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1 (Mardi 23 octobre 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, je vous prie.
5 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-32-T: le Procureur contre
6 Mitar Vasiljevic.
7 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je comprends que vous
8 avez été préoccupé par la possibilité de vous entretenir avec votre client
9 pendant la journée de demain, et je crois qu'une fois que le témoin
10 commence à témoigner, on ne peut pas s'entretenir avec lui d'une manière
11 générale.
12 La règle a pour finalité de surmonter une pratique qui a été amorcée par
13 le Bureau du Procureur, malheureusement, une pratique qui consistait à
14 conduire le témoin vers l'objectif visé
15 Donc, si vous terminez son interrogatoire en chef, en principal, dans le
16 principal aujourd'hui, avant que le contre-interrogatoire ne commence, la
17 Chambre se penchera sur la possibilité de vous permettre un entretien avec
18 votre client. Mais si le contre-interrogatoire est entamé, par contre,
19 cela ne serait pas sage parce que cela pourrait provoquer des
20 interventions qui pourraient occasionner des modifications de témoignage.
21 Je ne dis pas que cela surviendrait forcément, mais je pense que votre
22 client ne devrait pas se trouver privé de quelque droit que ce soit, étant
23 donné que la conduite de l'affaire ne le nécessite pas forcément.
24 Nous nous efforcerons donc de finir aujourd'hui, ou plutôt de finir
25 l'interrogatoire principal d'ici la fin de la journée, et de remettre à
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1 jeudi le contre-interrogatoire.
2 Monsieur Groome, je crois que vous allez avoir quelque chose à dire aussi,
3 mais si le conseil de la défense a besoin de deux semaines pour préparer
4 son affaire, il serait malheureux qu'il ne puisse pas profiter de la
5 journée de congé qui est la fête des Nations Unies demain. Je crois que la
6 journée lui sera précieuse.
7 Maître Domazet, est-ce que vous êtes prêt? Vous pourriez peut-être
8 commencer.
9 (Déclaration liminaire de Me Domazet.)
10 M. Domazet (interprétation): Oui, je suis prêt, Monsieur le Président. Je
11 vous remercie.
12 La défense de Mitar Vasiljevic ne souhaite pas aujourd'hui analyser ou se
13 prononcer, s'agissant des éléments de preuve présentés par le Bureau du
14 Procureur, vu qu'elle estime qu'il faudrait le faire plutôt dans
15 l'allocution finale de la défense. Mais dans ses propos liminaires, la
16 défense se propose au contraire d'annoncer des éléments de preuve qui sont
17 ceux de la défense, disant que l'accusé Mitar Vasiljevic n'a pas commis
18 les actes qui lui sont mis à charge par l'Acte d'accusation.
19 Aussi, les témoins de la défense, et parmi eux l'accusé Mitar lui-même,
20 chercheront à prouver qu'il n'a jamais été membre de quelque formation
21 paramilitaire que ce soit et, par conséquent, qu'il n'a pas été membre non
22 plus du groupe de Milan Lukic. Il n'a pas non plus fait usage d'arme
23 quelconque à l'égard d'un civil quelconque, pas plus qu'il n'a pris part à
24 la planification ou à la réalisation d'actes pénaux qui lui sont mis à
25 charge.
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1 Mitar Vasiljevic est originaire d'une famille villageoise pauvre mais tout
2 à fait honorable et dès son âge scolaire, il a commencé à vivre de son
3 travail: d'abord en tant qu'apprenti garçon de café, puis ensuite comme
4 garçon de café. C'était un bon travailleur et il était apprécié par ses
5 collègues de travail ainsi que par les gens qui venaient au restaurant.
6 Il a fondé une famille, il a deux enfants et avait, à l'époque, commencé à
7 construire une maison familiale. Il n'avait pas fait de politique
8 auparavant non plus et en 1991 et 1992, non plus, l'époque à laquelle les
9 rapports interethniques à Visegrad sont venus à être perturbés, au point
10 où bon nombre de familles serbes ou particuliers serbes, en tant que
11 minorité, avaient dû quitter à titre provisoire ou à titre permanent la
12 ville de Visegrad.
13 Mitar Vasiljevic, lui, avait résidé et travaillé à l'époque jusqu'au mois
14 de mai 1992 sur place et, qu'il s'agisse de Serbes ou de Musulmans, il n'a
15 eu de conflits avec personne, ni de disputes d'ailleurs.
16 Mobilisé par la Défense territoriale, il avait emporté de chez lui le seul
17 uniforme militaire qu'il avait, tout comme d'autres réservistes. Il
18 s'agissait d'un uniforme de la JNA, un uniforme militaire vert-olive,
19 qu'on appelait SMB chez nous, donc un uniforme d'une seule couleur.
20 On lui a confié une arme et il a travaillé dans une cuisine militaire dans
21 le village de Prelovo, à quelque 10 kilomètres de Visegrad et de sa maison
22 qui se trouvait d'ailleurs sur cette même route, à la sortie de la ville.
23 C'est à même… à équidistance de l'endroit où il avait travaillé et de la
24 ville.
25 D'ailleurs, viendront en témoigner des témoins, des témoins qui, quant à
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1 eux, étaient avec lui à Prelovo à l'époque où ils avaient eux-mêmes été
2 mobilisés pour travailler dans cette cuisine militaire de Prelovo. Ils
3 viendront témoigner du fait que Mitar Vasiljevic avait, sans interruption,
4 séjourné avec eux à Prelovo, qu'il avait travaillé dans cette cuisine,
5 qu'il avait oeuvré à l'approvisionnement et à l'entretien de l'hygiène et
6 que de temps en temps, lorsque les possibilités le permettaient, il se
7 rendait à la maison à Visegrad pour y passer, ça et là, la nuit pour finir
8 par retourner à Prelovo par la suite.
9 Et comme il n'a jamais été chauffeur, donc comme il ne possédait pas de
10 permis de conduire ni de véhicule à lui, il se débrouillait dans des cas
11 analogues, et ce en faisant de l'auto-stop ou en demandant aux véhicules
12 qui passaient par là pour l'emmener sur un tronçon ou alors, voire encore,
13 il faisait le trajet à pied.
14 C'est ainsi qu'un soir, vers la fin du mois de mai 1992, il s'est fait
15 transporter de Prelovo à Visegrad par Milan Lukic qui, à cette occasion-
16 là, avait fait une halte au village de Musici, chose dont sont venus
17 témoigner certains des témoins du Procureur, et Mitar Vasiljevic en
18 témoignera d'ailleurs lui-même.
19 Et en dépit du fait que les familles Vasiljevic et Lukic aient été, depuis
20 une centaine d'années déjà, dans des rapports de "kum" -ce qui signifie
21 qu'ils baptisaient les enfants de l'une ou de l'autre famille ou qu'ils
22 étaient témoins aux mariages de l'autre famille, chose qui est une coutume
23 ancienne serbe, et non seulement serbe, d'ailleurs-, Mitar Vasiljevic,
24 jusqu'à cette époque-là, n'avait pratiquement pas fait la connaissance de
25 Milan Lukic. En effet, Milan était bien plus jeune que lui et non
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1 seulement il avait quitté la région, mais il travaillait depuis bon nombre
2 d'années déjà en Suisse et il résidait, à l'époque, à Obrenovac, qui est
3 une ville de la Serbie.
4 Donc, ce dernier est venu dans la région de Visegrad à l'époque seulement,
5 donc vers le mois de mai de 1992, et il y est venu avec certaines de ses
6 connaissances, des gens originaires d'Obrenovac, en Serbie.
7 Les gens de Visegrad ne faisaient pas partie de ce groupe; il en allait de
8 même pour ce qui est de Mitar Vasiljevic qui, à l'époque –nous l'avons
9 déjà dit-, se trouvait être réserviste à Prelovo, dans cette cuisine
10 militaire.
11 Lorsqu'il témoignera, Mitar Vasiljevic, tout comme d'autres témoins encore
12 viendront confirmer devant cette Chambre que Mitar avait même été mis aux
13 arrêts et incarcéré dans une prison à Uzamnica vers la fin du mois de mai
14 1992 ou les premières journées du mois de juin.
15 Lorsqu'il est venu sur sa propre initiative à Visegrad, il s'est rendu à
16 Bikavac, à l'endroit du siège du commandement, chez Drago Gavrilovic, pour
17 restituer, sur sa propre initiative, les armes, armes qui lui avaient été
18 confiées parce qu'il avait refusé de porter des draps, de la nourriture,
19 de Prelovo vers certaines positions de combat qui n'avaient pas été
20 sécurisées à l'époque, et d'autant plus qu'on lui avait demandé de le
21 faire la nuit.
22 En raison de cette attitude-là et de sa façon de procéder, et somme toute
23 en raison de l'état d'ivresse dans lequel il se trouvait lorsqu'il l'a
24 fait, le même jour il s'est fait arrêter par la police militaire et
25 incarcérer dans la prison d'Uzamnica où lui a rendu visite et où l'a
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1 soigné notre futur témoin, le docteur Radomir Vasiljevic.
2 Il est fort possible que Mitar ait pu passer bien plus de temps dans cette
3 prison, au lieu des trois ou quatre jours qu'il y a passés, si son cousin
4 germain n'était pas tombé sur le champ de bataille –il s'agit d'un dénommé
5 Sikiric Zeljko, originaire de Vardiste -, raison pour laquelle il avait
6 fait une grève de la faim et exigé d'être relâché pour pouvoir se rendre à
7 l'enterrement de ce cousin.
8 On l'a donc relâché, et il a commencé à se saouler, chose qu'il n'avait
9 pas faite depuis longtemps étant donné qu'il avait été soigné de cette
10 habitude-là. Bon nombre de témoins de la défense viendront le confirmer et
11 diront que le jour des funérailles de son cousin germain Zeljko Sikiric,
12 il avait été complètement saoul, hors de lui, et que les gens ne pouvaient
13 pas établir avec lui un contact normal.
14 Ce jour-là, suite à approbation de son commandement et pour éviter de
15 rejoindre les positions de combat et ainsi que cette cuisine militaire, il
16 avait commencé à organiser des activités visant à faire nettoyer la ville,
17 les rues, les vitrines des magasins de tout débris, de toute affiche, de
18 tout bris de verre, et il s'était chargé de rassembler tout citoyen qui se
19 trouvait disponible pour ce qui est de l'organisation de telles actions ou
20 activités de travail, indépendamment de l'appartenance ethnique des gens.
21 Il avait porté, à cette fin, un ruban rouge autour de la manche qu'il
22 avait porté également auparavant à Prelovo mais cette fois-ci, il ne
23 portait plus d'uniforme militaire et ne portait plus quelque arme que ce
24 soit. Viendront le confirmer ici des témoins qui l'avaient bien connu à
25 l'époque et qui avaient été ses voisins.
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1 C'est ainsi qu'un dimanche, le dimanche 14 juin 1992, il s'était trouvé
2 dans l'après-midi dans la rue Pionirska lorsque, depuis le centre ville,
3 un groupe de femmes, d'enfants et de personnes âgées était arrivé pour
4 s'installer dans les deux maisons appartenant aux Memic, alors que Mitar
5 se trouvait au moment-même un peu plus haut dans la même rue, à proximité
6 de l'école primaire. C'est là qu'il a rencontré une vieille connaissance à
7 lui, le dénommé (expurgé), qui lui tenait souvent compagnie dans les
8 buvettes. Et c'est ce qu'il a fait en cette opportunité-là également: il
9 lui a offert à boire à la bouteille qu'il avait sur lui et qu'il avait
10 déjà utilisée pour boire.
11 Cet entretien avec (expurgé) et cette boisson sont tout ce qu'il
12 avait eu à voir avec ce groupe de gens. Et c'est par ce détail-là qu'il
13 s'en est souvenu autant d'années plus tard, vu que de cet endroit-là il a
14 remonté la rue jusqu'à un endroit où il avait pris un cheval; il est monté
15 sur ce cheval et s'est rendu au centre de Visegrad, endroit où,
16 probablement à cause de la route glissante et humide du fait de la pluie
17 qui était tombée ce jour-là, ou du fait de s'être tourné vers l'un des
18 témoins qu'il avait hélé, il est soudain tombé de ce cheval. Mitar est
19 donc tombé de sa monture et s'est cassé la jambe gauche sous le genou.
20 Cet événement sera confirmé par des témoins oculaires de sa chute de
21 cheval, des gens qui se sont portés à son secours jusqu'à l'arrivée de
22 l'ambulance, ambulance qui est arrivée sur appel d'on ne sait qui. Le
23 chauffeur de l'ambulance viendra témoigner également car c'est lui qui,
24 avec l'aide des personnes présentes -qui viendront témoigner elles aussi-,
25 a placé Mitar dans l'ambulance pour l'emmener vers le centre médical de
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1 Visegrad où le médecin de service l'a examiné, lui a fait faire une
2 radiographie. C'est ce médecin-là qui l'a envoyé se faire opérer et
3 soigner à l'hôpital d'Uzice. C'est donc lui qui a demandé au même
4 chauffeur de l'y emmener dès que cela serait possible.
5 Ce même après-midi, alors qu'il faisait encore jour, en compagnie du chef
6 des services financiers du centre médical -homme qui viendra également
7 témoigner ici-, le chauffeur s'est dirigé avec son ambulance vers Uzice.
8 Et Mitar, lui, se trouvait allongé dans le véhicule. Ils se sont donc
9 dirigés vers Uzice, quoique la route n'ait pas été sécurisée de façon
10 suffisante: il y avait souvent des embuscades, les conditions de voyage
11 étaient mauvaises et les conditions climatiques l'étaient également.
12 Au cours de ce trajet, ils ont fait une halte au village de Vardiste qui
13 se trouve sur le chemin même. C'est dans ce village-là que l'oncle de
14 Mitar avait un restaurant. Ce témoin-là en témoignera lui aussi.
15 Ils se sont attardés quelque temps sur place. On a fourni à Mitar une
16 couverture, parce qu'on ne l'avait pas fait sortir de l'ambulance. Le
17 véhicule a continué sa route vers Uzice pour y arriver vers 9 heures du
18 soir, à un moment où, donc, la nuit était déjà tombée.
19 On a ultérieurement pu voir dans le registre de l'hôpital -qui sera
20 présenté ici comme élément de preuve-, que Mitar Vasiljevic a été
21 enregistré à l'hôpital à 21 heures 35 ce même jour, à savoir le 14 juin
22 1992, quoiqu'il soit arrivé un peu plus tôt. Donc, hébergé le même soir
23 sur place, on lui a fait des radiographies -une fois de plus-, et le matin
24 on l'a opéré. Il a passé le reste du temps immobilisé avec une extension
25 avec des poids pesant sur sa jambe accrochée à des poulies pendant trois
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1 semaines. Et, en raison d'une crise alcoolique et en raison d'un délire de
2 privation et son comportement en l'état, une fois qu'il n'a plus été
3 immobilisé on l'a transféré vers un département de psychiatrie où il est
4 resté jusqu'à sa sortie de l'hôpital, sortie de l'hôpital qui a eu lieu
5 sur requête explicite de son épouse et non pas sur requête des médecins,
6 en date du 28 juillet 1992.
7 S'agissant de cette période-là et de tout autre élément de preuve écrit et
8 verbal, s'agissant des soins qui lui ont été dispensés, viendront
9 témoigner ici, d'abord, les médecins de l'orthopédie et du département
10 psychiatrique de l'hôpital à Uzice ainsi que certaines infirmières, de
11 même que les témoins qui lui ont rendu visite dans ces locaux.
12 Parmi ces visiteurs, il y aura également des gens qui avaient été
13 installés à l'hôpital en même temps; c'est d'ailleurs le cas d'un blessé
14 grave appartenant au groupe ethnique musulman, ce dernier se trouvant à
15 l'hôpital depuis le 6 mai 1992. Cet homme-là viendra lui aussi témoigner
16 du fait que Mitar Vasiljevic avait été là-bas avec lui et que son
17 comportement était fort bizarre, raison pour laquelle il avait été emmené
18 pour soins au département de psychiatrie.
19 En raison de ce comportement de Mitar Vasiljevic, le délire de privation
20 d'alcool -élément de preuve qu'il se soignait de cette maladie qu'est
21 l'alcoolisme-, ensuite sur la base de son comportement après la mort de
22 son cousin et, d'autre part, ayant en vue toute la documentation du
23 dossier médical disponible ainsi que les témoignages, les dépositions de
24 ces médecins et du personnel médical, eh bien sur la base de tout cela, on
25 avait proposé une expertise médico-psychiatrique de l'accusé afin
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1 d'établir son état psychique, son degré de compréhension dans le temps,
2 critique qui fera d'ailleurs l'objet d'un exposé d'un expert appartenant à
3 cette branche.
4 La période qui a suivi la sortie de Mitar Vasiljevic de l'hôpital ne fait
5 pas l'objet de l'Acte d'accusations modifié ou de l'Acte d'accusation tout
6 court. Par conséquent, il n'y avait aucun besoin d'étayer, de prouver ses
7 capacités médicales, sanitaires, postérieures bien qu'une documentation
8 médicale pourrait être présentée, soumise à cet effet. Et il y a aussi des
9 témoins qui existent.
10 Sur la base de tous les éléments de preuve proposés, déclarations,
11 dépositions des témoins et éléments de preuve écrits viendront prouver, et
12 cela sera fait par la défense qui donc s'efforcera de prouver qu'il n'y a
13 aucun doute raisonnable que Mitar Vasiljevic ait lui-même, en personne,
14 participé à ces crimes qui sont véritablement des crimes absolument
15 terrifiants tels que le meurtre d'un grand nombre de femmes, d'enfants et
16 de personnes âgées dans l'incendie, dans la nuit du 14 au 15 juin 1992,
17 dont il n'a eu aucune connaissance lui-même et n'était pas à même de
18 supposer que quelque chose de ce genre allait se produire.
19 S'agissant des deux événements du 7 juin 1992, eh bien Mitar Vasiljevic
20 lui-même a été malheureusement le témoin unique de la défense, en tant que
21 témoin oculaire de l'événement, et témoin aussi de son exposé très
22 logique, très convaincant, à savoir, d'après ce raisonnement, qu'à Vilina
23 Vlas il était ce jour-là sans uniforme, sans arme, qu'il ne possédait
24 d'ailleurs pas et qu'il avait en quelque sorte pris contre un reçu et,
25 d'autre part, selon le même raisonnement, il ne pouvait pas savoir ni
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1 s'attendre à ce que Milan Lukic, de concert avec son groupe, viendrait
2 amener un groupe de 7 civils musulmans que, tout porte à croire, il
3 entendait laisser sur place, et puis ayant changé d'avis, qu'il a
4 reconduits du lieu où ils s'étaient tenus à bord d'une voiture. Eh bien,
5 malheureusement, Mitar Vasiljevic les a rejoints, croyant toujours qu'il
6 les reconduirait vers notamment sa maison à lui, à côté de laquelle on
7 devait passer.
8 Malheureusement, Milan Lukic -et tout porte à le croire-, avait tout un
9 autre plan en tête et au lieu de prendre la route à côté de Sase, donc de
10 tourner à gauche pour aller vers Visegrad, il a pris la droite et a fait
11 arrêter ces véhicules et a conduit tous ces gens avec deux de ses soldats
12 dans la direction de la Drina. Et dans ce contexte, Mitar Vasiljevic, non
13 seulement il n'a pas pris part à cela, car pour commencer il n'avait
14 aucune arme et aucune intention dans ce sens, et ensuite il n'était pas en
15 mesure de prévenir de quelque manière que ce soit les actes de Milan Lukic
16 et de ses soldats.
17 Suite à quoi, il s'est senti très esseulé, déçu, parce que c'est pour la
18 première fois de sa vie qu'il avait assisté en personne à ces exécutions,
19 et il a été particulièrement désolé du fait que parmi ces victimes, se
20 trouvaient un de ses anciens collègues avec lequel il avait été toujours
21 en très bon rapports.
22 Ensuite, Mitar Vasiljevic déçu, déprimé, a continué à boire, comme
23 malheureusement il l'a fait auparavant aussi, et surtout après la mort de
24 son cousin intervenue immédiatement avant l'événement relaté. Mitar
25 Vasiljevic s'est plaint, a parlé avec son épouse, et on en entendra le
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1 témoignage en ce qui concerne ces temps pertinents.
2 Puis, il s'est confié, en quelque sorte, aussi au chef de la police à
3 l'époque, Tomic, auquel il faisait confiance, car celui-ci était réputé
4 être un homme très honnête et un policier très honnête.
5 Cependant, tout le porte à croire que ce dernier avait peur d'une
6 quelconque réaction de sa part. Quant à Mitar, étant donné son état de
7 santé déjà dégradant, eh bien ceci lui a suffi d'éviter toute autre
8 rencontre avec Milan Lukic et ses soldats. Et cela, jusqu'à sa chute du
9 cheval et sa lésion du 14 juin 1992, date depuis laquelle il était
10 pratiquement absent de Visegrad.
11 Ces faits et cet état factuel, eh bien, c'est ce que la défense essayera
12 de prouver par des éléments de preuve qu'elle a soumis en ce qui concerne
13 les témoins qui déposeront, qui témoigneront de ces faits, que par les
14 éléments de preuve écrits et les constats des experts dont il aura découlé
15 -et c'est ce que défense espère-, qu'il n'y a aucun doute raisonnable qui
16 étayerait que l'accusé, Mitar Vasiljevic, dans cette époque pertinente,
17 critique, qui lui est imputée par l'Acte d'accusation -mai 1992/juillet
18 1992-, donc que Mitar Vasiljevic ait été membre actif de la formation
19 paramilitaire de Milan Lukic ou de quelque autre formation paramilitaire,
20 et qu'il ait commis les actes qui lui sont mis en charge dans l'Acte
21 d'accusation.
22 La défense, donc, propose que la présentation de son affaire, de la
23 présentation des éléments de preuve à décharge, commence par la déposition
24 de Mitar Vasiljevic en tant que témoin de la défense, et donc en guise
25 d'introduction pour l'ensemble des éléments de preuve de la défense.
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1 M. le Président (interprétation): Une question particulière: je ne sais
2 pas si la dame, l'épouse, est en mesure de suivre le déroulement de cette
3 audience. Est-ce que vous pourriez nous expliquer d'abord, avant de se
4 prononcer sur la question que je vous ai posée, quelle a été l'importance,
5 quelle a été la signification de ce ruban rouge dont vous avez parlé?
6 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, dans la mesure -et
7 autant que j'aie pu comprendre des témoins-, le ruban rouge était porté à
8 Prelovo par tous ceux qui faisaient partis de la formation sanitaire du
9 secteur d'intendance dans l'armée. Ce ruban, plus tard, il l'a porté à
10 l'époque où il organisait le balayage, le nettoyage de la ville. Etant
11 donné qu'il n'avait aucun uniforme qui serait spécifique, donc, pour ce
12 genre de travail, de profession, c'est ainsi qu'il démontrait qu'il était
13 chargé de faire ce qu'il faisait. Et je pense que Mitar lui-même et
14 d'autres témoins fourniront la seule explication possible, celle que je
15 viens de vous donner.
16 M. le Président (interprétation): Merci.
17 Un dernier point: vous avez parlé d'une radiographie qui a été prise dans
18 le centre médical de Visegrad. Est-ce qu'il y a quelque chose, une piste
19 que vous allez suivre, -vraisemblablement que oui-, quelque chose qui
20 pourrait paraître comme étant assez important?
21 M. Domazet (interprétation): Je pense qu'il serait exceptionnellement
22 important de trouver une quelconque radiographie de ce temps-là. Ayant
23 surtout en vue que la radiographie qui est versée, qui a été versée au
24 dossier en tant qu'élément de preuve dans le cadre du dossier médical
25 produit par l'hôpital d'Uzice, eh bien, ce dossier a été mis en doute très
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1 sérieusement; donc qu'il ne s'agissait pas d'une radiographie qui est
2 celle de Mitar Vasiljevic. Donc il serait très important de pouvoir
3 trouver une telle radiographie, parce qu'il y a une radiographie qui a été
4 faite à Visegrad, mais aussi une autre radiographie qui a été faite à
5 Uzice. Or, les témoins en diront plus long.
6 Comme on le sait, la pratique le veut dans les pratiques appliquées en
7 Yougoslavie par le passé et aujourd'hui aussi, eh bien, la pratique veut
8 que ces radiographies ne soient remises au patient seulement s'il s'agit
9 de contrôles qui se produisent en dehors de cette institution initiale.
10 Donc Mitar Vasiljevic était en possession d'un certain nombre de
11 radiographies -enfin, pas peut-être de toutes les radiographies-, mais
12 chez lui, dans sa maison, ces radiographies n'existent plus. Une fois
13 qu'il a dû déménager de l'ancienne vers la nouvelle maison, il les a
14 détruites, enfin, il a détruit toute cette documentation parce qu'il ne
15 croyait pas que cela pourrait lui servir utilement à l'avenir.
16 Mais nous nous efforcerons toutefois de trouver, et si on réussit à le
17 faire dans ces deux semaines à notre disposition, je pense qu'on sera les
18 plus heureux de pouvoir trouver encore une radiographie quelconque.
19 M. le Président (interprétation): Si vous n'êtes pas en mesure de trouver
20 une radiographie, essayez de trouver quelques éléments de preuve en ce qui
21 concerne l'origine des radiographies dont nous avons parlé.
22 Est-ce que vous voulez maintenant convoquer votre client, faire
23 comparaître votre client?
24 (L'accusé, Mitar Vasiljevic, est conduit à la barre.)
25 Veuillez bien vous lever et lire la déclaration solennelle.
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1 M. Vasiljevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
2 vérité, toute la vérité et toute la vérité.
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, vous avez la parole.
4 (Interrogatoire principal de l'accusé, M. Mitar Vasiljevic, par Me
5 Domazet.)
6 M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, je voudrais vous prier
7 tout d'abord de nous donner quelques informations sur vous-même et sur
8 votre famille.
9 Vous êtes né dans le village de Djurevici?
10 M. Vasiljevic (interprétation): Oui.
11 M. Domazet (interprétation): Votre père, Ljubisa, votre mère, Vojka…
12 M. le Président (interprétation): Je vous rappelle qu'il y a toujours des
13 problèmes d'interprétation lorsque vous enchaînez vos réponses et
14 questions. Alors faites une petite pause pour que les interprètes puissent
15 terminer leurs phrases, et qu'on vous donne la possibilité de parler et de
16 vous faire traduire.
17 M. Vasiljevic (interprétation): Oui, je le comprends, Monsieur le
18 Président.
19 M. Domazet (interprétation): Quand est-ce que vous êtes né?
20 M. Vasiljevic (interprétation): Je suis né le 25 août 1954.
21 Question: Avez-vous des frères et des sœurs?
22 Réponse: Oui, un frère et trois sœurs.
23 Question: Monsieur Vasiljevic, pouvez-vous nous dire quelque chose à
24 propos de vos études, à propos de l'apprentissage de l'artisanat que vous
25 avez choisi d'exercer plus tard?
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1 Réponse: J'ai terminé l'école d'hôtellerie, l'école secondaire
2 d'hôtellerie, spécialisée pour la restauration et les garçons de café.
3 Question: Et où est-ce que vous avez travaillé?
4 Réponse: Dans une institution tourisco-hôtelière à Visegrad. L'institution
5 s'appelait Panos.
6 Question: Dès le début, si je vous ai bien compris, vous avez travaillé
7 exclusivement dans cette entreprise?
8 Réponse: Oui, c'est la seule firme dans laquelle j'ai travaillé comme
9 serveur.
10 Question: Cette entreprise, firme, possédait plusieurs cafés, restaurants
11 et hôtels?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Où est-ce que vous avez travaillé, ou plutôt avez-vous travaillé
14 dans les différentes parties de cette entreprise et pendant combien de
15 temps?
16 Réponse: Mes années de service ont commencé dans l'ancienne localité
17 Banja, station thermale à Vilina Vlas, et j'y ai passé à peu près 4 ou 5
18 ans, je ne me souviens plus exactement.
19 Plus tard, j'ai travaillé dans l'hôtel à Visegrad. Enfin, j'ai travaillé
20 dans toutes les branches, toutes les filiales de cette entreprise. Le
21 restaurant Panos, car nous avions un restaurant Panos qui trouvait sous le
22 chapeau de la firme Panos, et ce restaurant se trouvaient au centre de la
23 ville.
24 Ensuite, j'ai travaillé dans le restaurant Usce, U-S-C-E, Brodar, et puis
25 dans un restaurant, une cafétéria appelée Pivnica. Ensuite, mon entreprise
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1 avait son restaurant Drina et là aussi, j'ai passer un certain temps en
2 travaillant. Puis, on avait un restaurant à Dobrun, mais là, je n'y ai
3 jamais travaillé.
4 Brodar, Mezalin, c'était un café, un restaurant routier, mettons.
5 Question: Monsieur Vasiljevic, vous avez mentionné comme votre premier
6 poste de travail dans l'ancienne Banja Vilina Vlas. Est-ce que vous
7 pourriez me dire, cet hôtel qu'on mentionne souvent dans l'affaire, est-ce
8 que cet hôtel appartenait à votre entreprise Panos ou non, à l'époque?
9 Réponse: En 1992, non. Mais avant, il y a eu une division au sein de
10 l'entreprise. Panos est resté Panos, et le complexe de Vilina Vlas est
11 devenu une unité, mettons à part. C'était un centre de récréation et c'est
12 devenu, ce complexe est devenu une sorte d'unité indépendante, centre de
13 récréation, centre thermal, ainsi de suite. Centre de rééducation, un
14 genre de sanatorium.
15 Question: C'est en 1992, donc qu'il s'agissait déjà d'une société séparée,
16 c'était une compagnie qui était s'était détachée de Panos?
17 Réponse: Oui, c'était une compagnie séparée, mais nous étions tout de même
18 tous partie de la compagnie Ehos, E-H-O-S, Sarajevo.
19 Question: Dans votre entreprise, il y a eu très certainement des Serbes et
20 des Musulmans.
21 Réponse: Oui, c'est exact
22 Question: Quels étaient vos rapports avec ces gens? Est-ce que vous avez
23 eu, donc, des rapports spécifiques avec ces gens? Est-ce qu'il y a eu des
24 problèmes? Est-ce que vous vous êtes disputé avec eux sur la base de ces
25 différentes appartenances, origines ethniques?
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1 Réponse: Non. Nos relations étaient très bonnes. Peu importe s'il
2 s'agissait d'un Croate ou d'un Musulman; quand on travaillait ensemble,
3 chacun faisait sa part du travail qui lui incombait.
4 Question: Est-ce que Meho Dzafic travaillait avec vous?
5 Réponse: Meho Dzafic travaillait avec moi jusqu'à sa retraite et on a
6 travaillé ensemble très longtemps. Je pense qu'il a pris sa retraite
7 quelque part en 1990, 1991, donc avant la guerre. Meho était mon maître à
8 l'époque où j'étais apprenti, excellent garçon de café serveur.
9 Question: Et est-ce avec lui que vous avez eu quelques disputes,
10 malentendus?
11 Réponse: Non, non, jamais, pas du tout. Pas le moindre.
12 Meho Dzafic m'a rendu pas mal de services, d'abord en sa qualité de
13 personne qui nous avait appris le métier. Il faut deux ou trois ans de
14 pratique pour apprendre le métier, et dans cette période d'apprentissage
15 Meho m'avait rendu service: il avait une voiture, quand il pleuvait il
16 m'emmenait ou il me ramenait chez moi. Et quand je construisais ma maison,
17 il construisait la sienne; il m'a beaucoup aidé aussi. Donc, c'est une
18 personne avec qui j'ai travaillé pendant de longues années en bonne
19 entente.
20 M. Domazet (interprétation): Quand vous dites: "j'avais été son apprenti",
21 cela veut dire qu'il était votre collègue aîné qui vous donnait des
22 instructions, mais il n'y avait pas de hiérarchie au terme selon lequel il
23 serait votre chef?
24 M. Vasiljevic (interprétation): Non. Lui, il est "maître" et je suis
25 l'apprenti. C'est ce qui est le rapport qui prévalait aux travaux
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1 pratiques. Donc j'avais terminé mes études, j'avais la même qualification
2 que lui du point de vue du métier, mais les garçons de café aînés étaient
3 là pour apprendre aux jeunes comment on desservait le bar, comment on
4 desservait les clients, donc il n'avait pas l'expérience nécessaire pour
5 maîtriser toutes les tâches, et c'est là que les aînés venaient secourir
6 les cadets.
7 M. le Président (interprétation): Vous êtes tous deux à oublier de faire
8 les petites pauses.
9 Monsieur Vasiljevic, nous souhaitons entendre votre témoignage dans son
10 ensemble, et non pas seulement des fragments de celui-ci. Aussi vous
11 demanderai-je de faire des pauses avant que de commencer à répondre, et je
12 vous prie de prêter attention à cela.
13 Et je crains fort, Maître Domazet, que vous également ne perdiez cela de
14 vue, ça et là. Je vous prie d'accorder davantage d'attention à ce fait-là.
15 M. Domazet (interprétation): Certainement.
16 M. Vasiljevic (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président.
17 M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, avez-vous fait votre
18 service militaire dans l'ex-JNA?
19 M. Vasiljevic (interprétation): J'ai fait mon service militaire dans la
20 JNA de l'époque, oui.
21 Question: Où, quand et dans quel service? Dans quel département l'avez-
22 vous fait?
23 Réponse: J'ai fait mon service militaire depuis la fin novembre 1973. J'ai
24 fait toute l'année 1994 et la moitié, et ce, jusqu'à la mi-janvier 1995.
25 Le service militaire durait, à l'époque, 15 mois et j'ai fait mon service
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1 militaire à Skopje.
2 En fait, je m'excuse, j'ai d'abord fait une formation militaire à Djordje
3 Petrov; c'est une petite localité à proximité de Skopje, à quelque 10
4 kilomètres de Skopje. C'était un centre de formation, un centre de
5 formation pour les services d'intendance. Et suite à cette période de
6 formation qui a duré 4 mois et demi, j'ai été transféré vers Stip, la
7 ville de Stip qui se trouve en Macédoine, elle-aussi.
8 Ensuite, nous quatre cuisiniers avons été transférés vers ce que l'on
9 appelait le terrain, un village qui s'appelait Leskovica, et c'est là que
10 nous avons fait le reste de notre service militaire. Nous avions été
11 cuisiniers auprès des services du génie, parce que ces services du génie
12 construisait là-bas une route. C'est donc sur le terrain que nous avons,
13 en quelque sorte, desservi le personnel militaire sur place.
14 Question: Quand vous dites "services d'intendance", est-ce que vous
15 pourriez nous donner des explications complémentaires? Quand vous dites
16 que vous avez été cuisinier, est-ce que cela sous-entend: cuisine,
17 approvisionnement de la cuisine et tous ces services-là? Est-ce bien ce
18 que vous avez fait pendant votre service militaire?
19 Réponse: Oui, la cuisine. Nous étions des cuisiniers.
20 Question: Vous avez également dit, il me semble, que vous êtes parti faire
21 votre service militaire en novembre 1973?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Et ce service militaire durait combien de temps, déjà?
24 Réponse: 15 mois. 15 mois, c'est cela. Mais moi, je n'ai pas fait 15 mois.
25 Je n'ai pas pris mon congé, le congé habituel auquel on a droit et qui
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1 dure 20 jours. Puis j'ai eu 10 jours de congé à titre de récompense, ce
2 qui fait que j'ai pu quitter l'armée avant les 15 mois écoulés.
3 Question: Donc on peut dire que vous êtes sorti vers le mois de janvier
4 1975?
5 Réponse: C'est cela, la mi-janvier, vers la mi-janvier. C'est à cette
6 période-là que j'étais sorti de l'armée.
7 Question: Bien. Je vous ai posé la question parce que dans le compte rendu
8 d'audience, et peut-être avez-vous fait l'erreur de parler de 1995 et
9 c'est, de façon évidente, une erreur.
10 Réponse: Oui, c'est une erreur: c'est bien de l'année 1975 qu'il s'agit.
11 Question: Merci. Quand avez-vous eu une famille à vous?
12 Réponse: Eh bien, je me suis marié en février 1988.
13 Question: Où avez-vous vécu, à compter de la date de votre mariage?
14 Réponse: J'ai résidé à Visegrad mais même avant le mariage, j'ai résidé à
15 Visegrad.
16 Question: Et vous êtes resté dans la même maison que celle où vous aviez
17 vécu jusque-là?
18 Réponse: Oui, dans la même maison. C'est, de toute façon, une maison qui
19 est la maison familiale. Et j'étais seul à y habiter.
20 Je puis, d'ailleurs, vous donner certains détails. C'est une maison que
21 mon père avait achetée et j'avais résidé là. Nous avions convenu, par la
22 suite, que je construirais ma propre maison. Mon père a ensuite enregistré
23 la maison au nom de mon frère, puis m'a aidé autant qu'il le pouvait. Une
24 fois les conditions réunies, j'étais censé déménager dans ma maison et
25 laisser celle-là à mon frère. Et, de nos jours, mon frère est le
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1 propriétaire de cette maison. Il n'y réside pas, il réside à Belgrade.
2 Il est plus jeune que moi. Il a commencé à travailler à Belgrade après ses
3 études, et il n'a plus jamais eu besoin d'un pied-à-terre à Visegrad.
4 Question: Donc, vous n'avez résidé que dans une maison qui avait été
5 achetée par votre père et que votre père avait destinée à votre frère
6 cadet, en attendant que vous construisiez la vôtre?
7 Réponse: C'est cela. J'ai vécu dans cette maison depuis 1976. C'est en
8 1976 que la maison a été achetée, je crois. Peut-être en 19... Non, non,
9 c'est bien en 1976.
10 Question: Donc il avait été convenu que, à côté de cette maison-là, avec
11 l'aide de votre père, vous construisiez une autre maison et la maison où
12 vous trouviez devait être rétrocédée à votre frère? C'est bien ce qui
13 était convenu, n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Et l'autre maison, vous l'avez construite jusqu'à... Enfin, sa
16 construction a duré jusqu'à il n'y a pas longtemps, n'est-ce pas?
17 Réponse: Je l'ai construite très longtemps, j'ai construit cette maison
18 pendant 15 ans. Il est vrai que je n'étais pas pressé; je n'avais
19 nullement besoin de me presser car j'avais où habiter. Donc, à chaque fois
20 que je le pouvais, je faisais un bout du travail à effectuer. Et pour ce
21 qui est de cette nouvelle maison, je n'y ai personnellement jamais habité.
22 C'est ma famille qui y vit actuellement.
23 J'ai terminé sa construction, puis je l'ai louée aux soldats de la Sfor,
24 aux soldats français de la Sfor, ce qui fait que ces soldats ont été les
25 premiers locataires de la maison qui se trouve juste à côté de celle où
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1 j'habitais, à 5 ou 6 mètres de l'ancienne. Et je n'ai, personnellement,
2 jamais habité dans cette nouvelle maison. Maintenant, ma famille réside
3 dans cette maison.
4 Question: Donc, pendant 15 ans, avec l'aide de votre père, vous avez
5 construit cette maison. Et les premiers locataires de cette maison avaient
6 été des soldats français appartenant à la Sfor, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Avant votre arrestation, avant que de venir à La Haye, pour
9 combien de temps aviez-vous loué cette maison?
10 (Le témoin pleure.)
11 Réponse: Je crois qu'il s'agissait du 14 juillet de l'année 1999.
12 Question: Donc, ces soldats ont résidé dans votre maison pendant quelque 6
13 mois, n'est-ce pas?
14 Réponse: Jusqu'au 5 janvier 2001.
15 M. Domazet (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous
16 vous êtes marié et quand est-ce que vos enfants sont nés?
17 M. Vasiljevic (interprétation): Réponse: Je crois vous avoir dit que je
18 m'étais marié en février 1988. J'ai eu mon premier enfant, une fille... En
19 fait, mon premier enfant était un garçon, mais cet enfant est mort en
20 1979; c'est un enfant mort-né. Puis j'ai eu une fille le 14 juillet 1980.
21 Puis un troisième enfant, une fille encore. Cette fille-là est morte
22 également. Ma femme avait beaucoup de difficulté, beaucoup de peine à
23 accoucher. Et le quatrième enfant, un garçon, est venu au monde grâce à
24 une césarienne en 1988. Ce qui fait que, Dieu merci, j'ai deux enfants en
25 vie: un fils et une fille.
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, les dates, d'après ce
2 que nous avons reçu comme interprétation, sont un peu étranges.
3 Le premier enfant était un garçon mort-né en 1989; cela me semble bon.
4 Puis, je crois que vous avez dit que la fille est née le 14 juillet 1980,
5 puis une troisième date que nous n'avons pas, et un quatrième enfant en
6 1988. Je crois qu'il y a là une confusion soit au niveau de
7 l'interprétation ou au niveau de ce que le témoin a dit.
8 M. Vasiljevic (interprétation): Le premier enfant est né en 1979 et non
9 pas en 1989, parce que mon deuxième enfant- ma fille- est née en 1980.
10 Donc j'ai fait une erreur de 10 ans seulement.
11 M. Domazet (interprétation): Vous êtes-vous trompé au niveau de votre date
12 de mariage, Monsieur Vasiljevic, parce que, ici, dans le compte rendu, on
13 dit 1988?
14 M. Vasiljevic (interprétation): Je m'excuse, je voulais dire 1978, pas
15 1988.
16 M. le Président (interprétation): Les choses sont claires à présent.
17 M. Vasiljevic (interprétation): Tout à fait.
18 M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, je voudrais maintenant
19 vous poser certaines questions concernant un sujet qui semble revêtir pas
20 mal d'importance dans cette affaire, à savoir cette relation de "kum"
21 entre votre famille et la famille des Lukic, originaire du village de
22 Rujiste. Pouvez-vous nous parler et nous expliquer cette relation, et
23 depuis quand la relation de "kum" avait-elle été mise en place entre vos
24 familles respectives?
25 M. Vasiljevic (interprétation): Je ne saurais vous apporter de réponse
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1 exacte quant au début même de ces relations de "kum". Je crois que mon
2 père, en tout état de cause, ne le savait pas, mais je crois que mon
3 grand-père ne le savait pas non plus.
4 Je tiens à dire qu'il n'y avait pas que ma maison, la maisonnée des
5 Vasiljevic à nous, qui avait des relations de ce type avec les Lukic. Je
6 crois que les autres familles Vasiljevic qui faisaient partie du village
7 avaient été en rapport de "kum" avec les Lukic du village de Rujiste; les
8 uns baptisaient les enfants des uns, les autres étaient témoins au mariage
9 des autres. Ce qui fait que ces relations étaient si entremêlées que
10 toutes les familles des Vasiljevic et des Lukic étaient "kum" les unes des
11 autres. De là à vous dire quand est-ce que les choses ont commencé, je ne
12 saurais le faire. Mais cela date de très longtemps.
13 Question: Par conséquent, si je vous ai bien compris, votre grand-père non
14 plus ne se souvenait pas des débuts de ces rapports de "kum"? Vous seriez
15 d'accord avec moi pour dire que ces relations datent d'il y a plus de cent
16 ans, n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et si je vous ai bien compris aussi, ces rapports de "kum" sont
19 en vigueur pour toutes les familles appartenant au clan des Lukic et au
20 clan des différentes familles Vasiljevic et Djurevic, quelque que soit le
21 village ou le site où ces familles sont venues à résider à un moment
22 quelconque, n'est-ce pas?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Donc, Milan Lukic était l'un des membres de cette famille Lukic,
25 donc de l'une des familles avec laquelle votre famille était en rapport de
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1 "kum"?
2 Réponse: Oui. Lui, son frère et sa sœur ont été baptisés par mon père. Ou,
3 je m'excuse, mais il se peut que cela ait été mon grand-père et non pas
4 mon père. Je ne sais plus au juste parce que, en fait, je sais que c'est
5 ma famille qui a baptisé ces enfants-là.
6 Question: Mais depuis combien de temps connaissiez-vous Milan Lukic avant
7 ce mois de mai 1992?
8 Réponse: J'avais connu Milan Lukic alors qu'il était encore élève,
9 lorsqu'il allait à l'école élémentaire à Visegrad. Donc je l'avais connu
10 enfant. Et lorsqu'il a terminé ses études secondaires, il allait faire son
11 service militaire, je pense. Puis, il est parti en Suisse et je ne l'ai
12 plus revu, je ne sais plus, mais jusqu'en 1992.
13 Maintenant, de là à savoir quel genre d'homme cela était, je ne sais pas
14 vous le dire. D'abord parce que c'était quelqu'un de bien plus jeune que
15 moi; il avait je crois 13 ans de moins. Nous ne nous fréquentions pas,
16 nous n'appartenions pas à la même génération. Puis, comme il n'était pas à
17 Visegrad, comme il était parti pour la Suisse, il en a été ainsi.
18 Question: Donc, suite à ses classes secondaires et à son service
19 militaire, il a quitté la région de Visegrad d'une manière générale,
20 n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Il a travaillé en Suisse. Mais sauriez-vous nous dire quelle
23 était la ville de résidence, sa ville de résidence? Parce que c'est une
24 chose notoirement connue que de dire que les gens, tous les gens d'origine
25 yougoslave travaillant à l'étranger avaient un lieu de résidence dans le
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1 pays.
2 Réponse: Je m'excuse, je n'ai pas compris votre question. Ah oui, oui,
3 oui, vous avez parlé de sa résidence. Est-ce que vous vouliez dire: est-ce
4 qu'il était enregistré comme étant citoyen de Visegrad, tout en
5 travaillant et résidant provisoirement en Suisse?
6 Question: C'est cela.
7 Réponse: C'est bien ce que j'ai compris.
8 Question: Non, Monsieur Vasiljevic, ma question n'avait pas porté sur son
9 lieu de résidence formelle, sur papier. Mais je vous demanderai de nous
10 dire où est-ce qu'il avait été résident, porté résident en Yougoslavie, en
11 ex-Yougoslavie, alors qu'il travaillait provisoirement en Suisse.
12 Réponse: Je crois qu'il avait fini par s'acheter un appartement à Belgrade
13 à l'époque où il avait travaillé en Suisse.
14 Question: Et, compte tenu du fait qu'on parle souvent d'Obrenovac, est-ce
15 que Obrenovac a quelque chose à voir avec Milan Lukic?
16 Réponse: De là à savoir s'il avait travaillé à Obrenovac avant de partir
17 en Suisse, ça c'est une chose que je ne sais pas. Ce que je sais, c'est
18 que son frère cadet avait travaillé à Obrenovac, qu'il avait été
19 enseignant là-bas. Mais pour ce qui est de Milan, je ne sais pas. Je ne
20 sais pas qu'il a travaillé effectivement là-bas. Cela se peut. Il se peut
21 qu'il ait travaillé là-bas avant de partir en Suisse, si tant est qu'il y
22 a effectivement travaillé.
23 Question: Oui?
24 Réponse: Et j'entends préciser que Belgrade et Obrenovac se trouvent non
25 loin l'un de l'autre.
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1 Question: Cette famille Lukic, c'était une famille très nombreuse, si j'ai
2 bien compris?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Votre réponse à ma réponse précédente est-elle bien la suivante:
5 à l'époque où Milan Lukic avait travaillé en Suisse, il avait un
6 appartement à Belgrade. Il était donc résidant de la ville de Belgrade et
7 non plus de celle de Visegrad?
8 Réponse: C'est cela. Il est exact de dire qu'il possède un appartement à
9 Belgrade. Et ce, dans la cité de Bezanijska Kosa.
10 Question: Et dans cette période, entre mai 1992 et par la suite, avez-vous
11 eu l'opportunité de le revoir?
12 Réponse: Je m'excuse. Est-ce que vous vouliez dire avant le mois de mai ou
13 après le mois de mai?
14 Question: Avant le mois de mai 1992?
15 Réponse: Non, non, notamment au cours de l'année ou des deux années qui
16 ont précédé mai 1992. Peut-être ne l'ai-je pas vu pendant les cinq années
17 qui ont précédé mai 1992, je n'en sais rien.
18 M. Domazet (interprétation): Merci. Mais étant donné que je touche à la
19 fin d'un sujet que j'avais entamé, je pense qu'il serait l'heure de faire
20 une pause.
21 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons procéder à une
22 pause jusqu'à 11 heures 30.
23 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 30.)
24 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Domazet, vous pouvez
25 continuer.
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1 M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, s'agissant de vous
2 personnellement, de votre état de santé, on a relaté ici des données
3 concernant certaines de vos blessures et fractures. Vous vous êtes donc
4 cassé la jambe en 1992, le 14 juin 1992, pendant que vous montiez à
5 cheval, est-ce exact?
6 M. Vasiljevic (interprétation): Oui.
7 Question: Avez-vous jamais eu une blessure de ce genre, fracture de la
8 jambe, dans une période antérieure?
9 Réponse: Jamais, très certainement. Non, jamais de fracture de jambe ou de
10 bras, même pas de doigt de la main.
11 Question: Et après 1992?
12 Réponse: Je me suis cassé la jambe en 1992, et la même jambe gauche en
13 1993.
14 Question: Dans quels hôpitaux avez-vous été traité à ces deux reprises?
15 Réponse: Les deux fractures de la jambe, je les ai traitées dans l'hôpital
16 à Uzice.
17 Question: Est-ce que, dans cet hôpital d'Uzice, vous y avez été pour un
18 autre traitement quelconque?
19 M. Vasiljevic (interprétation): En 1976, j'y étais alité en raison de
20 l'élargissement, de l'agrandissement de mes glandes lymphatiques. J'y ai
21 passé deux mois. Ensuite, j'ai été transféré à Sarajevo dans l'hôpital
22 connu comme l'hôpital Podhrastovima, P-O-D-H-R-A-S-T-O-V-I-M-A. Là, j'ai
23 suivi un traitement. Et ensuite, dans un autre hôpital, vers 1980, j'ai
24 été traité pour ma maladie d'alcoolisme. Je pense que j'ai été à trois
25 reprises dans le service neuropsychiatrique de l'hôpital à Uzice. Puis, en
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1 1992, si je ne me trompe pas, c'était mon quatrième passage, séjour dans
2 cet hôpital.
3 M. Domazet (interprétation): Donc, à ces trois occasions, avant 1992, est-
4 ce que vous avez été traité dans les trois cas pour raison d'alcoolisme?
5 M. le Président (interprétation): Reprenez votre question, Maître Domazet,
6 il n'y a pas eu de réponse.
7 M. Domazet (interprétation): Lorsque vous parlez de ces trois occasions
8 pendant lesquelles vous étiez à l'hôpital avant 1992, est-ce que, dans les
9 trois cas, vous avez été traité pour des raisons d'alcoolisme?
10 M. Vasiljevic (interprétation): 1976, à deux reprises. C'était un oedème
11 des glandes lymphatiques, et ensuite je suis repassé à trois reprises dans
12 le service neuropsychiatrique. Là, j'étais traité pour ma maladie
13 d'alcoolisme.
14 Question: A part ces traitements médicaux, donc ces jours à l'hôpital,
15 est-ce que vous avez été traité à l'intérieur d'un dispensaire?
16 Réponse: Oui, à Visegrad.
17 Question: Monsieur Vasiljevic, pourriez-vous nous relater vos réactions
18 lorsque, alcoolisé, alcoolisé à différents degrés, quelles étaient vos
19 réactions? Enfin, qu'est-ce que vous pouvez nous dire à propos? Quel a été
20 votre comportement, dans ces circonstances-là?
21 Réponse: Si je me mets à boire, j'y renonce difficilement. J'ai envie de
22 boire. Si donc je me trouve dans un état de difficulté et si je ne me
23 rends pas dans une ambulance, dans un dispensaire pour recevoir une
24 perfusion, et si je me mets à manger, alors là, je finis par me rétablir,
25 en quelque sorte.
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1 J'étais dépendant, je ne pouvais pas me détacher de l'alcool. Et puis, par
2 la suite, je devais rester au lit pendant quelques jours; je ne pouvais
3 pas manger, j'avais besoin de l'alcool.
4 Question: Dans ces situations-là et dans ces états, est-ce que vous
5 deveniez agressif?
6 Réponse: Non. J'aimais être entouré de gens, boire en compagnie. J'aimais
7 boire, peu importe avec qui. Si j'avais assez d'argent, j'étais prêt à
8 dépenser tout cet argent pour boire. Et tout le monde me connaissait comme
9 quelqu'un qui se soûlait et qui, quand il buvait, buvait vraiment. Et puis
10 les gens me plaignaient, mes collègues me faisaient des reproches.
11 Question: Je le comprends mais concrètement parlant est-ce que, dans ces
12 situations-là, vous étiez agressif vis-à-vis de votre entourage?
13 Réponse: Non. Tout simplement, j'avais besoin de l'alcool, boire, mais je
14 ne taquinais personne, je ne touchais à personne. Et même ivre, j'arrivais
15 à accomplir mon travail. J'allais souvent, peut-être, au bar prendre un
16 verre, et cela à plusieurs reprises, un ou deux verres. Mais, ivre-mort,
17 il m'arrivait de ne pas pouvoir travailler.
18 Question: Quand je vous demande de me dire si vous étiez agressif...
19 Réponse: Non.
20 Question: Veuillez bien attendre la fin de ma question. Donc, dans ces
21 conditions-là, est-ce que vous étiez agressif, est-ce que vous vous
22 attaquiez à d'autres personnes?
23 Réponse: Non, j'aimais chanter, enfin, jamais je n'offensais qui que ce
24 soit.
25 Question: Est-ce qu'il vous arrivait, dans cette condition dans laquelle
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1 vous vous trouviez, de vous délier la langue, de ne pas pouvoir vous
2 contrôler et d'injurier quelqu'un dans votre entourage?
3 Réponse: Pour dire franchement, au début, quand j'étais plus jeune, je
4 savais, même ivre-mort, quel que soit le café, quelles que soient les
5 personnes avec moi, comment je suis rentré chez moi, enfin, ce sont des
6 choses que je connaissais. Mais, plus tard, je ne me souvenais plus de ces
7 détails-là, je ne me souvenais pas des personnes avec lesquelles j'étais,
8 qui m'ont ramené chez moi. Enfin, je ne me souvenais pas de tout ce qui se
9 passait et puis, il y a bien des choses qui se sont passées.
10 Ma réponse est non.
11 Question: Quand vous dites que jeune homme ou plus jeune, votre seuil de
12 tolérance était plus élevé, et donc que vous vous souveniez des événements
13 et que plus tard cela n'était plus le cas, est-ce que vous vous souvenez
14 que parfois, dans ces conditions que vous subissiez, et lorsque vous étiez
15 assez jeune, vous avez commis une infraction qui vous a amené dans une
16 prison?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Est-ce qu'il s'agissait d'une chanson offensante que vous avez
19 chantée en compagnie d'autres personnes qui ont dû répondre de concert
20 avec vous?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Quel âge aviez-vous à l'époque, Monsieur Vasiljevic?
23 Réponse: A peine 19 ans, 18 ans et 11 mois. Oui, peut-être même 18 ans et
24 10 mois, à peu près ça.
25 Question: Mais vous étiez déjà à l'âge majoritaire à cette époque, et vous
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1 avez été condamné à la peine de prison que vous avez purgée?
2 Réponse: Oui.
3 Question: C'était la fois unique que vous avez été condamné à une peine de
4 prison que vous avez par la suite purgée?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Monsieur Vasiljevic, nous passons à un autre volet. Il s'agit de
7 Visegrad, à la veille de l'arrivée du Corps d'Uzice, début avril 1992.
8 Pourriez-vous, mais très brièvement, nous décrire ce que vous faisiez à
9 l'époque et ce qui se passait, très succinctement, à Visegrad dans ces
10 temps-là?
11 Réponse: Avant le Corps d'Uzice, son arrivée plus précisément, il y a
12 certaines choses qui se sont déclenchées: il y a eu séparation des milices
13 de la police musulmane et serbe, elles ne travaillaient plus ensemble.
14 Enfin, je ne sais pas si cela concernait la totalité des effectifs de la
15 police.
16 Puis, cela a été suivi d'une tension. Le 10 ou le 11, on a entendu
17 proférer des menaces. J'étais chez moi, à la maison. On allait ouvrir les
18 vannes de la centrale. J'ai entendu une conversation de ce genre qui a été
19 radiodiffusée. Les gens sont devenus très paniqués, personne n'allait
20 croire, mais il y a eu ce fléau d'eau. Est-ce qu'il y avait quelqu'un dans
21 la ville, Serbe ou Musulman? Je sais que nous nous sommes retirés vers le
22 village d'Omar, nous autres qui sommes originaires d'un autre village. Eh
23 bien, il y a eu des policiers serbes qui ont été appréhendés à l'époque,
24 enfin effectifs réguliers, et une partie appartenait aux effectifs de
25 réserve. Enfin, ils sont allés voir ce qui se passait avec la centrale
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1 dans les hauteurs, dans les parages. Enfin, je ne sais pas ce qui s'est
2 passé, mais je sais qu'ils ont été capturés.
3 Question: Monsieur Vasiljevic, cet événement qui s'est produit, est-ce
4 qu'il a entraîné la population à quitter la ville, tant la population
5 serbe que la population musulmane?
6 Réponse: Je ne me rendais pas en ville. Je ne pouvais pas dire que tout le
7 monde était parti, mais il y a une majorité qui était partie et
8 vraisemblablement qu'il s'agissait de Serbes et de Musulmans. Si on avait
9 ce fléau d'eau, personne ne pourrait s'en accommoder.
10 Question: Si je vous comprends bien, Monsieur Vasiljevic, même avant cela
11 vous aviez quitté vous-même Visegrad et vous étiez dans les alentours de
12 Visegrad. Lorsque vous dîtes Kalate, est-ce que c'est un quartier, un
13 faubourg, une partie de Visegrad où se trouve votre maison?
14 Réponse: Oui.
15 Question: A quelle distance cela se trouvait-il, par rapport à votre
16 maison?
17 Réponse: Vous voulez dire le lieu sur lequel nous nous sommes rendus,
18 après avoir quitté Kalate?
19 Question: Oui.
20 Réponse: Pas tellement loin, une colline à franchir, 500, 600 mètres.
21 C'est donc ce village que j'ai mentionné qui s'appelle Omar. Et puis, là,
22 on ne se sentait pas sûr. Des Serbes de la ville y venaient également, et
23 donc nous avons pris de la route de Banja, à 3 kilomètres dans le village
24 Jelasica.
25 Question: Pourquoi ce lieu n'était pas sûr, sécurisé, comme vous le dites?
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1 Dans quel sens ce lieu n'a pas été sécurisé?
2 Réponse: Eh bien, on a capturé la milice serbe. La population s'évadait,
3 prenait la direction de la frontière avec la Serbie, et nous aussi on a dû
4 suivre. On avait peur.
5 Question: Lorsque vous dites: "La population se dirigeait vers la
6 frontière avec la Serbie", à quelle population pensez-vous? Population
7 serbe, population musulmane, les deux à la fois?
8 Réponse: Les Serbes étaient plus nombreux, mais il y avait aussi des
9 Musulmans qui s'enfuyaient vers la Serbie, dans le centre thermal Banja.
10 Eh bien, là, il y a des gens qui se sont tout simplement dirigés
11 totalement vers la frontière avec la Serbie. Ils se regroupaient, y
12 compris les patients du centre thermal. Ils se sont tous regroupés au
13 point frontalier.
14 Question: Est-ce que dans ce village, Jelasica, ou dans les alentours
15 comme vous le dites, est-ce que c'est là que vous avez entendu parler de
16 l'arrivée du Corps d'Uzice?
17 Réponse: Oui, c'est à la hauteur de ces villages que nous avons entendu
18 parler de l'arrivée du Corps d'Uzice.
19 Question: D'après vos observations personnelles, vos connaissances
20 personnelles, est-ce que cette arrivée du Corps d'Uzice a exercé une
21 influence sur l'amélioration de la situation dans la ville de Visegrad et
22 les alentours de la ville, influence dans le sens de "calmer" la situation
23 ou vice-versa?
24 Réponse: Une fois arrivé, la situation s'est calmée quelque peu; il n'y a
25 plus eu cette haute tension qui régnait. Ils invitaient les deux
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1 populations, toute la population serbe et musulmane, à reprendre leur
2 travail.
3 Question: Est-ce qu'ils reprenaient leurs activités, leur travail
4 régulier? Est-ce qu'ils retournaient dans la ville?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Vous, personnellement, vous souvenez vous, Monsieur Vasiljevic,
7 d'un incident plus sérieux qui se serait produit à l'époque, pendant que
8 le Corps d'Uzice était encore dans la ville d'Uzice?
9 Réponse: Avant l'arrivée du Corps d'Uzice, une première victime a été un
10 Serbe âgé autour de 25 ans, nom de famille Indjic, Mico prénom. Je pense
11 que Mico Indjic était la première victime.
12 Question: Oui, mais vous parlez de cette période à la veille même de
13 l'arrivée du Corps d'Uzice où vous avez signalé cette tension qui régnait
14 à Visegrad.
15 Mais ma question a été, plutôt: est-ce que, pendant le séjour du Corps
16 d'Uzice à Visegrad, il y a eu des incidents plus sérieux dans la ville de
17 Visegrad elle-même?
18 Réponse: Je ne le sais pas vraiment. Je n'ai pas entendu parler
19 d'incidents sérieux. Enfin, il y avait là les commandants, l'armée était
20 placée sous un certain commandement. Peut-être qu'il y a eu une victime
21 par-ci, par-là, Smajic et son épouse. Enfin, je ne sais pas comment cela
22 s'est produit. Smajic Medo, c'est la personne dont il est question -enfin,
23 je pense.
24 Question: Monsieur Vasiljevic, est-ce que les soldats du Corps d'Uzice
25 avaient leur point de contrôle militaire sur les axes routiers? Et si la
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1 réponse est oui, est-ce que l'un de ces points de contrôle militaire se
2 trouvait à proximité de votre maison?
3 Réponse: Oui. Ils avaient leur point de contrôle militaire d'habitude sur
4 les ponts, les croisements, les bifurcations routières. Et il y avait un
5 point de contrôle qui se trouvait dans le village d'Omar. Ce point de
6 contrôle militaire y était installé pendant dix jours et puis transféré
7 dans le village de Sase.
8 Question: La rue où se trouve votre maison, c'est bien la rue de Vojvode
9 Stepe, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Cette rue-là, constitue-t-elle l'axe principal ou le seul axe
12 possible partant de Visegrad pour se diriger vers Sase/Vilina Vlas et
13 Prelovo?
14 Réponse: C'est la seule et unique route si l'on va en voiture; si l'on est
15 à pied, on peut passer par la forêt bien sûr.
16 Question: Parlant du point de contrôle situé à proximité de votre maison,
17 sur la route donc, ou sur la rue qui passe par le site où se trouvait
18 votre maison, aviez-vous quelques tâches à accomplir, quelques
19 permanences, quelques tâches de contrôle, de vérification des papiers?
20 Réponse: Non, non, nous ne pouvions pas faire partie de ces effectifs-là.
21 Ces gens-là avaient leur propre unité de l'armée, leur commandement à eux,
22 et ils ne nous avaient pas demandé de faire quoi que ce soit.
23 Question: Veuillez me dire, Monsieur Vasiljevic, ce qui s'est passé, ce
24 qui est advenu suite au départ du Corps d'Uzice et s'agissant de vous-
25 même?
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1 Réponse: Après le départ du Corps d'Uzice, j'ai reçu une convocation, une
2 convocation afférente à la mobilisation. Il s'agissait pour moi de venir
3 me présenter dans les locaux de l'école à Prelovo.
4 Question: Et avez-vous répondu présent à cet appel-là?
5 Réponse: Oui.
6 Question: A cette époque-là, disposiez-vous d'un uniforme de réserviste de
7 la JNA chez vous, à la maison?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Aviez-vous pris avec vous l'uniforme en question pour y aller?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Veuillez nous décrire le type d'uniforme dont il s'agissait.
12 Réponse: Il s'agissait de l'uniforme de l'ex-armée populaire yougoslave,
13 JNA. C'est ce que l'on appelait l'uniforme SNB.
14 (Interprète: Il s'agit d'un uniforme vert olive.)
15 C'était l'uniforme que l'on m'avait confié quelque 10 ans auparavant. Nous
16 recevions tous ce type d'uniforme, Serbes et Musulmans confondus, du temps
17 de l'existence de cette ex-Yougoslavie. C'est ce que nous avions à garder
18 chez nous, moyennant signature d'un bordereau de réception. C'est ce qui
19 était attribué aux effectifs de réserve. Et notamment, une fois passé le
20 cap des 30 ans, on faisait partie des effectifs de la réserve. J'avais
21 donc cet uniforme chez moi depuis une bonne dizaine d'années, cet uniforme
22 vert olive.
23 Je n'étais pas le seul à avoir un uniforme, nous en avions un chacun.
24 Question: Serait-il exact de dire que tous les réservistes de l'époque
25 avaient un uniforme chez eux, et étaient censés venir avec cet uniforme,
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1 portant cet uniforme, lorsqu'ils étaient convoqués pour des exercices
2 militaires?
3 Réponse: Je ne sais pas vous dire si tous avaient des uniformes chez eux,
4 mais la plupart des réservistes avaient effectivement des uniformes chez
5 eux. Certains en avaient reçu, peut-être, par la suite.
6 Question: Quand vous avez dit qu'il s'agissait d'un uniforme vert olive de
7 l'ex-JNA, s'agissait-il d'un uniforme uni, de couleur vert olive, plutôt
8 de teinte claire?
9 Réponse: Oui, c'était un uniforme de teinte unie.
10 Question: Pouvez-vous me dire de quel type d'unité s'agissait-il là-bas, à
11 Prelovo, là où vous étiez envoyé?
12 Réponse: Il s'agissait d'une section appartenant à l'intendance.
13 Question: Qu'est-ce que cela veut dire au juste, Monsieur Vasiljevic?
14 Réponse: Il y avait moi-même et un autre cuisinier, nous avions un aide et
15 un chauffeur; il y avait encore avec nous un infirmier. Donc nous étions,
16 en tout et pour tout, cinq.
17 Question: Vous souvenez-vous des noms de ces gens ou de certaines de ces
18 personnes?
19 Réponse: Oui, je me souviens de tous les noms.
20 Question: Pouvez-vous nous dire de qui vous vous souvenez, au juste?
21 Réponse: Le chef-cuisinier était un vieux cuistot qui avait travaillé dans
22 des cantines de sociétés, en Serbie notamment, Vaso Vojnovic; je ne sais
23 pas s'il est à la retraite maintenant. Le chauffeur, c'était un parent à
24 lui qui avait travaillé comme chauffeur dans la société d'exploitation
25 forestière Sumarstvo, et qui s'appelait Obren Vojnovic. L'aide, lui,
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1 s'appelait Dragisa Lindo. L'infirmier s'appelait Stevo Grujic. Et il y
2 avait moi.
3 Question: Vous souvenez-vous de quelqu'un encore qui se trouvait sur
4 place, mais qui ne faisait pas directement partie de votre unité?
5 Réponse: Oui, il y avait quelqu'un qui était chargé d'enregistrer les
6 personnes faisant partie de l'unité: Simic Dragan. Il y avait un certain
7 Papic qui était une sorte de commandant, Krsta Papic. Il y avait là le
8 siège du commandement.
9 Question: Pouvez-vous nous décrire, Monsieur Vasiljevic, ce qu'avaient été
10 vos tâches pendant que vous étiez à Prelovo?
11 Réponse: Lorsque je suis arrivé là-bas, nous avons été répartis et le
12 cuisinier en chef était Vaso Vojnovic . Pour ma part, j'avais été chargé
13 de l'approvisionnement en denrées, de l'approvisionnement en vaisselle
14 parce que c'était au tout début.
15 J'avais également pour tâche d'aider à la cuisine chaque fois que j'étais
16 là, et c'est ainsi que j'avais commencé à faire de la cuisine.
17 Les choses ne se passant pas comme il fallait, nous avons déménagé vers
18 une maison qui se trouvait à proximité. Donc, nous nous sommes en quelque
19 sorte dissociés du site-même où se trouvait l'armée. C'est là que nous
20 préparions les plats.
21 J'avais été chargé, pour ma part, d'amener la nourriture, les plats, avec
22 le chauffeur Obrenovic, vers les lignes de combat. Nous avions donc
23 procédé ainsi. Nous avions transporté les vivres vers les lignes de front
24 qui se trouvaient vers le village de Blace. Nous emmenions là-bas
25 notamment le déjeuner et le soir un dîner sauf si, pour le dîner, il était
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1 prévu de distribuer un repas sec, par exemple, une boîte de conserve ou
2 autre chose de ce genre. Alors, nous distribuions cela en même temps que
3 le repas de midi, ce qui fait que le soir, nous n'avions pas à nous
4 déplacer à nouveau.
5 Question: Cette distribution de denrées alimentaires sur les lignes de
6 front avait-elle été périlleuse pour vous, à l'époque?
7 Réponse: Oui, j'avais personnellement assez peur, surtout la nuit. Le
8 jour, je n'avais pas si peur que cela mais la nuit, j'avais du mal à me
9 décider d'y aller. Mais il fallait bien y aller.
10 Question: Vous étiez-vous plaint de ce problème-là auprès de vos
11 supérieurs?
12 Réponse: Oui.
13 Question: J'ai omis de vous demander, dès le début de ce sujet concernant
14 Prelovo, si vous aviez reçu une arme quelconque. Etait-ce le cas?
15 Réponse: Non. J'avais un fusil mitrailleur que l'on m'avait confié avant
16 que je ne fasse le déplacement vers Prelovo. Lorsque je suis arrivé à
17 Prelovo, j'ai restitué ce fusil mitrailleur. Par la suite, je me suis vu
18 confier un fusil automatique.
19 Question: Et ce fusil automatique, vous le portiez sur vous pendant que
20 vous étiez à Prelovo, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Pour des raisons de travail, ou raisons tout à fait autres,
23 avez-vous fait quelques déplacements de Prelovo vers Visegrad, ou pas?
24 Réponse: Oui, nous partions là-bas pour des approvisionnements et nous y
25 sommes allés peut-être deux fois pour transporter du matériel plus
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1 encombrant tel que de la vaisselle, des cuisinières, donc du matériel de
2 cuisine.
3 Question: Pendant votre exposé, vous nous aviez dit que vous n'aviez pas
4 de permis de conduire et que vous ne saviez pas conduire. Qui est-ce qui
5 était au volant?
6 Réponse: C'était Obrenovic qui se trouvait au volant de la fourgonnette.
7 Question: C'étaient donc des déplacements de service de Prelovo à Visegrad
8 et retours pour les besoins de la cuisine militaire, n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous est-il arrivé de vous rendre à partir de Prelovo pour aller
11 chez vous y passer quelque temps, puis pour revenir par la suite vers
12 l'unité?
13 Réponse: Oui, quand il arrivait d'avoir un moyen de transport. Si je me
14 débrouillais pour me trouver un moyen de transport, on me permettait de
15 rentrer chez moi et d'y rester jusqu'au lendemain.
16 Question: Si j'ai bien compris, lorsque votre travail à Prelovo le
17 permettait et lorsque vous vous trouviez un transport, il vous arrivait de
18 rentrer le soir chez vous pour revenir le lendemain matin, n'est-ce pas?
19 Réponse: Oui. Mais nous ne pouvions pas nous servir de la fourgonnette
20 pour nos besoins à nous, ça non. Nous pouvions nous en servir seulement si
21 nous avions besoin de quelque chose pour la cuisine mais pour nos besoins
22 personnels, il n'en était pas question.
23 Question: Mais comment, en ces occasions-là, faisiez-vous pour faire un
24 saut jusqu'à chez vous?
25 Réponse: Mais, eh bien, d'habitude j'arrêtais quelqu'un à un véhicule qui
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1 passait. Je me faisais transporter ainsi.
2 Question: Monsieur Vasiljevic, vous souvenez-vous qu'à l'époque, une fois,
3 vous avez été emmené de Prelovo vers chez vous par Milan Lukic en
4 personne?
5 Réponse: Oui.
6 M. Domazet (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand est-ce que cela a
7 eu lieu et si vous vous étiez arrêté à quelque endroit, chemin faisant?
8 M. Vasiljevic (interprétation): C'était vers la fin du mois de mai. Je me
9 trouvais sur la route, sur les hauteurs, là-bas, et j'attendais. Milan
10 Lukic est arrivé en provenance des régions sur les hauteurs de Prelovo, et
11 il y avait encore deux véhicules. Je les ai arrêtés pour leur demander de
12 m'emmener vers Visegrad.
13 Lorsque nous étions arrivés à proximité du village de Musici -et le
14 village de Musici par rapport à Prelovo se trouve à quelque trois ou
15 quatre kilomètres, je ne sais pas vous dire exactement-, il avait dit: "Je
16 dois m'arrêter ici pour voir si quelqu'un n'aurait pas en sa possession
17 des armes, parce qu'il semblerait que quelqu'un aurait auparavant ouvert
18 le feu en direction d'une patrouille de la police".
19 Alors, on m'avait dit: "Mais toi, Milan, tu n'as rien à voir avec, ce
20 n'est pas sur toi qu'on a tiré".
21 Donc il s'est arrêté dans le village; il est sorti du véhicule, les autres
22 aussi sont sortis. Il y avait une maison à quelque 20 ou 30 mètres de là,
23 à peine. C'est là que Milan avait fait sortir les gens. Je connaissais
24 presque tous les habitants de Musici, je connaissais la population d'une
25 manière générale. Et il est entré dans la maison pour demander si
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1 quelqu'un avait des armes.
2 Pour dire vrai, je savais que (expurgé) avaient fait partie des
3 effectifs de (expurgé) mais ce n'est pas une chose que je
4 lui avais dite, je ne voulais pas en parler. Je n'avais aucune mauvaise
5 intention. Je savais que (expurgé) avaient été membres des
6 (expurgé), mais je ne le lui ai jamais dit.
7 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je vous prie.
8 Monsieur Groome, quel est le problème?
9 M. Groome (interprétation): Le témoin est en train de parler d'un témoin
10 protégé. J'ai préparé pour le contre-interrogatoire une liste de
11 pseudonymes, je pourrais la proposer au témoin. Il serait peut-être
12 préférable qu'il l'utilise.
13 M. le Président (interprétation): Ce serait peut-être une bonne idée.
14 Avez-vous aussi une copie pour nous, afin d'expurger du compte rendu
15 d'audience ce qu'il faudrait expurger?
16 M. Groome (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.
17 M. le Président (interprétation): Avez-vous attribué quelque numéro,
18 quelque cote à ce document?
19 M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, juste un
20 moment.
21 Pendant que nous en parlons, je me devrais de dire que, dans notre
22 entretien avec l'accusé au mois de novembre, il avait mentionné deux noms
23 qui pourraient porter détriment à sa famille. Je n'ai rien contre le fait
24 de citer leurs noms, mais je tiens à préciser que ces deux noms figurent
25 au fond de la page en question.
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1 Il s'agit d'une cote que porte ce document, et il s'agit de la cote 164.
2 M. le Président (interprétation): Donc ce sera la pièce à conviction P164,
3 et ce sera sous scellés.
4 Maintenant, s'agissant des pseudonymes de la défense, avez-vous pensée à
5 certains numéros ou certaines lettres? Nous avons utilisé une référence
6 qui est celle de VGD-1 et VGD-2. Avez-vous organisé quelque autre
7 désignation peut-être, Maître Domazet?
8 M. Domazet (interprétation): Non. Je serais d'accord, Monsieur le
9 Président, pour que nous continuions avec les VGD. Et ce seraient là les
10 VGD 3 et 4, parce que je n'ai pas de liste séparée.
11 M. le Président (interprétation): Bien. Donc le premier des noms sur cette
12 pièce à conviction P164 sera le VGD-3; le nom suivant sera le VGD-4.
13 Peut-être serait-il bon de le mettre sur papier, sur la liste qui se
14 trouve sous les yeux du témoin, pour qu'il puisse en disposer à tout
15 moment?
16 Je m'excuse de vous avoir interrompu.
17 Je vous prierai, Maître Domazet, de continuer.
18 Monsieur Groome, je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ce
19 fait.
20 M. Domazet (interprétation): Je puis continuer, bien sûr. Une fois de
21 plus, merci.
22 Monsieur Vasiljevic… Avant que de poursuivre, Monsieur Vasiljevic, je vous
23 demanderai de vous poser attentivement sur la liste en question et, si
24 besoin était, de parler de l'une quelconque des personnes qui y figurent.
25 Je vous serai gré de nous citer seulement le numéro au lieu de parler du
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1 nom. Et pour ce qui est des deux derniers, vous avez une désignation
2 particulière les concernant , si jamais vous avez à les citer.
3 M. Vasiljevic (interprétation): Je m'excuse auprès de la Chambre d'avoir
4 parlé de VGD-059 par son nom et prénom.
5 Lorsque nous sommes arrivés à sa maison, je me trouvais devant la porte...
6 Question: Je vous demanderai de patienter un peu et d'attendre ma
7 question.
8 Monsieur Vasiljevic, ce que je voudrais vous demander, c'est de répondre
9 aux questions que je vous pose de façon concrète et de la façon la plus
10 brève possible.
11 Dites-nous d'abord si vous vous souvenez du nombre de véhicules qu'il y
12 avait, outre le véhicule de Milan Lukic qui vous avait transporté.
13 Réponse: Trois, je crois qu'il y avait trois véhicules.
14 Question: La voiture de Milan Lukic s'était-elle arrêtée, elle, à quelque
15 20 mètres, comme vous l'avez dit, de la maison du témoin VG-059?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Où se sont arrêtés les autres véhicules, quant à eux?
18 Réponse: Tout de suite, à proximité. Vous savez, ils se trouvaient près
19 l'un de l'autre, c'est un petit village.
20 Question: Mais les gens qui se trouvaient dans les autres véhicules
21 portaient-ils l'uniforme et étaient-ils armés?
22 Réponse: Oui. D'après ce que j'ai pu voir, je pense qu'ils avaient tous
23 des armes mais je ne les connaissais pas tous.
24 Question: Y compris Milan Lukic, quels étaient les uniformes qu'ils
25 portaient, eux?
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1 Réponse: La plupart d'entre eux avait des uniformes de camouflage.
2 Question: Et Milan Lukic, lui aussi, portait-il un uniforme de ce genre?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Portiez-vous sur vous l'uniforme que vous aviez à Prelovo?
5 Réponse: L'uniforme vert olive?
6 Question: Oui, cet uniforme-là. C'est bien cet uniforme-là que vous
7 portiez, le soir en question?
8 Réponse: Oui, probablement. Que vouliez-vous que j'aie d'autre sur moi?
9 Question: Aviez-vous sur vous l'arme qui vous avait été confiée à Prelovo?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et comme vous nous l'avez expliqué, seul Milan Lukic est entré
12 dans la maison du témoin VG-059, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Vous-même, vous n'étiez arrivé que jusqu'à la porte et vous vous
15 étiez arrêté là? C'est bien ce que vous nous avez expliqué, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Avez-vous remarqué où étaient partis les autres soldats
18 accompagnant Milan Lukic?
19 Réponse: Oh, ils étaient par là, dans le village.
20 Question: Pouvez-vous nous dire, le plus brièvement possible, qu'est-ce
21 que Lukic disait à l'époque? Qu'est-ce qu'il a demandé à ces gens, en
22 entrant dans leur maison?
23 Réponse: Uniquement des armes.
24 Question: Quand vous dites "uniquement des armes", est-ce que cela veut
25 dire qu'il les a interrogés sur la possession éventuelle d'armes ou
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1 d'autres choses?
2 Réponse: Seulement les armes, et des questions étaient de savoir qui
3 étaient ceux qui possédaient des armes.
4 Question: Quelle a été leur réponse?
5 Réponse: Ils ont répondu qu'ils n'en avaient pas. Puis les gens se sont
6 rassemblés, les gens du village; il était avec eux à l'intérieur. Je ne
7 pourrais pas vous relater verbatim ce qu'il a dit ou ce qu'il leur a dit à
8 eux, mais il cherchait les armes. Enfin, les sollicitant, ceux qui avaient
9 des armes, à les remettre, ainsi de suite, dans ce sens-là.
10 Question: Je vous prie de progresser lentement, Monsieur Vasiljevic.
11 Si je vous ai bien compris, au début Milan Lukic n'était qu'avec les
12 parents du témoin VG-059, dans leur maison. Et vous parlez ensuite de gens
13 qui se sont amenés, qui se sont rassemblés. Est-ce que cela veut dire que
14 d'autres gens du village étaient venus dans la même maison?
15 Réponse: La maison dans laquelle il est entré appartenait au père du
16 témoin VG-059. Il y avait aussi son frère sur place et puis VG-59
17 également; puis le VG-55, une femme. L'épouse du VG-59 et lui-même sont
18 venus un peu plus tard.
19 Question: Monsieur Vasiljevic, il me semble avoir entendu que vous disiez
20 qu'il y a d'autres habitants de Musici qui s'étaient regroupés, qui se
21 sont amenés dans la même maison. Est-ce exact?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Et Milan Lukic leur a-t-il adressé les mêmes propos, soit au
24 sujet des armes ou au sujet d'autres questions?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Pendant que vous y étiez, y a-t-il eu quelques incidents ou un
2 incident quelconque qui pourrait indiquer l'existence de quelque chose
3 entre tous ces gens-là?
4 Réponse: Dans la maison du père du VG-059, la réponse est non.
5 Question: Est-ce que vous tous, ensemble, vous avez quitté le village de
6 Musici dans la direction de Visegrad?
7 Réponse: Je priais Milan, je me portais garant de ces gens parce que –
8 notamment, je pense à la maison du VG-059-, il avait l'intention d'aller
9 fouiller le grenier, et moi je me suis porté garant quant au caractère, au
10 bon caractère de ces gens. Je lui ai dit qu'en haut, dans ce grenier il
11 n'y avait personne, et je lui disais que je faisais confiance à ces gens.
12 Non, mais pour ce qui est de piller, de frapper, de s'attaquer à
13 quelqu'un, non, il n'a pas fait ça.
14 Question: Autant que je puisse comprendre, on n'a pas fouillé le grenier,
15 on n'a pas fouillé les autres pièces? Il n'a pas fouillé quelqu'un de
16 particulier?
17 Réponse: Non, non. Il voulait voir le grenier, les chambres, les pièces,
18 la cuisine , ou peut-être pas le grenier. Et puis, on m'a posé certaines
19 questions et ensuite (inaudible).
20 Question: Donc vous avez quitté Musici tous ensemble à bord de ces
21 voitures. Est-ce que tout le monde était parti?
22 Réponse: Oui. Je suis sorti lorsqu'on était tout près de ma maison. Ma
23 maison est un peu éloignée de Visegrad, enfin, plutôt éloignée de
24 Visegrad.
25 Question: Sur la même route, devant votre maison ou près de votre maison,
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1 sur cette route menant à Visegrad, vous avez quitté la voiture?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et ensuite, est-ce que vous vous êtes jamais rendu dans le
4 village de Musici de concert avec Milan Lukic ou quelqu'un de son groupe?
5 Réponse: Jamais plus avec Milan Lukic, surtout pas dans le village de
6 Musici, en l'occurrence. Mais je suis tout à fait sûr de cela, mais je
7 passais par le village parce que c'est le village par lequel on devait
8 passer pour aller jusqu'à Prelovo. Mais pas avec Milan Lukic, non.
9 Question: Est-ce que votre unité, cette cuisine, intendance de Prelovo, a-
10 t-elle reçu l'ordre de partir dans la direction du village de Blace?
11 Réponse: C'est moi qui ai posé cette demande de transfert dans le village
12 de Blace, pour qu'on ne soit pas obligé de faire le trajet qu'on devait
13 faire pendant la nuit. Mais on n'a pas accédé à ma demande et plus tard,
14 il s'est avéré que j'avais raison et qu'ils avaient tort. Et ensuite, on
15 nous a transférés dans le village de Blace. Il a fallu du temps pour se
16 comprendre les uns les autres.
17 Nous avons donc dû transporter de la nourriture vers le village de Blace,
18 et la cuisine militaire a été déplacée sur ce lieu plus tard.
19 Question: Si je vous ai bien compris, une fois la cuisine transférée à
20 Blace, vous n'en faisiez plus partie?
21 Réponse: Non, elle n'a pas été transférée à Blace pendant que je faisais
22 partie de cette unité, de cette équipe.
23 Question: Quelle est la raison de ce fait, que vous ne faisiez plus partie
24 de cette unité à Prelovo?
25 Réponse: Il y avait nécessité d'un déplacement de la ligne qui allait donc
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1 jusqu'à Blace où on apportait cette nourriture que l'on cuisinait. Il
2 s'agissait donc d'un secteur à cinq kilomètres du village de Rujiste et du
3 village de Paocici. Enfin, comme je viens de le dire, je refusais de
4 transporter la nourriture pendant la nuit.
5 Et puis, leur réponse a été qu'ils m'ont envoyé à Visegrad avec une
6 recommandation, à savoir que je me rende au commandement, au quartier
7 général.
8 Question: Où est-ce que vous vous êtes rendu et qu'est-ce qui s'est passé,
9 à cette occasion-là?
10 Réponse: Je me suis rendu au commandement de Bikavac. Je me suis présenté
11 à Drago Gavrilovic; à lui de me dire qu'il faudrait que je retourne sur
12 place, à moins de dire que je ne suis pas prêt à le faire et qu'il n'y a
13 aucune condition qui me ferait transporter la nourriture pendant la nuit.
14 Et surtout qu'il y a ce déplacement de la ligne du front pour encore un
15 tronçon de cinq kilomètres.
16 A lui de me dire: "Tu es obligé", à moi: "Non, je ne veux pas le faire". A
17 lui de me dire: "Bois un peu moins et tu oseras".
18 Et franchement parlant, pour ma part, si je ne prenais pas ces quelques
19 verres, je n'aurais pas le courage de me rendre dans ces lieux-là.
20 Eh bien, il n'y a eu aucun accord entre nous deux. Je remets mon arme. Et
21 puis, c'est un détail que je n'ai pas mentionné: en effet, en haut, dans
22 les hauteurs, on m'a repris mon fusil. On a donc annulé le bordereau de
23 réception et on m'a restitué mon fusil-mitrailleur "Schmeisser".
24 A Bikavac, donc, je fais annuler le bordereau de réception pour le
25 "Schmeisser" et Drago me dit: "Eh bien, tu finiras, mon vieux, par être
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1 arrêté". Moi qui réponds: "Eh bien, qu'on m'arrête, je n'ose pas le
2 faire". Et, effectivement, ils m'ont arrêté ce jour-même.
3 Question: Monsieur Vasiljevic, vous souvenez-vous de quel jour il
4 s'agissait, ou quelle était cette période durant laquelle cela s'est
5 produit?
6 Réponse: Je pense que ce fut le 29. Et puis, il n'y avait pas de solution
7 et on ne m'a pas versé une quelconque décision.
8 Question: Donc il s'agissait de la fin mai 1992; à votre avis, est-ce
9 exact? Et lorsque vous dites qu'on vous a arrêté le jour même, est-ce que
10 cette arrestation a eu lieu sur place ou en ville, en bas, en ville?
11 Réponse: C'était en bas, dans la ville.
12 Question: Et qui vous a arrêté?
13 Réponse: Il s'agissait d'un policier militaire. Enfin, oui, ce n'était pas
14 une sorte d'arrestation formelle. Ils n'ont pas recouru à une quelconque
15 violence. Ils m'ont tout simplement dit d'entrer avec eux dans la voiture,
16 ils m'ont amené jusqu'à leur station. Enfin, ils étaient très corrects, et
17 je ne m'attendais pas à un comportement aussi correct.
18 Question: Eux, personnellement, ils ne vous ont délivré aucun document,
19 aucun papier?
20 Réponse: J'en ai demandé, mais je ne n'en ai pas reçu. Et ils ont promis,
21 ils m'ont même dit que j'allais passer une quinzaine de jours, enfin si je
22 me souviens encore bien, en prison.
23 Question: Où est-ce que vous avez été conduit?
24 Réponse: A Uzamnica.
25 Question: Est-ce que c'était une prison?
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1 Réponse: C'était la localité où trouvait la caserne de la JNA.
2 Question: Est-ce que vous vous souvenez de quelqu'un qui travaillait avec
3 vous, qui était parmi ceux qui étaient incarcérés avec vous?
4 Réponse: Une fois, en haut, j'ai trouvé Pero Simcic, un autre des
5 incarcérés, des prisonniers.
6 Question: Est-ce que Pero Simcic, qui était incarcéré comme vous, est-ce
7 qu'il partageait la pièce, la même pièce avec vous?
8 Réponse: Oui, nous étions dans la même pièce.
9 M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous vous souvenez de quelqu'un
10 qui travaillait, qui faisait partie du personnel de la prison?
11 M. Vasiljevic (interprétation): Oui, il y avait un de mes collègues, nom
12 de famille Zecevic, prénom Ilija. Et puis il y a eu aussi les gardiens.
13 M. le Président (interprétation): Les interprètes n'ont pas retenu le nom
14 en question.
15 Je pense, en m'adressant à vous, Monsieur le Témoin, je pense qu'il ne
16 faudrait pas que vous parliez à voix basse lorsque vous prononcez des
17 noms.
18 M. Domazet (interprétation): Je voudrais vous prier de répéter le nom de
19 cette personne qui était votre collègue et qui était serveur de
20 nourriture.
21 Réponse: Il s'agit d'Ilija Zecevic.
22 Question: Est-ce qu'on vous adressait, on vous administrait des soins
23 médicaux pendant que vous étiez dans cette prison?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Il s'agissait de qui?
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1 Réponse: Du Dr Vasiljevic et d'une infirmière, nom de famille, si je me
2 souviens bien, Marica, ou c'est plutôt qu'elle s'appelait Marica, et son
3 nom de famille, je l'ai oublié.
4 Question: Pourquoi ce docteur et cette infirmière venaient-ils vous voir?
5 Réponse: J'avais des problèmes. J'avais des problèmes d'ordre
6 psychiatrique; c'était peut-être l'influence de l'alcool. On m'a
7 administré une perfusion, je faisais la grève de la faim.
8 Question: Vous souvenez-vous que, pendant cette arrestation et ce
9 transfert vers Uzamnica, vous étiez sous l'effet d'alcool?
10 Réponse: Oui, à l'époque je buvais sans cesse, pour être très franc.
11 Question: Est-ce la raison, la cause de cette visite que vous ont rendue
12 le docteur et l'infirmière?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Vous souvenez-vous du nombre de jours que vous avez passés dans
15 la prison à Uzamnica?
16 Réponse: J'ai été libéré à peu près autour de la date de la mort de mon
17 cousin. Il s'agit Zeljko Sikiric.
18 Question: Où est-ce, dans quel lieu, sur quel lieu a-t-il été tué? Est-ce
19 que vous le savez?
20 Réponse: Oui, dans les hauteurs, dans une forêt près de Brodari, dans la
21 direction de Medjedja.
22 Question: Vous dites que c'était la raison pour laquelle on vous a libéré
23 de prison, et au bout de quelques jours. Est-ce que vous pourriez vous
24 souvenir de ce fait?
25 Réponse: Oui, j'y ai passé trois jours. Trois, quatre jours.
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1 Question: Est-ce que vous avez assisté aux funérailles de votre cousin
2 Sikiric?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce que ces funérailles ont eu lieu quelques jours après sa
5 mort, ou s'agissait-il d'un plus long intervalle de temps? Est-ce que vous
6 vous souvenez de cela? Ou, pour reformuler ma question: est-ce que la
7 coutume veut que le service des funérailles ait lieu un ou deux jours
8 après la mort de quelqu'un, comme la coutume le veut, donc? Est-ce que
9 c'était le cas, cette fois-là?
10 Réponse: Non, ils ont été tués dans les forêts. Puis il y avait deux
11 voisins qui étaient avec lui, et ces deux ont été inhumés quelques jours
12 plus tôt. Mais dans ce deuxième cas, on a dû attendre. Il fallait les
13 retrouver, il fallait attendre que tout se prépare et que l'armée les
14 libère. Par conséquent, ce n'était pas le jour même. Non.
15 Question: Depuis le jour du meurtre, du décès de votre cousin et ses
16 obsèques, il y a eu donc plusieurs jours qui se sont écoulés; est-ce
17 correct?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Est-ce que vous pouvez nous tracer cette ligne de parenté? De
20 quel genre de cousin il s'agit?
21 Réponse: Il est fils de mon oncle, Dobrivoje Sikiric.
22 Question: Bon. Alors, Dobrivoje Sikiric est le frère de votre mère?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Où vivait-il?
25 Réponse: Dans le village de Vardiste.
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1 Question: Vardiste se trouve sur la route principale de Visegrad à Uzice?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Est-ce que, à l'époque, il y avait un café dans ce village?
4 Réponse: Oui, il y avait un café dans ce village, même 10 ans auparavant.
5 Question: Est-ce que vous avez assisté aux obsèques de Zeljko Sikiric?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et autant que vous vous en souvenez, est-ce que vous étiez
8 alcoolisé, dans un état alcoolisé à ce moment-là, également?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire, nous invoquer les raisons,
11 éventuellement?
12 Réponse: J'étais triste. On était parents, lien de parenté entre nous très
13 étroit.
14 Question: Merci.
15 Je me propose de passer à un autre volet, à une autre question: il s'agit
16 du 7 juin 1992 et des événements qui se sont produits ce jour-là. Pour
17 rafraîchir votre mémoire, je voudrais dire qu'il s'agit de l'incident qui
18 vous est mis à charge par l'Acte d'accusation.
19 Vous souvenez-vous ce que vous avez fait ce jour-là, et comment se fait-il
20 que vous vous rendiez à Vilina Vlas?
21 Réponse: Quand on m'a lâché de prison, je me suis donc rendu au
22 commandement pour leur demander de ne plus m'arrêter. Et puis c'est à ce
23 moment-là qu'on m'avait confié cette hygiène publique, ce nettoyage de la
24 ville. Et puis, en rentrant chez moi ce jour-là, et avant donc d'arriver
25 jusqu'à ma maison, j'ai été rattrapé par Stanko Pecikoza qui était à bord
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1 d'une voiture.
2 M. Domazet (interprétation): Qui était ce Stanko Pecikoza?
3 M. Vasiljevic (interprétation): Stanko Pecikoza était un Serbe de
4 Visegrad, une personne qui avait une scierie privée tout près de ma
5 maison, à un kilomètre de chez moi. Il s'agit de la localité du nom de
6 Kosovo Polje.
7 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il est temps d'interrompre.
8 M. Domazet (interprétation): Oui.
9 M. le Président (interprétation): En ce qui concerne votre demande pour
10 l'entretien avec votre client demain, est-ce que vous pensez que vous
11 allez terminer jusqu'à 4 heures? Je ne voudrais pas vous hâter, mais
12 essayez de le faire sans se sentir sous pression à cet effet.
13 Nous nous réunissons à 14 heures 30.
14 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 30.)
15 M. le Président (interprétation): Maître Domazet?
16 M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, nous nous étions arrêtés
17 au moment où nous avions commencé à parler de Stanko Pecikoza et de sa
18 rencontre avec vous le 7 juin.
19 Dites-nous, s'il vous plaît, ce qui s'est passé par la suite, une fois que
20 le véhicule s'est arrêté?
21 M. Vasiljevic (interprétation): Stanko a arrêté son véhicule et m'avait
22 demandé si je savais où se trouvait Lukic, si je l'avais vu quelque part.
23 Je lui ai répondu que je ne savais pas et j'avais émis l'hypothèse qu'il
24 se pourrait qu'il soit à Banja, à la station thermale, et qu'il y ait
25 passé la nuit.
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1 Il m'a demandé ensuite si je voulais l'accompagner jusqu'à Banja. J'ai
2 répondu par l'affirmative: "Pourquoi pas?", et je lui ai dit que cela
3 tombait bien parce que je pourrais prendre mes vêtements de garçon de café
4 qui se trouvaient précisément là-bas.
5 Question: Ces vêtements de garçon de café se trouvaient là-bas depuis
6 quand?
7 Réponse: Eh bien, depuis l'époque où j'avais travaillé à Banja, pendant
8 que le Corps d'Uzice s'y trouvait encore, pas tout le temps mais une
9 quinzaine de jours, peut-être. C'est ainsi que nous nous étions dirigés
10 vers Banja.
11 Question: Est-ce que cela signifie, Monsieur Vasiljevic, que vous n'étiez
12 plus retourné à Banja depuis le moment où vous y aviez laissé vos
13 vêtements de garçon de café?
14 Réponse: Si, je suis peut-être allé à Stara Banja, peut-être deux fois
15 pendant que cette Stara Banja était encore en train de fonctionner, du
16 temps où le Corps trouvait là-bas encore. Mais je ne suis effectivement
17 pas allé souvent là-bas.
18 Question: Et vous êtes allé en voiture avec Pecikoza jusqu'à Vilina Vlas?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et avez-vous trouvé quelqu'un, là-bas?
21 Réponse: A la réception, il y avait Miloje Susnjar et j'avais dit que
22 Stanko l'avait demandé suite aux incidents qu'il avait occasionnés. Stanko
23 avait été au poste, il avait été chef-adjoint, et avait pris des mesures
24 contre les actes de ce dernier. Et Stanko m'a dit: "Reste ici. Comme ça,
25 s'il se présente, tu pourras me retrouver, tu sauras lui dire. Et moi, je
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1 vais me mettre à sa recherche. J'irai jusqu'à Prelovo, dans la cité, et
2 ainsi de suite." Et Stanko est parti. Je suis resté là avec Milivoje.
3 Je n'ai pas pu reprendre mes vêtements parce que la partie de la cuisine
4 et du comptoir était fermée. C'était là-bas que nous avions nos vêtements.
5 Au bout d'un certain temps, à savoir au bout d'une demi-heure, Milan Lukic
6 est arrivé et trois ou quatre autres personnes encore, accompagnées de
7 sept Musulmans qu'ils avaient ramassés sur les hauteurs, vers la cité de
8 Bikavac. Il y avait Meho Dzafic avec lui et son fils qui vivaient à
9 Bikavac.
10 Question: Je vous demande de faire une petite halte, à cet endroit-là.
11 Je vous demande donc de vous concentrer sur les réponses à mes questions,
12 afin que nous puissions cerner avec davantage de précision les aspects qui
13 importent ici.
14 Vous êtes resté à Vilina Vlas et il n'y avait là-bas avec vous que
15 Milivoje Susnjar, personne que vous aviez trouvé en arrivant, n'est-ce
16 pas?
17 Réponse: Oui.
18 M. Domazet (interprétation): Au bout d'une demi-heure, suite au départ de
19 Pecikoza, est arrivé Milan Lukic avec ses hommes à lui, et conduisant les
20 personnes que vous avez mentionnées, parmi lesquelles vous aviez reconnu
21 M. Meho Dzafic?
22 M. Vasiljevic (interprétation): Oui.
23 M. Groome (interprétation): Objection!
24 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez posé une question qui
25 conduit le témoin. Monsieur Domazet, je pense qu'il ne vaut mieux pas
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1 poser ce type de question car cela détruit la qualité de réponse de votre
2 témoin.
3 Donc, si vous avez l'intention de faire objection, Monsieur Groome, je
4 vous prie de me le signaler parce que je ne peux pas regarder dans les
5 deux directions à la fois.
6 M. Groome (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.
7 M. Domazet (interprétation): Mitar Vasiljevic avait indiqué qu'il y avait
8 sept Musulmans avec le groupe en question où il y avait Meho Dzafic.
9 J'avais demandé à ce que les choses soient précisées, étant donné qu'il
10 avait déjà répondu à la question, mais je vais essayer de reformuler pour
11 avoir davantage de précisions.
12 M. le Président (interprétation): Oui, s'il l'a dit, effectivement, il y a
13 un moment, cela n'a pas été une question suggestive, mais ne nous
14 attardons pas là-dessus.
15 M. Domazet (interprétation): Certainement.
16 Monsieur le Témoin, les personnes que vous avez mentionnées sont entrées
17 dans l'hôtel. Où vous trouviez-vous, à ce moment-là?
18 Réponse: A la réception de l'hôtel. En fait, pas à l'intérieur de celle-
19 ci, mais devant la réception.
20 Question: Dans le hall?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Dans le hall, il y a à gauche un passage vers la piscine puis
23 des vestiaires, et en profondeur la réception elle-même. Est-ce que vous
24 pouvez vous rappeler où exactement vous vous trouviez au moment où ces
25 gens-là sont entrés?
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1 Réponse: J'étais à proximité du comptoir, sous-entendu de la réception.
2 Dans le hall. J'étais dans le hall, devant la réception.
3 Question: Etiez-vous armé?
4 Réponse: Non.
5 Question: Et à l'époque, aviez-vous signé un bordereau de réception pour
6 une arme quelconque?
7 Réponse: Non, je vous ai déjà dit que j'avais restitué mon arme au moment
8 de mon arrestation à Bikavac et c'est à Bikavac que j'ai restitué mon
9 arme.
10 Question: Aviez-vous sur vous un uniforme?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Pouvez-vous nous décrire cet uniforme?
13 Réponse: Vert olive. J'avais un pantalon et une chemise.
14 Question: Le pantalon de cet uniforme vert olive et… Je n'ai pas compris.
15 La chemise, c'était la chemise propre à l'uniforme ou c'était une chemise
16 de vêtements civils?
17 Réponse: Je pense qu'il s'agissait aussi de la chemise vert olive, que
18 l'on appelait la "chemise de polygone" à l'époque. Mais je changeais
19 souvent de chemise parce que je nettoyais, comme je vous l'ai dit. Donc je
20 crois qu'à ce moment-là j'avais sur moi cette chemise que l'on appelait la
21 "chemise de polygone".
22 Question: Aviez-vous quelque chose sur la tête?
23 Réponse: J'avais un couvre-chef.
24 Question: Quelle sorte de couvre-chef?
25 Réponse: Eh bien, le couvre-chef noir que portait l'armée.
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1 Question: Ce couvre-chef, le portiez-vous souvent?
2 Réponse: Que sais-je? Parfois, pas toujours.
3 Question: Et, à ce moment-là, portiez-vous un ruban rouge autour de votre
4 manche?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous portiez ce ruban?
7 Réponse: Ce ruban indiquait que j'avais été chargé de l'entretien, de
8 l'hygiène en ville. C'était une espèce de signe distinctif.
9 Question: Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé lorsque toutes ces
10 personnes ont accédé à la réception? Est-ce que l'une quelconque de ces
11 personnes s'est adressée à Susnjar, et qu'est-il arrivé ensuite?
12 Réponse: Susnjar travaillait à la réception. En fait, il avait été chargé
13 de monter la garde là-bas, même avant les conflits armés. Et lorsque Milan
14 et ses hommes sont entrés en compagnie des Musulmans, il avait demandé des
15 clefs. Susnjar ne lui a pas donné de clefs. Son comportement était plutôt
16 insolent; il avait demandé avec insistance ces clefs et Susnjar ne voulait
17 pas les lui donner.
18 Ce que l'autre voulait, en fait, c'était enfermer ces Musulmans là-haut,
19 dans les chambres, parce qu'il avait soi-disant besoin d'eux pour des
20 échanges -ou que sais-je?
21 Question: Est-ce qu'il l'avait précisé? Est-ce qu'il avait dit qu'il
22 voulait les enfermer pour pouvoir les échanger, ou est-ce quelque chose
23 que vous avez déduite de son comportement?
24 Réponse: Il avait souhaité enfermer ces personnes-là, et c'est pourquoi il
25 avait demandé des clefs. Mais Susnjar ne lui a pas donné de clefs, ce qui
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1 fait que l'autre est devenu insolent, il avait même commencé à gueuler.
2 Et, pour dire vrai, je me sentais mal à l'aise parce qu'il y avait là un
3 collègue à moi, plus âgé que moi, une personne que j'avais, avec qui
4 j'avais travaillé pendant longtemps. Mais la chose n'a pas duré très
5 longtemps, cela s'est passé en fait assez vite.
6 Question: Et Susnjar lui a-t-il dit pourquoi il ne lui donnait pas ces
7 clefs? Lui a-t-il précisé les raisons de son refus ou il n'en a pas été
8 question?
9 Réponse: Eh bien, pour dire vrai, je ne me souviens pas exactement de tous
10 les détails de cet entretien. Moi, j'avais quitté les lieux avec Meho
11 Dzafic pour aller à l'extérieur, mais Susnjar ne lui a pas donné de clefs,
12 probablement parce que l'autre amenait des gens.
13 Je ne sais pas si j'ose mentionner des noms, mais je crois les avoir
14 mentionnés. Je crois que Susnjar avait laissé monter certaines des
15 personnes que l'autre avait amenées.
16 Question: Est-ce que l'une quelconque des personnes présentes l'avait
17 mentionné, à ce moment-là?
18 Réponse: Je ne dirais pas que je l'ai vraiment entendu dire. Je crois qu'à
19 ce moment-là, j'étais déjà sorti à l'extérieur avec Meho et je n'arrive
20 pas à me resituer tous les détails. Ce que je sais, pour sûr, c'est qu'il
21 avait été très impertinent, qu'il avait demandé ces clefs, qu'il avait
22 exigé ces clefs, que Susnjar ne voulait pas les lui donner.
23 Il voulait enfermer ces gens-là pour les échanger contre des Serbes qui
24 avaient été emprisonnés et emmenés à Zepa, en provenance de ce village de
25 Rujiste. Et qui saurait dire exactement quelles avaient été ses
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1 intentions?
2 Question: Et que s'est-il passé une fois que Milan n'a pas reçu de clefs?
3 Réponse: Je suis sorti avec Meho Dzafic, je me suis entretenu avec lui. Je
4 lui ai dit: "Meho, que s'est-il passé?". Réponse: "Je n'en sais rien,
5 j'étais chez moi, ils ont ramassé à la file, à la pelle".
6 Je lui ai demandé: "Que vont-ils faire de toi?". Réponse: "Eh ben, qu'ils
7 vont m'échanger, j'en sais rien".
8 Il ne savait pas, il avait peur, il avait des appréhensions. Et il m'avait
9 demandé même: "Mitar, veux-tu bien venir avec moi?". Moi, je lui ai dit
10 que je voulais bien.
11 Question: Je vous demande, une fois de plus, de répondre à mes questions.
12 Et la question que j'avais posée, c'était celle de savoir ce que Milan
13 avait fait à ce moment-là, une fois qu'il n'avait pas obtenu de clefs.
14 Réponse: Il a dit qu'ils allaient regagner leur véhicule et qu'ils
15 allaient se diriger vers le lieu de l'échange. Moi, j'étais sorti avec
16 Meho à l'extérieur.
17 Question: Et sont-ils partis?
18 Réponse: J'étais sorti. Meho m'avait demandé une cigarette et je lui en ai
19 donné une. Il n'avait même pas fumé la moitié de sa cigarette, ils étaient
20 descendus, Milan lui avait arraché la cigarette du bec de façon insolente
21 et l'avait jetée à terre en disant: "Tu ne fumeras pas dans la voiture".
22 Je lui ai dit: "Mais laisse fumer, cet homme-là!". L'autre a répondu:
23 "Non, il ne fumera pas dans la voiture. Montez à bord".
24 Je sais très bien que je suis monté avec Meho Dzafic. Meho était assis au
25 milieu, et un autre de ces Musulmans se trouvait à la gauche de Meho. Moi,
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1 j'étais à droite dans la Yugo. Le fils à Meho et le soldat sous le n°4,
2 ici, sur la liste.
3 Question: Et ils se sont dirigés à la queue leu leu. Qui était en tête?
4 Réponse: La Passat de Lukic.
5 Question: Vous êtes arrivés au carrefour de Sase. Qu'est-ce qui s'est
6 passé ensuite?
7 Réponse: A quelque 500 mètres de ce carrefour, il s'est dirigé vers
8 Prelovo, s'est arrêté à Sase, a arrêté le véhicule.
9 Question: Est-il sorti de voiture?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Les autres qui se trouvaient avec lui dans la voiture sont-ils
12 également descendus?
13 Réponse: Oui, nous sommes tous descendus, aussi bien de la Yugo que de la
14 Passat. C'est d'ailleurs ce qu'il avait ordonné de faire.
15 Question: Que s'est-il passé ensuite?
16 Réponse: Il a dit d'aller vers la Drina, vers le contrebas. C'est là
17 qu'est survenue une sorte de panique, un état pas normal du tout. Je lui
18 ai dit: "Mais Milan, laisse donc ces gens-là". L'autre avait dit "vers la
19 Drina", et j'ai dit que ces gens-là se sont dirigés, donc, là-bas. Nous
20 les avons suivis par les prés, vers les contrebas.
21 Meho s'était mis à pleurer et Milan avait, à un moment donné, enlacé Meho.
22 J'ai pensé, quant à moi, qu'il allait avoir pitié. L'autre me disait
23 "Mitar, aide-moi!". Alors, je disais à Milan: "Laisse ces gens! Mais en
24 quoi te dérangent-ils? Pourquoi?". L'autre disait "il n'y a pas à me
25 supplier". Les Musulmans suppliaient aussi; l'autre ne voulait rien
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1 entendre et il allait vers la Drina. Les gens suppliaient, cela ne servait
2 à rien, on allait vers la Drina.
3 Il avait demandé aussi de façon implacable: "Lequel d'entre vous sait
4 nager?".
5 Question: Attendez! Qui est-ce qui a dit: "Qui sait nager?"?
6 Réponse: Mais Milan!
7 Question: Partant de ce que vous venez de nous raconter, il découle que
8 vous aviez, vous aussi, compris qu'il y avait un danger, le danger de voir
9 ces gens-là tués par Milan, n'est-ce pas?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et, un peu plus tard, ces gens-là ont effectivement été tués,
12 exception faite de deux qui ont réussi à se sauver?
13 Réponse: Je suis allé...
14 Question: Mais répondez!
15 Réponse: Oui, oui, ils ont été tués.
16 Question: Pensez-vous avoir été en mesure d'empêcher que cela n'advienne
17 d'une façon quelconque?
18 Réponse: J'ai essayé, j'ai supplié, mais personne ne pouvait ni lui
19 ordonner ni lui demander de faire quoi que ce soit en ce sens. Il avait
20 été complètement implacable.
21 Question: Et, en leur compagnie, vous êtes descendu en direction de la
22 Drina, n'est-ce pas?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Jusqu'à quel endroit êtes-vous allé avec eux? Jusqu'au bout? Ou,
25 à un moment donné, vous êtes-vous arrêté quelque part?
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1 Réponse: Je me suis arrêté à quelque 10 ou 15 mètres de la Drina. J'avais
2 vu que mes démarches ne servaient à rien et que c'en était fini.
3 Question: Et Milan -ou une autre personne- avait-il aligné ces personnes-
4 là le long de la Drina?
5 Réponse: Ils ont aligné ces gens-là. Moi, j'étais resté en arrière à 10 ou
6 15 mètres. L'autre gueulait, les gens suppliaient, pleuraient mais cela ne
7 servait à rien. On a commencé à ouvrir le feu. Et quand on a ouvert le
8 feu, j'ai entendu les cris de gens en train de se noyer, ces espèces de
9 gémissements de gens en train de se noyer.
10 Question: Combien étaient-ils à avoir ouvert le feu?
11 Réponse: Trois étaient descendus en direction de la Drina.
12 Question: Et parmi ces trois, vous comptez également Milan Lukic, n'est-ce
13 pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous trouviez-vous derrière ces gens-là au moment où ils avaient
16 ouvert le feu?
17 Réponse: Oui.
18 Question: A quelle distance, et où exactement?
19 Réponse: Je me trouvais à 10 ou 15 mètres de distance par rapport à l'eau
20 de la rivière.
21 Question: Et là où vous vous trouviez, y avait-il des buissons ou des
22 arbres?
23 Réponse: Il y avait des sortes de buissons à côté de l'eau.
24 Question: Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez exactement par
25 "broussailles"?
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1 Réponse: Eh bien, c'étaient des espèces de broussailles qui poussent
2 habituellement à côté de l'eau. Nous appelons ça "rakite", c'est une sorte
3 de végétation poussant habituellement à proximité de toute surface
4 aqueuse. Il y a aussi des peupliers, souvent, à côté des eaux. C'est à
5 côté de la Drina que l'on retrouve ce type de végétation, le plus souvent.
6 Question: Donc, vous êtes resté sur place à côté de cette végétation, ces
7 arbustes, et vous étiez derrière le dos des personnes qui avaient ouvert
8 le feu, n'est-ce pas? C'est du moins ce qui découle de ce que vous venez
9 de nous dire.
10 Réponse: C'est cela.
11 Question: Est-ce que vous regardiez vers les gens qui avaient ouvert le
12 feu?
13 Réponse: Non, je n'ai pas regardé directement les gens en train de tuer,
14 j'avais tourné la tête, j'avais une sorte de nausée. Mais j'ai entendu, et
15 j'ai entendu ce bruit de gens en train de se noyer. C'était horrible à
16 écouter.
17 Question: Et avez-vous, à quelque moment avant cela, assisté à des
18 exécutions, à l'exécution de quelque personne?
19 Réponse: Jamais, jamais, si l'on excepte les films au cinéma. Jamais.
20 Question: Que s'est passé après?
21 Réponse: Bien, ils ont tiré sur ces gens. Moi, j'ai remonté cette colline
22 à travers un champ, et je me demandais tout le temps, je lui demandais
23 tout le temps "Pourquoi as-tu fait cela?".
24 Mais il était parfaitement indifférent, c'était un comportement de
25 parfaite indifférence. Nous nous sommes approchés de la voiture. Nous
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1 avons démarré dans la direction de ma maison devant Visegrad.
2 Question: A l'entrée de Visegrad?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Avec qui étiez-vous, dans cette voiture?
5 Réponse: Avec Raca, le n°4.
6 Question: Dans ce même véhicule à bord duquel vous êtes arrivé jusqu'à la
7 Drina?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Avez-vous parlé à quelqu'un de ce que vous avez vu ce jour-là?
10 Réponse: Ça me paraissait très difficile. J'étais vraiment déprimé,
11 stressé. Enfin, il y a pas mal de choses qui se passaient. Et puis c'est
12 ce que j'ai d'ailleurs confié à ma femme, ça, et puis j'avais du mal, un
13 peu partout.
14 Question: Qu'est-ce que vous avez dit à votre épouse?
15 Réponse: J'ai dit tout sur Meho, sur son fils, sur les cinq autres qui ont
16 été exécutés au bord de la Drina, et comment il l'a fait.
17 Question: Vous êtes vous entretenu avec quelqu'un d'autre au sujet de cet
18 événement?
19 Réponse: Oui, je me suis rendu au commandant de la police, dénommé Tomic.
20 Question: Et pourquoi à cette personne-là?
21 Réponse: Eh bien, il était commandant. En outre, je le connaissais, il est
22 un de mes voisins.
23 A qui d'autre le dire qu'à un commandant de la police?
24 Question: Est-ce que ce dénommé Tomic vous a dit quelque chose?
25 Réponse: Enfin, il m'a posé des questions pour savoir comment tout cela
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1 s'est passé, quelles étaient ces personnes, quel a été le prétexte de tout
2 cela.
3 Question: Savez-vous s'il avait entrepris quelque chose à cet égard?
4 Réponse: Je ne sais pas s'il a fait quoi que ce soit à propos de
5 l'événement, démarche éventuelle.
6 Question: Monsieur Vasiljevic, je voudrais bien vous poser une question
7 relative à ces travaux, travaux hygiéniques dans la ville.
8 Réponse: Je me suis adressé à Stanko également. En effet, il avait
9 l'intention de l'expulser, de le faire expulser de Visegrad. Mais Stanko
10 pouvait lui aussi exécuter, accomplir des exécutions pareilles.
11 Question: Voudriez-vous bien nous dire quel était le genre de travaux que
12 vous faisiez dans le cadre de vos activités d'entretien de l'hygiène de la
13 ville? A part balayer les rues, est-ce que vous faisiez quelque chose
14 d'autre? Est-ce que vous aviez quelqu'un qui vous aidait?
15 Réponse: Oui, la ville était vraiment dans un état piètre, délaissée, et à
16 Bikovac dans le commandement, ils m'ont suggéré d'organiser les travaux,
17 l'entretien hygiénique de la ville en me disant: "Voulez-vous le faire?".
18 J'ai dit: "Mais très certainement".
19 Et qui l'a fait? Enfin, ces gens, vendeurs et ainsi de suite, et puis
20 chacun s'est occupé de son building: les locataires s'occupaient de la
21 partie de la rue devant leur bâtiment, les postiers le faisaient devant
22 les PTT. Evidemment, je dois dire qu'après tous ces efforts, la ville est
23 devenue véritablement propre, elle n'a jamais été aussi propre. Enfin,
24 nous avons tous mis du nôtre. La ville a brillé par l'ordre qui y régnait
25 et on le faisait entre 9 heures et 10 heures. La ville, on ne pouvait plus
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1 la reconnaître.
2 Question: Quand vous précisez "de 9 heures à 10 heures", est-ce que
3 c'était une heure fixe?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Est-ce que cela était une action quotidienne, ou au besoin?
6 Réponse: Oui, chacun s'occupait de sa portion de la rue, devant une
7 boutique, devant les restaurants, devant les différents kiosques de vente:
8 PTT, banques, nouveaux kiosques qu'on y installait. Enfin, on y
9 travaillait à peu près à cette heure-là.
10 Question: Lorsque vous avez organisé ce genre d'action, comment étiez-vous
11 vêtu? Vêtements civils ou autrement?
12 Réponse: Je portais l'habit civil, mais je portais aussi mon ancien
13 uniforme vert olive. Parfois, je prenais le pantalon de l'uniforme et une
14 chemise normale. Et puis, je n'avais pas de costume qui serait un costume
15 qui me distinguerait. Le seul point de distinction, c'était ce ruban rouge
16 que je portais autour de la manche.
17 Et puis, pour ce qui est des citoyens, ils travaillaient pour les
18 boutiques. Ce sont les épouses des propriétaires qui s'occupaient donc de
19 leur portion de la rue devant leur boutique. Pas besoin d'insister trop,
20 elles faisaient le nécessaire.
21 Question: Est-ce que vous portiez régulièrement ce ruban rouge autour de
22 votre manche, pendant que vous faisiez ce genre de travaux?
23 Réponse: Oui. Et puis, on a dû surtout travailler dans ma rue, près des
24 peupliers de l'eau du lac. Enfin, on faisait pas mal de choses dans ce
25 quartier-là. Mais malgré les petites inondations, on a réussi à nettoyer
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1 tout le coin.
2 Question: Est-ce que vos actions rassemblaient à titre égal des Serbes et
3 des Musulmans?
4 Réponse: Oui, tous ceux qui habitaient dans un bâtiment descendaient, on
5 n'avait pas besoin de les convoquer. Il n'y a pas eu un seul cas qui ne
6 répondait pas à cet appel. En effet, personne n'a été contraint par quoi
7 que ce soit de faire ce genre de travaux. Les gens acceptaient l'idée, la
8 ville est redevenue propre...
9 Et puis, on avait aussi des rapports avec le système de l'institution
10 communale qui s'occupait, elle aussi, d'hygiène. On faisait des sortes de
11 paquets, de ballots de tous ces débris qu'on ramassait, et on avait des
12 camions, donc, pour qu'on puisse les emporter.
13 Question: Vous parlez de ces différentes allées et venues. Est-ce la
14 période quand vous avez eu votre accident avec la jambe?
15 Réponse: Même avant.
16 Question: Avant et après?
17 Réponse: Oui, avant et ce jour même.
18 Question: Est-ce que ce jour-là, ce dernier jour, le jour où vous avez été
19 blessé, est-ce que vous vous êtes trouvé à quelque moment dans la rue
20 Pionirska?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Est-ce que vous vous souvenez que quelque part, dans les parages
23 de l'école primaire, que vous vous déplaciez à travers cette rue et vous
24 lanciez des appels aux gens de la rue Pionirska de participer à ce
25 nettoyage des rues?
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1 Réponse: Oui, à Bikovac, à Landja, à Kalate, à rue Pionirska, je faisais
2 toujours un petit tour pour organiser en quelque sorte les gens, pour les
3 inviter à faire quelque chose. Et tous ceux qui étaient libres répondaient
4 à cette invitation, à cet appel. Les gens voulaient bien le faire parce
5 que, après le départ du Corps d'Uzice, comme je le disais, la ville était
6 délaissée: il y avait des morceaux de papier partout, des affiches. Enfin,
7 on a tout enlevé, tout lavé, et les choses sont redevenues normales. On
8 évacuait tous les verres brisés, tous les morceaux de vitres brisées.
9 M. Domazet (interprétation): D'accord, vous avez expliqué cela en détail
10 et je pense que cela suffit.
11 Mais ce que je vous ai demandé, c'était ma question: le jour même, ce jour
12 même où vous étiez dans la rue Pionirska, à la hauteur de l'école primaire
13 -donc partie supérieure de la rue Pionirska-, est-ce que vous invitiez
14 effectivement la population à participer à ces actions de balayage, de
15 nettoyage de la rue? Aviez-vous un porte-voix avec vous?
16 M. Vasiljevic (interprétation): Non.
17 M. Groome (interprétation): Objection!
18 M. le Président (interprétation): En effet, vous et moi, au moment de
19 votre objection précédente, le témoin avait effectivement répondu à ces
20 questions. Par conséquent, ceci a été notre faute.
21 Mais, cette fois-ci, Maître Domazet, pour ce qui est de vos trois
22 dernières questions, ce sont des questions directrices. Et l'une des pires
23 est celle où vous vouliez indiquer ce qui s'est passé sur la rue, dans la
24 rue Pionirska.
25 Est-ce que vous estimez qu'il a fait une déposition à cet effet, et
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1 notamment lorsqu'il s'agit du...
2 M. Domazet (interprétation): J'ai fait mention de ce porte-voix, se basant
3 sur ce qui a été dit par un témoin qui a indiqué que Mitar Vasiljevic
4 avait effectivement un porte-voix dans sa main.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, c'est toujours et cela
6 continue d'être une question directrice. Essayez donc de ne pas indiquer
7 la voie. Vous détruisez le témoignage et les preuves que profère votre
8 client en lui posant ce genre de questions directrices.
9 Posez-lui… Interrogez sur ce que les autres ont pu dire, mais essayez de
10 pas lui poser des lignes directrices qui pourraient l'induire à suivre une
11 certaine direction. Enfin, vous pourriez reformuler cette question, et
12 c'est une question très importante.
13 Vous pourriez commencer par dire: "Enfin, est-ce qu'il est arrivé que vous
14 étiez dans la rue Pionirska…?", et ainsi du suite. Donc, pas de questions
15 directrices!
16 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
17 Je ne vais même pas poser cette question, je la retire et je vous demande
18 la chose suivante, Monsieur Vasiljevic: de quoi vous souvenez-vous, en ce
19 qui concerne la rue Pionirska et ce jour précis? Qu'est-ce que vous avez
20 fait et qu'est-ce que vous aviez éventuellement dans vos mains? Comment
21 étiez-vous vêtu?
22 M. Vasiljevic (interprétation): Pour être honnête et franc, ce crime de la
23 rue Pionirska est mis à ma charge. Pour ce qui est de ce crime, je n'en
24 savais rien avant mon arrivée à La Haye.
25 Question: Peut-être que nous arriverons à ce point-là plus tard, mais je
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1 vous prie d'essayer de répondre le plus complètement possible aux
2 questions que je pose.
3 Ma question était la suivante: vous souvenez-vous comment vous étiez vêtu
4 à cette occasion? Est-ce que vous vous souvenez si vous aviez quelque
5 chose entre vos mains au moment où vous vous êtes engagé dans la rue
6 Pionirska?
7 Réponse: Je portais un pantalon d'un uniforme vert olive. Je portais une
8 chemise un peu foncée parce que je venais de perdre mon cousin. Je
9 portais… j'avais des bottes. Et vraisemblablement, une bouteille.
10 M. Domazet (interprétation): Aviez-vous, portiez-vous un couvre-chef?
11 M. Vasiljevic (interprétation): Je ne me souviens pas.
12 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à cette étape-ci vous
13 avez, vous pouvez demander au témoin spécifiquement ce qu'il avait dans
14 ses mains, ce qu'il portait dans ses mains, ce qu'il avait sur sa tête.
15 Enfin, dans la mesure où il peut se souvenir, se baser sur sa mémoire et
16 puiser dans sa mémoire.
17 M. Domazet (interprétation): Monsieur Vasiljevic, à part la bouteille que
18 vous avez mentionnée, est-ce que vous vous souvenez avoir eu quelque chose
19 d'autre entre les mains, dans vos mains?
20 Réponse: Non, je ne me souviens pas.
21 Question: Parlant de cette bouteille, de quoi s'agit-il? Une bouteille
22 pleine? Qu'est-ce qu'il y avait dans la bouteille, si quelque chose il y
23 avait?
24 Réponse: De l'alcool, de l'eau-de-vie. Quoi d'autre?
25 Question: Est-ce que vous avez bu de cette bouteille?
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1 Réponse: Très certainement.
2 M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous avez rencontré, dans cette
3 même rue Pionirska, une personne que vous connaissiez de jadis?
4 M. Vasiljevic (interprétation): Oui, j'ai rencontré (expurgé).
5 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je ne sais pas si vous
6 m'avez compris. Vous pouvez demander toute question concrète, très
7 concrète pour indiquer, pour puiser dans sa mémoire. Vous pourriez même
8 lui poser une question dans le genre: "Est-ce que vous portiez à l'époque
9 un chapeau noir?" En effet, ne lui donnez pas votre version avant de lui
10 poser les questions très, très concrètement.
11 Vous avez donc épuisé une piste, mais vous pouvez maintenant lui poser une
12 question très concrète: "est-ce que vous étiez coiffé d'un grand chapeau
13 noir?", ainsi de suite, et préciser ce qu'il avait dans les mains, lui
14 indiquer un objet, puis il pourrait le nier.
15 M. Domazet (interprétation): Vous disiez, Monsieur Vasiljevic, qu'il y a
16 eu des occasions où vous portiez un chapeau noir mais que vous ne vous
17 souvenez pas, cette fois-ci, que vous l'aviez sur la tête?
18 Réponse: Oui, j'avais un chapeau noir.
19 Question: Ce chapeau noir, que vous portiez occasionnellement, avait-il un
20 bord très large ou ce bord était-il petit?
21 Réponse: C'était la taille normale pour un chapeau, pour un couvre-chef
22 militaire. Et un chapeau à pans rabattus.
23 Question: Avez-vous jamais porté un chapeau de paille couleur jaune?
24 Réponse: Non, jamais. Il est jaune.
25 Question: Aviez-vous un autre chapeau, à part celui-ci?
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1 Réponse: C'était le seul que j'avais.
2 Question: Mais à part ce que vous venez de décrire, est-ce que vous
3 portiez un pardessus, un manteau?
4 Réponse: Je n'ai jamais eu de manteau.
5 Question: Vous disiez que vous ne portiez pas un manteau. Est-ce que cela
6 veut dire que vous ne le portiez pas à cette occasion-ci, ou vous n'aviez
7 pas réellement, effectivement, de manteau?
8 Réponse: Je n'ai jamais porté un pardessus, un manteau long, de toute ma
9 vie. Et je ne serais pas toujours si trempé de pluie si j'avais un manteau
10 de ce genre. Non, je n'en avais pas et je n'en ai jamais eu.
11 Question: Est-ce que vous étiez armé? Est-ce que vous portiez une arme, à
12 cette occasion-là?
13 Réponse: Non.
14 Question: Est-ce que vous aviez un porte-voix, quelque chose, un
15 instrument par lequel vous pourriez appeler les gens?
16 Réponse: Non, je n'en avais pas.
17 Question: Est-ce que vous utilisez un instrument de ce genre, un objet de
18 ce genre, pour faire appel, pour lancer vos appels à la population, ou
19 vous le faisiez vous-même, de votre vive voix?
20 Réponse: C'était seulement le premier jour, lorsque j'ai commencé à
21 organiser cette action. Et puis plus tard, non, je n'en avais plus besoin.
22 Question: Si j'ai bien compris, vous avez utilisé ce porte-voix une
23 première fois?
24 Réponse: Pour que les gens sachent de quoi il s'agit, et puis une fois
25 qu'on s'est organisé, ce n'était plus la peine de l'utiliser.
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1 Question: Etes-vous bien sûr, ou est-ce que vous pourriez admettre la
2 possibilité qu'à cette occasion précise, vous aviez un porte-voix?
3 Réponse: Non, non. J'ai suivi, enfin une certaine direction, une certaine
4 piste, et j'avais quelque chose à accomplir.
5 Question: Qu'est-ce que c'était?
6 Réponse: Eh bien, je me suis… J'étais parti trouver un cheval dans la
7 localité appelée Vucine.
8 Question: Est-ce que c'est la voie, la route vers Vucine, et est-ce que
9 cette route passe par la rue Pionirska?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Tout à l'heure, vous avez dit que vous vous êtes approché d'une
12 personne que vous connaissez, (expurgé)?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-ce que vous pourriez me dire quels étaient les propos que
15 vous aviez échangés avec (expurgé)?
16 Réponse: Mujo, je le connaissais bien, il était du village de Sase, et
17 chaque jour il passait à côté de ma maison, c'était un habitué des
18 restaurants et des cafés. Il voulait… Il aimait boire, lui aussi.
19 Eh bien, je lui ai demandé: "Quoi de neuf?"; il a répondu: "Il faudra s'en
20 aller." Et à lui de dire: "Nous avons reçu des ordres de nous diriger vers
21 Kladanj", puis je me souviens qu'il m'avait raconté que sa femme était
22 déjà partie et là, nous avons bu un coup. Et puis, je me souviens qu'il
23 m'offrait ses vaches –il avait quelques vaches-, mais je lui ai répondu:
24 "Oui, je les aurais acceptées bien volontiers mais je ne sais pas où les
25 garder et qu'en faire". On a parlé de choses et d'autres pendant un
Page 1906
1 certain temps, et puis je lui ai dit: Ne vous inquiétez pas, ne t'inquiète
2 pas, Mujo, vous retournerez dans cette région-là".
3 Oui, il y a longtemps. Je ne peux pas me souvenir de tous les détails, de
4 tous les propos que nous avons échangés au cours de cette conversation.
5 Question: Est-ce que vous pourriez peut-être vous souvenir de quelque
6 chose d'autre?
7 Réponse: A propos de quoi?
8 Question: A propos de cette conversation, ou un quelconque détail
9 important?
10 Réponse: Mujo était accompagné de son voisin, quelqu'un qui était en train
11 de bâtir une maison. Enfin, il se situait près de Mujo, du côté gauche, à
12 quelque 200 mètres en contrebas de la route. Mujo vivait à Jasarevici.
13 Enfin il était en train de bâtir cette maison, il ne pouvait pas y
14 emménager encore.
15 Et comment, quel est le nom de cet homme? Je ne le sais pas, je ne m'en
16 souviens pas mais je le connaissais de vue.
17 Question: Est-ce que (expurgé) était au courant de vos actions, du
18 fait que vous dirigiez les actions de nettoyage de la ville?
19 Réponse: Je ne sais pas. Peut-être que oui, peut-être que non, mais je
20 n'allais pas vers ce village, je ne descendais pas dans ces villages.
21 Et je ne voudrais pas m'étendre sur les choses dont je ne suis pas sûr,
22 car il s'agit d'un crime. Ce sont des choses qui se sont passées il y a un
23 bon moment. Je me souviens m'être arrêté pour parler avec (expurgé) parce
24 que c'était (expurgé). Il y a d'autres gens qui passaient à côté de moi,
25 mais tout simplement je ne les connaissais pas. Et voilà.
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1 Et puis, je ne peux plus me souvenir de tous les menus détails de cette
2 conversation. Peut-être qu'on était restés à se parler pendant presque une
3 demi-heure.
4 Question: Est-ce que, pendant tout ce temps, vous buviez donc avec lui de
5 l'eau-de-vie?
6 Réponse: Non.
7 Question: Vous venez de me dire que vous avez du mal à vous en souvenir,
8 étant donné que vous ne vous attendiez pas à ce que cela devienne
9 important un jour ou l'autre. Mais est-ce que vous avez accordé une
10 attention quelconque aux personnes qui se trouvaient éventuellement à
11 proximité, ou vous ne vous en souvenez pas du tout?
12 Réponse: Je sais qu'il m'avait dit qu'il s'en allait, qu'il avait reçu
13 l'ordre de s'en aller. Il y avait là des gens, des femmes. Je sais qu'il y
14 avait du vent, le temps s'était assombri. J'étais moi-même pressé d'aller
15 chercher ce cheval, sans quoi je serais certainement resté encore un peu
16 avec lui.
17 Question: Exception faite de cet entretien avec lui, en personne, comme
18 vous l'avez dit vous-même, qui a duré une petite demi-heure, est-ce que
19 vous vous souvenez vous êtes adressé à quelqu'un d'autre? Avez-vous parlé
20 à qui que ce soit d'autre, à l'époque?
21 Réponse: Que voulez-vous que je dise? Que voulez-vous que j'aille
22 m'adresser à quelqu'un? Je ne savais pas qui donnait les ordres. Et
23 qu'avais-je, du reste, à dire puisque je ne savais même pas qu'ils
24 allaient s'en aller. Je ne savais pas qui avait pris ces initiatives, où
25 ces gens devaient être emmenés. Mais je ne savais absolument rien. Si
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1 quelqu'un s'était approché de moi, si quelqu'un m'avait posé une question
2 quelconque, j'aurais répondu: "Mais je n'ai rien organisé, pour ma part.
3 Je n'ai organisé aucun de ces groupes-là". Je n'avais aucune idée de ce
4 qui se passait.
5 M. Domazet (interprétation): J'allais justement vous demander si, avant
6 que de vous entretenir avec (expurgé), vous aviez ouï dire ou appris
7 qu'un groupe quelconque devrait quitter Visegrad et n'était pas parti? Ou
8 alors, ne l'avez-vous ouï dire que pendant l'entretien?
9 M. Vasiljevic (interprétation): Mais je ne savais pas, je ne pouvais pas
10 savoir que ceux de Koritnik allaient s'en aller. Je ne savais pas qui
11 avait organisé tout cela, et je serais passé comme si de rien n'était si
12 Mujo n'avait pas été là, je n'aurais même pas prêté attention à ce qui se
13 passait. Et comme je connaissais Mujo, je m'étais arrêté. On a échangé
14 quelques propos, il m'a raconté cela. J'avais de la compassion pour lui,
15 j'avais déjà pris un verre ou plusieurs verres à bien des reprises avec
16 lui.
17 C'est ce type d'entretien que nous avons eu, mais de là à vous dire
18 directement, en ce moment-ci, qui a organisé et comment cela a été
19 organisé, je ne saurais vraiment pas le faire. Qui étais-je, du reste,
20 pour les répartir? Ils avaient été envoyés par la Croix-Rouge vers la cité
21 de la rue Pionirska.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Vasiljevic, vraiment je vous
23 demande de faire une petite pause avant de commencer à répondre parce
24 qu'autrement, les choses se font trop vite.
25 Maître Domazet, ceci est l'un des problèmes qui survient lorsqu'il y a
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1 interprétation des dires. Il se peut que j'aie interrompu le témoin à un
2 endroit où il voulait continuer; je crois qu'il était en train de parler
3 de la Croix-Rouge.
4 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, justement.
5 Monsieur Vasiljevic, comment savez-vous nous dire qu'ils avaient été
6 envoyés par la Croix-Rouge dans la rue Pionirska?
7 Réponse: C'est Mujo qui m'avait dit qu'ils avaient reçu l'ordre de s'en
8 aller, soi-disant, ce jour-là. Mais ils étaient en retard, ils avaient
9 pris du retard. Je sais bien qu'il m'avait dit que sa femme était déjà
10 partie auparavant, ça je m'en souviens bien. Mais le reste, c'est comme à
11 travers un brouillard. Vous savez, cela a eu lieu il y a si longtemps.
12 Question: Vous-même, Monsieur Vasiljevic, avez-vous travaillé à quelque
13 occasion ce que ce soit pour le compte de la Croix-Rouge?
14 Réponse: Jamais.
15 Question: Et à quelque reprise que ce soit, vous êtes vous présenté à
16 d'autres personnes comme étant un employé de la Croix-Rouge?
17 Réponse: Non. Pourquoi voulez-vous que j'aille me présenter de façon aussi
18 erronée? Pourquoi le ferais-je? Parce que pour le faire, il eut fallu que
19 j'ai une idée de ce que la Croix-Rouge faisait.
20 Question: Mais à l'époque où vous étiez avec (expurgé), l'un
21 quelconque des hommes présents vous a-t-il demandé d'écrire quelque chose,
22 de rédiger quelque chose?
23 Réponse: Je n'ai rien pu leur écrire, j'ai peut-être donné un numéro de
24 téléphone, une adresse à Mujo, mais que voulez-vous que j'écrive pour
25 Mujo? Qui étais-je pour écrire quoi que ce soit? Il savait très bien que
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1 je n'étais qu'un homme ordinaire, un n'importe qui. Je n'étais pas vêtu
2 comme étant une personne ou un fonctionnaire haut placé, parce que je
3 n'aurais pas été vêtu de la façon dont j'étais vêtu.
4 Question: Je vous prie de répondre à ma question. Votre réponse est en
5 fait non, n'est-ce pas?
6 Réponse: Non.
7 Question: Et portiez-vous un papier et un crayon sur vous?
8 Réponse: Je ne pouvais pas avoir de papier, de papier pouvant servir de
9 justificatif quelconque et que je leur aurais remis, encore moins avais-je
10 un cachet.
11 Question: Je vous demande de répondre à mes questions, et ma question
12 était celle de savoir si vous aviez un papier et un crayon sur vous, à ce
13 moment-là.
14 Aviez-vous sur vous un crayon et un papier?
15 Réponse: Comment voulez-vous que je me souvienne si j'avais un papier et
16 un crayon sur moi? Mais je l'avais peut-être, je ne l'avais peut-être pas,
17 mais je n'en avais pas besoin, de toute manière. Et je ne sais rien à ce
18 sujet.
19 Question: Et après avoir quitté (expurgé), avez-vous continué dans la
20 direction dans laquelle vous vous dirigiez pour aller chercher ce cheval?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Après cela, en revenant, avez-vous revu (expurgé) ou qui
23 que ce soit d'autre, si vous êtes retourné par la même rue?
24 Réponse: Je suis retourné par la même rue. Je n'ai pas vu Mujo. Je ne me
25 souviens pas des autres mais pour ce qui est de Mujo, je suis sûr de ne
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1 pas l'avoir revu. Mais une espèce d'orage se préparait. Il allait
2 pleuvoir. J'étais à cheval et en sortant de la ville, je sais que, en me
3 dirigeant vers la sortie de la ville, je sais que la pluie a commencé à
4 tomber; je sais qu'il y a eu une vague de pluie forte, puis quelques
5 rayons de soleil se sont frayé un passage par les nuages. Je sais que
6 c'est à ce moment-là, à peu près, que je suis tombé de cheval.
7 Question: Donc vous étiez en train de monter votre cheval, vous êtes passé
8 par la rue Pionirska et vous vous dirigiez vers le centre ville? Est-ce
9 que cela signifie que vous vous dirigiez vers l'hôtel?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Est-ce que vous vous souvenez de la façon dont vous montiez ce
12 cheval? J'entends par là la vitesse: lentement, au galop ou à vitesse
13 moyenne?
14 Réponse: Eh bien, je n'allais pas trop vite, le cheval n'avait pas de
15 selle, il y avait une espèce de bride. J'étais monté dessus. Mais
16 j'imagine que le fait d'être tombé est probablement dû au fait que le
17 cheval n'ait pas eu de fers à ses sabots, sur ses sabots. Je voulais
18 emmener ce cheval vers le restaurant, vers les hauteurs, là où il y a la
19 voie ferrée, parce que j'avais craint que l'on ne le prenne.
20 J'ai du mal à vous expliquer. J'ai été appelé par Sicic et Pero. Il se
21 peut que j'aie fait un mouvement brusque et que j'aie aidé le cheval à
22 glisser, et nous sommes tombés donc en même temps; nous sommes tombés le
23 cheval et moi-même. Et je suis tombé sur ma jambe gauche. J'ai eu eu très
24 mal à la jambe. Le cheval étant tombé, il était resté à terre, il avait du
25 mal à se relever et moi je ne pouvais plus me relever, j'avais tellement
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1 mal à la jambe.
2 Alors, des gens se sont approchés, Pero entre autres. Il pleuvait déjà. Il
3 ne pleuvait pas beaucoup, mais il pleuvait tout de même. Ce n'était pas un
4 orage encore.
5 Pero m'a pris par la jambe et m'a dit: "Mais tu l'as cassée!". Et (hors
6 micro), alors ils ont appelé l'ambulance de là, depuis l'hôtel. J'étais
7 allongé là-bas quelque 10 à 15 minutes. L'ambulance est arrivée. On m'a
8 mis sur une civière et on m'a placé à bord de l'ambulance. Puis, j'ai été
9 emmené, transporté jusqu'à l'hôpital de Visegrad. Et, pour ne pas oublier
10 le chauffeur, c'était Zivorad Savic. Je le connaissais bien.
11 Une fois à l'hôpital, j'ai été accueilli par un médecin, le docteur Goran
12 Loncarevic. On m'a porté jusqu'à la salle de radiographie, et le médecin a
13 dit: "Mitar, tu as les deux os cassés". Alors, ils m'ont mis cette espèce
14 de planche, ils m'ont serré cela pour que la jambe ne puisse plus bouger.
15 Je ne sentais plus de douleur, c'est-à-dire que si j'essayais de bouger ça
16 faisait mal mais pendant que j'étais au repos, cela ne faisait pas mal.
17 Et j'ai attendu un certain temps, là. Je crois que l'ambulance était allée
18 pour emmener un médecin quelconque en visite à domicile, chez un patient.
19 Le docteur a remis la radio, les prescriptions, la documentation annexe,
20 enfin, tout ce qu'il fallait pour l'autre hôpital. Et il m'a dit qu'il
21 fallait aller à l'hôpital d'Uzice.
22 Alors maintenant, de là à vous dire l'heure exacte, je ne serais pas
23 capable de le faire, c'est-à-dire vous dire l'heure exacte à laquelle nous
24 avons quitté Visegrad. Il se peut que ce soit vers 7 heures ou plus tard.
25 Je sais très bien qu'il pleuvait. Le chauffeur et moi-même avions donc
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1 quitté l'hôpital et, en ville, à proximité de la banque de Sarajevo, là où
2 habitait Milan Novakovic –qui, lui, habitait à proximité de la banque-,
3 donc nous avons vu cet homme-là et nous nous sommes dirigés vers Uzice.
4 Une fois arrivé au village de Vardiste, j'ai demandé au chauffeur de
5 s'arrêter à la maison de mon oncle pour prendre une couverture parce que
6 j'avais froid.
7 Question: Excusez-moi. Puisque vous avez commencé à en parler sans que je
8 vous ai posé de question dans ce sens, et pour éviter que vous nous
9 racontiez des choses de moindre importance, je voudrais une précision:
10 s'agit-il de l'oncle qui avait une cafétéria, un restaurant à Vardiste, et
11 dont le fils avait été enterré, funérailles auxquelles vous aviez dit
12 avoir assisté? C'est bien de lui que nous parlons?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Donc, vous avez reçu une couverture par ses soins pour vous
15 couvrir dans l'ambulance. Est-ce que vous vous êtes attardé? Vous, le
16 chauffeur et ledit Novakovic?
17 Réponse: Quand ils sont allés chercher la couverture, ils sont allés à la
18 cafétéria et ils m'ont ramené un jus de fruit dans le véhicule dans lequel
19 je me trouvais. Eux, ils ont pris un café, un verre, je ne sais pas ce
20 qu'ils ont pris. Mon oncle et ma tante sont descendus et m'ont demandé ce
21 qui m'était arrivé. Alors je leur ai dit que je m'étais cassé la jambe. Et
22 ils ont dit: "Enfin, on n'y peut rien. Va de faire soigner à l'hôpital".
23 Le chauffeur et Milan Novakovic sont revenus. Aussi, avons-nous pu
24 continuer notre route vers Uzice.
25 Question: Mais avant que d'y arriver, Monsieur Vasiljevic, je voudrais
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1 savoir si à l'hôpital, au centre médical de Visegrad, on vous avait
2 administré des médicaments quels qu'ils soient?
3 Réponse: Non.
4 Question: Et sauriez-vous nous dire pourquoi?
5 Réponse: Eh bien, ils m'en avaient administré en raison de l'alcool que
6 j'avais pris, j'avais beaucoup bu ce jour-là.
7 Question: Et avez-vous informé votre famille, votre épouse, de ce qui vous
8 était arrivé?
9 Réponse: C'est quand je suis arrivé à Vardiste que mon oncle l'a appelée.
10 Je lui avais notamment demandé de lui téléphoner pour le lui dire.
11 Question: Donc, ce n'est que par ses soins qu'elle avait appris que vous
12 étiez sur la route d'Uzice et que vous étiez blessé?
13 Réponse: C'est cela. Et d'ailleurs, elle se souvient aussi que c'était lui
14 qui le lui avait communiqué.
15 Question: Sur cette route-là, y avait-il des points de contrôle et avez-
16 vous dû vous attarder à ces endroits-là?
17 Réponse: Oui, il y en avait un du côté bosniaque et l'autre du côté serbe,
18 enfin des Serbes de la Serbie.
19 Question: Quand êtes-vous arrivé à l'hôpital d'Uzice, si tant est que vous
20 vous en souvenez?
21 Réponse: Je ne saurais vous le dire exactement. Je crois que certains
22 documents le précisent. Mais je crois que l'un des documents dit "21
23 heures 35". Je ne sais pas, peut-être un peu avant cette heure-là, une
24 dizaine de minutes avant, le temps que les gens, la femme qui avait
25 travaillé à l'accueil inscrive ces renseignements-là dans le registre,
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1 dans le protocole des admissions.
2 Question: La nuit était-elle déjà tombée?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Et, lorsque vous partiez de Visegrad, faisait-il jour ou nuit?
5 Réponse: On voyait très bien encore.
6 Question: A l'hôpital d'Uzice, ce soir-là, a-t-on fait des radiographies?
7 Est-ce que on vous a soumis à des visites médicales? Que s'est-il passé?
8 Réponse: Ce soir-là, ils ont fait une radiographie de la jambe et ils ont
9 constaté fracture, eux aussi. Je sais que j'avais été reçu par le docteur
10 Dusko Jovicic -que je ne connaissais pas du tout.
11 Question: Mais connaissiez-vous quelqu'un d'autre?
12 Réponse: Il y avait avec lui un collègue à lui: Aleksandar Moljevic. Alors
13 Alekasandar Moljevic, lui, je le connaissais bien. Il était originaire de
14 Visegrad. Il avait travaillé à Visegrad en qualité de médecin généraliste
15 pendant plusieurs années. Par la suite, il avait fait une spécialisation,
16 puis est parti à Uzice. Je ne sais pas où il a fait sa spécialisation,
17 mais je sais qu'il était parti à Uzice et qu'il travaillait là-bas. Et il
18 se trouve qu'il avait été de permanence cette nuit-là, avec Jovicic. Mais
19 c'était le docteur Jovicic qui avait pris soin de moi, parce que c'est le
20 médecin qui réceptionne un patient qui suit son traitement médical par la
21 suite. Du moins, que sais-je? Je crois que c'est ainsi que cela s'est
22 passé.
23 Donc ils ont pris cette radiographie, ils ont enlevé les pansements qu'on
24 m'avait posés à Visegrad, et ils m'ont refixé la jambe comme auparavant.
25 Le matin, ils m'ont fait des analyses de sang et examens accessoires que
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1 l'on pratique lorsque l'on reçoit quelqu'un à l'hôpital. Et ils m'ont dit
2 qu'il fallait que je me fasse opérer. Alors, moi j'avais eu peur parce que
3 je m'étais dit: "On va peut-être m'amputer la jambe." Non, on m'a dit
4 qu’au contraire ils allaient faire un trou. Depuis ce lit sur roulettes où
5 je me trouvais, on m'a traîné ou poussé vers une salle destinée à cet
6 effet. Devant, il y avait une femme qui s'était fait faire un trou dans le
7 talon, elle aussi. Je l'ai entendue hurler. J'avais pensé que cela faisait
8 très mal, que cela devait forcément faire très mal. Ils avaient fini avec
9 cette femme et ils m'ont pris, ils m'ont frotté le talon avec quelque
10 chose, sous le mollet, sous le...
11 Question: Monsieur Vasiljevic, je crois que vous êtes en train de nous
12 fournir des détails excédentaires qui n'ont pas beaucoup d'importance pour
13 nous. Donc, le matin, le lendemain matin suite à votre arrivée à
14 l'hôpital, vous avez été opéré?
15 Réponse: Oui, mais je tiens à préciser que l'on m'a fait juste un trou
16 dans le talon, qu'on ne m'a pas ouvert les tissus, on ne m'a pas coupé, et
17 on a fait un trou, on a accroché des poids, des contrepoids, pour
18 immobiliser.
19 Question: Mais quelle avait été la finalité de votre hospitalisation?
20 Réponse: Eh bien, la finalité était probablement d’étirer les muscles et
21 les os afin que les os se remettent en place. Donc, il fallait d'abord
22 étirer les muscles. Et ils avaient placé des espèces de vis et une espèce
23 de dispositif par-dessus le lit. De l'autre côté, on… il y avait des
24 contrepoids. Et c'est ainsi que j'ai dû passer 7 jours, allongé. C'est
25 ainsi qu’ils procèdent. Il faut rester couché pendant au moins 21 jours.
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1 Question: Est-ce que cela signifie que vous êtes resté alité pendant 21
2 jours avec une extension à la jambe, des contrepoids, et sans la
3 possibilité de bouger, de sortir de votre lit, seul ou avec l'assistance
4 de qui que ce soit?
5 Réponse: Non, on ne pouvait pas bouger parce que le talon était percé, on
6 avait accroché des contrepoids de l’autre côté du lit et je nous pouvais
7 pas sortir du lit. Je pouvais m'asseoir, mais pas sortir du lit.
8 Question: Vous souvenez-vous de la pièce dans laquelle vous vous trouviez?
9 S'agissait-il d'une pièce à plusieurs lits? Y avait-il d'autres patients?
10 Réponse: Nous étions quatre au total. Il y avait moi-même, à côté de la
11 fenêtre, un vieux, un vieil homme, originaire d'Uzice. Il y avait un
12 Musulman, originaire de Gorazde. Lui, il avait une jambe blessée. Puis, il
13 y avait, à côté de ce Musulman, un autre gars d’Uzice, lui aussi.
14 Question: Et à ce département d'orthopédie, vous avez passé au total 3
15 semaines?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Et après?
18 Réponse: Après, je suis allé au département de neuropsychiatrie, dans le
19 même hôpital, mais dans un autre bâtiment.
20 Question: Pourquoi, Monsieur Vasiljevic?
21 Réponse: J'étais dans une situation psychique très difficile. Cela avait
22 été très pénible pour moi. Je crois que j'avais commencé à m'entretenir
23 soit avec Dieu soit avec des diables. Je ne sais trop vous dire. J'avais
24 des espèces de craintes, de peurs. Cela me tombait dessus de façon
25 étrange.
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1 M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous vous disputiez avec le
2 personnel et les patients à l'hôpital?
3 M. Vasiljevic (interprétation): Je pense que oui. Il se peut que je ne me
4 souvienne pas de tous les détails. Mais…
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, dites-moi ce que vous
6 pensez avoir besoin comme temps pour mettre à terme votre interrogatoire
7 en chef?
8 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas besoin
9 d'autant de temps, mais je puis mettre un terme à présent à cet
10 interrogatoire en chef et reprendre jeudi, car ce que j'avais souhaité, à
11 savoir une visite éventuelle demain, je crois que cela ne serait pas
12 possible. Et comme je suis moi-même assez malade et que j'ai de la fièvre,
13 je vais essayer de mettre à profit la journée de demain pour me retaper,
14 me remettre un peu d'aplomb. Mais si vous estimez, au contraire, qu'il
15 importerait de continuer maintenant pour conduire l’interrogatoire en chef
16 à terme, je puis continuer et terminer.
17 M. le Président (interprétation): Non, non, pas du tout, Monsieur Domazet.
18 Il s'agissait, pour ma part, de répondre à la requête que vous aviez
19 formulée vous-même, à savoir que l'un quelconque des conseils de la
20 défense puisse consulter le client, votre client, demain. Et j'avais dit
21 que, si vous pouviez faire cela entre l'interrogatoire en chef et le
22 contre-interrogatoire, la Chambre pouvait vous l'accorder.
23 Mais si vous avez vous-même besoin d'un petit rétablissement, il est donc
24 probable que, de toute manière, vous n'alliez pas voir votre client. Donc
25 je ne souhaite pas que vous continuez à travailler si vous n'êtes pas en
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1 mesure de le faire et si vous n'avez pas besoin de vous entretenir avec
2 votre client demain. Eh bien, nous allons reprendre notre travail jeudi
3 matin. Mais il vous appartient de décider vous-même.
4 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Fort bien, nous allons alors lever
6 l'audience et nous allons reprendre jeudi à 9 heures 30.
7 Je vous souhaite une bonne fête des Nations Unies à tous et à toutes.
8 (L'audience est levée à 16 heures.)
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