie. Mais est-ce que vous pourriez nous dire en quoi consiste cette

 23   étude géopolitique que vous avez menée à bien ? Quelle est cette

 24   discipline, de quoi s'agit-il ?

 25   R.  Je vais vous corriger, permettez-moi. Il ne s'agit pas d'un article, il

 26   s'agit d'un livre. Ces derniers temps, il y a trois thèmes qui me

 27   préoccupent : la géopolitique de l'eau, j'ai publié un livre là-dessus; la

 28   géopolitique de la nourriture; et la géopolitique de l'énergie. Vu que


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  1   j'habite un petit pays et on prête très peu d'attention à ces thèmes dans

  2   mon pays, alors qu'il s'agit de thèmes extrêmement importants pour l'avenir

  3   de tous les peuples, qu'il s'agit de petits ou de grands peuples, et

  4   souvent d'ailleurs c'est encore plus important pour les petits peuples

  5   parce que les grands prennent ce que les petits n'ont pas. J'essaie

  6   d'attirer l'attention de la classe politique sur ces thèmes que je trouve

  7   importants pour l'avenir. En ce qui concerne mon dernier livre, je dois

  8   dire que j'ai été inspiré par le fait que la Serbie, par exemple, a 60 % de

  9   ses ressources naturelles au Kosovo, et qu'aucun pays ne pourrait avoir un

 10   développement durable sans bénéficier de ces ressources. Parce que dans les

 11   Nations Unies, on dit d'ailleurs qu'on ne peut pas vraiment avoir un projet

 12   de développement durable sans avoir dans son pays, ou sous son contrôle,

 13   des ressources, ses propres ressources énergétiques.

 14   Q.  Merci. Et dans votre livre, est-ce que vous prenez une position

 15   particulière par rapport à cette question ?

 16   R.  Bien sûr. Parce que du moment où vous présentez beaucoup de données qui

 17   viennent de partout dans le monde, vous tirez des conclusions. Et là, je

 18   vous dirais que j'en suis arrivé à une conclusion, à savoir que la planète

 19   entre dans une ère dangereuse et nouvelle où il s'agira de se battre pour

 20   s'approprier des sources énergétiques. Donc il s'agira de nouvelles

 21   guerres, des guerres d'énergie. Il s'agira d'un nouveau type de guerre, et

 22   je pense que je l'ai très bien expliqué aussi bien au public qu'aux hommes

 23   politiques. Donc tout un chacun doit se préoccuper de ces questions. Et

 24   vous savez, j'ai fini mon livre avant les événements en Libye, parce qu'en

 25   Libye, vous avez aujourd'hui les Russes, les Chinois, l'Ouest. Tout le

 26   monde y est. Pourquoi ? A cause des ressources en énergie.

 27   Q.  Ce qui m'intéressait surtout c'était un autre thème du livre, parce que

 28   je pense que vous en avez parlé. Il s'agit des ressources naturelles


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  1   partagées entre le Kosovo et la Serbie. Est-ce que vous avez pris une

  2   position particulière par rapport à cette question-là ?

  3   R.  Bien sûr, Monsieur. On apprend aussi en utilisant les exemples des

  4   autres. J'ai étudié avec mes collègues de l'école des mines de Belgrade, où

  5   on a pu établir que le Kosovo dispose de 20 millions de tonnes de minerai.

  6   Et c'est un grand avenir parce qu'il s'agit d'un tout petit pays qui a à

  7   peu près 7 ou 8 millions d'habitants. Même s'il s'agit là d'une énergie

  8   sale, tout le monde a envie de posséder cette énergie. Et d'ailleurs, cette

  9   énergie n'est plus aussi sale qu'avant. On a trouvé des moyens de produire

 10   de l'énergie d'une façon plus pure.

 11   Et aussi, on a trouvé des nouvelles technologies permettant de

 12   stocker le Co2 sous la mer, par exemple. Donc on peut dire que le charbon

 13   reste une denrée précieuse sur notre planète, et si un petit pays se voit

 14   priver de cette source d'énergie, on ne peut pas dire qu'il reste un avenir

 15   brillant devant ce pays.

 16   Q.  Ce matin, vous avez mentionné quelque chose, et je voudrais vous

 17   demander de nous donner d'autres explications à ce sujet.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pour ce faire, je vais vous demander

 19   d'examiner la pièce P1244, la page 18 880. C'est quelque chose qui figure

 20   au compte rendu d'audience et que vous vouliez expliquer davantage. Merci.

 21   C'est la page 18 880 qui nous intéresse.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela prend plus de temps que

 23   d'habitude parce que vous ne nous avez pas donné la page de ce document

 24   dans le système du prétoire électronique.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. Voilà, c'est ici.

 26   Q.  Dans le compte rendu de votre déposition précédente, vous parlez d'un

 27   certain colonel Brunel. C'est quelqu'un qui travaille pour les services de

 28   Renseignement français. Je vais vous demander d'expliquer aux Juges ce que


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  1   vous avez trouvé pas exact au niveau de cette réponse, ou ce que vous

  2   vouliez corriger au niveau de cette réponse.

  3   R.  Voilà, c'était vers la fin de ma dernière déposition, vraiment tout à

  4   la fin, une petite correction. Ce n'est pas "Brunel", mais "Bunel", B-u-n-

  5   e-l. Il s'agit d'un colonel, un militaire chargé du renseignement de

  6   l'armée française qui, au milieu des années 1990, était en Bosnie. Il est

  7   connu par le grand public parce qu'en 1999, il a fourni certains documents

  8   aux Serbes, et il s'agissait des cibles pour le bombardement dont Belgrade

  9   allait faire l'objet par la suite. Il s'est fait emprisonné. Mais

 10   apparemment, ce sont les Français justement qui voulaient faire un geste

 11   d'amitié à cause de cette amitié traditionnelle franco-serbe, même s'il

 12   s'agissait des objectifs que les Serbes connaissaient déjà.

 13   Il a quitté son service de Renseignement et, après la guerre, il a

 14   travaillé en tant que consultant de nombreux gouvernements pour les

 15   questions militaires. Il a fait un commentaire à la Radio France

 16   internationale, c'est une radio d'Etat, où il avait une émission où il

 17   pouvait faire objet de commentaires, et évidemment qu'il n'était pas puni

 18   vraiment. Parce qu'il ne pouvait pas vraiment tenir une chronique sur la

 19   Radio France internationale s'il était devenu la persona non grata.

 20   J'ai essayé de la trouver dans ma base de données, c'est une

 21   interview qui a été publiée au mois de mars 2005, parce que j'ai fait une

 22   interview avec lui. J'en ai fait une en 2003 à Paris, et puis on en a fait

 23   une autre par internet, où je lui ai envoyé mes questions par e-mail, et il

 24   m'a répondu. Et cette deuxième interview avait été publiée dans la

 25   publication "Europa à Belgrade. C'était au mois de mars 2006.

 26   Bon, à l'époque, je ne pouvais pas donner tous les détails puisqu'on était

 27   vraiment à la fin de ma déposition. Mais il s'agit d'un témoin extrêmement

 28   crédible. Et à l'époque, il m'avait dit qu'au début du printemps 1996,


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  1   quelques mois après les événements de Srebrenica, qu'il s'était trouvé à

  2   Tuzla. Il y avait des chargés de renseignement des différents pays de

  3   l'OTAN, des Allemands, des Anglais. Enfin, des Anglais, c'est sûr, mais

  4   peut-être même des Allemands.

  5   A ce moment-là ont apparu plusieurs centaines de combattants. Il ne

  6   m'a pas donné les chiffres exacts. Quand on dit plusieurs centaines, cela

  7   peut aller de 200 à 900, donc si on prend la moyenne, il s'agirait de 500

  8   personnes.

  9   Q.  On va parler justement de la ligne 19 de cette page-là de votre

 10   précédente déposition où vous parlez d'un "groupe d'une centaine de

 11   combattants". C'est cela que vous souhaitez corriger ? Cette interview que

 12   vous avez faite avec le colonel Bunel, vous avez dit que vous avez fait

 13   deux interviews. Vous l'avez interviewé à deux reprises, et les deux fois

 14   ces interviews ont fait l'objet d'une publication, n'est-ce pas ?

 15   Vous devez me répondre.

 16   R.  Oui. L'une a été publiée en 2003 dans "Politika Express", un quotidien

 17   de l'époque, un quotidien belgradois. Et la deuxième interview avait été

 18   publiée en 2006 dans la publication "Europa", la publication belgradoise.

 19   Q.  Mis à part cette inexactitude au niveau du compte rendu d'audience dont

 20   vous venez de parler, est-ce qu'il y a autre chose que vous trouvez dans ce

 21   compte rendu d'audience qui ne correspond pas à la réalité des choses ?

 22   R.  Je pense qu'on n'a pas besoin de perdre du temps. Je vous ai dit que

 23   j'avais une version non corrigée. A l'époque, j'avais corrigé cela avec M.

 24   McCloskey. On n'a pas besoin de corriger tout cela à nouveau. Cela étant

 25   dit, j'ai voulu tout simplement compléter l'histoire, parce qu'à l'époque

 26   je n'ai pas eu la possibilité de la raconter. Vous savez, la situation ne

 27   s'y prêtait pas. Parce que je ne connaissais pas comment les choses se

 28   passent, et donc j'ai raconté cette histoire au mauvais endroit et au


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  1   mauvais moment. Donc, si vous me le permettez, je raconterais cette

  2   histoire et j'ajouterais quelques éléments.

  3   Q.  Voilà.

  4   R.  Donc les Américains avaient interrogé ces combattants musulmans, et

  5   comme l'avait dit le colonel Bunel, ils étaient venus de la zone de

  6   Srebrenica, là où il y avait eu des combats quelques mois auparavant.

  7   J'avais été assez perplexe à entendre cela. Ces gens qui ont été blessés et

  8   épuisés, j'ai trouvé cela bizarre qu'ils aient pu passé plusieurs mois dans

  9   cette zone où il y a eu des combats assez violents. Cependant, c'est ce que

 10   les Américains ont dit, et ils n'ont permis à personne d'autre, mis à part

 11   les Américains, de parler avec eux.

 12   Après des interrogatoires qu'ils ont menés à bien, les Américains les

 13   ont déplacés à un endroit non identifié. De façon complètement

 14   indépendante, j'ai appris par des Serbes habitant à l'extérieur de la

 15   Serbie, et après avoir comparé des dates, j'en suis arrivé à la conclusion

 16   qu'un grand groupe de Musulmans en âge de combattre est apparu dans la

 17   ville de Richmond. A l'époque, j'ai essayé de trouver quelqu'un qui serait

 18   prêt à financer le voyage d'un journaliste et d'un caméraman, mais je n'ai

 19   pas réussi à le trouver. Parce que j'avais pour intention d'aller voir et

 20   identifier ces gens, parce qu'il y en a nombreux. Nombreux parmi eux sont

 21   sans doute encore sur les listes des personnes portées disparues. Mais

 22   personne mis à part l'armée américaine ne saura nous dire où se trouvent

 23   ces gens à présent. Je pense que c'est un détail extrêmement important,

 24   puisque justement les sources ne sont pas des sources serbes; il s'agit

 25   d'une source qui vient du renseignement militaire français.

 26   Q.  Merci de cette explication. Maintenant, je voudrais parler de

 27   l'enregistrement vidéo que vous avez tourné pendant que vous étiez à

 28   Srebrenica ou à Bratunac le 13 et le 14 juillet 1995.


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  1   Tout d'abord, est-ce que vous avez eu la possibilité de revoir cet

  2   enregistrement vidéo depuis votre dernière déposition ?

  3   R.  Non. Vous savez, je m'efforce de ne pas trop regarder cela; c'est assez

  4   traumatisant comme expérience pour tout le monde. Mais voilà, je vais à

  5   nouveau participer à une tribune à Belgrade où on va débattre de la guerre.

  6   Le public va être très hétéroclite, et, à nouveau, je vais devoir

  7   m'exprimer en public sur le sujet.

  8   Q.  Cependant, vous connaissez cette vidéo, n'est-ce pas; est-ce exact ?

  9   R.  Oui, Monsieur.

 10   Q.  Je voudrais vous montrer quelques images de cette vidéo pour voir si

 11   vous êtes en mesure de confirmer que c'est bien la vidéo que vous avez

 12   tournée en 1995. Donc il faudrait que l'on examine cet enregistrement vidéo

 13   ensemble.

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P991. Voilà. A 2

 15   heures, 22 minutes, 12 secondes. Je vais vous demander de nous montrer la

 16   vidéo jusqu'à 2 heures, 23 minutes, 12 secondes.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 19   Q.  Tout d'abord, pouvez-vous confirmer que c'est bien la vidéo que

 20   vous avez tournée à Potocari au mois de juillet 1995 ?

 21   R.  Oui. C'est un extrait de cette vidéo, oui.

 22   Q.  Et on peut voir que dans cet enregistrement que l'on vient de voir

 23   quelqu'un vous a demandé pour qui vous étiez en train de tourner, et vous

 24   avez répondu pour la police. Vous l'avez dit.

 25   R.  Oui, oui, oui. J'ai répondu à un des soldats, parce que quand vous êtes

 26   sur le front, vous avez des problèmes pour tourner. Et ils m'envoyaient à

 27   proximité de Borovcanin sans doute, et pour pouvoir continuer à tourner, je

 28   l'ai dit. Bon, peut-être que je l'ai dit sur un ton de plaisanterie.


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  1   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qui vous a posé cette question-là ?

  2   Etait-ce un passant, un soldat, un des réfugiés ?

  3   R.  Non, les réfugiés ne posaient pas de questions. Un des soldats du cru.

  4   Vous pouvez revenir en arrière, vous allez voir que c'est un soldat qui ne

  5   porte pas d'insignes. Ce n'est pas un officier. Moi j'ai continué à

  6   tourner, donc je ne l'ai pas regardé. Je ne l'ai pas regardé au moment où

  7   il m'a posé la question, parce que moi j'ai continué à tourner. Et de toute

  8   façon, je ne connaissais personne dans la région, mis à part Borovcanin.

  9   Q.  Bien. Et ici, on peut voir un certain nombre d'autocars et de camions.

 10   Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui était en train de se produire là-

 11   bas, ce que vous avez pu voir pendant que vous y étiez ?

 12   R.  Vous parlez de l'ambiance générale de ce que l'on voit dans mes vidéos

 13   ? Eh bien, comme je l'ai dit déjà la dernière fois, vous savez, vous êtes

 14   choqués à voir autant de personnes. Et on voit que ce sont des paysans pour

 15   la plupart d'entre eux, des gens qui n'ont pas grand-chose. J'ai enregistré

 16   aussi des objets, et à analyser ces objets, on voit que c'est une

 17   population extrêmement pauvre. En plus, il faisait très chaud. Tout le

 18   monde était impressionné par la guerre. Et en même temps j'étais tellement

 19   étonné, j'étais vraiment étonné de voir un tel nombre d'autocars et de

 20   camions.

 21   Et à titre de comparaison, même pas un mois plus tôt, les Serbes se

 22   sont dirigés en direction de la Bosnie et de la Serbie en partant de la

 23   Croatie. Il n'y avait pas de camions, il n'y avait pas d'autocars. Les gens

 24   sont partis dans des véhicules personnels, sur leurs tracteurs. Donc on

 25   voit une énorme différence dans le traitement de ces personnes qui ont

 26   toutes été transportées en 48 heures en direction de Tuzla. Mais d'un point

 27   de vue humain, ce n'était pas agréable à regarder. C'était une scène assez

 28   choquante, qui m'a interpellé, de voir autant de gens sur une surface assez


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  1   restreinte.

  2   Cela étant dit, je suis arrivé à un moment assez tardif de la

  3   journée, où il y avait moins de monde, puisqu'un certain nombre d'entre eux

  4   étaient déjà montés à bord des véhicules.

  5   Q.  Bien. On va voir une autre partie de cette vidéo.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Il faudrait noter pour le compte

  7   rendu d'audience que vous vous êtes arrêté à 2 heures, 25 minutes, 12.2.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] M. le Juge Mindua a une question à

 10   vous poser, Monsieur.

 11   M. LE JUGE MINDUA : Oui. Monsieur le Procureur, excusez-moi. Vous voulez

 12   passer à une autre section, mais j'ai une question au sujet de ce qu'a dit

 13   le témoin, et je ne voudrais pas laisser passer l'occasion.

 14   Monsieur le Témoin, au transcript, page 19, vous dites que vous avez été

 15   saisi par la différence de traitement réservé aux Musulmans qui quittaient

 16   Potocari par le nombre de bus et de camions par rapport au traitement

 17   réservé aux Serbes qui quittaient la Croatie. Qu'est-ce que vous voulez

 18   dire par là ? Traitement par qui ? Vous voulez dire qu'aux uns, on a mis

 19   des moyens de disposition -- des moyens de transport à leur disposition, et

 20   aux autres, on n'a rien donné ?

 21   LE TÉMOIN : Si. Avec les réfugiés en Bosnie, ici, la vitesse d'évacuation

 22   était beaucoup -- était beaucoup plus rapide, beaucoup plus humaine, et il

 23   n'y avait pas des avions et des tanks pour attaquer ces gens. Tandis qu'en

 24   Croatie, les gens étaient même attaqués par les attaques d'avions, par les

 25   tanks, par les irruptions des forces, dont on ne sait pas qui c'était

 26   jusqu'à aujourd'hui. Donc le traitement par les forces serbes à ce moment-

 27   là était incomparable -- incomparablement humain par rapport à l'autre

 28   situation. C'est pour ce que je l'ai mentionné, si vous voulez.


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  1   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Donc vous voulez dire que les Serbes ici à

  2   Potocari ont mieux traité les Musulmans qui étaient évacués que les -- les

  3   Croates n'ont traité les Serbes qui partaient de Croatie ?

  4   LE TÉMOIN : Incomparablement mieux.

  5   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin. Merci.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je voudrais noter pour le compte

  7   rendu d'audience que cette vidéo n'a pas été arrêtée à 2 heures 25, mais à

  8   2:23:12.2.

  9   Monsieur Vanderpuye, vous pouvez poursuivre.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai été

 11   parfaitement d'accord avec vous la dernière fois, mais maintenant je vois

 12   qu'on a dû le corriger.

 13   Q.  Docteur Petrovic, vous avez dit que vous avez été choqué par ce que

 14   vous avez vu. Et dans cet enregistrement que l'on a vu, on voit d'un côté

 15   un grand nombre d'hommes, et de l'autre côté un grand nombre de femmes, et

 16   elles sont à proximité des autocars. Pendant que vous étiez là, est-ce que

 17   vous avez vu la séparation qu'ils faisaient entre les hommes et les femmes

 18   ?

 19   R.  Vous savez, cette vitesse était vraiment très grande. Je dois d'abord

 20   vous dire que je ne suis pas un caméraman. Et je ne suis pas un très bon

 21   caméraman parce que ce n'est pas vraiment ma profession. J'ai improvisé, si

 22   vous voulez, ce tournage. Cela étant dit, ce que j'ai fait à la fin,

 23   c'était vraiment un matériel de qualité.

 24   Par exemple, si vous regardez l'arrêt sur image ici, eh bien, vous allez

 25   voir des hommes du côté gauche avec des soldats. Et plusieurs mètres plus

 26   loin, on voit des hommes qui pourraient être, par exemple, les chauffeurs

 27   de ces camions. Mais moi je n'ai pas vraiment vu de séparation se produire

 28   entre les hommes et les femmes, mis à part dans la maison blanche, où j'ai


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  1   enregistré ces objets des pauvres entassés par terre dans un tas. Et

  2   ensuite, j'ai continué à tourner, et là j'ai vu un groupe d'hommes. On m'a

  3   par la suite accusé d'avoir détruit des importantes parties de cette vidéo,

  4   mais cela étant dit, aujourd'hui, on a ces enregistrements qui nous aident.

  5   Q.  Vous vous souvenez d'avoir également tourné des images de personnes

  6   dans les autobus ?

  7   R.  Oui, les autobus et les camions. Et nous pouvons voir en fait un camion

  8   entre les deux autobus, juste ici, sur cette image.

  9   Q.  Et s'agissant des autobus dans lesquels vous avez été en mesure de

 10   tourner des images, est-ce que vous avez vu si des hommes avaient été mis à

 11   bord de ces autobus ?

 12   R.  Non. J'ai justement une image juste après celle-ci où moi j'entre dans

 13   l'autobus et il y avait à l'intérieur des femmes, des enfants et des

 14   personnes âgées, et il y avait en fait une vieille dame qui avait 90 ans et

 15   plus. Elle m'avait parlé du roi Aleksandar de Yougoslavie. Donc elle était

 16   très vieille puisqu'elle arrivait à se souvenir de lui. Mais je n'ai pas vu

 17   que les femmes et les hommes avaient été séparés dans ces autocars. Vous

 18   devez également comprendre que je n'ai pas été en mesure de tout voir. J'ai

 19   été présent à certains endroits, mais je ne fais pas preuve d'ubiquité,

 20   donc je n'ai pas pu voir plusieurs choses au même temps. Donc je n'ai pas

 21   vu ce que vous me demandez.

 22   Q.  Très bien.

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrait-on faire avancer la vidéo juste

 24   un petit peu. Je ne sais pas jusqu'où exactement, mais nous verrons. Donc

 25   il faudrait faire passer la vidéo. D'accord. Alors, nous sommes à 2:24:04.

 26   Faites passer, je vous prie, cette vidéo.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous ne voyons rien à l'écran à ce

 28   moment. Voilà, ça marche.


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  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Etes-vous tous de Srebrenica ?

  5   Oui, nous sommes.

  6   De quelle façon est-ce que vous avez été réceptionnés ici ?

  7   Eh bien…

  8   Je ne suis pas d'ici, je suis de Belgrade. Donc je vous pose cette

  9   question."

 10   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que le son n'est pas très bon et que

 11   nous n'avons pas de transcript.

 12   [Voix sur voix]

 13   "J'ai 90 ans et plus.

 14   Vous avez 90 ans et plus ?

 15   Oui. Je me souviens du roi Aleksandar Karadjordjevic. Je me souviens

 16   également de Milosevic lorsqu'il est monté au pouvoir.

 17   Est-ce que vous savez où vous allez maintenant ?

 18   Son frère va arriver.

 19   Quel âge a l'enfant ?

 20   Quel âge il a ?

 21   Oui.

 22   Il a cinq mois.

 23   Combien d'enfants avez-vous ?

 24   J'ai quatre enfants. Il y en a un qui est maintenant à Kruglo [phon].

 25   C'est un enfant de guerre ?

 26   Oui.

 27   Les femmes et les enfants seront évacués. C'est le dernier groupe, n'est-ce

 28   pas ?


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  1   Oui, voilà, c'est le dernier groupe.

  2   Où sont les autres de Potocari ?

  3   Il faut attendre. On ne peut pas tous les transporter en même temps."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous nous sommes arrêtés ici à 2 heures,

  6   25 minutes, 40.1.

  7   Q.  Est-ce que c'est la séquence vidéo dont vous avez fait référence en

  8   parlant de la vieille dame ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que c'est vous qui parlez lorsque vous posez ces questions dans

 11   cette vidéo ?

 12   R.  Oui. Une phrase ou deux, et par la suite il y a une autre voix, et

 13   c'est en fait le soldat qui est entré derrière moi. Il leur dit que tout

 14   ira bien. Donc il essaie de les calmer. Je voudrais vous dire, voyez-vous

 15   cette vieille dame de 90 ans, elle était déjà un peu affectée par son âge.

 16   Donc elle fait un mélange entre le roi Aleksandar Karadjordjevic, qui est

 17   décédé en 1934, et elle dit que Dieu sauve le roi Aleksandar et Milosevic,

 18   parce que, bon, il n'était pas très populaire là-bas, et donc je pense que

 19   c'est la raison pour laquelle elle a dit cela, par peur. Mais comme vous

 20   pouviez le voir, les gens qui se trouvaient à bord de cet autobus étaient

 21   âgés de 5 mois à 90 ans. Donc j'ai tout laissé ce que j'ai enregistré. Je

 22   n'ai pas fait de coupure.

 23   Vous savez, ici, au centre, il y a un vieil homme. Il est dans une

 24   charrette et il y a un soldat néerlandais qui le pousse.

 25   Q.  Et, en fait, vous n'avez pas réellement vu ces hommes dans les autobus

 26   ou dans les autocars pendant que vous y étiez, n'est-ce pas ?

 27   R.  Non, vous avez raison. A partir du 13 juillet 1995, après 2 heures 30

 28   ou 3 heures de l'après-midi, je crois que c'est le dernier bus dans lequel


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  1   je suis entré par hasard. Je ne savais pas qui se trouvait à l'intérieur.

  2   Mais s'il y avait eu un autocar avec que les hommes, je l'aurais

  3   certainement filmé également, tout comme j'ai filmé les scènes de la maison

  4   blanche. Chaque fois qu'il y avait quelque chose qui était digne de mon

  5   attention, je le filmais.

  6   Q.  Il y a maintenant deux questions que je voudrais vous poser concernant

  7   cette séquence vidéo, la première question étant la suivante : vous avez

  8   posé à l'une des femmes la question à savoir si l'enfant de 5 mois était un

  9   enfant garçon qui est né dans la guerre, et je me demande pourquoi vous

 10   avez posé cette question, est-ce que c'est un enfant de guerre.

 11   R.  Oui, justement on en a parlé la dernière fois. Je sais que c'est une

 12   question qui est très sensible et qui peut être interprétée de plusieurs

 13   façons. J'ai simplement réagi, parce que je connais également d'autres

 14   situations de guerre dans le monde, et ce qui a attiré mon attention pour

 15   la première fois, c'était le fait qu'il s'agissait donc d'une ville

 16   assiégée de laquelle on a énormément parlé dans les médias. On dramatisait

 17   la situation. On a beaucoup parlé du fait que la famine existait, et

 18   soudainement il y a eu un très grand nombre de nouveaux-nés justement,

 19   alors que la ville était assiégée.

 20   Et c'est quelque chose qui a réellement attiré mon attention, pour ne

 21   pas entrer plus loin dans des détails de la géopolitique. Si vous vous

 22   souvenez, il y a 20 ans, 25 ans, 30 ans, Kadhafi avait partout au monde

 23   lancé des messages disant que les Musulmans allaient gagner s'ils avaient

 24   plusieurs enfants, s'il y avait beaucoup d'enfants --

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je voudrais vous interrompre ici.

 26   Nous sommes plutôt préoccupés par l'année 1995. Mais je remarque que vous

 27   n'avez pas répondu à l'une des questions que vous a posées M. Vanderpuye.

 28   Notamment, il vous a demandé si vous aviez vu quelques-uns de ces hommes


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  1   dans les autocars ou dans les bus dans lesquels vous vous êtes monté ? Ceci

  2   veut dire qu'en fait, M. Vanderpuye voulait savoir si vous avez vu des

  3   hommes à bord de ces autobus dans lesquels vous êtes montés. Et vous avez

  4   répondu : "S'il y avait eu des autobus avec que des hommes, j'aurais

  5   enregistré, j'aurais enregistré ces images…" Mais ce n'est pas la réponse

  6   que cherchait d'obtenir M. Vanderpuye.

  7   Il voulait savoir si vous avez vu ces hommes à bord des autobus dans

  8   lesquels vous êtes entré. Et, en fait, dans combien d'autobus êtes-vous

  9   entré ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi j'ai dit que je suis entré seulement

 11   dans un autobus dans lequel il y avait ces femmes, les enfants et cette

 12   très vieille dame, et c'est le seul autobus dans lequel je suis monté. Si

 13   j'étais monté à bord d'autres autobus, j'aurais probablement enregistré

 14   d'autres séquences. Je ne peux pas vous le dire, mais c'est le seul autocar

 15   dans lequel je suis entré, parce que j'étais plutôt intéressé par la

 16   colonne que vous voyez également sur cet arrêt sur image. Je ne suis entré

 17   dans cet autocar que tout à fait par hasard. Personne ne m'a dit : Entre

 18   ici, n'entre pas là, ou plutôt, Monte ici et ne monte pas à bord de cet

 19   autre autocar.

 20   Tout était très rapide. Vous devez comprendre que les réactions sont

 21   rapides. Il me fallait faire une séquence vidéo qui me semblait très

 22   intéressante à ce moment-là pour faire un film documentaire intéressant. Je

 23   ne suis pas monté à bord d'un autocar qui a particulièrement attiré mon

 24   attention pour quelque raison que ce soit. Je suis simplement, tout à fait

 25   de façon aléatoire, monté dans l'autobus dans lequel je me suis trouvé.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] D'accord. Mais j'aimerais vous

 27   poser la question suivante alors : avez-vous vu des hommes dans cet autobus

 28   dans lequel vous êtes entré ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne me souviens pas d'avoir vu d'hommes

  2   dans cet autobus. J'avais ma caméra et j'étais positionné devant, à côté du

  3   chauffeur, et donc j'ai filmé l'intérieur de l'autobus, mais je n'ai pas vu

  4   d'hommes matures. J'ai vu des enfants, donc des garçons, mais ils avaient

  5   moins de 18 ans. Donc je n'ai pas vu d'hommes, d'hommes matures, je répète

  6   donc, que des garçons. Et sur cette image-ci, donc cet arrêt sur image

  7   montre un très grand nombre d'hommes. Vous allez le voir plus tard. Donc

  8   les hommes étaient plutôt à l'extérieur des autobus.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Veuillez poursuivre, Monsieur Vanderpuye.

 11   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  La deuxième question que je voulais vous poser est donc la suivante : à

 13   un certain moment donné au cours de la séquence, soit vous ou la personne

 14   qui se trouvait avec vous dit que c'est le dernier groupe, n'est-ce pas.

 15   Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ou vu cela ?

 16   R.  Je me souviens seulement lorsque j'ai entendu le texte et j'ai vu la

 17   traduction. Mais vous savez, c'était dans l'après-midi. Et je suis arrivé

 18   donc quelque part dans l'après-midi. Je présume que le processus avait déjà

 19   commencé la veille. Parce que, vous savez, il s'agit de 28 000 personnes.

 20   C'est le nombre de personnes qui étaient évacuées à Tuzla. Donc c'est un

 21   processus très long. Vous pouvez imaginer quelle est l'étendue de cette

 22   évacuation. C'est pour cela que j'ai filmé tout très rapidement. On pouvait

 23   voir que les gens essayaient de faire vite. Les gens se hâtaient, parce que

 24   tout se passait très rapidement.

 25   Q.  Très bien. Merci.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je voudrais maintenant vous montrer la

 27   pièce 65 ter P1247.

 28   Q.  D'abord, dites-nous si vous reconnaissez ce que nous voyons à l'écran ?


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  1   R.  Oui, tout à fait, il s'agit d'extraits de mon propre texte.

  2   Q.  Et le fait que l'on parle ici du 21 juillet 1995, est-ce que c'est la

  3   journée de la publication ?

  4   R.  Je pense que ceci a été publié le 21 juillet 1995. C'était un magazine

  5   qui était publié par "Politika".

  6   Q.  Fort bien. Nous avons la date qui est enregistrée ici au compte rendu

  7   d'audience, et c'est marqué 1er juillet, mais c'est le 21 juillet, n'est-ce

  8   pas ?

  9   R.  Oui. Au bas de la page, vous voyez qu'il s'agit bien de la date du 21

 10   juillet 1995.

 11   Q.  Très bien. Et ce que j'aimerais faire, c'est la chose suivante :

 12   d'abord, vous pouvez voir qu'au début de l'article on parle de "28 000

 13   Musulmans de tous âges qui se sont rassemblés ici à la base du Bataillon

 14   néerlandais à Potocari", et ce sont des événements que vous avez filmés,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, Monsieur.

 17   Q.  Et c'est ce sur quoi porte cet article, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   Q.  A la page 5 du texte en anglais et à la page 3 en B/C/S, vous pouvez

 20   voir que l'on fait référence ici au fait qu'il y a eu environ 10 000

 21   enfants parmi les réfugiés. Voyez-vous ce chiffre ?

 22   R.  Pourriez-vous agrandir, s'il vous plaît.

 23   Q.  C'est la colonne du milieu, premier paragraphe.

 24   Ce paragraphe se lit comme suit :

 25   "Des démographes vont sûrement penser qu'il est intéressant de voir qu'il y

 26   avait environ 10 000 enfants parmi les réfugiés."

 27   Il s'agit de réfugiés de Potocari, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  "Et environ 8 000 de ces 10 000 enfants sont âgés de moins de 3 ans."

  2   Et par la suite, on peut lire, je cite : "Les enfants de guerre", entre

  3   guillemets, "comme ils le disent, c'est ce qu'ils font vraiment."

  4   Et par la suite, on voit "hkojas", H-k-o-j-a-s. Qu'est-ce que c'est ?

  5   R.  Un hkoja, c'est un titre religieux musulman, et c'est comme ça qu'on

  6   les appelle chez nous en Yougoslavie. Dans notre région, les hkojas

  7   enseignent la religion.

  8   Q.  Ici, on peut lire :

  9   "Leurs hkojas…," "motherfuckers" en anglais, "les niqueurs de mère, sont en

 10   train de les encercler complètement, pas de nourriture, et ils n'arrêtent

 11   pas de se plaindre, mais ils se vouent à la procréation… Est-ce que c'est

 12   normal ? Est-ce que vous pensez que c'est normal ? Alors, dites-moi, quel

 13   type de religion est-ce cette religion de l'Islam ? Ils viennent de faire

 14   un corps de soldats juste là, en plein milieu de Srebrenica, qui nous

 15   pourchassera dans 15 ou 20 ans. Les niqueurs de mère."

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   Q.  Alors, il y a quelques instants, vous avez dit que vous aviez posé

 18   cette question à cette mère qui avait son enfant de 5 mois, vous lui avez

 19   posé la question à savoir s'il s'agissait d'un enfant de guerre. Mais là

 20   dans cet article, vous avez cité ce que quelqu'un d'autre a publié, n'est-

 21   ce pas. Et j'aimerais donc savoir si essentiellement c'est ce que vous avez

 22   dit tout à l'heure; vous avez également parlé de Kadhafi qui avait dit que

 23   les Musulmans devaient avoir beaucoup d'enfants pour pouvoir être plus

 24   forts ? Alors, qu'est-ce que -- je ne comprends pas très bien ce que vous

 25   vouliez dire dans ce paragraphe exactement.

 26   R.  Eh bien, vous savez, j'étais journaliste qui devait faire deux choses à

 27   la fois, et aux Etats-Unis, ou dans l'autre pays qui était la Hollande, un

 28   seul journaliste ne pourrait pas faire deux choses à la fois. Et j'ai déjà


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  1   été critiqué même plutôt chez nous, dans ma région, j'ai été critiqué pour

  2   cette lettre, mais j'estime que c'est un texte intéressant, c'est un texte

  3   de qualité. Et j'ai appliqué la méthode d'un documentaire. Il n'y a

  4   absolument rien ici de changé dans les citations que j'ai apportées. L'idée

  5   c'est de montrer la dynamique du texte après ces événements qui se sont

  6   déroulés, parce que c'est dans ce sens-là que la télévision est beaucoup

  7   plus facile, vous comprenez. Alors, pour pouvoir arriver justement à cette

  8   dynamique "télévisive" [phon] et afin que tout soit complet comme à la

  9   télévision, j'ai étayé mes images avec le texte, avec des mots que

 10   j'entendais, ce que disaient les gens entourant ces événements. Pour moi,

 11   c'était quand même une citation qui était intéressante.

 12   Vous devez comprendre que dans ce reportage, à Srebrenica même, un jour

 13   plus tard, il y avait des murs entiers qui avaient probablement été peints

 14   pendant la guerre, lorsque les Musulmans étaient encerclés. Et vous avez

 15   des scènes qui sont identiques à ce que j'ai vu à Balbec [phon], au Liban,

 16   par exemple, au Moyen-Orient, et il s'agit de messages de l'Islam combatif.

 17   Donc il s'agit également de deux choses différentes. Alors même dans

 18   d'autres Etats, nous voyons l'illustration de deux civilisations, deux

 19   cultures, deux religions qui se trouvaient sur ce petit territoire.

 20   Justement, les historiens savent cela, et on en a beaucoup parlé auparavant

 21   également. Et donc, j'ai vraiment voulu reproduire les mots exacts que

 22   j'entendais sur le terrain - ce n'est pas moi qui injurie comme ceci -

 23   c'est un document. Et lorsque vous voyez, par exemple, un film de guerre,

 24   par exemple le film "A la recherche du soldat Ryan", on n'arrête pas

 25   d'injurier, on n'arrête pas de jurer, parce que c'est comme ça la guerre.

 26   Et je crois que c'est un de mes meilleurs textes dans la vie, parce que je

 27   suis arrivé à reproduire de façon textuelle. Je suis un documentariste,

 28   donc j'ai fait un documentaire. Je ne parle pas à la première personne du


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  1   singulier. Ce n'est pas moi qui parle. Je ne dis pas les choses que j'ai

  2   dites tout à l'heure quand j'ai parlé pour Kadhafi, mais c'est un document

  3   qui est tout à fait fidèle à ce qui s'est passé. Donc je crois que j'ai

  4   particulièrement bien réussi à transmettre, justement, l'atmosphère et la

  5   situation de l'époque.

  6   Q.  Qui citiez-vous ? Vous dites que c'est une citation, alors c'est qui

  7   que vous citez ?

  8   R.  C'est une des personnes que j'ai rencontrées là-bas. Au cours de ces

  9   deux jours, j'ai rencontré cette personne. Je ne peux pas vous dire qui

 10   c'était exactement. Je ne connais pas leurs noms, à l'exception de Ljubisa

 11   Borovcanin, mais ce n'est pas lui. Il s'occupait d'autre chose. Vous avez

 12   vu qu'il s'est occupé de l'organisation de l'évacuation de ces personnes.

 13   Donc c'est l'un des combattants, lui, mais c'était quelqu'un -- vous savez,

 14   si vous étiez allé du côté musulman, vous auriez entendu des propos

 15   similaires contre la partie adverse. Le conflit était tel que toutes les

 16   parties au conflit pensaient des choses similaires l'une de l'autre. Par

 17   exemple, si, effectivement, vous aviez demandé à quelqu'un de vous dire :

 18   Est-ce que c'était comme ça à l'époque, soit un Musulman ou à un Serbe, il

 19   vous répondrait : Oui, c'était réellement comme ça. Cette guerre était une

 20   perversion, mais elle a créé cette situation. Ce sont des paroles que j'ai

 21   entendues très rapidement. Je l'ai entendue, je l'ai noté rapidement sur un

 22   bloc-notes, et c'est un texte que j'ai écrit très rapidement à la main

 23   pendant que je n'étais pas en train de filmer. Alors, vous pouvez imaginer

 24   dans quel état je me trouvais. Il fallait que je filme, que j'écrive, que

 25   je note tout, et par la suite ça a été simplement re-dactylographié.

 26   Q.  Donc vous voulez dire que c'était une opinion partagée de façon

 27   générale par les combattants. Et lorsque vous parlez de combattants pour

 28   les forces serbes, c'est la VRS, les effectifs du MUP; est-ce que c'est de


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  1   cela que vous voulez parler ?

  2   R.  Je pense à tous les combattants qui avaient pris part à cette guerre.

  3   Je pense aux Musulmans, aux Croates et aux Serbes. Donc je pense à toutes

  4   les parties belligérantes.

  5   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous voulez dire

  6   quelque chose ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je salue toutes les personnes ici présentes. Et

  8   j'espère que cette journée se soldera selon la volonté de Dieu et non pas

  9   la mienne, et que ce procès également se termine selon la volonté de Dieu

 10   et non pas la mienne. Je salue également M. Petrovic. Notre témoin nous a

 11   dit que ça a été dit par un homme inconnu. Vous posez la question ici pour

 12   savoir si c'était une personne qui a dit cela, alors que notre témoin nous

 13   dit que ce sont toutes les parties qui étaient impliquées au conflit et qui

 14   partageaient cette même haine les uns envers les autres. Je ne voudrais pas

 15   que l'on mette des mots dans la bouche du témoin, car ce n'est pas ce qu'il

 16   a dit.

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une

 18   référence où M. Vanderpuye a dit cela ? Je ne vois pas ce que vous me

 19   dites.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, M. Petrovic, à la page

 21   30, ligne 1, a dit qu'il a voulu simplement enregistrer, en montrant le

 22   son, l'image et les propos, qu'il y avait une haine de toutes les parties

 23   belligérantes. Et il a dit que son texte n'était quelque chose qui a été

 24   dactylographié. Par la suite, M. Vanderpuye, à la page 30, ligne 14, lui a

 25   demandé s'il s'agissait de quelque chose qui était habituel, ce sont des

 26   propos que tous les soldats disaient ? Alors qu'il nous a dit que c'est

 27   tous les soldats sur tous les territoires qui employaient ce type de

 28   terminologie, les Musulmans, les Croates et les Serbes. Merci.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose ? Souhaitez-vous

  2   que je précise ?

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Non, merci. Désolé. Non, je suis en

  4   train d'avoir une discussion avec M. Tolimir.

  5   M. Vanderpuye, Monsieur Tolimir, a dit :

  6   "Lorsque vous parlez de combattants, vous voulez dire les forces serbes, la

  7   VRS, les effectifs du MUP; est-ce que c'est de cela que vous parlez ?"

  8   M. Vanderpuye a justement posé une question pour préciser la réponse.

  9   Veuillez poursuivre, je vous prie, Monsieur Vanderpuye.

 10   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Petrovic, je fais référence à cet article et je fais référence

 12   très précisément à ce paragraphe dans cet article dans lequel vous dites

 13   que, pour paraphraser ce que vous dites, vous dites que vous en êtes fier.

 14   Et lorsque l'on prend ce paragraphe, vous avez dit que vous ne faisiez que

 15   citer les paroles d'un combattant. Ce combattant n'était pas un combattant

 16   musulman, n'est-ce pas ? Ce n'était pas un combattant croate, non plus.

 17   R.  Oui. Non, bien sûr, que non. Bien sûr qu'il s'agissait d'un combattant

 18   serbe. Mais je voudrais préciser ce que je veux dire, je suis très fier de

 19   mon reportage, parce que le reportage contient tous les éléments d'un

 20   documentaire classique et de grande qualité. Ce documentaire ne peut pas

 21   être fait de façon authentique et bien si vous ne citez les propos des

 22   personnes, et c'est pour cela que j'ai dit que j'étais fier. J'en suis

 23   fier. Je suis fier de mon travail. Je crois que j'ai bien réussi à

 24   transmettre l'atmosphère générale par ce reportage.

 25   Q.  Merci.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant que vous ne passiez à une autre

 27   partie de cet article, le Juge Mindua souhaite poser une question au

 28   témoin.


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  1   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Procureur, encore une fois, excusez-

  2   moi.

  3   Monsieur le Témoin, donc sur cet article que vous avez rédigé et que

  4   vous trouvez évidemment comme l'un des meilleurs articles que vous ayez

  5   rédigé, dans le premier paragraphe que nous avons ici sur l'écran, il parle

  6   de mères qui sont complètement encerclées, qui n'ont plus à manger, qui

  7   continuent à se plaindre, mais qui en même temps continuent à procréer, à

  8   faire des bébés. Et on se pose la question, est-ce que c'est normal. Je ne

  9   sais pas si c'est vous qui vous posez la question ou si quelqu'un d'autre,

 10   mais tout à l'heure on a dit que c'est -- vous rapportez les paroles. Mais

 11   en même temps, tout à l'heure, nous avons vu lorsque vous vous êtes adressé

 12   à des dames qui étaient dans un bus, vous avez demandé à l'une d'elles si

 13   son bébé était un enfant de la guerre, un bébé de la guerre. Est-ce qu'il y

 14   a un lien avec ce qui se dit ici dans cet article ?

 15   LE TÉMOIN : Au moment où j'ai dit ça, je n'ai pas pensé à la dimension où

 16   on est tranquille dans des chaises et on réfléchit sur cette question. Donc

 17   dans -- la réponse de cette femme avec l'enfant dans le bus était, bien sûr

 18   que oui à ma question, bien sûr que oui, que c'était un enfant de guerre.

 19   M. LE JUGE MINDUA : Mais puis-je savoir pourquoi vous aviez posé cette

 20   question ? Est-ce que c'est -- c'était pour féliciter la dame parce qu'elle

 21   avait fait une bonne chose ou c'était pour vous étonner de sa bêtise ?

 22   C'était le sens de la question.

 23   LE TÉMOIN : Non. En réfléchissant maintenant à votre question en ce moment,

 24   c'est une autre chose. Là, sur place, je vois dans le viseur de mon caméra,

 25   je vois cette scène que vous voyez aussi, et j'entame, j'entame une

 26   discussion. Dans la situation, que je vous ai dit avant qui est assez

 27   pénible, tendue, chaude, moi, je suis -- vous serez -- vous seriez - je

 28   suis sûr -- absolument surpris, de même manière que moi, parce que dans ce


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  1   bus, les enfants ce n'est pas l'endroit pour les -- la guerre, ce n'est pas

  2   l'endroit pour les enfants. Et tout d'un coup, vous êtes dans ce bus où

  3   vous voyez plein d'enfants. Je n'ai pas beaucoup réfléchi à ce que j'avais

  4   lui posé comme question. Ce n'est pas, je vous avertis, ce n'est pas la

  5   même chose comme nous discutons maintenant sur cette question. Je

  6   réfléchissais après aussi sur ça, sur ce que vous avez demandé.

  7   M. LE JUGE MINDUA : Donc, en fait, vous étiez surpris de voir qu'il y avait

  8   des naissances au sein de cette communauté et en ce temps-là ?

  9   LE TÉMOIN : Oui, autant de naissances, oui, parce que c'était la situation

 10   extrême que je ne connaissais pas tellement. Mais c'était -- vous êtes

 11   encerclés pendant trois ans presque, deux ans et demi -- trois ans, de '92

 12   à '95.

 13   M. LE JUGE MINDUA : Alors ma dernière question, pour ne pas abuser du temps

 14   du Procureur. C'est -- alors, cette surprise, finalement, pour vous, la

 15   dame pourrait être félicitée ou elle devrait être blâmée ? Quel est votre

 16   sentiment ? Vous félicitez la dame ou bien vous l'a blâmée ?

 17   LE TÉMOIN : Comme vous avez vu aussi, tous les enfants sont très beaux. Cet

 18   enfant est extraordinairement beau. Je ne rentrerais pas dans ce -- je n'ai

 19   pas eu dans ma tête. Je vais vous dire, juste avant -- juste avant d'entrer

 20   ici, avant d'entrer ici, donc je viens d'obtenir une info par téléphone que

 21   la fille de mes amis, proches amis, vient de donner naissance à un enfant

 22   mongoloïde, et j'étais complètement abattu à une heure et demie. Donc je

 23   refuse chaque pensée dans ce sens. Vraiment, les enfants ont tous

 24   [inaudible].

 25   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Merci.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, je crois que

 27   nous devons faire notre pause. Et je voudrais rappeler à l'Accusation qu'il

 28   y a une certaine procédure à adopter concernant les différentes pièces à


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  1   conviction. Le 22 avril, nous vous avons donné des directives :

  2   "Avant de demander le versement d'une pièce qui n'a pas été versée

  3   par le truchement du témoin durant une précédente déposition, les parties

  4   devraient envisager quelle est la pertinence de ces documents ou de ces

  5   pièces à verser pour l'affaire en l'espèce et si elle constitue une partie

  6   indissociable de la déposition précédente, c'est-à-dire si la déposition

  7   précédente perdrait sa valeur probante ou si elle deviendrait

  8   incompréhensible."

  9   Je vous rappelle donc que si vous versez certains documents qui n'ont pas

 10   été versés le truchement de ce témoin dans des affaires précédentes, vous

 11   devez motiver le versement de ces pièces.

 12   Nous allons faire notre première pause maintenant, et nous reprendrons à 16

 13   heures 20.

 14   --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.

 15   --- L'audience est reprise à 16 heures 24.

 16   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye, veuillez

 17   poursuivre votre interrogatoire principal.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Je crois que sur le prétoire électronique nous avons des images de ce

 20   que vous avez tourné le 14 juillet 1995. Je voudrais que l'on visionne ces

 21   images jusqu'à l'horodateur, la référence 2 heures, 54 minutes, 22

 22   secondes. Mais avant de visionner cela, est-ce que vous voyez les images,

 23   ou du moins l'arrêt sur image devant vous ?

 24   R.  Oui, Monsieur.

 25   Q.  Très bien. Et d'après l'arrêt sur image qui est à l'écran, est-ce que

 26   vous pouvez nous dire où l'on se trouve ? Si vous ne pouvez pas, faite-le-

 27   moi savoir. Nous allons visionner le reste de ce passage, et ça vous

 28   rafraîchira peut-être la mémoire.


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  1   R.  Je crois qu'il s'agit de la route allant de Bratunac à Srebrenica.

  2   C'est une route qui n'est pas trop longue. Vous voyez qu'il y a des

  3   réfugiés. Je crois qu'il s'agit en fait de Serbes qui revenaient à

  4   Srebrenica, qui repartaient chez eux donc.

  5   Q.  Très bien.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Alors, nous allons commencer le visionnage

  7   à partir de cet arrêt sur image.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 10   Q.  Je viens d'arrêter le visionnage à 2 heures, 55 minutes, 13 secondes et

 11   1 centième. Est-ce que vous reconnaissez ce que vous de voir jusqu'à

 12   présent ?

 13   R.  Oui, Monsieur.

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous avez vu ? Dans quelle

 15   direction les véhicules vont et qui sont les personnes que nous avons vues

 16   sur ces chevaux ?

 17   R.  Vous voyez que l'on filme dans une seule direction. Nous venons de

 18   passer devant le Bataillon néerlandais, qui se trouvait entre Bratunac et

 19   Srebrenica. Et puis, vous voyez en fait que les images s'arrêtent devant

 20   l'entrée à proximité de Srebrenica. Et vous pouvez voir qu'il y a des

 21   personnes qui sont donc des Serbes, qui faisaient partie d'unités serbes,

 22   montées sur des chevaux. Ce sont des personnes qui étaient dans des

 23   positions au-dessus de Srebrenica. Il s'agit d'une zone montagneuse. C'est

 24   ce que nous avons donc vu sur ces images.

 25   Nous sommes le 14 au matin. Je ne sais pas exactement à quelle heure

 26   c'était. Et devant, on voit une inspection de police qui se trouvait à

 27   Srebrenica. Ils étaient en train d'établir des structures policières dans

 28   la ville à proprement parler, et c'est la raison pour laquelle nous sommes


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  1   partis derrière eux. C'était une manière pour moi de rentrer dans

  2   Srebrenica, parce qu'on ne pouvait pas simplement rentrer comme cela. Ce

  3   n'était pas encore possible.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Le Juge Nyambe a une question.

  5   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Oui. A la page 35, lignes 23 à 25,

  6   dans une réponse à une question de M. Vanderpuye, vous avez dit :

  7   "On peut voir des réfugiés. En fait, il s'agit, je dirais, de Serbes

  8   qui rentraient à Srebrenica et qui, donc, avaient commencé à rentrer chez

  9   eux."

 10   Ma question est la suivante : d'où venaient-ils et dans quelles

 11   circonstances avaient-ils quitté leurs domiciles ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, lorsque le conflit entre les Serbes

 13   et les Musulmans a éclaté dans les environs de Srebrenica, cela a commencé

 14   par un député, un Serbe, qui a été tué à l'entrée de la ville de

 15   Srebrenica. Ensuite, il y a eu un conflit entre les différentes

 16   populations, et les Serbes sont partis. Je crois qu'avant la guerre, les

 17   Musulmans étaient majoritaires, mais à l'instar de nombreuses communautés

 18   en Bosnie, il s'agissait d'une communauté multiethnique. Les Serbes sont

 19   donc partis en direction des différents endroits; certains sont allés en

 20   Bosnie, d'autres sont allés en Serbie. Donc il s'agissait de personnes qui

 21   rentraient chez elles.

 22   Et un peu plus tard, j'ai interviewé des personnes qui revenaient.

 23   J'ai filmé également des appartements abandonnés par les Musulmans. Il

 24   s'agissait d'une communauté mixte. Et étant donné que les Musulmans étaient

 25   arrivés de manière organisée en direction du Bataillon néerlandais, ceci ne

 26   pouvait pas être des Musulmans à ce moment de la journée. Ça ne pouvait

 27   être que des Serbes qui revenaient chez eux.

 28   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, c'est à vous.

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais

  4   simplement mentionner pour les besoins du compte rendu d'audience que les

  5   images que nous avons maintenant à l'écran se trouvent également dans

  6   l'enregistrement de départ qui a été fourni par le témoin et qui porte la

  7   cote P1349. Le point de départ -- c'est-à-dire plutôt le point où l'on voit

  8   qu'il y a un virage sur la route et où on voit des gens qui sont sur des

  9   chevaux se trouve donc au compteur à 2 heures, 54 minutes, 46 secondes et

 10   50 centièmes. La partie correspondante sur l'enregistrement de départ est

 11   00:25:40. Et je voulais qu'on continue à visionner ceci à partir du point à

 12   l'horodateur 2 heures, 55 minutes, 13 secondes et 21 centièmes [comme

 13   interprété].

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, vous venez de

 15   parler de la pièce P1349. Ce n'est pas recensé sur notre liste de

 16   documents. Je veux m'assurer que vous ayez donné le bon numéro.

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je ne l'ai pas recensé, Monsieur le

 18   Président, comme pièce, comme pièce associée avec la déposition du témoin,

 19   mais je crois savoir que ce document a déjà été versé de toute façon. Je le

 20   rementionnais simplement pour les besoins du compte rendu.

 21   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, je l'ai trouvé. Merci beaucoup.

 22   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si les Juges

 23   de la Chambre sont d'accord, nous pouvons continuer le visionnage de cette

 24   vidéo.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous avons fait un arrêt sur image à

 27   l'horodateur à 2 heures, 55 minutes, 57 secondes et 1 centième.

 28   Q.  Je ne vais pas répéter la teneur de la conversation que l'on voit dans


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  1   les sous-titres de ce documentaire de Studio B, mais je voudrais obtenir

  2   quelques précisions de votre part, Docteur Petrovic. Vous êtes à bord d'un

  3   véhicule en compagnie de Ljubisa Borovcanin, n'est-ce pas ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Et dans cette conversation où vous faites référence à des mosquées

  6   préfabriquées qui sont établies sur le mont Igman, qui fait cette

  7   déclaration; est-ce que c'est vous ou est-ce que c'est M. Borovcanin ?

  8   R.  Pour ce qui est du mont Igman ? Je ne me souviens pas que l'on ait

  9   mentionné le mont Igman. Igman est assez loin de l'endroit où l'on se

 10   trouve. Ça devait être un autre mot. Igman est à proximité de Sarajevo.

 11   Q.  D'accord.

 12   R.  Il s'agit d'une montagne.

 13   Q.  On le voit dans les sous-titres. Alors, évidemment, peut-être que vous

 14   n'avez pas entendu. Est-ce que vous dites que vous ne l'avez pas entendu ou

 15   vous ne l'avez pas vu dans les sous-titres, le fait que vous ayez parlé du

 16   mont Igman ?

 17   R.  Je ne l'ai pas entendu. Peut-être que vous pouvez repasser la vidéo.

 18   Mais je ne crois pas qu'on ait mentionné Igman. C'est peut-être une erreur.

 19   Parce que ça ne rentre pas dans le cadre de ce qui a été filmé ici.

 20   Q.  Eh bien, on peut peut-être revenir un peu en arrière.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] On peut revenir peut-être à l'image à 2

 22   heures, 55 minutes, 50 secondes, 94 centième. Ou peut-être 2 heures, 55

 23   minutes, 51 secondes.

 24   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ça, ce n'est pas possible parce qu'on

 25   a vu un autre passage. Ah oui, voilà, nous y sommes.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] D'accord. Je crois qu'on peut commencer à

 27   revisionner à partir de là.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Enfin, non. C'est presque là. Si on peut

  2   revenir un tout petit peu en arrière. Désolé.

  3   Voilà. Je crois qu'on peut recommencer là. Tout d'abord, vous voyez

  4   que sur le sous-titre, il est mentionné une mosquée préfabriquée. Nous

  5   sommes à 2 heures, 55 minutes, 18 secondes et 9 centièmes.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous reconnaissez la personne qui parle ? Nous venons de

  9   nous arrêter à 2 heures, 55 minutes, 32 secondes et 4 centièmes.

 10   R.  Je crois que nous étions trois dans ce véhicule : Borovcanin, le

 11   conducteur et moi-même. J'ai vu la traduction ici "Igman", mais je n'ai pas

 12   entendu le mot Igman prononcé. Je ne sais pas vraiment quel est le

 13   contexte. Parce qu'Igman ne se trouve vraiment pas dans les environs. Je

 14   peux vous assurer qu'il n'y a aucune raison d'avoir mentionné le terme

 15   Igman ici.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, juste au début

 18   de cette partie --

 19   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] -- le premier mot que nous avons

 21   entendu c'était Igman. Est-ce que vous pourriez refaire visionner cette

 22   partie de façon à ce qu'on entende la totalité de la phrase.

 23   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,

 24   Monsieur le Président. Nous allons reprendre le visionnage à 2 heures, 55

 25   minutes, 10 secondes et 4 centièmes.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 28   Q.  Je vois que vous avez -- vous avez entendu le mot.


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  1   R.  Oui, j'ai entendu, effectivement. C'est soit Borovcanin, soit son

  2   chauffeur. Je ne peux pas vraiment discerner les voix. Ils disent que c'est

  3   ainsi qu'ils ont construit une mosquée préfabriquée sur le mont Igman. Et

  4   ils en ont vu également une autre sur la ligne de front quelque part. C'est

  5   probablement l'explication la plus probable.

  6   Q.  Très bien.

  7   M. VANDERPUYE : [interprétation] Alors, continuons le visionnage.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 10   Q.  Ici, vous voyez qu'il est mentionné une mosquée, puis ensuite il est

 11   mentionné "puis après, je crois deux jours après, ça a été démoli." C'est

 12   ce qui est mentionné dans le sous-titre. Est-ce qu'on fait référence à la

 13   mosquée ou est-ce que c'est une référence à quelque chose d'autre ?

 14   R.  Malheureusement, je ne peux pas vous dire de quoi il s'agit exactement.

 15   Et je voudrais attirer l'attention des Juges de la Chambre sur un détail

 16   important. Il s'agit d'images brutes qui ont été filmées comme cela. Vous

 17   voyez donc qu'il y a les images qui sont présentées ici, mais ce n'est pas

 18   quelque chose que l'on voit dans les images de Christiane Amanpour.

 19   Il n'y a pas vraiment de choses importantes ici. Il s'agit de

 20   personnes qui parlent avant d'arriver à Srebrenica, à 3 ou 4 kilomètres

 21   avant Srebrenica. Il n'y a vraiment rien d'important pour les incidents de

 22   Srebrenica. D'un point de vue de production télé, ces images ne sont pas

 23   vraiment très bonnes. Il n'y a aucune valeur documentaire à ceci. Lorsque

 24   vous filmez en période de guerre, lorsque vous essayez d'interviewer

 25   quelqu'un, si vous êtes à bord du même véhicule, vous essayez de lancer une

 26   conversation pour peut-être les provoquer ou pour leur faire dire quelque

 27   chose. Mais ici, vous voyez qu'il y a un dialogue. Il y a beaucoup de

 28   jurons. Et je crois, selon moi, que ça n'a aucune importance par rapport


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  1   aux images que j'ai filmées plus tard, du moins d'un point de vue

  2   professionnel.

  3   Quoi qu'il en soit, je suis le seul, au cours des 20 dernières années, qui

  4   a fourni ses propres images brutes, et quelquefois ça a été à mon

  5   détriment. En général, un journaliste ne vous livre pas ses images brutes.

  6   Je suis probablement le seul journaliste à l'avoir fait.

  7   Q.  Bien --

  8   R.  Et je n'ai aucun secret à garder ici.

  9   Q.  Je vous remercie de cette réponse. Mais même si d'un point de vue

 10   journalistique vous pensez que cela n'a aucune valeur, ça peut avoir une

 11   valeur en termes de preuve. Et la question que je vous pose c'était de

 12   savoir si -- il est mentionné dans le texte une intention de détruire ou de

 13   démolir quelque chose. Est-ce qu'on parle ici de la mosquée qui vient juste

 14   d'être mentionnée dans la discussion juste avant cette remarque ou est-ce

 15   que l'on parle de quelque chose d'autre ? Et étant donné que vous étiez

 16   présent et que vous étiez partie à cette discussion, je pensais que vous

 17   seriez peut-être en mesure d'éclairer notre lanterne.

 18   R.  Oui. Autant que je me souvienne, cette partie des images n'a pas été

 19   filmée à Srebrenica. Je ne me souviens pas avoir vu de mosquées. Il n'y

 20   avait pas de mosquées. La mosquée était au centre de Srebrenica, et nous

 21   nous trouvions entre Bratunac et l'entrée dans la ville de Srebrenica, dans

 22   les images que l'on voit. Et donc je ne sais pas vraiment ce que cela veut

 23   dire "dans deux jours, ce sera démoli." J'essaie maintenant de me remémorer

 24   ce qui a été dit, mais je n'ai pas vraiment été en mesure de voir quelque

 25   mosquée que ce soit. Il n'y avait pas de mosquée entre Bratunac et

 26   Srebrenica. Peut-être qu'il y en a une maintenant. Je ne sais pas.

 27   M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien. Nous allons continuer le

 28   visionnage à partir de 2 heures, 55 minutes, 36 secondes et 9 centièmes.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que vous avez vu, c'est mentionné dans le texte "il y a quelque

  4   chose d'arabe qui va commencer" ? Et la réponse est "oui, oui."

  5   De quoi s'agit-il ? De quel truc arabe parlez-vous ?

  6   C'est mentionné à l'arrêt sur l'image à 2 heures, 55 minutes, 45

  7   secondes et 5 centièmes.

  8   R.  Bien, maintenant en 2011, j'en arrive à la conclusion que j'ai vu peut-

  9   être un détail ou quelque chose sur les murs des maisons. Il y avait peut-

 10   être un ornement au-dessus de la porte. C'est quelque chose que j'ai déjà

 11   pu voir. Il y avait des kilomètres et des kilomètres de fresques murales

 12   avec des messages islamistes des combattants. J'ai vu cela à Balbec. C'est

 13   une ville tenue par les Chiites. Donc peut-être qu'en passant, quelque

 14   chose m'a rappelé cette ambiance, et c'est dans ce sens-là que j'ai dit

 15   ambiance arabe. Prenez ce que je vous dis avec un grain de sel, parce que

 16   je n'arrive pas à expliquer cela autrement.

 17   Parce qu'il n'y avait pas de combattants, mais il y a eu des images,

 18   des graffitis. Il y avait cette imagerie, si j'ose dire. Cette culture-là

 19   était présente, ce type de combat, même si les combattants arabes n'étaient

 20   pas présents ou visibles.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien. On va continuer cette vidéo, et puis

 22   on va commencer à partir de 2 heures, 55 minutes et 45,5.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 25   Q.  Voilà, ici, on fait toute une série de références. Tout d'abord, "comme

 26   si on n'était pas en Europe." De quoi parle-t-on là, donc dans ce contexte

 27   d'ambiance arabe qui avait commencé déjà ?

 28   R.  Bien, c'est sans doute encore un commentaire, parce qu'on entrait dans


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  1   une autre civilisation. Vous savez, on était dans cette guerre depuis 1992.

  2   On a pu voir des milliers d'alumni d'Afghanistan, donc des gens qui ont

  3   combattu dans cette guerre dans l'armée d'Alija Izetbegovic. Donc c'est

  4   sans doute une fresque dessinée par un de ces combattants. Vous savez,

  5   c'était un commentaire privé, parce que je savais qu'il y avait des

  6   islamistes qui étaient présents sur le terrain.

  7   Par exemple, en 1993, le 29 août, j'ai une photo dans un de mes

  8   bouquins, un homme a été grillé sur la broche dans un village à proximité

  9   de Srebrenica; c'était l'œuvre des Moudjahidines. La plupart d'entre eux

 10   venaient des pays arabes, mais il y en avait aussi qui venaient de

 11   l'Afghanistan. Mais là, c'était vraiment des combattants, des gens qui

 12   avaient une expérience de la guerre, en tout cas. Alors, vous imaginez ces

 13   -- enfin, ce sont des habitudes du Moyen-Age. C'est la guerre du Moyen-Age.

 14   Vous imaginez, vous brûlez un homme sur la broche. Maintenant, je suis

 15   vraiment désolé de ne pas avoir pris cette photo. Mais cela étant dit, j'ai

 16   enlevé ces commentaires par la suite. Evidemment, que je n'allais pas le

 17   garder dans le film définitif.

 18   Q.  Et cette référence que l'on fait à ce qui est dit aussi,  autrement

 19   dit, "ce qu'ils nous ont probablement apporté, c'est une espèce de peste",

 20   est-ce que cela fait partie de la même imagerie ?

 21   R.  Bien, vous savez, je suis un scientifique, et j'ai fait une différence

 22   très distincte entre l'islamisme et l'islam en tant que religion. Là, ce

 23   sont des islamistes, option ben Laden d'ailleurs. Il a été présent à

 24   Sarajevo. Il a combattu dans les rangs d'Alija Izetbegovic. Il a aidé son

 25   armée avec cette idée islamiste qui consiste à détruire tout ce qui est

 26   juif, chrétien, et cetera.

 27   Vous savez, j'ai un bouquin chez moi, "Al-Qaeda, la 'common term'

 28   verte contre la civilisation judéo-chrétienne." C'est le titre du livre que


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  1   je possède chez moi. Vous devez comprendre que j'ai dit cela parmi les

  2   soldats, mais je l'ai dit en toute connaissance de cause. L'islamisme, vu

  3   que vous me posez la question, si j'ose dire, je peux vous dire que la

  4   télévision française les a filmés à côté du mont d'Igman. Ils étaient en

  5   train de boire un café sur le mont d'Igman côte à côte avec les soldats

  6   français et britanniques. Donc cette Europe chrétienne soutenait les

  7   Musulmans et les Islamistes. Mais cela étant dit, j'ai encore des amis

  8   musulmans; je veux le dire clairement. Je n'ai pas un problème avec les

  9   Musulmans. J'ai un problème, en revanche, avec ben Laden et sa philosophie,

 10   d'ailleurs ce même ben Laden qui est le héros du monde musulman

 11   aujourd'hui.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Aidez-moi à comprendre, Monsieur

 13   Petrovic. C'est surtout le début de votre réponse où vous parlez de

 14   l'option ben Laden. Vous dites que : "Il avait été présent à Sarajevo, que

 15   ses unités avaient été présentes sur le théâtre des opérations, qu'il avait

 16   lui, donc ben Laden, visité aussi les bureaux d'Alija Izetbegovic." A qui

 17   faites-vous référence ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] A Oussama ben Laden, l'homme qui a été tué

 19   récemment. Il était le dirigeant de cette option dure de l'Islam, des

 20   Islamistes. Et d'ailleurs, une femme journaliste de Stern [phon], l'a vu

 21   alors qu'il est allé visiter Alija Izetbegovic. D'ailleurs, des combattants

 22   des El Moudjahid étaient présents pendant toute la guerre, et c'est un de

 23   ces combattants justement qui a tourné un homme sur la broche à proximité

 24   de Srebrenica pendant la guerre. Je l'ai dit parce que j'ai vu qu'on n'a

 25   jamais parlé de cela ici.

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien, je vais vous arrêter ici.

 27   Ce n'était pas la question que j'ai posée. J'ai voulu tout simplement être

 28   sûr que c'est bien de ben Laden que vous parlez. Maintenant je vous


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  1   remercie.

  2   Vous pouvez poursuivre.

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien, merci.

  4   Q.  Monsieur Petrovic, là nous allons regarder la vidéo que vous avez

  5   montrée sur les ondes de Studio B mi-juillet 1995.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Une question de Mme le Juge Nyambe.

  7   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] J'ai une question pour M. Vanderpuye,

  8   puisque je voudrais comprendre quelle est la différence entre la vidéo du

  9   Studio B et la vidéo complète avant montage.

 10    M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vais poser la question au témoin.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle est la différence entre la vidéo qui a

 12   été présentée au Studio B et la vidéo contenant des images brutes que vous

 13   avez fournie au bureau du Procureur en 2006 ?

 14   R.  De façon générale, on parle de ces images brutes de cette vidéo avant

 15   montage, qui n'est pas vraiment d'une grande qualité. Du point de vue

 16   professionnel, la plupart de ces images ne pourraient pas être acceptées

 17   par les télévisions actuelles vu les critères en vigueur dans le monde

 18   aujourd'hui. Mais vu que j'étais un des rares à avoir été présent sur le

 19   terrain à l'époque, même ces images-là de si mauvaise qualité ont pu être

 20   montrées par les chaînes de télévision, parce que j'étais d'ailleurs un des

 21   rares à avoir été présent sur le terrain à l'époque. Quand on parle de ces

 22   images sans montage, il y a à peu près une heure, une heure et demie

 23   d'images. En revanche, le documentaire ne compte que 28 minutes ou 30

 24   minutes. Et je dois dire aussi que je ne suis pas un caméraman

 25   professionnel. Ce n'est pas ma profession. Ce ne sont pas des images

 26   léchées et polies. La plupart des grandes chaînes de télévision ne

 27   montreraient pas ces images. Cela étant dit, si ce sont les seules images

 28   qu'ils possèdent, ils les montreraient. C'est exactement ce qui s'est passé


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  1   avec la Studio B. Ils ont éliminé deux tiers des images à cause de leur

  2   mauvaise qualité et ils ont gardé un tiers, à peu près, c'est cela.

  3   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Donc autrement dit, cette vidéo du

  4   Studio B, c'est la version montée de votre enregistrement original ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On a procédé au montage, on est allé

  6   ensemble dans la salle du montage et on a essayé de voir ensemble quelles

  7   étaient les images qui pouvaient répondre à ces critères professionnels et,

  8   très vite, on a compris que peu d'images répondaient à ces critères de

  9   qualité parce que ce sont des images tout de même avec très peu de pixels.

 10   Mais cela étant dit, il y avait une valeur documentaire de ces images parce

 11   que c'étaient des événements historiques, et il s'agit d'une documentation

 12   de ces événements.

 13   Mme LE JUGE NYAMBE : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye.

 15   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 16   Q.  J'ai voulu montrer justement ce segment du Studio B. Si vous vous

 17   rappelez la vidéo que l'on a examinée tout à l'heure, on a examiné la

 18   partie qui commence à 2 heures, 55 minutes, 7,4 secondes. Vous voyez cet

 19   homme à cheval qui salue les personnes dans la voiture. Et maintenant, on

 20   va revoir ces images dans la vidéo du Studio B.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vais demander que l'on examine tout

 22   d'abord 2 heures, 55 minutes et 7,4 secondes pour voir où on est. Voilà. Et

 23   maintenant, je demande que l'on examine 2 heures, 56 minutes et 7,05

 24   secondes. Voilà. Donc vous allez reconnaître ces images que l'on a vues

 25   dans la vidéo précédente.

 26   Q.  Est-ce que vous les reconnaissez ? On peut vous montrer cela.

 27   R.  Oui.

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation] Voilà. Donc 2 heures, 56 minutes, 7,6


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  1   secondes. Là, c'est la vidéo du procès, et maintenant nous allons voir la

  2   même image mais dans la vidéo du Studio B.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation] Voilà, arrêtez-le ici.

  5   Q.  Vous avez pu remarquer, Docteur, qu'ici cette image s'arrête, et ce que

  6   l'on voit c'est le plan du dépôt de Kravica le 13 juillet. Est-ce que vous

  7   avez une explication, outre celle que vous nous avez déjà donnée, par

  8   rapport à la différence entre les images originales et les images du Studio

  9   B. Donc, pourquoi on voit cette image du 13 juillet au milieu de quelque

 10   chose qui se passe le 14 juillet ?

 11   R.  Cela peut vous sembler incroyable, mais l'explication est très simple.

 12   Là, vous avez des plans -- non. Tout d'abord, je vais vous expliquer

 13   quelque chose. Comme vous pouvez le voir ici, on a coupé toute la

 14   conversation dans la voiture où on ne filme pas, où la caméra est

 15   descendue. Là, ce sont les plans en marche, donc on tourne de la voiture et

 16   pour montrer qu'on est en mouvement. Et puisque plusieurs plans ne

 17   pouvaient pas être intégrés dans ce reportage dans le montage définitif, eh

 18   bien, je pense qu'on a tout simplement procédé à un choix d'images. Moi je

 19   n'ai pas assisté à tout le processus. Si nous avons mis cette image ici, si

 20   nous l'avons incluse ici, nous l'avons incluse uniquement pour des raisons

 21   professionnelles, parce que c'est aussi une image en mouvement.

 22   Vingt-huit minutes, c'est une durée assez longue, et il faut beaucoup

 23   de plans, beaucoup de cadres corrects, d'une qualité acceptable, pour

 24   pouvoir monter un film de 30 minutes à la fin. Et on n'avait pas beaucoup

 25   de temps. Il fallait finaliser le montage en deux jours, et on n'avait pas

 26   beaucoup de plans corrects, on n'avait pas beaucoup de plans que l'on

 27   pouvait vraiment garder. Et si vous avez différents plans en mouvement, eh

 28   bien, vous devez avoir un certain nombre de plans, parce que moi je fais le


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  1   voyage entre Bratunac et Srebrenica.

  2   Il faut remplir ce voyage avec quelque chose. Et c'est vrai que là

  3   c'est un plan qui vient d'un autre endroit. Cela a été tourné sur la route

  4   entre Bratunac et Tuzla. Mais la seule raison pour laquelle nous avons

  5   ajouté cela ici, c'est pour des raisons techniques. Et je n'étais pas le

  6   seul à avoir mon mot à dire là-dedans; les techniciens du montage faisaient

  7   ce choix aussi dans tous ces cadres.

  8   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je

  9   souhaite dire que cet enregistrement vidéo, donc la vidéo du Studio B,

 10   c'est la pièce P1250. Et la séquence dont on parle à présent se trouve dans

 11   la pièce P1250, à 0 heure, 17 minutes et 5 secondes.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Moi j'ai voulu poser une question au

 13   témoin.

 14   On a entendu des voix des gens présents dans la voiture en train de

 15   discuter. Avez-vous reconnu ces voix ? Je parle de la dernière portion de

 16   l'enregistrement.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, si vous parlez de cette portion où

 18   les combattants approchent la voiture pour nous demander comment on allait,

 19   et cetera, mais il y a trois personnes qui se trouvaient dans la voiture :

 20   le chauffeur, le commandant Borovcanin et moi-même. Donc on est les seuls à

 21   parler; c'est nos voix.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et qui était en train de parler à ce

 23   moment ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je reconnais ma voix, mais il y a des moments

 25   où je ne sais pas si c'est que Borovcanin qui parle ou bien si le chauffeur

 26   intervient. Mais vous savez, j'ai oublié ces voix puisque je les entendues

 27   en 1995. Donc, aujourd'hui, si je rencontrais cette personne, je ne saurais

 28   reconnaître sa voix. En tout cas, on était au nombre de trois dans la


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  1   voiture.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que vous

  3   ne reconnaissez pas votre propre voix ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je me reconnais en général. Quand c'est

  5   un peu plus fort, oui, je peux me reconnaître. Tous les gros mots, c'est

  6   moi.

  7   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  8   Monsieur Vanderpuye.

  9   M. VANDERPUYE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, nous

 10   avons la transcription de cette partie de la vidéo et nous avons deux voix

 11   différentes. Donc c'est ce que nous considérons, quoi que dise le témoin.

 12   Nous pensons que c'est bien le cas. Nous considérons qu'il y a deux voix.

 13   Maintenant, je voudrais que l'on revienne à 2 heures, 56 minutes et 7,05

 14   secondes, où on voit le début de l'enregistrement du dépôt de Kravica.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation] Voilà.

 17   Q.  Donc, ici on a ces planques, et vous avez décrit que c'est vous qui

 18   avez enregistré cela en passant à côté du dépôt de Kravica; est-ce que

 19   exact ?

 20   R.  [aucune réponse verbale]

 21   Q.  Vous devez répondre. On a besoin de votre réponse pour le compte rendu

 22   d'audience.

 23   R.  Oui. Le 13 juillet dans l'après-midi. C'était à Kravica.

 24   Q.  Et c'était après votre retour ? Donc vous partez en direction de

 25   Bratunac, vous retournez de Konjevic Polje ?

 26   R.  Oui. Parce que la voiture roule du côté droit, et si on a tourné à

 27   droite, cela ne pouvait être qu'en direction de Bratunac. C'est en tout cas

 28   ce que je pense. Parce que, vous savez, moi j'enregistre cela alors que les


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  1   Musulmans sont en train de tirer sur la voiture, et pas seulement sur la

  2   voiture. Il y a des tirs partout.

  3   Q.  Oui, oui, on a entendu des tirs au début ou des explosions au début de

  4   cette vidéo; est-ce exact ?

  5   R.  Oui, parce qu'à proximité de cet endroit se trouve un petit ruisseau,

  6   et les forces musulmanes étaient de l'autre côté de ce ruisseau. Donc je

  7   peux vous expliquer de quoi il s'agit. Vous avez les Musulmans qui sont en

  8   train de se rendre et les Musulmans qui sont en train de tirer sur les

  9   Serbes, et puis vous avez les Musulmans qui tirent sur les Musulmans qui

 10   sont en train de se rendre aux Serbes. Alors, voyez-vous, est-ce que vous

 11   pouvez imaginer les conditions de cet enregistrement ?

 12   M. VANDERPUYE : [interprétation] Eh bien, maintenant, on va voir au ralenti

 13   ce même enregistrement. Et on va voir 2 heures, 56 minutes et 23,06

 14   secondes. J'espère que je ne me trompe pas. Voilà. On va le montrer au

 15   ralenti. Donc la version au ralenti de ce même enregistrement.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 18   Q.  Dans cette vidéo, vous voyez au moins trois soldats : l'un au début de

 19   l'enregistrement, un qui passe, et là le troisième est debout devant la

 20   voiture, avec un signe de victoire. Est-ce que vous affirmez que les tirs

 21   que l'on entend dans cette vidéo ce sont les tirs qui viennent du côté

 22   musulman qui vous tire dessus ?

 23   R.  Mais absolument. Moi je n'ai jamais eu la possibilité de voir cela au

 24   ralenti. Au bureau de M. McCloskey, on m'a montré cela, on a attiré mon

 25   attention là-dessus. Effectivement, il s'agissait de trois combattants et

 26   un autocar avec des portes ouvertes. Mais la technologique fait des

 27   miracles, et donc maintenant on a pu voir cela au ralenti.

 28   Mais ce que je peux vous affirmer, c'est qu'ils nous ont tirés dessus


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  1   pendant tout ce temps. Et quand on est revenus à Belgrade, c'est là que

  2   j'ai eu peur, après coup, parce que je réagis toujours comme cela. J'ai

  3   toujours peur après coup. Quand la situation dangereuse se termine, c'est

  4   là que j'ai peur. Et donc, j'ai eu peur en rentrant à Belgrade. Si j'avais

  5   eu peur à l'époque, je n'aurais jamais filmé ces images.

  6   Q.  Je vous pose cette question parce qu'aucun de ces soldats n'essaie de

  7   se cacher ou de s'abriter. Ils n'ont pas peur d'essuyer les tirs des

  8   Musulmans. Comment expliquez-vous cela ? Comment expliquez-vous la position

  9   physique de ces soldats dans votre version des événements ?

 10   R.  On ne m'a pas posé la question la dernière fois lors de ma déposition,

 11   mais si vous regardez ce hangar, eh bien, c'est le seul endroit de toute

 12   cette zone qui est abrité, parce que déjà derrière le hangar coule le

 13   ruisseau, et c'est de cette direction-là que l'on tire. Alors qu'ici, on se

 14   sent complètement en sécurité parce qu'on est abrité par ce gros bâtiment.

 15   Donc personne n'était armé et prêt à tirer, puisque tout le monde était

 16   abrité par cet immeuble.

 17   Q.  Bien.

 18   M. VANDERPUYE : [interprétation] On va revenir quelques plans en arrière.

 19   Q.  A 2 heures, 56 minutes et 33,4 secondes. Maintenant, on voit

 20   l'enregistrement que vous avez fait de ce hangar, avec des corps devant.

 21   Vous en avez parlé déjà.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et quand je vous en ai parlé ce matin, vous avez dit que vous avez reçu

 24   des informations quant à la porte que l'on voit ici ?

 25   R.  Oui. Dans le procès Popovic et consorts, il y a eu un grand changement

 26   parce qu'on a compris que le hangar avait ses portes fermées, et c'est

 27   grâce à ma vidéo. Moi j'ai demandé comment se faisait-il que des dizaines

 28   et des dizaines de témoins ont dit qu'ils ont vu peut-être jusqu'à 1 500


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  1   morts. Moi, ce que j'ai pu voir, c'est 15 à 20 personnes mortes. Mais je

  2   suis étonné parce que ce sont des mensonges. C'est tellement clair. Et

  3   comment cela se fait-il que personne n'a eu à répondre à cause de tous ces

  4   mensonges ? Parce que c'est le seul enregistrement qui existe. C'est la

  5   seule photo qui montre que cette porte était fermée. C'est un moment très

  6   important en l'espèce, et je parle en tant que profane; évidemment, je ne

  7   suis pas un professionnel, un homme de droit.

  8   Q.  Est-ce que vous le dites parce que vous l'avez vu, vous l'avez entendu,

  9   ou bien est-ce que c'est une conclusion à laquelle vous arrivez suite à

 10   votre déposition dans le procès Popovic ?

 11   R.  Non. Au cours de ma déposition, on n'en a pas du tout parlé. C'est par

 12   la suite que je me suis intéressé à la question quand j'ai voulu savoir ce

 13   qui s'est passé avec M. Borovcanin. Quelqu'un me l'a dit. Je ne peux pas

 14   vous dire qui, mais c'est vrai que moi je n'ai jamais prêté attention à

 15   cela. C'est un plan qui ne dure que deux secondes, et on voit clairement

 16   que la porte est fermée ici.

 17   Q.  Et vous avez dit que les gens entassés devant ce dépôt, qu'il

 18   s'agissait de 15 personnes ou 20 personnes. Quand vous dites que "là il y a

 19   15 ou 20 personnes", est-ce que vous le dites sur la base de vos propres

 20   évaluations ou bien est-ce que quelqu'un vous a avancé, vous a dit ce

 21   chiffre ?

 22   R.  C'est une évaluation de profane, quand on regarde la largeur de la

 23   porte, quand on voit l'espace qui reste, mais je n'ai pas entendu d'expert

 24   se prononcer à ce sujet. J'aimerais bien entendre un expert se prononcer

 25   là-dessus. C'est une évaluation que j'ai faite moi-même sur la base de la

 26   longueur de ces murs, et j'en suis arrivé à un chiffre de 15 à 20 corps.

 27   C'est comme dans les stades partout au monde; comment calcule-t-on le

 28   nombre de supporteurs dans un stade ? Eh bien, vous essayez de voir quel


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  1   est le nombre de personnes qui occupent 1 mètre, et ensuite vous

  2   extrapolez. Donc c'est la même chose.

  3   Q.  Très bien.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Alors, Monsieur Vanderpuye,

  5   j'aimerais voir la partie au ralenti, s'il vous plaît, de nouveau.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je pense

  7   que nous avions commencé à 2:56:23. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et j'aimerais demander au témoin de

  9   se concentrer sur l'ensemble de la partie au ralenti. Par la suite, je vous

 10   demanderai, Monsieur le Témoin, quelques questions concernant votre

 11   évaluation, à savoir combien de corps vous pensez que l'on voit sur cette

 12   séquence.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie. Nous nous arrêtons

 16   à 2:56:44.7. Nous venons de voir l'ensemble de la séquence. Pourriez-vous

 17   nous expliquer de nouveau votre évaluation, nous donner votre évaluation ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. De toute

 19   façon, je demandais s'il était possible que d'autres personnes ici

 20   présentes me donnent leur évaluation également, mais je pense qu'au maximum

 21   on compterait 20 corps.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur, vous êtes le témoin dans

 23   cette affaire en l'espèce.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais je vous demanderais de bien vouloir

 25   m'accorder le bénéfice du doute, c'est-à-dire que c'est 2 ou 3 seconds

 26   maximums. Je ne m'attendais pas à ce que j'allais filmer cette séquence.

 27   J'étais dans la voiture et l'on nous tirait dessus, du côté du hangar. Ce

 28   n'est pas la même chose que lorsque nous sommes en train de réfléchir. Vous


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  1   savez, lorsque j'étais en train de filmer ces séquences, j'étais

  2   particulièrement -- enfin, tout se passait rapidement. Je ne sais pas si

  3   quelqu'un n'a jamais tiré sur vous, Monsieur le Président.

  4   Mais je dois vous dire qu'à l'époque où j'ai tourné ces séquences, je

  5   n'avais pas accordé une importance toute particulière à ces images. Mais

  6   très franchement, je dirais, qu'il s'agirait de 20 cadavres environ.

  7   Puisque je me souviens très bien qu'au début le secrétaire d'Etat américain

  8   avait également certaines images par satellite. Vous savez, lorsque l'on a

  9   placé les gens dans des autocars et au tout début, il y avait ce type

 10   d'images. Et on a pu évaluer sur le terrain pour savoir combien il y avait

 11   de personnes que j'ai également filmées, combien il y avait de personnes

 12   sur un pré. J'avais évalué qu'il y avait à peu près de cadavres pour les

 13   placer à bord d'un autocar. Je ne suis pas un expert, vous savez. De visu,

 14   je ne pouvais que donner une évaluation assez rapide, donc je vous prierais

 15   de tenir compte du fait que c'est une évaluation post-festum, après les

 16   événements. C'était tellement rapide que lorsque je filmais, j'avais

 17   l'impression qu'il y avait trois combattants.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez combien

 19   de portes le bâtiment comptait-il s'agissant de la partie avant, de Kravica

 20   ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument pas, Monsieur le Président. Je

 22   n'étais réellement pas du tout conscient de cette image au complet, l'image

 23   que nous sommes en train de regarder. C'est vrai que j'ai vu ces images il

 24   y a quelques années lors d'un autre procès. Mais lorsque nous aurions

 25   demandé des experts en médecine pour ce qui est de l'évaluation visuelle --

 26   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous arrête. Je vous demande de

 27   nous donner une évaluation, de votre estimation, combien de portes pensez-

 28   vous que comptait le bâtiment de Kravica ? Je ne parle pas d'autre chose.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens absolument pas de cela.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  3   Monsieur Vanderpuye.

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne suis

  5   pas tout à fait certain si nous avons toute la séquence vidéo. Est-ce que

  6   nous avons toutes les séquences ? Nous pourrions peut-être juste faire

  7   tourner l'ensemble de la bande.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   M. VANDERPUYE : [interprétation] D'accord. Nous nous arrêtons ici à 2

 10   heures, 56 minutes et 52,4 secondes.

 11   Q.  Docteur Petrovic, lorsque vous avez tourné ces images, avez-vous à

 12   quelque moment que ce soit demandé que l'on arrête la voiture dans laquelle

 13   vous vous trouviez ?

 14   R.  Ma réponse est simple. Je ne me souviens absolument pas si nous nous

 15   étions arrêtés. Mais j'aurais certainement tourné d'autres images, car à ce

 16   moment-là les combats étaient encore en cours. Le 11 juillet n'est pas la

 17   journée de la fin des activités de combat. On tirait également la journée

 18   du 13. J'ai passé l'après-midi à entendre des coups de feu, des tirs.

 19   Lorsque je suis sorti de la base et lorsque je me suis dirigé le long de

 20   cette route, j'ai entendu des coups de feu tout l'après-midi.

 21   Q.  Vous avez dit un peu plus tôt que M. Borovcanin, avec qui vous étiez à

 22   ce moment-là, avait demandé à un de ses hommes de l'accompagner au centre

 23   médical de Bratunac. Vous souvenez-vous de cela ?

 24   Vous devez répondre vocalement.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Où est-ce que ceci a eu lieu ? Etait-ce tout près de l'entrepôt ?

 27   R.  Non, c'était à un autre endroit. Aujourd'hui, je ne peux pas vous dire

 28   si c'est en direction de Bratunac et en allant vers la ville, ou


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  1   probablement avant, là où les Musulmans se rendaient, où j'ai filmé

  2   d'autres extraits. Je dois vous dire que je n'ai pas vu personnellement,

  3   parce que très rapidement après les événements, après ce que nous avions pu

  4   entendre sur les lieux, à savoir que les combattants de Borovcanin avaient

  5   été blessés, il est allé directement en direction de la ville. Et je pense

  6   que c'était avant, parce que c'est à ce moment-là que nous avons tourné ces

  7   images relatives au hangar de Kravica, donc après ces événements, si je me

  8   souviens bien.

  9   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que les images ont été

 10   tournées alors que vous vous dirigiez au centre médical de Bratunac ?

 11   R.  Si ma mémoire est bonne, oui.

 12   Q.  Vous avez dit que vous n'étiez pas allé avec M. Borovcanin au centre

 13   médical, n'est-ce pas ?

 14   R.  Permettez-moi de préciser ce point. Je suis arrivé avec lui au

 15   dispensaire, mais je ne suis pas entré à l'intérieur du dispensaire. Je ne

 16   suis pas allé voir dans la salle d'opération où l'on procédait à

 17   l'opération de cet homme. Je ne suis pas entré à l'intérieur. Je répète, il

 18   n'y avait absolument aucune raison pour que j'entre à l'intérieur du centre

 19   médical, donc j'ai attendu devant le dispensaire, probablement devant la

 20   voiture. Si je me souviens bien, j'étais à côté de la voiture.

 21   Q.  Et la personne qui était blessée, est-ce que cette personne est montée

 22   à bord de l'automobile, plutôt avec vous et M. Borovcanin ?

 23   R.  Non, non, non, non. Lorsque nous sommes arrivés, je pense qu'il

 24   s'agissait du pré de Sandici, c'était là où étaient regroupés les

 25   combattants musulmans qui s'étaient rendus, et c'est là que l'événement a

 26   eu lieu. Juste avant que je ne commence à tourner et à filmer le groupe des

 27   gens qui se rendaient - il y avait un jeune homme de 18 ans là également -

 28   ils ont expliqué ce qui s'est passé à Borovcanin et il a immédiatement


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  1   décidé de -- Et pendant ce temps, je tournais à ce moment-là - il

  2   s'agissait de quelques minutes - et donc c'est à ce moment-là qu'il a

  3   décidé de se diriger au centre médical. Je pense qu'il avait une Motorola

  4   avec lui, que quelqu'un l'avait informé de tout ceci. Nous étions arrivés

  5   après les événements. J'ai d'ailleurs la description indirecte de

  6   l'événement. Je ne suis pas témoin oculaire, ni Borovcanin d'ailleurs.

  7   Q.  Vous avez reçu des informations concernant la blessure de l'un des

  8   hommes de Borovcanin, n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez écrit dans

  9   votre article. Je pense que vous en avez parlé lors de votre déposition en

 10   2007.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  L'information reçue concernant les blessures du soldat de Borovcanin,

 13   c'était avant que vous n'arriviez au dispensaire, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, probablement lors de ces quelques minutes. Je l'ai entendu, et

 15   c'est pourquoi je l'ai écrit plus tard. Vous comprendrez que je n'arrive

 16   pas à vous donner des détails. Mais c'est à ce moment-là que j'ai eu cette

 17   information. Je les ai entendus parler, et je l'ai noté comme étant un

 18   détail intéressant. C'est un documentaire. C'est un détail décrivant une

 19   situation dans le cadre d'une guerre.

 20   Q.  D'accord. Et qu'ont-ils dit, qu'est-ce que vous avez entendu ? Vous les

 21   avez entendus parler d'une blessure à l'officier, et que quelques Musulmans

 22   essayaient de sortir du bâtiment, comme vous nous l'avez dit plus tôt, est-

 23   ce que c'est cela que vous nous dites ? Vous faites référence à cela ?

 24   R.  Si je ne m'abuse, et je n'ai pas de nouveau regardé le texte dont vous

 25   faites référence, mais il n'y a pas eu d'entrées dans quelque bâtiment que

 26   ce soit. Il s'agit de maisons qui étaient un peu plus grandes de taille.

 27   Mais tout ceci se passait juste à côté de cela. Je sais que nous étions --

 28   les combattants étaient très excités, parce que cet événement avait eu


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  1   lieu, et ce combattant musulman avait sauté, est entré, il avait pris

  2   quelque chose, et on lui a tiré dessus, et l'autre était blessé. Je n'ai

  3   pas entendu parler de cela à Bratunac, mais sur le champ à ce moment-là. Je

  4   n'arrive pas à me remémorer exactement de la chronologie des événements.

  5   C'est un combattant qui a dit cela, et il y en avait plusieurs sur place de

  6   toute façon.

  7   Q.  D'accord. Je voudrais vous montrer quelques autres extraits très

  8   brièvement.

  9   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, tenez compte du

 10   temps.

 11   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Poursuivez.

 13   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je voudrais vous montrer la pièce P1346,

 14   s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous ne voyons pas la vidéo.

 16   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, je sais, Monsieur le Président, nous

 17   sommes en train de chercher l'endroit exact que nous voulions vous montrer.

 18   Alors, l'endroit exact se trouve à 16 minutes, 43,7 secondes. Nous

 19   pouvons faire passer la vidéo à partir d'ici.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous reconnaissez la route ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous êtes dans la voiture ?

 25   R.  Oui, Monsieur. C'est exact.

 26   Q.  Où allez-vous ?

 27   R.  Etant donné qu'il y a des montagnes ici à droite, ça, c'est vers la

 28   Serbie, vers la Drina, alors qu'à gauche c'est là où il y a la petite


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  1   rivière, et je pense que c'est la route qui mène de Bratunac à Tuzla. Donc

  2   nous nous dirigions de Bratunac et nous allions à Tuzla, si je ne m'abuse.

  3   Q.  Donc vous êtes en train d'aller dans la direction de Bratunac ?

  4   R.  Non, c'est à l'inverse.

  5   Q.  D'accord, merci.

  6   M. VANDERPUYE : [interprétation] Alors passons la vidéo à partir d'ici.

  7   Q.  Qui se trouve dans la voiture avec vous ? Borovcanin, est-il avec vous

  8   ?

  9   R.  Oui, oui. La dernière fois, je n'arrivais pas à me souvenir s'il était

 10   là ce premier jour -- plutôt, si son chauffeur était là aussi. Je l'avais

 11   complètement oublié. Mais comme vous voyez, la caméra est devant et que la

 12   Motorola est là, vous voyez, ici, sur le pare-brise, je pense que c'est

 13   Borovcanin qui conduit. Je ne sais pas si son chauffeur était avec lui.

 14   Mais pour moi, ce n'était pas réellement important puisque je tournais un

 15   reportage.

 16   Q.  Très bien.

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] Passons maintenant la vidéo à partir

 18   d'ici, et vous voyez qu'il dit "Oficir, Bor," B-o-r ?

 19   R.  C'est un nom de code. "Oficir" veut dire officier, alors que "Bor" veut

 20   dire pin, comme sapin. C'est un nom de code. C'est cela que cela veut dire,

 21   je dirais. Peut-être que le général Tolimir saura vous répondre mieux que

 22   moi, à savoir que représente le mot "Bor".

 23   Q.  Bien.

 24   R.  Parce qu'il dit après : "Arrêtez la circulation derrière vous" dans le

 25   texte. C'est ce que j'ai dit lorsque j'ai parlé de convois. Je vous ai dit

 26   que de temps en temps, on arrêtait les convois à cause des activités de

 27   combat sur la route dans l'après-midi en question, et ceci fait référence à

 28   cela. Ici, lorsque vous voyez, "Stop the traffic behind you," en anglais,


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  1   "Arrêtez la circulation derrière vous", c'est à cela que cela fait

  2   référence.

  3   Q.  Mais vous pouvez voir ici que l'on parle de "LJB", donc c'est Ljubisa

  4   Borovcanin qui parle, et il dit : "Oficir, Bor."

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Mais "Oficir", c'est une personne, et "Bor", c'est l'interlocuteur,

  7   comme dans Borovcanin ?

  8   R.  C'est peut-être. Oui, c'est vrai, je n'avais pas pensé à ça. C'était

  9   une question militaire. Je dois vous dire, je n'ai pas réellement porté

 10   attention à leurs communications. Je suivais l'image, donc je n'ai pas

 11   porté attention à ce qu'ils se disaient entre eux.

 12   Q.  D'accord, je comprends. Mais dans votre article, vous avez néanmoins

 13   rédigé la chose suivante. Vous avez dit qu'"oficir" était un commentaire

 14   louable dans lequel on dit que c'est la position qu'occupait cette personne

 15   dans l'unité de Borovcanin, que c'était son commandant ?

 16   R.  Je dirais que c'est un surnom. Les soldats ont très souvent des

 17   surnoms. Je pense qu'il s'agit réellement d'un surnom. Je ne pense pas

 18   qu'il y avait un officier de l'armée ou de la police. Je ne crois pas que

 19   ce soit le nom de famille d'une personne. Je pense que c'est réellement un

 20   surnom. Je ne peux pas réellement vous répondre à cette question. C'est

 21   peut-être une question de traduction.

 22   Q.  Oui, il y a peut-être une question de traduction, mais j'aimerais vous

 23   renvoyer à votre article. Si je ne m'abuse, il s'agit de la pièce P1427 -

 24   excusez-moi, je suis dyslexique - 1247. Et vous dites à la page 5 de

 25   l'article -- bon, il n'est pas nécessaire de l'afficher; nous l'avons déjà

 26   vue. Mais vous dites, en racontant l'histoire de la façon de laquelle

 27   Oficir a été blessé, vous dites, C'est l'un des membres des forces

 28   spéciales de Ljubisa, n'est-ce pas ? Et vous dites Oficir est l'un des


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  1   membres des forces spéciales de Ljubisa le plus prometteur. Il se rend à

  2   l'hôpital --

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Mais vous devez attendre la réponse.

  4   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  5   Q.  Donc Oficir, c'est un officier prometteur - et vous dites ici

  6   Oficir, pas officier - et ses blessures sont en train d'être pansées,

  7   n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit --

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Permettez au témoin de répondre.

  9   Voulez-vous répondre, Monsieur le Témoin, s'il vous plaît.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois dans le texte Oficir se trouve entre

 11   guillemets, et le O est un O majuscule. Ce n'est pas son nom, mais c'est

 12   son surnom. C'est une reconstruction logique de tout cela. Mais vous savez,

 13   il s'est écoulé un si grand nombre d'années, et en venant ici je n'ai pas

 14   relu le texte. Je vous remercie de me poser ces questions, mais Oficir est

 15   un surnom. Je n'ai pas fait sa connaissance, puisqu'il était blessé à

 16   l'époque, mais j'avais entendu dire, de par les autres combattants qui se

 17   trouvaient sur place, qu'il s'agissait d'un excellent combattant. C'est ce

 18   que j'ai écrit. Dans tous les autres pays du monde, lorsqu'ils élaborent

 19   des textes sur leurs combattants, très souvent, on souhaite dire quelque

 20   chose de plus joli, de mieux.

 21   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 22   Q.  Alors ici, vous voyez Ljubisa Borovcanin en train de donner à Oficir un

 23   ordre, qui dit, arrêtez la circulation derrière vous. Nous pouvons

 24   également la passer, c'est dans la vidéo. Vous pouvez l'entendre

 25   d'ailleurs. C'est à 17 minutes 10,5 secondes.

 26   M. VANDERPUYE : [interprétation] Il faudrait peut-être passer la vidéo de

 27   nouveau.

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous ne l'avons pas à l'écran puisque


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  1   nous voyons maintenant le texte de l'article que vous avec cité.

  2   M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. VANDERPUYE : [interprétation]

  6   Q.  Nous sommes à 17 minutes, 34.9 secondes. Pourriez-vous nous dire où

  7   nous en sommes ? Où êtes-vous là dans la vidéo ici sur la route ?

  8   R.  C'est la même route. Je ne sais pas si, comme dans le reportage, j'ai

  9   suivi plus ou moins la chronologie. Je ne l'ai pas toujours suivie, je dois

 10   vous l'avouer. C'est la partie de gauche de la route par rapport à la route

 11   précédente, ou plutôt à l'image précédente. Donc c'est la route sur

 12   laquelle il y avait des activités de combat sur cette route. Certains

 13   Musulmans se rendent, alors que d'autres sont en train de combattre avec

 14   les Serbes, et il y a d'autres Musulmans, comme j'ai dit plus tôt, qui

 15   tirent sur leurs hommes qui étaient en train de se rendre.

 16   J'ai une image de loin - la caméra n'était pas très bien ajustée -

 17   mais on voyait qu'ils descendaient le long d'une montagne vers les Serbes.

 18   La scène est complètement surréaliste. Vous devez comprendre qu'il s'agit

 19   d'une scène surréaliste, et sur la base de la caméra que j'avais, j'ai

 20   vraiment tiré le maximum. Si j'avais eu un caméraman à côté de moi,

 21   j'aurais pu faire de meilleures images qui auraient pu servir au Tribunal

 22   mieux. Mais vous savez la caméra que j'avais n'arrivait pas du tout à

 23   filmer tout, par exemple, à cause des distances. Mais voilà, c'est la route

 24   en question.

 25   Q.  Bien. Merci, Monsieur. Nous avons entendu des éléments de preuve

 26   présentés dans cette affaire selon lesquels l'Oficir qui s'appelle Rade

 27   Cuderic était effectivement un membre de l'unité de M. Borovcanin, et qu'on

 28   lui a demandé d'arrêter la circulation derrière lui, qui, en réalité, était


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  1   juste devant l'entrepôt de Kravica, et qu'après avoir reçu ces

  2   instructions, les exécutions qui ont eu lieu dans cet entrepôt ont

  3   commencé. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si ceci correspond à

  4   vos souvenirs de ce qui s'est passé ce jour-là dans l'après-midi en

  5   question ?

  6   R.  Monsieur le Président, et toutes les personnes présentes, je dois vous

  7   avouer que c'est la première fois que j'entends parler d'une personne qui

  8   s'appelle Cuderic - je ne sais pas si c'est cela que vous avez dit. Sur les

  9   lieux, je ne savais pas du tout de quoi on parlait ici. Et vous m'accordez

 10   un peu trop d'importance. Un journaliste ne peut pas savoir ce que les

 11   officiers se disent entre eux lors d'une opération de combat. Donc j'étais

 12   persuadé lorsque j'ai regardé ces images, qu'il s'agissait du fait que --

 13   et j'ai d'ailleurs vu à plusieurs reprises des convois dans lesquels il y

 14   avait ces femmes, enfants, vieillards qui avaient été arrêtés le long de

 15   cette route. Puisqu'il y a certains tronçons de cette route qui étaient

 16   sous des tirs et pour ne pas mettre en péril ces civils, ils ont procédé à

 17   l'arrêt de la circulation.

 18   Alors, je vous l'affirme sur mon honneur. Et si vous demandiez à M.

 19   le général Borovcanin s'il n'a jamais mentionné ce nom devant moi, il

 20   aurait lui aussi dit non. C'est la raison pour laquelle j'ai placé ce nom

 21   entre guillemets. Si j'avais eu connaissance du nom, je l'aurais mis. Il

 22   n'y aurait aucune raison pour ne pas mentionner le nom de ce combattant, et

 23   plus particulièrement puisqu'il a été blessé et il s'est retrouvé au

 24   dispensaire. Alors, c'est tout ce que je peux vous dire.

 25   Q.  Cet ordre que Borovcanin a donné pour que l'on arrête la circulation,

 26   d'après votre propre évaluation donc, combien de temps s'est écoulé entre

 27   le moment où il a donné cet ordre et entre le moment où vous y étiez dans

 28   l'entrepôt de Kravica en train de filmer vos extraits, votre vidéo ?


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  1   R.  Vous me posez une question absolument impossible. Je ne peux réellement

  2   pas répondre à cette question. Vous avez vu que je suis en train de filmer

  3   l'endroit d'où les Musulmans tiraient les collines. Et entre la

  4   conversation qui s'est déroulée par Motorola et l'événement, j'étais plutôt

  5   concentré sur l'événement, plus particulièrement puisque moi aussi je

  6   faisais partie de tout ceci. Je n'étais pas du tout protégé. Je n'avais pas

  7   du tout de veste pare-balles comme les journalistes américains. J'aurais pu

  8   être tué sur place. Je faisais l'objet de tirs. J'étais complètement

  9   cinglé, si vous voulez, d'être là et de tourner ces images sans être

 10   protégé. Mais j'étais en train de filmer. Je ne sais pas si vous n'avez

 11   jamais pris part à une guerre, je ne sais pas si vous avez été témoin d'une

 12   guerre, mais on tirait ici, on tirait de part et d'autre. Et la question

 13   n'est pas importante, et en plus vous me posez cette question 16 ans plus

 14   tard après les événements. Je ne sais pas si je vous ai déçu avec ma

 15   réponse, mais c'est ce que je peux vous dire, c'est ainsi. J'ai juré de

 16   dire la vérité, et voilà, je vous dis la vérité.

 17   Q.  C'est tout ce que nous pouvons vous demander, Monsieur Petrovic. Je

 18   vois en réalité que mon temps est presque écoulé. Mais j'aimerais vous

 19   poser une dernière question encore une fois tirée de votre article du 21

 20   juillet 1995. P1247. Page 5, et donc j'imagine qu'en B/C/S la page

 21   correspondante serait la page 3. Vous décrivez les circonstances dans

 22   lesquelles, comme vous l'avez dit aujourd'hui, vous êtes retourné en

 23   direction de Bratunac à l'entrepôt de Kravica pour ce qui est d'Oficir. Et

 24   la dernière chose que vous dites au quatrième paragraphe sur cette page en

 25   anglais est, je cite :

 26   "Celui qui a tué l'officier de police est mort à cet endroit-là."

 27   C'est donc le policier qui a été tué au niveau de l'entrepôt, n'est-ce pas

 28   ?


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  1   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Nous n'avons pas ceci à l'écran

  2   encore.

  3   M. VANDERPUYE : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, à côté du hangar c'est l'endroit où

  5   les Musulmans s'étaient rendus. Il s'agit d'un endroit différent. C'est sur

  6   la même route. Je crois que ça s'appelle Sandici. Il s'agit de deux noms

  7   différents; vous avez Kravica et Sandici. Ce qui s'est passé à Sandici, je

  8   n'en ai pas été témoin, mais ce sont les soldats qui me l'ont rapporté. Et

  9   j'ai également dit que les forces de police menaient à bien ces missions de

 10   manière israélienne, c'est-à-dire aussi peu de pertes que possibles. Il

 11   s'agissait d'officiers de police qui avaient été formés même avant la

 12   guerre. C'étaient de meilleurs soldats que de nombreux autres soldats. Tout

 13   du moins c'est mon impression.

 14   M. VANDERPUYE : [interprétation]

 15   Q.  Vous avez dit à la page 3 du même article, c'est le dernier paragraphe.

 16   Et en B/C/S on voit le titre : "Une chance pour Krstic."

 17   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que c'est à la page 2 en B/C/S.

 18   Q.  Et là, comme vous pouvez voir, vous dites :

 19   "Le cinquième jour de l'offensive serbe, tous les hommes valides

 20   venant de Srebrenica ont essayé de réaliser une percée par Konjevic Polje

 21   en direction de Tuzla."

 22   Si vous regardez les phrases suivantes, on peut lire :

 23   "Ils ont été mis en retrait, et durant les dernières batailles avec

 24   les Serbes durant la nuit du 12 juillet, ils ont essuyé de nombreuses

 25   pertes, plus de 500 morts," et vous dites, "ils ont également eu le malheur

 26   de faire face aux forces spéciales du MUP."

 27   Et je suppose que vous entendez par là la brigade spéciale du MUP.

 28   M. VANDERPUYE : [interprétation] Et si l'on peut passer à la page suivante


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  1   en B/C/S.

  2   Q.  Il est mentionné à l'unité de Borovcanin. Et "en plus de Mladic," vous

  3   mentionnez, "j'ai eu personnellement la possibilité de voir ceci de mes

  4   propres yeux, à savoir que toute personne qui croise le chemin d'un membre

  5   des forces spéciales meurt."

  6   Et c'est ce que vous avez vu, n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est ce que j'ai entendu à cet endroit où cette personne appelée

  8   Oficir a été blessée, et j'ai également vu d'un peu plus loin certains des

  9   combats le long de la route. J'ai filmé les canons antiblindés. J'ai vu des

 10   Musulmans qui venaient de quelque part d'un peut plus haut d'une colline,

 11   et on pouvait entendre des combats continus. Peut-être que je suis allé un

 12   peu trop loin avec cette phrase, mais en substance, c'est exact. L'unité

 13   n'a jamais commis de crimes de guerre, ou du moins personne n'est au

 14   courant de quelque crime de guerre que ce soit. Ils étaient tout le temps

 15   très disciplinés. De nombreux membres de ces unités qui ont participé à la

 16   guerre civile en ex-Yougoslavie étaient extrêmement disciplinés, mais cette

 17   unité était différente, et c'est la raison pour laquelle j'ai accepté

 18   d'être le témoin de M. Borovcanin. Mais je n'ai pas vu personnellement ce

 19   qui est mentionné dans cette phrase, à savoir que toute personne qui

 20   rencontrait les membres des forces spéciales, cela le menait à sa perte. Je

 21   n'ai pas vu ça pour moi-même. Je suis peut-être allé un peu plus loin, mais

 22   le commentaire est exact. C'est une conséquence de mon expérience après

 23   avoir entendu d'autres soldats faire cela.

 24   Q.  Très bien. Merci, Docteur Petrovic. Je n'ai plus de temps.

 25   M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous prie de m'excuser d'avoir dépassé

 26   l'horaire, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Est-ce que ceci conclut votre

 28   interrogatoire principal ?


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  1   M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui. J'ai laissé cette partie de côté.

  2   Effectivement, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci.

  4   Nous devons faire notre deuxième pause maintenant, et nous

  5   reprendrons à 18 heures 25.

  6   --- L'audience est suspendue à 17 heures 53.

  7   --- L'audience est reprise à 18 heures 25.

  8   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, vous pouvez

  9   commencer votre contre-interrogatoire. Vous avez la parole.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Encore une fois,

 11   je voudrais saluer tous les participants à ce procès, et j'espère que cette

 12   journée d'audience se terminera selon la volonté de Dieu et non selon la

 13   mienne. Je voudrais saluer le Dr Petrovic, et je lui souhaite un séjour

 14   agréable parmi nous.

 15   Afin que tout se passe bien, je vais donc commencer par la fin de

 16   l'interrogatoire principal. Et je vous demande également, lorsque je pose

 17   des questions, de regarder le curseur qui se déplace sur l'écran et de ne

 18   commencer à répondre que lorsque ce curseur s'est arrêté.

 19   Contre-interrogatoire par M. Tolimir : 

 20   Q.  [interprétation] A la page 68 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui,

 21   on vous a récité une phrase que vous aviez prononcée et vous avez dit que

 22   toute personne qui croisait le chemin des forces spéciales ne survivait

 23   pas. Je voudrais savoir, est-ce que vous pensiez à des ennemis dans le

 24   cadre d'une bataille qui, s'ils croisaient le chemin des forces spéciales,

 25   ne survivraient pas, ou est-ce que vous vouliez dire quelque chose d'autre

 26   ? C'est important de préciser ceci pour les besoins du compte rendu

 27   d'audience.

 28   R.  Général, merci. Peut-être que cette phrase était maladroite, mais je


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  1   parlais donc de leurs faits d'armes, mais du fait également qu'ils

  2   respectaient les règles internationales du droit, mais qu'ils étaient sans

  3   merci lorsqu'ils étaient au combat. Et je les ai vus à l'œuvre, peut-être

  4   pas à Srebrenica, mais à proximité --

  5   L'INTERPRÈTE : D'un lieu que l'interprète n'a pas saisi.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et également à Majevica.

  7   M. TOLIMIR : [interprétation]

  8   Q.  Merci, Docteur Petrovic. A la page 67, ligne 24, on vous a également

  9   posé une question concernant l'article que vous avez publié. C'est à la

 10   page 2 en B/C/S. C'est une phrase qui a été citée par le Procureur, où vous

 11   avez dit :

 12   Comment 500 Musulmans ont été tués, Musulmans qui avaient essayé de

 13   réaliser une percée à partir de Srebrenica, et comment ces 500 personnes

 14   ont-elles été tuées parce qu'elles ont eu le malheur de croiser le chemin

 15   des forces spéciales du MUP. C'est ce que vous avez entendu de la bouche de

 16   Borovcanin.

 17   Je paraphrase tout cela. Je n'ai pas pris des notes mot pour mot.

 18   Vous vous souvenez probablement de cette question.

 19   Ma question est la suivante : avant que vous ne vous rendiez à

 20   Kravica pour filmer ce que vous avez filmé, quasiment par accident puisque

 21   vous ne saviez pas exactement ce que vous filmiez, est-ce que vous avez

 22   entendu cela à Sandici ?

 23   R.  Général, merci pour cette question. Effectivement, il est nécessaire

 24   d'apporter des précisions. Peut-être que je me suis trompé de date. Il

 25   s'agit d'informations qui ont été acquises ultérieurement. Je n'étais pas

 26   en mesure de vous donner des informations précises à l'époque. Il ne s'agit

 27   que d'un seul journaliste en 1991 qui a écrit à ce sujet. Je pense qu'il

 28   était Suédois, et il a parlé de cela.


Page 14487

  1   J'en ai parlé précédemment. Il s'agit d'un événement que ni les

  2   Serbes, ni la communauté internationale, ni les Musulmans n'ont jamais

  3   mentionné. Je ne me souviens pas exactement de la date; je pense que

  4   c'était le 13 ou le 14 juillet - les Musulmans, les forces qui combattaient

  5   contre les Serbes, à un moment donné, se sont rassemblées et ont essayé de

  6   réaliser une percée en forme de flèche. Ils s'étaient concentrés le long de

  7   l'axe qui allait en direction de Tuzla, parce qu'autant que je me

  8   souvienne, le territoire musulman n'était pas très loin et ils voulaient

  9   absolument atteindre ce territoire. Ils avaient donc créé ce triangle,

 10   cette flèche, pour réaliser une percée. J'ai entendu de la bouche de

 11   différentes personnes, donc d'une certaine manière, il s'agit d'une

 12   reconstitution des événements, cette formation en flèche devait aller tout

 13   droit et devait aller tourner à droite, en direction de Tuzla. Non, en

 14   fait, pas Tuzla. Il s'agit d'une autre ville qui est sur la Drina, en

 15   direction de Zvornik.

 16   Vous le savez mieux que moi, les Serbes ont essuyé des échecs. Ils

 17   n'étaient pas aussi nombreux que la partie opposée et ils couraient le

 18   danger de tomber dans les mains des Musulmans, et ç'aurait été une

 19   attraction pour le monde entier. Ce n'est pas Ljubisa Borovcanin qui me l'a

 20   dit. Mais j'en suis sûr. Je l'ai entendu de la bouche d'autres personnes.

 21   J'ai posé des questions et j'ai obtenu confirmation, et ce Suédois m'a

 22   confirmé cela également.

 23   Donc si la Brigade spéciale du MUP de la Republika Srpska n'avait pas été

 24   là, les Musulmans ne seraient peut-être pas arrivés jusqu'à Zvornik. C'est

 25   la raison pour laquelle j'ai utilisé ceci comme exemple de la discipline

 26   qui était observée dans l'unité, et ils ont mentionné que jusqu'à 500

 27   personnes ont été tuées dans cet incident, ou il y a eu des pertes de 500

 28   personnes. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il s'agit de 500 morts.


Page 14488

  1   Ç'aurait peut-être été un peu trop. Il y a eu des morts et des blessés

  2   donc. Mais ça a été considéré comme un succès des Serbes, le fait que les

  3   Musulmans n'étaient pas arrivés à leurs fins. Et ils avaient fait ceci avec

  4   une force extraordinaire. Ils avaient essayé vraiment de réaliser cette

  5   percée. Mis à part donc les forces de la FORPRONU, et que ce soit une

  6   partie des forces internationales, les forces serbes ou les forces

  7   musulmanes, personne n'a parlé de cela jusqu'à aujourd'hui. S'ils ont fait

  8   des efforts, ils auraient peut-être pu obtenir les informations, parce

  9   qu'ils en ont parlé à ce journaliste suédois. Ils ont parlé de ce qu'ils

 10   avaient vécu lorsqu'ils étaient arrivés à Tuzla.

 11   Q.  Merci, Docteur Petrovic.

 12   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Tout d'abord, vous devez attendre que

 13   la traduction soit terminée. Et je voudrais également demander au témoin,

 14   donc M. Petrovic, de ralentir lorsqu'il répond aux questions. Vous parlez

 15   beaucoup trop vite, et c'est très difficile pour les interprètes de vous

 16   suivre, ainsi que pour la sténotypiste.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

 18   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, poursuivez.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. TOLIMIR : [interprétation]

 21   Q.  Docteur Petrovic, vous parliez des pertes qui avaient été engendrées

 22   durant le combat contre la colonne des Musulmans qui allait de Srebrenica à

 23   Tuzla. Donc nous parlons d'événements qui se sont produits durant une

 24   bataille, d'événements dont vous avez entendu parler par le biais de ce

 25   journaliste et par d'autres personnes qui vous en ont parlé ?

 26   R.  Oui, je pense que j'ai mentionné cet événement. Ces événements m'ont

 27   inspiré parce que ça attirait beaucoup l'attention, parce que c'était

 28   quelque chose qui avait été traité tacitement par toutes les parties.


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  1   Q.  Merci. Docteur Petrovic, est-ce que vous savez que les témoins ici, les

  2   Musulmans, ont déposé pour montrer que le long de la route, la colonne

  3   avait observé 300 morts qui avaient été tués lors d'affrontements, de

  4   combats, en raison également des champs de mines qu'ils avaient rencontrés

  5   ? Est-ce que vous avez entendu parler de cela ?

  6   R.  Malheureusement, je n'ai pas eu vent de ce détail. Il m'a échappé. Je

  7   ne me souviens pas avoir lu quoi que ce soit à ce sujet ou avoir entendu

  8   parler de ceci dans le contexte des autres procès. Malheureusement, cette

  9   phrase n'a pas été mentionnée lorsque j'ai déposé auparavant devant ce

 10   Tribunal dans une affaire il y a quatre ans de cela. Je suis désolé, je ne

 11   m'en souviens pas.

 12   Q.  Merci, Docteur Petrovic. On vous a posé des questions à plusieurs

 13   reprises durant le contre-interrogatoire -- ou plutôt, l'interrogatoire

 14   principal, concernant des événements qui se sont produits il y a 16 ans.

 15   Bien sûr, ces événements se sont produits il y a 16 ans et donc il est

 16   difficile de donner des réponses précises à toutes les questions que l'on

 17   vous pose. Donc on vous a demandé ici de savoir comment vous aviez obtenu

 18   les informations concernant le fait que les portes du hangar à Kravica

 19   étaient fermées. Etant donné qu'il y avait plusieurs questions qui ont été

 20   posées durant l'interrogatoire principal, c'est à la page 67, ligne 21, où

 21   on vous a demandé de décrire cela, est-ce que vous êtes en mesure de dire

 22   dès maintenant comment vous avez obtenu ces informations, et est-ce que

 23   vous l'avez vu un peu plus tard dans le film ? En d'autres termes, comment

 24   avez-vous pu déterminer que les portes étaient fermées ? Est-ce que vous

 25   êtes en mesure de nous dire ce dont vous vous souvenez ? Merci.

 26   R.  Général, mes informations sont issues de témoignages de personnes ou de

 27   dires rapportés par des tierces personnes à Belgrade après que les

 28   événements se soient produits. Je n'ai pas traité de tout ceci en détail.


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  1   Personne ne m'a dit ceci à La Haye. C'est quelque chose que j'ai

  2   entendu à Belgrade.

  3   Q.  Merci, Docteur Petrovic. Un peu plus tôt, j'avais rappelé que même les

  4   Musulmans avaient dit qu'il y avait 300 000 morts ?

  5   R.  Non, 300. 300.

  6   Q.  Sur la route venant de Srebrenica.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait consulter le document

  8   D151 à la page 2, de façon à ce que l'on puisse vraiment avoir des

  9   informations ? Est-ce que l'on pourrait afficher le document D151, page 2.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Merci. Ce document est sous pli

 12   scellé et, par conséquent, ne devrait pas être diffusé hors de ce prétoire.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci au Greffe.

 14   M. TOLIMIR : [interprétation]

 15   Q.  Docteur Petrovic, je vous demande de lire ceci à voix basse. Ne lisez

 16   rien à haute voix.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on passe à la page 2,

 18   paragraphe 3. Et on peut montrer également la première page, de façon à

 19   voir qu'il s'agit bien d'une déclaration d'un témoin.

 20   M. TOLIMIR : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que l'on pourrait passer maintenant au paragraphe 3, qui stipule

 22   :

 23   "Etant donné que nous sommes partis en direction de la direction qui avait

 24   été empruntée par le premier groupe, nous avons vu des panneaux nous

 25   informant que le terrain était 'miné'. Je suppose qu'il y avait des

 26   personnes qui étaient passées par là auparavant. Et ensuite, nous sommes

 27   allés en direction de Pobudska de Kamenica, et nous avons retrouvé une

 28   partie du premier groupe, mais les Chetniks nous ont encerclés et ouvert le


Page 14491

  1   feu, et ils ont tué plus de 300 personnes et ils en ont blessé un nombre

  2   important."

  3   Est-ce que c'est à cela que vous avez fait référence quand vous avez parlé

  4   des pertes au combat et quand vous avez parlé des 500 hommes perdus pendant

  5   la bataille ?

  6   R.  Mon Général, oui, c'est vrai que cela coïncide avec ce que j'ai

  7   reconstruit depuis la période. Je ne pense pas qu'il y ait eu d'autres

  8   événements importants. Peut-être que les historiens devraient encore se

  9   pencher là-dessus et en parler, parce qu'il s'agissait d'un conflit très

 10   puissant de deux forces qui se sont confrontées à ce moment-là.

 11   Q.  Très bien. Aujourd'hui ou demain, nous allons passer en revue la

 12   chronologie de ces événements parce qu'il y a de nombreux témoins qui

 13   évoquent un plus grand nombre de morts. Ce sont les témoins donc qui disent

 14   cela.Voici la question que j'ai à vous poser portant -- enfin, c'est par la

 15   suite qu'on va peut-être essayer d'établir le nombre total de morts dans le

 16   corridor. Par la suite, nous allons voir cela, quand vous allez entendre la

 17   chronologie des événements ainsi que quand vous aurez entendu ce que disent

 18   les Musulmans à ce sujet.

 19   Mais à présent, voici la question que je vous pose : est-ce que vous

 20   avez entendu dire qu'à l'époque l'artillerie musulmane tirait sur Zvornik,

 21   cette ville que vous avez mentionnée tout à l'heure ?

 22   R.  Mon Général, d'après ce que j'ai appris, le plus loin qu'ils sont allés

 23   c'est jusqu'au point Zvornik-Kula. Je ne sais pas quelles sont les armes

 24   qu'ils ont pu utiliser pour tirer. En tout cas, ils étaient déjà assez près

 25   de ce banc Zvornik-Kula. C'est une zone à l'extérieur de Zvornik en

 26   direction de Sarajevo, et c'est près de Sarajevo. C'est une forteresse qui

 27   était un point stratégique important pour tout le monde. Ils étaient tout

 28   près de percer et de tourner à droite vers Zvornik.


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  1   Q.  Merci, Docteur Petrovic. Vous, en tant que journaliste à l'époque, est-

  2   ce que vous avez entendu dire que cette colonne musulmane était en train de

  3   forger le chemin de Srebrenica en direction de Nezuk et Tuzla vers les

  4   positions de la Brigade de Zvornik, donc en direction de Bajkovica ? Est-ce

  5   que vous avez entendu quoi que ce soit à ce sujet ?

  6   R.  Mon Général, non, je ne me souviens pas de ce lieu-dit Bajkovica, mais

  7   c'est vrai que ces terrains sont visibles sur la vidéo que j'ai prise,

  8   parce que c'était une zone forestière, pleine de collines, et il n'est pas

  9   facile de se battre dans cette zone-là. Le terrain est très escarpé. Mais

 10   cette direction me paraît tout à fait logique.

 11   Q.  Merci, Docteur Petrovic. A la page 67, ligne 1, vous avez évoqué ce

 12   plan dans la vidéo que vous avez faite, et vous avez parlé notamment du

 13   plan où on voit la porte du hangar avec un certain nombre de cadavres qui

 14   gisaient devant, et d'après votre évaluation, il s'agissait d'une vingtaine

 15   de cadavres.

 16   Est-ce que ce sont tous les cadavres, tous les corps que vous avez pu

 17   enregistrer à cette localité-là à Kravica ou bien y en a-t-il d'autres ?

 18   R.  Tous les corps que j'ai vus, je les ai enregistrés avec mon caméscope.

 19   Mais en tout cas, cette vidéo, en fait, cette partie-là ne dure que trois

 20   secondes. C'est au moment où on est passés par Kravica que j'ai tourné

 21   cette vidéo. Et ensuite, à Srebrenica, j'ai dû prendre encore quelques

 22   images de quelques personnes qui gisaient par terre, et j'ai parlé de la

 23   date du 14 juillet.

 24   Q.  Oui. Parce que moi je pensais à cet enregistrement, quelque chose que

 25   l'on a vu dans cette vidéo, et vous nous avez dit que vous l'avez vu pour

 26   la première fois ici, ou vous vous êtes rendu compte, en fait, de cela ici,

 27   de cette porte fermée. Et j'ai voulu vérifier cela avec vous. Donc, est-ce

 28   que j'ai raison ?


Page 14493

  1   R.  Oui.

  2   Q.  A la page 67, vous avez parlé de Sandici, et là vous avez vu un mort à

  3   Sandici. Et vous avez parlé de cet événement dont vous avez entendu parler

  4   par la suite, vous et M. Beara -- M. Borovcanin, excusez-moi.

  5   Donc, veuillez me dire -- et c'est quelque chose que vous avez dit

  6   par la suite à la page 67, vous avez dit que -- en fait, c'est à la page 57

  7   que vous avez dit que d'après votre meilleure évaluation, sur le pré de

  8   Sandici, il y avait suffisamment de gens pour les faire entrer tous dans un

  9   autocar. Pourriez-vous nous donner plus de détails pour que l'on comprenne

 10   exactement ce que vous nous disiez  là ? Parce que les questions que l'on

 11   vous a posées ont été nombreuses, et maintenant je voudrais avoir une

 12   réponse complète.

 13   R.  Mon Général, vous savez, c'est comme pour les décédés devant le hangar

 14   devant Kravica, d'après une évaluation personnelle. Ce n'est peut-être pas

 15   tout à fait juste. Mais c'est comme lorsqu'on prend, par exemple, des

 16   manifestations ou un terrain de foot; on essaie toujours d'évaluer combien

 17   de personnes ou combien il y a de manifestants sur le square de la

 18   république à Belgrade, et la police dit toujours qu'il y a moins de

 19   personnes, alors que les manifestants disent toujours qu'il y en a plus, et

 20   c'est ainsi dans tous les pays.Alors, pour revenir à votre question, sur la

 21   base de mon image à moi, celle que j'ai prise, qu'il y avait suffisamment

 22   de personnes pour remplir un autobus, donc une centaine de personnes.

 23   Aujourd'hui, à l'heure actuelle, je dirais qu'il s'agissait d'environ 100

 24   personnes. Vous savez, je n'étais pas là pour compter les hommes. Vous

 25   savez, je passais par là rapidement. J'étais partout très rapidement. Je

 26   passais partout à la course, vous savez. C'était une zone de combat, comme

 27   vous le savez.

 28   Q.  Très bien. Merci. Alors, dites-nous, est-ce que vous aviez vu si M.


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  1   Borovcanin à Sandici, à cet endroit-là, immobilisait des autocars de civils

  2   qui se dirigeaient de Srebrenica à Tuzla pour faire monter à bord les

  3   personnes qui avaient moins de 18 ans ?

  4   R.  Mon Général, cette image est restée gravée dans mon esprit, parce qu'en

  5   1996, un an plus tard, mais même peut-être en 1995, j'ai vu l'un de ces

  6   hommes qui était le protagoniste principal d'une émission britannique. Il

  7   s'agissait d'une production britannique. Et donc, il y a un jeune homme qui

  8   a fait un récit incroyable, récit que j'ai moi-même pu voir de mes propres

  9   yeux. Et donc, j'ai été témoin oculaire de l'événement suivant : le colonel

 10   Borovcanin, qui est maintenant général, a arrêté des autobus et des

 11   camions, ou les deux, pour faire sortir des garçons. Il ne s'agissait pas

 12   de combattants; il s'agissait de jeunes garçons qui avaient moins de 18

 13   ans. Et donc, il a donné l'ordre que ces garçons montent à bord de ces

 14   autocars pour aller en direction de Tuzla. Et je m'en souviendrai toute ma

 15   vie.

 16   Après avoir regardé cette émission de la BBC, il a raconté un récit

 17   absolument incroyable. Il a dit qu'il s'est caché derrière un puits ou

 18   derrière un endroit où il y avait de l'eau. Mais en réalité, si vous allez

 19   là-bas, vous verrez qu'il n'y a absolument aucune source, aucune rivière.

 20   Enfin, il n'y avait pas d'eau. Et c'était réellement le travail de ces

 21   experts en matière de manipulation - et j'ai justement voulu témoigner à

 22   cause de cela - je pense que c'est parce que M. Borovcanin est un homme

 23   doté d'une moralité exceptionnelle. Et d'ailleurs, il a séparé ces deux

 24   jeunes garçons qui n'étaient vraiment pas des combattants et il les a

 25   placés à bord de cet autobus. Et vous savez, c'est la raison pour laquelle

 26   j'ai décidé de déposer, parce que je voulais témoigner de son caractère

 27   exemplaire. Personne n'est responsable du faux témoignage de certaines

 28   personnes.


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  1   Q.  Très bien. Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on montre dans le prétoire

  3   électronique la pièce P1251. Page 56, s'il vous plaît.

  4   M. TOLIMIR : [interprétation]

  5   Q.  Dites-nous, je vous prie, si vous arrivez à reconnaître peut-être l'une

  6   quelconque de ces personnes qui avaient été dirigées dans cet autobus pour

  7   faire partie de ce convoi de personnes - de femmes et d'enfants - qui se

  8   dirigeaient en direction de Tuzla ?

  9   R.  Oui, Mon Général, c'est le garçon qui se trouve en bas au milieu.

 10   Ce sont des images de mon reportage. Les autres personnes, je ne les

 11   reconnais pas. L'homme sur la photographie A avait lui aussi participé à un

 12   documentaire britannique. Et on m'a dit que cet homme était disparu ou

 13   peut-être tué, mais je ne sais pas. Ce sont des récits dont j'avais eu

 14   vent.

 15   Mais s'agissant de ce jeune garçon en bas, c'était l'un des garçons

 16   qui, avec d'autres enfants de cet âge, étaient montés à bord du camion ou

 17   de l'autocar en direction de Tuzla. Donc je peux vous l'affirmer avec

 18   certitude, il est parti de ce pré.

 19   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, quelle lettre correspond à cette image où

 20   vous avez vu qu'il s'agissait d'un jeune garçon ?

 21   R.  C'est l'image E. Et aussi l'image F, mais prise de dos.

 22   Q.  [hors micro]

 23   L'INTERPRÈTE : M. Tolimir est hors micro.

 24   L'ACCUSÉ : [hors micro]

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Votre micro n'est pas allumé,

 26   Monsieur Tolimir.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   M. TOLIMIR : [interprétation]


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  1   Q.  Pourriez-vous nous dire s'il existe une vidéo de cet événement lorsque

  2   les dix garçons musulmans ont été placés à bord d'un autobus par Borovcanin

  3   et envoyés en direction de Tuzla ?

  4   R.  Malheureusement, Mon Général, non, je regrette de ne pas avoir filmé

  5   cet événement. Et, en fait, voilà, c'est justement ce que j'ai dit à

  6   l'Honorable Président tout à l'heure. Si j'avais eu un caméraman, tout

  7   aurait été beaucoup plus harmonisé, d'une certaine façon. Je n'aurais pas

  8   eu à faire le texte et les images. Voilà. Donc j'ai manqué de tourner cet

  9   événement-là. Mais je peux simplement vous l'affirmer, vous avez une

 10   déclaration solennelle que tous ces garçons qui se trouvaient sur ce pré le

 11   13 juillet 1995 sont montés à bord de ces camions ou autocars qui

 12   transportaient déjà les personnes que j'ai filmées dans le reportage que

 13   vous avez vu un peu plus tôt s'agissant de la base du Bataillon

 14   néerlandais.

 15   Q.  Merci, Docteur Petrovic. Vous avez dit avoir vu un programme à la

 16   télévision dans lequel le garçon présente un récit qui divergeait des

 17   événements. Est-ce que vous pouvez nous dire, si vous avez suivi ce procès,

 18   si, à cet endroit-là, il y a eu d'autres témoins qui ont déclaré qu'ils

 19   étaient montés à bord d'un autobus, qu'ils étaient deux et qu'il n'y en

 20   avait pas dix, et que ces deux personnes étaient montées à bord de ces

 21   autocars ? Avez-vous suivi ces dépositions-là ?

 22   R.  Je ne sais pas, Mon Général, qui sont ces témoins. Je n'en ai pas

 23   entendu parler, mais j'étais sur place. Il y avait des combattants

 24   musulmans qui étaient épuisés, et parmi ces derniers il y avait également

 25   des hommes âgés de 14 à 17 ans. Je me souviens très bien qu'il y en avait

 26   environ dix. Encore une fois, je regrette terriblement de ne pas avoir

 27   filmé cela. Je n'ai pas réfléchi à cela. Je n'ai pas pensé qu'un jour

 28   j'allais présenter tout ceci devant des tribunaux. C'est vraiment un


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  1   manquement terrible à mon reportage, mais vous n'avez que mon témoignage

  2   oral sur cet événement.

  3   Q.  Merci, Docteur Petrovic. Dites-nous alors, s'il vous plaît, ceci : au

  4   cours de votre interrogatoire principal, on vous a posé à plusieurs

  5   reprises des questions relatives à ce que vous avez dit lors du tournage.

  6   En réponse partiellement à une question posée par le Procureur, vous avez

  7   dit que des fois la personne qui tourne quelque chose, le film, le

  8   reportage, dit certaines choses pour faire en sorte qu'il y ait une

  9   interaction entre lui et les personnes qu'il filme. Alors, est-ce que vous

 10   avez l'impression d'avoir été presque accusé de quelque chose que vous avez

 11   dit lors de ce tournage ? Est-ce que vous ne pensez pas avoir remis des

 12   documents très importants pour ce Tribunal, et ne pensez-vous pas que d'une

 13   certaine façon on vous accusé d'un délit verbal ?

 14   R.  Votre commentaire est peut-être bien placé en partie, mais j'estime

 15   avoir eu une très bonne réunion avec M. Vanderpuye. Je connais bien M.

 16   McCloskey depuis longtemps, et je ne pense pas qu'ils ont essayé de me

 17   coincer et de m'accuser d'un délit verbal. Je ne me sens pas accusé de

 18   cela, même si, s'agissant de ce texte et de ce matériel brut, je dois dire

 19   que j'étais sans doute la personne qui a parlé de façon un peu trop

 20   directe, et peut-être qu'on a pu penser que je suis contre les Musulmans

 21   car j'ai cité certains propos dans mes textes, mais je pense que le

 22   Procureur a très bien compris ce que je voulais dire. Mais aujourd'hui,

 23   lorsqu'on se penche sur ce qui s'est passé, c'est vrai que les commentaires

 24   semblaient être un peu brusques.

 25   Mais je ne peux pas effacer ce que j'ai dit, et c'est également ce

 26   que j'ai dit à Belgrade, en Serbie. Je n'ai pas pu et voulu changer quoi

 27   que ce soit. J'ai essayé de transmettre l'atmosphère générale. Ce sont mes

 28   impressions.


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  1   Q.  Très bien. Merci, Monsieur Petrovic.

  2   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, il est 19 heures.

  3   C'est l'heure de la fin de notre session d'aujourd'hui. Vous pouvez

  4   poursuivre votre contre-interrogatoire demain.

  5   Monsieur, nous allons lever la séance pour aujourd'hui, et nous reprendrons

  6   nos travaux demain. Entre-temps, je vous demanderais de ne pas avoir de

  7   contacts avec d'autres personnes concernant votre témoignage, de ne pas en

  8   parler à qui que ce soit, et de ne pas avoir de contacts avec l'une ou

  9   l'autre des parties.

 10   Nous allons maintenant lever la séance, et nous reprenons nos travaux dans

 11   la salle d'audience numéro III à 14 heures 15 demain.

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 24 mai 2011,

 14   à 14 heures 15.

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