Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 21 novembre 2001.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Zivorad Savic, est dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire.

6 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-32-T, le Procureur contre

7 Mitar Vasiljevic.

8 M. le Président (interprétation): A vous, Maître Tanaskovic.

9 (Interrogatoire principal du témoin, M. Zivorad Savic, par Me

10 Tanaskovic.)

11 M. Tanaskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Monsieur Savic, Bonjour.

13 M. Savic (interprétation): Bonjour.

14 Question: Nous nous étions arrêtés, hier, à ma question et à votre réponse

15 qui nous parlait de vos déplacements en véhicule de l'ambulance pour Uzice

16 et de la visite effectuée à M. Vasiljevic. Je voudrais vous demander si

17 vous savez combien de temps M. Vasiljevic a passé à l'hôpital d'Uzice, ou

18 alors ne le savez-vous pas?

19 Réponse: Ce que je sais, c'est qu'il a été alité pendant plus de 30 jours.

20 Question: Et l'avez-vous ramené en ambulance de l'hôpital au bout de son

21 séjour là-bas?

22 Réponse: Oui. Lors de son retour, non. Je ne me souviens pas quand il est

23 revenu.

24 Question: Avez-vous revu M. Vasiljevic à Visegrad, par la suite?

25 Réponse: Oui, je l'ai vu quelque deux mois plus tard en train de marcher

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1 avec des béquilles.

2 Question: Je me propose de revenir à une autre question: vous souvenez-

3 vous du fait que le jour où vous avez emmené M. Vasiljevic à l'hôpital

4 d'Uzice, il s'agissait d'une fête ou pas?

5 Réponse: C'est une fête qu'on appelle "la Trinité". Je suis croyant, mon

6 père est croyant. Et, ce jour-là, on porte du blé à l'église; c'est du blé

7 bouilli et le pope lit quelques prières s'agissant de ce blé et de

8 quelques légumes qu'on va porter au bétail. C'est une sorte de tradition

9 pour les protéger, une tradition que notre grand-père nous avait fait

10 respecter et que nous avons héritée de lui.

11 Question: Comme on a pu l'apprendre jusqu'à présent au cours des

12 témoignages, à la Sainte-Trinité il y a trois jours de fête. Lequel de ces

13 trois jours vous êtes allé là-bas?

14 Réponse: Le dimanche; c'est la première journée de la Trinité, c'est

15 toujours dimanche.

16 Question: Merci. Est-ce que vous connaissez une autre personne appelée

17 "Mitar"?

18 Réponse: Oui, je connaissais Mitar Knezevic surnommé Chetnik, du moins

19 c'est le surnom qu'on lui avait donné pendant la guerre.

20 Question: Pouvez-vous décrire le Mitar Knezevic en question?

21 Réponse: Petit de taille, de la même taille que Mitar Vasiljevic. Il

22 portait une barbe et il avait un œil défectueux, il ne pouvait pas voir

23 d'un oeil.

24 Question: Quand vous dites "défectueux", est-ce que vous entendez qu'il

25 n'avait pas d'œil?

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1 Réponse: Il avait un œil, mais il ne pouvait rien voir avec. Un oeil

2 blanc, comme endommagé.

3 Question: Je n'aurai plus de questions à vous poser. Je vous remercie.

4 Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mes questions.

5 (Contre-interrogatoire de M. Savic par M. Groome.)

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?

7 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur Savic, bonjour. Je suis Dermot

8 Groome du Bureau du Procureur, et je me propose de vous poser plusieurs

9 questions concernant votre témoignage.

10 Je crois que vous nous avez dit hier qu'avant de conduire une ambulance,

11 vous étiez chauffeur ordinaire?

12 M. Savic (interprétation): Oui. J'avais travaillé auparavant pendant dix

13 ans à titre privé à conduire un camion.

14 Question: Mais quand vous avez commencé à travailler comme chauffeur

15 d'ambulance, avez-vous suivi une formation médicale particulière, ou

16 étiez-vous juste chargé de conduire les patients vers l'hôpital?

17 Réponse: J'ai d'abord commencé à conduire les patients qui devaient aller

18 se soumettre à des dialyses à Visegrad-Foca, selon cet itinéraire là. J'ai

19 été apprenti à titre temporaire. Quand j'ai commencé à travailler à titre

20 permanent, j'ai conduit pendant l'année entière où on me disait d'aller.

21 Question: Mais quand vous conduisiez cette ambulance, est-ce que vous

22 étiez supposé assister, par exemple, le médecin ou l'infirmier, ou votre

23 rôle se limitait-il à aller jusqu'à l'hôpital pour traitement, et rien que

24 cela?

25 Réponse: Eh bien, si rien ne pouvait être fait à Visegrad, je l'emmenais

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1 ailleurs. Quand il s'agissait de cas graves, il fallait emmener une

2 infirmière, du personnel médical pour escorter le malade.

3 Question: Mais quand il y avait eu un accident, n'étiez-vous pas censé

4 aider la personne blessée, ou étiez-vous seulement censé conduire au

5 centre médical de Visegrad?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Mais quand il y avait, par exemple, un accident et que la

8 personne en question est déjà décédée, est-ce que votre travail consiste à

9 transporter ce corps à la morgue, ou c'était l'affaire de quelqu'un

10 d'autre?

11 Réponse: Eh bien, depuis le lieu de l'accident, on ne savait pas si

12 quelqu'un était décédé ou pas. Nous étions donc censés emmener,

13 transporter les blessés jusqu'à l'établissement le plus proche. Nous

14 n'étions pas censés aller au centre hospitalier même, mais à

15 l'établissement le plus proche.

16 Question: Est-ce qu'à Visegrad il y avait quiconque d'autre chargé de

17 transporter des décédés, des morts jusqu'à la morgue, ou était-ce la

18 responsabilité d'une entreprise particulière à Visegrad?

19 Réponse: Oui, il y avait une entreprise funéraire, on l'appelait

20 l'entreprise communale. Cette compagnie avait l'équipement nécessaire pour

21 assurer ce type de transport.

22 Question: Vous souvenez-vous qu'au mois d'août passé, vous vous êtes

23 entretenu avec un représentant du Bureau du Procureur, un dénommé Yves

24 Roy? Vous souvenez-vous de cela?

25 Réponse: Oui, j'ai été à Sarajevo avec lui.

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1 Question: Il s'est entretenu avec vous concernant ce que vous saviez nous

2 dire au sujet de ce procès, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Il vous a posé des questions et vous avez, de votre côté,

5 répondu à ces questions de la meilleure façon possible, au mieux de vos

6 connaissances?

7 Réponse: C'est cela.

8 Question: A la fin de cet entretien, M. Roy vous a fourni l'opportunité

9 d'ajouter quoi que ce soit d'important, selon vous, à ce que vous aviez

10 raconté, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Je crois que, profitant de cette occasion-là, une fois que cette

13 occasion vous avez été offerte, vous avez dit: "Merci, je voudrais

14 seulement vous remercier de votre amabilité". Est-ce bien ce que vous avez

15 dit à M. Roy?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Monsieur Roy a enregistré sur une bande magnétique l'entretien

18 que vous avez eu, n'est-ce pas?

19 Réponse: Il m'avait demandé si je préférais qu'il prenne des notes ou

20 qu'il enregistre. Je lui ai dit: "Faites comme vous voulez", et il a

21 enregistré sur une bande.

22 Question: Vous étiez donc conscient du fait que ces entretiens étaient

23 enregistrés sur bande magnétique, et vous avez été d'accord pour que ce

24 soit fait?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Pendant l'entretien en question, il me semble que vous avez dit

2 ce qui suit: que vous aviez vu le mariage de Milan Lukic. Est-ce correct?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vous souvenez-vous de la date dont il s'agissait?

5 Réponse: Je ne saurais pas vous donner de date au juste, mais j'avais été

6 présent à ce mariage-ci.

7 Question: Est-ce que vous avez été à la partie du mariage qui s'est faite

8 dans l'église ou dans l'assemblée municipale, chez l'officier d'état

9 civil?

10 Réponse: J'avais été invité à 3 heures de l'après-midi à l'hôtel pour le

11 déjeuner de noces, mais je n'ai pas été au mariage à l'église, ni en ville

12 dans le foyer de la culture où ces cérémonies ont lieu. Je faisais partie

13 de ceux qui venaient plus tard pour se faire recevoir et offrir à boire et

14 à manger à l'hôtel, dans l'après-midi.

15 Question: Est-ce qu'il y a eu, ce jour-là, à l'hôtel, des festivités

16 organisées pour ce mariage?

17 Réponse: Oui, c'est là que j'ai été.

18 Question: Pouvez-vous nous donner une idée du temps qui s'était écoulé

19 entre la réception de cette invitation au mariage de Milan Lukic et le

20 mariage même? Une semaine avant? Deux semaines avant? Combien de temps

21 avant?

22 Réponse: Il s'est passé peut-être dix jours.

23 Question: Et quand vous êtes allé au mariage, j'imagine que vous étiez

24 bien habillé?

25 Réponse: Oui. Pour les mariages, on met des vêtements nets, bien.

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1 Question: Avez-vous vu M. Vasiljevic à ce mariage?

2 Réponse: Oui, il avait été à ce mariage.

3 Question: Et il serait probablement exact de dire que lui aussi avait été

4 habillé très convenablement pour ce mariage?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Dans la déposition que vous avez faite, vous avez répondu aux

7 questions que l'on vous avait posées au sujet des gens de Kosovo Polje et

8 vous avez dit, à un moment donné, que vous vous étiez rendu à Kosovo Polje

9 et aviez averti les gens de là-bas qu'il se pouvait qu'il y ait une

10 attaque d'unités paramilitaires, n'est-ce pas?

11 Réponse: Eh bien, à Kosovo Polje, il y avait toutes sortes de légumes, de

12 bons légumes que l'on plantait en mai. Donc je prenais là-bas mes tomates,

13 mes poivrons, tous les ans. Je suis allé m'approvisionner en tomates et je

14 leur ai dit de fuir, de prendre un canot et de traverser la Drina. Je

15 connais, même de nos jours encore, les gens qui se trouvaient là-bas à

16 l'époque.

17 Question: Etes-vous allé là-bas seulement une fois et les avez-vous

18 avertis, prévenus de la chose, ou est-ce que vous êtes allé à Kosovo Polje

19 pour les prévenir à plusieurs reprises?

20 Réponse: Je suis allé une fois avec eux et j'ai bu du café, un litre de

21 café presque, avec eux. Je leur ai dit de se cacher, je leur ai dit qu'il

22 y avait des soldats qui allaient venir, des paramilitaires qui allaient

23 venir et je leur ai dit de fuir. C'étaient des gens que je considérais

24 comme étant des voisins anciens et des amis.

25 Question: Quand vous êtes allé à Kosovo Polje, est-ce que vous y êtes allé

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1 en véhicule ambulance?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Pouvez-vous nous dire vers quelle période de la journée vous

4 êtes allé là-bas? Est-ce qu'il faisait encore jour? Le soir?

5 Réponse: On était en plein milieu de la journée. Il devait être peut-être

6 1 heure ou 2 heures de l'après-midi.

7 Question: Et pourriez-vous nous donner une idée: quand est-ce que vous

8 êtes allé à Kosovo Polje pour prévenir les gens là-bas?

9 Réponse: Il se peut que cela ait été le 10 mai. Je crois que c'est la

10 période où l'on plante certains légumes, et c'est là que, justement, au

11 mois de mai l'on plante.

12 Question: Je voudrais que les choses soient tout à fait claires. Vous ont-

13 ils parlé, eux, des paramilitaires? Ou leur avez-vous parlé, vous, des

14 paramilitaires?

15 Réponse: Ils m'ont dit qu'ils ne connaissaient pas du tout Venela(?), et

16 l'un d'entre eux m'avait dit qu'il avait dissimulé, enterré dans son pré

17 10 litres d'essence. Et celui-ci est venu l'accuser d'avoir caché cette

18 essence dans le champ. Et ils m'ont dit qu'ils ne les connaissaient pas,

19 qu'ils avaient peur de ces gens-là, et je leur ai dit, pour ma part, qu'il

20 valait mieux s'en aller et se mettre à l'abri.

21 Question: Monsieur Savic, je voudrais vous donner lecture d'une partie de

22 la déposition que vous avez faite au mois d'août: "Je sais qu'au mois de

23 juin, fin mai ou début juin de l'année 1992, je m'étais rendu à Kosovo

24 Polje en prétendant aller chercher des légumes parce que c'est une région

25 connue pour les légumes qu'on y cultivait. Et j'ai dit à ces gens-là de

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1 quitter cette région parce qu'il y allait avoir des paramilitaires qui

2 allaient venir. Bon nombre d'entre eux m'étaient reconnaissants parce

3 qu'ils avaient fui, ils avaient traversé la rivière.".

4 Monsieur Roy avait dit ensuite: 'Vous avez été bon à l'égard de la

5 population musulmane pendant la guerre et jusqu'à nos jours". Vous avez

6 répondu à cette question comme suit -je cite: "Ils me faisaient confiance

7 et je leur ai dit de se mettre à l'abri, de quitter la région parce que

8 certaines personnes allaient venir et que ces personnes-là allaient

9 probablement commencer à piller, que l'on ne savait pas au juste à quoi

10 l'on pouvait s'attendre d'eux."

11 Je voudrais vous poser une autre question. N'avez vous pas été vous-même

12 la personne qui avait dit aux gens de Kosovo Polje qu'il y avait des

13 paramilitaires planifiant de venir à Kosovo Polje et susceptibles de

14 commettre des crimes contre ces gens-là? N'avez-vous pas été vous-même la

15 personne qui leur avait parlé de cela?

16 Réponse: J'ai dit à ces gens-là, parce que l'on ne savait jamais de qui il

17 s'agissait et où ils allaient aller, et le plus sûr pour eux était de se

18 mettre à l'abri. On ne savait jamais quand ils allaient venir.

19 Alors, je connaissais ces gens. Beaucoup de gens achetaient aux marchés

20 les légumes et les fruits chez eux, et j'avais connu ces gens-là.

21 J'avais transporté du matériel pour la construction de leur maison, je

22 connaissais chacun d'entre eux. Je connaissais leurs noms et prénoms, je

23 connaissais leurs mères. Je leur ai dit de s'en aller. Ils étaient

24 reconnaissants.

25 On a pris un café, on est restés ensemble. Ils avaient même voulu me

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1 retenir, mais je ne pouvais pas rester aussi longtemps, je n'osais pas

2 rester trop longtemps.

3 Question: Monsieur Savic, la question exacte ou concrète que je vous ai

4 posée, c'est de savoir si vous n'avez pas été vous-même la personne à leur

5 avoir parlé de l'existence de ces paramilitaires. Ce n'était pas eux qui

6 vous avaient parlé de cela. Donc vous avez fait semblant d'aller chercher

7 des légumes et vous êtes allé, en fait, les prévenir de l'existence de ces

8 unités paramilitaires?

9 Réponse: Oui. Mais auparavant, ils m'avaient déjà parlé du fait que ces

10 gens-là avaient fait des incursions chez eux.

11 Question: Serait-il alors juste de dire que, dans la région de Visegrad,

12 vous aviez d'autres amis qui étaient Musulmans?

13 Réponse: Oui, j'avais un collègue à qui j'avais donné des cigarettes, je

14 lui avais acheté 20 paquets, je lui avais porté cela à la maison à Gornja

15 Cenca; il s'appelait Mujo Radic, je lui ai donné ces cigarettes et il est

16 parti. Je lui ai dit: "Cache-toi, quitte ta maison". Il est allé de

17 l'autre côté de la colline, ils ont même emmené sa femme et leurs vaches.

18 Je leur avais même proposé de les emmener en véhicule à Priboj.

19 Question: Exception faite des gens de Kosovo Polje, est-ce qu'au mois de

20 mai ou de juin vous êtes allé chez d'autres personnes, vers d'autres cités

21 musulmanes pour les prévenir de l'arrivée de ces unités paramilitaires?

22 L'avez-vous fait dans quelque autre cité?

23 Réponse: Oui, dans la rue derrière la maison de la culture, Hamida

24 Besarevic. J'avais gardé les deux enfants de la caissière de mon

25 entreprise quatre jours chez moi. Par la suite, je l'ai emmenée, elle

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1 aussi. Et elle et sa famille, je les avais emmenés à la Rogatica. Je leur

2 avais fourni des vêtements noirs de ma femme. Je les ai mis dans la

3 voiture, je les ai emmenés à Priboj. Il s'agissait de Gadzic Mula et de

4 ses deux enfants; elle et sa famille se trouvent actuellement au Danemark.

5 On se parle de temps en temps, c'est une doctoresse. C'est une doctoresse

6 de Sase et sa mère, je l'avais emmenée à Uzice.

7 Question: Monsieur Savic, je voudrais vous demander si vous êtes allé vers

8 quelque autre hameau que ce soit, prétendant faire une autre tâche, avec

9 l'intention de les prévenir de quelque chose, ou l'avez-vous fait rien que

10 pour Kosovo Polje?

11 Réponse: A chaque fois que je rencontrais des gens dans la rue vers les

12 cités, je leur disais: "S'il vous plaît, mettez-vous de côté" car, pour

13 personne, les temps n'étaient pas sûrs. On ne pouvait pas prouver qu'on

14 était serbe ou musulman alors que des gens qu'on ne connaissait pas

15 s'amenaient sous armes. Et même moi, j'avais du mal à dire pour certains

16 de qui il s'agissait au juste. Chaque fois que je rencontrais des gens, je

17 leur disais: "Mets-toi à l'abri, vas où tu sais aller, ne reste pas là!".

18 Question: Monsieur, puis-je vous poser la question suivante: comment

19 saviez-vous que des paramilitaires avaient l'intention de s'attaquer au

20 hameau de Kosovo Polje? Qu'avez vous vu, au juste, pour ce qui est de vous

21 laisser entendre que des unités paramilitaires allaient s'attaquer à

22 Kosovo Polje?

23 Réponse: Il y avait une espèce de peur qui s'était installée dans la

24 population toute entière. Les gens allaient et venaient comme du bétail;

25 les autres pillaient, tuaient. Et dans cette peur, dans la peur que

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1 j'avais, la peur qu'avaient les autres personnes, on ne savait pas qui

2 venaient chez vous, on ne venait même pas discuter avec vous, vous

3 demander quoi que ce soit. Ils fonçaient comme du bétail sur vous.

4 Question: Mais pouvez-vous nous dire pour la première fois quand est-ce

5 que vous avez vu des gens aller à gauche et à droite et se comporter de la

6 sorte à Visegrad?

7 Réponse: Lorsque l'armée yougoslave s'en est allée de Visegrad. Ils sont

8 partis le 18 mai et c'est après qu'il est venu des gens, des personnes qui

9 avaient voulu faire régner leur loi à eux, et ni Serbes ni Musulmans

10 n'osaient sortir dans la rue ni aller ou que ce soit. C'était une peur

11 incroyable.

12 Question: Peut-être certaines personnes avaient elles décidé de ne pas

13 sortir dans les rues, de rester chez elles. Mais vous, en raison de votre

14 travail en tant que chauffeur d'ambulance, vous étiez censé sortir et vous

15 déplacer dans les rues pendant que ces gens-là erraient dans les rues?

16 Réponse: Oui. Moi, je devais sortir. Il y avait des gens malades, des

17 cardiaques qui appelaient, qui demandaient de l'aide, et j'avais été le

18 seul à être contraint de me déplacer, que je le veuille ou pas.

19 Question: Et pendant cette période, pourrait-on dire que vous avez

20 personnellement vu des gens commettre des crimes tels que des pillages,

21 des destructions de biens privés et choses de ce genre?

22 Réponse: J'ai vu cela mais je ne connaissais pas ces gens-là, je ne les

23 connaissais pas du tout. Ils pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient

24 quand ils voulaient, sans aller et revenir, rester où ils voulaient. Et

25 quand ils étaient armés comme ils l'étaient, jusqu'aux dents, ils

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1 pouvaient faire et aller où ils voulaient.

2 Question: Avez-vous, vous-même… Les avez-vous, vous-même, vu faire cela?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que, pendant que vous travailliez, il vous a fallu, à

5 quelque moment que ce soit, aider une personne quelconque qui aurait été

6 victime de ces gens? Par exemple, une personne qui aurait été passée à

7 tabac par ces gens-là, ou sur laquelle on aurait tiré quelques coups de

8 feu?

9 Réponse: Oui. A Osojnica, il est venu une femme qui avait reçu une balle

10 dans le nez, son nez avait été transpercé par une balle. Je l'ai emmenée à

11 Priboj. Le docteur m'avait dit: "emmène-la", et j'ai mis à mes propres

12 risques et périls le feu aux clignotants rotatifs de l'ambulance en marche

13 et je l'ai emmenée là-bas. Et puis, j'ai emmené une femme de Zepa avec

14 trois enfants en canot pour leur faire traverser la rivière. L'homme qui

15 les avait amenés jusque là s'appelait Osman. Je leur ai fait traverser la

16 Drina pour Uzice. Cet homme, Osman, venait de Zepa.

17 Réponse: Et les enfants étaient-ils blessés?

18 Réponse: Je pense que oui. C'est la raison pour laquelle je les ai avais

19 emmenés.

20 Question: Dans le cadre de vos fonctions, avez-vous été, à quelque moment

21 que ce soit, en situation d'enlever des cadavres, d'écarter des corps de

22 personnes pour lesquelles il vous apparaissait clairement qu'elles avaient

23 été mortes de mort subite et de mort violente?

24 Réponse: Non, pas moi; d'autres l'ont fait. Ce n'était pas mon travail, et

25 je n'ai pas fait ce type de travail.

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1 Question: Pendant que vous faisiez votre travail, est-ce que vous deviez

2 évacuer ou voir évacuer des corps, des cadavres qui se trouvaient dans les

3 rues de Visegrad?

4 Réponse: Dans les rues, il n'y en avait pas. Oui, il y avait autour des

5 eaux, enfin, du côté de la Drina, sur les rives de la Drina.

6 Question: Qu'est-ce que vous pourriez nous dire à propos du nombre de

7 corps que vous avez pu apercevoir sur la rive de la Drina?

8 Réponse: Quelques cadavres: parfois cinq, parfois trois, ça dépend, même

9 dix.

10 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de cette première

11 occasion à laquelle vous avez pu remarquer des cadavres sur la rive de la

12 Drina?

13 Réponse: Ce serait peut-être au début du mois de juin; fin mai, début

14 juin.

15 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner un chiffre arrondi? Plus de

16 100, moins de 100?

17 Réponse: Je ne pourrais pas vous dire le chiffre exact, mais il se

18 pourrait qu'il s'agisse d'une centaine.

19 Question: Ai-je raison de dire que ces personnes blessées, avec lesquelles

20 vous étiez en contact, et que ces cadavres que vous auriez pu

21 éventuellement reconnaître étaient plutôt des Musulmans venant de

22 Visegrad? Ai-je raison si je le dis comme je le dis?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Ces corps jalonnant la rive de la Drina, est-ce que ces gens qui

25 étaient de l'autre côté, qui devaient passer par le pont, est-ce que ces

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1 gens pouvaient voir et détecter ces corps?

2 Réponse: Cela dépend. Le niveau d'eau de la Drina baisse de quelques

3 mètres; la Drina charrie, enlève, charrie les corps. Enfin, peut-être que

4 oui, on pouvait les apercevoir, mais les gens avaient peur et ne s'y

5 intéressaient pas de plus près.

6 Question: Si quelqu'un voulait l'observer, c'était quelque chose de

7 visible pour ceux qui traversaient le pont pour sortir ou aller à

8 Visegrad?

9 Réponse: Mais tout le monde pouvait le voir, tous ceux qui voulaient le

10 voir.

11 Question: Donc, vous avez dit que les niveaux de l'eau baissant, les corps

12 seraient charriés. Mais, à ce moment-là, le niveau de Drina était contrôlé

13 par le barrage, cela ne dépendait pas des conditions atmosphériques, pluie

14 ou autre?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Si quelqu'un, à l'époque, se rendait à ce barrage et laissait

17 déverser une certaine quantité d'eau, ces corps auraient pu être charriés;

18 est-ce exact?

19 Réponse: Oui, il y a des gens qui travaillaient à ce barrage.

20 Question: Dans le cadre de vos fonctions, vous deviez passer le pont de la

21 Drina à plusieurs reprises, à plusieurs occasions par jour?

22 Réponse: Oui, cela dépendait de mes missions. Je le faisais quelques fois

23 par jour, mais parfois je ne traversais pas le pont; cela dépendait de mon

24 affectation, de ma fiche de travail.

25 Question: Lorsque vous traversiez le pont de la Drina, est-ce que vous

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1 avez pu remarquer des indications de violence sur ce pont, enfin des

2 taches de sang, des dentures, des articles, des pièces de vêtements?

3 Enfin, est-ce que vous pouviez remarquer certaines choses qui pouvaient

4 vous indiquer ce qui se passait sur le pont lui-même?

5 Réponse: Oui, parfois je voyais des taches de sang.

6 Question: Et ces taches de sang, est-ce que c'était concentré dans la

7 partie qu'on appelle "sofa", c'est-à-dire un siège en pierre qui était à

8 peu près vers le centre du pont?

9 Réponse: Oui, juste sur la sofa.

10 Question: Est-ce que vous avez remarqué des taches de sang sur cette sofa

11 au cours de tout l'été 1992?

12 Réponse: Du mois de mai jusqu'en juillet.

13 Question: Est-ce que vous avez été témoin de quelque crime que ce soit qui

14 eût été commis sur le pont?

15 Réponse: Non, cela fut exécuté durant la nuit.

16 Question: Vous n'avez pas besoin de nous dire la date exacte, où vous

17 habitez, mais est-ce que vous pourriez nous donner une idée où se trouve

18 votre appartement, votre maison par rapport au pont?

19 Réponse: A une distance de 1.300 mètres, dans la direction du pont. De ma

20 maison, je ne vois pas le pont mais si je montais sur le toit, je pourrais

21 l'apercevoir; mais ça fait 1.300, 1.500 mètres. Ma maison n'est pas

22 tournée dans la direction du pont, elle ne donne pas sur le pont.

23 Question: Enfin, vos allers et retours -chauffeur que vous étiez- du

24 centre médical, est-ce que vous avez pu remarquer que des gens ont été

25 pillés, que des gens ont perdu la vie dans quelque incendie que ce soit?

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1 Réponse: Oui, il y a eu des maisons incendiées par des individus. Dans ma

2 rue, il y a eu deux maisons qui ont brûlé: celle de Pecikoza, celle de

3 Mica Savic, donc dans mon voisinage immédiat. Et puis, celle de Murat

4 Sabanovic. Enfin, c'est le quartier dans lequel je me déplace.

5 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner le nombre de maisons de

6 Musulmans qui ont été incendiées, à l'époque?

7 Réponse: Autour de moi il n'y en a pas eu, oui, mais il y a tout de même

8 une maison à une dizaine de mètres, à une quinzaine de mètres. Il

9 s'agissait de mon premier voisin, en quelque sorte.

10 Question: Laissons votre voisinage immédiat. Mais dans la région de

11 Visegrad à travers laquelle vous vous déplaciez, est-ce que vous pourriez

12 nous dire approximativement combien de maisons appartenant à des Musulmans

13 ont été incendiées?

14 Réponse: Je ne pourrais pas vous le dire. Enfin, il y a des fumées qui

15 s'échappent. Et puis en face de moi, à la rue Pionirska, peut-être une ou

16 deux maisons. Et je l'ai constaté seulement après l'événement lui-même.

17 Question: Est-ce que vous connaissez qu'il y avait une école dans la rue

18 Pionirska?

19 Réponse: Oui. Mes deux fils y allaient, fréquentaient cette école.

20 Question: Est-ce que vous pourriez nous situer l'emplacement de votre

21 maison par rapport à cette école? A quelle distance se trouve votre maison

22 par rapport à l'école?

23 Réponse: En ligne directe, à vol d'oiseau, à quelque 600 mètres, 700

24 mètres. Et puis, un peu plus long si je devais conduire les enfants à

25 travers les rues de la ville. Mais, en principe, c'est 500 ou 600 mètres à

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1 vol d'oiseau.

2 Question: Est-ce que vous savez qu'il y avait ou qu'il y a encore un

3 ruisseau qui s'écoule parallèlement à la rue Pionirska, et qu'il y a un

4 poste de canalisation et d'égouts?

5 Réponse: Oui, il y a un ruisseau et ma propriété, mon domaine familial,

6 paternel, longe ce ruisseau. C'est une portion de terre qui m'appartient,

7 à l'heure actuelle.

8 Question: Si vous deviez parler avec quelqu'un et aller directement vers

9 l'école pour aboutir à ce ruisseau, pour aboutir donc à votre domaine,

10 votre maison, donc c'est le chemin que vous devriez prendre?

11 Réponse: Oui, à 100 mètres du ruisseau, vers la fin du ruisseau.

12 Question: Et quand avez-vous remarqué ces deux maisons incendiées, en feu,

13 sur la rue Pionirska? Est-ce que vous pourriez nous dire quand cela s'est

14 passé?

15 Réponse: Oui. C'était vers le mois de mai, enfin, vers le 1er mai, et la

16 maison appartenait à Ibrahim Hodza. Donc, le 1er mai.

17 Question: Et l'autre maison que vous avez décrite, que vous avez

18 mentionnée, quand a-t-elle été incendiée?

19 Réponse: Je ne saurais pas le préciser. Celles-ci, en contrebas, ce sont

20 des maisons qui se trouvaient en contrebas par rapport à la mienne. Enfin,

21 mes voisins essayaient d'éteindre cet incendie, mais je ne sais pas quand

22 exactement ces maisons étaient en feu.

23 Question: Ce voisin, Hodza, est-ce qu'il avait un cheval, d'après ce que

24 vous savez?

25 Réponse: Oui, il avait une maison dans un village. Il venait

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1 sporadiquement. Et puis, il y a eu des gens qui venaient de Serbie, de

2 Yougoslavie. Il leur lisait des livres saints, il faisait de la

3 chiromancie. Et puis, il avait une maison vers le côté de Dubovik. Et lui

4 et sa femme étaient d'ailleurs mes premiers voisins.

5 Question: A quelle distance se trouvait ce village dans lequel il avait sa

6 résidence secondaire, sa maison de campagne?

7 Réponse: 8 ou 9 kilomètres.

8 Question: Et si je me trouvais donc dans cette école du nom de Karadzic,

9 comment pourrait-on aboutir à ce village, en montant la rue ou en

10 descendant la rue en question?

11 Réponse: En remontant la rue, jamais du côté de la ville, mais vers le

12 village du Babin Potok et par la suite.

13 Question: La deuxième maison incendiée dans la rue Pionirska, pourriez-

14 vous nous donner la direction dans laquelle se trouvait cette maison?

15 Réponse: Devant l'école, côté façade, à une cinquantaine de mètres, 50 ou

16 100 mètres devant l'école à gauche.

17 Question: Est-ce que cette maison était tout près du ruisseau?

18 Réponse: Tout près de la rue, plutôt plus près de la rue.

19 Question: Est-ce que vous connaissez le nom de la personne qui est

20 propriétaire de cette maison?

21 Réponse: Il s'agissait de Memic Mujo, un policier.

22 Question: Et comment avez-vous appris cet événement d'incendie de sa

23 maison?

24 Réponse: Quand je rentre chez moi, je dois remonter la rue. A vol

25 d'oiseau, la distance est d'une cinquantaine de mètres. Par conséquent, je

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1 devais l'apercevoir, et puis c'était sur tout Visegrad.

2 Question: Est-ce que vous avez été sur les lieux au moment de l'incendie?

3 Réponse: Non, je ne l'ai pas vu à l'époque.

4 Question: Est-ce qu'il serait exact de dire que vous avez peut-être aperçu

5 cet incendie depuis votre maison, depuis votre propriété et votre domaine?

6 Réponse: Oui.

7 Question: En parlant avec M. Roy, vous avez parlé aussi avec M.

8 Tanaskovic. Est-ce exact?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et c'était en mai de l'an 2000?

11 Réponse: C'est le 4 mai que j'ai fait ma déclaration, 4 mai de l'an 2000.

12 Question: Est-ce que vous vous souvenez que, à ce moment-là, vous avez dit

13 à M. Tanaskovic que Vasiljevic s'était proclamé chef du service d'hygiène

14 de la localité de Visegrad? Est-ce que vous vous souvenez avoir dit ça à

15 M. Tanaskovic?

16 Réponse: Non, pas chef du service sanitaire.

17 Question: Permettez-moi de vous donner lecture d'une partie de cette

18 déclaration: "Au cours de la guerre, j'ai vu Vasiljevic vêtu en civil avec

19 un brassard. Il s'est présenté comme le chef du service d'hygiène de

20 Visegrad."

21 Vous souvenez-vous avoir dit cela à M. Tanaskovic?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Lorsque vous l'avez dit, déclaré à M. Tanaskovic, est-ce que

24 vous avez réellement entendu dire concrètement M. Vasiljevic cela, ou

25 avez-vous eu ouï dire?

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1 Réponse: Je ne l'ai pas entendu de la bouche de Mitar, mais il a été

2 désigné, affecté à ce poste et a reçu la charge de s'occuper de l'hygiène

3 de la ville.

4 Question: Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il y a une différence

5 entre quelqu'un qui est affecté à un poste de balayeur de rue et à un

6 poste de chef responsable de l'hygiène d'une ville?

7 Réponse: Mais si Mitar n'y était pas, personne n'aurait nettoyé, balayé

8 cette ville à l'époque.

9 Question: Ce qui m'intéresse, c'est ce titre de responsable en chef de

10 l'hygiène de la ville. Autrement dit, comment avez-vous appris qu'il était

11 vraiment responsable, chef du service d'hygiène?

12 Réponse: Il y a des particuliers, des individus qui vous le disent: "Mitar

13 est chargé, est chef du nettoyage de l'hygiène de la ville.".

14 Question: Lorsque vous vous êtes entretenu avec l'enquêteur Roy, c'était

15 un peu différent. Est-ce que vous vous souvenez que vous avez dit que M.

16 Vasiljevic s'était proclamé être le maire de la ville? Est-ce que vous

17 vous souvenez avoir dit cela dans votre entretien avec M. Roy?

18 Réponse: Peut-être, mais seulement en ce qui concerne l'aspect nettoyage

19 de la ville.

20 Question: Donc, en disant cela à M. Roy, vous pensiez que Vasiljevic était

21 chargé, responsable de l'hygiène de la ville?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Au cours de vos déplacements dans la ville, est-ce que vous avez

24 vu sur place M. Vasiljevic balayer, nettoyer les rues de la ville?

25 Réponse: Oui. Et puis, il poussait d'autres à le faire, il invitait les

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1 gens à faire le nettoyage devant leur magasin, devant leur immeuble

2 d'habitation. Et puis, il y a eu différentes choses qu'il fallait enlever

3 de la ville: les graffitis, les affiches; pendant la nuit, on écrivait une

4 centaine de graffitis. Et puis, je me souviens qu'il avait même forcé ma

5 propre femme, mon épouse, d'autres épouses également à s'occuper, à

6 participer à cette campagne de nettoyage de la ville. Et personne n'avait

7 rien contre. Enfin, ce n'était pas quelque chose de forcé dans le sens

8 vrai du mot, mais c'était une action, une campagne.

9 Question: Combien de fois l'avez-vous vu engagé dans ce genre d'action de

10 nettoyage?

11 Réponse: Quand je roulais à bord de ma voiture, il m'arrivait de le voir

12 quotidiennement, de jour en jour. Enfin, tout était en quelque sorte

13 limité, mes déplacements mais, chemin faisant, je le voyais à des

14 occasions différentes.

15 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de combien a duré

16 cette action, cette campagne de nettoyage? Une semaine, plusieurs

17 semaines, un mois peut-être?

18 Réponse: Dès le départ de la JNA, il le faisait régulièrement. Donc

19 jusqu'à son accident et jusqu'à son hospitalisation.

20 Question: Vous avez dit comment vous l'avez amené à l'hôpital. Est-ce que

21 vous pourriez nous donner un repère temporel? Est-ce que c'était avant ou

22 après son hospitalisation, et après que vous l'ayez transféré jusqu'à

23 l'hôpital d'Uzice?

24 Réponse: Je pense que c'était après ce trajet de transfert jusqu'à

25 l'hôpital à Uzice. Mitar était d'abord à l'hôpital et puis, cela s'est

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1 produit après.

2 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une approximation de cet

3 incendie à la maison de Memic, et la date du transfert de Vasiljevic à

4 l'hôpital d'Uzice?

5 Réponse: Une fois terminé ce trajet vers Uzice, je suis rentré vers 23

6 heures, et puis c'est peut-être le lendemain ou le jour après que j'ai

7 constaté l'incendie de ces maisons. Et puis, il y a des maisons qui sont

8 incendiées et qui brûlent pendant plusieurs jours. C'était l'été, personne

9 n'essayait d'éteindre ce feu. Enfin, je pense que c'était plutôt après,

10 Mitar était déjà transféré à l'hôpital.

11 Question: Quand vous avez aperçu la maison, est-ce qu'il y avait encore

12 des fumées qui s'en dégageaient?

13 Réponse: Eh bien, il y a des maisons qui fument, qui laissent échapper des

14 fumées pendant trois jours, puis les voisins sont là pour intervenir, pour

15 que l'incendie ne se répande pas. Enfin, il y a toujours quelque chose

16 dans une maison qui peut brûler: vêtements, meubles, et ainsi de suite.

17 Question: Je vous pose une question concernant cette maison spécifique:

18 quand est-ce que vous l'avez vue en train de dégager des fumées?

19 Réponse: J'ai aperçu qu'elle n'avait plus de toit, que le toit a été pris

20 par le feu, incendié.

21 Question: Serait-il possible que cette maison que vous avez vue en feu

22 était incendiée même quelques jours avant que vous l'ayez aperçue vous-

23 même?

24 Réponse: Non.

25 Question: Combien de jours avant que vous l'ayez aperçue, combien de jours

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1 avant cette maison aurait pu être incendiée?

2 Réponse: Le jour où je l'avais aperçue, eh bien, cette maison aurait pu

3 être encore en feu, incendiée. Je ne rentrais pas régulièrement chez moi,

4 j'étais au centre médical, je pouvais y loger, enfin, me nourrir et ainsi

5 de suite. Il y a parfois des périodes où, pendant un mois, 30 jours, je ne

6 rentrais pas chez moi. Par conséquent, j'avais tout ce qui m'était

7 nécessaire à l'hôpital, au centre médical.

8 Question: Lorsque vous avez transféré M. Vasiljevic à cet hôpital, est-ce

9 que vous avez passé la nuit à l'hôpital cette fois-ci également?

10 Réponse: Oui, en rentrant.

11 Question: Est-ce que vous vous souvenez avoir passé la nuit dans cet

12 hôpital, la nuit d'avant?

13 Réponse: Oui, je ne pouvais pas toujours quitter ce centre médical. Et

14 puis, je le quittais, ce centre médical, lorsque je devais le faire.

15 Question: Après avoir transféré M. Vasiljevic à l'hôpital, est-ce que vous

16 étiez en mesure de rentrer chez vous?

17 Réponse: Oui, je ne pourrais pas le dire exactement, je ne me souviens

18 pas, peut-être que le lendemain... C'étaient deux kilomètres en voiture,

19 et puis je devais rendre visite à mes enfants; les enfants étaient petits:

20 6, 8, 10 ans. Et puis, parfois, je rentrais en vitesse chez moi. Parfois,

21 je rentrais deux fois par jour. Mais je ne pourrais pas vous dire

22 ponctuellement quand je suis rentré.

23 Question: Vous ne pouvez pas nous situer la période entre votre retour du

24 transfert à l'hôpital, de Vasiljevic, et le moment de votre rentrée à la

25 maison?

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1 Réponse: Oui, parce qu'il m'arrivait de devoir transporter un patient le

2 lendemain vers Uzice et de rentrer.

3 Question: Revenons à cette action de nettoyage.

4 Vous souvenez-vous avoir dit à M. Roy que les gens qui étaient

5 participants à cette campagne, que ces gens-là avaient peur de M.

6 Vasiljevic? Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela à M. Roy?

7 Réponse: Non, je ne saurais pas m'en souvenir. Mais il était respecté, ils

8 le respectaient, et puis, il devait s'acquitter de ce devoir. Ce qu'il

9 faisait n'était rien de mal, c'était au nom de nous tous, au nom de la

10 santé de nous tous. Et enfin, il devait faire ce qui devait être fait et

11 ce qu'il leur commandait, en quelque sorte.

12 Question: Je voudrais vous donner lecture d'une partie de ce rapport à M.

13 Roy.

14 Citation: Vous avez dit que "vraiment, ces gens avaient peur mais la ville

15 n'était pas aussi propre". Est-ce que cela peut rafraîchir votre mémoire,

16 cet entretien que vous avez eu avec M. Roy et ce que vous avez dit à

17 propos de Mitar Vasiljevic?

18 Réponse: Peut-être qu'il prenait un verre de plus, et puis il était un peu

19 différent dans son langage en indiquant aux gens que vous devez faire ceci

20 avant de pouvoir rentrer chez vous vous. Par conséquent, ceci peut être

21 considéré comme un ordre.

22 Question: Mais c'est bien différent que d'avoir peur. Vous patronnez

23 quelqu'un, ce sont deux choses différentes.

24 Réponse: Oui peut-être, "patronner", mais il n'avait pas d'arme donc il ne

25 pouvait pas sommer les gens d'un devoir quelconque et puis on avait tous

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1 peur.

2 Question: Quand vous aperceviez M. Vasiljevic et son équipe de nettoyage…

3 Enfin, d'après vous, est-ce que ces gens avaient l'air d'avoir peur de

4 Vasiljevic?

5 Réponse: Mon épouse et les autres épouses nettoyaient les maisons là où

6 elles habitaient, où elles travaillaient, et lui il avait l'habitude de

7 leur dire: "Il faut que tu nettoies, il faut que tu balaies devant ta

8 porte!". Eh bien, elles avaient l'obligation d'honorer et de respecter cet

9 "ordre", entre guillemets.

10 Question: Vous nous avez dit que lorsqu'il prenait un verre de trop, qu'il

11 "patronnisait" les gens. Est-ce que peut-être les gens considéraient cette

12 attitude comme étant agressive, donc après avoir pris quelques verres de

13 plus?

14 Réponse: Sa voix, peut-être, était plus haute, plus agressive,

15 retentissait davantage. Enfin nous autres, les hommes, nous connaissions

16 son caractère. Mais on ne se sentait pas apeuré par cette attitude, par sa

17 voix qui devenait plus forte.

18 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire quel est le nombre d'actions,

19 de missions que vous aviez en moyenne au cours d'une journée, à cette

20 époque-là?

21 Réponse: Cela dépendait de la journée en question: deux, trois, cinq fois,

22 une dizaine de fois.

23 Il n'y a plus eu beaucoup de population, beaucoup de gens. Il y a eu des

24 gens qui avaient quitté les lieux. Donc une population réduite mais ça

25 dépendait, une dizaine, cinq ou deux par jour.

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1 Question: Et à cette même époque, je pense que vous nous avez dit que vous

2 travailliez de jour en jour, que vous n'aviez pas de jour libre au cours

3 d'une semaine pratiquement?

4 Réponse: Il arrivait que nous travaillons encore davantage: quelquefois 20

5 jours d'affilée, un mois d'affilée; c'était une obligation de travail.

6 J'étais obligé d'effectuer ce travail au centre de santé. C'était un

7 travail permanent et il arrivait que nous travaillions trois mois.

8 Question: Pendant cette période, vous avez parlé de ces patients, entre

9 deux et dix par jour. Combien y en avait-il qui étaient serbes et combien

10 musulmans, parmi ceux que vous transportiez à l'hôpital entre mai et

11 juillet 1992? Y avait-il une majorité serbe ou musulmane parmi ces

12 patients?

13 Réponse: En ce qui concerne les patients, ils ne venaient pas me voir moi,

14 ils venaient voir les médecins parce qu'il y avait des médecins à ce

15 centre de santé. Ensuite, c'était le médecin qui décidait s'il fallait ou

16 pas les transporter. Quelquefois, j'en avais un ou deux, quelquefois je

17 n'en avais aucun qui allait ailleurs. Et les patients étaient nombreux à

18 venir; ils venaient chercher des médicaments auprès des médecins. Ils

19 venaient sans arrêt. Quelquefois, il y en avait 50, ça dépendait des

20 besoins.

21 Il y en avait qui se plaignaient de ne plus pouvoir respirer, d'avoir une

22 maladie de cœur, etc., etc.; ils venaient tous à pieds.

23 Question: Serais-je en droit de dire que la majorité de ces patients était

24 serbe et pas musulmane dans les mois de mai et juillet 1992?

25 Réponse: Oui. En mai, il y avait encore des Musulmans mais déjà, en juin,

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1 les Musulmans ne venaient plus et en juillet non plus.

2 Question: Serais-je également en droit de dire que parmi les gens que vous

3 avez transportés à l'hôpital pendant cette période, la majorité étaient

4 serbes?

5 Réponse: En, juin-juillet, oui.

6 Question: Nous avons entendu de nombreux témoignages au cours de ce procès

7 qui nous ont amené à penser qu'au cours du mois de juin et du mois de

8 juillet 1992, un grand nombre de Musulmans ont été blessés. Vous a-t-on

9 appelé pour transporter un blessé ou des blessés musulmans à l'hôpital de

10 Visegrad?

11 Réponse: (Inaudible.)

12 Question: Je suis désolé, mais pourriez-vous répéter votre réponse un peu

13 plus fort? Elle n'a pas été entendue, elle n'a pas été entendue par les

14 sténotypistes.

15 Réponse: Non, je ne l'ai jamais fait, cela ne m'est jamais arrivé.

16 Question: Nous savons qu'au moins deux incendies importants ont eu lieu à

17 Visegrad qui ont fait des blessés et des morts. Avez-vous le souvenir

18 d'avoir été appelé, peut-être par des pompiers, pour vous rendre sur le

19 lieu d'un incendie et transporter des blessés à l'hôpital?

20 Réponse: Non. Mais je sais qu'un de mes collègues, et je crois d'ailleurs

21 qu'il est mort, a emmené une petite fille à Titovo Uzice.

22 Question: Je vais vous poser la question suivante, Monsieur Savic. Il

23 semble, d'après votre témoignage, que vous avez toujours eu de la bonté

24 pour les Musulmans?

25 Pendant cette période, avez-vous eu le sentiment que vous auriez été en

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1 sécurité si vous étiez sorti pour porter secours à un Musulman, peut-être

2 un de ces Musulmans blessés par les paramilitaires dont vous avez parlé,

3 donc porter assistance pour l'emmener à l'hôpital de Foca, à l'hôpital de

4 Visegrad ou d'Uzice. L'auriez-vous vous fait en toute sécurité?

5 Réponse: Si je l'avais emmené seul à Uzice, je n'aurais pas été en

6 sécurité, j'aurais dû me cacher. Le docteur m'a donné des instructions

7 mais moi, je ne savais pas comment le faire exactement et je le faisais au

8 risque de ma vie à moi.

9 Question: Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement si vous pouviez les

10 emmener jusqu'à ces hôpitaux, mais si vous vous seriez senti en sécurité

11 ou si vous vous seriez senti en danger en raison d'activités

12 paramilitaires ou autres? Autrement dit, aurait-il été sûr pour vous de

13 répondre à un tel appel?

14 Réponse: Non.

15 Question: Pour quelle raison, Monsieur?

16 Réponse: Non, je n'aurais pas osé. J'aurais eu peur, comme ils avaient

17 peur pour eux-mêmes, parce que j'aurais pu être attaqué. Les gens

18 attaquaient, les paramilitaires vous arrêtaient: "Qui vous êtes?". Il

19 fallait apporter la preuve. "Et pourquoi tu es là?". Donc moi aussi, je

20 prenais des risque même si, en fait, cela ne m'importait pas beaucoup.

21 Question: Monsieur, ai-je raison de penser que votre ambulance porte un

22 signe distinctif qui indique qu'il s'agit d'une ambulance, c'est-à-dire

23 par exemple une croix rouge sur la carrosserie ou un gyrophare?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Ai-je raison de penser que vous êtes en train de nous dire que,

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1 même à l'intérieur d'une ambulance signalée en tant qu'ambulance, vous ne

2 vous seriez pas senti en sécurité si vous étiez allé porter secours à des

3 Musulmans blessés en raison des violences? N'est-ce pas exact?

4 Réponse: Je ne me sentais jamais en sécurité. Il y avait le gyrophare, il

5 y avait la croix rouge sur la carrosserie et, pourtant, un médecin, un

6 chauffeur, des infirmières sont morts en allant dans la direction de Rudo.

7 Donc on les a attaqués eux aussi. Qui était où, dans quelle zone,

8 pourquoi? Plus personne ne cherchait à savoir.

9 Question: Monsieur Savic, il me semble que je suis en droit de conclure, à

10 partir de ce que vous nous dites, que vous pouviez physiquement sortir et

11 apporter de l'aide à un nombre de Serbes compris entre deux et dix par

12 jour pendant cette période, mais que cela n'aurait pas été sûr pour vous

13 de le faire s'il s'était agi de Musulmans. Ai-je raison?

14 Réponse: Oui, dans les rues, oui. En ville, je ne pouvais pas.

15 Question: Ma question maintenant est la suivante: pourquoi n'était-il pas

16 sûr, pour vous, de porter secours à des Musulmans?

17 Réponse: Les gens étaient d'un autre bord, lequel exactement, je ne sais

18 pas, mais il n'y avait pas la possibilité de s'entendre. On ne pouvait pas

19 dire à un homme, lui parler comme un ami, je ne savais pas comment lui

20 dire, comment l'interpeller, "monsieur"... Lui dire quoi? Cela ne les

21 intéressait pas, ils n'écoutaient pas, ils ne nous regardaient pas.

22 D'ailleurs, nous, les habitants de Visegrad, peu leur importait qui nous

23 étions, qui était qui. D'ailleurs, ils ne s'occupaient même pas de savoir

24 quel était le nom des gens. Il fallait sortir sa carte d'identité, la

25 montrer.

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1 Question: Monsieur Savic, avez-vous, à quelque moment que ce soit, reçu

2 instruction du centre de santé ou, peut-être, de certains responsables

3 politiques ou de certains responsables en ville? En tout cas, avez-vous

4 reçu des instructions selon lesquelles il ne fallait pas porter secours à

5 des Musulmans s'il y en avait qui étaient blessés dans cette période?

6 Réponse: Non, non, jamais personne ne m'a dit qu'il ne fallait pas

7 apporter de l'aide. Les médecins disaient même qu'il fallait apporter de

8 l'aide à tout le monde. N'importe qui venait au centre de santé, recevait

9 de l'aide.

10 Question: Connaissez-vous une personne répondant au nom de Behija Zukic?

11 Réponse: Oui, elle travaillait avec mon frère en France. Elle y a

12 travaillé pendant six ans. Ils étaient très bons amis et j'étais également

13 ami avec elle.

14 Question: Connaissiez-vous le magasin qui était sa propriété?

15 Réponse: Oui, parfois d'ailleurs, elle me faisait cadeau de légumes ou ce

16 genre de chose quand mon frère venait à Belgrade, ce frère qui vivait en

17 France. Et il me donnait aussi quelque chose pour ma mère qui avait 90

18 ans, parce que c'est lui qui nous a apporté de l'aide pour les papiers en

19 France, tous les papiers administratifs. Nous avions de très bons

20 rapports.

21 Question: Connaissiez-vous la Passat de couleur rouge qu'elle avait?

22 Réponse: Oui, bien sûr.

23 Question: Au cours de ce procès, des témoignages ont porté sur la date du

24 jour où son corps a été transporté jusqu'au centre de santé de Visegrad.

25 Vous rappelez-vous avoir été de service le jour ou Mme Zukic a été

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1 transportée au centre de santé?

2 Réponse: Non. Je crois qu'elle n'a même pas été transportée à l'hôpital.

3 Question: Vous rappelez-vous quand elle est morte?

4 Réponse: Je ne sais pas, je ne sais pas quand j'ai entendu dire qu'elle

5 avait été tuée.

6 Question: D'après ce que vous avez entendu, qui l'a tuée?

7 Réponse: Sans doute la personne qui conduisait la Passat.

8 Question: Qui avez-vous vu au volant de cette Passat, après sa mort?

9 Réponse: Milan Lukic.

10 Question: Combien de fois l'avez-vous vu au volant de cette Passat?

11 Réponse: Pendant des mois il l'a conduite cette voiture, sans arrêt.

12 M. Groome (interprétation): Serait-il permis de dire que, dans cette

13 période de deux mois, vous avez pratiquement vu cette voiture tous les

14 jours?

15 M. Savic (interprétation): En passant, je la voyais sans arrêt.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, n'est-il pas important

17 de savoir de quel Lukic il s'agit?

18 M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.

19 Pouvez-vous répéter le prénom du Lukic dont vous venez de parler? S'agit-

20 il de Milan Lukic?

21 (Signe affirmatif de la tête du témoin.).

22 Je vous demanderai de prononcer le nom à haute voix, Monsieur?

23 M. Savic (interprétation): Oui, Milan Lukic.

24 Question: Avez-vous jamais vu Sredoje Lukic au volant de cette même

25 voiture également?

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1 Réponse: Non.

2 Question: Avez-vous jamais vu Mitar Vasiljevic au volant de cette voiture?

3 Réponse: Mitar n'a jamais conduit la moindre voiture, et il n'accompagnait

4 personne dans une voiture non plus.

5 Question: Je vais reformuler ma question: avez-vous jamais vu Mitar

6 Vasiljevic en tant que passager de cette voiture?

7 Réponse: Je n'ai pas regardé, il est possible qu'il l'ait été. Mais je ne

8 l'ai pas vu, lui; Sredoje conduisait une autre voiture.

9 Question: Monsieur Vasiljevic nous a parlé d'une occasion au moins où il

10 s'est trouvé à l'intérieur d'une voiture. Vous est-il jamais arrivé de

11 voir M. Vasiljevic à la place du passager dans cette voiture?

12 Réponse: Non, je ne l'ai pas vu, je ne l'ai pas vu avec lui dans la

13 voiture, Mitar. Je n'ai pas vu Mitar avec lui dans cette voiture.

14 Question: Serais-je en droit de redire que la population musulmane de

15 Visegrad avait très peur de cette voiture?

16 (Le témoin fait un signe de la main.)

17 (Le témoin indique qu'il n'entend rien dans ses écouteurs.)

18 Réponse: Oui, oui, ils avaient peur, c'était dangereux, les gens

19 s'enfuyaient.

20 Question: Pouvez-vous nous dire pourquoi les gens avaient peur de cette

21 voiture?

22 Réponse: J'ai entendu dire que, la nuit, il regroupait des gens, il

23 arrivait dans cette voiture, il repartait dans cette voiture, mais où, je

24 ne sais pas.

25 Question: D'après ce que vous avez compris, pensez-vous que ces personnes,

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1 ces gens étaient ensuite éventuellement tués?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Eventuellement violés?

4 Réponse: Pour ça, je n'en sais rien. Mais même moi, j'avais peur. Je

5 soupçonnais que ces gens risquaient d'être tués, et par la suite je n'ai

6 pas revu ces gens, ces femmes. Ils avaient peur.

7 Question: Avez-vous jamais entendu dire que certaines des personnes qui

8 ont été emmenées dans cette voiture ont subi des tortures?

9 Réponse: Non.

10 Question: Vous venez de nous parler de vos soupçons personnels, s'agissant

11 du sort réservé à ces personnes emmenées dans cette voiture. Vous semblez

12 être quelqu'un de très raisonnables. Pouvez-vous nous dire sur quoi vous

13 fondez vos soupçons? Pouvez-vous nous dire éventuellement ce que vous avez

14 vu ou entendu qui vous a rendu soupçonneux, quant au sort réservé aux

15 personnes qui étaient dans cette voiture?

16 Réponse: Lui, il ne pensait pas beaucoup à ces gens, c'est sans doute pour

17 ça qu'il les ramassait; il les ramassait pour les liquider, il ne les

18 emmenait pas déjeuner. Mais lui, il n'y pensait pas beaucoup à ces gens,

19 c'était ce genre d'homme. Je n'ai jamais vu cela de ma vie.

20 Question: Quand vous l'avez vu regrouper des personnes, emmener des

21 personnes, Milan Lukic portait-il une arme?

22 Réponse: Toujours. Un fusil automatique.

23 Question: Pouvez-vous nous dire quand vous avez appris, pour la première

24 fois, à quoi participait cette Passat rouge au volant de laquelle se

25 trouvait Milan Lukic? Quand vous avez entendu parlé, ou appris, pour la

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1 première fois ce que vous venez de nous dire au sujet du fait que Milan

2 Lukic ramassait des gens et les emmenait pour les liquider?

3 Réponse: Peut-être bien au début du mois de juin, dès le départ de l'armée

4 yougoslave.

5 Question: Diriez-vous que ce fait est devenu un fait généralement connu de

6 tout le monde dans la ville de Visegrad, à savoir que cette Passat rouge

7 servait à ramasser des gens qui, ensuite, étaient liquidés?

8 Réponse: Eh bien, oui. Dès que j'ai vu que cette voiture était à lui, il

9 la conduisait, il partait, moi, je ne regardais pas. Cela ne me plaisait

10 pas de regarder, je n'avais pas l'occasion de regarder, mais la preuve a

11 été faite aujourd'hui que c'était bien ça. Ces gens ne sont plus là.

12 Question: Serais-je en droit de penser que, au début du mois de juin, la

13 plupart des Serbes de la ville de Visegrad savaient que cette Passat rouge

14 était utilisée de cette façon?

15 Réponse: Au début, tout le monde avait déjà peur, et aujourd'hui encore la

16 majorité aurait peur. Il faisait tout ça surtout la nuit. Et toute

17 personne consciente essayait de se tenir à l'écart de ça.

18 Question: Est-il exact que, dans cette période, après le départ de la JNA,

19 les gens parlaient de tout cela au travail ou dans les cafés, après le

20 travail éventuellement? Les gens ne discutaient-ils pas de ce que Milan

21 Lukic faisait dans la ville de Visegrad?

22 Réponse: Eh bien, je ne sais pas ça, je ne sais pas quels commentaires

23 chacun faisait à ce sujet. Tout le monde se rendait compte que c'était

24 difficile, que c'était une chose qui pouvait arriverait à tout le monde.

25 Question: Je vais vous dire ce qui suit: je vous demande si vous avez

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1 discuté avec l'un ou l'autre de vos collègues de travail des soupçons de

2 ce que faisait Milan Lukic?

3 Réponse: Nous ne pouvions pas. Comment est-ce que je pourrais vous

4 expliquer? Chacun trouvait que certaines choses étaient bizarres et

5 personne ne parvenait à imaginer des choses comme celles-là. Nous n'avions

6 pas le courage de le faire. Lui, ça lui était égal de savoir qui j'étais,

7 moi, ou qui étaient les autres.

8 Question: Je vais vous poser la question suivante: cela vous aurait-il

9 surpris si, après le début du mois de juin, vous aviez rencontré quelqu'un

10 qui vivait et qui travaillait à Visegrad et qui, apparemment, ne savait

11 pas ce que Milan Lukic faisait avec cette voiture? Est-ce que cela vous

12 aurait surpris comme étant étonnant?

13 Réponse: Il y a des gens qui ne savent pas, il y en a pas mal. Certains

14 n'étaient pas là, mais la moitié ça ne m'étonnerait pas. Si la moitié ne

15 savait pas ce qu'il avait fait, cela me surprendrait.

16 Question: J'aimerais à présent attirer votre attention sur un certain jour

17 où vous avez répondu à un appel à l'aide. On vous demandait de vous rendre

18 sur une place qui se trouve non loin de l'hôtel Visegrad. Ma question est

19 la suivante: lorsque vous êtes arrivé non loin de l'hôtel et que vous avez

20 vu M. Vasiljevic, avez-vous compris très clairement, depuis le début, que

21 M. Vasiljevic était tombé d'un cheval?

22 Réponse: Oui, oui, assurément, j'affirme que c'était là. Je crois même que

23 le cheval était sur les lieux, non loin de là en tout cas. Je crois que

24 c'est ce que j'ai enregistré.

25 Question: Vous rappelez-vous un quelconque détail au sujet du cheval?

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1 Réponse: Non, je ne sais pas. Je ne sais pas où, quand, comment. Ces

2 détails, je ne sais pas. C'est tout ce dont je peux me souvenir.

3 Question: Corrigez-moi si je me trompe, mais d'après votre souvenir M.

4 Vasiljevic portait bien des vêtements civils ce jour-là, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Donc, depuis le moment même où vous êtes arrivé sur les lieux,

7 il était clair à vos yeux que M. Vasiljevic, portant des vêtements civils,

8 avait été blessé lors d'une chute de cheval en plein milieu de la ville,

9 n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui, j'en ai parlé à certaines personnes et on riait, on

11 plaisantait assez souvent à ce sujet. Parce qu'il y a des femelles et des

12 mâles. Et c'était une femelle, alors pour Mitar on riait, on faisait des

13 plaisanteries à cause de ça.

14 Question: Au moment où vous avez apporté votre aide à M. Vasiljevic,

15 personne n'est venu, ne s'est approché de vous pour vous dire: "Monsieur

16 Savic, M. Vasiljevic a été blessé sur un champ de bataille", n'est-ce pas?

17 Personne ne vous a dit quoi que ce soit de ce genre, n'est-ce pas?

18 Réponse: Non, non, non. Personne.

19 Question: Hier, je crois que vous avez décrit la chemise que portait M.

20 Vasiljevic comme étant une chemise de couleur foncée, n'est-ce pas?

21 Réponse: J'ai vu des vêtements très divers sur le corps des gens que je

22 transportais. Il y en a au moins une dizaine de sortes différentes. Mais

23 il en ressort que c'était de couleur sombre.

24 D'ailleurs aujourd'hui, j'ai réfléchi à ça. Un de ses neveux s'était fait

25 tuer et je crois qu'il portait des vêtements sombres.

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1 Je ne sais pas ce que j'ai dit. Moi, je ne sais pas ce que je portais

2 hier, ou même d'accord, je sais ce que je portais hier mais pas avant-

3 hier.

4 Question: J'aimerais vous rappeler une partie de votre déclaration devant

5 l'enquêteur M. Roy et nous allons voir si cela modifie vos propos

6 d'aujourd'hui. Je cite: "Si je me souviens bien c'était un tee-shirt très

7 coloré, très coloré et des pantalons normaux". Fin de citation.

8 Vous rappelez-vous avoir dit à l'enquêteur M. Roy que ce jour-là M.

9 Vasiljevic portait un tee-shirt très coloré?

10 Réponse: C'est possible que j'ai dit ça. Je savais qu'en civil il portait

11 un tee-shirt coloré et un pull-over, et il a fait une veste légère, comme

12 celle-ci, un coupe-vent comme celui que je porte aujourd'hui. Il ne

13 portait jamais de vêtements longs. Il portait toujours une veste courte,

14 une veste en cuir ou quelque chose de ce genre. Mais à l'époque c'était

15 l'été et le temps était couvert, il pleuvait.

16 Question: Monsieur, je vais vous rappeler ce qui figure sur le compte

17 rendu d'audience en anglais aujourd'hui, et nous verrons si vous avez

18 quelque chose à corriger.

19 Je vous décris, Monsieur, je vous décris vous-même: "Il porte une veste

20 légère qui descend à peu près jusqu'à la taille, elle a des manches

21 longues, elle a un col". Est-ce une description correcte de ce que vous

22 portez aujourd'hui, Monsieur?

23 Réponse: Ce sont des vêtements de sport, des vêtements de tous les jours,

24 vous voyez. La longueur vient jusqu'ici. Et à l'époque il était serveur,

25 garçon de café, il portait un veston de costume et une chemise blanche

Page 2919

1 quand il était de service. Mais quand il ne travaillait pas, il portait

2 des vêtements de tous les jours, un peu comme ceux que je porte

3 aujourd'hui et une veste courte comme la mienne.

4 M. Groome (interprétation) : Monsieur, pour que ce qui est consigné soit

5 exact, la description que je viens de faire de vos vêtements, seriez-vous

6 d'accord avec cette description de votre veste?

7 M. Savic (interprétation): Nous appelons cela des vestes de sport, une

8 veste comme celle-ci, des vestes courtes.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, c'est peut-être une

10 expression étrangère pour le témoin, mais ne pensez-vous pas qu'on

11 pourrait appeler ça un coupe-vent?

12 M. Groome (interprétation): J'essaie justement de faire déterminer la

13 longueur de cette veste.

14 Monsieur le Président (interprétation): Oui, le témoin est d'accord avec

15 la longueur, avec le fait qu'il s'agisse d'un coupe-vent.

16 M. Groome (interprétation): Est-ce qu'elle avait des manches longues?

17 M. Savic (interprétation): Oui.

18 Monsieur le Président (interprétation): Suspension d'audience jusqu'à 11

19 heures 30.

20 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.)

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?

22 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 Monsieur Savic, j'ai quelques questions seulement à vous poser encore au

24 sujet de la façon dont M. Vasiljevic était vêtu ce jour-là. Vous souvenez-

25 vous si, à ce moment-là, il portait un brassard autour de son bras

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1 lorsqu'il est arrivé suite à sa chute de cheval?

2 M. Savic (interprétation): Il portait un brassard rouge qui n'avait aucun

3 insigne dessus, mais je ne sais pas ce que cela signifiait. Je sais

4 seulement qu'il avait ce brassard au bras droit.

5 Question: Vous venez de montrer votre bras droit au-dessus du coude, c'est

6 bien cela?

7 Réponse: Oui, ici, au-dessus du coude.

8 Question: Vous souvenez-vous de la couleur de ce brassard?

9 Réponse: Rouge.

10 Question: Est-ce qu'il vous semblait ivre lorsqu'il est arrivé?

11 Réponse: Il n'était pas ivre mort, c'est-à-dire pas très, très ivre, mais

12 il avait tout de même bu. Il était éméché et il parlait de façon bruyante.

13 Question: Quand vous parlez de sa façon de parler, entendez-vous qu'il

14 prononçait les mots de façon peu claire?

15 Réponse: Non. Les mots étaient clairement prononcés, mais il était plus

16 bruyant.

17 Question: Et quand vous vous entreteniez avec lui, est-ce qu'il vous a

18 décrit la façon dont il s'était blessé et où?

19 Réponse: Pour ce qui est de l'endroit, je l'ai trouvé sur place et je n'ai

20 pas posé de question. J'avais demandé aux gens autour de m'aider à le

21 porter. Il se peut qu'il ait raconté quelque chose, mais je ne me souviens

22 plus. Je sais qu'il s'était adressé à moi en me disant: "Zile, vois ce qui

23 m'est arrivé", ou quelque chose de ce genre.

24 Question: Mais, exception faite de cela, vous souvenez-vous si vous vous

25 étiez entretenu avec lui avant que de le placer dans votre véhicule?

Page 2921

1 Réponse: Je ne me souviens pas. D'habitude, on place les gens dans la

2 partie arrière, il y a une espèce de cloison. Donc je ne me souviens plus

3 s'il avait posé des questions, s'il avait dit quoi que ce soit d'autre.

4 Question: Les gens qui vous ont aidé à le placer dans le véhicule, pouvez-

5 vous nous donner les noms de ces gens-là, dont vous vous souvenez qu'ils

6 vous avaient aidé?

7 Réponse: Eh bien, je n'arrive à me resituer. Je viens de me le rappeler

8 maintenant, il y avait un certain Pero Mitrovic mais pour les autres, je

9 ne sais plus qui il y avait. Je n'arrive plus à me souvenir qui il y avait

10 d'autre parce qu'il s'est passé depuis beaucoup de temps et beaucoup de

11 choses se sont passées dans ma tête entre temps.

12 Question: Avez-vous connu une personne répondant au nom de Ratko Simsic?

13 Réponse: Oui, l'instituteur.

14 Question: Vous souvenez-vous l'avoir vu là-bas, à l'époque?

15 Réponse: Non, il n'était pas là-bas à mes côtés. Non, pas du tout.

16 Question: Le trajet de l'endroit où vous avez trouvé M. Vasiljevic n'est

17 pas très long; c'est relativement court, comme trajet, n'est-ce pas?

18 Réponse: Deux minutes, oui, deux, trois minutes.

19 Question: C'est donc un trajet qui vous conduit juste à traverser le pont

20 sur la Drina?

21 Réponse: Oui, on traverse le pont, et il y a peut-être 300 ou 400 mètres

22 encore.

23 Question: Quand vous êtes arrivé à l'hôpital, certaines infirmières ou

24 médecins ont dû vous demander quel type de patient vous aviez, et vous

25 avez probablement répondu que c'était quelqu'un qui était tombé de cheval,

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1 n'est-ce pas?

2 Réponse: C'est cela.

3 Question: Est-ce que vous vous souvenez à qui exactement vous avez dit

4 dans quel état M. Vasiljevic se trouvait et comment il en était venu là?

5 Réponse: J'ai dit cela à une infirmière, je ne sais plus laquelle. Je sais

6 que le docteur Goran Loncarevic était descendu et qu'il avait jeté un oeil

7 sur sa jambe, dans la civière. Il avait tout de suite déduit qu'il

8 s'agissait d'une fracture de la jambe. Il l'a donc tout de suite envoyé à

9 un endroit. Il y avait deux jeunes gaillards qui ont pris le brancard et

10 qui ont porté Mitar Vasiljevic vers la radiographie. Il faut monter

11 l'escalier et puis il y a une cinquantaine de mètres; je crois qu'ils

12 l'avaient emmené vers la radiographie.

13 Question: Est-ce que vous avez dit à l'infirmière que vous venez de

14 mentionner que vous aviez là quelqu'un qui était tombé de cheval? C'est

15 bien ce que vous lui avez dit?

16 Réponse: Oui, c'est bien ce que nous avons dit au médecin et à cette

17 femme.

18 Question: Vous avec dit au Dr Loncarevic, n'est-ce pas, que vous aviez

19 quelqu'un qui était tombé de cheval, n'est-ce pas?

20 Réponse: Oui, oui.

21 Question: Pendant le temps que vous avez passé à conduire des gens,

22 serait-il exact de dire que vous n'avez transporté que des civils? Vous

23 n'avez pas travaillé, par exemple, pour le compte de la Défense

24 territoriale? Vous n'avez pas transporté de soldats blessés, n'est-ce pas?

25 Réponse: Ah non! J'ai aussi transporté des soldats blessés que l'on

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1 amenait du terrain et je les ai emmenés vers le centre médical. Il y avait

2 deux véhicules, l'un était plus grand que l'autre, avec des perfusions, et

3 il était prévu un médecin, une infirmière en accompagnement.. Cette espèce

4 de fourgonnette allait, par exemple, à Uzice avec des transfusions, enfin,

5 tout ce qu'il fallait et on transportait même des soldats jusqu'à Uzice.

6 Question: Serait-il exact de dire que, s'agissant du transport des soldats

7 depuis le champ de bataille jusqu'à la ville, c'était effectué par une

8 unité particulière?

9 Réponse: Une unité particulière, un chauffeur sur le terrain, et il

10 arrivait aussi que je me déplace sur le terrain à proximité de la ville.

11 Si, par exemple, il était plus près pour moi de la ville pour accéder aux

12 blessés, j'y allais, je le ramenais. On lui fournissait une assistance

13 première, la plus urgente possible, et puis ensuite on l'emmenait à

14 l'hôpital.

15 Question: Quand vous dites que vous veilliez à ce que cette première aide

16 soit fournie, est-ce que vous veilliez à fournir cette première aide vous-

17 même aux soldats?

18 Réponse: Il y avait une équipe, il y avait des infirmières. Je crois qu'il

19 y avait cinq infirmières qui étaient de service, et le médecin disait ce

20 qu'il fallait faire comme perfusion, piqûre contre les douleurs; s'il y

21 avait des fractures, les pansements à appliquer, etc., avant que de le

22 mettre dans le véhicule pour le transporter au-delà. Et il se faisait

23 escorter par une infirmière ou voire même un médecin, cela dépendant de la

24 mesure dans laquelle sa vie était en danger.

25 Question: Pouvez-vous nous dire à combien de reprises, à peu près, avez-

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1 vous été sollicité pour un déplacement vers le front et un transport de

2 soldats blessés?

3 Réponse: Je ne saurais vous le dire. Il se peut qu'en un an je l'aie fait

4 20 fois, peut-être même 50 fois. Cela dépendait de la proximité. Il

5 arrivait que des véhicules étaient en panne, alors c'étaient d'autres

6 véhicules qui se déplaçaient. Ce véhicule avait déjà un certain âge.

7 Question: Pendant que M. Vasiljevic se trouvait à la radiographie pour sa

8 jambe, avez-vous été convoqué pour un autre déplacement, ou êtes-vous

9 resté à l'hôpital?

10 Réponse: Je pense que cela dépendait. Mais je crois que ce jour-là j'étais

11 reparti, parce qu'on avait dit qu'un blessé devait encore arriver. Je sais

12 que j'ai attendu sur place une heure et quelque, voire même deux heures,

13 en attendant que les radios soient faites.

14 Tout était fait manuellement. Il fallait, par exemple, chauffer l'eau pour

15 développer la radio; on séchait manuellement avec une pince à linge. La

16 procédure durait une demi-heure, voire une heure, avant que d'être

17 terminée.

18 Question: Et où attendiez-vous? A l'hôpital ou au centre médical?

19 Réponse: Eh bien, ce n'est pas un hôpital, c'est un centre médical, on

20 attendait là. Et si l'on nous disait qu'il y avait autre chose à faire, eh

21 bien on évitait d'aller tout de suite, de transporter tout de suite les

22 gens. Il n'y avait pas tellement de carburant, donc on cherchait par

23 exemple à faire transporter plusieurs personnes, à économiser au maximum;

24 il y avait des pénuries de carburant, les voitures tombaient en panne et

25 les pneus étaient usés. Combien de fois j'ai eu des crevaisons parce que

Page 2925

1 les pneus étaient usés!

2 Question: Est-ce que vous avez appris, à quelque moment que ce soit, que

3 les deux os de la jambe de M. Vasiljevic étaient brisés?

4 Réponse: Je crois que c'est le docteur qui avait dit que les deux os

5 étaient cassés. Ils appellent cela "fibula" et autrement. Je crois que

6 c'est précisément ce que le médecin a dit.

7 Question: Avez-vous, vous, entendu le médecin le dire?

8 Réponse: Je pense que Goran Loncarevic était là et qu'il avait dit, même

9 avant les radios, qu'il s'agissait de fracture parce que, pour lui,

10 c'était un travail routinier. Il avait palpé de la main et il avait senti

11 la chose.

12 Question: Vous nous avez décrit la façon dont ces radiographies étaient

13 faites au centre. Avez-vous vu les radios de la jambe de M. Vasiljevic ou

14 avez-vous vu ces radios placées sur un tableau, sur une table permettant

15 de visionner les radios? Est-ce que vous avez vu cela?

16 Réponse: Je n'ai pas vu les radios moi-même. Mais, en général, on donne

17 ces radios au patient pour qu'il les porte avec lui. Et il a porté ça à

18 Uzice pour que, à Uzice, on refasse des radios.

19 Question: Pouvez-vous nous dire si toutes les fractures d'os étaient

20 traitées à Uzice ou à Foca, ou alors certains de ces patients étaient

21 traités au centre médical, sur place? Est-ce que, au centre médical de

22 Visegrad, le médecin a appliqué du plâtre sur des blessures de ce type?

23 Réponse: Non, non. Toute fracture était traitée soit à Foca, soit à Uzice.

24 Nous n'avions pas d'équipement pour ce faire, et personne ne voulait

25 assumer le risque de le faire sur place.

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1 Question: Etait-il pratique courante, lorsqu'un patient devait être

2 transporté de Visegrad vers l'hôpital, voire de Foca, voire de Uzice, de

3 préparer une sorte de feuille de route où l'on dirait, à l'intention des

4 médecins à l'hôpital, quel a été le diagnostic établi pour tel patient?

5 Réponse: Non, je ne pars pas sans feuille de route. C'étaient deux

6 Républiques même avant la guerre. A présent, maintenant, ce sont des Etats

7 distincts.

8 Donc, cette feuille de route servait à la facturation pour ce qui est des

9 journées d'hospitalisation. C'est un document où l'on met le numéro

10 d'assurance maladie. Et même de nos jours, c'est le cas. Sur cette feuille

11 de route, on précise quel est le département où il faut transporter le

12 patient. C'est mon document principal.

13 Maintenant, on fait autrement: j'inscris moi-même certains renseignements,

14 mais avant nous n'inscrivions rien. Ce que nous recevions était la chose

15 qui nous permettait de faire l'ensemble du travail, qui servait de

16 référence.

17 Question: Et cette feuille de route, est-ce un imprimé standard qui existe

18 au niveau du centre médical et qui est juste rempli par quelqu'un, ou

19 alors le médecin ou une infirmière prend une feuille vierge et inscrit

20 cela?

21 Réponse: Non, c'est un imprimé avec tous les renseignements. On dit "Mitar

22 Vasiljevic", où il travaille, code d'activité, code de patient… Ce sont

23 des données que l'on inscrit sur un imprimé qui a prévu la réception de

24 tous ces renseignements.

25 Question: Est-ce que tous ces renseignements nécessaires comportaient

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1 également la localité et l'heure de la blessure?

2 Réponse: Non. On n'apporte pas ce type de renseignement. Les

3 renseignements ne concernent que le moment de la réception du patient et

4 la suite. Et dans le livre, le protocole du centre médical, on met le

5 diagnostic et le lieu où l'on a envoyé le patient. Et c'est ce protocole-

6 là qui reste sur les lieux, sur place.

7 Question: Est-ce que l'on conserve une copie de cette feuille de route?

8 Réponse: Non, tout ce qui figure sur cette feuille de route est indiqué:

9 le protocole, la référence du protocole, le médecin, la thérapeutique

10 -s'il fallait par exemple une piqûre contre les douleurs-; le médecin

11 portait cela dessus et l'infirmière copiait la chose dans le livre, le

12 protocole, le registre.

13 Et, par exemple: "à telle ou telle date, Mitar Vasiljevic a reçu ceci".

14 Et donc, pour la postérité, cela doit figurer au registre. Et, même de nos

15 jours, on doit pouvoir retrouver ces renseignements-là.

16 Question: Vous avez dit, il y a quelque moment de cela, que vous ne

17 partiez pas sans feuille de route.

18 Ma question pour vous est la suivante: qu'avez-vous fait de cette feuille

19 de route, une fois arrivé à l'hôpital de Uzice?

20 Réponse: Je donne cela à l'accueil, au médecin d'accueil de l'hôpital. Et,

21 c'est partant de là, il voit ce que le médecin de Visegrad a indiqué. S'il

22 n'est pas sûr de certaines éléments, il emmène le patient, par exemple, à

23 nouveau vers la radiographie, etc.. La feuille de route était destinée à

24 Titovo Uzice. Cette feuille de route reste sur place. C'est partant de ce

25 document-là, qu'il facture les services à l'établissement qui a envoyé le

Page 2928

1 patient, c'est-à-dire vers le fonds, qu'ils facturent au fonds médical

2 approprié les frais que cela a engendré.

3 Question: Serait-il exact de dire que si vous veniez sans cette feuille de

4 route avec un patient à l'hôpital d'Uzice, l'hôpital pourrait dire: "Nous

5 ne pouvons accueillir, recevoir ce patient-là sans feuille de route",

6 n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui, ils l'accepteraient, au contraire, mais quelqu'un est tenu

8 de faire parvenir cette feuille de route au plus tôt. Si je trouvais, par

9 exemple, quelqu'un sur la route, je pouvais le transporter et je l'amenais

10 sans feuille de route, mais l'établissement afférent ferait parvenir

11 ultérieurement la feuille de route pour qu'il y ait une trace où l'on

12 indiquerait, par exemple: "tel patient a passé tant de jours

13 d'hospitalisation à tel ou tel endroit".

14 Question: Selon la façon dont vous comprenez les choses, est-ce que c'est

15 l'hôpital qui garde cette feuille de route -dans ce cas, donc, l'hôpital

16 d'Uzice-, et cela figure par la suite dans le dossier, est porté au

17 dossier du patient?

18 Réponse: Cela reste là, chez eux, oui. Ça reste à Uzice, à l'hôpital.

19 Question: Quand vous avez reçu cette feuille de route pour lui, en avez-

20 vous pris connaissance? L'avez-vous lue?

21 Réponse: Non, je n'ai pas l'habitude de lire cela. Ils ont notamment des

22 codes par lesquels ils expriment le diagnostic afférent aux patients. Il y

23 a des patients graves et par exemple le patient, des fois, n'est pas

24 autorisé à connaître, à savoir la maladie qu'il a; on code ces

25 appellations. Donc je lis rarement cela. Je sais qu'il y avait Mitar

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1 Vasiljevic et le lieu de destination.

2 Quand j'arrive, je remets ça à l'infirmière ou au médecin. Et à l'arrivée,

3 il arrivait que le patient perdait cela, alors moi je ne pouvais pas, moi,

4 garder le patient, sa feuille de route et tout le reste.

5 (Les interprètes demandent que le témoin se rapproche du micro.)

6 Question: Vous souvenez-vous quel avait été le diagnostic figurant sur

7 cette feuille de route?

8 Réponse: Maintenant, c'est ce que les médecins ont l'habitude de marquer.

9 Ils disent "fracture" pour des os cassées; c'est ce qu'ils marquent pour

10 des os cassés. Mais je ne sais plus ce qu'ils avaient marqué sur cette

11 feuille de route.

12 Question: Je voudrais à présent que vous nous disiez comment vous avez

13 fait le trajet depuis le centre médical de Visegrad à l'hôpital d'Uzice.

14 Avez-vous traversé le pont et, une fois de plus, la place où vous aviez

15 ramassé M. Vasiljevic?

16 Réponse: Je suis repassé par le vieux pont et Miloje Novakovic m'avait

17 demandé, lui qui avait été chef de comptabilité chez nous, m'avait demandé

18 donc de l'appeler parce qu'il voulait venir avec, il voulait venir faire

19 une visite de contrôle chez un médecin en médecine interne. Donc, j'ai

20 traversé le pont; je me suis arrêté à l'autre pont, là où habite Miloje

21 Novakovic, et j'ai ramassé Miloje Novakovic. Lui s'est assis à côté de

22 moi, Mitar était allongé à l'arrière et nous sommes partis ensemble. La

23 route n'était pas sûre pour ce qui était de rouler. C'était mouillé, il

24 fallait ne pas aller trop vite et Mitar, lui, n'avait pas non plus insisté

25 pour qu'on aille vite.

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1 Question: Vous avez ramassé M. Novakovic au pont de la Rzava. Il habite

2 près de la "Privatna Banka" de Sarajevo, en traduction "banque de

3 commerce" de Sarajevo.

4 Question: Vous venez de nous dire qu'il vous avait appelé à l'hôpital pour

5 vous demander de le transporter jusqu'à Uzice où il avait pris rendez-

6 vous, n'est-ce pas?

7 Réponse: Je l'ai appelé pour qu'il vienne avec nous, un peu pour ma propre

8 sécurité. Et il devait, de toute façon, se rendre à une visite de contrôle

9 à l'hôpital. Donc, devant partir, je l'ai appelé et il m'avait dit de

10 passer à côté de son immeuble, de faire une halte là et donc, c'est ce que

11 j'ai fait, je l'ai pris chemin faisant.

12 Question: Avait-il une arme sur lui, pendant trajet?

13 Réponse: Je ne sais pas de qui vous parlez, là.

14 Question: Monsieur Novakovic. Je parle de M. Novakovic.

15 Réponse: Non, il n'avait pas d'arme, il n'avait jamais eu d'arme. Il était

16 soumis à une obligation de travail. C'était une personne âgée. Il se peut

17 qu'il ait eu un pistolet en propriété privée, mais lui, à ce moment-là, je

18 ne l'ai jamais vu avec une arme, il n'avait pas d'arme. Et on ne pouvait

19 pas passer vers la Serbie avec des armes.

20 Question: Et vous-même, aviez-vous une arme?

21 Réponse: Non.

22 Question: Mais pourquoi vous sentiez-vous alors plus en sécurité avec une

23 personne non armée dan votre véhicule? En quoi cela était-il plus sûr pour

24 vous? Parce que vous venez de nous dire que vous redoutiez que l'on ouvre

25 le feu vers votre véhicule, donc comment une personne non armée pouvait

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1 vous faire vous sentir plus en sécurité et vous protéger?

2 Réponse: Eh bien, moi je me fiais aux destinées du bon Dieu. Je n'avais

3 aucune chance de m'en sortir si éventuellement le véhicule était touché.

4 Comment voulez-vous que je me défende? J'étais assis. On n'avait donc pas

5 besoin d'arme; si quelqu'un voulait vous tirer dessus et vous tuer, il

6 pouvait le faire sur cet itinéraire. Par exemple, moi je roulais le long

7 de la rive et quelqu'un, de l'autre côté de la rive, pouvait très bien

8 ouvrir le feu. Que voulez-vous que je fasse dans une situation pareille?

9 Question: Vous nous avez dit que M. Novakovic devait se présenter à un

10 examen de contrôle pour ses yeux. Est-ce que vous savez à quelle heure il

11 devait se rendre là-bas, à Uzice?

12 Réponse: A l'époque, chaque département avait un médecin de permanence, un

13 médecin, donc, en ophtalmologie, un interne de permanence. On pouvait

14 arriver à n'importe quelle heure, il y avait toujours un médecin de

15 permanence.

16 Question: Hier, vous nous avez dit que vous vous êtes arrêté à Vardiste

17 pendant combien de temps?

18 Réponse: A Vardiste, eh bien, c'est un lieu qui appartient à l'oncle de M.

19 Mitar Vasiljevic; c'est le frère, donc, de sa mère. Il m'avait dit: "J'ai

20 froid, arrêtez-vous sur ce lieu-là, à cet emplacement". Et puis nous nous

21 sommes arrêtés, nous avons pris un rafraîchissement, une sorte de jus de

22 fruit, et puis l'épouse de l'oncle a amené quelque chose, un jus de fruit

23 à Mitar, et puis lui a apporté une couverture pour qu'il soit plus

24 confortable. Enfin, nous y avons passé peut-être une vingtaine de minutes.

25 Question: Quelques questions en ce qui concerne les pratiques appliquées

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1 dans l'hôpital d'Uzice. Ai-je raison de dire qu'il y avait un département

2 bien spécifique pour l'accueil des nouveaux patients et que dans ce

3 département il y avait des infirmières, il y avait des médecins qui

4 devaient donc s'occuper de la réception, de l'accueil des nouveaux

5 patients et du tri à faire avec ces patients, les diriger vers les

6 départements compétents?

7 Réponse: A la réception, il y a cinq infirmières et deux personnes qui

8 sont chargées de diriger ces patients vers les différents départements par

9 élévateur, et ainsi de suite. Et puis, chacun reçoit son médecin

10 particulier, donc médecin du département. Et les infirmières au rez-de-

11 chaussée sont tenues également de préparer le patient, de le changer, de

12 lui assurer un pyjama, de lui assurer le reste, et puis ensuite les

13 guider, les faire guider vers le département voulu.

14 Question: En étudiant votre déposition, j'ai pu constater que le cas de

15 Mitar Vasiljevic était un peu particulier. Mitar Vasiljevic vous a demandé

16 de ne pas le conduire vers ce médecin d'accueil, de réception, mais de le

17 conduire vers le médecin qu'il connaissait en personne?

18 Réponse: Oui. C'est quelqu'un qui vient de notre pays, de notre région, de

19 Visegrad, c'est là qu'il a terminé sa spécialisation. Il y a beaucoup de

20 gens qui demandaient ce médecin: il s'agissait du Dr Aleksandar Moljevic.

21 Et c'est le médecin qui est descendu de son étage pour l'accueillir.

22 Question: Vous disiez qu'il était de Visegrad. Enfin, est-ce qu'il est

23 originaire, né à Visegrad?

24 Réponse: Oui, il est né à Visegrad. Sa mère était institutrice et son père

25 était genre serrurier.

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1 Question: Est-ce qu'il a travaillé pendant un certain temps à Visegrad?

2 Réponse: Oui. Nous avons commencé notre travail ensemble en septembre

3 1984. Et puis, il n'avait pas pu obtenir sa spécialisation à ce moment-là,

4 mais il a obtenu la possibilité de poursuivre ses études de spécialisation

5 à Uzice -donc dans le département d'orthopédie-, et il y est resté. Il s'y

6 trouvait depuis 1980 peut-être.

7 Donc il est resté entre temps à Uzice, et puis il a complété sa

8 spécialisation à Belgrade.

9 Question: On pourrait peut-être élucider les dates. Vous avez donc dit

10 qu'il a commencé à travailler en septembre 1984. Quand a-t-il quitté

11 Visegrad, le centre médical de Visegrad?

12 Réponse: Je ne sais pas exactement. Peut-être après un an ou deux ans.

13 Question: Et le Dr Moljevic une fois parti, est-ce qu'il revenait dans ce

14 centre médical de Visegrad pour donner un coup de main, apporter son aide

15 ou assistance à ceux qui étaient à Uzice? Est-ce qu'il le faisait?

16 Réponse: Non, c'est plutôt que ces gens devaient se rendre à Uzice pour

17 subir ces examens de contrôle.

18 Question: Je ne voudrais mettre en cause le Dr Moljevic, mais pourquoi les

19 patients de Visegrad sollicitaient à le consulter lorsqu'il s'agissait,

20 par exemple, d'une queue qu'on devait faire? Je pense aux patients, au

21 département d'accueil, de réception. Pourquoi ces gens demandaient le Dr

22 Moljevic? Est-ce qu'il pourrait leur prêter assistance plus rapidement que

23 les autres? Pourquoi ces gens-là voulaient voir Moljevic?

24 Réponse: C'était quelqu'un qui faisait bien son travail, les gens lui

25 faisaient confiance.

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1 Question: Monsieur Vasiljevic vous a donc demandé de trouver M. Moljevic.

2 Est-ce que vous avez trouvé effectivement M. Moljevic? Est-ce qu'il était

3 de service, ce jour-là?

4 Réponse: Les infirmières sur place avaient donc à leur disposition les

5 numéros des postes au sein de l'hôpital, elles étaient très efficaces. Et

6 je n'avais pas besoin d'intervenir ou de trop insister.

7 Question: Mais vous avez dû intervenir pour faire venir M. Moljevic, le Dr

8 Moljevic, pour que M. Vasiljevic soit admis à l'hôpital d'Uzice?

9 Réponse: Oui, enfin, il était de service, de permanence dans le cadre du

10 département d'orthopédie.

11 Question: Lorsque vous transportez un patient de votre hôpital à une

12 destination où vous devez le confier à quelqu'un, est-ce que vous avez

13 besoin de signer quelque chose, d'apporter des documents? Est-ce que vous

14 avez besoin de signer un quelconque papier pour confier votre patient à un

15 autre département?

16 Réponse: Non mais, en quelque sorte, oui. Par exemple, aujourd'hui,

17 lorsqu'il s'agit de Foca, de transport à Foca, on a tout simplement un

18 cachet du département de l'accueil et je n'ai rien à faire. Enfin,

19 personne ne m'a demandé de le faire.

20 Question: A l'époque, lorsque vous présentiez les documents au personnel

21 médical, aviez-vous à remplir quelque formulaire que ce soit dans ce

22 département de réception, d'accueil?

23 Réponse: Il y avait tous les détails: nom, prénom, le nom de la mère, du

24 père, avec qui il vit, son adresse, rue, numéro de la maison... Enfin, il

25 y a toute une anamnèse que l'on fait, donc anamnèse côté familial, et puis

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1 l'adresse, et tout ceci a été tapé.

2 Question: Est-ce que vous avez remarqué que le Dr Moljevic avait rempli un

3 quelconque formulaire ou avait pris des notes au moment où il recevait ce

4 patient, M. Vasiljevic, à l'hôpital?

5 Réponse: C'est ce que l'on fait au guichet de la réception. Et puis, on

6 remplit ce que nous appelons une "fiche de l'évolution des températures",

7 feuille de température où l'on peut inscrire tous les détails postérieurs.

8 Mais évidemment, on commence par là et c'est M. Moljevic qui apposait ses

9 initiales sur ce document, c'est-à-dire une sorte de feuille d'admission à

10 son département.

11 Question: Le trajet de Visegrad à Uzice, quel est le temps minimum que

12 vous pourriez imaginer en tant que chauffeur, donc ce trajet minimum,

13 durée minimum de Visegrad à Uzice sans entrave, sans être arrêté à ces

14 points de contrôle? Enfin, trajet direct; combien de temps cela pourrait

15 prendre?

16 Réponse: Si j'ai une bonne voiture, s'il n'y a pas d'entrave, et si c'est

17 un cas très urgent, cela pourrait faire une heure.

18 Question: Après ce jour où vous avez transporté M. Vasiljevic à l'hôpital,

19 pourriez-vous me dire quand est-ce que vous étiez à Uzice pour d'autres

20 cas ou d'autres affaires? Et vous y étiez, est-ce correct?

21 Réponse: Oui, j'apportais des vêtements pour d'aucuns, j'apportais de la

22 nourriture pour d'autres. Enfin, c'était un trajet aller-retour. Et puis,

23 à chaque occasion, j'apportais quelque chose pour quelqu'un. Si on me le

24 demandait, évidemment.

25 Question: Ce cas spécifique, et d'après vos souvenirs, d'après vos

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1 évaluations, M. Vasiljevic a passé quelque 30 jours dans cet hôpital; est-

2 ce exact?

3 Réponse: Je pense que c'était même un peu plus long. Je l'ai revu au mois

4 d'août. Je pense qu'il y a été hospitalisé pendant plus d'un mois, un mois

5 et demi. Je me suis fait dire par les médecins qu'il avait été transféré

6 dans d'autres départements, tel que la neuropsychiatrie.

7 Question: En anticipant les quelques questions que je voudrais vous poser,

8 donc au cours de ces premiers 30 jours, ce premier mois où il a été

9 hospitalisé, à combien de reprises -d'après votre estimation- vous lui

10 avez rendu visite, au cours de ce premier mois, au cours de ces premiers

11 30 jours?

12 Réponse: Peut-être trois ou quatre fois.

13 Question: La première visite, au cours de ces 30 jours, est-ce que vous

14 pourriez nous situer l'intervalle, la fréquence de vos visites entre la

15 première et les autres visites que vous lui avez rendues?

16 Réponse: Tout dépendait du cas, tout dépendait de l'occasion qui m'avait

17 été donnée de transporter quelqu'un dans cet hôpital. Peut-être qu'il

18 s'agissait de quelques jours, de deux jours peut-être.

19 Question: Et ensuite, quelques jours après?

20 Réponse: Non, ce serait une dizaine de jours après. Cela dépendait du

21 nombre de patients; il y a eu beaucoup de patients, je devais voir les uns

22 les autres, voir dans quel état ils se trouvaient.

23 Question: Monsieur Savic, pendant ces trois ou quatre occasions qui vous

24 ont été données de visiter M. Vasiljevic, vous n'avez jamais vu cette

25 extension qui était appliquée à sa jambe?

Page 2937

1 Réponse: Je pense que, la première fois, il avait cette jambe allongée.

2 Enfin, je ne peux pas me souvenir de tous les détails. Il y a eu beaucoup

3 d'appartements, si j'avais pu retenir tout cela chez lui ou chez les

4 autres. Enfin, j'ai visité à peu près cinq chambres à chaque reprise, à

5 chaque occasion.

6 Question: Permettez-moi de vous donner lecture d'un segment de la

7 déclaration que vous aviez faite. Il s'agissait du plâtre que M.

8 Vasiljevic portait, il s'agit donc de votre entretien avec M. Roy.

9 A la question: "il avait sa jambe en plâtre?", il vous a demandé: "Mais il

10 n'y avait pas d'extension, est-ce que vous vous en souvenez?", et vous

11 avez dit: "Non". Est-ce que vous souvenez d'avoir dit cela, à peu près, en

12 ce qui concerne l'extension de la jambe de M. Vasiljevic pendant le temps

13 que vous lui rendiez visite?

14 Réponse: Je ne sais pas, mais je sais qu'il n'y a pas eu de contrepoids.

15 Lorsqu'il y a contrepoids, il n'y a pas de plâtre. D'abord, on applique

16 les contrepoids, puis ensuite on fait les extensions. Et ensuite, donc, la

17 jambe a été plâtrée.

18 Question: Mais vous avez dit à M. Roy que pendant vos visites à M.

19 Vasiljevic, il n'y avait pas eu cette extension de la jambe de M.

20 Vasiljevic. Est-ce que vous vous en souvenez? Est-ce que vous ne l'avez

21 pas dit, cela, à M. Roy, il y a quelques mois?

22 Réponse: Non, je ne pourrais pas être très précis. Je l'ai peut-être dit,

23 enfin, je me sens plus aisée maintenant qu'avant. Et puis, c'était le

24 premier contact de ce genre avec un instrument de ce genre. J'y étais à

25 Sarajevo pour le première fois.

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1 Question: Quels sont vos meilleurs souvenirs à l'heure actuelle? Est-ce

2 que M. Vasiljevic avait une extension sur sa jambe? Est-ce que cela est

3 vrai ou non?

4 Réponse: Je pense qu'il y avait une extension.

5 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais vous prier

6 que le document suivant soit versé au dossier sous la cote 158, et que ce

7 document soit présenté au témoin. Il s'agit d'une liste de pseudonymes.

8 M. le Président (interprétation): Oui, le document est accepté comme

9 pièce, élément de preuve.

10 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Monsieur Savic, je voudrais vous prier, lorsque vous parcourez cette

12 liste, de ne pas mentionner les noms mais tout simplement les cotes, les

13 chiffres qui sont à côté. Il s'agit de 201 à 203.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, avez-vous des

15 objections?

16 M. Domazet (interprétation): Pas d'objection, Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation): Donc ce sera la pièce P158, et elle sera

18 sous scellés.

19 Enfin, je pense que le témoin a pu avoir accès à certains registres, à

20 certaines archives. Il y a certaines archives et certains documents qui

21 nous ont été suggérés par M. Tanaskovic, et j'aimerais bien en entendre

22 parler. Il y a eu des déplacements de cette ambulance et évidemment, il y

23 a la question du temps, économie de procédure. J'aimerais bien que vous

24 passiez à un certain nombre de questions en ce qui concerne ces archives,

25 ces registres qui pourraient nous donner, nous situer un peu l'intervalle

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1 du temps où tout cela s'est passé.

2 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

3 Monsieur Savic, étant chauffeur d'une ambulance, est-ce que vous aviez une

4 feuille de route, un registre de route qui indiquait les appels auxquels

5 vous deviez répondre?

6 M. Savic (interprétation): Non, je ne l'avais pas en temps de guerre.

7 M. le Président (interprétation): J'avais plutôt à l'idée le poste où

8 cette ambulance se déployait. Lorsqu'on vous appelait, qui était celui qui

9 était chargé de s'occuper de ces appels?

10 M. Groome (interprétation): Est-ce que vous pourriez nous expliquer pour

11 le compte rendu où est-ce que cela se passait, comment cela se passait

12 dans le centre médical de Visegrad en 1992, lorsque quelqu'un avait besoin

13 d'une ambulance? Qui était celui qui recevait cet appel, quel département?

14 M. Savic (interprétation): A Visegrad, vous pensez?

15 Question: Oui.

16 Réponse: C'était une infirmière de service. Et puis, s'il y avait un

17 médecin occupé ou non, il aurait pu également répondre. Mais c'était

18 presque toujours l'infirmière.

19 Question: Avez-vous un registre où on pourrait retracer les différents

20 appels, les différentes informations?

21 Réponse: Non. C'étaient des trajets, des distances très courtes, et puis

22 personne ne l'inscrivait immédiatement. Oui, on l'enregistrait une fois le

23 patient venu sur place. A ce jour même, on ne prend plus de note de ce

24 genre.

25 Question: Vous recevez un appel et un autre appel d'un autre lieu. Est-ce

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1 que quelqu'un vous passe un morceau de papier, un billet, une sorte de

2 fiche vous indiquant où vous devez-vous rendre?

3 Réponse: Non. Mais s'il y a un nouvel appel, on m'indique le nom de la

4 rue, le numéro de la maison, on m'indique l'adresse.

5 Question: Et lorsque vous revenez après un appel, est-ce que vous

6 inscrivez quelque part ce que vous avez fait, quelle a été votre mission?

7 Est-ce que vous l'enregistrez quelque part?

8 Réponse: Aujourd'hui, oui. On note tout simplement: "visite à un foyer,

9 visite à une maison". Et même aujourd'hui, lorsque je me déplace un peu

10 plus loin, je le note. Mais en temps de guerre, au cours de la guerre, je

11 ne le faisais pas.

12 Question: Donc à cette époque-là, est-ce que les ambulances n'étaient pas

13 quelque chose qui était rare? Enfin, il fallait faire économie de temps en

14 ce qui concerne le déploiement, les itinéraires de ces ambulances?

15 Réponse: On ne les utilisait pas à l'improviste. Oui, elles étaient là ou

16 non, mais on devait partir, et notamment lorsqu'il s'agissait d'un trajet

17 assez court. Enfin, les instructions étaient données, le carburant était

18 gardé dans des tonneaux.

19 Question: Mais si quelqu'un voulait faire le contrôle de l'usage du

20 carburant et s'il n'y avait pas de documentation, de papiers qui

21 indiqueraient quel était votre trajet, quelle a été l'affectation de

22 l'ambulance en question, qu'est-ce qu'on faisait?

23 Réponse: Oui, il y avait une sorte de fiche d'ordre qui indiquait le

24 trajet et qui indiquait le kilométrage. Et puis, on y notait l'aller, la

25 rentrée, la sortie et l'entrée. Enfin, c'était un bout de papier où il y

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1 avait un en-tête "Département médical de Visegrad, station médicale de

2 Visegrad". Et puis, on parlait de l'entrée et de la sortie, ou plutôt vice

3 et versa.

4 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire quelques détails de plus en

5 ce qui concerne ce registre, ces documents?

6 Réponse: Je l'avais dans ma voiture, registre qui comprenait le type de la

7 voiture, qui comprenait les détails concernant la voiture, mon nom, le

8 numéro de mon permis de conduire. Et puis, on y notait les trajets qui

9 étaient au-delà de 5 kilomètres et on précisait le kilométrage.

10 Question: Donc pour ce qui était des distances inférieures à 5 kilomètres,

11 vous n'aviez pas besoin de faire une entrée dans votre registre pour ces

12 distances-là?

13 Réponse: Non, ce n'était pas la peine de l'inscrire. Je n'étais pas tenu

14 de l'inscrire.

15 Question: Ce livre, ce registre dont vous parlez à l'heure actuelle, est-

16 ce qu'on pourrait y retrouver une quelconque donnée relative au trajet, au

17 transport de M. Vasiljevic le jour que vous avez évoqué, le jour précis?

18 Réponse: Peut être. Je pense que ces fiches de route pourraient être

19 repérées quelque part, et vous y trouverez inscrit, peut-être, "Visegrad-

20 Uzice".

21 Question: Est-ce qu'il y aurait le nom du patient qui y serait inscrit?

22 Réponse: Dans mes registres, non.

23 Question: Et où se trouvent aujourd'hui ces registres, ces archives de

24 l'été 1992?

25 Réponse: Je pense que ces documents pourraient se trouver dans la Défense

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1 territoriale de Visegrad parce que c'est eux qui émettaient ces fiches de

2 route, ces ordres. Et c'est à eux ou à ce service que revenaient ces

3 fiches de route et ces ordres. Donc une fois remplis, on les renvoyait à

4 la Défense territoriale.

5 Question: Ce registre, est-ce que c'est un livre? Est-ce que c'est un

6 bloc-notes? Enfin, ce registre dont vous parlez?

7 Réponse: Il s'agissait d'une feuille de papier inscrivant les détails

8 concernant la voiture, mon nom et prénom. Et je pense qu'à l'époque

9 c'était une voiture ambulance type Lada 2913.

10 Question: Excusez-moi, "291-13", c'était bien la plaque d'immatriculation

11 de la voiture?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Est-ce que ce document restait dans la voiture, donc restait

14 avec le chauffeur de la voiture? A qui appartenait ce document?

15 Réponse: C'était pour moi. Le document restait avec moi. Enfin, à

16 l'époque, c'est là où on s'approvisionnait à l'aide de ce papier, que l'on

17 s'approvisionnait à la station essence.

18 M. Groome (interprétation): Aux fins du compte rendu, de son sens,

19 précisons qu'il s'agissait de quelque chose, d'un papier qui était plié,

20 et que ceci restait un document auquel vous vous référez.

21 M. le Président (interprétation): Je voudrais bien que vous veilliez à ce

22 que ce document ne puisse pas être lu parce qu'il y a des caméras. Donc

23 essayez de voir, de vérifier que ce document est resté sous scellés, donc

24 secret.

25 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

Page 2943

1 Je voulais tout simplement que vous me confirmiez quelle était la

2 dimension de ce document, de cette feuille de route que vous avez pliée.

3 Approximativement.

4 M. Savic (interprétation): Dimensions: en deux, double, et un autre papier

5 de cette même dimension. Il s'agissait donc d'informations sur le

6 véhicule, et le nom et le prénom du chauffeur.

7 Question: Pour élucider les choses, est-ce que les deux chauffeurs, enfin

8 l'un ou l'autre chauffeur d'une quelconque ambulance, avaient les mêmes

9 formulaires?

10 Réponse: Oui. Nous, les deux chauffeurs, on est affecté à un tel véhicule

11 et puis nous avons quelques informations, et nous avons même des

12 informations qui pourraient être communes pour les deux.

13 Question: A la fin de votre relève, est-ce que vous laissez ce document,

14 ce papier dans l'ambulance pour qu'il soit repris par celui qui vous

15 relèvera?

16 Réponse: Oui.

17 Question: A combien de reprises? Quelle est la fréquence? Quand est-ce que

18 vous remettez ce document à quelqu'un, d'office?

19 Réponse: Une fois cette fiche de route remplie et lorsque je fais mes

20 pleins, c'était en quelque sorte un document m'autorisant, m'accordant la

21 propriété à obtenir de l'essence sur une station d'essence. Et puis, là,

22 je laissais cette feuille de route pour qu'ils la remplissent dûment et

23 complètement.

24 Question: Et la personne qui travaillait donc à cette station d'essence

25 était une personne qui appartenait à la Défense territoriale?

Page 2944

1 Réponse: Oui. Enfin, est-ce que c'est la municipalité qui assurait le

2 carburant nécessaire? Mais je pense que c'est en tenant cette liste, cette

3 évidence de la consommation de pétrole, qu'il assurait

4 l'approvisionnement.

5 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire les nom et prénom de cette

6 personne à laquelle vous avez remis cette feuille de route au moment où

7 vous alliez amener M. Vasiljevic à l'hôpital? Pouvez-vous nous dire les

8 nom et prénom de cette personne?

9 Réponse: Il y avait trois ou quatre hommes qui travaillaient dans cette

10 station essence, et puis ils… Enfin, qui se trouve de service, inscrit les

11 données voulues? Il y a eu même cinq ou six personnes qui travaillaient

12 parfois dans une même équipe. Enfin, ce jour-là, je n'avais pas besoin de

13 me rendre à cette station essence.

14 Question: Ma dernière question, en ce qui concerne ce document: est-ce que

15 ce document avait une sorte d'en-tête, portait un nom?

16 Réponse: Oui. Il y avait un cachet, il y avait la date de l'issue de ce

17 document, et puis il y a donc mon nom et prénom, Zivorad Savic, et le nom

18 de mon collègue, y compris le numéro de la plaque d'immatriculation. Et

19 puis, on m'indiquait la quantité d'essence, de pétrole qu'on avait donnée

20 comme plein. Il y a la date de départ et la direction, la destination de

21 mon trajet, Titovo Uzice, par exemple, Visegrad/Titovo Uzice.

22 Question: Si vous aviez besoin d'un autre formulaire de ce genre, est-ce

23 que vous demandiez tout simplement un autre formulaire? Enfin, est-ce que

24 ce formulaire s'appelait d'une quelconque manière?

25 Réponse: C'était un "nalog", une feuille d'ordre de route sanitaire.

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1 Question: A part cette feuille, est-ce qu'il y avait un autre document où

2 vous pourriez annoter quelque chose avant l'admission d'un patient à

3 l'hôpital de Visegrad, enfin, pour une quelconque raison que ce soit?

4 M. Savic (interprétation): Non. C'était la seule feuille que je possédais,

5 que je portais.

6 M. Groome (interprétation): Je pourrais continuer…

7 M. le Président (interprétation): Oui.

8 M. Groome (interprétation): Vous avez un document devant vous; parcourez-

9 le. J'ai l'intention de vous poser quelques questions à propos des gens

10 qui figurent sur cette liste. Donc, ne prononcez pas leurs noms, mais

11 plutôt référez-vous à ces personnes sous le chiffre qu'elles portent sur

12 la cote. Lorsque je me réfère à la première personne sur la liste, je vous

13 prie tout simplement d'utiliser sa cote VG-81.

14 Est-ce que vous m'avez compris, Monsieur Savic? J'ai besoin d'entendre

15 votre réponse à haute voix.

16 M. Savic (interprétation): Oui, j'ai compris.

17 Question: La personne et le nom qui apparaît à côté du VG-81, est-ce que

18 vous connaissez cette personne?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Posez, laissez cette liste sur votre bureau, à cause des

21 caméras.

22 Lorsque je vous poserai des questions sur les coordonnées de ces

23 personnes, adresse, lieu d'habitation, ainsi de suite, ne mentionnez pas

24 leur nom, mais tout simplement essayez de répondre parce que nous voulons

25 protéger leur identité.

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1 Est-ce que plusieurs personnes, y compris VG-81, étaient assises avec vous

2 à une même table à une quelconque occasion?

3 Réponse: Je pense que c'était une fois, VG-81.

4 Question: Et y a-t-il eu d'autres personnes figurant sur cette liste qui

5 se trouvaient, à cette occasion-là, avec vous?

6 Réponse: Une fois, j'ai été invité. Je ne les connais pas de nom mais je

7 les connais de vue.

8 Question: Vous avez été invité, dites-vous. Est-ce que c'est VG-81 qui

9 vous a invité, ou ces personnes que vous connaissez de vue mais pas de

10 nom?

11 Réponse: C'était la personne VG-81.

12 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de quand cela

13 s'était passé, cette invitation? Est-ce que c'était au début de l'année,

14 de l'année en question?

15 Réponse: Eh bien, je ne pourrais plus me souvenir exactement. Peut-être

16 c'était en juin, peut-être en mai. Enfin, c'était l'été.

17 Question: Est-ce que vous avez rencontré effectivement ces gens?

18 Réponse: On m'avait lancé un appel, on me parlait d'un patient, et puis je

19 me suis présenté, et puis on s'était assis en bas et on a pris un café.

20 Question: Combien de temps avez-vous passé avec VG-81 et ces autres gens?

21 Je m'excuse: combien de temps avez-vous passé avec le VG-81 et les autres

22 personnes pour qui vous ne reconnaissez pas de noms? Quel temps avez-vous

23 passé avec eux?

24 Réponse: Vingt minutes, pendant que le café se préparait, et puis ensuite

25 nous en avons bu une tasse ou deux. A peu près.

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1 Question: Les autres personnes présentes, pouvez-vous nous dire quel était

2 leur nombre? Je parle des autres personnes -en dehors de VG-81- qui

3 étaient présentes. Combien étaient-elles?

4 Réponse: Un homme et une femme.

5 Question: Avez-vous pris de l'eau-de-vie avec votre café?

6 Réponse: Moi, non. Mais les autres, oui.

7 Question: A l'issue de cette conversation d'une vingtaine de minutes,

8 qu'avez-vous fait?

9 Réponse: Je suis sorti parce que, tout de même, il fallait que je rentre à

10 la maison.

11 Question: Cette rencontre a-t-elle eu lieu au domicile de l'une des

12 personnes qui étaient présentes et avec laquelle vous parliez?

13 Réponse: Oui.

14 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je

15 vais soumettre une demande, c'est une demande un peu inhabituelle mais des

16 informations risquent d'être fournies, dans la suite de ce témoignage, qui

17 risquent de nuire au témoin ainsi qu'à d'autres personnes. Donc je vous

18 demanderai que le reste de mon contre-interrogatoire se déroule à huis

19 clos partiel.

20 M. le Président (interprétation): En avez-vous parlé avec le conseil de la

21 défense?

22 M. Groome (interprétation): Maître Domazet sait quel est le sujet que je

23 vais aborder, mais je ne lui ai pas demandé son avis sur le huis clos

24 partiel.

25 M. le Président (interprétation): Mais il connaît la nature du contre-

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1 interrogatoire?

2 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président, tout à fait.

3 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, que pensez-vous d'un

4 huis clos partiel destiné à protéger ce témoin et un autre également?

5 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai rien contre un

6 passage à huis clos partiel. Pour autant que les questions qui seront

7 posées portent bien sur l'interrogatoire principal, donc pour autant qu'il

8 y ait un lien entre cette partie du contre-interrogatoire et

9 l'interrogatoire principal.

10 M. le Président (interprétation): Vous parlez en code, semble-t-il. Je ne

11 suis pas sûr de le connaître, ce code, mais cela vous convient-il,

12 Monsieur Groome?

13 M. Groome (interprétation): Tout à fait.

14 M. le Président (interprétation): Très bien, nous passons à huis clos

15 partiel.

16 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 40.)

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17 (Audience publique à 12 heures 55).

18 M. Tanaskovic (interprétation): Merci.

19 Monsieur Savic, je vous pose cette question car dans la déclaration écrite

20 qui reprend les propos que vous avez tenus devant M. Roy, il n'est

21 aucunement question d'un mariage ou de votre présence à une quelconque

22 noce.

23 Je vais à présent vous citer un passage de cette déclaration faite devant

24 M. Roy, où il est question de ces mêmes éléments relatifs à une épouse et

25 à ses beaux-parents.

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1 Je crois qu'il y a une traduction en anglais, je ne sais pas exactement

2 quelle est la page. On pourra rechercher le numéro de la page plus tard

3 mais nous lisons, je cite, au passage…

4 M. le Président (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre, mais

5 d'abord je vous demande si cela a un lien avec la vidéo que nous avons vue

6 à huis clos partiel? Vous avez parlé d'un mariage?

7 M. Tanaskovic (interprétation): Il a été déjà question précédemment d'un

8 mariage et maintenant nous parlons d'un mariage qui sera repris plus tard

9 et auquel nous répondrons plus tard.

10 Monsieur le Président, je vais essayer d'expliquer. Le témoin a dit qu'il

11 était présent à ce mariage organisé à l'hôtel Visegrad; c'était une fête à

12 laquelle l'accusé Vasiljevic a participé également ainsi que M. Lukic.

13 Donc, maintenant, il importe de déterminer si c'était un mariage, une fête

14 d'anniversaire, un baptême, etc..

15 M. le Président (interprétation): Etes-vous en train d'interroger le

16 témoin au sujet des images que nous avons vues sur la vidéo?

17 Ma question était très simple. Pour ma part, je n'ai entendu parler, moi,

18 que d'un seul mariage, et c'est le mariage dont nous avons les images sur

19 la cassette vidéo. Si vous voulez interroger le témoin sur ce sujet, il

20 faudrait que nous passions à huis clos partiel car il y a risque de

21 divulgation d'une identité. C'est la raison pour laquelle je vous pose

22 cette question.

23 Et une deuxième question que je vous pose est la suivante: souhaitez-vous

24 que le témoin dise qu'il a dit autre chose que les propos qui lui ont été

25 imputés au cours du contre-interrogatoire, ou bien souhaitez-vous guider

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1 le témoin pour lui faire dire ce qu'il à dire?

2 Peut-être pourriez-vous réfléchir à cette question pendant la pause

3 déjeuner. Nous reviendrons en audience à 14 heures 30.

4 Mais je ne veux pas que vous guidiez le témoin dans ses réponses. Cela

5 n'est pas plus permis au niveau des questions supplémentaires qu'au niveau

6 de l'interrogatoire principal. Et si vous souhaitez trouver une solution

7 au problème, vous devriez poser la question car je ne sais pas exactement

8 quelle solution peut être envisagée.

9 Mais peut-être serait-il possible de régler le problème en demandant à M.

10 Groome de poursuivre son contre-interrogatoire un peu plus loin.

11 En tout cas, quelle que soit la solution, nous en reparlerons à 14 heures

12 30.

13 (L'audience, suspendue à 13 heures 02, est reprise à 14 heures 29.)

14 M. le Président (interprétation): Maître Tanaskovic, ce dont nous allons

15 parler doit-il être entendu à huis clos partiel?

16 M. Tanaskovic (interprétation): J'aimerais que nous commencions par la

17 cassette qui a été diffusée à la fin de la matinée. Oui, il faudrait en

18 parler à huis clos partiel.

19 M. le Président (interprétation): Très bien. Huis clos partiel, je vous

20 prie.

21 (Audience à huis clos partiel à 14 heures 30.)

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18 (Audience publique à 14 heures 38.)

19 Nous sommes en audience publique.)

20 M. Tanaskovic (interprétation): Pouvez-vous nous dire, si vous vous le

21 rappelez, ce que vous avez raconté à l'enquêteur, à M. Roy à ce sujet, à

22 moins que vous n'en ayez pas parlé?

23 M. Savic (interprétation): Je n'ai rien dit au sujet de la noce, on ne m'a

24 pas demandé quoi que ce soit. On m'a simplement demandé si j'avais la

25 cassette, j'ai dit que oui, je l'ai remise, et on ne m'a plus posé de

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1 questions.

2 Question: Quand M. Groome vous a posé des questions au sujet du travail de

3 nettoyage des rues dont vous avez dit que c'était le travail effectué par

4 M. Vasiljevic, vous avez, entre autres, déclaré que votre épouse faisait

5 le même travail, à savoir donc qu'elle nettoyait le trottoir devant son

6 magasin, etc..

7 Pouvez-vous nous dire si votre femme s'est plainte auprès de vous ou

8 auprès de quelqu'un d'autre en disant qu'elle ne désirait pas faire ce

9 genre de travail et que quelqu'un l'a forcée à faire ce travail, ce

10 quelqu'un étant éventuellement M. Vasiljevic? Ou bien vous a-t-elle jamais

11 raconté qu'il y avait d'autres personnes qui se plaignaient de ce genre de

12 chose?

13 Réponse: Personne ne se plaignait, parce que s'ils n'avaient pas beaucoup

14 de travail dans leur magasin. Ils étaient tous favorables à ce que l'on

15 nettoie le trottoir et la rue. Tout le monde était d'accord. Elle ne m'a

16 jamais dit que quelqu'un l'avait forcée à le faire, Mitar ou qui que ce

17 soit d'autre. La plupart des gens considéraient ça comme un devoir à

18 accomplir.

19 Question: Vous aviez changé d'obligation de travail peu avant, n'est-ce

20 pas? Qu'entendez-vous par "obligation de travail"?

21 Réponse: Nous avions tous une obligation de travail envers notre

22 entreprise, il n'y avait pas de justification à présenter. Je devais

23 répondre à mon obligation de travail à quelque moment que ce soit et tout

24 le temps, c'est-à-dire que j'allais travailler, ensuite j'étais logé et je

25 devais travailler à l'entreprise. C'est ça, l'obligation de travail.

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1 Question: Ce que vous venez de dire concerne les personnes qui avaient un

2 emploi?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Mais les personnes qui n'avaient pas d'emploi étaient-elles

5 également soumises à une obligation de travail?

6 Réponse: Les personnes qui n'avaient pas d'emploi étaient, en général, des

7 paysans. Et donc, un jour ou deux par semaine, ils avaient pour obligation

8 de travail d'aller travailler la terre, planter les fruits et les légumes,

9 et ce genre de choses.

10 Question: Donc ces personnes-là étaient également soumises à une

11 obligation de travail?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Pourriez-vous nous dire, à votre avis, si ce que faisaient votre

14 femme et d'autres -et pour être plus précis, je parle entre autres de

15 Mitar Vasiljevic-, si ce travail pouvait être considéré comme une

16 obligation de travail?

17 Réponse: Oui. Il a dit qu'il faisait quelque chose dans les champs en

18 dehors du travail qu'il avait à la maison, il a dit qu'on ramassait les

19 fruits et les légumes ou que l'on creusait la terre. Mais avant ça, il y

20 avait une répartition du travail, on savait quelle entreprise faisait

21 quoi, on emmenait les gens en autobus. Cela se passait au bord de la

22 Drina, à Musici en particulier. Et qui était soumis à cette obligation-là

23 devait y aller, creuser la terre là-bas.

24 Question: A partir de ce que vous venez de dire, est-il permis de conclure

25 que le travail que faisaient votre femme et d'autres, avec Mitar, relevait

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1 également d'une obligation de travail?

2 Réponse: C'est ça, c'était considéré comme une obligation de travail.

3 Question: En réponse à des questions posées par M. Groome au sujet de la

4 dénomination de la fonction remplie par le chef de la campagne de

5 nettoyage de la ville, vous avez expliqué quel était le surnom du chef,

6 que l'on prononçait pour plaisanter. Mais moi je vous demande, en outre,

7 s'il existait bien officiellement une fonction de chef de nettoyage à

8 Visegrad?

9 Réponse: Il existe le chef du SUP mais à l'époque, je ne sais pas pourquoi

10 les gens considéraient ceci ou cela. Mais aujourd'hui, seul le chef du SUP

11 existe.

12 Question: Donc le chef des services d'hygiène n'existait pas à l'époque,

13 ce n'était pas une fonction officielle?

14 Réponse: Non.

15 Question: Je vais à présent vous poser plusieurs questions au sujet de ces

16 cadavres que vous avez vus dans les eaux de la Drina à Visegrad. Etes-vous

17 au courant du fait qu'il existe un lac à côté de la centrale électrique de

18 Visegrad?

19 Réponse: Il y a un lac à côté de la centrale électrique de Visegrad, et il

20 y a aussi un lac au-dessus de Visegrad, là où il y a une deuxième centrale

21 électrique. Banja Basta, c'est au-dessus de Visegrad. Et à ce moment-là,

22 le réservoir n'était pas plein parce qu'il y avait un plan de remplissage

23 et -j'ai déjà commencé à en parler hier-, à ce moment-là, le niveau de

24 l'eau était bas parce que c'était l'été, il y avait la sécheresse. Le

25 niveau d'eau était au plus bas.

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1 Question: Pourquoi est-ce que le niveau d'eau était au plus bas? Qu'est-ce

2 qu'on attendait?

3 Réponse: Ils ont vidé le réservoir du bas, celui que chez nous on appelle

4 "Perucac", parce que l'idée était qu'il fallait vider le réservoir du

5 haut, remplir celui du bas avec l'eau du réservoir du haut qui était

6 terriblement plein et qu'il fallait absolument vider. Et, en bas, il n'y

7 avait pas d'apport d'eau, donc il n'y avait pas assez d'eau.

8 Question: Quand vous avez parlé des cadavres, est-ce que cela veut dire

9 que vous avez dit cela avant la reprise de la centrale électrique par

10 Murat?

11 Réponse: Je ne vous ai pas bien compris.

12 Question: Ce que vous avez dit, quand vous avez dit que vous aviez vu des

13 cadavres, l'avez-vous dit en pensant à une période qui était antérieure à

14 celle où Murat a pris le contrôle de la centrale électrique?

15 Réponse: Non.

16 Question: Dans ce cas-là, je ne comprends pas très bien pourquoi le niveau

17 de l'eau était inférieur dans le réservoir dont vous avez parlé.

18 Réponse: C'était la centrale de électrique de Perucac qui réglementait

19 tout cela, qui régulait le niveau d'eau. Je ne sais pas pourquoi il était

20 plus haut ou plus bas. Moi, je n'en sais rien.

21 Question: Puisque vous habitez à Visegrad, savez-vous s'il y avait peut-

22 être des cadavres dans un réservoir situé à un niveau supérieur à celui

23 dont vous avez parlé, donc par exemple au niveau du réservoir le plus

24 haut, à Gorazde?

25 Réponse: Oui, il y en avait. Un jour, on a vu des gens qui étaient cloués

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1 sur des planches en bois et qui venaient du réservoir le plus élevé, qui

2 n'était pas sur le territoire contrôlé par les Serbes. Ils venaient de

3 Gorazde, donc de beaucoup plus haut.

4 Question: Partant de ce que vous venez de dire, êtes-vous en mesure

5 d'affirmer que les cadavres dont vous avez parlé venaient tous de la

6 région de Visegrad?

7 Réponse: Je n'en sais rien. Dans le réservoir le plus haut, personne ne

8 vient du territoire de Visegrad. Ce réservoir est situé sur le territoire

9 de Gorazde.

10 Question: Maintenant, je vais poser une question un peu technique et je

11 vous demande d'essayer d'y répondre.

12 Est-il possible que, au moment où les vannes ont été ouvertes pour laisser

13 l'eau se déverser dans le réservoir de Visegrad, donc que l'eau ait

14 atteint le niveau inférieur, le réservoir inférieur, celui qu'on appelle

15 celui de "Perucac", ou de "Banja Basta", et que les cadavres se soient

16 déversés en même temps que l'eau?

17 Réponse: Je ne sais pas. Je sais à quel moment l'eau a été déversée sur

18 Visegrad. Je sais qu'elle est arrivée en grande quantité, mais je ne

19 connais pas les détails au sujet de la régulation du niveau d'eau. Je ne

20 travaille pas dans ce domaine. Donc il est fort possible qu'ils aient

21 ouvert les vannes, lâché l'eau.

22 J'ai vu toutes sortes de détritus qui sont arrivés en même temps: des

23 boîtes de conserve, des objets en plastique, des détritus de toute sorte.

24 Et quand ils ont ouvert les vannes plus grandes, l'arrivée d'eau a été

25 plus importante. Donc on se rend bien compte, quand l'eau arrive à grands

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1 flots, ce qui peut arriver.

2 Question: Mais ce que vous venez de dire signifie-t-il que les cadavres

3 aient pu arriver en même temps que l'eau, depuis le réservoir situé le

4 plus haut, c'est-à-dire à Gorazde?

5 Réponse: C'est possible, oui; c'est possible, tout est possible parce

6 qu'ils ouvraient les vannes tous les jours.

7 Question: Merci.

8 Question: Vous avez déclaré que vous étiez à Vardiste -donc à la frontière

9 avec la Serbie-, que vous étiez avec l'oncle de M. Vasiljevic et que vous

10 avez garé la voiture?

11 Réponse: Oui. Mitar a insisté pour qu'on aille rendre visite à sa tante et

12 à son oncle, et on s'est arrêté.

13 Question: Vous vous êtes arrêtés dans un restaurant?

14 Réponse: Son oncle tient un restaurant qui s'appelle "la Bosniaque

15 joyeuse"

16 depuis très longtemps, depuis 1978 à peu près.

17 Question: Et quelle est la configuration de la route, à ce niveau-là?

18 Réponse: C'est surtout une route de montagne avec beaucoup de virages, et

19 il y avait aussi des ornières que personne ne comblait. Donc il fallait

20 aller très lentement, il ne fallait pas prendre ces virages à grande

21 vitesse parce que c'était très dangereux, notamment lorsque la route était

22 mouillée. Et encore aujourd'hui, il y a des couronnes de fleurs pour

23 montrer à quel endroit certaines personnes ont été tuées.

24 Il y a pas mal de gens qui se sont fait tuer sur cette route parce qu'il y

25 avait aussi des mines antichars.

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1 Question: Durant le contre-interrogatoire, vous avez parlé d'un hodza. Je

2 crois que vous avez déclaré qu'il disait la bonne aventure ou quelque

3 chose de ce genre?

4 Réponse: Oui. Les gens venaient de Yougoslavie et il disait la bonne

5 aventure ou quelque chose de ce genre. Je les voyais quand ils lui

6 rendaient visite.

7 Question: Comment s'appelait ce hodza?

8 Réponse: On l'appelait Aga Ibrahim.

9 Question: Etait-ce un hodza officiel dans la religion musulmane, ou était-

10 ce que j'appellerais un imam ou un hodza qui s'était proclamé hodza ou

11 imam de lui-même?

12 Réponse: Non, ce n'était pas un vrai hodza, pas un vrai imam. Il venait le

13 jeudi et le vendredi à la mosquée, mais ce n'était pas un vrai hodza. Je

14 connais bien les hodzas qui travaillent régulièrement à la mosquée. Lui,

15 c'était un soi-disant hodza, simplement.

16 Question: Connaissiez-vous de vrais hodzas ou imams?

17 Réponse: Oui, je connaissais l'imam Tabakovic, et puis un autre aussi, qui

18 avait étudié à Sarajevo et qui avait fréquenté un pope orthodoxe; ils

19 étaient très bons amis, il y a 15 ou 20 ans. Le pope s'appelait Ljubinko.

20 Et plus récemment, j'en ai connu un autre mais je ne sais plus qui

21 exactement.

22 Question: Jusqu'en 1992, vous rappelez-vous où étaient logés les hodzas,

23 les imams? Et quand je dis imams, je pense aux vrais imams, officiels.

24 Réponse: Ils avaient leurs maisons privées, ils habitaient dans des

25 maisons.

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1 Question: En ville, en périphérie de la ville ou dans les villages?

2 Réponse: En ville.

3 M. Tanaskovic (interprétation): Si vous connaissez ces imams, et vous avez

4 dit que vous les connaissiez, vous avez dit qu'ils habitaient en ville. Je

5 vous demande si vous savez que l'un des deux imams possédait un cheval.

6 M. Savic (interprétation): Je ne sais pas. Ils habitaient en ville, ils

7 n'avaient pas besoin d'avoir un cheval.

8 M. le Président (interprétation): Quel est le lien entre ceci et le

9 contre-interrogatoire? S'il s'agit de nouveaux arguments, vous auriez dû

10 les invoquer dans votre interrogatoire principal. Il a été question de

11 hodzas dans la cassette audio, et à partir de là vous posez des questions

12 qui portent sur un sujet complètement différent.

13 Si vous souhaitez entrer dans ce nouveau sujet, Maître Tanaskovic, il faut

14 laisser M. Groome poser des questions dans le cadre du contre-

15 interrogatoire.

16 M. Tanaskovic (interprétation): Monsieur le Président, M. Groome a

17 interrogé le témoin au sujet d'un hodza Ibrisim, si je ne m'abuse, et

18 c'est la raison pour laquelle je souhaitais demander à ce même témoin s'il

19 sait ce qu'il est advenu de cet imam Ibrisim, ou quel que soit le nom

20 qu'il lui donne. Est-il vivant, est-il parti ou autre chose?

21 M. le Président (interprétation): Si c'est ce que vous voulez savoir,

22 posez la question correctement car ce n'est pas la façon dont vous avez

23 interrogé le témoin, c'est ce que je tiens à vous dire.

24 Vous êtes en train de vous lancer dans une partie de votre interrogatoire

25 qui, si vous me permettez de vous le dire, n'est pas très bien élaborée.

Page 2972

1 Car si vous souhaitez aborder un nouveau sujet, il faut que M. Groome soit

2 prévenu et qu'il ait la possibilité d'interroger le témoin dans le même

3 domaine dans le cadre du contre-interrogatoire. Mais je tiens à vous

4 souligner que ce que vous venez de traiter n'a pas fait partie du contre-

5 interrogatoire.

6 M. Tanaskovic (interprétation): Nous n'avons rien contre le fait que M.

7 Groome puisse poser des questions sur le même sujet. Mais je devais poser

8 la question au témoin, lui demander ce qu'il était advenu de cet imam qui

9 disait la bonne aventure, etc.

10 Monsieur Savic, pouvez-vous répondre?

11 M. Savic (interprétation): Cet imam-là, j'ai entendu dire qu'il était

12 parti à Sarajevo et on m'a même dit en passant qu'il était mort à

13 Sarajevo.

14 Question: En réponse à la question qui vous était posée au sujet des

15 transports effectués par l'ambulance jusqu'à Uzice, ce que je vous

16 demande, c'est s'il était possible pour vous de faire admettre la personne

17 que vous transportiez dans quelque hôpital que ce soit si vous n'aviez pas

18 une lettre de référence, une feuille de route?

19 Réponse: Oui, c'était possible mais tout dépendait de la gravité de son

20 état. S'il était dans un état très grave, on l'admettait. Et dans ce cas-

21 là, on l'admettait d'abord et ensuite on transmettait les documents

22 officiels, la feuille de route et tout le reste.

23 Question: Vous venez de parler de quelqu'un qui était gravement blessé.

24 Mais la fracture de M. Vasiljevic était-elle considérée comme une blessure

25 grave?

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1 Réponse: On ne considérait pas que sa vie était en danger. Non, sa vie

2 n'était pas considérée comme étant en danger, et d'ailleurs même

3 aujourd'hui il arrive que quelqu'un ait à attendre ou qu'un membre de la

4 famille arrive et doive attendre l'arrivée de tel ou tel document parce

5 que les gens viennent très vite et ne pensent pas, et ensuite il faut

6 attendre que les vêtements arrivent ou que d'autres objets arrivent. Mais

7 là, non, ce n'était pas un danger de mort; il n'y avait pas de sang qui

8 coulait ou ce genre de chose.

9 Question: Est-ce que vous aviez besoin de cette feuille de route médicale

10 pour passer la frontière?

11 Réponse: Non, on n'avait pas besoin de ce document. On savait qu'il

12 s'agissait d'un véhicule sanitaire, et puis on avait besoin de cette

13 feuille médicale, donc signée par un médecin.

14 Question: Vous avez répondu aux questions relatives à cette réception, à

15 ce service d'accueil à l'hôpital d'Uzice. Savez-vous, avez-vous été témoin

16 du fait que cette procédure que vous avez décrite, à ce service de

17 réception, est-ce que vous avez suivi l'aboutissement de toute cette

18 procédure de réception?

19 Réponse: On y fait l'essentiel. On fait des radiographies. Si cela s'avère

20 nécessaire, on le déshabille et puis, dans une pièce à côté, on donne au

21 patient le pyjama nécessaire. Et puis si indispensable, il y a de

22 nouvelles radiographies, de nouveaux traitements. Une fois, donc, dans le

23 département, le médecin en charge est celui qui a la responsabilité du

24 patient en question et sait ce qu'il doit faire.

25 Question: Monsieur Savic, un médecin peut-il, si j'ose dire, recevoir un

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1 patient, le faire conduire au département sans cette procédure obligatoire

2 au service de réception?

3 Réponse: Non. Non. Il faut constater certains faits, certaines données:

4 nom du père, nom de la mère, nom et prénom du patient, adresse, faire une

5 brève anamnèse. Enfin, autant que je sache, quelqu'un pourrait mourir à

6 l'hôpital. Et puis sur cette base-là, sur la base de ces données, un

7 télégramme est envoyé à la famille, aux proches. C'est une procédure qu'on

8 suivait à l'époque et qu'on suit à l'heure actuelle également.

9 Question: Merci.

10 Au moment du contre-interrogatoire vous avez précisé que vous connaissiez

11 très bien M. Vasiljevic, que vous étiez assis à une même table quelque

12 part avec lui. Pensez-vous que M. Vasiljevic a un penchant pour une

13 quelconque forme de violence, de pillage, d'acte criminel?

14 Réponse: A mon avis, non. Il aurait préféré porter assistance aux uns et

15 aux autres. Et même mon épouse avait l'habitude à dire, eh bien, s'il y

16 avait des malentendus avec d'autres, elle n'a jamais eu de malentendu avec

17 lui, ou lui avec moi.

18 Mon épouse, Mme Rada, pouvait servir aussi. Certains demandaient que Mme

19 Rada leur prépare ou leur serve quelque chose de spécial. Et puis, il y a

20 eu aussi des gens qui étaient en besoin d'argent et qui parfois n'avaient

21 pas un, deux ou trois dinars pour ajouter; il s'est occupé de ces gens-là

22 également.

23 Question: Vous avez parlé longuement aujourd'hui de formations

24 paramilitaires, ou du moins d'un certain nombre de membres de ces

25 formations paramilitaires.

Page 2975

1 Ma question est la suivante: est-ce que M. Vasiljevic fut, de quelque

2 manière que se soit, impliqué dans ces formations paramilitaires?

3 Réponse: Ces gens faisaient confiance à qui que ce soit dans le pays, sur

4 place. J'avais un voisin, Plevlje et puis, le Moljevic, on voulait le tuer

5 et on me posait des questions. Et Becerevic Dzevad, un voisin, à proximité

6 immédiate, m'a injurié une fois, injurié ma mère. Il m'a répondu et m'a

7 dit: "Mon vieux, fais attention à ce qui tu fais dorénavant".

8 Question: Monsieur Savic, votre réponse n'a pas été claire, réponse en ce

9 qui concerne ma question.

10 Réponse: Mitar n'appartenait pas à ces formations-là, je ne les ai jamais

11 vus côtoyer cette sorte de gens, ces formations-là.

12 Question: A une question posée par M. Roy, formulée ainsi: "est-ce que

13 vous avez entendu dire que Mitar Vasiljevic a fait quelque chose de mal à

14 l'égard des Musulmans?", votre réponse a été "Oui, en ce qui concerne

15 Mitar Knezevic mais pas Mitar Vasiljevic"?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce que vous restez fidèle à cette réponse que vous avez

18 faite à M. Roy?

19 Merci, je n'ai plus de question.

20 M. le Président (interprétation): Est-ce que M. Groome aurait des

21 questions en ce qui concerne ce témoin, questions en supplément?

22 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je voudrais me

23 référer à la page 78, ligne 12 du compte rendu, et j'aimerais bien poser à

24 ce témoin encore quelques questions.

25 M. le Président (interprétation): Je pense que le contre-interrogatoire en

Page 2976

1 supplément n'était pas un contre-interrogatoire, et je pense que vous

2 allez pouvoir en profiter.

3 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Zivorad Savic, par M.

4 Groome.)

5 M. Groome (interprétation): Monsieur Savic, vous n'avez jamais remis à M.

6 Roy cette cassette vidéo. On vous a posé la question relative à ce

7 problème.

8 M. Savic (interprétation): Non, je ne l'ai jamais fait.

9 M. Groome (interprétation): Plus de question.

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez des questions en

11 supplément?

12 M. Tanaskovic (interprétation): Non, Monsieur le Président.

13 (Questions au témoin, M. Zivorad Savic, par Mme le Juge Janu.)

14 Mme Janu (interprétation): Monsieur Savic, vous nous avez dit au cours de

15 votre déposition que Milan Lukic était pendant un certain temps emprisonné

16 à Visegrad, et ensuite il s'était vu offrir un appartement meublé

17 complètement et, je cite: "Ils lui ont donné, offert un café, une

18 cafétéria également."

19 Est-ce que vous avez ouï dire de cette histoire?

20 M. Savic (interprétation): Oui. J'en ai ouï dire.

21 Question: Et cette cafétéria, où est-ce que se trouvait ce café à

22 Visegrad?

23 Réponse: Au centre ville, et puis ce café est actuellement géré par

24 quelqu'un d'autre: il s'agit de Dzevad Bajramovic, donc quelqu'un qui a

25 repris la gérance de ce café.

Page 2977

1 Mme Janu (interprétation): Ce café n'appartient donc plus à Milan Lukic?

2 M. Savic (interprétation): Non, c'est quelqu'un qui l'a loué sous bail

3 depuis, mettons, 1992. Et à ce jour-ci, c'est quelque chose que j'ai

4 appris il y a quelques jours.

5 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez d'autres questions

6 en supplément? L'accusation?

7 Maître Tanaskovic, est-ce que vous avez d'autres questions?

8 Toujours merci d'être venu, merci d'avoir témoigné devant ce Tribunal.

9 M. Savic (interprétation): Merci.

10 (Le témoin, M. Zivorad Savic, est reconduit hors du prétoire.)

11 (Questions relatives à la procédure.)

12 M. le Président (interprétation): En attendant le témoin prochain,

13 vendredi nous aurons une réunion après la réunion des Juges. Nous ne

14 savons quelle est l'heure exacte, mais cela pourrait se passer à 11 heures

15 30.

16 Le 4 décembre, on est un peu surchargés en ce qui concerne les lieux de

17 réunion. Je pense qu'il faudrait commencer à 9 heures jusqu'à 10 heures

18 30, et ensuite 11 heures 30 jusqu'à 12 heures 30; ensuite, après une demi-

19 heure de pause, de 1 heure à 2 heures. Mais je pense que c'est à vérifier

20 et je pense que le Greffe nous en informera.

21 Le 6 décembre, nous ne pourrons pas avoir d'audience, pas du tout.

22 Maître Domazet, est-ce que vous pourriez nous informer de ces problèmes en

23 ce qui concerne l'examen psychiatrique? Est-ce que vous avez réussi à

24 arranger les choses en ce qui concerne cet examen, cette interview avec le

25 psychiatre?

Page 2978

1 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit de ce week-

2 end-ci. Madame Zorka Lopicic doit arriver vendredi. Le samedi et le

3 dimanche -d'après les informations que j'ai eues du Greffe-, on va lui

4 donner la possibilité d'un entretien avec Mitar Vasiljevic. Je pense que

5 lundi, je pourrai vous informer de tout ce qui serait nouveau à ce propos.

6 Donc nous parlions de ce week-end-ci.

7 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai bien compris cela. Mais vous

8 n'avez donc pas eu de problème? Je vous ai tout simplement demandé si vous

9 aviez des problèmes à ce propos.

10 M. Domazet (interprétation): Non, pas de problème à cet égard.

11 (Le témoin, M. Goran Loncarevic, est introduit dans le prétoire.)

12 M. le Président (interprétation): Je vous prie de prononcer la déclaration

13 solennelle inscrite sur le document que l'huissier vous présentera.

14 M. Loncarevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur le

17 Témoin.

18 Maître Domazet?

19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Goran Loncarevic, par Me

20 Domazet.)

21 M. Domazet (interprétation): Merci.

22 Monsieur Loncarevic, bonjour. Je vous poserai des questions et je vous

23 prie, pour votre part, et étant donné que nous parlons la même langue, que

24 vous fassiez une pause de quelques secondes après chacune de mes

25 questions. Vous avez le moniteur que vous avez sous les yeux. Donc,

Page 2979

1 essayez de faire une pause pour que les interprètes puissent faire leur

2 travail et pour que les Juges puissent comprendre ce que vous avez à leur

3 dire.

4 Ma première question: où êtes-vous né et quand?

5 M. Loncarevic (interprétation): Mon nom est Goran Loncarevic. Je suis né

6 le 29 avril 1962 à Sarajevo.

7 Question: Votre profession?

8 Réponse: Je suis médecin, spécialisé pour les maladies pulmonaires et la

9 tuberculose.

10 Question: Est-ce que vous voudrez bien nous dire où vous avez terminé vos

11 écoles, y compris votre formation universitaire?

12 Réponse: Ecole primaire à Dobrun. Le lycée, je l'ai fait à Visegrad, et la

13 faculté de médecin à Sarajevo, spécialisation à Belgrade.

14 Question: Où est-ce que vous habitez maintenant? Où est-ce que vous

15 exercez votre profession de médecin, à présent?

16 Réponse: Je vis à Visegrad et je travaille à Visegrad.

17 Question: Depuis quand vous travaillez à Visegrad?

18 Réponse: J'y travaille depuis 1989, plutôt fin 1989, avec une interruption

19 d'un mois et quelque. Et cette interruption, dans mon travail à Visegrad,

20 se rapporte à l'année 1992.

21 Question: Si je vous ai bien compris, vous travaillez à Visegrad sans

22 interruption depuis 1989, à part cette brève interruption en 1992?

23 Réponse: Oui, cette interruption concerne la période allant du début avril

24 à la mi-mai. Enfin, c'est tout à fait approximatif comme date, comme

25 intervalle.

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1 Question: Dans l'ensemble de cette période, à l'exception de la fin avril,

2 début mai ou mi-mai 1992, vous étiez en permanence à travailler à

3 Visegrad?

4 Réponse: Oui, exactement.

5 Question: Où est-ce que vous avez passé cette période d'absence? Si oui,

6 où l'avez-vous passée, cette période d'absence?

7 Réponse: Je l'ai passée partiellement à Titovo Uzice -à l'époque, c'était

8 l'appellation de la ville-, et une partie, je l'avais passée à Banja Basta

9 dans la station médicale d'urgence.

10 Question: Lorsque vous parlez de vos activités à Visegrad, au fil de cette

11 période globale, est-ce que vous pourriez nous indiquer dans quelle

12 institution vous travailliez à Visegrad et quel était le nom, les

13 appellations de cette institution, quels étaient les postes que vous

14 occupiez à ce jour?

15 Réponse: Depuis le début même de mes activités, en ma qualité de

16 stagiaire, je passais par différents départements, services de la médecine

17 de travail, pédiatrie, médecine générale, et puis surtout le service

18 d'urgences.

19 L'institution au sein de laquelle je travaillais était le centre médical

20 de Visegrad, clinique de Visegrad. Il s'agit d'une institution se situant

21 au niveau primaire de prévention et protection sanitaire, une institution

22 donc qui offrait des services d'ambulance, de dispensaire dans le cadre de

23 ses capacités et possibilités. Elle comptait un service de dispensaire de

24 qualité différente, de niveaux différents. Il n'y a pas eu de lits, donc

25 il n'y avait pas de possibilité d'hospitalisation des patients. On avait

Page 2981

1 un service de diagnostic, un petit service de radiographie, et puis on

2 avait très certainement ce centre réservé aux cas de malades d'urgence, de

3 premiers secours.

4 Question: Donc premiers secours, laboratoire, service de radiographie;

5 tout cela faisait partie de ce centre médical de Visegrad?

6 Réponse: Tout ce que j'ai énuméré. Enfin, il y a peu être des détails que

7 je n'ai pas cités mais c'est le gros, l'essentiel. Ce sont donc ces

8 services qui constituaient ce centre médical de Visegrad, qui était une

9 institution par elle-même.

10 M. Domazet (interprétation): Lorsque vous disiez qu'il n'y avait pas eu

11 possibilité d'hospitalisation, de lit d'hôpital, est-ce que cela sous-

12 entend qu'il n'y avait pas de chambre proprement parlant avec des lits?

13 Donc on ne pouvait pas aliter, hospitaliser des patients, des malades dans

14 cette institution-là?

15 M. Loncarevic (interprétation): Le centre médical -et je parle d'une

16 période antérieure à mon entrée dans cet établissement-, cet établissement

17 avait donc antérieurement une sorte de stationnaire avec un certain nombre

18 de lits, de possibilité d'hospitalisation avec une trentaine.

19 Mais au moment où j'y étais admis, il n'y avait pas de malades, de

20 patients hospitalisés. Nous n'avions donc pas à notre disposition des

21 capacités d'hospitalisation en ce qui concerne le centre médical lui-même.

22 Et puis plus tard, et je ne peux pas situer exactement la période ou la

23 date, peut être au cours de 1993, on avait mis sur place une sorte de

24 stationnaire, d'espace stationnaire, donc d'hospitalisation pour des

25 malades qui n'étaient pas des malades graves et qu'on pouvait suivre là,

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1 sur place, de malades qui n'exigeaient pas qu'on leur apporte une

2 prévention, une protection secondaire. Mais c'était de courte durée.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous avons besoin de tous ces

4 détails? Vous avez dit que la déposition de ce témoin demanderait un peu

5 moins de temps.

6 M. Domazet (interprétation): Je vais en finir très rapidement avec ce

7 volet de mes questions.

8 M. le Président (interprétation): Oui, s'il vous plaît. Allez-y.

9 M. Domazet (interprétation): Monsieur Loncarevic, ayant en vue ce que vous

10 venez de dire, que faisiez-vous avec les patients, les malades qui avaient

11 besoin d'une opération, d'une intervention chirurgicale? Où est-ce que

12 vous envoyiez ces malades?

13 M. Loncarevic (interprétation): Les malades nécessitant un traitement

14 hospitalier qui devaient subir une intervention chirurgicale au niveau de

15 la protection sanitaire de deuxième degré, on les dépêchait, on les

16 envoyait vers l'hôpital à Titovo Uzice.

17 Question: Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est la période 1992.

18 Est-ce que ce que vous venez de dire se rapporte à cette année-là?

19 Réponse: Oui, c'est l'année en question et cela s'applique à l'année que

20 vous venez de mentionner.

21 Question: Etant donné que vous avez brossé votre curriculum professionnel

22 pour nous indiquer où vous avez travaillé, ce que vous avez fait,

23 pourriez-vous nous dire quel a été l'organigramme de ce centre médical à

24 l'époque, par rapport à une période antérieure? Je parle toujours de cette

25 même institution, de ce même établissement.

Page 2983

1 Réponse: Oui. L'organisation du travail était différente. J'ai quitté le

2 centre médical en temps de paix et puis je l'ai réintégré au moment où la

3 guerre durait déjà. En temps de paix, on savait exactement qui fait quoi,

4 qui émet les ordres et à qui il émet ces ordres; comment on devait remplir

5 des fiches, des formulaires; comment on obtenait des médicaments; comment

6 on se procurait des médicaments.

7 En temps de guerre, à mon avis, ce temps de guerre a amené, a introduit un

8 certain chaos dans nos activités et surtout... Et puis, les services

9 fonctionnaient uniquement grâce à l'enthousiasme des gens qui y

10 travaillaient. Les conditions étaient extrêmement difficiles et complexes.

11 La plupart des devoirs et tâches étaient exécutés au niveau du service

12 d'urgence. Le service, par exemple, de la médecine de travail fonctionnait

13 pendant un certain temps après l'éclatement de la guerre, et les autres

14 services étaient pratiquement éteints.

15 Les devoirs, les tâches étaient axés surtout sur les cas d'urgence, sur

16 les cas de traitement de différentes maladies plus ou moins sérieuses et

17 les tâches du moment, de l'instant, si vous me permettez cette expression,

18 qui étaient indispensables à accomplir.

19 Question: Est-ce que cela voulait dire que vous-même et les autres

20 médecins, vous étiez tenus de rester plus longtemps à votre poste de

21 travail, donc vos permanences étaient en quelque sorte prolongées? Vous

22 restiez à vos postes de travail bien plus longtemps qu'avant?

23 Réponse: Oui. Mais il y a eu tout de même une certaine différenciation en

24 ce qui concerne le personnel. Les hommes qui étaient des hommes aptes au

25 service militaire, donc figurant sur les registres du ministère de la

Page 2984

1 Défense, eh bien nous on était trois qui étions placés sous le régime, eh

2 bien on était pratiquement 24 heures sur 24 dans le centre médical. On

3 avait la possibilité et la permission de rentrer sporadiquement chez nous

4 pour pouvoir changer nos vêtements, prendre un bon bain, s'occuper de sa

5 toilette et parfois y passer une nuit.

6 Pour ce qui est des autres, et là je pense surtout et toujours aux

7 médecins qui n'étaient pas aptes au service militaire, qui n'avaient pas

8 un poste militaire d'affectation; eh bien, ils assuraient la permanence

9 dans le service urgence. Et puis ils travaillaient avec nous, avec nous

10 autres qui tombions sous cette loi de service militaire obligatoire. Et

11 puis, il y a eu également deux ou trois, et parfois plus de médecins; cela

12 dépendait des occasions et des besoins du moment.

13 Pour ce qui est des infirmières, du personnel paramédical, elles avaient

14 également leurs horaires. Le directeur, vraisemblablement, établissait,

15 émettait ses ordres et ses horaires. Je ne sais pas qui était tenu de

16 veiller sur les horaires, sur les programmes, mais je pense que le

17 directeur en avait la charge. Et cela s'applique également à tous les

18 autres personnels.

19 M. le Président (interprétation): Est-ce que nous avons besoin de ce genre

20 de détails? Le docteur a été cité pour indiquer ce qui s'est passé un

21 jour, une date, une heure précise. Nous n'avons pas besoin d'entendre ce

22 récit sur le fonctionnement d'un hôpital. Essayez de le guider vers ce qui

23 est vraiment pertinent pour l'affaire.

24 M. Domazet (interprétation): Je pense que c'était un peu long, mais je

25 pense que cela était utile pour expliquer la situation, les circonstances

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1 dans lesquelles ce centre médical opérait, travaillait.

2 Ma question prochaine serait: est-ce qu'il y avait un autre hôpital, un

3 hôpital militaire qui fonctionnait dans la région, dans ces parages-là?

4 M. Loncarevic (interprétation): Autant que je sache, il n'y avait pas

5 d'hôpital militaire dans cette région.

6 Question: Merci, Monsieur Loncarevic, de la réponse que vous venez de nous

7 donner.

8 Ma question suivante est: connaissez-vous Mitar Vasiljevic? Le

9 connaissiez-vous à l'époque dont il est question, soit en 1992?

10 Réponse: Oui. Je connaissais Mitar Vasiljevic à l'époque, et même avant

11 1992.

12 Question: Depuis quand et comment avez-vous fait sa connaissance?

13 Réponse: Je l'ai connu quelques années avant l'éclatement de la guerre. Je

14 me souviens qu'il travaillait comme garçon de café, serveur dans un petit

15 café appelé "Mezalin". Et puis, par la suite, je le rencontrais dans

16 d'autres établissements de l'entreprise Panos.

17 Question: Monsieur Loncarevic, vous avez dit il y a quelques instants

18 qu'en 1992, alors que la paix régnait encore, vous avez quitté Visegrad et

19 que vous y êtes revenu pendant la guerre.

20 Alors, pendant cette période où vous travailliez au centre de santé, après

21 votre retour, je vous demande si, pendant cette période, vous avez eu

22 l'occasion de rencontrer ou de voir M. Mitar Vasiljevic en ville surtout

23 mais aussi, éventuellement, dans d'autres lieux extérieurs à la ville, aux

24 alentours de la ville?

25 Réponse: Je ne me rappelle pas avoir vu Mitar Vasiljevic dans cette

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1 période.

2 Question: Compte tenu de ce que vous nous avez dit il y a quelques

3 instants au sujet des obligations qui étaient les vôtres -et je veux

4 parler de l'obligation militaire avant tout-, je vous demande si vous

5 alliez souvent dans le centre ville?

6 Réponse: J'ai déjà dit que je rentrais rarement chez moi. Mais j'avais une

7 propriété située plus bas que la ville, c'est-à-dire près du deuxième

8 pont. Et, si on passe par ce pont-là, on n'a pas besoin de traverser la

9 ville. Puisque je marchais très rarement -sinon jamais-, parce que, en

10 général, j'utilisais ma voiture et je franchissais ce deuxième pont, je ne

11 traversais pas souvent la ville. C'est peut être ça la raison.

12 Et si jamais j'y allais, mais je ne peux pas en parler ici parce que je ne

13 me souviens pas l'avoir fait, je n'ai pas rencontré Mitar.

14 Question: Dans cette même période, l'avez-vous vu dans les locaux du

15 centre de santé où vous-même travailliez?

16 Réponse: J'aimerais vous demander de préciser la période à laquelle vous

17 pensez exactement.

18 Question: Oui, je pense à la période qui va de votre retour, mai 1992,

19 jusqu'à la suite. Vous dites ne l'avoir pas vu en ville, mais l'avez-vous

20 vu alors dans d'autres situations, dans d'autres circonstances?

21 Réponse: Oui. J'étais présent au centre de santé quand ils ont amené le

22 blessé Vasiljevic. Je ne me souviens pas d'avoir communiqué avec lui à ce

23 moment-là car, pour autant que je m'en souvienne, Vasiljevic était étendu

24 sur un brancard. Alors, où avons-nous eu notre premier contact l'un avec

25 l'autre? Etait-ce à l'intérieur du centre de santé, donc à l'hôpital, ou

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1 au dispensaire? Je ne me rappelle pas. Beaucoup de temps s'est écoulé

2 depuis.

3 Mais l'image que j'ai devant les yeux est celle du blessé; elle est restée

4 gravée dans ma mémoire. L'image aussi de plusieurs personnes qui

5 transportaient Mitar Vasiljevic dans la direction du département de

6 radiologie.

7 Quant à moi, sur la base d'un exemple rapide et superficiel, j'ai pu

8 déterminer qu'il s'agissait d'une blessure, et plus précisément d'une

9 fracture de la jambe sous le genou. C'est la raison pour laquelle j'ai

10 ordonné un examen radiologique.

11 Et, de toutes ces images que j'ai sans doute effacées de ma mémoire, il y

12 a en une qui est restée présente, à savoir ce cheminement vers la

13 radiographie, c'est-à-dire à partir de la cage d'escalier en passant

14 devant la porte de la salle de radiologie et jusqu'à l'appareil de

15 radiologie.

16 Question: Monsieur Loncarevic, si j'ai bien compris ce que vous avez dit,

17 vous avez commencé, c'est sur la base de cet examen superficiel, vous avez

18 conclu qu'il s'agissait d'une fracture et vous l'avez envoyé en

19 radiologie? C'est bien ce qui s'est passé?

20 Réponse: Oui, c'est cela.

21 Question: Une radiographie de la jambe a-t-elle été prise? Je suppose

22 qu'il s'agissait de la jambe, je ne sais pas si vous en avez parlé. Je

23 commencerai par vous demander de quelle fracture il s'agissait exactement?

24 Réponse: Une radiographie de la jambe a été effectuée sous deux angles

25 différents. Je ne sais pas si les images ont été restituées sur un film ou

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1 deux films. Je ne suis pas non plus en mesure d'affirmer avec certitude si

2 la fracture avait touché un os ou deux os sur la jambe gauche, sous le

3 genou. Mais d'après les observations superficielles auxquelles j'ai

4 beaucoup réfléchi par la suite, il est probable que le tibia et le péroné

5 aient été cassés mais je ne peux pas l'affirmer.

6 Question: Pourriez-vous nous dire avec plus de précision ce que vous

7 entendez sous "deux angles différents"? S'agit-il de deux images faites

8 l'une après l'autre ou d'une seule image avec deux expositions

9 différentes?

10 Réponse: Ce qu'il importe de faire en présence d'une fracture, lorsqu'on

11 la suspecte, c'est avant tout de radiographier sous deux angles

12 différents, de façon à obtenir de meilleures informations et davantage

13 d'éléments sur la nature et la gravité de la blessure.

14 Par conséquent, ce type de radio peut être effectué sur un film ou sur

15 deux films mais, ce qu'il est obligatoire de faire, c'est de radiographier

16 une fois sous une angle -en général une vue avant- et une deuxième fois

17 sous un autre angle, il s'agira d'une radiographie latérale.

18 Question: Monsieur Loncarevic, à l'époque où ces radiographies ont été

19 prises, pouvez-vous nous dire quelle était l'appareil de radiographie dont

20 vous disposiez dans votre centre de santé?

21 Réponse: Au centre de santé, nous avions un vieil appareil de radiologie.

22 Je ne saurais pas dire quelle était la date de fabrication de cet appareil

23 qui fonctionnait, mais il avait une procédure de fonctionnement très

24 particulière, c'est-à-dire que le temps consacré au développement aux

25 clichés était plus important que le temps de radiographie en tant que tel.

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1 Pour développer les clichés, nous avions un ustensile en cuivre dans

2 lequel étaient placés des produits chimiques qu'il fallait chauffer pour

3 développer la pellicule.

4 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, je vous demande une

5 nouvelle fois si nous avons vraiment besoin de tous ces détails? Est-ce

6 important pour expliquer la véracité des radios qui ont été faites? Le

7 fait est qu'on nous a dit que des radios avaient été faites et qu'elles

8 avaient été envoyées à Uzice. Alors, pourquoi avons-nous besoin de tout

9 cela?

10 M. Domazet (interprétation): Pour la raison suivante: sur la base de la

11 réponse du témoin, je crois comprendre que le développement est important

12 parce que certains témoins ont parlé de façon à laisser entendre qu'en

13 1992 les radiographies étaient développées à la main; c'est la raison pour

14 laquelle j'interrogeais le témoin sur ce sujet. D'ailleurs, je vais

15 raccourcir.

16 Monsieur le Témoin, les radiographies étaient-elles développées à la main

17 et combien de temps fallait-il attendre entre le moment de la prise de la

18 radiographie et le moment où le patient pouvait recevoir sa radiographie?

19 Voilà quelles sont mes questions et je pense qu'elles sont pertinentes

20 dans la présente affaire.

21 M. Loncarevic (interprétation): Oui. Il s'agissait d'un développement

22 manuel et, pour effectuer un tel travail, il faut à peu près 20 minutes,

23 parfois davantage, parfois un peu moins mais disons qu'en moyenne 20

24 minutes sont nécessaires pour un tel travail.

25 Question: Une fois que les clichés ont été développés, savez-vous ce qui a

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1 été fait à M. Vasiljevic par la suite?

2 Réponse: Monsieur Vasiljevic a été remmené dans la salle d'opération où

3 des secours médicaux d'urgence lui ont été apportés et où il a été préparé

4 au transport, c'est-à-dire qu'il y a eu immobilisation de l'extrémité du

5 membre atteint et tout ce qu'il fallait faire par ailleurs a été fait

6 également.

7 Question: Vous parlez d'immobilisation et de préparation au transport.

8 Transport jusqu'où, Monsieur Loncarevic?

9 Réponse: Le transport jusqu'à l'hôpital de Titovo Uzice, dans le

10 département orthopédique.

11 Question: Fallait-il, pour un tel transport, que l'un d'entre vous, au

12 centre de santé de Visegrad, rédige une feuille de route?

13 Réponse: Oui, c'était nécessaire. La feuille de route devait être rédigée

14 car sinon le patient n'aurait pas été admis à l'hôpital. Je n'arrive pas à

15 me rappeler qui a rédigé cette feuille de route. J'ai donné l'ordre qu'une

16 feuille de route soit rédigée, je savais que c'était nécessaire.

17 Maintenant, est-ce moi qui ai rédigé cette feuille de route ou est-ce que

18 c'est l'un ou l'autre de mes collègues? Je ne sais pas.

19 D'ailleurs, je ne me souviens pas du tout qui étaient mes collègues qui

20 étaient présents à cet endroit, à ce moment-là. Je ne saurais donc rien

21 affirmer. Mais, en tout état de cause, il fallait rédiger une feuille de

22 route.

23 Question: Dans des situations de ce genre, Monsieur Loncarevic, je veux

24 parler de situations où vous envoyez un patient dans un autre hôpital avec

25 un feuille de route -et cet autre hôpital dans le cas concret est celui

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1 d'Uzice-, le patient est-il accompagné d'autres documents, en dehors de la

2 feuille de route?

3 Réponse: La règle, c'est que le patient emporte avec lui d'autres

4 documents en sus de la feuille de route. Et, dans le cas qui nous

5 intéresse, il s'agissait du cliché de radiographie. Moi, je ne l'ai pas vu

6 à son départ, donc je ne peux pas affirmer qu'il a emporté cette radio

7 avec lui. Mais ce que je tiens à dire, c'est que c'est le règlement et que

8 ce règlement n'a jamais été enfreint, à ma connaissance. Mais est-ce que

9 les choses se sont bien passées comme cela dans ce cas précis, je ne

10 saurais pas l'affirmer.

11 Question: Monsieur Loncarevic, puisque nous parlons de radiographie,

12 pouvez-vous nous dire si une radiographie est enregistrée avant d'être

13 remise au patient? Et si oui, de quelle façon?

14 Réponse: Oui, bien sûr, une radio est toujours enregistrée. Sur le cliché

15 doivent figurer le nom et le prénom du patient, ainsi que la date de

16 réalisation du cliché, et le côté du corps qui a été radiographié: à

17 savoir gauche ou droite. Et c'est en lettres majuscules latines que l'on

18 indique le côté du corps, c'est à dire "L" majuscule ou un "D" majuscule.

19 Question: De quelle façon ces divers renseignements étaient-ils insérés

20 sur la radiographie à l'époque? A la main ou à la machine?

21 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, nous n'avions pas de machine à

22 écrire. Et je crois me rappeler qu'on utilisait un stylo tout ce qu'il y a

23 de plus classique pour inscrire ces éléments.

24 Question: Qui insérait ces renseignements? Je veux dire: était-ce le

25 médecin ou était-ce le radiologiste?

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1 Réponse: C'est le radiologiste qui insérait ces renseignements.

2 D'ailleurs, la technique de radiologie et tout le reste sont déterminés

3 par lui également, et c'est lui également qui insère ces renseignements.

4 Question: Monsieur Loncarevic, pouvez-vous nous dire, de mémoire, quelle

5 heure il était le jour où M. Vasiljevic a été transporté jusqu'au centre

6 de santé sur un brancard?

7 Réponse: Je ne peux pas prétendre à une précision totale car, après tout,

8 cela s'est passé il y a très longtemps, je ne me rappelle pas l'heure

9 exacte. Mais ce que je peux dire avec certitude, c'est qu'il faisait jour;

10 ça, je peux l'affirmer. Quant au souvenir que j'ai de cette situation, je

11 crois me rappeler que j'avais fini de déjeuner, mais qu'il n'était pas

12 tout à fait l'heure de la tombée de la nuit. C'était une journée nuageuse,

13 il me semble qu'une pluie fine tombait également. Mais s'il fallait que je

14 donne des détails au sujet de l'heure, ou que je situe l'heure de façon

15 générale, je dirais qu'il devait être entre 16 et 18 heures, à peu près.

16 Question: Vous avez parlé de déjeuner. Pour donner une idée, je vous

17 demande: à cette époque, à quelle heure de la journée vous preniez

18 normalement votre déjeuner?

19 Réponse: Ce jour-là, tout comme aujourd'hui, mon habitude consiste à

20 déjeuner aux alentours de 3 heures de l'après-midi. Quelquefois un peu

21 plus tôt, quelquefois un peu plus tard.

22 M. Domazet (interprétation): A cette époque-là, fallait-il, pour qu'un

23 patient soit transporté à Uzice, qu'il le soit à bord d'une ambulance

24 venant de votre centre de santé? Et dans le cas précis, est-ce que cela

25 était le cas pour Mitar Vasiljevic?

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1 M. Loncarevic (interprétation): Puisqu'il fallait un véhicule dans lequel

2 un patient pouvait être allongé, il fallait que ce soit un voiture de chez

3 nous. Il n'y avait aucune raison que cela se passe autrement.

4 M. le Président (interprétation): Je crois que ce serait un bon moment

5 pour la suspension.

6 M. Domazet (interprétation): Oui.

7 M. Groome (interprétation): Une brève requête avant la fin de l'audience,

8 Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

10 M. Groome (interprétation): Je présente cette requête par précaution. Je

11 vous demande, Monsieur le Président, si vous pourriez faire savoir au

12 service chargé de la protection des victimes et des témoins; qu'il peut

13 s'adresser à M. Savic, et lui demander s'il a le moindre souci au sujet de

14 son voyage de retour, auquel cas il pourrait peut-être intervenir.

15 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons demander aux

16 personnes responsables, ici, de transmettre le message, et de dire que

17 c'est le Procureur qui transmet de message. Mais je ne suis pas sûr que

18 nous ayons de grandes possibilités dans ce sens. Le mieux, sans doute, est

19 de lui dire quels ont été les détails abordés et de lui faire savoir ce

20 qui s'est passé.

21 M. Groome (interprétation): Je le ferai, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation): Merci.

23 Suspension jusqu'à 9 heures et demie.

24 (L'audience est levée à 16 heures 02.)

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