Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 203

1 Le vendredi 4 mars 2005

2 [Audience sur requêtes]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 47.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience,

7 veuillez citer le numéro de l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, il

9 s'agit de l'affaire IT-96-23/2-PT, le Procureur contre Radovan Stankovic.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

11 Je vais demander aux parties de se présenter, à commencer par l'Accusation.

12 Mme SOMERS : [interprétation] Premier substitut, représentant le bureau du

13 Procureur avec Mme Ann Sutherland et M. Sachdeva et Sebastian van Hooydonk,

14 qui est notre commis à l'affaire.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

16 J'invite la Défense à se présenter.

17 M. RADOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je

18 m'appelle Milenko Radovic, je suis originaire de Foca et je défends les

19 intérêts de Radovan Stankovic.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Radovic.

21 Je salue tout d'abord Madame la Présidente Kreso. Nous vous avons

22 déjà vu aujourd'hui, mais je vais demander aux fins du compte rendu de

23 cette audience-ci de vous présenter.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous --

25 Mme KRESO : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, je suis Madame

Page 204

1 Kreso. Je suis présidente du tribunal de Bosnie-Herzégovine. Faisant partie

2 de ma délégation représentant les autorités de Bosnie-Herzégovine, Vaso

3 Marinkovic, qui est premier procureur du tribunal de Bosnie-Herzégovine;

4 Mme Mechtild Lauth, qui vient du greffe et qui s'occupe des questions

5 juridiques ainsi que M. Nick Koumjian, qui vient du bureau du procureur du

6 tribunal de Bosnie-Herzégovine. Je vous remercie.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

8 Monsieur Stankovic, je vais vous demander si vous avez été en mesure de

9 suivre ce qui s'est dit dans une langue que vous comprenez ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Je vous entends parfaitement, Monsieur

11 Orie, cependant avant que ne commence le débat --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stankovic, Monsieur Stankovic,

13 Monsieur Stankovic. Monsieur Stankovic, si vous souhaitez plus tard vous

14 adresser à la Chambre, la Chambre verra si elle vous donne l'occasion de le

15 faire. Tout d'abord cependant soyons clair sur quoi porte l'audience.

16 L'audience d'aujourd'hui est consacrée à l'examen d'une demande

17 déposée par l'Accusation afin que le procès intenté contre M. Stankovic

18 soit renvoyé en Bosnie-Herzégovine pour jugement au sein de ce système de

19 Bosnie-Herzégovine. Nous avons été saisi des arguments de l'Accusation de

20 la Défense également et nous avons été saisi d'écritures déposées par le

21 représentant du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Tout d'abord, je vais

22 vous demander ceci, Maître Radovic car ceci préoccupe un peu la Chambre.

23 Est-ce que vous avez reçu les dernières écritures du gouvernement de

24 Bosnie-Herzégovine ?

25 M. RADOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas reçu ce

Page 205

1 mémoire et je n'en connais la teneur.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci pousse la Chambre à vous permettre

3 de déposer de nouvelles écritures en réponse à ce qu'a présenté le

4 gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

5 Maître Radovic, j'ai une autre question à vous poser. Vous le savez peut-

6 être, ne serait-ce parce qu'il y a eu au départ cette ordonnance portant

7 calendrier, rendue par la Chambre. La Chambre est saisie d'une affaire

8 similaire qu'elle a examinée hier et aujourd'hui. Il s'agissait également

9 d'une demande de renvoi de quatre accusés devant le tribunal de Bosnie-

10 Herzégovine. Pourriez-vous dire aux Juges dans quelle mesure vous avez

11 suivi les débats qui se sont déroulés dans ce cadre ?

12 M. RADOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai bien suivi ces

13 débats.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier et aujourd'hui, je vous ai bien

15 compris.

16 M. RADOVIC : [interprétation] Oui, les deux jours.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'où ma question précise, car il vous

18 sera peut-être plus aisé de cerner les questions importantes qui se posent

19 ici, puisque vous avez connaissance des débats qui se sont déroulés.

20 J'aimerais d'abord donner l'occasion à l'Accusation de présenter ses

21 arguments, puisque c'est la première audience publique consacrée à cette

22 affaire dans ses arguments, il pourrait avoir une preuve synthèse de ce qui

23 s'est passé jusqu'à présent. Nous aimerions aussi savoir si vous avez

24 quelque chose à ajouter suite à ce qu'ont dit et la Défense et le

25 gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Vous avez la parole.

Page 206

1 Mme SOMERS : [interprétation] Merci. J'aimerais apporter une rectification

2 à nos écritures du 21 février, nos premières écritures, note de bas de page

3 14. A l'époque nous n'avions pas de citation "du journal officiel, c'est le

4 numéro 61/04," puisque nous avons cette donnée maintenant.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est un des nombreux actes

6 législatifs qui a été adopté.

7 Mme SOMERS : [interprétation] Effectivement, en vertu de la requête déposée

8 devant la Chambre par l'Accusation, aux fins de renvoi en application de

9 l'Article 11 bis, il serait peut-être utile que je vous donne une très

10 brève synthèse surtout de la nature des chefs d'accusation et du niveau de

11 gravité, et des questions auxquelles il faut répondre aujourd'hui.

12 Les chefs d'accusation dont le Tribunal est saisi, ce sont des chefs

13 d'accusation très graves. Notamment, viol; mise en esclave forcé, et

14 atteinte à la dignité de l'individu. Même si ces chefs d'accusation

15 pourraient faire l'objet d'un procès dans une enceinte internationale, la

16 nature et la gravité des chefs d'accusation n'exigent pas nécessairement

17 que ce soit le Tribunal qui en soit saisi. A cela s'associe le fait que le

18 niveau hiérarchique de l'accusé est assez bas quand on voit la structure et

19 le statut des auteurs présumés. L'Accusation estime que l'affaire, dont les

20 faits se sont produits sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, au moment

21 du conflit et dont les victimes étaient originaires du territoire de

22 Bosnie-Herzégovine, se prêtent parfaitement à un renvoi devant le tribunal

23 d'Etat de la Bosnie-Herzégovine. Ce tribunal, s'agissant de sa structure

24 mais aussi pour assurer le principe de l'équité du procès, ce tribunal,

25 disais-je, est parfaitement à même de se saisir de l'affaire.

Page 207

1 La Chambre avait quelques préoccupations et elle a demandé aux parties de

2 se prononcer sur la question des mesures de protection pour les témoins,

3 l'assistance mutuelle entre états, ainsi que l'applicabilité du droit. Dans

4 l'audience qui vient de se terminer, la Chambre avait demandé aux

5 intervenants de se prononcer, peut-être pourraient-ils le faire aussi de

6 nouveau ici ? Mais vu ce que nous avons entendu dans les autres audiences,

7 la Chambre pourrait être convaincue qu'effectivement le tribunal d'État de

8 Bosnie-Herzégovine, qui a une division spéciale pour ce qui est des crimes

9 de guerre, pourrait être l'enceinte dans laquelle le tribunal pourrait

10 connaître de cette affaire, si le renvoi est accordé.

11 Est-il possible ou pas de décider du renvoi, le pouvoir de renvoi, cela ne

12 fait pas de doute pour le bureau du Procureur, est attribué au Tribunal, en

13 vertu du chapitre 7, de la Charte des Nations Unies, le conseil de Sécurité

14 l'a exigé en fonction du niveau hiérarchique, de la gravité de

15 l'infraction. Il est adéquat de procéder au renvoi et c'est en s'inspirant

16 de ce mandat que la Chambre peut en toute autorité décider d'un tel renvoi.

17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

18 Mme SOMERS : [interprétation] Je voudrais discuter avec mes collègues

19 si vous me le permettez un instant.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 Mme SOMERS : [interprétation] Merci.

22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

23 Mme SOMERS : [interprétation] Comme je vous le disais, il y a un instant,

24 la personne la plus à même de se prononcer sur l'état du droit, ce sont nos

25 collègues, bien sûr, et le droit à la loi qui s'appliquait alors et

Page 208

1 s'applique aujourd'hui pourrait concerner les infractions en cause

2 aujourd'hui.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

4 Maître Radovic, je vous donne la parole afin que vous nous fournissiez

5 d'autres arguments. Nous avons, bien sûr, reçu vos arguments par écrit. Le

6 dépôt s'est effectué le 1er mars. Nous avons pris connaissance avec beaucoup

7 d'intérêts et de soins de vos écritures. Saisissez l'occasion ou mettez à

8 profit certains des débats que vous avez suivis, c'est deux derniers jours.

9 Bien sûr, l'affaire est différente ici, mais peut-être serez-vous inspiré

10 par ce qui s'est dit au cours de ces débats, même si la question de la

11 responsabilité du supérieur hiérarchique n'est pas aussi importante.

12 M. RADOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Etant donné que

13 je n'ai pas l'intention de présenter de plaidoirie, je vous demande de

14 m'autoriser à vous présenter l'avis de la Défense s'agissant de

15 l'éventualité d'un renvoi devant le tribunal de Bosnie-Herzégovine.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Libre à vous de présenter tous

17 les arguments, mais il est inutile de répéter ce que vous avez dit par

18 écrit. Je ne sais pas si ceci vous sera utile, si ce n'est pas la Chambre,

19 moi, j'ai reçu une lettre, je suppose qu'elle a été envoyée par M.

20 Stankovic. Même si je ne lis pas le cyrillique à la perfection, j'ai cru

21 comprendre que cette lettre m'était envoyée. Elle est adressée, même si

22 elle n'a pas été délivrée, au Juge Kwon et au Juge Parker. Elle n'a pas été

23 traduite. Nous ne l'avons pas lue puisqu'elle était adressée à ces trois

24 Juges de la Chambre, nous nous sommes dits que c'était peut-être en rapport

25 avec la requête en application du 11 bis. Mon cyrillique est à peine

Page 209

1 suffisamment pour me permettre de comprendre parce que cela se trouve dans

2 l'intitulé, la mention ou les références 11 bis. Si vous avez besoin de

3 seulement cinq minutes pour présenter des arguments, pas de problème. Mais

4 je pense que la question évoquée dans cette lettre devrait être présentée

5 par le truchement du conseil. Puisque nous comprenons qu'il est question du

6 11 bis, nous allons demander à M. le Greffier à remettre la lettre à M.

7 Stankovic et M. Stankovic pourrait s'entretenir avec vous, en l'espace de

8 quelques minutes, à moins que ne vous sachiez exactement ce qu'il y a dans

9 cette lettre. C'est M. Stankovic qui est l'auteur de la lettre. Je vais la

10 lui remettre plutôt qu'à vous, à moins que M. Stankovic soit d'accord que

11 je vous la donne.

12 Monsieur Stankovic, êtes-vous d'accord pour que je la donne à M. Radovic ou

13 voulez-vous que je vous remette à vous la lettre ?

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai envoyé cette lettre. Je vous l'ai envoyé.

15 Ce n'est pas une lettre, c'est ma requête. C'est moi qui suis ici en

16 qualité d'accusé. C'est moi qui suis le chef de ma Défense, et pas

17 l'inverse. Je ne suis pas ici uniquement pour être une espèce de statue

18 qu'on peut regarder. Je suis ici pour participer activement à ma Défense,

19 c'est-à-dire à la Défense --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stankovic, personne ne vous

21 empêche de participer activement à votre Défense. Il n'en demeure pas moins

22 que vous êtes représenté par un conseil et en de telles circonstances, la

23 procédure habituelle est que vous discutiez avec votre conseil, d'autant

24 que la procédure visée par le 11 bis entraîne un examen des questions de

25 droit complexes. Voulez-vous que je vous remette la lettre, à vous ou à

Page 210

1 votre conseil ? Il me suffit d'avoir votre réponse sur ce point.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai adressé ce mémoire à vous, les Juges et je

3 vous en prie, ne --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stankovic. Monsieur Stankovic,

5 je vous ai demandé -- Monsieur Stankovic, vous devez maintenant vous taire.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stankovic, je le répète : s'il

8 y a requête, la Chambre vous autorisera peut-être à vous adresser,

9 brièvement, à la Chambre. Nous allons voir toutes les fonctions de la façon

10 dont se déroule la procédure.

11 Monsieur Stankovic, s'il vous plaît, écoutez un instant. Monsieur

12 Stankovic. Monsieur Stankovic, si vous continuez à vous comporter de la

13 sorte, la Chambre le regrette, mais elle devra décider qu'elle doit vous

14 faire sortir de ce prétoire.

15 Monsieur Stankovic, nous allons, d'abord, entendre ce que dit votre

16 conseil. Je vous ai posé une question fort simple. Je vous ai demandé si je

17 devais vous remettre la lettre, à vous ou à votre conseil.

18 Monsieur Stankovic. Monsieur Stankovic, il ne sert à rien de s'adresser aux

19 Juges de cette façon, ne serait-ce que parce que j'ai tout simplement

20 débranché votre micro et qu'il n'y a pas de traduction, nous n'entendrons

21 même pas ce que vous dites. Je vous demande un instant, je vous demande

22 d'écouter ce qui est important pour vous. Nous allons, d'abord, donner la

23 parole au conseil puisque je n'ai pas reçu d'instructions s'agissant de la

24 question de savoir si je dois remettre la lettre au conseil ou à vous; je

25 vais la garder un instant. Monsieur Stankovic, ce sera mon dernier

Page 211

1 avertissement, Monsieur Stankovic. Si vous continuez, nous allons devoir

2 vous faire sortir du prétoire.

3 Monsieur Radovic, vous devrez vous passer de la lettre. Vous avez la

4 parole.

5 M. RADOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense

6 considère que cette audience permet aux diverses parties d'exprimer leurs

7 positions sur le fait de savoir si le procès de

8 M. Stankovic répond bien à toutes les conditions prévues à l'Article 11

9 bis, ce qui permettrait aux Juges de rendre une décision en droit. Un

10 certain nombre de questions fondamentales doivent être posées ici.

11 Est-il possible de renvoyer la présente affaire devant les instances

12 judiciaires de Bosnie-Herzégovine ? Si ce renvoi est possible, quel est le

13 tribunal qui doit être déclaré compétent ? Le TPIY, a-t-il des possibilités

14 d'influer sur cette décision ? Si l'affaire est renvoyée devant la justice

15 de Bosnie-Herzégovine, quelles sont les lois qui seront appliqués ? Sur

16 cette deuxième question, le TPIY peut-il également avoir une influence ? La

17 Défense de M. Stankovic va faire connaître ses positions en s'appuyant

18 directement sur les positions de l'Accusation, telles que la Défense les

19 comprend.

20 L'Accusation affirme, en présentant les arguments qu'on trouve dans ces

21 écritures ainsi que les arguments développés par le Procureur au cours de

22 la présente audience, l'Accusation affirme que le procès de M. Stankovic

23 répond à toutes les conditions nécessaires pour être renvoyé devant les

24 tribunaux de Bosnie-Herzégovine. Les critères pris en compte sont la

25 gravité de l'acte incriminé, le niveau de responsabilité de M. Stankovic et

Page 212

1 d'autres aspects pertinents. La Défense va s'exprimer brièvement sur chacun

2 de ces éléments.

3 D'abord, la gravité de l'infraction. Les arguments développés par

4 l'Accusation s'agissant de la gravité de l'infraction sont, dans une grande

5 mesure, des arguments qui se contredisent les uns les autres. D'abord,

6 pourquoi l'Accusation affirme-t-elle qu'on impute à M. Stankovic des

7 infractions graves ? Le TPIY a déjà jugé, dans l'affaire Kunarac et

8 collègues, et a prononcé un verdict lourd. Dans la requête de l'Accusation,

9 ceci est dit au paragraphe 2 de cette requête du 21 janvier 2005. Mais par

10 ailleurs, l'Accusation, dans un second souffle, affirme que les crimes en

11 question, si on les remet dans leur contexte, ne sont pas d'une telle

12 gravité qu'ils puissent mériter d'être jugés par le TPIY.

13 J'aimerais rappeler à la Chambre de première instance que la Chambre

14 a estimé que l'accusé Vukovic, qui était jugé dans la même affaire que

15 Kunarac, était responsable d'actes criminels qui sont, dans leur contexte,

16 d'une gravité bien inférieure à ceux qu'ont commis M. Stankovic, compte

17 tenu des chefs retenus dans son acte d'accusation. Deuxièmement,

18 l'Accusation affirme que ces crimes sont

19 des crimes très graves. Je parle des crimes qui sont reprochés à

20 M. Stankovic, mais qu'il importe de se laisser guider par les motifs liés à

21 la récente stratégie mise en œuvre par le TPIY et par la déclaration des

22 motifs présentés dans la résolution du conseil de Sécurité des Nations

23 Unies qui disposent que seuls les auteurs de haut rang, au niveau de

24 l'Etat, au niveau militaire ou politique, donc, seules des personnes

25 appartenant aux filières de commandement doivent être jugées par le TPIY.

Page 213

1 Alors, la question qui continue à se poser est la suivante : pourquoi est-

2 ce que les personnes mises en accusation, je veux dire des personnes telles

3 que M. Stankovic qui sont à des niveaux assez bas de la hiérarchie et qui

4 sont présumées avoir commis des crimes dont la gravité n'est pas

5 suffisante, pourquoi comparaissent-ils ici ? Et pourquoi M. Stankovic a-t-

6 il, dans ces conditions, subi une détention de plus de deux ans et sept

7 mois sans que son procès ne commence ? Si les choses sont ce qu'elles sont,

8 le TPIY n'est pas compétent pour le juger.

9 La Défense estime que les décisions de l'Accusation se fondent sur

10 les jugements prononcés dans l'affaire Kunarac et collègues, mais

11 l'Accusation devrait se rendre compte que si elle a l'intention de se

12 fonder sur cette référence, d'utiliser ces jugements en tant que référence,

13 Stankovic n'a rien à voir avec ces affaires; donc, les arguments développés

14 par l'Accusation ne conviennent pas, compte tenu du fait que l'Accusation a

15 affirmé que M. Stankovic devait être jugé par le TPIY, cet argument ne

16 tient plus, notamment, au vu du jugement prononcé dans l'affaire Kunarac et

17 collègues.

18 Alors, s'agissant maintenant du niveau de responsabilité de M.

19 Stankovic, il semble que l'Accusation admette que la position de M.

20 Stankovic, au niveau de l'Etat, sur le plan militaire ou politique dans la

21 hiérarchie de ces deux instances, se situe à un niveau inférieur à

22 d'autres. En effet, il était simple soldat d'infanterie comme cela est dit

23 au paragraphe 8 de la requête de l'Accusation du 21 février 2005. Il se

24 situe à un niveau moyen de la chaîne hiérarchique et il est accusé d'avoir

25 été responsable d'un bordel avec trois autres soldats; sa position est, en

Page 214

1 tout état de cause, assez inférieure, assez subalterne. La position de la

2 personne mise en accusation doit être prise en compte pour déterminer le

3 niveau de responsabilité de celle-ci, mais la Défense se doit de faire

4 remarquer, ici, que l'Accusation recourt à des arguments qui n'ont pas

5 obtenu confirmation, qui n'ont pas été corroborés, car personne ne peut

6 parler de création d'un bordel de façon avéré, ce fait n'ayant pas été

7 établi dans l'affaire Kunarac et collègues, alors qu'elle est utilisée

8 comme un point de départ, comme un fondement de la thèse de l'Accusation.

9 Il est tout à fait clair que M. Stankovic n'était que simple soldat,

10 membre de la police militaire, il est également clair qu'il se situe à un

11 niveau hiérarchique très subalterne sur le plan militaire et politique,

12 comme le remarque l'Accusation, mais il n'a même pas atteint le niveau

13 moyen sur le plan hiérarchique. Il était au niveau inférieur, c'est ce que

14 démontre le fait qu'il n'a jamais rien eu à voir dans la maison de

15 Karraman. Cette responsabilité lui permet d'affirmer qu'il ne peut lui être

16 reproché le viol ou d'autres infractions criminelles et que ces crimes ne

17 peuvent lui être reprochés en tant que crimes de guerre, mais en tant que

18 simple crimes de droit commun, mais, en aucun cas, en tant que crimes

19 guerre ou crimes contre l'humanité.

20 M. Stankovic ne peut avoir participé à une attaque généralisée contre

21 des civils sur la base des présomptions retenues contre lui car il était

22 une personne dont la position était très inférieure dans la hiérarchie, il

23 n'avait aucune connaissance de ce genre de choses. Il ne pouvait pas être

24 au courant du fait qu'il aurait été envisagé qu'il participe à une telle

25 attaque, même s'il avait commis les actes dont il est accusé, ce qu'il n'a

Page 215

1 pas fait. Mais cette condition de la position et de la responsabilité

2 hiérarchique n'est pas satisfaite et la qualification de crimes de guerre

3 ne peut tenir.

4 Autres éléments pertinents. L'Accusation estime que lorsque le

5 département spécial du tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine a été créé, la

6 possibilité existait, pour M. Stankovic, d'être jugé par ce tribunal de la

7 juridiction nationale, conformément aux positions du conseil de Sécurité

8 des Nations Unies qui souhaitent alléger la charge du TPIY en le

9 déchargeant des affaires de moindre importance. La Défense a une question à

10 poser qui est une question de principe : quel serait le tribunal national

11 qui jugerait M. Stankovic ? Quelle serait et quelle est la dénomination de

12 ce tribunal.

13 Selon les dispositions de l'accord de Dayton et de la constitution de

14 Bosnie-Herzégovine, dans l'ex-Bosnie-Herzégovine, deux entités ont été

15 créées, à savoir, la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika

16 Srpska. Ces deux entités, si l'on examine leurs institutions et leurs

17 législations, ont, bien entendu, leurs propres tribunaux qui font partie

18 intégrante des instances prévues lors de la partition de la région en deux

19 entités. Le fait qu'existe l'assemblé de la Republika Srpska qui est

20 l'instance législative suprême de la Republika Srpska, le fait qu'il existe

21 un gouvernement qui est l'instance exécutive suprême et le fait qu'existe

22 la cour suprême qui est l'instance judiciaire suprême de la Republika

23 Srpska démontre de la façon la plus claire qui soit que la Republika Srpska

24 possède tous les attributs d'un Etat et conformément aux décisions rendues

25 par ces tribunaux, possède son propre système judiciaire qui permet de

Page 216

1 juger tous les citoyens présumés coupables de tout crime y compris de

2 crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de crimes contre le droit

3 international humanitaire et autres crimes prévus au chapitre 17 du code

4 Pénal de la Bosnie-Herzégovine.

5 Puisque M. Radovan Stankovic habite à Milevina, il est tout à fait

6 clair que si l'on applique les dispositions de l'Article 9(1) du Statut du

7 Tribunal, le tribunal régional de Trebinje a compétence pour le juger. Si

8 nous parlons maintenant des lois qui seront appliqués par les tribunaux de

9 la Republika Srpska, d'une part; de la fédération, d'autre part, je parle

10 de tribunaux régionaux, de tribunaux cantonaux, il faut qu'il y ait une

11 matière à juger des crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

12 Selon l'Article 26 du code Pénal de la Fédération de

13 Bosnie-Herzégovine, paru au journal officiel de la Fédération de Bosnie-

14 Herzégovine, numéro 35/3, le 28 juillet 2003 et selon l'Article 25 du code

15 Pénal de la Republika Srpska qui s'applique sur le territoire de la

16 Republika Srpska, les tribunaux sont des instances judiciaires qui ont une

17 compétence territoriale, s'agissant du lieu où le crime a été commis. Ils

18 sont affectés à juger un crime en fonction du lieu où celui-ci a été commis

19 selon le principe du forum delictum comissi.

20 Alors, l'Article 24.1 du code pénal de la Fédération de

21 Bosnie-Herzégovine --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Radovic, lorsque vous citez des

23 extraits d'articles de loi, les interprètes ont quelques difficultés à vous

24 suivre à la vitesse à laquelle vous parlez. Veuillez ralentir, je vous

25 prie.

Page 217

1 M. RADOVIC : [interprétation] Je vous en prie, oui, Monsieur le Président.

2 Je vais répéter ce que je viens de dire.

3 En vertu de l'Article 24, point 1 du code Pénal de la République de Bosnie-

4 Herzégovine, paru au journal officiel de la Fédération de Bosnie-

5 Herzégovine, sous le numéro 36/03, en date du

6 29 juillet 2003 et en vertu de l'Article 10, point 1 du code Pénal de la

7 Republika Srpska paru au journal officiel de la Republika Srpska, sous le

8 numéro 49/03, en date du 25 juin 2003 : "Un acte criminel a été commis en

9 un lieu où l'auteur de cet acte travaillait ou avait obligation de

10 travailler ou en un lieu où les conséquences de cet acte sont

11 constatables."

12 Selon une décision du tribunal cantonal de Sarajevo, à savoir la décision

13 KPP204-04 et une autre décision, qui est la décision KV417/04. Il faut

14 prendre en compte l'Article 26.1 du code pénal de la Fédération de Bosnie-

15 Herzégovine pour qualifier un acte criminel. Cet article dispose qu'un

16 tribunal déterminé à compétence pour juger d'un acte criminel, dès lors que

17 l'acte criminel a été commis sur le territoire dont il est responsable,

18 commis ou tenté. L'Article 28 du même texte de loi dispose que si le crime

19 a été commis hors du territoire de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, le

20 tribunal compétent pour en juger est le tribunal responsable du lieu de

21 résidence de l'accusé."

22 M. Stankovic est accusé d'avoir commis un acte criminel sur le territoire

23 de la municipalité de Foca. C'est en ce lieu qu'il a été privé de liberté,

24 donc placé en détention. Et c'est dans ce lieu qu'il a sa résidence. Il est

25 tout à fait clair que c'est le tribunal régional de Trebinje qui a

Page 218

1 compétence territoriale pour juger de ce crime, ainsi que fondement

2 matériel aux termes du droit régissant le fonctionnement des tribunaux et

3 des bureaux du procureur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la

4 Republika Srpska pour juger de ce crime.

5 Or, l'Article 11 bis du règlement du TPIY prévoit la possibilité, et il est

6 important de ne pas perdre ce fait de vue, prévoit la possibilité de

7 renvoyer une affaire devant les autorités d'un autre Etat. Je souligne

8 l'utilisation du terme "autorités" d'un Etat, d'un Etat sur le territoire

9 duquel le crime a été commis, ou sur le territoire duquel l'auteur du crime

10 a été arrêté, et dans le cas où cet Etat est prêt à juger l'auteur présumé.

11 Ceci est une disposition un peu différente de celle que l'on trouve à

12 l'Article 9, paragraphe 1, du statut du Tribunal, car l'Article 11 bis du

13 règlement évoque les autorités d'un Etat, qui, elles-mêmes, peuvent

14 renvoyer l'affaire devant un tribunal compétent, alors que dans l'Article

15 9, paragraphe 1, du statut du TPI, on lit qu'il est question d'une instance

16 judiciaire concurrente du Tribunal, et du tribunal national. Par

17 conséquent, le statut prévoit très clairement que l'affaire peut être

18 renvoyé à un tribunal national, et non devant les autorités d'un Etat. Dans

19 le cas de M. Stankovic, cette instance judiciaire nationale serait le

20 tribunal régional de Trebinje, qui a compétence matérielle et territoriale

21 pour juger de cette affaire.

22 Selon les dispositions assez comparables que l'on trouve à l'Article 11 bis

23 (A), l'affaire dont nous discutons doit être renvoyée devant les autorités

24 d'un Etat. Mais dans ce cas, il faudrait que ce soit les autorités de

25 Republika Srpska, qui soit déclarés compétentes, et qui traitent de cette

Page 219

1 affaire en la renvoyant devant le tribunal régional de Trebinje et non

2 devant le tribunal d'Etat de la Bosnie-Herzégovine, contrairement à ce

3 qu'affirme le Procureur. La Défense déclare que le département spécial

4 chargé des crimes de guerre du système judiciaire bosniaque est une

5 instance judiciaire nationale, même si des juges étrangers et des

6 procureurs étrangers peuvent y travailler. Par conséquent, il ne s'agit pas

7 d'un tribunal national. En effet, un tribunal national se composerait

8 exclusivement de juges et de procureurs de la nationalité de cet Etat. Le

9 tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine est un département spécial, et

10 constitue par conséquent une espèce de tribunal international qui n'a pas

11 compétence pour juger les crimes commis sur le territoire de l'ex-

12 Yougoslavie, car le conseil de Sécurité a créé le TPIY en application de

13 l'Article 1 du statut du Tribunal, et c'est le seul tribunal international

14 qui est compétent pour juger des personnes responsables des violations

15 graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex-

16 Yougoslavie à partir de 1991. Il ne peut y avoir d'autres tribunaux

17 internationaux compétents pour juger de ces mêmes crimes.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radovic, je constate que vous

19 répétez ce que vous avez déjà écrit, pas pour tout, mais pour certains

20 aspects vous les répétez pratiquement intégralement. La Chambre a pris

21 connaissance de vos écritures avec beaucoup de soin et d'attention. Bien

22 sûr, vous avez toute latitude de résumer ce que vous aviez écrit, mais la

23 Chambre aimerait surtout être saisi d'arguments supplémentaires.

24 Poursuivez.

25 M. RADOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant de prendre la

Page 220

1 parole, je vous ai demandé d'emblée de m'accorder un délai supplémentaire,

2 car je ne demanderais pas un temps très long pour ma plaidoirie. Je vous

3 demande instamment de m'accorder un délai supplémentaire, car je n'ai

4 disposé que de quelques tous petits jours pour me prononcer sur les

5 éléments sur lesquels la Chambre m'a demandé mon avis. J'aurais besoin d'en

6 parler un peu plus en détail pour présenter tous les faits que je juge

7 importants.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, mais j'ai déjà pris

9 connaissance, et je vous ai entendu sur certains points qu'on trouvait

10 avant.

11 M. RADOVIC : [interprétation] Le tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine

12 serait un nouveau tribunal international en raison de sa composition, or un

13 Etat ne peut pas créer, d'après le droit applicable dans cet Etat, un

14 tribunal international à l'issue d'une conférence internationale, ou en

15 l'absence de signature d'un traité international, même sur décision du

16 conseil de Sécurité, qui a créé le TPIY à sa façon. La procédure acceptable

17 pour la création d'un tribunal international est celle à laquelle a recouru

18 le Cour pénal international. Le tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine,

19 ainsi que son département spécial n'ont pas été créés selon des modalités

20 acceptables, et ne doivent pas, par conséquent, être autorisé à

21 fonctionner. Il est étonnant que la Bosnie-Herzégovine, en tant qu'Etat,

22 ait décidé d'adopter une telle loi, même s'il est tout à fait clair qu'un

23 Etat n'a pas compétence pour créer un tribunal international sur la base de

24 ses propres lois. Par conséquent, le tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine

25 et son département spécial ne peuvent être compétents pour juger l'affaire

Page 221

1 de M. Radovan Stankovic, qui ne peut accepter d'être jugé par un tel

2 tribunal.

3 Une solution pourrait peut-être se faire jour, à savoir, créer un

4 département spécial du TPIY, qui serait chargé des crimes de guerre

5 survenus en Bosnie-Herzégovine entre 1992 et 1996. Si l'on garde à l'esprit

6 la pratique des tribunaux de Bosnie-Herzégovine jusqu'à ce jour, qui a déjà

7 été évoquée, elle a accepté de se voir chargée des crimes qui sont énumérés

8 à l'Article 17 des textes du TPI, donc des crimes commis sur le territoire,

9 ou tenté sur le territoire où l'accusé a son lieu de résidence. Dans ce

10 cas, le tribunal cantonal de Sarajevo devrait renvoyer l'affaire de

11 M. Stankovic devant le tribunal original de Trebinje, et pas devant le

12 tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine. Il est tout à fait clair que dans

13 l'affaire de M. Stankovic, si celle-ci est renvoyée devant un tribunal

14 national, elle doit l'être devant le tribunal régional de Trebinje.

15 Selon les dernières informations émanant des médias, en date du 9

16 mars, les juges sont censés prononcer un serment en tant que juges du

17 tribunal d'Etat, et les installations pénitentiaires doivent être

18 inaugurées par le ministre compétent en Bosnie-Herzégovine, et par

19 M. Paddy Ashdown, représentant de la communauté international chargé de

20 l'administration de la région. Ceci étaye encore davantage l'affirmation de

21 la Défense selon laquelle il s'agit bel et bien d'un tribunal

22 international, et c'est bien la communauté internationale qui participe à

23 la création de ce tribunal, puisque le tribunal en question était créé par

24 une loi de Bosnie-Herzégovine, suite à une décision qui a été rendue à

25 l'issue d'une conférence diplomatique. C'est bel et bien un tribunal

Page 222

1 international qui a été créé. Il est tout à fait clair qu'un tel tribunal

2 ne peut juger sans délai l'accusé présent devant vous aujourd'hui, ne peut

3 le faire dans un délai de six mois maximum, ce qui signifierait que M.

4 Stankovic serait privé de son droit de bénéficier dans un délai raisonnable

5 d'un procès en bonne et due forme, droit qui lui est garanti par l'Article

6 6 du pacte européen des droits de l'homme et par l'Article 21, paragraphe

7 4(C) du statut du TPIY.

8 M. Stankovic est en prison depuis plus de deux ans et demi. Il a été arrêté

9 le 10 juillet 2002, et la Défense depuis plus d'un an et demi affirme être

10 prête au début du procès. Son mémoire a été soumis en juin 2004, ce qui

11 était la preuve manifeste qu'elle était prête à commencer le procès, mais

12 malgré tout le procès n'a pas commencé. Pour toutes ces raisons, M.

13 Stankovic considère que les conditions nécessaires pour un renvoi de son

14 affaire devant le tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine ne sont pas

15 réunies. Mais si la Chambre de première instance décide tout de même

16 d'accepter un tel renvoi, alors il faut les mesures suivantes et les

17 consignes suivantes soient données par la Chambre du TPI au tribunal de

18 Bosnie-Herzégovine. A savoir que l'affaire doit être jugée par un tribunal

19 qui a compétence matérielle et compétence territoriale pour en juger, à

20 savoir, le tribunal régional de Trebinje, et que ce soit bien les lois de

21 la Republika Srpska qui s'appliquent.

22 En effet, c'est la législation nationale qui doit s'appliquer en tout état

23 de cause, même si le tribunal d'Etat de Bosnie-Herzégovine pouvait être

24 considéré comme un tribunal national, il devrait néanmoins appliquer les

25 lois de l'entité dont le tribunal est chargé de juger cette infraction

Page 223

1 criminelle. Ce qui signifie que dans l'affaire de M. Stankovic, s'il

2 comparaissait devant un tribunal de Bosnie-Herzégovine, c'est le code pénal

3 et le code de procédure pénale de la Republika Srpska qui devrait

4 s'appliquer. En tout état cause, les dispositions du code pénal de la

5 Republika Srpska et de la Fédération sont pratiquement identiques.

6 L'application des lois du pays, dont le tribunal est chargé de juger une

7 infraction criminelle, prévoit avant tout qu'un acte d'accusation soit

8 dressé contre M. Radovan Stankovic qui soit conforme aux éléments

9 nécessaires dans un acte d'accusation, donc conforme aux éléments prévus

10 pour la rédaction d'un acte d'accusation par le code de procédure pénal,

11 que ce soit fait par la Republika Srpska ou par la Fédération de Bosnie-

12 Herzégovine. C'est de toute façon le code de procédure pénal de Bosnie-

13 Herzégovine qui s'appliquerait en la matière. La procédure consistant à

14 homogénéiser l'acte d'accusation du TPI avec l'acte d'accusation dressé par

15 cette instance dans le respect du code de procédure pénal de Bosnie-

16 Herzégovine, que ce soit de la Fédération ou de la Republika Srpska. Cela

17 prendra du temps, notamment s'il le droit à présenter des exceptions

18 préjudicielles et garanties. Là, encore, ceci nuira à l'exercice par M.

19 Stankovic de ses droits en tant qu'accusé, à savoir, notamment de son droit

20 à bénéficier d'un procès dans des délais raisonnables.

21 L'accusé, c'est-à-dire, M. Stankovic, se verra placer dans une situation où

22 il devra choisir entre présenter des exceptions sans perdre de vue le fait

23 que cela rallongera sa détention après confirmation de l'acte d'accusation

24 ou pas. En tout état de cause, puisque l'acte d'accusation a été signifié à

25 M. Stankovic le 10 juillet 2002, dès qu'il a été emmené dans le quartier

Page 224

1 pénitentiaire des Nations Unies, c'est cette date qui doit être la date

2 prise en compte pour confirmation de l'acte d'accusation. Si l'affaire de

3 M. Stankovic était renvoyée devant un tribunal national,

4 M. Stankovic devrait immédiatement être remis en liberté car sa détention

5 ne peut durer plus longtemps qu'un an après confirmation de l'acte

6 d'accusation, et M. Stankovic est déjà en détention depuis deux ans;

7 précisément depuis deux ans, sept mois, et 21 jours.

8 Si nous appliquons les dispositions du paragraphe 2 de l'Article 194 du

9 code de procédure pénal de la Republika Srpska ou les dispositions de

10 l'Article 137, paragraphe 2 du code de procédure pénal de la Bosnie-

11 Herzégovine, ou l'Article 151, paragraphe 2 de la loi Z4P de la Fédération

12 de Bosnie-Herzégovine, nous constatons que ces trois textes législatifs

13 relatifs à la procédure pénale prévoient sans exception, sans dérogation

14 possible l'obligation de remettre en liberté un accusé dès lors qu'une

15 année s'est écoulée depuis la date de confirmation de l'acte d'accusation

16 dressé à son encontre. Ce qui signifie que M. Stankovic serait déferré

17 devant une instance judiciaire de Bosnie-Herzégovine à une date déterminée,

18 et que ce jour-là sa détention devrait s'achever. Le Tribunal ne peut avoir

19 aucune influence sur la décision en la matière. Il ne peut pas non plus

20 circonscrire de quelque façon que ce soit l'application de cette loi.

21 Si nous parlons d'appliquer le code pénal, ce sont les trois codes pénaux

22 en vigueur qui pourraient s'appliquer puisqu'ils contiennent tous les mêmes

23 dispositions s'agissant de la nécessité de prendre en compte le moment où

24 l'acte criminel a été commis, ce qui dans l'affaire de M. Stankovic se

25 retrouve dans les dispositions de l'Article 142 du code pénal de la RSFY,

Page 225

1 qui était en vigueur à l'époque de la commission des crimes. C'est le seul

2 texte qui peut d'appliquer. L'Etat de Bosnie-Herzégovine a adopté cette

3 disposition dès sa reconnaissance internationale par décret loi et adoption

4 par elle du code pénal en vigueur en ex-République socialiste fédérative de

5 Yougoslavie avec publication au journal officiel de la République de

6 Bosnie-Herzégovine, sous le numéro 2 à la date du 11 avril 1992. Tous les

7 trois codes pénaux en vigueur dans l'ex-Bosnie-Herzégovine prévoient que

8 des dispositions plus clémentes doivent s'appliquer si le code pénal a été

9 modifié entre le moment où l'acte criminel est présumé avoir été commis et

10 le moment où se tient le procès, ce qui signifie que les dispositions du

11 code pénal qui incluaient la peine de mort à l'origine doivent être

12 abolies, la peine la plus grave pour les crimes envisagés à l'Article 142

13 du code pénal de la RSFY étant de 15 à 20 ans d'emprisonnement.

14 Dans l'affaire de M. Stankovic, si celle-ci est renvoyée devant le tribunal

15 d'Etat de Bosnie-Herzégovine, des mesures précises doivent être prises pour

16 assurer la sécurité des témoins, mesures qui, bien entendu, devront être

17 adaptées par application des lois nationales prévoyant de telles mesures.

18 En l'espèce, la Défense demanderait que les témoins de la Défense se voient

19 garantis l'immunité par rapport à toutes arrestations ou tout autre acte

20 d'intimidation ou d'ingérence durant leur voyage en Bosnie-Herzégovine, et

21 l'assurance d'être protégés pendant ce voyage, d'être protégés

22 personnellement, et que les membres de leurs familles soient protégés

23 également, et pour les témoins l'assurance de pouvoir témoigner sans

24 divulgation de leur identité.

25 Si l'affaire devait être renvoyée devant le tribunal régional de Trebinje,

Page 226

1 la Défense envisagerait de demander des mesures de protection pour un

2 certain nombre de ces témoins, mais en tout cas, elle le ferait dans le

3 respect des lois applicables par les tribunaux nationaux et dans le respect

4 des dispositions prévues par le TPI dans son Règlement de procédure et de

5 preuve, l'Article 11 bis (D)(i) ne s'appliquant pas car il ne serait plus

6 en vigueur dès lors que l'affaire aurait été renvoyée devant un tribunal

7 national. Selon le règlement du TPIY, un Etat ne peut modifier son

8 Règlement de procédure et de preuve, car un Tribunal n'a pas compétence

9 pour le faire.

10 Autre question, c'est la nécessité que les instruments suffisants et

11 nécessaires soient fournis pour assurer la comparution des témoins devant

12 le tribunal, avant de voter une loi. C'est la position de la Défense, un

13 texte de loi n'est pas suffisant pour protéger l'identité d'un témoin.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps, parce que je vous

15 demande d'en arriver à la fin. Il ne revient pas à la présente Chambre de

16 décider, de déterminer à quel tribunal un procès sera renvoyé; c'est plutôt

17 un système. Cela ne veut pas dire que la Chambre ne veut pas savoir où le

18 procès finira par se tenir, parce qu'effectivement, elle devra prendre des

19 décisions sur le type de tribunal dans lequel on pourrait s'attendre à ce

20 que ce procès se tienne. Maintenant, vous êtes en train de nous dire ce que

21 nous devons faire, ou vous dites que la façon, les modalités de la tenue du

22 procès ne sont pas de la compétence de la Chambre de première instance du

23 Tribunal. Je constate, une fois de plus, que certains de vos arguments ne

24 sont même pas un résumé de ce que vous avez déjà dit par écrit. En fait,

25 vous répétez intégralement ce que vous aviez déjà proposé comme écriture.

Page 227

1 Je vous demande de terminer.

2 M. RADOVIC : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je vais

3 couper dans le vif dans mon exposé.

4 La question de la fourniture des instruments nécessaires à la

5 sécurité des témoins est posée. Il est dit que l'application de la loi ne

6 suffit pas à cette fin. J'aimerais évoquer quelques exemples, puisqu'en

7 tant que conseil de la Défense d'un accusé accusé des crimes contre

8 l'humanité, je suis déjà intervenu devant le tribunal régional de Trebinje

9 et devant le tribunal cantonal. Ces tribunaux, dès lors qu'ils existent,

10 possèdent des mécanismes particuliers pour assurer la protection des

11 témoins. Je ne sais pas si le tribunal de Bosnie-Herzégovine a mis en place

12 un service particulier qui sera chargé de mettre en œuvre les mesures

13 destinées à assurer la sécurité des témoins, assurées par la loi de pouvoir

14 bénéficier des telles mesures de protection.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble utile d'attirer votre

16 attention sur le fait que la Bosnie-Herzégovine a fourni un complément

17 d'informations notamment en ce qui concerne la protection des témoins. Vous

18 pourriez peut-être réagir à ceci par écrit lorsque vous aurez pris

19 connaissance de leurs écritures. Nous nous excusons du fait que la

20 distribution de ces documents ne s'est pas effectuée de façon efficace.

21 Poursuivez.

22 M. RADOVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec ce que vous venez de

23 dire. Je voudrais souligner en conclusion ceci. La Défense souhaite

24 souligner que si l'on renvoyait l'affaire de M. Stankovic à un tribunal de

25 Bosnie-Herzégovine ou un autre tribunal, ce serait en contravention de la

Page 228

1 convention sur la torture et autres traitements inhumains et cruels de

2 1947. Pourquoi ? Parce que d'après ce que dit cet Article 1er de cette

3 convention, beaucoup d'infractions à cette convention étaient constatées en

4 Bosnie-Herzégovine. Le département d'Etat a fait un rapport sur les droits

5 de l'homme en 2003, qui montre que nombreux sont les problèmes dans les

6 prisons de Bosnie-Herzégovine. Il y a eu violations de ces droits, d'après

7 le rapport de Human Rights Watch de 2004, dans une déclaration faite par le

8 directeur de son programme international, l'interrogatoire des témoins,

9 parti pris envers l'accusé en raison de son origine ethnique de la part des

10 juges et du personnel judiciaire. Tout ceci montre que les conditions qui

11 permettraient le renvoi de l'affaire en Bosnie-Herzégovine ne sont pas

12 remplies, parce qu'il se trouverait en situation où le traitement qu'il

13 subit est en contravention avec cette convention.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Radovic.

15 Je vais maintenant donner l'occasion aux représentants du gouvernement de

16 Bosnie-Herzégovine de s'adresser à la Chambre. Je suppose que nous allons

17 ici, dans l'affaire dont nous allions connaître hier et aujourd'hui, vous

18 allez vous concentrer sur des questions générales globales. Bien sûr, vous

19 pourrez répéter certaines choses. La Chambre est au courant, et je suppose

20 que le conseil de la Défense est aussi au courant. Je m'en remets à vous.

21 Vous avez la parole.

22 Mme KRESO : [interprétation] Messieurs les Juges, je sais que votre temps

23 est précieux. Etant donné que Me Radovic a suivi les débats qui se sont

24 tenus hier et aujourd'hui dans une autre affaire, ceci nous facilite la

25 tâche. Je ne vais pas reprendre les arguments que j'ai présentés hier. Si

Page 229

1 vous m'y autorisez, je vais me résumer; ce qui permettra à mon collègue

2 Vaso Marinkovic de s'adresser à vous, à l'appui de la thèse défendue par le

3 gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

4 Vous-mêmes, Messieurs les Juges et Me Radovic, l'avez entendu. L'appareil

5 judiciaire de Bosnie-Herzégovine a préparé toutes les conditions lui

6 permettant de se saisir en bonne et due forme de toutes les affaires qui

7 seront peut-être, par décision de la Chambre, renvoyées en Bosnie-

8 Herzégovine. Vous avez entendu nos arguments qui ont montré que nous avons

9 posé les bases de toutes les questions et conditions techniques nécessaires

10 pour la bonne conduite de ce genre de procès. Qu'est-ce que je veux dire

11 par "bonne conduite" ? Cela veut dire que tous les accusés, non pas

12 seulement M. Stankovic, doivent être assurés de l'équité du procès, d'une

13 procédure régulière. Notre législation, notre système judiciaire, assure

14 aux accusés tous les droits dont ils disposent ici devant ce Tribunal.

15 Je ne vais pas répéter les lois que nous avons adoptées et promulguées, les

16 conditions que nous avons établies et les façons et modalités que nous

17 avons mis en place pour nous assurer que nous étions à même de traiter de

18 toutes les affaires, de les juger toutes en tout équité et avec efficacité.

19 Sauf le respect que je dois à mon estimé confrère Me Radovic, je dois dire

20 que je n'ai pas entendu de sa part un seul argument de droit, un seul

21 argument juridique qui vienne contester la requête déposée par le Procureur

22 aux fins de renvoi devant un tribunal national.

23 Permettez-moi de revenir rapidement sur ce que disait Me Radovic. Il

24 estime que les tribunaux d'une entité sont des tribunaux nationaux. On sait

25 bien que la Bosnie-Herzégovine, c'est un Etat qui a été reconnu sur le plan

Page 230

1 international, et qui se compose de deux entités et d'un district.

2 Cependant, les entités et le district ne sont pas des états. Il n'y a que

3 le tribunal de Bosnie-Herzégovine qu'on peut considérer comme étant un

4 tribunal national. C'est un tribunal national à plusieurs titres, notamment

5 parce que ses compétences couvrent tout le territoire de la

6 Bosnie-Herzégovine et toutes les entités. La Défense a raison de dire que

7 l'accusé Stankovic aurait commis des crimes sur le territoire de la

8 Republika Srpska à Foca, et qu'aujourd'hui, il réside à Miljevina. Là,

9 effectivement, une des conditions est remplie. Cependant, la juridiction

10 matérielle doit être gardée à l'esprit. D'après le code pénal aujourd'hui

11 en vigueur en Bosnie-Herzégovine, le seul tribunal ayant cette compétence

12 matérielle, c'est le tribunal de Bosnie-Herzégovine.

13 Je prends le chapitre 17 du code pénal de Bosnie-Herzégovine, et j'y

14 trouve mention de crimes contre l'humanité et de valeurs protégées par le

15 droit international, dont les crimes dont est accusé M. Stankovic. A mon

16 avis, un accusé n'a pas le droit de choisir le tribunal qui lui semble

17 compétent. Il ne peut pas non plus changer la compétence matérielle d'un

18 tribunal. D'après ce que j'ai pu comprendre, c'était là le seul argument

19 présenté par la Défense, en tant qu'argument s'opposant à la requête

20 déposée par le Procureur.

21 La Défense affirme que le tribunal de Bosnie-Herzégovine est un tribunal

22 international, c'est tout à fait erroné à mes yeux. C'est véritablement le

23 tribunal de la Bosnie-Herzégovine. Qu'on y trouve une composante

24 internationale, des juges internationaux, des substituts internationaux ne

25 fait que renforcer le statut de ce tribunal et contribue à prouver

Page 231

1 effectivement que les juges substituts, les gens chargés de la poursuite

2 ont quelquefois des sentiments nationaux et ne sont pas nécessairement

3 impartiaux mais vous avez vu que ces juges du tribunal sont d'origines

4 ethniques diverses, toutes les composantes ethniques y sont représentées,

5 et ces juges ont été choisis par une instance indépendante. Me Radovic a

6 l'occasion de venir voir comment ce tribunal fonctionne puisqu'il y a

7 comparu en tant que conseil de la Défense.

8 L'accusé ne saurait décider à quel moment ou à partir de quel moment

9 un délai va courir après qu'il y a eu confirmation de son acte

10 d'accusation. Les procédures régissant le renvoi d'affaire et le recueil

11 d'éléments de preuve venant du TPIY, ceci a fait l'objet d'une loi.

12 L'Article 2, paragraphe 1, dit expressément qu'un acte d'accusation renvoyé

13 par le TPIY pour qu'il y ait poursuite en Bosnie-Herzégovine, en

14 application de l'Article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve du

15 TPIY, que l'acte d'accusation a été confirmé. Il faut bien sûr

16 qu'officiellement et formellement le procureur ajuste l'acte d'accusation à

17 la procédure en vigueur en Bosnie-Herzégovine, après quoi il y aura

18 confirmation de cet acte d'accusation par le tribunal. L'accusé ne saurait

19 modifier les dispositions de la loi. Par conséquent, les délais prescrits

20 pour la confirmation d'un acte d'accusation sont établis par la loi. Le

21 jour où le tribunal de Bosnie-Herzégovine et aucun autre tribunal va

22 confirmer l'acte d'accusation, c'est à partir de ce moment-là que courte le

23 délai pour ce qui est de la durée de la détention autorisée.

24 J'appelle votre attention aussi sur une autre disposition, plutôt un autre

25 paragraphe de l'Article 2 de la même loi. En vertu de celui-ci, la

Page 232

1 détention d'un accusé doit être déterminée conformément aux dispositions de

2 la loi portant procédure pénale en Bosnie-Herzégovine. La durée de la

3 détention au TPIY n'est pas prise en compte. On ne considère pas que c'est

4 là une détention en Bosnie-Herzégovine mais elle intervient au moment de la

5 sentence, s'il y a sentence édictée par le tribunal de Bosnie-Herzégovine.

6 Je ne vais pas répéter que nous sommes tout à fait prêts à connaître de

7 telles affaires. Nous sommes favorables à la requête du Procureur dans la

8 mesure où celle-ci remplit toutes les conditions nécessaires à un renvoi.

9 Si vous me le permettez, Messieurs les Juges, je vais maintenant donner la

10 parole à M. Vaso Marinkovic.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez la parole M. Marinkovic.

12 Pourriez-vous nous dire de quoi vous voulez parler précisément, nous

13 pourrons ainsi mieux vous suivre ?

14 M. MARINKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, après ce que vient de

15 dire Mme Kreso, je serai bref. Il reste encore une certaine interrogation

16 sur un point après cette présentation et celle faite à l'autre audience.

17 J'aurais voulu intervenir lors de l'autre audience, mais je n'en ai pas eu

18 le temps. J'aimerais revenir à ce qu'a dit Me Radovic lorsqu'il disait que

19 la section spéciale des crimes de guerre du ministère public de Bosnie-

20 Herzégovine n'est pas prête. Nous avons huit procureurs nationaux au sein

21 de ce bureau du procureur et cinq sont en formation. Ces six derniers mois,

22 au cours de cette année qui vient de s'écouler, il y a eu des problèmes de

23 formation sans arrêt aussi bien pour les procureurs que pour les juges de

24 Bosnie-Herzégovine. Un des ces programmes de formation a commencé hier et

25 c'est un programme de huit jours. Je relève que cinq procureurs d'Etat de

Page 233

1 Bosnie-Herzégovine, qui ont été désignés pour travailler dans cette section

2 consacrée aux crimes de guerre, ces personnes ont passé cinq jours de

3 formation ici même à La Haye où ils ont été formés par le personnel du

4 bureau du Procureur. C'était pour contrer ce qui avait été dit, à savoir

5 que nous n'étions pas prêts. Si vous vous rappelez ce qu'a dit Mme Kreso,

6 les procureurs et les juges ont été élus par le conseil judiciaire suprême.

7 Ce sont des personnes triées sur le volet, vraiment les plus qualifiées, et

8 je ne suis pas d'accord pour dire que le ministère public n'est pas prêt.

9 C'est tout ce que je voulais dire. Merci.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Marinkovic. Vous auriez

11 peut-être mieux convaincu la Défense si vous aviez dit que vous aviez été

12 formé par du personnel de l'Association des conseils de la Défense à La

13 Haye davantage que par le bureau du Procureur. Je vous serai gré des

14 remarques que vous avez faites à propos de la formation du personnel

15 travaillant dans votre tribunal.

16 M. MARINKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de

17 vous le dire c'est toute une erreur que j'ai commise. En fait,

18 effectivement, c'est le bureau du Procureur qui nous a assuré cette

19 formation.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je disais que la Défense aurait été

21 peut-être plus convaincue si c'était, au lieu du bureau du Procureur,

22 l'Association des conseils de la Défense qui aurait assuré cette formation.

23 Poursuivons. Ce n'est pas si important.

24 Maître Radovic, --

25 M. RADOVIC : [interprétation] Je serai très bref. Je pense que M.

Page 234

1 Marinkovic ne m'a pas bien compris. Je n'ai pas dit que le ministère public

2 en Bosnie-Herzégovine n'était pas prêt. C'est uniquement à partir des

3 documents publiés par certaines organisations que j'ai fait des citations,

4 citations qui sont à voir en rapport avec d'autres tribunaux pas le

5 tribunal de Bosnie-Herzégovine.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà, ceci est tiré au clair. Je vous

7 remercie, Maître Radovic.

8 Est-ce que des questions vont être posées ?

9 Monsieur Stankovic, je vois que vous vouliez vous adresser à la Chambre.

10 Attendez un instant. Je vais conférer sur le siège.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit, Monsieur

13 Stankovic. Si vous voulez vous adresser aux Juges, nous vous donnons pour

14 se faire cinq minutes. Soyons clairs, je le répète, vous êtes représenté

15 par un conseil. En règle générale, c'est par son truchement que vous vous

16 adressez à la Chambre. Je suppose, Me Radovic, que vous ne vous opposez pas

17 fondamentalement à cette prise de parole par M. Stankovic. Vous lui donnez

18 des instructions, si vous le voulez, vous pouvez le faire.

19 Monsieur Stankovic, je vous accorde cinq minutes. J'ajouterais, --

20 comment dire, pesez vos mots. Nous sommes prêts à vous écouter, à vous

21 écouter dans des termes qui soient acceptables. Vous avez cinq minutes.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Orie. Je ne ferais

23 que présenter des arguments, mais je vous prierais simplement de ne pas

24 m'interrompre au milieu d'une phrase.

25 Pour moi, il est tout à fait clair, Messieurs, que vous avez déjà pris

Page 235

1 votre décision s'agissant du renvoi, et que la présente audience n'est

2 qu'une formalité. Or, moi-même et mon conseil de la Défense, vous avons

3 demandé par écrit, à plusieurs reprises, une audience distincte, une

4 audience particulière dans le respect de votre règlement, pour nous

5 permettre d'utiliser les droits qui sont les nôtres, et vous poser un

6 certain nombre de questions liées à un éventuel renvoi de mon affaire

7 devant un tribunal de la Jamahiriya de Bosnie-Herzégovine. En effet, vous

8 décidez comme cela, tout simplement sans me consulter, de me transférer

9 devant le Jamahiriya de Bosnie-Herzégovine. Ce faisant, vous faites une

10 erreur en vous débarrassant de moi, et vous ne respectez pas les règles du

11 jeu qui avait été fixés. Voyons à quel point les lois sont respectées ou

12 pas dans la Jamahiriya de Bosnie-Herzégovine. Quelles sont les lois qui

13 s'appliquent ou qui ne s'appliquent pas ? Quels sont les tribunaux qui

14 existent ou n'existent pas ? Est-ce que c'est simplement une tentative

15 judiciaire d'exposer quelqu'un à la population, ou est-ce que réellement on

16 charge un tribunal d'une affaire à juger selon les lois ? Lorsque je dis

17 "loi," je parle du code pénal de la Republika Srpska. Ou bien, est-ce que

18 le Procureur va peut-être montrer, exposer, M. Paddy Ashdown dans le cadre

19 d'un comportement similaire à ce que l'on pouvait voir à l'époque du Moyen

20 Âge ? C'est ce qu'on a pu observer dans les procès qui ont déjà commencé.

21 Qui est-ce qui va juger ? Est-ce que ce seront des Oustachi, des

22 Moudjahiddines ? Si ce sont des Oustachi et des Moudjahiddines, comment

23 est-ce qu'on peut s'attendre à un jugement professionnel, objectif et

24 juste ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai donné l'occasion de vous

Page 236

1 adresser à la Chambre. Monsieur Stankovic --

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ne m'interrompez pas, s'il vous plaît. J'en

3 arrive à peine aux éléments les plus importants, aux arguments qui sont les

4 miens.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stankovic, je vous ai dit une

6 chose. Je vous ai dit : "Pesez vos mots. Faites attention à ce que vous

7 dites." Par conséquent, je vous ai débranché le micro. Personne ne vous

8 entend. Je voulais simplement vous suggérer ceci. Si vous voulez --

9 Monsieur Stankovic, arrêtez de parler, sinon, on vous fait sortir. Dernier

10 avertissement. Je voulais simplement vous dire ceci. Si vous voulez faire

11 référence à d'autres groupes ethniques --

12 On va vous faire sortir. Faites sortir M. Stankovic du prétoire, s'il vous

13 plaît.

14 Vous aurez --

15 [Audience à huis clos partiel]

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 237

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 [Audience publique]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'heure est venue pour les Juges de

9 poser d'autres questions.

10 [La Chambre de première instance se concerte]

11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai qu'une question à poser. Madame

12 Kreso, j'aimerais savoir exactement, si je vous ai bien compris, vous avez

13 dit que le chapitre 17 du code pénal de Bosnie-Herzégovine va s'appliquer à

14 l'espèce. Vous affirmez pour ce dire que les actes repris dans l'acte

15 d'accusation constituent en tant que tel déjà des infractions, ou

16 constituaient déjà des infractions au moment, disons, au moment des faits,

17 en vertu du code qui s'appliquait à ce moment-là, mais que l'article ou que

18 le code d'aujourd'hui est plus clément, et que c'est là la raison pour

19 laquelle vous l'appliquez. Est-ce je vous ai bien compris ?

20 Mme KRESO : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous ai cité la

21 chapitre 17 ou la section 17, qui énumère notamment les crimes contre

22 l'humanité et les valeurs protégées par le droit international. Je l'ai

23 fait à l'appui de ma thèse, selon laquelle, le tribunal de Bosnie-

24 Herzégovine est le seul tribunal compétent pour connaître de telles

25 affaires. Je n'ai pas expliqué de façon détaillée l'application de ce code.

Page 238

1 C'est Mme Lauth qui en a parlé auparavant. Je voulais insister sur le fait

2 que le tribunal du territoire où le crime a été commis n'est pas le seul

3 territoire compétent, il n'y a pas que la compétence territoriale; il y a

4 la compétence matérielle. Il n'y a aucun tribunal de Bosnie-Herzégovine

5 pour ce qui est du district de Brcko ou des entités; la fédération et la

6 Republika Srpska. Aucun de ces tribunaux n'est compétent pour juger de ces

7 affaires. Le seul tribunal compétent est le tribunal de Bosnie-Herzégovine.

8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. J'avais compris cet aspect-là. Ce

9 qui m'intéresse, c'est le droit matériel, quel est le droit qui doit

10 s'appliquer. Vous, vous déclarez que le code pénal de Bosnie-Herzégovine

11 qui est entré en vigueur en 2003 devrait s'appliquer. Dans toute votre

12 présentation, vous dites qu'il n'est pas nécessaire ici d'appliquer le

13 droit international, mais si on prend le code pénal de la RSFY, celui-là

14 existait au moment des faits, et ce qui est affirmé dans l'acte

15 d'accusation est déjà peut-être sanctionné en vertu de ce code. Mais vous

16 dites que le code actuel est plus clément et que c'est pour cela que vous

17 pouvez l'appliquer. Je vous demande pourquoi on ne peut pas utiliser le

18 code pénal de la Republika Srpska ? Dans le fond, c'est à cela que revient

19 ma question. Est-ce que vous pourriez répondre ?

20 Mme KRESO : [interprétation] Le code pénal de la Republika Srpska, il est

21 aussi entré en vigueur récemment, l'année dernière. Ce code ne prévoit pas

22 la poursuite de ces infractions pénales. On ne les trouve tout simplement

23 pas dans ce code pénal de la Republika Srpska, parce que la poursuite de

24 telles infractions est confiée au tribunal de Bosnie-Herzégovine et qui est

25 le seul tribunal compétent.

Page 239

1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez dire que le code pénal

2 actuel de la Republika Srpska ne convient pas à ces dispositions. Est-ce

3 que c'est exact ?

4 Mme KRESO : [interprétation] Oui. Oui, on ne les trouve pas dans ce code.

5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Radovic, qu'en dites-vous ?

6 M. RADOVIC : [interprétation] Permettez-moi de reprendre quelques instants

7 la parole simplement pour revenir sur les constatations qui viennent d'être

8 émises par mon éminente collègue la Présidente du tribunal de Bosnie-

9 Herzégovine. Je poserai simplement une question. Il est exact que le code

10 pénal de la Republika Srpska ne prévoit les dispositions que l'on trouve

11 dans le chapitre 17 du code pénal de Bosnie-Herzégovine, mais les tribunaux

12 régionaux de la Republika Srpska, de même que les tribunaux cantonaux, sont

13 tenus de juger les personnes présumées coupables de crime de guerre.

14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Marinkovic.

15 M. MARINKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce que mon confrère

16 Me Radovic vient de dire est exact. Il est exact que les tribunaux

17 régionaux et tribunaux cantonaux ont compétence pour juger des crimes de

18 guerre. Le tribunal de Bosnie-Herzégovine et le bureau du procureur de

19 Bosnie, en ce moment, n'a tout simplement pas la capacité nécessaire pour

20 juger de toutes les affaires en suspens, toutes les affaires qui, par la

21 voie romaine, lui arrivent en provenance de La Haye c'est-à-dire du TPIY.

22 Il est vrai qu'il y a des raisons de soupçonner que des crimes de guerre

23 ont été commis dans plus de 10 000 cas. Il importe au plus haut point de

24 prendre en compte le degré de sensibilité, le degré de gravité de ces

25 infractions présumées qui se répartissent en deux catégories.

Page 240

1 Il y a la première catégorie composée des infractions très sensibles, très

2 graves. Dans ce cas, toute affaire pour crimes de guerre doit être lancée

3 par le bureau du procureur de la Bosnie-Herzégovine, car dès lors qu'il est

4 déterminé qu'une affaire est de nature sensible, elle retourne devant les

5 tribunaux cantonaux. D'ailleurs, dans la plupart des cas devant les

6 tribunaux régionaux. Lorsque l'affaire entre dans la catégorie dite des

7 affaires très sensibles, c'est le bureau du procureur de Bosnie-Herzégovine

8 qui en garde la maîtrise. Cela dit, l'affaire dont nous parlons, relève de

9 l'Article 11 bis. Elle ne se situe pas dans ces catégories. En effet,

10 compte tenu de l'existence de la disposition régissant précisément le

11 renvoi devant d'autres instances judiciaires, l'affaire dont nous parlons,

12 doit directement être renvoyée devant le tribunal d'Etat de Bosnie-

13 Herzégovine,

14 c'est-à-dire, devant ce tribunal d'Etat et devant le bureau du procureur.

15 Elle ne peut pas être renvoyée devant un autre tribunal que le tribunal

16 d'Etat de Bosnie-Herzégovine.

17 J'aimerais maintenant rapidement aborder quelques autres points. Si les

18 Juges de cette Chambre décidaient de renvoyer l'affaire devant la justice

19 de Bosnie-Herzégovine avec un acte d'accusation déjà confirmé par le bureau

20 du procureur de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, selon le code de procédure

21 pénale, le bureau du procureur devra procéder à une adaptation du texte de

22 l'acte d'accusation. Ceci ne prendra que très peu de temps. Je suis certain

23 que cela ne prendra pas très longtemps. Mon confrère responsable sait déjà

24 ce qu'il faut pour effectuer cette harmonisation. Il suffit de passer en

25 revue la dénomination du tribunal, les détails de la vie personnelle de

Page 241

1 l'accusé, la description des faits reliés à l'acte répréhensible, les

2 qualifications juridiques de cet acte, les éléments de preuve et les

3 documents à l'appui de l'acte d'accusation. L'affaire, ensuite, peut être

4 présentée aux Juges automatiquement.

5 Rapidement, j'aimerais revenir sur un sujet qui a été discuté hier. Le

6 droit applicable actuellement en Bosnie-Herzégovine est un droit très

7 strict s'agissant des conditions de détention et de la durée des

8 détentions. La plus longue période de détention que l'on peut imposer à une

9 personne est de six mois à compter de la confirmation de l'acte

10 d'accusation. Si dans ce délai de six mois, l'acte d'accusation définitif

11 n'est pas émis, un suspect peut être remis en liberté. Une fois qu'un acte

12 d'accusation a été dressé, le jugement doit être rendu à l'issue du procès,

13 au plus tard, dans un délai d'un an à compter de la confirmation de l'acte

14 d'accusation. Si tel n'était pas le cas, l'accusé serait remis en liberté

15 automatiquement. Le jugement en appel doit être prononcé dans un délai de

16 six mois après le jugement en première instance, et cetera, et cetera.

17 Voilà ce que je voulais ajouter. Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous poser une autre

19 question. Je m'adresse tant à Me Radovic qu'aux représentants de la Bosnie-

20 Herzégovine. Je comprends bien, en effet, qu'il existait un code pénal, et

21 qu'en 1992, les états, ou plutôt les entités qui ont vu le jour et qui se

22 comportent comme des états indépendants, ont adopté leur propre texte,

23 c'est-à-dire, ont élaboré leur propre code pénal national, ou en tout cas,

24 intérieur. Puisque Me Radovic a parlé du code pénal de la Republika Srpska

25 adopté en 1992, je vous demande, si je me souviens bien, je crois que vous

Page 242

1 avez dit qu'il avait été adopté en avril, à la mi-avril 1992. C'est bien

2 cela, Maître Radovic ?

3 M. RADOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Republika Srpska,

4 dans sa constitution de 1992, a repris toutes les lois en vigueur dans

5 l'ex-RSFY, y compris d'ailleurs le code pénal de la RSFY. C'est ce code

6 pénal-là qui a été en vigueur jusqu'à l'adoption d'une nouvelle loi en

7 2003.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, d'accord. Je vais vous

9 annoncer ma question suivante, étant donné que vous avez dit tous les deux

10 que l'ancien code pénal avait été repris et peut se poser un petit problème

11 temporel, étant donné que l'acte d'accusation démarre en avril et va

12 jusqu'en décembre. Je crois que la reprise de ce texte a eu lieu en avril

13 si j'ai bien compris. Je crois que vous avez parlé du 11 avril. En tout

14 cas, est-ce que cela signifierait que dès lors que ce texte se retrouve

15 avec une dénomination différente, ce sont les mêmes lois qui s'appliquent ?

16 De quelle date sont les amendements du texte de loi applicable à ce genre

17 d'affaire ? Est-ce que les modifications sont intervenues dans la période

18 couverte dans l'acte d'accusation, autrement dit, en 1992, ou est-ce que

19 les premières modifications sont intervenues plus tard ? Qui est-ce qui

20 connaît la réponse ? Personne ne semble la connaître.

21 Oui, Madame Lauth.

22 Mme LAUTH : [interprétation] Il y a eu des amendements ultérieurs ou

23 tardifs adoptés aussi bien par la Fédération de Bosnie-Herzégovine que par

24 la Republika Srpska. Si je ne m'abuse, un code pénal distinct a été adopté

25 par la fédération en 1998.

Page 243

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais j'aimerais être clair. Je

2 souhaite simplement savoir si la mention de la période visée à l'acte

3 d'accusation comme étant 1992, peut poser un problème par rapport à cette

4 reprise du code pénal par la Republika Srpska ou par un autre entité. Quels

5 sont les problèmes qui pourraient surgir devant les tribunaux, même si sur

6 le plan matériel, les lois qui s'appliqueraient selon le code de la

7 Republika Srpska et selon le code de Bosnie-Herzégovine seraient exactement

8 les mêmes ?

9 Mme LAUTH : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 Maître Radovic, vous êtes d'accord avec cela ?

12 M. RADOVIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Les mêmes dispositions

13 se retrouvent dans le code de la Republika Srpska et de la Fédération de

14 Bosnie-Herzégovine qui, toutes deux ont adopté l'ancien code pénal de l'ex-

15 RSFY. La Défense affirme que dans le cas de M. Stankovic, seul l'Article

16 142 de l'ancien code pénal de la RSFY est applicable.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 J'aimerais maintenant m'adresser aux représentants du gouvernement. Je

19 sais, que selon vous, le code pénal de Bosnie-Herzégovine de 2003

20 constituerait désormais le texte de loi applicable, y compris avec ces

21 dernières modifications. Conviendriez-vous que si nous estimons qu'il n'y a

22 pas de différence entre le code pénal de Republika Srpska et celui de la

23 République de Bosnie-Herzégovine, c'est bien l'Article 142 qui

24 s'appliquerait ?

25 Mme LAUTH : [interprétation] Je vous demande une seconde.

Page 244

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. KOUMJIAN : [interprétation] Nous ne voulons pas répondre avant d'avoir

3 fait une comparaison entre le code et l'acte d'accusation qui vient d'être

4 dressé par le bureau du Procureur. Nous pensons qu'en vertu du code de la

5 RSFY, la section réservée à ces crimes s'appliquerait si on appliquait le

6 code de 1992. Je ne suis pas prêt maintenant à vous donner une mention

7 précise de l'article qui s'appliquerait.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

9 M. KOUMJIAN : [interprétation] La section du code actuel consacrée aux

10 crimes contre l'humanité, en fait a considéré comme étant des éléments

11 codifiant le droit international coutumier humanitaire.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On revient au même problème, parce que

13 le 142, ce sont les crimes de guerre et pas les crimes contre l'humanité.

14 La question demeure, qui est celle de l'application directe ou indirecte du

15 droit coutumier international pénal.

16 Autre question. Vous avez un accord que vous nous avez envoyé. On dit, la

17 présidence de la Bosnie-Herzégovine, est-ce dans cette présidence on inclut

18 un représentant de ce qui est aujourd'hui une entité de la Republika

19 Srpska ?

20 Mme LAUTH : [interprétation] Oui, c'est exact. L'accord a été signé le 1er

21 décembre 2003, signé par le représentant et par la présidence. Vous savez

22 que c'est une présidence tricéphale qui représente les trois entités.

23 M. KOUMJIAN : [interprétation] Nous allons nous conférer un moment.

24 Mme LAUTH : [interprétation] Tous les groupes ethniques sont représentés au

25 sein de la présidence.

Page 245

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux dès lors vous

2 demander qui désigne, qui choisit le représentant serbe à la présidence ?

3 Mme LAUTH : [interprétation] D'après l'Article 5 de la constitution de

4 Bosnie-Herzégovine, c'est le parlement de la Republika Srpska. Le parlement

5 de l'entité de la Republika Srpska, qui choisit ou qui nomme, qui désigne

6 le membre de la présidence.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 Mme LAUTH : [interprétation] Permettez-moi de vous renvoyer à la

9 disposition concernée dans la constitution de Bosnie-Herzégovine.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Je m'interrogeais simplement.

11 Maître Radovic, c'est pour cela que j'ai posé la question. Vous avez émis

12 de vives critiques. Vous vous êtes demandé s'il était possible de créer un

13 tribunal national ou international. Maintenant, je comprends. C'est une

14 espèce d'entreprise conjointe, commune, des entités qui constituent la

15 Bosnie-Herzégovine, y compris la Republika Srpska, parce que vous disiez

16 que ce tribunal, c'était quelque chose qui vous était tout à fait étranger.

17 Pourtant, quand vous faites référence à ce qui serait le tribunal ou

18 l'instance compétente pour le droit ou la loi en Republika Srpska, je

19 comprends que c'est là le fruit d'une entreprise à laquelle a participé la

20 Republika Srpska.

21 M. RADOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne serai pas long.

22 Le problème, c'est de savoir qui peut être juge devant n'importe quel

23 tribunal de Bosnie-Herzégovine. Un juge en Bosnie-Herzégovine doit être

24 ressortissant du pays. C'est cela le problème. C'est ce que dit la

25 constitution.

Page 246

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que vos critiques étaient

2 motivées par d'autres raisons également. Vous dites au fond et surtout, que

3 le Tribunal se compose non seulement de citoyens de Bosnie-Herzégovine,

4 mais aussi de ressortissants étrangers, de juges étrangers qui participent

5 aux travaux de ce tribunal. C'est ce qui vous pousse à rejeter l'option que

6 constitue ce Tribunal. Oui.

7 Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

8 Je vais permettre aux deux parties de présenter leurs dernières remarques.

9 Vous avez déjà, à quelques reprises, Maître Radovic, dit que vous n'alliez

10 pas utiliser ce droit, que vous n'aviez pas grand-chose à ajouter à ce qui

11 s'est déjà dit. Puisque c'est le Procureur qui a déposé cette requête, je

12 vais lui demander si elle a d'autres arguments à présenter. Si vous vous

13 sentez le besoin d'y répondre, vous pourrez le faire, Maître Radovic.

14 Madame Somers.

15 Mme SOMERS : [interprétation] Je serai très brève. Nous nous en tenons à

16 nos écritures et tout ce que j'ai ajouté auparavant. Nous venons de

17 recevoir récemment la réponse de Me Radovic, et nous nous opposons à l'idée

18 que Trebinje soit une option, parce qu'on parle d'Etat et je pense que

19 l'idée de l'entité ou du tribunal qui devrait s'occuper de cette tâche a

20 fait l'objet de suffisamment d'arguments. Rien à dire pour ce qui est des

21 lois lorsqu'on parle "de crimes de guerre contre des civils", s'est repris,

22 mais je crois que tout a déjà été dit dans les écritures déjà déposées. Je

23 voudrais respectueusement demander à la Chambre ou je voulais poser des

24 questions par le truchement des Juges, mais ces questions ont déjà été

25 posées, on trouvait réponse.

Page 247

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

2 Maître Radovic, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose,

3 auparavant je vous informe de ceci, si vous voulez présenter d'autres

4 arguments par écrit suite à ce qu'a déposé récemment le gouvernement de

5 Bosnie-Herzégovine, vous disposerez pour ce faire d'un délai de deux

6 semaines.

7 Voulez-vous ajouter quelque chose ?

8 M. RADOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 je n'ai rien à ajouter. La Défense en reste intégralement aux deux

10 écritures qui ont été déposées en date du 22 décembre 2004, ainsi qu'en

11 date du 1er mars 2005, et j'inclus également mon propos liminaire. Je vous

12 remercie.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

14 Madame Kreso, avez-vous quelque chose à ajouter, si c'est le cas, c'est le

15 moment ou jamais.

16 Mme KRESO : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de nouveaux

17 arguments à vous exposer mais j'aimerais saluer et remercier la subtilité

18 de la perception de cette Chambre qui a donné la possibilité aux

19 représentants de la République de Bosnie-Herzégovine de faire connaître

20 leurs positions. Je pense que ceci a été exceptionnellement utile aussi

21 bien pour l'une que pour l'autre partie, et également, bien sûr, pour nous.

22 Je puis le dire et je le fais sans doute avec un peu d'émotion, mais je

23 suis sûre qu'une telle opportunité donne une réelle possibilité à la

24 Bosnie-Herzégovine. Je ne pense pas uniquement au procureur de Bosnie-

25 Herzégovine, mais à l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine, à l'ensemble de

Page 248

1 son système judiciaire de démontrer qu'il s'est hissé au rang des systèmes

2 judiciaires mondiaux, nous sommes un pays en transition et le système

3 judiciaire est, dans n'importe quel Etat, un pilier institutionnel. Si dans

4 la présente affaire et dans d'autres affaires que vous jugerez apte à faire

5 l'objet d'un renvoi, vous prenez une décision favorable au renvoi, et bien

6 entendu, vous avez à tout moment la possibilité de suivre le cours des

7 choses et y compris demander le retour devant le TPI d'une affaire renvoyée

8 au préalable, et si vous prenez une décision positive, vous nous donnerez

9 la possibilité de démontrer pas seulement à l'intérieur de notre pays mais

10 également à l'extérieur de nos frontières à quel point nous sommes capables

11 de remettre notre pays sur ses pieds. Je vous remercie pour votre

12 confiance.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Kreso.

14 La Chambre comprend parfaitement ce qui se passe dans tous les états de

15 l'ex-Yougoslavie et suit ses évolutions avec énormément d'intérêt. C'est

16 tout à fait compréhensible si vous avez déployé autant d'efforts pour

17 adapter votre système juridique et judiciaire à cette tâche difficile qui

18 est de juger d'affaires internationales, j'imagine aisément qu'il y aura

19 sans doute des procès qui se tiendront et même après tous ces efforts, et

20 c'est vrai aussi pour d'autres Etats de l'ex-Yougoslavie, mais c'est normal

21 on veut montrer que ces efforts n'ont pas été déployés en vain et qui sont

22 couronnés de succès, nous comprenons.

23 Ceci met fin à l'audience, mais pas tout à fait pour ce qui est de

24 l'affaire Stankovic. Madame Kreso, nous tenons à vous remercier d'avoir

25 fourni des informations requises par la Chambre, mais il reste une

Page 249

1 Conférence de mise en état en l'espèce. Nous allons faire une pause de cinq

2 minutes.

3 Maître Radovic, est-ce qu'il vous sera possible de rencontrer votre

4 client ? Si vous parvenez à le faire, dites-lui qu'il est le bienvenu à

5 cette Conférence de mise en état et que j'appliquerais la même règle, à

6 savoir qu'il a le droit d'intervenir. S'il utilise des paroles vexantes ou

7 incorrectes, s'il insulte qui que ce soit, s'agissant de son droit à être

8 présent, pour lui la Conférence de mise en état sera courte. S'il est prêt

9 à se prononcer correctement, il aura le loisir de le faire. Je vais donner

10 des instructions aux personnels de la sécurité, mais vous pourriez peut-

11 être déjà lui transmettre ce message.

12 Suspension de cinq minutes.

13 --- L'audience sur requêtes est levée à 18 heures 42.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25