Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1828

  1   (Mardi 23 octobre 2001.)

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

  3   (Audience publique.)

  4   M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  5   Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-32-T: le Procureur contre

  6   Mitar Vasiljevic.

  7   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je comprends que vous

  8   avez été préoccupé par la possibilité de vous entretenir avec votre client

  9   pendant la journée de demain, et je crois qu'une fois que le témoin

 10   commence à témoigner, on ne peut pas s'entretenir avec lui d'une manière

 11   générale.

 12   La règle a pour finalité de surmonter une pratique qui a été amorcée par

 13   le Bureau du Procureur, malheureusement, une pratique qui consistait à

 14   conduire le témoin vers l'objectif visé

 15   Donc, si vous terminez son interrogatoire en chef, en principal, dans le

 16   principal aujourd'hui, avant que le contre-interrogatoire ne commence, la

 17   Chambre se penchera sur la possibilité de vous permettre un entretien avec

 18   votre client. Mais si le contre-interrogatoire est entamé, par contre,

 19   cela ne serait pas sage parce que cela pourrait provoquer des

 20   interventions qui pourraient occasionner des modifications de témoignage.

 21   Je ne dis pas que cela surviendrait forcément, mais je pense que votre

 22   client ne devrait pas se trouver privé de quelque droit que ce soit, étant

 23   donné que la conduite de l'affaire ne le nécessite pas forcément.

 24   Nous nous efforcerons donc de finir aujourd'hui, ou plutôt de finir

 25   l'interrogatoire principal d'ici la fin de la journée, et de remettre à


Page 1829

  1   jeudi le contre-interrogatoire.

  2   Monsieur Groome, je crois que vous allez avoir quelque chose à dire aussi,

  3   mais si le conseil de la défense a besoin de deux semaines pour préparer

  4   son affaire, il serait malheureux qu'il ne puisse pas profiter de la

  5   journée de congé qui est la fête des Nations Unies demain. Je crois que la

  6   journée lui sera précieuse.

  7   Maître Domazet, est-ce que vous êtes prêt? Vous pourriez peut-être

  8   commencer.

  9   (Déclaration liminaire de Me Domazet.)

 10   M. Domazet (interprétation): Oui, je suis prêt, Monsieur le Président. Je

 11   vous remercie.

 12   La défense de Mitar Vasiljevic ne souhaite pas aujourd'hui analyser ou se

 13   prononcer, s'agissant des éléments de preuve présentés par le Bureau du

 14   Procureur, vu qu'elle estime qu'il faudrait le faire plutôt dans

 15   l'allocution finale de la défense. Mais dans ses propos liminaires, la

 16   défense se propose au contraire d'annoncer des éléments de preuve qui sont

 17   ceux de la défense, disant que l'accusé Mitar Vasiljevic n'a pas commis

 18   les actes qui lui sont mis à charge par l'Acte d'accusation.

 19   Aussi, les témoins de la défense, et parmi eux l'accusé Mitar lui-même,

 20   chercheront à prouver qu'il n'a jamais été membre de quelque formation

 21   paramilitaire que ce soit et, par conséquent, qu'il n'a pas été membre non

 22   plus du groupe de Milan Lukic. Il n'a pas non plus fait usage d'arme

 23   quelconque à l'égard d'un civil quelconque, pas plus qu'il n'a pris part à

 24   la planification ou à la réalisation d'actes pénaux qui lui sont mis à

 25   charge.


Page 1830

  1   Mitar Vasiljevic est originaire d'une famille villageoise pauvre mais tout

  2   à fait honorable et dès son âge scolaire, il a commencé à vivre de son

  3   travail: d'abord en tant qu'apprenti garçon de café, puis ensuite comme

  4   garçon de café. C'était un bon travailleur et il était apprécié par ses

  5   collègues de travail ainsi que par les gens qui venaient au restaurant.

  6   Il a fondé une famille, il a deux enfants et avait, à l'époque, commencé à

  7   construire une maison familiale. Il n'avait pas fait de politique

  8   auparavant non plus et en 1991 et 1992, non plus, l'époque à laquelle les

  9   rapports interethniques à Visegrad sont venus à être perturbés, au point

 10   où bon nombre de familles serbes ou particuliers serbes, en tant que

 11   minorité, avaient dû quitter à titre provisoire ou à titre permanent la

 12   ville de Visegrad.

 13   Mitar Vasiljevic, lui, avait résidé et travaillé à l'époque jusqu'au mois

 14   de mai 1992 sur place et, qu'il s'agisse de Serbes ou de Musulmans, il n'a

 15   eu de conflits avec personne, ni de disputes d'ailleurs.

 16   Mobilisé par la Défense territoriale, il avait emporté de chez lui le seul

 17   uniforme militaire qu'il avait, tout comme d'autres réservistes. Il

 18   s'agissait d'un uniforme de la JNA, un uniforme militaire vert-olive,

 19   qu'on appelait SMB chez nous, donc un uniforme d'une seule couleur.

 20   On lui a confié une arme et il a travaillé dans une cuisine militaire dans

 21   le village de Prelovo, à quelque 10 kilomètres de Visegrad et de sa maison

 22   qui se trouvait d'ailleurs sur cette même route, à la sortie de la ville.

 23   C'est à même… à équidistance de l'endroit où il avait travaillé et de la

 24   ville.

 25   D'ailleurs, viendront en témoigner des témoins, des témoins qui, quant à


Page 1831

  1   eux, étaient avec lui à Prelovo à l'époque où ils avaient eux-mêmes été

  2   mobilisés pour travailler dans cette cuisine militaire de Prelovo. Ils

  3   viendront témoigner du fait que Mitar Vasiljevic avait, sans interruption,

  4   séjourné avec eux à Prelovo, qu'il avait travaillé dans cette cuisine,

  5   qu'il avait oeuvré à l'approvisionnement et à l'entretien de l'hygiène et

  6   que de temps en temps, lorsque les possibilités le permettaient, il se

  7   rendait à la maison à Visegrad pour y passer, ça et là, la nuit pour finir

  8   par retourner à Prelovo par la suite.

  9   Et comme il n'a jamais été chauffeur, donc comme il ne possédait pas de

 10   permis de conduire ni de véhicule à lui, il se débrouillait dans des cas

 11   analogues, et ce en faisant de l'auto-stop ou en demandant aux véhicules

 12   qui passaient par là pour l'emmener sur un tronçon ou alors, voire encore,

 13   il faisait le trajet à pied.

 14   C'est ainsi qu'un soir, vers la fin du mois de mai 1992, il s'est fait

 15   transporter de Prelovo à Visegrad par Milan Lukic qui, à cette occasion-

 16   là, avait fait une halte au village de Musici, chose dont sont venus

 17   témoigner certains des témoins du Procureur, et Mitar Vasiljevic en

 18   témoignera d'ailleurs lui-même.

 19   Et en dépit du fait que les familles Vasiljevic et Lukic aient été, depuis

 20   une centaine d'années déjà, dans des rapports de "kum" -ce qui signifie

 21   qu'ils baptisaient les enfants de l'une ou de l'autre famille ou qu'ils

 22   étaient témoins aux mariages de l'autre famille, chose qui est une coutume

 23   ancienne serbe, et non seulement serbe, d'ailleurs-, Mitar Vasiljevic,

 24   jusqu'à cette époque-là, n'avait pratiquement pas fait la connaissance de

 25   Milan Lukic. En effet, Milan était bien plus jeune que lui et non


Page 1832

  1   seulement il avait quitté la région, mais il travaillait depuis bon nombre

  2   d'années déjà en Suisse et il résidait, à l'époque, à Obrenovac, qui est

  3   une ville de la Serbie.

  4   Donc, ce dernier est venu dans la région de Visegrad à l'époque seulement,

  5   donc vers le mois de mai de 1992, et il y est venu avec certaines de ses

  6   connaissances, des gens originaires d'Obrenovac, en Serbie.

  7   Les gens de Visegrad ne faisaient pas partie de ce groupe; il en allait de

  8   même pour ce qui est de Mitar Vasiljevic qui, à l'époque –nous l'avons

  9   déjà dit-, se trouvait être réserviste à Prelovo, dans cette cuisine

 10   militaire.

 11   Lorsqu'il témoignera, Mitar Vasiljevic, tout comme d'autres témoins encore

 12   viendront confirmer devant cette Chambre que Mitar avait même été mis aux

 13   arrêts et incarcéré dans une prison à Uzamnica vers la fin du mois de mai

 14   1992 ou les premières journées du mois de juin.

 15   Lorsqu'il est venu sur sa propre initiative à Visegrad, il s'est rendu à

 16   Bikavac, à l'endroit du siège du commandement, chez Drago Gavrilovic, pour

 17   restituer, sur sa propre initiative, les armes, armes qui lui avaient été

 18   confiées parce qu'il avait refusé de porter des draps, de la nourriture,

 19   de Prelovo vers certaines positions de combat qui n'avaient pas été

 20   sécurisées à l'époque, et d'autant plus qu'on lui avait demandé de le

 21   faire la nuit.

 22   En raison de cette attitude-là et de sa façon de procéder, et somme toute

 23   en raison de l'état d'ivresse dans lequel il se trouvait lorsqu'il l'a

 24   fait, le même jour il s'est fait arrêter par la police militaire et

 25   incarcérer dans la prison d'Uzamnica où lui a rendu visite et où l'a


Page 1833

  1   soigné notre futur témoin, le docteur Radomir Vasiljevic.

  2   Il est fort possible que Mitar ait pu passer bien plus de temps dans cette

  3   prison, au lieu des trois ou quatre jours qu'il y a passés, si son cousin

  4   germain n'était pas tombé sur le champ de bataille –il s'agit d'un dénommé

  5   Sikiric Zeljko, originaire de Vardiste -, raison pour laquelle il avait

  6   fait une grève de la faim et exigé d'être relâché pour pouvoir se rendre à

  7   l'enterrement de ce cousin.

  8   On l'a donc relâché, et il a commencé à se saouler, chose qu'il n'avait

  9   pas faite depuis longtemps étant donné qu'il avait été soigné de cette

 10   habitude-là. Bon nombre de témoins de la défense viendront le confirmer et

 11   diront que le jour des funérailles de son cousin germain Zeljko Sikiric,

 12   il avait été complètement saoul, hors de lui, et que les gens ne pouvaient

 13   pas établir avec lui un contact normal.

 14   Ce jour-là, suite à approbation de son commandement et pour éviter de

 15   rejoindre les positions de combat et ainsi que cette cuisine militaire, il

 16   avait commencé à organiser des activités visant à faire nettoyer la ville,

 17   les rues, les vitrines des magasins de tout débris, de toute affiche, de

 18   tout bris de verre, et il s'était chargé de rassembler tout citoyen qui se

 19   trouvait disponible pour ce qui est de l'organisation de telles actions ou

 20   activités de travail, indépendamment de l'appartenance ethnique des gens.

 21   Il avait porté, à cette fin, un ruban rouge autour de la manche qu'il

 22   avait porté également auparavant à Prelovo mais cette fois-ci, il ne

 23   portait plus d'uniforme militaire et ne portait plus quelque arme que ce

 24   soit. Viendront le confirmer ici des témoins qui l'avaient bien connu à

 25   l'époque et qui avaient été ses voisins.


Page 1834

  1   C'est ainsi qu'un dimanche, le dimanche 14 juin 1992, il s'était trouvé

  2   dans l'après-midi dans la rue Pionirska lorsque, depuis le centre ville,

  3   un groupe de femmes, d'enfants et de personnes âgées était arrivé pour

  4   s'installer dans les deux maisons appartenant aux Memic, alors que Mitar

  5   se trouvait au moment-même un peu plus haut dans la même rue, à proximité

  6   de l'école primaire. C'est là qu'il a rencontré une vieille connaissance à

  7   lui, le dénommé (expurgé), qui lui tenait souvent compagnie dans les

  8   buvettes. Et c'est ce qu'il a fait en cette opportunité-là également: il

  9   lui a offert à boire à la bouteille qu'il avait sur lui et qu'il avait

 10   déjà utilisée pour boire.

 11   Cet entretien avec (expurgé) et cette boisson sont tout ce qu'il

 12   avait eu à voir avec ce groupe de gens. Et c'est par ce détail-là qu'il

 13   s'en est souvenu autant d'années plus tard, vu que de cet endroit-là il a

 14   remonté la rue jusqu'à un endroit où il avait pris un cheval; il est monté

 15   sur ce cheval et s'est rendu au centre de Visegrad, endroit où,

 16   probablement à cause de la route glissante et humide du fait de la pluie

 17   qui était tombée ce jour-là, ou du fait de s'être tourné vers l'un des

 18   témoins qu'il avait hélé, il est soudain tombé de ce cheval. Mitar est

 19   donc tombé de sa monture et s'est cassé la jambe gauche sous le genou.

 20   Cet événement sera confirmé par des témoins oculaires de sa chute de

 21   cheval, des gens qui se sont portés à son secours jusqu'à l'arrivée de

 22   l'ambulance, ambulance qui est arrivée sur appel d'on ne sait qui. Le

 23   chauffeur de l'ambulance viendra témoigner également car c'est lui qui,

 24   avec l'aide des personnes présentes -qui viendront témoigner elles aussi-,

 25   a placé Mitar dans l'ambulance pour l'emmener vers le centre médical de


Page 1835

  1   Visegrad où le médecin de service l'a examiné, lui a fait faire une

  2   radiographie. C'est ce médecin-là qui l'a envoyé se faire opérer et

  3   soigner à l'hôpital d'Uzice. C'est donc lui qui a demandé au même

  4   chauffeur de l'y emmener dès que cela serait possible.

  5   Ce même après-midi, alors qu'il faisait encore jour, en compagnie du chef

  6   des services financiers du centre médical -homme qui viendra également

  7   témoigner ici-, le chauffeur s'est dirigé avec son ambulance vers Uzice.

  8   Et Mitar, lui, se trouvait allongé dans le véhicule. Ils se sont donc

  9   dirigés vers Uzice, quoique la route n'ait pas été sécurisée de façon

 10   suffisante: il y avait souvent des embuscades, les conditions de voyage

 11   étaient mauvaises et les conditions climatiques l'étaient également.

 12   Au cours de ce trajet, ils ont fait une halte au village de Vardiste qui

 13   se trouve sur le chemin même. C'est dans ce village-là que l'oncle de

 14   Mitar avait un restaurant. Ce témoin-là en témoignera lui aussi.

 15   Ils se sont attardés quelque temps sur place. On a fourni à Mitar une

 16   couverture, parce qu'on ne l'avait pas fait sortir de l'ambulance. Le

 17   véhicule a continué sa route vers Uzice pour y arriver vers 9 heures du

 18   soir, à un moment où, donc, la nuit était déjà tombée.

 19   On a ultérieurement pu voir dans le registre de l'hôpital -qui sera

 20   présenté ici comme élément de preuve-, que Mitar Vasiljevic a été

 21   enregistré à l'hôpital à 21 heures 35 ce même jour, à savoir le 14 juin

 22   1992, quoiqu'il soit arrivé un peu plus tôt. Donc, hébergé le même soir

 23   sur place, on lui a fait des radiographies -une fois de plus-, et le matin

 24   on l'a opéré. Il a passé le reste du temps immobilisé avec une extension

 25   avec des poids pesant sur sa jambe accrochée à des poulies pendant trois


Page 1836

  1   semaines. Et, en raison d'une crise alcoolique et en raison d'un délire de

  2   privation et son comportement en l'état, une fois qu'il n'a plus été

  3   immobilisé on l'a transféré vers un département de psychiatrie où il est

  4   resté jusqu'à sa sortie de l'hôpital, sortie de l'hôpital qui a eu lieu

  5   sur requête explicite de son épouse et non pas sur requête des médecins,

  6   en date du 28 juillet 1992.

  7   S'agissant de cette période-là et de tout autre élément de preuve écrit et

  8   verbal, s'agissant des soins qui lui ont été dispensés, viendront

  9   témoigner ici, d'abord, les médecins de l'orthopédie et du département

 10   psychiatrique de l'hôpital à Uzice ainsi que certaines infirmières, de

 11   même que les témoins qui lui ont rendu visite dans ces locaux.

 12   Parmi ces visiteurs, il y aura également des gens qui avaient été

 13   installés à l'hôpital en même temps; c'est d'ailleurs le cas d'un blessé

 14   grave appartenant au groupe ethnique musulman, ce dernier se trouvant à

 15   l'hôpital depuis le 6 mai 1992. Cet homme-là viendra lui aussi témoigner

 16   du fait que Mitar Vasiljevic avait été là-bas avec lui et que son

 17   comportement était fort bizarre, raison pour laquelle il avait été emmené

 18   pour soins au département de psychiatrie.

 19   En raison de ce comportement de Mitar Vasiljevic, le délire de privation

 20   d'alcool -élément de preuve qu'il se soignait de cette maladie qu'est

 21   l'alcoolisme-, ensuite sur la base de son comportement après la mort de

 22   son cousin et, d'autre part, ayant en vue toute la documentation du

 23   dossier médical disponible ainsi que les témoignages, les dépositions de

 24   ces médecins et du personnel médical, eh bien sur la base de tout cela, on

 25   avait proposé une expertise médico-psychiatrique de l'accusé afin


Page 1837

  1   d'établir son état psychique, son degré de compréhension dans le temps,

  2   critique qui fera d'ailleurs l'objet d'un exposé d'un expert appartenant à

  3   cette branche.

  4   La période qui a suivi la sortie de Mitar Vasiljevic de l'hôpital ne fait

  5   pas l'objet de l'Acte d'accusations modifié ou de l'Acte d'accusation tout

  6   court. Par conséquent, il n'y avait aucun besoin d'étayer, de prouver ses

  7   capacités médicales, sanitaires, postérieures bien qu'une documentation

  8   médicale pourrait être présentée, soumise à cet effet. Et il y a aussi des

  9   témoins qui existent.

 10   Sur la base de tous les éléments de preuve proposés, déclarations,

 11   dépositions des témoins et éléments de preuve écrits viendront prouver, et

 12   cela sera fait par la défense qui donc s'efforcera de prouver qu'il n'y a

 13   aucun doute raisonnable que Mitar Vasiljevic ait lui-même, en personne,

 14   participé à ces crimes qui sont véritablement des crimes absolument

 15   terrifiants tels que le meurtre d'un grand nombre de femmes, d'enfants et

 16   de personnes âgées dans l'incendie, dans la nuit du 14 au 15 juin 1992,

 17   dont il n'a eu aucune connaissance lui-même et n'était pas à même de

 18   supposer que quelque chose de ce genre allait se produire.

 19   S'agissant des deux événements du 7 juin 1992, eh bien Mitar Vasiljevic

 20   lui-même a été malheureusement le témoin unique de la défense, en tant que

 21   témoin oculaire de l'événement, et témoin aussi de son exposé très

 22   logique, très convaincant, à savoir, d'après ce raisonnement, qu'à Vilina

 23   Vlas il était ce jour-là sans uniforme, sans arme, qu'il ne possédait

 24   d'ailleurs pas et qu'il avait en quelque sorte pris contre un reçu et,

 25   d'autre part, selon le même raisonnement, il ne pouvait pas savoir ni


Page 1838

  1   s'attendre à ce que Milan Lukic, de concert avec son groupe, viendrait

  2   amener un groupe de 7 civils musulmans que, tout porte à croire, il

  3   entendait laisser sur place, et puis ayant changé d'avis, qu'il a

  4   reconduits du lieu où ils s'étaient tenus à bord d'une voiture. Eh bien,

  5   malheureusement, Mitar Vasiljevic les a rejoints, croyant toujours qu'il

  6   les reconduirait vers notamment sa maison à lui, à côté de laquelle on

  7   devait passer.

  8   Malheureusement, Milan Lukic -et tout porte à le croire-, avait tout un

  9   autre plan en tête et au lieu de prendre la route à côté de Sase, donc de

 10   tourner à gauche pour aller vers Visegrad, il a pris la droite et a fait

 11   arrêter ces véhicules et a conduit tous ces gens avec deux de ses soldats

 12   dans la direction de la Drina. Et dans ce contexte, Mitar Vasiljevic, non

 13   seulement il n'a pas pris part à cela, car pour commencer il n'avait

 14   aucune arme et aucune intention dans ce sens, et ensuite il n'était pas en

 15   mesure de prévenir de quelque manière que ce soit les actes de Milan Lukic

 16   et de ses soldats.

 17   Suite à quoi, il s'est senti très esseulé, déçu, parce que c'est pour la

 18   première fois de sa vie qu'il avait assisté en personne à ces exécutions,

 19   et il a été particulièrement désolé du fait que parmi ces victimes, se

 20   trouvaient un de ses anciens collègues avec lequel il avait été toujours

 21   en très bon rapports.

 22   Ensuite, Mitar Vasiljevic déçu, déprimé, a continué à boire, comme

 23   malheureusement il l'a fait auparavant aussi, et surtout après la mort de

 24   son cousin intervenue immédiatement avant l'événement relaté. Mitar

 25   Vasiljevic s'est plaint, a parlé avec son épouse, et on en entendra le


Page 1839

  1   témoignage en ce qui concerne ces temps pertinents.

  2   Puis, il s'est confié, en quelque sorte, aussi au chef de la police à

  3   l'époque, Tomic, auquel il faisait confiance, car celui-ci était réputé

  4   être un homme très honnête et un policier très honnête.

  5   Cependant, tout le porte à croire que ce dernier avait peur d'une

  6   quelconque réaction de sa part. Quant à Mitar, étant donné son état de

  7   santé déjà dégradant, eh bien ceci lui a suffi d'éviter toute autre

  8   rencontre avec Milan Lukic et ses soldats. Et cela, jusqu'à sa chute du

  9   cheval et sa lésion du 14 juin 1992, date depuis laquelle il était

 10   pratiquement absent de Visegrad.

 11   Ces faits et cet état factuel, eh bien, c'est ce que la défense essayera

 12   de prouver par des éléments de preuve qu'elle a soumis en ce qui concerne

 13   les témoins qui déposeront, qui témoigneront de ces faits, que par les

 14   éléments de preuve écrits et les constats des experts dont il aura découlé

 15   -et c'est ce que défense espère-, qu'il n'y a aucun doute raisonnable qui

 16   étayerait que l'accusé, Mitar Vasiljevic, dans cette époque pertinente,

 17   critique, qui lui est imputée par l'Acte d'accusation -mai 1992/juillet

 18   1992-, donc que Mitar Vasiljevic ait été membre actif de la formation

 19   paramilitaire de Milan Lukic ou de quelque autre formation paramilitaire,

 20   et qu'il ait commis les actes qui lui sont mis en charge dans l'Acte

 21   d'accusation.

 22   La défense, donc, propose que la présentation de son affaire, de la

 23   présentation des éléments de preuve à décharge, commence par la déposition

 24   de Mitar Vasiljevic en tant que témoin de la défense, et donc en guise

 25   d'introduction pour l'ensemble des éléments de preuve de la défense.


Page 1840

  1   M. le Président (interprétation): Une question particulière: je ne sais

  2   pas si la dame, l'épouse, est en mesure de suivre le déroulement de cette

  3   audience. Est-ce que vous pourriez nous expliquer d'abord, avant de se

  4   prononcer sur la question que je vous ai posée, quelle a été l'importance,

  5   quelle a été la signification de ce ruban rouge dont vous avez parlé?

  6   M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, dans la mesure -et

  7   autant que j'aie pu comprendre des témoins-, le ruban rouge était porté à

  8   Prelovo par tous ceux qui faisaient partis de la formation sanitaire du

  9   secteur d'intendance dans l'armée. Ce ruban, plus tard, il l'a porté à

 10   l'époque où il organisait le balayage, le nettoyage de la ville. Etant

 11   donné qu'il n'avait aucun uniforme qui serait spécifique, donc, pour ce

 12   genre de travail, de profession, c'est ainsi qu'il démontrait qu'il était

 13   chargé de faire ce qu'il faisait. Et je pense que Mitar lui-même et

 14   d'autres témoins fourniront la seule explication possible, celle que je

 15   viens de vous donner.

 16   M. le Président (interprétation): Merci.

 17   Un dernier point: vous avez parlé d'une radiographie qui a été prise dans

 18   le centre médical de Visegrad. Est-ce qu'il y a quelque chose, une piste

 19   que vous allez suivre, -vraisemblablement que oui-, quelque chose qui

 20   pourrait paraître comme étant assez important?

 21   M. Domazet (interprétation): Je pense qu'il serait exceptionnellement

 22   important de trouver une quelconque radiographie de ce temps-là. Ayant

 23   surtout en vue que la radiographie qui est versée, qui a été versée au

 24   dossier en tant qu'élément de preuve dans le cadre du dossier médical

 25   produit par l'hôpital d'Uzice, eh bien, ce dossier a été mis en doute très


Page 1841

  1   sérieusement; donc qu'il ne s'agissait pas d'une radiographie qui est

  2   celle de Mitar Vasiljevic. Donc il serait très important de pouvoir

  3   trouver une telle radiographie, parce qu'il y a une radiographie qui a été

  4   faite à Visegrad, mais aussi une autre radiographie qui a été faite à

  5   Uzice. Or, les témoins en diront plus long.

  6   Comme on le sait, la pratique le veut dans les pratiques appliquées en

  7   Yougoslavie par le passé et aujourd'hui aussi, eh bien, la pratique veut

  8   que ces radiographies ne soient remises au patient seulement s'il s'agit

  9   de contrôles qui se produisent en dehors de cette institution initiale.

 10   Donc Mitar Vasiljevic était en possession d'un certain nombre de

 11   radiographies -enfin, pas peut-être de toutes les radiographies-, mais

 12   chez lui, dans sa maison, ces radiographies n'existent plus. Une fois

 13   qu'il a dû déménager de l'ancienne vers la nouvelle maison, il les a

 14   détruites, enfin, il a détruit toute cette documentation parce qu'il ne

 15   croyait pas que cela pourrait lui servir utilement à l'avenir.

 16   Mais nous nous efforcerons toutefois de trouver, et si on réussit à le

 17   faire dans ces deux semaines à notre disposition, je pense qu'on sera les

 18   plus heureux de pouvoir trouver encore une radiographie quelconque.

 19   M. le Président (interprétation): Si vous n'êtes pas en mesure de trouver

 20   une radiographie, essayez de trouver quelques éléments de preuve en ce qui

 21   concerne l'origine des radiographies dont nous avons parlé.

 22   Est-ce que vous voulez maintenant convoquer votre client, faire

 23   comparaître votre client?

 24   (L'accusé, Mitar Vasiljevic, est conduit à la barre.)

 25   Veuillez bien vous lever et lire la déclaration solennelle.


Page 1842

  1   M. Vasiljevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

  2   vérité, toute la vérité et toute la vérité.

  3   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, vous avez la parole.

  4   (Interrogatoire principal de l'accusé, M. Mitar Vasiljevic, par Me

  5   Domazet.)

  6   M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, je voudrais vous prier

  7   tout d'abord de nous donner quelques informations sur vous-même et sur

  8   votre famille.

  9   Vous êtes né dans le village de Djurevici?

 10   M. Vasiljevic (interprétation): Oui.

 11   M. Domazet (interprétation): Votre père, Ljubisa, votre mère, Vojka…

 12   M. le Président (interprétation): Je vous rappelle qu'il y a toujours des

 13   problèmes d'interprétation lorsque vous enchaînez vos réponses et

 14   questions. Alors faites une petite pause pour que les interprètes puissent

 15   terminer leurs phrases, et qu'on vous donne la possibilité de parler et de

 16   vous faire traduire.

 17   M. Vasiljevic (interprétation): Oui, je le comprends, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. Domazet (interprétation): Quand est-ce que vous êtes né?

 20   M. Vasiljevic (interprétation): Je suis né le 25 août 1954.

 21   Question: Avez-vous des frères et des sœurs?

 22   Réponse: Oui, un frère et trois sœurs.

 23   Question: Monsieur Vasiljevic, pouvez-vous nous dire quelque chose à

 24   propos de vos études, à propos de l'apprentissage de l'artisanat que vous

 25   avez choisi d'exercer plus tard?


Page 1843

  1   Réponse: J'ai terminé l'école d'hôtellerie, l'école secondaire

  2   d'hôtellerie, spécialisée pour la restauration et les garçons de café.

  3   Question: Et où est-ce que vous avez travaillé?

  4   Réponse: Dans une institution tourisco-hôtelière à Visegrad. L'institution

  5   s'appelait Panos.

  6   Question: Dès le début, si je vous ai bien compris, vous avez travaillé

  7   exclusivement dans cette entreprise?

  8   Réponse: Oui, c'est la seule firme dans laquelle j'ai travaillé comme

  9   serveur.

 10   Question: Cette entreprise, firme, possédait plusieurs cafés, restaurants

 11   et hôtels?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Où est-ce que vous avez travaillé, ou plutôt avez-vous travaillé

 14   dans les différentes parties de cette entreprise et pendant combien de

 15   temps?

 16   Réponse: Mes années de service ont commencé dans l'ancienne localité

 17   Banja, station thermale à Vilina Vlas, et j'y ai passé à peu près 4 ou 5

 18   ans, je ne me souviens plus exactement.

 19   Plus tard, j'ai travaillé dans l'hôtel à Visegrad. Enfin, j'ai travaillé

 20   dans toutes les branches, toutes les filiales de cette entreprise. Le

 21   restaurant Panos, car nous avions un restaurant Panos qui trouvait sous le

 22   chapeau de la firme Panos, et ce restaurant se trouvaient au centre de la

 23   ville.

 24   Ensuite, j'ai travaillé dans le restaurant Usce, U-S-C-E, Brodar, et puis

 25   dans un restaurant, une cafétéria appelée Pivnica. Ensuite, mon entreprise


Page 1844

  1   avait son restaurant Drina et là aussi, j'ai passer un certain temps en

  2   travaillant. Puis, on avait un restaurant à Dobrun, mais là, je n'y ai

  3   jamais travaillé.

  4   Brodar, Mezalin, c'était un café, un restaurant routier, mettons.

  5   Question: Monsieur Vasiljevic, vous avez mentionné comme votre premier

  6   poste de travail dans l'ancienne Banja Vilina Vlas. Est-ce que vous

  7   pourriez me dire, cet hôtel qu'on mentionne souvent dans l'affaire, est-ce

  8   que cet hôtel appartenait à votre entreprise Panos ou non, à l'époque?

  9   Réponse: En 1992, non. Mais avant, il y a eu une division au sein de

 10   l'entreprise. Panos est resté Panos, et le complexe de Vilina Vlas est

 11   devenu une unité, mettons à part. C'était un centre de récréation et c'est

 12   devenu, ce complexe est devenu une sorte d'unité indépendante, centre de

 13   récréation, centre thermal, ainsi de suite. Centre de rééducation, un

 14   genre de sanatorium.

 15   Question: C'est en 1992, donc qu'il s'agissait déjà d'une société séparée,

 16   c'était une compagnie qui était s'était détachée de Panos?

 17   Réponse: Oui, c'était une compagnie séparée, mais nous étions tout de même

 18   tous partie de la compagnie  Ehos, E-H-O-S, Sarajevo.

 19   Question: Dans votre entreprise, il y a eu très certainement des Serbes et

 20   des Musulmans.

 21   Réponse: Oui, c'est exact

 22   Question: Quels étaient vos rapports avec ces gens? Est-ce que vous avez

 23   eu, donc, des rapports spécifiques avec ces gens? Est-ce qu'il y a eu des

 24   problèmes? Est-ce que vous vous êtes disputé avec eux sur la base de ces

 25   différentes appartenances, origines ethniques?


Page 1845

  1   Réponse: Non. Nos relations étaient très bonnes. Peu importe s'il

  2   s'agissait d'un Croate ou d'un Musulman; quand on travaillait ensemble,

  3   chacun faisait sa part du travail qui lui incombait.

  4   Question: Est-ce que Meho Dzafic travaillait avec vous?

  5   Réponse: Meho Dzafic travaillait avec moi jusqu'à sa retraite et on a

  6   travaillé ensemble très longtemps. Je pense qu'il a pris sa retraite

  7   quelque part en 1990, 1991, donc avant la guerre. Meho était mon maître à

  8   l'époque où j'étais apprenti, excellent garçon de café serveur.

  9   Question: Et est-ce avec lui que vous avez eu quelques disputes,

 10   malentendus?

 11   Réponse: Non, non, jamais, pas du tout. Pas le moindre.

 12   Meho Dzafic m'a rendu pas mal de services, d'abord en sa qualité de

 13   personne qui nous avait appris le métier. Il faut deux ou trois ans de

 14   pratique pour apprendre le métier, et dans cette période d'apprentissage

 15   Meho m'avait rendu service: il avait une voiture, quand il pleuvait il

 16   m'emmenait ou il me ramenait chez moi. Et quand je construisais ma maison,

 17   il construisait la sienne; il m'a beaucoup aidé aussi. Donc, c'est une

 18   personne avec qui j'ai travaillé pendant de longues années en bonne

 19   entente.

 20   M. Domazet (interprétation): Quand vous dites: "j'avais été son apprenti",

 21   cela veut dire qu'il était votre collègue aîné qui vous donnait des

 22   instructions, mais il n'y avait pas de hiérarchie au terme selon lequel il

 23   serait votre chef?

 24   M. Vasiljevic (interprétation): Non. Lui, il est "maître" et je suis

 25   l'apprenti. C'est ce qui est le rapport qui prévalait aux travaux


Page 1846

  1   pratiques. Donc j'avais terminé mes études, j'avais la même qualification

  2   que lui du point de vue du métier, mais les garçons de café aînés étaient

  3   là pour apprendre aux jeunes comment on desservait le bar, comment on

  4   desservait les clients, donc il n'avait pas l'expérience nécessaire pour

  5   maîtriser toutes les tâches, et c'est là que les aînés venaient secourir

  6   les cadets.

  7   M. le Président (interprétation): Vous êtes tous deux à oublier de faire

  8   les petites pauses.

  9   Monsieur Vasiljevic, nous souhaitons entendre votre témoignage dans son

 10   ensemble, et non pas seulement des fragments de celui-ci. Aussi vous

 11   demanderai-je de faire des pauses avant que de commencer à répondre, et je

 12   vous prie de prêter attention à cela.

 13   Et je crains fort, Maître Domazet, que vous également ne perdiez cela de

 14   vue, ça et là. Je vous prie d'accorder davantage d'attention à ce fait-là.

 15   M. Domazet (interprétation): Certainement.

 16   M. Vasiljevic (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président.

 17   M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, avez-vous fait votre

 18   service militaire dans l'ex-JNA?

 19   M. Vasiljevic (interprétation): J'ai fait mon service militaire dans la

 20   JNA de l'époque, oui.

 21   Question: Où, quand et dans quel service? Dans quel département l'avez-

 22   vous fait?

 23   Réponse: J'ai fait mon service militaire depuis la fin novembre 1973. J'ai

 24   fait toute l'année 1994 et la moitié, et ce, jusqu'à la mi-janvier 1995.

 25   Le service militaire durait, à l'époque, 15 mois et j'ai fait mon service


Page 1847

  1   militaire à Skopje.

  2   En fait, je m'excuse, j'ai d'abord fait une formation militaire à Djordje

  3   Petrov; c'est une petite localité à proximité de Skopje, à quelque 10

  4   kilomètres de Skopje. C'était un centre de formation, un centre de

  5   formation pour les services d'intendance. Et suite à cette période de

  6   formation qui a duré 4 mois et demi, j'ai été transféré vers Stip, la

  7   ville de Stip qui se trouve en Macédoine, elle-aussi.

  8   Ensuite, nous quatre cuisiniers avons été transférés vers ce que l'on

  9   appelait le terrain, un village qui s'appelait Leskovica, et c'est là que

 10   nous avons fait le reste de notre service militaire. Nous avions été

 11   cuisiniers auprès des services du génie, parce que ces services du génie

 12   construisait là-bas une route. C'est donc sur le terrain que nous avons,

 13   en quelque sorte, desservi le personnel militaire sur place.

 14   Question: Quand vous dites "services d'intendance", est-ce que vous

 15   pourriez nous donner des explications complémentaires? Quand vous dites

 16   que vous avez été cuisinier, est-ce que cela sous-entend: cuisine,

 17   approvisionnement de la cuisine et tous ces services-là? Est-ce bien ce

 18   que vous avez fait pendant votre service militaire?

 19   Réponse: Oui, la cuisine. Nous étions des cuisiniers.

 20   Question: Vous avez également dit, il me semble, que vous êtes parti faire

 21   votre service militaire en novembre 1973?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Et ce service militaire durait combien de temps, déjà?

 24   Réponse: 15 mois. 15 mois, c'est cela. Mais moi, je n'ai pas fait 15 mois.

 25   Je n'ai pas pris mon congé, le congé habituel auquel on a droit et qui


Page 1848

  1   dure 20 jours. Puis j'ai eu 10 jours de congé à titre de récompense, ce

  2   qui fait que j'ai pu quitter l'armée avant les 15 mois écoulés.

  3   Question: Donc on peut dire que vous êtes sorti vers le mois de janvier

  4   1975?

  5   Réponse: C'est cela, la mi-janvier, vers la mi-janvier. C'est à cette

  6   période-là que j'étais sorti de l'armée.

  7   Question: Bien. Je vous ai posé la question parce que dans le compte rendu

  8   d'audience, et peut-être avez-vous fait l'erreur de parler de 1995 et

  9   c'est, de façon évidente, une erreur.

 10   Réponse: Oui, c'est une erreur: c'est bien de l'année 1975 qu'il s'agit.

 11   Question: Merci. Quand avez-vous eu une famille à vous?

 12   Réponse: Eh bien, je me suis marié en février 1988.

 13   Question: Où avez-vous vécu, à compter de la date de votre mariage?

 14   Réponse: J'ai résidé à Visegrad mais même avant le mariage, j'ai résidé à

 15   Visegrad.

 16   Question: Et vous êtes resté dans la même maison que celle où vous aviez

 17   vécu jusque-là?

 18   Réponse: Oui, dans la même maison. C'est, de toute façon, une maison qui

 19   est la maison familiale. Et j'étais seul à y habiter.

 20   Je puis, d'ailleurs, vous donner certains détails. C'est une maison que

 21   mon père avait achetée et j'avais résidé là. Nous avions convenu, par la

 22   suite, que je construirais ma propre maison. Mon père a ensuite enregistré

 23   la maison au nom de mon frère, puis m'a aidé autant qu'il le pouvait. Une

 24   fois les conditions réunies, j'étais censé déménager dans ma maison et

 25   laisser celle-là à mon frère. Et, de nos jours, mon frère est le


Page 1849

  1   propriétaire de cette maison. Il n'y réside pas, il réside à Belgrade.

  2   Il est plus jeune que moi. Il a commencé à travailler à Belgrade après ses

  3   études, et il n'a plus jamais eu besoin d'un pied-à-terre à Visegrad.

  4   Question: Donc, vous n'avez résidé que dans une maison qui avait été

  5   achetée par votre père et que votre père avait destinée à votre frère

  6   cadet, en attendant que vous construisiez la vôtre?

  7   Réponse: C'est cela. J'ai vécu dans cette maison depuis 1976. C'est en

  8   1976 que la maison a été achetée, je crois. Peut-être en 19... Non, non,

  9   c'est bien en 1976.

 10   Question: Donc il avait été convenu que, à côté de cette maison-là, avec

 11   l'aide de votre père, vous construisiez une autre maison et la maison où

 12   vous trouviez devait être rétrocédée à votre frère? C'est bien ce qui

 13   était convenu, n'est-ce pas?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Et l'autre maison, vous l'avez construite jusqu'à... Enfin, sa

 16   construction a duré jusqu'à il n'y a pas longtemps, n'est-ce pas?

 17   Réponse: Je l'ai construite très longtemps, j'ai construit cette maison

 18   pendant 15 ans. Il est vrai que je n'étais pas pressé; je n'avais

 19   nullement besoin de me presser car j'avais où habiter. Donc, à chaque fois

 20   que je le pouvais, je faisais un bout du travail à effectuer. Et pour ce

 21   qui est de cette nouvelle maison, je n'y ai personnellement jamais habité.

 22   C'est ma famille qui y vit actuellement.

 23   J'ai terminé sa construction, puis je l'ai louée aux soldats de la Sfor,

 24   aux soldats français de la Sfor, ce qui fait que ces soldats ont été les

 25   premiers locataires de la maison qui se trouve juste à côté de celle où


Page 1850

  1   j'habitais, à 5 ou 6 mètres de l'ancienne. Et je n'ai, personnellement,

  2   jamais habité dans cette nouvelle maison. Maintenant, ma famille réside

  3   dans cette maison.

  4   Question: Donc, pendant 15 ans, avec l'aide de votre père, vous avez

  5   construit cette maison. Et les premiers locataires de cette maison avaient

  6   été des soldats français appartenant à la Sfor, n'est-ce pas?

  7   Réponse: Oui.

  8   Question: Avant votre arrestation, avant que de venir à La Haye, pour

  9   combien de temps aviez-vous loué cette maison?

 10   (Le témoin pleure.)

 11   Réponse: Je crois qu'il s'agissait du 14 juillet de l'année 1999.

 12   Question: Donc, ces soldats ont résidé dans votre maison pendant quelque 6

 13   mois, n'est-ce pas?

 14   Réponse: Jusqu'au 5 janvier 2001.

 15   M. Domazet (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous

 16   vous êtes marié et quand est-ce que vos enfants sont nés?

 17   M. Vasiljevic (interprétation): Réponse: Je crois vous avoir dit que je

 18   m'étais marié en février 1988. J'ai eu mon premier enfant, une fille... En

 19   fait, mon premier enfant était un garçon, mais cet enfant est mort en

 20   1979; c'est un enfant mort-né. Puis j'ai eu une fille le 14 juillet 1980.

 21   Puis un troisième enfant, une fille encore. Cette fille-là est morte

 22   également. Ma femme avait beaucoup de difficulté, beaucoup de peine à

 23   accoucher. Et le quatrième enfant, un garçon, est venu au monde grâce à

 24   une césarienne en 1988. Ce qui fait que, Dieu merci, j'ai deux enfants en

 25   vie: un fils et une fille.


Page 1851

  1   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, les dates, d'après ce

  2   que nous avons reçu comme interprétation, sont un peu étranges.

  3   Le premier enfant était un garçon mort-né en 1989; cela me semble bon.

  4   Puis, je crois que vous avez dit que la fille est née le 14 juillet 1980,

  5   puis une troisième date que nous n'avons pas, et un quatrième enfant en

  6   1988. Je crois qu'il y a là une confusion soit au niveau de

  7   l'interprétation ou au niveau de ce que le témoin a dit.

  8   M. Vasiljevic (interprétation): Le premier enfant est né en 1979 et non

  9   pas en 1989, parce que mon deuxième enfant- ma fille- est née en 1980.

 10   Donc j'ai fait une erreur de 10 ans seulement.

 11   M. Domazet (interprétation): Vous êtes-vous trompé au niveau de votre date

 12   de mariage, Monsieur Vasiljevic, parce que, ici, dans le compte rendu, on

 13   dit 1988?

 14   M. Vasiljevic (interprétation): Je m'excuse, je voulais dire 1978, pas

 15   1988.

 16   M. le Président (interprétation): Les choses sont claires à présent.

 17   M. Vasiljevic (interprétation): Tout à fait.

 18   M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, je voudrais maintenant

 19   vous poser certaines questions concernant un sujet qui semble revêtir pas

 20   mal d'importance dans cette affaire, à savoir cette relation de "kum"

 21   entre votre famille et la famille des Lukic, originaire du village de

 22   Rujiste. Pouvez-vous nous parler et nous expliquer cette relation, et

 23   depuis quand la relation de "kum" avait-elle été mise en place entre vos

 24   familles respectives?

 25   M. Vasiljevic (interprétation): Je ne saurais vous apporter de réponse


Page 1852

  1   exacte quant au début même de ces relations de "kum". Je crois que mon

  2   père, en tout état de cause, ne le savait pas, mais je crois que mon

  3   grand-père ne le savait pas non plus.

  4   Je tiens à dire qu'il n'y avait pas que ma maison, la maisonnée des

  5   Vasiljevic à nous, qui avait des relations de ce type avec les Lukic. Je

  6   crois que les autres familles Vasiljevic qui faisaient partie du village

  7   avaient été en rapport de "kum" avec les Lukic du village de Rujiste; les

  8   uns baptisaient les enfants des uns, les autres étaient témoins au mariage

  9   des autres. Ce qui fait que ces relations étaient si entremêlées que

 10   toutes les familles des Vasiljevic et des Lukic étaient "kum" les unes des

 11   autres. De là à vous dire quand est-ce que les choses ont commencé, je ne

 12   saurais le faire. Mais cela date de très longtemps.

 13   Question: Par conséquent, si je vous ai bien compris, votre grand-père non

 14   plus ne se souvenait pas des débuts de ces rapports de "kum"? Vous seriez

 15   d'accord avec moi pour dire que ces relations datent d'il y a plus de cent

 16   ans, n'est-ce pas?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Et si je vous ai bien compris aussi, ces rapports de "kum" sont

 19   en vigueur pour toutes les familles appartenant au clan des Lukic et au

 20   clan des différentes familles Vasiljevic et Djurevic, quelque que soit le

 21   village ou le site où ces familles sont venues à résider à un moment

 22   quelconque, n'est-ce pas?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Donc, Milan Lukic était l'un des membres de cette famille Lukic,

 25   donc de l'une des familles avec laquelle votre famille était en rapport de


Page 1853

  1   "kum"?

  2   Réponse: Oui. Lui, son frère et sa sœur ont été baptisés par mon père. Ou,

  3   je m'excuse, mais il se peut que cela ait été mon grand-père et non pas

  4   mon père. Je ne sais plus au juste parce que, en fait, je sais que c'est

  5   ma famille qui a baptisé ces enfants-là.

  6   Question: Mais depuis combien de temps connaissiez-vous Milan Lukic avant

  7   ce mois de mai 1992?

  8   Réponse: J'avais connu Milan Lukic alors qu'il était encore élève,

  9   lorsqu'il allait à l'école élémentaire à Visegrad. Donc je l'avais connu

 10   enfant. Et lorsqu'il a terminé ses études secondaires, il allait faire son

 11   service militaire, je pense. Puis, il est parti en Suisse et je ne l'ai

 12   plus revu, je ne sais plus, mais jusqu'en 1992.

 13   Maintenant, de là à savoir quel genre d'homme cela était, je ne sais pas

 14   vous le dire. D'abord parce que c'était quelqu'un de bien plus jeune que

 15   moi; il avait je crois 13 ans de moins. Nous ne nous fréquentions pas,

 16   nous n'appartenions pas à la même génération. Puis, comme il n'était pas à

 17   Visegrad, comme il était parti pour la Suisse, il en a été ainsi.

 18   Question: Donc, suite à ses classes secondaires et à son service

 19   militaire, il a quitté la région de Visegrad d'une manière générale,

 20   n'est-ce pas?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Il a travaillé en Suisse. Mais sauriez-vous nous dire quelle

 23   était la ville de résidence, sa ville de résidence? Parce que c'est une

 24   chose notoirement connue que de dire que les gens, tous les gens d'origine

 25   yougoslave travaillant à l'étranger avaient un lieu de résidence dans le


Page 1854

  1   pays.

  2   Réponse: Je m'excuse, je n'ai pas compris votre question. Ah oui, oui,

  3   oui, vous avez parlé de sa résidence. Est-ce que vous vouliez dire: est-ce

  4   qu'il était enregistré comme étant citoyen de Visegrad, tout en

  5   travaillant et résidant provisoirement en Suisse?

  6   Question: C'est cela.

  7   Réponse: C'est bien ce que j'ai compris.

  8   Question: Non, Monsieur Vasiljevic, ma question n'avait pas porté sur son

  9   lieu de résidence formelle, sur papier. Mais je vous demanderai de nous

 10   dire où est-ce qu'il avait été résident, porté résident en Yougoslavie, en

 11   ex-Yougoslavie, alors qu'il travaillait provisoirement en Suisse.

 12   Réponse: Je crois qu'il avait fini par s'acheter un appartement à Belgrade

 13   à l'époque où il avait travaillé en Suisse.

 14   Question: Et, compte tenu du fait qu'on parle souvent d'Obrenovac, est-ce

 15   que Obrenovac a quelque chose à voir avec Milan Lukic?

 16   Réponse: De là à savoir s'il avait travaillé à Obrenovac avant de partir

 17   en Suisse, ça c'est une chose que je ne sais pas. Ce que je sais, c'est

 18   que son frère cadet avait travaillé à Obrenovac, qu'il avait été

 19   enseignant là-bas. Mais pour ce qui est de Milan, je ne sais pas. Je ne

 20   sais pas qu'il a travaillé effectivement là-bas. Cela se peut. Il se peut

 21   qu'il ait travaillé là-bas avant de partir en Suisse, si tant est qu'il y

 22   a effectivement travaillé.

 23   Question: Oui?

 24   Réponse: Et j'entends préciser que Belgrade et Obrenovac se trouvent non

 25   loin l'un de l'autre.


Page 1855

  1   Question: Cette famille Lukic, c'était une famille très nombreuse, si j'ai

  2   bien compris?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Votre réponse à ma réponse précédente est-elle bien la suivante:

  5   à l'époque où Milan Lukic avait travaillé en Suisse, il avait un

  6   appartement à Belgrade. Il était donc résidant de la ville de Belgrade et

  7   non plus de celle de Visegrad?

  8   Réponse: C'est cela. Il est exact de dire qu'il possède un appartement à

  9   Belgrade. Et ce, dans la cité de Bezanijska Kosa.

 10   Question: Et dans cette période, entre mai 1992 et par la suite, avez-vous

 11   eu l'opportunité de le revoir?

 12   Réponse: Je m'excuse. Est-ce que vous vouliez dire avant le mois de mai ou

 13   après le mois de mai?

 14   Question: Avant le mois de mai 1992?

 15   Réponse: Non, non, notamment au cours de l'année ou des deux années qui

 16   ont précédé mai 1992. Peut-être ne l'ai-je pas vu pendant les cinq années

 17   qui ont précédé mai 1992, je n'en sais rien.

 18   M. Domazet (interprétation): Merci. Mais étant donné que je touche à la

 19   fin d'un sujet que j'avais entamé, je pense qu'il serait l'heure de faire

 20   une pause.

 21   M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons procéder à une

 22   pause jusqu'à 11 heures 30.

 23   (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)

 24   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Domazet, vous pouvez

 25   continuer.


Page 1856

  1   M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, s'agissant de vous

  2   personnellement, de votre état de santé, on a relaté ici des données

  3   concernant certaines de vos blessures et fractures. Vous vous êtes donc

  4   cassé la jambe en 1992, le 14 juin 1992, pendant que vous montiez à

  5   cheval, est-ce exact?

  6   M. Vasiljevic (interprétation): Oui.

  7   Question: Avez-vous jamais eu une blessure de ce genre, fracture de la

  8   jambe, dans une période antérieure?

  9   Réponse: Jamais, très certainement. Non, jamais de fracture de jambe ou de

 10   bras, même pas de doigt de la main.

 11   Question: Et après 1992?

 12   Réponse: Je me suis cassé la jambe en 1992, et la même jambe gauche en

 13   1993.

 14   Question: Dans quels hôpitaux avez-vous été traité à ces deux reprises?

 15   Réponse: Les deux fractures de la jambe, je les ai traitées dans l'hôpital

 16   à Uzice.

 17   Question: Est-ce que, dans cet hôpital d'Uzice, vous y avez été pour un

 18   autre traitement quelconque?

 19   M. Vasiljevic (interprétation): En 1976, j'y étais alité en raison de

 20   l'élargissement, de l'agrandissement de mes glandes lymphatiques. J'y ai

 21   passé deux mois. Ensuite, j'ai été transféré à Sarajevo dans l'hôpital

 22   connu comme l'hôpital Podhrastovima, P-O-D-H-R-A-S-T-O-V-I-M-A. Là, j'ai

 23   suivi un traitement. Et ensuite, dans un autre hôpital, vers 1980, j'ai

 24   été traité pour ma maladie d'alcoolisme. Je pense que j'ai été à trois

 25   reprises dans le service neuropsychiatrique de l'hôpital à Uzice. Puis, en


Page 1857

  1   1992, si je ne me trompe pas, c'était mon quatrième passage, séjour dans

  2   cet hôpital.

  3   M. Domazet (interprétation): Donc, à ces trois occasions, avant 1992, est-

  4   ce que vous avez été traité dans les trois cas pour raison d'alcoolisme?

  5   M. le Président (interprétation): Reprenez votre question, Maître Domazet,

  6   il n'y a pas eu de réponse.

  7   M. Domazet (interprétation): Lorsque vous parlez de ces trois occasions

  8   pendant lesquelles vous étiez à l'hôpital avant 1992, est-ce que, dans les

  9   trois cas, vous avez été traité pour des raisons d'alcoolisme?

 10   M. Vasiljevic (interprétation): 1976, à deux reprises. C'était un oedème

 11   des glandes lymphatiques, et ensuite je suis repassé à trois reprises dans

 12   le service neuropsychiatrique. Là, j'étais traité pour ma maladie

 13   d'alcoolisme.

 14   Question: A part ces traitements médicaux, donc ces jours à l'hôpital,

 15   est-ce que vous avez été traité à l'intérieur d'un dispensaire?

 16   Réponse: Oui, à Visegrad.

 17   Question: Monsieur Vasiljevic, pourriez-vous nous relater vos réactions

 18   lorsque, alcoolisé, alcoolisé à différents degrés, quelles étaient vos

 19   réactions? Enfin, qu'est-ce que vous pouvez nous dire à propos? Quel a été

 20   votre comportement, dans ces circonstances-là?

 21   Réponse: Si je me mets à boire, j'y renonce difficilement. J'ai envie de

 22   boire. Si donc je me trouve dans un état de difficulté et si je ne me

 23   rends pas dans une ambulance, dans un dispensaire pour recevoir une

 24   perfusion, et si je me mets à manger, alors là, je finis par me rétablir,

 25   en quelque sorte.


Page 1858

  1   J'étais dépendant, je ne pouvais pas me détacher de l'alcool. Et puis, par

  2   la suite, je devais rester au lit pendant quelques jours; je ne pouvais

  3   pas manger, j'avais besoin de l'alcool.

  4   Question: Dans ces situations-là et dans ces états, est-ce que vous

  5   deveniez agressif?

  6   Réponse: Non. J'aimais être entouré de gens, boire en compagnie. J'aimais

  7   boire, peu importe avec qui. Si j'avais assez d'argent, j'étais prêt à

  8   dépenser tout cet argent pour boire. Et tout le monde me connaissait comme

  9   quelqu'un qui se soûlait et qui, quand il buvait, buvait vraiment. Et puis

 10   les gens me plaignaient, mes collègues me faisaient des reproches.

 11   Question: Je le comprends mais concrètement parlant est-ce que, dans ces

 12   situations-là, vous étiez agressif vis-à-vis de votre entourage?

 13   Réponse: Non. Tout simplement, j'avais besoin de l'alcool, boire, mais je

 14   ne taquinais personne, je ne touchais à personne. Et même ivre, j'arrivais

 15   à accomplir mon travail. J'allais souvent, peut-être, au bar prendre un

 16   verre, et cela à plusieurs reprises, un ou deux verres. Mais, ivre-mort,

 17   il m'arrivait de ne pas pouvoir travailler.

 18   Question: Quand je vous demande de me dire si vous étiez agressif...

 19   Réponse: Non.

 20   Question: Veuillez bien attendre la fin de ma question. Donc, dans ces

 21   conditions-là, est-ce que vous étiez agressif, est-ce que vous vous

 22   attaquiez à d'autres personnes?

 23   Réponse: Non, j'aimais chanter, enfin, jamais je n'offensais qui que ce

 24   soit.

 25   Question: Est-ce qu'il vous arrivait, dans cette condition dans laquelle


Page 1859

  1   vous vous trouviez, de vous délier la langue, de ne pas pouvoir vous

  2   contrôler et d'injurier quelqu'un dans votre entourage?

  3   Réponse: Pour dire franchement, au début, quand j'étais plus jeune, je

  4   savais, même ivre-mort, quel que soit le café, quelles que soient les

  5   personnes avec moi, comment je suis rentré chez moi, enfin, ce sont des

  6   choses que je connaissais. Mais, plus tard, je ne me souvenais plus de ces

  7   détails-là, je ne me souvenais pas des personnes avec lesquelles j'étais,

  8   qui m'ont ramené chez moi. Enfin, je ne me souvenais pas de tout ce qui se

  9   passait et puis, il y a bien des choses qui se sont passées.

 10   Ma réponse est non.

 11   Question: Quand vous dites que jeune homme ou plus jeune, votre seuil de

 12   tolérance était plus élevé, et donc que vous vous souveniez des événements

 13   et que plus tard cela n'était plus le cas, est-ce que vous vous souvenez

 14   que parfois, dans ces conditions que vous subissiez, et lorsque vous étiez

 15   assez jeune, vous avez commis une infraction qui vous a amené dans une

 16   prison?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Est-ce qu'il s'agissait d'une chanson offensante que vous avez

 19   chantée en compagnie d'autres personnes qui ont dû répondre de concert

 20   avec vous?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Quel âge aviez-vous à l'époque, Monsieur Vasiljevic?

 23   Réponse: A peine 19 ans, 18 ans et 11 mois. Oui, peut-être même 18 ans et

 24   10 mois, à peu près ça.

 25   Question: Mais vous étiez déjà à l'âge majoritaire à cette époque, et vous


Page 1860

  1   avez été condamné à la peine de prison que vous avez purgée?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: C'était la fois unique que vous avez été condamné à une peine de

  4   prison que vous avez par la suite purgée?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Monsieur Vasiljevic, nous passons à un autre volet. Il s'agit de

  7   Visegrad, à la veille de l'arrivée du Corps d'Uzice, début avril 1992.

  8   Pourriez-vous, mais très brièvement, nous décrire ce que vous faisiez à

  9   l'époque et ce qui se passait, très succinctement, à Visegrad dans ces

 10   temps-là?

 11   Réponse: Avant le Corps d'Uzice, son arrivée plus précisément, il y a

 12   certaines choses qui se sont déclenchées: il y a eu séparation des milices

 13   de la police musulmane et serbe, elles ne travaillaient plus ensemble.

 14   Enfin, je ne sais pas si cela concernait la totalité des effectifs de la

 15   police.

 16   Puis, cela a été suivi d'une tension. Le 10 ou le 11, on a entendu

 17   proférer des menaces. J'étais chez moi, à la maison. On allait ouvrir les

 18   vannes de la centrale. J'ai entendu une conversation de ce genre qui a été

 19   radiodiffusée. Les gens sont devenus très paniqués, personne n'allait

 20   croire, mais il y a eu ce fléau d'eau. Est-ce qu'il y avait quelqu'un dans

 21   la ville, Serbe ou Musulman? Je sais que nous nous sommes retirés vers le

 22   village d'Omar, nous autres qui sommes originaires d'un autre village. Eh

 23   bien, il y a eu des policiers serbes qui ont été appréhendés à l'époque,

 24   enfin effectifs réguliers, et une partie appartenait aux effectifs de

 25   réserve. Enfin, ils sont allés voir ce qui se passait avec la centrale


Page 1861

  1   dans les hauteurs, dans les parages. Enfin, je ne sais pas ce qui s'est

  2   passé, mais je sais qu'ils ont été capturés.

  3   Question: Monsieur Vasiljevic, cet événement qui s'est produit, est-ce

  4   qu'il a entraîné la population à quitter la ville, tant la population

  5   serbe que la population musulmane?

  6   Réponse: Je ne me rendais pas en ville. Je ne pouvais pas dire que tout le

  7   monde était parti, mais il y a une majorité qui était partie et

  8   vraisemblablement qu'il s'agissait de Serbes et de Musulmans. Si on avait

  9   ce fléau d'eau, personne ne pourrait s'en accommoder.

 10   Question: Si je vous comprends bien, Monsieur Vasiljevic, même avant cela

 11   vous aviez quitté vous-même Visegrad et vous étiez dans les alentours de

 12   Visegrad. Lorsque vous dîtes Kalate, est-ce que c'est un quartier, un

 13   faubourg, une partie de Visegrad où se trouve votre maison?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: A quelle distance cela se trouvait-il, par rapport à votre

 16   maison?

 17   Réponse: Vous voulez dire le lieu sur lequel nous nous sommes rendus,

 18   après avoir quitté Kalate?

 19   Question: Oui.

 20   Réponse: Pas tellement loin, une colline à franchir, 500, 600 mètres.

 21   C'est donc ce village que j'ai mentionné qui s'appelle Omar. Et puis, là,

 22   on ne se sentait pas sûr. Des Serbes de la ville y venaient également, et

 23   donc nous avons pris de la route de Banja, à 3 kilomètres dans le village

 24   Jelasica.

 25   Question: Pourquoi ce lieu n'était pas sûr, sécurisé, comme vous le dites?


Page 1862

  1   Dans quel sens ce lieu n'a pas été sécurisé?

  2   Réponse: Eh bien, on a capturé la milice serbe. La population s'évadait,

  3   prenait la direction de la frontière avec la Serbie, et nous aussi on a dû

  4   suivre. On avait peur.

  5   Question: Lorsque vous dites: "La population se dirigeait vers la

  6   frontière avec la Serbie", à quelle population pensez-vous? Population

  7   serbe, population musulmane, les deux à la fois?

  8   Réponse: Les Serbes étaient plus nombreux, mais il y avait aussi des

  9   Musulmans qui s'enfuyaient vers la Serbie, dans le centre thermal Banja.

 10   Eh bien, là, il y a des gens qui se sont tout simplement dirigés

 11   totalement vers la frontière avec la Serbie. Ils se regroupaient, y

 12   compris les patients du centre thermal. Ils se sont tous regroupés au

 13   point frontalier.

 14   Question: Est-ce que dans ce village, Jelasica, ou dans les alentours

 15   comme vous le dites, est-ce que c'est là que vous avez entendu parler de

 16   l'arrivée du Corps d'Uzice?

 17   Réponse: Oui, c'est à la hauteur de ces villages que nous avons entendu

 18   parler de l'arrivée du Corps d'Uzice.

 19   Question: D'après vos observations personnelles, vos connaissances

 20   personnelles, est-ce que cette arrivée du Corps d'Uzice a exercé une

 21   influence sur l'amélioration de la situation dans la ville de Visegrad et

 22   les alentours de la ville, influence dans le sens de "calmer" la situation

 23   ou vice-versa?

 24   Réponse: Une fois arrivé, la situation s'est calmée quelque peu; il n'y a

 25   plus eu cette haute tension qui régnait. Ils invitaient les deux


Page 1863

  1   populations, toute la population serbe et musulmane, à reprendre leur

  2   travail.

  3   Question: Est-ce qu'ils reprenaient leurs activités, leur travail

  4   régulier? Est-ce qu'ils retournaient dans la ville?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Vous, personnellement, vous souvenez vous, Monsieur Vasiljevic,

  7   d'un incident plus sérieux qui se serait produit à l'époque, pendant que

  8   le Corps d'Uzice était encore dans la ville d'Uzice?

  9   Réponse: Avant l'arrivée du Corps d'Uzice, une première victime a été un

 10   Serbe âgé autour de 25 ans, nom de famille Indjic, Mico prénom. Je pense

 11   que Mico Indjic était la première victime.

 12   Question: Oui, mais vous parlez de cette période à la veille même de

 13   l'arrivée du Corps d'Uzice où vous avez signalé cette tension qui régnait

 14   à Visegrad.

 15   Mais ma question a été, plutôt: est-ce que, pendant le séjour du Corps

 16   d'Uzice à Visegrad, il y a eu des incidents plus sérieux dans la ville de

 17   Visegrad elle-même?

 18   Réponse: Je ne le sais pas vraiment. Je n'ai pas entendu parler

 19   d'incidents sérieux. Enfin, il y avait là les commandants, l'armée était

 20   placée sous un certain commandement. Peut-être qu'il y a eu une victime

 21   par-ci, par-là, Smajic et son épouse. Enfin, je ne sais pas comment cela

 22   s'est produit. Smajic Medo, c'est la personne dont il est question -enfin,

 23   je pense.

 24   Question: Monsieur Vasiljevic, est-ce que les soldats du Corps d'Uzice

 25   avaient leur point de contrôle militaire sur les axes routiers? Et si la


Page 1864

  1   réponse est oui, est-ce que l'un de ces points de contrôle militaire se

  2   trouvait à proximité de votre maison?

  3   Réponse: Oui. Ils avaient leur point de contrôle militaire d'habitude sur

  4   les ponts, les croisements, les bifurcations routières. Et il y avait un

  5   point de contrôle qui se trouvait dans le village d'Omar. Ce point de

  6   contrôle militaire y était installé pendant dix jours et puis transféré

  7   dans le village de Sase.

  8   Question: La rue où se trouve votre maison, c'est bien la rue de Vojvode

  9   Stepe, n'est-ce pas?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Cette rue-là, constitue-t-elle l'axe principal ou le seul axe

 12   possible partant de Visegrad pour se diriger vers Sase/Vilina Vlas et

 13   Prelovo?

 14   Réponse: C'est la seule et unique route si l'on va en voiture; si l'on est

 15   à pied, on peut passer par la forêt bien sûr.

 16   Question: Parlant du point de contrôle situé à proximité de votre maison,

 17   sur la route donc, ou sur la rue qui passe par le site où se trouvait

 18   votre maison, aviez-vous quelques tâches à accomplir, quelques

 19   permanences, quelques tâches de contrôle, de vérification des papiers?

 20   Réponse: Non, non, nous ne pouvions pas faire partie de ces effectifs-là.

 21   Ces gens-là avaient leur propre unité de l'armée, leur commandement à eux,

 22   et ils ne nous avaient pas demandé de faire quoi que ce soit.

 23   Question: Veuillez me dire, Monsieur Vasiljevic, ce qui s'est passé, ce

 24   qui est advenu suite au départ du Corps d'Uzice et s'agissant de vous-

 25   même?


Page 1865

  1   Réponse: Après le départ du Corps d'Uzice, j'ai reçu une convocation, une

  2   convocation afférente à la mobilisation. Il s'agissait pour moi de venir

  3   me présenter dans les locaux de l'école à Prelovo.

  4   Question: Et avez-vous répondu présent à cet appel-là?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: A cette époque-là, disposiez-vous d'un uniforme de réserviste de

  7   la JNA chez vous, à la maison?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Aviez-vous pris avec vous l'uniforme en question pour y aller?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Veuillez nous décrire le type d'uniforme dont il s'agissait.

 12   Réponse: Il s'agissait de l'uniforme de l'ex-armée populaire yougoslave,

 13   JNA. C'est ce que l'on appelait l'uniforme SNB.

 14   (Interprète: Il s'agit d'un uniforme vert olive.)

 15   C'était l'uniforme que l'on m'avait confié quelque 10 ans auparavant. Nous

 16   recevions tous ce type d'uniforme, Serbes et Musulmans confondus, du temps

 17   de l'existence de cette ex-Yougoslavie. C'est ce que nous avions à garder

 18   chez nous, moyennant signature d'un bordereau de réception. C'est ce qui

 19   était attribué aux effectifs de réserve. Et notamment, une fois passé le

 20   cap des 30 ans, on faisait partie des effectifs de la réserve. J'avais

 21   donc cet uniforme chez moi depuis une bonne dizaine d'années, cet uniforme

 22   vert olive.

 23   Je n'étais pas le seul à avoir un uniforme, nous en avions un chacun.

 24   Question: Serait-il exact de dire que tous les réservistes de l'époque

 25   avaient un uniforme chez eux, et étaient censés venir avec cet uniforme,


Page 1866

  1   portant cet uniforme, lorsqu'ils étaient convoqués pour des exercices

  2   militaires?

  3   Réponse: Je ne sais pas vous dire si tous avaient des uniformes chez eux,

  4   mais la plupart des réservistes avaient effectivement des uniformes chez

  5   eux. Certains en avaient reçu, peut-être, par la suite.

  6   Question: Quand vous avez dit qu'il s'agissait d'un uniforme vert olive de

  7   l'ex-JNA, s'agissait-il d'un uniforme uni, de couleur vert olive, plutôt

  8   de teinte claire?

  9   Réponse: Oui, c'était un uniforme de teinte unie.

 10   Question: Pouvez-vous me dire de quel type d'unité s'agissait-il là-bas, à

 11   Prelovo, là où vous étiez envoyé?

 12   Réponse: Il s'agissait d'une section appartenant à l'intendance.

 13   Question: Qu'est-ce que cela veut dire au juste, Monsieur Vasiljevic?

 14   Réponse: Il y avait moi-même et un autre cuisinier, nous avions un aide et

 15   un chauffeur; il y avait encore avec nous un infirmier. Donc nous étions,

 16   en tout et pour tout, cinq.

 17   Question: Vous souvenez-vous des noms de ces gens ou de certaines de ces

 18   personnes?

 19   Réponse: Oui, je me souviens de tous les noms.

 20   Question: Pouvez-vous nous dire de qui vous vous souvenez, au juste?

 21   Réponse: Le chef-cuisinier était un vieux cuistot qui avait travaillé dans

 22   des cantines de sociétés, en Serbie notamment, Vaso Vojnovic; je ne sais

 23   pas s'il est à la retraite maintenant. Le chauffeur, c'était un parent à

 24   lui qui avait travaillé comme chauffeur dans la société d'exploitation

 25   forestière Sumarstvo, et qui s'appelait Obren Vojnovic. L'aide, lui,


Page 1867

  1   s'appelait Dragisa Lindo. L'infirmier s'appelait Stevo Grujic. Et il y

  2   avait moi.

  3   Question: Vous souvenez-vous de quelqu'un encore qui se trouvait sur

  4   place, mais qui ne faisait pas directement partie de votre unité?

  5   Réponse: Oui, il y avait quelqu'un qui était chargé d'enregistrer les

  6   personnes faisant partie de l'unité: Simic Dragan. Il y avait un certain

  7   Papic qui était une sorte de commandant, Krsta Papic. Il y avait là le

  8   siège du commandement.

  9   Question: Pouvez-vous nous décrire, Monsieur Vasiljevic, ce qu'avaient été

 10   vos tâches pendant que vous étiez à Prelovo?

 11   Réponse: Lorsque je suis arrivé là-bas, nous avons été répartis et le

 12   cuisinier en chef était Vaso Vojnovic . Pour ma part, j'avais été chargé

 13   de l'approvisionnement en denrées, de l'approvisionnement en vaisselle

 14   parce que c'était au tout début.

 15   J'avais également pour tâche d'aider à la cuisine chaque fois que j'étais

 16   là, et c'est ainsi que j'avais commencé à faire de la cuisine.

 17   Les choses ne se passant pas comme il fallait, nous avons déménagé vers

 18   une maison qui se trouvait à proximité. Donc, nous nous sommes en quelque

 19   sorte dissociés du site-même où se trouvait l'armée. C'est là que nous

 20   préparions les plats.

 21   J'avais été chargé, pour ma part, d'amener la nourriture, les plats, avec

 22   le chauffeur Obrenovic, vers les lignes de combat. Nous avions donc

 23   procédé ainsi. Nous avions transporté les vivres vers les lignes de front

 24   qui se trouvaient vers le village de Blace. Nous emmenions là-bas

 25   notamment le déjeuner et le soir un dîner sauf si, pour le dîner, il était


Page 1868

  1   prévu de distribuer un repas sec, par exemple, une boîte de conserve ou

  2   autre chose de ce genre. Alors, nous distribuions cela en même temps que

  3   le repas de midi, ce qui fait que le soir, nous n'avions pas à nous

  4   déplacer à nouveau.

  5   Question: Cette distribution de denrées alimentaires sur les lignes de

  6   front avait-elle été périlleuse pour vous, à l'époque?

  7   Réponse: Oui, j'avais personnellement assez peur, surtout la nuit. Le

  8   jour, je n'avais pas si peur que cela mais la nuit, j'avais du mal à me

  9   décider d'y aller. Mais il fallait bien y aller.

 10   Question: Vous étiez-vous plaint de ce problème-là auprès de vos

 11   supérieurs?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: J'ai omis de vous demander, dès le début de ce sujet concernant

 14   Prelovo, si vous aviez reçu une arme quelconque. Etait-ce le cas?

 15   Réponse: Non. J'avais un fusil mitrailleur que l'on m'avait confié avant

 16   que je ne fasse le déplacement vers Prelovo. Lorsque je suis arrivé à

 17   Prelovo, j'ai restitué ce fusil mitrailleur. Par la suite, je me suis vu

 18   confier un fusil automatique.

 19   Question: Et ce fusil automatique, vous le portiez sur vous pendant que

 20   vous étiez à Prelovo, n'est-ce pas?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Pour des raisons de travail, ou raisons tout à fait autres,

 23   avez-vous fait quelques déplacements de Prelovo vers Visegrad, ou pas?

 24   Réponse: Oui, nous partions là-bas pour des approvisionnements et nous y

 25   sommes allés peut-être deux fois pour transporter du matériel plus


Page 1869

  1   encombrant tel que de la vaisselle, des cuisinières, donc du matériel de

  2   cuisine.

  3   Question: Pendant votre exposé, vous nous aviez dit que vous n'aviez pas

  4   de permis de conduire et que vous ne saviez pas conduire. Qui est-ce qui

  5   était au volant?

  6   Réponse: C'était Obrenovic qui se trouvait au volant de la fourgonnette.

  7   Question: C'étaient donc des déplacements de service de Prelovo à Visegrad

  8   et retours pour les besoins de la cuisine militaire, n'est-ce pas?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Vous est-il arrivé de vous rendre à partir de Prelovo pour aller

 11   chez vous y passer quelque temps, puis pour revenir par la suite vers

 12   l'unité?

 13   Réponse: Oui, quand il arrivait d'avoir un moyen de transport. Si je me

 14   débrouillais pour me trouver un moyen de transport, on me permettait de

 15   rentrer chez moi et d'y rester jusqu'au lendemain.

 16   Question: Si j'ai bien compris, lorsque votre travail à Prelovo le

 17   permettait et lorsque vous vous trouviez un transport, il vous arrivait de

 18   rentrer le soir chez vous pour revenir le lendemain matin, n'est-ce pas?

 19   Réponse: Oui. Mais nous ne pouvions pas nous servir de la fourgonnette

 20   pour nos besoins à nous, ça non. Nous pouvions nous en servir seulement si

 21   nous avions besoin de quelque chose pour la cuisine mais pour nos besoins

 22   personnels, il n'en était pas question.

 23   Question: Mais comment, en ces occasions-là, faisiez-vous pour faire un

 24   saut jusqu'à chez vous?

 25   Réponse: Mais, eh bien, d'habitude j'arrêtais quelqu'un à un véhicule qui


Page 1870

  1   passait. Je me faisais transporter ainsi.

  2   Question: Monsieur Vasiljevic, vous souvenez-vous qu'à l'époque, une fois,

  3   vous avez été emmené de Prelovo vers chez vous par Milan Lukic en

  4   personne?

  5   Réponse: Oui.

  6   M. Domazet (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand est-ce que cela a

  7   eu lieu et si vous vous étiez arrêté à quelque endroit, chemin faisant?

  8   M. Vasiljevic (interprétation): C'était vers la fin du mois de mai. Je me

  9   trouvais sur la route, sur les hauteurs, là-bas, et j'attendais. Milan

 10   Lukic est arrivé en provenance des régions sur les hauteurs de Prelovo, et

 11   il y avait encore deux véhicules. Je les ai arrêtés pour leur demander de

 12   m'emmener vers Visegrad.

 13   Lorsque nous étions arrivés à proximité du village de Musici -et le

 14   village de Musici par rapport à Prelovo se trouve à quelque trois ou

 15   quatre kilomètres, je ne sais pas vous dire exactement-, il avait dit: "Je

 16   dois m'arrêter ici pour voir si quelqu'un n'aurait pas en sa possession

 17   des armes, parce qu'il semblerait que quelqu'un aurait auparavant ouvert

 18   le feu en direction d'une patrouille de la police".

 19   Alors, on m'avait dit: "Mais toi, Milan, tu n'as rien à voir avec, ce

 20   n'est pas sur toi qu'on a tiré".

 21   Donc il s'est arrêté dans le village; il est sorti du véhicule, les autres

 22   aussi sont sortis. Il y avait une maison à quelque 20 ou 30 mètres de là,

 23   à peine. C'est là que Milan avait fait sortir les gens. Je connaissais

 24   presque tous les habitants de Musici, je connaissais la population d'une

 25   manière générale. Et il est entré dans la maison pour demander si


Page 1871

  1   quelqu'un avait des armes.

  2   Pour dire vrai, je savais que (expurgé) avaient fait partie des

  3   effectifs de (expurgé) mais ce n'est pas une chose que je

  4   lui avais dite, je ne voulais pas en parler. Je n'avais aucune mauvaise

  5   intention. Je savais que (expurgé) avaient été membres des

  6   (expurgé), mais je ne le lui ai jamais dit.

  7   M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je vous prie.

  8   Monsieur Groome, quel est le problème?

  9   M. Groome (interprétation): Le témoin est en train de parler d'un témoin

 10   protégé. J'ai préparé pour le contre-interrogatoire une liste de

 11   pseudonymes, je pourrais la proposer au témoin. Il serait peut-être

 12   préférable qu'il l'utilise.

 13   M. le Président (interprétation): Ce serait peut-être une bonne idée.

 14   Avez-vous aussi une copie pour nous, afin d'expurger du compte rendu

 15   d'audience ce qu'il faudrait expurger?

 16   M. Groome (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.

 17   M. le Président (interprétation): Avez-vous attribué quelque numéro,

 18   quelque cote à ce document?

 19   M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, juste un

 20   moment.

 21   Pendant que nous en parlons, je me devrais de dire que, dans notre

 22   entretien avec l'accusé au mois de novembre, il avait mentionné deux noms

 23   qui pourraient porter détriment à sa famille. Je n'ai rien contre le fait

 24   de citer leurs noms, mais je tiens à préciser que ces deux noms figurent

 25   au fond de la page en question.


Page 1872

  1   Il s'agit d'une cote que porte ce document, et il s'agit de la cote 164.

  2   M. le Président (interprétation): Donc ce sera la pièce à conviction P164,

  3   et ce sera sous scellés.

  4   Maintenant, s'agissant des pseudonymes de la défense, avez-vous pensée à

  5   certains numéros ou certaines lettres? Nous avons utilisé une référence

  6   qui est celle de VGD-1 et VGD-2. Avez-vous organisé quelque autre

  7   désignation peut-être, Maître Domazet?

  8   M. Domazet (interprétation): Non. Je serais d'accord, Monsieur le

  9   Président, pour que nous continuions avec les VGD. Et ce seraient là les

 10   VGD 3 et 4, parce que je n'ai pas de liste séparée.

 11   M. le Président (interprétation): Bien. Donc le premier des noms sur cette

 12   pièce à conviction P164 sera le VGD-3; le nom suivant sera le VGD-4.

 13   Peut-être serait-il bon de le mettre sur papier, sur la liste qui se

 14   trouve sous les yeux du témoin, pour qu'il puisse en disposer à tout

 15   moment?

 16   Je m'excuse de vous avoir interrompu.

 17   Je vous prierai, Maître Domazet, de continuer.

 18   Monsieur Groome, je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ce

 19   fait.

 20   M. Domazet (interprétation): Je puis continuer, bien sûr. Une fois de

 21   plus, merci.

 22   Monsieur Vasiljevic… Avant que de poursuivre, Monsieur Vasiljevic, je vous

 23   demanderai de vous poser attentivement sur la liste en question et, si

 24   besoin était, de parler de l'une quelconque des personnes qui y figurent.

 25   Je vous serai gré de nous citer seulement le numéro au lieu de parler du


Page 1873

  1   nom. Et pour ce qui est des deux derniers, vous avez une désignation

  2   particulière les concernant , si jamais vous avez à les citer.

  3   M. Vasiljevic (interprétation): Je m'excuse auprès de la Chambre d'avoir

  4   parlé de VGD-059 par son nom et prénom.

  5   Lorsque nous sommes arrivés à sa maison, je me trouvais devant la porte...

  6   Question: Je vous demanderai de patienter un peu et d'attendre ma

  7   question.

  8   Monsieur Vasiljevic, ce que je voudrais vous demander, c'est de répondre

  9   aux questions que je vous pose de façon concrète et de la façon la plus

 10   brève possible.

 11   Dites-nous d'abord si vous vous souvenez du nombre de véhicules qu'il y

 12   avait, outre le véhicule de Milan Lukic qui vous avait transporté.

 13   Réponse: Trois, je crois qu'il y avait trois véhicules.

 14   Question: La voiture de Milan Lukic s'était-elle arrêtée, elle, à quelque

 15   20 mètres, comme vous l'avez dit, de la maison du témoin VG-059?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Où se sont arrêtés les autres véhicules, quant à eux?

 18   Réponse: Tout de suite, à proximité. Vous savez, ils se trouvaient près

 19   l'un de l'autre, c'est un petit village.

 20   Question: Mais les gens qui se trouvaient dans les autres véhicules

 21   portaient-ils l'uniforme et étaient-ils armés?

 22   Réponse: Oui. D'après ce que j'ai pu voir, je pense qu'ils avaient tous

 23   des armes mais je ne les connaissais pas tous.

 24   Question: Y compris Milan Lukic, quels étaient les uniformes qu'ils

 25   portaient, eux?


Page 1874

  1   Réponse: La plupart d'entre eux avait des uniformes de camouflage.

  2   Question: Et Milan Lukic, lui aussi, portait-il un uniforme de ce genre?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Portiez-vous sur vous l'uniforme que vous aviez à Prelovo?

  5   Réponse: L'uniforme vert olive?

  6   Question: Oui, cet uniforme-là. C'est bien cet uniforme-là que vous

  7   portiez, le soir en question?

  8   Réponse: Oui, probablement. Que vouliez-vous que j'aie d'autre sur moi?

  9   Question: Aviez-vous sur vous l'arme qui vous avait été confiée à Prelovo?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Et comme vous nous l'avez expliqué, seul Milan Lukic est entré

 12   dans la maison du témoin VG-059, n'est-ce pas?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: Vous-même, vous n'étiez arrivé que jusqu'à la porte et vous vous

 15   étiez arrêté là? C'est bien ce que vous nous avez expliqué, n'est-ce pas?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Avez-vous remarqué où étaient partis les autres soldats

 18   accompagnant Milan Lukic?

 19   Réponse: Oh, ils étaient par là, dans le village.

 20   Question: Pouvez-vous nous dire, le plus brièvement possible, qu'est-ce

 21   que Lukic disait à l'époque? Qu'est-ce qu'il a demandé à ces gens, en

 22   entrant dans leur maison?

 23   Réponse: Uniquement des armes.

 24   Question: Quand vous dites "uniquement des armes", est-ce que cela veut

 25   dire qu'il les a interrogés sur la possession éventuelle d'armes ou


Page 1875

  1   d'autres choses?

  2   Réponse: Seulement les armes, et des questions étaient de savoir qui

  3   étaient ceux qui possédaient des armes.

  4   Question: Quelle a été leur réponse?

  5   Réponse: Ils ont répondu qu'ils n'en avaient pas. Puis les gens se sont

  6   rassemblés, les gens du village; il était avec eux à l'intérieur. Je ne

  7   pourrais pas vous relater verbatim ce qu'il a dit ou ce qu'il leur a dit à

  8   eux, mais il cherchait les armes. Enfin, les sollicitant, ceux qui avaient

  9   des armes, à les remettre, ainsi de suite, dans ce sens-là.

 10   Question: Je vous prie de progresser lentement, Monsieur Vasiljevic.

 11   Si je vous ai bien compris, au début Milan Lukic n'était qu'avec les

 12   parents du témoin VG-059, dans leur maison. Et vous parlez ensuite de gens

 13   qui se sont amenés, qui se sont rassemblés. Est-ce que cela veut dire que

 14   d'autres gens du village étaient venus dans la même maison?

 15   Réponse: La maison dans laquelle il est entré appartenait au père du

 16   témoin VG-059. Il y avait aussi son frère sur place et puis VG-59

 17   également; puis le VG-55, une femme. L'épouse du VG-59 et lui-même sont

 18   venus un peu plus tard.

 19   Question: Monsieur Vasiljevic, il me semble avoir entendu que vous disiez

 20   qu'il y a d'autres habitants de Musici qui s'étaient regroupés, qui se

 21   sont amenés dans la même maison. Est-ce exact?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Et Milan Lukic leur a-t-il adressé les mêmes propos, soit au

 24   sujet des armes ou au sujet d'autres questions?

 25   Réponse: Oui.


Page 1876

  1   Question: Pendant que vous y étiez, y a-t-il eu quelques incidents ou un

  2   incident quelconque qui pourrait indiquer l'existence de quelque chose

  3   entre tous ces gens-là?

  4   Réponse: Dans la maison du père du VG-059, la réponse est non.

  5   Question: Est-ce que vous tous, ensemble, vous avez quitté le village de

  6   Musici dans la direction de Visegrad?

  7   Réponse: Je priais Milan, je me portais garant de ces gens parce que –

  8   notamment, je pense à la maison du VG-059-, il avait l'intention d'aller

  9   fouiller le grenier, et moi je me suis porté garant quant au caractère, au

 10   bon caractère de ces gens. Je lui ai dit qu'en haut, dans ce grenier il

 11   n'y avait personne, et je lui disais que je faisais confiance à ces gens.

 12   Non, mais pour ce qui est de piller, de frapper, de s'attaquer à

 13   quelqu'un, non, il n'a pas fait ça.

 14   Question: Autant que je puisse comprendre, on n'a pas fouillé le grenier,

 15   on n'a pas fouillé les autres pièces? Il n'a pas fouillé quelqu'un de

 16   particulier?

 17   Réponse: Non, non. Il voulait voir le grenier, les chambres, les pièces,

 18   la cuisine , ou peut-être pas le grenier. Et puis, on m'a posé certaines

 19   questions et ensuite (inaudible).

 20   Question: Donc vous avez quitté Musici tous ensemble à bord de ces

 21   voitures. Est-ce que tout le monde était parti?

 22   Réponse: Oui. Je suis sorti lorsqu'on était tout près de ma maison. Ma

 23   maison est un peu éloignée de Visegrad, enfin, plutôt éloignée de

 24   Visegrad.

 25   Question: Sur la même route, devant votre maison ou près de votre maison,


Page 1877

  1   sur cette route menant à Visegrad, vous avez quitté la voiture?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Et ensuite, est-ce que vous vous êtes jamais rendu dans le

  4   village de Musici de concert avec Milan Lukic ou quelqu'un de son groupe?

  5   Réponse: Jamais plus avec Milan Lukic, surtout pas dans le village de

  6   Musici, en l'occurrence. Mais je suis tout à fait sûr de cela, mais je

  7   passais par le village parce que c'est le village par lequel on devait

  8   passer pour aller jusqu'à Prelovo. Mais pas avec Milan Lukic, non.

  9   Question: Est-ce que votre unité, cette cuisine, intendance de Prelovo, a-

 10   t-elle reçu l'ordre de partir dans la direction du village de Blace?

 11   Réponse: C'est moi qui ai posé cette demande de transfert dans le village

 12   de Blace, pour qu'on ne soit pas obligé de faire le trajet qu'on devait

 13   faire pendant la nuit. Mais on n'a pas accédé à ma demande et plus tard,

 14   il s'est avéré que j'avais raison et qu'ils avaient tort. Et ensuite, on

 15   nous a transférés dans le village de Blace. Il a fallu du temps pour se

 16   comprendre les uns les autres.

 17   Nous avons donc dû transporter de la nourriture vers le village de Blace,

 18   et la cuisine militaire a été déplacée sur ce lieu plus tard.

 19   Question: Si je vous ai bien compris, une fois la cuisine transférée à

 20   Blace, vous n'en faisiez plus partie?

 21   Réponse: Non, elle n'a pas été transférée à Blace pendant que je faisais

 22   partie de cette unité, de cette équipe.

 23   Question: Quelle est la raison de ce fait, que vous ne faisiez plus partie

 24   de cette unité à Prelovo?

 25   Réponse: Il y avait nécessité d'un déplacement de la ligne qui allait donc


Page 1878

  1   jusqu'à Blace où on apportait cette nourriture que l'on cuisinait. Il

  2   s'agissait donc d'un secteur à cinq kilomètres du village de Rujiste et du

  3   village de Paocici. Enfin, comme je viens de le dire, je refusais de

  4   transporter la nourriture pendant la nuit.

  5   Et puis, leur réponse a été qu'ils m'ont envoyé à Visegrad avec une

  6   recommandation, à savoir que je me rende au commandement, au quartier

  7   général.

  8   Question: Où est-ce que vous vous êtes rendu et qu'est-ce qui s'est passé,

  9   à cette occasion-là?

 10   Réponse: Je me suis rendu au commandement de Bikavac. Je me suis présenté

 11   à Drago Gavrilovic; à lui de me dire qu'il faudrait que je retourne sur

 12   place, à moins de dire que je ne suis pas prêt à le faire et qu'il n'y a

 13   aucune condition qui me ferait transporter la nourriture pendant la nuit.

 14   Et surtout qu'il y a ce déplacement de la ligne du front pour encore un

 15   tronçon de cinq kilomètres.

 16   A lui de me dire: "Tu es obligé", à moi: "Non, je ne veux pas le faire". A

 17   lui de me dire: "Bois un peu moins et tu oseras".

 18   Et franchement parlant, pour ma part, si je ne prenais pas ces quelques

 19   verres, je n'aurais pas le courage de me rendre dans ces lieux-là.

 20   Eh bien, il n'y a eu aucun accord entre nous deux. Je remets mon arme. Et

 21   puis, c'est un détail que je n'ai pas mentionné: en effet, en haut, dans

 22   les hauteurs, on m'a repris mon fusil. On a donc annulé le bordereau de

 23   réception et on m'a restitué mon fusil-mitrailleur "Schmeisser".

 24   A Bikavac, donc, je fais annuler le bordereau de réception pour le

 25   "Schmeisser" et Drago me dit: "Eh bien, tu finiras, mon vieux, par être


Page 1879

  1   arrêté". Moi qui réponds: "Eh bien, qu'on m'arrête, je n'ose pas le

  2   faire". Et, effectivement, ils m'ont arrêté ce jour-même.

  3   Question: Monsieur Vasiljevic, vous souvenez-vous de quel jour il

  4   s'agissait, ou quelle était cette période durant laquelle cela s'est

  5   produit?

  6   Réponse: Je pense que ce fut le 29. Et puis, il n'y avait pas de solution

  7   et on ne m'a pas versé une quelconque décision.

  8   Question: Donc il s'agissait de la fin mai 1992; à votre avis, est-ce

  9   exact? Et lorsque vous dites qu'on vous a arrêté le jour même, est-ce que

 10   cette arrestation a eu lieu sur place ou en ville, en bas, en ville?

 11   Réponse: C'était en bas, dans la ville.

 12   Question: Et qui vous a arrêté?

 13   Réponse: Il s'agissait d'un policier militaire. Enfin, oui, ce n'était pas

 14   une sorte d'arrestation formelle. Ils n'ont pas recouru à une quelconque

 15   violence. Ils m'ont tout simplement dit d'entrer avec eux dans la voiture,

 16   ils m'ont amené jusqu'à leur station. Enfin, ils étaient très corrects, et

 17   je ne m'attendais pas à un comportement aussi correct.

 18   Question: Eux, personnellement, ils ne vous ont délivré aucun document,

 19   aucun papier?

 20   Réponse: J'en ai demandé, mais je ne n'en ai pas reçu. Et ils ont promis,

 21   ils m'ont même dit que j'allais passer une quinzaine de jours, enfin si je

 22   me souviens encore bien, en prison.

 23   Question: Où est-ce que vous avez été conduit?

 24   Réponse: A Uzamnica.

 25   Question: Est-ce que c'était une prison?


Page 1880

  1   Réponse: C'était la localité où trouvait la caserne de la JNA.

  2   Question: Est-ce que vous vous souvenez de quelqu'un qui travaillait avec

  3   vous, qui était parmi ceux qui étaient incarcérés avec vous?

  4   Réponse: Une fois, en haut, j'ai trouvé Pero Simcic, un autre des

  5   incarcérés, des prisonniers.

  6   Question: Est-ce que Pero Simcic, qui était incarcéré comme vous, est-ce

  7   qu'il partageait la pièce, la même pièce avec vous?

  8   Réponse: Oui, nous étions dans la même pièce.

  9   M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous vous souvenez de quelqu'un

 10   qui travaillait, qui faisait partie du personnel de la prison?

 11   M. Vasiljevic (interprétation): Oui, il y avait un de mes collègues, nom

 12   de famille Zecevic, prénom Ilija. Et puis il y a eu aussi les gardiens.

 13   M. le Président (interprétation): Les interprètes n'ont pas retenu le nom

 14   en question.

 15   Je pense, en m'adressant à vous, Monsieur le Témoin, je pense qu'il ne

 16   faudrait pas que vous parliez à voix basse lorsque vous prononcez des

 17   noms.

 18   M. Domazet (interprétation): Je voudrais vous prier de répéter le nom de

 19   cette personne qui était votre collègue et qui était serveur de

 20   nourriture.

 21   Réponse: Il s'agit d'Ilija Zecevic.

 22   Question: Est-ce qu'on vous adressait, on vous administrait des soins

 23   médicaux pendant que vous étiez dans cette prison?

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Il s'agissait de qui?


Page 1881

  1   Réponse: Du Dr Vasiljevic et d'une infirmière, nom de famille, si je me

  2   souviens bien, Marica, ou c'est plutôt qu'elle s'appelait Marica, et son

  3   nom de famille, je l'ai oublié.

  4   Question: Pourquoi ce docteur et cette infirmière venaient-ils vous voir?

  5   Réponse: J'avais des problèmes. J'avais des problèmes d'ordre

  6   psychiatrique; c'était peut-être l'influence de l'alcool. On m'a

  7   administré une perfusion, je faisais la grève de la faim.

  8   Question: Vous souvenez-vous que, pendant cette arrestation et ce

  9   transfert vers Uzamnica, vous étiez sous l'effet d'alcool?

 10   Réponse: Oui, à l'époque je buvais sans cesse, pour être très franc.

 11   Question: Est-ce la raison, la cause de cette visite que vous ont rendue

 12   le docteur et l'infirmière?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: Vous souvenez-vous du nombre de jours que vous avez passés dans

 15   la prison à Uzamnica?

 16   Réponse: J'ai été libéré à peu près autour de la date de la mort de mon

 17   cousin. Il s'agit Zeljko Sikiric.

 18   Question: Où est-ce, dans quel lieu, sur quel lieu a-t-il été tué? Est-ce

 19   que vous le savez?

 20   Réponse: Oui, dans les hauteurs, dans une forêt près de Brodari, dans la

 21   direction de Medjedja.

 22   Question: Vous dites que c'était la raison pour laquelle on vous a libéré

 23   de prison, et au bout de quelques jours. Est-ce que vous pourriez vous

 24   souvenir de ce fait?

 25   Réponse: Oui, j'y ai passé trois jours. Trois, quatre jours.


Page 1882

  1   Question: Est-ce que vous avez assisté aux funérailles de votre cousin

  2   Sikiric?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Est-ce que ces funérailles ont eu lieu quelques jours après sa

  5   mort, ou s'agissait-il d'un plus long intervalle de temps? Est-ce que vous

  6   vous souvenez de cela? Ou, pour reformuler ma question: est-ce que la

  7   coutume veut que le service des funérailles ait lieu un ou deux jours

  8   après la mort de quelqu'un, comme la coutume le veut, donc? Est-ce que

  9   c'était le cas, cette fois-là?

 10   Réponse: Non, ils ont été tués dans les forêts. Puis il y avait deux

 11   voisins qui étaient avec lui, et ces deux ont été inhumés quelques jours

 12   plus tôt. Mais dans ce deuxième cas, on a dû attendre. Il fallait les

 13   retrouver, il fallait attendre que tout se prépare et que l'armée les

 14   libère. Par conséquent, ce n'était pas le jour même. Non.

 15   Question: Depuis le jour du meurtre, du décès de votre cousin et ses

 16   obsèques, il y a eu donc plusieurs jours qui se sont écoulés; est-ce

 17   correct?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Est-ce que vous pouvez nous tracer cette ligne de parenté? De

 20   quel genre de cousin il s'agit?

 21   Réponse: Il est fils de mon oncle, Dobrivoje Sikiric.

 22   Question: Bon. Alors, Dobrivoje Sikiric est le frère de votre mère?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Où vivait-il?

 25   Réponse: Dans le village de Vardiste.


Page 1883

  1   Question: Vardiste se trouve sur la route principale de Visegrad à Uzice?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Est-ce que, à l'époque, il y avait un café dans ce village?

  4   Réponse: Oui, il y avait un café dans ce village, même 10 ans auparavant.

  5   Question: Est-ce que vous avez assisté aux obsèques de Zeljko Sikiric?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Et autant que vous vous en souvenez, est-ce que vous étiez

  8   alcoolisé, dans un état alcoolisé à ce moment-là, également?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Est-ce que vous pourriez nous dire, nous invoquer les raisons,

 11   éventuellement?

 12   Réponse: J'étais triste. On était parents, lien de parenté entre nous très

 13   étroit.

 14   Question: Merci.

 15   Je me propose de passer à un autre volet, à une autre question: il s'agit

 16   du 7 juin 1992 et des événements qui se sont produits ce jour-là. Pour

 17   rafraîchir votre mémoire, je voudrais dire qu'il s'agit de l'incident qui

 18   vous est mis à charge par l'Acte d'accusation.

 19   Vous souvenez-vous ce que vous avez fait ce jour-là, et comment se fait-il

 20   que vous vous rendiez à Vilina Vlas?

 21   Réponse: Quand on m'a lâché de prison, je me suis donc rendu au

 22   commandement pour leur demander de ne plus m'arrêter. Et puis c'est à ce

 23   moment-là qu'on m'avait confié cette hygiène publique, ce nettoyage de la

 24   ville. Et puis, en rentrant chez moi ce jour-là, et avant donc d'arriver

 25   jusqu'à ma maison, j'ai été rattrapé par Stanko Pecikoza qui était à bord


Page 1884

  1   d'une voiture.

  2   M. Domazet (interprétation): Qui était ce Stanko Pecikoza?

  3   M. Vasiljevic (interprétation): Stanko Pecikoza était un Serbe de

  4   Visegrad, une personne qui avait une scierie privée tout près de ma

  5   maison, à un kilomètre de chez moi. Il s'agit de la localité du nom de

  6   Kosovo Polje.

  7   M. le Président (interprétation): Je pense qu'il est temps d'interrompre.

  8   M. Domazet (interprétation): Oui.

  9   M. le Président (interprétation): En ce qui concerne votre demande pour

 10   l'entretien avec votre client demain, est-ce que vous pensez que vous

 11   allez terminer jusqu'à 4 heures? Je ne voudrais pas vous hâter, mais

 12   essayez de le faire sans se sentir sous pression à cet effet.

 13   Nous nous réunissons à 14 heures 30.

 14   (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)

 15   M. le Président (interprétation): Maître Domazet?

 16   M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, nous nous étions arrêtés

 17   au moment où nous avions commencé à parler de Stanko Pecikoza et de sa

 18   rencontre avec vous le 7 juin.

 19   Dites-nous, s'il vous plaît, ce qui s'est passé par la suite, une fois que

 20   le véhicule s'est arrêté?

 21   M. Vasiljevic (interprétation): Stanko a arrêté son véhicule et m'avait

 22   demandé si je savais où se trouvait Lukic, si je l'avais vu quelque part.

 23   Je lui ai répondu que je ne savais pas et j'avais émis l'hypothèse qu'il

 24   se pourrait qu'il soit à Banja, à la station thermale, et qu'il y ait

 25   passé la nuit.


Page 1885

  1   Il m'a demandé ensuite si je voulais l'accompagner jusqu'à Banja. J'ai

  2   répondu par l'affirmative: "Pourquoi pas?", et je lui ai dit que cela

  3   tombait bien parce que je pourrais prendre mes vêtements de garçon de café

  4   qui se trouvaient précisément là-bas.

  5   Question: Ces vêtements de garçon de café se trouvaient là-bas depuis

  6   quand?

  7   Réponse: Eh bien, depuis l'époque où j'avais travaillé à Banja, pendant

  8   que le Corps d'Uzice s'y trouvait encore, pas tout le temps mais une

  9   quinzaine de jours, peut-être. C'est ainsi que nous nous étions dirigés

 10   vers Banja.

 11   Question: Est-ce que cela signifie, Monsieur Vasiljevic, que vous n'étiez

 12   plus retourné à Banja depuis le moment où vous y aviez laissé vos

 13   vêtements de garçon de café?

 14   Réponse: Si, je suis peut-être allé à Stara Banja, peut-être deux fois

 15   pendant que cette Stara Banja était encore en train de fonctionner, du

 16   temps où le Corps trouvait là-bas encore. Mais je ne suis effectivement

 17   pas allé souvent là-bas.

 18   Question: Et vous êtes allé en voiture avec Pecikoza jusqu'à Vilina Vlas?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Et avez-vous trouvé quelqu'un, là-bas?

 21   Réponse: A la réception, il y avait Miloje Susnjar et j'avais dit que

 22   Stanko l'avait demandé suite aux incidents qu'il avait occasionnés. Stanko

 23   avait été au poste, il avait été chef-adjoint, et avait pris des mesures

 24   contre les actes de ce dernier. Et Stanko m'a dit: "Reste ici. Comme ça,

 25   s'il se présente, tu pourras me retrouver, tu sauras lui dire. Et moi, je


Page 1886

  1   vais me mettre à sa recherche. J'irai jusqu'à Prelovo, dans la cité, et

  2   ainsi de suite." Et Stanko est parti. Je suis resté là avec Milivoje.

  3   Je n'ai pas pu reprendre mes vêtements parce que la partie de la cuisine

  4   et du comptoir était fermée. C'était là-bas que nous avions nos vêtements.

  5   Au bout d'un certain temps, à savoir au bout d'une demi-heure, Milan Lukic

  6   est arrivé et trois ou quatre autres personnes encore, accompagnées de

  7   sept Musulmans qu'ils avaient ramassés sur les hauteurs, vers la cité de

  8   Bikavac. Il y avait Meho Dzafic avec lui et son fils qui vivaient à

  9   Bikavac.

 10   Question: Je vous demande de faire une petite halte, à cet endroit-là.

 11   Je vous demande donc de vous concentrer sur les réponses à mes questions,

 12   afin que nous puissions cerner avec davantage de précision les aspects qui

 13   importent ici.

 14   Vous êtes resté à Vilina Vlas et il n'y avait là-bas avec vous que

 15   Milivoje Susnjar, personne que vous aviez trouvé en arrivant, n'est-ce

 16   pas?

 17   Réponse: Oui.

 18   M. Domazet (interprétation): Au bout d'une demi-heure, suite au départ de

 19   Pecikoza, est arrivé Milan Lukic avec ses hommes à lui, et conduisant les

 20   personnes que vous avez mentionnées, parmi lesquelles vous aviez reconnu

 21   M. Meho Dzafic?

 22   M. Vasiljevic (interprétation): Oui.

 23   M. Groome (interprétation): Objection!

 24   M. le Président (interprétation): Oui, vous avez posé une question qui

 25   conduit le témoin. Monsieur Domazet, je pense qu'il ne vaut mieux pas


Page 1887

  1   poser ce type de question car cela détruit la qualité de réponse de votre

  2   témoin.

  3   Donc, si vous avez l'intention de faire objection, Monsieur Groome, je

  4   vous prie de me le signaler parce que je ne peux pas regarder dans les

  5   deux directions à la fois.

  6   M. Groome (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.

  7   M. Domazet (interprétation): Mitar Vasiljevic avait indiqué qu'il y avait

  8   sept Musulmans avec le groupe en question où il y avait Meho Dzafic.

  9   J'avais demandé à ce que les choses soient précisées, étant donné qu'il

 10   avait déjà répondu à la question, mais je vais essayer de reformuler pour

 11   avoir davantage de précisions.

 12   M. le Président (interprétation): Oui, s'il l'a dit, effectivement, il y a

 13   un moment, cela n'a pas été une question suggestive, mais ne nous

 14   attardons pas là-dessus.

 15   M. Domazet (interprétation): Certainement.

 16   Monsieur le Témoin, les personnes que vous avez mentionnées sont entrées

 17   dans l'hôtel. Où vous trouviez-vous, à ce moment-là?

 18   Réponse: A la réception de l'hôtel. En fait, pas à l'intérieur de celle-

 19   ci, mais devant la réception.

 20   Question: Dans le hall?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Dans le hall, il y a à gauche un passage vers la piscine puis

 23   des vestiaires, et en profondeur la réception elle-même. Est-ce que vous

 24   pouvez vous rappeler où exactement vous vous trouviez au moment où ces

 25   gens-là sont entrés?


Page 1888

  1   Réponse: J'étais à proximité du comptoir, sous-entendu de la réception.

  2   Dans le hall. J'étais dans le hall, devant la réception.

  3   Question: Etiez-vous armé?

  4   Réponse: Non.

  5   Question: Et à l'époque, aviez-vous signé un bordereau de réception pour

  6   une arme quelconque?

  7   Réponse: Non, je vous ai déjà dit que j'avais restitué mon arme au moment

  8   de mon arrestation à Bikavac et c'est à Bikavac que j'ai restitué mon

  9   arme.

 10   Question: Aviez-vous sur vous un uniforme?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Pouvez-vous nous décrire cet uniforme?

 13   Réponse: Vert olive. J'avais un pantalon et une chemise.

 14   Question: Le pantalon de cet uniforme vert olive et… Je n'ai pas compris.

 15   La chemise, c'était la chemise propre à l'uniforme ou c'était une chemise

 16   de vêtements civils?

 17   Réponse: Je pense qu'il s'agissait aussi de la chemise vert olive, que

 18   l'on appelait la "chemise de polygone" à l'époque. Mais je changeais

 19   souvent de chemise parce que je nettoyais, comme je vous l'ai dit. Donc je

 20   crois qu'à ce moment-là j'avais sur moi cette chemise que l'on appelait la

 21   "chemise de polygone".

 22   Question: Aviez-vous quelque chose sur la tête?

 23   Réponse: J'avais un couvre-chef.

 24   Question: Quelle sorte de couvre-chef?

 25   Réponse: Eh bien, le couvre-chef noir que portait l'armée.


Page 1889

  1   Question: Ce couvre-chef, le portiez-vous souvent?

  2   Réponse: Que sais-je? Parfois, pas toujours.

  3   Question: Et, à ce moment-là, portiez-vous un ruban rouge autour de votre

  4   manche?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous portiez ce ruban?

  7   Réponse: Ce ruban indiquait que j'avais été chargé de l'entretien, de

  8   l'hygiène en ville. C'était une espèce de signe distinctif.

  9   Question: Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé lorsque toutes ces

 10   personnes ont accédé à la réception? Est-ce que l'une quelconque de ces

 11   personnes s'est adressée à Susnjar, et qu'est-il arrivé ensuite?

 12   Réponse: Susnjar travaillait à la réception. En fait, il avait été chargé

 13   de monter la garde là-bas, même avant les conflits armés. Et lorsque Milan

 14   et ses hommes sont entrés en compagnie des Musulmans, il avait demandé des

 15   clefs. Susnjar ne lui a pas donné de clefs. Son comportement était plutôt

 16   insolent; il avait demandé avec insistance ces clefs et Susnjar ne voulait

 17   pas les lui donner.

 18   Ce que l'autre voulait, en fait, c'était enfermer ces Musulmans là-haut,

 19   dans les chambres, parce qu'il avait soi-disant besoin d'eux pour des

 20   échanges -ou que sais-je?

 21   Question: Est-ce qu'il l'avait précisé? Est-ce qu'il avait dit qu'il

 22   voulait les enfermer pour pouvoir les échanger, ou est-ce quelque chose

 23   que vous avez déduite de son comportement?

 24   Réponse: Il avait souhaité enfermer ces personnes-là, et c'est pourquoi il

 25   avait demandé des clefs. Mais Susnjar ne lui a pas donné de clefs, ce qui


Page 1890

  1   fait que l'autre est devenu insolent, il avait même commencé à gueuler.

  2   Et, pour dire vrai, je me sentais mal à l'aise parce qu'il y avait là un

  3   collègue à moi, plus âgé que moi, une personne que j'avais, avec qui

  4   j'avais travaillé pendant longtemps. Mais la chose n'a pas duré très

  5   longtemps, cela s'est passé en fait assez vite.

  6   Question: Et Susnjar lui a-t-il dit pourquoi il ne lui donnait pas ces

  7   clefs? Lui a-t-il précisé les raisons de son refus ou il n'en a pas été

  8   question?

  9   Réponse: Eh bien, pour dire vrai, je ne me souviens pas exactement de tous

 10   les détails de cet entretien. Moi, j'avais quitté les lieux avec Meho

 11   Dzafic pour aller à l'extérieur, mais Susnjar ne lui a pas donné de clefs,

 12   probablement parce que l'autre amenait des gens.

 13   Je ne sais pas si j'ose mentionner des noms, mais je crois les avoir

 14   mentionnés. Je crois que Susnjar avait laissé monter certaines des

 15   personnes que l'autre avait amenées.

 16   Question: Est-ce que l'une quelconque des personnes présentes l'avait

 17   mentionné, à ce moment-là?

 18   Réponse: Je ne dirais pas que je l'ai vraiment entendu dire. Je crois qu'à

 19   ce moment-là, j'étais déjà sorti à l'extérieur avec Meho et je n'arrive

 20   pas à me resituer tous les détails. Ce que je sais, pour sûr, c'est qu'il

 21   avait été très impertinent, qu'il avait demandé ces clefs, qu'il avait

 22   exigé ces clefs, que Susnjar ne voulait pas les lui donner.

 23   Il voulait enfermer ces gens-là pour les échanger contre des Serbes qui

 24   avaient été emprisonnés et emmenés à Zepa, en provenance de ce village de

 25   Rujiste. Et qui saurait dire exactement quelles avaient été ses


Page 1891

  1   intentions?

  2   Question: Et que s'est-il passé une fois que Milan n'a pas reçu de clefs?

  3   Réponse: Je suis sorti avec Meho Dzafic, je me suis entretenu avec lui. Je

  4   lui ai dit: "Meho, que s'est-il passé?". Réponse: "Je n'en sais rien,

  5   j'étais chez moi, ils ont ramassé à la file, à la pelle".

  6   Je lui ai demandé: "Que vont-ils faire de toi?". Réponse: "Eh ben, qu'ils

  7   vont m'échanger, j'en sais rien".

  8   Il ne savait pas, il avait peur, il avait des appréhensions. Et il m'avait

  9   demandé même: "Mitar, veux-tu bien venir avec moi?". Moi, je lui ai dit

 10   que je voulais bien.

 11   Question: Je vous demande, une fois de plus, de répondre à mes questions.

 12   Et la question que j'avais posée, c'était celle de savoir ce que Milan

 13   avait fait à ce moment-là, une fois qu'il n'avait pas obtenu de clefs.

 14   Réponse: Il a dit qu'ils allaient regagner leur véhicule et qu'ils

 15   allaient se diriger vers le lieu de l'échange. Moi, j'étais sorti avec

 16   Meho à l'extérieur.

 17   Question: Et sont-ils partis?

 18   Réponse: J'étais sorti. Meho m'avait demandé une cigarette et je lui en ai

 19   donné une. Il n'avait même pas fumé la moitié de sa cigarette, ils étaient

 20   descendus, Milan lui avait arraché la cigarette du bec de façon insolente

 21   et l'avait jetée à terre en disant: "Tu ne fumeras pas dans la voiture".

 22   Je lui ai dit: "Mais laisse fumer, cet homme-là!". L'autre a répondu:

 23   "Non, il ne fumera pas dans la voiture. Montez à bord".

 24   Je sais très bien que je suis monté avec Meho Dzafic. Meho était assis au

 25   milieu, et un autre de ces Musulmans se trouvait à la gauche de Meho. Moi,


Page 1892

  1   j'étais à droite dans la Yugo. Le fils à Meho et le soldat sous le n°4,

  2   ici, sur la liste.

  3   Question: Et ils se sont dirigés à la queue leu leu. Qui était en tête?

  4   Réponse: La Passat de Lukic.

  5   Question: Vous êtes arrivés au carrefour de Sase. Qu'est-ce qui s'est

  6   passé ensuite?

  7   Réponse: A quelque 500 mètres de ce carrefour, il s'est dirigé vers

  8   Prelovo, s'est arrêté à Sase, a arrêté le véhicule.

  9   Question: Est-il sorti de voiture?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Les autres qui se trouvaient avec lui dans la voiture sont-ils

 12   également descendus?

 13   Réponse: Oui, nous sommes tous descendus, aussi bien de la Yugo que de la

 14   Passat. C'est d'ailleurs ce qu'il avait ordonné de faire.

 15   Question: Que s'est-il passé ensuite?

 16   Réponse: Il a dit d'aller vers la Drina, vers le contrebas. C'est là

 17   qu'est survenue une sorte de panique, un état pas normal du tout. Je lui

 18   ai dit: "Mais Milan, laisse donc ces gens-là". L'autre avait dit "vers la

 19   Drina", et j'ai dit que ces gens-là se sont dirigés, donc, là-bas. Nous

 20   les avons suivis par les prés, vers les contrebas.

 21   Meho s'était mis à pleurer et Milan avait, à un moment donné, enlacé Meho.

 22   J'ai pensé, quant à moi, qu'il allait avoir pitié. L'autre me disait

 23   "Mitar, aide-moi!". Alors, je disais à Milan: "Laisse ces gens! Mais en

 24   quoi te dérangent-ils? Pourquoi?". L'autre disait "il n'y a pas à me

 25   supplier". Les Musulmans suppliaient aussi; l'autre ne voulait rien


Page 1893

  1   entendre et il allait vers la Drina. Les gens suppliaient, cela ne servait

  2   à rien, on allait vers la Drina.

  3   Il avait demandé aussi de façon implacable: "Lequel d'entre vous sait

  4   nager?".

  5   Question: Attendez! Qui est-ce qui a dit: "Qui sait nager?"?

  6   Réponse: Mais Milan!

  7   Question: Partant de ce que vous venez de nous raconter, il découle que

  8   vous aviez, vous aussi, compris qu'il y avait un danger, le danger de voir

  9   ces gens-là tués par Milan, n'est-ce pas?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Et, un peu plus tard, ces gens-là ont effectivement été tués,

 12   exception faite de deux qui ont réussi à se sauver?

 13   Réponse: Je suis allé...

 14   Question: Mais répondez!

 15   Réponse: Oui, oui, ils ont été tués.

 16   Question: Pensez-vous avoir été en mesure d'empêcher que cela n'advienne

 17   d'une façon quelconque?

 18   Réponse: J'ai essayé, j'ai supplié, mais personne ne pouvait ni lui

 19   ordonner ni lui demander de faire quoi que ce soit en ce sens. Il avait

 20   été complètement implacable.

 21   Question: Et, en leur compagnie, vous êtes descendu en direction de la

 22   Drina, n'est-ce pas?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Jusqu'à quel endroit êtes-vous allé avec eux? Jusqu'au bout? Ou,

 25   à un moment donné, vous êtes-vous arrêté quelque part?


Page 1894

  1   Réponse: Je me suis arrêté à quelque 10 ou 15 mètres de la Drina. J'avais

  2   vu que mes démarches ne servaient à rien et que c'en était fini.

  3   Question: Et Milan -ou une autre personne- avait-il aligné ces personnes-

  4   là le long de la Drina?

  5   Réponse: Ils ont aligné ces gens-là. Moi, j'étais resté en arrière à 10 ou

  6   15 mètres. L'autre gueulait, les gens suppliaient, pleuraient mais cela ne

  7   servait à rien. On a commencé à ouvrir le feu. Et quand on a ouvert le

  8   feu, j'ai entendu les cris de gens en train de se noyer, ces espèces de

  9   gémissements de gens en train de se noyer.

 10   Question: Combien étaient-ils à avoir ouvert le feu?

 11   Réponse: Trois étaient descendus en direction de la Drina.

 12   Question: Et parmi ces trois, vous comptez également Milan Lukic, n'est-ce

 13   pas?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Vous trouviez-vous derrière ces gens-là au moment où ils avaient

 16   ouvert le feu?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: A quelle distance, et où exactement?

 19   Réponse: Je me trouvais à 10 ou 15 mètres de distance par rapport à l'eau

 20   de la rivière.

 21   Question: Et là où vous vous trouviez, y avait-il des buissons ou des

 22   arbres?

 23   Réponse: Il y avait des sortes de buissons à côté de l'eau.

 24   Question: Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez exactement par

 25   "broussailles"?


Page 1895

  1   Réponse: Eh bien, c'étaient des espèces de broussailles qui poussent

  2   habituellement à côté de l'eau. Nous appelons ça "rakite", c'est une sorte

  3   de végétation poussant habituellement à proximité de toute surface

  4   aqueuse. Il y a aussi des peupliers, souvent, à côté des eaux. C'est à

  5   côté de la Drina que l'on retrouve ce type de végétation, le plus souvent.

  6   Question: Donc, vous êtes resté sur place à côté de cette végétation, ces

  7   arbustes, et vous étiez derrière le dos des personnes qui avaient ouvert

  8   le feu, n'est-ce pas? C'est du moins ce qui découle de ce que vous venez

  9   de nous dire.

 10   Réponse: C'est cela.

 11   Question: Est-ce que vous regardiez vers les gens qui avaient ouvert le

 12   feu?

 13   Réponse: Non, je n'ai pas regardé directement les gens en train de tuer,

 14   j'avais tourné la tête, j'avais une sorte de nausée. Mais j'ai entendu, et

 15   j'ai entendu ce bruit de gens en train de se noyer. C'était horrible à

 16   écouter.

 17   Question: Et avez-vous, à quelque moment avant cela, assisté à des

 18   exécutions, à l'exécution de quelque personne?

 19   Réponse: Jamais, jamais, si l'on excepte les films au cinéma. Jamais.

 20   Question: Que s'est passé après?

 21   Réponse: Bien, ils ont tiré sur ces gens. Moi, j'ai remonté cette colline

 22   à travers un champ, et je me demandais tout le temps, je lui demandais

 23   tout le temps "Pourquoi as-tu fait cela?".

 24   Mais il était parfaitement indifférent, c'était un comportement de

 25   parfaite indifférence. Nous nous sommes approchés de la voiture. Nous


Page 1896

  1   avons démarré dans la direction de ma maison devant Visegrad.

  2   Question: A l'entrée de Visegrad?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Avec qui étiez-vous, dans cette voiture?

  5   Réponse: Avec Raca, le n°4.

  6   Question: Dans ce même véhicule à bord duquel vous êtes arrivé jusqu'à la

  7   Drina?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Avez-vous parlé à quelqu'un de ce que vous avez vu ce jour-là?

 10   Réponse: Ça me paraissait très difficile. J'étais vraiment déprimé,

 11   stressé. Enfin, il y a pas mal de choses qui se passaient. Et puis c'est

 12   ce que j'ai d'ailleurs confié à ma femme, ça, et puis j'avais du mal, un

 13   peu partout.

 14   Question: Qu'est-ce que vous avez dit à votre épouse?

 15   Réponse: J'ai dit tout sur Meho, sur son fils, sur les cinq autres qui ont

 16   été exécutés au bord de la Drina, et comment il l'a fait.

 17   Question: Vous êtes vous entretenu avec quelqu'un d'autre au sujet de cet

 18   événement?

 19   Réponse: Oui, je me suis rendu au commandant de la police, dénommé Tomic.

 20   Question: Et pourquoi à cette personne-là?

 21   Réponse: Eh bien, il était commandant. En outre, je le connaissais, il est

 22   un de mes voisins.

 23   A qui d'autre le dire qu'à un commandant de la police?

 24   Question: Est-ce que ce dénommé Tomic vous a dit quelque chose?

 25   Réponse: Enfin, il m'a posé des questions pour savoir comment tout cela


Page 1897

  1   s'est passé, quelles étaient ces personnes, quel a été le prétexte de tout

  2   cela.

  3   Question: Savez-vous s'il avait entrepris quelque chose à cet égard?

  4   Réponse: Je ne sais pas s'il a fait quoi que ce soit à propos de

  5   l'événement, démarche éventuelle.

  6   Question: Monsieur Vasiljevic, je voudrais bien vous poser une question

  7   relative à ces travaux, travaux hygiéniques dans la ville.

  8   Réponse: Je me suis adressé à Stanko également. En effet, il avait

  9   l'intention de l'expulser, de le faire expulser de Visegrad. Mais Stanko

 10   pouvait lui aussi exécuter, accomplir des exécutions pareilles.

 11   Question: Voudriez-vous bien nous dire quel était le genre de travaux que

 12   vous faisiez dans le cadre de vos activités d'entretien de l'hygiène de la

 13   ville? A part balayer les rues, est-ce que vous faisiez quelque chose

 14   d'autre? Est-ce que vous aviez quelqu'un qui vous aidait?

 15   Réponse: Oui, la ville était vraiment dans un état piètre, délaissée, et à

 16   Bikovac dans le commandement, ils m'ont suggéré d'organiser les travaux,

 17   l'entretien hygiénique de la ville en me disant: "Voulez-vous le faire?".

 18   J'ai dit: "Mais très certainement".

 19   Et qui l'a fait? Enfin, ces gens, vendeurs et ainsi de suite, et puis

 20   chacun s'est occupé de son building: les locataires s'occupaient de la

 21   partie de la rue devant leur bâtiment, les postiers le faisaient devant

 22   les PTT. Evidemment, je dois dire qu'après tous ces efforts, la ville est

 23   devenue véritablement propre, elle n'a jamais été aussi propre. Enfin,

 24   nous avons tous mis du nôtre. La ville a brillé par l'ordre qui y régnait

 25   et on le faisait entre 9 heures et 10 heures. La ville, on ne pouvait plus


Page 1898

  1   la reconnaître.

  2   Question: Quand vous précisez "de 9 heures à 10 heures", est-ce que

  3   c'était une heure fixe?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Est-ce que cela était une action quotidienne, ou au besoin?

  6   Réponse: Oui, chacun s'occupait de sa portion de la rue, devant une

  7   boutique, devant les restaurants, devant les différents kiosques de vente:

  8   PTT, banques, nouveaux kiosques qu'on y installait. Enfin, on y

  9   travaillait à peu près à cette heure-là.

 10   Question: Lorsque vous avez organisé ce genre d'action, comment étiez-vous

 11   vêtu? Vêtements civils ou autrement?

 12   Réponse: Je portais l'habit civil, mais je portais aussi mon ancien

 13   uniforme vert olive. Parfois, je prenais le pantalon de l'uniforme et une

 14   chemise normale. Et puis, je n'avais pas de costume qui serait un costume

 15   qui me distinguerait. Le seul point de distinction, c'était ce ruban rouge

 16   que je portais autour de la manche.

 17   Et puis, pour ce qui est des citoyens, ils travaillaient pour les

 18   boutiques. Ce sont les épouses des propriétaires qui s'occupaient donc de

 19   leur portion de la rue devant leur boutique. Pas besoin d'insister trop,

 20   elles faisaient le nécessaire.

 21   Question: Est-ce que vous portiez régulièrement ce ruban rouge autour de

 22   votre manche, pendant que vous faisiez ce genre de travaux?

 23   Réponse: Oui. Et puis, on a dû surtout travailler dans ma rue, près des

 24   peupliers de l'eau du lac. Enfin, on faisait pas mal de choses dans ce

 25   quartier-là. Mais malgré les petites inondations, on a réussi à nettoyer


Page 1899

  1   tout le coin.

  2   Question: Est-ce que vos actions rassemblaient à titre égal des Serbes et

  3   des Musulmans?

  4   Réponse: Oui, tous ceux qui habitaient dans un bâtiment descendaient, on

  5   n'avait pas besoin de les convoquer. Il n'y a pas eu un seul cas qui ne

  6   répondait pas à cet appel. En effet, personne n'a été contraint par quoi

  7   que ce soit de faire ce genre de travaux. Les gens acceptaient l'idée, la

  8   ville est redevenue propre...

  9   Et puis, on avait aussi des rapports avec le système de l'institution

 10   communale qui s'occupait, elle aussi, d'hygiène. On faisait des sortes de

 11   paquets, de ballots de tous ces débris qu'on ramassait, et on avait des

 12   camions, donc, pour qu'on puisse les emporter.

 13   Question: Vous parlez de ces différentes allées et venues. Est-ce la

 14   période quand vous avez eu votre accident avec la jambe?

 15   Réponse: Même avant.

 16   Question: Avant et après?

 17   Réponse: Oui, avant et ce jour même.

 18   Question: Est-ce que ce jour-là, ce dernier jour, le jour où vous avez été

 19   blessé, est-ce que vous vous êtes trouvé à quelque moment dans la rue

 20   Pionirska?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Est-ce que vous vous souvenez que quelque part, dans les parages

 23   de l'école primaire, que vous vous déplaciez à travers cette rue et vous

 24   lanciez des appels aux gens de la rue Pionirska de participer à ce

 25   nettoyage des rues?


Page 1900

  1   Réponse: Oui, à Bikovac, à Landja, à Kalate, à rue Pionirska, je faisais

  2   toujours un petit tour pour organiser en quelque sorte les gens, pour les

  3   inviter à faire quelque chose. Et tous ceux qui étaient libres répondaient

  4   à cette invitation, à cet appel. Les gens voulaient bien le faire parce

  5   que, après le départ du Corps d'Uzice, comme je le disais, la ville était

  6   délaissée: il y avait des morceaux de papier partout, des affiches. Enfin,

  7   on a tout enlevé, tout lavé, et les choses sont redevenues normales. On

  8   évacuait tous les verres brisés, tous les morceaux de vitres brisées.

  9   M. Domazet (interprétation): D'accord, vous avez expliqué cela en détail

 10   et je pense que cela suffit.

 11   Mais ce que je vous ai demandé, c'était ma question: le jour même, ce jour

 12   même où vous étiez dans la rue Pionirska, à la hauteur de l'école primaire

 13   -donc partie supérieure de la rue Pionirska-, est-ce que vous invitiez

 14   effectivement la population à participer à ces actions de balayage, de

 15   nettoyage de la rue? Aviez-vous un porte-voix avec vous?

 16   M. Vasiljevic (interprétation): Non.

 17   M. Groome (interprétation): Objection!

 18   M. le Président (interprétation): En effet, vous et moi, au moment de

 19   votre objection précédente, le témoin avait effectivement répondu à ces

 20   questions. Par conséquent, ceci a été notre faute.

 21   Mais, cette fois-ci, Maître Domazet, pour ce qui est de vos trois

 22   dernières questions, ce sont des questions directrices. Et l'une des pires

 23   est celle où vous vouliez indiquer ce qui s'est passé sur la rue, dans la

 24   rue Pionirska.

 25   Est-ce que vous estimez qu'il a fait une déposition à cet effet, et


Page 1901

  1   notamment lorsqu'il s'agit du...

  2   M. Domazet (interprétation): J'ai fait mention de ce porte-voix, se basant

  3   sur ce qui a été dit par un témoin qui a indiqué que Mitar Vasiljevic

  4   avait effectivement un porte-voix dans sa main.

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, c'est toujours et cela

  6   continue d'être une question directrice. Essayez donc de ne pas indiquer

  7   la voie. Vous détruisez le témoignage et les preuves que profère votre

  8   client en lui posant ce genre de questions directrices.

  9   Posez-lui… Interrogez sur ce que les autres ont pu dire, mais essayez de

 10   pas lui poser des lignes directrices qui pourraient l'induire à suivre une

 11   certaine direction. Enfin, vous pourriez reformuler cette question, et

 12   c'est une question très importante.

 13   Vous pourriez commencer par dire: "Enfin, est-ce qu'il est arrivé que vous

 14   étiez dans la rue Pionirska…?", et ainsi du suite. Donc, pas de questions

 15   directrices!

 16   M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 17   Je ne vais même pas poser cette question, je la retire et je vous demande

 18   la chose suivante, Monsieur Vasiljevic: de quoi vous souvenez-vous, en ce

 19   qui concerne la rue Pionirska et ce jour précis? Qu'est-ce que vous avez

 20   fait et qu'est-ce que vous aviez éventuellement dans vos mains? Comment

 21   étiez-vous vêtu?

 22   M. Vasiljevic (interprétation): Pour être honnête et franc, ce crime de la

 23   rue Pionirska est mis à ma charge. Pour ce qui est de ce crime, je n'en

 24   savais rien avant mon arrivée à La Haye.

 25   Question: Peut-être que nous arriverons à ce point-là plus tard, mais je


Page 1902

  1   vous prie d'essayer de répondre le plus complètement possible aux

  2   questions que je pose.

  3   Ma question était la suivante: vous souvenez-vous comment vous étiez vêtu

  4   à cette occasion? Est-ce que vous vous souvenez si vous aviez quelque

  5   chose entre vos mains au moment où vous vous êtes engagé dans la rue

  6   Pionirska?

  7   Réponse: Je portais un pantalon d'un uniforme vert olive. Je portais une

  8   chemise un peu foncée parce que je venais de perdre mon cousin. Je

  9   portais… j'avais des bottes. Et vraisemblablement, une bouteille.

 10   M. Domazet (interprétation): Aviez-vous, portiez-vous un couvre-chef?

 11   M. Vasiljevic (interprétation): Je ne me souviens pas.

 12   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à cette étape-ci vous

 13   avez, vous pouvez demander au témoin spécifiquement ce qu'il avait dans

 14   ses mains, ce qu'il portait dans ses mains, ce qu'il avait sur sa tête.

 15   Enfin, dans la mesure où il peut se souvenir, se baser sur sa mémoire et

 16   puiser dans sa mémoire.

 17   M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, à part la bouteille que

 18   vous avez mentionnée, est-ce que vous vous souvenez avoir eu quelque chose

 19   d'autre entre les mains, dans vos mains?

 20   Réponse: Non, je ne me souviens pas.

 21   Question: Parlant de cette bouteille, de quoi s'agit-il? Une bouteille

 22   pleine? Qu'est-ce qu'il y avait dans la bouteille, si quelque chose il y

 23   avait?

 24   Réponse: De l'alcool, de l'eau-de-vie. Quoi d'autre?

 25   Question: Est-ce que vous avez bu de cette bouteille?


Page 1903

  1   Réponse: Très certainement.

  2   M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous avez rencontré, dans cette

  3   même rue Pionirska, une personne que vous connaissiez de jadis?

  4   M. Vasiljevic (interprétation): Oui, j'ai rencontré (expurgé).

  5   M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je ne sais pas si vous

  6   m'avez compris. Vous pouvez demander toute question concrète, très

  7   concrète pour indiquer, pour puiser dans sa mémoire. Vous pourriez même

  8   lui poser une question dans le genre: "Est-ce que vous portiez à l'époque

  9   un chapeau noir?" En effet, ne lui donnez pas votre version avant de lui

 10   poser les questions très, très concrètement.

 11   Vous avez donc épuisé une piste, mais vous pouvez maintenant lui poser une

 12   question très concrète: "est-ce que vous étiez coiffé d'un grand chapeau

 13   noir?", ainsi de suite, et préciser ce qu'il avait dans les mains, lui

 14   indiquer un objet, puis il pourrait le nier.

 15   M. Domazet (interprétation): Vous disiez, Monsieur Vasiljevic, qu'il y a

 16   eu des occasions où vous portiez un chapeau noir mais que vous ne vous

 17   souvenez pas, cette fois-ci, que vous l'aviez sur la tête?

 18   Réponse: Oui, j'avais un chapeau noir.

 19   Question: Ce chapeau noir, que vous portiez occasionnellement, avait-il un

 20   bord très large ou ce bord était-il petit?

 21   Réponse: C'était la taille normale pour un chapeau, pour un couvre-chef

 22   militaire. Et un chapeau à pans rabattus.

 23   Question: Avez-vous jamais porté un chapeau de paille couleur jaune?

 24   Réponse: Non, jamais. Il est jaune.

 25   Question: Aviez-vous un autre chapeau, à part celui-ci?


Page 1904

  1   Réponse: C'était le seul que j'avais.

  2   Question: Mais à part ce que vous venez de décrire, est-ce que vous

  3   portiez un pardessus, un manteau?

  4   Réponse: Je n'ai jamais eu de manteau.

  5   Question: Vous disiez que vous ne portiez pas un manteau. Est-ce que cela

  6   veut dire que vous ne le portiez pas à cette occasion-ci, ou vous n'aviez

  7   pas réellement, effectivement, de manteau?

  8   Réponse: Je n'ai jamais porté un pardessus, un manteau long, de toute ma

  9   vie. Et je ne serais pas toujours si trempé de pluie si j'avais un manteau

 10   de ce genre. Non, je n'en avais pas et je n'en ai jamais eu.

 11   Question: Est-ce que vous étiez armé? Est-ce que vous portiez une arme, à

 12   cette occasion-là?

 13   Réponse: Non.

 14   Question: Est-ce que vous aviez un porte-voix, quelque chose, un

 15   instrument par lequel vous pourriez appeler les gens?

 16   Réponse: Non, je n'en avais pas.

 17   Question: Est-ce que vous utilisez un instrument de ce genre, un objet de

 18   ce genre, pour faire appel, pour lancer vos appels à la population, ou

 19   vous le faisiez vous-même, de votre vive voix?

 20   Réponse: C'était seulement le premier jour, lorsque j'ai commencé à

 21   organiser cette action. Et puis plus tard, non, je n'en avais plus besoin.

 22   Question: Si j'ai bien compris, vous avez utilisé ce porte-voix une

 23   première fois?

 24   Réponse: Pour que les gens sachent de quoi il s'agit, et puis une fois

 25   qu'on s'est organisé, ce n'était plus la peine de l'utiliser.


Page 1905

  1   Question: Etes-vous bien sûr, ou est-ce que vous pourriez admettre la

  2   possibilité qu'à cette occasion précise, vous aviez un porte-voix?

  3   Réponse: Non, non. J'ai suivi, enfin une certaine direction, une certaine

  4   piste, et j'avais quelque chose à accomplir.

  5   Question: Qu'est-ce que c'était?

  6   Réponse: Eh bien, je me suis… J'étais parti trouver un cheval dans la

  7   localité appelée Vucine.

  8   Question: Est-ce que c'est la voie, la route vers Vucine, et est-ce que

  9   cette route passe par la rue Pionirska?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Tout à l'heure, vous avez dit que vous vous êtes approché d'une

 12   personne que vous connaissez, (expurgé)?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: Est-ce que vous pourriez me dire quels étaient les propos que

 15   vous aviez échangés avec (expurgé)?

 16   Réponse: Mujo, je le connaissais bien, il était du village de Sase, et

 17   chaque jour il passait à côté de ma maison, c'était un habitué des

 18   restaurants et des cafés. Il voulait… Il aimait boire, lui aussi.

 19   Eh bien, je lui ai demandé: "Quoi de neuf?"; il a répondu: "Il faudra s'en

 20   aller." Et à lui de dire: "Nous avons reçu des ordres de nous diriger vers

 21   Kladanj", puis je me souviens qu'il m'avait raconté que sa femme était

 22   déjà partie et là, nous avons bu un coup. Et puis, je me souviens qu'il

 23   m'offrait ses vaches –il avait quelques vaches-, mais je lui ai répondu:

 24   "Oui, je les aurais acceptées bien volontiers mais je ne sais pas où les

 25   garder et qu'en faire". On a parlé de choses et d'autres pendant un


Page 1906

  1   certain temps, et puis je lui ai dit: Ne vous inquiétez pas, ne t'inquiète

  2   pas, Mujo, vous retournerez dans cette région-là".

  3   Oui, il y a longtemps. Je ne peux pas me souvenir de tous les détails, de

  4   tous les propos que nous avons échangés au cours de cette conversation.

  5   Question: Est-ce que vous pourriez peut-être vous souvenir de quelque

  6   chose d'autre?

  7   Réponse: A propos de quoi?

  8   Question: A propos de cette conversation, ou un quelconque détail

  9   important?

 10   Réponse: Mujo était accompagné de son voisin, quelqu'un qui était en train

 11   de bâtir une maison. Enfin, il se situait près de Mujo, du côté gauche, à

 12   quelque 200 mètres en contrebas de la route. Mujo vivait à Jasarevici.

 13   Enfin il était en train de bâtir cette maison, il ne pouvait pas y

 14   emménager encore.

 15   Et comment, quel est le nom de cet homme? Je ne le sais pas, je ne m'en

 16   souviens pas mais je le connaissais de vue.

 17   Question: Est-ce que (expurgé) était au courant de vos actions, du

 18   fait que vous dirigiez les actions de nettoyage de la ville?

 19   Réponse: Je ne sais pas. Peut-être que oui, peut-être que non, mais je

 20   n'allais pas vers ce village, je ne descendais pas dans ces villages.

 21   Et je ne voudrais pas m'étendre sur les choses dont je ne suis pas sûr,

 22   car il s'agit d'un crime. Ce sont des choses qui se sont passées il y a un

 23   bon moment. Je me souviens m'être arrêté pour parler avec (expurgé) parce

 24   que c'était (expurgé). Il y a d'autres gens qui passaient à côté de moi,

 25   mais tout simplement je ne les connaissais pas. Et voilà.


Page 1907

  1   Et puis, je ne peux plus me souvenir de tous les menus détails de cette

  2   conversation. Peut-être qu'on était restés à se parler pendant presque une

  3   demi-heure.

  4   Question: Est-ce que, pendant tout ce temps, vous buviez donc avec lui de

  5   l'eau-de-vie?

  6   Réponse: Non.

  7   Question: Vous venez de me dire que vous avez du mal à vous en souvenir,

  8   étant donné que vous ne vous attendiez pas à ce que cela devienne

  9   important un jour ou l'autre. Mais est-ce que vous avez accordé une

 10   attention quelconque aux personnes qui se trouvaient éventuellement à

 11   proximité, ou vous ne vous en souvenez pas du tout?

 12   Réponse: Je sais qu'il m'avait dit qu'il s'en allait, qu'il avait reçu

 13   l'ordre de s'en aller. Il y avait là des gens, des femmes. Je sais qu'il y

 14   avait du vent, le temps s'était assombri. J'étais moi-même pressé d'aller

 15   chercher ce cheval, sans quoi je serais certainement resté encore un peu

 16   avec lui.

 17   Question: Exception faite de cet entretien avec lui, en personne, comme

 18   vous l'avez dit vous-même, qui a duré une petite demi-heure, est-ce que

 19   vous vous souvenez vous êtes adressé à quelqu'un d'autre? Avez-vous parlé

 20   à qui que ce soit d'autre, à l'époque?

 21   Réponse: Que voulez-vous que je dise? Que voulez-vous que j'aille

 22   m'adresser à quelqu'un? Je ne savais pas qui donnait les ordres. Et

 23   qu'avais-je, du reste, à dire puisque je ne savais même pas qu'ils

 24   allaient s'en aller. Je ne savais pas qui avait pris ces initiatives, où

 25   ces gens devaient être emmenés. Mais je ne savais absolument rien. Si


Page 1908

  1   quelqu'un s'était approché de moi, si quelqu'un m'avait posé une question

  2   quelconque, j'aurais répondu: "Mais je n'ai rien organisé, pour ma part.

  3   Je n'ai organisé aucun de ces groupes-là". Je n'avais aucune idée de ce

  4   qui se passait.

  5   M. Domazet (interprétation): J'allais justement vous demander si, avant

  6   que de vous entretenir avec (expurgé), vous aviez ouï dire ou appris

  7   qu'un groupe quelconque devrait quitter Visegrad et n'était pas parti? Ou

  8   alors, ne l'avez-vous ouï dire que pendant l'entretien?

  9   M. Vasiljevic (interprétation): Mais je ne savais pas, je ne pouvais pas

 10   savoir que ceux de Koritnik allaient s'en aller. Je ne savais pas qui

 11   avait organisé tout cela, et je serais passé comme si de rien n'était si

 12   Mujo n'avait pas été là, je n'aurais même pas prêté attention à ce qui se

 13   passait. Et comme je connaissais Mujo, je m'étais arrêté. On a échangé

 14   quelques propos, il m'a raconté cela. J'avais de la compassion pour lui,

 15   j'avais déjà pris un verre ou plusieurs verres à bien des reprises avec

 16   lui.

 17   C'est ce type d'entretien que nous avons eu, mais de là à vous dire

 18   directement, en ce moment-ci, qui a organisé et comment cela a été

 19   organisé, je ne saurais vraiment pas le faire. Qui étais-je, du reste,

 20   pour les répartir? Ils avaient été envoyés par la Croix-Rouge vers la cité

 21   de la rue Pionirska.

 22   M. le Président (interprétation): Monsieur Vasiljevic, vraiment je vous

 23   demande de faire une petite pause avant de commencer à répondre parce

 24   qu'autrement, les choses se font trop vite.

 25   Maître Domazet, ceci est l'un des problèmes qui survient lorsqu'il y a


Page 1909

  1   interprétation des dires. Il se peut que j'aie interrompu le témoin à un

  2   endroit où il voulait continuer; je crois qu'il était en train de parler

  3   de la Croix-Rouge.

  4   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, justement.

  5   Monsieur Vasiljevic, comment savez-vous nous dire qu'ils avaient été

  6   envoyés par la Croix-Rouge dans la rue Pionirska?

  7   Réponse: C'est Mujo qui m'avait dit qu'ils avaient reçu l'ordre de s'en

  8   aller, soi-disant, ce jour-là. Mais ils étaient en retard, ils avaient

  9   pris du retard. Je sais bien qu'il m'avait dit que sa femme était déjà

 10   partie auparavant, ça je m'en souviens bien. Mais le reste, c'est comme à

 11   travers un brouillard. Vous savez, cela a eu lieu il y a si longtemps.

 12   Question: Vous-même, Monsieur Vasiljevic, avez-vous travaillé à quelque

 13   occasion ce que ce soit pour le compte de la Croix-Rouge?

 14   Réponse: Jamais.

 15   Question: Et à quelque reprise que ce soit, vous êtes vous présenté à

 16   d'autres personnes comme étant un employé de la Croix-Rouge?

 17   Réponse: Non. Pourquoi voulez-vous que j'aille me présenter de façon aussi

 18   erronée? Pourquoi le ferais-je? Parce que pour le faire, il eut fallu que

 19   j'ai une idée de ce que la Croix-Rouge faisait.

 20   Question: Mais à l'époque où vous étiez avec (expurgé), l'un

 21   quelconque des hommes présents vous a-t-il demandé d'écrire quelque chose,

 22   de rédiger quelque chose?

 23   Réponse: Je n'ai rien pu leur écrire, j'ai peut-être donné un numéro de

 24   téléphone, une adresse à Mujo, mais que voulez-vous que j'écrive pour

 25   Mujo? Qui étais-je pour écrire quoi que ce soit? Il savait très bien que


Page 1910

  1   je n'étais qu'un homme ordinaire, un n'importe qui. Je n'étais pas vêtu

  2   comme étant une personne ou un fonctionnaire haut placé, parce que je

  3   n'aurais pas été vêtu de la façon dont j'étais vêtu.

  4   Question: Je vous prie de répondre à ma question. Votre réponse est en

  5   fait non, n'est-ce pas?

  6   Réponse: Non.

  7   Question: Et portiez-vous un papier et un crayon sur vous?

  8   Réponse: Je ne pouvais pas avoir de papier, de papier pouvant servir de

  9   justificatif quelconque et que je leur aurais remis, encore moins avais-je

 10   un cachet.

 11   Question: Je vous demande de répondre à mes questions, et ma question

 12   était celle de savoir si vous aviez un papier et un crayon sur vous, à ce

 13   moment-là.

 14   Aviez-vous sur vous un crayon et un papier?

 15   Réponse: Comment voulez-vous que je me souvienne si j'avais un papier et

 16   un crayon sur moi? Mais je l'avais peut-être, je ne l'avais peut-être pas,

 17   mais je n'en avais pas besoin, de toute manière. Et je ne sais rien à ce

 18   sujet.

 19   Question: Et après avoir quitté (expurgé), avez-vous continué dans la

 20   direction dans laquelle vous vous dirigiez pour aller chercher ce cheval?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Après cela, en revenant, avez-vous revu (expurgé) ou qui

 23   que ce soit d'autre, si vous êtes retourné par la même rue?

 24   Réponse: Je suis retourné par la même rue. Je n'ai pas vu Mujo. Je ne me

 25   souviens pas des autres mais pour ce qui est de Mujo, je suis sûr de ne


Page 1911

  1   pas l'avoir revu. Mais une espèce d'orage se préparait. Il allait

  2   pleuvoir. J'étais à cheval et en sortant de la ville, je sais que, en me

  3   dirigeant vers la sortie de la ville, je sais que la pluie a commencé à

  4   tomber; je sais qu'il y a eu une vague de pluie forte, puis quelques

  5   rayons de soleil se sont frayé un passage par les nuages. Je sais que

  6   c'est à ce moment-là, à peu près, que je suis tombé de cheval.

  7   Question: Donc vous étiez en train de monter votre cheval, vous êtes passé

  8   par la rue Pionirska et vous vous dirigiez vers le centre ville? Est-ce

  9   que cela signifie que vous vous dirigiez vers l'hôtel?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Est-ce que vous vous souvenez de la façon dont vous montiez ce

 12   cheval? J'entends par là la vitesse: lentement, au galop ou à vitesse

 13   moyenne?

 14   Réponse: Eh bien, je n'allais pas trop vite, le cheval n'avait pas de

 15   selle, il y avait une espèce de bride. J'étais monté dessus. Mais

 16   j'imagine que le fait d'être tombé est probablement dû au fait que le

 17   cheval n'ait pas eu de fers à ses sabots, sur ses sabots. Je voulais

 18   emmener ce cheval vers le restaurant, vers les hauteurs, là où il y a la

 19   voie ferrée, parce que j'avais craint que l'on ne le prenne.

 20   J'ai du mal à vous expliquer. J'ai été appelé par Sicic et Pero. Il se

 21   peut que j'aie fait un mouvement brusque et que j'aie aidé le cheval à

 22   glisser, et nous sommes tombés donc en même temps; nous sommes tombés le

 23   cheval et moi-même. Et je suis tombé sur ma jambe gauche. J'ai eu eu très

 24   mal à la jambe. Le cheval étant tombé, il était resté à terre, il avait du

 25   mal à se relever et moi je ne pouvais plus me relever, j'avais tellement


Page 1912

  1   mal à la jambe.

  2   Alors, des gens se sont approchés, Pero entre autres. Il pleuvait déjà. Il

  3   ne pleuvait pas beaucoup, mais il pleuvait tout de même. Ce n'était pas un

  4   orage encore.

  5   Pero m'a pris par la jambe et m'a dit: "Mais tu l'as cassée!". Et (hors

  6   micro), alors ils ont appelé l'ambulance de là, depuis l'hôtel. J'étais

  7   allongé là-bas quelque 10 à 15 minutes. L'ambulance est arrivée. On m'a

  8   mis sur une civière et on m'a placé à bord de l'ambulance. Puis, j'ai été

  9   emmené, transporté jusqu'à l'hôpital de Visegrad. Et, pour ne pas oublier

 10   le chauffeur, c'était Zivorad Savic. Je le connaissais bien.

 11   Une fois à l'hôpital, j'ai été accueilli par un médecin, le docteur Goran

 12   Loncarevic. On m'a porté jusqu'à la salle de radiographie, et le médecin a

 13   dit: "Mitar, tu as les deux os cassés". Alors, ils m'ont mis cette espèce

 14   de planche, ils m'ont serré cela pour que la jambe ne puisse plus bouger.

 15   Je ne sentais plus de douleur, c'est-à-dire que si j'essayais de bouger ça

 16   faisait mal mais pendant que j'étais au repos, cela ne faisait pas mal.

 17   Et j'ai attendu un certain temps, là. Je crois que l'ambulance était allée

 18   pour emmener un médecin quelconque en visite à domicile, chez un patient.

 19   Le docteur a remis la radio, les prescriptions, la documentation annexe,

 20   enfin, tout ce qu'il fallait pour l'autre hôpital. Et il m'a dit qu'il

 21   fallait aller à l'hôpital d'Uzice.

 22   Alors maintenant, de là à vous dire l'heure exacte, je ne serais pas

 23   capable de le faire, c'est-à-dire vous dire l'heure exacte à laquelle nous

 24   avons quitté Visegrad. Il se peut que ce soit vers 7 heures ou plus tard.

 25   Je sais très bien qu'il pleuvait. Le chauffeur et moi-même avions donc


Page 1913

  1   quitté l'hôpital et, en ville, à proximité de la banque de Sarajevo, là où

  2   habitait Milan Novakovic –qui, lui, habitait à proximité de la banque-,

  3   donc nous avons vu cet homme-là et nous nous sommes dirigés vers Uzice.

  4   Une fois arrivé au village de Vardiste, j'ai demandé au chauffeur de

  5   s'arrêter à la maison de mon oncle pour prendre une couverture parce que

  6   j'avais froid.

  7   Question: Excusez-moi. Puisque vous avez commencé à en parler sans que je

  8   vous ai posé de question dans ce sens, et pour éviter que vous nous

  9   racontiez des choses de moindre importance, je voudrais une précision:

 10   s'agit-il de l'oncle qui avait une cafétéria, un restaurant à Vardiste, et

 11   dont le fils avait été enterré, funérailles auxquelles vous aviez dit

 12   avoir assisté? C'est bien de lui que nous parlons?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: Donc, vous avez reçu une couverture par ses soins pour vous

 15   couvrir dans l'ambulance. Est-ce que vous vous êtes attardé? Vous, le

 16   chauffeur et ledit Novakovic?

 17   Réponse: Quand ils sont allés chercher la couverture, ils sont allés à la

 18   cafétéria et ils m'ont ramené un jus de fruit dans le véhicule dans lequel

 19   je me trouvais. Eux, ils ont pris un café, un verre, je ne sais pas ce

 20   qu'ils ont pris. Mon oncle et ma tante sont descendus et m'ont demandé ce

 21   qui m'était arrivé. Alors je leur ai dit que je m'étais cassé la jambe. Et

 22   ils ont dit: "Enfin, on n'y peut rien. Va de faire soigner à l'hôpital".

 23   Le chauffeur et Milan Novakovic sont revenus. Aussi, avons-nous pu

 24   continuer notre route vers Uzice.

 25   Question: Mais avant que d'y arriver, Monsieur Vasiljevic, je voudrais


Page 1914

  1   savoir si à l'hôpital, au centre médical de Visegrad, on vous avait

  2   administré des médicaments quels qu'ils soient?

  3   Réponse: Non.

  4   Question: Et sauriez-vous nous dire pourquoi?

  5   Réponse: Eh bien, ils m'en avaient administré en raison de l'alcool que

  6   j'avais pris, j'avais beaucoup bu ce jour-là.

  7   Question: Et avez-vous informé votre famille, votre épouse, de ce qui vous

  8   était arrivé?

  9   Réponse: C'est quand je suis arrivé à Vardiste que mon oncle l'a appelée.

 10   Je lui avais notamment demandé de lui téléphoner pour le lui dire.

 11   Question: Donc, ce n'est que par ses soins qu'elle avait appris que vous

 12   étiez sur la route d'Uzice et que vous étiez blessé?

 13   Réponse: C'est cela. Et d'ailleurs, elle se souvient aussi que c'était lui

 14   qui le lui avait communiqué.

 15   Question: Sur cette route-là, y avait-il des points de contrôle et avez-

 16   vous dû vous attarder à ces endroits-là?

 17   Réponse: Oui, il y en avait un du côté bosniaque et l'autre du côté serbe,

 18   enfin des Serbes de la Serbie.

 19   Question: Quand êtes-vous arrivé à l'hôpital d'Uzice, si tant est que vous

 20   vous en souvenez?

 21   Réponse: Je ne saurais vous le dire exactement. Je crois que certains

 22   documents le précisent. Mais je crois que l'un des documents dit "21

 23   heures 35". Je ne sais pas, peut-être un peu avant cette heure-là, une

 24   dizaine de minutes avant, le temps que les gens, la femme qui avait

 25   travaillé à l'accueil inscrive ces renseignements-là dans le registre,


Page 1915

  1   dans le protocole des admissions.

  2   Question: La nuit était-elle déjà tombée?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Et, lorsque vous partiez de Visegrad, faisait-il jour ou nuit?

  5   Réponse: On voyait très bien encore.

  6   Question: A l'hôpital d'Uzice, ce soir-là, a-t-on fait des radiographies?

  7   Est-ce que on vous a soumis à des visites médicales? Que s'est-il passé?

  8   Réponse: Ce soir-là, ils ont fait une radiographie de la jambe et ils ont

  9   constaté fracture, eux aussi. Je sais que j'avais été reçu par le docteur

 10   Dusko Jovicic -que je ne connaissais pas du tout.

 11   Question: Mais connaissiez-vous quelqu'un d'autre?

 12   Réponse: Il y avait avec lui un collègue à lui: Aleksandar Moljevic. Alors

 13   Alekasandar Moljevic, lui, je le connaissais bien. Il était originaire de

 14   Visegrad. Il avait travaillé à Visegrad en qualité de médecin généraliste

 15   pendant plusieurs années. Par la suite, il avait fait une spécialisation,

 16   puis est parti à Uzice. Je ne sais pas où il a fait sa spécialisation,

 17   mais je sais qu'il était parti à Uzice et qu'il travaillait là-bas. Et il

 18   se trouve qu'il avait été de permanence cette nuit-là, avec Jovicic. Mais

 19   c'était le docteur Jovicic qui avait pris soin de moi, parce que c'est le

 20   médecin qui réceptionne un patient qui suit son traitement médical par la

 21   suite. Du moins, que sais-je? Je crois que c'est ainsi que cela s'est

 22   passé.

 23   Donc ils ont pris cette radiographie, ils ont enlevé les pansements qu'on

 24   m'avait posés à Visegrad, et ils m'ont refixé la jambe comme auparavant.

 25   Le matin, ils m'ont fait des analyses de sang et examens accessoires que


Page 1916

  1   l'on pratique lorsque l'on reçoit quelqu'un à l'hôpital. Et ils m'ont dit

  2   qu'il fallait que je me fasse opérer. Alors, moi j'avais eu peur parce que

  3   je m'étais dit: "On va peut-être m'amputer la jambe." Non, on m'a dit

  4   qu’au contraire ils allaient faire un trou. Depuis ce lit sur roulettes où

  5   je me trouvais, on m'a traîné ou poussé vers une salle destinée à cet

  6   effet. Devant, il y avait une femme qui s'était fait faire un trou dans le

  7   talon, elle aussi. Je l'ai entendue hurler. J'avais pensé que cela faisait

  8   très mal, que cela devait forcément faire très mal. Ils avaient fini avec

  9   cette femme et ils m'ont pris, ils m'ont frotté le talon avec quelque

 10   chose, sous le mollet, sous le...

 11   Question: Monsieur Vasiljevic, je crois que vous êtes en train de nous

 12   fournir des détails excédentaires qui n'ont pas beaucoup d'importance pour

 13   nous. Donc, le matin, le lendemain matin suite à votre arrivée à

 14   l'hôpital, vous avez été opéré?

 15   Réponse: Oui, mais je tiens à préciser que l'on m'a fait juste un trou

 16   dans le talon, qu'on ne m'a pas ouvert les tissus, on ne m'a pas coupé, et

 17   on a fait un trou, on a accroché des poids, des contrepoids, pour

 18   immobiliser.

 19   Question: Mais quelle avait été la finalité de votre hospitalisation?

 20   Réponse: Eh bien, la finalité était probablement d’étirer les muscles et

 21   les os afin que les os se remettent en place. Donc, il fallait d'abord

 22   étirer les muscles. Et ils avaient placé des espèces de vis et une espèce

 23   de dispositif par-dessus le lit. De l'autre côté, on… il y avait des

 24   contrepoids. Et c'est ainsi que j'ai dû passer 7 jours, allongé. C'est

 25   ainsi qu’ils procèdent. Il faut rester couché pendant au moins 21 jours.


Page 1917

  1   Question: Est-ce que cela signifie que vous êtes resté alité pendant 21

  2   jours avec une extension à la jambe, des contrepoids, et sans la

  3   possibilité de bouger, de sortir de votre lit, seul ou avec l'assistance

  4   de qui que ce soit?

  5   Réponse: Non, on ne pouvait pas bouger parce que le talon était percé, on

  6   avait accroché des contrepoids de l’autre côté du lit et je nous pouvais

  7   pas sortir du lit. Je pouvais m'asseoir, mais pas sortir du lit.

  8   Question: Vous souvenez-vous de la pièce dans laquelle vous vous trouviez?

  9   S'agissait-il d'une pièce à plusieurs lits? Y avait-il d'autres patients?

 10   Réponse: Nous étions quatre au total. Il y avait moi-même, à côté de la

 11   fenêtre, un vieux, un vieil homme, originaire d'Uzice. Il y avait un

 12   Musulman, originaire de Gorazde. Lui, il avait une jambe blessée. Puis, il

 13   y avait, à côté de ce Musulman, un autre gars d’Uzice, lui aussi.

 14   Question: Et à ce département d'orthopédie, vous avez passé au total 3

 15   semaines?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Et après?

 18   Réponse: Après, je suis allé au département de neuropsychiatrie, dans le

 19   même hôpital, mais dans un autre bâtiment.

 20   Question: Pourquoi, Monsieur Vasiljevic?

 21   Réponse: J'étais dans une situation psychique très difficile. Cela avait

 22   été très pénible pour moi. Je crois que j'avais commencé à m'entretenir

 23   soit avec Dieu soit avec des diables. Je ne sais trop vous dire. J'avais

 24   des espèces de craintes, de peurs. Cela me tombait dessus de façon

 25   étrange.


Page 1918

  1   M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous vous disputiez avec le

  2   personnel et les patients à l'hôpital?

  3   M. Vasiljevic (interprétation): Je pense que oui. Il se peut que je ne me

  4   souvienne pas de tous les détails. Mais…

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, dites-moi ce que vous

  6   pensez avoir besoin comme temps pour mettre à terme votre interrogatoire

  7   en chef?

  8   M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas besoin

  9   d'autant de temps, mais je puis mettre un terme à présent à cet

 10   interrogatoire en chef et reprendre jeudi, car ce que j'avais souhaité, à

 11   savoir une visite éventuelle demain, je crois que cela ne serait pas

 12   possible. Et comme je suis moi-même assez malade et que j'ai de la fièvre,

 13   je vais essayer de mettre à profit la journée de demain pour me retaper,

 14   me remettre un peu d'aplomb. Mais si vous estimez, au contraire, qu'il

 15   importerait de continuer maintenant pour conduire l’interrogatoire en chef

 16   à terme, je puis continuer et terminer.

 17   M. le Président (interprétation): Non, non, pas du tout, Monsieur Domazet.

 18   Il s'agissait, pour ma part, de répondre à la requête que vous aviez

 19   formulée vous-même, à savoir que l'un quelconque des conseils de la

 20   défense puisse consulter le client, votre client, demain. Et j'avais dit

 21   que, si vous pouviez faire cela entre l'interrogatoire en chef et le

 22   contre-interrogatoire, la Chambre pouvait vous l'accorder.

 23   Mais si vous avez vous-même besoin d'un petit rétablissement, il est donc

 24   probable que, de toute manière, vous n'alliez pas voir votre client. Donc

 25   je ne souhaite pas que vous continuez à travailler si vous n'êtes pas en


Page 1919

  1   mesure de le faire et si vous n'avez pas besoin de vous entretenir avec

  2   votre client demain. Eh bien, nous allons reprendre notre travail jeudi

  3   matin. Mais il vous appartient de décider vous-même.

  4   M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

  5   M. le Président (interprétation): Fort bien, nous allons alors lever

  6   l'audience et nous allons reprendre jeudi à 9 heures 30.

  7   Je vous souhaite une bonne fête des Nations Unies à tous et à toutes.

  8   (L'audience est levée à 16 heures.)

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20   

 21  

 22  

 23  

 24  

 25