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1 (Jeudi 22 Novembre 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Goran Loncarevic, est introduit dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire.
6 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-32-T, le Procureur contre
7 Mitar Vasiljevic.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet?
9 (Interrogatoire principal du témoin, M. Goran Loncarevic, par Me
10 Domazet.)
11 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Bonjour, Monsieur Loncarevic.
13 M. Loncarevic (interprétation): Bonjour.
14 Question: Nous allons reprendre notre entretien d'hier et, pour autant que
15 je le sache, nous nous étions arrêtés au moment où votre patient, Mitar
16 Vasiljevic, devait partir pour Uzice?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Vous souvenez-vous personnellement qui avait emmené Mitar
19 Vasiljevic à Uzice?
20 Réponse: Non, je ne me souviens pas.
21 Question: Et savez-vous à quelle heure ce véhicule est parti pour Uzice? A
22 savoir, avez-vous vu ce véhicule partir et vous en souvenez-vous?
23 Réponse: Je n'arrive pas à me souvenir de ce moment-là.
24 Question: Monsieur Loncarevic, M. Zivorad Savic avait-il été l'un des
25 chauffeurs du centre médical, à l'époque?
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1 Réponse: Oui. Oui, Savic Zivorad était l'un des chauffeurs, effectivement,
2 de ce centre médical.
3 Question: Se peut-il qu'il ait été le chauffeur qui avait emmené M. Mitar
4 Vasiljevic à Uzice?
5 Réponse: Oui, c'est possible.
6 Question: A ma question de savoir si vous aviez aperçu Mitar Vasiljevic en
7 ville, vous nous avez dit que vous alliez rarement au centre ville et ce,
8 compte tenu de vos obligations de travail et compte tenu de votre lieu de
9 travail qui ne nécessitait pas le fait de passer par le centre ville.
10 Pouvez-vous nous dire s'il n'y avait que cette raison-là pour ne pas se
11 déplacer vers le centre ville, ou y avait-il une autre raison vous
12 incitant à éviter de vous déplacer vers le centre ville de Visegrad?
13 Réponse: Je contournais sciemment le centre ville parce que je me doutais
14 bien qu'en temps de guerre, dans cette situation telle qu'elle l'avait
15 été, il se pouvait que j'aie des désagréments, que j'aie à faire face à
16 des choses dont je ne voulais pas. Et c'est la raison qui m'avait poussé à
17 éviter le centre ville.
18 Question: Monsieur Loncarevic, ces désagréments que vous venez de
19 mentionner, pourriez-vous nous dire de la part de qui ces désagréments
20 auraient pu provenir à l'époque, ou provenaient à l'époque?
21 Réponse: Cela provenait de la part de personnes que je ne connaissais en
22 général pas.
23 Question: Est-ce que cela signifie, Monsieur Loncarevic, que vous entendez
24 par là des personnes étant venues d'ailleurs et n'étant pas originaires de
25 Visegrad?
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1 Réponse: Oui, c'est précisément à cela que je pense. J'ai même eu des
2 désagréments à deux reprises.
3 Question: Pourriez-vous nous décrire le type de désagrément que vous avez
4 connu et la façon dont cela a eu lieu?
5 Réponse: Une fois, j'ai été intercepté par des gens. Ils étaient à
6 plusieurs, j'ignore le nombre total de ces gens-là, mais je ne connaissais
7 personne du groupe. Ils avaient des armes sur eux, ils portaient des
8 barbes. J'ai été intercepté sur la route menant à la maison où j'étais né
9 et ils voulaient me confisquer tout le carburant que j'avais dans le
10 réservoir de ma voiture et ce, après avoir vérifié mes papiers d'identité.
11 L'histoire s'est terminée après des palabres. Le carburant est resté dans
12 mon réservoir, mais la situation a été fort désagréable.
13 La deuxième occasion, ça a été en ville même, sur le pont. J'avais été
14 également intercepté par un groupe de personnes, je puis même les décrire
15 de façon analogue à la façon dont j'ai décrit le première groupe. Ils
16 m'ont dit de les suivre, ils m'ont emmené vers le hameau de Zenca où il y
17 en avait quelques-uns encore, quelques personnes encore. Et après avoir
18 vérifié mes papiers d'identité, ils voulaient me confisquer le carburant
19 que j'avais dans mon réservoir. Heureusement, il n'y avait que quelques
20 litres à peine, ce qui fait qu'ils n'avaient presque rien à prendre. Et
21 près m'avoir retenu quelque peu, ils m'ont laissé partir.
22 Question: Monsieur Loncarevic, vous nous avez dit que ces personnes
23 avaient vérifié vos pièces d'identité et que, suite à cela, avaient quand
24 même continué à exiger le carburant de votre réservoir. J'imagine que vous
25 leur avez montré votre pièce d'identité, votre carte d'identité?
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1 Réponse: Oui, en effet, je n'osais me déplacer nulle part sans carte
2 d'identité.
3 Question: Je ne vous ai pas posé la question, mais je crois que les choses
4 sont claires: dites-nous quelle est votre appartenance ethnique.
5 Réponse: Eh bien, je suis serbe.
6 Question: Est-ce que c'est une chose que l'on distingue aisément, partant
7 de votre nom, prénom, nom de votre père et autres renseignements figurant
8 dans votre carte d'identité?
9 Réponse: Oui, je pense que tout le monde peut le savoir.
10 M. Domazet (interprétation): A votre travail au centre médical, Monsieur
11 Loncarevic, avez-vous connu ou eu des incidents analogues à ceux que vous
12 venez de nous décrire en ville?
13 M. le Président (interprétation): Juste un moment, je vous prie.
14 Maître Domazet, où voulez-vous en venir? Nous n'avons pas d'identification
15 des personnes qui avaient fait cela. Maintenant, si vous lui demandez de
16 vous raconter quelques autres incidents de ce type, je n'en vois pas la
17 finalité; à savoir je ne vois pas ce que cela vous fera obtenir, à quoi
18 cela vous fera aboutir.
19 Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'aller dans les détails si vous
20 souhaitez prouver qu'il y avait eu des attaques contre la population
21 serbe, civile serbe s'entend.
22 M. Domazet (interprétation): Non, je ne voudrais pas parler d'attaque
23 contre la population civile serbe. Mais les dernières questions que je
24 voulais poser à ce sujet portaient sur la façon dont se comportaient les
25 paramilitaires qui se trouvaient ces jours-là en ville. Et je crois que
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1 cela est pertinent pour l'affaire dont nous traitons. Il s'agit de
2 déterminer qui étaient ces gens-là, s'ils étaient originaires de Visegrad,
3 et le fait que la population civile musulmane n'avait pas été la seule à
4 connaître des désagréments; la population civile serbe en avait connu
5 également.
6 Je n'avais plus, d'ailleurs, qu'une seule question à poser concernant
7 l'incident survenu à l'hôpital, s'agissant d'unités paramilitaires qui
8 s'étaient trouvées, à l'époque, à Visegrad.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, on n'affirme pas qu'il
10 s'agissait d'unités paramilitaires. Si vous voulez le prouver, je serais
11 d'accord pour dire que cela est pertinent. Mais vous n'avez aucun élément
12 de preuve pour ce qui est d'affirmer, de confirmer que la population serbe
13 avait eu des difficultés également au niveau de ces unités paramilitaires
14 serbes.
15 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, partant de ce que le
16 témoin a dit, tout à l'heure, au sujet du comportement de ces gens, il
17 découle en effet ce que vous venez de dire. Mais je me propose de formuler
18 la chose de façon à ce que les choses soient plus claires, si vous voulez
19 bien me le permettre.
20 M. le Président (interprétation): Juste un moment.
21 Ils étaient armés, si c'est la chose que vous voulez que nous prenions en
22 considération. Alors, dans ce cas-là, il faudrait que vous vous attardiez
23 sur se point-là pour le démontrer.
24 M. Domazet (interprétation): Oui.
25 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons nous pencher là-
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1 dessus, mais je voudrais que nous allions de l'avant.
2 M. Domazet (interprétation): Certainement.
3 Monsieur Loncarevic, dites-moi si ces personnes que vous avez rencontrées
4 en ville portaient des uniformes quelconques?
5 M. Loncarevic (interprétation): Oui.
6 Question: D'après ce que vous avez pu voir -et vous avez probablement vu
7 des soldats de réserve-, pensez-vous qu'ils étaient membres de l'armée
8 régulière qui était sise à Visegrad, à l'époque?
9 Réponse: Non, ils ne ressemblaient pas à l'armée régulière et ils ne se
10 comportaient pas du tout ainsi. La plupart d'entre eux portaient des
11 uniformes de camouflage, d'autres encore portaient des uniformes noirs,
12 certains avaient des bandeaux sur les yeux. La plupart portait une barbe,
13 certains avaient des toques en fourrure avec des insignes, des cocardes.
14 Ils avaient des chargeurs sur leur poitrine, et ils étaient lourdement
15 armés; ils ne ressemblaient, en aucun cas, à l'armée régulière, ni de par
16 leur apparence ni de par leur comportement.
17 Question: Une autre question: étant donné que vous avez eu un contact
18 direct avec eux, que vous vous étiez entretenu, est-ce que, de par le
19 dialecte et leur façon de parler, il vous avait été donné de conclure d'où
20 venaient exactement ces gens-là?
21 Réponse: Dois-je répondre à cette question? Je vous pose la question pour
22 des raisons de sécurité.
23 Question: A vous de juger: si vous estimez que cela peut mettre en péril
24 votre sécurité, je demanderai à la Chambre de vous faire répondre à cette
25 question en session à huis clos partiel, donc en excluant le public.
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1 Réponse: Je vais répondre quand même.
2 Il ne s'agissait pas de gens originaires de Bosnie, je n'ai aucune preuve;
3 j'imagine qu'il s'agissait de personnes originaires de Serbie.
4 Question: Merci, Monsieur Loncarevic. Juste une petite question à ce même
5 sujet: avez-vous eu, personnellement, à faire face à un incident analogue
6 avec des gens tels que vous venez de les décrire au sujet du premier
7 incident?
8 Réponse: Oui, en effet.
9 Question: Veuillez nous décrire l'incident en question.
10 Réponse: Il y a eu plusieurs désagréments. Je me souviens de quelques cas.
11 Ils venaient entre autres au centre médical aussi. S'agissant du
12 personnel, ils ne témoignaient aucun respect, le moindre des respects: ils
13 étaient brutaux, leur comportement était violent, ils s'accaparaient notre
14 espace vital, ils nous dérangeaient, ils s'asseyaient sur nos sièges, ils
15 s'allongeaient sur nos couchettes. Ce qui fait que nous n'avions pas le
16 choix.
17 Mais il nous a, à plusieurs reprises, fallu rester debout toute la nuit
18 pour que, eux, puissent se reposer. En même temps, nous n'avions le droit
19 de proférer aucune protestation, aucun mot.
20 Question: Merci, Monsieur Loncarevic. Je me propose maintenant de passer à
21 un autre sujet. Après la journée que vous nous avez décrite, au meilleur
22 de votre souvenir, et suite au départ de Mitar Vasiljevic, vous avez
23 continué à exercer votre profession au centre médical de Uzice... ou
24 plutôt je me reprends, à Visegrad.
25 Pouvez-vous me dire jusqu'à quand vous avez travaillé au juste, et s'il y
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1 a eu quelque interruption que ce soit dans votre activité professionnelle?
2 Réponse: Suite au départ de Mitar Vasiljevic à l'hôpital, j'ai eu une
3 interruption dans mes activités professionnelles et ce, pour raison de
4 blessure: je m'étais blessé moi-même au moyen de mon propre pistolet. Cela
5 est arrivé le 24 juin 1992, date à laquelle j'ai dû aller moi-même à
6 l'hôpital d'Uzice au département de chirurgie.
7 Question: Monsieur Loncarevic, dites-nous, je vous prie, combien de temps
8 vous êtes resté à vous faire soigner à l'hôpital d'Uzice?
9 Réponse: Jusqu'au 31 juillet 1992.
10 Question: Pendant le temps où vous vous trouviez à l'hôpital d'Uzice,
11 avez-vous remarqué Mitar Vasiljevic à l'hôpital?
12 Réponse: Je savais que Mitar Vasiljevic se trouvait dans une aile autre,
13 l'aile qui se trouvait face à la mienne. A partir du moment où j'ai pu me
14 déplacer, je me suis rendu vers la pièce où Mitar Vasiljevic était alité
15 et j'ai effectué une brève visite à celui-ci.
16 Réponse: Vous venez de nous dire que cela s'est fait dès que vous avez pu
17 vous déplacer. Pouvez-vous vous rappeler au bout de combien de temps cela
18 s'est-il fait après, ou suite à votre arrivée à l'hôpital d'Uzice?
19 Réponse: Oh, au bout de deux ou trois jours.
20 Question: Ce département que vous avez situé dans l'aile en face de la
21 vôtre, pouvez-vous nous dire quel département, de quel département il
22 s'agissait au juste?
23 Réponse: Il s'agissait du département orthopédique.
24 Question: L'avez-vous rencontré ou vu à quelque autre reprise pendant
25 votre séjour à l'hôpital?
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1 Réponse: Je l'ai rencontré un peu plus tard, je ne sais au bout de combien
2 de jours mais, en tout état de cause, c'était pendant que j'étais encore à
3 l'hôpital. Nous nous sommes rencontrés dans le hall de l'hôpital, à
4 proximité de la cabine téléphonique. Nous avons échangé quelques propos
5 mais nous nous sommes séparés tout de même assez vite.
6 Question: Pouvez-vous nous dire si vous vous rappelez de ce que vous vous
7 étiez dit, ou de quelque chose de caractéristique au sujet de l'entretien
8 que vous avez eu avec Mitar Vasiljevic?
9 Réponse: Ce qui avait été caractéristique, c'est le fait que lors de notre
10 rencontre, Mitar avait du mal à rattacher les éléments, les faits les uns
11 aux autres. Il n'arrivait plus à se souvenir pourquoi j'étais là. La
12 communication avait été très entrecoupée, pénible.
13 Son plâtre était gribouillé de toutes parts avec des tas de dessins, de
14 lettres, et je ne suis pas resté longtemps avec lui.
15 Question: Quand vous dites que vous ne vouliez plus rester longtemps avec
16 lui, est-ce que cela signifie en fait que vous avez évité de continuer
17 l'entretien et que vous y avez mis un terme au plus vite? Est-ce que c'est
18 bien ainsi qu'il faut que je comprenne la chose?
19 Réponse: Oui, c'est bien ainsi qu'il faut comprendre la chose.
20 Question: En cette deuxième occasion, vous nous avez décrit un plâtre sur
21 sa jambe et des autocollants ou des inscriptions et des dessins sur ce
22 plâtre. Pouvez-vous nous dire comment il se déplaçait avec ce plâtre,
23 lorsque vous l'avez rencontré en cette deuxième occasion?
24 Réponse: Il se trouvait dans une chaise roulante.
25 Question: Monsieur Loncarevic, lorsque vous l'avez vu la première fois
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1 dans cette pièce, dans cette chambre d'hôpital, pouvez-vous vous souvenir
2 de la position dans laquelle il se trouvait, et pouvez-vous nous dire quoi
3 que ce soit à ce sujet-là?
4 Réponse: Je crois qu'il était alité, qu'il avait été immobilisé avec du
5 matériel d'extension, à savoir des contrepoids.
6 Question: Y avait-il d'autres patients dans cette pièce-là? S'agissait-il
7 donc d'une chambre avec plusieurs lits? Vous en souvenez-vous?
8 Réponse: Oui. Il s'agissait d'une chambre qui comportait plusieurs lits.
9 Je ne me souviens plus qui il y avait encore avec Mitar, mais il me semble
10 qu'avec lui, dans la pièce, il y avait un patient du groupe ethnique
11 musulman dont le nom de famille devait être Lepenica.
12 Question: Vous souvenez-vous, Monsieur Loncarevic, du fait que certaines
13 autres personnes originaires de Visegrad se trouvaient alors à l'hôpital,
14 que vous avez à ce moment-là rencontrées également?
15 Réponse: Oui. J'ai rencontré d'autres personnes encore se trouvant à
16 l'hôpital.
17 Question: Et sauriez-vous vous rappeler les noms de certains d'entre eux?
18 Réponse: Oui, je m'en souviens. J'avais vu Slavko Trifkovic, Miroslav
19 Mirkovic, Dragan Filipovic, un policier que l'on appelait "Rakela".
20 J'ignorais son nom et prénom et de nos jours encore je l'ignore, je sais
21 seulement que tout le monde l'appelait Rakela. Et puis, quelques autres
22 personnes dont je n'arrive plus à me remémorer les noms.
23 Question: Merci.
24 (Le témoin regarde le compte rendu d'audience sur le moniteur.)
25 Réponse: J'ai dit Rakela et pas Rakila.
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1 Question: Vous nous avez dit tout à l'heure que vous étiez resté à
2 l'hôpital jusqu'au 31 juillet 1992?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Compte tenu du fait que vous n'aviez rencontré Mitar qu'à deux
5 reprises, sauriez-vous nous dire si vous savez ou pas jusqu'à quel moment
6 Mitar est resté à l'hôpital?
7 Réponse: Je ne saurais vous le dire exactement. Il me semble qu'il était
8 sorti avant moi, mais je ne sais pas exactement.
9 Question: Monsieur Loncarevic, auriez-vous sur vous quelque preuve disant,
10 témoignant de votre séjour à l'hôpital pendant la période dont vous venez
11 de nous parler ici?
12 Réponse: J'ai une fiche de sortie de l'hôpital, chez moi.
13 Question: Si vous l'avez sur vous, je vous prierai de nous donner le
14 numéro de l'anamnèse qui figure sur cette fiche de sortie.
15 (Le témoin sort une feuille.)
16 Réponse: Le numéro d'anamnèse est le numéro 10607: 1-0-6-0-7.
17 Question: Merci, Monsieur Loncarevic.
18 (Le témoin range la feuille.)
19 Question: Lorsque vous décriviez, Monsieur Loncarevic, le temps, la
20 chronique des événements concernant la blessure de Mitar Vasiljevic et les
21 détails que vous avez relatés, il y a eu pas mal d'interventions, il y a
22 eu pas mal de patients qui étaient impliqués?
23 Réponse: Oui. Oui, il y a eu beaucoup de patients et beaucoup
24 d'interventions.
25 Question: Pouvez-vous nous dire sur la base de quoi vous arrivez à vous
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1 souvenir de tout ce que vous nous avez relaté au moment de l'admission de
2 Mitar Vasiljevic à l'hôpital de Visegrad? Enfin, comment pouvez-vous
3 expliquer le fait que vous vous souvenez de tous ces menus détails?
4 Réponse: Peut-être que je ne me serais jamais souvenu de Mitar et d'un
5 grand nombre d'autres patients mais, en ce qui concerne Mitar, ce cas
6 était en quelque sorte exceptionnel.
7 Je m'explique: au cours de ma formation médicale, au cours de ma pratique
8 de médecin, je n'ai jamais rencontré un cas de chute de cheval. Chez nous,
9 il y a pas beaucoup de chevaux, beaucoup de gens qui montent à cheval. Et
10 étant donné que c'était mon unique cas de blessure, donc chute de cheval,
11 peut-être que c'est la raison pour laquelle j'ai retenu certains détails
12 afférents à ce cas-là précisément.
13 Question: Merci. En ce qui concerne ce cas, est-ce que vous avez fait une
14 déclaration devant Me Tanaskovic, avocat de Visegrad?
15 M. Loncarevic (interprétation): Oui, je lui ai fait cette déclaration.
16 M. Domazet (interprétation): Vous souvenez-vous que dans le cadre de cette
17 déclaration vous aviez dit, donnant la description de cet événement, que
18 vous ne vous souveniez plus de la date mais que vous pourriez l'établir
19 sur la base des registres, des protocoles officiels, et c'est sur cette
20 base-là que vous avez donc indiqué la date du 14 juin 1992? Vous souvenez-
21 vous de ce détail de votre déclaration?
22 M. le Président (interprétation): Quelle est la valeur d'une réponse qui
23 serait une réponse à une question suggestive, directrice? Enfin, nous
24 aimerions avoir la copie de ces différents registres pour pouvoir le
25 constater.
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1 M. Domazet (interprétation): C'est ce que je voudrais établir comme
2 élément de preuve, introduire cet élément de preuve, ce registre auquel M.
3 Loncarevic a fait référence.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, je pense, enfin j'ai
5 l'impression que nous sommes au ralenti. Passez aux choses qui sont
6 pertinentes et dites qu'elles sont pertinents et si, oui, vous avez des
7 documents, eh bien essayez de nous verser des documents de ces documents-
8 là.
9 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Tout à fait
10 d'accord.
11 Monsieur Loncarevic, comment établissait-on ces registres à ce moment-là,
12 lorsqu'un patient arrivait et devait donc être accueilli et enregistré?
13 M. Loncarevic (interprétation): Oui. Il y avait un registre. Partie
14 gauche, c'était quelque chose que remplissait l'infirmière de permanence,
15 et puis du côté droit on indiquait la thérapie, tout ce qu'on devait faire
16 pour le patient en question.
17 Question: Et puis, est-ce que les médecins y inscrivaient quelque chose,
18 dans ce registre, ce livre de réception?
19 Réponse: Oui. Les médecins y inscrivaient le diagnostic constaté.
20 Question: Monsieur Loncarevic, je vous présenterai un livre, un registre,
21 un protocole, comme vous le dites. Est-ce que vous pourriez bien
22 identifier ce livre que je vous présente? Je prie l'huissier de soumettre
23 ce livre au témoin.
24 (Intervention de l'huissier.)
25 (Le témoin parcourt le livre.)
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1 Réponse: Il s'agit d'un registre de patients qui passaient par l'hôpital,
2 provisoirement, et où l'on établissait ce qui se passait.
3 Question: Je vous prie donc de nous donner lecture de ce qui est écrit sur
4 la première page.
5 Réponse: Le titre est "Protocole des patients de jour ou des patients
6 provisoires" et puis, ajouté en annotation: "Premier département 382 du 20
7 avril 1992 au 4 juillet 1992".
8 Question: Est-ce qu'il s'agit donc du protocole où l'on inscrivait tous
9 les patients qui avaient été admis du 20 avril 1992 au 4 juillet 1992?
10 Réponse: Oui, c'est ce protocole, c'est ce registre.
11 Question: Monsieur Loncarevic, ce livre commence à partir des chiffres
12 3821, donc du 20 avril et par la suite. Je vous prie de trouver dans ce
13 livre le n°53/92.
14 (Le témoin cherche dans le livre.)
15 Réponse: Oui, j'ai trouvé le n°53/53.
16 Question: Et je vous prie de donner lecture à la Chambre, et aux fins du
17 compte rendu: quelle est la description de la personne en question? De
18 quelle date s'agit-il d'abord? Est-ce que cela est visible sur ce
19 registre, sur ce protocole que vous avez devant vous?
20 Réponse: Il ressort, de toute évidence, qu'il s'agit du 14 juin 1992. Il
21 s'agit du patient Mitar Vasiljevic, né en 1954 à Visegrad, et membre de la
22 Défense territoriale. C'est ce qui est inscrit.
23 Le diagnostic est une fracture. La thérapie qui a été conseillée:
24 perfusion de 55 milligrammes de glucose à 20%.
25 Question: Merci, Monsieur Loncarevic.
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1 Donc sous ce code 53/53, 53/54, 53/55, il y a eu d'autres patients qui ont
2 été réceptionnés le même jour?
3 Réponse: Oui. Enfin, je m'en souviens, mais pas des détails. Mais d'après
4 le protocole, il s'agirait d'autres patients qui avaient été admis.
5 Question: Je vous prie de passer à la cote 55/97, dans le même protocole.
6 (Le témoin s'exécute.)
7 Réponse: Oui, 55/97, je l'ai trouvé.
8 Question: Pourriez-vous nous indiquer la date? Pourriez-vous nous relater
9 ce qui est écrit dans ce protocole?
10 Réponse: Date: 24 juin 1992, Loncarevic Goran venant de Visegrad.
11 Diagnostic...
12 (Les interprètes prient le médecin Loncarevic de répéter son propre
13 diagnostic)
14 Lésion de la cage thoracique, perfusion, et puis destiné à être
15 hospitalisé dans le département de chirurgie. Et puis, on m'avait fait une
16 piqûre.
17 Question: Monsieur Loncarevic, est-ce que vous l'avez inscrit?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Et c'est comme cela que vous êtes trouvé dans cet hôpital?
20 Réponse: Oui.
21 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur Loncarevic. Je n'ai plus
22 d'autres questions.
23 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez faire introduire
24 ce livre, ce protocole comme pièce d'évidence?
25 M. Domazet (interprétation): Oui.
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1 M. le Président (interprétation): Nous ne voulons pas l'original, mais je
2 pense donc que vous voulez le verser?
3 M. Domazet (interprétation): Oui, je voudrais bien remettre l'original, et
4 je voudrais que cette pièce, élément de preuve, soit retenue parce que
5 l'on en reparlera lorsqu'il s'agira du VGD-26.
6 M. le Président (interprétation): Ce protocole n'est plus utilisé.
7 M. Domazet (interprétation): Très certainement. Et puis, il nous a été
8 apporté par un directeur de ce centre médical qui d'ailleurs va témoigner,
9 déposer devant ce Tribunal. Il s'agit du docteur Vasiljevic, et vous
10 pourrez lui poser des questions.
11 M. le Président (interprétation): L'accusation? Est-ce que vous avez des
12 objections, Madame Bauer?
13 Mme Bauer (interprétation): Non, il s'agissait d'une divulgation mutuelle.
14 Peut-être qu'on pourrait en discuter, peut-être que l'on pourrait vérifier
15 s'il s'agit vraiment d'un document original.
16 M. le Président (interprétation): Vous n'avez jamais vu une copie de ce
17 document?
18 Mme Bauer (interprétation): C'est exactement ce que je voudrais vous
19 préciser.
20 M. le Président (interprétation): Non, ce serait vraiment quelque chose
21 comme une conspiration. Vous essayez de porter au ralenti l'ensemble de la
22 procédure.
23 M. Domazet (interprétation): Mais pas du tout, Monsieur le Président.
24 M. le Président (interprétation): Mais pourquoi vous n'aviez pas montré ce
25 protocole?
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1 M. Domazet (interprétation): Ce protocole, ce livre a été amené à La Haye
2 par le Dr Radomir Vasiljevic, et il avait même personnellement signé un
3 reçu. J'ai d'ailleurs déposé ce reçu en tant qu'élément de preuve. Et il
4 avait, dans cet aide-mémoire, décrit toutes les dates, tout ce qui
5 concerne Mitar Vasiljevic et les inscriptions qui figuraient dans ce
6 protocole, donc à partir du 14 juin 1992. C'est un aide-mémoire qui a été
7 déposé auprès du Bureau du Procureur. Enfin, je ne disposais de cet
8 original, je n'ai même pas osé demandé ce protocole original, mais il nous
9 a été apporté ces jours-ci à La Haye.
10 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez dire qu'une copie
11 a été fournie au Procureur avant ce jour-ci précisément?
12 M. Domazet (interprétation): Non, pas une copie du protocole dans son
13 ensemble, mais tout simplement on leur avait présenté une copie de la date
14 sous laquelle l'examen de Mitar Vasiljevic a eu lieu, et c'était un aide-
15 mémoire qui a donc été adressé à la Chambre et au Procureur.
16 M. le Président (interprétation): Quand est-ce que le Dr Vasiljevic arrive
17 à La Haye?
18 M. Domazet (interprétation): Je ne sais pas exactement. Je l'ai convoqué
19 et j'ai parlé avec lui il y a deux jours.
20 M. le Président (interprétation): Si vous n'avez pas réussi à fournir une
21 copie à l'accusation, c'est-à-dire au Bureau du Procureur, vous devez
22 présenter des copies de vos éléments de preuve antérieurement. Et on
23 s'occupera de cette question au cours de la pause déjeuner.
24 Je me demande pourquoi il ne faudrait pas verser cela au dossier.
25 Est-ce que vous avez d'autres questions supplémentaires à poser à ce
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1 témoin?
2 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Loncarevic, par Mme Bauer.)
3 Mme Bauer (interprétation): Bonjour, Monsieur Loncarevic. Je suis la
4 représentante, Mme Bauer, du Bureau du Procureur, et j'ai l'intention de
5 vous poser quelques questions.
6 Ai-je le droit de dire que vous avez été mobilisé et que vous faisiez
7 partie des forces, des effectifs de l'armée qui étaient affectés à
8 Visegrad et dans le centre médical de Visegrad?
9 M. Loncarevic (interprétation): Je ne sais pas très certainement si
10 j'étais mobilisé ou si je faisais un service obligatoire. Mais de toute
11 façon, j'ai été affecté dans ce centre médical et l'ordre que j'avais,
12 c'était de rester sur place jusqu'à nouvel ordre.
13 Question: Vous nous avez dit hier que vous étiez une des trois personnes
14 qui étaient tenues de rester sur place 24 heures sur 24?
15 Réponse: Oui, ce fut comme ça.
16 Question: Est-ce qu'on pourrait dire que vous receviez, vous voyiez à peu
17 près une dizaine de patients en moyenne, tous les jours, dans le cadre de
18 cet intervalle de temps?
19 Réponse: Il y en avait même plus que dix.
20 Question: Cela fera un chiffre de 70 à 100 par semaine? Est-ce que vous
21 pourriez l'indiquer avec plus de précision?
22 Réponse: Oui, ce serait une bonne évaluation de ces patients.
23 Question: Hier, vous avez dit que d'après vos souvenirs, vous ne vous
24 souveniez plus s'il était, M. Vasiljevic, directement conduit ou
25 transporté dans le centre de radiologie?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Mais je présume que tout cela se passait dans l'enceinte de cet
3 hôpital?
4 Réponse: Ce n'était pas dans l'enceinte du bâtiment lui-même parce que,
5 pour aboutir à ce cabinet de radiologie, on devait emprunter un escalier
6 extérieur.
7 Question: Donc est-ce que vous pourriez dire que vous aviez accompagné M.
8 Vasiljevic jusqu'à ce cabinet de radiologie en empruntant cet escalier
9 extérieur?
10 Réponse: Oui, oui, je peux l'affirmer. Et puis, c'est l'image que je
11 retiens le plus nettement parce que, faisant chemin vers ce cabinet de
12 radiologie, j'arrive à me souvenir de certains détails.
13 Question: Et aujourd'hui vous avez dit que, avec ce grand nombre de gens,
14 de patients qui passaient, enfin, le seul moyen d'établir le moment de
15 l'arrivée de M. Vasiljevic était de s'appuyer sur les détails précis
16 inscrits. Est-ce que vous seriez d'accord avec ma conclusion?
17 Réponse: Non, je n'ai pas parlé d'heure. J'ai dit seulement qu'il faisait
18 encore jour et que, pour le reste, je devrais m'appuyer sur une
19 documentation.
20 Question: Oui. Il y a une petite confusion dans le compte rendu. Vous me
21 disiez que vous ne pourriez pas être sûr de la date, de l'heure. Je pense
22 que c'est une confusion au niveau du compte rendu. Est-ce que, donc, vous
23 vous souvenez de la date?
24 Réponse: Je n'ai jamais parlé de la date. Je parle et je cite cette date
25 sur la base du document, du protocole du centre médical.
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1 Question: Est-ce que la pratique générale veut que quelqu'un qui est amené
2 à l'hôpital… Un hôpital devrait faire ressortir le temps, l'heure de la
3 réception de la personne en question à l'hôpital?
4 Réponse: Non, ce n'est pas la pratique qui est généralement appliquée.
5 Question: Permettez-moi d'essayer de comprendre certaines choses.
6 Lorsqu'il s'agit d'un accident, lorsqu'il s'agit d'une personne qui est
7 admise et qui nécessite une administration d'un quelconque médical et que
8 cela serait vital pour le traitement postérieur, est-ce qu'il ne serait
9 pas nécessaire d'indiquer le temps d'admission de la personne?
10 Réponse: Oui. Mais à l'époque et aujourd'hui même, surtout à l'époque, on
11 ne le faisait pas.
12 Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que les conditions étaient très
13 difficiles. On n'avait pas différentes feuilles qui accompagnaient ces
14 différents patients, ces différents clients de nos services. On n'avait
15 pas donc de documents. Mais vous ne pouvez pas imaginer dans quelle mesure
16 ces conditions de travail étaient difficiles, à l'époque!
17 Question: Un mort amené dans vos services, est-ce que vous auriez
18 introduit l'heure de son arrivée?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Lorsqu'il s'agit de l'admission d'un mort, d'un cadavre?
21 Réponse: Oui, on le faisait, et on le fait toujours aujourd'hui encore.
22 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que cet
23 enregistrement a été incomplet, du point de vue temps d'admission à
24 l'hôpital, à un service médical?
25 Réponse: Je pense que je ne pourrais pas faire un commentaire quelconque
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1 sur ce sujet. C'est quelque chose qui ressort d'une interprétation
2 juridique possible.
3 Question: Oui, interprétation médicale.
4 Vous nous avez dit hier que les radiographies devaient être prises sous
5 différents angles afin d'obtenir l'information, les données nécessaires en
6 ce qui concerne le type et l'heure ou l'époque de la lésion?
7 Réponse: Oui, c'est la règle.
8 Question: Dans un registre, protocole médical, et au moment de la
9 réception, de l'admission du patient, est-ce qu'il ne serait pas à propos
10 d'y inscrire l'heure, le moment de l'arrivée ou le moment où la lésion
11 s'est produite?
12 Réponse: Je suis tout à fait d'accord avec vous que ce serait très à
13 propos mais à ce moment-là, il n'y avait pas ce genre de feuille de
14 protocole, feuille médicale où l'on inscrivait tous les menus détails:
15 heure et ainsi de suite.
16 Question: Je m'excuse, mais je pense que je n'avais pas tout à fait
17 compris ce que vous avez dit. Vous avez parlé d'un patient qui devait être
18 nécessairement admis dans un service. Et puis, il y a eu plusieurs
19 patients, et puis, vous avez parlé de ces feuilles de route.
20 Réponse: Lorsque vous parliez de ces feuilles de route, je ne pensais pas
21 à notre hôpital, à notre centre, mais je pensais à l'hôpital à Uzice. Et
22 puis, j'ai compris que vous vouliez connaître comment on avait fait des
23 radios à Visegrad.
24 Question: Non, je parle de cette feuille de route. Est-ce que quelqu'un
25 vous a donné instruction pour que vous fassiez cette feuille de route qui
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1 conduisait votre patient sur l'hôpital d'Uzice? Est-ce que c'était
2 quelqu'un qui était responsable dans le centre médical de Visegrad?
3 Réponse: Peut être que je l'ai écrite, moi, cette feuille de route. Et
4 puis, cette feuille de route devait contenir le nom de l'institution vers
5 laquelle on envoyait ce patient, le diagnostic, et puis un document sur la
6 base duquel ce patient pourrait être transporté vers une autre
7 institution.
8 Question: Monsieur Vasiljevic s'est cassé la jambe. Et, parlant toujours
9 médecine, est-ce qu'il serait important de savoir quand cette fracture a
10 eu lieu? Question de traitement; peut-être une fraction d'une dizaine
11 d'heures d'avant ou immédiatement? Est-ce que cela ne présente pas une
12 quelconque nécessité pour le traitement qui devrait être administré à la
13 personne en question, lorsqu'il s'agit d'une fracture?
14 Réponse: Je ne sais pas si j'ai bien saisi votre question, si je suis la
15 bonne piste, et sinon, essayez de me corriger.
16 En effet, d'après moi, j'ai appris que cette chute de cheval s'était
17 produite il y avait pratiquement quelques instants. Et pour les médecins
18 orthopédistes, peut-être que ce n'était pas important, cette question
19 d'heure de la chute de cheval. Si les médecins orthopédistes le
20 considéraient important, ils auraient peut-être demandé cela mais moi, je
21 ne suis pas expert pour les os, enfin, pour ce genre de fracture. Donc,
22 tout simplement, on ne l'a pas noté.
23 Question: Mais il y a tout de même des copies de documents qui sont
24 retenues dans les archives. Lorsque vous obtenez vos informations, est-ce
25 que la seule source est le protocole du centre médical?
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1 Réponse: Copies de feuilles de route, cela n'existe pas. On dirige un
2 patient vers un centre médical où il sera traité et puis, par la suite,
3 des copies sont envoyées au centre d'assurance sociale où l'on récupère
4 les frais de traitement d'un patient. Je pense que nous pourrions conclure
5 que le protocole est le seul document où on peut relever des données
6 écrites en ce qui concerne un patient et en ce qui concerne les autres
7 informations sur ce patient.
8 Question: Est-ce que cette feuille de route… Cette feuille de route
9 médicale, est-ce qu'elle comprenait une description de la lésion, de la
10 blessure?
11 Réponse: Non, cette feuille de route ne comprenait pas la description de
12 la lésion. Enfin, la coutume n'était pas de ce genre.
13 Question: Et le fonds d'assurance sociale n'avait aucune idée de quel
14 genre d'accident il s'agissait? Est-ce que c'était un service obligatoire?
15 Est-ce qu'il s'agissait de quelque chose qui était tout à fait un incident
16 qui s'est produit pendant que quelqu'un faisait quelque chose, en privé
17 mettons?
18 Réponse: Oui, votre raisonnement est correct, mais c'est comme ça que cela
19 se passait dans le cadre de notre système d'assurance maladie. Cela
20 n'était pas important.
21 Question: Donc si vous jouez au foot, si vous exercez une autre activité
22 et que quelque chose vous arrivait, que ferait le fonds de cette assurance
23 sociale? Est-ce que les frais occasionnés seraient couverts par le fond
24 d'assurance sociale?
25 Réponse: Je dois faire quelques réserves en ce qui concerne ce que je vais
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1 dire: l'assurance, ou le traitement, était gratuit, et l'assurance maladie
2 ne vérifiait pas ces choses-là. Ce qui était important, c'était pour
3 l'entreprise qui vous employait parce que le dédommagement des frais,
4 l'absence maladie, congé maladie, enfin, c'était pour eux important de
5 savoir comment la personne en question s'était blessée, de quelle maladie
6 elle souffrait. Et puis, il y a eu versements, d'autres remboursements.
7 Mais pour ce qui est du traitement maladie à l'hôpital, dans un centre,
8 c'était gratuit. Donc ne m'en tenez pas exactement à ce que je viens de
9 dire; peut-être qu'il y a eu des différences, des cas différents.
10 Question: Si j'ai bien compris ce que vous avez dit s'agissant de se faire
11 rembourser par l'assurance, le fait que sur le document fourni à
12 l'assurance on ait noté que M. Vasiljevic était tombé de cheval et s'était
13 blessé de cette façon, ou bien s'était blessé en combattant sur le champ
14 de bataille, ne faisait pas de différence?
15 Réponse: Non, cela ne faisait pas de différence. D'ailleurs, ils
16 admettaient aussi l'alcoolisme ou d'autres causes.
17 Question: Merci.
18 Docteur Loncarevic, lorsque la radio a été faite, vous avez sans doute
19 examiné ou jeté en tout cas un coup d'śil à cette radiographie avant de
20 mettre par écrit ce que vous avez écrit dans la feuille de route, n'est-ce
21 pas?
22 Réponse: J'ai dû la regarder. Je ne me rappelle franchement pas les
23 détails, mais il est probable que je l'ai regardée.
24 Question: Hier, vous nous avez expliqué en détail ce qui figurait sur une
25 radiographie. J'aimerais vous montrer un document dont on dit qu'il s'agit
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1 de la radiographie originale de la jambe de M. Vasiljevic, et j'aimerais
2 donc vous la montrer pour que vous l'identifiiez, éventuellement.
3 La cote est 151.1.
4 (Intervention de l'huissier.)
5 Réponse: Je voudrais tout de même apporter une légère correction. Je n'ai
6 pas décrit en détail ce qui figurait sur la radiographie; j'ai dit quelles
7 étaient les annotations que l'on ajoute sur une radiographie, sur le film,
8 c'est-à-dire le nom, le prénom, la date et le côté du corps qui a été
9 radiographié; tout cela est indiqué au stylo. Mais je n'ai pas décrit en
10 détail tout ce que montrait la radiographie. Maintenant, je vais la
11 regarder.
12 (Le témoin examine la radiographie.)
13 Question: Docteur Loncarevic?
14 Réponse: Je n'ai pas….
15 Mme Bauer (interprétation): Excusez-moi, mais j'avais une question précise
16 à vous poser. Avez-vous identifié ce cliché comme étant un cliché type
17 réalisé par vous au centre de santé?
18 M. le Président (interprétation): Vous demandez au témoin si ce cliché est
19 un cliché type représentant les clichés pris dans son hôpital? C'est une
20 question un peu différente.
21 Mme Bauer (interprétation): Je demande d'abord au témoin s'il peut
22 identifier ce cliché comme étant un cliché revêtant la forme de ceux qui
23 étaient pris…
24 M. le Président (interprétation): Non, non, non, non, non. Je vous demande
25 si vous voulez d'abord savoir s'il s'agit d'un cliché pris dans son
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1 hôpital?
2 Mme Bauer (interprétation): Oui, et ensuite s'il se souvient d'avoir lui-
3 même réalisé ce cliché ou travaillé sur ce cliché.
4 M. le Président (interprétation): Voilà donc la question, Docteur, qui
5 vous est posée.
6 M. Loncarevic (interprétation): Cela ressemble, du point de la forme, à
7 ces clichés. D'ailleurs, je n'ai pas affirmé que je pouvais reconnaître le
8 cliché dont nous parlons, mais celui que j'ai entre les mains ne me semble
9 pas être le cliché en question.
10 Mme Bauer (interprétation): Donc vous ne reconnaissez pas l'écriture ou
11 d'autres détails -la façon dont les choses sont écrites, par exemple-, qui
12 correspondraient à la pratique en vigueur, la pratique courante à Visegrad
13 en 1992?
14 M. Loncarevic (interprétation): Je ne reconnais pas l'écriture. Quant aux
15 autres détails, il est probable que je n'aurais sans doute même pas pu les
16 reconnaître. Mais…
17 Toutes choses prises en compte, il est peu probable que ce soit le cliché
18 en question. L'écriture n'est pas la bonne, elle n'est pas la bonne.
19 Question: Y a-t-il autre chose qui paraît ne pas correspondre, sur ce
20 cliché?
21 Réponse: On voit ici une languette en plâtre. Excusez-moi, je ne voulais
22 pas dire en plâtre, je voulais dire une plaque métallique. Je ne suis pas
23 sûr que Mitar avait une plaque, à ce moment-là.
24 Mme Bauer (interprétation): Merci, Docteur Loncarevic.
25 M. le Président (interprétation): Madame Bauer, vous savez peut-être ce
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1 qu'est une plaque métallique, mais nous ne le savons pas.
2 De quoi s'agit-il, Docteur? S'agit-il d'un cadre qu'on voit sur le cliché?
3 M. Loncarevic (interprétation): C'est une grille métallique qui est assez
4 souple pour pouvoir être pliée et qui s'ajuste à l'extrémité.
5 M. le Président (interprétation): Est-ce un dispositif destiné à maintenir
6 l'os en place, je suppose?
7 M. Loncarevic (interprétation): Oui, c'est à cela que cela sert.
8 Mme Bauer (interprétation): Encore une question, Docteur. On voit une
9 inscription à la main, quelque chose comme "god". Qu'est-ce que cela veut
10 dire, après 1992?
11 M. Loncarevic (interprétation): "G-O-D", c'est-à-dire le début du mot
12 "godina" qui veut dire "l'année". Et ces lettres sont écrites en lettres
13 latines.
14 Mme Bauer (interprétation): Merci. Je crois maintenant qu'on peut
15 reprendre le cliché des mains du témoin.
16 M. le Président (interprétation): Ce cliché n'a pas été versé au dossier
17 lors de la déposition du Dr De Grave?
18 Mme Bauer (interprétation): Pour autant que je l'ai compris, il s'agissait
19 d'une copie de l'original mais pas de l'original, à l'époque.
20 M. le Président (interprétation): Je sais que l'accusation a des idées
21 bien précises sur qui doit détenir les pièces à conviction dans la
22 présente affaire, mais nous devrions avoir l'original et pas seulement une
23 copie.
24 Mme Bauer (interprétation): Je suis prête à demander le versement au
25 dossier, mais j'ai pensé que le témoin ne l'avait pas identifié.
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1 M. le Président (interprétation): Non, non, effectivement, mais nous
2 devrons revenir sur ce point.
3 Mme Bauer (interprétation): Excusez-moi, il y avait une questions que je
4 voulais vous poser et que j'ai apparemment omis de vous poser.
5 Est-il habituel de placer les inscriptions que l'on ajoute sur le cliché
6 immédiatement après que le cliché a été réalisé, ou ces inscriptions sont-
7 elles placées plus tard?
8 M. Loncarevic (interprétation): Les clichés sont d'abord séchés et, dès
9 qu'un cliché est sec , on y inscrit les annotations en question.
10 Question: J'aimerais que le témoin examine la pièce D22.1. J'en ai des
11 copies disponibles.
12 Docteur Loncarevic, reconnaissez-vous l'un ou l'autre des noms qui
13 figurent sur cette liste? Et je vous prierai de ne pas prononcer un nom
14 que vous reconnaîtriez éventuellement, mais de signaler à quelle lettre ce
15 nom est associé. Chaque nom est inscrit à côté d'une lettre.
16 Réponse: Oui, je reconnais certains de ces noms.
17 Question: Donc je vous rappelle de ne pas prononcer les noms, mais pouvez-
18 vous nous dire quels sont les numéros VGD que vous reconnaissez?
19 Réponse: Je connais la personne qui correspond à VGD-7, je connais VGD-10,
20 VGD-12, VGD-16, VGD-18, VGD-19, VGD-20. Et je crois aussi connaître la
21 personne qui correspond à VGD-14, s'il s'agit bien de la personne à
22 laquelle je pense.
23 Question: Avez-vous reçu l'une ou l'autre de ces personnes au centre
24 médical de Visegrad, pendant la période dont nous parlons, pour des
25 blessures?
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1 Réponse: Je crois que VGD-7 venait pour des problèmes rénaux, je crois
2 qu'il était question de calcul rénal. Et je crois cette personne est allée
3 à l'académie, à Belgrade, pour subir un traitement au lithium pour régler
4 ce problème.
5 Question: Encore une question, Docteur Loncarevic: cette personne est-elle
6 un homme ou une femme, d'après vous?
7 Réponse: VGD-7 est un homme.
8 Question: Je vous ai posé la question parce que, au compte rendu
9 d'audience, en anglais, le pronom utilisé était "elle".
10 Alors, nous avons entendu des témoignages selon lesquels certaines de ces
11 personnes faisaient partie d'un groupe paramilitaire. Je vous demande donc
12 si vous auriez vu l'une ou l'autre de ces personnes en compagnie d'un
13 groupe paramilitaire?
14 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, je rencontrais les groupes paramilitaires
15 surtout au centre de santé, et nulle part ailleurs. Quant aux personnes
16 dont je viens de parler, quand j'en voyais une, je la voyais
17 individuellement à l'endroit où je travaille. Donc je ne peux pas exclure
18 complètement la possibilité que ces personnes aient appartenu à un groupe
19 paramilitaire, mais je les voyais individuellement.
20 Question: Il y a une chose qui a attiré mon attention. Vous avez dit "je
21 ne connais pas la plupart de ces personnes". Cela me semble indiquer que
22 vous pensez que certaines faisaient partie des paramilitaires; est-ce une
23 hypothèse valable?
24 Réponse: Non, ce n'est pas une hypothèse valable. Je parlais d'autres
25 personnes dont les noms ne figurent pas ici, sur cette liste; de gens que
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1 je voyais pour la première fois, que je ne connaissais absolument pas et
2 qui venaient en groupe au centre de santé.
3 Quant à ces personnes dont les noms figurent sur la liste que j'ai sous
4 les yeux, je connais la plupart d'entre elles, et ces personnes venaient
5 individuellement au centre de santé.
6 Question: Mais vous ne pouvez pas exclure la possibilité que les personnes
7 de la liste aient appartenu à un groupe paramilitaire?
8 Réponse: Je n'exclus pas cette possibilité.
9 Question: Docteur, je suis sûr que vous aviez la télévision à Visegrad.
10 Quelles étaient les stations de télévision qui diffusaient à Visegrad, à
11 l'époque dont nous parlons?
12 Réponse: J'avais très peu de temps pour regarder la télévision.
13 D'ailleurs, pendant longtemps, nous n'avons pas eu d'électricité.
14 Pour autant que je m'en souvienne, dans cette période avant que la guerre
15 n'emporte tout, nous pouvions regarder –je crois- une chaîne de Sarajevo
16 et une chaîne de Belgrade. Plus tard, nous avons eu une chaîne locale. Je
17 ne sais pas quand elle a commencé à diffuser ni combien de temps elle a
18 continué à le faire, mais il me semble qu'il y en a eu une pendant quelque
19 temps. Cela étant, je répète que j'avais vraiment très, très peu de temps
20 pour regarder la télévision.
21 Question: Donc quand la guerre a éclaté, vous ne receviez plus la
22 télévision de Sarajevo, n'est-ce pas?
23 Réponse: Je n'en suis pas absolument sûr, c'est une possibilité, mais je
24 ne l'affirmerais pas avec une certitude totale.
25 Question: Vous n'avez donc vu aucun reportage au sujet d'un incendie qui
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1 aurait éclaté le 14 juin à Visegrad? Vous n'avez pas vu cet incendie sur
2 une quelconque chaîne de télévision?
3 Réponse: Non, je n'ai rien vu de cela. Et peut-être trouverez-vous cela
4 incroyable, mais au jour d'aujourd'hui, je n'ai connaissance d'aucun
5 détail à ce sujet.
6 Question: Merci.
7 Réponse: Merci à vous également.
8 Question: Pour conclure, j'aimerais vous demander d'examiner deux
9 rubriques du registre: la première correspond au chiffre 4951, la deuxième
10 au n°5270, et ces deux annotations, ces deux observations concernent
11 Dragan Tomic.
12 Réponse: Vous avez dit 4971?
13 Question: Non, 4951.
14 Réponse: Oui, à cet endroit, je trouve Dragan Tomic né en 1957 à Visegrad.
15 Question: Pouvez-vous nous dire quel est le diagnostic inscrit ou, en tout
16 cas, quels sont les mots que l'on peut lire dans la colonne 13?
17 Réponse: Dans la colonne 13, il n'y a pas de diagnostic. Il est écrit:
18 consultation médicale et électrocardiogramme, EKG; cela signifie qu'un
19 médecin l'a vu et qu'il a subi un électrocardiogramme. Je ne vois pas
20 d'autre renseignement sauf les lettres "MKP" dans la colonne 7, mais je ne
21 sais pas ce que signifient ces lettres.
22 Question: Et qu'en est-il de la rubrique 5270 qui concerne également M.
23 Tomic?
24 Réponse: Oui, Tomic Dragan, né en 1959 à Visegrad. Là on trouve aussi le
25 numéro matricule, le numéro de référence et d'enregistrement. A la colonne
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1 8, on lit qu'il appartient à la Défense territoriale à Varda, et les
2 diagnostiques sont indiqués par des numéros, 462 et 466: ce sont les
3 anciens numéros de la nomenclature des pathologies pratiquées au niveau
4 international. J'ai un peu oublié à quoi elles correspondent, mais je
5 crois que le 462 correspondait à une inflammation de la gorge.
6 Quant au 466, j'ai oublié. Il a reçu une piqûre de Garamycin, 120 mg, il a
7 reçu de l'acide ascorbique, c'est-à-dire de la vitamine C, 20 ml de
8 glucose, 50 ml de Bedoxin -je ne sais pas si c'était une piqûre
9 intramusculaire ou intraveineuse, ce n'est pas écrit ici-, et il a donc
10 reçu cette piqûre.
11 Mme Bauer (interprétation): Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres
12 questions, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation): Maître Domazet?
14 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Goran Loncarevic,
15 par Me Domazet.)
16 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
17 Docteur Loncarevic, j'aimerais revenir sur la dernière question posée par
18 le Procureur et je vous demanderai d'examiner encore une fois les deux
19 rubriques du rubrique, c'est-à-dire la première correspondant au n°4951
20 pour commencer.
21 M. le Président (interprétation): Vous avez remarqué, bien sûr, que les
22 dates de naissance sont différentes alors qu'il est probable qu'il
23 s'agisse de la même personne. Donc les dates auraient dû être identiques.
24 M. Domazet (interprétation): Oui, oui, oui.
25 M. le Président (interprétation): Quelle est la pertinence de tout cela?
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1 Je vais le redemander au Procureur: quelle est la pertinence de tout cela?
2 Mme Bauer (interprétation): Pour autant que je puisse vous le dire,
3 Monsieur le Président, Dragan Tomic est mentionné dans la déposition. Donc
4 le but est de trouver s'il y a un certificat de décès qui correspond. Les
5 deux rubriques portent peut-être sur deux personnes différentes.
6 M. le Président (interprétation): Manifestement, il n'y a pas de
7 certificat de décès.
8 Maître Domazet, vous avez vraiment des questions supplémentaires à poser
9 au témoin dans le cadre d'une pertinence aussi réduite?
10 M. Domazet (interprétation): Deux questions seulement, Monsieur le
11 Président.
12 La rubrique 4951: le seul élément qui est inscrit est la date de naissance
13 et, Docteur Loncarevic, vous avez dit ne pas savoir ce que signifiaient
14 les lettres "MKP". Mais admettons que ces lettres se lisent plutôt comme
15 "MUP"; sauriez-vous, à ce moment-là, de quoi il est question?
16 M. Loncarevic (interprétation): Oui, on peut les lire également comme
17 étant "MUP". Peut-être la lettre du milieu est-elle "U", auquel cas il
18 s'agirait du ministère de l'Intérieur; ce serait le sigle correspondant au
19 ministère de l'Intérieur.
20 Question: Merci. Et pour la deuxième rubrique, 5270, où il y a plus
21 d'informations? Vous avez dit que la personne correspondant à cette
22 rubrique était assurée par le biais de l'entreprise Varda.
23 Réponse: Je n'ai pas dit qu'elle était assurée, j'ai dit qu'elle
24 appartenait à la Défense territoriale de Varda, ce qui signifie
25 probablement que cette personne travaillait aussi à Varda car, en général,
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1 c'était ainsi: si quelqu'un travaillait dans une entreprise quelque part,
2 il était déployé par la Défense territoriale dans son entreprise .
3 Le numéro de référence 012310, il est possible de vérifier si c'était le
4 numéro correspondant à l'entreprise Varda cette année-là car c'est le
5 numéro qui correspond, qui est le numéro de code de l'entreprise.
6 Question: Si l'on prend en compte ce que vous venez de dire et que l'on
7 prend en compte également la différence de dates de naissance entre les
8 deux rubriques, pouvez-vous conclure s'il s'agit de la même personne, ou
9 éventuellement de deux personnes différentes ayant le même nom de famille
10 et le même prénom?
11 Réponse: Compte tenu du fait que les dates de naissance ne sont pas les
12 mêmes, il est tout à fait apparent qu'il s'agit de deux personnes
13 différentes.
14 Question: Merci.
15 Répondant à une question de Mme Bauer, vous avez parlé d'une plaque
16 métallique. Je vous demande si vous-même ou une autre personne avez
17 réalisé l'immobilisation de la jambe de Mitar Vasiljevic ce jour-là au
18 centre médical, avant son transfert à l'hôpital d'Uzice?
19 Réponse: Il faut bien que quelqu'un ait réalisé cette immobilisation de la
20 jambe, mais franchement je ne me rappelle pas qui l'a fait.
21 Question: Immobilisation: est-ce que cela, ce terme, signifie que l'on
22 place une plaque métallique?
23 Réponse: Oui. L'immobilisation implique la pose d'une plaque métallique ou
24 de n'importe quel autre objet susceptible de rigidifier les articulations
25 lorsqu'il y a fracture.
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1 Question: Vous avez dit quelle était votre spécialité en tant que médecin.
2 Mais avez-vous, à quelque moment que ce soit dans votre vie, fait une
3 spécialisation en orthopédie?
4 Réponse: Non, je ne suis pas spécialiste en orthopédie.
5 Question: L'un ou l'autre des collèges qui travaillaient avec vous à ce
6 moment-là était-il un orthopédiste?
7 Réponse: Aucun orthopédiste ne travaillait avec moi.
8 Question: Encore une seule question à ce sujet: puis-je conclure de ce que
9 vous venez de dire que l'immobilisation de la jambe était obligatoire,
10 mais que vous ne vous rappelez pas qui l'a faite, si c'est vous ou un de
11 vos collègues? Est-ce bien ce que je suis en droit de comprendre, ayant
12 entendu ce que vous avez dit?
13 M. Loncarevic (interprétation): Oui, il est possible de le comprendre de
14 cette façon.
15 M. Domazet (interprétation): Merci.
16 Je n'ai pas d'autre questions, Monsieur le Président.
17 (Questions au témoin, M. Goran Loncarevic, par M. Le Président.)
18 M. le Président (interprétation): Docteur Loncarevic, je crois que c'est
19 le département des urgences que vous avez décrit, et que c'est dans ce
20 département que le registre était tenu?
21 Si quelqu'un venait pour un traînement au quotidien, jour après jour, de
22 l'extérieur, pourrait-on s'attendre à trouver une rubrique dans le
23 registre pour chacune des visites de cette personne, c'est-à-dire chaque
24 jour?
25 M. Loncarevic (interprétation): Je m'attendrais à ce qu'il y ait une
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1 rubrique chaque jour.
2 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas de question à ce sujet,
3 Madame Bauer?
4 Mme Bauer (interprétation): Non.
5 M. le Président (interprétation): Maître Domazet?
6 (Second interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Goran Loncarevic, par
7 Me Domazet.)
8 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président, une question
9 seulement.
10 Docteur Loncarevic, au centre de santé dans cette période, existait-il un
11 autre registre où figuraient les noms des patients, en dehors du registre
12 que vous avez en ce moment sous les yeux?
13 M. Loncarevic (interprétation): Je ne saurais l'affirmer avec certitude.
14 M. Domazet (interprétation): Plus de questions, Monsieur le Président.
15 (Questions au témoin, M. Loncarevic, par Mme la Juge Taya.)
16 Mme Taya (interprétation): Docteur, j'ai une question à vous poser. Je
17 vous demanderai d'examiner le registre qui vous a été remis par le conseil
18 de la défense à la rubrique 5332.
19 (Le témoin consulte à nouveau le registre).
20 M. Loncarevic (interprétation): 5332, 14 juin. Le nom de famille est
21 difficile à lire, mais je peux essayer de le lire.
22 Question: Dans les colonnes 2 et 3, il est écrit "14.6". Est-ce que cela
23 signifie le 14 juin 1992?
24 M. Loncarevic (interprétation): La date n'est jamais inscrite dans les
25 pages antérieures. Je vois que c'est la première fois que l'on trouve
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1 cette rubrique, "14.6", et je crois que c'est bien ce que cela veut dire;
2 cela doit vouloir dire le "14 juin 1992".
3 Question: L'écriture que l'on trouve dans les colonnes 2 et 3, qui a écrit
4 les chiffres 14 et 6, me semble très différente de l'écriture que l'on
5 trouve dans la première colonne, la quatrième colonne, etc..
6 Donc, j'ai une question à vous poser à ce sujet: quand et par qui les
7 chiffres que l'on trouve dans les colonnes 2 et 3 ont-ils été inscrits?
8 Réponse: Quand et par qui? Je ne saurais pas vous le dire. Ce sont les
9 infirmières qui, normalement, sont tenues d'inscrire la date. Et au début
10 de ma déposition, j'ai déjà dit que toute la partie gauche du registre,
11 des pages du registre, est remplie par les infirmières. Donc il doit
12 s'agir d'une infirmière.
13 Mais pourquoi l'écriture est différente? Cela, je ne saurais vraiment pas
14 le dire, je n'ai aucun renseignement à ce sujet.
15 Mme Taya (interprétation): Merci.
16 M. le Président (interprétation): L'accusation ou la défense ont-elles des
17 questions à poser après les questions des Juges?
18 Mme Bauer (interprétation): Non, Monsieur le Président.
19 M. Domazet (interprétation): Non, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Merci, Docteur, d'être venu témoigner,
21 merci de votre témoignage.
22 Vous êtes maintenant libre de vous retirer.
23 M. Loncarevic (interprétation): Merci à vous également de m'avoir appelé
24 et de m'avoir donné l'occasion de parler dans l'intérêt de la vérité.
25 (Le témoin, M. Goran Loncarevic, est reconduit hors du prétoire.)
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1 M. le Président (interprétation): Suspension. Nous reprenons à 11 heures
2 35.
3 (La séance, suspendue à 11 heures 06, est reprise à 11 heures 36.)
4 (Le témoin, M. Miloje Novakovic, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome?
6 M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, avant que de commencer
7 avec ce témoin, je tiens à vous dire que je me suis entretenu pendant la
8 pause avec Me Domazet. Nous avons convenu tous les deux que la pièce à
9 conviction de l'accusation 151.1 soit versée au dossier. Il s'agit de la
10 radiographie.
11 M. le Président (interprétation): S'agit-il de l'original?
12 M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation): Bien. Ce sera la pièce à conviction
14 P151.1.
15 Maintenant, Monsieur le Témoin, je vous demande de vous lever et de nous
16 donner lecture de la déclaration solennelle.
17 M. Novakovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.
20 Maître Tanaskovic?
21 (Interrogatoire principal du témoin, M. Miloje Novakovic, par Me
22 Tanaskovic.)
23 M. Tanaskovic (interprétation): Bonjour, Monsieur Novakovic.
24 M. Novakovic (interprétation): Bonjour.
25 M. Tanaskovic (interprétation): Pour commencer, je vous demanderai de nous
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1 décliner votre identité et de nous donner votre date et lieu de naissance.
2 M. Novakovic (interprétation): Je m'appelle Novakovic Miloje. Je suis né
3 le 16 juillet 1934 Podzercici, municipalité de Visegrad.
4 M. le Président (interprétation): Les interprètes n'ont pas entendu
5 l'année, Monsieur Tanaskovic. Je vous demanderai de bien reprendre
6 l'année.
7 M. Novakovic (interprétation): 1934.
8 M. le Président (interprétation): Merci.
9 M. Tanaskovic (interprétation): Merci.
10 Monsieur Novakovic, veuillez nous dire où vous résidez actuellement.
11 M. Novakovic (interprétation): Je réside actuellement encore à Visegrad.
12 Question: Depuis quand vivez-vous à Visegrad?
13 Réponse: Je vis à Visegrad depuis 1948.
14 Question: Veuillez nous préciser ce que vous avez fait comme classes et
15 quelle est votre profession.
16 Réponse: J'ai fait des études à l'école supérieure d'économie, et de
17 profession je suis le responsable financier du centre médical de Visegrad.
18 Question: Depuis quand travaillez-vous au centre médical de Visegrad?
19 Réponse: Je travaille au centre médical de Visegrad depuis le 12 août
20 1962.
21 Question: Et avez-vous travaillé au centre médical pendant la guerre
22 aussi?
23 Réponse: J'y ai travaillé avant la guerre, pendant la guerre, et j'y
24 travaille de nos jours encore.
25 Question: Pendant la guerre, avez-vous reçu une affectation dans le sens
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1 d'une obligation de travail ou d'une obligation de quelque nature que ce
2 soit?
3 Réponse: J'y étais affecté, en effet, au titre d'une obligation de
4 travail.
5 Question: Vous nous avez dit dès le départ que vous résidiez à Visegrad.
6 Pour la question suivante que j'ai à vous poser, je voudrais que vous nous
7 précisiez la rue où se trouve votre appartement.
8 Réponse: J'habite dans la rue du Roi Pierre 1er, n°4. Kralja Petra I, n°4.
9 Question: Et comment s'appelait cette rue, avant la guerre?
10 Réponse: C'était la rue du Maréchal Tito, Marsala Tita, au même numéro.
11 Question: Par rapport à votre lieu de travail, à savoir le centre médical,
12 pouvez-vous nous dire comment vous vous rendiez à votre lieu de travail
13 depuis là où vous habitiez?
14 Réponse: La rue où j'habite se trouve sur la rive droite de la Drina. Le
15 centre médical, lui, se trouve sur la rive gauche, aussi fallait-il passer
16 par cette rue-là pour aller jusqu'au centre médical et se rendre au
17 travail.
18 Question: Quand vous dites "cette rue-là", vous parlez de la rue du
19 Maréchal Tito qui est devenue, par la suite, la rue du Roi Pierre 1er?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Avez-vous connu M. Vasiljevic Mitar?
22 Réponse: Oui, je connaissais M. Mitar parce que c'est un Visegradois. Il
23 avait travaillé comme employé dans l'hôtellerie, au sein de l'entreprise
24 Panos à Visegrad.
25 Question: Quel type d'employé, en matière d'hôtellerie, était-il?
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1 Réponse: Garçon, serveur.
2 Question: Vous le connaissiez donc en sa qualité de concitoyen et en sa
3 qualité de serveur?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Quand vous vous déplaciez depuis votre logement en direction de
6 ce centre médical, vous arrivait-il de voir M. Vasiljevic?
7 Réponse: Oui. Je me déplaçais par cette rue. J'allais au travail en
8 voiture, et je partais travailler vers 8 heures.
9 Question: Les moments où vous avez vu M. Vasiljevic, pouvez-vous nous dire
10 à ce sujet ce qu'il faisait, au juste?
11 Réponse: Il y avait beaucoup de vitrines brisées, beaucoup de débris et
12 d'ordures dans toute la ville. Il avait organisé les activités de
13 nettoyage. Donc, il avait nettoyé les rues avec le personnel des
14 différents établissements de la rue. Il y avait avec lui d'autres
15 travailleurs, engagés je ne sais où, ou voire encore des retraités.
16 Question: Cela signifie-t-il que, jusque là, personne n'avait nettoyé la
17 ville?
18 Réponse: Non, personne n'avait nettoyé parce que l'entreprise,
19 l'entreprise communale qui avait été chargée de l'hygiène avait cessé de
20 fonctionner, à l'époque.
21 Question: S'agissant des personnes qui avaient travaillé avec M.
22 Vasiljevic, sauriez-vous nous dire s'il s'agissait de Serbes, de Musulmans
23 ou de tiers?
24 Réponse: Il y avait des Serbes et des Musulmans, des travailleurs qui
25 étaient employés par les établissements ayant pignon sur rue et qui se
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1 trouvaient là, pour autant que je m'en souvienne.
2 Question: En votre qualité de citoyen de Visegrad, étiez-vous satisfait de
3 l'apparence des rues, les rues dans lesquelles ces personnes-là avaient
4 terminé leur travail de nettoyage?
5 Réponse: Très certainement. Je vous disais tout à l'heure que tout était
6 brisé, qu'il y avait plein de détritus et que, par la suite, les rues
7 avaient repris une apparence propre.
8 Question: Etait-ce seulement votre opinion à vous, ou pensez-vous pouvoir
9 nous dire qu'il y avait eu plusieurs citoyens à être de cet avis?
10 Réponse: Tous les citoyens qui vivaient là étaient de cet avis-là.
11 Question: Quand vous aperceviez M. Vasiljevic, vous souvenez-vous de la
12 façon dont il était vêtu?
13 Réponse: Je l'ai toujours vu en vêtements civils; il s'agissait de
14 vêtements sombres, foncés. Et une fois, il avait une sorte de vêtement de
15 sport; je ne sais plus si c'était un survêtement d'entraînement ou un tee-
16 shirt de sport. Pour autant que j'ai pu m'en apercevoir, il avait des
17 chaussures de sport à ses pieds, sur ses pieds.
18 Question: La fois où vous l'avez vu dans ce survêtement avec ces baskets,
19 vous nous avez dit également que la partie du dessus était foncée?
20 Réponse: Non. Les vêtements, les vêtements qu'il portait étaient en
21 général foncés et ce tee-shirt également était foncé, mais c'était un tee-
22 shirt à manches courtes.
23 Question: Vous souvenez-vous si, au moment où vous l'aperceviez, les fois
24 où vous le voyiez, il portait quelque chose qui le distinguait des autres
25 personnes?
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1 Réponse: Oui, il portait une espèce de ruban, de brassard sur le bras, de
2 couleur rouge. Je ne sais pas s'il y avait d'autres insignes. Je sais que
3 c'était rouge.
4 Question: Et à vos yeux, ce ruban, ce brassard que vous voyiez sur le bras
5 de M. Vasiljevic, que représentait-il?
6 Réponse: Je ne sais pas trop. C'était la manifestation extérieure d'une
7 fonction qu'on lui avait confiée. Laquelle? Je ne sais pas trop.
8 Question: Pouvez-vous nous dire jusqu'à quand il vous avait été donné de
9 voir M. Vasiljevic faire ce travail?
10 Réponse: C'était avant la fracture qu'il avait eue et son transport
11 ailleurs. Je pense qu'il devait s'agir d'une dizaine de jours avant cet
12 événement, mais je n'en suis pas sûr.
13 Question: Dois-je comprendre que vous l'avez vu une dizaine de jours avant
14 la fracture qu'il a eue?
15 Réponse: A mon avis, il devait s'agir du début du mois de juin. Je
16 n'arrive pas à me resituer la date exacte, mais je crois s'il s'agissait
17 d'une dizaine de jours avant son départ.
18 Question: Vous venez de dire tout à l'heure: "jusqu'au moment où il a eu
19 sa fracture". Pouvez-vous nous donner des précisions supplémentaires?
20 Comment se fait-il que vous soyez au courant de la chose?
21 Réponse: Eh bien, je le sais, je suis au courant de la chose parce que
22 j'étais chez moi. Je venais de rentrer de mon travail et je me reposais;
23 il s'agissait de l'après-midi. Et comme j'avais dit au chauffeur du centre
24 médical que j'avais des problèmes avec mes yeux et avec ma tension
25 artérielle, j'avais donc dit au chauffeur que, si jamais ils avaient un
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1 déplacement quelconque vers Uzice, de me prendre avec eux pour un examen
2 médical. Je ne savais pas quand cela pourrait se faire.
3 J'avais reçu un coup de fil par notre chauffeur, un coup de fil de la part
4 de notre chauffeur, M. Zika Savic, qui m'a dit que Mitar était tombé de
5 cheval et qu'il s'était cassé une jambe. Et il m'avait proposé de venir
6 avec, parce qu'il n'y avait pas d'accompagnateur et qu'il avait donc un
7 siège de disponible parce que, quand il n'y avait pas d'accompagnateur du
8 patient, il faisait le trajet seul.
9 Question: Vous avez donc appris à ce moment-là que M. Vasiljevic s'était
10 cassé la jambe?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Vous souvenez-vous si M. Savic vous avait dit autre chose au
13 sujet de ce déplacement?
14 Réponse: Il m'avait dit qu'il me rappellerait avant de partir, étant donné
15 qu'il n'allait pas partir tout de suite, étant donné que M. Mitar devait
16 faire l'objet de soins préalables. Donc, il s'agissait de patienter pour
17 que le véhicule aussi soit disponible, et il m'avait donc dit qu'il me
18 rappellerait pour me dire quand il passerait me prendre exactement.
19 Question: Donc M. Savic ne vous a pas dit l'heure exacte à laquelle il
20 passerait vous prendre?
21 Réponse: Non, il a juste dit que cela ne pourrait pas se faire tout de
22 suite, dans l'immédiat.
23 Question: Pouvez-vous nous dire, je vous prie, au bout de combien de temps
24 -si tant est que vous pouvez vous en souvenir, ne serait-ce qu'à peu
25 près-, M. Savic est effectivement passé vous prendre avec son véhicule? Et
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1 quand avez-vous vu M. Vasiljevic pour la première fois?
2 Réponse: La voiture s'est arrêtée dans la rue, à côté de l'appartement où
3 j'habite. Je suis descendu, je suis monté à bord et j'ai vu M. Vasiljevic
4 allongé à l'arrière du véhicule.
5 Question: Et vous êtes-vous dirigés alors vers l'hôpital d'Uzice?
6 Réponse: Oui, nous nous sommes dirigés vers l'hôpital d'Uzice. Je me
7 souviens bien qu'il pleuvait, il y avait eu des chutes de pierre sur la
8 route, beaucoup de virages, ce qui fait que nous ne pouvions pas rouler
9 vite. Il y avait aussi deux passages-frontières.
10 Quand nous sommes arrivés à Vardiste, M. Mitar nous avait demandé de faire
11 une halte au restaurant Sikiric qui était tenu par son an oncle et sa
12 tante. Il avait froid, pour sa part, et nous avions l'intention de prendre
13 un rafraîchissement, nous-mêmes.
14 Question: Monsieur le Témoin, relatons les choses dans l'ordre, et
15 attendez plutôt mes questions.
16 Lorsque vous avez quitté Visegrad, je voudrais que vous nous disiez
17 l'heure à laquelle vous avez quitté Visegrad. Et si vous n'êtes pas en
18 mesure de nous donner une heure exacte, essayez au moins de nous donner,
19 de nous fournir une approximation.
20 Réponse: Il faisait encore jour mais il faisait sombre. Le temps était
21 nuageux et il pleuvait. Il devait être 18 heures 30, 19 heures, je ne sais
22 pas trop, vers cette heure-là.
23 Question: D'après ce que vous nous dites, il faisait encore jour, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Je vois une erreur dans le compte rendu d'audience, aussi dois-
2 je revenir en arrière pour vous reposer la question: qu'aviez-vous dit au
3 sujet de l'heure approximative de votre départ? Il se peut que j'aie mal
4 entendu, ou alors le compte rendu n'a pas reflété l'heure exacte.
5 Réponse: J'ai dit qu'il devait être entre de 18 heures et 19 heures.
6 Question: Dans le compte rendu d'audience, on a inscrit "16 heures 30" au
7 lieu de "18 heures 30".
8 Vous avez dit, tout à l'heure, que la route était mouillée, qu'il avait
9 plu, qu'il y avait eu des chutes de pierre sur la route. Du point de la
10 vue de la sécurité routière, comment se présentait le tronçon de route au-
11 delà de Vardiste?
12 Réponse: Ce n'était pas sûr, il y avait des embuscades mises en place par
13 des Musulmans. La route n'était pas sûre. Et il y avait donc des chutes de
14 pierres. Personne n'entretenait les routes.
15 Question: Nous sommes donc arrivés à Vardiste où vous vous étiez arrêtés
16 chez M. Sikiric, à savoir chez l'oncle de M. Vasiljevic. Etes-vous passés
17 chez M. Sikiric?
18 Réponse: Oui, nous sommes passés dans son établissement, il se trouvait
19 dans l'établissement même. Nous lui avons dit de quoi il en retournait, et
20 nous nous sommes assis à une table.
21 Question: Quand vous dites "établissement", de quelle sorte
22 d'établissement s'agissait-il?
23 Réponse: C'était un bistrot, une cafétéria.
24 Question: Et comment s'appelait le bistrot, la cafétéria? Vous en
25 souvenez-vous?
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1 Réponse: Croyez-moi bien que non.
2 Question: Vous avez donc raconté à M. Sikiric ce qu'il était arrivé. Avez-
3 vous pris un verre ou pas?
4 Réponse: Monsieur Zivorad et moi avons pris une boisson à l'intérieur, et
5 on lui a porté à boire dans le véhicule puisqu'il ne pouvait pas sortir.
6 Et on lui avait porté une couverture, vu qu'il avait froid.
7 Question: Vous ne savez donc pas ce que M. Vasiljevic a reçu à boire de la
8 part de son oncle?
9 Réponse: Je ne sais plus si c'est son oncle ou sa tante qui lui avait
10 porté; il doit le savoir lui-même. Moi, je ne sais pas, je ne m'en
11 souviens plus.
12 Question: Et que nous avez-vous dit? Combien de temps êtes-vous restés
13 dans ce bistrot?
14 Réponse: Une vingtaine de minutes ou une demi-heure au plus.
15 Question: Avez-vous eu quelque problème que ce soit à ces passages-
16 frontières ou à ces points de contrôle?
17 Réponse: Eh bien, il fallait s'arrêter, montrer les pièces d'identité, la
18 documentation afférente à la personne transportée. Donc on perd toujours
19 un peu de temps, je ne sais pas combien de temps.
20 Question: Si vous vous en souvenez, ce serait fort bien. Sinon, faites-
21 nous, donnez-nous une approximation. Dites-nous quand vous êtes arrivés à
22 l'hôpital d'Uzice.
23 Réponse: Il devait être vers 21 heures.
24 Question: Etiez-vous peut-être présent avec M. Savic, aux côtés de M.
25 Savic quand il a remis le malade, ou plutôt le blessé Vasiljevic, aux
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1 admissions de l'hôpital d'Uzice?
2 Réponse: Non. Une personne est sortie pour prendre en charge le patient et
3 je suis immédiatement allé dans le département d'ophtalmologie.
4 Question: Pouvez-vous vous rappeler après combien de temps vous avez
5 quitté l'hôpital pour retourner à Visegrad?
6 Réponse: Je suis resté entre 10 et 15 minutes, donc, au total, j'ai dû
7 passer à l'hôpital entre 20 et 30 minutes. Je suis resté dans le
8 département d'ophtalmologie entre 10 et 15 minutes.
9 Question: Donc M. Vasiljevic est resté à l'hôpital d'Uzice?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Savez-vous combien de temps M. Vasiljevic a passé à l'hôpital
12 d'Uzice?
13 Réponse: Je ne sais pas exactement. Je l'ai revu par la suite à Visegrad,
14 mais je ne sais pas combien de temps après je l'ai vu avec ses béquilles,
15 et j'ai vu qu'il allait au centre de santé pour des visites de contrôle.
16 Mais je n'ai pas la moindre idée combien de temps il est resté.
17 Question: Donc vous l'avez vu quand il allait à des visites de contrôle au
18 centre de santé?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et à ce moment-là, il avait des béquilles?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Au début de votre déposition, vous avez dit que vous connaissiez
23 M. Vasiljevic en tant que garçon de café, aussi en tant que concitoyen?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Savez-vous que Vasiljevic aimait beaucoup être en société, qu'il
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1 buvait, qu'il s'enivrait?
2 Réponse: Je sais, je le connais. Il était très gai en société, il aimait
3 la compagnie et je le voyais souvent se retrouver en groupe avec ses
4 collègues. Il lui arrivait de boire pas mal et même de s'enivrer.
5 Question: Comme Visegrad est une petite ville, je vous demande si
6 quiconque vous aurait appris, à moins que vous ne l'ayez vu de vos yeux,
7 que M. Vasiljevic commettait quelque délit que ce soit, qu'il aurait
8 participé à un vol ou à d'autres actes répréhensibles du même genre?
9 Réponse: Non, je n'ai jamais entendu dire quoi que ce soit de négatif à
10 son sujet. Comme je l'ai déjà dit, je le connaissais en tant que citoyen
11 convenable.
12 Question: Pendant la guerre, à quelque moment que ce soit, en quelque lieu
13 que ce soit, avez-vous vu M. Vasiljevic portant un uniforme? Et si oui,
14 dites-nous de quel uniforme il s'agissait. Et puis, portait-il des armes
15 ou autre chose, ou ne portait-il rien sur lui?
16 Réponse: J'ai déjà dit dans quel uniforme je l'ai vu; je ne l'ai jamais vu
17 dans un quelconque autre uniforme. Et je ne l'ai jamais vu non plus porter
18 des armes.
19 Question: Auriez-vous entendu quelqu'un vous dire, à moins que vous l'ayez
20 vu de vos yeux, qu'il aurait été membre d'une quelconque formation
21 paramilitaire ou pas?
22 Réponse: Non.
23 Question: Puisque vous connaissiez M. Vasiljevic, pourriez-vous nous
24 donner votre avis? Ce que je vous demande, c'est donc votre opinion quant
25 au fait qu'étant ce qu'il était, il aurait pu participer à un méfait
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1 quelconque, commettre un quelconque acte criminel, par exemple?
2 Réponse: Pour autant que je le connaisse et puisque je connaissais son
3 caractère avant la guerre, je doute qu'il aurait pu agir de la sorte.
4 M. Tanaskovic (interprétation): Merci. Je n'ai pas d'autre questions pour
5 ce témoin.
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, des questions
7 supplémentaires?
8 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Novakovic, par M. Groome.)
9 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
10 Monsieur Novakovic, mon nom est Groome et je représente le Bureau du
11 Procureur.
12 J'ai seulement quelques questions à vous poser aujourd'hui, en rapport
13 avec votre témoignage.
14 M. Novakovic (interprétation): Je vous en prie.
15 Question: Je vous demanderai de décrire encore une fois, du mieux que vous
16 pouvez, le ruban ou le brassard que vous dites avoir vu sur le bras de M.
17 Vasiljevic.
18 Réponse: J'ai déjà dit que je passais en voiture et que je l'ai vu; il
19 avait un brassard sur le bras qui était de couleur rouge. Est-ce qu'il y
20 avait autre chose sur ce brassard? Je ne l'ai pas remarqué, je ne pouvais
21 pas, je suis passé trop vite. Est-ce qu'il y avait une croix rouge dessus?
22 Je ne sais pas.
23 Question: Monsieur, vous venez de parler d'une croix rouge. Vous vous
24 rappelez avoir vu une croix rouge sur ce brassard?
25 Réponse: Je viens de dire que je n'ai pas bien vu.
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1 Question: Monsieur, dans votre témoignage ici aujourd'hui, vous nous dites
2 que vous n'avez pas vu de croix rouge sur le brassard qu'il portait au
3 bras, n'est-ce pas?
4 Réponse: En effet.
5 Question: Vous rappelez-vous avoir fait une déclaration devant Me
6 Tanaskovic en mai de l'an 2000?
7 Réponse: Oui. Je crois même que c'était plus précisément le 5 mai 2000.
8 Question: Avez-vous dit toute la vérité à M. Tanaskovic en ce qui concerne
9 ce brassard que vous avez vu sur son bras, à l'époque?
10 Réponse: J'ai dit la vérité à ce moment-là, et je dis la vérité
11 aujourd'hui, en fonction de ce dont je me souviens et de ce que j'ai vu.
12 Question: Monsieur Novakovic, je vais vous soumettre votre déclaration et
13 vous demander de lire une phrase particulière dans cette déclaration.
14 Après quoi, je vous demanderai si cela modifie votre déposition ici
15 aujourd'hui.
16 Je demanderai à ce que l'on remette au témoin la pièce à conviction de
17 l'accusation 110.1 et 110.2. La pièce 110.1 est le document en BCS, et la
18 pièce 110.2 la traduction en anglais de ce même document.
19 (Intervention de l'huissier)
20 Monsieur Novakovic, je vous demanderai de bien vouloir lire le deuxième
21 paragraphe de votre déclaration qui commence, en BCS, par le mot "dom", d-
22 o-m. Et au milieu de ce paragraphe à peu près, vous trouverez une phrase
23 dans laquelle vous décrivez ce que vous vous rappelez avoir vu au sujet de
24 cette croix rouge.
25 Je vous demanderai donc de bien vouloir lire ce paragraphe et de nous dire
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1 quand vous avez terminé cette lecture.
2 Réponse: "Il me semble qu'on y voyait une croix rouge." J'ai dit cela
3 parce que je pensais qu'il y avait une croix rouge, mais je n'ai pas vu
4 vraiment la croix; j'ai simplement vu la couleur rouge.
5 Question: Mais cela signifie-t-il, Monsieur, que lorsque vous voyez du
6 rouge vous pensez immédiatement à la Croix-Rouge?
7 Réponse: Eh bien, je ne suis pas en train de dire cela précisément, je dis
8 simplement que c'était une association d'idées. Je suis passé, j'ai vu du
9 rouge, j'ai pensé à la Croix-Rouge. J'ai toujours dit que la couleur était
10 rouge. Maintenant, est-ce qu'il y avait un symbole ou pas? Je ne sais pas.
11 M. Groome (interprétation): Monsieur, admettez-vous ou pas que, dans votre
12 déclaration à Me Tanaskovic, vous avez dit: "Il me semblait qu'on y voyait
13 une croix rouge."? Admettez-vous l'avoir dit, ou pas?
14 M. Novakovic (interprétation): Je répète que je ne savais pas que c'était
15 une croix rouge. D'ailleurs, dans la déclaration, j'ai dit "il me semble";
16 je n'ai pas affirmé de façon péremptoire que c'était une croix rouge. Je
17 n'affirme pas qu'il s'agit d'une croix rouge.
18 M. le Président (interprétation): Ce qu'on vous demande de dire, Monsieur,
19 c'est que vous admettez que la phrase qui vous a été lue est bien celle
20 que vous avez dite à l'enquêteur, à savoir: "il me semble qu'on y voyait
21 une croix rouge.". Admettez-vous avoir dit cela à l'enquêteur?
22 M. Novakovic (interprétation): J'affirme que j'ai dit cela à l'enquêteur.
23 M. le Président (interprétation): Merci.
24 M. Groome (interprétation): Monsieur Novakovic, sur le trajet du centre de
25 santé de Visegrad jusqu'à Uzice, êtes-vous passé par la maison de M.
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1 Vasiljevic?
2 M. Novakovic (interprétation): Non. On a pris la rue, et ensuite la route
3 directe qui va à Uzice.
4 Question: Vous avez aussi parlé du moment où vous pensez avoir fait ce
5 voyage jusqu'à Uzice, et je vous pose la question suivante. A quel moment,
6 après 1992, vous a-t-on demandé pour la première fois: "vous rappelez-vous
7 quand vous êtes allé avec Vasiljevic à l'hôpital d'Uzice?" Quand vous a-t-
8 on demandé pour la première fois de vous rappeler, de vous remémorer cette
9 information?
10 Réponse: La première fois qu'on m'a posé la question, c'était le 5 mai et
11 c'est l'avocat, Me Tanaskovic, qui m'a posé cette question.
12 Question: C'était donc à peu près huit ans après les événements, n'est-ce
13 pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Vous vous êtes rappelé ce qu'on vous demandait immédiatement, ou
16 bien avez-vous eu besoin d'aide pour vous rappeler le renseignement qu'on
17 vous demandait?
18 Réponse: Personne ne m'a aidé. D'ailleurs, je n'ai pas précisé la date,
19 j'ai simplement dit que c'était un dimanche, que c'était une fête
20 religieuse, que c'était le dimanche de la Sainte-Trinité.
21 Question: Vous dites savoir que c'était une fête religieuse. Mais
22 n'aurait-ce pas pu être une autre fête religieuse qui se situe à peu près
23 au même moment, comme par exemple Vidovdan?
24 Réponse: Non. Vidovdan arrive plus tard, à la fin du mois de juin.
25 Question: Pouvez-vous nous dire comment il se fait que huit ans plus tard,
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1 vous ayez été aussi sûr qu'il s'agissait de la première fête religieuse,
2 et non de la deuxième alors qu'elles sont séparées par une quinzaine de
3 jours, si je ne m'abuse?
4 Réponse: Oui, eh bien, je me rappelle. Comment est-ce que je ne me
5 rappellerais pas, puisque ces fêtes tombent toujours à la même date?
6 Vidovdan, c'est le 28 juin et 14 jours avant, c'est la Sainte-Trinité.
7 Question: Vous vous rappelez très bien ce que vous avez fait plus tôt, au
8 cours de cette journée du dimanche de la Sainte-Trinité?
9 Réponse: Ecoutez, nous étions soumis à l'obligation de travail. Il n'y
10 avait pas de congé. Tous les jours, on était soumis à l'obligation de
11 travail et il fallait aller au travail. J'ai travaillé ce jour-là comme
12 tous les autres jours, et je suis ensuite allé me reposer à la maison.
13 Question: Quels étaient vos horaires de travail, ce jour-là?
14 Réponse: Je n'avais pas d'horaires déterminés, mais j'ai travaillé de 8
15 heures jusqu'à 4 heures de l'après-midi.
16 Question: Avez-vous quitté le centre de santé immédiatement à la fin de
17 votre temps de travail, ou êtes-vous resté un petit peu plus longtemps au
18 centre de santé?
19 Réponse: Non, je suis rentré directement à la maison en voiture et, à la
20 maison, je me suis reposé dans mon appartement.
21 Question: Jusqu'au moment de votre départ du centre de santé, avez-vous vu
22 Mitar Vasiljevic dans l'enceinte du centre de santé?
23 Réponse: Non.
24 Question: A 4 heures de l'après-midi, M. Savic était-il au centre de
25 santé?
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1 Réponse: Il était de permanence, à ce moment-là, au centre de santé, en
2 tant que chauffeur. Etait-il au centre de santé ou ailleurs? Cela
3 dépendait du fait qu'il était appelé quelque part ou pas.
4 M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur Novakovic. Je n'ai pas
5 d'autres question.
6 M. le Président (interprétation): Maître Tanaskovic, vous avez des
7 questions supplémentaires?
8 M. Tanaskovic (interprétation): Non, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur, d'être venu ici
10 témoigner. Merci de votre témoignage. Vous êtes à présent libre de vous
11 retirer.
12 M. Novakovic (interprétation): Merci à vous également.
13 (Le témoin, M. Miloje Novakovic, est reconduit hors du prétoire.)
14 (Le témoin, M. Dobrivoje Sikiric, est introduit dans le prétoire.)
15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demanderai
16 de bien vouloir vous lever pour prononcer la déclaration solennelle, en
17 lisant le document que M. l'huissier vient de vous remettre.
18 M. Sikiric (interprétation): Je déclare solennellement que je dirait la
19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président (interprétation): Maître Domazet, à vous.
21 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dobrivoje Sikiric, par Me
22 Domazet.)
23 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
24 Bonjour, Monsieur Sikiric.
25 Je vous prierai de vous rapprocher un peu du micro pour être bien entendu
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1 par les interprètes, et je vous rappelle qu'après la fin de ma question
2 vous êtes prié de ménager une pause de quelques secondes avant de
3 répondre, après quoi je poursuivrai.
4 Pouvez-vous présenter, je vous prie? Quel est votre nom, votre date de
5 naissance et où êtes-vous né?
6 M. Sikiric (interprétation): Dobrivoje Sikiric. Je suis né dans le village
7 de Jablanica, dans la municipalité de Visegrad.
8 Question: Quand êtes-vous né, Monsieur Sikiric?
9 Réponse: Le 5 juin 1938.
10 Question: Quelle est votre nationalité?
11 Réponse: Serbe.
12 Question: Monsieur Sikiric, je vous prierai de ménager une pause de
13 quelques secondes avant la fin de mes questions pour aider les interprètes
14 car nous parlons, vous et moi, la même langue.
15 Pouvez-vous me dire quel est le prénom de votre épouse, ainsi que sa date
16 de naissance?
17 Réponse: Mon épouse a pour prénom Milena, et elle est née le 20 février
18 1939.
19 Question: Quel est le nom de jeune fille de votre épouse, et d'où est-elle
20 originaire?
21 Réponse: Le nom de jeune fille de mon épouse est Marinkovic et elle est
22 originaire du village de Jablanica, tout comme moi.
23 Question: Où habitez-vous, Monsieur Sikiric?
24 Réponse: Aujourd'hui je vis à Vardiste, dans la municipalité de Visegrad.
25 Question: Depuis quand habitez-vous à Vardiste?
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1 Réponse: Depuis 1971.
2 Question: Avez-vous résidé en permanence à Vardiste, et y habitiez-vous en
3 1992?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Connaissez-vous personnellement Mitar Vasiljevic?
6 Réponse: Je connais Mitar depuis sa naissance, car c'est ma sśur qui lui a
7 donné naissance.
8 Question: Pourriez-vous décrire plus précisément vos liens de famille?
9 Réponse: C'est ma sśur qui a donné naissance à Mitar; je suis donc son
10 oncle.
11 Question: Votre sśur est la mère de M. Vasiljevic?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Est-elle vivante, aujourd'hui?
14 Réponse: Non.
15 Question: Quand est-elle morte?
16 Réponse: En 1963.
17 Question: Monsieur Sikiric, avez-vous, avec votre épouse Milena, des
18 enfants?
19 Réponse: Nous avions un fils qui a été tué dans la terrible guerre.
20 Question: Vous n'aviez qu'un seul fils? Vous n'aviez pas d'autres enfants?
21 Réponse: Non.
22 Question: Monsieur Sikiric, je sais que cela vous fait encore très mal...
23 Réponse: Oui.
24 Question: Je vous prierai de retenir vos émotions, si possible, et pour ma
25 part je m'efforcerai de vous poser le nombre de questions minimum. Mais je
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1 suis contraint de vous interroger, de vous poser quelques questions au
2 sujet de cette période au cours de laquelle votre fils a trouvé la mort.
3 Donc je vous prie de m'excuser, je suis obligé de le faire même si je sais
4 que cela est très difficile pour vous.
5 En 1992, quel était votre travail?
6 Réponse: Je travaillais dans le domaine de la restauration et de
7 l'hôtellerie privée, et d'ailleurs je le fais encore aujourd'hui.
8 Question: Où se trouve le café où vous travailliez à cette époque-là, et
9 où vous dites que vous travaillez encore aujourd'hui?
10 Réponse: Oui, à Vardiste, municipalité de Visegrad.
11 Question: Où, dans le village, se trouve ce café?
12 Réponse: Sur la frontière même avec la Serbie.
13 Question: Et par rapport à la grande route de Visegrad à Uzice?
14 Réponse: C'est sur cette route.
15 Question: Donc, si j'ai bien compris, le café est situé sur la route même
16 qui va de Visegrad à Uzice?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Monsieur Sikiric, vous avez dit que vous n'aviez qu'un seul fils
19 et qu'il a trouvé la mort au cours de cette guerre. Pouvez-vous nous dire
20 quand votre fils a été tué, et comment il s'appelait?
21 Réponse: Il s'appelait Zeljko Sikiric. Il est mort le 1er juin 1992.
22 Question: Savez-vous où il est mort, et dans quelles circonstances?
23 Réponse: Il est mort sur la route de Visegrad à Gorazde. En fait, pas
24 exactement sur la chaussée, mais un peu au-dessus de la route.
25 Question: Votre fils était-il soldat? Avait-il été mobilisé?
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1 Réponse: Oui, il avait été mobilisé dans une soi-disant Défense
2 territoriale.
3 Question: Avez-vous des détails à ce sujet? A quelle unité il appartenait,
4 et à quelle distance de Visegrad ou de Vardiste se trouve l'endroit où il
5 a été tué?
6 Réponse: Cet endroit se trouve à une dizaine de kilomètres, sans doute, de
7 Visegrad. Or, il y a 20 kilomètres entre Vardiste et Visegrad, donc il a
8 été tué à une trentaine de kilomètres de chez lui.
9 Question: Donc l'endroit où il est mort n'est pas sur le territoire de
10 Vardiste, mais du côté opposé de Visegrad, c'est-à-dire à une trentaine de
11 kilomètres de Vardiste? Je vous ai bien compris?
12 Réponse: Oui.
13 Question: En cette occasion, votre fils a-t-il été le seul à mourir, ou
14 d'autres sont-ils morts avec lui?
15 Réponse: D'après ce que j'ai appris, cinq hommes ont été tués à la même
16 heure et parmi eux, mon fils Zeljko.
17 Question: Vous rappelez-vous du nom des autres hommes qui ont été tués?
18 Réponse: Je peux me rappeler parce que j'ai beaucoup participé à tout cela
19 à l'époque, quand je cherchais mon enfant.
20 Question: Pouvez-vous nous dire les noms dont vous vous rappelez?
21 Réponse: Masal Radoje de Vardiste, Milko Masal de Vardiste, Dragomir
22 Simsic de Vardiste, Zeljko Sikiric de Vardiste et Dzordze Trvikovic des
23 environs de Visegrad.
24 Question: Monsieur Sikiric, avez-vous appris la mort de votre fils le jour
25 même ou peut-être plus tard?
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1 Réponse: Non. Nous espérions qu'il allait rentrer, comme il rentrait tous
2 les soirs, pour repartir le lendemain matin. Mais lundi, mardi, personne
3 n'appelle et on a appris qu'un certain nombre d'hommes avaient été tués
4 là-bas, plus loin que Visegrad.
5 J'ai commencé à avoir des doutes, à m'inquiéter. Ma voiture était tombée
6 en panne et il y avait une femme qui avait une voiture, de Masal. Donc
7 elle est venue nous chercher, nous y sommes allés et nous en avons
8 retrouvé deux au bout de deux jours. Et les trois autres, nous n'avons pu
9 les retrouver que trois jours plus tard.
10 Tout cela s'est passé à une heure assez peu confortable, le lundi, aux
11 alentours de 4 heures de l'après-midi. Et nous avons trouvé mon fils et
12 les deux Masal... ou plutôt Mirko Simsic et Dragomir et mon Zeljko, nous
13 les avons trouvés le jeudi de la même semaine.
14 Question: Je crois que vous avez dit quel jour de la semaine cela s'est
15 passé. Vous rappelez-vous exactement quel jour de la semaine votre fils a
16 été tué?
17 Réponse: Le dimanche 1er juin 1992.
18 Question: Si je vous ai bien compris, il a fallu attendre le jeudi de
19 cette semaine? Vous avez cherché le corps de votre fils et des deux autres
20 jusqu'au jeudi?
21 Réponse: Nous les avons cherchés et nous ne les avions pas trouvés.
22 Question: Monsieur Sikiric, vous rappelez-vous quand a eu lieu
23 l'enterrement de votre fils?
24 Réponse: Le samedi 6 juin de la même année.
25 Question: Les funérailles ont-elles été conformes à la religion orthodoxe,
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1 en présence d'un pope orthodoxe?
2 Réponse: Oui, oui.
3 Question: Où a-t-il été enterré?
4 Réponse: Il a été enterré à Vardiste, au cimetière.
5 Question: Mitar Vasiljevic était-il présent au moment de l'enterrement?
6 Réponse: Oui, il est venu avec sa femme.
7 Question: Quel est le prénom de sa femme?
8 Réponse: Milojka.
9 Question: Je vais à présent vous interroger au sujet des coutumes serbes.
10 Est-ce la coutume, dans la maison de quelqu'un qui est mort, que les
11 voisins et les parents viennent avant l'enterrement pour exprimer leurs
12 condoléances?
13 Réponse: Eh bien, ce matin-là, tout le monde est venu. Moi, je suis allé
14 prendre mon fils et tout le monde venait pour savoir ce qui se passait et
15 me demander des nouvelles.
16 Mais quand j'ai retrouvé le corps de mon fils le jeudi, les parents sont
17 arrivés aussi parce que tout le monde voulait savoir ce qui s'était passé.
18 Mon Zeljko a six oncles. Donc les frères de mon épouse sont arrivés de
19 Belgrade aussi. Et il y avait aussi, justement, Mitar Vasiljevic qui est
20 venu aussi; je crois que c'était le vendredi.
21 Selon la coutume, il faut préparer toutes sortes de choses et cela a été
22 fait.
23 Question: Donc votre réponse à ma question est que oui, la coutume c'est
24 que beaucoup de monde vienne dans la maison. Et vous avez dit qui était
25 venu parmi les membres de la famille, et vous avez mentionné aussi Mitar
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1 Vasiljevic. Cela veut-il dire qu'il est venu lui aussi exprimer ses
2 condoléances même avant le jour de l'enterrement?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Vous venez de dire, Monsieur Sikiric, que Mitar était venu à cet
5 enterrement avec son épouse, Milojka. Il y a donc eu beaucoup de gens,
6 vous étiez dans une situation assez difficile, triste.
7 Ma question est la suivante: est-ce que vous pourriez m'indiquer comment
8 il a accepté ce fait, cet événement? Quel a été son comportement?
9 Réponse: Oui, vous pouvez supposer de quel genre de tragédie il s'agit.
10 Mitar était donc présent, il était lui aussi très, très triste, déprimé,
11 stressé, d'ailleurs, comme toute la famille.
12 Question: Merci de cette réponse. Oui, je n'insisterai pas sur ce point-là
13 parce que je pense très certainement qu'il vous est très difficile de
14 parler de cela. Je vous poserai une autre question.
15 Vous parliez du café que vous aviez à l'époque. Est-ce que vous aviez
16 également un véhicule, une voiture?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Quels étaient les lieux de vos déplacements lorsqu'il fallait
19 faire des courses, acheter certaines choses pour le café?
20 Réponse: Etant donné que je me trouve à 20 kilomètres de Visegrad, et puis
21 il a cette guerre noire, comme je l'avais dénoté, qui sévissait, j'étais
22 le seul à travailler parce que j'étais, en quelque sorte, loin de
23 Visegrad. Donc j'allais vers la Serbie , pour acheter ce qu'il me fallait
24 pour mon café, mon magasin, mon affaire.
25 Question: Visegrad se trouve à 20 kilomètres de vous et Uzice?
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1 Réponse: Depuis ma maison, cela ferait une cinquantaine, 55 kilomètres
2 pour être un peu plus précis.
3 Question: Si je vous ai bien compris, vous aviez tout de même choisi de
4 faire vos courses à Uzice, même si cela était un peu plus loin. Est-ce
5 qu'il y avait pénurie de denrées alimentaires? Et vous nous parliez de
6 cette route qui n'était pas sécurisée?
7 Réponse: Oui, il y a eu des dangers, ce n'était pas une route sécurisée.
8 Et puis, à Visegrad, il n'y avait pratiquement plus rien de quoi acheter.
9 Et puis, j'ai choisi Uzice pour faire mes courses et pour
10 m'approvisionner.
11 Question: Si je vous ai bien compris, à l'époque -et là, je pense à
12 l'époque avant et après la mort de votre fils-, vous n'aviez pas besoin et
13 vous n'alliez pas à Visegrad, si je vous ai bien compris?
14 Réponse: Non, je n'allais plus à Visegrad.
15 Question: Permettez-moi de revenir à une rencontre que vous avez eue avec
16 Mitar Vasiljevic. Donc c'est ce samedi du 6 juin, donc à l'occasion de
17 l'enterrement et par la suite. A combien de reprises l'avez-vous
18 rencontré?
19 Réponse: Je ne l'ai pas revu, c'était un temps très bref. Mon fils a été
20 enterré le samedi 6 juin. Je ne revenais plus à Visegrad. Et puis, on
21 allait au cimetière presque tous les jours.
22 Et puis je l'ai rencontré, Zivorad Savic, et Miloje. Eh bien, ce sont ces
23 deux personnes-là qui m'ont informé de la jambe qu'il s'est fait casser,
24 et j'ai été consterné. Et puis, en le transportant, on m'a indiqué qu'il
25 avait froid et puis, mon épouse -maintenant déjà défunte-, je me souviens
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1 qu'elle lui a porté une couverture, qu'on a recouvert Mitar. Et puis les
2 deux hommes sont rentrés un peu, ont bu quelque chose, un verre ou quelque
3 chose. Ils sont partis vers Uzice. Moi, je suis resté chez moi.
4 Question: Merci.
5 Monsieur Sikiric, pouvez-vous vous souvenir, date repère 6 juin –donc,
6 date que vous n'oubliez pas-, quand vous avez revu Mitar Vasiljevic dans
7 le contexte de ces circonstances-là?
8 Réponse: Je ne pourrais plus me souvenir de l'heure ou de la date ou de la
9 journée exacte, mais je pense que je l'ai revu au bout de sept ou huit
10 jours.
11 Question: C'était donc votre première deuxième rencontre, dans cette
12 époque-là?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'heure de la journée?
15 Réponse: Autant que je puisse me souvenir, c'était peut être dans l'après-
16 midi, fin de l'après-midi. Mais le jour était toujours là, il faisait
17 jour.
18 Question: Vous parlez du moment où ils étaient déjà chez vous?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Est-ce que vous pourriez situer la période de temps qu'ils
21 avaient passée chez vous?
22 Réponse: Une vingtaine de minutes peut-être, le temps qu'on fasse un café,
23 le temps qu'ils le boivent. Mais je ne pourrai pas être précis; je ne
24 consulte jamais, sous entendu, ma montre.
25 Question: Est-ce que Mitar… Est-ce que quelqu'un de ces personnes
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1 présentes vous a relaté la manière dont laquelle Mitar a été blessé?
2 Réponse: Enfin, je me suis fait dire qu'il a fait une chute de cheval. Et
3 puis, j'étais surpris de l'apprendre.
4 Question: Quand vous dites "ils m'ont dit", à qui pensez-vous lorsque vous
5 dites "ils"?
6 Réponse: C'est Savic et Novakovic.
7 Question: C'est donc avec eux que vous avez commencé cette conversation?
8 Réponse: Oui, il est tombé, il a fait une chute de cheval, et nous le
9 transportons vers Uzice.
10 Question: Quand vous êtes sorti et quand vous avez vu Mitar, est-ce que
11 vous avez eu une quelconque conversation?
12 Réponse: Oui. On s'est parlé et je lui ai fait part de mon étonnement de
13 cet accident qui lui est survenu.
14 Question: Lorsque vous dites, Monsieur Sikiric, que cela vous étonnait, à
15 quoi pensez-vous plus précisément? Qu'est-ce qui était étonnant?
16 Réponse: Eh bien, qu'il tombe, qu'il fasse cette chute de cheval. Enfin,
17 je ne savais pas ce qui aurait pu se passer, je n'étais pas sur place,
18 mais...
19 Question: N'étant pas directement lié par votre lignée familiale, donc
20 vous êtes relié par votre sśur.
21 Je ne sais pas dans quelle mesure vous vous fréquentiez socialement
22 parlant, est-ce que vous connaissiez qu'il aimait les chevaux, qu'il avait
23 quelque chose à faire avec des chevaux?
24 Réponse: Oui, en quelque sorte, je savais un cheval, qu'ils avaient des
25 chevaux, son père les avait et je sais que Mitar savait bien monter à
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1 cheval, enfin… lorsque je m'y rendais en tant qu'invité de la famille.
2 Faire une chute de cheval, cela veut dire qu'il ne savait pas manier ce
3 cheval en question.
4 Question: En parlant avec lui, est-ce que vous lui avez demandé quelle a
5 été la réaction de sa famille?
6 Réponse: Non, je ne pouvais pas m'entretenir de ce sujet-là et puis je ne
7 me souviens pas de la teneur de cette conversation à l'époque.
8 Question: Et après son départ, est-ce que vous avez parlé avec quelqu'un
9 de sa famille?
10 Réponse: Oui, une fois qu'ils étaient partis vers Uzice, j'ai demandé à
11 Milojka si elle savait si, oui ou non, elle savait quelque chose.
12 Je l'ai appelée pour lui dire que quelque chose s'est passé pour qu'elle
13 ne soit pas étonnée. Si quelqu'un ne rentre pas chez lui, cela veut dire
14 qu'il s'est passé quelque chose, et j'ai dit d'ailleurs à mon épouse que
15 j'allais appeler Milojka pour lui indiquer que quelque chose s'était passé
16 et qu'il y avait lieu effectivement de parler d'une fracture.
17 Question: Après cette conversation, est-ce que vous avez pu comprendre
18 qu'elle savait cet événement ou qu'elle l'avait appris après la
19 conversation avec vous?
20 Réponse: Non. Je lui ai dit que Zeljko et Miloje m'avaient appris qu'il
21 s'est fait casser la jambe et elle m'a cru et a cru à leur propos, et je
22 ne souviens pas avoir dit autre chose à ce moment-là.
23 Question: Lorsque vous disiez que sa réaction était… cela suffirait…
24 quelle était votre anticipation, quelle était votre compréhension de ce
25 terme? Est-ce que vous pensiez qu'elle aurait pu croire à quelque chose de
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1 plus complexe, plus difficile?
2 Réponse: Oui, c'est à peu près cela.
3 Question: Ce véhicule parti vers Uzice, pourriez-vous, d'après l'heure de
4 la journée, parler de certains changements qui étaient intervenus? Si vous
5 pouvez vous remémorer cela?
6 Réponse: A quoi pensez-vous?
7 Question: Le temps qu'ils avaient passé chez vous et partis de votre lieu,
8 est-ce qu'il faisait encore jour, est-ce que la nuit tombait?
9 Réponse: Non, il faisait encore jour.
10 Question: Est-ce que vous avez rendu visite à Mitar Vasiljevic à l'hôpital
11 d'Uzice?
12 Réponse: Oui, chaque fois que j'y allais, à Uzice, et c'était assez
13 fréquent car je m'approvisionnais dans la ville d'Uzice, peut-être une
14 fois par semaine et peut-être deux fois par semaine, mais très
15 certainement une fois par semaine, je lui rendais visite pour voir comment
16 il allait.
17 Question: Vous souvenez-vous des départements dans lesquels il a été
18 hospitalisé pendant que vous lui rendiez ces visites?
19 Réponse: Première fois, c'était le département orthopédique. Il avait une
20 extension, il avait des contrepoids qui pendaient sur sa jambe.
21 Question: A ces moments-là, est-ce qu'il pouvait se lever pour quitter son
22 lit?
23 Réponse: Non, parce qu'il avait ces contrepoids qui pendaient.
24 Question: Vous parliez des départements orthopédiques, mais a-t-il été
25 dans un autre département?
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1 Réponse: Oui, un peu plus tard. Plus tard, c'était lorsque je voulais lui
2 rendre visite. On lui disait: "Bien non, il n'est pas sur place". Il était
3 à la neuropsychiatrie, un département de psychiatrie plutôt car je ne
4 connaissais pas les lieux car ma femme y était soignée également. Et puis,
5 ils m'ont laissé passer mais d'habitude c'était difficile d'entrer dans ce
6 département psychiatrique, mais moi on me laissait passer. Puis, c'est là
7 que j'ai remarqué qu'il avait déjà… qu'il était en quelque sorte un peu
8 devenu farfelu mais négativement, "dément" entre guillemets.
9 Question: Est-ce que vous pourriez me décrire, me dire, vous expliquer sur
10 ce terme un "peu perdu"?
11 Réponse: Je ne sais pas s'il s'agit d'effet, de conséquence de ces
12 différentes tragédies qu'il a vécues. Je ne suis pas spécialiste ou expert
13 en la matière, mais il était un peu parti. Une conséquence de tout ce qui
14 se passait à l'époque. Et puis, peut-être qu'il a été affecté par le fait
15 que son cousin était tombé sur un champ de bataille.
16 Question: Merci.
17 Ma question n'était pas de solliciter votre avis sur les causes de ce que
18 vous indiquez comme ayant été un "peu parti", entre guillemets. Qu'est-ce
19 qui a plutôt attiré votre attention sur son état de santé, de sa
20 condition?
21 Réponse: Je m'amenais toujours avec quelque chose. Je lui apportais
22 quelque chose et puis on se parlait. Moi, je lui dis quelque chose, il me
23 dit une autre chose qui n'a aucun rapport avec ce que je lui disais, qui
24 n'avait rien à faire avec le contexte de notre conversation, de notre
25 communication.
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1 M. Domazet (interprétation): Est-ce que vous, par vos questions, vous avez
2 essayé d'obtenir une réponse à la question que vous lui posiez?
3 M. Sikiric (interprétation): Non, car je m'apercevais qu'il ne comprenait
4 pas ce que je lui disais, je ne pouvais pas le corriger, ce serait un peu
5 gênant, si vous voulez, de le faire.
6 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce ne serait pas le moment de
7 faire une suspension et de se revoir et reprendre à 14 heures 30?
8 (L'audience, suspendue à 13 heures 01, est reprise 14 heures 30.)
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, à vous.
10 M. Domazet (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
11 Monsieur Sikiric, nous allons continuer à présent l'entretien de tout à
12 l'heure. La dernière des choses dont nous nous étions entretenus, c'était
13 votre visite à Mitar Vasiljevic, à l'hôpital.
14 Sauriez-vous, Monsieur Sikiric, nous dire qui a fait sortir Mitar
15 Vasiljevic, une fois ses soins terminés?
16 M. Sikiric (interprétation): Une fois ses soins terminés, son épouse
17 Milojka m'a appelé pour que nous allions ensemble le ramener à l'hôpital.
18 Je suis donc allé à Uzice avec Milojka, et j'ai ramené Mitar à sa maison.
19 Question: Quand vous dites "ramené", vous sous-entendez, j'imagine, que
20 vous vous êtes servi de votre voiture, à vous?
21 Réponse: Oui, ma voiture à moi.
22 Question: Est-ce que Mitar Vasiljevic avait, lui, une voiture?
23 Réponse: Non. Il n'a jamais su conduire, il ne s'est jamais présenté à un
24 examen d'obtention du permis de conduire.
25 Question: Monsieur Sikiric, vous êtes au courant du fait que Mitar
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1 Vasiljevic avait été traité auparavant déjà? Et si vous le savez, pouvez-
2 vous nous dire de quoi?
3 Réponse: Oui, il avait été soumis à des soins. Il avait été hospitalisés
4 sept ou huit ans auparavant au même département pour des raisons
5 psychiques. Il ne se sentait pas très bien sur le plan psychique; je ne
6 sais comment je pourrais m'exprimer autrement.
7 Question: Quand vous dites "au même département", vous parlez du
8 département à partir duquel on l'avait laissé sortir cette année-là, à
9 l'hôpital d'Uzice?
10 Réponse: Oui. Je n'arrive plus à situer l'année exacte.
11 Question: Mais vous parlez toujours de quel hôpital, au juste?
12 Réponse: D'Uzice.
13 Question: Savez-vous pourquoi il était arrivé dans cette situation, dans
14 cet état nécessitant des soins?
15 Réponse: Eh bien, au niveau de la famille, nous savions qu'il avait
16 travaillé depuis longtemps comme garçon de café, et il aimait boire. Alors
17 quand nous nous rencontrions, mon neveu et moi-même, nous avions
18 l'habitude de prendre quelques verres de trop.
19 Question: Mais avez-vous été avec lui, en compagnie avec lui quand il
20 avait pris quelques verres de trop?
21 Réponse: Oui, cela m'est arrivé.
22 Question: Et quelle est sa façon de réagir? Quel est son comportement,
23 dans ces situations-là?
24 Réponse: Dans ses gènes, ce n'est pas un type agressif, il est plutôt gai
25 quand il a bu. Par la suite, il souffre.
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1 Question: Après la période dont vous nous avez parlé, donc l'épisode
2 d'Uzice en 1992, savez-vous qu'il avait été hospitalisé ultérieurement
3 aussi?
4 Réponse: Si mes souvenirs sont bons, il s'est cassé la jambe au bout d'un
5 an -je ne sais plus quelle jambe, en fait-, en 1993, 1994. Et je sais
6 qu'il avait été opéré de la colonne vertébrale, il avait été emmené à
7 Belgrade pour cette opération. Et je suis même allé à Belgrade pour lui
8 rendre visite là-bas. Voilà.
9 Question: Si nous exceptons la période où il avait séjourné dans des
10 hôpitaux et où il s'est fait soigner en 1992, 1993, 1994, savez-vous nous
11 dire ce qu'il exerçait comme profession, à l'époque?
12 Réponse: Eh bien, quand il a recommencé à travailler, il avait travaillé
13 dans l'hôtellerie à Visegrad, dans un commerce privé. Mais là aussi, à
14 plusieurs reprises il s'était saoulé.
15 Question: Avait-il un travail permanent, dans cette période ultérieure,
16 j'entends? Avait-il un emploi à temps plein, ou y a-t-il eu des périodes
17 où il n'avait pas d'emploi?
18 Réponse: Je n'allais pas trop souvent à Visegrad, mais je sais qu'il
19 n'avait pas tout le temps du travail. Je ne sais pas trop ce qu'il pouvait
20 bien faire pendant ce temps-là.
21 Question: Mais vous, et disposant d'un établissement d'hôtellerie, de
22 restauration, avez-vous travaillé à l'occasion des foires, des kermesses,
23 des fêtes religieuses sous une tente, etc.?
24 Réponse: Vous faites bien de me poser la question. Depuis le jour où j'ai
25 commencé à travailler au titre de restaurateur privé, depuis 1978, étant
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1 donné que Mitar avait été parent proche et qu'il avait beaucoup
2 d'expérience en tant que garçon, il avait été mon bras droit lors de ces
3 foires. Il venait parfois remplacer certains de mes ouvriers quand il
4 n'était pas de service dans son entreprise. Donc, quand il avait des
5 journées libres il venait remplacer certains de mes employés.
6 Question: Comment s'appelait votre restaurant en 1992?
7 Réponse: Ca s'appelait "Vesela Bosanka", en traduction "La Bosnienne
8 joyeuse".
9 Question: Une dernière question pour finir: vous nous avez parlé du type
10 d'homme qu'était Mitar. Je voudrais que vous nous disiez un peu dans
11 quelle mesure vous le connaissiez. Et, à cet effet, je voudrais savoir
12 s'il était porté à la vengeance, à la revanche, à des activités
13 criminelles?
14 Réponse: Ah non! Mitar, pour autant que je le sache -et je l'appelais "mon
15 Mitar à moi", puisque je suis son oncle-, n'a jamais commis d'actes
16 répréhensibles. Il n'avait pas été agressif non plus; très sociable, au
17 contraire. Et nous étions pareils à ce point de vue-là: nous aimions
18 fréquenter les gens, on aimait se socialiser avec les gens.
19 Il amenait du personnel. C'était lui qui menait le travail, qui conduisait
20 les activités à ces foires. C'est lui qui amenait du personnel. Il avait
21 une équipe à lui qu'il amenait pour la faire travailler chez moi.
22 Question: Merci bien. Pour finir, je voudrais que l'on montre à présent au
23 témoin la pièce à conviction D19.1: la pièce de la défense D19 est la
24 version anglaise, et le D19.1 est la version BCS.
25 Je demanderai à M. l'huissier de préparer aussi le D14.1 pour que le
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1 témoin puisse se pencher dessus juste après.
2 (Intervention de l'huissier.)
3 Je vous prie maintenant de vous pencher sur cette pièce à conviction, le
4 D19.1. S'agit-il bien d'un extrait du registre des naissances et des
5 décès? S'agit-il bien de l'extrait du registre de décès de votre fils
6 Zeljko?
7 Réponse: Oui, en effet.
8 Question: Merci. Je voudrais maintenant que vous vous penchiez maintenant
9 sur l'autre document que je voulais vous montrer, à savoir le D14.1.
10 (Intervention de l'huissier.)
11 Il s'agit d'une attestation émanant d'un monastère. Je voudrais que vous
12 en preniez lecture et que vous me disiez si ce qui est écrit est exact.
13 Réponse: Est-ce que vous voulez que je vous lise ou que je commente? Parce
14 que j'avais demandé au chef de la paroisse de me délivrer ce type
15 d'attestation et je suis allé à Vardiste, c'est à quelque 5 kilomètres,
16 jusqu'à Dobrun. C'est le chef de la paroisse qui avait signé.
17 Question: Vous reconnaissez le document?
18 Réponse: Oui, c'est moi qui l'ai demandé, c'est moi qui l'ai réceptionné
19 et je sais de quel document il s'agit.
20 M. Domazet (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Sikiric.
21 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions pour ce témoin.
22 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Sikiric, par Mme Bauer.)
23 Mme Bauer (interprétation): Bonjour, Monsieur Sikiric. Je travaille pour
24 le Bureau du Procureur et je voudrais vous poser à mon tour quelques
25 questions concernant votre témoignage.
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1 Monsieur Sikiric, dites-nous quand vous avez été sollicité pour la
2 première fois pour vous souvenir de ces événements et les relater;
3 j'entends, les événements de 1992.
4 M. Sikiric (interprétation): Pour ce qui est de relater les événements de
5 1992, eh bien, cela avait été sollicité par l'avocat, M. Rade. Et comme
6 j'en connais long à ce sujet, c'est peut-être pour cela qu'il m'avait
7 demandé de lui relater cela.
8 Question: Mais à l'époque, avez-vous fait une déposition, à l'époque,
9 auprès de M. Tanaskovic?
10 Réponse: Non.
11 Question: Vous nous avez dit aujourd'hui que vous vous rendiez à Uzice
12 pour des approvisionnements et qu'il vous arrivait d'y aller deux fois par
13 jour, parfois. Est-ce que vous alliez seul en voiture à Uzice pour acheter
14 ces marchandises, ou pas?
15 Réponse: Oui, j'allais toujours seul parce que je ramenais cela dans ma
16 propre voiture. Si je mettais quelqu'un dans la voiture, je n'avais plus
17 de place, pas assez de place pour les produits, les marchandises à
18 ramener. Si j'emmenais quelqu'un, c'était peut-être pour aller jusqu'à
19 Uzice, mais pas au retour. Ou alors, si j'emmenais quelqu'un, c'était
20 parce que j'avais besoin d'être aidé.
21 Question: Et en 1992, d'après ce que vous nous avez dit, la route était
22 dangereuse, donc le trajet était périlleux. Et vous n'avez pas jugé,
23 nonobstant ce fait-là, la nécessité d'emmener quelqu'un pour vous
24 protéger?
25 Réponse: Non, la route était dangereuse entre Vardiste et Visegrad, c'est
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1 vers l'occident. Or, ma maison se trouvait à 200 mètres de la frontière
2 yougoslave, ou plutôt de la frontière serbe. Je n'avais alors pas besoin
3 de quelqu'un pour faire ces 200 mètres et accéder sur le territoire de la
4 Serbie.
5 Question: Combien de temps vous fallait-il pour faire le trajet jusqu'à
6 Uzice en voiture?
7 Réponse: Eh bien, quand la route était bonne et quand il ne pleuvait pas,
8 j'arrivais là-bas en 40, 50 minutes.
9 Question: Vous nous avez dit aujourd'hui que votre bistrot était ouvert 7
10 jours sur 7, donc que vous travailliez tous les jours en 1992?
11 Réponse: Oui, je travaillais tous les jours. Etant donné que j'étais loin
12 de Visegrad et donc juste à côté de la frontière yougoslave, j'ai été
13 autorisé à travailler sans cesse, étant donné que j'étais loin des points
14 critiques.
15 Question: Donc vous avez travaillé même aux jours de fête, de fête
16 religieuse, à l'époque, et ainsi de suite?
17 Réponse: Oui. Etant donné qu'il s'agit d'un établissement de restauration,
18 cet établissement était ouvert tous les jours.
19 Question: Vous nous avez également dit que, suite au décès de votre fils,
20 vous vous êtes rendu tous les jours au cimetière?
21 Réponse: Pendant les sept premiers jours, la coutume veut qu'on y aille
22 tous les jours. Le cimetière se trouve à 50 mètres de ma maison. Et comme
23 j'avais du personnel, comme j'allais souvent faire des approvisionnements
24 et comme je conduisais l'affaire, je gérais l'affaire, j'avais du
25 personnel qui travaillait, des femmes qui étaient employées au restaurant.
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1 Question: Et avez-vous continué à vous rendre au cimetière régulièrement?
2 Réponse: Eh bien, selon la coutume nous y allions par la suite au moins
3 une fois par semaine. Maintenant, moins souvent, en effet.
4 Question: Mais aurais-je raison de dire qu'au bout d'autant de temps, vous
5 ne pouvez plus être certain du nombre de jours qui se sont écoulés entre
6 les funérailles et le jour où Mitar Vasiljevic est venu dans votre maison?
7 Réponse: Oui, c'est exact, c'est bien ce que j'ai dit. Je n'arrive plus à
8 me rappeler la journée exacte, mais je sais que c'était dans l'une des
9 journées qui ont suivi de près la tragédie avec mon fils, son enterrement.
10 Donc cela devait se situait vers la mi-juin.
11 J'ai bien précisé qu'il s'était passé 7 à 8 jours entre l'enterrement et
12 cet épisode. Et ceux qui l'ont conduit ont également, j'imagine, témoigné.
13 Question: Vous nous avez dit que lorsqu'ils sont arrivés chez vous, il
14 était resté dans l'ambulance. On vous avait dit qu'il avait fait une chute
15 de cheval et vous, lui-même vous avait dit qu'il était tombé de cheval.
16 Que vous a-t-il dit au juste, s'agissant de ce qui lui était arrivé?
17 Réponse: Il m'a dit: "Eh bien, je suis tombé de cheval".
18 Question: Et lui avez-vous posé des questions sur comment cela s'est
19 passé, pourquoi, étant donné que vous saviez fort bien qu'il savait monter
20 à cheval?
21 Réponse: Croyez-moi bien que je n'arrive pas à m'en rappeler. Je crois que
22 j'avais presque rigolé dans cette situation pénible, parce que je lui
23 avais peut-être dit: "Mais comment se fait-il que tu sois tombé?". Mais je
24 ne pense pas lui avoir demandé comment il était tombé, je ne me souviens
25 pas du reste.
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1 Question: Donc il ne vous a, en fait, rien dit au sujet du fait de savoir
2 d'où venait ce cheval, comment il se faisait qu'il soit monté à cheval, et
3 ainsi de suite?
4 Réponse: Non.
5 Question: Mais vous a-t-il demandé quelque chose à boire?
6 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, on lui a sorti quelque chose à
7 boire. Ma femme l'a fait. De là à savoir quoi, je ne sais plus, mais elle
8 lui a porté à boire. Et je crois que les gens qui étaient venus, les deux
9 personnes qui étaient venues avaient dit: "Mais portez-lui quelque chose à
10 boire!".
11 Question: En tout et pour tout, il vous a apparu être normal, ce jour-là?
12 Il n'a pas laissé l'impression d'être saoul?
13 Réponse: Je n'ai pas pu remarquer s'il était saoul ou pas. Dans une
14 situation pareille, les gens ne sont pas dans un état normal. Il a eu une
15 fracture, donc il n'allait pas bien.
16 Question: Vous a-t-il demandé de l'alcool?
17 Réponse: Même s'il en avait demandé, je ne lui en aurais pas donné.
18 Question: Vous nous avez dit que vous avez rendu visite à Mitar Vasiljevic
19 pendant qu'il était au département d'orthopédie à l'hôpital d'Uzice. Cette
20 fois-là, vous êtes-vous entretenu avec lui, en lui ayant apporté ses
21 quelques effets?
22 Réponse: Oui, je me suis entretenu avec lui, je suis entré dans la pièce
23 ou il se trouvait.
24 Question: Et à ce moment-là, vous a-t-il peut-être raconté ce qu'il lui
25 était arrivé?
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1 Réponse: Eh bien, je savais déjà qu'il était tombé de cheval. On m'en
2 avait déjà parlé, enfin, il m'avait dit que ça lui était arrivé.
3 Question: Mais à ce moment-là, l'entretien que vous avez eu ne sortait en
4 rien du type usuel de conversation, n'est-ce pas?
5 Réponse: Non. On a parlé de choses affairant à la famille, et de choses et
6 d'autres.
7 Question: Vous nous avez également dit, aujourd'hui, qu'il était quelque
8 peu perdu au moment où il avait été amené au département psychiatrique. Et
9 vous avez également dit que vous ne pouviez pas le prouver, mais que cela
10 était peut être dû aux choses terribles qui étaient arrivées à Visegrad.
11 Est-ce que c'est lui-même qui vous a dit que ces choses terribles avaient
12 exercé une influence si grande sur lui, ou c'est vous qui avez fait cette
13 déduction?
14 Réponse: Etant donné qu'il ne répondait pas à mes questions –ou, si je
15 parlais d'une chose, lui reprenait par tout à fait autre chose-, j'en
16 avais déduit qu'il répondait à côté de ce que je posais comme question ou
17 du sujet que je traitais.
18 Question: Mais c'est vous qui avez déduit que cela était le cas, ou cela
19 est-il dû au décès de son cousin germain ou, éventuellement, aux choses
20 terribles arrivant à Visegrad? Qu'est-ce qui vous a incité à parler des
21 choses terribles à Visegrad?
22 Réponse: Eh bien, ces choses terribles se sont effectivement passées. Par
23 exemple, ces cinq hommes qui sont tués en une même journée, en l'espace
24 d'une heure. Parce qu'il y avait l'armée: quand il y avait yougoslave, les
25 Musulmans et les Serbes étaient ensemble et il n'y avait pas eu de morts.
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1 Et les premiers morts, c'étaient ces cinq personnes à Visegrad. Personne,
2 il n'y avait pas un Musulman ni un Serbe qui avait péri avant. Mais si, au
3 fait! Il y a un Serbe qui a péri un mois avant, mais c'était autre chose.
4 Par la suite, ces cinq morts ont constitué un événement qui avait vraiment
5 stupéfié, qui avait pétrifié la population.
6 Question: Ces cinq hommes dont vous parlez maintenant, c'étaient des
7 hommes qui ont été tués au moment où votre fils a été tué, n'est-ce pas?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Puis-je en conclure que, avant de l'avoir vu au département
10 psychiatrique, vous n'aviez pas remarqué de changement dans son
11 comportement? Etait-ce la première fois que vous aviez remarqué -comme
12 vous l'avez dit- qu'il s'était un peu perdu?
13 Réponse: On remarquait sur Mitar qu'il consommait trop d'alcool. Et je
14 crois que c'est l'alcool qui a fait qu'il se mettait dans cet état.
15 Question: Mais ce que je voulais dire, ou ce que je voulais vous demander,
16 c'est si c'est à ce moment-là, au département de psychiatrie, que vous
17 aviez remarqué des modifications, des changements dans son comportement.
18 C'est la chose que je voudrais tirer au clair.
19 Réponse: Laissez-moi vous dire. Aux funérailles de mon fils, je ne sais
20 s'il était très ivre, mais il est exact qu'il était ivre. Mais il avait
21 été très secoué. Je n'ai pas prêté attention en particulier à son état,
22 parce qu'il y avait beaucoup de gens; beaucoup de gens étaient venus
23 surpris par la mort d'un si grand nombre de personnes en une journée.
24 Et au moment où j'étais arrivé au département de psychiatrie, j'avais
25 remarqué qu'il avait complètement perdu ses esprits. Et je ne comprenais
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1 pas ce qu'il racontait: je parlais d'une chose et puis, lui, il parlait
2 d'une chose tout à fait autre.
3 Question: S'agissant des funérailles de votre fils, vous nous avez dit que
4 Mitar avait été très triste, qu'il avait été secoué lors des funérailles,
5 mais vous n'aviez pas dit qu'il était saoul. Dites-nous: a-t-il pleuré
6 lors de l'enterrement?
7 Réponse: Oui, pour autant que j'ai pu le remarquer. Enfin, je l'ai vu mais
8 Mitar n'était pas le seul à pleurer, beaucoup de gens ont pleuré.
9 Question: Et quand il est venu vous exprimer ses condoléances, l'a-t-il
10 fait en exprimant une certaine colère ou un sentiment de ce genre?
11 Réponse: Non.
12 Question: Mais diriez-vous que Mitar Vasiljevic et votre fils étaient très
13 proches, n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Par conséquent, le décès de votre fils a bouleversé dans une
16 grande mesure Mitar Vasiljevic tout comme d'autres parents proches, n'est-
17 ce pas?
18 Réponse: Oui, c'est exact.
19 Question: Donc, votre fils a péri dans des combats contre des Musulmans,
20 n'est-ce pas?
21 Réponse: Non, il n'y avait pas eu, à cette époque-là, de combats du tout.
22 Il faisait partie de la Défense territoriale, mais personne n'avait tiré
23 sur personne jusqu'à ce jour-là. Donc il n'y avait pas eu de morts jusque-
24 là, jusqu'à la mort de ces cinq hommes. Il faut que vous compreniez que
25 c'est à ce moment-là que la situation s'était aggravée à ce point-là. Mais
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1 à ce jour-là, aucun Musulman n'avait été, pour autant que je le sache, tué
2 jusqu'à ce jour-là.
3 Question: Est-il correct, donc, de dire que votre fils est mort et décédé
4 pendant qu'il se trouvait entre les mains des Musulmans?
5 Réponse: 100% sûr.
6 Question: Et Mitar Vasiljevic ne vous a jamais dit qu'il voudrait prendre
7 une revanche, se venger de cela?
8 Réponse: Non, il ne me l'a jamais dit.
9 Mme Bauer (interprétation): Plus de questions.
10 M. le Président (interprétation): Questions en supplément, Maître Domazet?
11 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Dobrivoje Sikiric,
12 par Me Domazet.)
13 M. Domazet (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
14 Monsieur Sikiric, en ce qui concerne cette dernière question de Mme Bauer,
15 vous avez dit que Mitar ne vous a jamais confié quelque chose dans ce
16 sens-là. Mais vous qui connaissiez directement, personnellement Mitar, et
17 Mitar qui était secoué par le décès, la mort de votre fils, est-ce qu'il
18 aurait pu tuer, aller tuer quelqu'un, quelqu'un qui n'avait rien à faire
19 avec la mort de votre fils?
20 M. Sikiric (interprétation): Oui. Connaissant Mitar Vasiljevic, je pense
21 qu'il n'aurait pas pu le faire. Je connais, et puis je connais des
22 générations de ma famille; personne n'avait jamais participé à ce genre de
23 revanche.
24 Question: Répondant à une question de Mme Bauer, vous avez dit qu'à
25 l'époque, ce n'était pas une guerre à véritablement parler, et ces cinq
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1 personnes qui ont été tuées, donc votre fils, que c'étaient les premières
2 victimes?
3 Réponse: Oui, les premières victimes. Il y avait une victime musulmane au
4 centre de la ville de Visegrad et les cinq personnes en question,
5 c'étaient les premières victimes. Mais jusqu'alors, il n'y avait pas de
6 victimes musulmanes, ou parmi les Musulmans.
7 Question: D'après ce que vous saviez?
8 Réponse: Oui, d'après ce que je savais.
9 Question: Et cette première victime, ce Serbe que vous avez mentionné,
10 est-ce que vous connaissez son nom et prénom?
11 Réponse: Oui, certains gens le connaissaient, le savaient. Lorsqu'il
12 s'agit de Visegrad.
13 Question: Merci, Monsieur Sikiric. Je n'ai plus d'autres questions.
14 M. Sikiric (interprétation): Est-ce que je pourrais dire quelque chose?
15 M. le Président (interprétation): Je pense que vous avez répondu aux
16 dernières questions qui vous ont été posées. Je pense qu'il ne serait pas
17 le moment que vous vous étendiez sur ces choses-là.
18 Vous pouvez disposer.
19 M. Sikiric (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 (Le témoin, M. Dobrivoje Sikiric, est reconduit hors du prétoire.)
21 M. le Président (interprétation): Les Juges devraient donc avoir en cours…
22 Je pense que demain on ne travaillera pas durant la matinée, mais on
23 travaillera de 1 heure à 2 heures 30 et puis de 3 heures à 4 heures. Donc
24 malheureusement, on ne peut pas commencer nos travaux avant 1 heure
25 demain. Donc, je ne peux pas vous rassurer qu'on pourrait commencer nos
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1 travaux avant 13 heures demain.
2 M. Groome (interprétation): En attendant le dernier témoin de la semaine,
3 est-ce que je pourrais demander à M. Domazet s'il y aurait d'autres
4 témoins, afin que nous puissions nous préparer pour ce dernier témoin?
5 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, il y a aujourd'hui un
6 groupe de témoins qui est arrivé. Dans ce groupe de témoins, j'espérais
7 que si l'on termine avec le docteur Radomir Vasiljevic demain, eh bien,
8 qu'on aura un autre témoin, Mme Milena Tomasevic qui est l'infirmière de
9 l'hôpital, du département psychiatrique à Uzice. Et ensuite, je vous
10 préparerai la liste des témoins pour la semaine prochaine.
11 (Le témoin, M. Radomir Vasiljevic, est introduit dans le prétoire.)
12 M. le Président (interprétation): Si ce témoin n'arrive pas demain, est-ce
13 que vous voudrez bien contacter le Bureau du Procureur pour l'en informer?
14 M. Domazet (interprétation): Je pense avoir été informé par le service
15 compétent, et je pense que ce groupe de témoins est arrivé à La Haye.
16 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, bonjour.
17 Veuillez bien prononcer la déclaration solennelle.
18 M. R. Vasiljevic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai
19 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. le Président (interprétation): Merci au témoin.
21 Maître Domazet, vous avez la parole.
22 (Interrogatoire principal du témoin, M. Radomir Vasiljevic, par Me
23 Domazet.)
24 M. Domazet (interprétation): Bonjour, Monsieur Vasiljevic.
25 Au nom de la défense, j'entends vous poser quelques questions. Et étant
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1 donné que nous parlons la même langue, je vous prie de faire une pause
2 après ma question. Et puis, vous pouvez suivre sur le moniteur la fin de
3 la traduction en anglais. Donc, essayez de faire une pause pour les
4 interprètes et pour le compte rendu d'audience, et pour les Juges ici
5 présents.
6 Monsieur Vasiljevic, est-ce que vous voudriez bien me dire votre nom?
7 M. R. Vasiljevic (interprétation): Vasiljevic Radomir, né le 27 février
8 1952 dans le village de Djurevici, près de Visegrad.
9 Question: Veuillez bien nous dire où vous avez terminé vos écoles, quel
10 genre de scolarisation vous avez suivi et quelle formation?
11 Réponse: J'ai terminé l'école secondaire primaire à Visegrad, la faculté
12 de médecine à Belgrade
13 et j'ai fait mon stage de spécialisation à Banja Luka.
14 Question: Où est-ce que vous habitiez? Vous êtes résident où?
15 Réponse: Je suis résident de Visegrad.
16 Question: Depuis quand?
17 Réponse: Je vis à Visegrad depuis ma naissance et puis avec des
18 interruptions, formations universitaires, mais je pourrais dire que je
19 suis à Visegrad depuis 1987. Et puis, j'ai résidé pendant un certain
20 moment à Kladanj.
21 Question: Et depuis 1987, quels étaient vos engagements professionnels?
22 Réponse: J'ai été médecin à Visegrad. Et puis, à partir d'octobre 1993, je
23 suis devenu directeur du centre médical de Visegrad.
24 Question: En parlant de la date de votre naissance, vous parliez du
25 village de Djurevici. Et puis là, j'enchaîne en vous demandant la question
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1 suivante: est-ce que vous connaissez Mitar Vasiljevic?
2 Réponse: Je connais Mitar Vasiljevic depuis sa naissance pratiquement,
3 puisqu'il a quelques années de moins que moi.
4 Question: Monsieur Vasiljevic, étant donné que vous portez le même nom de
5 famille, est-ce que vous êtes en quelque rapport familial que ce soit avec
6 Mitar Vasiljevic?
7 Réponse: Oui, nous sommes en rapports familiaux.
8 Question: Relation familiale plus proche ou plus éloignée?
9 Réponse: Non, ce ne serait pas une relation familiale très étroite, mais
10 je pense que nos arrière-grands-pères étaient frères. Je ne pourrais pas
11 vous donner exactement ce que représentaient ces relations familiales.
12 M. Domazet (interprétation): Si vos arrière-grands-pères étaient des
13 cousins, mettons, donc ce n'est pas une relation familiale très étroite,
14 mais un peu plus lointaine. Seriez-vous d'accord avec ma constatation?
15 Réponse: Oui, je suis tout à fait d'accord avec cette description, ce que
16 vous venez de dire.
17 Question: Etant donné que vous avez dit que vous connaissez Mitar
18 Vasiljevic, quand et comment avez-vous remarqué, aperçu Mitar Vasiljevic?
19 Et qu'est-ce que vous savez à propos de sa famille?
20 Réponse: J'ai déjà dit que je connais Mitar depuis sa naissance. Et,
21 pendant tout ce temps, je ne pourrais pas évoquer quelques objections ou
22 remarques en ce qui concerne son comportement, sa conduite. Un homme qui
23 n'est pas agressif, qui n'est pas enclin à l'agressivité, à se lancer dans
24 des disputes, ainsi de suite.
25 Et puis, je connais aussi sa famille. Je connais son père, sa mère, ses
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1 frères. Il s'agissait d'une famille correcte, honnête. Et puis, je
2 connaissais aussi et je connais ses enfants: ils étaient tout près de
3 nous, nos premiers voisins pratiquement.
4 Et puis là, il n'y aurait pas de chose à signaler, à caractériser comme
5 quelque chose de mauvais, négatif, donc quelque chose qui serait négatif
6 pour nos rapports familiaux et pour nos rapports de bon voisinage, de bons
7 voisins.
8 Question: Est-ce que vous le connaissiez aussi selon ce qu'il faisait, le
9 métier qu'il exerçait?
10 Réponse: Oui, je sais qu'il était garçon de café et serveur, qu'il
11 travaillait dans différents lieux de restauration, d'hôtellerie à
12 Visegrad. Et puis, il travaillait dans une entreprise et, dans le cadre de
13 cette entreprise, on le réacheminait sur différents postes. Enfin, je n'ai
14 rien de mal ou de négatif à dire en ce qui concerne son travail et son
15 comportement.
16 Question: Puisqu'on parle de sa profession, de son travail professionnel,
17 est-ce que vous avez, vous connaissiez son penchant pour l'alcool?
18 Réponse: Oui, oui. Il aimait boire.
19 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion de le voir ivre, alcoolisé,
20 exagérant, abusant de la consommation d'alcool plus que d'habitude
21 tolérable?
22 Réponse: Oui, j'ai eu l'occasion de le voir vraiment ivre.
23 Question: Est-ce que vous pourriez nous décrire son comportement dans ces
24 situations-là? Quelle était sa conduite dans ces situations-là?
25 Réponse: Le comportement de Mitar Vasiljevic était tout de même
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1 acceptable. Il était correct. Il n'était pas quelqu'un qui abusait, qui
2 était enclin à des excès, à faire valoir ce genre de situation dans le
3 sens négatif.
4 Question: Je reviens à votre métier, à votre profession: médecin. Vous
5 nous avez dit que, pendant tout ce temps-là, vous travailliez dans ce
6 centre médical. Depuis 1983, vous étiez nommé directeur de ce centre
7 médical.
8 Essayons de revenir à cette période de 1992. Est-ce que vous vous souvenez
9 du mois de mai de 1992 et des événements ou de ce qui se passait la
10 deuxième quinzaine du mois de mai à Visegrad? Donc en l'année 1992? Est-ce
11 que vous pourriez nous dire quelque chose à ce propos?
12 Réponse: Oui, je me souviens de cette période; j'étais sur place. Et je
13 dois souligner que beaucoup de temps s'était passé depuis ces événements.
14 Et puis, il y a pas mal de choses qu'on a fini par oublier. Et puis, je ne
15 sais pas quelles sont les choses qu'il faudrait distinguer dans le cadre
16 de cette période, période qui couvre l'année 1992.
17 Elle s'est écoulée, cette année 1992, comme toutes les autres années de la
18 guerre. On manquait de pas mal de choses, y compris le carburant, y
19 compris l'équipement, y compris les cadres professionnels.
20 Question: Au niveau de votre profession à proprement parler, est-ce que,
21 dans cette période-là et dans le centre médical, est-ce que vous receviez
22 des patients musulmans et serbes?
23 Réponse: 1992? Au cours de toute l'année 1992, on admettait tous les
24 patients, tous ceux qui avaient besoin de nos soins, c'est-à-dire des
25 médecins qui travaillaient dans ce centre médical. Et à ce niveau-là, il
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1 n'y a pas eu de problème, aucun problème.
2 Question: Est-ce que vous vous souvenez que, dans cette même période, vous
3 étiez en position de porter vos soins à Mitar Vasiljevic? Enfin, dans une
4 quelconque occasion?
5 Réponse: Au cours du mois de mai 1992, enfin, je ne me souviens plus si
6 c'était moi qui avais porté soin à Mitar Vasiljevic. Donc, parlant
7 toujours du centre médical de la ville, est-ce que c'était fin mai, début
8 juin? Mais ce n'était pas dans le centre médical, mais plutôt dans la
9 caserne d'Uzamnica, c'est-à-dire dans la caserne de la JNA avant la
10 guerre.
11 Question: Je ne pensais pas, oui, exactement, je ne pensais pas à ce
12 centre médical uniquement. Mais vous aviez eu la possibilité de lui porter
13 soin. Quelle a été cette occasion, donc, lorsque vous lui avez porté soin,
14 fin mai, début juin? En quoi consistaient ces soins que vous lui
15 apportiez?
16 Réponse: Voilà, je me reprends pour vous relater certains événements, pour
17 se souvenir de ces temps-là, de cette période.
18 Sur l'appel du capitaine Kovacevic, deux appels au cours de la journée,
19 donc adressés au centre médical où je travaillais. Peut-être que vers 21
20 heures, vers 20 heures… Enfin, il faisait déjà nuit, on ne pouvait plus
21 rien voir dehors. Eh bien, je me suis rendu à la caserne d'Uzamnica. Le
22 capitaine Kovacevic m'a informé par téléphone qu'il s'agissait de
23 quelqu'un qui faisait partie de ma famille, de Mitar Vasiljevic, donc d'un
24 patient qui était en crise, qui refusait de manger, qu'il avait des
25 problèmes, qu'il avait un comportement du moins des plus étranges.
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1 Et puis, c'est sur cet appel que je me rends à là caserne à Uzamnica, qui
2 était avant la guerre une caserne à proprement parler. Et c'est là que je
3 retrouve Mitar Vasiljevic dans un bâtiment dénommé "commandement",
4 "Komanda".
5 Eh bien, ils y avaient amené Mitar Vasiljevic pour quelques instants. J'ai
6 fait un examen qui s'imposait et on a fait le nécessaire.
7 Question: Si je vous ai bien compris, vous n'étiez pas dans la pièce où il
8 se trouvait mais lui, il a été amené dans un bâtiment que l'on appelait
9 "commandement"?
10 Réponse: Oui. Après avoir passé l'entrée dans la caserne, traversé
11 l'entrée, je suis entré dans ce bâtiment appelé "commandement". Et puis,
12 quelques minutes après, ils ont amené Mitar Vasiljevic. Mais je n'ai
13 jamais visité l'espace ou la pièce dans laquelle Mitar Vasiljevic se
14 trouvait actuellement, jusqu'à ce moment.
15 Question: Vous venez de nous donner une description de la caserne
16 d'Uzamnica, qui était donc une caserne de l'ex-JNA, mais vous n'avez pas
17 situé exactement l'événement à cette époque-là. Et quelle a été son
18 affectation?
19 Réponse: Comme je l'ai dit, la JNA l'utilisait comme entrepôt de munitions
20 avant la guerre. Et puis, plus tard, on me l'a dit, je l'ai appris, on
21 l'utilisait comme une sorte de camp, comme une sorte de prison,
22 prisonniers de guerre, et même nos soldats qui étaient condamnés pour une
23 autre raison ou pour autre chose.
24 Question: Vous le dites pour la période d'après. Mais fin mai, début juin,
25 lorsque vous vous êtes rendu dans la caserne, qu'est-ce que représentait
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1 l'ex-caserne d'Uzamnica? Est-ce que vous pouvez nous l'indiquer? Est-ce
2 que vous le connaissez?
3 Réponse: A ce moment précis, je savais que Mitar Vasiljevic s'y trouvait.
4 Et puis, à peu près, je savais à quelles fins on utilisait cette caserne.
5 Question: Et saviez-vous pourquoi Mitar Vasiljevic s'y trouvait?
6 Réponse: Je l'avais déjà appris dans l'entretien, au cours de l'entretien
7 que j'ai eu avec le capitaine Kovacevic. Et puis, cet homme qui m'a
8 conduit jusqu'à la caserne d'Uzamnica, donc du centre médical à la
9 caserne.
10 Question: Et ils vous ont dit quoi?
11 Réponse: Ils m'ont dit que Mitar s'y trouvait en sa qualité de prisonnier,
12 et que, dans cette prison il se trouvait parce qu'il y avait eu
13 malentendu, dissensions entre lui et ses supérieurs.
14 Question: Vous venez de dire que vous l'avez entendu de Kovacevic et de la
15 personne qui vous accompagnait. Et qui était cette personne qui vous
16 accompagnait, à ce moment-là?
17 Réponse: Moi-même et l'infirmière du centre médical, eh bien, nous étions
18 en compagnie de (expurgé).
19 Question: Et est-ce que vous savez où cette personne-là travaillait à
20 l'époque?
21 Réponse: Non, je ne sais pas où il travaillait à ce moment-là.
22 Question: Avant cette période de l'année 1992, est-ce que la ville de
23 Visegrad avait une prison, une prison pour détention à vue, une prison de
24 droit commun, une prison tout court, une prison d'instruction notamment?
25 Réponse: A un moment donné, Visegrad avait une prison, une prison où on
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1 purgeait des peines très courtes, une prison d'instruction. Mais vraiment,
2 c'est quelque chose à quoi je ne peux pas répondre. Enfin, combien de
3 temps cette prison a fonctionné, je ne pourrais pas le dire.
4 Question: Savez-vous depuis combien de temps Mitar Vasiljevic était déjà à
5 Uzamnica au moment où on vous a fait venir à Uzamnica pour cet examen
6 médical, pour cette consultation médicale?
7 Réponse: Toujours au cours de cet entretien que j'ai eu avec Kovacevic,
8 j'ai appris qu'il s'y trouvait depuis deux jours, ou peut-être même
9 plusieurs jours. Mais là, aujourd'hui, je ne suis plus certain en ce qui
10 concerne ce point.
11 Question: Au moment où vous y étiez sur place, est-ce qu'on vous a dit
12 combien de temps on allait le retenir encore sur place, donc en prison?
13 Réponse: Après cet examen médical de Mitar Vasiljevic et l'entretien que
14 j'ai eu, c'était quelque chose de décisif. En effet, je suis arrivé à
15 conclure qu'il faudrait le laisser partir. Il ne s'agissait pas d'un délit
16 de simple police. Et puis, j'ai proposé qu'on le lâche, qu'on le fasse
17 sortir étant donné son état psychologique; et Kovacevic m'avait promis au
18 cours de la soirée ou au cours du jour suivant. Est-ce qu'on l'a fait? Je
19 ne peux pas être certain. En ce qui concerne cela, je ne pourrais pas vous
20 le confirmer et dire avec certitude.
21 Question: Donc, ceci dit, vous ne savez pas de fait quand est-ce qu'il a
22 été relâché de cette prison à Uzamnica?
23 Réponse: Oui, je ne le sais pas exactement. Mais je sais qu'après mon
24 départ d'Uzamnica, Mitar a été relâché. Est-ce que c'était le soir même,
25 le lendemain? Je ne saurais pas vous le dire avec certitude et exactitude.
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1 Question: Monsieur Vasiljevic, avez-vous eu par la suite, au bout des
2 quelques jours que vous avez mentionnés, de revoir Mitar Vasiljevic?
3 Réponse: Ce que je puis vous dire, c'est que je voyais Mitar Vasiljevic de
4 façon relativement rare, compte tenu de mes obligations au centre médical
5 et du temps que je passais là-bas avec les collègues avec qui je
6 travaillais. Mais j'ai eu l'opportunité de revoir Mitar disons 7 ou 8
7 jours après.
8 Question: Est-ce que vous vous rappelez l'opportunité? Est-ce que vous
9 pourriez décrire dans quelles circonstances vous l'avez revu?
10 Réponse: Ce n'étaient pas des circonstances particulières ou spéciales.
11 J'ai revu Mitar dans la rue avec un groupe de personnes. Ils étaient en
12 train de nettoyer la ville et, si mes souvenirs sont bons, ils avaient
13 ramassé des débris, des débris de glace parce que cela faisait du bruit.
14 Et un groupe de personnes nettoyait les murs, c'est-à-dire grattait les
15 affiches et les inscriptions qui avaient été portées sur l'un des
16 immeubles de Visegrad.
17 Question: Et cette fois-là, que faisait Mitar Vasiljevic? Qu'avez-vous
18 remarqué?
19 Réponse: Eh bien, j'avais l'impression qu'il avait organisé ces gens-là à
20 faire ce travail, qu'il avait une sorte de rôle dirigeant dans l'équipe.
21 Question: Quand vous dites "j'avais l'impression", dites-nous ce qui vous
22 a fait penser qu'il en était ainsi?
23 Réponse: Eh bien, ce qui est fort probable, c'est qu'à ce moment-là il
24 avait sur sa manche une espèce de bande, de brassard comme en portaient
25 les gens qui étaient de permanence au sein de certaines compagnies,
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1 entreprises. C'est ce qui m'a fait penser qu'il était une sorte
2 d'organisateur ou de donneur d'ordre au sein du groupe.
3 Question: Pourriez-vous nous décrire le brassard en question?
4 Réponse: Je crois qu'il s'agissait d'un brassard de couleur rouge.
5 Question: Et où exactement portait-il ce brassard?
6 Réponse: Au-dessus de son coude. Je ne sais plus si c'était au bras gauche
7 ou au bras droit.
8 Question: Auriez-vous remarqué, sur ce brassard, quoi que ce soit d'autre?
9 J'entends un insigne quelconque ou une couleur autre que celle que vous
10 venez de nous mentionner?
11 Réponse: Non, je ne me souviens pas avoir vu quoi que ce soit d'autre.
12 Question: Et cette fois-là, avez-vous remarqué si Mitar Vasiljevic portait
13 une arme quelconque?
14 Réponse: Il n'avait pas d'arme.
15 Question: Et pourriez-vous vous souvenir du type de vêtements qu'il
16 portait, si tant est que cela vous est possible?
17 Réponse: Je ne saurais vous dire avec précision mais si mes souvenirs sont
18 bons, il devait porter des vêtements foncés.
19 Question: Mais militaires ou civils?
20 Réponse: Je pense qu'il s'agissait de vêtements civils.
21 Question: Vous souvenez-vous de l'une quelconque des personnes faisant
22 partie de ce groupe, personne que vous auriez remarquée, reconnue, et qui
23 aurait pris part à ces activités de nettoyage?
24 Réponse: Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas d'avoir reconnu qui
25 que ce soit. Il faut dire que je suis passé vite, je ne me suis pas
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1 attardé du tout.
2 Question: Etait-ce la seule occasion où vous avez pu le remarquer faire ce
3 travail, ou alors l'avez-vous vu à quelque autre reprise faire ce même
4 travail?
5 Réponse: Je ne me souviens pas de l'avoir revu, mais j'ai ouï dire que
6 Mitar Vasiljevic avait vaqué au nettoyage de la ville ou à l'organisation
7 du nettoyage de la ville.
8 Question: Qui vous l'a dit? Est-ce que vous vous en souvenez?
9 Réponse: Je ne me souviens pas qui me l'avait dit. Probablement des gens
10 qui venaient au centre médical et qui, auparavant, étaient passés par la
11 ville.
12 Question: Comment ces gens-là avaient-ils commenté l'action, l'activité en
13 question? De façon positive ou négative? Avait-on parlé de problèmes ou
14 quoi que ce soit d'autre?
15 Réponse: En général, les réactions étaient positives parce que, à
16 l'époque, personne n'aurait nettoyé la ville si Mitar Vasiljevic n'avait
17 pas accédé à l'organisation du nettoyage de la ville. Je ne sais si cela
18 était fait sur l'ordre de quelqu'un ou si cela était fait sur sa propre
19 initiative.
20 Question: Vous nous aviez dit que vous avez rarement eu l'occasion d'aller
21 vers le centre ville parce que vous avez eu beaucoup d'obligations. Vos
22 obligations de médecin avaient-elles en même temps été des obligations de
23 travail ou une sorte d'obligation militaire, à l'époque? Et pendant
24 combien de temps par jour étiez-vous astreint à cette obligation-là?
25 Réponse: Eh bien, peut-être devrais-je vous expliquer plus longuement la
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1 chose. En effet, lors de l'éclatement des conflits nous avons, légalement
2 parlant, accédé à une sorte de vide juridique sans instruction, sans
3 attribution particulière, sans information. Ce qui fait que nous avons dû
4 nous débrouiller et fonctionner comme nous pensions devoir le faire,
5 c'est-à-dire de la façon que nous nous avions jugé comme étant la
6 meilleure au moment donné.
7 Il s'agissait donc d'une espèce d'auto organisation de nous qui étions
8 employés par ce centre médical. Ainsi, nous passions en général la
9 totalité de notre temps au centre médical. Il y avait peu de médecins, peu
10 de cadres; il y avait une pénurie de cadres techniques, donc de la
11 formation secondaire. Nous allions pratiquement à la maison une fois par
12 semaine et tout le reste du temps, nous le passions au centre médical en
13 travaillant à chaque fois que cela était nécessaire. Donc, sans avoir
14 d'horaires de travail déterminés.
15 Je dois vous dire aussi que, pendant toute la guerre, ce centre médical a
16 continué à fonctionner comme un établissement civil; à aucun moment il
17 n'avait été mué en établissement militaire. Mais nous nous sommes chargés
18 également des soins à apporter aux soldats, aux officiers, aux blessés et
19 ainsi de suite.
20 Question: L'intervention du médecin, les visites médicales et tout le
21 reste, cela avait-il, à l'époque, été facturé au patient?
22 Réponse: Tous les services au centre médical étaient absolument gratuits.
23 J'affirme qu'il n'a jamais été question de paiement de ces services au
24 centre médical, de paiement quel qui qu'il soit.
25 Question: C'est pour ce qui concerne les patients. Mais avait-il été de
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1 coutume de facturer ce type de service à quelqu'un, à un établissement
2 quelconque, à un établissement sanitaire, un établissement d'assurance.
3 Ou, s'il s'agissait de membres de l'armée, de l'établissement afférent?
4 Quelle était la pratique à l'époque?
5 Réponse: Voyez-vous, selon le système de sécurité sociale qui avait été
6 mis en place au sein de cette Yougoslavie socialiste, tous les citoyens
7 bénéficiaient d'une sécurité sociale. La couverture sociale était
8 pratiquement absolue. Tous avaient droit à des soins médicaux gratuits. Et
9 l'on notait les renseignements afférent aux citoyens, et les services
10 fournis aux citoyens qui s'étaient présentés à tel établissement médical
11 étaient facturés au fonds d'assurance maladie approprié. Et c'est ce
12 fonds-là qui payait l'établissement médical.
13 Mais au début de la guerre, tout cela est tombé à l'eau et ce n'est qu'en
14 1993 que nous avons établi les premiers contacts et que nous avons appris
15 qu'il y avait un quelconque ministère de la Santé au sein de la Republika
16 Srpska.
17 Donc, je viens de dire que toute cette organisation était tombée à l'eau
18 et que notre centre médical, en sa qualité d'organisation, était
19 entretenu, si je puis m'exprimer ainsi, par la municipalité et vivait
20 essentiellement sur de l'assistance humanitaire.
21 Mais je tiens à réitérer une fois de plus que tous nos services avaient
22 été complètement gratuits.
23 Question: Veuillez nous dire quelle était la façon dont vous inscriviez au
24 registre les patients qui venaient se faire soigner dans votre
25 établissement?
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1 Réponse: Cela aussi avait été réglementé par la législation en vigueur,
2 c'est la façon dont on enregistrait tout cela. Evidemment, en temps de
3 guerre, nous avons par inertie continué à fonctionner comme cela avait été
4 le cas avant la guerre, et la façon dont nous avons enregistré cela avait
5 été la même: donc un registre, un protocole, des bordereaux d'envoi ou de
6 réception.
7 Donc on s'efforçait de laisser, de ménager des traces écrites du passage
8 d'un tel ou d'un tel autre, des traces écrites sur ce qu'on avait
9 administré comme thérapeutique à tel patient, quand, quoi, à quelle dose
10 et ainsi de suite.
11 Autrement dit, ces protocoles-là constituaient des documents de base pour
12 des établissements de santé quels qu'ils soient, et cela est encore le cas
13 de nos jours.
14 Question: Lorsque vous dites que ce protocole constitue un document de
15 base et que cela est le cas de nos jours aussi, est-ce que cela veut dire
16 que tous les patients venant vous voir doivent être enregistrés au
17 protocole, à ce livre des patients de passage?
18 Réponse: Oui, c'est précisément ce que cela veut dire. Tous ceux qui
19 viennent pour des consultations médicales ou qui bénéficient d'un service
20 quelconque au niveau du centre médical sont recensés à l'intérieur de ce
21 protocole, et ce document est conservé.
22 Je crois que la chose fait l'objet de certaines dispositions légales
23 concernant la sauvegarde de la documentation d'une manière générale.
24 Question: Est-ce le cas du centre médical de Visegrad dont vous êtes le
25 directeur à présent? Est-ce que l'on conserve là-bas les protocoles des
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1 années précédentes, des années écoulées?
2 Réponse: Oui, tous les protocoles qui ont été rédigés depuis, et depuis
3 que je suis directeur, sont conservés et sont accessibles aux personnes
4 intéressées. Ce que je puis vous dire aussi, c'est que les gens qui ont
5 perdu leur documentation médicale et qui avaient accédé à des droits, à
6 certains droits émanant de la législation, qu'ils aient été blessés ou
7 qu'ils aient souffert de maladie contagieuse ou quoi que ce soit d'autre,
8 viennent s'adresser à notre centre, de nos jours encore, pour obtenir des
9 attestations dans ce sens. Et ces attestations leur servent de document
10 officiel pour leur permettre d'accéder à des droits donc ils avaient
11 bénéficié par le passé, à quelque moment que ce soit.
12 Question: En sus de cette obligation légale dont vous avez parlé, cela
13 doit pouvoir permettre à ces patients de prouver qu'ils avaient été
14 traités de telle ou telle façon, ou contre telle ou telle maladie à une
15 époque dans le passé? Mais est-ce que je vous ai bien compris?
16 Réponse: Oui, vous m'avez parfaitement bien compris.
17 Question: Outre le protocole au sujet duquel vous avez dit qu'il
18 s'agissait d'un document de base, d'un document fondamental, y avait-il
19 d'autres registres? Ou plutôt, laissez-moi vous demander la chose
20 suivante: y avait il des cartons, des fichiers afférents au patient, oui
21 ou non?
22 Réponse: Oui, ces fichiers-là existaient. Ces fichiers existaient
23 s'agissant de personnes qui avaient déjà été soignées au sein du centre
24 médical. Et il y avait des fichiers au niveau des femmes au logis, des
25 enfants. Mais il y a eu des gens qui, pendant la guerre, se sont présentés
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1 pour la première fois au centre médical et qui ne disposaient pas de
2 cartons, de fichiers de ce type. Et étant donné que, s'agissant de ces
3 fichiers, l'on y portait tous les renseignements nécessaires et ces mêmes
4 renseignements étant repris par le protocole -parce que le patient en
5 question reçoit un fichier, son fichier, et le porte d'une infirmerie à
6 l'autre ou d'un département à l'autre-, il arrivait qu'il perde le fichier
7 en question. Il fallait donc s'assurer de la sauvegarde de ces
8 renseignements.
9 Aussi, la pratique de la mise à jour et de la conduite de protocole dont
10 nous avons parlé tout à l'heure existe dans le domaine de la santé depuis
11 que j'en fais partie.
12 Question: Donc à la différence de ces fichiers où l'on portait certains
13 renseignements également, ces cartons étant portés par les patients fort
14 souvent quand ils allaient voir un médecin puis un autre, tout ce qui y
15 était porté était repris par le protocole et ne s'en allait nulle part,
16 cela restait au niveau de l'établissement, si je vous ai bien compris?
17 Réponse: Plus ou moins, oui, c'est cela. A l'exception près que, dans le
18 fichier, vous aviez beaucoup plus de renseignements concrets, de détails,
19 que cela n'est le cas dans le protocole parce que vous avez plus de place
20 que dans le protocole pour porter ce type de renseignements.
21 Dans le protocole, vous aviez d'habitude le diagnostic, la thérapeutique
22 administrée, les préconisations pour ce qui est du suivi de son traitement
23 et les renseignements concernant, par exemple, son transport vers un autre
24 établissement sanitaire par ambulance ou par un moyen de transport public.
25 La thérapeutique préconisée ou s'il s'agissait, par exemple, de
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1 l'administration orale de comprimés, vous pouviez retrouver des
2 renseignements disant qu'il avait reçu une prescription médicale pour ce
3 procurer tel ou tel médicament dans une pharmacie. Voilà.
4 Question: Mais pourriez-vous nous dire qui inscrivait les renseignements
5 portés dans ce registre, dans ce protocole?
6 Réponse: Croyez-moi bien que je n'ai jamais eu l'occasion de lire un
7 règlement quelconque disant qui est censé porter ces renseignements. Mais
8 je puis vous dire comment les choses fonctionnent.
9 S'agissant de ces renseignements-là, ils sont portés dedans d'habitude par
10 le médecin traitant pour une partie, la partie qui concerne le diagnostic.
11 Le nom, prénom et les autres renseignements d'ordre général sont inscrits
12 par une infirmière. Et comme le patient recevait, par exemple, des
13 prescriptions médicales de la part du médecin, l'infirmière inscrivait
14 dans le protocole les médicaments prescrits dans un casier ou un espace à
15 part, ce qui fait que vous aviez des renseignements inscrits par le
16 médecin et des renseignements inscrits par l'infirmière.
17 Il arrivait, toutefois, que le médecin demandait à l'infirmière d'inscrire
18 toutes les données. Donc il lui dictait le diagnostic et la thérapeutique,
19 et l'infirmière inscrivait au protocole l'ensemble des données. Donc il
20 n'y avait pas, je pense, de règlement prescrivant dans le détail la façon
21 de procéder.
22 Question: Mais le fait d'inscrire des patients au sein de ce protocole se
23 fait-il dans l'ordre chronologique, c'est-à-dire d'un jour à l'autre et
24 suivant l'ordre de présentation des patients aux visites médicales ou aux
25 consultations?
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1 Réponse: Exactement. Les gens sont inscrits de façon chronologique et si
2 vous feuilletez l'un de ces protocoles, vous pouvez vous rendre compte que
3 les gens sont rangés dans l'ordre de leur présentation. Il n'est pas
4 permis de se servir d'espaces intermédiaires entre les différentes
5 rubriques ou cases prévues pour les patients. Parce que, si l'on commet
6 une erreur dans l'inscription de certains renseignements, je crois qu'il
7 doit y avoir des dispositions légales qui disent depuis d'avant la guerre
8 que l'on a le droit de remédier à l'erreur, de rectifier l'erreur, mais
9 que les renseignements inscrits au préalable devaient être barrés de façon
10 a être visibles et lisibles par la suite, afin que l'on puisse voir donc
11 que, si rectification il y a eu, que la rectification soit toujours
12 visible et lisible, et que le médecin puisse se rendre compte de ce qui a
13 été apporté ou rectifié.
14 Question: C'est la façon de faire, s'il y avait eu une erreur qui devait
15 être rectifiée au protocole?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Donc il y avait un numéro d'ordre et une date de présentation du
18 patient?
19 Réponse: Oui, la date était obligatoire.
20 Question: Puis viennent les renseignements dont vous avez parlé, à savoir
21 les données personnelles, le diagnostic, les médicaments prescrits et le
22 département où l'on avait envoyé le patient, éventuellement; est-ce bien
23 ainsi que vous avez expliqué la situation?
24 Réponse: C'est exact.
25 M. Domazet (interprétation): Dites-moi maintenant, je vous prie, s'il
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1 existait un registre quelconque où l'on recenserait les appels aux
2 urgences, pour ce qui est des intervention des chauffeurs d'ambulance et
3 des véhicules? Est-ce qu'un registre de ce type, en guise de documentation
4 officielle, existait ou pas? J'entends surtout, ici, l'année 1992.
5 M. R. Vasiljevic (interprétation): Un tel registre n'a jamais existé au
6 centre médical ni avant la guerre, ni pendant la guerre, ni à la période
7 que vous avez mentionnée. Si mes souvenirs sont bons, il n'avait pas été
8 prévu l'existence d'un tel registre.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Domazet, je crois que cela
10 pourrait être un bon moment, un moment propice pour proposer au versement
11 au dossier le registre que vous avez fourni au Bureau du Procureur. Je ne
12 sais pas quel est le numéro suivant de disponible. Il me semble que c'est
13 le 24.
14 M. Domazet (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit du n°26.
15 M. le Président (interprétation): Fort bien, 26.
16 M. Domazet (interprétation): Mais je crois aussi...
17 M. le Président (interprétation): Y a-t-il quelque objection, Monsieur
18 Groome?
19 M. Groome (interprétation): Non, Monsieur le Président.
20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
21 Donc le protocole de cet hôpital, ou plutôt, du centre médical de Visegrad
22 portera la cote 26. Nous allons reprendre nos travaux demain à 13 heures.
23 (L'audience est levée à 16 heures.)
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