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1 (Lundi 10 septembre 2001.)
2 (Audience publique.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez donner le numéro de l'affaire,
6 s'il vous plaît.
7 Mme Philpott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame les
8 Juges. Affaire IT-98-32-T, le Procureur contre Mitar Vasiljevic.
9 M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'accusation de se
10 présenter.
11 M. Groome (interprétation): Je représente l'accusation avec Frederick
12 Ossogo et Sabine Bauer et je m'appelle Dermot Groome.
13 M. le Président (interprétation): Et pour la Défense?
14 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle Vladimir
15 Domazet. Je suis le conseil principal de Mitar Vasiljevic et je suis
16 accompagné de Me Radomir Tanaskovic qui est mon co-conseil en l'espèce.
17 M. le Président (interprétation): Merci.
18 Monsieur Vasiljevic, êtes vous en mesure de comprendre les débats dans une
19 langue que vous comprenez? Il est inutile pour vous de vous lever.
20 M. Vasiljevic (interprétation): Oui, je peux vous comprendre, Monsieur le
21 Président.
22 M. le Président (interprétation): Je ne vous poserai plus cette question
23 tant que nous serons dans cette procédure, mais si à un moment donné vous
24 avez du mal à nous suivre, n'hésitez pas à le faire savoir pour que nous
25 puissions régler la question. Il est essentiel que vous suiviez les
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1 débats.
2 M. Groome (interprétation): Avant de vous entendre, d'entendre votre
3 déclaration liminaire, il y a un certain nombre de questions que je
4 souhaite soulever avec vous. D'après ce que j'ai pu constater, l'accusé
5 n'a jamais présenté de plaidoyer en ce qui concerne l'Acte d'accusation
6 modifié. Si vous avez des informations allant dans le sens contraire,
7 faites-le moi savoir mais moi, je n'ai vu aucun compte rendu d'audience à
8 cet effet.
9 M. Groome (interprétation): Cet Acte d'accusation modifié a été déposé au
10 cours des trois derniers mois, donc il n'y a pas eu de plaidoyer.
11 M. le Président (interprétation): Donc il conviendrait de le faire aussi
12 rapidement que possible avant de vous laisser commencer.
13 Deuxième chose en ce qui concerne nos heures d'audience, c'est qu'à ce
14 stade et à moins qu'il n'y ait des modifications ultérieures, nous
15 n'allons pas participer… partager cette salle d'audience avec un autre
16 procès. Donc nous siégerons de 9 heures 30 à 11 heures, de 11 heures 30 à
17 13 heures et de 2 heures 30 à 16 heures. Cette semaine, nous n'allons
18 siéger que de lundi à jeudi car il y a un grand nombre de questions
19 relatives à la mise en état de nombreuses affaires à traiter vendredi.
20 Suivant la célérité avec laquelle nous avancerons dans ce procès, j'espère
21 que nous parviendrons à avancer en siégeant quatre jours ou quatre jours
22 et demi par semaine. On verra comment nous avançons.
23 J'étais un petit peu alarmé de voir dans le dernier mémoire préalable au
24 procès que l'accusation a fait évoluer son estimation en ce qui concerne
25 le nombre de journées c'est cela pour la présentation de sa thèse de 15
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1 à 26 jours et demi. Mais peut-être que si nous en avions parlé lors de la
2 conférence préalable au procès, cette question aurait été réglée. Mais en
3 tout cas, 26 jours c'est inacceptable, deux mois de travail, nous n'avons
4 pas de temps et nous ne voulons pas entendre les témoins nous répéter
5 toujours la même chose.
6 En tout cas, quand nous en aurons fini d'entendre les témoins cette
7 semaine, nous aurons une idée de la nature des positions que nous
8 entendrons tout au long du procès, surtout en ce qui concerne ce que
9 j'appellerai le chapeau ou les questions qui sont traitées dans le
10 chapeau.
11 Autre chose: on m'a informé vendredi que la famille de l'accusé sera dans
12 la galerie du public, la minuscule galerie du public dont nous disposons
13 ici. J'espère qu'ils pourront y assister toute la semaine mais je
14 souhaiterais stipuler une chose, c'est qu'à partir de cette petite boîte
15 on peut voir les témoins. Or, pratiquement tous les témoins à l'exception
16 d'un seul bénéficient de mesures de protection. On a mis en place un
17 certain nombre de panneaux dans la petite galerie du public et on va voir,
18 on va vérifier si, en effet, cela empêche de voir le témoin. Mais donc, je
19 souhaiterais attirer votre attention, Monsieur Groome, sur le fait qu'il y
20 aura des gens dans la galerie du public cette semaine. Donc il convient
21 de… Il conviendra de faire attention à ce que le témoin ne puisse être vu
22 depuis cet endroit.
23 Enfin, Maître Domazet a déposé ses arguments pour demander l'admission
24 d'éléments de preuve qui indiquent qu'il y a eu des attaques de la part
25 des Musulmans contre la population civile serbe, et nous avons maintenant
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1 besoin d'une réponse de l'accusation à cela aussi rapidement que possible
2 car malheureusement, ce document a été déposé plus tard que nous le
3 pensions et c'est indéniablement une question qui va se poser dès le
4 premier témoin.
5 Est-ce que vous y avez déjà réfléchi, Monsieur Groome?
6 M. Groome (interprétation): J'étais occupé à la préparation des témoins.
7 J'ai lu la requête, ce soir je travaillerai sur la question et vous
8 présenterai un document dès demain.
9 M. le Président (interprétation): Mais demain c'est peut-être trop tard
10 parce que ceci va se poser dès le premier témoin, dès son contre-
11 interrogatoire.
12 M. Groome (interprétation): Vu la déposition du témoin, je ne suis pas sûr
13 que ce soit le cas. Sinon, eh bien je suis prêt à traiter de la question
14 oralement.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet nous envoie une note
16 nous disant que la famille de l'accusé n'est pas là. Est-il exact, donc,
17 que la famille ne sera pas là tout le temps, Maître Domazet?
18 M. Domazet (interprétation): Je crois que cette semaine, ou plutôt la
19 semaine, c'est sûr.
20 M. le Président (interprétation): Mais c'est sûr qu'ils seront là ou pas?
21 M. Domazet (interprétation): Non, ils ne seront pas là.
22 M. le Président (interprétation): Bien, donc… En tout cas, il y a
23 quelqu'un dans la galerie du public; j'y vois un juriste de la Chambre.
24 Monsieur Domazet, en ce qui concerne le plaidoyer à présenter en ce qui
25 concerne l'Acte d'accusation modifié, c'est une question purement
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1 formelle; je pars du principe que votre client va plaider non coupable au
2 titre des faits qui lui sont reprochés, j'imagine. A moins que vous n'ayez
3 des objections, je me propose simplement de lui demander s'il plaide
4 coupable ou non coupable en ce qui concerne toutes les charges qui lui
5 sont faites, et je lui demanderai donc une réponse globale.
6 Est-ce que cela vous pose des difficultés?
7 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je suis d'accord.
8 M. le Président (interprétation): Vous êtes d'accord? Très bien.
9 Monsieur Vasiljevic, maintenant je vais vous demander effectivement de
10 vous lever, s'il vous plaît. Un Acte d'accusation modifié a été déposé
11 dans votre affaire, qui réduit l'ampleur des charges qui pèsent contre
12 vous. Cependant, il y a un certain nombre de charges qui restent dans cet
13 Acte d'accusation. Vous avez plaidé non coupable au titre de l'Acte
14 d'accusation original. Je vous demande donc si vous plaidez coupable ou
15 non coupable au titre de chacune des charges qui figurent à l'Acte
16 d'accusation modifié qui est présenté à votre encontre.
17 M. Vasiljevic (interprétation): Monsieur le Président, je plaide non
18 coupable.
19 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.
20 Monsieur Groome, est-ce que cela vous agrée? Est-ce que la question est
21 réglée à votre convenance?
22 M. Groome (interprétation): Oui.
23 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons maintenant pouvoir
24 écouter votre déclaration liminaire.
25 M. Groome (interprétation): Oui.
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1 Une seule chose: Me Radomir Tanaskovic comparaît pour la première fois
2 dans cette salle et vu la situation très difficile des témoins, je
3 voudrais savoir s'il a pris connaissance du Règlement relatif aux mesures
4 de protection.
5 M. le Président (interprétation): Cela, c'est vraiment quelque chose qu'il
6 convient de régler à l'extérieur du prétoire. On part du principe qu'il va
7 se conformer au Règlement. Maître Domazet connaît très bien la procédure
8 du Tribunal; il fera en sorte que son co-conseil lise les ordonnances
9 pertinentes. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de poser la question
10 formellement à Me Tanaskovic dans le prétoire.
11 Est-ce que vous allez déposer aujourd'hui, Monsieur Groome?
12 M. Groome (interprétation): [Hors micro.] On m'a dit que je pourrais
13 prononcer ma déclaration liminaire ici.
14 M. le Président (interprétation): Je n'ai jamais rien vu de la sorte. Vous
15 pouvez le faire si vous le souhaitez, à condition que l'on puisse vous
16 entendre. Il vaudrait mieux, pour ce faire, que vous allumiez le micro.
17 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
18 tout ce qu'il voulait, c'était partir. Tout ce qu'il voulait, c'était
19 quitter Visegrad. Le 14 juin 1992, l'opération de nettoyage ethnique de
20 Visegrad était déjà bien en marche et elle était aussi brutale qu'elle
21 était de grande envergure.
22 La plupart des Musulmans de la ville, qui étaient déjà partis une fois
23 dans la crainte, étaient revenus et maintenant ils étaient partis pour la
24 deuxième et la dernière fois. Et ceux qui restaient étaient parmi les
25 derniers à penser que ce dont ils croyaient que c'était impossible était
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1 en train de se produire.
2 Le 13 juin, un Serbe de Koritnik est allé voir ses voisins musulmans et
3 leur a annoncé avec une brutale franchise: "Il faut partir parce que vous
4 allez faire l'objet d'un nettoyage ethnique. Vous faites l'objet d'un
5 nettoyage ethnique, il faut partir pour Kladanj."
6 Ces derniers Musulmans qui restaient à Koritnik se sont finalement
7 résignés à la réalité qui les entourait et ils ont accepté de s'en aller.
8 Lorsqu'ils ont franchi le vieux pont turc de Visegrad, le 14, ils
9 cherchaient tout simplement la Croix-Rouge. On leur avait dit qu'il y
10 aurait un autobus qui les attendrait pour les emmener en lieu sûr. Or, il
11 n'y avait pas d'autobus. On leur a dit que peut-être, demain, il y en
12 aurait.
13 Leur tragédie a commencé lorsqu'ils ont rencontré l'accusé, M. Vasiljevic.
14 Monsieur Vasiljevic n'est pas l'accusé du Tribunal qui soit le plus connu,
15 qui ait la plus mauvaise réputation; ce n'est pas un grand politicien qui
16 soit derrière les plans de massacre de la Bosnie. C'est une simple garçon
17 de café, généralement apprécié par les Musulmans et par les Serbes. Mais
18 c'est lui qui, de ses propres mains, a commis un acte qui est peut-être un
19 des affronts les plus horribles à l'humanité qui aient eu lieu autour de
20 la guerre contre les plus innocentes des victimes.
21 Monsieur le Juge Hunt, Mesdames les Juges Janu et Taya, au nom de Mme le
22 Procureur Carla del Ponte, il en va de ma responsabilité et c'est mon
23 privilège, de vous présenter les éléments à charge de l'accusation contre
24 M. Vasiljevic.
25 Le crime dont je vous parle a commencé lorsque M. Vasiljevic a offert son
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1 aide à ces gens qui étaient désespérés. Il les a emmenés dans une maison;
2 il leur a dit d'y rester pendant la nuit en leur disant qu'ils étaient en
3 lieu sûr. Il leur a donné une autorisation écrite pour leur permettre de
4 rester là pendant la nuit. Il leur a raconté qu'il travaillait pour la
5 Croix-Rouge, qu'on les ferait monter dans un bus pour les amener en lieu
6 sûr dès le matin.
7 Ensuite, il devait avec Milan Lukic et plusieurs autres brûler ces
8 personnes vives et quelque 65 personnes au moins, la plupart d'entre elles
9 étant des femmes et des petits-enfants sans défense. Ils ont été forcés
10 d'entrer dans une maison où l'on avait déjà répandu des liquides
11 inflammables, et cette maison a ensuite été incendiée.
12 Il y avait, parmi ces personnes, une petite fille de trois jours
13 seulement. Pendant deux heures après le début de l'incendie, on a entendu
14 encore les victimes hurler de douleur.
15 Et ce n'était pas la première fois que M. Vasiljevic et M. Milan Lukic
16 tuaient des Musulmans avec d'autres. Ces deux hommes avaient emmené sept
17 hommes désarmés sur la rive gauche de la Drina et ensuite, leur avaient
18 tiré une balle dans le dos, pensant les avoir d'ailleurs tués tous les
19 sept. Mais l'un de ces hommes étaient un ancien collègue de M. Vasiljevic;
20 il a plaidé, il a imploré qu'on lui sauve la vie, qu'on le préserve, mais
21 on lui a quand même tiré une balle dans la tête.
22 Ces sept hommes ont ensuite été jetés dans la rivière mais, fort
23 heureusement, deux d'entre eux ont réussi à survivre et nous pourrons les
24 entendre au cours de ce procès.
25 Quelques mots sur l'ex-Yougoslavie avant d'entamer ce qui a trait
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1 véritablement à ce procès. L'ex-Yougoslavie, jusqu'en 1991, était un Etat
2 fédéral qui comptait six Républiques. L'une de ces Républiques, la Serbie,
3 comptait les provinces autonomes de la Voïvodine et du Kosovo. Après la
4 mort du général Tito, les forces qui avaient maintenu une cohésion forcée
5 entre ces Républiques ont commencé à se désintégrer. C'est à ce moment là
6 que l'on a commencé à voir que la Yougoslavie, telle qu'elle existait
7 depuis des dizaines d'années, menaçait de s'effondrer.
8 Les institutions qui étaient de plus en plus favorables aux Serbes, y
9 compris l'armée populaire yougoslave, ont participé à toute une série de
10 conflits; tout d'abord en Slovénie, ensuite en Croatie et, peu après, en
11 Bosnie.
12 Tout ceci se faisait pour créer un nouveau pays, un pays qui s'appelait
13 encore la Yougoslavie au sein de ces Républiques en train de se séparer.
14 Donc, une nouvelle République qui serait construite sur la dépouille
15 partielle de deux autres Républiques.
16 Ce plan a été conçu par les dirigeants politiques serbes, aussi bien en
17 Serbie qu'en Bosnie, a été exécuté de la manière la plus brutale qui se
18 puisse imaginer par la JNA, en coopération avec les forces spéciales du
19 ministère des Affaires intérieures serbes et des groupes paramilitaires
20 financés par les partis nationalistes. Ils ont travaillé en coopération
21 étroite avec la police locale et les dirigeants politiques locaux. Les
22 opérations militaires des Serbes étaient coordonnées, étaient
23 systématiques et à la fin de 1992, cette campagne avait entraîné la mort
24 ou le déplacement forcé d'environ deux millions de non-Serbes dont on ne
25 souhaitait pas qu'ils participent à cet Etat serbe homogène sur le plan
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1 ethnique.
2 Dans une série de résolutions, les Nations Unies se sont efforcées
3 d'apaiser ce conflit ethnique. Les Nations Unies ont mis en place un
4 embargo sur les armes contre l'ex-Yougoslavie, ce qui a empêché les
5 Bosniaques de s'armer et empêché les Serbes d'avoir accès à plus d'armes.
6 Cependant, du fait de la pression internationale, la JNA a été contrainte
7 de se retirer de la Bosnie le 19 mai 1992 mais en fait ceci n'était
8 qu'illusoire parce qu'il est resté encore beaucoup d'hommes, beaucoup
9 d'équipements en Bosnie et tout ceci a été rebaptisé l'armée de la
10 Republika Srpska, l'armée des Serbes de Bosnie.
11 Maintenant, Visegrad. Avant le conflit en Bosnie, Visegrad c'était une
12 petite ville au sud-est de la Bosnie-Herzégovine; c'est une de ces villes
13 au long de la Drina qui, aujourd'hui, appartiennent à la Republika Srpska.
14 A Visegrad, il y a un certain nombre de choses qui ont donné une
15 importance stratégique à cette ville. Premièrement, sur la municipalité,
16 sur le territoire de la municipalité vous avez un barrage hydroélectrique
17 qui non seulement fournit une électricité essentielle, mais qui contrôlait
18 le niveau de la rivière et empêchait les crues en aval. Deuxièmement, la
19 ville était un centre important au niveau des transports situé sur la
20 route principale entre Belgrade et Sarajevo. La route principale entre
21 Titovo Uzice en Serbie et Gorazde et Sarajevo traversait Visegrad et
22 c'était un acte stratégique pour le corps d'armée de Uzice de la JNA qui
23 était stationné à Uzamnice.
24 Je vais maintenant vous demander d'examiner une photographie aérienne de
25 cette ville avec un certain nombre d'endroits qui vont revenir souvent
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1 dans le cadre des dépositions. Je vais d'abord commencer par un point très
2 connu à Visegrad: le vieux pont turc.
3 M. le Président (interprétation): Il convient d'approcher un microphone.
4 Et je dois vous signaler que votre débit est extrêmement rapide.
5 Attention.
6 M. Groome (interprétation): Donc la Drina coule dans ce sens, voici donc
7 le pont. Au centre, vous avez un élargissement de la rivière, ici vous
8 avez ce que l'on a appelé le divan, une espèce de… où les rochers forment
9 une sorte de siège, où les gens s'arrêtaient pour discuter. Il y a un
10 autre pont qui traverse la Drina, c'est le nouveau pont. Et puis il y a
11 enfin un dernier pont, ici, dont nous allons souvent parler.
12 Ici, nous avons le stade de football. Nous entendrons des témoins nous
13 raconter comment 4.000 Musulmans ont été réunis à cet endroit un jour pour
14 être fouillés un par un et être intimidés.
15 Ici se trouve la rue Pionirska . Nous allons parler d'un certain nombre de
16 maisons, de deux, trois maisons qui se trouvent sur cette rue. Elles se
17 trouvent à peu de distance de ce bâtiment blanc qui est une école.
18 Ici vous avez, en bas, le hameau de Bikavac et vous entendrez des témoins
19 nous raconter que des hommes de la région se sont réunis à cet endroit
20 pendant de longues semaines avant d'être arrêtés.
21 Maintenant, nous revenons ici au centre ville et vous avez ici l'hôtel
22 Visegrad, le poste de police, le restaurant Panos, restaurant où
23 travaillait l'accusé et où la plupart des gens ont fait connaissance avec
24 lui.
25 Il y a deux endroits qui ne figurent pas sur cet photographie mais dont
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1 nous allons souvent parler pendant les dépositions. Il y a d'abord la
2 caserne Uzamnice qui serait à gauche, et puis vous avez également le
3 barrage hydroélectrique qui serait à gauche de la photographie, qui est
4 plus loin, qu'on ne voit pas sur la photographie.
5 Deux autres endroits qui ne figurent pas sur cette carte et dont nous
6 entendrons parler: un endroit à Sase, le village de Sase où des hommes ont
7 été tués, qui se trouve sur la rive est de la Drina au nord de la ville.
8 Dernier endroit que je souhaiterais mentionner à votre intention, c'est
9 l'hôtel Vilina Vlas qui se trouve au nord-est de la ville et qui se
10 trouverait à peu près à l'endroit que j'indique ici. C'est là que les
11 hommes sont allés avant qu'on ne les emmène à la rivière.
12 Les unités locales serbes ont commencé à pilonner la ville au moyen de
13 pièces d'artillerie et à l'encercler, à pilonner également les villages
14 environnants le 6 avril 1992 et ce sont essentiellement les quartiers
15 musulmans et les villages musulmans qui ont été ciblés. Par mesure de
16 représailles, un petit groupe de Musulmans de Bosnie a pris le contrôle de
17 ce barrage que j'ai déjà mentionné; ils ont menacé de faire sauter le
18 barrage. L'armée yougoslave se rapprochait de plus en plus du centre de la
19 ville et un de ces Musulmans a réussi à libérer de l'eau au niveau du
20 barrage et à inonder un certain nombre de rues. Cette crise a suscité
21 l'intérêt des médias et beaucoup sont intervenus, beaucoup de dirigeants
22 sont intervenus dans le cadre de négociations intenses qui ont ensuite
23 suivi et beaucoup de résidents de la ville, aussi bien Serbes que
24 Musulmans, ont quitté la ville pour attendre la fin de la crise.
25 La crise au niveau du barrage a pris fin lorsque des commandos de la JNA
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1 en ont pris possession. Le lendemain, ils ont été suivis par un grand
2 nombre d'unités du corps d'armée de Uzice de la JNA qui venaient
3 d'arriver. Ils ont rencontré quelques résistances de la part de groupes
4 musulmans mais ils ont eu peu de problème pour prendre le contrôle de la
5 ville. Après avoir pris le contrôle de cet endroit, la JNA a positionné
6 des chars et des pièces d'artillerie lourde dans la ville. La JNA arrêtait
7 des hommes et des femmes pour les interroger et certains auraient été
8 passés à tabac.
9 Après s'être rendus maîtres de la ville, les officiers de la JNA et les
10 dirigeants musulmans, persuadés par la JNA que les Musulmans seraient en
11 toute sécurité, ont mené une campagne, dans les médias notamment, pour
12 encourager les Musulmans à sortir de leurs cachettes et à revenir dans
13 leurs maisons et beaucoup des Musulmans de Bosnie sont ainsi revenus chez
14 eux, revenus sur leur poste de travail parce qu'ils avaient peur de perdre
15 leur emploi. Peu après leur retour, ils ont compris en fait que ce
16 Visegrad qu'ils retrouvaient était beaucoup plus dangereux que le Visegrad
17 qu'ils connaissaient avant. Il semblait partout y avoir des membres des
18 unités paramilitaires, de la police; les gens se voyaient dévalisés par
19 les policiers, par des unités paramilitaires; on les menaçait de les tuer
20 s'ils ne remettaient pas tous leurs biens.
21 Des Musulmans, des notables musulmans se sont vu renvoyés de leur poste de
22 travail; certains ont carrément disparu. Les unités paramilitaires
23 circulaient en ville et faisaient passer des cassettes audio où l'on
24 entendait des personnes torturées en train de hurler, et ils diffusaient
25 cela au moyen de haut-parleurs placés sur leurs véhicules.
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1 La situation a encore empiré lorsque le Corps d'armée de Uzice a quitté la
2 ville vers le 19 mai 1992. A leur départ, les dirigeants locaux, les
3 Serbes, ont mis en place la municipalité serbe de Visegrad et ils ont pris
4 le contrôle des bureaux de la municipalité.
5 Peu de temps après, les Serbes de la ville, des policiers, des unités
6 paramilitaires, ont mis en œuvre une des campagnes de nettoyage ethnique
7 les plus violentes qu'ait connu le conflit en Bosnie. L'objectif était
8 d'éliminer les 13.000 Musulmans qui résidaient en ville. Pendant la
9 période qui a suivi, des forces serbes et des forces serbes de Bosnie ont
10 attaqué et détruit un certain nombre de villages musulmans: des centaines
11 de civils musulmans non armés de la ville de Visegrad ont été tués
12 uniquement à cause de leur appartenance ethnique. On a très fréquemment
13 jeté dans la rivière Drina les cadavres de femmes, d'hommes et d'enfants
14 qui avaient été tués, le long de la Drina ou sur le pont turc historique
15 qui a été pendant des siècles un symbole de l'animosité qui persistait
16 entre Musulmans et Serbes.
17 Beaucoup de ces corps mutilés atrocement ont échoué près du village de
18 Slap. Beaucoup de Musulmans qui n'ont pas été tués ont été détenus en
19 ville, notamment dans la caserne de la JNA à Uzamnice; certains à l'hôtel
20 Vilina Vlas, etc.
21 Les victimes ont été régulièrement rouées de coups, torturées, soumises à
22 des violences sexuelles; beaucoup ont été tuées. Et les deux mosquées que
23 comptait la ville ont été complètement détruites.
24 Au cours du printemps de 1992, un ancien habitant de Visegrad, Milan
25 Lukic, est revenu à Visegrad et il a pris contrôle d'une unité
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1 paramilitaire qui travaillait avec les unités de la police et de l'armée
2 pour imposer un régime de terreur à l'encontre de la population musulmane.
3 Souvent, les gens du coin appelaient cette unité les "Aigles blancs" et
4 l'on y trouvait le cousin de Milan Lukic, Sredoje Lukic, et son "kum",
5 terme serbe qui désigne le témoin de mariage, donc son "kum", l'accusé
6 Mitar Vasiljevic.
7 Milan Lukic et Mitar Vasiljevic étaient très amis et leurs familles
8 étaient très proches, ceci depuis plusieurs générations. Sredoje Lukic
9 appartenait à la police de Visegrad et Mitar Vasiljevic était un garçon de
10 café très connu qui travaillait pour la société Panos qui gérait plusieurs
11 restaurants et cafés dans la zone de Visegrad.
12 D'avril 1992 à octobre 1994, Milan Lukic et son groupe ont commis des
13 centaines de crimes dans la municipalité de Visegrad contre ceux qui
14 n'étaient pas Serbes. La plupart des victimes ont été tuées sur le vieux
15 pont turc et ensuite jetées à l'eau et de là, les corps ont dérivé vers
16 Slap où on les retirait de l'eau pour leur donner un semblant
17 d'enterrement musulman.
18 Malheureusement, l'histoire de Visegrad est l'histoire des expériences de
19 nettoyage ethnique les plus réussies qui aient eu lieu pendant la guerre
20 des Balkans. Il y avait 21.000 habitants à cet endroit, dont 62% étaient
21 musulmans, mais vous entendrez qu'après la guerre il n'y avait plus
22 personne. Visegrad, malheureusement, est la ville où il y a eu le plus
23 grand nombre de disparus après Srebrenica. La plupart des disparus sont
24 des hommes, des jeunes adolescents, et la plupart d'entre eux ont disparu
25 en mai et juin 1992, au moment où l'accusé a participé à ce plan
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1 diabolique.
2 Ma tâche, ici, est de prouver que Mitar Vasiljevic appartenait à une bande
3 de criminels qui a participé à ce nettoyage ethnique, un nettoyage
4 ethnique orchestré par Slobodan Milosevic, Radovan Karadzic et d'autres.
5 Nous allons montrer de nombreux éléments de preuve à cet effet.
6 Vous entendrez un homme qui était un notable de la communauté de Visegrad.
7 Il va parler d'un événement terrifiant: on l'a fait venir au poste de
8 commandement de la JNA pour qu'il y rencontre le colonel commandant de
9 cette unité. Il était assis à une table dans un bureau; trois officiers
10 qu'il ne connaissait sont entrés, se sont assis en face de lui. Ne sachant
11 pas qu'il était musulman, ils n'ont pas fait attention à lui. L'un d'entre
12 eux a déplié une carte de la ville et il a indiqué aux deux autres
13 officiers des zones qui se trouvaient le long de la rive droite de la
14 Drina et dont le nettoyage ethnique avait été réalisé. Le témoin,
15 paralysé, s'est rendu compte que l'officier indiquait une zone où vivait
16 sa famille. Il a entendu cet officier dire que cet endroit devait être
17 nettoyé le lendemain.
18 Nous allons également voir une vidéo qui a été réalisée cinq ou six
19 semaines avant que ces crimes ne soient commis, vidéo réalisée par la
20 télévision serbe. On voit un hélicoptère de l'armée de la JNA à Visegrad.
21 On constate que l'hélicoptère vole au-dessus d'une installation ou d'une
22 base de l'armée où étaient rassemblés des Musulmans. Dans cette vidéo, on
23 voit également un camion de l'armée où se trouvent un certain nombre de
24 soldats et de Musulmans. Au moment où la caméra filme le camion, on peut
25 voir le visage terrorisé de ces hommes et de ces femmes. L'un de ces
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1 hommes viendra dans ce prétoire; il nous racontera comment l'armée est
2 venue dans son village, a rassemblé tous les Musulmans et les a emmenés au
3 stade de football de la ville. Il va nous raconter que, lorsqu'il a
4 traversé le pont turc, le vieux pont turc dans ce camion, le camion donc
5 était dans une colonne d'autres camions où étaient entassés des femmes,
6 des enfants, des hommes musulmans terrorisés. Ce témoin nous racontera
7 que, au bout du pont, il y avait des unités paramilitaires dont les
8 Aigles blancs qui ont commencé à insulter tous les Musulmans sans que les
9 soldats n'interviennent. Le témoin nous dira que certains de ses amis, qui
10 étaient avec lui à ce moment là, ont été emmenés et ont disparu.
11 Je souhaiterai parler plus en détail des crimes qui sont reprochés à
12 l'accusé. Nous allons fournir des éléments de preuve directs montrant que
13 le 7 juin 1992, Milan Lukic, Mitar Vasiljevic et d'autres membres du
14 groupe de Milan Lukic ont arrêté sept hommes musulmans; ils les ont
15 emmenés dans un véhicule jusqu'au bord de la Drina et ils leur ont tiré
16 dessus. Cinq de ces hommes sont décédés suite à ces tirs; deux ont
17 prétendu être morts et cela leur a sauvé la vie.
18 Tout ceci avait commencé à 17 heures 30 ou vers 17 heures 30, le 7. Milan
19 Lukic et ses hommes étaient en train de fouiller des maisons pour y
20 trouver des Musulmans. L'un des premiers hommes à être fait prisonnier a
21 été emmené de chez lui. Au moment où on l'emmenait, il a demandé qu'on lui
22 permette d'embrasser sa fille pour lui dire au revoir; Milan Lukic a
23 répondu non. Mais au moment où Lukic lui tournait le dos, il a rapidement,
24 furtivement, donné un baiser à sa petite fille.
25 Les deux premiers hommes qui ont été faits prisonniers ont été emmenés
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1 dans une Volkswagen Passat rouge. Tout le monde savait que Milan Lukic
2 utilisait ce véhicule, il l'avait volé à une femme d'affaires musulmane
3 qui avait été une des premières, d'ailleurs, à être tuée.
4 A peu près au même moment, il y avait six autres hommes de Lukic qui
5 fouillaient des maisons musulmanes situées près de l'hôtel de Bikavac.
6 Deux des hommes qui ont été arrêtés vivaient depuis plusieurs semaines au
7 sous-sol d'une maison dans laquelle ils se cachaient derrière une armoire
8 chaque fois qu'ils entendaient une voiture passer dans la rue. Et puis un
9 de ces hommes a vu sa propre voiture avancer dans la rue moteur éteint. Il
10 est sorti par curiosité, il n'a pas réalisé qu'il y avait plusieurs hommes
11 de Lukic qui, en fait, attendaient. Il a été arrêté et, avec son
12 compagnon, ils ont été détenus ainsi jusqu'à l'arrivée de Milan Lukic.
13 Ensuite, on les a emmenés dans une autre maison qui se situait à peu de
14 distance et là, ils ont rejoint d'autres hommes qui n'avaient
15 malheureusement pas pu s'échapper.
16 Lorsque Milan Lukic est arrivé à cet endroit, les Musulmans ont été
17 fouillés; on leur a pris tous leurs biens de valeur ainsi que leurs
18 documents d'identité. Et la première indication des intentions de Milan
19 Lukic, c'est ce qu'il a fait avec ces documents d'identité. Parce que
20 qu'est-ce qu'il a fait? Il les a jetés par terre et il les a, avec le
21 pied, poussés derrière la porte. Ensuite, ces hommes ont été contraints de
22 monter dans deux voitures qui avaient été volées à des Musulmans de
23 Bosnie. Les deux voitures sont parties, elles ont traversé la ville, elles
24 sont passées devant les mosquées détruites en direction de l'hôtel Vilina
25 Vlas et en chemin, Milan Lukic s'est arrêté à côté de piétons. Il leur a
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1 demandé comment ils s'appelaient. Il voulait voir s'il s'agissait ou non
2 de Musulmans. A l'un des points de contrôle par lesquels ils sont passés,
3 il a dit à l'un des officiers de police qui se trouvaient là: "Je me suis
4 trouvé plusieurs balija". "Balija", c'est un terme péjoratif qui est
5 utilisé pour décrire les Musulmans.
6 Lorsque les deux voitures où se trouvaient les sept Musulmans prisonniers
7 sont arrivées à l'hôtel Vilinas Vlas qui était vide, ils y ont retrouvé
8 l'accusé Vasiljevic et d'autres membres du groupe de Milan Lukic. L'accusé
9 se trouvait à gauche dans le hall. Les victimes connaissaient très bien
10 l'accusé parce qu'il y avait de nombreuses années qu'il travaillait comme
11 garçon, comme serveur dans les restaurants, dans les cafés de la société
12 Panos à Visegrad. L'une des victimes, Meho Dzafic, avait d'ailleurs été le
13 supérieur et le mentor de Vasiljevic dans l'entreprise.
14 L'accusé était vêtu d'un uniforme vert olive avec un ruban vert sur la
15 manche. Aussi bien sur sa casquette noire que sur son uniforme, il portait
16 l'insigne de l'aigle à deux têtes. Il portait une arme automatique, un
17 fusil automatique. Les Musulmans ont été alignés le dos à la réception et
18 Mitar Vasiljevic se tenait sur leur droite, alors qu'un autre Serbe se
19 tenait à gauche.
20 Milan Lukic a fouillé dans le bureau, à la réception, pour chercher une
21 clef qu'il n'a pas trouvée. Lorsqu'il a constaté qu'il ne pouvait pas
22 trouver les clefs qu'il cherchait, il s'est exclamé, furieux: "Retournons
23 là-bas!". Alors les sept hommes, une fois de plus, ont été contraints de
24 monter dans les deux voitures. L'accusé Vasiljevic était assis sur le
25 siège du passager de la Passat; Milan Lukic conduisait ce véhicule. Les
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1 deux véhicules sont allés jusqu'à Sase, un petit village qui se trouve en
2 dehors de la ville de Visegrad sur le long de la Drina.
3 En chemin, l'un des hommes appartenant à ces unités paramilitaires a
4 offert une cigarette à l'un des Musulmans et lui a assuré qu'on les
5 emmenait pour les échanger. Au moment où ils se sont arrêtés au bord de la
6 route, devant une maison, Milan Lukic a demandé à Vasiljevic s'il savait
7 si cette maison appartenait à des Musulmans. Il a répondu que c'était
8 effectivement le cas.
9 Après que l'accusé et les autres membres de l'unité paramilitaire sont
10 sortis de la voiture, ils ont pris position autour de la voiture et ils
11 ont ordonné aux Musulmans de sortir. Milan Lukic avait un fusil de tireur
12 embusqué avec un silencieux et Mitar Vasiljevic avait, quant à lui, une
13 Kalachnikov ou un fusil automatique de type Kalachnikov construit dans la
14 région, comme les deux autres hommes. Tous les fusils, y compris celui
15 tenu par M. Vasiljevic, étaient pointés sur les hommes.
16 Lorsque les hommes capturés se sont trouvés en dehors de la voiture, on
17 les a forcés à marcher vers la rivière de la Drina à environ 100 mètres.
18 Sur le chemin de la rivière Drina, Milan Lukic et Vasiljevic gardaient les
19 personnes condamnées à côté. Les autres membres paramilitaires se
20 trouvaient de l'autre côté et les gardaient également. Il était clair, le
21 sort qui leur était réservé. L'un d'eux a essayé de s'approcher de son
22 beau-frère afin de lui dire au revoir, adieu, mais on lui a dit: "Vite",
23 en menaçant qu'il fallait qu'il poursuive son chemin.
24 Lorsqu'ils sont arrivés à la rivière, les sept hommes ont reçu les ordres
25 de s'aligner. Ils allaient ensuite vers la rivière, sachant que le moment
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1 où ils allaient y arriver serait leur mort.
2 L'ancien surveillant de Vasiljevic, Meho Dzafic, n'arrêtait pas d'implorer
3 l'accusé en lui demandant de lui épargner la vie mais Vasiljevic a répondu
4 de manière froide: "Je ne te connais pas". Quelques-uns des autres
5 imploraient également, mais c'était en vain. Un certain nombre d'entre eux
6 ne disaient rien et ils passaient ces derniers moments de leur vie
7 d'après ce qu'ils pensaient en pensant à leurs enfants et aux personnes
8 qu'ils aimaient.
9 Lorsque les sept hommes se sont trouvés près du bord de la rivière,
10 Vasiljevic, Milan Lukic et les autres paramilitaires ont pris les
11 positions à environ dix mètres derrière eux. Après une brève discussion
12 concernant la question de savoir s'ils allaient utiliser les Kalachnikov
13 ou les fusils automatiques ou semi-automatiques, on a pu entendre le bruit
14 de trois coups de feu. Les paramilitaires, avec Milan Lukic à la tête,
15 n'ont pas arrêté de tirer sur le dos des hommes et sur leur tête jusqu'au
16 moment où ils croyaient qu'ils les avaient tués.
17 Deux des victimes se sont jetées dans la rivière au moment où les tirs ont
18 commencé et faisaient semblant d'être morts. Ils sont restés dans l'eau
19 pendant que l'on tirait de manière supplémentaire. Ils pouvaient entendre
20 le bruit des coups de feu qui touchaient les corps de leurs amis. Ils
21 pouvaient sentir comment la vie quittait ces hommes qui ne bougeaient pas.
22 Lorsque les paramilitaires pensaient qu'ils avaient tué les sept hommes,
23 Vasiljevic et Milan Lukic et les autres sont retournés vers leurs deux
24 voitures et sont partis. Les deux survivants de la fusillade n'ont pas
25 bougé jusqu'à ce qu'ils entendent les voitures partir.
Page 114
1 Monsieur Vasiljevic a été accusé de ces crimes de meurtres en tant que
2 crimes contre l'humanité et de violation des lois et coutumes de la
3 guerre. Le crime des actes inhumains et le crime contre l'humanité et,
4 finalement, le crime de la violence infligée à la vie et à la personne en
5 tant que violation des lois et des coutumes de la guerre.
6 Les moyens de preuve concernant cet incident proviennent de quatre
7 sources. (expurgé)
8 (expurgé) ensuite un homme qui se cachait de l'autre
9 côté de la rivière et qui a pu observer cela à travers les jumelles et,
10 finalement, le récit de l'accusé lui-même. Je vais parler des cassettes
11 vidéo qui montrent son entretien et où il a admis avoir été présent
12 pendant la perpétration de ces crimes à Vilina Vlas et jusqu'au moment où
13 Milan Lukic l'a ramené chez lui.
14 Ensuite, l'incendie. Il y a des témoignages crédibles et fiables des
15 témoins oculaires qui permettent de constater au-delà de tout doute
16 raisonnable que le 14 juin 1992, environ 75 personnes d'origine ethnique
17 des Musulmans de Bosnie, pour la plupart les femmes et les enfants, ont
18 été emprisonnées dans la maison à Pionirska street par M. Vasiljevic,
19 Milan Lukic, Sredoje Lukic et les autres; ensuite, ils ont été incendiés
20 et brûlés vivants.
21 Les événements, avant cela, ont commencé avec un groupe de personnes, pour
22 la plupart les femmes et les enfants venant d'un hameau qui s'appelait
23 Koritnik et qui se trouvait à environ six kilomètres par rapport à
24 Visegrad. Ils se sont regroupés dans la ville de Visegrad et ils ont
25 demandé de la protection de la part de la Croix-Rouge pour pouvoir quitter
Page 115
1 la ville et plus tard…
2 M. le Président (interprétation): Veuillez ralentir. Je comprends que vous
3 vous oubliez mais il est très difficile aux interprètes de suivre.
4 M. Groome (interprétation): Certaines personnes se présentant comme des
5 personnes travaillant pour la Croix-Rouge ont dit à ces personnes que leur
6 transport en dehors de la ville allait être organisé. L'accusé Mitar
7 Vasiljevic se trouvait parmi ces personnes qui disséminaient les
8 informations fausses et qui se sont présentées de manière fausse en tant
9 que membres de la Croix-Rouge. La plupart de ces personnes ont été forcées
10 de quitter leur maison et savaient que le fait de rester à Visegrad allait
11 mettre leur vie en danger.
12 Lorsque le groupe a trouvé que le Bureau de la Croix-Rouge était fermé, il
13 a continué le chemin vers un quartier musulman au bord de la ville de
14 Visegrad dans l'espoir qu'ils allaient pouvoir s'y réfugier. Lorsqu'ils
15 s'approchaient de ces deux hommes, Vasiljevic les a rencontrés, il s'est
16 présenté en leur disant son nom et son prénom et il leur a dit qu'il
17 travaillait pour la commission des réfugiés. La plupart d'entre eux le
18 connaissaient depuis son travail dans le restaurant Panos. Vasiljevic a
19 dit aux femmes de rester dans la maison détruite de Jusuf Memic dans la
20 Pionirska, dans la rue Piorniska, et il leur a donné des certificats qui
21 légitimaient prétendument cet arrangement. Il est retourné par la suite,
22 le même jour, et il leur parlait de manière rassurante en leur disant
23 qu'ils allaient se trouver en sécurité et que le matin, le transport
24 allait être organisé afin de les faire sortir de Visegrad.
25 Peu de temps après que Visegrad a vu le groupe des Musulmans pour la
Page 116
1 deuxième fois, Milan et Sredoje Lukic, tout comme d'autres personnes de ce
2 groupe, sont arrivés. Ils ont volé les objets de valeur appartenant au
3 groupe, ils leur ont posé des questions concernant les maris et en tant
4 qu'humiliation, dernière humiliation, ils les ont forcés à enlever tous
5 leurs vêtements. Après cela, ils ont dit la même chose que ce que
6 Vasiljevic avait dit, c'est-à-dire ils ont dit au groupe de rester dans la
7 maison jusqu'à la matinée. Plus tard, ce jour, Milan et Sredoje Lukic sont
8 rentrés dans la maison et ils ont forcé les victimes qui n'avaient plus de
9 chaussures à aller dans une autre maison dans la rue Pionirska qui
10 appartenait à Adem Omeragic. Cette personne se trouvait seulement à 20, à
11 50 mètres; elle était plus proche du ruisseau, derrière les maisons. Déjà,
12 il y avait plusieurs personnes détenues dans cette maison et le groupe de
13 la maison de Memic devait… s'entassait ensemble avec l'autre groupe dans
14 la maison Omeragic.
15 Il était clair à l'un des témoins, au moment où ils sont entrés, qu'un
16 produit chimique se trouvait par terre et elle a pu voir qu'il y avait des
17 barricades derrière les fenêtres. Le produit chimique avait l'odeur de la
18 colle et il était difficile de respirer. Au bout d'environ 30 minutes,
19 Milan et Sredoje Lukic et Vasiljevic sont retournés dans la maison et ils
20 ont ouvert la porte d'entrée. Vasiljevic et Sredoje Lukic empêchaient les
21 gens de fuir et Milan Lukic a placé un engin explosif sur le tapis et il a
22 allumé la fusée. Lorsque l'engin a explosé, ceci a donné le feu à la
23 substance inflammable qui se trouvait par terre. Les flammes se sont vite
24 répandues et les victimes et la maison ont commencé à brûler.
25 Vasiljevic et Lukic sont restés à l'extérieur de la maison et ils ont tiré
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1 sur les personnes qui essayaient de fuir derrière les fenêtres. Une femme
2 et son fils ont réussi à sortir par la fenêtre et ils ont fui en courant
3 le long du ruisseau. Un autre jeune garçon a montré à sa mère où se
4 trouvait la fenêtre et il a sauté d'abord, et ensuite il a couru aussi
5 vite que possible le long du ruisseau et plus tard, vers la colline, il
6 n'a pas vu le moment où sa mère a sauté elle-aussi et il n'a pas entendu
7 ni vu le moment où Milan Lukic a tiré sur elle alors que Mitar Vasiljevic
8 a dirigé la lumière de sa torche vers elle. Elle est tombée à côté du
9 ruisseau et au moment où elle était allongée là-bas, elle entendait les
10 horribles cris des victimes qui brûlaient vives. Son fils n'a appris que
11 beaucoup plus tard qu'elle a survécu à cet incident. Les deux maisons de
12 Memic ont également brûlé complètement cette nuit-là.
13 Pour ces crimes, M. Vasiljevic a été accusé d'extermination, meurtre en
14 tant que crime contre l'humanité et violation des lois et des coutumes de
15 la guerre, crime des actes inhumains en tant que crime contre l'humanité
16 et finalement le crime de violences infligées à la vie et à la personne en
17 tant que violation des lois et des coutumes de la guerre. Il y a également
18 le chef d'accusation général de persécution concernant la totalité du
19 comportement de l'accusé.
20 Les moyens de preuve concernant ce qui s'est passé dans la rue Pionirska
21 proviennent de plusieurs sources. Sept personnes se sont échappées de
22 l'incendie ce jour-là. Lorsque les femmes partaient de la maison de Memic
23 à la maison d'Omeragic, deux sœurs se sont arrêtées derrière une cabane et
24 elles s'y sont cachées. Elles vont décrire la manière dont elles ont
25 observé l'incendie, le crime en général et en particulier l'observation du
Page 118
1 comportement de l'accusé, M. Vasiljevic, et sa participation à ce crime.
2 Sur environ 70 personnes qui ont été forcées d'entrer dans la maison, cinq
3 personnes pour autant que le Procureur en est conscient ont pu
4 s'échapper: deux mères et leurs fils ont pu sauter par la fenêtre de la
5 maison; elles vont déposer sur leur épreuve extrêmement dure et sur le
6 rôle de l'accusé dans ce crime.
7 Un homme âgé a survécu à l'incendie également. Cet homme connaissait M.
8 Vasiljevic et il l'a identifié tout de suite après l'incendie. Même si cet
9 homme est mort en 1995, son fils va être cité à la barre, il va dire ce
10 que son père lui avait dit avant sa mort.
11 Vous allez également entendre la déposition des deux sœurs qui se sont
12 cachées et qui ont observé ce qui se passait cette nuit-là. Je souhaite
13 attirer votre attention sur une autre photographie. Il s'agit de la
14 photographie aérienne de la rue Pionirska où se trouvait les maisons
15 pertinentes dans le cadre de cette affaire. Ici, nous pouvons voir l'école
16 dont je parlais et, directement en face de l'école, ce sont les 2 maisons
17 qui avaient appartenues à la famille Memic.
18 Egalement, il est possible d'identifier l'auvent vert et jaune. Sur l'une
19 d'elles, il y a les 2 maisons dans lesquelles l'accusé a dit aux victimes
20 de rester jusqu'au lendemain. Ces restes de la maison au fond, c'était la
21 maison dans laquelle les gens ont été tués cette nuit-là. Ils ont été
22 forcés de se trouver au parterre de cette maison. Vous pouvez voir sur
23 cette photo, puisqu'il s'agit là d'une photo qui montre qu'il n'y a pas de
24 fenêtre ni de porte vers la rue Pionirska. Derrière la maison, il est
25 possible de voir le ruisseau qui a permis à plusieurs personnes qui ont
Page 119
1 survécu de se cacher. Les restes des morts sont toujours dans la maison et
2 autour de la maison leurs cendres. Mais l'acte final de la vandalisme a
3 été lorsque l'on a décidé de créer une porcherie dans cette maison.
4 Dès le début de la présentation des moyens à charge, vous pourrez voir à
5 quel point on connaissait M. Vasiljevic. Vous allez entendre plusieurs
6 dépositions concernant la manière, comment les témoins connaissaient Mitar
7 Vasiljevic. Une femme vous dira qu'elle le connaissait depuis toujours.
8 Ils étaient âgés à peu près du même âge. Ils étaient nés dans la même
9 région. Ils allaient aux mêmes endroits en tant qu'enfants et en tant que
10 jeunes adultes et elle le connaissait depuis le restaurant Panos
11 également. Tous ceux qui ont passé une période de temps dans l'ex-
12 Yougoslavie savent quelle est l'importance des cafés dans la vie sociale
13 des gens. Mitar Vasiljevic était un garçon de café qui exerçait ses
14 fonctions depuis très longtemps dans l'un des cafés les plus importants de
15 la ville.
16 L'un des témoins va vous dire qu'il allait très souvent dans ce café et
17 qu'il a vu certainement Mitar Vasiljevic une centaine de fois. Et au moins
18 l'une des défenses dans cette affaire sera le fait que l'accusé n'était
19 pas présent au moment où le feu brûlait effectivement dans la rue
20 Pionirska. Ceci nous pousse à poser la question de savoir si les témoins
21 n'ont pas commis une erreur par rapport à l'identification de l'accusé.
22 Mais voici à quoi ressemblait la procédure de l'identification. Ceci se
23 passait par le biais d'un panneau de photos. J'ai placé un de ces panneaux
24 sur le rétroprojecteur. Chaque témoin était seul avec l'enquêteur et
25 l'interprète et a pu visionner la série des photos. La série des photos
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1 contenait les photos de l'accusé avec un nombre d'autres personnes qui
2 avaient un aspect physique semblable. Et sur ces photos se trouvait une
3 photo récente de l'accusé. Les témoins ont dû dire s'ils reconnaissaient
4 quelqu'un et quelle était cette personne. Et ensuite, ils devaient signer
5 leur nom et leur prénom au-dessous de la photographie qu'ils avaient
6 reconnue. Les enquêteurs vont vous parler plus en détail de cette
7 procédure de l'identification.
8 Vous allez également entendre les témoins qui vont décrire les
9 circonstances dans lesquelles ils ont vu la série des photos. La défense
10 d'alibi a été mentionnée par rapport à l'incident de la rue Pionirska qui
11 a eu lieu le 14 juin. L'accusé, dans sa déclaration enregistrée par vidéo,
12 dit que ce jour là il est tombé d'un cheval dans un centre ville. Il a dit
13 qu'il a vu un cheval abandonné et qu'il l'a chevauché pour aller dans la
14 ville, le long des rails. Et dans le centre ville, le cheval a glissé et
15 l'a fait tomber, est tombé ensuite au-dessus de l'accusé, ce qui a fait
16 qu'il se casse la jambe.
17 Bien sûr, il y a des documents médicaux émanant de l'hôpital d'Uzice
18 indiquant qu'une personne répondant au nom de Mitar Vasiljevic a été
19 admise à l'hôpital cette nuit-là, vers 11 heures du soir. Quelques
20 juristes vont peut-être être tentés… seraient tentés peut-être de terminer
21 leur enquête à ce moment, parce que, à première vue, il s'agit d'une
22 preuve irréfutable, mais nous considérons que les victimes méritaient que
23 l'on examine les choses de plus près.
24 Parmi les documents médicaux, nous avons pu trouver les documents
25 indiquant également que la personne dont la jambe a été cassée a été
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1 blessée sur le champ de bataille, et également nous avons pu constater
2 dans les documents médicaux que l'information concernant la blessure a été
3 envoyée au poste militaire. Egalement, il y a une radiologie de la jambe
4 cassée de la personne. Il est clair qu'un certain Mitar Vasiljevic a
5 souffert de cette blessure à la date du 14 juin 1992, mais vous allez
6 entendre la déposition du Dr DeGrave qui est un expert en matière de la
7 comparaison des radiologies. Il va décrire de quelle manière il a pu mener
8 des examens physiques et radiologiques de l'accusé en août de l'année
9 dernière. Il va également décrire ses analyses et sa comparaison et la
10 raison pour laquelle il a conclu qu'il ne pouvait pas s'agir de la jambe
11 de l'accusé, si l'on examine la radiologie de la jambe qui a été remise
12 par l'hôpital d'Uzice.
13 Vous allez également entendre la déposition des 2 femmes qui ont aidé les
14 survivants de l'incendie dans la rue Pionirska. Elles ont soigné leurs
15 plaies et vous allez entendre leur description par rapport à leur
16 rencontre avec M. Vasiljevic, après qu'elles ont vu une femme qui a
17 survécu à cet incident.
18 Ce procès qui commence ce matin, j'espère qu'il nous permettra d'aboutir à
19 la vérité concernant la participation de M. Vasiljevic dans l'incident de
20 la rue Pionirska. Le rôle du Procureur dans ce procès a été jusqu'à
21 maintenant d'enquêter de manière détaillée cette question et de recueillir
22 les moyens de preuve. Je pense qu'à la fin de la présentation des moyens à
23 charge, vous allez constater que ceci a été fait. Dans la recherche des
24 moyens de preuve, nous avons découvert des moyens de preuve qui suggèrent
25 que les documents médicaux ne correspondent pas à l'impression qu'on peut
Page 122
1 avoir à première vue. Et nous allons présenter ces moyens de preuve. Le
2 Procureur ne demande qu'une chose de la part de la Chambre de première
3 instance, à savoir de ne pas tirer des conclusions trop rapidement et de
4 ne pas créer une théorie avant d'entendre l'ensemble des dépositions.
5 Monsieur Vasiljevic, il faut savoir que son rôle n'a pas commencé au
6 moment où il a dirigé la lumière de sa torche vers l'une des victimes sur
7 laquelle Milan Lukic a tiré. Son rôle dans le crime n'a pas commencé quand
8 il a gardé la porte par laquelle Milan Lukic est entré afin d'allumer le
9 feu. Son rôle n'a pas commencé non plus au moment où il a aidé les gens à
10 partir de la maison pour s'approcher de l'autre maison dans laquelle ils
11 ont trouvé la mort. Son crime n'a pas commencé lorsqu'il a dit aux
12 victimes de rester dans la première maison.
13 Son crime a commencé lorsqu'il a émis le document officiel indiquant que
14 ces personnes étaient autorisées à rester dans cette maison. Son crime a
15 commencé lorsqu'il leur a dit qu'il travaillait pour la Croix-Rouge et
16 qu'ils allaient être en sécurité pendant la nuit et qu'ils pouvaient
17 partir le lendemain.
18 Bien sûr, souvent, les auteurs de crimes disent des mensonges à leurs
19 victimes. La personne qui a enlevé un jeune enfant va lui dire qu'il a un
20 bonbon pour l'enfant. Même dans la bible, Caïn a invité son frère Abel en
21 lui disant qu'ils allaient marcher un peu ensemble. Et tout comme ceci a
22 été fait s'agissant d'un nombre de crimes, M. Vasiljevic a eu recours aux
23 mêmes mensonges.
24 Un témoin va venir décrire son travail pendant de longues années, le
25 travail de recueil des moyens de preuve concernant les crimes commis
Page 123
1 pendant la guerre. Et ce témoin va vous dire que souvent, en Bosnie, les
2 auteurs de crimes disaient des mensonges aux victimes de leurs crimes;
3 souvent ceci a été fait afin de surmonter la résistance.
4 Monsieur Vasiljevic, dans sa déclaration enregistrée par vidéo, a dit de
5 quelle manière les gens qui ont été tués par Milan Lukic et les autres ont
6 été induits en erreur puisque Milan Lukic leur a dit qu'ils allaient être
7 en sécurité et qu'ils allaient être échangés. L'un des témoins va vous
8 décrire comment il a reçu une cigarette et comment on lui a dit qu'ils
9 allaient être échangés.
10 Lorsque les gens ont été forcés à aller dans la maison qui se trouvait
11 derrière, on leur a dit qu'ils devaient le faire à cause des coups tirés
12 par les bérets verts, et M. Vasiljevic a dit exactement cela aux victimes.
13 Vous allez entendre des moyens de preuve concernant le fait qu'il s'était
14 présenté comme membre de la Croix-Rouge. Il leur a dit qu'il avait le
15 pouvoir lui donnant la permission de rester dans la maison. Il leur a dit
16 qu'ils allaient être échangés si simplement ils restaient dans la maison
17 cette nuit-là.
18 Je pense qu'il est tout à fait possible à un moment que… Peut-être, vous
19 allez constater que les témoins ne se trompaient pas lorsqu'ils disaient
20 que M. Vasiljevic a commis ces actes horribles le 14 juin. Peut-être vous
21 allez conclure qu'ils ne pouvaient pas se tromper; ils le connaissaient
22 tout simplement trop bien. Peut-être vous vous trouverez dans un dilemme
23 concernant la question de savoir s'il y a une erreur dans cette affaire,
24 mais quelqu'un doit dire la vérité.
25 Je souhaite que vous entendiez la déposition d'aujourd'hui afin de pouvoir
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1 crédibiliser des témoins d'aujourd'hui et tous les témoins de la
2 persécution. En 1961, un homme né à Visegrad, Ivo Andric, a gagné le prix
3 Nobel de la littérature pour son livre très connu, "Le pont sur la Drina".
4 Il a décrit les atrocités qui ont été commises à travers les siècles à cet
5 endroit.
6 En juin 1992, Mitar Vasiljevic, Milan et Sredoje Lukic ont décidé d'écrire
7 un nouveau chapitre à ce livre, un chapitre qui va au-delà de ce qui a été
8 fait jusque-là.
9 Par la loi, j'ai l'obligation de prouver l'implication de M. Vasiljevic
10 dans cela. J'espère que, par le biais des moyens de preuve recueillis, ce
11 sera fait dans les semaines à venir.
12 Il ne faut pas oublier: les victimes ne souhaitaient que partir.
13 M. le Président (interprétation): Je souhaite vous poser quelques
14 questions. Vous avez parlé des deux maisons Memic mais vous avez parlé de
15 la maison qui se trouvait derrière, mais cela est difficile si l'on ne
16 trouve pas une appellation pour concrétiser la maison.
17 M. Groome (interprétation): On peut dire "la maison à côté du ruisseau".
18 M. le Président (interprétation): Oui, d'accord.
19 Ensuite, j'ai une autre question: si j'ai bien compris, dans la
20 présentation des moyens de preuve, vous allez traiter de la question de
21 l'alibi, n'est-ce pas?
22 M. Groome (interprétation): Oui.
23 M. le Président (interprétation): Très bien.
24 Maintenant, le Juge Taya souhaite vous poser une question.
25 M. Taya (interprétation): Je souhaite vous demander une clarification
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1 concernant l'incident où la maison a brûlé. Dans la maison Pionirska,
2 selon la déclaration liminaire du Procureur, il y avait déjà un nombre de
3 personnes qui se trouvaient dans la maison d'Adem Omeragic; environs 65
4 Musulmans de Bosnie sont arrivés là-bas par la suite.
5 D'après ces personnes qui se trouvaient déjà dans la maison d'Aden
6 Omeragic, est-ce que le Procureur souhaite affirmer que ces personnes y
7 étaient détenues par Milan Lukic, Sredoje Lukic et les autres? Ceci est ma
8 question.
9 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, malheureusement nous
10 savons très peu concernant ces personnes là. Ces personnes étaient du
11 village de Koritnik. Les victimes, dans cette affaire, venaient du village
12 de Koritnik mais ils n'ont pas reconnu les personnes qui se trouvaient
13 déjà dans la maison, donc nous ne savons rien de plus concernant
14 l'identité de ces personnes qui se trouvaient déjà dans la maison.
15 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourriez citer à la
16 barre maintenant votre premier témoin? Mais est-ce que nous allons
17 recevoir des documents et quand est-ce que ce sera fait?
18 M. Groome (interprétation): Je pense que mon assistant a pu les préparer
19 le jour où vous l'avez appelé. C'était vendredi dernier.
20 M. le Président (interprétation): Je n'ai appelé personne, mais quelqu'un
21 a dû le faire en mon nom parce que d'habitude, on reçoit ces documents.
22 Mais comment est-ce que vous allez les identifier dans les classeurs?
23 M. Groome (interprétation): Ils ont déjà reçu des numéros mais je
24 souhaitais éventuellement parler pendant quelques minutes avec le
25 représentant du Greffe pour savoir si c'est maintenant que nous allons
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1 leur attribuer les cotes d'identification ou par la suite.
2 M. le Président (interprétation): Vous voulez simplement laisser les
3 numéros dessus et nous allons faire référence à ces documents en employant
4 ces numéros-là. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de leur attribuer
5 des côtes aux fins d'identification. Parfois, ceci sera le cas des
6 documents qui ne seront peut-être pas tout de suite versés au dossier
7 s'ils n'ont pas été identifiés mais si vous avez les numéros qui figurent
8 sur les documents, nous allons garder ces documents et ce sera simplement
9 les documents numérotés, et ensuite leurs numéros deviendront les cotes
10 attribuées aux pièces à conviction. Ils vont être admis au moment où vous
11 allez demander les enquêteurs qui vont venir déposer à la barre.
12 Nous n'avons pas vu le nom des enquêteurs sur cette liste mais je suppose
13 qu'un certain nombre des témoins vont parler des plans, des… de la ville.
14 M. Groome (interprétation): Oui.
15 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourrez nous en parler à
16 un moment? Peut-être, pendant la pause de ce matin, vous pourrez nous les
17 fournir. On pourrait peut-être appeler le premier témoin.
18 M. Groome (interprétation): Oui. On pourrait peut-être aussi préparer cela
19 pour les témoins.
20 M. le Président (interprétation): Oui, et vous pourrez peut-être aussi
21 montrer aux interprètes ce qui se passe à l'intérieur du prétoire; ils ont
22 réellement besoin de voir cela.
23 Je demande à ceux qui s'occupent de la technique ici de préparer le centre
24 pour les témoins. Je suis sûr que c'est la première fois que des conseils
25 utilisent cela pour la déclaration liminaire. Je suis sûr que pour
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1 préparer les microphones, l'équipe technique n'aura pas beaucoup de temps.
2 Qui sera votre premier témoin? J'ai entendu que vous aviez certains
3 problèmes avec les témoins.
4 M. Groome (interprétation): VG-022.
5 M. le Président (interprétation): Ce témoin pourra bénéficier de la mesure
6 de protection, d'un pseudonyme et du visage… L'image de son visage sera
7 maquillée.
8 Nous avons déjà parlé des mesures de protection. Est-ce qu'à chaque fois
9 cela pourrait être indiqué? Sinon, nous serions à chaque fois obligés de
10 nous référer sur les listes des témoins que nous avons.
11 Est-ce que quelqu'un de l'équipe technique pourrait venir ici pour nous
12 aider à mettre les micros en place ou bien est-ce que nous aurons à le
13 faire nous-mêmes?
14 Monsieur Groome, j'ai cru comprendre que ce témoin nous parlera de la
15 situation politique après les élections multipartites. Dans quel degré de
16 détail nous allons rentrer? En fait, nous avons besoin de savoir qu'il y a
17 eu une attaque des Serbes sur les Musulmans; est-ce que nous devons
18 vraiment rentrer dans les détails?
19 M. Groome (interprétation): Mais ce sera une description très brève.
20 M. le Président (interprétation): Oui, il suffit de savoir qu'il s'agit
21 d'un conflit armé parce que sinon, la description brève nous donnera
22 beaucoup de détails. Je suppose que quelqu'un d'autre nous donnera le
23 contexte historique qui sera là pour corroborer votre déclaration
24 liminaire qui parlera de la nature du conflit.
25 Est-ce qu'il s'agit là de poursuivre aussi l'idée qu'il s'agissait d'un
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1 conflit armé international? Je crois que dans une affaire à l'échelle de
2 celle-ci, on n'en parle pas. Nous allons sans doute entendre des
3 arguments, des réunions politiques, des réunions à l'Assemblée et je me
4 demande pourquoi nous en avons besoin. La seule chose que nous devons
5 prouver ici, c'est qu'il y a eu une attaque sur les civils musulmans.
6 M. Groome (interprétation): Nous n'allons pas rentrer dans ce que vous
7 venez de mentionner.
8 M. le Président (interprétation): Je l'ai soulevé parce que nous en avons
9 entendu parler si souvent…
10 M. Groome (interprétation): Je crois que ces allégations que vous venez de
11 mentionner ont été retenues.
12 M. le Président (interprétation): Réellement, j'ai pensé que lors de la
13 phase préalable au procès, on avait changé cela.
14 (Le témoin VG-022 est introduit dans le prétoire.)
15 (Audience publique avec mesure de protection.)
16 M. le Président (interprétation): Monsieur, voulez-vous vous lever et lire
17 la déclaration solennelle que l'huissier vous tend?
18 S'il vous plaît, levez-vous pour que l'huissier puisse vous montre la
19 déclaration solennelle.
20 Témoin VG-022 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 M. le Président (interprétation):Veuillez vous asseoir.
23 Qui va interroger ce témoin?
24 (Interrogatoire principal du témoin VG-022 par M. Groome.)
25 M. Groome (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.
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1 Bonjour. Est-ce que vous pouvez m'entendre?
2 Bonjour. Vous m'entendez?
3 M. le Président (interprétation): Répondez par un oui ou par un non.
4 Témoin VG-022 (interprétation): Oui.
5 M. Groome (interprétation): Vous pouvez enlever votre veste. Vous allez
6 rester ici pendant quelque temps, donc il faut que vous soyez à l'aise.
7 M. le Président (interprétation): Avez-vous ce que nous avons l'habitude
8 d'appeler un papier avec les détails sur le pseudonyme et les
9 caractéristiques, la biographie du témoin?
10 M. Groome (interprétation): Oui, nous avons une liste, mais sans détails
11 biographiques.
12 M. le Président (interprétation): Ici, il y a une habitude que je trouve
13 bonne, c'est que chaque témoin puisse bénéficier d'un papier sur lequel il
14 y aura les détails de sa biographie plus ses références, façon pseudonyme.
15 Comme ça, le témoin est au courant de quel sera son pseudonyme ainsi que
16 la liste de tous les autres témoins qui témoigneront sous pseudonyme.
17 Parce que vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu'il sache quels sont les
18 témoins protégés. Comment est-ce que ce témoin pourra savoir qu'il ne doit
19 pas mentionner quelqu'un par son vrai nom.
20 M. Groome (interprétation): Il ne va pas parler d'autres témoins.
21 M. le Président (interprétation): Oui, mais j'aimerais bien que cela soit
22 fait comme c'est la coutume au Tribunal, à savoir que cette petite fiche
23 doit être établie et qu'elle sera admise sous scellés. Et puis je voudrais
24 aussi avoir la liste des témoins et savoir le nombre des témoins que vous
25 avez l'intention de citer.
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1 M. Groome (interprétation): On va commencer avec 55 témoins sous
2 pseudonyme.
3 M. le Président (interprétation): 55 témoins. Dans ce cas-là, on va
4 commencer par le n°70.
5 M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, on vous a assigné le
6 pseudonyme VG-022.
7 Est-ce que vous êtes prêt?
8 Témoin VG-022 (interprétation): Vous me posez la question à moi?
9 M. Groome (interprétation): Oui, je vous ai dit que votre pseudonyme sera
10 VG-022 et je vous ai demandé si vous étiez prêt.
11 Témoin VG-022 (interprétation): Oui.
12 M. Groome (interprétation): Comme je vous l'ai dit hier, ne mentionnez pas
13 votre nom, à aucun moment.
14 M. le Président (interprétation): Je m'excuse de vous interrompre tout le
15 temps mais nous devons quand même savoir quel est son vrai nom, nous avons
16 besoin de cela pour notre référence. C'est précisément pour cela qu'il
17 faudrait avoir des fiches de pseudonymes à nous et aux témoins et aux
18 conseils, c'est très utile.
19 M. Groome (interprétation): Je m'excuse, j'avais préparé déjà une liste
20 avec notre requête et j'avais supposé que vous alliez vous en servir. Je
21 m'excuse.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que ceci est
23 bien votre nom sur cette fiche?
24 Témoin VG-022 (interprétation): Oui.
25 M. le Président (interprétation): Très bien. Dans ce cas-là, ce sera la
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1 pièce à conviction n°70. Est-ce que vous pourriez la montrer? Le document
2 70, est-ce que vous pourriez le montrer au conseil?
3 (L'huissier s'exécute.)
4 M. Groome (interprétation): Pourriez-vous nous décrire très brièvement
5 votre éducation et dire quelque chose sur vous-même?
6 Témoin VG-022 (interprétation): J'ai été à l'école primaire à Visegrad. A
7 l'école secondaire, je suis allé à Mostar. J'ai fait une école secondaire
8 militaire. Et après, j'ai fait… Je suis allé à l'université à Sarajevo.
9 Après l'université, j'ai travaillé à Visegrad dans une entreprise locale.
10 Question: Et quelle est votre profession actuelle?
11 Réponse: Je travaille à Sarajevo et je suis à mon compte.
12 M. Groome (interprétation): Quelle était la situation politique générale à
13 Visegrad en 1992?
14 Témoin VG-022 (interprétation): Il est bien connu, en 1990, dans
15 l'ancienne Yougoslavie, en Bosnie-Herzégovine aussi, il y a eu pour la
16 première fois des élections multipartites. Avant cela, il n'existait qu'un
17 seul parti politique, à savoir le parti communiste. A ces élections
18 multipartites à Visegrad, il y avait là deux partis politiques qui avaient
19 la majorité des voix et, de la même façon, ils avaient la majorité des
20 représentants à l'assemblée de Visegrad. Il s'agissait du Parti de
21 l'action démocratique, SDA, et le Parti démocratique serbe, SDS. Ils…
22 C'était eux qui détenaient le pouvoir. Les autres partis politiques
23 étaient insignifiants; ils avaient… Ils étaient très peu représentés au
24 sein des instances de la ville. D'après les résultats des élections, la
25 nouvelle assemblée de la ville s'est constituée.
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, il est actuellement 11
2 heures et nous allons faire une pause. Il faut que je mentionne que la
3 pièce à conviction 70 sera sous scellés.
4 Nous allons reprendre à 11 heures 30.
5 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
6 M. Groome (interprétation): Monsieur, est-ce que vous vous souvenez d'où
7 nous en étions ou est-ce que vous souhaiteriez que l'on vous lise la
8 dernière ligne de votre déposition?
9 Témoin VG-022 (interprétation): Je me souviens de ce dont nous parlions
10 lorsque nous nous sommes arrêtés.
11 M. Groome (interprétation): Veuillez donc poursuivre, s'il vous plaît.
12 Témoin VG-022 (interprétation): Comme je vous le disais, les autorités de
13 la municipalité de Visegrad se sont réparties en fonction des pourcentages
14 émanant de l'élection multipartite. A l'assemblée de Visegrad, vous aviez
15 50 députés et le SDA, le parti de l'action démocratique, avait gagné 27
16 sièges. Le parti démocratique serbe, le SDS, détenait 13 sièges et il y
17 avait trois ou quatre autres partis qui se partageaient le restant des
18 sièges pour un total de 50 sièges.
19 Le SDA, parti de l'action démocratique, et le parti démocratique serbe, en
20 fait, détenaient la majorité au sein de la municipalité. Le président de
21 l'assemblée municipale, c'était Fikret Cocalic et son adjoint...
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, nous n'avons pas besoin
23 de ces détails, n'est-ce pas?
24 M. Groome (interprétation): Il y a un certain nombre de ces noms, Monsieur
25 le Président, qui vont devenir pertinents plus tard. Nous allons essayer
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1 de nous limiter au maximum.
2 M. le Président (interprétation): Ce qui m'inquiète, c'est que vous
3 laissiez le témoin parler parce qu'il a beaucoup de choses à dire mais il
4 y a très peu de choses qui sont véritablement pertinentes, qui ont un
5 rapport avec ce que nous devons décider. Donc essayez de faire très
6 attention à cela, de le garder dans les rails.
7 M. Groome (interprétation): Justement, c'est pourquoi hier, lorsque j'ai
8 préparé ce témoin, je lui ai dit d'être bref. Et plutôt que de
9 l'interrompre, je vais procéder point par point , si vous me le permettez.
10 M. le Président (interprétation): Oui, si vous nous assurez que tout ceci
11 est pertinent, continuez. Mais moi, toute cette histoire ne nous intéresse
12 pas, cela n'a rien à voir avec l'affaire dans laquelle nous siégions
13 actuellement et les décisions qu'il nous conviendra de prendre.
14 M. Groome (interprétation): Fort bien, Monsieur le Président.
15 Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire le nom des principaux
16 responsables des partis politiques?
17 Témoin VG-022 (interprétation): Oui. Le président du parti de l'action
18 démocratique, c'était Fikret Cocalic. Il y avait d'autres membres de
19 premier plan: Omer Brankovic, Ohranovic Esad. Moi-même, j'étais membre de
20 ce parti. Il y avait Branimir Savovic qui était président du parti
21 démocratique serbe et Stanko Pecikoza , Risto Perisic. C'étaient les
22 membres les plus importants du parti serbe.
23 Question: Maintenant, je souhaiterais parler de la chose suivante: est-ce
24 qu'il est arrivé un moment où l'on a désarmé les membres musulmans de la
25 Défense territoriale?
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1 Réponse: Oui, cela s'est produit. Cela s'est produit en février ou en mars
2 1992 et cela s'est passé de la manière suivante: la JNA a délivré un ordre
3 aux termes duquel toutes les entreprises, sociétés, institutions qui
4 possédaient des armes pour la Défense territoriale devaient remettre ces
5 armes à l'armée, à l'armée populaire yougoslave, et c'est effectivement ce
6 qui s'est produit pendant la période de temps en question.
7 Question: Et dans l'entreprise pour laquelle vous travailliez à l'époque,
8 est-ce que vous occupiez un poste de premier plan?
9 Réponse: J'étais le directeur de cette société. Et cette société disposait
10 d'un stock assez considérable d'armes et d'équipements de nature militaire
11 qui a été récupéré par l'armée populaire yougoslave.
12 Question: Est-ce que, à votre connaissance, il est arrivé un moment où les
13 Serbes de Visegrad se sont vu remettre des armes?
14 Réponse: Je suis au courant, effectivement, parce que beaucoup de gens ont
15 été témoins de ce fait. Cela s'est passé de la manière suivante: des
16 véhicules ont amené des armes dans les villages serbes et les ont
17 distribuées.
18 Question: A votre connaissance, est-ce qu'il y a des membres de votre
19 société qui étaient serbes et qui ont bénéficié d'un traitement de faveur?
20 Réponse: A ce moment-là, pratiquement tous les employés de l'entreprise
21 dont j'étais directeur sont allés participer à une formation militaire qui
22 se faisait sous la direction de l'armée populaire yougoslave, avec
23 également les dirigeants de la Défense territoriale d'appartenance
24 ethnique serbe. Ceci a eu lieu sur le terrain de formation habituellement
25 utilisé, justement, pour les activités de formation militaire.
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1 Question: Pouvez-vous décrire aux Juges quand a eu lieu le premier
2 incident violent, le premier incident au cours duquel il y a eu des
3 échanges de tirs à Visegrad?
4 Réponse: Eh bien, les premiers tirs, ils ont eu lieu le 4 avril 1992. Cela
5 s'est produit à dix ou douze kilomètres du centre ville, à un endroit qui
6 s'appelle Dobrun. Je sais que c'était dans une carrière de pierre. On a
7 tiré sur les ouvriers qui travaillaient dans la carrière, ils sont partis
8 et ils sont revenus en ville.
9 Question: Dans les jours qui ont suivi ces premiers tirs, est-ce qu'il y a
10 eu des tirs de mortier contre les quartiers musulmans de Visegrad?
11 Réponse: Eh bien, le premier jour, c'étaient des tirs d'artillerie. Le
12 lendemain, il y a eu des tirs de mortier et on a tiré sur les quartiers
13 habités par les Musulmans ainsi que sur le centre ville. Au fil des jours,
14 les tirs se sont intensifiés.
15 Question: Maintenant, je souhaiterais attirer votre attention sur la chose
16 suivante: est-ce que, à un moment donné, douze Serbes ou une douzaine de
17 Serbes ont été capturés par certaines des membres de la police?
18 Réponse: Oui, c'est exact. Ceci a eu lieu, disons le 7, le 8 ou le 9 avril
19 1992. Et ce n'était pas la police musulmane, mais c'étaient des gens qui
20 appartenaient à des unités de la police -police qui existait déjà-, et des
21 membres de la Défense territoriale qui patrouillaient en ville. Et ils
22 sont tombés sur un groupe de 12 individus armés qui n'étaient ni policiers
23 ni militaires et qui n'étaient pas non plus membres de la Défense
24 territoriale. Ils les ont arrêtés, les ont placés en détention au poste de
25 police.
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1 Question: Est-ce que vous connaissiez ces hommes?
2 Réponse: Je connaissais la plupart d'entre eux personnellement. Certains
3 de ceux qui ont été mis en détention étaient membres des forces régulières
4 de la police 10 à 15 jours avant, en ville. Mais d'autres étaient civils
5 jusqu'à une dizaine ou une quinzaine de jours avant ces événements. Je les
6 connaissais personnellement, je savais où ils travaillaient, quelles
7 étaient leurs activités, etc..
8 Question: Au moment où on les a arrêtés, est-ce qu'ils portaient des
9 uniformes militaires?
10 Réponse: Oui, certains d'entre eux portaient des uniformes de police ou
11 ressemblant aux uniformes de la police; d'autres avaient des uniformes
12 militaires.
13 M. Groome (interprétation): Maintenant, je vais vous demander de nous
14 parler des événements qui ont eu lieu au cours des cinq jours suivants.
15 Nous allons procéder jour par jour en commençant par le premier jour,
16 journée n°1, au moment où l'on a libéré de l'eau au niveau du barrage.
17 Pouvez-vous nous expliquer les circonstances dans lesquelles cela s'est
18 produit?
19 M. le Président (interprétation): Mais ceci a fait l'objet d'un accord
20 entre les parties, n'est-ce pas? Le document qui est en annexe au mémoire
21 préalable au procès n'est pas signé, mais je crois qu'il y a un problème
22 de traduction. Mais est-ce que ce n'est pas un fait qui est admis?
23 M. Groome (interprétation): Oui, certes, mais...
24 M. le Président (interprétation): Je sais bien que vous voulez aller plus
25 loin à ce sujet, mais est-ce que cela n'a pas fait l'objet d'un accord?
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1 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président, et cela n'a pas
2 trait directement aux charges que nous examinons mais il s'agit de savoir
3 ce qui se passe à Visegrad à l'époque. Je pense qu'il est important de
4 peindre une image assez exacte des événements à l'époque.
5 M. le Président (interprétation): Oui, mais chaque fois que l'on s'occupe
6 de dresser le décor, on perd du temps et cela m'inquiète.
7 M. Groome (interprétation): Je vais essayer de montrer qu'il y a bien un
8 lien entre les deux.
9 M. le Président (interprétation): Fort bien. Si c'est pertinent, allez-y.
10 M. Groome (interprétation): Monsieur, s'il vous plaît, veuillez nous
11 parler du début, c'est-à-dire le jour n°1, lorsque de l'eau a été lâchée.
12 Il y a eu un délestage au niveau du barrage. Dans quelles circonstances?
13 Témoin VG-022 (interprétation): C'est Maca Banovic, un dénommé Maca
14 Banovic, qui l'a fait. Il est venu là de lui-même avec un groupe d'autres
15 hommes et cet acte avait pour objectif… Enfin, disons, la menace de ce
16 genre d'action, menace de libérer de l'eau au niveau du barrage
17 hydroélectrique, cela avait pour objectif d'empêcher l'arrivée des unités
18 de l'armée populaire yougoslave qui commençaient à se diriger vers la
19 ville de Visegrad en très grand nombre. Ils venaient de plusieurs endroits
20 à la fois. Mais comme ils ne sont pas parvenus à empêcher l'armée de
21 venir, je crois que ce qui s'est passé ensuite. C'est le 12 avril, le jour
22 où effectivement ils ont ouvert les vannes en partie, juste avant
23 l'arrivée des soldats, juste avant qu'ils arrivent au barrage
24 hydroélectrique et au village qui entourait l'endroit.
25 Question: Que se serait-il produit si on avait ouvert les vannes du
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1 barrage à plein et si…?
2 Réponse: Eh bien, si le barrage entier avait été vidé, je ne pense pas
3 qu'il se serait passé quoi que ce soit, vraiment, de très grave parce
4 qu'en aval sur la Drina il y avait un autre barrage qui avait été vidé
5 précédemment, donc il se serait rempli avec l'eau libérée. Mais sans doute
6 qu'il y aurait eu des dégâts au niveau des villages situés sur les bords
7 de la Drina.
8 Question: Quelle a été la réaction des habitants de Visegrad face à cette
9 menace d'ouvrir les vannes du barrage?
10 Réponse: Eh bien, cela a suscité la panique, la crainte au sein de la
11 population parce que pour eux, cela avait également trait à l'arrivée de
12 l'armée, donc la crue éventuelle… Et puis tout le monde avait peur, de
13 toute façon, à cette époque. Ceci n'a fait qu'empirer les choses. Donc le
14 fait de cette menace relative au barrage a encore augmenté la peur. Les
15 gens avaient peur que tout ne soit sous les eaux, que tout ne soit inondé.
16 Question: Est-ce que les membres de la communauté musulmane ont quitté
17 Visegrad suite à cette menace?
18 Réponse: Oui. Oui, la ville s'est vidée de ses habitants parce que tout le
19 monde avait peur que l'eau n'inonde tout et lorsque les vannes ont été
20 partiellement ouvertes, tout le monde est parti. Il n'y avait plus
21 personne.
22 Question: Et où sont partis les Musulmans de Visegrad?
23 Réponse: Les Musulmans de Visegrad, pour la plupart, sont allés dans deux
24 directions. Certains d'entre eux sont allés en amont, vers la ville de
25 Gorazde, et les autres sont allés en aval vers des villages situés à cinq
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1 ou six kilomètres du centre… Brstanica était l'un de ces villages, et
2 certains sont allés à Priboj également.
3 Question: Et est-ce que les Serbes sont aussi partis?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Et vous nous dites qu'il y a de l'eau qui a été libérée au
6 niveau du barrage, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui. On a ouvert les vannes en partie, on n'a pas vidé totalement
8 le barrage mais il y a de l'eau qui a été ainsi libérée.
9 Question: Et quelle a été la conséquence de ce fait?
10 Réponse: Eh bien, ce à quoi on s'attendait, ou plutôt ce n'était pas ce à
11 quoi on s'attendait… Les gens avaient été terrorisés avant. Mais c'est le
12 village où habitait Murat Sabanovic… C'est lui qui a été touché le plus.
13 Murad Sabanovic, c'est lui qui a ouvert les vannes. Mais en tout cas, les
14 dégâts n'étaient pas de toute façon très importants.
15 Question: Est-ce qu'il y a eu des morts?
16 Réponse: Non. Non, personne n'est mort.
17 Question: Mais il y a eu des dégâts matériels?
18 Réponse: Oui. Oui, pas mal de dégâts.
19 Question: Est-ce que, à un moment donné, on vous a demandé de négocier au
20 nom de la population musulmane ou est-ce que vous avez participé à des
21 négociations au nom de la population musulmane afin d'essayer d'apaiser
22 les tensions à Visegrad?
23 Réponse: Oui. Il y a eu, entre autres choses, des négociations. Les
24 premières négociations ont été organisées par le SDS et c'était au sujet
25 de la libération des 12 personnes qui avaient été emprisonnées. Ensuite,
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1 la JNA a demandé qu'il y ait des négociations et elles ont eu lieu dans la
2 caserne qui se trouve près de Visegrad. Et j'ai participé à ces réunions.
3 Question: Parlons des premières négociations. Est-ce que ceci s'est
4 produit le lendemain de l'ouverture des vannes au barrage?
5 Réponse: Oui. Oui, après les premières négociations qui ont eu lieu avec
6 le SDS à Kosovo Polje; cela se trouve à deux kilomètres environ du village
7 ou de la ville.
8 Question: Dans quelle direction?
9 Réponse: En aval, sur la rive droite.
10 Question: Donc au nord de la ville?
11 Réponse: Au nord.
12 Question: Est-ce que vous pouvez dire aux Juges ce qui s'est passé lors de
13 ces négociations?
14 Réponse: Branimir Sevovic, président du SDS, était censé venir aux
15 négociations (expurgé) Nous
16 sommes allés au village, donc. Monsieur Branimir Sevovic n'est pas venu
17 mais il y avait le vice-président du SDS qui était là, Stanko Pecikoza. On
18 a parlé de la libération des douze hommes qui avaient été emprisonnés et
19 de notre côté, si je peux utiliser ce terme, de notre côté donc, nous, on
20 a demandé un cessez-le-feu pour qu'on en finisse avec les tirs de mortiers
21 sur les villages musulmans et sur certaines parties de la ville. Et nous
22 avons dit que deux jours plus tard, ils seraient libérés.
23 Stanko a dit qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour accepter quelque
24 chose de ce genre et donc on est restés à parler un certain temps parce
25 qu'on se connaissait déjà; on se connaissait d'ailleurs assez bien. Donc
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1 on a parlé de la situation, disons, pendant une heure à peu près et
2 ensuite chacun est retourné de son côté sans que l'on se soit mis d'accord
3 sur quoi que ce soit.
4 Question: Est-ce que vous pouvez dire aux Juges si vous avez rencontré des
5 difficultés pour arriver à cet endroit et ensuite pour en partir?
6 Réponse: Comme on s'était mis d'accord pour se rencontrer à cet endroit et
7 pour y ouvrir des pourparlers, le SDS nous avait garanti un passage sans
8 problème, que personne ne nous tirerait dessus. Moi, j'avais fait savoir
9 dans quelle voiture j'arriverais. Mais le seul problème qu'on a eu
10 résultait de l'eau qui avait été libérée du barrage parce qu'il y avait de
11 la boue et beaucoup de gravillons sur la route. C'est le seul problème
12 qu'on a rencontré; c'était difficile d'arriver là à cause du mauvais état
13 de la route.
14 Question: Maintenant, je voudrais savoir, en ce qui concerne le troisième
15 jour, si vous avez rencontré quelqu'un de l'armée populaire yougoslave.
16 Réponse: Au bout de un ou deux jours, le Président, M. Cocalic, m'a dit
17 que le colonel Ojdanic était le commandant du corps de Uzice et qu'il
18 voulait donc parler aux dirigeants de la municipalité et j'ai dit que je
19 les accompagnerais vu que, (expurgé)
20 (expurgé) C'est ce qui s'est produit, c'est dans
21 ces conditions qu'on est allé assister à ces négociations qui devaient se
22 passer à Uzamnice, à la caserne de Uzamnice, sur la rive droite de la
23 Drina à deux ou trois kilomètres en amont et très près du barrage.
24 Question: Donc au sud de la ville?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Et du côté de l'armée yougoslave, qui a participé à ces
2 négociations?
3 Réponse: Du côté de l'armée populaire yougoslave, vous aviez le
4 commandant, le commandant local de la caserne, le capitaine Borko mais il
5 n'a pas, en fait, participé aux négociations. Il était simplement présent,
6 il lui arrivait aussi d'entrer, de rester quelques instants puis de
7 sortir, mais il n'a pas en fait participé aux négociations en tant que
8 tel. Il y avait d'autres officiers de la JNA et le colonel Ojdanic.
9 Question: Quand vous êtes arrivé à la caserne de Uzamnice, est-ce que le
10 colonel Ojdanic était déjà là?
11 Réponse: Non, on est arrivés un peu plus tôt. En fait, nous on est arrivés
12 à l'heure prévue alors que le colonel, lui, a eu un peu de retard. Dans la
13 pièce où devaient se tenir les négociations, nous avons rencontré
14 plusieurs officiers de la JNA qui n'étaient pas stationnés à la caserne
15 même. Et parmi eux se trouvait un commandant de l'armée de l'air. On s'est
16 entretenu avec eux quelque temps en attendant l'arrivée du colonel.
17 Question: Est-ce que quelque chose s'est produit entre vous-même et ce
18 commandant?
19 Réponse: Pendant que nous attendions le colonel -et nous avons attendu
20 environ une heure-, le commandant, lui, faisait preuve de beaucoup de
21 nervosité, il était furieux et puis il me paraissait quelque peu ivre. Et
22 immédiatement après le début des négociations qui avaient trait à la
23 situation à Visegrad, il s'est mis en colère; il donnait des coups de
24 poing sur la table, il nous a lancé des insultes à moi et à d'autres. Je
25 n'étais pas seul. Donc, c'était très désagréable. On a été un petit peu
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1 surpris par son comportement.
2 Question: Au moment où a eu lieu cette négociation, qui tenait le barrage?
3 Réponse: On est allé aux négociations à la caserne en passant par le
4 barrage parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen d'atteindre la caserne et
5 il n'y avait personne là-bas, quelques ouvriers simplement qui
6 travaillaient à la maintenance du barrage. A la fin de la réunion avec le
7 colonel, sur le chemin du retour, nous avons été arrêtés ou interceptés
8 par des soldats de la JNA. Cela signifie que dans l'intervalle, ils
9 avaient pris le contrôle du barrage.
10 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est produit quand vous
11 avez été ainsi interceptés par ces soldats ou arrêtés par ces soldats?
12 Réponse: Eh bien, la procédure habituelle: ils ont armé leurs armes, ils
13 les ont dirigées sur nous. On nous a dit de sortir de notre voiture.
14 C'était une petite voiture de tourisme. Ils ont fouillé les voitures où
15 nous étions… plusieurs voitures, ils nous ont fouillés, chacun, et ils
16 nous ont dit de monter dans un camion militaire pour aller voir le
17 commandant qui était chargé de la sécurité du barrage, capitaine
18 Vukosavljevic, commandant donc du barrage à ce moment-là. Nous, nous avons
19 insisté pour pouvoir y aller dans notre propre voiture et en fait, le
20 capitaine est venu nous voir lui-même, c'est ce qui s'est produit. Nous
21 lui avons expliqué qui nous étions, d'où nous venions et où nous allions.
22 Il a donné l'ordre aux soldats de nous laisser passer et ils ont dû
23 dégager le canon qu'ils avaient installé sur la route que nous devions
24 emprunter. Cela n'a pas beaucoup plu aux soldats mais ils ont obéi et ils
25 ont dégagé le canon et nous avons pu passer.
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1 Question: Ce Vukosavljevic, au cours des jours qui ont suivi, est-ce que
2 vous avez parlé avec lui de la situation à Visegrad?
3 Réponse: Oui, dans les jours qui ont suivi j'ai eu l'occasion de
4 rencontrer Vukosavljevic à plusieurs reprises. Une nuit, nous sommes
5 restés toute la nuit au barrage, personne n'a dormi, on a passé toute la
6 nuit à parler de la situation, la situation du moment et des causes de
7 cette situation et tout cela.
8 Question: Est-ce que vous saviez ce qu'on lui avait dit à lui, concernant
9 la situation qui prévalait à Visegrad avant son arrivée là-bas?
10 Réponse: Oui, le capitaine Vukosavljevic, au départ, lorsqu'ils nous ont
11 capturés, lorsqu'il est venu nous relâcher, il était très en colère et il
12 était désagréable vis-à-vis de nous. J'ai passé une soirée avec lui. Nous
13 étions assis avec lui pendant toute la soirée et il nous a posé des
14 questions concernant la situation générale qui prévalait dans la ville.
15 C'est surtout cela qui l'intéressait et moi je lui ai expliqué cela, je
16 lui ai expliqué la situation réelle et j'ai vu que clairement il avait une
17 impression complètement erronée par rapport aux événements qui se
18 déroulaient dans la ville. Et après cela, il a changé de manière évidente
19 et par la suite il nous aidait même, il répondait favorablement à nos
20 demandes et son attitude vis-à-vis de nous a changé à 100%.
21 Question: Qu'est-ce qu'on lui avait dit par rapport aux événements qui se
22 déroulaient dans la ville?
23 Réponse: Eh bien, voilà. Tout d'abord, lui, il m'a dit qu'il avait été
24 muté de manière urgente de Macédoine, c'est là-bas qu'il servait au sein
25 de la JNA. Il a été muté à Visegrad avec l'ordre selon lequel il fallait
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1 qu'il sécurise le barrage. On lui avait dit que les Musulmans y
2 perpétraient des crimes horribles, à savoir ils massacraient les Serbes,
3 ils empalaient les petits-enfants afin de les brûler au-dessus du feu,
4 etc.. Et il est venu convaincu de tout cela. Et après la conversation
5 qu'il a eue avec moi et avec probablement d'autres personnes, même les
6 personnes d'appartenance ethnique serbe, il a dû tirer la conclusion que
7 ceci n'avait rien à voir avec la vérité. Il a changé d'attitude vis-à-vis
8 de nous. Lorsque je dis «nous», je parle à la fois des autorités légitimes
9 et de la population musulmane.
10 Question: Parlons maintenant de la quatrième journée, lorsqu'on vous a
11 demandé pour la deuxième fois d'avoir une réunion avec les représentants
12 de la JNA.
13 Réponse: Le premier jour, s'agissant de la réunion avec Ojdanic, il n'y a
14 pas eu de résultat particulier, pour ainsi dire. Il a demandé que des
15 représentants des deux partis assistent à cette réunion; donc à la fois le
16 parti démocrate serbe et le parti d'action démocratique. Et puisque les
17 membres du parti SDS n'avaient pas assisté à la première réunion, il avait
18 promis que le lendemain il allait faire en sorte que les représentants du
19 SDS soient présents avec Branimir Savovic, leur président à la tête.
20 Donc, le lendemain, je suis arrivé à l'heure qui avait été fixée à
21 l'avance. Cependant, les autres n'y étaient toujours pas puisque déjà on
22 tirait beaucoup autour de la ville et ils n'étaient pas sûrs de voyager.
23 Donc, les autres personnes ne sont pas venues. Et moi, je suis entré dans
24 la pièce où, la veille, la réunion avait eu lieu, en attendant que la
25 réunion s'y tienne également. Je me suis assis à une table, à un bureau,
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1 et j'attendais que d'autres personnes viennent.
2 Là, se trouvaient deux ou trois officiers de l'armée populaire yougoslave
3 de la JNA. On s'est dit bonjour. Moi, je me suis assis mais nous ne nous
4 sommes pas parlé de quoi que ce soit en particulier. Au bout de quelque
5 temps, peu de temps après, un autre officier de la JNA est entré dans
6 cette même pièce et il avait des cartes militaires sur lui.
7 Question: Est-ce qu'il y avait d'autres… Est-ce que ces personnes
8 pouvaient savoir qui vous étiez?
9 Réponse: S'ils avaient demandé, je suppose que quelqu'un aurait répondu.
10 Mais je suppose qu'ils ne le savaient pas et ils ne m'ont posé aucune
11 question. Donc je pense qu'ils ne savaient pas qui j'étais.
12 Question: Est-ce que vous pourriez nous décrire ce qui s'est passé lorsque
13 ce troisième officier est entré dans la pièce avec les cartes?
14 Réponse: Le troisième officier a apporté les cartes, la carte. Il s'est
15 assis au même bureau que celui où j'étais assis moi-même, en face,
16 justement en face de moi puisqu'il y avait de la place là-bas. Il a écarté
17 la carte sur le bureau et la carte se trouvait juste devant moi.
18 Au début, je regardais sans m'intéresser particulièrement. Par la suite,
19 il a expliqué aux autres officiers jusqu'où est arrivée telle et telle
20 unité d'Uzice. Lorsque j'ai vu de quel sujet il était question, j'étais
21 très intéressé à cela. Je regardais la carte, je suivais ses explications
22 fournies aux officiers et il leur a brièvement expliqué jusqu'où
23 arrivaient les unités différentes. Il montrait cela sur la carte en
24 disant: "Tout ceci est nettoyé, la 2ème Unité est arrivée jusqu'ici. Ici,
25 c'est nettoyé".
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1 C'est ainsi qu'il a parlé de l'ensemble de la rive droite. Il fournissait
2 les explications et il disait: "Tout ceci est nettoyé et propre".
3 Question: Mais la carte représentait quoi?
4 Réponse: Il s'agissait d'une carte géographique militaire. Je sais à quoi
5 cela ressemble puisque j'ai eu ce genre de carte entre les mains plusieurs
6 fois. Il y avait des flèches bleues et rouges, il y avait d'autres signes
7 qui ne me disaient pas grand-chose.
8 Question: S'agissait-il de la carte représentant la municipalité de
9 Visegrad?
10 Réponse: Oui, oui, il s'agissait de la carte de Visegrad. Je connaissais
11 chaque endroit; chaque hameau que l'officier mentionnait, je le
12 connaissais.
13 Question: Veuillez poursuivre. Vous étiez en train de décrire ce que
14 l'officier disait par rapport à la rive droite.
15 Réponse: Oui. A un moment, il a pris son crayon et il a fait un tour du
16 côté de la rive droite, et il a accompagné cela des mots suivants: "Nous
17 allons nettoyer cela demain". J'ai vu cela et je savais ce que cela
18 voulait dire, ce mot "nettoyer". Il a montré un territoire où, à mon avis,
19 se trouvaient environ 4.000 Musulmans. Il s'agissait de plusieurs villages
20 regroupés. Par exemple, mon père est né dans l'un de ces villages. Donc je
21 savais qu'il y avait environ 4.000 personnes là-bas. Et le mot "nettoyer"
22 était un terme employé pour dire "nettoyer des gens". A ce moment-là…
23 Question: Vous dites que cet endroit qui était montré, que vous le
24 connaissiez. Est-ce que vous êtes allé à cet endroit dans les jours qui
25 ont précédé cela?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Y a-t-il eu un conflit qui se déroulait dans cette région, à
3 l'époque?
4 Réponse: Non, il n'y a pas eu de conflit là-bas du tout.
5 Question: Veuillez poursuivre.
6 Réponse: Je connaissais cet endroit puisque c'est là que mon père est né
7 et toute ma famille, mon père, ma mère, mes frères, mes sœurs, mes
8 enfants, ma femme et mes enfants et les enfants de mes sœurs. Ils étaient
9 tous là. Au cours des jours qui ont précédé, je m'y rendais et je savais
10 quel nombre de personnes s'y trouvaient.
11 Si les Juges me le permettent, je souhaite vous donner une illustration:
12 il y avait tellement de gens là-bas que mon père ne pouvait pas trouver
13 une place dans sa propre maison pour y dormir. Mais eux, ils devaient
14 dormir dans les bois, dans la forêt, aux alentours. Je savais qui s'y
15 trouvait, combien de personnes il y avait là-bas puisque j'y allais.
16 Question: Que s'est-il produit ensuite?
17 Réponse: Ensuite, j'ai été pétrifié -c'est un terme que l'on emploie en
18 Bosnie-, puisque tout d'un coup je savais ce que l'officier montrait, ce
19 que "nettoyer" voulait dire, ce qu'il allait se passer, ce qu'ils
20 planifiaient compte tenu d'un grand nombre de personnes et du fait que
21 l'ensemble de ma famille s'y trouvait. Moi, j'étais paralysé pendant une
22 heure. Et encore aujourd'hui, au bout de dix ans, je ne suis pas à l'aise
23 avec cela.
24 Question: Est-ce que, à un moment, Ojdanic est arrivé pour assister à la
25 réunion prévue?
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1 Réponse: Lorsque j'ai insisté, puisque j'ai même pleuré à ce moment-là
2 pendant une heure, je ne pouvais pas prononcer un seul mot. Tout
3 simplement, je n'arrivais pas à bouger ma bouche et je n'arrivais pas à
4 prononcer un seul mot.
5 Dans cette caserne se trouvaient également des journalistes étrangers;
6 j'avais parlé avec eux, peut-être ceci a eu une certaine influence
7 également. De toute façon, on m'a dit que le colonel aller venir assister
8 aux négociations parce que, auparavant, il avait fait savoir qu'il
9 n'allait pas venir puisqu'il n'y avait pas suffisamment de personnes pour
10 permettre d'avoir des discussions sérieuses. Et le colonel est venu au
11 bout d'environ une heure et entre-temps, d'autres personnes sont venues:
12 le Président de la municipalité de Rudo, Vojislav Topalovic, et il était
13 accompagné du président du Parti d'action démocrate pour la municipalité
14 de Rudo, Branitz Abdul(?). Moi, j'y étais déjà et le colonel est venu lui
15 aussi et nous avons parlé ensemble.
16 Question: Avant cela, vous avez dit que vous étiez dans la caserne et que
17 vous avez parlé avec des journalistes. De quelle caserne parlez-vous?
18 Réponse: Je parle de la caserne appelée Uzamnice, qui se trouve à
19 proximité immédiate du barrage.
20 Question: Est-ce que vous pouvez décrire qui avez-vu? De quelles personnes
21 parlez-vous lorsque vous dites que vous avez vu des gens dans la caserne?
22 Réponse: Il y avait des réfugiés de la ville surtout, et des villages qui
23 se trouvaient à proximité de la caserne, mais la plupart des gens étaient
24 des gens de la ville qui ont été pris peur… qui ont pris peur à cause de
25 cette situation. On ne savait pas si l'eau allait être libérée ou pas, et
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1 on savait déjà que l'armée populaire yougoslave allait venir et compte
2 tenu de tout cela, ils se sont réfugiés dans la caserne.
3 Question: Et quelle était leur appartenance ethnique?
4 Réponse: Pour la plupart, c'étaient des Musulmans, peut-être 99%. J'ai vu
5 certaines personnes que je connaissais et qui étaient des Serbes.
6 Question: Et le journaliste que vous avez rencontré… Est-ce que vous avez
7 parlé des cartes à ce journaliste que vous avez vu?
8 Réponse: Oui, en fait j'ai demandé au journaliste de rester là jusqu'au
9 lendemain en expliquant que le lendemain un génocide allait avoir lieu
10 autour de la ville de Visegrad. Il ne me faisait pas confiance puisqu'il
11 pensait que moi aussi j'étais l'un des réfugiés qui se trouvaient sur
12 place. Mais lorsque je lui ai expliqué que je n'étais pas un réfugié mais
13 que j'étais venu assister à des pourparlers avec le colonel, que je venais
14 de l'extérieur et je lui ai expliqué quelles étaient les fonctions que
15 j'exerçais à l'époque, alors ils ont dit: «Très bien, on va rester jusqu'à
16 demain.» Et je pense que ceci a joué un rôle clé pour que le colonel se
17 rende aux pourparlers, pour qu'il vienne.
18 Question: Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui s'est passé au
19 cours de ces pourparlers?
20 Réponse: Les journalistes ne sont pas entrés dans les détails.
21 Question: Excusez-moi, je souhaite parler des négociations avec le
22 colonel.
23 Réponse: Oui?
24 M. Groome (interprétation): Veuillez décrire la réunion que vous avez eue
25 avec le colonel.
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1 Réponse: Le colonel est arrivé. Et comme je l'ai déjà dit, je vous ai déjà
2 expliqué qui s'y trouvait déjà. Lui, il a un aspect physique agréable, il
3 était de bonne humeur. Il s'est assis à table, il a dit bonjour et il
4 s'est adressé d'abord à moi en disant: «as-tu un problème particulier?» et
5 il faisait référence à l'état dans lequel je m'étais trouvé une heure ou
6 deux avant son arrivée, compte tenu du fait que ma famille se trouvait à
7 Brstanica avec les autres. Moi, je lui ai répondu que je n'avais pas
8 d'autres problèmes, que je partageais les problèmes des autres. Et lors de
9 cette réunion, c'est d'abord le Président de la municipalité de Rudo qui a
10 pris la parole. Et puisque, à Rudo, le Parti démocrate serbe et le Parti
11 d'action démocratique s'étaient mis d'accord sur les choses, il a expliqué
12 qu'il n'y avait pas de problème là-bas et qu'il fallait trouver un même
13 arrangement pour Visegrad. Ensuite, j'ai parlé en insistant surtout sur le
14 fait que la JNA devait protéger ce grand groupe de personnes qui se
15 trouvait à Brstanica, qu'il devait les protéger pour qu'ils ne périssent
16 pas.
17 Ils ont dit qu'il n'y avait aucun problème, qu'ils n'avaient pas besoin de
18 protection, qu'ils étaient sûrs qu'il n'y aurait pas de problème là-bas
19 mais moi, je savais qu'un massacre de grande envergure risquait d'être
20 perpétré là-bas.
21 Question: Et jusqu'à ce moment-là, est-ce que l'armée populaire musulmane
22 protégeait la population musulmane dans les communautés musulmanes au sein
23 de la municipalité de Visegrad?
24 Réponse: Vous parlez de la période brève qui a précédé ce moment ou au
25 cours des vingt années qui ont précédé?
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1 Question: Je parle du moment lors duquel vous avez fait cette demande.
2 Est-ce que vous avez fait cette demande puisque les Musulmans dans leur
3 communauté au sein de la municipalité de Visegrad ne bénéficiaient pas de
4 la protection?
5 Réponse: Oui, c'était la raison pour laquelle j'ai demandé de la
6 protection de la part de la JNA puisque personne d'autre ne pouvait leur
7 assurer cela. Ils étaient les seuls qui pouvaient le faire.
8 Question: Et qu'a dit le colonel Ojdanic lorsque vous avez exprimé cette
9 demande?
10 Réponse: Le colonel Ojdanic a dit tout d'abord qu'il ne savait pas. Moi,
11 j'ai demandé que l'armée protège ces personnes. Et ensuite, lui, il a dit:
12 «Je ne sais pas, j'ai mes supérieurs moi aussi.» Ensuite, au bout d'encore
13 un peu de discussion, je lui ai posé la question suivante: "est-ce que
14 cela veut dire la chose suivante: si nous ne pouvons pas faire en sorte
15 que les membres du SDS viennent aux pourparlers, l'armée va rester assise
16 en train de regarder de quelle manière on massacre la population civile?».
17 Ce à quoi il a répondu: "Très bien, demain nous allons entrer dans la
18 ville et nous allons protéger ce groupe de personnes que j'ai mentionné,
19 le groupe qui se trouvait à Brstanica".
20 Question: Est-ce que quoi que ce soit d'autre a eu lieu au cours de cette
21 réunion qui était importante?
22 Réponse: Pour la plupart, c'était cela.
23 Question: Après la réunion, je souhaite que vous décriviez à la Chambre ce
24 qui s'est produit par rapport à la protection que vous avez demandée.
25 Réponse: Après la réunion, le colonel était pressé de rentrer à Uzice.
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1 Moi, je suis sorti et j'ai parlé un peu avec le capitaine Vukosavljevic
2 qui était le commandant chargé du barrage. Je lui ai dit ce qui s'était
3 passé et lui s'intéressait déjà à la manière dont les choses se
4 déroulaient. Il n'avait pas assisté à la réunion.
5 Ainsi, brièvement, je lui ai décrit la situation, ce qui s'est passé. Je
6 lui ai dit que le colonel m'avait promis que le lendemain il allait donner
7 l'ordre à l'armée de protéger la population et de prendre le contrôle de
8 la ville. Ainsi, nous nous sommes séparés. Moi, je suis allé à l'endroit
9 où vivaient mes parents, qui s'appelle Crnca. C'est là que j'ai passé la
10 nuit.
11 Le lendemain matin, j'ai appelé le barrage pour parler avec le capitaine
12 Vukosavljevic. Je lui ai demandé qu'en était-il de la promesse donnée la
13 veille par le colonel concernant la protection des civils, etc., ce à quoi
14 il m'a répondu qu'il y avait des problèmes inattendus qui avaient surgi
15 entre temps et que l'armée ne pouvait pas le faire ce jour-là, mais le
16 lendemain.
17 Question: Lorsque vous êtes allé à ce village, avez-vous quelque signe que
18 ce soit qui aurait indiqué que le village bénéficiait de la protection de
19 l'armée populaire yougoslave, de la JNA?
20 Réponse: Ce jour-là, vous voulez dire?
21 Question: Le jour que vous y avez passé, le jour de la réunion lorsque
22 vous êtes allé à ce village, est-ce que vous avez quelque signe que ce
23 soit indiquant que ces personnes bénéficiaient de la protection?
24 Réponse: Non, non, pas du tout. Il n'y avait personne, aucun membre de la
25 JNA. Les gens étaient effrayés, ils vivaient dans une grande incertitude
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1 et une grande peur.
2 Question: Vukosavljevic est-ce qu'il vous a jamais suggéré de recontacter
3 le colonel Ojdanic?
4 Réponse: Oui. Oui, oui.
5 Question: Quand?
6 Réponse: Ceci s'est produit le jour où, d'après la promesse donnée,
7 l'armée devait protéger les civils. Comme le colonel a appelé d'Uzice pour
8 dire qu'il ne pouvait pas le faire ce jour-là mais le lendemain, à ce
9 moment-là je n'ai même pas réfléchi. C'était peut-être risqué de se rendre
10 au barrage mais je n'ai pas réfléchi à cela; j'ai pris ma voiture et je
11 suis allé tout de suite là-bas.
12 J'ai trouvé Vukosavljevic, je lui ai dit: "Mais pourquoi l'armée n'y est
13 pas?", et il m'a dit: "Je ne sais pas ce qui se passe. Tu n'as qu'à
14 appeler Uzice pour parler avec le colonel et tu n'as qu'à insister pour
15 qu'il remplisse la promesse qu'il a donnée hier."
16 Je l'ai fait, il m'a donné le numéro de téléphone, il m'a donné le
17 téléphone également et je l'ai appelé. Un officier a répondu. Moi, je me
18 suis présenté, j'ai dit qui appelait et le colonel a répondu. Je lui ai
19 rappelé ce qui avait été dit et je lui ai demandé d'y aller ce jour-là
20 sans attendre le lendemain, ce à quoi il a répondu: "D'accord! Que le
21 capitaine Vukosavljevic m'appelle alors". C'est le message que je lui ai
22 transmis.
23 Lui, il est allé dans un autre bureau et c'est de là qu'il a appelé le
24 colonel. Je ne sais pas de quoi ils ont parlé, ceci n'a pas duré
25 longtemps. Et il est venu, il était clairement de très bonne humeur. Voilà
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1 ce qu'il m'a dit; littéralement il m'a appelé, il a dit mon prénom, il a
2 dit: "Nous avons reçu l'aval du colonel, nous allons y aller rapidement
3 pour évacuer ces gens dans la ville."
4 Il a recueilli environ 30 soldats qu'il a placés dans deux camions, je
5 crois. Moi, je me suis assis dans sa voiture, c'était une Lada. Nous nous
6 sommes assis devant et nous étions suivis par les deux camions. Nous
7 sommes allés à Brstanica pour dire à ces personnes qu'ils devaient se
8 rendre dans la ville et que cette action allait être contrôlée par la JNA.
9 C'est comme cela que cela s'est passé. Nous nous y sommes rendus et les
10 gens avaient déjà appris, d'une façon ou d'une autre, que nous devions
11 arriver. Ils se sont rassemblés au centre de l'un des villages de
12 Brstanica.
13 Vukosavljevic a insisté pour que tout cela se passe rapidement. Il fallait
14 former des colonnes. Il y avait des voitures, les gens âgés devaient
15 prendre place dans les voitures et que l'on se rende immédiatement à
16 Visegrad.
17 C'est ainsi que nous avons fait. Nous avons essayer d'organiser cela le
18 plus rapidement possible: nous avons formé des colonnes et nous sommes
19 partis pour Visegrad.
20 Question: Est-ce que c'était le jour où le corps d'armée est réellement
21 rentré à Visegrad?
22 Réponse: Oui, c'était bien le même jour.
23 Question: Pourriez-vous décrire leur arrivée? D'où sont-ils venus et dans
24 quelles circonstances?
25 Réponse: Le Corps d'Uzice est arrivé de la direction d'Uzice, donc de la
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1 rive droite de la Drina, de la direction de la Serbie. Ils sont donc
2 arrivés en provenance d'Uzice en prenant plusieurs routes et ils avaient
3 tout type d'armement que l'armée populaire yougoslave possédait. Mise à
4 part l'armement d'infanterie standard, il y avait aussi des chars, des
5 canons, des mortiers. Donc, les unités étaient complètement équipées. Ils
6 sont arrivés en provenance de plusieurs routes et ils ne sont pas entrés
7 tout de suite dans la ville; ils sont rentrés dans la ville un ou deux
8 jours plus tard, ce qui veut dire que la ville est restée complètement
9 vide pendant un jour ou deux. Ils sont entrés dans la ville le même jour
10 où les gens de Brstanica étaient arrivés à la ville, peut-être un peu
11 avant. Une heure ou deux avant, ils ont pris le contrôle de la ville.
12 Question: Où est-ce que l'on a fait aller ces gens-là?
13 Réponse: La question qui se posait, c'était où placer un si grand nombre
14 de personnes. Le capitaine Vukosavljevic ne savait pas quoi faire. Au
15 départ, il pensait qu'il faudrait les placer dans un hôtel, l'hôtel
16 Visegrad. Mais quand il s'est rendu compte que le nombre des gens était
17 beaucoup plus élevé qu'il ne l'avait pensé auparavant, il a dit: "Mais
18 allons au stade de foot!". Donc c'est bien ce qu'il a fait, il a fait
19 venir la colonne au stade de football.
20 Moi, je suis resté un peu à l'arrière. Ceci est peut-être un détail
21 important: avant de rentrer dans la ville on a pu entendre des tirs;
22 c'étaient des tirs assez soutenus et ils venaient en provenance de
23 l'endroit par lequel il fallait que nous passions. Le capitaine m'a dit à
24 moi et à deux autres, qui étaient avec nous dans sa voiture à lui: "Restez
25 ici, moi je vais voir ce qui se passe et d'où cela tire", et il s'est
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1 rendu en direction de ces coups de feu. Et nous, nous sommes restés tout
2 seuls à cet endroit-là.
3 Entre temps, les gens sont déjà entrés dans la ville et se sont rendus au
4 stade, ce qui fait que j'étais déjà… Les gens étaient au stade quand je
5 suis arrivé.
6 Question: Il y avait à peu près combien de personnes au stade?
7 Réponse: Au stade, il y avait à peu près 4.000… Peut-être 4.500 personnes.
8 Question: Est-ce que quelqu'un de l'armée populaire yougoslave s'est
9 adressé à ces 4.000 personnes?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Comment s'appelait cette personne-là?
12 Réponse: C'était quelqu'un qui s'est présenté comme étant le commandant de
13 la ville, lieutenant-colonel Jovanovic. C'est comme cela qu'il s'est
14 présenté aux gens, et il a utilisé un mégaphone pour s'adresser à cette… à
15 ces gens.
16 Question: Est-ce que c'était la première fois que vous voyiez le
17 lieutenant-colonel Jovanovic?
18 Réponse: Oui, c'était la première fois.
19 Question: Est-ce que vous avez essayé de lui parler avant?
20 Réponse: Oui, le colonel Vukosavjlevic qui nous avait accompagnés, c'était
21 lui qui m'a présenté à Jovanovic. Ce qu'il m'a dit, c'était: "Cet homme
22 s'appelle comme cela et ceci, ce sont ses fonctions". Et puis il a dit:
23 "Ceci est le commandant Jovanovic, c'est le commandant de la ville". Mais
24 celui-là ne faisait pas trop attention à moi, il m'a dit: "Ecoute, tu peux
25 aller ailleurs, il faut chercher trois personnes, trois personnalités
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1 connues de la ville qui sont parmi ces gens-là." Et c'est bien ce que j'ai
2 fait.
3 Question: Vous avez pu entendre leur entretien?
4 Réponse: Oui, j'ai dû être à 10 ou 15 mètres de l'endroit.
5 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre ce qu'il a dit à ces 4.000,
6 4.500 personnes qui étaient rassemblées au stade?
7 Réponse: Je me souviens de ce qu'il a dit. Il s'est présenté, il a dit
8 qu'il était le commandant de la ville et qu'il fallait écouter
9 attentivement ce qu'il allait dire. Et voilà ce qu'il a dit: dans un
10 village, dans quelque village que ce soit en effet, où un seul coup de feu
11 serait tiré, il allait raser tout, la maison et dans certains cas, même,
12 tout le village. Et il a dit: "Les unités des Aigles blancs sont aussi
13 sous mon commandement".
14 Il faut que je dise que les Musulmans craignaient énormément les unités
15 des Aigles blancs. Et il a aussi dit que si quiconque possédait une arme,
16 il fallait la rendre et s'ils ne l'avaient pas sur eux, il fallait
17 l'apporter le lendemain.
18 Il a aussi dit aux gens qu'ils pouvaient rentrer maintenant ou se rendre à
19 différents endroits, c'est-à-dire que c'est lui qui a déterminé des
20 endroits où les gens pouvaient aller et d'autres ne pouvaient pas aller.
21 Il a donné une liste des endroits où les gens pouvaient se rendraient et
22 il a dit: "Voilà, ici, il y a mes unités qui contrôlent le territoire;
23 c'est là-bas que vous pouvez vous rendre" -et il a donné une liste des
24 endroits- "parce je peux vous garantir votre sécurité. Ailleurs, je ne
25 peux pas vous le garantir". Ceci était le contenu de son discours.
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1 Question: Qu'est-ce qu'il a dit exactement des Aigles blancs, pour autant
2 que vous vous en souveniez?
3 Réponse: Il leur a dit une ou deux phrases là-dessus. Il a dit: "Les
4 unités des Aigles blancs se trouvent aussi sous mon commandement et c'est
5 pour cela que vous devez faire attention à ce que vous faites". C'était
6 dit dans ce sens-là.
7 Question: A quels endroits il a dit que les Musulmans pouvaient aller, et
8 à quels autres endroits il a dit que les Musulmans ne pouvaient pas se
9 rendre, si vous vous souvenez?
10 Réponse: Oui, je me souviens de cela aussi puisque je connais toutes ces
11 localités. Sur la rive droite, il a dit qu'on pouvait aller jusqu'au
12 village de Musici et pas plus loin. Donc ce village-là, c'était mieux
13 peut-être que les gens n'y aillent pas mais ils pouvaient encore y aller.
14 Cela, c'était donc pour la rive droite et en aval alors que sur la rive
15 gauche, Jelasci, Hamzici, Brstanica. Les gens pouvaient y aller, pouvaient
16 rentrer chez eux. Cela veut dire que les gens qui venaient de la rive
17 droite, qui venaient des villages que le colonel n'avait pas énumérés,
18 eux, ils se sont rendus chez des parents ou des amis sur la rive gauche.
19 Question: Et ces endroits qui se trouvaient sur la rive droite, est-ce
20 qu'il s'agissait là de certains endroits dont vous avez entendu qu'ils
21 devaient être nettoyés lors de la réunion à la caserne d'Uzamnice la
22 veille?
23 Réponse: Oui, il s'agissait précisément de ces endroits-là.
24 Question: Donc les gens n'avaient pas la permission de rentrer dans ces
25 villages-là?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Est-ce qu'à un moment, on a fouillé les personnes qui étaient au
3 stade?
4 Réponse: Quand le colonel a terminé son discours, il a expliqué aux gens
5 qu'ils devaient former des colonnes et les soldats ont établi trois ou
6 quatre points de contrôle par lesquels les gens passaient. On les
7 fouillait pour voir s'ils n'avaient pas d'armes; une fois que chaque
8 personne était passée par ce point de contrôle, ils pouvaient se rendre
9 dans n'importe lequel des villages que le colonel avait mentionné.
10 Question: Est-ce que toutes les personnes qui étaient au stade avaient été
11 fouillées?
12 Réponse: Au début, ils l'ont fait de manière tout à fait méthodique, si je
13 puis dire. Par la suite, on a commencé à le faire de manière tout à fait
14 routinière puisque le temps passait et il y avait une foule de gens. Par
15 exemple, moi-même je n'ai pas été fouillé.
16 Question: Est-ce que vous portiez une arme?
17 Réponse: Oui, effectivement, à ce moment-là j'avais un pistolet de type
18 Zastava, calibre 7-62.
19 Question: Qu'avez-vous fait avec ce pistolet?
20 Réponse: Etant donné que la ville était pleine de militaires -vous savez,
21 c'était un peu quand les gens sortent du cinéma-, je me suis demandé: que
22 va-t-il advenir si jamais quelqu'un trouve cette arme? Et ce que j'ai
23 fait, je suis allé chercher le capitaine Vukosavljevic et je lui ai dit:
24 "Ecoute, tiens-le, garde-le parce que si jamais quelqu'un me le trouve,
25 qu'est-ce qu'il va se passer?". Effectivement, il l'a pris. Un jour ou
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1 deux plus tard, il m'a envoyé une confirmation comme quoi je lui ai donné
2 ce pistolet.
3 Question: De quelle appartenance ethnique était le capitaine
4 Vukosavljevic?
5 Réponse: Il était serbe.
6 Question: Qu'avez-vous fait après la réunion?
7 Réponse: Après la réunion, le colonel m'a brièvement dit: "Viens chez moi
8 à l'hôtel". C'est bien ce que j'ai fait, je me suis rendu à l'hôtel
9 Visegrad qui se trouvait au centre ville.
10 Question: C'était quel colonel qui vous a dit cela?
11 Réponse: C'était Jovanovic. En fait, je m'excuse, il était lieutenant
12 colonel.
13 Question: Vers quelle heure vous êtes-vous rendu à l'hôtel Visegrad?
14 Réponse: Peu de temps après le discours que le commandant Jovanovic avait
15 prononcé. Je suis resté juste un peu de temps traîner, voir si ma famille
16 n'était pas dans les parages. Après, je suis allé à l'hôtel.
17 A l'hôtel, l'un des officiers m'a retenu en me disant qu'il fallait que
18 j'attende un peu, en me disant que le commandant ne pouvait pas me
19 recevoir tout de suite.
20 C'est à ce moment-là, du côté de la réception où je me trouvais, que Mme
21 Biljana Plavsic est arrivée avec Branimir Savovic. Savovic portait un
22 uniforme de camouflage.
23 Etant donné qu'ils sont entrés exactement à l'endroit où je devais me
24 rendre, donc chez le commandant, peu de temps après on m'a dit que le
25 commandant ne pouvait pas me recevoir et qu'il me demandait de venir le
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1 lendemain. C'est à ce moment-là que je me suis rendu à l'endroit où était
2 ma famille.
3 Question: Pourriez-vous nous rappeler qui était M. Savovic?
4 Réponse: Branimir Savovic était le président du SDS, donc le parti
5 démocratique serbe. Il était le président de la branche du SDS de
6 Visegrad.
7 Question: Est-ce que, à un quelconque moment, vous avez quitté Visegrad?
8 Réponse: J'ai quitté Visegrad le 16 mai, à midi.
9 Question: Pourriez-vous décrire à la Chambre sous quelles circonstances
10 vous avez quitté Visegrad?
11 Réponse: Etant donné que la ville était sous contrôle des militaires, il
12 aurait dû quitter Visegrad le 20 mais, si je ne trompe pas... La situation
13 était très incertaine et peu sûre. Déjà, quelque temps avant que l'armée
14 doive quitter la ville, je sentais que la situation était très peu sûre
15 pour moi-même et pour ma famille. Donc, nous avons décidé de quitter la
16 ville.
17 Ceci, cependant, n'était pas facile à faire car à chaque de la ville, il y
18 avait des points de contrôle et l'on ne permettait pas que les gens
19 quittent la ville. C'est pour cette raison là que j'ai demandé à l'un des
20 vice-présidents du parti démocrate serbe, qui s'appelait Stanko Pecikoza.
21 C'était un homme de renom, que ce soit dans son parti ou dans la ville en
22 général. Je lui ai donc demandé de faire sortir ma famille et moi-même en
23 direction de Uzice car c'était la seule sortie possible.
24 Il nous a par la suite expliqué en détail comment il fallait nous
25 préparer, à quel moment il fallait que l'on soit prêt et à quel moment on
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1 allait partir. Et il nous a fait passer les points de contrôle. Il y avait
2 deux points de contrôle: un à Varviselo(?), l'autre à Dobrun qui se trouve
3 sur la route de Uzice.
4 Par la suite, il nous a donné les instructions: quel chemin suivre, quelle
5 route suivre une fois que nous serions en Serbie, et c'est bien comme cela
6 que nous avons procédé.
7 Question: Cet homme qui vous a aidé à sortir en cachette de Visegrad était
8 de quelle appartenance ethnique?
9 Réponse: Il était serbe. C'était un Serbe qui jouissait de renom dans la
10 ville.
11 Question: Est-ce que vous savez où il se trouve actuellement?
12 Témoin VG-022 (interprétation): Malheureusement, il est décédé. C'était un
13 homme gentil et bien. Si les renseignements que je possède sont bons, il a
14 été liquidé par les membres du SDS peu après le moment où il m'a aidé,
15 avec ma famille, à sortir de la ville.
16 M. Groome (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions.
17 M. le Président (interprétation): Maître Domazet?
18 (Contre-interrogatoire du témoin VG-022 par Me Domazet.)
19 M. Domazet (interprétation): Monsieur, vous avez commencé en nous disant
20 comment s'étaient créés des partis politiques à Visegrad. Si je me
21 souviens bien, vous nous avez dit que les deux partis politiques les plus
22 forts étaient le parti d'action démocratique et le SDS. Est-ce exact?
23 Témoin VG-022 (interprétation): Oui.
24 Question: Quel a été le premier de ces deux partis politiques a être
25 formé?
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1 Réponse: Je ne le sais pas. Les deux partis politiques ont été créés dans
2 un laps de temps assez court.
3 Question: Vous n'êtes pas sûr que le SDA a été créé avant le SDS?
4 Réponse: Non, pas tout à fait.
5 Question: Y avait-il un autre parti politique ethnique?
6 Réponse: Si l'on peut dire que c'étaient des partis plutôt orientés vers
7 une certaine ethnie, oui, on peut dire qu'il y avait d'autres partis qui
8 s'adressaient aux membres d'une certaine ethnie.
9 Question: Est-ce que l'on peut dire que dans le parti SDA il y avait aussi
10 des Serbes?
11 Réponse: Non.
12 Question: Ou bien que dans le SDS il y avait aussi des Musulmans?
13 Réponse: Non, il n'y avait pas de Musulmans dans le SDS.
14 Question: Donc c'étaient, à vrai dire, des partis politiques à orientation
15 ethnique?
16 Témoin VG-022 (interprétation): Si vous voulez le dire comme cela, oui, je
17 suis d'accord avec vous.
18 M. Domazet (interprétation): Mais je crois que c'est la conclusion qui
19 s'impose de vos réponses.
20 M. le Président (interprétation): Un instant, Maître Domazet. Si vous
21 parlez tous les deux la même langue, cela crée des problèmes pour les
22 interprètes. Pourriez-vous attendre que le témoin ait répondu à la
23 question?
24 Et vous, Monsieur le témoin, marquez une pause après la question de Me
25 Domazet.
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1 M. Domazet (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Avant les élections multipartites en Bosnie-Herzégovine, étant donné la
3 composition ethnique de la population de Visegrad, est-il exact que les
4 fonctions de premier plan dans la ville au niveau de l'exécutif et du
5 judiciaire, il y avait les représentants de 2 ethnies, c'est-à-dire il y
6 avait aussi bien des Serbes que des musulmans qui occupaient des postes
7 importants?
8 Réponse: Oui, après les élections multipartites.
9 Question: Ma question était avant les élections multipartites.
10 Réponse: Oui, avant aussi.
11 Question: Vous nous avez dit que les élections multipartites ont eu pour
12 résultat à Visegrad que la majorité avait été remportée par le SDA, qui
13 avait 27 députés alors que le SDS en avait 13. Est-ce que cela reflétait
14 aussi la composition ethnique de la population, c'est-à-dire le rapport en
15 nombre entre Musulmans et Serbes?
16 Réponse: Ce rapport correspondait aux proportions des Serbes et des
17 Musulmans dans la ville.
18 Question: Est-ce qu'une fois que le pouvoir, que le nouveau pouvoir s'est
19 mis en place au niveau de la ville, après donc ces élections
20 multipartites, y a-t-il eu des changements à tous niveaux de postes à la
21 mairie de Visegrad?
22 Réponse: Il y a eu des changements au niveau de la municipalité, et dans
23 les autres structures il n'y a pas eu de changements. Par exemple,
24 personne n'a obligé les directeurs ou des PDG des sociétés à démissionner.
25 Il y a eu changement au niveau de l'assemblée, du comité exécutif de
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1 l'assemblée, et donc dans tout ce qui était l'administration de la ville.
2 Question: Oui, donc tout ce qui concernait les autorités qui gouvernaient
3 la ville, ces autorités-là étaient-elles en charge de nommer les
4 dirigeants des sociétés?
5 Réponse: Je ne pourrais pas vous donner une réponse tout à fait exacte, je
6 n'en suis pas sûr. Mais je crois que, si tel était leur désir, ils
7 pouvaient effectuer ces changements.
8 Question: Si je vous ai bien compris, le Président de l'assemblée
9 municipale pouvait changer le dirigeant d'une société?
10 Réponse: Le Président en personne ne pouvait pas le faire, mais
11 l'assemblée de la municipalité aurait pu avoir une telle autorité.
12 Question: Vous pensez ici aux sociétés qui s'occupaient de la ville, des
13 sociétés qui s'occupaient de choses utilitaires dans la ville ou de tout
14 type d'entreprise?
15 Réponse: Oui, sans doute. Tout ce qui concernait la compagnie des eaux et
16 des choses similaires ou de l'électricité ou quelque chose qui était
17 beaucoup plus liée à la structure municipale. Mais pour les autres
18 entreprises, je peux vous dire que j'ai été l'un des directeurs des
19 sociétés de Visegrad et, entre collègues, on se posait la question si les
20 nouvelles autorités n'allaient pas faire démissionner, faire partir un
21 certain nombre de dirigeants de sociétés.
22 Question: Oui, vous étiez parmi les directeurs d'une entreprise dont je ne
23 veux pas mentionner le nom, mais, d'après la loi, vous n'étiez pas nommé
24 par l'assemblée municipale. Donc celle-ci ne pouvait pas vous changer.
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Pourriez-vous nous dire après ces premières élections
2 multipartites et que les nouvelles autorités avaient pris le pouvoir, est-
3 ce que dans les autorités judiciaires ou dans l'exécutif, est-ce que le
4 Président du tribunal et les institutions similaires… qui occupait ces
5 postes? Y avait-il un Serbe parmi eux ou bien c'étaient les Musulmans qui
6 occupaient tous ces postes?
7 Réponse: Je me souviens quand il y a eu des entretiens qui concernaient…
8 qui allait être nommé et à quel poste. Et l'un des critères principaux
9 était le nombre de votes obtenus lors des élections, le nombre de voix
10 obtenues lors des élections. Et c'est à peu près de cette façon-là que ça
11 a été fait.
12 Question: Mais ma question était plutôt concrète. Le président de la
13 municipalité était un musulman?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Le président du comité exécutif aussi?
16 Réponse: Et je peux vous dire qui était, je veux dire les noms, le
17 Président du comité exécutif était musulman.
18 Question: C'était aussi donc un poste important. Le Président de Visegrad
19 après les élections, était-ce un musulman?
20 Réponse: Je n'en suis pas sûr, mais je crois bien que c'était un Musulman
21 qui occupait ce poste.
22 Question: A vrai dire, on peut obtenir toutes ces statistiques, mais vous
23 nous dites que ça correspondait à la structure de la population. De quelle
24 façon cela aurait pu correspondre… De quelle façon voyez-vous que les
25 Serbes étaient bien représentés ou enfin dans les proportions nécessaires?
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1 Réponse: Voici comment cela se présentait: le président de la
2 municipalité, qui était l'homme qui avait la plus grande autorité, il
3 venait du SDA et son adjoint était quelqu'un du SDS; c'était une dame
4 prénommée Jelisavka dont je ne me souviens… Je ne me souviens plus de son
5 nom de famille. Elle était mon enseignante à l'école primaire. De même, le
6 Président du comité exécutif était du SDA et son adjoint venait du SDS. Il
7 s'appelait Slobodan Klipe. Et c'est comme ça que les postes ont été
8 répartis.
9 Le Président de l'un des organes dans la municipalité -je crois bien qu'il
10 s'agissait du cadastre-, était serbe aussi. Il s'appelait Sinisa Ceho, si
11 je ne me trompe pas. C'est pour cela que je dis que ces proportions
12 étaient faites… ou cette répartition de postes a été faite plus ou moins
13 pour qu'elle corresponde au résultat des élections.
14 Question: Si je vous ai bien compris, la seule personne qui se trouvait à
15 la tête d'une institution et qui était serbe, donc qui n'était pas un
16 adjoint, c'était quelqu'un que vous appeliez le "président du cadastre"
17 -si je puis me permettre; c'était probablement le chef du cadastre, cela
18 n'aurait pas pu s'appeler président. Donc c'était le seul qui occupait un
19 poste de premier plan, alors que tous les autres Serbes étaient soit des
20 adjoints, soit des vice-présidents?
21 Réponse: C'est ce dont je me souviens maintenant. Mais ce que j'affirme,
22 et je sais que de tels accords avaient été passés, que le SDA et le SDS,
23 et je dois dire que j'ai participé à un certain nombre de réunions portant
24 sur la répartition des postes qui devait se faire d'après les résultats
25 des élections… L'accord a donc été passé et tout le monde était content.
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1 Question: Sur quelle base vous pouvez affirmer que le SDS était content?
2 Réponse: Il avait accepté ces accords donc les deux parties avaient
3 accepté les accords, c'étaient eux qui avaient proposé les personnes qui
4 devaient occuper le poste de l'adjoint du président de la municipalité ou
5 bien du président du comité exécutif.
6 M. Domazet (interprétation): Est-ce que, d'après le statut de votre
7 municipalité, on prévoyait qu'une majorité de deux tiers statue et décide
8 sur tous les éléments importants?
9 Témoin VG-022 (interprétation): Je ne saurais pas vous le dire, mais il
10 est clair qu'un certain nombre de questions devaient être décidées par une
11 majorité de deux tiers.
12 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, il est maintenant 13
13 heures. Mais cet après-midi, quand nous allons reprendre les débats, est-
14 ce que nous pourrions passer à la période pertinente, à savoir 1992?
15 Quelle est la pertinence de vos questions?
16 M. Domazet (interprétation): Je ne pense pas essayer de justifier qui que
17 ce soit, mais j'arrive à peu près à la fin de la période, de la première
18 période et nous allons reprendre avec la période de 1992, plus tard.
19 M. le Président (interprétation): Ce qui ne nous intéresse pas, c'est ce
20 qui a été bien fait ou pas bien fait en 1990. Si vous avez deux questions
21 à poser, il faut que ces deux questions soient pertinentes. Donc, passez
22 en 1992.
23 M. Groome (interprétation): Avant de reprendre, nous avons deux témoins
24 qui peuvent bénéficier des mesures de protection. L'un d'entre eux devrait
25 venir témoigner demain. Est-ce que je peux présenter un certain nombre de
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1 requêtes de façon orale?
2 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas besoin de le faire par
3 écrit mais, en revanche, nous voudrions des explications. Si vous voulez
4 demander des mesures de protection telles que la distorsion des traits du
5 visage ou bien un pseudonyme, nous avons besoin d'une explication.
6 M. Groome (interprétation): Oui, nous allons le faire.
7 M. le Président (interprétation): Nous allons reprendre à 14 heures 30.
8 (L'audience suspendue à 13 heures 04, est reprise à 14 heures 30.)
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je trouve sur mon
10 bureau une requête demandant l'autorisation de présenter un nouveau témoin
11 expert. Cette habitude très déplorable qui nous vient des Etats-Unis de
12 tout présenter par écrit, et qui s'impose ici au Tribunal, n'est pas une
13 pratique à laquelle je sois favorable. Moi, ce que je vous suggère de
14 faire, c'est de parler avec Me Domazet, de lui remettre une copie du
15 rapport et, si cela lui pose des problèmes, à ce moment-là, nous
16 entendrons les arguments des parties vers 16 heures un après-midi ou à peu
17 près à ce moment-là. Mais nous ne souhaitons pas que ce genre de requête
18 soit fournie par écrit.
19 Je ne sais pas pourquoi vous avez pris cette déplorable habitude.
20 J'imagine que c'est Mme le Juge McDonald qui en est peut-être un peu
21 responsable.
22 M. Groome (interprétation): Bien, Monsieur le Président.
23 M. le Président (interprétation): Vous pouvez continuer, Maître Domazet.
24 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je souhaiterais
25 conclure. Comme je l'ai dit, je n'ai qu'une ou deux questions à vous poser
Page 172
1 au sujet de cette période.
2 Et la première question est de savoir si vous êtes au courant du fait que
3 l'assemblée dont vous nous avez parlé a modifié son statut et a rejeté les
4 dispositions stipulant qu'une majorité de deux tiers était nécessaire pour
5 certaines décisions.
6 Savez-vous que cette décision a été prise par la majorité musulmane de
7 l'assemblée?
8 Témoin VG-022 (interprétation): Je ne suis pas au courant, je ne pense pas
9 que cela ait eu lieu.
10 Question: Autre question: est-ce que vous savez que les députés serbes ont
11 quitté l'assemblée et ont cessé de participer à ces travaux?
12 Réponse: Cela a pu se produire à certain moment, s'ils n'étaient pas
13 d'accord avec certaines dispositions, avec certains textes. Il est
14 possible que certains députés, à ce moment-là, quittaient l'assemblée mais
15 ensuite ils revenaient pour assister à la séance suivante.
16 Question: Bien évidemment, il apparaît que nous ne parlons pas de la même
17 chose mais ne nous étendons pas sur la question et passons à autre chose.
18 Je souhaiterais maintenant évoquer l'été 1992, vous en avez parlé
19 longuement ce matin.
20 On vous a posé une question au sujet de la Défense territoriale et au
21 sujet de la confiscation de certaines armes ou des armes de la Défense
22 territoriale. Est-ce que la Défense territoriale de Visegrad était
23 constituée aussi bien de Serbes que de Musulmans ou bien uniquement de
24 certains d'entre eux?
25 Réponse: La Défense territoriale comptait aussi bien des Musulmans que des
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1 Serbes.
2 Question: Est-ce que cela signifie que si l'on a saisi les armes de la
3 Défense territoriale à Visegrad, est-ce que cela signifie donc que plus
4 aucun des membres de la défense territoriale n'avait accès à aucune arme
5 que ce soit et qu'il soit Musulman ou Serbe?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Merci.
8 Vous avez également parlé du fait que les Serbes sont parvenus à se
9 procurer des armes d'une manière ou d'une autre. Est-ce que vous savez de
10 quelle manière ils l'ont fait?
11 Je parle des informations que vous avez eues directement, de ce que vous
12 avez pu voir directement.
13 Réponse: Moi, personnellement, je n'ai jamais vu que l'on ait distribué
14 des armes aux Serbes si c'est à quoi vous faites référence.
15 Question: Merci.
16 Est-ce que vous savez que les Musulmans ont fait la même chose, qu'ils ont
17 eux aussi obtenu des armes pendant cette période?
18 Réponse: A cette époque, certains Musulmans ont obtenu des armes qu'ils
19 ont achetées.
20 Question: Est-ce que Seval Martic, à ce moment-là, était le chef du MUP ou
21 de la police?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Est-ce que des gens je pense en particulier à la JNA dont vous
24 avez parlé en évoquant la Défense territoriale, je voudrais savoir si, au
25 sein de la JNA, on est intervenu pour exiger de la police qu'elle remette
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1 ces armes?
2 Réponse: Je ne peux pas vous donner de réponse catégorique, mais je ne
3 pense pas, je crois que la réponse est non.
4 Question: Vous avez dit savoir personnellement que des Serbes ont été
5 convoqués pour participer à des exercices militaire parce que vous y avez
6 vu ceci se produire dans la société où vous travailliez. Je voudrais
7 savoir qui a envoyé ces documents de mobilisation, qui était responsable
8 de cette procédure?
9 Réponse: Je ne sais pas qui a envoyé ces documents. J'ai simplement
10 entendu dire ce que m'ont rapporté ceux qui ont participé à ces exercices.
11 Ils m'ont donné cette raison pour expliquer leur absence sur leur lieu de
12 travail.
13 Question: Est-ce que c'est quelque chose dont vous vous souvenez? Est-ce
14 que vous vous souvenez que c'est le département militaire qui était chargé
15 d'envoyer ces documentes?
16 Réponse: Dans des circonstances normales, oui.
17 Question: vous souvenez-vous qui, à ce moment-là, était à la tête du
18 département militaire à Visegrad?
19 Réponse: Au moment où ces documents ont été envoyés, je ne sais pas qui
20 était à la tête de ce département mais je sais que c'était un Serbe.
21 Question: Est-ce que vous en êtes sûr, est-ce que vous connaissez le nom
22 de cet homme?
23 Réponse: Non, je ne connais pas son nom, mais je suis sûr à cent pour cent
24 que c'était un Serbe car il n'y avait aucun Musulman qui travaillait là-
25 bas.
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1 Question: Continuons à nous intéresser au département militaire. Est-ce
2 que vous savez que des Musulmans ont confisqué ou saisi des armes qui
3 appartenaient au département militaire?
4 Réponse: Non.
5 Question: Vous avez évoqué un incident qui a eu lieu dans la carrière vers
6 le 4 avril. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire un peu plus, vous
7 nous avez raconté que certaines personnes ont essuyé des tirs. Est-ce que
8 vous savez qui a tiré sur ces personnes et pour quelles raisons et comment
9 s'est terminé tout cela?
10 Réponse: Je ne peux faire que des suppositions. Quant à ceux qui ont
11 ouvert le feu, je connaissais très bien ceux qui ont essuyé ces tirs et
12 tout de suite après ils m'en ont parlé.
13 Et la conclusion de cet événement c'est que…ce qui en a suivi c'est que
14 tout le monde a quitté son poste de travail.
15 Question: Vous voulez parler des gens qui travaillaient là?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Aujourd'hui, vous nous avez parlé de ce qui s'est passé un ou
18 deux jours après, lorsqu'il y a eu des tirs de mortier sur Visegrad. Est-
19 ce exact?
20 Réponse: Oui.
21 Question: D'autre part, vous avez dit que les quartiers musulmans ainsi
22 que le centre de la ville ont été ciblés. Pouvez-vous, s'il vous plaît, me
23 dire quelle partie de Visegrad était musulmane à cent pour cent? Est-ce
24 qu'il y avait des quartiers de ce genre?
25 Réponse: Il y avait des endroits dans la ville où il n'y avait que des
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1 Musulmans, ça c'est indéniable. Et en plus du centre ville, il y avait
2 Nezuci; c'est un des premiers villages qui a été attaqué, c'est un village
3 qui se trouve très près du barrage.
4 Question: A ma connaissance, le barrage est à une certaine distance de la
5 ville?
6 Réponse: A ma connaissance, oui.
7 Question: Donc vous avancez qu'il y a eu des tirs de mortier aussi bien
8 sur le centre de la ville que sur la zone située près du barrage?
9 Réponse: J'étais présent au centre ville au moment où les obus sont
10 tombés. Quant à cette autre chose, je veux dire que ce n'était pas à côté
11 du barrage, le village de Nezuci a été pris pour cible parce que là, il y
12 avait non seulement pas mal de villageois mais aussi beaucoup de réfugiés.
13 Et moi-même, j'ai reçu la visite d'un homme qui m'a demandé de lui donner
14 de l'essence pour qu'il puisse transporter sa femme à l'hôpital parce
15 qu'elle avait été blessée au cours de ces tirs de mortier. Cette femme
16 était enceinte de 11 mois à ce moment-là. Il y avait un autre homme, un
17 Musulman, qui a également été blessé, qui a été emmené à Gorazde, à
18 l'hôpital.
19 Question: Vous nous avez parlé des personnes qui ont été blessées. Est-ce
20 que vous savez s'il y a des gens qui ont été tués au cours de cette
21 offensive sur Visegrad et sur les environs?
22 Réponse: Il y a des gens qui sont morts, en particulier cette femme que
23 j'ai évoquée; elle n'a pas survécu. Et je sais que pas mal de gens ont été
24 blessés. Je ne suis pas sûr du nombre de personnes qui ont été tuées, mais
25 il y en a qui ont été tuées.
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1 Question: A Visegrad même?
2 Réponse: Oui, à Visegrad, mais dans une moindre mesure. Moi, je parle
3 surtout du village de Nezuci qui se trouve pas loin du barrage.
4 Question: Vous avez parlé des négociations avec les représentants du SDS,
5 avec la participation ou la médiation de la JNA. Vous nous avez dit que
6 ceci avait eu lieu, cette réunion, à Kosovo Polje. Pourquoi cette réunion
7 n'a-t-elle pas eu lieu à Visegrad? En d'autres termes, à ce moment-là, au
8 moment où vous avez organisé la réunion, où étaient les représentants du
9 SDS?
10 Réponse: La réunion dont vous parlez a eu lieu à Kosovo Polje, elle n'a
11 pas été organisée avec la médiation de l'armée. Je me suis entretenu
12 directement avec Branimir Savovic qui était président du SDS. Il était à
13 Visegradska Banja. J'ai parlé avec lui au téléphone, on s'est mis d'accord
14 pour se voir à Kosovo Polje parce que ça se trouvait entre Visegradska
15 Banja et la ville elle-même.
16 Question: Est-ce que ça veut dire qu'à ce moment-là Branimir Savovic et
17 les autres membres du SDS se trouvaient à Visegradska Banja?
18 Réponse: Oui, à ma connaissance, mais je pourrais vous donner peut-être
19 une réponse plus générale. Je connaissais très bien les numéros de
20 téléphone de Visegradska Banja. Et Savovic a répondu quand j'ai composé ce
21 numéro de téléphone. Mais je crois qu'à ce moment-là, en fait, il était
22 dans un village qui se trouve un peu au-dessus de Visegradska Banja.
23 Enfin, c'est ce que je crois, c'est ce que je pense.
24 Question: Est-ce que par hasard vous savez pourquoi Savovic et les autres
25 n'étaient pas à Visegrad mais à Visegradska Banja ou dans les villages
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1 environnants?
2 Réponse: Je crois qu'ils ont quitté la ville de leur propre chef et puis,
3 ils sont allés ailleurs parce qu'ils voulaient occuper la ville. Et ceci,
4 depuis les positions environnantes.
5 Question: Donc vous pensez qu'ils ont quitté la ville pour pouvoir,
6 ultérieurement, y revenir et l'occuper.
7 Réponse: Oui, c'est mon opinion.
8 Question: Est-ce qu'il y avait à l'époque des Serbes en ville? Ou est-ce
9 que un certain nombre, la majorité ou tous, avaient quitté la ville?
10 Réponse: La plupart ont quitté la ville et certains sont restés.
11 Question: Nous parlons de la période qui précède l'incident au cours
12 duquel on a ouvert une certaine partie des vannes du barrage.
13 Réponse: Oui, mais on s'est rencontrés à Kosovo Polje un jour après cela.
14 M. Domazet (interprétation): Oui, oui, on est en train de parler du départ
15 des Serbes de la ville. Quand est-ce qu'ils sont partis?
16 Témoin VG-022 (interprétation): Avant.
17 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, le témoin se conforme
18 aux instructions qu'on lui a donné: lui, il fait des pauses mais pas vous.
19 Vous avez vos écouteurs, vous pouvez probablement entendre
20 l'interprétation. Et puis, si vous gardez un œil sur le curseur, cela
21 pourra vous indiquer le moment où vous pouvez reprendre. Mais observez des
22 pauses, s'il vous plaît.
23 Question: Est-ce que l'on peut en conclure la chose suivante: quand cette
24 menace a été proférée sur l'ouverture du barrage, est-ce que, à ce moment-
25 là, ce sont essentiellement des Musulmans qui sont restés en ville?
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1 Réponse: Oui, pour la plupart. Mais il restait encore pas mal de Serbes,
2 un grand nombre de Serbes.
3 Question: Quand vous avez parlé de la caserne d'Uzamnice, vous avez dit
4 que des gens s'y étaient réfugiés, que 99% d'entre eux étaient des
5 Musulmans. Je voudrais savoir s'il s'agissait là des mêmes personnes qui
6 sont restées à Visegrad et qui sont ensuite parties, craignant que le
7 barrage ne soit vidé?
8 Réponse: Oui.
9 Question: En ce qui concerne l'ouverture des vannes du barrage, vous nous
10 avez dit aujourd'hui que c'est Murat Sabanovic qui était responsable. Et
11 vous nous avez dit que c'est de son propre chef qu'il s'est rendu sur
12 place. Vous n'avez cependant pas donné de détails supplémentaires. Pouvez-
13 vous donner des explications? Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous
14 avez dit cela, si vous avancez toujours qu'il est allé à la centrale
15 hydroélectrique de son plein gré et sur sa propre initiative?
16 Réponse: Oui, j'ai utilisé à dessein cette expression, j'ai dit qu'il y
17 était allé de sa propre initiative. Il est allé là-bas avec quelques amis,
18 peut-être certains membres de sa famille. Il s'était organisé au sein de
19 leur village car, dans la situation qui était celle de l'époque, ils
20 avaient l'impression qu'il fallait s'organiser pour assurer la sécurité
21 des gens du village, pour se protéger eux-mêmes et leur famille. Il est
22 donc allé là-bas avec un groupe d'amis de voisins, etc., il est donc allé
23 au barrage. C'est ce que j'ai dit quand c'était quelque chose qui
24 découlait d'une initiative qu'il a prise lui-même.
25 Question: Donc il est allé au barrage avec un groupe constitué d'amis, de
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1 parents, etc. Est-ce qu'ils étaient armés?
2 Réponse: Oui, ils étaient armés.
3 Question: A votre connaissance, est-ce qu'il y avait des gens sur le
4 barrage pour le défendre? Est-ce que vous savez s'il y avait des gens sur
5 le barrage pour défendre le barrage avec des armes?
6 Réponse: Non, il n'y avait personne qui aurait été susceptible de résister
7 d'une manière ou d'une autre, le barrage n'était pas gardé.
8 Question: Etes-vous en mesure de vous souvenir de la durée de tout cet
9 incident? Est-ce que vous savez combien de temps Sabanovic et ses amis et
10 parents sont parvenus à tenir le barrage?
11 Réponse: Environ 4 jours sans être précis, disons 4, 5 jours à peu près.
12 Question: Pendant cette période, est-ce que la police de Visegrad a pris
13 des mesures quelles qu'elles soient pour résoudre ce problème d'une
14 manière ou d'une autre, pour arrêter Murat Sabanovic, ainsi que ceux qui
15 avaient pris le contrôle du barrage?
16 Réponse: Je ne sais pas vraiment parce que tout ceci s'est passé très
17 vite. Il y avait des changements tous les jours, je ne sais pas s'ils ont
18 fait quoique ce soit mais je sais qu'il n'y avait pas de danger, enfin
19 qu'ils n'ont présenté aucun risque pour les gens qui travaillaient au
20 barrage ou pour quiconque.
21 Question: Est-ce que vous pouvez être plus précis? Comment savez-vous
22 qu'ils ne constituaient aucun risque pour le personnel du barrage? Nous
23 savons qu'ils étaient armés et qu'ils tenaient le barrage.
24 Réponse: Je n'ai pas de preuve précise. Mais vu la situation telle qu'elle
25 se présentait, il n'a menacé personne, il n'a menacé aucun des employés se
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1 trouvant sur le barrage. Les gens qui travaillaient sur le barrage ont dit
2 de même.
3 Question: Donc c'est ce que vous avez entendu dire par les gens qui
4 travaillaient sur le barrage, si j'ai bien compris?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Mais donc si effectivement le fait qu'il ait contrôlé le barrage
7 avec des hommes armés, si ce n'était pas un risque, est-ce que vous
8 avancez aussi que cette menace d'ouvrir les vannes du barrage ce n'était
9 pas une grande menace ni pour Visegrad ni pour les villages se trouvant en
10 aval sur la Drina?
11 Réponse: Je n'avance rien de tel parce que je ne suis pas un expert mais,
12 à ma connaissance puisque c'est mon domaine professionnel aussi, je suis
13 parvenu à conclure que cela n'aurait pas pu entraîner de dégâts
14 considérables, surtout que le barrage suivant en aval était lui vide. Donc
15 il aurait été possible pour ce barrage de recueillir l'eau venant du
16 barrage situé en amont.
17 Question: Mais est-ce que vous ne savez pas justement que ce bassin de
18 rétention d'eau a été vidé à ce moment-là, justement parce que Sabanovic
19 se trouvait en amont et menaçait de vider le barrage qu'il contrôlait.
20 Réponse: Oui, je sais que c'est pour cette raison qu'on a procédé à cette
21 opération en aval.
22 Question: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet incident au cours
23 duquel 12 hommes en uniforme, 12 policiers serbes ont été arrêtés. Vous
24 nous dites qu'environ la moitié d'entre eux étaient encore dans la police
25 10 ou 15 jours avant, c'est bien exact?
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1 Réponse: Oui, à peu près.
2 Question: Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé pendant
3 la période de 10 jours qui a précédé cet événement? Est-ce qu'ils ont
4 cessé d'appartenir à la police? Est-ce qu'il s'est passé quelque chose
5 d'autre?
6 Réponse: Je crois que c'était à peu près 10 ou 15 jours avant, je ne peux
7 pas être plus précis. Le SDS a demandé la division de la police. J'ai
8 participé à certaines réunions au cours desquelles ils ont demandé que la
9 police soit séparée en deux forces de police: police musulmane et police
10 serbe. Et étant donné l'influence considérable qu'ils exerçaient sur les
11 Serbes de la ville, quelque 10 jours avant les tirs, en fait ils
12 contrôlaient la plupart des policiers serbes. En d'autres termes, la
13 plupart d'entre eux se trouvaient sous le commandement du SDS.
14 Question: Si c'est possible, est-ce que vous pouvez nous expliquer les
15 choses un petit peu plus clairement. Comment est-il possible d'avoir une
16 partie de la police complètement séparée de l'autre dans une ville?
17 Comment est-il possible d'avoir une structure de commandement différent
18 pour ces deux parties de la police, comment est-ce possible? Pouvez-vous
19 nous l'expliquer, s'il vous plaît?
20 Réponse: Eh bien, concrètement parlant; dans le cadre de cette demande,
21 ils ont demandé qu'il y ait 2 polices avec 2 sièges. Pour cette police
22 nouvellement créée, qui devait être nouvellement créée, ils avaient prévu
23 l'immeuble à côté du nouveau pont sur la rive droite. C'est peut-être
24 environ un kilomètre, un peu moins que cela par rapport au centre ville.
25 Et cet immeuble appartenait à une entreprise qui était chargée de la
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1 gestion de la circulation routière. Je sais qu'ils ont demandé que ce soit
2 leur poste de police. C'est pour ça que j'ai dit cela tout à l'heure.
3 Question: Mais ceci ne s'est pas réalisé si j'ai bien compris?
4 Réponse: Il n'y a pas eu d'accord politique pour effectuer cela ni
5 l'accord des autorités compétentes, même si la police relevait, je pense,
6 des autorités se trouvant à Sarajevo. C'est ainsi qu'il n'y a pas eu de
7 tel accord. Cependant, ils ont réalisé cela sur leur propre initiative.
8 Cela dit, le commandement ne se trouvait pas dans l'immeuble qu'ils
9 souhaitaient obtenir lorsqu'ils ont parlé dans le cadre de leur
10 discussion.
11 Question: Cependant, si je vous ai bien compris, parmi les gens
12 qui se trouvaient dans ce groupe de personnes arrêtées, se trouvaient
13 également un certain nombre d'entre eux qui étaient les policiers d'active
14 presque la moitié, et ils étaient serbes?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-ce qu'ils étaient arrêtés puisqu'ils étaient avec les Serbes
17 ou puisqu'ils n'étaient plus policiers, ou bien, est-ce qu'il y a eu une
18 autre raison? Et si oui, est-ce que vous pouvez dire quelque chose au
19 sujet de cette autre raison?
20 Réponse: Pour autant que je le sache, ils ne venaient plus régulièrement
21 au travail au poste de police. Et puisqu'ils étaient, comment dirais-je,
22 accompagnés de personnes en uniforme et armées et puisqu'ils
23 n'appartenaient à aucune organisation régulière, je pense que c'était cela
24 la raison pour laquelle ils ont été arrêtés.
25 Question: Lorsqu'ils ont été arrêtés, je suppose qu'on les a fait venir au
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1 poste de police. Est-ce qu'ils ont tous été retenus, à la fois les
2 policiers et ceux qui n'avaient pas été des policiers auparavant? Et
3 qu'est-ce qu'il leur est arrivé?
4 Réponse: Je sais qu'ils ont tous été retenus au bout de 5, 6 jours, peut-
5 être 7, je ne sais pas très bien exactement. Ils ont été remis à la charge
6 de la JNA au barrage, donc ils ont été relâchés.
7 Question: Donc, au bout de 6 à 7 jours après leur arrestation?
8 Réponse: Oui, environ.
9 Question: Est-ce qu'ils ont passé cette période au poste de police ou bien
10 au barrage ou bien les deux?
11 Réponse: Je n'ai pas eu tellement de contact avec ce genre d'activités,
12 mais je sais qu'ils étaient au poste de police et que, par la suite,
13 compte tenu du fait que cette partie était pilonnée, il était interdit de
14 se déplacer beaucoup dans cette partie de la ville. C'est pour cela qu'ils
15 ont été transférés à la rive gauche, en tant que détenus. Ils étaient
16 détenus dans une société et ensuite, ils ont été transférés au barrage. Je
17 pense que c'est là qu'ils ont passé une certaine période. Je pense que
18 ceci est conforme à mes souvenirs.
19 Question: Mais les forces de police n'ont pas été transférées depuis leur
20 siège où, comme vous le dites, le risque de pilonnage est élevé.
21 Réponse: C'est ce que je pense effectivement.
22 Question: Et le groupe au barrage a été relâché à la longue, au bout de
23 quelques derniers jours qu'ils ont passé au barrage. Cependant, c'est
24 Murat Sabanovic qui se trouvait au barrage et qui a fini par être en
25 charge de…Comment est-ce que vous expliquez le fait qu'ils ont été placés
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1 sous son contrôle s'ils étaient des prisonniers arrêtés par les forces de
2 police régulière?
3 Réponse: Je n'ai pas dit que c'était le cas pendant les derniers jours, à
4 savoir pendant les 2 derniers jours pendant lesquels j'ai eu des contacts
5 avec ces personnes, je sais à quoi ressemblait la situation. Le dernier
6 jour, ou peut-être pendant les deux derniers jours, ils étaient dans
7 l'entreprise Granit. A proximité se trouvait un restaurant, et je sais que
8 c'est là qu'ils se trouvaient. Je le sais très bien puisque j'y suis allé.
9 Depuis cet endroit, l'une des personnes détenues a parlé par téléphone
10 avec Branimir Savovic, c'est ce que je sais. En ce qui concerne le reste,
11 je ne suis pas sûr.
12 Question: A l'époque, vous étiez justement chargé des négociations et je
13 suppose que vous connaissiez très bien la situation. Je vous demande de
14 quelle manière a-t-il pu être possible que ces personnes-là se trouvent
15 entre les mains de Murat Sabanovic et de ces hommes qui contrôlaient le
16 barrage le dernier jour ou bien les quelques derniers jours.
17 Réponse: Moi, je ne sais pas qu'ils se trouvaient entre ses mains comme
18 vous le dites. Je sais ce que je viens de vous dire et je sais également
19 qu'au moment où l'on abandonnait la ville, où l'eau était relâchée,
20 lorsque l'armée arrivait, je sais qu'ils ont été conduits dans un véhicule
21 vers Gorazde, puisque l'on faisait venir la population. Et tout le monde
22 là-bas, tout le monde y allait.
23 M. Domazet (interprétation): Vous-même, avez-vous remis au Procureur une
24 cassette contenant entre autre chose les entretiens avec ces personnes
25 arrêtées ou détenues, lorsqu'ils parlaient justement de séjours et des
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1 conditions de leur détention?
2 Témoin VG-022 (interprétation): Je me souviens que j'ai donné une cassette
3 à l'enquêteur. Je ne sais pas si c'est le terme approprié.
4 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, les choses devraient
5 être très claires. Les enquêteurs ne font pas partie du Tribunal en tant
6 que tel mais du Bureau du Procureur. Je pense que ceci doit être clair. Et
7 si vous souhaitez que le Procureur vous communique cette cassette, vous
8 n'avez qu'à lui demander à mon avis. Donc je ne vois pas pourquoi nous
9 sommes en train de perdre tout ce temps autour d'un sujet tel que celui-
10 ci.
11 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, justement, la raison
12 pour laquelle j'ai posé ces questions est que j'ai reçu cette cassette de
13 la part du Procureur hier. J'ai vu sur ces cassettes les entretiens avec
14 ces gens qui ont dit qu'ils avaient été détenus au barrage et qu'ils se
15 trouvaient même au-dessous du niveau d'eau à un moment.
16 Je souhaitais savoir de quelle manière a-t-il pu être possible de faire en
17 sorte que Murat Sabanovic contrôle ces détenus si c'étaient les forces
18 régulières qui les avaient arrêtés. Mais je ne vais pas insister là-
19 dessus.
20 M. le Président (interprétation): A un moment, page 89, ligne 14, le
21 témoin dit: "Ils ont été transmis, remis à l'armée populaire yougoslave au
22 barrage", c'est ce qu'il a dit. Et ensuite, vous avez dit qu'une autre
23 personne était en charge d'eux mais le témoin ne l'a jamais accepté. Si
24 vous souhaitez contester ce qu'il a dit, vous n'avez qu'à dire ce que vous
25 considérez, mais avançons s'il vous plaît.
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1 M. Domazet (interprétation): Je suis d'accord avec vous, Monsieur le
2 Président, et je vais poursuivre. C'est justement sur la base de cette
3 cassette qu'il avait remis au Procureur lui-même que j'ai eu les données
4 que je viens de mentionner.
5 Je souhaite vous poser quelques questions concernant la JNA, l'armée
6 populaire yougoslave. Pendant la période dont vous êtes en train de
7 parler, c'est-à-dire en avril 1992, est-ce que la JNA représentait l'armée
8 régulière de la Yougoslavie de l'époque? Et je veux dire même l'unique
9 armée régulière de la Yougoslavie de l'époque?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Est-ce que vous savez que le quartier général du corps d'armée
12 se trouvait à Uzice et que Visegrad et la caserne Uzamnice relevaient de
13 ce corps d'armée?
14 Réponse: Non.
15 Question: Vous ne savez pas que le quartier général était à Uzice ou bien
16 vous ne savez pas que la caserne d'Uzamnice faisait partie de ce corps
17 d'armée? Je dois reformuler ma question pour que les choses soient
18 claires.
19 Réponse: Lorsque j'ai dit "je pense que non", je voulais dire que je ne
20 savais pas que la caserne d'Uzamnice faisait partie de ce corps d'armée.
21 Je ne le savais pas et, d'ailleurs, il était difficile de le savoir compte
22 tenu de la manière dont l'armée était organisée.
23 Quant au fait que le quartier général du corps d'armée était à Uzice, tout
24 le monde le savait pour ainsi dire. Et je pense encore aujourd'hui que
25 c'est là que se trouvait le quartier général.
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1 Question: Oui, le quartier général y était, mais j'ai demandé si Visegrad
2 relevait de ce corps d'armée suivant l'organisation territoriale. Mais
3 vous avez dit, dans votre réponse, que vous ne le saviez pas. Et je
4 l'accepte. Merci.
5 Aujourd'hui, lorsque vous avez parlé de la JNA, vous avez employé un terme
6 "occupé", s'agissant de Visegrad. Est-ce que vous pourriez expliquer
7 pourquoi vous considérez qu'une armée régulière, dans un Etat, occupe une
8 partie de son territoire, s'il s'agit-là de l'armée régulière?
9 Réponse: Eh bien, tout d'abord, la JNA, l'armée populaire yougoslave
10 n'était plus la JNA puisque tous les officiers étaient les Serbes et tous
11 les soldats qui sont venus à Visegrad étaient des Serbes.
12 Ensuite, la population musulmane avait peur de cette armée. Par contre, la
13 population serbe et les villages serbes accueillaient la JNA les bras
14 ouverts mais, en fait, ce n'était pas la JNA d'antan, la JNA en laquelle
15 tout le monde croyait; c'était déjà devenue une armée serbe. C'est pour
16 ces raisons-là que j'ai employé ce terme peut-être.
17 Question: Pourquoi dites-vous que cette armée était constituée uniquement
18 des Serbes en ce qui concerne à la fois les officiers et les soldats? Est-
19 ce que vous disposez des données qui corroborent cela, ou bien, est-ce
20 qu'il s'agit-là d'une supposition de votre part?
21 Réponse: Je n'ai pas de données par écrit au sujet de cela, mais tous les
22 officiers avec lesquels j'étais en contact et j'étais en contact peut-
23 être avec 10 officiers, étaient tous d'appartenance ethnique serbe. Et,
24 pour la plupart, ils provenaient de la Serbie. Les soldats qui sont venus
25 avec ce corps d'armée, eux aussi, j'ai eu des contacts avec un grand
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1 nombre de ces soldats. Et mes voisins, mon frère et d'autres personnes ont
2 eu des contacts avec d'autres soldats, et ils étaient tous d'appartenance
3 ethnique serbe. Donc aucun Musulman n'y était.
4 Question: Très bien. Mais vous allez être d'accord avec ce que vous avez
5 déjà dit, à savoir qu'à l'époque c'était l'unique armée régulière dans la
6 Yougoslavie de l'époque?
7 Réponse: Officiellement, oui.
8 Question: On vous a dit que les Musulmans avaient peur de la JNA, c'est ce
9 que vous avez dit tout à l'heure. Comment expliquez-vous le fait que la
10 caserne à Uzamnice était justement pleine des Musulmans qui s'étaient
11 réfugiés dans cette caserne, s'ils avaient peur de la JNA?
12 Réponse: A l'époque, l'angoisse était grande; la peur, la panique, etc.
13 Donc les gens cherchaient un endroit où s'abriter. Chacun avait peur de
14 chercher un abri quelque part de manière isolée, donc ils se sont
15 regroupés pour aller à un endroit où ils pensaient qu'ils allaient être le
16 plus en sécurité, puisque le danger ne menaçait pas seulement de la part
17 du corps d'armée d'Uzice qui devait venir comme on le savait, mais les
18 gens avaient peur aussi des unités paramilitaires.
19 Dans une situation de panique comme cela, les gens cherchaient un abri.
20 Tout le monde s'est dit, en suivant une sorte d'accord non écrit: "On veut
21 aller vers la caserne. L'armée se trouve là-bas quand même. On va quand
22 même peut-être plus être en sécurité là-bas". Mais ils ne sont pas allés
23 qu'à la caserne, ils sont allés aussi à la maison des enfants de sexe
24 féminin mentalement retardés. Et ils se sentaient plus en sécurité s'ils
25 étaient plus nombreux. Ils pensaient qu'ils étaient plus en sécurité s'ils
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1 étaient tous ensemble.
2 Question: Oui, c'est possible, mais vous allez quand même reconnaître
3 qu'un grand nombre d'entre eux comme vous l'avez dit vous-même- est allé
4 à la caserne d'Uzamnice, alors que vous dites qu'ils avaient peur de la
5 JNA qui s'approchait de Visegrad. Donc cette partie-là ne m'est pas très
6 claire, mais je ne souhaite pas insister là-dessus à moins que vous ne
7 souhaitiez ajouter quoi que ce soit.
8 Réponse: Je n'ai rien à ajouter.
9 Question: Vous avez parlé en particulier d'une partie de votre déposition,
10 et vous avez dit que ceci vous a mis mal à l'aise encore aujourd'hui. Il
11 s'agissait là de la situation dans laquelle vous vous êtes trouvé lorsque
12 les officiers parlaient des cartes, parlaient des parties du terrain qui
13 ont été nettoyées et qui devaient être nettoyées. Si j'ai bien compris,
14 vous aviez peur que cela voulait dire que la population vivant dans ces
15 régions allaient être soit tuée, soit expulsée, soit arrêtée. Ai-je
16 raison?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Est-ce que, à ce moment-là, compte tenu de l'ensemble de la
19 situation puisque pendant ces jours-ci vous étiez en contact sans cesse
20 avec les officiers de la JNA-, est-ce que vous aviez des raisons de croire
21 que ceci aurait pu être possible, que la JNA aurait fait quelque chose de
22 ce genre vis-à-vis de la population de plusieurs villages entiers aux
23 alentours de Visegrad?
24 Réponse: A ce moment-là, j'étais complètement convaincu du fait que l'on
25 préparait un massacre de ces gens, des gens dont j'ai parlé.
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1 Question: Est-ce qu'un tel massacre a effectivement été perpétré? Et est-
2 ce que, pendant l'ensemble de la période que la JNA a passé dans la région
3 de Visegrad, à savoir un peu plus d'un mois, est-ce qu'il y a eu des
4 morts? Et si oui, combien?
5 Réponse: Heureusement, ce massacre n'a pas été commis. Et, pendant la
6 période que la JNA a passé à Visegrad si on peut le dire ainsi, un
7 nombre relativement peu élevé de personnes a été tué; lorsqu'ils sont
8 venus, entre 7 et 8 personnes ont été tuées. Et lorsqu'ils étaient dans la
9 ville et autour de la ville là, j'exprime cela en termes relatifs parce
10 que même une mort est trop, mais compte tenu de la situation qui
11 prévalait à l'époque, on peut dire que le nombre des personnes mortes
12 était relativement peu élevé.
13 Question: Est-ce que vous pensez que le terme "propre" ou "nettoyé"
14 voulait dire qu'il n'y avait pas d'autres groupes dans la région, d'autres
15 individus ou d'autres personnes qui avaient recours à la résidence armée?
16 Est-ce que vous ne pensez pas que le terme "nettoyé" voulait impliquer
17 cela.
18 Réponse: Non, le terme et l'expression "tout est propre, tout est nettoyé"
19 voulait dire justement qu'il n'y avait personne qui était resté. Et là, on
20 parlait des Musulmans, qu'il n'y avait plus de Musulmans là-bas.
21 Question: Mais il y avait des Musulmans dans les villages, dans ces
22 régions-là, n'est-ce pas?
23 Réponse: S'agissant des régions qu'ils montraient sur la carte, il n'y en
24 avait plus.
25 Question: Est-ce que vous pouvez vous souvenir des emplacements mentionnés
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1 par l'officier? Il parlait de quels villages?
2 Réponse: L'officier ne montrait pas vraiment les endroits au cas par cas,
3 village par village, mais il montrait des régions restreintes. Je me
4 souviens, par exemple, qu'il a fait un cercle autour de l'ensemble de la
5 rive droite en disant: "Ici se trouve une telle unité". Je ne sais plus
6 quel était son nom, mais il s'agissait d'un nom qui était habituel au sein
7 de l'organisation de l'armée. Il disait: "Telle et telle unité est
8 stationnée ici, et c'est nettoyé. Telle et telle unité est stationnée là
9 et c'est nettoyé". Et c'est ainsi qu'il a couvert la région de toute la
10 rive droite.
11 Question: Mais lorsque vous dites "telle et telle unité se trouve là" et
12 "c'est nettoyé", cette région comportait si j'ai bien compris- même
13 plusieurs villages?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Est-ce que cela voulait dire qu'il n'y avait plus de population
16 dans ces villages? Est-ce que vous en êtes sûr? Est-ce que vous pourriez
17 nous dire, si tel a été le cas, de quel village il s'agit?
18 Réponse: Je sais quels sont les villages qui se trouvent dans les régions
19 qu'il avait montrées, donc il ne disait pas le nom du village mais il
20 montrait la région sur la carte. Mais moi, puisque j'ai vécu à Visegrad et
21 puisque je me rendais pratiquement à chacun de ces villages
22 personnellement, je traversais ces villages personnellement, je sais quels
23 sont les villages qui se trouvent dans cette région. Je peux vous énumérer
24 un certain nombre si vous voulez.
25 Question: Mais voici ce qui m'intéresse: vous avez dit que, lorsque l'on a
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1 employé le terme "nettoyer", vous compreniez que soit ces personnes-là
2 devaient être tuées, soient expulsées. Ils n'ont pas été tués, c'est ce
3 que vous avez dit vous-même. Et s'ils avaient été expulsés, où se
4 trouvaient-ils puisqu'il s'agirait là d'une population massive à proximité
5 de Visegrad. Vous auriez dû les voir ou en entendre parler même si vous le
6 croyiez au moment où vous avez entendu la discussion; vous auriez dû
7 comprendre que vous vous trompiez par la suite.
8 Réponse: Je le savais. Presque tous les villages, il est difficile de dire
9 avec exactitude qu'il s'agissait de tous les villages, mais presque tous
10 ces villages de la rive droite de la Drina, leur population est passée de
11 l'autre côté. Et moi, je connaissais la plupart de ces gens
12 personnellement: soit c'étaient des personnes qui avaient travaillé dans
13 la même entreprise que moi, soit c'étaient des membres de ma famille.
14 J'avais beaucoup de cousins, beaucoup de membres de la famille de l'autre
15 côté de la Drina. Et moi, je les ai vus, des gens de presque chaque
16 village. Et c'était ça les gens qui se trouvaient à Brstanica.
17 Donc un grand nombre de personnes qui provenaient de la rive droite sont
18 passés de l'autre côté sur la rive gauche. Par la suite, ils ont été
19 transférés au stade.
20 Question: Mais est-ce qu'ils sont allés de l'autre côté en raison des
21 activités menées par la JNA, ça, c'est une autre question. Mais si j'ai
22 bien compris, ces personnes sont venues au stade avec l'aide de la JNA.
23 Réponse: Oui.
24 Question: Et à ce moment-là, on leur a promis qu'ils pouvaient rentrer à
25 Visegrad et qu'ils pouvaient continuer à travailler. Est-ce exact?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Et après cela, est-ce que ces gens-là sont rentrés chez eux,
3 est-ce qu'ils ont repris leur travail? Est-ce que le tout s'est passé sans
4 incident grave?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Cela a duré jusqu'à quand selon vous?
7 Réponse: Cela a duré peut-être jusqu'à une semaine avant le départ de
8 l'armée de Visegrad. Une dizaine de jours avant le départ.
9 Question: Avant ou après le départ?
10 Réponse: Avant le départ. Avant le départ, la situation vu l'époque à
11 laquelle cela se passait- était assez bonne. Une dizaine de jours avant le
12 départ de l'armée, la situation commençait à se dégrader.
13 Question: Vous avez parlé du fait que la JNA ou bien du lieutenant-colonel
14 Jovanovic, eh bien, que l'on vous avait mentionné, que l'on vous a dit
15 dans quel village la population musulmane pouvait se rendre, et vous avez
16 fait mention d'un certain nombre de villages sur la rive droite et sur la
17 rive gauche de la Drina.
18 Est-ce que, à ce moment-là, une demande a été faite en précisant qu'un
19 certain nombre de villages étaient sous contrôle de la JNA et d'autres ne
20 l'étaient pas? Ou bien on n'en avait pas parlé?
21 Réponse: A ma connaissance, et si je me souviens bien, au stade les gens
22 ont posé la question au commandant Jovanovic. Ils lui ont demandé: "Où
23 est-ce que nous pouvons nous rendre? Ou est-ce que nous sommes en
24 sécurité?". Et il a énuméré les villages que j'ai mentionnés auparavant en
25 disant: "Voilà, ce sont des villages qui sont sûrs et ils sont sous notre
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1 contrôle. Et puis, voilà d'autres villages qui ne sont pas sûrs qui ne
2 sont pas sous notre contrôle.".
3 Question: Merci.
4 Dites-moi encore si avant que le Corps d'Uzice et avant l'incident au
5 barrage, y a-t-il eu d'autres incidents quand les bus ou les cars y
6 étaient passés ou bien un convoi de la JNA, même qu'à un moment le poste
7 de police avait été encerclé et que c'étaient des incidents auxquels
8 avaient participé Murat Sabanovic et son frère? Est-ce que vous êtes au
9 courant de cela?
10 Réponse: J'ai entendu dire qu'il y a eu de tels événements que vous venez
11 d'évoquer. Quant aux convois de l'armée qui auraient été bloqués, je ne
12 m'en souviens pas. Tel a peut-être été le cas ou bien peut-être pas.
13 Question: Vous souvenez-vous d'un incident lors duquel la statue, le buste
14 du prix Nobel, Ivo Andric, a été détruite? Et si oui, qui l'avait fait?
15 Réponse: J'ai entendu parler de cet événement. Je n'ai rien vu
16 personnellement parce que je n'ai pas été à cet endroit-là, mais j'ai
17 entendu dire… on disait que c'était Murat qui a détruit, enlevé le buste
18 d'Ivo Andric et qu'il l'avait jeté dans la Drina. C'étaient des rumeurs
19 qui le disaient.
20 Question: Est-ce que cet incident-là et l'incident précédent que vous avez
21 mentionné, et dont vous avez aussi entendu parler, eh bien, est-ce qu'ils
22 ont créé des situations irrégulières à Visegrad?
23 Réponse: Oui, cela a eu un impact négatif sur les relations entre les
24 gens, entre les différents groupes ethniques.
25 Question: Encore une chose: vous avez mentionné une personne qui vous a
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1 aidé à sortir de Visegrad. Vous avez parlé de Stanko Pecikoze?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Est-ce que c'était lui la personne que vous avez mentionné quand
4 vous décriviez le vice-Président du conseil exécutif à Visegrad? Est-ce
5 qu'il s'agit bien de la même personne?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Est-ce que vous avez dit aujourd'hui que c'était les membres du
8 SDS qui l'avaient tué? Donc les membres du parti politique dont il était
9 le vice-Président? Est-ce que vous savez qui l'a tué et pourquoi c'aurait
10 été des membres du SDS?
11 Réponse: Au moment où Stanko a été tué je ne me trouvais pas à Visegrad,
12 mais j'ai entendu dire qu'il a été tué à la frontière entre la Serbie et
13 la Bosnie, dans cette zone-là. Et l'on a dit que la raison en était qu'il
14 n'était pas d'accord avec la politique du SDS et que ce meurtre a été
15 perpétré par eux ou bien a été commandité.
16 M. Domazet (interprétation): Mais à cette époque-là vous ne vous trouviez
17 plus à Visegrad, si je ne me trompe pas vous étiez déjà en Macédoine,
18 voire même plus loin. Ce qui m'étonne, c'est que vous êtes au courant de
19 qui a tué M. Pecikoza, alors que jusqu'au jour d'aujourd'hui cela n'a
20 jamais été déterminé.
21 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, vous avez posé la
22 question au témoin et il a dit très clairement qu'il n'avait pas de
23 connaissance personnelle en la matière, il vous a tout simplement rapporté
24 les bruits qui couraient. Pourquoi vous ne lui posez pas une question qui
25 serait pertinente en l'espèce?
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1 M. Domazet (interprétation): Encore quelque chose à propos du discours du
2 commandant Jovanovic, c'est vous qui l'avez appelé "commandant".
3 Il a mentionné, apparemment, que les unités appelées des "Aigles blancs"
4 étaient aussi sous son commandement?
5 Témoin VG-022 (interprétation): Oui.
6 Question: Ma question est la suivante: est-ce que, à l'époque, il y avait
7 de telle formation à Visegrad et qui les représentait?
8 Réponse: A ma connaissance et à l'époque il n'y avait pas de telles unités
9 à Visegrad, mais tout le monde avait entendu parler de ces nunités-là et
10 elles étaient source de terreur pour tous les Musulmans.
11 Question: Donc, au moment où ils ont parlé, il n'y avait pas de telles
12 unités à Visegrad?
13 Réponse: Non, pas à Visegrad. Mais au village de Dobrun qui se trouve à
14 une dizaine de kilomètres de Visegrad en direction de la Serbie, ils y
15 étaient et des gens avaient trouvé leurs enseignes. Donc ils étaient dans
16 les environs de la ville mais ils ne se trouvaient pas dans la ville même.
17 Question: Est-ce que vous avez eu des informations comme quoi les gens qui
18 se trouvaient au village de Dobrun étaient des locaux, ou bien, c'étaient
19 des gens qui étaient venus de Serbie ou d'ailleurs?
20 Réponse: Il est difficile de donner une réponse exacte, c'est-à-dire de
21 savoir s'il s'agissait-là des gens qui étaient venus de Serbie ou bien qui
22 étaient des Serbes locaux. A mon sens, c'était un mélange, il y avait les
23 deux: des Serbes locaux et des gens qui étaient venus de Serbie.
24 Question: D'après votre réponse, je suppose que vous ne connaissez pas
25 leurs noms, même pas de ceux qui étaient des locaux.
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1 Réponse: C'est exact.
2 M. Domazet (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions à poser à ce
3 témoin.
4 M. le Président (interprétation): Avez-vous d'autres questions à poser au
5 témoin?
6 M. Groome (interprétation): Non.
7 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur, d'être venu
8 témoigner. Vous pouvez disposer.
9 Qui est votre prochain témoin, Monsieur Groome?
10 M. Groome (interprétation): Puis-je faire une requête dès que le témoin
11 sera parti?
12 (Le témoin VG-022 est reconduit hors du prétoire.)
13 (Questions relatives à la procédure.)
14 M. le Président (interprétation): Allez-y, Monsieur Groome.
15 M. Groome (interprétation): Le rythme a été un peu plus rapide que je
16 n'avais prévu.
17 M. le Président (interprétation): Il doit être très clair pour vous que
18 nous nous attendions à avoir des témoins, ici présents.
19 M. Groome (interprétation): Oui, je suis d'accord, mais on nous a changé
20 le programme deux fois très récemment. Est-ce que je peux faire une
21 requête concernant le prochain témoin qui sera là demain matin?
22 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous voulez dire quand
23 vous mentionnez que la Chambre a changé le programme deux fois dans les
24 deux dernières semaines? Je ne suis au courant que d'une seule fois, le
25 jour où nous allons partager cette salle d'audience.
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1 M. Groome (interprétation): Oui, mais j'ai appris ce matin que nous
2 allions travailler toute la journée au lieu d'une demi-journée. Lundi
3 dernier ou bien durant le mois d'août, on m'avait dit que nous allions
4 travailler cinq jours par semaine par des sessions d'une demi-journée.
5 Après, on m'a dit que ce sera quatre jours et pendant toute la journée.
6 Donc nous allons faire de notre mieux. Il n'est pas du tout dans nos
7 intentions de faire gaspiller le temps qui est à la disposition de la
8 Chambre.
9 M. le Président (interprétation): Je suppose que vous avez supposé que ces
10 témoins seraient ici pour toute la semaine?
11 M. Groome (interprétation): Nous avons supposé qu'il sera là pendant
12 toute cette journée.
13 M. le Président (interprétation): Vous parlez de demi-journées, mais cela
14 n'a jamais été mentionné. C'était tout simplement une proposition faite
15 par le Greffe qui était de dire qu'on travaillerait par des sessions de
16 quatre heures et qu'il y aurait une session le matin et une autre l’âpres
17 midi. Nous allons désormais travailler quatre jours et demi par semaine.
18 Vous devez avoir cela en tête pour le reste de ce procès.
19 Vous devez prévoir les témoins selon la rapidité avec laquelle vous allez
20 les interroger, mais nous devons toujours avoir le témoin suivant prêt au
21 cas ou quelque chose se passerait très vite et qu'un témoin terminerait sa
22 déposition très vite.
23 Donc le témoin qui aurait dû être votre premier témoin d'aujourd'hui n'est
24 pas là non plus. Donc nous allons maintenant aller en huis clos partiel.
25 (Huis clos partiel à 15 heures 22.)
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18 (La séance est levée à 15 heures 55.)
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