Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Lundi 10 septembre 2001.)

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

  4   (Questions relatives à la procédure.)

  5   M. le Président (interprétation): Veuillez donner le numéro de l'affaire,

  6   s'il vous plaît.

  7   Mme Philpott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame les

  8   Juges. Affaire IT-98-32-T, le Procureur contre Mitar Vasiljevic.

  9   M. le Président (interprétation): Je vais demander à l'accusation de se

 10   présenter.

 11   M. Groome (interprétation): Je représente l'accusation avec Frederick

 12   Ossogo et Sabine Bauer et je m'appelle Dermot Groome.

 13   M. le Président (interprétation): Et pour la Défense?

 14   M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je m'appelle Vladimir

 15   Domazet. Je suis le conseil principal de Mitar Vasiljevic et je suis

 16   accompagné de Me Radomir Tanaskovic qui est mon co-conseil en l'espèce.

 17   M. le Président (interprétation): Merci.

 18   Monsieur Vasiljevic, êtes vous en mesure de comprendre les débats dans une

 19   langue que vous comprenez? Il est inutile pour vous de vous lever.

 20   M. Vasiljevic (interprétation): Oui, je peux vous comprendre, Monsieur le

 21   Président.

 22   M. le Président (interprétation): Je ne vous poserai plus cette question

 23   tant que nous serons dans cette procédure, mais si à un moment donné vous

 24   avez du mal à nous suivre, n'hésitez pas à le faire savoir pour que nous

 25   puissions régler la question. Il est essentiel que vous suiviez les


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  1   débats.

  2   M. Groome (interprétation): Avant de vous entendre, d'entendre votre

  3   déclaration liminaire, il y a un certain nombre de questions que je

  4   souhaite soulever avec vous. D'après ce que j'ai pu constater, l'accusé

  5   n'a jamais présenté de plaidoyer en ce qui concerne l'Acte d'accusation

  6   modifié. Si vous avez des informations allant dans le sens contraire,

  7   faites-le moi savoir mais moi, je n'ai vu aucun compte rendu d'audience à

  8   cet effet.

  9   M. Groome (interprétation): Cet Acte d'accusation modifié a été déposé au

 10   cours des trois derniers mois, donc il n'y a pas eu de plaidoyer.

 11   M. le Président (interprétation): Donc il conviendrait de le faire aussi

 12   rapidement que possible avant de vous laisser commencer.

 13   Deuxième chose en ce qui concerne nos heures d'audience, c'est qu'à ce

 14   stade et à moins qu'il n'y ait des modifications ultérieures, nous

 15   n'allons pas participer… partager cette salle d'audience avec un autre

 16   procès. Donc nous siégerons de 9 heures 30 à 11 heures, de 11 heures 30 à

 17   13 heures et de 2 heures 30 à 16 heures. Cette semaine, nous n'allons

 18   siéger que de lundi à jeudi car il y a un grand nombre de questions

 19   relatives à la mise en état de nombreuses affaires à traiter vendredi.

 20   Suivant la célérité avec laquelle nous avancerons dans ce procès, j'espère

 21   que nous parviendrons à avancer en siégeant quatre jours ou quatre jours

 22   et demi par semaine. On verra comment nous avançons.

 23   J'étais un petit peu alarmé de voir dans le dernier mémoire préalable au

 24   procès que l'accusation a fait évoluer son estimation en ce qui concerne

 25   le nombre de journées c'est cela pour la présentation de sa thèse de 15


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  1   à 26 jours et demi. Mais peut-être que si nous en avions parlé lors de la

  2   conférence préalable au procès, cette question aurait été réglée. Mais en

  3   tout cas, 26 jours c'est inacceptable, deux mois de travail, nous n'avons

  4   pas de temps et nous ne voulons pas entendre les témoins nous répéter

  5   toujours la même chose.

  6   En tout cas, quand nous en aurons fini d'entendre les témoins cette

  7   semaine, nous aurons une idée de la nature des positions que nous

  8   entendrons tout au long du procès, surtout en ce qui concerne ce que

  9   j'appellerai le chapeau ou les questions qui sont traitées dans le

 10   chapeau.

 11   Autre chose: on m'a informé vendredi que la famille de l'accusé sera dans

 12   la galerie du public, la minuscule galerie du public dont nous disposons

 13   ici. J'espère qu'ils pourront y assister toute la semaine mais je

 14   souhaiterais stipuler une chose, c'est qu'à partir de cette petite boîte

 15   on peut voir les témoins. Or, pratiquement tous les témoins à l'exception

 16   d'un seul bénéficient de mesures de protection. On a mis en place un

 17   certain nombre de panneaux dans la petite galerie du public et on va voir,

 18   on va vérifier si, en effet, cela empêche de voir le témoin. Mais donc, je

 19   souhaiterais attirer votre attention, Monsieur Groome, sur le fait qu'il y

 20   aura des gens dans la galerie du public cette semaine. Donc il convient

 21   de… Il conviendra de faire attention à ce que le témoin ne puisse être vu

 22   depuis cet endroit.

 23   Enfin, Maître Domazet a déposé ses arguments pour demander l'admission

 24   d'éléments de preuve qui indiquent qu'il y a eu des attaques de la part

 25   des Musulmans contre la population civile serbe, et nous avons maintenant


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  1   besoin d'une réponse de l'accusation à cela aussi rapidement que possible

  2   car malheureusement, ce document a été déposé plus tard que nous le

  3   pensions et c'est indéniablement une question qui va se poser dès le

  4   premier témoin.

  5   Est-ce que vous y avez déjà réfléchi, Monsieur Groome?

  6   M. Groome (interprétation): J'étais occupé à la préparation des témoins.

  7   J'ai lu la requête, ce soir je travaillerai sur la question et vous

  8   présenterai un document dès demain.

  9   M. le Président (interprétation): Mais demain c'est peut-être trop tard

 10   parce que ceci va se poser dès le premier témoin, dès son contre-

 11   interrogatoire.

 12   M. Groome (interprétation): Vu la déposition du témoin, je ne suis pas sûr

 13   que ce soit le cas. Sinon, eh bien je suis prêt à traiter de la question

 14   oralement.

 15   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet nous envoie une note

 16   nous disant que la famille de l'accusé n'est pas là. Est-il exact, donc,

 17   que la famille ne sera pas là tout le temps, Maître Domazet?

 18   M. Domazet (interprétation): Je crois que cette semaine, ou plutôt la

 19   semaine, c'est sûr.

 20   M. le Président (interprétation): Mais c'est sûr qu'ils seront là ou pas?

 21   M. Domazet (interprétation): Non, ils ne seront pas là.

 22   M. le Président (interprétation): Bien, donc… En tout cas, il y a

 23   quelqu'un dans la galerie du public; j'y vois un juriste de la Chambre.

 24   Monsieur Domazet, en ce qui concerne le plaidoyer à présenter en ce qui

 25   concerne l'Acte d'accusation modifié, c'est une question purement


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  1   formelle; je pars du principe que votre client va plaider non coupable au

  2   titre des faits qui lui sont reprochés, j'imagine. A moins que vous n'ayez

  3   des objections, je me propose simplement de lui demander s'il plaide

  4   coupable ou non coupable en ce qui concerne toutes les charges qui lui

  5   sont faites, et je lui demanderai donc une réponse globale.

  6   Est-ce que cela vous pose des difficultés?

  7   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je suis d'accord.

  8   M. le Président (interprétation): Vous êtes d'accord? Très bien.

  9   Monsieur Vasiljevic, maintenant je vais vous demander effectivement de

 10   vous lever, s'il vous plaît. Un Acte d'accusation modifié a été déposé

 11   dans votre affaire, qui réduit l'ampleur des charges qui pèsent contre

 12   vous. Cependant, il y a un certain nombre de charges qui restent dans cet

 13   Acte d'accusation. Vous avez plaidé non coupable au titre de l'Acte

 14   d'accusation original. Je vous demande donc si vous plaidez coupable ou

 15   non coupable au titre de chacune des charges qui figurent à l'Acte

 16   d'accusation modifié qui est présenté à votre encontre.

 17   M. Vasiljevic (interprétation): Monsieur le Président, je plaide non

 18   coupable.

 19   M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

 20   Monsieur Groome, est-ce que cela vous agrée? Est-ce que la question est

 21   réglée à votre convenance?

 22   M. Groome (interprétation): Oui.

 23   M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons maintenant pouvoir

 24   écouter votre déclaration liminaire.

 25   M. Groome (interprétation): Oui.


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  1   Une seule chose: Me Radomir Tanaskovic comparaît pour la première fois

  2   dans cette salle et vu la situation très difficile des témoins, je

  3   voudrais savoir s'il a pris connaissance du Règlement relatif aux mesures

  4   de protection.

  5   M. le Président (interprétation): Cela, c'est vraiment quelque chose qu'il

  6   convient de régler à l'extérieur du prétoire. On part du principe qu'il va

  7   se conformer au Règlement. Maître Domazet connaît très bien la procédure

  8   du Tribunal; il fera en sorte que son co-conseil lise les ordonnances

  9   pertinentes. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de poser la question

 10   formellement à Me Tanaskovic dans le prétoire.

 11   Est-ce que vous allez déposer aujourd'hui, Monsieur Groome?

 12   M. Groome (interprétation): [Hors micro.] On m'a dit que je pourrais

 13   prononcer ma déclaration liminaire ici.

 14   M. le Président (interprétation): Je n'ai jamais rien vu de la sorte. Vous

 15   pouvez le faire si vous le souhaitez, à condition que l'on puisse vous

 16   entendre. Il vaudrait mieux, pour ce faire, que vous allumiez le micro.

 17   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

 18   tout ce qu'il voulait, c'était partir. Tout ce qu'il voulait, c'était

 19   quitter Visegrad. Le 14 juin 1992, l'opération de nettoyage ethnique de

 20   Visegrad était déjà bien en marche et elle était aussi brutale qu'elle

 21   était de grande envergure.

 22   La plupart des Musulmans de la ville, qui étaient déjà partis une fois

 23   dans la crainte, étaient revenus et maintenant ils étaient partis pour la

 24   deuxième et la dernière fois. Et ceux qui restaient étaient parmi les

 25   derniers à penser que ce dont ils croyaient que c'était impossible était


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  1   en train de se produire.

  2   Le 13 juin, un Serbe de Koritnik est allé voir ses voisins musulmans et

  3   leur a annoncé avec une brutale franchise: "Il faut partir parce que vous

  4   allez faire l'objet d'un nettoyage ethnique. Vous faites l'objet d'un

  5   nettoyage ethnique, il faut partir pour Kladanj."

  6   Ces derniers Musulmans qui restaient à Koritnik se sont finalement

  7   résignés à la réalité qui les entourait et ils ont accepté de s'en aller.

  8   Lorsqu'ils ont franchi le vieux pont turc de Visegrad, le 14, ils

  9   cherchaient tout simplement la Croix-Rouge. On leur avait dit qu'il y

 10   aurait un autobus qui les attendrait pour les emmener en lieu sûr. Or, il

 11   n'y avait pas d'autobus. On leur a dit que peut-être, demain, il y en

 12   aurait.

 13   Leur tragédie a commencé lorsqu'ils ont rencontré l'accusé, M. Vasiljevic.

 14   Monsieur Vasiljevic n'est pas l'accusé du Tribunal qui soit le plus connu,

 15   qui ait la plus mauvaise réputation; ce n'est pas un grand politicien qui

 16   soit derrière les plans de massacre de la Bosnie. C'est une simple garçon

 17   de café, généralement apprécié par les Musulmans et par les Serbes. Mais

 18   c'est lui qui, de ses propres mains, a commis un acte qui est peut-être un

 19   des affronts les plus horribles à l'humanité qui aient eu lieu autour de

 20   la guerre contre les plus innocentes des victimes.

 21   Monsieur le Juge Hunt, Mesdames les Juges Janu et Taya, au nom de Mme le

 22   Procureur Carla del Ponte, il en va de ma responsabilité et c'est mon

 23   privilège, de vous présenter les éléments à charge de l'accusation contre

 24   M. Vasiljevic.

 25   Le crime dont je vous parle a commencé lorsque M. Vasiljevic a offert son


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  1   aide à ces gens qui étaient désespérés. Il les a emmenés dans une maison;

  2   il leur a dit d'y rester pendant la nuit en leur disant qu'ils étaient en

  3   lieu sûr. Il leur a donné une autorisation écrite pour leur permettre de

  4   rester là pendant la nuit. Il leur a raconté qu'il travaillait pour la

  5   Croix-Rouge, qu'on les ferait monter dans un bus pour les amener en lieu

  6   sûr dès le matin.

  7   Ensuite, il devait avec Milan Lukic et plusieurs autres brûler ces

  8   personnes vives et quelque 65 personnes au moins, la plupart d'entre elles

  9   étant des femmes et des petits-enfants sans défense. Ils ont été forcés

 10   d'entrer dans une maison où l'on avait déjà répandu des liquides

 11   inflammables, et cette maison a ensuite été incendiée.

 12   Il y avait, parmi ces personnes, une petite fille de trois jours

 13   seulement. Pendant deux heures après le début de l'incendie, on a entendu

 14   encore les victimes hurler de douleur.

 15   Et ce n'était pas la première fois que M. Vasiljevic et M. Milan Lukic

 16   tuaient des Musulmans avec d'autres. Ces deux hommes avaient emmené sept

 17   hommes désarmés sur la rive gauche de la Drina et ensuite, leur avaient

 18   tiré une balle dans le dos, pensant les avoir d'ailleurs tués tous les

 19   sept. Mais l'un de ces hommes étaient un ancien collègue de M. Vasiljevic;

 20   il a plaidé, il a imploré qu'on lui sauve la vie, qu'on le préserve, mais

 21   on lui a quand même tiré une balle dans la tête.

 22   Ces sept hommes ont ensuite été jetés dans la rivière mais, fort

 23   heureusement, deux d'entre eux ont réussi à survivre et nous pourrons les

 24   entendre au cours de ce procès.

 25   Quelques mots sur l'ex-Yougoslavie avant d'entamer ce qui a trait


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  1   véritablement à ce procès. L'ex-Yougoslavie, jusqu'en 1991, était un Etat

  2   fédéral qui comptait six Républiques. L'une de ces Républiques, la Serbie,

  3   comptait les provinces autonomes de la Voïvodine et du Kosovo. Après la

  4   mort du général Tito, les forces qui avaient maintenu une cohésion forcée

  5   entre ces Républiques ont commencé à se désintégrer. C'est à ce moment là

  6   que l'on a commencé à voir que la Yougoslavie, telle qu'elle existait

  7   depuis des dizaines d'années, menaçait de s'effondrer.

  8   Les institutions qui étaient de plus en plus favorables aux Serbes, y

  9   compris l'armée populaire yougoslave, ont participé à toute une série de

 10   conflits; tout d'abord en Slovénie, ensuite en Croatie et, peu après, en

 11   Bosnie.

 12   Tout ceci se faisait pour créer un nouveau pays, un pays qui s'appelait

 13   encore la Yougoslavie au sein de ces Républiques en train de se séparer.

 14   Donc, une nouvelle République qui serait construite sur la dépouille

 15   partielle de deux autres Républiques.

 16   Ce plan a été conçu par les dirigeants politiques serbes, aussi bien en

 17   Serbie qu'en Bosnie, a été exécuté de la manière la plus brutale qui se

 18   puisse imaginer par la JNA, en coopération avec les forces spéciales du

 19   ministère des Affaires intérieures serbes et des groupes paramilitaires

 20   financés par les partis nationalistes. Ils ont travaillé en coopération

 21   étroite avec la police locale et les dirigeants politiques locaux. Les

 22   opérations militaires des Serbes étaient coordonnées, étaient

 23   systématiques et à la fin de 1992, cette campagne avait entraîné la mort

 24   ou le déplacement forcé d'environ deux millions de non-Serbes dont on ne

 25   souhaitait pas qu'ils participent à cet Etat serbe homogène sur le plan


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  1   ethnique.

  2   Dans une série de résolutions, les Nations Unies se sont efforcées

  3   d'apaiser ce conflit ethnique. Les Nations Unies ont mis en place un

  4   embargo sur les armes contre l'ex-Yougoslavie, ce qui a empêché les

  5   Bosniaques de s'armer et empêché les Serbes d'avoir accès à plus d'armes.

  6   Cependant, du fait de la pression internationale, la JNA a été contrainte

  7   de se retirer de la Bosnie le 19 mai 1992 mais en fait ceci n'était

  8   qu'illusoire parce qu'il est resté encore beaucoup d'hommes, beaucoup

  9   d'équipements en Bosnie et tout ceci a été rebaptisé l'armée de la

 10   Republika Srpska, l'armée des Serbes de Bosnie.

 11   Maintenant, Visegrad. Avant le conflit en Bosnie, Visegrad c'était une

 12   petite ville au sud-est de la Bosnie-Herzégovine; c'est une de ces villes

 13   au long de la Drina qui, aujourd'hui, appartiennent à la Republika Srpska.

 14   A Visegrad, il y a un certain nombre de choses qui ont donné une

 15   importance stratégique à cette ville. Premièrement, sur la municipalité,

 16   sur le territoire de la municipalité vous avez un barrage hydroélectrique

 17   qui non seulement fournit une électricité essentielle, mais qui contrôlait

 18   le niveau de la rivière et empêchait les crues en aval. Deuxièmement, la

 19   ville était un centre important au niveau des transports situé sur la

 20   route principale entre Belgrade et Sarajevo. La route principale entre

 21   Titovo Uzice en Serbie et Gorazde et Sarajevo traversait Visegrad et

 22   c'était un acte stratégique pour le corps d'armée de Uzice de la JNA qui

 23   était stationné à Uzamnice.

 24   Je vais maintenant vous demander d'examiner une photographie aérienne de

 25   cette ville avec un certain nombre d'endroits qui vont revenir souvent


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  1   dans le cadre des dépositions. Je vais d'abord commencer par un point très

  2   connu à Visegrad: le vieux pont turc.

  3   M. le Président (interprétation): Il convient d'approcher un microphone.

  4   Et je dois vous signaler que votre débit est extrêmement rapide.

  5   Attention.

  6   M. Groome (interprétation): Donc la Drina coule dans ce sens, voici donc

  7   le pont. Au centre, vous avez un élargissement de la rivière, ici vous

  8   avez ce que l'on a appelé le divan, une espèce de… où les rochers forment

  9   une sorte de siège, où les gens s'arrêtaient pour discuter. Il y a un

 10   autre pont qui traverse la Drina, c'est le nouveau pont. Et puis il y a

 11   enfin un dernier pont, ici, dont nous allons souvent parler.

 12   Ici, nous avons le stade de football. Nous entendrons des témoins nous

 13   raconter comment 4.000 Musulmans ont été réunis à cet endroit un jour pour

 14   être fouillés un par un et être intimidés.

 15   Ici se trouve la rue Pionirska . Nous allons parler d'un certain nombre de

 16   maisons, de deux, trois maisons qui se trouvent sur cette rue. Elles se

 17   trouvent à peu de distance de ce bâtiment blanc qui est une école.

 18   Ici vous avez, en bas, le hameau de Bikavac et vous entendrez des témoins

 19   nous raconter que des hommes de la région se sont réunis à cet endroit

 20   pendant de longues semaines avant d'être arrêtés.

 21   Maintenant, nous revenons ici au centre ville et vous avez ici l'hôtel

 22   Visegrad, le poste de police, le restaurant Panos, restaurant où

 23   travaillait l'accusé et où la plupart des gens ont fait connaissance avec

 24   lui.

 25   Il y a deux endroits qui ne figurent pas sur cet photographie mais dont


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  1   nous allons souvent parler pendant les dépositions. Il y a d'abord la

  2   caserne Uzamnice qui serait à gauche, et puis vous avez également le

  3   barrage hydroélectrique qui serait à gauche de la photographie, qui est

  4   plus loin, qu'on ne voit pas sur la photographie.

  5   Deux autres endroits qui ne figurent pas sur cette carte et dont nous

  6   entendrons parler: un endroit à Sase, le village de Sase où des hommes ont

  7   été tués, qui se trouve sur la rive est de la Drina au nord de la ville.

  8   Dernier endroit que je souhaiterais mentionner à votre intention, c'est

  9   l'hôtel Vilina Vlas qui se trouve au nord-est de la ville et qui se

 10   trouverait à peu près à l'endroit que j'indique ici. C'est là que les

 11   hommes sont allés avant qu'on ne les emmène à la rivière.

 12   Les unités locales serbes ont commencé à pilonner la ville au moyen de

 13   pièces d'artillerie et à l'encercler, à pilonner également les villages

 14   environnants le 6 avril 1992 et ce sont essentiellement les quartiers

 15   musulmans et les villages musulmans qui ont été ciblés. Par mesure de

 16   représailles, un petit groupe de Musulmans de Bosnie a pris le contrôle de

 17   ce barrage que j'ai déjà mentionné; ils ont menacé de faire sauter le

 18   barrage. L'armée yougoslave se rapprochait de plus en plus du centre de la

 19   ville et un de ces Musulmans a réussi à libérer de l'eau au niveau du

 20   barrage et à inonder un certain nombre de rues. Cette crise a suscité

 21   l'intérêt des médias et beaucoup sont intervenus, beaucoup de dirigeants

 22   sont intervenus dans le cadre de négociations intenses qui ont ensuite

 23   suivi et beaucoup de résidents de la ville, aussi bien Serbes que

 24   Musulmans, ont quitté la ville pour attendre la fin de la crise.

 25   La crise au niveau du barrage a pris fin lorsque des commandos de la JNA


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  1   en ont pris possession. Le lendemain, ils ont été suivis par un grand

  2   nombre d'unités du corps d'armée de Uzice de la JNA qui venaient

  3   d'arriver. Ils ont rencontré quelques résistances de la part de groupes

  4   musulmans mais ils ont eu peu de problème pour prendre le contrôle de la

  5   ville. Après avoir pris le contrôle de cet endroit, la JNA a positionné

  6   des chars et des pièces d'artillerie lourde dans la ville. La JNA arrêtait

  7   des hommes et des femmes pour les interroger et certains auraient été

  8   passés à tabac.

  9   Après s'être rendus maîtres de la ville, les officiers de la JNA et les

 10   dirigeants musulmans, persuadés par la JNA que les Musulmans seraient en

 11   toute sécurité, ont mené une campagne, dans les médias notamment, pour

 12   encourager les Musulmans à sortir de leurs cachettes et à revenir dans

 13   leurs maisons et beaucoup des Musulmans de Bosnie sont ainsi revenus chez

 14   eux, revenus sur leur poste de travail parce qu'ils avaient peur de perdre

 15   leur emploi. Peu après leur retour, ils ont compris en fait que ce

 16   Visegrad qu'ils retrouvaient était beaucoup plus dangereux que le Visegrad

 17   qu'ils connaissaient avant. Il semblait partout y avoir des membres des

 18   unités paramilitaires, de la police; les gens se voyaient dévalisés par

 19   les policiers, par des unités paramilitaires; on les menaçait de les tuer

 20   s'ils ne remettaient pas tous leurs biens.

 21   Des Musulmans, des notables musulmans se sont vu renvoyés de leur poste de

 22   travail; certains ont carrément disparu. Les unités paramilitaires

 23   circulaient en ville et faisaient passer des cassettes audio où l'on

 24   entendait des personnes torturées en train de hurler, et ils diffusaient

 25   cela au moyen de haut-parleurs placés sur leurs véhicules.


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  1   La situation a encore empiré lorsque le Corps d'armée de Uzice a quitté la

  2   ville vers le 19 mai 1992. A leur départ, les dirigeants locaux, les

  3   Serbes, ont mis en place la municipalité serbe de Visegrad et ils ont pris

  4   le contrôle des bureaux de la municipalité.

  5   Peu de temps après, les Serbes de la ville, des policiers, des unités

  6   paramilitaires, ont mis en œuvre une des campagnes de nettoyage ethnique

  7   les plus violentes qu'ait connu le conflit en Bosnie. L'objectif était

  8   d'éliminer les 13.000 Musulmans qui résidaient en ville. Pendant la

  9   période qui a suivi, des forces serbes et des forces serbes de Bosnie ont

 10   attaqué et détruit un certain nombre de villages musulmans: des centaines

 11   de civils musulmans non armés de la ville de Visegrad ont été tués

 12   uniquement à cause de leur appartenance ethnique. On a très fréquemment

 13   jeté dans la rivière Drina les cadavres de femmes, d'hommes et d'enfants

 14   qui avaient été tués, le long de la Drina ou sur le pont turc historique

 15   qui a été pendant des siècles un symbole de l'animosité qui persistait

 16   entre Musulmans et Serbes.

 17   Beaucoup de ces corps mutilés atrocement ont échoué près du village de

 18   Slap. Beaucoup de Musulmans qui n'ont pas été tués ont été détenus en

 19   ville, notamment dans la caserne de la JNA à Uzamnice; certains à l'hôtel

 20   Vilina Vlas, etc.

 21   Les victimes ont été régulièrement rouées de coups, torturées, soumises à

 22   des violences sexuelles; beaucoup ont été tuées. Et les deux mosquées que

 23   comptait la ville ont été complètement détruites.

 24   Au cours du printemps de 1992, un ancien habitant de Visegrad, Milan

 25   Lukic, est revenu à Visegrad et il a pris contrôle d'une unité


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  1   paramilitaire qui travaillait avec les unités de la police et de l'armée

  2   pour imposer un régime de terreur à l'encontre de la population musulmane.

  3   Souvent, les gens du coin appelaient cette unité les "Aigles blancs" et

  4   l'on y trouvait le cousin de Milan Lukic, Sredoje Lukic, et son "kum",

  5   terme serbe qui désigne le témoin de mariage, donc son "kum", l'accusé

  6   Mitar Vasiljevic.

  7   Milan Lukic et Mitar Vasiljevic étaient très amis et leurs familles

  8   étaient très proches, ceci depuis plusieurs générations. Sredoje Lukic

  9   appartenait à la police de Visegrad et Mitar Vasiljevic était un garçon de

 10   café très connu qui travaillait pour la société Panos qui gérait plusieurs

 11   restaurants et cafés dans la zone de Visegrad.

 12   D'avril 1992 à octobre 1994, Milan Lukic et son groupe ont commis des

 13   centaines de crimes dans la municipalité de Visegrad contre ceux qui

 14   n'étaient pas Serbes. La plupart des victimes ont été tuées sur le vieux

 15   pont turc et ensuite jetées à l'eau et de là, les corps ont dérivé vers

 16   Slap où on les retirait de l'eau pour leur donner un semblant

 17   d'enterrement musulman.

 18   Malheureusement, l'histoire de Visegrad est l'histoire des expériences de

 19   nettoyage ethnique les plus réussies qui aient eu lieu pendant la guerre

 20   des Balkans. Il y avait 21.000 habitants à cet endroit, dont 62% étaient

 21   musulmans, mais vous entendrez qu'après la guerre il n'y avait plus

 22   personne. Visegrad, malheureusement, est la ville où il y a eu le plus

 23   grand nombre de disparus après Srebrenica. La plupart des disparus sont

 24   des hommes, des jeunes adolescents, et la plupart d'entre eux ont disparu

 25   en mai et juin 1992, au moment où l'accusé a participé à ce plan


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  1   diabolique.

  2   Ma tâche, ici, est de prouver que Mitar Vasiljevic appartenait à une bande

  3   de criminels qui a participé à ce nettoyage ethnique, un nettoyage

  4   ethnique orchestré par Slobodan Milosevic, Radovan Karadzic et d'autres.

  5   Nous allons montrer de nombreux éléments de preuve à cet effet.

  6   Vous entendrez un homme qui était un notable de la communauté de Visegrad.

  7   Il va parler d'un événement terrifiant: on l'a fait venir au poste de

  8   commandement de la JNA pour qu'il y rencontre le colonel commandant de

  9   cette unité. Il était assis à une table dans un bureau; trois officiers

 10   qu'il ne connaissait sont entrés, se sont assis en face de lui. Ne sachant

 11   pas qu'il était musulman, ils n'ont pas fait attention à lui. L'un d'entre

 12   eux a déplié une carte de la ville et il a indiqué aux deux autres

 13   officiers des zones qui se trouvaient le long de la rive droite de la

 14   Drina et dont le nettoyage ethnique avait été réalisé. Le témoin,

 15   paralysé, s'est rendu compte que l'officier indiquait une zone où vivait

 16   sa famille. Il a entendu cet officier dire que cet endroit devait être

 17   nettoyé le lendemain.

 18   Nous allons également voir une vidéo qui a été réalisée cinq ou six

 19   semaines avant que ces crimes ne soient commis, vidéo réalisée par la

 20   télévision serbe. On voit un hélicoptère de l'armée de la JNA à Visegrad.

 21   On constate que l'hélicoptère vole au-dessus d'une installation ou d'une

 22   base de l'armée où étaient rassemblés des Musulmans. Dans cette vidéo, on

 23   voit également un camion de l'armée où se trouvent un certain nombre de

 24   soldats et de Musulmans. Au moment où la caméra filme le camion, on peut

 25   voir le visage terrorisé de ces hommes et de ces femmes. L'un de ces


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  1   hommes viendra dans ce prétoire; il nous racontera comment l'armée est

  2   venue dans son village, a rassemblé tous les Musulmans et les a emmenés au

  3   stade de football de la ville. Il va nous raconter que, lorsqu'il a

  4   traversé le pont turc, le vieux pont turc dans ce camion, le camion donc

  5   était dans une colonne d'autres camions où étaient entassés des femmes,

  6   des enfants, des hommes musulmans terrorisés. Ce témoin nous racontera

  7   que, au bout du pont, il y avait des unités paramilitaires dont les

  8   Aigles blancs qui ont commencé à insulter tous les Musulmans sans que les

  9   soldats n'interviennent. Le témoin nous dira que certains de ses amis, qui

 10   étaient avec lui à ce moment là, ont été emmenés et ont disparu.

 11   Je souhaiterai parler plus en détail des crimes qui sont reprochés à

 12   l'accusé. Nous allons fournir des éléments de preuve directs montrant que

 13   le 7 juin 1992, Milan Lukic, Mitar Vasiljevic et d'autres membres du

 14   groupe de Milan Lukic ont arrêté sept hommes musulmans; ils les ont

 15   emmenés dans un véhicule jusqu'au bord de la Drina et ils leur ont tiré

 16   dessus. Cinq de ces hommes sont décédés suite à ces tirs; deux ont

 17   prétendu être morts et cela leur a sauvé la vie.

 18   Tout ceci avait commencé à 17 heures 30 ou vers 17 heures 30, le 7. Milan

 19   Lukic et ses hommes étaient en train de fouiller des maisons pour y

 20   trouver des Musulmans. L'un des premiers hommes à être fait prisonnier a

 21   été emmené de chez lui. Au moment où on l'emmenait, il a demandé qu'on lui

 22   permette d'embrasser sa fille pour lui dire au revoir; Milan Lukic a

 23   répondu non. Mais au moment où Lukic lui tournait le dos, il a rapidement,

 24   furtivement, donné un baiser à sa petite fille.

 25   Les deux premiers hommes qui ont été faits prisonniers ont été emmenés


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  1   dans une Volkswagen Passat rouge. Tout le monde savait que Milan Lukic

  2   utilisait ce véhicule, il l'avait volé à une femme d'affaires musulmane

  3   qui avait été une des premières, d'ailleurs, à être tuée.

  4   A peu près au même moment, il y avait six autres hommes de Lukic qui

  5   fouillaient des maisons musulmanes situées près de l'hôtel de Bikavac.

  6   Deux des hommes qui ont été arrêtés vivaient depuis plusieurs semaines au

  7   sous-sol d'une maison dans laquelle ils se cachaient derrière une armoire

  8   chaque fois qu'ils entendaient une voiture passer dans la rue. Et puis un

  9   de ces hommes a vu sa propre voiture avancer dans la rue moteur éteint. Il

 10   est sorti par curiosité, il n'a pas réalisé qu'il y avait plusieurs hommes

 11   de Lukic qui, en fait, attendaient. Il a été arrêté et, avec son

 12   compagnon, ils ont été détenus ainsi jusqu'à l'arrivée de Milan Lukic.

 13   Ensuite, on les a emmenés dans une autre maison qui se situait à peu de

 14   distance et là, ils ont rejoint d'autres hommes qui n'avaient

 15   malheureusement pas pu s'échapper.

 16   Lorsque Milan Lukic est arrivé à cet endroit, les Musulmans ont été

 17   fouillés; on leur a pris tous leurs biens de valeur ainsi que leurs

 18   documents d'identité. Et la première indication des intentions de Milan

 19   Lukic, c'est ce qu'il a fait avec ces documents d'identité. Parce que

 20   qu'est-ce qu'il a fait? Il les a jetés par terre et il les a, avec le

 21   pied, poussés derrière la porte. Ensuite, ces hommes ont été contraints de

 22   monter dans deux voitures qui avaient été volées à des Musulmans de

 23   Bosnie. Les deux voitures sont parties, elles ont traversé la ville, elles

 24   sont passées devant les mosquées détruites en direction de l'hôtel Vilina

 25   Vlas et en chemin, Milan Lukic s'est arrêté à côté de piétons. Il leur a


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  1   demandé comment ils s'appelaient. Il voulait voir s'il s'agissait ou non

  2   de Musulmans. A l'un des points de contrôle par lesquels ils sont passés,

  3   il a dit à l'un des officiers de police qui se trouvaient là: "Je me suis

  4   trouvé plusieurs balija". "Balija", c'est un terme péjoratif qui est

  5   utilisé pour décrire les Musulmans.

  6   Lorsque les deux voitures où se trouvaient les sept Musulmans prisonniers

  7   sont arrivées à l'hôtel Vilinas Vlas qui était vide, ils y ont retrouvé

  8   l'accusé Vasiljevic et d'autres membres du groupe de Milan Lukic. L'accusé

  9   se trouvait à gauche dans le hall. Les victimes connaissaient très bien

 10   l'accusé parce qu'il y avait de nombreuses années qu'il travaillait comme

 11   garçon, comme serveur dans les restaurants, dans les cafés de la société

 12   Panos à Visegrad. L'une des victimes, Meho Dzafic, avait d'ailleurs été le

 13   supérieur et le mentor de Vasiljevic dans l'entreprise.

 14   L'accusé était vêtu d'un uniforme vert olive avec un ruban vert sur la

 15   manche. Aussi bien sur sa casquette noire que sur son uniforme, il portait

 16   l'insigne de l'aigle à deux têtes. Il portait une arme automatique, un

 17   fusil automatique. Les Musulmans ont été alignés le dos à la réception et

 18   Mitar Vasiljevic se tenait sur leur droite, alors qu'un autre Serbe se

 19   tenait à gauche.

 20   Milan Lukic a fouillé dans le bureau, à la réception, pour chercher une

 21   clef qu'il n'a pas trouvée. Lorsqu'il a constaté qu'il ne pouvait pas

 22   trouver les clefs qu'il cherchait, il s'est exclamé, furieux: "Retournons

 23   là-bas!". Alors les sept hommes, une fois de plus, ont été contraints de

 24   monter dans les deux voitures. L'accusé Vasiljevic était assis sur le

 25   siège du passager de la Passat; Milan Lukic conduisait ce véhicule. Les


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  1   deux véhicules sont allés jusqu'à Sase, un petit village qui se trouve en

  2   dehors de la ville de Visegrad sur le long de la Drina.

  3   En chemin, l'un des hommes appartenant à ces unités paramilitaires a

  4   offert une cigarette à l'un des Musulmans et lui a assuré qu'on les

  5   emmenait pour les échanger. Au moment où ils se sont arrêtés au bord de la

  6   route, devant une maison, Milan Lukic a demandé à Vasiljevic s'il savait

  7   si cette maison appartenait à des Musulmans. Il a répondu que c'était

  8   effectivement le cas.

  9   Après que l'accusé et les autres membres de l'unité paramilitaire sont

 10   sortis de la voiture, ils ont pris position autour de la voiture et ils

 11   ont ordonné aux Musulmans de sortir. Milan Lukic avait un fusil de tireur

 12   embusqué avec un silencieux et Mitar Vasiljevic avait, quant à lui, une

 13   Kalachnikov ou un fusil automatique de type Kalachnikov construit dans la

 14   région, comme les deux autres hommes. Tous les fusils, y compris celui

 15   tenu par M. Vasiljevic, étaient pointés sur les hommes.

 16   Lorsque les hommes capturés se sont trouvés en dehors de la voiture, on

 17   les a forcés à marcher vers la rivière de la Drina à environ 100 mètres.

 18   Sur le chemin de la rivière Drina, Milan Lukic et Vasiljevic gardaient les

 19   personnes condamnées à côté. Les autres membres paramilitaires se

 20   trouvaient de l'autre côté et les gardaient également. Il était clair, le

 21   sort qui leur était réservé. L'un d'eux a essayé de s'approcher de son

 22   beau-frère afin de lui dire au revoir, adieu, mais on lui a dit: "Vite",

 23   en menaçant qu'il fallait qu'il poursuive son chemin.

 24   Lorsqu'ils sont arrivés à la rivière, les sept hommes ont reçu les ordres

 25   de s'aligner. Ils allaient ensuite vers la rivière, sachant que le moment


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  1   où ils allaient y arriver serait leur mort.

  2   L'ancien surveillant de Vasiljevic, Meho Dzafic, n'arrêtait pas d'implorer

  3   l'accusé en lui demandant de lui épargner la vie mais Vasiljevic a répondu

  4   de manière froide: "Je ne te connais pas". Quelques-uns des autres

  5   imploraient également, mais c'était en vain. Un certain nombre d'entre eux

  6   ne disaient rien et ils passaient ces derniers moments de leur vie

  7   d'après ce qu'ils pensaient en pensant à leurs enfants et aux personnes

  8   qu'ils aimaient.

  9   Lorsque les sept hommes se sont trouvés près du bord de la rivière,

 10   Vasiljevic, Milan Lukic et les autres paramilitaires ont pris les

 11   positions à environ dix mètres derrière eux. Après une brève discussion

 12   concernant la question de savoir s'ils allaient utiliser les Kalachnikov

 13   ou les fusils automatiques ou semi-automatiques, on a pu entendre le bruit

 14   de trois coups de feu. Les paramilitaires, avec Milan Lukic à la tête,

 15   n'ont pas arrêté de tirer sur le dos des hommes et sur leur tête jusqu'au

 16   moment où ils croyaient qu'ils les avaient tués.

 17   Deux des victimes se sont jetées dans la rivière au moment où les tirs ont

 18   commencé et faisaient semblant d'être morts. Ils sont restés dans l'eau

 19   pendant que l'on tirait de manière supplémentaire. Ils pouvaient entendre

 20   le bruit des coups de feu qui touchaient les corps de leurs amis. Ils

 21   pouvaient sentir comment la vie quittait ces hommes qui ne bougeaient pas.

 22   Lorsque les paramilitaires pensaient qu'ils avaient tué les sept hommes,

 23   Vasiljevic et Milan Lukic et les autres sont retournés vers leurs deux

 24   voitures et sont partis. Les deux survivants de la fusillade n'ont pas

 25   bougé jusqu'à ce qu'ils entendent les voitures partir.


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  1   Monsieur Vasiljevic a été accusé de ces crimes de meurtres en tant que

  2   crimes contre l'humanité et de violation des lois et coutumes de la

  3   guerre. Le crime des actes inhumains et le crime contre l'humanité et,

  4   finalement, le crime de la violence infligée à la vie et à la personne en

  5   tant que violation des lois et des coutumes de la guerre.

  6   Les moyens de preuve concernant cet incident proviennent de quatre

  7   sources. (expurgé)

  8   (expurgé) ensuite un homme qui se cachait de l'autre

  9   côté de la rivière et qui a pu observer cela à travers les jumelles et,

 10   finalement, le récit de l'accusé lui-même. Je vais parler des cassettes

 11   vidéo qui montrent son entretien et où il a admis avoir été présent

 12   pendant la perpétration de ces crimes à Vilina Vlas et jusqu'au moment où

 13   Milan Lukic l'a ramené chez lui.

 14   Ensuite, l'incendie. Il y a des témoignages crédibles et fiables des

 15   témoins oculaires qui permettent de constater au-delà de tout doute

 16   raisonnable que le 14 juin 1992, environ 75 personnes d'origine ethnique

 17   des Musulmans de Bosnie, pour la plupart les femmes et les enfants, ont

 18   été emprisonnées dans la maison à Pionirska street par M. Vasiljevic,

 19   Milan Lukic, Sredoje Lukic et les autres; ensuite, ils ont été incendiés

 20   et brûlés vivants.

 21   Les événements, avant cela, ont commencé avec un groupe de personnes, pour

 22   la plupart les femmes et les enfants venant d'un hameau qui s'appelait

 23   Koritnik et qui se trouvait à environ six kilomètres par rapport à

 24   Visegrad. Ils se sont regroupés dans la ville de Visegrad et ils ont

 25   demandé de la protection de la part de la Croix-Rouge pour pouvoir quitter


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  1   la ville et plus tard…

  2   M. le Président (interprétation): Veuillez ralentir. Je comprends que vous

  3   vous oubliez mais il est très difficile aux interprètes de suivre.

  4   M. Groome (interprétation): Certaines personnes se présentant comme des

  5   personnes travaillant pour la Croix-Rouge ont dit à ces personnes que leur

  6   transport en dehors de la ville allait être organisé. L'accusé Mitar

  7   Vasiljevic se trouvait parmi ces personnes qui disséminaient les

  8   informations fausses et qui se sont présentées de manière fausse en tant

  9   que membres de la Croix-Rouge. La plupart de ces personnes ont été forcées

 10   de quitter leur maison et savaient que le fait de rester à Visegrad allait

 11   mettre leur vie en danger.

 12   Lorsque le groupe a trouvé que le Bureau de la Croix-Rouge était fermé, il

 13   a continué le chemin vers un quartier musulman au bord de la ville de

 14   Visegrad dans l'espoir qu'ils allaient pouvoir s'y réfugier. Lorsqu'ils

 15   s'approchaient de ces deux hommes, Vasiljevic les a rencontrés, il s'est

 16   présenté en leur disant son nom et son prénom et il leur a dit qu'il

 17   travaillait pour la commission des réfugiés. La plupart d'entre eux le

 18   connaissaient depuis son travail dans le restaurant Panos. Vasiljevic a

 19   dit aux femmes de rester dans la maison détruite de Jusuf Memic dans la

 20   Pionirska, dans la rue Piorniska, et il leur a donné des certificats qui

 21   légitimaient prétendument cet arrangement. Il est retourné par la suite,

 22   le même jour, et il leur parlait de manière rassurante en leur disant

 23   qu'ils allaient se trouver en sécurité et que le matin, le transport

 24   allait être organisé afin de les faire sortir de Visegrad.

 25   Peu de temps après que Visegrad a vu le groupe des Musulmans pour la


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  1   deuxième fois, Milan et Sredoje Lukic, tout comme d'autres personnes de ce

  2   groupe, sont arrivés. Ils ont volé les objets de valeur appartenant au

  3   groupe, ils leur ont posé des questions concernant les maris et en tant

  4   qu'humiliation, dernière humiliation, ils les ont forcés à enlever tous

  5   leurs vêtements. Après cela, ils ont dit la même chose que ce que

  6   Vasiljevic avait dit, c'est-à-dire ils ont dit au groupe de rester dans la

  7   maison jusqu'à la matinée. Plus tard, ce jour, Milan et Sredoje Lukic sont

  8   rentrés dans la maison et ils ont forcé les victimes qui n'avaient plus de

  9   chaussures à aller dans une autre maison dans la rue Pionirska qui

 10   appartenait à Adem Omeragic. Cette personne se trouvait seulement à 20, à

 11   50 mètres; elle était plus proche du ruisseau, derrière les maisons. Déjà,

 12   il y avait plusieurs personnes détenues dans cette maison et le groupe de

 13   la maison de Memic devait… s'entassait ensemble avec l'autre groupe dans

 14   la maison Omeragic.

 15   Il était clair à l'un des témoins, au moment où ils sont entrés, qu'un

 16   produit chimique se trouvait par terre et elle a pu voir qu'il y avait des

 17   barricades derrière les fenêtres. Le produit chimique avait l'odeur de la

 18   colle et il était difficile de respirer. Au bout d'environ 30 minutes,

 19   Milan et Sredoje Lukic et Vasiljevic sont retournés dans la maison et ils

 20   ont ouvert la porte d'entrée. Vasiljevic et Sredoje Lukic empêchaient les

 21   gens de fuir et Milan Lukic a placé un engin explosif sur le tapis et il a

 22   allumé la fusée. Lorsque l'engin a explosé, ceci a donné le feu à la

 23   substance inflammable qui se trouvait par terre. Les flammes se sont vite

 24   répandues et les victimes et la maison ont commencé à brûler.

 25   Vasiljevic et Lukic sont restés à l'extérieur de la maison et ils ont tiré


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  1   sur les personnes qui essayaient de fuir derrière les fenêtres. Une femme

  2   et son fils ont réussi à sortir par la fenêtre et ils ont fui en courant

  3   le long du ruisseau. Un autre jeune garçon a montré à sa mère où se

  4   trouvait la fenêtre et il a sauté d'abord, et ensuite il a couru aussi

  5   vite que possible le long du ruisseau et plus tard, vers la colline, il

  6   n'a pas vu le moment où sa mère a sauté elle-aussi et il n'a pas entendu

  7   ni vu le moment où Milan Lukic a tiré sur elle alors que Mitar Vasiljevic

  8   a dirigé la lumière de sa torche vers elle. Elle est tombée à côté du

  9   ruisseau et au moment où elle était allongée là-bas, elle entendait les

 10   horribles cris des victimes qui brûlaient vives. Son fils n'a appris que

 11   beaucoup plus tard qu'elle a survécu à cet incident. Les deux maisons de

 12   Memic ont également brûlé complètement cette nuit-là.

 13   Pour ces crimes, M. Vasiljevic a été accusé d'extermination, meurtre en

 14   tant que crime contre l'humanité et violation des lois et des coutumes de

 15   la guerre, crime des actes inhumains en tant que crime contre l'humanité

 16   et finalement le crime de violences infligées à la vie et à la personne en

 17   tant que violation des lois et des coutumes de la guerre. Il y a également

 18   le chef d'accusation général de persécution concernant la totalité du

 19   comportement de l'accusé.

 20   Les moyens de preuve concernant ce qui s'est passé dans la rue Pionirska

 21   proviennent de plusieurs sources. Sept personnes se sont échappées de

 22   l'incendie ce jour-là. Lorsque les femmes partaient de la maison de Memic

 23   à la maison d'Omeragic, deux sœurs se sont arrêtées derrière une cabane et

 24   elles s'y sont cachées. Elles vont décrire la manière dont elles ont

 25   observé l'incendie, le crime en général et en particulier l'observation du


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  1   comportement de l'accusé, M. Vasiljevic, et sa participation à ce crime.

  2   Sur environ 70 personnes qui ont été forcées d'entrer dans la maison, cinq

  3   personnes pour autant que le Procureur en est conscient ont pu

  4   s'échapper: deux mères et leurs fils ont pu sauter par la fenêtre de la

  5   maison; elles vont déposer sur leur épreuve extrêmement dure et sur le

  6   rôle de l'accusé dans ce crime.

  7   Un homme âgé a survécu à l'incendie également. Cet homme connaissait M.

  8   Vasiljevic et il l'a identifié tout de suite après l'incendie. Même si cet

  9   homme est mort en 1995, son fils va être cité à la barre, il va dire ce

 10   que son père lui avait dit avant sa mort.

 11   Vous allez également entendre la déposition des deux sœurs qui se sont

 12   cachées et qui ont observé ce qui se passait cette nuit-là. Je souhaite

 13   attirer votre attention sur une autre photographie. Il s'agit de la

 14   photographie aérienne de la rue Pionirska où se trouvait les maisons

 15   pertinentes dans le cadre de cette affaire. Ici, nous pouvons voir l'école

 16   dont je parlais et, directement en face de l'école, ce sont les 2 maisons

 17   qui avaient appartenues à la famille Memic.

 18   Egalement, il est possible d'identifier l'auvent vert et jaune. Sur l'une

 19   d'elles, il y a les 2 maisons dans lesquelles l'accusé a dit aux victimes

 20   de rester jusqu'au lendemain. Ces restes de la maison au fond, c'était la

 21   maison dans laquelle les gens ont été tués cette nuit-là. Ils ont été

 22   forcés de se trouver au parterre de cette maison. Vous pouvez voir sur

 23   cette photo, puisqu'il s'agit là d'une photo qui montre qu'il n'y a pas de

 24   fenêtre ni de porte vers la rue Pionirska. Derrière la maison, il est

 25   possible de voir le ruisseau qui a permis à plusieurs personnes qui ont


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  1   survécu de se cacher. Les restes des morts sont toujours dans la maison et

  2   autour de la maison leurs cendres. Mais l'acte final de la vandalisme a

  3   été lorsque l'on a décidé de créer une porcherie dans cette maison.

  4   Dès le début de la présentation des moyens à charge, vous pourrez voir à

  5   quel point on connaissait M. Vasiljevic. Vous allez entendre plusieurs

  6   dépositions concernant la manière, comment les témoins connaissaient Mitar

  7   Vasiljevic. Une femme vous dira qu'elle le connaissait depuis toujours.

  8   Ils étaient âgés à peu près du même âge. Ils étaient nés dans la même

  9   région. Ils allaient aux mêmes endroits en tant qu'enfants et en tant que

 10   jeunes adultes et elle le connaissait depuis le restaurant Panos

 11   également. Tous ceux qui ont passé une période de temps dans l'ex-

 12   Yougoslavie savent quelle est l'importance des cafés dans la vie sociale

 13   des gens. Mitar Vasiljevic était un garçon de café qui exerçait ses

 14   fonctions depuis très longtemps dans l'un des cafés les plus importants de

 15   la ville.

 16   L'un des témoins va vous dire qu'il allait très souvent dans ce café et

 17   qu'il a vu certainement Mitar Vasiljevic une centaine de fois. Et au moins

 18   l'une des défenses dans cette affaire sera le fait que l'accusé n'était

 19   pas présent au moment où le feu brûlait effectivement dans la rue

 20   Pionirska. Ceci nous pousse à poser la question de savoir si les témoins

 21   n'ont pas commis une erreur par rapport à l'identification de l'accusé.

 22   Mais voici à quoi ressemblait la procédure de l'identification. Ceci se

 23   passait par le biais d'un panneau de photos. J'ai placé un de ces panneaux

 24   sur le rétroprojecteur. Chaque témoin était seul avec l'enquêteur et

 25   l'interprète et a pu visionner la série des photos. La série des photos


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  1   contenait les photos de l'accusé avec un nombre d'autres personnes qui

  2   avaient un aspect physique semblable. Et sur ces photos se trouvait une

  3   photo récente de l'accusé. Les témoins ont dû dire s'ils reconnaissaient

  4   quelqu'un et quelle était cette personne. Et ensuite, ils devaient signer

  5   leur nom et leur prénom au-dessous de la photographie qu'ils avaient

  6   reconnue. Les enquêteurs vont vous parler plus en détail de cette

  7   procédure de l'identification.

  8   Vous allez également entendre les témoins qui vont décrire les

  9   circonstances dans lesquelles ils ont vu la série des photos. La défense

 10   d'alibi a été mentionnée par rapport à l'incident de la rue Pionirska qui

 11   a eu lieu le 14 juin. L'accusé, dans sa déclaration enregistrée par vidéo,

 12   dit que ce jour là il est tombé d'un cheval dans un centre ville. Il a dit

 13   qu'il a vu un cheval abandonné et qu'il l'a chevauché pour aller dans la

 14   ville, le long des rails. Et dans le centre ville, le cheval a glissé et

 15   l'a fait tomber, est tombé ensuite au-dessus de l'accusé, ce qui a fait

 16   qu'il se casse la jambe.

 17   Bien sûr, il y a des documents médicaux émanant de l'hôpital d'Uzice

 18   indiquant qu'une personne répondant au nom de Mitar Vasiljevic a été

 19   admise à l'hôpital cette nuit-là, vers 11 heures du soir. Quelques

 20   juristes vont peut-être être tentés… seraient tentés peut-être de terminer

 21   leur enquête à ce moment, parce que, à première vue, il s'agit d'une

 22   preuve irréfutable, mais nous considérons que les victimes méritaient que

 23   l'on examine les choses de plus près.

 24   Parmi les documents médicaux, nous avons pu trouver les documents

 25   indiquant également que la personne dont la jambe a été cassée a été


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  1   blessée sur le champ de bataille, et également nous avons pu constater

  2   dans les documents médicaux que l'information concernant la blessure a été

  3   envoyée au poste militaire. Egalement, il y a une radiologie de la jambe

  4   cassée de la personne. Il est clair qu'un certain Mitar Vasiljevic a

  5   souffert de cette blessure à la date du 14 juin 1992, mais vous allez

  6   entendre la déposition du Dr DeGrave qui est un expert en matière de la

  7   comparaison des radiologies. Il va décrire de quelle manière il a pu mener

  8   des examens physiques et radiologiques de l'accusé en août de l'année

  9   dernière. Il va également décrire ses analyses et sa comparaison et la

 10   raison pour laquelle il a conclu qu'il ne pouvait pas s'agir de la jambe

 11   de l'accusé, si l'on examine la radiologie de la jambe qui a été remise

 12   par l'hôpital d'Uzice.

 13   Vous allez également entendre la déposition des 2 femmes qui ont aidé les

 14   survivants de l'incendie dans la rue Pionirska. Elles ont soigné leurs

 15   plaies et vous allez entendre leur description par rapport à leur

 16   rencontre avec M. Vasiljevic, après qu'elles ont vu une femme qui a

 17   survécu à cet incident.

 18   Ce procès qui commence ce matin, j'espère qu'il nous permettra d'aboutir à

 19   la vérité concernant la participation de M. Vasiljevic dans l'incident de

 20   la rue Pionirska. Le rôle du Procureur dans ce procès a été jusqu'à

 21   maintenant d'enquêter de manière détaillée cette question et de recueillir

 22   les moyens de preuve. Je pense qu'à la fin de la présentation des moyens à

 23   charge, vous allez constater que ceci a été fait. Dans la recherche des

 24   moyens de preuve, nous avons découvert des moyens de preuve qui suggèrent

 25   que les documents médicaux ne correspondent pas à l'impression qu'on peut


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  1   avoir à première vue. Et nous allons présenter ces moyens de preuve. Le

  2   Procureur ne demande qu'une chose de la part de la Chambre de première

  3   instance, à savoir de ne pas tirer des conclusions trop rapidement et de

  4   ne pas créer une théorie avant d'entendre l'ensemble des dépositions.

  5   Monsieur Vasiljevic, il faut savoir que son rôle n'a pas commencé au

  6   moment où il a dirigé la lumière de sa torche vers l'une des victimes sur

  7   laquelle Milan Lukic a tiré. Son rôle dans le crime n'a pas commencé quand

  8   il a gardé la porte par laquelle Milan Lukic est entré afin d'allumer le

  9   feu. Son rôle n'a pas commencé non plus au moment où il a aidé les gens à

 10   partir de la maison pour s'approcher de l'autre maison dans laquelle ils

 11   ont trouvé la mort. Son crime n'a pas commencé lorsqu'il a dit aux

 12   victimes de rester dans la première maison.

 13   Son crime a commencé lorsqu'il a émis le document officiel indiquant que

 14   ces personnes étaient autorisées à rester dans cette maison. Son crime a

 15   commencé lorsqu'il leur a dit qu'il travaillait pour la Croix-Rouge et

 16   qu'ils allaient être en sécurité pendant la nuit et qu'ils pouvaient

 17   partir le lendemain.

 18   Bien sûr, souvent, les auteurs de crimes disent des mensonges à leurs

 19   victimes. La personne qui a enlevé un jeune enfant va lui dire qu'il a un

 20   bonbon pour l'enfant. Même dans la bible, Caïn a invité son frère Abel en

 21   lui disant qu'ils allaient marcher un peu ensemble. Et tout comme ceci a

 22   été fait s'agissant d'un nombre de crimes, M. Vasiljevic a eu recours aux

 23   mêmes mensonges.

 24   Un témoin va venir décrire son travail pendant de longues années, le

 25   travail de recueil des moyens de preuve concernant les crimes commis


Page 123

  1   pendant la guerre. Et ce témoin va vous dire que souvent, en Bosnie, les

  2   auteurs de crimes disaient des mensonges aux victimes de leurs crimes;

  3   souvent ceci a été fait afin de surmonter la résistance.

  4   Monsieur Vasiljevic, dans sa déclaration enregistrée par vidéo, a dit de

  5   quelle manière les gens qui ont été tués par Milan Lukic et les autres ont

  6   été induits en erreur puisque Milan Lukic leur a dit qu'ils allaient être

  7   en sécurité et qu'ils allaient être échangés. L'un des témoins va vous

  8   décrire comment il a reçu une cigarette et comment on lui a dit qu'ils

  9   allaient être échangés.

 10   Lorsque les gens ont été forcés à aller dans la maison qui se trouvait

 11   derrière, on leur a dit qu'ils devaient le faire à cause des coups tirés

 12   par les bérets verts, et M. Vasiljevic a dit exactement cela aux victimes.

 13   Vous allez entendre des moyens de preuve concernant le fait qu'il s'était

 14   présenté comme membre de la Croix-Rouge. Il leur a dit qu'il avait le

 15   pouvoir lui donnant la permission de rester dans la maison. Il leur a dit

 16   qu'ils allaient être échangés si simplement ils restaient dans la maison

 17   cette nuit-là.

 18   Je pense qu'il est tout à fait possible à un moment que… Peut-être, vous

 19   allez constater que les témoins ne se trompaient pas lorsqu'ils disaient

 20   que M. Vasiljevic a commis ces actes horribles le 14 juin. Peut-être vous

 21   allez conclure qu'ils ne pouvaient pas se tromper; ils le connaissaient

 22   tout simplement trop bien. Peut-être vous vous trouverez dans un dilemme

 23   concernant la question de savoir s'il y a une erreur dans cette affaire,

 24   mais quelqu'un doit dire la vérité.

 25   Je souhaite que vous entendiez la déposition d'aujourd'hui afin de pouvoir


Page 124

  1   crédibiliser des témoins d'aujourd'hui et tous les témoins de la

  2   persécution. En 1961, un homme né à Visegrad, Ivo Andric, a gagné le prix

  3   Nobel de la littérature pour son livre très connu, "Le pont sur la Drina".

  4   Il a décrit les atrocités qui ont été commises à travers les siècles à cet

  5   endroit.

  6   En juin 1992, Mitar Vasiljevic, Milan et Sredoje Lukic ont décidé d'écrire

  7   un nouveau chapitre à ce livre, un chapitre qui va au-delà de ce qui a été

  8   fait jusque-là.

  9   Par la loi, j'ai l'obligation de prouver l'implication de M. Vasiljevic

 10   dans cela. J'espère que, par le biais des moyens de preuve recueillis, ce

 11   sera fait dans les semaines à venir.

 12   Il ne faut pas oublier: les victimes ne souhaitaient que partir.

 13   M. le Président (interprétation): Je souhaite vous poser quelques

 14   questions. Vous avez parlé des deux maisons Memic mais vous avez parlé de

 15   la maison qui se trouvait derrière, mais cela est difficile si l'on ne

 16   trouve pas une appellation pour concrétiser la maison.

 17   M. Groome (interprétation): On peut dire "la maison à côté du ruisseau".

 18   M. le Président (interprétation): Oui, d'accord.

 19   Ensuite, j'ai une autre question: si j'ai bien compris, dans la

 20   présentation des moyens de preuve, vous allez traiter de la question de

 21   l'alibi, n'est-ce pas?

 22   M. Groome (interprétation): Oui.

 23   M. le Président (interprétation): Très bien.

 24   Maintenant, le Juge Taya souhaite vous poser une question.

 25   M. Taya (interprétation): Je souhaite vous demander une clarification


Page 125

  1   concernant l'incident où la maison a brûlé. Dans la maison Pionirska,

  2   selon la déclaration liminaire du Procureur, il y avait déjà un nombre de

  3   personnes qui se trouvaient dans la maison d'Adem Omeragic; environs 65

  4   Musulmans de Bosnie sont arrivés là-bas par la suite.

  5   D'après ces personnes qui se trouvaient déjà dans la maison d'Aden

  6   Omeragic, est-ce que le Procureur souhaite affirmer que ces personnes y

  7   étaient détenues par Milan Lukic, Sredoje Lukic et les autres? Ceci est ma

  8   question.

  9   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, malheureusement nous

 10   savons très peu concernant ces personnes là. Ces personnes étaient du

 11   village de Koritnik. Les victimes, dans cette affaire, venaient du village

 12   de Koritnik mais ils n'ont pas reconnu les personnes qui se trouvaient

 13   déjà dans la maison, donc nous ne savons rien de plus concernant

 14   l'identité de ces personnes qui se trouvaient déjà dans la maison.

 15   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourriez citer à la

 16   barre maintenant votre premier témoin? Mais est-ce que nous allons

 17   recevoir des documents et quand est-ce que ce sera fait?

 18   M. Groome (interprétation): Je pense que mon assistant a pu les préparer

 19   le jour où vous l'avez appelé. C'était vendredi dernier.

 20   M. le Président (interprétation): Je n'ai appelé personne, mais quelqu'un

 21   a dû le faire en mon nom parce que d'habitude, on reçoit ces documents.

 22   Mais comment est-ce que vous allez les identifier dans les classeurs?

 23   M. Groome (interprétation): Ils ont déjà reçu des numéros mais je

 24   souhaitais éventuellement parler pendant quelques minutes avec le

 25   représentant du Greffe pour savoir si c'est maintenant que nous allons


Page 126

  1   leur attribuer les cotes d'identification ou par la suite.

  2   M. le Président (interprétation): Vous voulez simplement laisser les

  3   numéros dessus et nous allons faire référence à ces documents en employant

  4   ces numéros-là. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de leur attribuer

  5   des côtes aux fins d'identification. Parfois, ceci sera le cas des

  6   documents qui ne seront peut-être pas tout de suite versés au dossier

  7   s'ils n'ont pas été identifiés mais si vous avez les numéros qui figurent

  8   sur les documents, nous allons garder ces documents et ce sera simplement

  9   les documents numérotés, et ensuite leurs numéros deviendront les cotes

 10   attribuées aux pièces à conviction. Ils vont être admis au moment où vous

 11   allez demander les enquêteurs qui vont venir déposer à la barre.

 12   Nous n'avons pas vu le nom des enquêteurs sur cette liste mais je suppose

 13   qu'un certain nombre des témoins vont parler des plans, des… de la ville.

 14   M. Groome (interprétation): Oui.

 15   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourrez nous en parler à

 16   un moment? Peut-être, pendant la pause de ce matin, vous pourrez nous les

 17   fournir. On pourrait peut-être appeler le premier témoin.

 18   M. Groome (interprétation): Oui. On pourrait peut-être aussi préparer cela

 19   pour les témoins.

 20   M. le Président (interprétation): Oui, et vous pourrez peut-être aussi

 21   montrer aux interprètes ce qui se passe à l'intérieur du prétoire; ils ont

 22   réellement besoin de voir cela.

 23   Je demande à ceux qui s'occupent de la technique ici de préparer le centre

 24   pour les témoins. Je suis sûr que c'est la première fois que des conseils

 25   utilisent cela pour la déclaration liminaire. Je suis sûr que pour


Page 127

  1   préparer les microphones, l'équipe technique n'aura pas beaucoup de temps.

  2   Qui sera votre premier témoin? J'ai entendu que vous aviez certains

  3   problèmes avec les témoins.

  4   M. Groome (interprétation): VG-022.

  5   M. le Président (interprétation): Ce témoin pourra bénéficier de la mesure

  6   de protection, d'un pseudonyme et du visage… L'image de son visage sera

  7   maquillée.

  8   Nous avons déjà parlé des mesures de protection. Est-ce qu'à chaque fois

  9   cela pourrait être indiqué? Sinon, nous serions à chaque fois obligés de

 10   nous référer sur les listes des témoins que nous avons.

 11   Est-ce que quelqu'un de l'équipe technique pourrait venir ici pour nous

 12   aider à mettre les micros en place ou bien est-ce que nous aurons à le

 13   faire nous-mêmes?

 14   Monsieur Groome, j'ai cru comprendre que ce témoin nous parlera de la

 15   situation politique après les élections multipartites. Dans quel degré de

 16   détail nous allons rentrer? En fait, nous avons besoin de savoir qu'il y a

 17   eu une attaque des Serbes sur les Musulmans; est-ce que nous devons

 18   vraiment rentrer dans les détails?

 19   M. Groome (interprétation): Mais ce sera une description très brève.

 20   M. le Président (interprétation): Oui, il suffit de savoir qu'il s'agit

 21   d'un conflit armé parce que sinon, la description brève nous donnera

 22   beaucoup de détails. Je suppose que quelqu'un d'autre nous donnera le

 23   contexte historique qui sera là pour corroborer votre déclaration

 24   liminaire qui parlera de la nature du conflit.

 25   Est-ce qu'il s'agit là de poursuivre aussi l'idée qu'il s'agissait d'un


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   1   conflit armé international? Je crois que dans une affaire à l'échelle de

  2   celle-ci, on n'en parle pas. Nous allons sans doute entendre des

  3   arguments, des réunions politiques, des réunions à l'Assemblée et je me

  4   demande pourquoi nous en avons besoin. La seule chose que nous devons

  5   prouver ici, c'est qu'il y a eu une attaque sur les civils musulmans.

  6   M. Groome (interprétation): Nous n'allons pas rentrer dans ce que vous

  7   venez de mentionner.

  8   M. le Président (interprétation): Je l'ai soulevé parce que nous en avons

  9   entendu parler si souvent…

 10   M. Groome (interprétation): Je crois que ces allégations que vous venez de

 11   mentionner ont été retenues.

 12   M. le Président (interprétation): Réellement, j'ai pensé que lors de la

 13   phase préalable au procès, on avait changé cela.

 14   (Le témoin VG-022 est introduit dans le prétoire.)

 15   (Audience publique avec mesure de protection.)

 16   M. le Président (interprétation): Monsieur, voulez-vous vous lever et lire

 17   la déclaration solennelle que l'huissier vous tend?

 18   S'il vous plaît, levez-vous pour que l'huissier puisse vous montre la

 19   déclaration solennelle.

 20   Témoin VG-022 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 21   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22   M. le Président (interprétation):Veuillez vous asseoir.

 23   Qui va interroger ce témoin?

 24   (Interrogatoire principal du témoin VG-022 par M. Groome.)

 25   M. Groome (interprétation): Un instant, s'il vous plaît.


Page 129

  1   Bonjour. Est-ce que vous pouvez m'entendre?

  2   Bonjour. Vous m'entendez?

  3   M. le Président (interprétation): Répondez par un oui ou par un non.

  4   Témoin VG-022 (interprétation): Oui.

  5   M. Groome (interprétation): Vous pouvez enlever votre veste. Vous allez

  6   rester ici pendant quelque temps, donc il faut que vous soyez à l'aise.

  7   M. le Président (interprétation): Avez-vous ce que nous avons l'habitude

  8   d'appeler un papier avec les détails sur le pseudonyme et les

  9   caractéristiques, la biographie du témoin?

 10   M. Groome (interprétation): Oui, nous avons une liste, mais sans détails

 11   biographiques.

 12   M. le Président (interprétation): Ici, il y a une habitude que je trouve

 13   bonne, c'est que chaque témoin puisse bénéficier d'un papier sur lequel il

 14   y aura les détails de sa biographie plus ses références, façon pseudonyme.

 15   Comme ça, le témoin est au courant de quel sera son pseudonyme ainsi que

 16   la liste de tous les autres témoins qui témoigneront sous pseudonyme.

 17   Parce que vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu'il sache quels sont les

 18   témoins protégés. Comment est-ce que ce témoin pourra savoir qu'il ne doit

 19   pas mentionner quelqu'un par son vrai nom.

 20   M. Groome (interprétation): Il ne va pas parler d'autres témoins.

 21   M. le Président (interprétation): Oui, mais j'aimerais bien que cela soit

 22   fait comme c'est la coutume au Tribunal, à savoir que cette petite fiche

 23   doit être établie et qu'elle sera admise sous scellés. Et puis je voudrais

 24   aussi avoir la liste des témoins et savoir le nombre des témoins que vous

 25   avez l'intention de citer.


Page 130

  1   M. Groome (interprétation): On va commencer avec 55 témoins sous

  2   pseudonyme.

  3   M. le Président (interprétation): 55 témoins. Dans ce cas-là, on va

  4   commencer par le n°70.

  5   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, on vous a assigné le

  6   pseudonyme VG-022.

  7   Est-ce que vous êtes prêt?

  8   Témoin VG-022 (interprétation): Vous me posez la question à moi?

  9   M. Groome (interprétation): Oui, je vous ai dit que votre pseudonyme sera

 10   VG-022 et je vous ai demandé si vous étiez prêt.

 11   Témoin VG-022 (interprétation): Oui.

 12   M. Groome (interprétation): Comme je vous l'ai dit hier, ne mentionnez pas

 13   votre nom, à aucun moment.

 14   M. le Président (interprétation): Je m'excuse de vous interrompre tout le

 15   temps mais nous devons quand même savoir quel est son vrai nom, nous avons

 16   besoin de cela pour notre référence. C'est précisément pour cela qu'il

 17   faudrait avoir des fiches de pseudonymes à nous et aux témoins et aux

 18   conseils, c'est très utile.

 19   M. Groome (interprétation): Je m'excuse, j'avais préparé déjà une liste

 20   avec notre requête et j'avais supposé que vous alliez vous en servir. Je

 21   m'excuse.

 22   M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que ceci est

 23   bien votre nom sur cette fiche?

 24   Témoin VG-022 (interprétation): Oui.

 25   M. le Président (interprétation): Très bien. Dans ce cas-là, ce sera la


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  1   pièce à conviction n°70. Est-ce que vous pourriez la montrer? Le document

  2   70, est-ce que vous pourriez le montrer au conseil?

  3   (L'huissier s'exécute.)

  4   M. Groome (interprétation): Pourriez-vous nous décrire très brièvement

  5   votre éducation et dire quelque chose sur vous-même?

  6   Témoin VG-022 (interprétation): J'ai été à l'école primaire à Visegrad. A

  7   l'école secondaire, je suis allé à Mostar. J'ai fait une école secondaire

  8   militaire. Et après, j'ai fait… Je suis allé à l'université à Sarajevo.

  9   Après l'université, j'ai travaillé à Visegrad dans une entreprise locale.

 10   Question: Et quelle est votre profession actuelle?

 11   Réponse: Je travaille à Sarajevo et je suis à mon compte.

 12   M. Groome (interprétation): Quelle était la situation politique générale à

 13   Visegrad en 1992?

 14   Témoin VG-022 (interprétation): Il est bien connu, en 1990, dans

 15   l'ancienne Yougoslavie, en Bosnie-Herzégovine aussi, il y a eu pour la

 16   première fois des élections multipartites. Avant cela, il n'existait qu'un

 17   seul parti politique, à savoir le parti communiste. A ces élections

 18   multipartites à Visegrad, il y avait là deux partis politiques qui avaient

 19   la majorité des voix et, de la même façon, ils avaient la majorité des

 20   représentants à l'assemblée de Visegrad. Il s'agissait du Parti de

 21   l'action démocratique, SDA, et le Parti démocratique serbe, SDS. Ils…

 22   C'était eux qui détenaient le pouvoir. Les autres partis politiques

 23   étaient insignifiants; ils avaient… Ils étaient très peu représentés au

 24   sein des instances de la ville. D'après les résultats des élections, la

 25   nouvelle assemblée de la ville s'est constituée.


Page 132

  1   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, il est actuellement 11

  2   heures et nous allons faire une pause. Il faut que je mentionne que la

  3   pièce à conviction 70 sera sous scellés.

  4   Nous allons reprendre à 11 heures 30.

  5   (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)

  6   M. Groome (interprétation): Monsieur, est-ce que vous vous souvenez d'où

  7   nous en étions ou est-ce que vous souhaiteriez que l'on vous lise la

  8   dernière ligne de votre déposition?

  9   Témoin VG-022 (interprétation): Je me souviens de ce dont nous parlions

 10   lorsque nous nous sommes arrêtés.

 11   M. Groome (interprétation): Veuillez donc poursuivre, s'il vous plaît.

 12   Témoin VG-022 (interprétation): Comme je vous le disais, les autorités de

 13   la municipalité de Visegrad se sont réparties en fonction des pourcentages

 14   émanant de l'élection multipartite. A l'assemblée de Visegrad, vous aviez

 15   50 députés et le SDA, le parti de l'action démocratique, avait gagné 27

 16   sièges. Le parti démocratique serbe, le SDS, détenait 13 sièges et il y

 17   avait trois ou quatre autres partis qui se partageaient le restant des

 18   sièges pour un total de 50 sièges.

 19   Le SDA, parti de l'action démocratique, et le parti démocratique serbe, en

 20   fait, détenaient la majorité au sein de la municipalité. Le président de

 21   l'assemblée municipale, c'était Fikret Cocalic et son adjoint...

 22   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, nous n'avons pas besoin

 23   de ces détails, n'est-ce pas?

 24   M. Groome (interprétation): Il y a un certain nombre de ces noms, Monsieur

 25   le Président, qui vont devenir pertinents plus tard. Nous allons essayer


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  1   de nous limiter au maximum.

  2   M. le Président (interprétation): Ce qui m'inquiète, c'est que vous

  3   laissiez le témoin parler parce qu'il a beaucoup de choses à dire mais il

  4   y a très peu de choses qui sont véritablement pertinentes, qui ont un

  5   rapport avec ce que nous devons décider. Donc essayez de faire très

  6   attention à cela, de le garder dans les rails.

  7   M. Groome (interprétation): Justement, c'est pourquoi hier, lorsque j'ai

  8   préparé ce témoin, je lui ai dit d'être bref. Et plutôt que de

  9   l'interrompre, je vais procéder point par point , si vous me le permettez.

 10   M. le Président (interprétation): Oui, si vous nous assurez que tout ceci

 11   est pertinent, continuez. Mais moi, toute cette histoire ne nous intéresse

 12   pas, cela n'a rien à voir avec l'affaire dans laquelle nous siégions

 13   actuellement et les décisions qu'il nous conviendra de prendre.

 14   M. Groome (interprétation): Fort bien, Monsieur le Président.

 15   Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire le nom des principaux

 16   responsables des partis politiques?

 17   Témoin VG-022 (interprétation): Oui. Le président du parti de l'action

 18   démocratique, c'était Fikret Cocalic. Il y avait d'autres membres de

 19   premier plan: Omer Brankovic, Ohranovic Esad. Moi-même, j'étais membre de

 20   ce parti. Il y avait Branimir Savovic qui était président du parti

 21   démocratique serbe et Stanko Pecikoza , Risto Perisic. C'étaient les

 22   membres les plus importants du parti serbe.

 23   Question: Maintenant, je souhaiterais parler de la chose suivante: est-ce

 24   qu'il est arrivé un moment où l'on a désarmé les membres musulmans de la

 25   Défense territoriale?


Page 134

  1   Réponse: Oui, cela s'est produit. Cela s'est produit en février ou en mars

  2   1992 et cela s'est passé de la manière suivante: la JNA a délivré un ordre

  3   aux termes duquel toutes les entreprises, sociétés, institutions qui

  4   possédaient des armes pour la Défense territoriale devaient remettre ces

  5   armes à l'armée, à l'armée populaire yougoslave, et c'est effectivement ce

  6   qui s'est produit pendant la période de temps en question.

  7   Question: Et dans l'entreprise pour laquelle vous travailliez à l'époque,

  8   est-ce que vous occupiez un poste de premier plan?

  9   Réponse: J'étais le directeur de cette société. Et cette société disposait

 10   d'un stock assez considérable d'armes et d'équipements de nature militaire

 11   qui a été récupéré par l'armée populaire yougoslave.

 12   Question: Est-ce que, à votre connaissance, il est arrivé un moment où les

 13   Serbes de Visegrad se sont vu remettre des armes?

 14   Réponse: Je suis au courant, effectivement, parce que beaucoup de gens ont

 15   été témoins de ce fait. Cela s'est passé de la manière suivante: des

 16   véhicules ont amené des armes dans les villages serbes et les ont

 17   distribuées.

 18   Question: A votre connaissance, est-ce qu'il y a des membres de votre

 19   société qui étaient serbes et qui ont bénéficié d'un traitement de faveur?

 20   Réponse: A ce moment-là, pratiquement tous les employés de l'entreprise

 21   dont j'étais directeur sont allés participer à une formation militaire qui

 22   se faisait sous la direction de l'armée populaire yougoslave, avec

 23   également les dirigeants de la Défense territoriale d'appartenance

 24   ethnique serbe. Ceci a eu lieu sur le terrain de formation habituellement

 25   utilisé, justement, pour les activités de formation militaire.


Page 135

  1   Question: Pouvez-vous décrire aux Juges quand a eu lieu le premier

  2   incident violent, le premier incident au cours duquel il y a eu des

  3   échanges de tirs à Visegrad?

  4   Réponse: Eh bien, les premiers tirs, ils ont eu lieu le 4 avril 1992. Cela

  5   s'est produit à dix ou douze kilomètres du centre ville, à un endroit qui

  6   s'appelle Dobrun. Je sais que c'était dans une carrière de pierre. On a

  7   tiré sur les ouvriers qui travaillaient dans la carrière, ils sont partis

  8   et ils sont revenus en ville.

  9   Question: Dans les jours qui ont suivi ces premiers tirs, est-ce qu'il y a

 10   eu des tirs de mortier contre les quartiers musulmans de Visegrad?

 11   Réponse: Eh bien, le premier jour, c'étaient des tirs d'artillerie. Le

 12   lendemain, il y a eu des tirs de mortier et on a tiré sur les quartiers

 13   habités par les Musulmans ainsi que sur le centre ville. Au fil des jours,

 14   les tirs se sont intensifiés.

 15   Question: Maintenant, je souhaiterais attirer votre attention sur la chose

 16   suivante: est-ce que, à un moment donné, douze Serbes ou une douzaine de

 17   Serbes ont été capturés par certaines des membres de la police?

 18   Réponse: Oui, c'est exact. Ceci a eu lieu, disons le 7, le 8 ou le 9 avril

 19   1992. Et ce n'était pas la police musulmane, mais c'étaient des gens qui

 20   appartenaient à des unités de la police -police qui existait déjà-, et des

 21   membres de la Défense territoriale qui patrouillaient en ville. Et ils

 22   sont tombés sur un groupe de 12 individus armés qui n'étaient ni policiers

 23   ni militaires et qui n'étaient pas non plus membres de la Défense

 24   territoriale. Ils les ont arrêtés, les ont placés en détention au poste de

 25   police.


Page 136

  1   Question: Est-ce que vous connaissiez ces hommes?

  2   Réponse: Je connaissais la plupart d'entre eux personnellement. Certains

  3   de ceux qui ont été mis en détention étaient membres des forces régulières

  4   de la police 10 à 15 jours avant, en ville. Mais d'autres étaient civils

  5   jusqu'à une dizaine ou une quinzaine de jours avant ces événements. Je les

  6   connaissais personnellement, je savais où ils travaillaient, quelles

  7   étaient leurs activités, etc..

  8   Question: Au moment où on les a arrêtés, est-ce qu'ils portaient des

  9   uniformes militaires?

 10   Réponse: Oui, certains d'entre eux portaient des uniformes de police ou

 11   ressemblant aux uniformes de la police; d'autres avaient des uniformes

 12   militaires.

 13   M. Groome (interprétation): Maintenant, je vais vous demander de nous

 14   parler des événements qui ont eu lieu au cours des cinq jours suivants.

 15   Nous allons procéder jour par jour en commençant par le premier jour,

 16   journée n°1, au moment où l'on a libéré de l'eau au niveau du barrage.

 17   Pouvez-vous nous expliquer les circonstances dans lesquelles cela s'est

 18   produit?

 19   M. le Président (interprétation): Mais ceci a fait l'objet d'un accord

 20   entre les parties, n'est-ce pas? Le document qui est en annexe au mémoire

 21   préalable au procès n'est pas signé, mais je crois qu'il y a un problème

 22   de traduction. Mais est-ce que ce n'est pas un fait qui est admis?

 23   M. Groome (interprétation): Oui, certes, mais...

 24   M. le Président (interprétation): Je sais bien que vous voulez aller plus

 25   loin à ce sujet, mais est-ce que cela n'a pas fait l'objet d'un accord?


Page 137

  1   M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président, et cela n'a pas

  2   trait directement aux charges que nous examinons mais il s'agit de savoir

  3   ce qui se passe à Visegrad à l'époque. Je pense qu'il est important de

  4   peindre une image assez exacte des événements à l'époque.

  5   M. le Président (interprétation): Oui, mais chaque fois que l'on s'occupe

  6   de dresser le décor, on perd du temps et cela m'inquiète.

  7   M. Groome (interprétation): Je vais essayer de montrer qu'il y a bien un

  8   lien entre les deux.

  9   M. le Président (interprétation): Fort bien. Si c'est pertinent, allez-y.

 10   M. Groome (interprétation): Monsieur, s'il vous plaît, veuillez nous

 11   parler du début, c'est-à-dire le jour n°1, lorsque de l'eau a été lâchée.

 12   Il y a eu un délestage au niveau du barrage. Dans quelles circonstances?

 13   Témoin VG-022 (interprétation): C'est Maca Banovic, un dénommé Maca

 14   Banovic, qui l'a fait. Il est venu là de lui-même avec un groupe d'autres

 15   hommes et cet acte avait pour objectif… Enfin, disons, la menace de ce

 16   genre d'action, menace de libérer de l'eau au niveau du barrage

 17   hydroélectrique, cela avait pour objectif d'empêcher l'arrivée des unités

 18   de l'armée populaire yougoslave qui commençaient à se diriger vers la

 19   ville de Visegrad en très grand nombre. Ils venaient de plusieurs endroits

 20   à la fois. Mais comme ils ne sont pas parvenus à empêcher l'armée de

 21   venir, je crois que ce qui s'est passé ensuite. C'est le 12 avril, le jour

 22   où effectivement ils ont ouvert les vannes en partie, juste avant

 23   l'arrivée des soldats, juste avant qu'ils arrivent au barrage

 24   hydroélectrique et au village qui entourait l'endroit.

 25   Question: Que se serait-il produit si on avait ouvert les vannes du


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  1   barrage à plein et si…?

  2   Réponse: Eh bien, si le barrage entier avait été vidé, je ne pense pas

  3   qu'il se serait passé quoi que ce soit, vraiment, de très grave parce

  4   qu'en aval sur la Drina il y avait un autre barrage qui avait été vidé

  5   précédemment, donc il se serait rempli avec l'eau libérée. Mais sans doute

  6   qu'il y aurait eu des dégâts au niveau des villages situés sur les bords

  7   de la Drina.

  8   Question: Quelle a été la réaction des habitants de Visegrad face à cette

  9   menace d'ouvrir les vannes du barrage?

 10   Réponse: Eh bien, cela a suscité la panique, la crainte au sein de la

 11   population parce que pour eux, cela avait également trait à l'arrivée de

 12   l'armée, donc la crue éventuelle… Et puis tout le monde avait peur, de

 13   toute façon, à cette époque. Ceci n'a fait qu'empirer les choses. Donc le

 14   fait de cette menace relative au barrage a encore augmenté la peur. Les

 15   gens avaient peur que tout ne soit sous les eaux, que tout ne soit inondé.

 16   Question: Est-ce que les membres de la communauté musulmane ont quitté

 17   Visegrad suite à cette menace?

 18   Réponse: Oui. Oui, la ville s'est vidée de ses habitants parce que tout le

 19   monde avait peur que l'eau n'inonde tout et lorsque les vannes ont été

 20   partiellement ouvertes, tout le monde est parti. Il n'y avait plus

 21   personne.

 22   Question: Et où sont partis les Musulmans de Visegrad?

 23   Réponse: Les Musulmans de Visegrad, pour la plupart, sont allés dans deux

 24   directions. Certains d'entre eux sont allés en amont, vers la ville de

 25   Gorazde, et les autres sont allés en aval vers des villages situés à cinq


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  1   ou six kilomètres du centre… Brstanica était l'un de ces villages, et

  2   certains sont allés à Priboj également.

  3   Question: Et est-ce que les Serbes sont aussi partis?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Et vous nous dites qu'il y a de l'eau qui a été libérée au

  6   niveau du barrage, n'est-ce pas?

  7   Réponse: Oui. On a ouvert les vannes en partie, on n'a pas vidé totalement

  8   le barrage mais il y a de l'eau qui a été ainsi libérée.

  9   Question: Et quelle a été la conséquence de ce fait?

 10   Réponse: Eh bien, ce à quoi on s'attendait, ou plutôt ce n'était pas ce à

 11   quoi on s'attendait… Les gens avaient été terrorisés avant. Mais c'est le

 12   village où habitait Murat Sabanovic… C'est lui qui a été touché le plus.

 13   Murad Sabanovic, c'est lui qui a ouvert les vannes. Mais en tout cas, les

 14   dégâts n'étaient pas de toute façon très importants.

 15   Question: Est-ce qu'il y a eu des morts?

 16   Réponse: Non. Non, personne n'est mort.

 17   Question: Mais il y a eu des dégâts matériels?

 18   Réponse: Oui. Oui, pas mal de dégâts.

 19   Question: Est-ce que, à un moment donné, on vous a demandé de négocier au

 20   nom de la population musulmane ou est-ce que vous avez participé à des

 21   négociations au nom de la population musulmane afin d'essayer d'apaiser

 22   les tensions à Visegrad?

 23   Réponse: Oui. Il y a eu, entre autres choses, des négociations. Les

 24   premières négociations ont été organisées par le SDS et c'était au sujet

 25   de la libération des 12 personnes qui avaient été emprisonnées. Ensuite,


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  1   la JNA a demandé qu'il y ait des négociations et elles ont eu lieu dans la

  2   caserne qui se trouve près de Visegrad. Et j'ai participé à ces réunions.

  3   Question: Parlons des premières négociations. Est-ce que ceci s'est

  4   produit le lendemain de l'ouverture des vannes au barrage?

  5   Réponse: Oui. Oui, après les premières négociations qui ont eu lieu avec

  6   le SDS à Kosovo Polje; cela se trouve à deux kilomètres environ du village

  7   ou de la ville.

  8   Question: Dans quelle direction?

  9   Réponse: En aval, sur la rive droite.

 10   Question: Donc au nord de la ville?

 11   Réponse: Au nord.

 12   Question: Est-ce que vous pouvez dire aux Juges ce qui s'est passé lors de

 13   ces négociations?

 14   Réponse: Branimir Sevovic, président du SDS, était censé venir aux

 15   négociations (expurgé) Nous

 16   sommes allés au village, donc. Monsieur Branimir Sevovic n'est pas venu

 17   mais il y avait le vice-président du SDS qui était là, Stanko Pecikoza. On

 18   a parlé de la libération des douze hommes qui avaient été emprisonnés et

 19   de notre côté, si je peux utiliser ce terme, de notre côté donc, nous, on

 20   a demandé un cessez-le-feu pour qu'on en finisse avec les tirs de mortiers

 21   sur les villages musulmans et sur certaines parties de la ville. Et nous

 22   avons dit que deux jours plus tard, ils seraient libérés.

 23   Stanko a dit qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour accepter quelque

 24   chose de ce genre et donc on est restés à parler un certain temps parce

 25   qu'on se connaissait déjà; on se connaissait d'ailleurs assez bien. Donc


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  1   on a parlé de la situation, disons, pendant une heure à peu près et

  2   ensuite chacun est retourné de son côté sans que l'on se soit mis d'accord

  3   sur quoi que ce soit.

  4   Question: Est-ce que vous pouvez dire aux Juges si vous avez rencontré des

  5   difficultés pour arriver à cet endroit et ensuite pour en partir?

  6   Réponse: Comme on s'était mis d'accord pour se rencontrer à cet endroit et

  7   pour y ouvrir des pourparlers, le SDS nous avait garanti un passage sans

  8   problème, que personne ne nous tirerait dessus. Moi, j'avais fait savoir

  9   dans quelle voiture j'arriverais. Mais le seul problème qu'on a eu

 10   résultait de l'eau qui avait été libérée du barrage parce qu'il y avait de

 11   la boue et beaucoup de gravillons sur la route. C'est le seul problème

 12   qu'on a rencontré; c'était difficile d'arriver là à cause du mauvais état

 13   de la route.

 14   Question: Maintenant, je voudrais savoir, en ce qui concerne le troisième

 15   jour, si vous avez rencontré quelqu'un de l'armée populaire yougoslave.

 16   Réponse: Au bout de un ou deux jours, le Président, M. Cocalic, m'a dit

 17   que le colonel Ojdanic était le commandant du corps de Uzice et qu'il

 18   voulait donc parler aux dirigeants de la municipalité et j'ai dit que je

 19   les accompagnerais vu que, (expurgé)

 20   (expurgé) C'est ce qui s'est produit, c'est dans

 21   ces conditions qu'on est allé assister à ces négociations qui devaient se

 22   passer à Uzamnice, à la caserne de Uzamnice, sur la rive droite de la

 23   Drina à deux ou trois kilomètres en amont et très près du barrage.

 24   Question: Donc au sud de la ville?

 25   Réponse: Oui.


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  1   Question: Et du côté de l'armée yougoslave, qui a participé à ces

  2   négociations?

  3   Réponse: Du côté de l'armée populaire yougoslave, vous aviez le

  4   commandant, le commandant local de la caserne, le capitaine Borko mais il

  5   n'a pas, en fait, participé aux négociations. Il était simplement présent,

  6   il lui arrivait aussi d'entrer, de rester quelques instants puis de

  7   sortir, mais il n'a pas en fait participé aux négociations en tant que

  8   tel. Il y avait d'autres officiers de la JNA et le colonel Ojdanic.

  9   Question: Quand vous êtes arrivé à la caserne de Uzamnice, est-ce que le

 10   colonel Ojdanic était déjà là?

 11   Réponse: Non, on est arrivés un peu plus tôt. En fait, nous on est arrivés

 12   à l'heure prévue alors que le colonel, lui, a eu un peu de retard. Dans la

 13   pièce où devaient se tenir les négociations, nous avons rencontré

 14   plusieurs officiers de la JNA qui n'étaient pas stationnés à la caserne

 15   même. Et parmi eux se trouvait un commandant de l'armée de l'air. On s'est

 16   entretenu avec eux quelque temps en attendant l'arrivée du colonel.

 17   Question: Est-ce que quelque chose s'est produit entre vous-même et ce

 18   commandant?

 19   Réponse: Pendant que nous attendions le colonel -et nous avons attendu

 20   environ une heure-, le commandant, lui, faisait preuve de beaucoup de

 21   nervosité, il était furieux et puis il me paraissait quelque peu ivre. Et

 22   immédiatement après le début des négociations qui avaient trait à la

 23   situation à Visegrad, il s'est mis en colère; il donnait des coups de

 24   poing sur la table, il nous a lancé des insultes à moi et à d'autres. Je

 25   n'étais pas seul. Donc, c'était très désagréable. On a été un petit peu


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  1   surpris par son comportement.

  2   Question: Au moment où a eu lieu cette négociation, qui tenait le barrage?

  3   Réponse: On est allé aux négociations à la caserne en passant par le

  4   barrage parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen d'atteindre la caserne et

  5   il n'y avait personne là-bas, quelques ouvriers simplement qui

  6   travaillaient à la maintenance du barrage. A la fin de la réunion avec le

  7   colonel, sur le chemin du retour, nous avons été arrêtés ou interceptés

  8   par des soldats de la JNA. Cela signifie que dans l'intervalle, ils

  9   avaient pris le contrôle du barrage.

 10   Question: Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est produit quand vous

 11   avez été ainsi interceptés par ces soldats ou arrêtés par ces soldats?

 12   Réponse: Eh bien, la procédure habituelle: ils ont armé leurs armes, ils

 13   les ont dirigées sur nous. On nous a dit de sortir de notre voiture.

 14   C'était une petite voiture de tourisme. Ils ont fouillé les voitures où

 15   nous étions… plusieurs voitures, ils nous ont fouillés, chacun, et ils

 16   nous ont dit de monter dans un camion militaire pour aller voir le

 17   commandant qui était chargé de la sécurité du barrage, capitaine

 18   Vukosavljevic, commandant donc du barrage à ce moment-là. Nous, nous avons

 19   insisté pour pouvoir y aller dans notre propre voiture et en fait, le

 20   capitaine est venu nous voir lui-même, c'est ce qui s'est produit. Nous

 21   lui avons expliqué qui nous étions, d'où nous venions et où nous allions.

 22   Il a donné l'ordre aux soldats de nous laisser passer et ils ont dû

 23   dégager le canon qu'ils avaient installé sur la route que nous devions

 24   emprunter. Cela n'a pas beaucoup plu aux soldats mais ils ont obéi et ils

 25   ont dégagé le canon et nous avons pu passer.


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  1   Question: Ce Vukosavljevic, au cours des jours qui ont suivi, est-ce que

  2   vous avez parlé avec lui de la situation à Visegrad?

  3   Réponse: Oui, dans les jours qui ont suivi j'ai eu l'occasion de

  4   rencontrer Vukosavljevic à plusieurs reprises. Une nuit, nous sommes

  5   restés toute la nuit au barrage, personne n'a dormi, on a passé toute la

  6   nuit à parler de la situation, la situation du moment et des causes de

  7   cette situation et tout cela.

  8   Question: Est-ce que vous saviez ce qu'on lui avait dit à lui, concernant

  9   la situation qui prévalait à Visegrad avant son arrivée là-bas?

 10   Réponse: Oui, le capitaine Vukosavljevic, au départ, lorsqu'ils nous ont

 11   capturés, lorsqu'il est venu nous relâcher, il était très en colère et il

 12   était désagréable vis-à-vis de nous. J'ai passé une soirée avec lui. Nous

 13   étions assis avec lui pendant toute la soirée et il nous a posé des

 14   questions concernant la situation générale qui prévalait dans la ville.

 15   C'est surtout cela qui l'intéressait et moi je lui ai expliqué cela, je

 16   lui ai expliqué la situation réelle et j'ai vu que clairement il avait une

 17   impression complètement erronée par rapport aux événements qui se

 18   déroulaient dans la ville. Et après cela, il a changé de manière évidente

 19   et par la suite il nous aidait même, il répondait favorablement à nos

 20   demandes et son attitude vis-à-vis de nous a changé à 100%.

 21   Question: Qu'est-ce qu'on lui avait dit par rapport aux événements qui se

 22   déroulaient dans la ville?

 23   Réponse: Eh bien, voilà. Tout d'abord, lui, il m'a dit qu'il avait été

 24   muté de manière urgente de Macédoine, c'est là-bas qu'il servait au sein

 25   de la JNA. Il a été muté à Visegrad avec l'ordre selon lequel il fallait


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  1   qu'il sécurise le barrage. On lui avait dit que les Musulmans y

  2   perpétraient des crimes horribles, à savoir ils massacraient les Serbes,

  3   ils empalaient les petits-enfants afin de les brûler au-dessus du feu,

  4   etc.. Et il est venu convaincu de tout cela. Et après la conversation

  5   qu'il a eue avec moi et avec probablement d'autres personnes, même les

  6   personnes d'appartenance ethnique serbe, il a dû tirer la conclusion que

  7   ceci n'avait rien à voir avec la vérité. Il a changé d'attitude vis-à-vis

  8   de nous. Lorsque je dis «nous», je parle à la fois des autorités légitimes

  9   et de la population musulmane.

 10   Question: Parlons maintenant de la quatrième journée, lorsqu'on vous a

 11   demandé pour la deuxième fois d'avoir une réunion avec les représentants

 12   de la JNA.

 13   Réponse: Le premier jour, s'agissant de la réunion avec Ojdanic, il n'y a

 14   pas eu de résultat particulier, pour ainsi dire. Il a demandé que des

 15   représentants des deux partis assistent à cette réunion; donc à la fois le

 16   parti démocrate serbe et le parti d'action démocratique. Et puisque les

 17   membres du parti SDS n'avaient pas assisté à la première réunion, il avait

 18   promis que le lendemain il allait faire en sorte que les représentants du

 19   SDS soient présents avec Branimir Savovic, leur président à la tête.

 20   Donc, le lendemain, je suis arrivé à l'heure qui avait été fixée à

 21   l'avance. Cependant, les autres n'y étaient toujours pas puisque déjà on

 22   tirait beaucoup autour de la ville et ils n'étaient pas sûrs de voyager.

 23   Donc, les autres personnes ne sont pas venues. Et moi, je suis entré dans

 24   la pièce où, la veille, la réunion avait eu lieu, en attendant que la

 25   réunion s'y tienne également. Je me suis assis à une table, à un bureau,


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  1   et j'attendais que d'autres personnes viennent.

  2   Là, se trouvaient deux ou trois officiers de l'armée populaire yougoslave

  3   de la JNA. On s'est dit bonjour. Moi, je me suis assis mais nous ne nous

  4   sommes pas parlé de quoi que ce soit en particulier. Au bout de quelque

  5   temps, peu de temps après, un autre officier de la JNA est entré dans

  6   cette même pièce et il avait des cartes militaires sur lui.

  7   Question: Est-ce qu'il y avait d'autres… Est-ce que ces personnes

  8   pouvaient savoir qui vous étiez?

  9   Réponse: S'ils avaient demandé, je suppose que quelqu'un aurait répondu.

 10   Mais je suppose qu'ils ne le savaient pas et ils ne m'ont posé aucune

 11   question. Donc je pense qu'ils ne savaient pas qui j'étais.

 12   Question: Est-ce que vous pourriez nous décrire ce qui s'est passé lorsque

 13   ce troisième officier est entré dans la pièce avec les cartes?

 14   Réponse: Le troisième officier a apporté les cartes, la carte. Il s'est

 15   assis au même bureau que celui où j'étais assis moi-même, en face,

 16   justement en face de moi puisqu'il y avait de la place là-bas. Il a écarté

 17   la carte sur le bureau et la carte se trouvait juste devant moi.

 18   Au début, je regardais sans m'intéresser particulièrement. Par la suite,

 19   il a expliqué aux autres officiers jusqu'où est arrivée telle et telle

 20   unité d'Uzice. Lorsque j'ai vu de quel sujet il était question, j'étais

 21   très intéressé à cela. Je regardais la carte, je suivais ses explications

 22   fournies aux officiers et il leur a brièvement expliqué jusqu'où

 23   arrivaient les unités différentes. Il montrait cela sur la carte en

 24   disant: "Tout ceci est nettoyé, la 2ème Unité est arrivée jusqu'ici. Ici,

 25   c'est nettoyé".


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  1   C'est ainsi qu'il a parlé de l'ensemble de la rive droite. Il fournissait

  2   les explications et il disait: "Tout ceci est nettoyé et propre".

  3   Question: Mais la carte représentait quoi?

  4   Réponse: Il s'agissait d'une carte géographique militaire. Je sais à quoi

  5   cela ressemble puisque j'ai eu ce genre de carte entre les mains plusieurs

  6   fois. Il y avait des flèches bleues et rouges, il y avait d'autres signes

  7   qui ne me disaient pas grand-chose.

  8   Question: S'agissait-il de la carte représentant la municipalité de

  9   Visegrad?

 10   Réponse: Oui, oui, il s'agissait de la carte de Visegrad. Je connaissais

 11   chaque endroit; chaque hameau que l'officier mentionnait, je le

 12   connaissais.

 13   Question: Veuillez poursuivre. Vous étiez en train de décrire ce que

 14   l'officier disait par rapport à la rive droite.

 15   Réponse: Oui. A un moment, il a pris son crayon et il a fait un tour du

 16   côté de la rive droite, et il a accompagné cela des mots suivants: "Nous

 17   allons nettoyer cela demain". J'ai vu cela et je savais ce que cela

 18   voulait dire, ce mot "nettoyer". Il a montré un territoire où, à mon avis,

 19   se trouvaient environ 4.000 Musulmans. Il s'agissait de plusieurs villages

 20   regroupés. Par exemple, mon père est né dans l'un de ces villages. Donc je

 21   savais qu'il y avait environ 4.000 personnes là-bas. Et le mot "nettoyer"

 22   était un terme employé pour dire "nettoyer des gens". A ce moment-là…

 23   Question: Vous dites que cet endroit qui était montré, que vous le

 24   connaissiez. Est-ce que vous êtes allé à cet endroit dans les jours qui

 25   ont précédé cela?


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1   Réponse: Oui.

  2   Question: Y a-t-il eu un conflit qui se déroulait dans cette région, à

  3   l'époque?

  4   Réponse: Non, il n'y a pas eu de conflit là-bas du tout.

  5   Question: Veuillez poursuivre.

  6   Réponse: Je connaissais cet endroit puisque c'est là que mon père est né

  7   et toute ma famille, mon père, ma mère, mes frères, mes sœurs, mes

  8   enfants, ma femme et mes enfants et les enfants de mes sœurs. Ils étaient

  9   tous là. Au cours des jours qui ont précédé, je m'y rendais et je savais

 10   quel nombre de personnes s'y trouvaient.

 11   Si les Juges me le permettent, je souhaite vous donner une illustration:

 12   il y avait tellement de gens là-bas que mon père ne pouvait pas trouver

 13   une place dans sa propre maison pour y dormir. Mais eux, ils devaient

 14   dormir dans les bois, dans la forêt, aux alentours. Je savais qui s'y

 15   trouvait, combien de personnes il y avait là-bas puisque j'y allais.

 16   Question: Que s'est-il produit ensuite?

 17   Réponse: Ensuite, j'ai été pétrifié -c'est un terme que l'on emploie en

 18   Bosnie-, puisque tout d'un coup je savais ce que l'officier montrait, ce

 19   que "nettoyer" voulait dire, ce qu'il allait se passer, ce qu'ils

 20   planifiaient compte tenu d'un grand nombre de personnes et du fait que

 21   l'ensemble de ma famille s'y trouvait. Moi, j'étais paralysé pendant une

 22   heure. Et encore aujourd'hui, au bout de dix ans, je ne suis pas à l'aise

 23   avec cela.

 24   Question: Est-ce que, à un moment, Ojdanic est arrivé pour assister à la

 25   réunion prévue?


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  1   Réponse: Lorsque j'ai insisté, puisque j'ai même pleuré à ce moment-là

  2   pendant une heure, je ne pouvais pas prononcer un seul mot. Tout

  3   simplement, je n'arrivais pas à bouger ma bouche et je n'arrivais pas à

  4   prononcer un seul mot.

  5   Dans cette caserne se trouvaient également des journalistes étrangers;

  6   j'avais parlé avec eux, peut-être ceci a eu une certaine influence

  7   également. De toute façon, on m'a dit que le colonel aller venir assister

  8   aux négociations parce que, auparavant, il avait fait savoir qu'il

  9   n'allait pas venir puisqu'il n'y avait pas suffisamment de personnes pour

 10   permettre d'avoir des discussions sérieuses. Et le colonel est venu au

 11   bout d'environ une heure et entre-temps, d'autres personnes sont venues:

 12   le Président de la municipalité de Rudo, Vojislav Topalovic, et il était

 13   accompagné du président du Parti d'action démocrate pour la municipalité

 14   de Rudo, Branitz Abdul(?). Moi, j'y étais déjà et le colonel est venu lui

 15   aussi et nous avons parlé ensemble.

 16   Question: Avant cela, vous avez dit que vous étiez dans la caserne et que

 17   vous avez parlé avec des journalistes. De quelle caserne parlez-vous?

 18   Réponse: Je parle de la caserne appelée Uzamnice, qui se trouve à

 19   proximité immédiate du barrage.

 20   Question: Est-ce que vous pouvez décrire qui avez-vu? De quelles personnes

 21   parlez-vous lorsque vous dites que vous avez vu des gens dans la caserne?

 22   Réponse: Il y avait des réfugiés de la ville surtout, et des villages qui

 23   se trouvaient à proximité de la caserne, mais la plupart des gens étaient

 24   des gens de la ville qui ont été pris peur… qui ont pris peur à cause de

 25   cette situation. On ne savait pas si l'eau allait être libérée ou pas, et


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  1   on savait déjà que l'armée populaire yougoslave allait venir et compte

  2   tenu de tout cela, ils se sont réfugiés dans la caserne.

  3   Question: Et quelle était leur appartenance ethnique?

  4   Réponse: Pour la plupart, c'étaient des Musulmans, peut-être 99%. J'ai vu

  5   certaines personnes que je connaissais et qui étaient des Serbes.

  6   Question: Et le journaliste que vous avez rencontré… Est-ce que vous avez

  7   parlé des cartes à ce journaliste que vous avez vu?

  8   Réponse: Oui, en fait j'ai demandé au journaliste de rester là jusqu'au

  9   lendemain en expliquant que le lendemain un génocide allait avoir lieu

 10   autour de la ville de Visegrad. Il ne me faisait pas confiance puisqu'il

 11   pensait que moi aussi j'étais l'un des réfugiés qui se trouvaient sur

 12   place. Mais lorsque je lui ai expliqué que je n'étais pas un réfugié mais

 13   que j'étais venu assister à des pourparlers avec le colonel, que je venais

 14   de l'extérieur et je lui ai expliqué quelles étaient les fonctions que

 15   j'exerçais à l'époque, alors ils ont dit: «Très bien, on va rester jusqu'à

 16   demain.» Et je pense que ceci a joué un rôle clé pour que le colonel se

 17   rende aux pourparlers, pour qu'il vienne.

 18   Question: Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui s'est passé au

 19   cours de ces pourparlers?

 20   Réponse: Les journalistes ne sont pas entrés dans les détails.

 21   Question: Excusez-moi, je souhaite parler des négociations avec le

 22   colonel.

 23   Réponse: Oui?

 24   M. Groome (interprétation): Veuillez décrire la réunion que vous avez eue

 25   avec le colonel.


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  1   Réponse: Le colonel est arrivé. Et comme je l'ai déjà dit, je vous ai déjà

  2   expliqué qui s'y trouvait déjà. Lui, il a un aspect physique agréable, il

  3   était de bonne humeur. Il s'est assis à table, il a dit bonjour et il

  4   s'est adressé d'abord à moi en disant: «as-tu un problème particulier?» et

  5   il faisait référence à l'état dans lequel je m'étais trouvé une heure ou

  6   deux avant son arrivée, compte tenu du fait que ma famille se trouvait à

  7   Brstanica avec les autres. Moi, je lui ai répondu que je n'avais pas

  8   d'autres problèmes, que je partageais les problèmes des autres. Et lors de

  9   cette réunion, c'est d'abord le Président de la municipalité de Rudo qui a

 10   pris la parole. Et puisque, à Rudo, le Parti démocrate serbe et le Parti

 11   d'action démocratique s'étaient mis d'accord sur les choses, il a expliqué

 12   qu'il n'y avait pas de problème là-bas et qu'il fallait trouver un même

 13   arrangement pour Visegrad. Ensuite, j'ai parlé en insistant surtout sur le

 14   fait que la JNA devait protéger ce grand groupe de personnes qui se

 15   trouvait à Brstanica, qu'il devait les protéger pour qu'ils ne périssent

 16   pas.

 17   Ils ont dit qu'il n'y avait aucun problème, qu'ils n'avaient pas besoin de

 18   protection, qu'ils étaient sûrs qu'il n'y aurait pas de problème là-bas

 19   mais moi, je savais qu'un massacre de grande envergure risquait d'être

 20   perpétré là-bas.

 21   Question: Et jusqu'à ce moment-là, est-ce que l'armée populaire musulmane

 22   protégeait la population musulmane dans les communautés musulmanes au sein

 23   de la municipalité de Visegrad?

 24   Réponse: Vous parlez de la période brève qui a précédé ce moment ou au

 25   cours des vingt années qui ont précédé?


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  1   Question: Je parle du moment lors duquel vous avez fait cette demande.

  2   Est-ce que vous avez fait cette demande puisque les Musulmans dans leur

  3   communauté au sein de la municipalité de Visegrad ne bénéficiaient pas de

  4   la protection?

  5   Réponse: Oui, c'était la raison pour laquelle j'ai demandé de la

  6   protection de la part de la JNA puisque personne d'autre ne pouvait leur

  7   assurer cela. Ils étaient les seuls qui pouvaient le faire.

  8   Question: Et qu'a dit le colonel Ojdanic lorsque vous avez exprimé cette

  9   demande?

 10   Réponse: Le colonel Ojdanic a dit tout d'abord qu'il ne savait pas. Moi,

 11   j'ai demandé que l'armée protège ces personnes. Et ensuite, lui, il a dit:

 12   «Je ne sais pas, j'ai mes supérieurs moi aussi.» Ensuite, au bout d'encore

 13   un peu de discussion, je lui ai posé la question suivante: "est-ce que

 14   cela veut dire la chose suivante: si nous ne pouvons pas faire en sorte

 15   que les membres du SDS viennent aux pourparlers, l'armée va rester assise

 16   en train de regarder de quelle manière on massacre la population civile?».

 17   Ce à quoi il a répondu: "Très bien, demain nous allons entrer dans la

 18   ville et nous allons protéger ce groupe de personnes que j'ai mentionné,

 19   le groupe qui se trouvait à Brstanica".

 20   Question: Est-ce que quoi que ce soit d'autre a eu lieu au cours de cette

 21   réunion qui était importante?

 22   Réponse: Pour la plupart, c'était cela.

 23   Question: Après la réunion, je souhaite que vous décriviez à la Chambre ce

 24   qui s'est produit par rapport à la protection que vous avez demandée.

 25   Réponse: Après la réunion, le colonel était pressé de rentrer à Uzice.


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  1   Moi, je suis sorti et j'ai parlé un peu avec le capitaine Vukosavljevic

  2   qui était le commandant chargé du barrage. Je lui ai dit ce qui s'était

  3   passé et lui s'intéressait déjà à la manière dont les choses se

  4   déroulaient. Il n'avait pas assisté à la réunion.

  5   Ainsi, brièvement, je lui ai décrit la situation, ce qui s'est passé. Je

  6   lui ai dit que le colonel m'avait promis que le lendemain il allait donner

  7   l'ordre à l'armée de protéger la population et de prendre le contrôle de

  8   la ville. Ainsi, nous nous sommes séparés. Moi, je suis allé à l'endroit

  9   où vivaient mes parents, qui s'appelle Crnca. C'est là que j'ai passé la

 10   nuit.

 11   Le lendemain matin, j'ai appelé le barrage pour parler avec le capitaine

 12   Vukosavljevic. Je lui ai demandé qu'en était-il de la promesse donnée la

 13   veille par le colonel concernant la protection des civils, etc., ce à quoi

 14   il m'a répondu qu'il y avait des problèmes inattendus qui avaient surgi

 15   entre temps et que l'armée ne pouvait pas le faire ce jour-là, mais le

 16   lendemain.

 17   Question: Lorsque vous êtes allé à ce village, avez-vous quelque signe que

 18   ce soit qui aurait indiqué que le village bénéficiait de la protection de

 19   l'armée populaire yougoslave, de la JNA?

 20   Réponse: Ce jour-là, vous voulez dire?

 21   Question: Le jour que vous y avez passé, le jour de la réunion lorsque

 22   vous êtes allé à ce village, est-ce que vous avez quelque signe que ce

 23   soit indiquant que ces personnes bénéficiaient de la protection?

 24   Réponse: Non, non, pas du tout. Il n'y avait personne, aucun membre de la

 25   JNA. Les gens étaient effrayés, ils vivaient dans une grande incertitude


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  1   et une grande peur.

  2   Question: Vukosavljevic est-ce qu'il vous a jamais suggéré de recontacter

  3   le colonel Ojdanic?

  4   Réponse: Oui. Oui, oui.

  5   Question: Quand?

  6   Réponse: Ceci s'est produit le jour où, d'après la promesse donnée,

  7   l'armée devait protéger les civils. Comme le colonel a appelé d'Uzice pour

  8   dire qu'il ne pouvait pas le faire ce jour-là mais le lendemain, à ce

  9   moment-là je n'ai même pas réfléchi. C'était peut-être risqué de se rendre

 10   au barrage mais je n'ai pas réfléchi à cela; j'ai pris ma voiture et je

 11   suis allé tout de suite là-bas.

 12   J'ai trouvé Vukosavljevic, je lui ai dit: "Mais pourquoi l'armée n'y est

 13   pas?", et il m'a dit: "Je ne sais pas ce qui se passe. Tu n'as qu'à

 14   appeler Uzice pour parler avec le colonel et tu n'as qu'à insister pour

 15   qu'il remplisse la promesse qu'il a donnée hier."

 16   Je l'ai fait, il m'a donné le numéro de téléphone, il m'a donné le

 17   téléphone également et je l'ai appelé. Un officier a répondu. Moi, je me

 18   suis présenté, j'ai dit qui appelait et le colonel a répondu. Je lui ai

 19   rappelé ce qui avait été dit et je lui ai demandé d'y aller ce jour-là

 20   sans attendre le lendemain, ce à quoi il a répondu: "D'accord! Que le

 21   capitaine Vukosavljevic m'appelle alors". C'est le message que je lui ai

 22   transmis.

 23   Lui, il est allé dans un autre bureau et c'est de là qu'il a appelé le

 24   colonel. Je ne sais pas de quoi ils ont parlé, ceci n'a pas duré

 25   longtemps. Et il est venu, il était clairement de très bonne humeur. Voilà


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  1   ce qu'il m'a dit; littéralement il m'a appelé, il a dit mon prénom, il a

  2   dit: "Nous avons reçu l'aval du colonel, nous allons y aller rapidement

  3   pour évacuer ces gens dans la ville."

  4   Il a recueilli environ 30 soldats qu'il a placés dans deux camions, je

  5   crois. Moi, je me suis assis dans sa voiture, c'était une Lada. Nous nous

  6   sommes assis devant et nous étions suivis par les deux camions. Nous

  7   sommes allés à Brstanica pour dire à ces personnes qu'ils devaient se

  8   rendre dans la ville et que cette action allait être contrôlée par la JNA.

  9   C'est comme cela que cela s'est passé. Nous nous y sommes rendus et les

 10   gens avaient déjà appris, d'une façon ou d'une autre, que nous devions

 11   arriver. Ils se sont rassemblés au centre de l'un des villages de

 12   Brstanica.

 13   Vukosavljevic a insisté pour que tout cela se passe rapidement. Il fallait

 14   former des colonnes. Il y avait des voitures, les gens âgés devaient

 15   prendre place dans les voitures et que l'on se rende immédiatement à

 16   Visegrad.

 17   C'est ainsi que nous avons fait. Nous avons essayer d'organiser cela le

 18   plus rapidement possible: nous avons formé des colonnes et nous sommes

 19   partis pour Visegrad.

 20   Question: Est-ce que c'était le jour où le corps d'armée est réellement

 21   rentré à Visegrad?

 22   Réponse: Oui, c'était bien le même jour.

 23   Question: Pourriez-vous décrire leur arrivée? D'où sont-ils venus et dans

 24   quelles circonstances?

 25   Réponse: Le Corps d'Uzice est arrivé de la direction d'Uzice, donc de la


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  1   rive droite de la Drina, de la direction de la Serbie. Ils sont donc

  2   arrivés en provenance d'Uzice en prenant plusieurs routes et ils avaient

  3   tout type d'armement que l'armée populaire yougoslave possédait. Mise à

  4   part l'armement d'infanterie standard, il y avait aussi des chars, des

  5   canons, des mortiers. Donc, les unités étaient complètement équipées. Ils

  6   sont arrivés en provenance de plusieurs routes et ils ne sont pas entrés

  7   tout de suite dans la ville; ils sont rentrés dans la ville un ou deux

  8   jours plus tard, ce qui veut dire que la ville est restée complètement

  9   vide pendant un jour ou deux. Ils sont entrés dans la ville le même jour

 10   où les gens de Brstanica étaient arrivés à la ville, peut-être un peu

 11   avant. Une heure ou deux avant, ils ont pris le contrôle de la ville.

 12   Question: Où est-ce que l'on a fait aller ces gens-là?

 13   Réponse: La question qui se posait, c'était où placer un si grand nombre

 14   de personnes. Le capitaine Vukosavljevic ne savait pas quoi faire. Au

 15   départ, il pensait qu'il faudrait les placer dans un hôtel, l'hôtel

 16   Visegrad. Mais quand il s'est rendu compte que le nombre des gens était

 17   beaucoup plus élevé qu'il ne l'avait pensé auparavant, il a dit: "Mais

 18   allons au stade de foot!". Donc c'est bien ce qu'il a fait, il a fait

 19   venir la colonne au stade de football.

 20   Moi, je suis resté un peu à l'arrière. Ceci est peut-être un détail

 21   important: avant de rentrer dans la ville on a pu entendre des tirs;

 22   c'étaient des tirs assez soutenus et ils venaient en provenance de

 23   l'endroit par lequel il fallait que nous passions. Le capitaine m'a dit à

 24   moi et à deux autres, qui étaient avec nous dans sa voiture à lui: "Restez

 25   ici, moi je vais voir ce qui se passe et d'où cela tire", et il s'est


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  1   rendu en direction de ces coups de feu. Et nous, nous  sommes restés tout

  2   seuls à cet endroit-là.

  3   Entre temps, les gens sont déjà entrés dans la ville et se sont rendus au

  4   stade, ce qui fait que j'étais déjà… Les gens étaient au stade quand je

  5   suis arrivé.

  6   Question: Il y avait à peu près combien de personnes au stade?

  7   Réponse: Au stade, il y avait à peu près 4.000… Peut-être 4.500 personnes.

  8   Question: Est-ce que quelqu'un de l'armée populaire yougoslave s'est

  9   adressé à ces 4.000 personnes?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Comment s'appelait cette personne-là?

 12   Réponse: C'était quelqu'un qui s'est présenté comme étant le commandant de

 13   la ville, lieutenant-colonel Jovanovic. C'est comme cela qu'il s'est

 14   présenté aux gens, et il a utilisé un mégaphone pour s'adresser à cette… à

 15   ces gens.

 16   Question: Est-ce que c'était la première fois que vous voyiez le

 17   lieutenant-colonel Jovanovic?

 18   Réponse: Oui, c'était la première fois.

 19   Question: Est-ce que vous avez essayé de lui parler avant?

 20   Réponse: Oui, le colonel Vukosavjlevic qui nous avait accompagnés, c'était

 21   lui qui m'a présenté à Jovanovic. Ce qu'il m'a dit, c'était: "Cet homme

 22   s'appelle comme cela et ceci, ce sont ses fonctions". Et puis il a dit:

 23   "Ceci est le commandant Jovanovic, c'est le commandant de la ville". Mais

 24   celui-là ne faisait pas trop attention à moi, il m'a dit: "Ecoute, tu peux

 25   aller ailleurs, il faut chercher trois personnes, trois personnalités


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  1   connues de la ville qui sont parmi ces gens-là." Et c'est bien ce que j'ai

  2   fait.

  3   Question: Vous avez pu entendre leur entretien?

  4   Réponse: Oui, j'ai dû être à 10 ou 15 mètres de l'endroit.

  5   Question: Pourriez-vous dire à la Chambre ce qu'il a dit à ces 4.000,

  6   4.500 personnes qui étaient rassemblées au stade?

  7   Réponse: Je me souviens de ce qu'il a dit. Il s'est présenté, il a dit

  8   qu'il était le commandant de la ville et qu'il fallait écouter

  9   attentivement ce qu'il allait dire. Et voilà ce qu'il a dit: dans un

 10   village, dans quelque village que ce soit en effet, où un seul coup de feu

 11   serait tiré, il allait raser tout, la maison et dans certains cas, même,

 12   tout le village. Et il a dit: "Les unités des Aigles blancs sont aussi

 13   sous mon commandement".

 14   Il faut que je dise que les Musulmans craignaient énormément les unités

 15   des Aigles blancs. Et il a aussi dit que si quiconque possédait une arme,

 16   il fallait la rendre et s'ils ne l'avaient pas sur eux, il fallait

 17   l'apporter le lendemain.

 18   Il a aussi dit aux gens qu'ils pouvaient rentrer maintenant ou se rendre à

 19   différents endroits, c'est-à-dire que c'est lui qui a déterminé des

 20   endroits où les gens pouvaient aller et d'autres ne pouvaient pas aller.

 21   Il a donné une liste des endroits où les gens pouvaient se rendraient et

 22   il a dit: "Voilà, ici, il y a mes unités qui contrôlent le territoire;

 23   c'est là-bas que vous pouvez vous rendre" -et il a donné une liste des

 24   endroits- "parce je peux vous garantir votre sécurité. Ailleurs, je ne

 25   peux pas vous le garantir". Ceci était le contenu de son discours.


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  1   Question: Qu'est-ce qu'il a dit exactement des Aigles blancs, pour autant

  2   que vous vous en souveniez?

  3   Réponse: Il leur a dit une ou deux phrases là-dessus. Il a dit: "Les

  4   unités des Aigles blancs se trouvent aussi sous mon commandement et c'est

  5   pour cela que vous devez faire attention à ce que vous faites". C'était

  6   dit dans ce sens-là.

  7   Question: A quels endroits il a dit que les Musulmans pouvaient aller, et

  8   à quels autres endroits il a dit que les Musulmans ne pouvaient pas se

  9   rendre, si vous vous souvenez?

 10   Réponse: Oui, je me souviens de cela aussi puisque je connais toutes ces

 11   localités. Sur la rive droite, il a dit qu'on pouvait aller jusqu'au

 12   village de Musici et pas plus loin. Donc ce village-là, c'était mieux

 13   peut-être que les gens n'y aillent pas mais ils pouvaient encore y aller.

 14   Cela, c'était donc pour la rive droite et en aval alors que sur la rive

 15   gauche, Jelasci, Hamzici, Brstanica. Les gens pouvaient y aller, pouvaient

 16   rentrer chez eux. Cela veut dire que les gens qui venaient de la rive

 17   droite, qui venaient des villages que le colonel n'avait pas énumérés,

 18   eux, ils se sont rendus chez des parents ou des amis sur la rive gauche.

 19   Question: Et ces endroits qui se trouvaient sur la rive droite, est-ce

 20   qu'il s'agissait là de certains endroits dont vous avez entendu qu'ils

 21   devaient être nettoyés lors de la réunion à la caserne d'Uzamnice la

 22   veille?

 23   Réponse: Oui, il s'agissait précisément de ces endroits-là.

 24   Question: Donc les gens n'avaient pas la permission de rentrer dans ces

 25   villages-là?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Est-ce qu'à un moment, on a fouillé les personnes qui étaient au

  3   stade?

  4   Réponse: Quand le colonel a terminé son discours, il a expliqué aux gens

  5   qu'ils devaient former des colonnes et les soldats ont établi trois ou

  6   quatre points de contrôle par lesquels les gens passaient. On les

  7   fouillait pour voir s'ils n'avaient pas d'armes; une fois que chaque

  8   personne était passée par ce point de contrôle, ils pouvaient se rendre

  9   dans n'importe lequel des villages que le colonel avait mentionné.

 10   Question: Est-ce que toutes les personnes qui étaient au stade avaient été

 11   fouillées?

 12   Réponse: Au début, ils l'ont fait de manière tout à fait méthodique, si je

 13   puis dire. Par la suite, on a commencé à le faire de manière tout à fait

 14   routinière puisque le temps passait et il y avait une foule de gens. Par

 15   exemple, moi-même je n'ai pas été fouillé.

 16   Question: Est-ce que vous portiez une arme?

 17   Réponse: Oui, effectivement, à ce moment-là j'avais un pistolet de type

 18   Zastava, calibre 7-62.

 19   Question: Qu'avez-vous fait avec ce pistolet?

 20   Réponse: Etant donné que la ville était pleine de militaires -vous savez,

 21   c'était un peu quand les gens sortent du cinéma-, je me suis demandé: que

 22   va-t-il advenir si jamais quelqu'un trouve cette arme? Et ce que j'ai

 23   fait, je suis allé chercher le capitaine Vukosavljevic et je lui ai dit:

 24   "Ecoute, tiens-le, garde-le parce que si jamais quelqu'un me le trouve,

 25   qu'est-ce qu'il va se passer?". Effectivement, il l'a pris. Un jour ou


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  1   deux plus tard, il m'a envoyé une confirmation comme quoi je lui ai donné

  2   ce pistolet.

  3   Question: De quelle appartenance ethnique était le capitaine

  4   Vukosavljevic?

  5   Réponse: Il était serbe.

  6   Question: Qu'avez-vous fait après la réunion?

  7   Réponse: Après la réunion, le colonel m'a brièvement dit: "Viens chez moi

  8   à l'hôtel". C'est bien ce que j'ai fait, je me suis rendu à l'hôtel

  9   Visegrad qui se trouvait au centre ville.

 10   Question: C'était quel colonel qui vous a dit cela?

 11   Réponse: C'était Jovanovic. En fait, je m'excuse, il était lieutenant

 12   colonel.

 13   Question: Vers quelle heure vous êtes-vous rendu à l'hôtel Visegrad?

 14   Réponse: Peu de temps après le discours que le commandant Jovanovic avait

 15   prononcé. Je suis resté juste un peu de temps traîner, voir si ma famille

 16   n'était pas dans les parages. Après, je suis allé à l'hôtel.

 17   A l'hôtel, l'un des officiers m'a retenu en me disant qu'il fallait que

 18   j'attende un peu, en me disant que le commandant ne pouvait pas me

 19   recevoir tout de suite.

 20   C'est à ce moment-là, du côté de la réception où je me trouvais, que Mme

 21   Biljana Plavsic est arrivée avec Branimir Savovic. Savovic portait un

 22   uniforme de camouflage.

 23   Etant donné qu'ils sont entrés exactement à l'endroit où je devais me

 24   rendre, donc chez le commandant, peu de temps après on m'a dit que le

 25   commandant ne pouvait pas me recevoir et qu'il me demandait de venir le


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  1   lendemain. C'est à ce moment-là que je me suis rendu à l'endroit où était

  2   ma famille.

  3   Question: Pourriez-vous nous rappeler qui était M. Savovic?

  4   Réponse: Branimir Savovic était le président du SDS, donc le parti

  5   démocratique serbe. Il était le président de la branche du SDS de

  6   Visegrad.

  7   Question: Est-ce que, à un quelconque moment, vous avez quitté Visegrad?

  8   Réponse: J'ai quitté Visegrad le 16 mai, à midi.

  9   Question: Pourriez-vous décrire à la Chambre sous quelles circonstances

 10   vous avez quitté Visegrad?

 11   Réponse: Etant donné que la ville était sous contrôle des militaires, il

 12   aurait dû quitter Visegrad le 20 mais, si je ne trompe pas... La situation

 13   était très incertaine et peu sûre. Déjà, quelque temps avant que l'armée

 14   doive quitter la ville, je sentais que la situation était très peu sûre

 15   pour moi-même et pour ma famille. Donc, nous avons décidé de quitter la

 16   ville.

 17   Ceci, cependant, n'était pas facile à faire car à chaque de la ville, il y

 18   avait des points de contrôle et l'on ne permettait pas que les gens

 19   quittent la ville. C'est pour cette raison là que j'ai demandé à l'un des

 20   vice-présidents du parti démocrate serbe, qui s'appelait Stanko Pecikoza.

 21   C'était un homme de renom, que ce soit dans son parti ou dans la ville en

 22   général. Je lui ai donc demandé de faire sortir ma famille et moi-même en

 23   direction de Uzice car c'était la seule sortie possible.

 24   Il nous a par la suite expliqué en détail comment il fallait nous

 25   préparer, à quel moment il fallait que l'on soit prêt et à quel moment on


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   1   allait partir. Et il nous a fait passer les points de contrôle. Il y avait

  2   deux points de contrôle: un à Varviselo(?), l'autre à Dobrun qui se trouve

  3   sur la route de Uzice.

  4   Par la suite, il nous a donné les instructions: quel chemin suivre, quelle

  5   route suivre une fois que nous serions en Serbie, et c'est bien comme cela

  6   que nous avons procédé.

  7   Question: Cet homme qui vous a aidé à sortir en cachette de Visegrad était

  8   de quelle appartenance ethnique?

  9   Réponse: Il était serbe. C'était un Serbe qui jouissait de renom dans la

 10   ville.

 11   Question: Est-ce que vous savez où il se trouve actuellement?

 12   Témoin VG-022 (interprétation): Malheureusement, il est décédé. C'était un

 13   homme gentil et bien. Si les renseignements que je possède sont bons, il a

 14   été liquidé par les membres du SDS peu après le moment où il m'a aidé,

 15   avec ma famille, à sortir de la ville.

 16   M. Groome (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions.

 17   M. le Président (interprétation): Maître Domazet?

 18   (Contre-interrogatoire du témoin VG-022 par Me Domazet.)

 19   M. Domazet (interprétation): Monsieur, vous avez commencé en nous disant

 20   comment s'étaient créés des partis politiques à Visegrad. Si je me

 21   souviens bien, vous nous avez dit que les deux partis politiques les plus

 22   forts étaient le parti d'action démocratique et le SDS. Est-ce exact?

 23   Témoin VG-022 (interprétation): Oui.

 24   Question: Quel a été le premier de ces deux partis politiques a être

 25   formé?


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  1   Réponse: Je ne le sais pas. Les deux partis politiques ont été créés dans

  2   un laps de temps assez court.

  3   Question: Vous n'êtes pas sûr que le SDA a été créé avant le SDS?

  4   Réponse: Non, pas tout à fait.

  5   Question: Y avait-il un autre parti politique ethnique?

  6   Réponse: Si l'on peut dire que c'étaient des partis plutôt orientés vers

  7   une certaine ethnie, oui, on peut dire qu'il y avait d'autres partis qui

  8   s'adressaient aux membres d'une certaine ethnie.

  9   Question: Est-ce que l'on peut dire que dans le parti SDA il y avait aussi

 10   des Serbes?

 11   Réponse: Non.

 12   Question: Ou bien que dans le SDS il y avait aussi des Musulmans?

 13   Réponse: Non, il n'y avait pas de Musulmans dans le SDS.

 14   Question: Donc c'étaient, à vrai dire, des partis politiques à orientation

 15   ethnique?

 16   Témoin VG-022 (interprétation): Si vous voulez le dire comme cela, oui, je

 17   suis d'accord avec vous.

 18   M. Domazet (interprétation): Mais je crois que c'est la conclusion qui

 19   s'impose de vos réponses.

 20   M. le Président (interprétation): Un instant, Maître Domazet. Si vous

 21   parlez tous les deux la même langue, cela crée des problèmes pour les

 22   interprètes. Pourriez-vous attendre que le témoin ait répondu à la

 23   question?

 24   Et vous, Monsieur le témoin, marquez une pause après la question de Me

 25   Domazet.


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  1   M. Domazet (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   Avant les élections multipartites en Bosnie-Herzégovine, étant donné la

  3   composition ethnique de la population de Visegrad, est-il exact que les

  4   fonctions de premier plan dans la ville au niveau de l'exécutif et du

  5   judiciaire, il y avait les représentants de 2 ethnies, c'est-à-dire il y

  6   avait aussi bien des Serbes que des musulmans qui occupaient des postes

  7   importants?

  8   Réponse: Oui, après les élections multipartites.

  9   Question: Ma question était avant les élections multipartites.

 10   Réponse: Oui, avant aussi.

 11   Question: Vous nous avez dit que les élections multipartites ont eu pour

 12   résultat à Visegrad que la majorité avait été remportée par le SDA, qui

 13   avait 27 députés alors que le SDS en avait 13. Est-ce que cela reflétait

 14   aussi la composition ethnique de la population, c'est-à-dire le rapport en

 15   nombre entre Musulmans et Serbes?

 16   Réponse: Ce rapport correspondait aux proportions des Serbes et des

 17   Musulmans dans la ville.

 18   Question: Est-ce qu'une fois que le pouvoir, que le nouveau pouvoir s'est

 19   mis en place au niveau de la ville, après donc ces élections

 20   multipartites, y a-t-il eu des changements à tous niveaux de postes à la

 21   mairie de Visegrad?

 22   Réponse: Il y a eu des changements au niveau de la municipalité, et dans

 23   les autres structures il n'y a pas eu de changements. Par exemple,

 24   personne n'a obligé les directeurs ou des PDG des sociétés à démissionner.

 25   Il y a eu changement au niveau de l'assemblée, du comité exécutif de


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  1   l'assemblée, et donc dans tout ce qui était l'administration de la ville.

  2   Question: Oui, donc tout ce qui concernait les autorités qui gouvernaient

  3   la ville, ces autorités-là étaient-elles en charge de nommer les

  4   dirigeants des sociétés?

  5   Réponse: Je ne pourrais pas vous donner une réponse tout à fait exacte, je

  6   n'en suis pas sûr. Mais je crois que, si tel était leur désir, ils

  7   pouvaient effectuer ces changements.

  8   Question: Si je vous ai bien compris, le Président de l'assemblée

  9   municipale pouvait changer le dirigeant d'une société?

 10   Réponse: Le Président en personne ne pouvait pas le faire, mais

 11   l'assemblée de la municipalité aurait pu avoir une telle autorité.

 12   Question: Vous pensez ici aux sociétés qui s'occupaient de la ville, des

 13   sociétés qui s'occupaient de choses utilitaires dans la ville ou de tout

 14   type d'entreprise?

 15   Réponse: Oui, sans doute. Tout ce qui concernait la compagnie des eaux et

 16   des choses similaires ou de l'électricité ou quelque chose qui était

 17   beaucoup plus liée à la structure municipale. Mais pour les autres

 18   entreprises, je peux vous dire que j'ai été l'un des directeurs des

 19   sociétés de Visegrad et, entre collègues, on se posait la question si les

 20   nouvelles autorités n'allaient pas faire démissionner, faire partir un

 21   certain nombre de dirigeants de sociétés.

 22   Question: Oui, vous étiez parmi les directeurs d'une entreprise dont je ne

 23   veux pas mentionner le nom, mais, d'après la loi, vous n'étiez pas nommé

 24   par l'assemblée municipale. Donc celle-ci ne pouvait pas vous changer.

 25   Réponse: Oui.


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  1   Question: Pourriez-vous nous dire après ces premières élections

  2   multipartites et que les nouvelles autorités avaient pris le pouvoir, est-

  3   ce que dans les autorités judiciaires ou dans l'exécutif, est-ce que le

  4   Président du tribunal et les institutions similaires… qui occupait ces

  5   postes? Y avait-il un Serbe parmi eux ou bien c'étaient les Musulmans qui

  6   occupaient tous ces postes?

  7   Réponse: Je me souviens quand il y a eu des entretiens qui concernaient…

  8   qui allait être nommé et à quel poste. Et l'un des critères principaux

  9   était le nombre de votes obtenus lors des élections, le nombre de voix

 10   obtenues lors des élections. Et c'est à peu près de cette façon-là que ça

 11   a été fait.

 12   Question: Mais ma question était plutôt concrète. Le président de la

 13   municipalité était un musulman?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Le président du comité exécutif aussi?

 16   Réponse: Et je peux vous dire qui était, je veux dire les noms, le

 17   Président du comité exécutif était musulman.

 18   Question: C'était aussi donc un poste important. Le Président de Visegrad

 19   après les élections, était-ce un musulman?

 20   Réponse: Je n'en suis pas sûr, mais je crois bien que c'était un Musulman

 21   qui occupait ce poste.

 22   Question: A vrai dire, on peut obtenir toutes ces statistiques, mais vous

 23   nous dites que ça correspondait à la structure de la population. De quelle

 24   façon cela aurait pu correspondre… De quelle façon voyez-vous que les

 25   Serbes étaient bien représentés ou enfin dans les proportions nécessaires?


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  1   Réponse: Voici comment cela se présentait: le président de la

  2   municipalité, qui était l'homme qui avait la plus grande autorité, il

  3   venait du SDA et son adjoint était quelqu'un du SDS; c'était une dame

  4   prénommée Jelisavka dont je ne me souviens… Je ne me souviens plus de son

  5   nom de famille. Elle était mon enseignante à l'école primaire. De même, le

  6   Président du comité exécutif était du SDA et son adjoint venait du SDS. Il

  7   s'appelait Slobodan Klipe. Et c'est comme ça que les postes ont été

  8   répartis.

  9   Le Président de l'un des organes dans la municipalité -je crois bien qu'il

 10   s'agissait du cadastre-, était serbe aussi. Il s'appelait Sinisa Ceho, si

 11   je ne me trompe pas. C'est pour cela que je dis que ces proportions

 12   étaient faites… ou cette répartition de postes a été faite plus ou moins

 13   pour qu'elle corresponde au résultat des élections.

 14   Question: Si je vous ai bien compris, la seule personne qui se trouvait à

 15   la tête d'une institution et qui était serbe, donc qui n'était pas un

 16   adjoint, c'était quelqu'un que vous appeliez le "président du cadastre"

 17   -si je puis me permettre; c'était probablement le chef du cadastre, cela

 18   n'aurait pas pu s'appeler président. Donc c'était le seul qui occupait un

 19   poste de premier plan, alors que tous les autres Serbes étaient soit des

 20   adjoints, soit des vice-présidents?

 21   Réponse: C'est ce dont je me souviens maintenant. Mais ce que j'affirme,

 22   et je sais que de tels accords avaient été passés, que le SDA et le SDS,

 23   et je dois dire que j'ai participé à un certain nombre de réunions portant

 24   sur la répartition des postes qui devait se faire d'après les résultats

 25   des élections… L'accord a donc été passé et tout le monde était content.


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  1   Question: Sur quelle base vous pouvez affirmer que le SDS était content?

  2   Réponse: Il avait accepté ces accords donc les deux parties avaient

  3   accepté les accords, c'étaient eux qui avaient proposé les personnes qui

  4   devaient occuper le poste de l'adjoint du président de la municipalité ou

  5   bien du président du comité exécutif.

  6   M. Domazet (interprétation): Est-ce que, d'après le statut de votre

  7   municipalité, on prévoyait qu'une majorité de deux tiers statue et décide

  8   sur tous les éléments importants?

  9   Témoin VG-022 (interprétation): Je ne saurais pas vous le dire, mais il

 10   est clair qu'un certain nombre de questions devaient être décidées par une

 11   majorité de deux tiers.

 12   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, il est maintenant 13

 13   heures. Mais cet après-midi, quand nous allons reprendre les débats, est-

 14   ce que nous pourrions passer à la période pertinente, à savoir 1992?

 15   Quelle est la pertinence de vos questions?

 16   M. Domazet (interprétation): Je ne pense pas essayer de justifier qui que

 17   ce soit, mais j'arrive à peu près à la fin de la période, de la première

 18   période et nous allons reprendre avec la période de 1992, plus tard.

 19   M. le Président (interprétation): Ce qui ne nous intéresse pas, c'est ce

 20   qui a été bien fait ou pas bien fait en 1990. Si vous avez deux questions

 21   à poser, il faut que ces deux questions soient pertinentes. Donc, passez

 22   en 1992.

 23   M. Groome (interprétation): Avant de reprendre, nous avons deux témoins

 24   qui peuvent bénéficier des mesures de protection. L'un d'entre eux devrait

 25   venir témoigner demain. Est-ce que je peux présenter un certain nombre de


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  1   requêtes de façon orale?

  2   M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas besoin de le faire par

  3   écrit mais, en revanche, nous voudrions des explications. Si vous voulez

  4   demander des mesures de protection telles que la distorsion des traits du

  5   visage ou bien un pseudonyme, nous avons besoin d'une explication.

  6   M. Groome (interprétation): Oui, nous allons le faire.

  7   M. le Président (interprétation): Nous allons reprendre à 14 heures 30.

  8   (L'audience suspendue à 13 heures 04, est reprise à 14 heures 30.)

  9   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, je trouve sur mon

 10   bureau une requête demandant l'autorisation de présenter un nouveau témoin

 11   expert. Cette habitude très déplorable qui nous vient des Etats-Unis de

 12   tout présenter par écrit, et qui s'impose ici au Tribunal, n'est pas une

 13   pratique à laquelle je sois favorable. Moi, ce que je vous suggère de

 14   faire, c'est de parler avec Me Domazet, de lui remettre une copie du

 15   rapport et, si cela lui pose des problèmes, à ce moment-là, nous

 16   entendrons les arguments des parties vers 16 heures un après-midi ou à peu

 17   près à ce moment-là. Mais nous ne souhaitons pas que ce genre de requête

 18   soit fournie par écrit.

 19   Je ne sais pas pourquoi vous avez pris cette déplorable habitude.

 20   J'imagine que c'est Mme le Juge McDonald qui en est peut-être un peu

 21   responsable.

 22   M. Groome (interprétation): Bien, Monsieur le Président.

 23   M. le Président (interprétation): Vous pouvez continuer, Maître Domazet.

 24   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je souhaiterais

 25   conclure. Comme je l'ai dit, je n'ai qu'une ou deux questions à vous poser


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  1   au sujet de cette période.

  2   Et la première question est de savoir si vous êtes au courant du fait que

  3   l'assemblée dont vous nous avez parlé a modifié son statut et a rejeté les

  4   dispositions stipulant qu'une majorité de deux tiers était nécessaire pour

  5   certaines décisions.

  6   Savez-vous que cette décision a été prise par la majorité musulmane de

  7   l'assemblée?

  8   Témoin VG-022 (interprétation): Je ne suis pas au courant, je ne pense pas

  9   que cela ait eu lieu.

 10   Question: Autre question: est-ce que vous savez que les députés serbes ont

 11   quitté l'assemblée et ont cessé de participer à ces travaux?

 12   Réponse: Cela a pu se produire à certain moment, s'ils n'étaient pas

 13   d'accord avec certaines dispositions, avec certains textes. Il est

 14   possible que certains députés, à ce moment-là, quittaient l'assemblée mais

 15   ensuite ils revenaient pour assister à la séance suivante.

 16   Question: Bien évidemment, il apparaît que nous ne parlons pas de la même

 17   chose mais ne nous étendons pas sur la question et passons à autre chose.

 18   Je souhaiterais maintenant évoquer l'été 1992, vous en avez parlé

 19   longuement ce matin.

 20   On vous a posé une question au sujet de la Défense territoriale et au

 21   sujet de la confiscation de certaines armes ou des armes de la Défense

 22   territoriale. Est-ce que la Défense territoriale de Visegrad était

 23   constituée aussi bien de Serbes que de Musulmans ou bien uniquement de

 24   certains d'entre eux?

 25   Réponse: La Défense territoriale comptait aussi bien des Musulmans que des


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  1   Serbes.

  2   Question: Est-ce que cela signifie que si l'on a saisi les armes de la

  3   Défense territoriale à Visegrad, est-ce que cela signifie donc que plus

  4   aucun des membres de la défense territoriale n'avait accès à aucune arme

  5   que ce soit et qu'il soit Musulman ou Serbe?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Merci.

  8   Vous avez également parlé du fait que les Serbes sont parvenus à se

  9   procurer des armes d'une manière ou d'une autre. Est-ce que vous savez de

 10   quelle manière ils l'ont fait?

 11   Je parle des informations que vous avez eues directement, de ce que vous

 12   avez pu voir directement.

 13   Réponse: Moi, personnellement, je n'ai jamais vu que l'on ait distribué

 14   des armes aux Serbes si c'est à quoi vous faites référence.

 15   Question: Merci.

 16   Est-ce que vous savez que les Musulmans ont fait la même chose, qu'ils ont

 17   eux aussi obtenu des armes pendant cette période?

 18   Réponse: A cette époque, certains Musulmans ont obtenu des armes qu'ils

 19   ont achetées.

 20   Question: Est-ce que Seval Martic, à ce moment-là, était le chef du MUP ou

 21   de la police?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Est-ce que des gens je pense en particulier à la JNA dont vous

 24   avez parlé en évoquant la Défense territoriale, je voudrais savoir si, au

 25   sein de la JNA, on est intervenu pour exiger de la police qu'elle remette


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  1   ces armes?

  2   Réponse: Je ne peux pas vous donner de réponse catégorique, mais je ne

  3   pense pas, je crois que la réponse est non.

  4   Question: Vous avez dit savoir personnellement que des Serbes ont été

  5   convoqués pour participer à des exercices militaire parce que vous y avez

  6   vu ceci se produire dans la société où vous travailliez. Je voudrais

  7   savoir qui a envoyé ces documents de mobilisation, qui était responsable

  8   de cette procédure?

  9   Réponse: Je ne sais pas qui a envoyé ces documents. J'ai simplement

 10   entendu dire ce que m'ont rapporté ceux qui ont participé à ces exercices.

 11   Ils m'ont donné cette raison pour expliquer leur absence sur leur lieu de

 12   travail.

 13   Question: Est-ce que c'est quelque chose dont vous vous souvenez? Est-ce

 14   que vous vous souvenez que c'est le département militaire qui était chargé

 15   d'envoyer ces documentes?

 16   Réponse: Dans des circonstances normales, oui.

 17   Question: vous souvenez-vous qui, à ce moment-là, était à la tête du

 18   département militaire à Visegrad?

 19   Réponse: Au moment où ces documents ont été envoyés, je ne sais pas qui

 20   était à la tête de ce département mais je sais que c'était un Serbe.

 21   Question: Est-ce que vous en êtes sûr, est-ce que vous connaissez le nom

 22   de cet homme?

 23   Réponse: Non, je ne connais pas son nom, mais je suis sûr à cent pour cent

 24   que c'était un Serbe car il n'y avait aucun Musulman qui travaillait là-

 25   bas.


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  1   Question: Continuons à nous intéresser au département militaire. Est-ce

  2   que vous savez que des Musulmans ont confisqué ou saisi des armes qui

  3   appartenaient au département militaire?

  4   Réponse: Non.

  5   Question: Vous avez évoqué un incident qui a eu lieu dans la carrière vers

  6   le 4 avril. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire un peu plus, vous

  7   nous avez raconté que certaines personnes ont essuyé des tirs. Est-ce que

  8   vous savez qui a tiré sur ces personnes et pour quelles raisons et comment

  9   s'est terminé tout cela?

 10   Réponse: Je ne peux faire que des suppositions. Quant à ceux qui ont

 11   ouvert le feu, je connaissais très bien ceux qui ont essuyé ces tirs et

 12   tout de suite après ils m'en ont parlé.

 13   Et la conclusion de cet événement c'est que…ce qui en a suivi c'est que

 14   tout le monde a quitté son poste de travail.

 15   Question: Vous voulez parler des gens qui travaillaient là?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Aujourd'hui, vous nous avez parlé de ce qui s'est passé un ou

 18   deux jours après, lorsqu'il y a eu des tirs de mortier sur Visegrad. Est-

 19   ce exact?

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: D'autre part, vous avez dit que les quartiers musulmans ainsi

 22   que le centre de la ville ont été ciblés. Pouvez-vous, s'il vous plaît, me

 23   dire quelle partie de Visegrad était musulmane à cent pour cent? Est-ce

 24   qu'il y avait des quartiers de ce genre?

 25   Réponse: Il y avait des endroits dans la ville où il n'y avait que des


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  1   Musulmans, ça c'est indéniable. Et en plus du centre ville, il y avait

  2   Nezuci; c'est un des premiers villages qui a été attaqué, c'est un village

  3   qui se trouve très près du barrage.

  4   Question: A ma connaissance, le barrage est à une certaine distance de la

  5   ville?

  6   Réponse: A ma connaissance, oui.

  7   Question: Donc vous avancez qu'il y a eu des tirs de mortier aussi bien

  8   sur le centre de la ville que sur la zone située près du barrage?

  9   Réponse: J'étais présent au centre ville au moment où les obus sont

 10   tombés. Quant à cette autre chose, je veux dire que ce n'était pas à côté

 11   du barrage, le village de Nezuci a été pris pour cible parce que là, il y

 12   avait non seulement pas mal de villageois mais aussi beaucoup de réfugiés.

 13   Et moi-même, j'ai reçu la visite d'un homme qui m'a demandé de lui donner

 14   de l'essence pour qu'il puisse transporter sa femme à l'hôpital parce

 15   qu'elle avait été blessée au cours de ces tirs de mortier. Cette femme

 16   était enceinte de 11 mois à ce moment-là. Il y avait un autre homme, un

 17   Musulman, qui a également été blessé, qui a été emmené à Gorazde, à

 18   l'hôpital.

 19   Question: Vous nous avez parlé des personnes qui ont été blessées. Est-ce

 20   que vous savez s'il y a des gens qui ont été tués au cours de cette

 21   offensive sur Visegrad et sur les environs?

 22   Réponse: Il y a des gens qui sont morts, en particulier cette femme que

 23   j'ai évoquée; elle n'a pas survécu. Et je sais que pas mal de gens ont été

 24   blessés. Je ne suis pas sûr du nombre de personnes qui ont été tuées, mais

 25   il y en a qui ont été tuées.


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  1   Question: A Visegrad même?

  2   Réponse: Oui, à Visegrad, mais dans une moindre mesure. Moi, je parle

  3   surtout du village de Nezuci qui se trouve pas loin du barrage.

  4   Question: Vous avez parlé des négociations avec les représentants du SDS,

  5   avec la participation ou la médiation de la JNA. Vous nous avez dit que

  6   ceci avait eu lieu, cette réunion, à Kosovo Polje. Pourquoi cette réunion

  7   n'a-t-elle pas eu lieu à Visegrad? En d'autres termes, à ce moment-là, au

  8   moment où vous avez organisé la réunion, où étaient les représentants du

  9   SDS?

 10   Réponse: La réunion dont vous parlez a eu lieu à Kosovo Polje, elle n'a

 11   pas été organisée avec la médiation de l'armée. Je me suis entretenu

 12   directement avec Branimir Savovic qui était président du SDS. Il était à

 13   Visegradska Banja. J'ai parlé avec lui au téléphone, on s'est mis d'accord

 14   pour se voir à Kosovo Polje parce que ça se trouvait entre Visegradska

 15   Banja et la ville elle-même.

 16   Question: Est-ce que ça veut dire qu'à ce moment-là Branimir Savovic et

 17   les autres membres du SDS se trouvaient à Visegradska Banja?

 18   Réponse: Oui, à ma connaissance, mais je pourrais vous donner peut-être

 19   une réponse plus générale. Je connaissais très bien les numéros de

 20   téléphone de Visegradska Banja. Et Savovic a répondu quand j'ai composé ce

 21   numéro de téléphone. Mais je crois qu'à ce moment-là, en fait, il était

 22   dans un village qui se trouve un peu au-dessus de Visegradska Banja.

 23   Enfin, c'est ce que je crois, c'est ce que je pense.

 24   Question: Est-ce que par hasard vous savez pourquoi Savovic et les autres

 25   n'étaient pas à Visegrad mais à Visegradska Banja ou dans les villages


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  1   environnants?

  2   Réponse: Je crois qu'ils ont quitté la ville de leur propre chef et puis,

  3   ils sont allés ailleurs parce qu'ils voulaient occuper la ville. Et ceci,

  4   depuis les positions environnantes.

  5   Question: Donc vous pensez qu'ils ont quitté la ville pour pouvoir,

  6   ultérieurement, y revenir et l'occuper.

  7   Réponse: Oui, c'est mon opinion.

  8   Question: Est-ce qu'il y avait à l'époque des Serbes en ville? Ou est-ce

  9   que un certain nombre, la majorité ou tous, avaient quitté la ville?

 10   Réponse: La plupart ont quitté la ville et certains sont restés.

 11   Question: Nous parlons de la période qui précède l'incident au cours

 12   duquel on a ouvert une certaine partie des vannes du barrage.

 13   Réponse: Oui, mais on s'est rencontrés à Kosovo Polje un jour après cela.

 14   M. Domazet (interprétation): Oui, oui, on est en train de parler du départ

 15   des Serbes de la ville. Quand est-ce qu'ils sont partis?

 16   Témoin VG-022 (interprétation): Avant.

 17   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, le témoin se conforme

 18   aux instructions qu'on lui a donné: lui, il fait des pauses mais pas vous.

 19   Vous avez vos écouteurs, vous pouvez probablement entendre

 20   l'interprétation. Et puis, si vous gardez un œil sur le curseur, cela

 21   pourra vous indiquer le moment où vous pouvez reprendre. Mais observez des

 22   pauses, s'il vous plaît.

 23   Question: Est-ce que l'on peut en conclure la chose suivante: quand cette

 24   menace a été proférée sur l'ouverture du barrage, est-ce que, à ce moment-

 25   là, ce sont essentiellement des Musulmans qui sont restés en ville?


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  1   Réponse: Oui, pour la plupart. Mais il restait encore pas mal de Serbes,

  2   un grand nombre de Serbes.

  3   Question: Quand vous avez parlé de la caserne d'Uzamnice, vous avez dit

  4   que des gens s'y étaient réfugiés, que 99% d'entre eux étaient des

  5   Musulmans. Je voudrais savoir s'il s'agissait là des mêmes personnes qui

  6   sont restées à Visegrad et qui sont ensuite parties, craignant que le

  7   barrage ne soit vidé?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: En ce qui concerne l'ouverture des vannes du barrage, vous nous

 10   avez dit aujourd'hui que c'est Murat Sabanovic qui était responsable. Et

 11   vous nous avez dit que c'est de son propre chef qu'il s'est rendu sur

 12   place. Vous n'avez cependant pas donné de détails supplémentaires. Pouvez-

 13   vous donner des explications? Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous

 14   avez dit cela, si vous avancez toujours qu'il est allé à la centrale

 15   hydroélectrique de son plein gré et sur sa propre initiative?

 16   Réponse: Oui, j'ai utilisé à dessein cette expression, j'ai dit qu'il y

 17   était allé de sa propre initiative. Il est allé là-bas avec quelques amis,

 18   peut-être certains membres de sa famille. Il s'était organisé au sein de

 19   leur village car, dans la situation qui était celle de l'époque, ils

 20   avaient l'impression qu'il fallait s'organiser pour assurer la sécurité

 21   des gens du village, pour se protéger eux-mêmes et leur famille. Il est

 22   donc allé là-bas avec un groupe d'amis de voisins, etc., il est donc allé

 23   au barrage. C'est ce que j'ai dit quand c'était quelque chose qui

 24   découlait d'une initiative qu'il a prise lui-même.

 25   Question: Donc il est allé au barrage avec un groupe constitué d'amis, de


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  1   parents, etc. Est-ce qu'ils étaient armés?

  2   Réponse: Oui, ils étaient armés.

  3   Question: A votre connaissance, est-ce qu'il y avait des gens sur le

  4   barrage pour le défendre? Est-ce que vous savez s'il y avait des gens sur

  5   le barrage pour défendre le barrage avec des armes?

  6   Réponse: Non, il n'y avait personne qui aurait été susceptible de résister

  7   d'une manière ou d'une autre, le barrage n'était pas gardé.

  8   Question: Etes-vous en mesure de vous souvenir de la durée de tout cet

  9   incident? Est-ce que vous savez combien de temps Sabanovic et ses amis et

 10   parents sont parvenus à tenir le barrage?

 11   Réponse: Environ 4 jours sans être précis, disons 4, 5 jours à peu près.

 12   Question: Pendant cette période, est-ce que la police de Visegrad a pris

 13   des mesures quelles qu'elles soient pour résoudre ce problème d'une

 14   manière ou d'une autre, pour arrêter Murat Sabanovic, ainsi que ceux qui

 15   avaient pris le contrôle du barrage?

 16   Réponse: Je ne sais pas vraiment parce que tout ceci s'est passé très

 17   vite. Il y avait des changements tous les jours, je ne sais pas s'ils ont

 18   fait quoique ce soit mais je sais qu'il n'y avait pas de danger, enfin

 19   qu'ils n'ont présenté aucun risque pour les gens qui travaillaient au

 20   barrage ou pour quiconque.

 21   Question: Est-ce que vous pouvez être plus précis? Comment savez-vous

 22   qu'ils ne constituaient aucun risque pour le personnel du barrage? Nous

 23   savons qu'ils étaient armés et qu'ils tenaient le barrage.

 24   Réponse: Je n'ai pas de preuve précise. Mais vu la situation telle qu'elle

 25   se présentait, il n'a menacé personne, il n'a menacé aucun des employés se


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  1   trouvant sur le barrage. Les gens qui travaillaient sur le barrage ont dit

  2   de même.

  3   Question: Donc c'est ce que vous avez entendu dire par les gens qui

  4   travaillaient sur le barrage, si j'ai bien compris?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Mais donc si effectivement le fait qu'il ait contrôlé le barrage

  7   avec des hommes armés, si ce n'était pas un risque, est-ce que vous

  8   avancez aussi que cette menace d'ouvrir les vannes du barrage ce n'était

  9   pas une grande menace ni pour Visegrad ni pour les villages se trouvant en

 10   aval sur la Drina?

 11   Réponse: Je n'avance rien de tel parce que je ne suis pas un expert mais,

 12   à ma connaissance puisque c'est mon domaine professionnel aussi, je suis

 13   parvenu à conclure que cela n'aurait pas pu entraîner de dégâts

 14   considérables, surtout que le barrage suivant en aval était lui vide. Donc

 15   il aurait été possible pour ce barrage de recueillir l'eau venant du

 16   barrage situé en amont.

 17   Question: Mais est-ce que vous ne savez pas justement que ce bassin de

 18   rétention d'eau a été vidé à ce moment-là, justement parce que Sabanovic

 19   se trouvait en amont et menaçait de vider le barrage qu'il contrôlait.

 20   Réponse: Oui, je sais que c'est pour cette raison qu'on a procédé à cette

 21   opération en aval.

 22   Question: Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet incident au cours

 23   duquel 12 hommes en uniforme, 12 policiers serbes ont été arrêtés. Vous

 24   nous dites qu'environ la moitié d'entre eux étaient encore dans la police

 25   10 ou 15 jours avant, c'est bien exact?


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  1   Réponse: Oui, à peu près.

  2   Question: Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé pendant

  3   la période de 10 jours qui a précédé cet événement? Est-ce qu'ils ont

  4   cessé d'appartenir à la police? Est-ce qu'il s'est passé quelque chose

  5   d'autre?

  6   Réponse: Je crois que c'était à peu près 10 ou 15 jours avant, je ne peux

  7   pas être plus précis. Le SDS a demandé la division de la police. J'ai

  8   participé à certaines réunions au cours desquelles ils ont demandé que la

  9   police soit séparée en deux forces de police: police musulmane et police

 10   serbe. Et étant donné l'influence considérable qu'ils exerçaient sur les

 11   Serbes de la ville, quelque 10 jours avant les tirs, en fait ils

 12   contrôlaient la plupart des policiers serbes. En d'autres termes, la

 13   plupart d'entre eux se trouvaient sous le commandement du SDS.

 14   Question: Si c'est possible, est-ce que vous pouvez nous expliquer les

 15   choses un petit peu plus clairement. Comment est-il possible d'avoir une

 16   partie de la police complètement séparée de l'autre dans une ville?

 17   Comment est-il possible d'avoir une structure de commandement différent

 18   pour ces deux parties de la police, comment est-ce possible? Pouvez-vous

 19   nous l'expliquer, s'il vous plaît?

 20   Réponse: Eh bien, concrètement parlant; dans le cadre de cette demande,

 21   ils ont demandé qu'il y ait 2 polices avec 2 sièges. Pour cette police

 22   nouvellement créée, qui devait être nouvellement créée, ils avaient prévu

 23   l'immeuble à côté du nouveau pont sur la rive droite. C'est peut-être

 24   environ un kilomètre, un peu moins que cela par rapport au centre ville.

 25   Et cet immeuble appartenait à une entreprise qui était chargée de la


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  1   gestion de la circulation routière. Je sais qu'ils ont demandé que ce soit

  2   leur poste de police. C'est pour ça que j'ai dit cela tout à l'heure.

  3   Question: Mais ceci ne s'est pas réalisé si j'ai bien compris?

  4   Réponse: Il n'y a pas eu d'accord politique pour effectuer cela ni

  5   l'accord des autorités compétentes, même si la police relevait, je pense,

  6   des autorités se trouvant à Sarajevo. C'est ainsi qu'il n'y a pas eu de

  7   tel accord. Cependant, ils ont réalisé cela sur leur propre initiative.

  8   Cela dit, le commandement ne se trouvait pas dans l'immeuble qu'ils

  9   souhaitaient obtenir lorsqu'ils ont parlé dans le cadre de leur

 10   discussion.

 11   Question: Cependant, si je vous ai bien compris, parmi les gens

 12   qui se trouvaient dans ce groupe de personnes arrêtées, se trouvaient

 13   également un certain nombre d'entre eux qui étaient les policiers d'active

 14   presque la moitié, et ils étaient serbes?

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: Est-ce qu'ils étaient arrêtés puisqu'ils étaient avec les Serbes

 17   ou puisqu'ils n'étaient plus policiers, ou bien, est-ce qu'il y a eu une

 18   autre raison? Et si oui, est-ce que vous pouvez dire quelque chose au

 19   sujet de cette autre raison?

 20   Réponse: Pour autant que je le sache, ils ne venaient plus régulièrement

 21   au travail au poste de police. Et puisqu'ils étaient, comment dirais-je,

 22   accompagnés de personnes en uniforme et armées et puisqu'ils

 23   n'appartenaient à aucune organisation régulière, je pense que c'était cela

 24   la raison pour laquelle ils ont été arrêtés.

 25   Question: Lorsqu'ils ont été arrêtés, je suppose qu'on les a fait venir au


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  1   poste de police. Est-ce qu'ils ont tous été retenus, à la fois les

  2   policiers et ceux qui n'avaient pas été des policiers auparavant? Et

  3   qu'est-ce qu'il leur est arrivé?

  4   Réponse: Je sais qu'ils ont tous été retenus au bout de 5, 6 jours, peut-

  5   être 7, je ne sais pas très bien exactement. Ils ont été remis à la charge

  6   de la JNA au barrage, donc ils ont été relâchés.

  7   Question: Donc, au bout de 6 à 7 jours après leur arrestation?

  8   Réponse: Oui, environ.

  9   Question: Est-ce qu'ils ont passé cette période au poste de police ou bien

 10   au barrage ou bien les deux?

 11   Réponse: Je n'ai pas eu tellement de contact avec ce genre d'activités,

 12   mais je sais qu'ils étaient au poste de police et que, par la suite,

 13   compte tenu du fait que cette partie était pilonnée, il était interdit de

 14   se déplacer beaucoup dans cette partie de la ville. C'est pour cela qu'ils

 15   ont été transférés à la rive gauche, en tant que détenus. Ils étaient

 16   détenus dans une société et ensuite, ils ont été transférés au barrage. Je

 17   pense que c'est là qu'ils ont passé une certaine période. Je pense que

 18   ceci est conforme à mes souvenirs.

 19   Question: Mais les forces de police n'ont pas été transférées depuis leur

 20   siège où, comme vous le dites, le risque de pilonnage est élevé.

 21   Réponse: C'est ce que je pense effectivement.

 22   Question: Et le groupe au barrage a été relâché à la longue, au bout de

 23   quelques derniers jours qu'ils ont passé au barrage. Cependant, c'est

 24   Murat Sabanovic qui se trouvait au barrage et qui a fini par être en

 25   charge de…Comment est-ce que vous expliquez le fait qu'ils ont été placés


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  1   sous son contrôle s'ils étaient des prisonniers arrêtés par les forces de

  2   police régulière?

  3   Réponse: Je n'ai pas dit que c'était le cas pendant les derniers jours, à

  4   savoir pendant les 2 derniers jours pendant lesquels j'ai eu des contacts

  5   avec ces personnes, je sais à quoi ressemblait la situation. Le dernier

  6   jour, ou peut-être pendant les deux derniers jours, ils étaient dans

  7   l'entreprise Granit. A proximité se trouvait un restaurant, et je sais que

  8   c'est là qu'ils se trouvaient. Je le sais très bien puisque j'y suis allé.

  9   Depuis cet endroit, l'une des personnes détenues a parlé par téléphone

 10   avec Branimir Savovic, c'est ce que je sais. En ce qui concerne le reste,

 11   je ne suis pas sûr.

 12   Question: A l'époque, vous étiez justement chargé des négociations et je

 13   suppose que vous connaissiez très bien la situation. Je vous demande de

 14   quelle manière a-t-il pu être possible que ces personnes-là se trouvent

 15   entre les mains de Murat Sabanovic et de ces hommes qui contrôlaient le

 16   barrage le dernier jour ou bien les quelques derniers jours.

 17   Réponse: Moi, je ne sais pas qu'ils se trouvaient entre ses mains comme

 18   vous le dites. Je sais ce que je viens de vous dire et je sais également

 19   qu'au moment où l'on abandonnait la ville, où l'eau était relâchée,

 20   lorsque l'armée arrivait, je sais qu'ils ont été conduits dans un véhicule

 21   vers Gorazde, puisque l'on faisait venir la population. Et tout le monde

 22   là-bas, tout le monde y allait.

 23   M. Domazet (interprétation): Vous-même, avez-vous remis au Procureur une

 24   cassette contenant entre autre chose les entretiens avec ces personnes

 25   arrêtées ou détenues, lorsqu'ils parlaient justement de séjours et des


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  1   conditions de leur détention?

  2   Témoin VG-022 (interprétation): Je me souviens que j'ai donné une cassette

  3   à l'enquêteur. Je ne sais pas si c'est le terme approprié.

  4   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, les choses devraient

  5   être très claires. Les enquêteurs ne font pas partie du Tribunal en tant

  6   que tel mais du Bureau du Procureur. Je pense que ceci doit être clair. Et

  7   si vous souhaitez que le Procureur vous communique cette cassette, vous

  8   n'avez qu'à lui demander à mon avis. Donc je ne vois pas pourquoi nous

  9   sommes en train de perdre tout ce temps autour d'un sujet tel que celui-

 10   ci.

 11   M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, justement, la raison

 12   pour laquelle j'ai posé ces questions est que j'ai reçu cette cassette de

 13   la part du Procureur hier. J'ai vu sur ces cassettes les entretiens avec

 14   ces gens qui ont dit qu'ils avaient été détenus au barrage et qu'ils se

 15   trouvaient même au-dessous du niveau d'eau à un moment.

 16   Je souhaitais savoir de quelle manière a-t-il pu être possible de faire en

 17   sorte que Murat Sabanovic contrôle ces détenus si c'étaient les forces

 18   régulières qui les avaient arrêtés. Mais je ne vais pas insister là-

 19   dessus.

 20   M. le Président (interprétation): A un moment, page 89, ligne 14, le

 21   témoin dit: "Ils ont été transmis, remis à l'armée populaire yougoslave au

 22   barrage", c'est ce qu'il a dit. Et ensuite, vous avez dit qu'une autre

 23   personne était en charge d'eux mais le témoin ne l'a jamais accepté. Si

 24   vous souhaitez contester ce qu'il a dit, vous n'avez qu'à dire ce que vous

 25   considérez, mais avançons s'il vous plaît.


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  1   M. Domazet (interprétation): Je suis d'accord avec vous, Monsieur le

  2   Président, et je vais poursuivre. C'est justement sur la base de cette

  3   cassette qu'il avait remis au Procureur lui-même que j'ai eu les données

  4   que je viens de mentionner.

  5   Je souhaite vous poser quelques questions concernant la JNA, l'armée

  6   populaire yougoslave. Pendant la période dont vous êtes en train de

  7   parler, c'est-à-dire en avril 1992, est-ce que la JNA représentait l'armée

  8   régulière de la Yougoslavie de l'époque? Et je veux dire même l'unique

  9   armée régulière de la Yougoslavie de l'époque?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Est-ce que vous savez que le quartier général du corps d'armée

 12   se trouvait à Uzice et que Visegrad et la caserne Uzamnice relevaient de

 13   ce corps d'armée?

 14   Réponse: Non.

 15   Question: Vous ne savez pas que le quartier général était à Uzice ou bien

 16   vous ne savez pas que la caserne d'Uzamnice faisait partie de ce corps

 17   d'armée? Je dois reformuler ma question pour que les choses soient

 18   claires.

 19   Réponse: Lorsque j'ai dit "je pense que non", je voulais dire que je ne

 20   savais pas que la caserne d'Uzamnice faisait partie de ce corps d'armée.

 21   Je ne le savais pas et, d'ailleurs, il était difficile de le savoir compte

 22   tenu de la manière dont l'armée était organisée.

 23   Quant au fait que le quartier général du corps d'armée était à Uzice, tout

 24   le monde le savait pour ainsi dire. Et je pense encore aujourd'hui que

 25   c'est là que se trouvait le quartier général.


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  1   Question: Oui, le quartier général y était, mais j'ai demandé si Visegrad

  2   relevait de ce corps d'armée suivant l'organisation territoriale. Mais

  3   vous avez dit, dans votre réponse, que vous ne le saviez pas. Et je

  4   l'accepte. Merci.

  5   Aujourd'hui, lorsque vous avez parlé de la JNA, vous avez employé un terme

  6   "occupé", s'agissant de Visegrad. Est-ce que vous pourriez expliquer

  7   pourquoi vous considérez qu'une armée régulière, dans un Etat, occupe une

  8   partie de son territoire, s'il s'agit-là de l'armée régulière?

  9   Réponse: Eh bien, tout d'abord, la JNA, l'armée populaire yougoslave

 10   n'était plus la JNA puisque tous les officiers étaient les Serbes et tous

 11   les soldats qui sont venus à Visegrad étaient des Serbes.

 12   Ensuite, la population musulmane avait peur de cette armée. Par contre, la

 13   population serbe et les villages serbes accueillaient la JNA les bras

 14   ouverts mais, en fait, ce n'était pas la JNA d'antan, la JNA en laquelle

 15   tout le monde croyait; c'était déjà devenue une armée serbe. C'est pour

 16   ces raisons-là que j'ai employé ce terme peut-être.

 17   Question: Pourquoi dites-vous que cette armée était constituée uniquement

 18   des Serbes en ce qui concerne à la fois les officiers et les soldats? Est-

 19   ce que vous disposez des données qui corroborent cela, ou bien, est-ce

 20   qu'il s'agit-là d'une supposition de votre part?

 21   Réponse: Je n'ai pas de données par écrit au sujet de cela, mais tous les

22   officiers avec lesquels j'étais en contact et j'étais en contact peut-

23   être avec 10 officiers, étaient tous d'appartenance ethnique serbe. Et,

 24   pour la plupart, ils provenaient de la Serbie. Les soldats qui sont venus

 25   avec ce corps d'armée, eux aussi, j'ai eu des contacts avec un grand


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  1   nombre de ces soldats. Et mes voisins, mon frère et d'autres personnes ont

  2   eu des contacts avec d'autres soldats, et ils étaient tous d'appartenance

  3   ethnique serbe. Donc aucun Musulman n'y était.

  4   Question: Très bien. Mais vous allez être d'accord avec ce que vous avez

  5   déjà dit, à savoir qu'à l'époque c'était l'unique armée régulière dans la

  6   Yougoslavie de l'époque?

  7   Réponse: Officiellement, oui.

  8   Question: On vous a dit que les Musulmans avaient peur de la JNA, c'est ce

  9   que vous avez dit tout à l'heure. Comment expliquez-vous le fait que la

 10   caserne à Uzamnice était justement pleine des Musulmans qui s'étaient

 11   réfugiés dans cette caserne, s'ils avaient peur de la JNA?

 12   Réponse: A l'époque, l'angoisse était grande; la peur, la panique, etc.

 13   Donc les gens cherchaient un endroit où s'abriter. Chacun avait peur de

 14   chercher un abri quelque part de manière isolée, donc ils se sont

 15   regroupés pour aller à un endroit où ils pensaient qu'ils allaient être le

 16   plus en sécurité, puisque le danger ne menaçait pas seulement de la part

 17   du corps d'armée d'Uzice qui devait venir comme on le savait, mais les

 18   gens avaient peur aussi des unités paramilitaires.

 19   Dans une situation de panique comme cela, les gens cherchaient un abri.

 20   Tout le monde s'est dit, en suivant une sorte d'accord non écrit: "On veut

 21   aller vers la caserne. L'armée se trouve là-bas quand même. On va quand

 22   même peut-être plus être en sécurité là-bas". Mais ils ne sont pas allés

 23   qu'à la caserne, ils sont allés aussi à la maison des enfants de sexe

 24   féminin mentalement retardés. Et ils se sentaient plus en sécurité s'ils

 25   étaient plus nombreux. Ils pensaient qu'ils étaient plus en sécurité s'ils


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  1   étaient tous ensemble.

  2   Question: Oui, c'est possible, mais vous allez quand même reconnaître

3   qu'un grand nombre d'entre eux comme vous l'avez dit vous-même- est allé

  4   à la caserne d'Uzamnice, alors que vous dites qu'ils avaient peur de la

  5   JNA qui s'approchait de Visegrad. Donc cette partie-là ne m'est pas très

  6   claire, mais je ne souhaite pas insister là-dessus à moins que vous ne

  7   souhaitiez ajouter quoi que ce soit.

  8   Réponse: Je n'ai rien à ajouter.

  9   Question: Vous avez parlé en particulier d'une partie de votre déposition,

 10   et vous avez dit que ceci vous a mis mal à l'aise encore aujourd'hui. Il

 11   s'agissait là de la situation dans laquelle vous vous êtes trouvé lorsque

 12   les officiers parlaient des cartes, parlaient des parties du terrain qui

 13   ont été nettoyées et qui devaient être nettoyées. Si j'ai bien compris,

 14   vous aviez peur que cela voulait dire que la population vivant dans ces

 15   régions allaient être soit tuée, soit expulsée, soit arrêtée. Ai-je

 16   raison?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Est-ce que, à ce moment-là, compte tenu de l'ensemble de la

19   situation puisque pendant ces jours-ci vous étiez en contact sans cesse

 20   avec les officiers de la JNA-, est-ce que vous aviez des raisons de croire

 21   que ceci aurait pu être possible, que la JNA aurait fait quelque chose de

 22   ce genre vis-à-vis de la population de plusieurs villages entiers aux

 23   alentours de Visegrad?

 24   Réponse: A ce moment-là, j'étais complètement convaincu du fait que l'on

 25   préparait un massacre de ces gens, des gens dont j'ai parlé.


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  1   Question: Est-ce qu'un tel massacre a effectivement été perpétré? Et est-

  2   ce que, pendant l'ensemble de la période que la JNA a passé dans la région

  3   de Visegrad, à savoir un peu plus d'un mois, est-ce qu'il y a eu des

  4   morts? Et si oui, combien?

  5   Réponse: Heureusement, ce massacre n'a pas été commis. Et, pendant la

6   période que la JNA a passé à Visegrad si on peut le dire ainsi, un

  7   nombre relativement peu élevé de personnes a été tué; lorsqu'ils sont

  8   venus, entre 7 et 8 personnes ont été tuées. Et lorsqu'ils étaient dans la

9   ville et autour de la ville là, j'exprime cela en termes relatifs parce

10   que même une mort est trop, mais compte tenu de la situation qui

 11   prévalait à l'époque, on peut dire que le nombre des personnes mortes

 12   était relativement peu élevé.

 13   Question: Est-ce que vous pensez que le terme "propre" ou "nettoyé"

 14   voulait dire qu'il n'y avait pas d'autres groupes dans la région, d'autres

 15   individus ou d'autres personnes qui avaient recours à la résidence armée?

 16   Est-ce que vous ne pensez pas que le terme "nettoyé" voulait impliquer

 17   cela.

 18   Réponse: Non, le terme et l'expression "tout est propre, tout est nettoyé"

 19   voulait dire justement qu'il n'y avait personne qui était resté. Et là, on

 20   parlait des Musulmans, qu'il n'y avait plus de Musulmans là-bas.

 21   Question: Mais il y avait des Musulmans dans les villages, dans ces

 22   régions-là, n'est-ce pas?

 23   Réponse: S'agissant des régions qu'ils montraient sur la carte, il n'y en

 24   avait plus.

 25   Question: Est-ce que vous pouvez vous souvenir des emplacements mentionnés


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  1   par l'officier? Il parlait de quels villages?

  2   Réponse: L'officier ne montrait pas vraiment les endroits au cas par cas,

  3   village par village, mais il montrait des régions restreintes. Je me

  4   souviens, par exemple, qu'il a fait un cercle autour de l'ensemble de la

  5   rive droite en disant: "Ici se trouve une telle unité". Je ne sais plus

  6   quel était son nom, mais il s'agissait d'un nom qui était habituel au sein

  7   de l'organisation de l'armée. Il disait: "Telle et telle unité est

  8   stationnée ici, et c'est nettoyé. Telle et telle unité est stationnée là

  9   et c'est nettoyé". Et c'est ainsi qu'il a couvert la région de toute la

 10   rive droite.

 11   Question: Mais lorsque vous dites "telle et telle unité se trouve là" et

12   "c'est nettoyé", cette région comportait si j'ai bien compris- même

 13   plusieurs villages?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Est-ce que cela voulait dire qu'il n'y avait plus de population

 16   dans ces villages? Est-ce que vous en êtes sûr? Est-ce que vous pourriez

 17   nous dire, si tel a été le cas, de quel village il s'agit?

 18   Réponse: Je sais quels sont les villages qui se trouvent dans les régions

 19   qu'il avait montrées, donc il ne disait pas le nom du village mais il

 20   montrait la région sur la carte. Mais moi, puisque j'ai vécu à Visegrad et

 21   puisque je me rendais pratiquement à chacun de ces villages

 22   personnellement, je traversais ces villages personnellement, je sais quels

 23   sont les villages qui se trouvent dans cette région. Je peux vous énumérer

 24   un certain nombre si vous voulez.

 25   Question: Mais voici ce qui m'intéresse: vous avez dit que, lorsque l'on a


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  1   employé le terme "nettoyer", vous compreniez que soit ces personnes-là

  2   devaient être tuées, soient expulsées. Ils n'ont pas été tués, c'est ce

  3   que vous avez dit vous-même. Et s'ils avaient été expulsés, où se

  4   trouvaient-ils puisqu'il s'agirait là d'une population massive à proximité

  5   de Visegrad. Vous auriez dû les voir ou en entendre parler même si vous le

  6   croyiez au moment où vous avez entendu la discussion; vous auriez dû

  7   comprendre que vous vous trompiez par la suite.

  8   Réponse: Je le savais. Presque tous les villages, il est difficile de dire

  9   avec exactitude qu'il s'agissait de tous les villages, mais presque tous

 10   ces villages de la rive droite de la Drina, leur population est passée de

 11   l'autre côté. Et moi, je connaissais la plupart de ces gens

 12   personnellement: soit c'étaient des personnes qui avaient travaillé dans

 13   la même entreprise que moi, soit c'étaient des membres de ma famille.

 14   J'avais beaucoup de cousins, beaucoup de membres de la famille de l'autre

 15   côté de la Drina. Et moi, je les ai vus, des gens de presque chaque

 16   village. Et c'était ça les gens qui se trouvaient à Brstanica.

 17   Donc un grand nombre de personnes qui provenaient de la rive droite sont

 18   passés de l'autre côté sur la rive gauche. Par la suite, ils ont été

 19   transférés au stade.

 20   Question: Mais est-ce qu'ils sont allés de l'autre côté en raison des

 21   activités menées par la JNA, ça, c'est une autre question. Mais si j'ai

 22   bien compris, ces personnes sont venues au stade avec l'aide de la JNA.

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Et à ce moment-là, on leur a promis qu'ils pouvaient rentrer à

 25   Visegrad et qu'ils pouvaient continuer à travailler. Est-ce exact?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Et après cela, est-ce que ces gens-là sont rentrés chez eux,

  3   est-ce qu'ils ont repris leur travail? Est-ce que le tout s'est passé sans

  4   incident grave?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Cela a duré jusqu'à quand selon vous?

  7   Réponse: Cela a duré peut-être jusqu'à une semaine avant le départ de

  8   l'armée de Visegrad. Une dizaine de jours avant le départ.

  9   Question: Avant ou après le départ?

 10   Réponse: Avant le départ. Avant le départ, la situation vu l'époque à

 11   laquelle cela se passait- était assez bonne. Une dizaine de jours avant le

 12   départ de l'armée, la situation commençait à se dégrader.

 13   Question: Vous avez parlé du fait que la JNA ou bien du lieutenant-colonel

 14   Jovanovic, eh bien, que l'on vous avait mentionné, que l'on vous a dit

 15   dans quel village la population musulmane pouvait se rendre, et vous avez

 16   fait mention d'un certain nombre de villages sur la rive droite et sur la

 17   rive gauche de la Drina.

 18   Est-ce que, à ce moment-là, une demande a été faite en précisant qu'un

 19   certain nombre de villages étaient sous contrôle de la JNA et d'autres ne

 20   l'étaient pas? Ou bien on n'en avait pas parlé?

 21   Réponse: A ma connaissance, et si je me souviens bien, au stade les gens

 22   ont posé la question au commandant Jovanovic. Ils lui ont demandé: "Où

 23   est-ce que nous pouvons nous rendre? Ou est-ce que nous sommes en

 24   sécurité?". Et il a énuméré les villages que j'ai mentionnés auparavant en

 25   disant: "Voilà, ce sont des villages qui sont sûrs et ils sont sous notre


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  1   contrôle. Et puis, voilà d'autres villages qui ne sont pas sûrs qui ne

  2   sont pas sous notre contrôle.".

  3   Question: Merci.

  4   Dites-moi encore si avant que le Corps d'Uzice et avant l'incident au

  5   barrage, y a-t-il eu d'autres incidents quand les bus ou les cars y

  6   étaient passés ou bien un convoi de la JNA, même qu'à un moment le poste

  7   de police avait été encerclé et que c'étaient des incidents auxquels

  8   avaient participé Murat Sabanovic et son frère? Est-ce que vous êtes au

  9   courant de cela?

 10   Réponse: J'ai entendu dire qu'il y a eu de tels événements que vous venez

 11   d'évoquer. Quant aux convois de l'armée qui auraient été bloqués, je ne

 12   m'en souviens pas. Tel a peut-être été le cas ou bien peut-être pas.

 13   Question: Vous souvenez-vous d'un incident lors duquel la statue, le buste

 14   du prix Nobel, Ivo Andric, a été détruite? Et si oui, qui l'avait fait?

 15   Réponse: J'ai entendu parler de cet événement. Je n'ai rien vu

 16   personnellement parce que je n'ai pas été à cet endroit-là, mais j'ai

 17   entendu dire… on disait que c'était Murat qui a détruit, enlevé le buste

 18   d'Ivo Andric et qu'il l'avait jeté dans la Drina. C'étaient des rumeurs

 19   qui le disaient.

 20   Question: Est-ce que cet incident-là et l'incident précédent que vous avez

 21   mentionné, et dont vous avez aussi entendu parler, eh bien, est-ce qu'ils

 22   ont créé des situations irrégulières à Visegrad?

 23   Réponse: Oui, cela a eu un impact négatif sur les relations entre les

 24   gens, entre les différents groupes ethniques.

 25   Question: Encore une chose: vous avez mentionné une personne qui vous a


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  1   aidé à sortir de Visegrad. Vous avez parlé de Stanko Pecikoze?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Est-ce que c'était lui la personne que vous avez mentionné quand

  4   vous décriviez le vice-Président du conseil exécutif à Visegrad? Est-ce

  5   qu'il s'agit bien de la même personne?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Est-ce que vous avez dit aujourd'hui que c'était les membres du

  8   SDS qui l'avaient tué? Donc les membres du parti politique dont il était

  9   le vice-Président? Est-ce que vous savez qui l'a tué et pourquoi c'aurait

 10   été des membres du SDS?

 11   Réponse: Au moment où Stanko a été tué je ne me trouvais pas à Visegrad,

 12   mais j'ai entendu dire qu'il a été tué à la frontière entre la Serbie et

 13   la Bosnie, dans cette zone-là. Et l'on a dit que la raison en était qu'il

 14   n'était pas d'accord avec la politique du SDS et que ce meurtre a été

 15   perpétré par eux ou bien a été commandité.

 16   M. Domazet (interprétation): Mais à cette époque-là vous ne vous trouviez

 17   plus à Visegrad, si je ne me trompe pas vous étiez déjà en Macédoine,

 18   voire même plus loin. Ce qui m'étonne, c'est que vous êtes au courant de

 19   qui a tué M. Pecikoza, alors que jusqu'au jour d'aujourd'hui cela n'a

 20   jamais été déterminé.

 21   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, vous avez posé la

 22   question au témoin et il a dit très clairement qu'il n'avait pas de

 23   connaissance personnelle en la matière, il vous a tout simplement rapporté

 24   les bruits qui couraient. Pourquoi vous ne lui posez pas une question qui

 25   serait pertinente en l'espèce?


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  1   M. Domazet (interprétation): Encore quelque chose à propos du discours du

  2   commandant Jovanovic, c'est vous qui l'avez appelé "commandant".

  3   Il a mentionné, apparemment, que les unités appelées des "Aigles blancs"

  4   étaient aussi sous son commandement?

  5   Témoin VG-022 (interprétation): Oui.

  6   Question: Ma question est la suivante: est-ce que, à l'époque, il y avait

  7   de telle formation à Visegrad et qui les représentait?

  8   Réponse: A ma connaissance et à l'époque il n'y avait pas de telles unités

  9   à Visegrad, mais tout le monde avait entendu parler de ces nunités-là et

 10   elles étaient source de terreur pour tous les Musulmans.

 11   Question: Donc, au moment où ils ont parlé, il n'y avait pas de telles

 12   unités à Visegrad?

 13   Réponse: Non, pas à Visegrad. Mais au village de Dobrun qui se trouve à

 14   une dizaine de kilomètres de Visegrad en direction de la Serbie, ils y

 15   étaient et des gens avaient trouvé leurs enseignes. Donc ils étaient dans

 16   les environs de la ville mais ils ne se trouvaient pas dans la ville même.

 17   Question: Est-ce que vous avez eu des informations comme quoi les gens qui

 18   se trouvaient au village de Dobrun étaient des locaux, ou bien, c'étaient

 19   des gens qui étaient venus de Serbie ou d'ailleurs?

 20   Réponse: Il est difficile de donner une réponse exacte, c'est-à-dire de

 21   savoir s'il s'agissait-là des gens qui étaient venus de Serbie ou bien qui

 22   étaient des Serbes locaux. A mon sens, c'était un mélange, il y avait les

 23   deux: des Serbes locaux et des gens qui étaient venus de Serbie.

 24   Question: D'après votre réponse, je suppose que vous ne connaissez pas

 25   leurs noms, même pas de ceux qui étaient des locaux.


Page 198

   1   Réponse: C'est exact.

  2   M. Domazet (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions à poser à ce

  3   témoin.

  4   M. le Président (interprétation): Avez-vous d'autres questions à poser au

  5   témoin?

  6   M. Groome (interprétation): Non.

  7   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur, d'être venu

  8   témoigner. Vous pouvez disposer.

  9   Qui est votre prochain témoin, Monsieur Groome?

 10   M. Groome (interprétation): Puis-je faire une requête dès que le témoin

 11   sera parti?

 12   (Le témoin VG-022 est reconduit hors du prétoire.)

 13   (Questions relatives à la procédure.)

 14   M. le Président (interprétation): Allez-y, Monsieur Groome.

 15   M. Groome (interprétation): Le rythme a été un peu plus rapide que je

 16   n'avais prévu.

 17   M. le Président (interprétation): Il doit être très clair pour vous que

 18   nous nous attendions à avoir des témoins, ici présents.

 19   M. Groome (interprétation): Oui, je suis d'accord, mais on nous a changé

 20   le programme deux fois très récemment. Est-ce que je peux faire une

 21   requête concernant le prochain témoin qui sera là demain matin?

 22   M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que vous voulez dire quand

 23   vous mentionnez que la Chambre a changé le programme deux fois dans les

 24   deux dernières semaines? Je ne suis au courant que d'une seule fois, le

 25   jour où nous allons partager cette salle d'audience.


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   1   M. Groome (interprétation): Oui, mais j'ai appris ce matin que nous

  2   allions travailler toute la journée au lieu d'une demi-journée. Lundi

  3   dernier ou bien durant le mois d'août, on m'avait dit que nous allions

  4   travailler cinq jours par semaine par des sessions d'une demi-journée.

  5   Après, on m'a dit que ce sera quatre jours et pendant toute la journée.

  6   Donc nous allons faire de notre mieux. Il n'est pas du tout dans nos

  7   intentions de faire gaspiller le temps qui est à la disposition de la

  8   Chambre.

  9   M. le Président (interprétation): Je suppose que vous avez supposé que ces

 10   témoins seraient ici pour toute la semaine?

 11   M. Groome (interprétation): Nous avons supposé qu'il sera là pendant

 12   toute cette journée.

 13   M. le Président (interprétation): Vous parlez de demi-journées, mais cela

 14   n'a jamais été mentionné. C'était tout simplement une proposition faite

 15   par le Greffe qui était de dire qu'on travaillerait par des sessions de

16   quatre heures et qu'il y aurait une session le matin et une autre l’âpres

 17   midi. Nous allons désormais travailler quatre jours et demi par semaine.

 18   Vous devez avoir cela en tête pour le reste de ce procès.

 19   Vous devez prévoir les témoins selon la rapidité avec laquelle vous allez

 20   les interroger, mais nous devons toujours avoir le témoin suivant prêt au

 21   cas ou quelque chose se passerait très vite et qu'un témoin terminerait sa

 22   déposition très vite.

 23   Donc le témoin qui aurait dû être votre premier témoin d'aujourd'hui n'est

 24   pas là non plus. Donc nous allons maintenant aller en huis clos partiel.

 25   (Huis clos partiel à 15 heures 22.)


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 13  Pages 200-205 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 18   (La séance est levée à 15 heures 55.)

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