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1 (Vendredi 29 novembre 2002.)
2 (Audience publique.)
3 (Jugement.)
4 (L'audience est ouverte à 10 heures.)
5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, voulez-vous appeler
6 l'affaire, s'il vous plaît?
7 Mme Philpott (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit de
8 l'affaire IT-98-32-T, le Procureur contre Mitar Vasiljevic.
9 M. le Président (interprétation): Les parties se présentent, s'il vous
10 plaît. Pour l'accusation?
11 M. Groome (interprétation): Dermot Groom, Frederick Ossogo, Sabine Bauer
12 avec l'assistance de David Bruff.
13 M. le Président (interprétation): La défense pour l'accusé?
14 M. Domazet (interprétation): Vladimir Domazet conseiller principal et M.
15 Radanovic Tanaskovic, co-conseil pour Mitar Vasiljevic.
16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
17 Monsieur Vasiljevic, est-ce que vous pouvez m'entendre dans une langue que
18 vous comprenez?
19 M. Vasiljevic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous
20 entends et je vous comprends.
21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
22 "La Chambre de première instance II se réunit aujourd'hui afin de rendre
23 son jugement à l'issue du procès de Mitar Vasiljevic.
24 Pour les besoins de cette audience, il convient de brièvement résumer les
25 questions soulevées durant le procès et les conclusions de la Chambre à
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1 cet égard. Je dois rappeler qu'il ne s'agit ici que d'un résumé lequel ne
2 fait pas partie du jugement qui doit être rendu. Seul le texte du jugement
3 qui sera communiqué aux parties et au public à l'issue de cette audience,
4 doit être considéré comme l'expression des conclusions de la Chambre et de
5 leurs motifs.
6 Le procès découle des événements survenus en 1992 à Visegrad, une
7 municipalité située sur la rive de la Drina, dans le sud-ouest de la
8 Bosnie-Herzégovine, non loin de la frontière séparant celle-ci de la
9 République de Serbie. Avant que n'éclate le conflit armé, la majorité des
10 habitants de la municipalité étaient d'origine musulmane, la minorité
11 serbe ne représentant qu'un tiers environ de la population. Les tensions
12 ethniques ont éclaté au grand jour après que les élections tenues en
13 novembre 1990 ont produit un conseil municipal qui reflétait exactement la
14 composition ethnique de la municipalité.
15 Les membres des communautés serbe et musulmane ont commencé à s'armer, et
16 les actes de violence ont débuté au début de 1992. Les agressions visant
17 la population civile non serbe se sont manifestées de différentes
18 manières, commençant par la prise de contrôle de la ville par les Serbes,
19 accompagnée d'une campagne systématique et à grande échelle de meurtres,
20 de viols et de mauvais traitements de la population non serbe de la
21 municipalité, en particulier des Musulmans, laquelle a conduit à l'une des
22 plus vastes et impitoyables opérations de nettoyage ethnique de tout le
23 conflit qui a touché la Bosnie. Des centaines d'hommes, femmes, enfants et
24 personnes âgées, Musulmans pour la plupart, ont été tués. Un des groupes
25 paramilitaires les plus violents opérant dans la région était mené par
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1 Milan Lukic, un ancien habitant de Visegrad. Ce groupe paramilitaire est
2 entré dans Visegrad et a commis de nombreux crimes très graves avec la
3 complicité, ou tout au moins l'assentiment, des autorités serbes qui
4 avaient pris le contrôle du secteur.
5 Le procès porte en particulier sur deux événements survenus à Visegrad
6 dans le courant du mois juin 1992.
7 Le premier a eu lieu le 7 juin. Milan Lukic, accompagné de plusieurs
8 individus, a emmené sept hommes musulmans de Bosnie sur la rive de la
9 Drina où ils les ont forcés à se mettre en rang, face à la rivière. Malgré
10 les supplications des Musulmans, les priant de les épargner, ils ont été
11 abattus d'une balle dans le dos. Lorsqu'il est apparu que certains d'entre
12 eux étaient encore en vie, les hommes qui surnageaient ont été abattus à
13 bout portant. Cinq des Musulmans ont été tués, tandis que deux ont échappé
14 à leur sort en feignant d'être morts et en restant dans la rivière. C'est
15 ce que l'on a appelé l'incident de la Drina.
16 Le deuxième événement a eu lieu le 14 juin 1992. Un groupe d'environ 70
17 Musulmans de Bosnie, composé de femmes, d'enfants et de personnes âgées
18 ont été emmenés dans une maison de la rue Pionirska dans le quartier
19 appelé Mahala de la municipalité de Visegrad. Un produit inflammable avait
20 été répandu dans les pièces où ces Musulmans ont été enfermés. Une fois le
21 groupe à l'intérieur de la maison, on y a mis le feu au moyen d'un engin
22 incendiaire. La plupart des membres du groupe ont trouvé la mort dans
23 l'incendie, tandis que d'autres ont pu s'échapper soit avant soit durant
24 l'incendie. C'est ce que l'on a qualifié d'incident de la rue Pionirska.
25 L'accusé, Mitar Vasiljevic, a été accusé d'un certain nombre de crimes à
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1 raison de chacun des deux événements, puisqu'il aurait, agissant de
2 concert avec Milan Lukic et d'autres personnes, commis des meurtres, (un
3 crime contre l'humanité et une violation des lois ou coutumes de la
4 guerre), des actes inhumains (un crime contre l'humanité), des atteintes à
5 la vie et à l'intégrité corporelle (une violation des lois ou coutumes de
6 la guerre). S'agissant de l'incident de la rue Pionirska, l'accusé est
7 également accusé, de concert avec Milan Lukic ainsi que d'autres
8 personnes, d'extermination (un crime contre l'humanité).
9 Enfin, s'agissant des deux événements, pris ensemble, Mitar Vasiljevic est
10 accusé de persécution pour des raisons politiques, raciales et religieuses
11 (un crime contre l'humanité), en participant au meurtre de Musulmans de
12 Bosnie et d'autres civils non serbes, et au harcèlement, à la
13 terrorisation, aux mauvais traitements psychologiques dont ont été
14 victimes des civils, ainsi qu'au vol et à la destruction des biens leur
15 appartenant.
16 Mitar Vasiljevic faisait partie de la minorité serbe de Visegrad. Il a
17 travaillé comme serveur dans différents établissements de la localité.
18 L’accusation fait valoir qu’il faisait également partie du groupe de
19 paramilitaires serbes mené par Milan Lukic, ou qu’il y était lié, ce qui
20 selon l’accusation, démontre qu’il partageait l’intention d’homicide qui
21 caractérisait ce groupe paramilitaire. Les deux hommes partageaient
22 d’étroits liens familiaux. Un certain nombre de témoins ont déclaré qu’ils
23 avaient vu l’accusé Milan Lukic ainsi que d’autres personnes commettre des
24 crimes graves. Dans pratiquement chacun des cas, un seul témoin a pu
25 témoigner de la participation de l’accusé dans les agissements du groupe
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1 paramilitaire, et les éléments de preuve fournis par ce témoin concernant
2 l’identification de l’accusé laissaient à désirer.
3 La Chambre de première instance a conclu que le seul lien pouvant être
4 établi entre l’accusé et le groupe mené par Milan Lukic, indépendamment
5 des deux événements susmentionnés, concerne sa participation à la fouille
6 d’une maison appartenant à une famille musulmane dans le village de Musici
7 et le fait qu’il était tout disposé à fournir à ce groupe des informations
8 permettant de localiser les Musulmans de la région. La Chambre est
9 convaincue qu’il a effectivement communiqué à ce groupe des informations
10 en ayant pleinement conscience qu’elles seraient utilisées par ce groupe
11 pour persécuter la population musulmane.
12 S’agissant du premier événement, l’accusé a reconnu qu’il était présent
13 lors des exécutions qui ont eu lieu sur la rive de la Drina. Il a affirmé
14 que sa présence sur les lieux était fortuite, qu’il n’avait compris que
15 ces hommes allaient être abattus qu’au moment où ils s’approchaient du
16 cours d’eau et qu’il avait alors tenté de persuader Milan Lukic de les
17 épargner. La Chambre de première instance est cependant convaincue que
18 l’accusé n’a pas tenté de persuader Milan Lukic d’épargner la vie de ces
19 hommes, qu’il a accompagné Milan Lukic et son groupe de son plein gré pour
20 conduire ces sept Musulmans jusqu’à la rive de la Drina, et qu’il a pris
21 part avec ce groupe à l’entreprise criminelle commune consistant à tuer
22 ces sept hommes jusqu’au dernier. Comme seuls cinq d’entre eux ont été
23 tués, il a été reconnu pénalement responsable du meurtre de ces cinq
24 hommes en tant que crime contre l’humanité et violation des lois ou
25 coutumes de la guerre. S’agissant des deux hommes qui ont réchappé à cette
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1 exécution, la Chambre conclut que cette tentative de meurtre constitue une
2 grave atteinte à la dignité humaine, et qu’elle a causé chez ces hommes un
3 dommage moral considérable. L’accusé a par conséquent été déclaré
4 individuellement pénalement responsable d’avoir commis des actes inhumains
5 en tant que crimes contre l’humanité.
6 La Chambre de première instance n’est pas convaincue que le chef
7 d’atteinte à la vie et à l’intégrité corporelle en tant que violation des
8 lois ou coutumes de la guerre constitue une infraction en droit coutumier
9 et qu’elle peut à ce titre engager la responsabilité pénale de l’accusé ;
10 c’est pourquoi ce chef d’accusation n’a pas été retenu contre lui.
11 S’agissant du second événement, l’accusé a reconnu qu’il se trouvait dans
12 la rue Pionirska durant l’après-midi du 14 juin 1992, mais a nié avoir
13 pris part d’une quelconque manière aux faits qui s’y sont déroulés.
14 L’accusation fait valoir qu’il a participé au pillage de biens appartenant
15 à des Musulmans tard dans l’après-midi, mais la Chambre de première
16 instance n’est pas convaincue que les éléments de preuve fournis
17 concernant son identification permettent de conclure que l’accusé était
18 effectivement présent sur les lieux à ce moment.
19 La Chambre de première instance est convaincue que ce n’est pas avant 21
20 heures 30 que des Musulmans ont été contraints d’entrer dans la maison qui
21 a été incendiée ce jour-là. L’accusé accepte avoir parlé un peu plus tôt à
22 un groupe de personnes à cet endroit, mais il affirme qu’ensuite (bien
23 avant que l’on ait forcé les Musulmans à pénétrer dans cette maison), il
24 traversait la ville à cheval, montant à cru, lorsque la bête a glissé,
25 qu’il est tombé et qu’il a été écrasé par sa monture, se cassant une
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1 jambe. Il a d’abord été emmené à la clinique de Visegrad et ensuite à
2 l’hôpital de Uzice, un trajet qui aurait dû durer au moins une heure. En
3 d’autres termes, l’accusé fournit un alibi. De nombreux éléments de preuve
4 ont été présentés concernant cet alibi.
5 Il faut bien comprendre que lorsque des éléments de preuve font apparaître
6 que l’accusé a un alibi, ce n’est pas à celui-ci qu’il incombe de le
7 prouver. Le fait que l’accusé ait un alibi signifie qu’il nie s’être
8 trouvé, comme l’accusation le prétend, sur les lieux du crime au moment où
9 celui-ci a été commis. Si elle entend prouver au delà de tout doute
10 raisonnable que l’accusé se trouvait effectivement dans la rue Pionirska
11 lorsque les Musulmans ont été contraints à entrer dans la maison qui a
12 ensuite été incendiée, elle doit écarter toute possibilité raisonnable que
13 l’accusé se trouvait à l’hôpital de Uzice ou en route pour celui-ci à 21
14 heures 30, puisque ce n’est qu’à partir de cette heure que des Musulmans
15 ont été contraints d’entrer dans cette maison.
16 La Chambre de première instance rejette une bonne part des éléments de
17 preuve qui ont été présentés par l’accusé en vue d’étayer son alibi.
18 Certains des éléments de preuve revêtent toutefois une importance
19 décisive, à savoir le registre des admissions de l’hôpital de Uzice et le
20 dossier d’un dénommé Mitar Vasijevic ayant été admis dans cet hôpital le
21 14 juin 1992 à 21 heures 35. L’accusation a procédé à plusieurs reprises à
22 des expertises approfondies de ces documents, menées par des spécialistes
23 en police scientifique, et elle a reconnu que rien n’indique qu’ils
24 auraient été falsifiés. Il revenait par conséquent à l’accusation
25 d’écarter toute possibilité que l’accusé soit bien la personne ayant été
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1 admise à l’hôpital de Uzice sous le nom de Mitar Vasiljevic à la date et
2 à l’heure indiquées dans les registres de l’hôpital.
3 Le Dr Moljevic était médecin au service orthopédique de l’hôpital de Uzice
4 et membre de l’équipe de filtrage au centre d’admission de cet hôpital au
5 moment des faits. Comme il connaissait bien l’accusé, qui était un ami
6 proche, il a été informé de son arrivée imminente. Il se souvient bien de
7 ce qui s’est passé ce jour-là, même s’il a fait appel au registre des
8 admissions (dont l’authenticité n’a pu être contestée par l’accusation)
9 pour indiquer la date et l’heure précise de l’admission de l’accusé. La
10 Chambre de première instance admet la déclaration du Dr Moljevic selon
11 laquelle l’accusé se trouvait à l’hôpital de Uzice dès 21 heures 35 le
12 jour de l’incendie comme corroborant le registre des admissions.
13 L’accusation n’a donc pas établi au-delà de tout doute raisonnable que
14 l’accusé se trouvait dans la rue Pionirska lorsqu’on a fait entrer de
15 force les Musulmans dans la maison avant de l’incendier.
16 Il s’ensuit que les activités de l’accusé au moment où il déclare qu’il se
17 trouvait dans la rue Pionirska plus tôt dans l’après-midi sont d’une très
18 grande importance. L’accusation a affirmé que l’accusé s’était efforcé de
19 persuader les Musulmans dans la rue Pionirska de rester groupés de sorte
20 qu’il puisse informer Milan Lukic de l’endroit où ils se trouvaient,
21 permettant ainsi à celui-ci de commettre les crimes effectivement
22 perpétrés par la suite (y compris le pillage). La Chambre de première
23 instance est convaincue que l’accusé s’est employé à assurer que les
24 Musulmans restaient groupés car il savait qu’il allait leur arriver
25 malheur. Cela fait de lui le participant à une entreprise criminelle
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1 commune visant à commettre un crime dont il savait qu’il allait être
2 perpétré, ou suffit à tout le moins à engager sa responsabilité pénale
3 individuelle pour avoir aidé et encouragé ce crime. Cependant,
4 l’accusation n’est pas parvenue à établir au-delà de tout doute
5 raisonnable que l’accusé savait exactement quel était le sort terrible qui
6 attendait le groupe de Musulmans dans la rue Pionirska.
7 Dans ces circonstances, l’accusation n’a établi aucun des trois crimes
8 distincts retenus contre l’accusé en ce qui concerne les événements de la
9 rue Pionirska — assassinat/meurtre (un crime contre l’humanité et une
10 violation des lois ou coutumes de la guerre) et actes inhumains (un crime
11 contre l’humanité). La Chambre de première instance a donc acquitté
12 l’accusé de ces chefs. Le chef d’atteintes portées à la vie et à
13 l’intégrité corporelle n’a pas été retenu, pour la même raison qu’il ne
14 l’avait pas été à propos de l’événement de la Drina. Le chef d’accusation
15 supplémentaire concernant les événements de la rue Pionirska, à savoir
16 l’extermination, n’a pas non plus été plus été retenu, l’accusation
17 n’étant pas parvenue à établir au-delà de tout doute raisonnable que
18 l’accusé se trouvait dans la rue Pionirska au moment du crime ni qu’il
19 savait que ces personnes devaient être tuées.
20 Reste le chef de persécutions pour des raisons politiques, raciales ou
21 religieuses (un crime contre l’humanité), qui doit être examiné à la
22 lumière de tous les actes pertinents de l’accusé pris dans leur contexte
23 et en tenant compte de leur effet cumulatif. Il a déjà été conclu que ces
24 actes étaient en fait les seuls qui engageaient la responsabilité pénale
25 individuelle de l’accusé pour assassinat/meurtre (un crime contre
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1 l’humanité et une violation des lois ou coutumes de la guerre) et actes
2 inhumains (un crime contre l’humanité) s’agissant des événements de la
3 Drina. La Chambre de première instance est convaincue que les cinq hommes
4 musulmans ont été tués, que les deux autres hommes musulmans ont été
5 victimes d’actes inhumains, en raison uniquement de leur origine
6 ethnique, et qu’ils avaient été séparés des autres pour des raisons
7 religieuses ou politiques. Les actes commis étaient donc discriminatoires
8 tant dans les faits que dans les raisons qui les ont motivés. La Chambre
9 de première instance a conclu que la responsabilité individuelle de
10 l’accusé était dès lors engagée pour le crime de persécutions (un crime
11 contre l’humanité) s’agissant du meurtre de cinq hommes et des actes
12 inhumains commis contre les deux survivants.
13 Se pose alors la question du cumul des déclarations de culpabilité. Il est
14 possible de déclarer un accusé coupable à la fois de meurtre, en tant que
15 violation des lois ou coutumes de la guerre (sanctionné par l’Article 5 du
16 Statut du Tribunal), et d’assassinat, en tant que crime contre l’humanité
17 (sanctionné par l’Article 3), bien que les deux déclarations de
18 culpabilité découlent de la même série de faits. La question qui se pose
19 réellement en l’espèce s’agissant du cumul des déclarations de culpabilité
20 concerne les trois crimes contre l’humanité pour lesquels la
21 responsabilité individuelle de l’accusé a été retenue par la Chambre. Le
22 crime de persécutions incorporant les éléments tant de l’assassinat (un
23 crime contre l’humanité) que des actes inhumains et étant plus spécifique
24 que ces chefs, la déclaration de culpabilité doit être prononcée pour
25 persécutions plutôt que pour assassinat (un crime contre l’humanité) et
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1 actes inhumains.
2 Par conséquent, l’accusé a été reconnu coupable de persécutions, un crime
3 contre l’humanité (chef 3) —sa responsabilité individuelle est engagée
4 pour le meurtre des cinq hommes (un crime contre l’humanité) et les actes
5 inhumains commis contre les deux survivants— et de meurtre, une violation
6 des lois ou coutumes de la guerre, s’agissant des cinq hommes (chef 5). Il
7 a été acquitté des chefs 1, 4, 6, 7, 10, 11, 12 et 13.
8 Au moment de déterminer la peine qu’il convient d’infliger à l’accusé pour
9 ces deux déclarations de culpabilité, il est important de souligner que
10 l’accusé doit être puni pour l’ensemble de son comportement criminel et sa
11 culpabilité globale, et de tenir compte de tout préjudice qu’il est
12 susceptible de subir du fait du cumul des déclarations de culpabilité à
13 raison du même comportement criminel. Il ne doit pas être puni soit pour
14 le nombre de crimes engageant sa responsabilité pénale individuelle soit
15 pour le nombre de déclarations de culpabilité prononcées à raison de son
16 comportement.
17 Le principal problème soulevé quant à la détermination de la peine est
18 l’allégation de l’accusé selon laquelle, au moment des événements de la
19 Drina, ses facultés mentales étaient réduites. De nombreuses expertises
20 psychiatriques ont été produites par les deux parties concernant cette
21 question, mais la Chambre de première instance n’est pas convaincue que
22 l’allégation de l’accusé a été établie. Elle a cependant tenu compte, à
23 titre de circonstance atténuante pour la détermination de la peine, de
24 l’esprit général de coopération dont a utilement fait preuve le conseil
25 principal de l’accusé, qui s’est judicieusement efforcé d’assister la
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1 Chambre de première instance sans compromettre d’aucune manière ses
2 obligations envers l’accusé, comportement qu’il y a lieu de porter au
3 crédit de l’accusé lui-même. La Chambre de première instance a également
4 tenu compte, à titre de circonstance atténuante, de la situation
5 personnelle de l’accusé, en particulier du fait qu’il est marié et père de
6 deux enfants.
7 La Chambre de première instance reconnaît que l’accusé n’était pas
8 commandant, qu’il a commis des crimes dans une zone géographique très
9 limitée, et que rien ne prouve que par ses actes, il a encouragé d’autres
10 individus (autres que ceux reconnus coupables des événements de la Drina)
11 ou causé un préjudice à d’autres personnes dans le cadre plus large du
12 conflit. La Chambre de première instance a tenu compte du fait que
13 l’accusé était un subalterne. Si elle ne reconnaît pas que l’accusé a joué
14 un quelconque rôle particulièrement important dans le cadre plus large de
15 ce conflit, elle note que la position d’un accusé dans la hiérarchie n’est
16 pas déterminante pour ce qui est de la peine prononcée. Le fait que
17 l’accusé n’occupait pas un poste de haut rang dans le cadre du conflit
18 global en ex-Yougoslavie ne saurait altérer la gravité des infractions
19 dont il a été reconnu coupable ou les circonstances dans lesquelles il les
20 a commises. Les crimes qu’il a commis sont particulièrement graves pour ce
21 qui est des intérêts protégés qu’il a violés — la vie et l’intégrité
22 physique et mentale des victimes, les conséquences pour ces dernières (le
23 décès de cinq d’entre elles et les grandes souffrances infligées aux deux
24 autres), et de la raison qui a motivé ces actes (qui n’est autre que la
25 haine pure et simple nourrie contre un groupe ethnique).
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1 En matière de détermination de la peine, il convient de tenir compte de
2 l’intention discriminatoire qui a animé l’auteur des crimes. Pareille
3 intention est un élément constitutif du crime de persécutions et, en tant
4 que tel, elle est pertinente pour ce qui est de la gravité du crime. Elle
5 peut aussi constituer une circonstance aggravante du meurtre en tant que
6 violation des lois ou coutumes de la guerre. C’est une circonstance
7 aggravante de ce crime en l’espèce. Durant le conflit en Bosnie, l’origine
8 ethnique a été invoquée de différentes manières, pour acquérir une
9 certaine importance politique, garder le pouvoir, justifier des actes
10 criminels, ou pour obtenir l’absolution pour tout acte commis au nom de
11 l’appartenance ethnique. On ne peut s’attendre à aucune absolution de ce
12 genre de la part du Tribunal. La Chambre de première instance considère
13 que les crimes commis pour des raisons ethniques sont particulièrement
14 répréhensibles. Elle considère également, à titre de circonstances
15 aggravantes, le fait que les supplications des hommes, priant l’accusé de
16 les épargner, ont été totalement ignorées, la nature de l’exécution,
17 commise de sang-froid, et, dans une mesure peut-être moindre, le fait que
18 l’accusé connaissait bien l’une des victimes."
19 Mitar Vasiljevic, je vous prie de vous lever.
20 (L'accusé se lève.)
21 Mitar Vasiljevic, la Chambre de première instance vous condamne à une
22 peine d’emprisonnement de 20 ans. Sera déduite de cette peine la période
23 de deux ans, dix mois et quatre jours que vous avez passée en détention
24 provisoire, ainsi que la période que vous passerez en détention en
25 attendant que le Président du Tribunal décide de l’État dans lequel vous
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1 purgerez votre peine. Vous resterez en détention jusqu’à ce que pareille
2 décision soit rendue.
3 La Chambre de première instance lève l'audience.
4 (L'audience est levée à 10 heures 28.)
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