Page 19540
1 Le jeudi 23 août 2012
2 [Plaidoiries]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
6 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
7 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
9 Monsieur les Juges. Affaire IT-05-88/2-T, le Procureur contre Zdravko
10 Tolimir. Je vous remercie.
11 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] C'est notre dernier jour de ce procès
12 avant que nous ne nous rencontrions pour la dernière fois à la fin de
13 l'année.
14 Monsieur Tolimir, si vous avez besoin que l'on fasse une pause,
15 faites-le savoir aux Juges de la Chambre, s'il vous plaît. Aujourd'hui,
16 nous allons entendre la fin de la plaidoirie de la Défense pendant 15
17 minutes, suivie de réplique par l'Accusation et de duplique prononcée par
18 la Défense, avant d'aborder quelques questions administratives.
19 Monsieur Tolimir, vous avez la parole, et j'espère que vous allez pouvoir
20 respecter les 15 minutes prévues. Mais avant de commencer, je voudrais
21 m'assurer que le sténotypiste et les interprètes ont bien reçu un
22 exemplaire imprimé de la déclaration que vous allez prononcer. Je vois que
23 Me Gajic confirme. Je suppose que cela est le cas.
24 Donc, Monsieur Tolimir, vous avez la parole.
25 L’ACCUSÉ : [interprétation] Ce sera bref et nous allons pouvoir respecter
26 le temps qui a été prévu. Merci, Monsieur le Président.
27 Je continue là où je me suis arrêté. Le commandant avait la possibilité de
28 donner des ordres directement à tous les membres de l'état-major, et j'en
Page 19541
1 veux pour preuve la situation décrite par Keserovic, pages 13 925 à 13 928
2 du compte rendu d'audience. L'ordre relatif à Srebrenica a été reçu par
3 Keserovic directement du commandant, c'est ce que l'on entend dans cette
4 partie de sa déposition. En page 13 956, Keserovic affirme de manière très
5 claire qu'il était tenu de présenter un compte rendu directement au
6 commandant.
7 Alors, la pièce D143 nous permet de voir clairement qu'ils étaient déployés
8 au niveau de la zone de combat, et j'entends par là les officiers de rang
9 supérieur, des officiers du renseignement et de la sécurité, Keserovic de
10 l'administration chargée de la sécurité et Stankovic de l'administration
11 chargé du renseignement. Donc on voit tout à fait clairement que Tolimir ne
12 pouvait déployer personne directement dans la zone de combat, il ne pouvait
13 pas non plus leur donner d'ordres directement. Il est tout à fait clair si
14 vous vous penchez sur la situation par rapport à l'ensemble des autres
15 officiers qui étaient déployés sur la ligne de front. Donc c'est une
16 conclusion tout à fait erronée que d'affirmer que Tolimir pouvait donner
17 des ordres lorsqu'une opération était en cours. Seul le commandant de
18 l'opération en question avait cette possibilité-là; autrement, le système
19 de commandement et de l'unicité du commandement se serait effondré.
20 Dans leur mémoire en clôture, l'Accusation affirme que Tolimir était tenu
21 de faire en sorte que les prisonniers de guerre de Srebrenica étaient
22 traités avec humanité. Alors, premièrement, lorsqu'il s'agit de prisonniers
23 de guerre, à Srebrenica Tolimir n'avait absolument aucune ingérence, que ce
24 soit sur le plan de leur détention, de leur prise en charge ou de leur
25 traitement. D'ailleurs, l'obligation de respecter les conventions de Genève
26 relativement au traitement réservé aux prisonniers de guerre était une
27 obligation qui était celle de l'unité qui détenait ces prisonniers de
28 guerre ou sous l'autorité de laquelle ils étaient détenus. Tolimir n'avait
Page 19542
1 pas l'obligation et ce n'était pas son obligation d'assurer le
2 transfèrement des prisonniers de guerre de Srebrenica ni de s'occuper de
3 chacun d'entre eux. A partir du 12 juillet jusqu'à la fin du mois de
4 juillet, Tolimir avait des attributions relatives à la population civile et
5 aux autorités de Zepa.
6 La responsabilité sur les prisonniers de guerre était une responsabilité
7 qui revenait à l'unité qui les détenait ou l'unité à laquelle ces individus
8 s'étaient rendus, ce que nous montre clairement la pièce D148, où il est
9 affirmé que le soutien logistique relatif aux prisonniers de guerre est
10 fourni par les organes chargés de la logistique et d'autres organes de
11 l'unité ou des unités qui les ont placés en détention. L'administration
12 chargée de la sécurité et du renseignement n'a absolument pas de
13 compétence, pas d'autorité non plus, de s'occuper de quelque manière que ce
14 soit des prisonniers de guerre. L'Accusation, dans son réquisitoire,
15 affirme, je cite, que :
16 "Tolimir commandait et supervisait les gens qui avaient détenu et tué
17 Palic."
18 Mais Tolimir était déployé sur le front de l'ouest à l'époque où le Témoin
19 Pecanac, un témoin de l'Accusation, a donné les noms de tous les individus
20 qui --
21 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur Tolimir, est-ce que vous
22 pouvez lire un peu plus lentement. Vous lisez très rapidement. Reprise des
23 débats.
24 L’ACCUSÉ : [interprétation] Donc Tolimir était déployé au front de l'ouest
25 au moment où le Témoin Pecanac a donné les noms des individus avec qui il
26 est entré en contact avant la reddition et la détention de Palic. Donc
27 Tolimir n'était absolument pas là. Il était sur le front de l'ouest où
28 l'agression a été lancée contre la Republika Srpska, l'agression lancée par
Page 19543
1 l'OTAN, l'armée croate et l'armée de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
2 Vu que le Procureur n'a pas et ne peut pas non plus avoir de preuve quant
3 au fait que Tolimir ait pris part au meurtre de prisonniers de guerre de
4 Srebrenica ni qu'il ait été au courant de cela, l'Accusation avance que
5 Tolimir aurait commis un crime par manquement à agir, manquement de prendre
6 certaines mesures, donc qu'il aurait fait cela dans le cadre de sa
7 participation à l'entreprise criminelle commune. Et en avançant cela, le
8 Procureur se fonde sur le fait que Tolimir était commandant adjoint chargé
9 du renseignement et de la sécurité à l'état-major. Mais cette thèse d'une
10 pure conjecture et ne se fonde sur aucun élément de preuve.
11 Premièrement, le Procureur n'a aucune preuve, et d'ailleurs il ne pourrait
12 pas en avoir, démontrant que pendant la période pertinente Tolimir était au
13 courant de l'existence et du déroulement de cette opération meurtrière même
14 si, malgré son gré, il se serait trouvé participant à cette opération.
15 Parce que comment aurait-il pu décider d'y participer s'il n'était pas au
16 courant de son existence ? Hier, nous avons vu quel a été le rôle joué par
17 Tolimir dans le cadre de l'évacuation de la population de Zepa. Tolimir a
18 escorté le convoi. Et quant à sa conduite à Zepa, nous avons entendu une
19 déposition faite par Carkic qui a donné sa déclaration au bureau du
20 Procureur, pièce D2019, page 19 en serbe et page 13 en anglais; et page 21
21 en serbe et page 14 en anglais.
22 Et je me conterais ici de citer une seule phrase de sa déclaration, où il
23 dit que "du côté de Tolimir," et je cite :
24 "Il n'y a eu aucun ordre si ce n'est le fait d'insister sur le fait que
25 rien ne devait se produire."
26 Alors, quelle a été la conduite de Tolimir vis-à-vis des prisonniers de
27 guerre, quelles sont les consignes qu'il donne par rapport au traitement à
28 réserver aux prisonniers de guerre, comment est-ce qu'il réagit face à ceux
Page 19544
1 qui, pendant l'évacuation, ne se comportent pas correctement, font des
2 choses qu'il ne faut pas commettre, eh bien, on peut l'apprendre dans le
3 document qui constitue la pièce à conviction P1434, pages 3 et 4 en serbe
4 ainsi que pages correspondantes 5 et 6 en anglais.
5 Le Procureur a demandé à la Chambre de première instance de déclarer
6 Zdravko Tolimir coupable et a exigé une peine d'emprisonnement à vie. Sur
7 quoi se fonde le Procureur dans sa
8 thèse ? Le Procureur se fonde sur l'idée que Tolimir a été commandant
9 adjoint chargé du renseignement et de la sécurité, et que c'était ça le
10 fondement, l'élément-clé de la situation. Le Procureur formule toute une
11 série de suppositions, d'hypothèses, hypothèses qui pourraient
12 éventuellement déclencher une enquête mais ne peuvent pas permettre à la
13 Chambre de première instance de prononcer un jugement, et encore moins de
14 condamner quelqu'un. Le Procureur justifie sa thèse sur le fait que Tolimir
15 était un subordonné de Mladic et a reçu l'ordre de tuer la population de
16 Srebrenica. Encore une fois, Tolimir n'a jamais reçu un ordre quel qu'il
17 soit de Mladic ou de Karadzic demandant de procéder au meurtre de
18 prisonniers de guerre. Quelque chose qui ne s'est jamais produit ne peut
19 pas être démontré comme s'étant produit, que ce soit ici-bas ou là-haut,
20 que ce soit devant les tribunaux humains ou célestes.
21 La Défense affirme que la Chambre de première instance devrait l'acquitter
22 en l'espèce de tous les chefs d'accusation parce que l'Accusation n'a pas
23 réussi à démontrer que Tolimir a commis un quelconque des crimes qui lui
24 sont reprochés, tels que visés dans la formulation du troisième acte
25 d'accusation modifié, pendant la période pertinente. Et tout autre argument
26 avancé par l'Accusation avançant que Tolimir aurait dû lancé une enquête,
27 aurait dû s'assurer que des sanctions soient prononcées, est également sans
28 fondement parce qu'aucun élément de preuve ne vous a été présenté
Page 19545
1 permettant de voir que Tolimir a été présent à la fin du mois de juillet là
2 où les événements se sont produits. Il était, en fait, en Bosnie
3 occidental.
4 Qui plus est, on ne reproche pas les actes allégués à Tolimir au titre de
5 l'article 7(3) du Statut du Tribunal; on lui reproche cela plutôt au titre
6 de l'article 7(1) du Statut du Tribunal, à savoir au titre de la
7 responsabilité du supérieur hiérarchique.
8 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Maître Gajic, vous devriez débrancher
9 votre microphone pendant que vous avez des apartés.
10 L’ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Me Gajic vient de me dire
11 que, en fait, il y a eu une erreur sur la cote qui appartient à la
12 déclaration de Carkic. Il s'agit de la pièce D217. Donc c'est tout ce qu'il
13 m'a dit, et excusez-moi de ne pas avoir débranché le micro.
14 Je vous remercie, Monsieur le Président. C'est tout ce que je souhaitais
15 dire pendant la période de temps qui m'a été impartie. Je remercie les
16 interprètes, l'ensemble du personnel, et je vous présente mes excuses vu
17 les problèmes de diction et d'articulation que j'ai effectivement. Merci.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.
19 Votre plaidoirie est donc terminée.
20 Je vais donner la parole à M. McCloskey pour sa réplique.
21 Vous avez la parole pour 30 minutes.
22 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 Hier, le général Tolimir a déclaré que le 10e Détachement de Sabotage du 23
24 juin, lors de l'attaque, ne relevait pas de l'acte d'accusation, et ceci
25 n'est pas exact. Une attaque contre la population civile a commencé avec la
26 directive numéro 7 au mois de mars. Et comme les Juges de la Chambre sont
27 au courant, une attaque n'a pas besoin d'impliquer un conflit ou un combat
28 contre la population; il peut s'agir d'infliger la famine, de rendre la vie
Page 19546
1 insupportable, d'envoyer des obus et la présence de tireurs embusqués.
2 Confer l'arrêt dans l'arrêt Kunarac au paragraphe 86.
3 Notre acte d'accusation parle effectivement de bombardements et de tirs
4 embusqués aux paragraphes 60 et 38 et la responsabilité de Tolimir à cet
5 égard. Des roquettes tirées à partir de l'épaule ont été utilisées lors de
6 l'attaque qui constitue un sabotage, ce qui peut être représenté soit par
7 un tir embusqué, soit par un bombardement, ça dépend évidemment de la
8 taille de l'objet en question. Cet incident fait partie du dossier en
9 l'espèce et ne constitue une surprise pour personne.
10 Il a également déclaré que la 10e Unité de Sabotage était placée sous
11 le commandement du général Mladic et que cette unité n'était pas contrôlée
12 par les services de renseignements et ceux de la sécurité. Nous avons, bien
13 sûr, établi un peu plus tôt qu'il s'agissait d'une unité de l'état-major
14 principal placée sous le commandement de Mladic, mais nous avons également
15 établi plutôt que le général Mladic était, bien sûr, le commandant de
16 l'état-major général et qu'en tant que tel il n'avait ni le temps et cela
17 ne relevait pas de ses fonctions non plus que de contrôler les unités
18 particulières comme celle-ci. Nous savons très précisément d'après le
19 colonel Salapura, qui était le chef de l'état-major principal, que c'était
20 les services de renseignements, à savoir l'unité de Tolimir, qui
21 contrôlaient et géraient la 10e Unité de Sabotage. Pourquoi est-ce que le
22 général a complètement écarté cette vérité-là et en ce qui concerne son
23 ancien subordonné, je ne le sais pas. Enfin, c'est comme ça qu'il
24 l'explique. Mais à mes yeux, cela est clair comme de l'eau de roche.
25 Egalement, et finalement, il évoque le colonel Beara après avoir
26 mentionné dans son mémoire en clôture que Beara n'était pas pertinent en
27 l'espèce, et il dit pour finir que Beara n'a pas été resubordonné ou qu'il
28 a été subordonné au Corps de la Drina en même temps que le colonel
Page 19547
1 Jankovic. Et nous avons entendu l'argument selon lequel Jankovic avait été
2 resubordonné au Corps de la Drina, et ceci est évoqué au mémoire en
3 clôture. J'ai évoqué pendant un certain temps les éléments de preuve
4 afférant à cela, tous les rapports portant sur l'état-major principal, les
5 instructions fournies par l'état-major principal à son intention, les
6 écoutes téléphoniques, les documents. Il est très clair que Jankovic n'a
7 pas été resubordonné et qu'il parle de l'état-major principal. Il rédige
8 les rapports à leur intention. Confer également la déposition de Momir
9 Nikolic.
10 Beara a été resubordonné, c'est un officier de haut rang et le second
11 plus important au niveau de l'état-major principal chargé des questions de
12 renseignement et de sécurité - donc un officier de haut rang - et c'est
13 inconcevable qu'ils l'aient placé en qualité de colonel sous la
14 responsabilité du Corps de la Drina, d'autant qu'il y avait peu
15 d'officiers. Le fait que le général Tolimir était très occupé avec
16 énormément de choses, encore une fois, ce que nous pouvons constater
17 d'après les documents et les rapports, c'est qu'on faisait sans arrêt -- au
18 fait qu'il fallait appeler le numéro 155, qu'on parle en fait des journées-
19 clés du 14 et 15 juillet. Il est clair qu'il n'a pas été resubordonné au
20 Corps de la Drina.
21 Mais je ne vais pas aborder les détails de tout ceci. Je crois que
22 tout ceci figure dans le mémoire en clôture, vous êtes donc au courant, et
23 ceci n'est pas crucial eu égard à la responsabilité pénale en l'espèce car,
24 comme vous le savez, nous avons consacré beaucoup de temps à vous montrer
25 quelles étaient les responsabilités du général Tolimir en tant que chef du
26 service chargé du renseignement et de la sécurité. C'est l'homme numéro un
27 responsable de la supervision au plan professionnel des antennes chargées
28 de la sécurité dans les régions dans lesquelles ils sont des experts,
Page 19548
1 qu'ils soient placés sous son commandement ou non, pour autant que ces
2 hommes participent ou soient impliqués dans les questions qui relèvent de
3 l'expertise de l'antenne chargée des questions de sécurité. Et comme vous
4 l'avez appris, il a cette responsabilité qui lui est dévolue par le biais
5 des brigades, par le biais des corps et par le biais de l'état-major
6 principal. Telles sont ses responsabilités.
7 Alors je vais, en quelques mots, parler de sa responsabilité eu égard aux
8 crimes reprochés en l'espèce parce que nous avons une jolie déclaration du
9 général Milovanovic, qui, dans une réponse qu'il a fournie lorsqu'il
10 parlait d'une situation donnée -- voici ce qu'il a dit, 14 243 à 14 244 :
11 "L'autre administration placée sous Tolimir, ou le commandement, était
12 l'administration chargée des questions de sécurité, dirigée par le colonel
13 Beara, et leur tâche consistait à s'assurer que les informations d'ordre
14 militaire à la disposition de la Republika Srpska et à propos de la
15 Republika Srpska et de l'armée de cette dernière ne pourraient pas être
16 divulguées à l'ennemi."
17 C'est quelque chose que nous avons cité. Et là, il s'agit en fait de
18 quelqu'un qui est le gardien de ce secret :
19 "C'est quelque chose qui a été fait de manière passive, en quelque
20 sorte. En tout cas, c'est comme ça que je l'ai compris. Mais une partie
21 active de ces obligations consistait à interroger les prisonniers de
22 guerre, à utiliser la police militaire pour assurer leur garde."
23 Et donc, c'est ce qui découle des propos du général Milovanovic. Il
24 s'agit d'un élément-clé eu égard à la responsabilité en l'espèce et c'est
25 particulièrement pertinent et utile de le comprendre.
26 Je souhaite également vous expliquer quel était l'essentiel de ses
27 obligations lorsqu'il s'agissait de superviser. Il ne s'agit seulement de
28 superviser ses propres hommes, mais ces différentes antennes qui lui
Page 19549
1 étaient subordonnées. Et je vais vous citer deux pièces à conviction qui
2 ont été présentées par le général Tolimir. Il s'agit de documents de l'ex-
3 Yougoslavie. Le premier est le D00202, et je vais simplement vous lire un
4 extrait, un passage, qui découle de l'article 29. Au point 9 :
5 "L'organe chargé de la sécurité est responsable de donner des ordres
6 aux organes chargés de la sécurité, et ce, avec expertise, à la police
7 militaire, au commandement du corps, aux unités et aux autres unités de la
8 JNA placées dans cette zone de responsabilité."
9 Il s'agit ici des éléments-clés :
10 "D'organiser, de coordonner, de diriger leurs activités, leur fournir
11 de l'aide et contrôler leur travail."
12 Alors je vais citer l'autre règlement qu'il cite lui-même. D00203,
13 chapitre 2, point 18. Ceci date de 1994, l'autre règlement datait de 1990.
14 "Les organes chargés de la sécurité fournissent des services au plan
15 administratif spécialisés à l'intention des organes chargés de la sécurité,
16 des commandements subordonnées, des unités, des institutions, des états-
17 majors des forces armées, et fournissent de l'aide à ces organes." Encore
18 une fois, les termes importants sont : "organiser, diriger ou donner des
19 ordres, coordonner et superviser leur travail."
20 Encore une fois, il dit être à Zepa et qu'il n'avait aucun contact ou
21 aucun échange avec ces hommes ou ces antennes subordonnées chargées de la
22 sécurité; ce qui n'est pas vrai. Il maintient cette supervision au plan
23 professionnel sur ces personnes, même si Beara, pour une quelconque raison
24 que ce soit, ait été resubordonné. Néanmoins, sa responsabilité au plan
25 professionnel reste intacte. Et que ce soit sa responsabilité ou sa
26 responsabilité de commandement. Ca, c'est son travail. Il y a un terme qui
27 a été exclu de l'expression "supervision au plan professionnel" et c'est
28 l'élément suivant : que les assistants du commandant sont également en
Page 19550
1 charge de la mise en œuvre des ordres de leur commandant, y compris de la
2 manière experte dont ils doivent appliquer cet ordre. Un des témoins a cité
3 cet élément d'expertise par rapport à la mise en œuvre de ces ordres, un
4 assistant du commandant chargé des questions de renseignements et de
5 sécurité, c'est un expert, il fallait mettre en œuvre ceci par le biais de
6 l'état-major et par le biais des antennes chargées de la sécurité de la
7 VRS. Il n'a pas besoin de le faire lui-même et cela ne doit même pas passer
8 par lui. Une fois que l'ordre a été donné, ceci relève de la responsabilité
9 des organes chargés de la sécurité, que ce soit Beara, Salapura ou d'autres
10 individus, lui, à son poste, est responsable de la mise en œuvre de ces
11 ordres ainsi que de tous les autres termes qui ont été employés comme
12 organiser, superviser, contrôler. Il s'agit là de ses responsabilités
13 inscrites clairement et il ne peut pas simplement se défaire de cela en
14 disant qu'il s'était rendu à Zepa.
15 Je veux maintenant parler du général Tolimir qui a interrogé le
16 général Skrbic sur cette même question le 30 janvier 2012, à la page 18
17 555, et M. Tolimir a posé cette question. Vous vous souviendrez
18 certainement du fait que Skrbic était un assistant du commandant chargé des
19 questions du personnel.
20 "Question : Est-ce que l'assistant du commandant contrôle les
21 affaires conformément aux décisions du commandement ou ces assistants sont-
22 ils en droit de les modifier ? Merci.
23 "Réponse : Ils n'ont pas le droit de le changer -- ce qu'ils ne
24 peuvent pas changer, en réalité, ce sont les ordres du commandant, parce
25 qu'une décision fait partie d'un ordre.
26 "Question : Merci. Je vais répéter ma question. Peuvent-ils modifier
27 les décisions ou ordres du commandant ? Merci.
28 "Réponse : Ils ne peuvent modifier ni l'un ni l'autre.
Page 19551
1 "Question : Merci. Peuvent-ils contrôler les affaires ou les tâches
2 afin de réaliser l'objectif visé par l'ordre du commandant ?
3 "Réponse : Il s'agit d'experts en matière de mise en œuvre des ordres
4 du commandant et des décisions du commandant de la meilleure façon
5 possible."
6 Donc nous avons ici le général Skrbic qui nous dit précisément quels
7 sont les règlements et comment ils sont appliqués. Cela relève donc de sa
8 responsabilité. Cela relevait de sa responsabilité en tant qu'assistant du
9 commandant, quel que soit l'endroit où il se trouve. Et cela relève de ses
10 responsabilités, pas quelque chose qu'il peut simplement balayer de la main
11 et dire que cela n'existe pas. Il s'agit de règles qu'il connaît depuis
12 qu'il est tout petit et il ne peut pas simplement s'en débarrasser ou s'y
13 soustraire.
14 Une des meilleures illustrations du contrôle exercé par Tolimir au
15 plan professionnel des antennes chargées de la sécurité et du personnel, eh
16 bien, c'est quelque chose que j'ai parcouru longuement, j'ai présenté des
17 documents du 12 et du 13 et des propositions qui ont été faites et les
18 différents ordres donnés à différentes personnes, ainsi que différentes
19 listes qu'il soumet à différents commandants. Mais je souhaite, en fait,
20 que vous vous reportiez à la date du 16 juillet, parce que - comme le
21 général vient de le dire - nous disposons d'un ordre qui émane du général
22 Mladic et qui est envoyé à Keserovic pour qu'il prenne le commandement
23 d'une opération de ratissage, qui est une tâche de combat. Et où le général
24 Tolimir se situe-t-il à ce niveau-là ? En réalité, il conseille Keserovic à
25 ce sujet. Et d'après Keserovic, Keserovic s'entretien avec Mladic de la
26 question, revient vers lui et s'entretien avec Keserovic. Mais l'élément-
27 clé ici dont il faut se souvenir, c'est que Tolimir donne des instructions
28 à Keserovic pour que ceci soit transmis à Jankovic concernant ce que
Page 19552
1 Jankovic est en train de faire à Bratunac. Et Keserovic est d'accord pour
2 dire qu'il reçoit des consignes et qu'il doit s'occuper des Musulmans
3 blessés, mais ces Musulmans blessés sont des prisonniers. Ils sont des
4 prisonniers à Bratunac. Et son subordonné, d'après la ligne hiérarchique,
5 c'est celui qui va s'en occuper. Keserovic va s'en occuper. Donc, même à la
6 date du 6 juillet, le général Tolimir est à Crna Rijeka en train de faire
7 son travail; il supervise professionnellement parlant Jankovic et il
8 fournit des éléments d'information à Keserovic sur l'endroit où se trouve
9 le colonel Beara. Il lui a donné plus d'informations que cela, mais c'est
10 ce que Keserovic a -- c'est, en tout cas, ce qu'il nous a dit avant qu'on
11 ne lui demande de se taire. Donc il s'agit d'une très bonne illustration de
12 son rôle de supervision au plan professionnel et de la mise en œuvre des
13 ordres que Mladic a donnés à Keserovic. Comme vous le savez, une opération
14 de ratissage --
15 Le Témoin PW-52, qui était un homme du MUP qui travaillait au niveau
16 du commandement de l'armée - eh bien, sa déposition a été présentée en
17 l'espèce - a parlé de cette opération de ratissage et qu'ils ont capturé
18 environ 200 prisonniers le 17 juillet. Il n'y a pas de trace qui a été
19 retrouvée de ces hommes-là. Nous savons simplement que cette opération de
20 ratissage a eu lieu et qu'ils ont capturé 200 personnes, donc 200
21 prisonniers. Et donc, ceci est une question qui relève des services de
22 sécurité. Vous vous souviendrez certainement de l'écoute portant sur
23 Keserovic. Keserovic a-t-il vu Momir Nikolic dans la matinée du 17 ?
24 Keserovic est en train de s'entretenir avec Nikolic. On ne sait pas à
25 propos de quoi, mais une opération de ratissage au milieu d'une opération
26 meurtrière pour capturer les prisonniers, ce n'est pas très difficile de
27 comprendre ce qui se passe. Nous savons également que les 17, 18 et 19
28 juillet -- nous savons que Jankovic, en fait, était en train de chercher
Page 19553
1 Toso, donc Tolimir, pour qu'il puisse l'aider à décider ce qu'il fallait
2 faire des agents de Médecins sans frontières. Donc, très clairement, il
3 était bel et bien en service, il faisait son travail, il s'acquittait de
4 ses fonctions le 16. On l'a conseillé -- ou plutôt, c'est la personne qu'il
5 recherchait pour obtenir des conseils pour savoir que faire des prisonniers
6 le 17 et le 18. Regardez la lettre -- ou plutôt, la déposition de Keserovic
7 et l'ordre. Il est absolument étonnant d'ailleurs que Keserovic nous ait
8 donné autant d'informations qu'il l'a fait, mais il l'a fait, et, en fait,
9 ce faisant, il dévoile en fait les mensonges du général.
10 Alors, il y a eu deux moments charnières hier. Dans un premier temps,
11 le général obtient sa proposition, il s'agit de la soirée du 13 juillet, et
12 il s'agit d'emmener dans le plus grand secret 800 Musulmans à Sjemec, à
13 cette exploitation agricole, cette ferme. En fait, bon, ce qu'il fallait
14 faire -- en fait, ce qui le préoccupait, c'était la façon de les traiter.
15 Il nous a dit qu'il ne savait absolument rien de l'opération de meurtre.
16 Souvenez-vous qu'il y avait donc les victimes que l'on avait fait
17 systématiquement descendre des bus juste avant qu'ils ne passent à Kladanj,
18 et ils ont été assassinés et tués pendant la nuit du 13. Les victimes de
19 Jadar avaient été tuées, les 15 personnes, ce matin-là. Il y avait dans
20 l'entrepôt de Kravica 1 000 personnes qui étaient mortes. Donc la polémique
21 à propos de ce qu'il fallait faire des prisonniers avait cours à ce moment-
22 là, et puis, finalement, la décision qui fut prise c'est Zvornik. Bon, je
23 ne vais pas revenir à la charge là-dessus.
24 Mladic, ce jour-là, le 13, était à Srebrenica, allait et venait à
25 partir de Kravica et il s'est rendu à Konjevic Polje également; Beara se
26 trouvait à Bratunac; il y a également l'avocat qui a envoyé Nikolic à
27 Zvornik pour qu'il s'occupe des prisonniers; Salapura, quant à lui, était à
28 Nova Kasaba. Nous le savons parce qu'à 10 heures 15 il y a eu une
Page 19554
1 conversation interceptée où il est question justement des prisonniers. Il a
2 indiqué lui-même d'ailleurs qu'il se trouvait à Srebrenica avec Mladic.
3 Nous l'avons vu d'ailleurs sur le clip vidéo. Et Jankovic, le 13, est à
4 Potocari. Il est en train d'aider la police militaire ou de lui donner des
5 ordres pour qu'ils fassent le décompte des prisonniers qui ont été séparés.
6 Donc, visiblement, ils sont en pleine organisation et mise en œuvre de
7 cette opération de meurtre. Popovic, quant à lui, est à Bratunac le long de
8 l'axe routier entre Kravica et Konjevic Polje. Je ne vais pas vous rappeler
9 ce que faisaient les officiers de sécurité des différentes brigades, parce
10 que cela est très clair. Donc nous savons que Tolimir était en
11 communication constante avec tous ces gens, parce qu'il a reçu des
12 informations à propos des milliers de prisonniers. Alors, on ne peut
13 absolument pas imaginer que la personne qui est la mieux informée de la
14 VRS, qui travaillait avec le Corps de la Drina et qui se trouvait, donc,
15 dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina, recevait des
16 informations à propos de ces personnes, qu'il y avait eu tous ces morts, et
17 qu'il nous dit que lors de la soirée du 13 juillet, il n'était absolument
18 pas informé de l'opération. C'est absolument impossible à envisager.
19 L'explication à propos de ce document dit qu'il a essayé tout
20 simplement de voir ce que faisaient ces gens, mais il n'a jamais fourni une
21 explication à propos des travaux agricoles ou du manque, plutôt, de travaux
22 agricoles. Alors, il faut savoir que s'il était si préoccupé par l'endroit
23 où logeaient ces personnes, pourquoi ne les a-t-il pas logées dans la zone
24 de Rogatica ? Pourquoi est-ce qu'il n'a pas recommandé la prison de
25 Rogatica ? Vous vous souvenez, c'est un espace très, très large. C'était
26 déjà une prison. Ils avaient mis une quarantaine ou une cinquantaine de
27 personnes là-bas après Zepa. C'était un endroit où ces personnes auraient
28 pu être logées. Ce n'est pas un endroit dont on ne savait pas où il se
Page 19555
1 trouvait. C'était déjà d'ailleurs une prison.
2 Et puis, vous avez, par exemple, le document du 14 août. Dans ce
3 document, Beara communique avec Tolimir et il dit que justement dans cette
4 prison, l'on peut y loger plusieurs milliers de personnes. Le problème, en
5 fait, comme vous le savez, c'est qu'à Rogatica il y a déjà eu la visite du
6 CICR et il y a un millier de prisonniers de la Serbie qui ont déjà été
7 immatriculés par le CICR. Donc le général Tolimir aurait pu tout simplement
8 choisir cet endroit plutôt que de choisir cet endroit éloigné de tout. S'il
9 avait véritablement voulu s'occuper du sort de ces personnes, il les aurait
10 placées tout près de là où il se trouvait. Car les prisonniers de guerre
11 doivent être traités en toute humanité, ils doivent être protégés de toute
12 violence, d'insulte, d'intimidation. Pièce P2482, article 210,
13 réglementation de la RSFY.
14 Et il connaît. Il connaît son travail. Il sait ce qu'il doit faire.
15 Et puis, finalement, hier, il y a eu un mensonge qui a été prononcé qui m'a
16 véritablement profondément bouleversé jusqu'au plus profond de moi-même,
17 parce qu'il a finalement réagi en parlant de la déposition de Todorovic, le
18 chef de l'antenne de sécurité du Corps de la Bosnie orientale. Lorsque
19 Todorovic a témoigné, il avait été contacté par Tolimir, peut-être
20 personnellement, et on lui a dit de prendre des mesures pour loger quelque
21 1 000 à 1 200 prisonniers à Batkovic en 24 heures, puis ensuite en 48
22 heures, ou peut-être sur une période de trois jours. Mais regardez, en
23 fait, l'intégralité de la déclaration. Il s'agit d'un entretien qui a été
24 transcrit de l'année 2007, me semble-t-il. Que dit-il à propos de cette
25 déposition qui est si essentielle ? Quasiment rien. Tout simplement, il se
26 contente de dire que cela n'est absolument pas fiable. Et c'est tout ce
27 qu'il dit.
28 Alors nous avons étudié le dossier pour voir si le général Tolimir a
Page 19556
1 contesté la fiabilité de ce témoin lorsqu'il est venu témoigner, un témoin
2 qui manifestement n'était pas un de nos amis. Vous vous souviendrez quand
3 il est venu témoigner, au départ il était question de trois jours, puis de
4 quatre jours, puis de cinq jours de déposition. Et nous nous sommes rendu
5 compte que le 20 avril 2011, il y a une question qui est posée par le
6 général Tolimir à propos de cet entretien de Todorovic avec l'Accusation
7 lorsqu'il a fourni ces détails ou ces éléments plutôt essentiels. Et voilà
8 la question posée par Tolimir, je cite :
9 "Question : Lorsque vous avez participé à cette audition, est-ce que vous
10 avez dit à maintes reprises que vous n'étiez pas sur du moment ou de la
11 durée ? Parce qu'il y a beaucoup de temps qui s'est passé depuis et vous ne
12 pouvez peut-être pas être aussi sûr que cela à propos des dates.
13 "Réponse : Oui.
14 "Question : Est-ce qu'il est possible que par la suite des questions vous
15 ont été posées et que l'on a insisté sur certains éléments qu'au départ
16 vous ne vous en souveniez pas et que, de ce fait, vous avez apporté
17 certains modifications à l'entretien de départ que vous aviez fourni à
18 Belgrade ?
19 "Réponse : Oui. En partie, oui, mais la grande partie de ma déclaration
20 d'origine n'a pas été modifiée."
21 Regardez la déposition de Todorovic. Sa déclaration, c'est du solide. Ce
22 n'est pas, certes, un ami de l'Accusation, c'est un ami de Tolimir, mais
23 c'est un honnête homme qui a fourni il y a quelques années des éléments
24 importants qui ne sont pas du goût de Tolimir. Ce qu'il dit, en fait, c'est
25 qu'il n'est pas sûr à propos de la date. Bon, c'est une date après la chute
26 de Srebrenica. Srebrenica est tombée une seule fois, lorsque la VRS est
27 entrée dans Srebrenica et y a fait des prisonniers. On ne peut pas se
28 tromper à ce sujet, on ne peut pas méprendre cette date pour une autre
Page 19557
1 date. Mais qu'en est-il de ces dates ? Est-ce que nous pouvons
2 véritablement creuser un peu cela ? La réponse est que nous le pouvons.
3 Est-ce que vous vous souvenez du chauffeur du général Tolimir, Mile Micic ?
4 Il a témoigné à ce sujet. Il a témoigné qu'il a conduit jusqu'au Corps --
5 jusqu'à l'endroit où se trouvait le Corps de la Bosnie-Herzégovine et qu'il
6 a conduit le général Tolimir dans les bureaux de l'organe de sécurité de la
7 Bosnie orientale. Alors, vous vous souvenez qu'il était absolument sûr et
8 certain que cela s'était passé le 12 juillet. Il n'était pas sûr de
9 beaucoup de choses, ce témoin, et c'est l'ami et le chauffeur de Tolimir,
10 mais il y a une chose dont il est absolument sûr et certain, c'est que cela
11 s'est passé le 12 juillet.
12 Est-ce que vous savez pourquoi il était si sûr que cela s'est passé
13 le 12 juillet ? Parce que le 12 juillet, comme chaque année, était la
14 Saint-Pierre, la journée, donc, consacrée à la célébration du saint dont il
15 porte le nom. Donc, vous voyez, il y a quand même quelque part une justice
16 lyrique.
17 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur McCloskey.
18 Monsieur Tolimir, avez-vous l'intention de présenter une duplique ? Vous
19 avez la possibilité de le faire, et vous avez pour ce faire une durée
20 maximale de 30 minutes, si vous le souhaitez.
21 L’ACCUSÉ : [interprétation] Oui, bien entendu que je souhaite répondre. Je
22 souhaite intervenir rapidement.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous en prie.
24 L’ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que je n'ai pas eu le temps de me
25 préparer, je vais commencer par ce qui vient d'être dit en dernier lieu, et
26 je parle de la dernière allégation de l'Accusation. Le Procureur qui avance
27 que Todorovic se souvient de tout. Moi, je me souviens également de tout,
28 et vous vous souviendrez peut-être que Todorovic ne se souvenait même pas
Page 19558
1 qu'il était avec moi le 12. Donc, comment se fait-il qu'il ne pouvait même
2 pas se souvenir que je me trouvais avec lui le 12 alors qu'il se souvient
3 du jour où je lui ai dit quelque chose ? Lui-même nous a dit qu'il avait
4 modifié sa déclaration après cette audition avec le Procureur. Il a déclaré
5 qu'il pensait avoir vu le document qui avait été signé par Milovanovic en
6 1993 et qui portait sur les prisonniers de guerre, mais ceci étant dit, il
7 ne se souvenait pas du moment ou de la date où ce document a été rédigé. Et
8 puis, soudainement, en 2007, il se souvient miraculeusement de ce qui s'est
9 passé dix ans après. Voilà pourquoi je maintiens et je continue à maintenir
10 que cette déclaration est extrêmement ambiguë et qu'elle est très sujette à
11 caution. Vous pouvez d'ailleurs lui donner l'interprétation que vous
12 souhaitez lui donner à cette déclaration. Voilà ce que je voulais vous dire
13 dans un premier temps.
14 Deuxièmement, Todorovic a déclaré au Procureur qu'il avait pris contact
15 avec Tolimir. Mais comment ? Comment est-ce qu'il l'a fait ? Est-ce qu'il
16 existe une preuve de ce contact avec Tolimir ? Personne ne pouvait
17 contacter Tolimir parce qu'il n'y avait pas de téléphone à Zepa. Il n'y
18 avait pas de liaison téléphonique entre l'état-major principal et le poste
19 de contrôle qui se trouvait entre les deux lignes de feu de la FORPRONU sur
20 la colline qui s'appelle Boksanica. J'ai voulu dire lors de ma plaidoirie
21 qu'il y avait un téléphone, mais la ligne téléphonique, en fait, n'était
22 active que jusqu'au poste de contrôle, que entre le poste de contrôle de la
23 FORPRONU et le poste de commandement avancé. Personne ne pouvait utiliser
24 ce téléphone, pour appeler la brigade, par exemple, parce qu'il n'y avait
25 pas de centrale téléphonique à cet endroit-là.
26 Donc aucune information n'a été envoyée à Tolimir à la ligne de front
27 à propos de ce que Tolimir devait faire dans sa zone de responsabilité,
28 parce qu'il avait des officiers qui le remplaçaient lorsqu'il n'était pas
Page 19559
1 présent. Cela, d'ailleurs, est une pratique tout à fait courante. Lorsqu'un
2 officier s'absente, un autre officier le remplace.
3 Deuxièmement, le Procureur vient de nous dire que j'avais cherché des
4 logements pour les prisonniers; ce n'est absolument pas vrai. J'ai envisagé
5 des possibilités. Je leur ai dit : Il est possible de les loger. Je ne me
6 suis pas occupé à rechercher activement un logement pour ces prisonniers.
7 Là, il y a eu une erreur d'interprétation lorsqu'il a été dit que je
8 m'occupais du logement. Ce n'est absolument pas vrai. Je leur ai tout
9 simplement dit qu'il y avait des logements et que ces logements n'étaient
10 pas une prison. Il s'agissait de logements dans une exploitation agricole.
11 Carkic, d'ailleurs, en a parlé de cela. Il y avait une unité de la brigade
12 qui y avait été cantonnée auparavant. Donc cet endroit n'était pas une
13 prison.
14 Le Procureur allègue que Jankovic s'occupait des prisonniers de guerre.
15 Jankovic était chargé des contacts avec la FORPRONU et les organisations
16 internationales. Médecins sans frontières et la FORPRONU se chargeaient de
17 transporter ou transférer les prisonniers de guerre vers les lieux où ils
18 voulaient les faire aller et ils étaient en communication constante à ce
19 sujet avec Jankovic. Tolimir, lui, ne pouvait que fournir des conseils à
20 propos de ce qu'il fallait faire lorsqu'il a reçu ce document. Jankovic a
21 dit qu'il ne pouvait être en contact constamment avec Tolimir. C'est la
22 raison pour laquelle Djuric m'a dit qu'il allait arriver le 16. Et
23 Todorovic également ne pouvait pas le faire, Todorovic du corps de Bosnie
24 orientale. Et Salapura ne pouvait pas non plus le faire à partir de l'état-
25 major principal.
26 Pour ce qui est d'orientation professionnelle, de gestion
27 professionnelle, M. McCloskey a cité les règles qui figurent dans deux
28 documents, les documents D00203 et D00202.
Page 19560
1 Alors, en matière de professionnalisme et d'orientation
2 professionnelle, de gestion, l'organe de sécurité donne des consignes
3 professionnelles à ses officiers sur la façon de mettre en œuvre les
4 méthodes de travail eu égard au travail des organes de sécurité. Mais il ne
5 s'agit pas de commandement. Cette personne est la seule personne qui ait
6 été formée pour utiliser des méthodes de travail telles que, par exemple,
7 l'interception de conversations et d'autres méthodes qui sont d'ailleurs
8 utilisées également dans le domaine civil tout comme dans le domaine
9 militaire, et je pense, par exemple, à la perquisition de bâtiments et à ce
10 genre de choses. Il ne s'agit pas de tâches, il ne s'agit de devoirs de
11 commandement. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que Tolimir ne pouvait
12 pas superviser tout le monde et il ne pouvait pas superviser toutes les
13 personnes qui étaient envoyées dans le cadre d'une mission comme cela était
14 le cas pour Keserovic et Stanko qui travaillaient dans des organes de mon
15 département.
16 Qui plus est, le Procureur vient juste de nous dire que les organes dont
17 j'avais la responsabilité supervisaient la police militaire. Nous avons
18 entendu plusieurs témoins qui ont réitéré que la police militaire était
19 toujours subordonnée au commandant et non pas l'organe de sécurité.
20 L'organe de sécurité ne peut que proposer leur utilisation, et leur devoir
21 s'arrête là. Les commandants sont les personnes qui supervisent la mise en
22 œuvre des ordres, et ce ne sont pas les organes de sécurité qui le font.
23 Et qui plus est, à propos de l'attaque dans le tunnel, justement, M.
24 Salapura a témoigné à ce sujet. Il avait dit qu'il n'y avait aucun civil
25 qui avait été ciblé. Pour ce qui est de l'attaque dans le tunnel, la
26 population civile n'a pas été prise à partie. Il s'agit tout simplement
27 d'une démonstration de force quant à la possibilité d'entrer dans
28 Srebrenica par ce tunnel, tunnel d'ailleurs qui n'avait pas été utilisé
Page 19561
1 depuis des années. Ce n'était pas une attaque contre la population civile.
2 M. Salapura s'est vu présenté un document qui avait été rédigé par Ramiz
3 Becirovic de la 28e Division. Et il a indiqué à Naser Oric que personne
4 n'avait été tué, et Naser Oric était son commandant, il était l'adjoint de
5 Naser Oric, et c'est pour cela qu'il lui a présenté un rapport à lui, son
6 commandant, son supérieur.
7 Telles étaient à peu près mes réponses aux arguments qui viennent d'être
8 présentés par le Procureur dans la dernière partie de sa prise de parole.
9 Excusez-moi d'avoir pris la parole là, mais je devais bien réagir face à ce
10 qui, objectivement, ne constitue pas la vérité. Je fais en sorte de
11 toujours dire la vérité car ceci n'est pas le seul tribunal devant lequel
12 je serai appelé à répondre de mes actes. Je préfère toujours dire la vérité
13 que de me trouver puni par le tribunal éternel. Donc, excusez-moi d'avoir
14 employé un certain nombre de termes, tels que déclarations mensongères ou
15 inappropriées. Je me suis contenté de dire, en fait, qu'il s'agissait
16 d'accusations qui représentent de manière fausse et mensongère et déformée
17 mon rôle et ma place dans les événements. Excusez-moi si j'ai parlé de
18 mensonges. Chez nous, on a l'habitude qu'il ne convient jamais d'avancer
19 des allégations qui sont sans fondement ou qui sont mensongères. Donc je ne
20 me permettrais pas d'avancer des choses que j'ignore. Donc je vous
21 remercie. Je remercie les Juges de la Chambre et les interprètes. Excusez-
22 moi d'avoir parfois parlé trop rapidement ou peut-être d'une manière qui
23 rendait la tâche difficile, parce que j'ai des difficultés de diction. Que
24 Dieu vous bénisse tous et que vous puissiez tous vous acquitter de vos
25 missions conformément à la volonté du Seigneur comme cela conviendra le
26 mieux à nos âmes.
27 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tolimir.
28 Il n'y a pas lieu de présenter d'excuses. Vous avez tout à fait le droit de
Page 19562
1 présenter vos arguments, tout comme l'Accusation. En fait, c'était plutôt
2 votre devoir dans le cadre de votre Défense, donc vous aviez à nous faire
3 part de l'ensemble de vos pensées et de vos arguments.
4 Alors, nous approchons de la fin de cette audience et je voudrais que l'on
5 aborde quelques questions qui ne sont pas encore réglées. Une question de
6 traduction pour commencer. Nous avons reçu une communication informelle qui
7 a circulé entre les parties et la Chambre sur un document où quelques
8 doutes persistent quant à l'exactitude de la traduction, et il semblerait
9 que c'est un point assez important. Nous vous avons bien écouté, Monsieur
10 McCloskey, il y a deux jours. Je voudrais vous rappeler votre devoir de
11 tirer cela au clair avec le CLSS. Est-ce que vous pourriez peut-être
12 informer de l'issue la partie adverse et la Chambre ?
13 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui. Mlle Stewart a pu s'en occuper
14 aujourd'hui. Elle a dû s'occuper souvent de ce genre de chose et nous
15 allons pouvoir régler cela très rapidement. J'en ai parlé à Me Gajic. Nous
16 sommes tous d'accord là-dessus. Donc le CLSS a tout à fait raison et j'ai
17 essayé de suivre leurs consignes de la manière la plus proche possible.
18 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Oui, j'ai vu cela. Il est important
19 également que l'on en tienne compte pour les mémoires en clôture et
20 également pour le jugement. Nous allons tous devoir nous pencher de nouveau
21 sur les éléments de preuve de l'espèce, tous les éléments présentés depuis
22 deux ans et, bien entendu, sur les arguments oraux que nous avons entendus
23 cette semaine.
24 Enfin, un dernier point, j'ai une liste d'une quinzaine de documents que
25 nous devons aborder très rapidement. Les parties ont reçu cette information
26 de la part de la Chambre, donc elles sont au courant que c'est notre
27 dernier jour d'audience. Je vais rapidement parcourir la liste en question.
28 Donc nous avons, pour commencer, la pièce D72. C'est en fait le Greffe qui
Page 19563
1 doit s'occuper de mettre à jour la feuille supplémentaire qui remplace le
2 document D72 et changer le statut du document D72 et changer le statut à
3 "pièce à conviction".
4 Je voudrais maintenant demander aux parties si elles souhaitent s'exprimer
5 au sujet -- oui, si vous souhaitez réagir face à tel ou tel document,
6 faites-le.
7 D74. La Défense a téléchargé une version ramassée de la traduction. Il
8 s'agit d'un document de 26 pages, 1D051349, qui remplacera la version
9 originale portant le numéro 1D010787.
10 Le document suivant, D76. Le Greffe devrait remplacer le document avec la
11 feuille qui remplace le document puisqu'il s'agit d'un doublon de la pièce
12 D16 et il convient de changer le statut du document. Il s'agit désormais
13 d'une pièce à conviction.
14 Pièce D234, document suivant. C'est une version également condensée de la
15 traduction téléchargée le 11 juin. La Défense a notifié la Chambre de cela
16 le 21 août. Nous allons verser au dossier la version condensée, les 27
17 pages. Donc il s'agit du document ID 1D061656 qui remplacera la version
18 originale, 1D041696 [comme interprété].
19 Document suivant, D267. La traduction est à présent téléchargée dans le
20 système. Elle a été téléchargée le 11 juin et la Chambre en a été informée
21 le 21 juin. Donc il ne s'agit plus d'un document MFI en attente de
22 traduction, il s'agit du document D267.
23 Le document suivant, le document D290. La traduction a été téléchargée le
24 21 août. Le document est versé au dossier.
25 La traduction du document D356 a été téléchargée le 27 février. La Chambre
26 a été informée de cela uniquement le 21 août. Et, à présent, le document
27 est versé au dossier de l'affaire sous la cote D356.
28 De manière comparable, le document D360. Sa traduction a été téléchargée le
Page 19564
1 27 février. La Chambre en a été informée le 21 août. Et le document est
2 désormais versé au dossier de l'affaire.
3 Le document suivant, document D363. La traduction a été téléchargée le 27
4 février. La Chambre n'en a été informée que le 21 août. Le document est
5 versé au dossier.
6 Le document D364. La traduction a été téléchargée le 16 avril. La Chambre
7 en a été informée le 21 août. Le document est versé sous la cote D364.
8 A présent, j'aborde la question de la pièce P1000. La Chambre a rejeté ce
9 document, donc n'a pas accepté qu'il soit versé au dossier de l'affaire par
10 une décision qu'elle a rendue le 14 mai dernier, mais nous n'avons pas
11 donné de consigne au Greffe sur la manière à procéder. Le document devrait
12 en fait recevoir une cote, mais ne peut pas être versé au dossier
13 conformément à la décision prise par la Chambre le 14 mai.
14 Maintenant, la question de la pièce P1001, qui subit le même sort. La
15 Chambre a rejeté le versement de cette pièce le 14 mai. Et le document,
16 donc, recevra une cote mais ne sera pas versé au dossier.
17 Pièce P1369. La traduction a été téléchargée, mais la Chambre n'en a pas
18 été informée.
19 Monsieur McCloskey, est-ce que vous pouvez confirmer que la traduction a
20 été téléchargée ?
21 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui. Oui, c'est le cas. D'après les
22 recherches que nous avons faites, cela a eu lieu.
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Le
24 document est versé au dossier. Il porte la cote P1369.
25 Et, enfin, le document P1617. Le bureau du Procureur a fait savoir que ce
26 document ferait l'objet d'un versement direct, mais l'Accusation ne l'a pas
27 fait. Finalement, par conséquent, nous allons changer le statut de ce
28 document. Il s'agit d'un document qui a été marqué mais qui n'a pas été
Page 19565
1 versé au dossier.
2 Ce qui termine mon dernier point. Et, pour terminer, au nom de la Chambre,
3 je tiens à remercier toutes les parties intéressées. Nous approchons de la
4 fin d'un procès qui a commencé il y a deux ans et demi. Nous avons entendu
5 la déposition de 130 témoins, certains d'entre eux sont venus déposer
6 pendant plusieurs jours. Plus de 3 000 pièces à conviction ont été versées
7 au dossier. Près de 20 000 pages de comptes rendus d'audience ont été
8 écrites. Nous avons connu la procédure habituelle d'échange de requêtes,
9 réponses et de décisions rendues. Notre procès a été long et difficile. Il
10 y a eu des obstacles et des difficultés. Mais tous ceux qui sont présents
11 dans la salle d'audience ont apporté leur contribution, chacun et chacune à
12 leur manière, pour faire en sorte que ce procès arrive à son terme
13 relativement sans entrave.
14 Permettez-moi de remercier mes collègues, M. le Juge Mindua, Juge Nyambe,
15 pour leur coopération.
16 Je tiens à remercier les deux équipes, l'équipe de l'Accusation et
17 l'équipe de la Défense, de la manière dont elles se sont conduites et de la
18 manière dont elles ont communiqué. En dépit de la longueur de ce procès,
19 nous avons su faire preuve d'un esprit de collaboration et créer une bonne
20 ambiance de travail. Je remercie les deux équipes de cet esprit de
21 coopération pendant toute la durée du procès, d'avoir su travailler l'une
22 avec l'autre et avec la Chambre.
23 La Chambre a bénéficié de l'aide directe d'un certain nombre de nos
24 assistants. Nous avons également bénéficié de l'aide de l'équipe Tolimir.
25 Cette équipe s'est appliquée à sa mission, à son travail, a fait au mieux
26 de ses capacités, nous a rendu notre tâche plus facile. Je tiens à vous
27 remercier.
28 Je tiens également à remercier le personnel du Greffe avant tout, ensuite
Page 19566
1 l'huissier, le personnel du Greffe, les sténotypistes, les interprètes, les
2 traducteurs sur le travail desquels nous avons pu nous appuyer, le
3 personnel technique qui ont souvent dû intervenir pour résoudre les
4 difficultés techniques que nous rencontrions. En particulier, les agents de
5 sécurité, et j'espère que celui qui représente aujourd'hui ce service saura
6 transmettre nos remerciements à ses collègues.
7 Je tiens à remercier également le personnel du quartier pénitentiaire, y
8 compris le personnel médical qui a pu nous apporter son concours, et en
9 particulier à M. Tolimir, pendant ce procès. Je tiens à remercier également
10 tous ceux qui, au sein du Greffe, ont pu nous aider à tel ou tel moment. La
11 contribution du personnel du Greffe n'est pas toujours citée expressément.
12 Or, je tiens à dire à quel point nous l'apprécions et nous l'avons
13 appréciée. A présent, la Chambre doit se réunir pour le délibéré, et le pas
14 qui est devant nous est le jugement qui sera rendu.
15 L'audience est levée.
16 --- L'audience est levée à 15 heures 24.
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28