Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 17 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  6   Messieurs les Juges. Bonjour à tout le monde dans le prétoire.

  7   C'est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  8   Stojan Zupljanin.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

 10   Bonjour à tout le monde. Les parties peuvent-elles se présenter.

 11   Mme PIDWELL : [interprétation] Monsieur le Président, Belinda Pidwell,

 12   Joanna Korner et Crispian Smith pour l'Accusation ce matin.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges. Ce matin, pour ce qui est des équipes de la Défense, on a une

 15   composition internationale. Pour la Défense de M. Stanisic, Slobodan

 16   Zecevic, Republika Srpska; Eugene O'Sullivan, Etats-Unis; Deirdre

 17   Montgomery, Irlande; et pour la première fois dans le prétoire, Mlle Ivana

 18   Batista des Pays-Bas.

 19   M. PANTELIC : [interprétation] Bonjour,  Monsieur le Président, Messieurs

 20   les Juges. Ce matin, pour la Défense de Zupljanin, Igor Pantelic et Dragan

 21   Krgovic, et notre éminent collègue, M. Lennart Poulsen du Danemark. Merci.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Maître O'Sullivan, vous avez la parole.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Je m'excuse, une correction au compte rendu.

 25   Slobodan Cvijetic de la Republika Srpska, Eugene O'Sullivan du Canada, Mlle

 26   Deirdre Montgomery de l'Irlande et Mlle Ivana Batista des Pays-Bas.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Dans le compte rendu

 28   en anglais, on peut lire que Mlle Montgomery vient d'une île. Bien sûr, il

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  1   s'agit de l'Irlande.

  2   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, oui, c'est ce que j'ai dit. Elle vient

  3   de l'Irlande.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître O'Sullivan, vous avez la parole.

  5   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Il y a une question préliminaire à

  6   soulever avant l'arrivée du témoin dans le prétoire. Cela concerne la

  7   collection de documents 92 ter que l'Accusation va présenter par le biais

  8   du témoin suivant, et je pense que nous devrions en parler en l'absence du

  9   témoin puisque nous estimons qu'il va parler, conformément à des règles 92

 10   ter. Il s'agit de l'admission au dossier de ces documents, et nous avons

 11   des objections à soulever pour ce qui est de certains aspects de la

 12   déclaration. Il y a 15 articles de journaux dans cette collection 92 ter,

 13   qui vont être présentés par le biais de ce témoin, et qui ont été écrits

 14   par ce témoin. Et nous avons une objection permanente à soulever pour ce

 15   qui est de l'admission au dossier des articles de journaux, puisqu'il y a

 16   dans ces articles beaucoup d'information qu'on ne peut pas vérifier et qui

 17   n'ont pas été vérifiées, des informations provenant des radios locales,

 18   radios de Sarajevo, de l'agence de presse Tanjug, la radio croate, et

 19   cetera. Il s'agit donc des histoires que le témoin - pour lesquels le

 20   témoin dit qu'il les avaient entendues dans ces sources d'information. Il y

 21   a également les propos de certaines personnes qui ne sont pas nommées, et

 22   cetera. Il y a également des histoires, des propos des fonctionnaires de la

 23   communauté internationale et des observateurs des pays de l'Europe

 24   occidentale, des hommes politique, et cetera. En particulier, pour ce qui

 25   est d'un article, intercalaire 7, 65 ter 3377, nous affirmons qu'il s'agit

 26   d'un article qui est tout à fait, qui n'est pas du tout pertinent. Cela

 27   concerne l'aide aérienne pour Sarajevo, et cet article a été publié en

 28   juillet. Ça n'a rien à voir avec l'acte d'accusation dans cette affaire.

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  1   C'est la première objection.

  2   La deuxième objection concerne les entretiens qui ont été menés avec M.

  3   Traynor, et c'est l'intercalaire 2, 65 ter 10358.02. C'est l'entretien de

  4   M. Traynor du bureau du Procureur. A la page 7, il est dit :

  5   "Pendant ce temps-là, j'ai mené des entretiens avec les survivants de trois

  6   établissements de détention qui existent dans la région de Prijedor, et

  7   j'ai souligné cela dans les articles que j'ai écrit à ce sujet."

  8   De façon similaire, à l'intercalaire 14, 65 ter 6373, à l'article du

  9   même auteur du 6 octobre 1992, à la page 1 où il est dit, je cite :

 10   "'The Guardian' a mené, pendant la semaine dernière, des entretiens -- de

 11   longs entretiens séparés avec beaucoup d'anciens prisonniers et avec les

 12   membres de leurs familles."

 13   Ensuite les articles qui sont dans les intercalaires jusqu'à

 14   l'intercalaire 17, les articles datés du 2 octobre et des dates

 15   ultérieures.

 16   Monsieur le Président, nous considérons que ces informations ne

 17   peuvent pas être admises par le biais de Traynor, et nous faisons référence

 18   à ce sujet à la décision du Tribunal, dans l'affaire Milutinovic, l'affaire

 19   IT-05-87-T, la décision du 1er septembre 2006. C'est la décision concernant

 20   le témoignage de Sandra Mitchell et Frederick Abrams. De façon similaire,

 21   nous avons la décision du 8 septembre 2007, pour ce qui est du témoignage

 22   des moyens de preuve versés au dossier par le biais du témoignage de Fuad

 23   Haxibeqiri. Donc pour ce qui est de ces décisions déjà prises par le

 24   Tribunal, je pense qu'on peut les appliquer dans le contexte présenté par

 25   M. Traynor. Je vais expliquer pourquoi.

 26   Pour ce qui est de ces rapports des organisations internationales,

 27   ces rapports n'ont pas été préparés pour ce qui est de ces procès. Nous

 28   disons que ces articles écrits par M. Traynor n'ont pas été écrits pour

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  1   être utilisés par la suite dans des procès judiciaires. Les rapports

  2   rédigés par les organisations non gouvernementales, présentés dans

  3   l'affaire Milutinovic, présentent des extraits de déclarations concernant

  4   des comportements criminels présumés et ce sont des personnes qui auraient

  5   été victimes ou témoins de crimes. Les déclarations ont été donc

  6   recueillies par les personnes des organisations non gouvernementales qui

  7   n'ont pas participé à ces événements, qui n'ont pas vu ces événements, qui

  8   n'ont pas été oculaires de ces événements, et ils ont raconté cela à ce

  9   titre la même chose. M. Traynor, en octobre, donc affirme qu'il s'est

 10   entretenu avec les gens qui étaient dans ces établissements.

 11   La Chambre de première instance dans l'affaire de Milutinovic, dans

 12   ces deux décisions, et ce que j'ai déjà cité, donc selon cette décision la

 13   Chambre a considéré que ces informations de ouï-dire ne sont pas

 14   admissibles au dossier. La Chambre dans Milutinovic a sui la décision de la

 15   Chambre d'appel dans l'affaire Aleksovski. L'affaire IT-95--14/1-AR73, du

 16   16 février 1999. C'est la décision relative, l'appel interjeté par

 17   l'Accusation pour ce qui est de l'admissibilité des moyens de preuve;

 18   paragraphe 44 de cette décision, la Chambre d'appel a discuté la question

 19   concernant la fiabilité, l'admission des moyens de preuve par ouï-dire. Et

 20   pour ce qui est de cette décision de la Chambre d'appel, il y a deux points

 21   qui ont été appliqués dans l'affaire Milutinovic.

 22   Le premier point est comme suit : La Chambre doit se pencher sur le

 23   fait de savoir le résumé concernant les informations par ouï-dire sont les

 24   informations de première source, et la Chambre a dit qu'il faut savoir si

 25   la personne qui a fait ce résumé a vu les événements dont il est question

 26   dans la déclaration.

 27   Le deuxième point, il faut savoir si cela peut avoir une incidence

 28   sur la déclaration, cette absence de possibilité de contre-interroger ces

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  1   personnes.

  2   Le témoin point est simple. La personne, qui a rédigé ce résumé de

  3   déclaration, ne peut pas -- on ne peut pas avoir la possibilité pour ce qui

  4   est majeur pour contre-interroger cette personne, par rapport à la personne

  5   qui a donc dit cela.

  6   M. Traynor n'a pas été témoin de ces événements. Il ne les a pas vus,

  7   ces événements qui ont été présentés dans ces articles de presse. La

  8   Chambre de première instance n'a pas assez de document, d'indice pour être

  9   persuadée que les informations contenues dans les articles de Traynor sont

 10   fiables, et il y a une façon pour l'Accusation à laquelle elle peut donc

 11   demander l'admission de ces déclarations au dossier, à savoir de citer à la

 12   barre ce témoin pour qu'il témoigne de vive voix ici, ou de demander leur

 13   admission au 92 ter, ou 92 bis, puisque ces articles de presse ne peuvent

 14   pas être admis au dossier en tant que collection de moyens de preuve,

 15   d'éléments de preuve 92; et par le biais de M. Traynor.

 16   La même chose s'applique à certains aspects de l'entretien mené par

 17   M. Traynor, et c'est 65 ter 10358.2, à la page 8. Il parle d'un entretien

 18   qu'il a mené avec M. Krzic, à la page 8, avec l'homme nommé Sadic. Ensuite

 19   les pages 13 à 16, concernent la discussion ou conversation qu'il avait

 20   menée avec M. Karadzic, M. Koljevic, M. Veljko Ostojic et Ratko Mladic,

 21   ainsi qu'avec M. Milanovic et le colonel Milutinovic, ce qui en fait ne

 22   concerne pas l'acte d'accusation. Encore une fois, je souligne que M.

 23   Traynor n'a pas entendu parler de ces événements pour ce qui est de ces

 24   conversations avec ces personnes, et nous n'avons pas l'occasion de contre-

 25   interroge cette personne.

 26   La dernière objection concerne la chose suivante, puisque nous

 27   estimons que M. Traynor donc témoigne en s'appuyant sur les ouï-dires, sur

 28   les informations qui lui ont été fournies par les employés du comité

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  1   international de la Croix-Rouge, c'est l'intercalaire 2, 65 ter 10358.2, M.

  2   Traynor, à la page 2, il a dit :

  3   "Encore une autre personne avec laquelle j'ai parlé qui m'a parlé du

  4   contexte des événements survenus à Banja Luka, c'était une personne d'une

  5   organisation humanitaire internationale, et en tant que seule personne qui

  6   se trouvait à Banja Luka et la Bosnie septentrionale."

  7   Il a expliqué dans les notes de séances de récolement du 7 avril,

  8   qu'il s'agissait d'un employé du comité international de la Croix-Rouge.

  9   Quatre de ces articles de presse qu'il a écrits font référence à des propos

 10   de cet employé du comité international de la Croix-Rouge, intercalaire 9,

 11   65 ter 3376, à la page 2; l'intercalaire 10, 65 ter 3375, page 2;

 12   l'intercalaire 13, 65 ter 10358.07, pages 1 et 2; et l'intercalaire 16, 65

 13   ter 10058.08, page 2.

 14   Maintenant pourquoi nous disons que les déclarations ou les

 15   informations fournies par les employés du comité international de la Croix-

 16   Rouge ne sont pas admissibles ? Monsieur le Président, je fais référence à

 17   la décision de l'affaire Procureur contre Simic, IT-95-9-PT, la décision

 18   datée du 27 juillet. Il s'agit de la décision concernant la requête de

 19   l'Accusation confirmant l'article 73, pour ce qui est de la décision

 20   concernant le témoignage du témoin. Ce témoin est l'ancien employé du

 21   comité international de la Croix-Rouge.

 22   La Chambre a trouvé qu'un employé ou un ancien employé de certaines

 23   organisations ne peut pas témoigner devant ce Tribunal international. La

 24   Chambre a considéré qu'il y a une règle du droit international coutumière

 25   qui s'oppose à l'admission des moyens de preuve des témoignages fournis par

 26   les employés du comité international de la Croix-Rouge. La Chambre a décidé

 27   que la ratification des conventions de Genève par les 188 Etats peuvent

 28   être considérées comme étant donc l'expression des opinions de ces Etats. 

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  1   En plus, pour ce qui est de la pratique donc habituelle de ces Etats par

  2   rapport à cette organisation internationale de la Croix-Rouge, a mené la

  3   Chambre à conclure que cette organisation a le droit selon les dispositions

  4   du droit international coutumière de ne pas divulguer les informations

  5   obtenues par ces employés pendant qu'ils étaient en service. C'est le

  6   privilège donc de cette organisation internationale du Comité international

  7   de la Croix-Rouge, par conséquent, il y a donc interdiction absolue selon

  8   ce droit pour ce qui est de l'admission au dossier des témoignages de ces

  9   employés. Donc par le même raisonnement nous disons que les informations

 10   données par M. Traynor puisqu'il était employé de cette organisation ne

 11   peuvent pas être donc admises au dossier puisqu'on ne peut pas accepter les

 12   moyens de preuve par ouï-dire qui ne sont pas admissibles puisque ces

 13   personnes travaillent pour cette organisation internationale.

 14   Monsieur le Président, j'en ai fini avec mes arguments concernant mes

 15   objections concernant la collection de document 92 ter.

 16   M. PANTELIC : [interprétation] Moi aussi, j'ai des arguments à soulever au

 17   même sujet.

 18   D'abord, pour ce qui est de la position de la Défense de Zupljanin à ce

 19   sujet je vais dire que nous adoptons -- nous soutenons les arguments

 20   présentés par les avocats de Stanisic à ce sujet.

 21   J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur le fait qu'hier soir, donc

 22   dimanche, hier, dimanche devrait être une journée de repos pour tous, mais

 23   pas pour la Défense, hier, donc dans nos casiers nous avons trouvé des

 24   morceaux des extraits manuscrits de M. Traynor, écrits par M. Traynor.

 25   D'abord, puisque nous savons que M. Traynor a fait une déclaration lors de

 26   l'entretien avec les représentants du bureau du Procureur il y a 11 ans, on

 27   se pose la question pour savoir pourquoi maintenant nous avons ces

 28   documents. Comme d'habitude, il s'agit, en fait, du manquement à un travail

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  1   efficace de la part de l'Accusation. Cela fait partie de leur jeu qu'ils

  2   jouent avec nous, puisque nous avons le problème concernant ces notes :

  3   numéro 1, numéro 2, puisque ce n'est pas lisible, pas du tout. M. Traynor

  4   écrit de façon illisible, il n'est absolument pas possible de lire cela, et

  5   ce que je vois ici est la chose suivante : "Stojan Zuplanin be Luka, chef"

  6   -- quelque chose comme "chef." La date est le 26 septembre 1992.

  7   Pour ce qui est de la communication de ces documents, de la part du bureau

  8   du Procureur indépendamment du fait de savoir si l'Accusation va s'appuyer

  9   sur ces notes, nous avons le droit de savoir ce qu'il a écrit là concernant

 10   la période couverte par l'acte d'accusation, puisque nous ne voulons pas

 11   avoir seulement certains extraits de ses notes. Nous voulons avoir tout,

 12   toutes ses notes, donc les notes originales de M. Traynor, C'est la

 13   première chose.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Excusez-moi, Maître Pantelic. Il faut

 15   que je vous interrompe, puisque selon vous, cela donc serait un peu trop

 16   volumineux, c'est-à-dire d'avoir à votre disposition toutes ses notes ?

 17   M. PANTELIC : [interprétation] D'après les disponibles du Règlement, la

 18   Défense a le doit de parcourir tous les documents en possession de

 19   l'Accusation, et si nous pensons que certaines parties ont été montées,

 20   nous avons le droit de soumettre ces documents à des experts, par exemple,

 21   un expert en graphologie pour qu'il confirme ou invalide nos allégations.

 22   C'est notre droit, et nous avons l'intention d'utiliser notre droit dans ce

 23   sens-là.

 24   La deuxième chose que je voudrais soulever par rapport au même sujet est la

 25   même suivante pour ce qui est de la collection de document 92 ter,

 26   l'Accusation a donc présenté quelques articles de M. Traynor. Dans cette

 27   collection il s'agit donc des documents qui portent les numéros 3, 6, 8,

 28   c'est toujours dans cette même collection 92 ter, donc 3, 6, 8, 12, 13, et

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  1   16. Ces articles ne se trouvent pas sur la liste 65 ter, c'est pour cela

  2   que nous soulevons l'objection pour ce qui est ces articles, et nous

  3   pensons que ces articles ne sont pas admissibles au dossier, et vu ce que

  4   mon éminent collègue Me O'Sullivan a dit. Je vous fournis les numéros de

  5   référence de ces documents ce sont 10358.03 ensuite .04, .05, .06, .07 et

  6   .08.

  7   En ce qui concerne les notes de M. Traynor qui se reportent à notre client

  8   puisque ces notes sont illisibles, j'ai une proposition de nature technique

  9   à vous faire, il serait bien que M. Traynor, avec l'aide du Procureur, lise

 10   ces quelques pages de son carnet à haute voix, que ceci soit enregistré, je

 11   suppose qu'il est capable de lire sa propre écriture, et qu'ensuite cette

 12   déclaration -- qu'une déclaration supplémentaire portant sur la teneur de

 13   ses notes soit transcrite. Peut-être que M. Traynor dans ses notes dit que

 14   mon client est un mauvais personnage, peut-être qu'il dit le contraire.

 15   Nous n'avons aucune idée de ce qu'il dit dans son carnet et nous n'avons

 16   pas de moyen pour le vérifier, croire que c'est la première fois au bout de

 17   12 ans que le Procureur nous donne ce document. En fait, si j'ai bien

 18   compris il habite Bruxelles actuellement, à une heure de train à grande

 19   vitesse, je ne comprends vraiment pas pourquoi c'est seulement maintenant

 20   que nous recevons ce document.

 21   Merci.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Je dirais que je regrette le fait que nous

 23   avons été informés de l'intention de la Défense d'exposer ses arguments

 24   seulement hier soir par un message électronique, et il n'y avait personne

 25   dans notre équipe qui était en mesure à ce moment-là de réagir, surtout ne

 26   sachant pas de quel type d'arguments il allait s'agir, ce qui fait que nous

 27   n'étions pas du tout en mesure de faire des recherches nécessaires, la

 28   Défense sait que nous avons eu beaucoup de mal à faire venir M. Traynor

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  1   ici, qui est le rédacteur pour "Le Gardien," édition européenne, il est

  2   très occupé et nous avons eu beaucoup de mal à le faire venir.

  3   Par ailleurs, La Défense disposait du jeu de document 92 ter depuis juillet

  4   l'année dernière. Nous ne pouvons pas immédiatement trouver une réponse de

  5   Zupljanin, et il se peut qu'ils n'ont jamais répondu. Alors que la Défense

  6   de Stanisic a donné sa réponse le 31 août, hors délai, mais, aucune

  7   objection n'a été faite concernant ce qui devait se dérouler aujourd'hui

  8   devant la Chambre.

  9   Vous n'avez pas pris en considération cette réponse, parce qu'elle a été

 10   déposée hors délai. Alors peut-être qu'il faudra tout d'abord décider si

 11   vous souhaitez vous saisir de ces objections et si vous souhaitez les

 12   examiner. Si c'est le cas, alors il faudra nous accorder du temps pour

 13   examiner cette question pour pouvoir répondre de manière appropriée, parce

 14   qu'il s'agit d'une question très importante. Si vous souhaitez, je peux

 15   répondre à certaines objections qui ont été soulevées comme ça, en cours de

 16   marche, mais je pense si vous souhaitez véritablement vous saisir de ces

 17   objections soulevées par la Défense et les étudier, alors il faudra qu'on

 18   lève la séance, au moins jusqu'à 11 heures pour nous donner l'occasion de

 19   nous - pour qu'on puisse aborder ces questions, nous, de notre côté. Ce qui

 20   est regrettable, c'est que cela a créé une perte de temps et de manière

 21   imprévue au dernier moment.

 22   Alors, en ce qui concerne les numéros 65 ter, nous avons déjà expliqué à M.

 23   O'Sullivan comment cela se passait, parce qu'il avait l'intention de

 24   soulever la question de la numérotation. M. Pantelic n'avait pas cette

 25   attention. Tout simplement, il s'agit de numéros qui ont été rajoutés

 26   ultérieurement, suite à votre autorisation. Donc, c'est pour cette raison-

 27   là qu'il y a eu un problème au moment d'allocation des numéros à ces

 28   nouveaux documents, nouveaux articles. Voilà, il s'agit d'une affaire très

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  1   simple, qu'on peut résoudre immédiatement. Pour le reste, c'est beaucoup

  2   plus compliqué.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Juste une petite question. Les notes

  5   dont a parlé M. Pantelic et pour lesquelles il a dit qu'il vient de

  6   recevoir ces notes manuscrites durant ce week-end, pourriez-vous nous

  7   expliquer de quoi il s'agit, s'il vous plaît.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Oui. Il a raisons de dire que l'enquêteur qui

  9   a pris et recueilli la déclaration il y a des années n'a pas demandé une

 10   copie de ces notes. Alors, nous avons vu M. Traynor quelques jours après

 11   Pâques à Bruxelles pour voir ce qu'il a comme document. Malheureusement, à

 12   ce moment-là, il n'avait pas ses notes sur lui, et il les a apportées en

 13   arrivant pour que nous puissions les photocopier. Nous avons informé la

 14   Défense de ce fait, que cela allait se passer, déjà il y a quelques temps,

 15   et c'est seulement hier que nous avons eu les notes, que nous avons pu

 16   faire les photocopies et fournir un jeu de copie à la Défense, vers 5

 17   heures de l'après-midi. Je suis d'accord avec Me Pantelic. Ces notes sont

 18   très difficilement lisibles. Et si vous le dites, nous pouvons procéder de

 19   la manière suggérée par Me Pantelic. Voilà. Bien sûr, je sais que Me

 20   Pantelic est préoccupé par le fait que le nom de Zupljanin est mentionné,

 21   que cette pour cette raison-ci qu'il a soulevé cette question. Bien

 22   évidemment, nous devons, et nous soulignons de nouveau que la Défense était

 23   avertie que cela allait arriver et que le témoin allait venir dimanche avec

 24   ses notes.

 25   En ce qui concerne le carnet et la possibilité d'inspecter

 26   l'intégralité de ce carnet, nous allons entendre les commentaires de M.

 27   Traynor lui-même. Vous savez que les journalistes bénéficient de certaines

 28   mesures de protection, et vous vous souviendrez de l'affaire Randall.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Maître O'Sullivan.

  2   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Nous avons dit que nous avons besoin de

  3   trois heures pour le contre-interrogatoire, mais nous pensons que nous

  4   n'aurons pas besoin de tout ce temps, par ailleurs, le jeu de document

  5   final nous l'avons reçu que vendredi, et vous pouvez voir qu'il y a eu --

  6   vous pouvez vous en rendre compte grâce au fait qu'il y a parmi ces

  7   documents des documents portant les numéros commençant par 10 000 et par la

  8   suite.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Je ne sais pas s'il y a besoin

 10   qu'on discute de ceci.

 11   Bon, nous avons tout d'abord -- vous pouvez vous asseoir, Madame Korner,

 12   donc il y a des objections. Tout d'abord, la pertinence et de pertinence

 13   des extraits ou des parties des documents faisant partie de ce jeu de

 14   document 92 ter pour le témoin à venir; ensuite il y a une partie de

 15   documents qui peuvent être considérés comme ouï-dire : "Eléments de preuve

 16   du ouï-dire irrecevables," et je souligne -- j'utilise cette termination

 17   [comme interprété] parce que, dans la jurisprudence, ce Tribunal fait

 18   différence entre ouï-dire recevable et celui qui ne l'est pas.

 19   Alors concernant la pertinence, quand on utilise un jeu de document en

 20   application de l'article 92 ter effectivement dans une autre affaire, il

 21   peut y avoir dans ce jeu de document des éléments qui ne sont pas

 22   pertinents. Alors est-ce que la Défense s'oppose au versement de ces

 23   documents immédiatement ou plus tard ? Est-ce que la Défense demande que la

 24   Chambre se préoccupe que des éléments qui sont pertinents ou pas en

 25   soulageant donc ainsi le fardeau incombant à la Chambre ? Quel que soit le

 26   moment cet exercice est le bienvenu ?   

 27   En concernant les informations irrecevables par ouï-dire, alors la Chambre

 28   -- quel que soit le moment où l'objection est soulevée concernant le type

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  1   de ces éléments doit tenir compte du fait de quel type de témoins il

  2   s'agit, viva voce, ou 92 ter, également la Chambre doit voir quelle est la

  3   recevabilité de ces moyens de preuve, en prenant compte de l'intégralité de

  4   la totalité d'éléments de preuve.

  5   Alors les objections de Me O'Sullivan reposent sur ces deux arguments

  6   principaux, nous considérons qu'il n'y a donc aucune raison de reporter la

  7   déposition de ce témoin, parce que ces objections sont des objections qui

  8   restent valables à tout moment de cette affaire.

  9   Donc en ce qui concerne l'objection secondaire je la traiterais ainsi de Me

 10   O'Sullivan concernant les moyens de preuve dérivés que M. Traynor devrait

 11   nous présenter, à savoir quelque chose qu'il avait entendu dire par un

 12   employé du CICR, et l'immunité dont bénéficie cette organisation, alors

 13   c'est quelque chose qui est ouvert par le droit international coutumier et

 14   Me O'Sullivan nous en a rappelé, et notre avis c'est qu'il faut décider au

 15   cas par cas, si ces dispositions se réfèrent à ces éléments-là.

 16   En fin, concernant les notes dont a parlé Me Pantelic, et il a répondu à

 17   une question que je lui ai posée au sujet de la portée de sa demande, il a

 18   demandé qu'il pensait à avoir accès à l'intégralité de ces notes, et il

 19   semblerait que cette interprétation trop large de son droit d'accès à ce

 20   document d'après ce que nous a dit Mme Korner, elle a donné ces notes à la

 21   Défense dès qu'elles étaient disponibles, donc Mme Korner nous a dit que le

 22   témoin lui-même pourrait nous expliquer la teneur de ses notes, et lire son

 23   écriture, sauf s'il est comme moi et qu'il n'arrive même pas à lire sa

 24   propre écriture. Bon, donc ça c'est une question secondaire.

 25   En fin, la Chambre n'était pas au courant du fait que ce témoin était

 26   journaliste, ce qui signifie que du point de vue qualitative sa déposition

 27   doit être une combinaison de ses propres observations et des éléments

 28   venant de différentes sources, parce que, tout simplement, les règles

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  1   portant sur la source dont proviennent des éléments d'information de preuve

  2   ne sont pas les mêmes pour les journalistes, ce qui veut dire que la

  3   Chambre finalement ne perdrait jamais de vue ce fait-là. Comme en fin du

  4   compte, il faudra décider quel poids à accorder à la déposition de M.

  5   Traynor, alors ces éléments -- ces considérations doivent être prises en

  6   compte.

  7   Alors pour toutes ces raisons-là, nous prenons note des objections

  8   soulevées par la Défense, mais nous ne voyons aucune raison pour reporter

  9   la déposition de ce témoin.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Bien. Encore une chose, s'il vous plaît.

 11   J'aimerais qu'il soit très clairement dit que si la Défense souhaite

 12   soulever des objections de nature juridique en faisant référence aux

 13   sources de droit et à la jurisprudence, dans ce cas-là, il serait

 14   souhaitable d'en informer le Procureur en avance pour -- du thème principal

 15   de leurs arguments. Dans le cas présent, nous n'avons pas été informé de

 16   ceci. Deuxièmement, que la Défense nous donne les noms et les dates des

 17   décisions judiciaires auxquelles ils feront référence lors de leur

 18   argumentation. Vous savez, que je ne connais pas par cœur la jurisprudence

 19   du Canada.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, j'allais le dire justement,

 21   ça me paraissait aller de soi.

 22   M. PANTELIC : [interprétation] Juste une question concernant les extraits

 23   du carnet de M. Traynor. Est-ce que vous proposez en fait que M. Traynor

 24   lise à haute voix les pages copiées de son carnet pour que ce soit consigné

 25   au compte rendu ou va-t-il lire ceci à haute voix en insistant qui l'aura

 26   ensuite retranscrit pour notre usage ? En ce qui me concerne, les deux me

 27   vont, mais de toute manière, si l'option choisie est qu'il lise son carnet,

 28   ses notes à haute voix dans le prétoire, alors ce serait la première chose

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  1   à faire.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Je ne sais pas si j'ai une idée

  3   préciser sur ce qu'il faudra faire. Mais comme ça sans trop réfléchir, je

  4   peux vous dire du moment où il s'agit du témoin du Procureur, peut-être que

  5   l'avocat interrogeant le témoin pourrait lui demander de lire les parties

  6   qui l'intéressent et vous prenez note lors de leur teneur à ce moment-là.

  7   M. PANTELIC : [interprétation] Oui, très bien. Mais je veux dire la chose

  8   suivante : Nous avons besoin de savoir ce qui est écrit dans ce carnet

  9   chaque mot. Je ne suis pas intéressé seulement aux parties de ce document

 10   au sujet desquelles le Procureur l'interrogera. Je suis incapable de lire

 11   son écriture alors que j'ai droit et besoin de comprendre chaque document

 12   qui nous est communiqué.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Pantelic, l'impression que la

 15   manière la plus simple de procéder serait que vous demandiez au témoin de

 16   vous dire qu'est-ce que sont ces notes. Vous savez, personne ne le sait pas

 17   ici; moi-même, je ne les ai toujours pas vues. Alors on peut immédiatement

 18   voir en lui posant cette question si c'est la peine de poursuivre cette

 19   affaire. A mon avis, de n'est pas la peine, mais vous insistez, alors il

 20   faudrait tout d'abord établir de quoi il s'agit dans ces notes, tout

 21   simplement.

 22   Mme KORNER : [interprétation] Vous savez, ces notes font partie des

 23   documents communiqués à la Défense, mais les notes n'ont pas été

 24   téléchargées dans le prétoire électronique, et c'est pour cette raison-là

 25   que vous n'avez même pas eu la possibilité d'y jeter un coup d'œil. Nous,

 26   nous fions exclusivement à sa déclaration et pas vraiment en notes. Mais

 27   bon du moment où elles sont là, et qu'on l'utilise -- qu'on les utilise,

 28   alors je dois remarquer qu'elles ne sont pas illisibles que ça. On peut

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  1   avec un peu de concentration, un peu d'effort parvenir à lire ce qui est

  2   dedans. Si vous souhaitez les copies de ces notes, nous pourrons organiser

  3   quelque chose.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Non, non, merci.

  5   M. PANTELIC : [interprétation] Vous savez, nous ne savons pas ce qui

  6   est dans ces notes. Nous ne souhaitons pas être amenés à deviner ce qui a

  7   dedans. La meilleure manière, c'est que l'auteur de ces notes nous explique

  8   ce qui a dedans. C'est pour cette raison-là que je propose que, par

  9   exemple, M. Traynor, dans le bureau du Procureur, dans ces locaux, donne

 10   une lecture de ces notes que ceci soit enregistré, soit inscrit de manière

 11   à ce que nous disposions d'un compte rendu de ces notes complet. Autrement

 12   ce sera infaisable. A quel moment cela peut se faire, je ne sais pas, peut-

 13   être pendant les pauses ou à un autre moment.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous savez, nous n'allons pas

 15   l'intention de demander au témoin de lire à haute voix ces notes pendant

 16   qu'on est dans le prétoire. Ce sera une perte de temps judiciaire

 17   incroyable. Ce que je suggère c'est que vous lui demandiez d'abord sans ces

 18   notes, pour établir qu'il y a un fondement pour suivre avec les questions

 19   et sujets de son carnet. Si vous parvenez à établir ce fondement, alors on

 20   peut lui demander de lire ceci dans l'après-midi, après l'audience. Mais

 21   s'il n'y pas intérêt à étudier ces notes en plus, alors il faudra s'y

 22   arrêter.

 23   M. PANTELIC : [interprétation] Il s'agit de combien de pages ?

 24   M. PANTELIC : [interprétation] Il y a des pages qui portent sur Visegrad de

 25   Zvornik, donc ces pages ne concernent pas mon client, mais pour ce que je

 26   puisse y voir, en ce qui concerne Banja Luka et Kotor Varos, il y a environ

 27   16 page. Mais ce n'est pas un format A4, il s'agit d'un petit format. Il

 28   s'agit d'un carnet du type des carnets utilisés par Hemingway.

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  1   Mme PIDWELL : [interprétation] Peut-être que je peux vous être utile

  2   concernant cette question pratique.

  3   En fait, le témoin a environ, 10 carnets. Ces petits carnets qu'il a

  4   utilisés durant 1992, donc il en a à peu près une dizaine, il les a

  5   apportés hier soir. Au départ quand on l'a rencontré juste après Pâques, il

  6   n'avait qu'un seul carnet, celui où il y a la note portant sur Zupljanin.

  7   Suite à ceci, nous lui avons demandé d'examiner le reste de ces carnets qui

  8   était chez lui, et de voir s'il y a quelque chose qui était pertinent

  9   d'après lui pour cette affaire. Donc, hier, il nous a dit les avoir relus

 10   en intégralité et il en a sorti trois parties pertinentes : une qui

 11   concerne Zvornik, Visegrad, et l'autre, c'est l'entretien avec Zupljanin,

 12   et il a fait les copies de ces éléments. Cela a été communiqué.

 13   Si Me Pantelic souhaite voir le carnet en intégralité, alors nous lui

 14   proposons de rencontrer M. Traynor, en fait, il avait l'occasion de

 15   rencontrer M. Traynor depuis six mois pour le faire. Il aurait pu demander

 16   ceci préalablement, mais il n'a jamais adressé une telle requête. Mais le

 17   témoin ne va déposer que sur les parties de carnets sélectionnées, sur la

 18   base de ce qui lui a été dit quant à la portée de l'acte d'accusation. Donc

 19   on a dit ce qui était pertinent pour l'acte d'accusation et il a choisi ces

 20   parties-là de ces carnets portant sur M. Zupljanin et l'entretien qui a eu

 21   lieu à l'époque. Donc on peut lui poser des questions à ce sujet-là.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 24   Peut-on faire venir le témoin, s'il vous plaît ?

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur, s'il vous plaît, pouvez-vous

 27   prononcer la déclaration solennelle ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

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  1   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   LE TÉMOIN : IAN TRAYNOR [Assermenté]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

  5   Pouvez-vous nous dire d'abord votre nom, votre prénom, votre profession,

  6   votre date de naissance ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Ian Traynor. Je suis né le 11

  8   novembre 1955. Je suis journaliste et je travaille pour "The Guardian."

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous êtes donc journaliste depuis quand,

 10   vous êtes journaliste pour ce journal ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce journal, pour "The Gardian" c'est

 12   depuis 1987, et avant cela, j'ai travaillé pour la BBC.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avez-vous déjà témoigné devant ce

 14   Tribunal ou un autre Tribunal dans la région concernant ces faits ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous avez été cité à la barre en tant

 17   que témoin de l'Accusation, comme vous le savez peut-être déjà, il s'agit

 18   ici d'une procédure contradictoire. Cela veut dire qu'une partie au procès

 19   vous cite à la barre, l'autre partie à l'occasion de vous contre-

 20   interroger. La Chambre pourra vous poser des questions, après les questions

 21   supplémentaires posées par la partie qui vous a cité à la barre.

 22   Donc pour ce qui est de votre témoignage, il est prévu qu'il dure deux

 23   jours, aujourd'hui et demain, et selon la procédure appliquée par ce

 24   Tribunal, on peut avoir une procédure abrégée, c'est-à-dire une partie de

 25   votre témoignage où les moyens de preuve que la partie, qui vous a cité à

 26   la barre, à savoir l'Accusation, a utilisés, peuvent être présentés ici. On

 27   peut demander que ces documents soient versés au dossier. L'Accusation a

 28   deux heures pour l'interrogatoire principal. Ce matin, l'avocat de M.

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  1   Stanisic nous a dit qu'il n'utiliserait pas le temps qui lui a été octroyé

  2   au départ.

  3   Vu le fait que tout cela est enregistré, pour des raisons techniques

  4   et pour que les interprètes puissent se reposer, il est nécessaire de faire

  5   une pause après 90 minutes d'audience. La pause sera de 20 minutes, et

  6   puisqu'au Tribunal il y a trois salles d'audience utilisées par les

  7   Chambres qui siègent dans plusieurs affaires, nous travaillons de 9 heures

  8   jusqu'à 13 heures 45, ou de 14 heures 15 jusqu'à 19 heures. Aujourd'hui et

  9   demain, nous allons siéger le matin.

 10   Avant de donner la parole à l'Accusation pour commencer leur

 11   interrogatoire principal, j'aimerais dire que la Chambre a commencé à

 12   siéger à l'heure habituelle, à 9 heures. Maintenant, il est 10 heures 06 et

 13   la première pause sera à 10 heures 25. Je voudrais vous dire, si vous avez

 14   besoin qu'on fasse une pause avant, à n'importe quel moment de votre

 15   déposition, s'il vous plaît dites-le-nous.

 16   Madame Pidwell, vous avez la parole.

 17   Interrogatoire principal par Mme Pidwell : 

 18   Q.  [interprétation] Monsieur Traynor, vous avez fait deux

 19   déclarations au bureau du Procureur, l'une le 26 mars 1999 et l'autre le 9

 20   mars 2000. Avez-vous eu l'occasion de revoir ces déclarations récemment ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Avez-vous des modifications à apporter à ces déclarations ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Confirmez-vous que ces déclarations sont vraies et exactes, pour autant

 25   que vous vous souvenez et pour autant que vous ayez des connaissances là-

 26   dessus ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Si on vous posait des questions similaires aujourd'hui, est-ce que vos

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  1   réponses seraient les mêmes que celles dans ces déclarations ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Nous avons ici 15 articles de presse que vous avez écrit en tant que

  4   témoin, et ça fait partie de la collection de documents 92 ter.

  5   Mme PIDWELL : [interprétation] Monsieur le Président, la décision du 2

  6   octobre a exclu la liste de ces articles pour ce qui est de la période de

  7   temps concernant ces événements sur les Balkans, et ce sont ces 15

  8   articles. Mais j'aimerais que cela soit versé au dossier en tant que

  9   collection 92 ter.

 10   M. PANTELIC : [interprétation] J'aimerais dire quelque chose aux fins du

 11   compte rendu. Pour ce qui est de la collection 92 ter, je soulève

 12   l'objection pour ce qui est des articles des numéros allant de 10 358.03

 13   jusqu'à .08.

 14   Mme PIDWELL : [interprétation] J'ai pensé qu'on a déjà discuté là-dessus,

 15   mais si la Chambre le veut, je peux entamer cette question à nouveau.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous suggérons que cette collection soit

 17   admise sous conditions, et nous allons rendre notre décision pour ce qui

 18   est de leur admission définitive à la fin de la déposition de ce témoin.

 19   Mme PIDWELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc il faut accorder une cote à cette

 22   collection de documents.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les cotes seront allant de P1556.01

 24   [comme interprété] jusqu'à P1556.02 [comme interprété], aux fins

 25   d'identification.

 26   Mme PIDWELL : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Traynor, vous avez des carnets de notes sur vous, ici dans le

 28   prétoire. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ?

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  1   R.  Ce sont des carnets de notes de 1992. Les notes, je les ai écrites

  2   pendant que je travaillais en ancienne Yougoslavie, ou certaines d'entre

  3   elles, et il y en a certainement de septembre et octobre 1992. Cela s'est

  4   passé il y a 20 ans, presque 20 ans, et j'aimerais donc pouvoir me

  5   rafraîchir la mémoire en faisant référence à ces notes, puisqu'il m'est

  6   difficile de se souvenir de tous les détails.

  7   Q.  S'agit-il des notes que vous avez faites concernant les événements de

  8   1992 ?

  9   R.  Oui, je les ai faites à l'époque.

 10   Q.  Avez-vous eu l'occasion de les parcourir pendant ces quelques dernières

 11   semaines ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Lorsque vous êtes venu hier à La Haye, avez-vous remis des extraits de

 14   ces notes que vous avez considéré comme étant pertinentes pour ce qui est

 15   de certains aspects de cette affaire devant ce Tribunal ?

 16   R.  Oui. Les photocopies, oui, je les ai remises.

 17   Q.  En particulier, vous avez sélectionné les notes d'avril 1992, à

 18   l'époque où vous avez visité Visegrad, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Egalement, les notes de septembre 1992, lorsque vous avez mené un

 21   entretien avec l'Accusé M. Zupljanin ?

 22   R.  Oui, c'est vrai.

 23   Q.  Ensuite pendant la séance de récolement, nous avons parcouru les notes

 24   que vous avez prises à l'époque à Zvornik ?

 25   R.  Pas vraiment à Zvornik, à Mali Zvornik, de l'autre côté, du côté serbe,

 26   oui.

 27   Q.  Hier soir, ces notes ont été photocopiées aussi ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Je veux vous poser quelques questions générales concernant votre

  2   carrière. D'abord, vous avez dit à la Chambre que vous étiez un

  3   correspondant de la BBC avant d'avoir commencé à travailler pour "The

  4   Guardian". Avant cela, dites-nous ce que vous avez fait.

  5   R.  Avant cela, j'étais interprète et traducteur. J'ai travaillé également

  6   en tant qu'observateur, également pour la BBC. En fait, j'ai un diplôme de

  7   la langue russe, et j'étais observateur pour ce qui est des médias russes.

  8   Je travaillais pour la BBC. A l'époque, il s'agissait de l'Union

  9   soviétique.

 10   Q.  Quelles langues parlez-vous ?

 11   R.  Le Russe, l'Allemand, le Français dans une certaine mesure, également

 12   le Croate et le Serbe. Au moins, je comprends ces langues.

 13   Q.  Quel était votre niveau de connaissance du B/C/S en 1992 ?

 14   R.  Ma connaissance était plus pauvre qu'aujourd'hui. Je travaillais

 15   habituellement avec des interprètes. C'était la règle. Mais ma connaissance

 16   de cette langue était suffisante pour savoir si la traduction que je

 17   recevais était exacte ou pas, parce que souvent je demandais des

 18   corrections ou des explications de la traduction que je recevais.

 19   Q.  A l'époque de votre deuxième entretien avec le bureau du Procureur, en

 20   2000, vous étiez à Moscou. Vous travailliez à Moscou. Est-ce que vous êtes

 21   parti de Moscou à votre base à Viennes ?

 22   R.  Non. J'étais basé à Viennes de 1989 jusqu'en 1995. Donc, j'écrivais sur

 23   les guerres en Yougoslavie. Je suis allé à Belgrade en 1988, où j'ai

 24   travaillé pendant sept ans, jusqu'aux accords de Dayton, après quoi, j'ai

 25   été muté en Allemagne, à Bohn, à Berlin, par là, ensuite pour écrire sur la

 26   politique allemande, et ensuite à Moscou en 1989 où je suis resté pendant

 27   trois ans. Maintenant je travaille à Bruxelles.

 28   Q.  Quel est votre rôle à Bruxelles ?

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  1   R.  Je travaille en tant qu'éditeur de la version du journal Europe.

  2   M. PANTELIC : [interprétation] Je m'excuse. Je pense à la page 25, ligne

  3   15. Le témoin a dit "1999," et non pas "1989."

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends. J'ai dit en 1999, je suis parti

  5   à Moscou de l'Allemagne. Ensuite je suis parti à Vienne pour m'occuper de

  6   l'Europe orientale et des Balkans en 1989, en janvier.

  7   M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur Traynor, il s'agit d'une erreur de

  8   frappe. C'est en Moscou en 1989 puisque je vous ai entendu dire "1999,"

  9   donc c'était la correction que j'ai voulu apporter.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. PANTELIC : [interprétation] Puisqu'il faut que le compte rendu soit

 12   clair.

 13   Mme PIDWELL : [interprétation]

 14   Q.  Donc pour être tout à fait clairs, de 1989 à 1995, vous étiez à Vienne

 15   pour écrire sur les événements sur les Balkans ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Pouvez-vous nous expliquer quelles étaient les recherches que vous avez

 18   faites et les sources d'information pour les articles que vous avez écrits

 19   pour ce qui est de cette période ?

 20   R.  Ma source des recherches, en fait, en tant que reporteur sur le

 21   terrain, je me rendais dans le pays et je parlais à des gens, des gens des

 22   médias locaux, des journalistes. Je regardais des articles de presse, j'ai

 23   parlé avec des responsables, avec des diplomates, avec des gens qui

 24   travaillaient pour les organisations internationales se trouvant dans la

 25   région, donc j'écoutais, je regardais ce que j'ai pu voir. Donc s'il

 26   s'agissait des situations très dynamiques où un correspondant doit

 27   travailler --

 28   Q.  Est-ce que vous avez eu des instructions de votre éditeur de votre

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  1   journal ?

  2   R.  Pas vraiment. Puisque les éditeurs nous laissent travailler sur le

  3   terrain puisque leurs correspondants connaissent mieux la situation que les

  4   gens qui travaillent au bureau à Londres puisqu'ils peuvent avoir plus de

  5   connaissance pour ce qui est des événements survenus sur le terrain. Donc

  6   on bénéficiait d'une certaine liberté.

  7   Q.  Etiez-vous le seul correspondant du journal "The Gardian" à l'époque,

  8   ou y avait-il d'autres personnes qui travaillaient avec vous ?

  9   R.  On était plusieurs. Mais j'étais le correspondant principal, si je peux

 10   m'exprimer ainsi. Pourtant, tous ces événements, il fallait les couvrir en

 11   utilisant plusieurs personnes. Il y avait quelqu'un à Belgrade, il y avait

 12   deux ou trois ou quatre personnes qui de temps en temps venaient à Belgrade

 13   de Londres.

 14   Q.  Avez-vous coopéré avec d'autres journalistes d'autres journaux pour

 15   faire des recherches ou pour ce qui est des entretiens ?

 16   R.  Très souvent, oui, nous sommes arrivés d'abord en Croatie, après en

 17   Bosnie, il n'était pas raisonnable de se déplacer seuls. On préférait

 18   voyager avec plusieurs personnes à travers la région en guerre, il y avait

 19   des points de contrôle à passer, nous aurions pu donc être arrêtés.

 20   Egalement nous essayions de nous déplacer en convois s'il y en avait, et

 21   nous travaillions avec d'autres collègues. Nous avions des connaissances

 22   parmi les journalistes, mais habituellement nous travaillions en groupes de

 23   deux ou trois personnes.

 24   Q.  Vous avez dit qu'à l'époque, vous suiviez les informations diffusées

 25   par les médias locaux. Pouvez-vous nous dire des commentaires des

 26   informations diffusées au début 1992 en Bosnie, pendant que vous étiez là-

 27   bas ?

 28   R.  Les médias locaux étaient le facteur-clé pour ce qui est de l'évolution

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  1   de la situation politique, non seulement en Bosnie mais aussi sur le

  2   territoire de l'ancienne Yougoslavie toute entière. Si vous suivez la

  3   politique dans la région vous pouvez comprendre ce qui se passe, il était

  4   très important, en particulier, important de suivre les informations

  5   diffusées par les médias de Belgrade qui étaient contrôlés par Slobodan

  6   Milosevic, puisque la télévision publique et les journaux principaux tels

  7   que "Politika" ou "Borba" étaient extrêmement importants pour avoir une

  8   idée de ce qui s'est passé là-bas puisqu'ils fonctionnaient en adoptant

  9   l'ancienne façon communiste pour ce qui est de contrôle de médias, ils

 10   émettaient des signaux, des informations, avec beaucoup de propagande. De

 11   façon similaire, à Zagreb nous pouvions lire les journaux locaux tels que

 12   "Vjesnik," qui à l'époque du pouvoir de la Ligue des Communistes était

 13   l'organe de ce parti avant. Ces médias étaient considérablement importants

 14   puisque par le biais de ces médias, l'ambiance de tension a été créée

 15   puisque des allégations ont été diffusées, et en fait on préparait le

 16   terrain pour la guerre.

 17   Q.  Excusez-moi. Mais il faut qu'on ménage une pause entre mes questions et

 18   vos réponses pour que les personnes qui interprètent nos propos puissent

 19   travailler comme il faut et pour que tout cela soit consigné au compte

 20   rendu.

 21   Pouvez-vous nous donner un exemple de fonctionnement des médias locaux

 22   puisque vous venez de nous dire que ces médias, en diffusant les

 23   informations, certaines allégations ont donc eu une incidence sur l'opinion

 24   publique ?

 25   R.  A l'époque, à Belgrade, M. Mitrovic et M. Milosevic à la télévision de

 26   Belgrade ont commencé à parler du fondamentalisme des Musulmans, de

 27   djihadisme [comme interprété], d'un axe transversal de Turquie, de Téhéran

 28   via les Balkans pour avoir une incidence en Albanie et en Bosnie. Ce sont

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  1   les informations qui ont été diffusées constamment, avant d'avoir pu

  2   entendre les allégations selon lesquelles l'Allemagne jouait un rôle

  3   important pour ce qui est du conflit sur les Balkans. Il y avait beaucoup

  4   d'informations de la propagande provenant de Belgrade, de la télévision, du

  5   contrôle allemand de l'Europe, de l'Empire allemand -- du 4e Empire

  6   allemand, du fascisme, du Vatican, et cetera.

  7   Q.  Je vais vous poser des questions relatives à certains de vos articles

  8   que vous avez écrits en 1992.

  9   Mme PIDWELL : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas

 10   certaine si vous vouliez que j'assiste la Chambre à ce sujet, mais dans la

 11   deuxième déclaration du témoin il y a une liste de 170 articles qu'il avait

 12   écrits en 1992. En les parcourant, je n'ai pas pu trouver une logique pour

 13   ce qui est de l'ordre de ces articles, et c'est pour cela qu'on les a

 14   énumérés dans l'ordre chronologique. Je dispose d'une copie papier de ces

 15   articles, et je peux remettre cette liste à la Chambre si cela pouvait vous

 16   être utile.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] On a encore trois minutes avant la

 18   pause, donc vous pouvez peut-être faire cela pour aider la Chambre.

 19   Mme PIDWELL : [interprétation] Oui, je vais le faire, Monsieur le

 20   Président.

 21   Q.  Dans votre déclaration, vous parlez de votre visite de Visegrad, ou de

 22   cette région, vous êtes parti de Belgrade en 1992, et vous avez écrit trois

 23   articles concernant cela, ces quelques jours en avril. Etes-vous parti à

 24   Visegrad, en fait ?

 25   R.  Oui, nous nous sommes rendus dans la région où se trouve cette ville.

 26   Nous ne nous sommes pas rendus au centre-ville puisqu'à l'époque il y avait

 27   les forces de la JNA, et cette situation était assez dangereuse.

 28   Q.  Qu'est-ce que vous avez fait dans la région ?

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  1   R.  C'était une période très difficile, avril, mai, juillet. Nous étions à

  2   Belgrade à l'époque. Nous nous sommes rendus à Mali Zvornik, nous avons

  3   franchi la frontière pour nous rendre en Bosnie orientale. Nous avons vu

  4   les réfugiés de l'autre côté, nous avons parlé à des réfugiés, nous avons

  5   pu voir les camps et les hôpitaux et d'autres endroits similaires. Mais

  6   nous ne pouvions pas franchir la frontière pour aller de l'autre côté, nous

  7   étions toujours au côté serbe de la frontière, nous sommes allés en Bosnie

  8   du sud-est, mais nous étions en fait devant les lignes de front de la JNA

  9   qui se trouvaient stationnées dans cette région de la Serbie et qui

 10   allaient franchir la frontière.

 11   Q.  Qu'est-ce que vous avez vu du côté serbe ?

 12   R.  Du côté serbe, nous avons beaucoup de forces militaires qui se

 13   rassemblaient. Le Corps d'Uzice et de la JNA s'y trouvait, il y avait

 14   beaucoup de pièces d'artillerie, des chars, des trains, des poids lourds.

 15   La mobilisation de grande envergure était en cours, il fallait transporter

 16   cela en Bosnie dans la direction de Visegrad. Nous avons vu pour la

 17   première fois tout cela, la situation était très étrange. Tout était

 18   désert. Les routes étaient désertes, il n'y avait pas de circulation. Dans

 19   de telles situations, il est dangereux de conduire puisque vous ne savez

 20   pas ce qui vous attend. Nous nous sommes arrêtés après le tunnel à côté

 21   d'un café le long de la route où nous avons rencontré un homme qui a dit

 22   qu'il était commandant, il était de Belgrade. Sa famille était originaire

 23   de cette partie de la Bosnie. Lui il a dit qu'il était combattant, une

 24   sorte de combattant membre de la guérilla qui partait dans les montagnes la

 25   nuit ensemble avec ses collègues pour précéder les forces d'invasion qui

 26   devaient venir de l'autre côté de la frontière. Nous avons passé plusieurs

 27   jours avec lui avant que l'officier de la JNA ne l'ait capturé, après quoi

 28   ils nous ont ordonné de rebrousser chemin.

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  1   Mme PIDWELL : [interprétation] Est-ce qu'il est venu le moment propice pour

  2   faire la pause ?

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous allons faire une pause de 20

  4   minutes.

  5   [Le témoin quitte la barre]

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

  7   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Poursuivez, Madame Pidwell.

 10   Mme PIDWELL : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Traynor, nous parlions de vos articles de l'expérience que

 12   vous aviez de Visegrad, avant la pause.

 13   Mme PIDWELL : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher à l'écran la

 14   pièce de la liste 65 ter 10358.03 ?

 15   Q.  Nous avons ici le premier article des trois articles que vous avez

 16   écrits pendant que vous étiez à Visegrad. Voici ce que je vous demande,

 17   vous parlez ici d'"irréguliers serbes" dans tout le texte, on le voit au

 18   début et on le voit partout dans le texte; est-ce que vous pourriez

 19   expliciter ce terme ?

 20   R.  C'étaient des hommes qui ne faisaient pas partie de la JNA, des

 21   combattants qui se trouvaient déjà dans la région avec des forces d'armée

 22   qui avaient traversé la frontière. Ils n'avaient pas d'uniformes, ils ne

 23   faisaient pas partie des forces régulières. On pourrait dire que c'étaient

 24   des forces spéciales, c'est d'ailleurs le nom qu'ils utilisaient pour se

 25   qualifier eux-mêmes. Il y en a un qui se disait commandant, par exemple, il

 26   avait dit qu'il avait servi dans la Légion étrangère française un peu

 27   partout dans le monde et qu'il était revenu pour lutter pour la Serbie. Il

 28   était basé à Belgrade, il s'est représenté comme faisant partie de l'avant-

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  1   garde des troupes avant que les forces régulières en uniformes de la Serbie

  2   ne viennent.

  3   Mme PIDWELL : [interprétation] Prenons la page suivante, s'il vous plaît.

  4   Q.  Un peu plus loin dans l'article, à la page 2 plus exactement en

  5   anglais, c'est peut-être en B/C/S la fin de la première page, la page

  6   précédente. Excusez-moi. On dit que peu de doute que ces hommes et des

  7   irréguliers essaient maintenant de combattre pour gagner. Donc vous semblez

  8   dire ici qu'il y avait une coopération entre la JNA et ces irréguliers ?

  9   R.  Mais j'étais présent. Ils se sont avancés vers Visegrad ensemble, ils

 10   tiraient des roquettes -- ou plutôt, des obus. Il y avait notamment un

 11   irrégulier qui avait combattu, il affirmait avoir combattu en Cavtat, dans

 12   le sud de la Croatie, pour le siège de Dubrovnik. Il était avec ses

 13   compagnons. Il ne faisait pas partie de l'armée yougoslave, mais ces deux

 14   éléments étaient côte à côte, et moi j'étais avec les deux, sur place.

 15   Q.  Est-ce que, pendant cette période, vous avez vu des membres de la

 16   police régulière ?

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas de façon précise.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Pidwell -- je m'adresse à

 20   vous, Monsieur le Témoin. Le fait que vous étiez avec les forces spéciales,

 21   le fait que vous les avez vues utiliser des pièces d'artillerie pour

 22   envoyer des obus sur ces zones que vous avez décrites ne veut pas dire

 23   nécessairement qu'il y avait coopération, est-ce que vous pourriez étoffer

 24   votre propos, nous dire de façon plus précise en quoi consistait cette

 25   coopération, quelles en étaient les preuves, si ce n'est le fait que ces

 26   forces irrégulières tiraient en même temps que la JNA ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ils utilisaient les mêmes pièces

 28   d'artillerie, ils avançaient en formations conjointes, ils se parlaient,

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  1   ils attaquaient ce qu'ils appelaient un ennemi commun. A mes yeux, il n'y

  2   avait rien qui laissait entendre que ce n'étaient pas des hommes qui

  3   coopéraient.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous avez vu la preuve de

  5   réunions de coordination entre la JNA et ces forces spéciales ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Des conversations, ces hommes se parlaient

  7   sans arrêt. Ils mettaient sur place du matériel le long de la route, des

  8   mortiers, des pièces d'artillerie. Nous avons été pris entre deux feux, ce

  9   genre de choses. Il y a eu des échanges d'artillerie, par exemple.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Mme PIDWELL : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher à l'écran la

 12   pièce 3379 de la liste 65 ter.

 13   Q.  C'est un article que vous datez au jour du mois d'avril 1992, le 15

 14   avril plus exactement, le lendemain.

 15   Mme PIDWELL : [interprétation] Page 2, s'il vous plaît, en anglais.

 16   Q.  Vous y dites qu'alors que les forces alliées se rapprochaient de la

 17   ville soutenues par de l'artillerie lourde, il n'y avait pas beaucoup de

 18   signes ni de sons indiquant une résistance, si ce n'est tels ou tels tirs

 19   de tireurs embusqués isolés. Ma question est celle-ci : Est-ce que vous

 20   étiez présent lorsqu'elles se sont rapprochées de la ville ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous dites qu'il y avait eu peu de signes de résistance ? Soyez plus

 23   précis.

 24   R.  Quand on a un assaut d'artillerie sur la ville, ce que nous avons vu,

 25   mis à part tel ou tel tir lorsqu'il y a eu des échanges, parce qu'on était

 26   en terrain boisé de part et d'autre de la route. Il y avait des gens qui

 27   tiraient depuis la forêt. Mais à part ces coups de feu, il n'y a pas eu de

 28   tirs de riposte, de mortiers, de canons, alors que vous aviez des canons de

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  1   120 millimètres qui tiraient sur Visegrad. Mais il n'y a eu aucun tir de

  2   riposte, mis à part telle ou telle rafale de mitraillette.

  3   Q.  Article suivant, s'il vous plaît. C'est le document 3378 de la liste 65

  4   ter. C'est le dernier article que vous avez écrit à Visegrad le 16 avril.

  5   Vous dites que l'attaque a eu lieu le mardi soir alors que le jour où vous

  6   écrivez cet article c'est un jeudi. Vous dites -- attendez, je pense qu'il

  7   est préférable d'attendre que l'article soit affiché.

  8   Deuxième paragraphe en anglais. Là, vous parlez du nettoyage des dernières

  9   poches de résistance musulmanes. Expliquez à la Chambre ce que vous vouliez

 10   dire par là ?

 11   R.  Mais c'est ce que les forces régulières disaient de leurs actions, il y

 12   avait des gens qui avaient pris la fuite très vite manifestement, laissant

 13   derrière eux -- ainsi, vous avez passé beaucoup de temps en ex-Yougoslavie,

 14   vous avez déjà souvent vu cela, des gens qui -- le linge est encore étendu

 15   sur les fils, les gens partent en laissant tout derrière eux, et c'est ce

 16   qui a été dit après par ces hommes. Ils voulaient nettoyer les dernières

 17   poches qui restaient. Manifestement, il y avait encore des attaques, des

 18   tirs à faible échelle. On voyait cela, et on voyait que tout avait été

 19   abandonné à la hâte lorsque les gens étaient partis.

 20   Q.  Un peu plus loin dans l'article vous dites que vous avez été témoin

 21   d'un interview avec ce colonel Jankovic -- ou Jovanovic, et vous avez vu

 22   qu'il était interviewé par des journalistes du journal "Politika" de

 23   Belgrade. Vous avez dit qu'il était en fait le porte-parole de Milosevic.

 24   Comment êtes-vous arrivé à cette opinion ?

 25   R.  Bien avant, fin des années 80, Milosevic rassemblait les éditeurs, les

 26   rédacteurs en chef de ce journal, qui est un des plus importants de

 27   Belgrade. Ici, vous avez vu les journalistes de Belgrade qui essayaient

 28   faire de la communication, dirait-on aujourd'hui, pour le dire ce qu'il

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  1   fallait dire aux journalistes au niveau nationale. Ceci, pour moi, c'était

  2   un indice de l'influence qu'avaient les journaux, les médias du régime

  3   principal. Les journalistes serbes, manifestement, étaient en mesure de

  4   donner des instructions à un officier de l'armée fédérale pour lui dire ce

  5   qu'il fallait dire aux gens pour que ça passe bien.

  6   Q.  Dans votre déclaration préalable, nous avons les 170 articles que vous

  7   avez écrits en 1992.

  8   Mme PIDWELL : [interprétation] Je pense que vous avez reçu, Messieurs les

  9   Juges, ces articles dans l'ordre chronologique.

 10   Q.  Celui-ci nous montre que vous n'avez écrit aucun article à partir du 31

 11   juillet 1992, jusqu'au 22 août 1992; est-ce que c'est à peu près juste ?

 12   R.  Vous disiez 31 juillet ? Oui, oui, je suis parti en vacances.

 13   Q. Avant de partir en vacances, où est-ce que vous étiez ? Est-ce que vous

 14   vous souvenez de l'endroit où vous étiez, à partir duquel vous avez envoyé

 15   vos articles ?

 16   R.  Il faudrait que je voie les articles, mais je crois que j'étais quelque

 17   part en ex-Yougoslavie, au fond, pour faire simple.

 18   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du jour où vous avez entendu parler pour

 19   la première fois de l'existence de camps de détention dans la Bosnie du

 20   nord ?

 21   R.  Pour les journalistes internationaux, quand on parlait des camps, il y

 22   avait des rumeurs, des bruits qui ont commencé à circuler dans la deuxième

 23   de quinzaine de juillet. C'est la période dont vous parlez. Dans cette

 24   période dont vous parlez, ce que j'interprète, c'était encore des rumeurs.

 25   Il n'y avait pas de véritable présence internationale en Bosnie

 26   septentrionale à l'époque. Donc, c'était encore un début d'histoire

 27   d'agression dont on parlait. C'était véhiculé par des réfugiés, des témoins

 28   qui sortaient. Mais ça ne suffisait pas, à mon avis, pour se reposer là-

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  1   dessus pour faire un bon article. D'abord, je pense que ça n'aurait pas été

  2   accepté par la rédaction de Londres.

  3   Il y avait d'autres journaux qui commençaient à en parler. Je me souviens

  4   d'un document de "Newsday", c'était un journaliste américain qui commençait

  5   déjà à parler de ce qu'il avait entendu dire, des rumeurs. Il y avait

  6   beaucoup d'intérêts qui se manifestaient. Vous savez qu'il y a beaucoup de

  7   concurrence dans notre monde, et il y avait beaucoup de gens qui essayaient

  8   d'arriver les premiers.

  9   Bon, moi, je suis parti en vacances et c'était, à ce moment-là, il y

 10   avait la Conférence, au début août, à Londres. Karadzic et d'autres

 11   dirigeants y ont participés. C'était dirigé sous la présidence de John

 12   Major. Moi, j'y suis allé, puis j'ai pris quelques semaines de repos.

 13   Toutes ces rumeurs commençaient à circuler. Karadzic a été interpellé là-

 14   dessus à Londres par des journalistes, sur l'existence ou l'absence de ces

 15   camps qu'on appelait de concentration. Je ne sais pas ce qu'il a dit, mais

 16   un de mes collègues du "The Guardian" et du "ITN News" a été interpellé,

 17   dans le fond. Karadzic a dit : Ok. Il les a emmenés à Belgrade, et de là,

 18   il les a emmenés à Banja Luka et Prijedor. Ils sont allés voir certaines

 19   séquences. C'était assez spectaculaire. Rappelez-vous ces images qui ont

 20   fait le tour du monde. On voyait vraiment les images qui ont créé, qui ont

 21   provoqué une crise pratiquement internationale.

 22   Mme PIDWELL : [interprétation] Peut-on maintenant voir la vidéo. Ces images

 23   prises et filmées par ITN à l'époque. Il s'agit de la pièce 2329 de la

 24   liste 65 ter.

 25   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Quel est le lien entre la question et le

 26   visionnage de ces images ?

 27   Mme PIDWELL : [interprétation] Mais le témoin vient de parler de ce qu'il

 28   savait à propos de ce que les médias relataient, vers la fin du mois de

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  1   juillet ainsi qu'en août. C'est vrai, ce n'est pas lui qui a fabriqué ces

  2   images, mais ces images ont été diffusées et s'appuyaient sur des

  3   informations fournies à l'époque par ces journalistes. Ça vient de la

  4   chaîne ITN. Nous avons ces images, et puis nous avons aussi un extrait et

  5   nous allons demander un commentaire au témoin sur ces deux séquences, dont

  6   nous demanderons le versement.

  7   Bien sûr, dans un monde idéal, nous aurions vu appelés à la barre tous ces

  8   -- chacun des journalistes et chacun des caméramans qui ont filmé ces

  9   images, mais nous n'avons pas ce luxe. Donc nous allons essayer de demander

 10   le versement par le truchement du seul témoin qui représente les médias,

 11   présent à l'époque.

 12   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Mais c'est précisément là que le point. Il

 13   n'y a aucun lien entre le présent témoin et d'autres séquences.

 14   L'Accusation aurait pu citer les hommes qui avaient filmé ces images. On

 15   m'a demandé un commentaire sur des images que n'importe qui peut avoir vu.

 16   C'est sans valeur probante.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître O'Sullivan, à moins que la

 18   question soit précisément posée, par exemple, est-ce que nous voyons tous -

 19   et quand je dis "tous," nous incluons le témoin - est-ce que nous pouvons

 20   voir tous - est-ce que c'est quelque chose dont le témoin peut parler par

 21   association ou par correspondance, si j'ose dire ? Voyez le lien, parce

 22   qu'il fait des observations dans le cadre de ses activités de journaliste.

 23   D'autres journalistes, d'autres membres de son métier enchaînent, si j'ose

 24   dire, dont les agences avec lesquelles, apparemment, il n'a pas de lien,

 25   qui ont envoyé des caméramans qui ont filmé ces images. Ça reste à voir. Si

 26   les Juges et les parties voient ces images, on verra s'il y a des questions

 27   que le témoin est en droit d'aborder ou qu'il est en droit de répondre.

 28   Oui, Maître Pantelic.

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  1   M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce que Mme Pidwell pourrait nous dire

  2   qui est l'auteur ? Comment s'appelle le journaliste, si elle connaît ce nom

  3   ? Qui est l'auteur de cette séquence vidéo et quelle est la date précise à

  4   laquelle ces images ont été filmées, juste pour qu'il en soit pris ?

  5   Mme PIDWELL : [interprétation] Les auteurs, Penny Marshall et Ian Williams.

  6   La date, nous allons vous donner la date précise dans un instant.

  7   Je crois qu'il faut utiliser le système Sanction pour voir ces images. Je

  8   pense que la date c'est le 5 ou le 6 août. Ce n'est pas sûr.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Les Serbes de Bosnie ne peuvent pas nous appeler un camp de concentration.

 12   'Entrez', ont-ils dit à ITN, 'et voyez de vos propres yeux.' Sous la garde

 13   armée de Serbes, pendant trois jours, nous avons voyagé pour finir devant

 14   une mine désaffectée de Bosnie du nord.

 15   "Ici, on nous a montré que quelques centaines parmi les 2 500

 16   prisonniers, tous Musulmans, à Omarska. On nous a dit qu'ils avaient été

 17   interrogés et jugés coupables de combattre contre les Serbes et que pour

 18   cela ils avaient été en tant que prisonniers de guerre dans des camps, et

 19   les innocents avaient été envoyés dans les camps de réfugiés.

 20   "C'est tout ce que vous avons vu des prisonniers et d'Omarska. Jamais

 21   ces hommes n'ont dit un mot. Les seules voix qu'on entend, c'est celles des

 22   gardes qui leur disent de manger plus vite et de sortir.

 23   "J'ai demandé : 'Mais comment est-ce que vous êtes traités ? Quelles

 24   sont les conditions dans lesquelles vous vous trouvez'?

 25   "Réponse : 'Je ne veux pas dire de mensonges, je ne peux pas vous dire la

 26   vérité. Merci d'être venu.'

 27   "Journaliste : 'On nous a dit que l'armée ne contrôlait pas Omarska, que

 28   ces prisonniers se trouvaient sous la garde des autorités civiles et de la

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  1   milice locale. Nous avons demandé pourquoi au commandant.

  2   "Vous dites que c'est un camp de prisonniers, un camp de transit ou

  3   un camp de réfugiés.

  4   "Réponse d'une voix féminine : 'Non, ce n'est pas un camp, c'est un

  5   centre, un camp de transit, Omarska, comme Trnopolje, ce sont des centres,

  6   pas des camps.'

  7   "Journaliste : Et puis les hommes sont partis d'où ils sont partis

  8   d'où ils étaient venus cachés de nos caméras, de nos questions des Nations

  9   Unies et de la Croix-Rouge internationale qui n'a pas le droit de venir à

 10   Omarska, cachés du monde. Nous n'avons pas eu le droit de voir l'endroit où

 11   ils étaient logés dans ce qui semble être le plus grand des deux bâtiments

 12   pour voir où étaient les 2 000 autres détenus, comment ils vivaient.

 13   "Question : 'Pourquoi ?'

 14   "Réponse : 'Mais essayez, je fais de mon mieux ici.'

 15   "Journaliste : 'Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas les voir ?'

 16   "Réponse : Il a dit de faire quelque chose d'autre; on a dit : 'Vous

 17   pouvez faire ceci, et ceci, pas cela.'

 18   "Journaliste : Nous sommes donc partis. On nous avait promis de voir

 19   l'autre camp à Trnopolje, où vivent 2 000 réfugiés. On ne s'attendait pas à

 20   voir ce qu'on a vu, ce qu'on a entendu, à Trnopolje.

 21   "Il est ici depuis combien de temps demande le journaliste par le

 22   truchement de l'interprète.

 23   "Le prisonnier : 'Plusieurs centaines disent qu'ils étaient arrivés

 24   ce matin-là d'Omarska ou d'un autre camp de détention, qu'ils avaient été

 25   placés dans ce centre de réfugiés après des jours voire des mois

 26   d'interrogatoire. Nous avons demandé s'il était vrai qu'ils avaient été

 27   passés à tabac dans ces centres de détention.'

 28   "Prisonnier : 'Je ne peux pas beaucoup en parler, vous voyez. Je n'ai

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  1   pas le droit d'en parler, je ne crois pas que je peux en parler. Vous me

  2   comprenez ?'

  3   "Journaliste : 'Mais dites-nous la vérité.'

  4   "Quatrième prisonnier qui parle en B/C/S : '250 personnes en une

  5   nuit.'

  6   "Journaliste : 'Tuées, mais qu'est-ce qui s'est passé ?'

  7   "Dans cette affreuse guerre civile où il y a tous les jours des

  8   atrocités contre les Serbes, contre les Musulmans, la vérité n'est pas

  9   facile à trouver. Nous n'avons aucune preuve ici de passage à tabac infligé

 10   à un réfugié. Nous n'avons entendu que des allégations que même le docteur

 11   du camp n'est pas en mesure de corroborer devant les Serbes qui nous ont

 12   accueillis ici, les autorités serbes.

 13   'Est-ce que vous avez entendu parler des cas de passage à tabac dans

 14   les autres camps ?'

 15   "Le témoin : 'Oui.'

 16   "Journaliste : 'Il y en a eu beaucoup, est-ce que vous préféreriez

 17   parler dans une autre langue ?'

 18   "Docteur : 'Oui.'

 19   "Journaliste : Mais j'ai réussi à sortir un film, un rouleau de

 20   pellicule et un homme qui a pris ces images et me les a données, a dit

 21   qu'il serait tué s'il était pris en flagrant délit. Il m'a supplié de

 22   vérifier qu'il était encore en vie trois jours plus tard. Dans toute cette

 23   horreur, il y a ici ou là un faible signe d'humanité.

 24   "Regardez ce Serbe, Igor, 19 ans, qui se trouve, qui monte maintenant

 25   la garde à cette clôture dans le village où il a grandi avec des Musulmans.

 26   Ils étaient enfants ensemble, et maintenant ils sont persécutés. Vous avez

 27   d'autres personnes qui se trouvent dans ce camp. Sana a 13 ans. Il dit

 28   qu'il a été utilisé en tant que bouclier humain par des Musulmans

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  1   extrémistes dans son propre camp, et les Serbes avaient emmené sa mère.

  2   'Tu as peur maintenant ?'

  3    "Le gamin : 'Oui, un peu.'

  4   "Journaliste : 'Où est-ce que tu veux être et si tu pouvais fermer tes yeux

  5   et rêver d'être ailleurs, ou est-ce que tu voudrais être ?'

  6   "Réponse : 'Je voudrais suivre ma mère, l'a trouvée. Je ne sais pas où elle

  7   est.'

  8   "Journaliste : Personne à qui nous avons parlé ne savait pourquoi ils

  9   avaient été amenés ici, ni si c'étaient des prisonniers, des réfugiés, ce

 10   qui les attendait. Dans cette guerre civile, il n'y a aucun sens, tout,

 11   mais il y a une cruauté horrible et horrifiante.

 12   Penny Marshal, News à 10 heures, Bosnie du nord."

 13   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 14   Mme PIDWELL : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous êtes allé à Omarska ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Est-ce que vous êtes allé à Trnopolje ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Quand ?

 20   R.  J'ai été deux fois, en septembre et aussi en octobre 1992.

 21   Q.  Vous avez vu ces images montrant Trnopolje; est-ce qu'elles rendent

 22   fidèlement ce que vous avez vu ?

 23   R.  Mais c'était différent. La situation était rapide à l'époque, mais ce

 24   que vous voyez ici, ils sont tous des hommes jeunes. Moi, quand je suis

 25   allé à Trnopolje, c'était, ils avaient déjà été emmenés au sud ou au nord.

 26   Mais il y avait encore quand même plusieurs milliers de personnes quand je

 27   suis allé dans ce camp.

 28   Q.  Quand vous voyez la configuration du camp, est-ce que quelque chose a

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  1   changé ou pas, c'était resté le même ?

  2   R.  Il n'y avait pas la même clôture disons les endroits où les gens

  3   étaient, ce n'était pas la même chose.

  4   Q.  Les personnes qui surveillaient ce camp, quand vous êtes allé en

  5   septembre, qui étaient-ce à votre avis ?

  6   R.  C'étaient soit des militaires ou des policiers locaux, il y avait aussi

  7   la Croix-Rouge serbe.

  8   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, vous avez interviewé des personnes qui

  9   avaient été détenues à Trnopolje ?

 10   R.  Oui, beaucoup de ces gens avaient été évacués dans des convois en

 11   octobre 1992. J'ai parlé à des dizaines de personnes qui avaient été à

 12   Omarska, à Keraterm, comme Trnopolje.

 13   Q.  Où avez-vous mené ces interviews ?

 14   R.  A Karlovac, en Croatie. Ces hommes avaient été envoyés en convoi dans

 15   d'anciennes casernes en Croatie, à Zagreb, y avaient été placés en

 16   détention avant d'être éparpillés dans toute l'Europe.

 17   Q.  Dans quelle circonstance ces interviews se sont-ils déroulés ?

 18   Pourriez-vous nous dire comment vous êtes arrivé à ce point, quel fut le

 19   processus pour parvenir à ces interviews ?

 20   R.  Il y avait un état d'urgence humanitaire en Croatie. Ces images avaient

 21   provoqué un tollé international. Il y avait une pression internationale

 22   très forte qui s'est exercée pour fermer ces camps. Ce qui s'était fait.

 23   Pendant tout l'été, il y avait des convois interminables de ces personnes

 24   de la région qui étaient emmenées à Travnik, de l'autre côté de la ligne de

 25   front, et les Croates disaient qu'il y avait urgence. Ils avaient fermé la

 26   frontière qui menait au nord. Donc il y avait pression qu'il n'y ait pas

 27   d'issue dans ce territoire. Mais il y avait des bus entiers de personnes

 28   qui étaient emmenées à Karlovac à condition qu'ils soient gardés là et

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  1   qu'ils puissent transiter en Croatie. Ils devaient partir dans d'autres

  2   parties de l'Europe.

  3   J'ai passé beaucoup de temps, pratiquement une quinzaine de jours à

  4   faire des allers et venus là-bas, et à faire des interviews très longues

  5   avec beaucoup de ces gens pour savoir ce qu'ils avaient raconté.

  6   Q.  Est-ce que, dans ces images que nous venons de voir, il y avait des

  7   personnes que vous avez interviewées ?

  8   R.  Non, je ne me souviens pas avoir vu sur ces images quelqu'un que

  9   j'aurais interviewé.

 10   Mme PIDWELL : [interprétation] Je demande le versement.

 11   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Objection.

 12   Car ce témoin n'a jamais été à Omarska. Il dit qu'il est allé à Trnopolje,

 13   en octobre 1992, alors que ces images datent d'août 1992. Il a parlé de

 14   Trnopolje, en octobre, de Karlovac, en Croatie, en octobre. A notre avis,

 15   il n'y a aucun lien, aucune connexité entre ce témoin et les images que

 16   nous avons vues. Cette pièce ou ce document n'est donc pas recevable. 

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] L'enregistrement vidéo peut être versé

 19   au dossier.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera P1357.

 21   Mme PIDWELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Peut-on afficher le document suivant ? C'est 2817 de la liste 65 ter,

 23   deuxième rapport de Penny Marshal.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant de poursuivre, compte tenu de

 25   l'objection soulevée pas la Défense concernant le dernier document, la

 26   raison pour laquelle le document a été versé, bien qu'il est exact, comme

 27   Me O'Sullivan l'a dit, que cela a été enregistré à un autre moment et pas

 28   au moment où le témoin y est allé, nous avons décidé de l'accepter sur la

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  1   base que le témoin témoigne sur une suite d'événements et que cet

  2   enregistrement a été fait dans ce processus lors des visites des

  3   journalistes au camp et que, de cette manière-là, cet enregistrement vidéo

  4   peut assister la Chambre au moment où elle aura à rendre sa décision.

  5   Mme PIDWELL : [interprétation] J'ai donné le mauvais numéro.

  6   Donc en fait il faut 1571, c'est la suite de ce rapport. En fait,

  7   nous n'avons pas de transcription de toute la portion qui sera utilisée.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Dans l'hôpital du camp, le docteur que nous avons rencontré la

 11   semaine dernière était toujours là. Il disait qu'il fallait faire beaucoup,

 12   mais que les conditions étaient améliorées.

 13   "Il déclare que les familles peuvent venir rendre visite aux détenus.

 14   "Les personnes responsables de la gestion du camp reconnaissent des

 15   erreurs.

 16   "Certaines personnes perdent contrôle parfois, elles passent des

 17   personnes à tabac, boivent, mais bon.

 18   "De toute manière, les Serbes qui nous ont accueillis qui contrôlent

 19   l'accès limité que nous avons dans ce camp soulignent que des atrocités

 20   comparables ont été commises de leur côté. Cet enregistrement a montré le

 21   meurtre de 6 000 civils serbes par, comme ils disent, des Musulmans, mais

 22   il n'y a pas de preuve quant à leur identité. Ils disent, par exemple, que

 23   le village de Kozarac comptait 26 000 habitants, mais qu'aujourd'hui il n'y

 24   a personne.

 25   "Alors beaucoup sont dans des villages comme celui-ci, les gens comme

 26   si Siad Hukanovic, âgé de 26 ans, que soutient son frère. Il était

 27   réparateur télé avant que les Serbes l'ont capturé.

 28   "Alors qu'il ne combattait pas.

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  1   "Est-ce que vous pensiez que vous alliez mourir ?"

  2   Et cetera.

  3   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète ne peut pas compléter surtout compte tenu du

  5   fait qu'aucune transcription n'avait été fournie aux interprètes pour cet

  6   enregistrement vidéo.

  7   Mme PIDWELL : [interprétation]

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   R.  [aucune interprétation]

 10   Q.  Alors on a vu qu'il y avait un journaliste dans cette pièce qui

 11   regardait une émission à la télévision. Pourriez-vous nous dire quelque

 12   chose à ce sujet-là ?

 13   R.  Je ne suis pas du tout sûr où cela s'est passé, mais ça me fait penser

 14   à un bureau situé à Banja Luka où le chef de police et ses assistants

 15   visionnaient des enregistrements vidéo des atrocités commises d'après eux

 16   contre les Serbes.

 17   Q.  Cet enregistrement ça concerne, comme il a été dit ici, un endroit sur

 18   la route en direction de Kozarac ?

 19   R.  Ecoutez, j'ai vu des scènes très similaires à celles-ci. Kozarac se

 20   situe sur la route entre Banja Luka et Prijedor, et vous savez, il y a eu

 21   beaucoup de dégâts.

 22   Mme PIDWELL : [interprétation] Je demande le versement de cet

 23   enregistrement vidéo.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je présume que vous maintenez la même

 25   objection, Maître O'Sullivan.

 26   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Oui, au moins là la situation est

 27   différente parce que le témoin a vu Kozarac de ses yeux.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Le document est versé.

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 13  pagination anglaise et la pagination française.

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  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ça sera 1758 [comme interprété].

  2   Mme PIDWELL : [interprétation]

  3   Q.  Plus tard, en septembre 1992, vous êtes allés à Banja Luka, il y a eu

  4   une réunion avec Radovan Karadzic et Cyrus Vance et Lord Owen. Est-ce que

  5   vous y êtes allés déjà à Banja Luka avant cette fois-là ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Vous souvenez-vous depuis quelle direction vous êtes venus à Banja Luka

  8   à cette occasion-là ?

  9    R.  De Belgrade, nous sommes passés à travers le corridor au nord, ensuite

 10   de Zagreb par l'autoroute jusqu'à Okucani, et ensuite nous avons traversé

 11   la frontière. Je pense que je suis venu cette fois-là depuis Zagreb.

 12   Q.  Combien de temps êtes-vous resté à Banja Luka ?

 13   R.  Trois ou quatre jours.

 14   Q.  Est-ce que vous avez dû passer à travers les points de contrôle ?

 15   R.  Partout en Bosnie, où que vous alliez, il y avait des points de

 16   contrôle.

 17   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 18   Mme PIDWELL : [interprétation]

 19   Q.  [aucune interprétation] 

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Pidwell, je suppose que vous avez

 21   entendu ce que les interprètes viennent de dire. Ils demandent les pauses

 22   entre les questions et les réponses.

 23   Mme PIDWELL : [interprétation] Toutes mes excuses à la Chambre et aux

 24   interprètes.

 25   Q.  Alors, Monsieur Traynor, vous souvenez-vous avoir traversé des points

 26   de contrôle lors de cette visite à Banja Luka ? Et si oui, qui est-ce qui

 27   tenait les points de contrôle ?

 28   R.  Oui, il y avait des points de contrôle sur la route vers Banja Luka et

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  1   aussi menant vers cette partie de Bosnie, de manière générale, les points

  2   de contrôle étaient tenus par des personnes qui semblaient appartenir à des

  3   forces de police.

  4   Mme PIDWELL : [interprétation] Peut-on afficher 3375 de la liste 65 ter.

  5   Q.  Il s'agit d'un article que vous avez écrit en date du 29 septembre

  6   1992. Au deuxième paragraphe de l'article en anglais, dernière ligne, je

  7   pense que c'est la même chose en B/C/S, vous utilisez le terme "la police

  8   omniprésente."

  9   R.  Je pense que cela se suffit, que c'est tout à fait clair. Partout, où

 10   que vous alliez à Banja Luka, il y avait des policiers dans les rues.

 11   Q.  Pourquoi ? Qu'est-ce qu'ils faisaient dans les rues ?

 12   R.  Ecoutez, ils ne faisaient pas grand-chose, ils y étaient tout

 13   simplement. Il y avait une présence policière tout à fait visible, très

 14   visible. Il n'y avait pas grand-chose à faire. Je pense à Banja Luka parce

 15   que Banja Luka était une grande ville, mais à l'époque on n'avait pas

 16   l'impression que quoi que ce soit s'y passe. On ne comprenait pas vraiment

 17   pourquoi ils seraient nécessaires. Mais ils y étaient.

 18   Q.  Plus loin, au paragraphe 4, vous utilisez le terme "une ville affolée

 19   et brutalisée." Pourriez-vous nous expliquer ceci ?

 20   R.  Ecoutez, tout simplement cet endroit était très sinistre. Il y avait

 21   une atmosphère tout à fait étrange. Si vous essayez d'obtenir des

 22   informations sur ce qui se passait autour dans la région, vous devriez vous

 23   adresser à des employés humanitaires, à des fonctionnaires de la Croix-

 24   Rouge, au personnel des Nations Unies, et cetera. Ils étaient tous

 25   désespérés. Ils ne pouvaient pas tenir le rythme des événements, les

 26   membres de convois, les transports de personnes essayant de quitter la

 27   région, personnes qui avaient peur de laisser leurs foyers, personnes

 28   n'ayant aucun endroit où aller. Tout était extrêmement sinistre, et il y

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  1   régnait une atmosphère tout à fait pesante et désagréable.

  2   Q.  Dans le même paragraphe, vous rapportez une déclaration de Radoslav

  3   Brdjanin, le chef de la cellule de Guerre régionale, où il est dit qu'à

  4   Banja Luka il n'y a de la place que pour 1 000 Musulmans. Est-ce que vous

  5   l'avez entendu dire ceci, ou d'où est-ce que provient cette information ?

  6   R.  Je ne l'ai pas entendu dire ceci directement. Mais tout le monde en

  7   parlait. Il a été à la télévision, il a fait une déclaration à la

  8   télévision disant qu'à Banja Luka il n'y avait de place que pour 1 000

  9   Musulmans et que les autres devaient partir. Il y a eu un autre homme

 10   politique local. Je pense qu'il s'appelait Vukic, qui a également fait des

 11   déclarations, c'était un gynécologue obstétricien, qui a fait des

 12   déclarations publiques au sujet des femmes non-Serbes qui ne seraient pas

 13   autorisées d'accoucher dans des hôpitaux de Banja Luka. Donc tout le monde

 14   parlait de ce genre de commentaires. Cela a créé cette atmosphère tendue et

 15   désagréable qui régnait à cet endroit-là.

 16   Q.  Dans cet article-là vous parlez de votre entretien avec Stojan

 17   Zupljanin. Pourriez-vous, tout d'abord, nous dire comment cela est-il

 18   arrivé que vous l'interviewiez ?

 19   R.  Ecoutez, avec un collègue, nous étions à Banja Luka. En Europe, partout

 20   dans nos bureaux il y avait beaucoup d'intérêt pour tout ce qui se passait

 21   dans la zone à cause des camps, et cetera. Le fait que Vance et Owen y

 22   étaient et qu'ils devaient se rendre eux-mêmes à Banja Luka pour qu'on voie

 23   qu'ils fassent quelque chose au sujet de cette situation a fourni une

 24   occasion pour les médias internationaux de s'y rendre aussi, et c'est pour

 25   cette raison-là que nous nous sommes retrouvés là-bas et que nous avons

 26   demandé d'interviewer des fonctionnaires, des responsables locaux. Alors

 27   nous avons demandé un entretien avec le maire de la ville, avec les chefs

 28   des partis politiques. Nous sommes également allés voir le chef du Parti

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  1   politique musulman. Nous nous sommes renseignés autour et on nous a proposé

  2   de nous entretenir avec le chef de la police, et nous l'avons saisi.

  3   Q.  Alors pourriez-vous nous décrire la manière dont s'est déroulée cette

  4   interview ?

  5   R.  Si je me souviens bien, l'interview a duré deux heures, ce qui est

  6   plutôt long dans mon domaine d'activités. D'habitude, on n'obtient jamais

  7   une interview aussi longue. M. Zupljanin avait de toute évidence beaucoup

  8   de temps disponible. Il a, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure -- il nous

  9   a fait visionner des enregistrements vidéo avec des atrocités qui auraient

 10   été commises par des Musulmans contre les Serbes et que nous avons

 11   gentiment regardés avant de pouvoir poser une question quelconque. C'est à

 12   ce moment-là qu'ensuite il a abordé des questions relatives à la situation

 13   de la sécurité dans la région et ce qui s'y passait.

 14   Q.  Qui était là-bas avec vous ?

 15   R.  Un collègue américain, Mary Batia ti [phon] de "Washington Post."

 16   Q.  Est-ce qu'à votre avis, M. Zupljanin souhaitait vous parler ?

 17   R.  Oui, il en avait très envie. Il voulait se présenter comme une autorité

 18   en Bosnie, et par seulement à Banja Luka. Il a souligné ses qualifications

 19   pour son poste, ses 18 ans d'expérience dans la police bosniaque, son

 20   diplôme de droit de l'université de Sarajevo, le fait qu'il a travaillé

 21   partout en Bosnie. Donc nous avions l'impression qu'il essayait de nous

 22   impressionner par son autorité, sa puissance, sa confiance, sa manière de

 23   gérer la situation.

 24   Q.  Est-ce qu'en dehors de l'article du 29 décembre [comme interprété], où

 25   vous parlez de cet entretien, est-ce que vous avez écrit quelque chose avec

 26   le reste de vos notes portant sur l'interview avec Zupljanin ?

 27   R.  Je ne me souviens pas de l'avoir fait. Vous savez, pour nous il était

 28   très intéressant d'essayer de comprendre ce qui se passait. Mais en même

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  1   temps, ça avait une valeur très limitée par ceux qui publiaient nos

  2   articles à Londres parce qu'en fait les informations qu'on recueillait très

  3   souvent n'avaient que très peu de liens directs avec les articles qu'on

  4   écrivait, mais pour nous ces informations étaient nécessaires pour mieux

  5   comprendre le contexte. L'article lui-même n'est qu'une partie infime du

  6   travail que nous faisons sur le terrain.

  7   Q.  Alors est-ce qu'à la fin de l'interview, vous avez eu impression que

  8   votre discussion avait été libre et franche ?

  9   R.  Oui, oui, oui. Nous avions une impression étrange que des questions

 10   étaient posées sur certaines choses pour lesquelles vous saviez qu'il

 11   pourrait en être question parce qu'on allait se rendre à  tel ou tel

 12   endroit de Bosnie. Alors je ne sais pas si on peut considérer ceci comme

 13   une discussion libre et franche parce que, vous savez, il y avait beaucoup

 14   de temps et aucun thème ne nous a été interdit, on pouvait aborder tous les

 15   sujets.

 16   Q.  Vous avez parlé d'un document qu'on appelle le document de Celinac. Je

 17   ne pense pas qu'il soit la peine de l'afficher. Pourriez-vous nous dire

 18   pourquoi vous pensiez qu'il était nécessaire de lui parler de ce document ?

 19   R.  Parce qu'il faisait partie de la police et qu'il s'agissait d'un

 20   document que tout le monde connaissait dont on parlait dans le milieu de la

 21   défense des droits de l'homme parmi les humanitaires, et un collègue à

 22   Belgrade avait reçu ce document, qui nous faisait penser à des pratiques du

 23   3e Reich. Ce document est affreux, document par lequel on a emprisonné les

 24   Musulmans. On leur indiquait les endroits où ils pouvaient se rendre, on

 25   parlait des couvre-feux, des endroits où ils étaient autorisés de se rendre

 26   et d'autres où ils n'étaient pas autorisés de se rendre, et cetera, et

 27   cetera, et tout cela nous faisait penser aux édictes rendus en Allemagne à

 28   l'encontre des Juifs, alors j'avais envie de l'entendre parler de ce

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  1   document. J'ai eu l'impression que ce document, d'après les propos de M.

  2   Zupljanin, n'était plus en vigueur, mais qu'il avait bel et bien existé. Il

  3   n'a jamais renié l'existence de ce document.

  4   M. PANTELIC : [interprétation] Peut-on savoir où on parle de ce document

  5   dans l'entretien ?

  6   Mme PIDWELL : [interprétation] Dans sa déclaration, page 11 en anglais de

  7   sa déclaration, 0039-3544 ERN. C'est là qu'il parle du document de Celinac.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro de la

  9   pièce ? Dans le compte rendu, on voit "45908".

 10   Mme PIDWELL : [interprétation] C'est 459.08.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 12   M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce que le Procureur pourrait nous

 13   expliquer la pertinence de ce document qui concerne la municipalité de

 14   Celinac, du moment où Celinac n'est pas couverte par l'acte d'accusation ?

 15   Mme PIDWELL : [interprétation] Mais c'est quelque chose dont il parle dans

 16   sa déclaration. Le témoin a eu l'occasion de commenter la réaction de M.

 17   Zupljanin à la vue de ce document à l'époque. Peut-être que Me Pantelic

 18   aimerait que l'on regarde ce qui est indiqué dans les notes dans le carnet

 19   du témoin concernant cet élément-ci.

 20   Q.  Monsieur le Témoin, avant votre arrivée dans le prétoire, il était

 21   question de vos carnets assez lisibles, et nous nous demandions s'il vous

 22   serait possible de lire des éléments de vos carnets pour que cela puisse

 23   être consigné au compte rendu pour que nous aussi on puisse savoir ce que

 24   vous y avez noté.

 25   R.  Tout ce qui est marqué ici ?

 26   Q.  Non, c'est à partir de la phrase : "Stojan Zupljanin, Banja Luka, chef

 27   de police, 26 septembre 1992" et jusqu'à la fin de l'entretien.

 28   R.  "Stojan Zuplanin, Banja Luka, chef de police de la région, 18 ans dans

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  1   les forces de la police après avoir eu son diplôme à la faculté de Droit de

  2   Sarajevo.

  3   "Chef de l'Unité du ministère de l'Intérieur de la République serbe

  4   couvrant 26 villes, 16 500 kilomètres carrés, une population d'une million

  5   d'habitants de toutes les trois nationalités; Prijedor, Gradiska, Jajce,"

  6   et cetera.

  7   M. PANTELIC : [interprétation] Quel est le toponyme mentionné entre

  8   Prijedor et Jajce ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'essaie de lire.

 10   M. PANTELIC : [interprétation] Excusez-moi.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

 12   M. PANTELIC : [interprétation] Peut-être "Drvar" ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne crois pas. C'est en Croatie, n'est-ce

 14   pas ?

 15   Mme PIDWELL : [interprétation]

 16   Q.  Veuillez poursuivre.

 17   R.  "Je leur ai dit, en toute connaissance de cause, que Banja Luka -- que

 18   la situation à Banja Luka est toujours très bonne. Je pense que nous avons

 19   toujours le plein contrôle et que nous surveillons tous les processus en

 20   cours."

 21   M. PANTELIC : [interprétation] Toutes mes excuses à M. Traynor. Pourriez-

 22   vous donner lecture de la page gauche de votre carnet ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Le côté gauche.

 24   M. PANTELIC : [interprétation] Parce que chez nous, dans la copie que nous

 25   avons, il y a encore quatre lignes. Je ne sais pas d'où ça vient.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais c'est quelque chose qui concerne

 27   l'article précédent. Ça n'a rien à voir avec l'entretien.

 28   M. PANTELIC : [interprétation] D'accord.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite :

  2   "Le recensement de la population en 1991 : 54 % de Serbes, 15 % de

  3   Musulmans, 14 % de Croates.

  4   "La situation a un peu changé pendant la guerre. Il n'y a pas de chiffres

  5   exacts aujourd'hui, mais nous savons qu'il y a ici 17 500 réfugiés serbes

  6   arrivés depuis la Slavonie occidentale et quelques milliers de réfugiés

  7   musulmans venant d'autres régions. Beaucoup de personnes déplacées durant

  8   la guerre sont parties en Croatie ou en Bosnie Centrale ou en Bosnie sous

  9   le contrôle d'Alija Izetbegovic, mais la majorité est en Serbie.

 10   "Il y a plusieurs fois plus de réfugiés de Bosnie-Herzégovine et de Serbie

 11   qu'en Croatie. Tous les Croates et Musulmans qui se rendent en Croatie

 12   depuis cette région sont immédiatement séparés de leurs familles et envoyés

 13   sur la ligne de front de l'armée croate.

 14   "J'ai dit hier à Vance, j'ai expliqué de cette manière si la migration des

 15   populations, alors qu'on appelle ceci parfois le nettoyage ethnique.

 16   "L'Europe les laisse séjourner dans des hôtels ou des camps (de réfugiés),

 17   leur retrouve du travail et leur donne 400 à 800 marks allemands. Pour eux,

 18   c'est un motif suffisant pour partir et laisser les armées se battre.

 19   "Je ne comprends pas ce que c'est le 'nettoyage ethnique'. Je comprends un

 20   nettoyage ethnique plutôt comme une sorte de -- pour moi, en fait, c'est la

 21   guerre et c'est la migration économique. Les représentants de la République

 22   serbe essayent d'expliquer au monde que nos familles sont tellement

 23   mélangées que même si quelqu'un essaie de nettoyer un des trois peuples

 24   dans cette région, que cela ne serait pas possible. Dans ma famille, il y a

 25   des gitans, des Albanais, des Musulmans, des Monténégrins, et cetera.

 26   "Vance et Owen, peut-être, reçoivent leur informations de sources

 27   différentes.

 28   " Celinac. Soixante-dix pourcents [comme interprété] de Musulmans là-bas.

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  1   Nous avons des problèmes là-bas. Cela a commencé quand, sur le mont de

  2   Vlasic, sept soldats de Celinac ont été tués, la plupart des jeunes hommes.

  3   Les forces Oustachi ne nous ont pas autorisés à récupérer les corps, et les

  4   membres des familles étaient très en colère et ont attaqué quelques maisons

  5   musulmanes. Nous les avons arrêtés. Alors, le document de Celinac n'est pas

  6   accessible et il est pratiquement hors d'usage.

  7   "Personne ne voulait cette guerre terrible, et il y a parfois des

  8   situations créées par des individus sur lesquels nous n'avons plus le

  9   contrôle. Il n'y a pas que les maisons musulmanes qui brûlaient dans cette

 10   région, mais aussi des maisons serbes et croates.

 11   "Kotor Varos. Ensuite, un village où, il y a quelques jours, les

 12   habitants étaient attaqués par des extrémistes musulmans qui ont tué 16

 13   personnes âgées et enfants, brûlé des maisons, et ensuite fait la fête. Ils

 14   sont arrivés à leur base en chantant. Alors, à quoi peut-on s'attendre de

 15   la population serbe de cette région ? Personne ne peut donner aucune

 16   garantie, personne ne peut leur interdire de se venger. J'ai sérieusement

 17   peur que demain un village musulman soit incendié. La seule question qui se

 18   pose c'est quand est-ce que tout cela finira ?

 19   "L'été dernier" - j'ai écrit ici 'moins 3' - "peut-être que c'est la

 20   température. Je ne sais pas ce que ça veut dire. L'hiver dernier, les

 21   personnes sont parties à Banja Luka en tracteur, une femme qui aidait lors

 22   des accouchements. Beaucoup de personnes dans ce convoi sont mortes sur la

 23   route."

 24   Je suppose que cela veut dire que "moins 3" c'était la température,

 25   qu'ils se déplaçaient pendant un hiver très froid.

 26   Ensuite :

 27   "Ici, la situation, à mon avis, est un peu différente, comment aider

 28   ces gens. Les citoyens sont en danger, ils ont besoin de garde-fous, de la

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  1   protection. Nous devons trouver" -- je n'arrive pas à déchiffrer ce qui est

  2   marqué ici - "alors nous allons essayer de trouver une place pour ces gens

  3   fuyant la guerre et à les héberger."

  4   Ensuite, on nous a dit que :

  5   "Nous allons créer des camps de concentration. Il est vrai que

  6   certains y sont allés tout seuls et d'autres y ont été conduits. Nous avons

  7   des documents démontrant exactement qu'ils avaient participé à la guerre.

  8   Mais vous savez, il n'y a aucune guerre s'il n'y a pas deux parties en

  9   guerre. Alija Izetbegovic a déclaré la guerre au peuple de cette région.

 10   "Le chef du SDA de Prijedor a organisé des bandes armées. Nous nous

 11   sommes rencontrés à Prijedor. Il a la haine dans les yeux, et je savais que

 12   la guerre allait arriver en le voyant. Maintenant, nous sommes tous des

 13   perdants.

 14   "Les gens essayaient de fuir cette région, pas seulement à cause de

 15   la peur des Serbes, mais aussi parce qu'ils ont peur de certains individus

 16   et des groupes de leur propre peuple. C'est pour cette raison-là que

 17   quelques Musulmans de d'autres régions ont demandé, au gouvernement

 18   officiel, de les aider à partir en Croatie ou en Serbie. Ils ont des

 19   documents et demandent ceci en présentant des documents officiels, ils

 20   demandent une autorisation officielle pour l'échange. Certains veulent

 21   échanger leurs biens immobiliers, leurs maisons.

 22   "Tudjman a chassé notre peuple de Slavonie par force, et nous nous

 23   mettons à disposition des Croates et des Musulmans qui souhaitent quitter

 24   la région, à la transportation, pour qu'ils puissent le faire de manière

 25   digne."

 26   Question : Est-ce que cela se passe aujourd'hui ?

 27   Réponse : Je ne dispose pas d'information à cet effet. Je sais que le CICR

 28   prévoie l'évacuation de Trnopolje ces jours-ci. Mais ces personnes-là ne

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  1   sont pas des détenus. Ce sont des personnes qui se sont rendues de leur

  2   propre gré et qui partiront quand ils le souhaiteront. Les femmes serbes,

  3   laissez-les sortir des bordels de Sarajevo et de Travnik, enceintes de

  4   plusieurs mois.

  5   "Un jour, le fonctionnement du refuge de Trnopolje coûte 7 millions

  6   de dinars, mais nous donnons à manger aux enfants, aux femmes et aux vieux,

  7   même si nos soldats n'ont que deux repas par jour. Nous donnons du

  8   carburant pour le transport.

  9   "Massacre. Un certain nombre de ceux qui ont quitté Trnopolje et qui

 10   se sont rendus vers Vlasic ont perdu la vie dans la région où la guerre

 11   était en cours. L'enquête est menée par le ministère de la Justice. Nous

 12   avons trouvé les responsables et nous les traduirons devant les tribunaux.

 13   Donc si nous trouvons les moyens de preuve pour corroborer que cela s'est

 14   passé et que des gens innocents ont été tués, nous allons les accuser de ce

 15   crime. Et ce n'est pas le nombre que vous avez mentionné. Nous disposons de

 16   l'information qui dit qu'il y en avait 50 ou plus, mais dans cette région,

 17   il y a toujours la guerre.

 18   "Une équipe d'enquête a été là-bas et a été attaquée par des tirs de

 19   canon. Il y avait des rumeurs qui disent qu'ils ont été tués par la police

 20   qui devait les escorter, également des histoires qui disent qu'ils ont été

 21   tués par les membres du HVO ou des Bérets verts. Et deux autocars ont été

 22   séparés. Certains disent qu'ils ont été séparés pour leur propre sécurité -

 23   - la sécurité du convoi, puisqu'il y avait des combats menés par des hommes

 24   aptes à porter les armes."

 25   Mme PIDWELL : [interprétation] Monsieur, je pense qu'il faut qu'on s'arrête

 26   là. Je pense qu'il est venu le moment pour faire la pause.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Nous allons faire la pause de 20

 28   minutes.

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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 08.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   Mme PIDWELL : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Traynor, veuillez poursuivre la lecture de vos notes pour que

  7   ce soit acté au dossier. Je vous rappelle que vous avez lu en dernier lieu

  8   :

  9   "Certains affirment qu'ils avaient été séparés pour sauvegarder le

 10   convoi parce que c'étaient des hommes en âge de combattre."

 11   R.  "J'ai des informations disant qu'il y avait des cadavres dans la zone.

 12   Je suis un homme qui jure de protéger la constitution et la loi. Je ferai

 13   de mon mieux pour élucider cette affaire.

 14   "Le territoire se trouve sur la droite de la ligne de front. Il y a

 15   un gros canon qui a une portée de 40 kilomètres. Je préférerais que vous

 16   contactiez les autorités oustachi à Travnik, car ils nous ont dit que même

 17   si nous sommes en guerre.

 18   "Les frais payés par les convois sont à la charge de la ville qui

 19   envoie le convoi, et il y a certains coûts encourant par l'agence qui fait

 20   la médiation pour l'échange de biens. Il est possible qu'ils paient le

 21   carburant. Je ne pense pas qu'il y ait autant de convois. Avant il y en

 22   avait plus, maintenant ce n'est plus le cas. Il n'y en a pratiquement plus.

 23   S'il y en a eu ces derniers jours, en tout cas, ce fut le dernier convoi

 24   qui est parti de cette région.

 25   "Nous avons essayé de rétablir l'ordre dans la ville, mais ils n'ont pas

 26   d'armes en dehors de la caserne, et puisque le HVO a tué huit soldats à

 27   Jajce, nous n'obéissons pas à cet ordre.

 28   "Chef de l'Unité de la Sécurité publique et nationale. Si la guerre arrive

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  1   à Banja Luka, ce sera à cause des extrémistes musulmans. Nous connaissons

  2   leur organisation, leurs camps d'entraînement, leurs armes. Il y en a

  3   plusieurs milliers. Il faudra résoudre ce problème. Est-ce que c'est

  4   possible ? Tout ça dépend de l'attitude de la partie adverse. Nous avons

  5   arrêté 17 hommes qui se préparent à la guerre. L'organisation Merhamet,

  6   l'organisation caritative, a été rencontrée, et le SDA était

  7   l'organisateur."

  8   Mme PIDWELL : [interprétation] Merci.

  9   M. PANTELIC : [interprétation] Puis il y a une partie du "CICR de Banja

 10   Luka," qui parle de Banja Luka. C'est peut-être intéressant en l'espèce,

 11   car à l'autre page on voit "le chef du CICR, à Banja Luka, le 26 septembre

 12   1992." Il est mentionné dans la déclaration préalable du témoin, donc il

 13   est peut-être utile dans cette affaire de mentionner ce contact.

 14   Mme PIDWELL : [interprétation] A vous de juger, Messieurs les Juges. Le

 15   témoin a lu pour acter au dossier les notes qu'il a prises à l'interview

 16   avec l'accusé M. Zupljanin. Maintenant Me Pantelic évoque une autre

 17   mention, une mention distincte, et ce n'est que le début manifestement, on

 18   la retrouve ailleurs, mais le témoin a estimé que ce n'était pas des

 19   questions pertinentes en l'espèce.

 20   M. PANTELIC : [interprétation] Mais il ne revient pas au témoin de

 21   déterminer si quelque chose est pertinent ou pas. C'est pertinent pour la

 22   Défense, car il s'agit ici d'une période couverte par l'acte d'accusation

 23   et qui concerne les événements de Banja Luka.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] J'avoue que depuis qu'on a évoqué cette

 25   question ce matin, je n'ai pas encore trouvé de solution pratique. Ce qui

 26   semblerait la voie la plus manifeste, à savoir que le témoin lit pour que

 27   ce soit acté au dossier des parties importantes de son carnet, on prend

 28   beaucoup de temps, et en plus c'est contraire au principe qui veut qu'un

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  1   document qui rafraîchit la mémoire n'en est pas pour autant un élément de

  2   preuve. Je ne sais pas s'il nous faut partager les inquiétudes de Me

  3   Pantelic, manifestement ces inquiétudes sont vives chez lui. Alors je ne

  4   sais pas où vous en êtes dans votre interrogatoire du témoin, Maître

  5   Pidwell, peut-être n'allez-vous pas demander autre chose, et peut-être que

  6   Me Pantelic devra attendre de contre-interroger le témoin.

  7   M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait demander au témoin,

  8   lorsqu'il va poursuivre la lecture de ces notes, ou après l'audience, s'il

  9   peut se souvenir, peut-être que nous pourrions recevoir du bureau du

 10   Procureur le CD qui nous donnerait la bande son, l'enregistrement sonore,

 11   comme l'a proposé le Juge Harhoff. Ce serait peut-être acceptable pour la

 12   Défense, car nous pourrions ainsi voir les autres parties de ces notes

 13   concernant les événements de Banja Luka.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que c'est faisable, Madame

 15   Pidwell ?

 16   Mme PIDWELL : [interprétation] Si vous nous donnez l'obligation de le

 17   faire, nous le ferons, bien entendu. Mais nous estimons que les parties

 18   pertinentes ont déjà été lues et actées au dossier de l'espèce. Nous

 19   pensons qu'il est inutile que le témoin parcoure la totalité de son carnet

 20   de notes, le relise dans sa totalité pour que la Défense puisse le revoir.

 21   Le moment du contre-interrogatoire sera peut-être le moment opportun.

 22   M. PANTELIC : [interprétation] Mais il y a combien de pages concernées par

 23   le CICR à Banja Luka. Ce serait peut-être utile. Manifestement, je ne veux

 24   pas maintenant étudier tout le carnet de notes qui reprend ces observations

 25   de cinq ans sur le témoin. Mais il y a une note qui concerne septembre

 26   1992, qui concerne Banja Luka, c'est peut-être utile pour la Défense, donc

 27   je limite la demande que je formule ici. Je ne demande pas à avoir la

 28   totalité du carnet de notes.

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  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Permettez-moi de répéter ce qu'a dit Me

  3   Pantelic. Il ne revient pas à un témoin de déterminer ce qui est pertinent

  4   et ce qu'il ne l'est pas. C'est, bien entendu, là quelque chose que fait la

  5   Chambre aidée par les conseils. Nonobstant ce principe, nous ne sommes pas

  6   ici à une difficulté concrète.

  7   Me Pantelic a repris la proposition du Juge Harhoff. Le témoin pourrait

  8   faire un enregistrement sonore que pourrait consulter la Défense, ça nous

  9   semble suffisant, mais nous n'allons pas trancher la question. A ce stade,

 10   nous dirons ceci : puisqu'il s'agit d'un témoin à charge appelé par

 11   l'Accusation, nous allons demander à l'Accusation d'essayer de répondre du

 12   mieux qu'elle peut à une demande raisonnable de la Défense.

 13   Mme PIDWELL : [interprétation] Ce n'est pas facile, parce que le témoin

 14   maintenant a prêté serment. Nous allons terminer l'interrogatoire principal

 15   avant la fin de l'audience, et nous n'aurons pas le droit de parler au

 16   témoin.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien --

 18   M. PANTELIC : [interprétation] Mais pas de problème particulier. Peut-être

 19   que l'unité des témoins peut contacter le témoin et lui demander

 20   d'enregistrer cette partie-ci.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est précisément ce que j'allais

 22   proposer comme solution.

 23   Mme PIDWELL : [interprétation]

 24   Q.  Il y a peut-être une question vous concernant.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

 26   Mme PIDWELL : [interprétation]

 27   Q.  A propos du carnet de notes ?

 28   R.  Oui. Pas de problème, je peux parfaitement enregistrer ceci. Mais il y

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  1   a dans le carnet de notes des sources qui ont demandé l'anonymat à

  2   l'époque, dont je n'ai pas le droit de donner le nom. Et c'est ça qui

  3   m'inquiète beaucoup. Je ne veux aucunement révéler l'identité de certaines

  4   des personnes à qui j'ai parlé. Je peux tout à fait le dire, mais je ne

  5   peux pas dire qui sont ces personnes qui m'ont parlé.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Si l'intervention de la Chambre est

  7   nécessaire, à ce moment-là, nous dirions que vous n'êtes pas obligé de

  8   révéler vos sources.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

 10   Mme PIDWELL : [interprétation]

 11   Q.  Vous venez de lire certaines notes qui montrent qu'il y a eu

 12   manifestement une discussion portée sur le massacre présumé au mont Vlasic

 13   avec Zupljanin à l'époque. Est-ce que vous avez écrit un article à l'époque

 14   sur ce sujet ?

 15   R.  Non, même si ce récit a apparu dans les médias, on avait déjà parlé du

 16   massacre du mont Vlasic. Pour moi, à mes yeux, c'était manifestement

 17   quelque chose de tout à fait négatif. Mais, disons, que la valeur

 18   médiatique de cet événement était diminuée par le fait qu'il y avait des

 19   article déjà parus à cette époque. Mais j'avais un collègue avec moi qui

 20   travaillait sur un suivi d'articles concernant cet événement et il a posé

 21   beaucoup de questions à ce propos.

 22   Mme PIDWELL : [interprétation] Maintenant, je vais demander la diffusion

 23   d'une autre séquence. Il s'agit du document 2817 de la liste 65 ter. C'est

 24   un rapport --

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] 

 27   "Ils ont été emmenés dans des territoires tenus par des Musulmans. Il y a

 28   surtout des enfants et des femmes dans ce convoi, et dans un convoi,

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  1   quelques centaines d'hommes ont pu se glisser dans les bus. Ça ne

  2   semblerait pas trop problème, parce que c'était de nouveaux passagers à qui

  3   on pouvait extorquer ce qu'ils avaient, de l'argent ou des bijoux. Un

  4   d'entre nous a pris un sac de plastique pour prendre tout ce que nous

  5   avions, tous nos objets de valeur. Et il a dit : 'Si on en trouve d'autres

  6   et vous ne les avez pas donnés, on va vous couper la tête.'

  7   "Le journaliste poursuit : Le convoi s'est poursuivi jusqu'au mont Vlasic,

  8   près de Travnik. Cet homme est un des six rescapés, qui peut vous dire ce

  9   qui s'est passé. L'homme qui était responsable de notre bus nous a dit :

 10   'Je vais donner certains noms et ceux-là doivent quitter, partir.'

 11   "Le bus s'est arrêté le long de la route, un soldat est arrivé et nous a

 12   dit que les enfants, les femmes, les vieux devaient monter dans le camion,

 13   mais les jeunes devaient rester là où ils étaient. Devant moi, j'avais une

 14   femme avec deux enfants. J'ai décidé de passer devant eux. Je n'aimais pas

 15   ce qui se passait. Il y avait trois soldats, mais on ne m'a pas arrêté,

 16   puis j'ai monté dans un camion, je me suis caché.

 17   "Le journaliste : 'Son instinct lui a sauvé la vie, parce que avec

 18   les femmes et les enfants, il a pu se trouver en lieu sûr. Mais 150 hommes

 19   sont restés sur place.'

 20   "Ils se sont arrêtés sur le bord d'une falaise.

 21   "Bakrija [phon], c'est le deuxième témoin qui n'a pas voulu montrer

 22   son visage mais qui a relaté ce qu'il a vécu, à moi et à Petrovic, et son

 23   récit concorde tout à fait avec celui d'autres rescapés.

 24   "On nous a dit de nous agenouiller. Un des gars a dit : 'Vous devez

 25   rester ici un certain temps.' Je pensais qu'ils allaient négocier notre

 26   libération. J'ai entendu des coups de feu et j'ai poussé l'homme devant moi

 27   et j'ai sauté dans la falaise, dans la gorge. Les deux hommes sont donc

 28   tombés.

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  1   "Ils ont été tués, les trois après trois. C'était comme une meule de

  2   fois, et j'ai vu des cadavres qui avaient déjà été tués auparavant.

  3   "Ces hommes ont fini par être arrêtés et interrogés, notamment par

  4   Momir Talic, membre des forces serbes.

  5   "Notre enquête a montré qu'il n'y aucune participation de soldats à

  6   ceci.

  7   "Ils s'en sont donc lavé les mains, mais il dit que ces rescapés se

  8   trouvent maintenant à la police de Banja Luka, mais Stojan Zupljanin m'a

  9   dit ceci…

 10   "Nous n'avons pas de témoins vivants susceptibles de confirmer ou

 11   d'affirmer ceci.

 12   "Il dit que l'enquête se poursuit. Il nous a montré des dossiers

 13   montrant les éléments de preuve, et nous avons vu des experts en balistique

 14   qui examinent les éléments trouvés sur place.

 15   "Le peuple dit que tous les parties --

 16   " C'est une faible consolation pour les familles des victimes."

 17   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 18   Mme PIDWELL : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous avez interviewé des rescapés du mont

 20   Vlasic ?

 21   R.  Lorsque nous avons interrogé des gens à Karlovac, nous avons entendu un

 22   jeune rescapé du massacre, puis il avait été pris par les forces de police

 23   serbes, et j'ai parlé aussi. Apparemment, il vivait en Allemagne. Nous

 24   avons parlé à certains de ses parents, et je pense que mon collègue a écrit

 25   un article à ce propos et a fini par contacter cette famille en Allemagne

 26   et a pu confirmer ce qu'il en était.

 27   Q.  Vous entendez Zupljanin dire qu'il y avait une enquête en cours suite

 28   au massacre. Est-ce que ceci cadre avec ce qu'il vous a dit pendant

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  1   l'interview ?

  2   R.  Oui, précisément, il a dit qu'il allait mener une enquête.

  3   Puis il dit :

  4   "Voilà, on a entendu tout ce qui s'est dit. Je vais essayer d'établir les

  5   faits."

  6   Il a dit qu'il allait essayer d'établir les faits. S'agissant de ces

  7   quelque 200 personnes, il a dit que les chiffres que nous avancions étaient

  8   faux et, qu'en fait, il y avait plus de

  9   50 personnes concernées, pas plus.

 10   Q.  Avez-vous suivi cette enquête qu'il a menée pour chercher à vous

 11   renseigner après l'interview ?

 12   R.  Non, pas personnellement, mes ses collègues américains l'ont fait.

 13   Mme PIDWELL : [interprétation] Je demande le versement de cette séquence.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Elle est versée. Une cote, Madame la

 15   Greffière.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P1359.

 17   Mme PIDWELL : [interprétation] Il y a une dernière séquence, le numéro 2321

 18   de la liste 65 ter.

 19   Q.  Vous avez écrit plusieurs articles sur une ville qui s'appelle Kozarac,

 20   n'est-ce pas, fin 1992. Pourriez-vous expliquer quelles recherches

 21   préalables vous avez effectuées avant d'écrire cette série d'articles ?

 22   R.  On voit que Kozarac avait été vidée, alors que c'était une grosse

 23   communauté entre Banja Luka et Prijedor pratiquement totalement musulmane.

 24   Il suffisait de parcourir la route pour voir que toutes les maisons avaient

 25   été incendiées. On ne savait pas quand ça s'était passé, pourquoi ça

 26   s'était passé. On ne connaissait pas les circonstances, ce qui attisait

 27   notre curiosité.

 28   J'ai passé beaucoup de temps à interviewer ces personnes à Karlovac.

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  1   Du coup, on s'intéressait surtout à l'origine des camps dans la région de

  2   Prijedor. Apparemment, c'était surtout parce qu'on avait vidé Kozarac fin

  3   mai 1992. Il y avait beaucoup de gens qui avaient été expulsés de Kozarac.

  4   L'aide internationale, et quiconque avait une certaine connaissance de la

  5   situation pouvait vous dire ce qui s'était passé, à leur avis. Nous avons

  6   décidé de reconstituer ce qui s'était passé à Kozarac en mai 1992. Nous

  7   avons fait des dizaines d'interviews avec des gens qui habitaient à Kozarac

  8   pour voir quels étaient les événements qui avaient abouti à l'attaque menée

  9   sur Kozarac même, ce qui est arrivé lorsque les maisons avaient été

 10   incendiées, les gens expulsés. Et puis, nous sommes allés à Kozarac pour

 11   essayer de voir à quoi l'endroit ressemblait, qui y habitait. Qu'avons-nous

 12   trouvé ? Nous avons trouvé une coquille absolument vide, une ville vidée,

 13   une ville fantôme.

 14   Nous avons été emmenés au poste de police serbe. On n'a pas été

 15   arrêtés, mais on a été placé en détention. On a été fouillés, la voiture

 16   aussi, on nous a pris nos passeports. Nous avions loué la voiture à Zagreb

 17   et nous avions enlevé les plaques d'immatriculation parce qu'on aurait su

 18   tout de suite qu'on venait de Zagreb. Ce n'était pas une bonne idée d'avoir

 19   des plaques de Zagreb dans la région. Alors, quand on a découvert ces

 20   plaques d'immatriculation zagréboises, la situation est devenue de plus en

 21   plus menaçante pour nous. Les gens qui nous avaient appréhendés étaient

 22   ivres et ils étaient armés, donc la situation était loin d'être agréable.

 23   On a essayé d'être le plus diplomatiques possible pour récupérer les

 24   passeports. Une fois ceci fait, nous sommes partis.

 25   Q.  Ça s'est passé au cours de quel mois ? Quand avez-vous été à Kozarac ?

 26   R.  En octobre 1992.

 27   Mme PIDWELL : [interprétation] Est-ce qu'on peut diffuser.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "L'horreur du nettoyage ethnique dans la petite vallée de Bosnie. On sait

  3   maintenant ce qui s'est passé pour la première fois. Les pourparlers de

  4   paix à Genève ont capoté, et on se demande qui maintenant --"

  5   Mme PIDWELL : [interprétation] Nous avons écourté la séquence.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Le long de la route principale, vous avez des maisons musulmanes

  9   incendiées. L'inscription que vous voyez sur les murs montre que ce sont

 10   ces maisons-là qu'il faut incendier. C'est vraiment un nettoyage ethnique

 11   acharné et complet. 

 12   "Les Serbes ont essayé de veiller à ce que -- ici, vous avez la route

 13   principale de Kozarac aujourd'hui. Les réfugiés n'ont pas vu ce que leur

 14   ville est devenue. A notre connaissance, nous sommes la seule équipe de

 15   télévision qui entre dans la ville et qui s'y trouve.

 16   "Ce sont des commerces qui n'ont pas été détruits pendant le

 17   pilonnage. Ça a été fait de façon systématique par les Serbes plus tard,

 18   cette destruction. La famille de Jasmina a demandé à savoir ce que nous

 19   avions vu sur place."

 20   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 21   Mme PIDWELL : [interprétation] C'est un reportage de ITN sur une ville qui

 22   s'appelle Kozarac.

 23   On voit ici ces images.

 24   Q.  Je vous demande ceci : est-ce que ceci ressemble à ce que vous, vous

 25   avez vu lorsque vous êtes allé à Kozarac ?

 26   R.  Tout à fait. Je ne sais plus exactement quand on a fait ce

 27   documentaire. Mais, moi, j'ai publié un long article d'au moins 3 000 mots

 28   en octobre, donc si vous voulez, dans le monde du journalisme, c'est un

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  1   long article. Je pense que j'ai attiré les gens de "Channel 4" à Londres,

  2   de la BBC, qui ont demandé des informations plus détaillées sur Kozarac, et

  3   puis ils y sont allés pour faire un reportage.

  4   Mme PIDWELL : [interprétation] La pièce 3354 c'est l'article rédigé par ce

  5   témoin en octobre sur la ville de Kozarac, et ce document se trouve dans le

  6   lot de documents. Je demande le versement de cette séquence.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] C'est fait.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P1360.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Traynor, il s'est passé

 10   combien de temps entre votre visite et l'article que vous avez rédigé, et

 11   ensuite, la visite de l'équipe de télévision de Kozarac, il s'est passé

 12   combien de temps ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement, mais ce n'est pas

 14   difficile à découvrir. Ça s'est passé plus tard. Il faut un certain temps

 15   pour préparer et réaliser ce genre d'émission télévisée.

 16   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous pourriez nous donner une idée ?

 17   Il s'agit d'un mois, de six mois ou un an ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non pas un an. Au maximum six mois.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que nous pourrions savoir

 20   exactement à quel moment cette séquence a été filmée et la date de la

 21   publication de l'article du témoin.

 22   Mme PIDWELL : [interprétation] L'article porte la date du 17 octobre 1992.

 23   Il y a une différence entre la réalisation du reportage et sa diffusion. Il

 24   y a donc une différence temporelle, et c'est ça qu'il faut établir.

 25   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Moi, ce qui m'intéresse c'est la date

 26   de la réalisation du reportage. Je pense que c'est ça qui compte ici en

 27   l'espèce.

 28   Mme PIDWELL : [interprétation] Nous sommes en train de le vérifier, mais je

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  1   ne pense pas que nous savons quoi que ce soit quant à la date de la

  2   réalisation du reportage. Nous en avons pris possession après sa diffusion,

  3   à peu près six mois.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et vous savez à quel moment il y a eu

  5   diffusion ?

  6   Mme PIDWELL : [interprétation] Non. Nous avons reçu ce document par une

  7   autre filière et nous ne savons pas à quel moment il y a eu une première

  8   diffusion à la télévision de ce reportage. Mais nous pourrons vérifier et

  9   revérifier. Si cette nouvelle vérification nous donne d'autres éléments

 10   d'information, nous vous les communiquerons.

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, faites-le, s'il vous plaît.

 12   Mme PIDWELL : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Et je

 13   demande maintenant le versement du lot de documents versés par l'article 92

 14   ter ainsi que les articles qu'il contient.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je pense que nous avons déjà été saisis

 16   de cette demande, mais nous allons statuer après le contre-interrogatoire

 17   et les questions supplémentaires.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'ont convenu les

 20   parties de la Défense. Qui va commencer ?

 21   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser.

 22   M. PANTELIC : [interprétation] Monsieur le Président, me permettez-vous de

 23   parler à mon client à propos des notes dont il a été donné lecture à

 24   l'audience ? J'attends le compte rendu et je dois demander des instructions

 25   à mon client. Serait-il possible d'avoir une suspension, et je pourrais

 26   peut-être discuter de ces détails pendant une demi-heure avec mon client,

 27   parce que manifestement il s'agit de quelque chose de neuf. J'espère que

 28   demain, en fonction de ce qui se sera fait pour ce qui est de l'autre

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  1   partie du carnet de notes, je crois que si j'ai 30 minutes ou trois quarts

  2   d'heure, ça me suffira. Ça dépend évidemment de ce qui sera fait ce soir

  3   s'agissant de l'enregistrement du reste de ces carnets, pour autant, bien

  4   sûr, que ceci convienne.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Je voudrais évoquer quelques questions assez

  6   courtes en matière de témoins prévus à comparaître et aussi concernant le

  7   témoin qui doit commencer son audition mercredi. Me Krgovic est ici, bon.

  8   Il n'y a pas de différences entre les notes et l'article, je le rappelle.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, mais Me Pantelic veut s'en assurer.

 10   Une chose à la fois, Madame Korner. Nous allons vous entendre. Vous avez

 11   certaines questions que vous voulez nous présenter, mais auparavant,

 12   j'aimerais en terminer de la demande présentée par Me Pantelic. Il propose

 13   de suspendre l'audition du présent témoin.

 14   Monsieur Traynor, l'audience ne va pas être levée tout de suite. Il y a

 15   quelques questions d'intendance à régler. Mais vous avez entendu la demande

 16   de Me Pantelic. Il demande la possibilité de prendre connaissance de

 17   certaines choses pour mener un contre-interrogatoire plus efficace demain.

 18   L'huissier va vous aider à sortir du prétoire.

 19   Puisque vous êtes désormais sous serment, vous n'êtes pas autorisé à parler

 20   à un conseil quel qu'il soit, sous réserve de ce que je vais dire. Et si

 21   vous communiquez avec qui que ce soit en dehors de ce prétoire, vous n'êtes

 22   pas censé parler de la teneur de votre déposition. Ceci étant dit,

 23   rappelez-vous, l'avocat de M. Zupljanin a soulevé une question. Il a dit

 24   qu'il veut être à même de comprendre les notes dont il a reçu copie du

 25   bureau du Procureur. Vous savez qu'il y a eu des échanges entre les parties

 26   et la Chambre, et il semblerait que, bien sûr, sous réserve de ce que vous

 27   avez dit, il est certain que vous n'êtes pas autorisé à révéler vos

 28   sources, mais il a été proposé que vous fassiez un enregistrement sonore de

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  1   ces notes, lequel sera remis aux conseils, surtout aux avocats de la

  2   Défense de M. Zupljanin.

  3   Ce processus d'enregistrement, d'application de cette mesure, a déjà été

  4   mis en branle, mais n'est pas terminé. On vient de me dire qu'en toute

  5   probabilité, étant donné le peu de ressources qu'a la Section des Victimes

  6   et des Témoins, pour répondre comme ça au pied levé à cette demande, le

  7   bureau du Procureur va peut-être être invité à apporter son aide à la

  8   Section des Victimes et des Témoins. Ce qui veut dire qu'au cours de la

  9   journée d'aujourd'hui, vous allez être contacté par la Section des Victimes

 10   et des Témoins, et celle-ci va vous présenter les modalités de ce

 11   processus.

 12   Est-ce que vous avez des questions à poser ? Si ce n'est pas le cas,

 13   vous pourrez revenir demain matin.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je n'ai pas le droit de parler aux

 15   parties quelles qu'elles soient, qui va décider quelles sont les parties

 16   pertinentes ? Qui va prendre cette décision pour savoir ce que je dois

 17   enregistrer ?

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La question de la pertinence, j'ai

 19   déjà dit en votre présence ici, ce n'est pas une question que vous êtes

 20   censée régler. C'est la Chambre qui s'en charge. Mais pour des raisons

 21   purement pratiques, ce qui nous intéresse pour le moment ce sont les notes

 22   que vous avez déjà mises à la disposition de l'Accusation, qui concernent

 23   la foison de notes que vous avez sans doute -- c'est vous qui allez

 24   déterminer ce qui est susceptible d'être utile à la Chambre. S'il y a un

 25   problème, nous essaierons de le régler plus tard. Mais pour le moment, nous

 26   devrons nous contenter de l'évaluation que vous faites de ce qui est utile

 27   et ce qui ne l'est pas.

 28   Mme PIDWELL : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi

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  1   d'intervenir. Le témoin avait déjà sélectionné trois parties qu'il

  2   considérait pertinentes ici en l'espèce : Visegrad, et là je pense qu'il

  3   n'y a pas de problème, la Défense ne demande pas la lecture pour que ce

  4   soit acté au dossier de ces notes. Et puis, il y a Zupljanin, et là si j'ai

  5   bien compris la Défense veut des notes qui concernent les quatre jours

  6   qu'il a passé à Banja Luka, et ce qui a déjà été lu au compte rendu

  7   d'audience se trouve au milieu de cette section portant sur les quatre

  8   jours. Donc nous pourrions demander à la section qu'il lise les quatre

  9   jours et les notes qu'il a écrites à propos de ces quatre jours à Banja

 10   Luka.

 11   M. PANTELIC : [interprétation] Tout à fait. C'est précisément ce que je

 12   demande.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. La Section des Victimes et des

 14   Témoins sait maintenant ce que le témoin est censé lire et enregistrer.

 15   Merci beaucoup.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Une question pour ce qui est de la logistique.

 17   Je ne sais pas si j'ai raison, mais apparemment je devrais terminer ma

 18   déposition demain. Est-ce que c'est sans doute le cas ?

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il est fort peu probable que vous ne

 20   terminez pas demain, les choses étant ce qu'elles sont. Evidemment, on ne

 21   peut pas prévoir l'imprévisible.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est simplement que j'ai un rendez-vous très

 23   important mercredi matin à Berlin avec Mme la chancelière, et je ne

 24   voudrais pas rater ce rendez-vous.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je comprends parfaitement. De toute

 26   façon, nous avons aussi certaines obligations qui font que nous ne

 27   pourrions pas vous entendre mercredi non plus.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons bientôt vous donner la

  2   parole, Madame Korner, mais nous allons passer à huis clos partiel

  3   auparavant.

  4   M. PANTELIC : [interprétation] Est-ce que je peux sortir du prétoire avec

  5   mon client pour discuter avec lui pendant une trentaine de minutes, parce

  6   que mon confrère restera dans le prétoire.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pas de problème.

  8   M. PANTELIC : [interprétation] Merci beaucoup.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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 12   [Audience publique]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Madame Korner.

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  2  (expurgé). Est-ce que

  3   je peux demander une expurgation ?

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  6   partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   Mme KORNER : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Nous avons demandé un délai supplémentaire pour le témoin 92 ter prévu

 21   mercredi. Au moment de notre demande, nous ne savions pas qu'il y aurait

 22   vidéo conférence. De plus, je vous l'ai dit en quelques mots vendredi, il y

 23   a eu contestation globale des faits faisant l'objet de constat judiciaire

 24   en ce qui concerne Selic [phon], entre autres. Pourquoi avons-nous demandé

 25   ce délai supplémentaire ? C'est à cause des registres, mais maintenant il

 26   faudra poser des questions plus générales à propos de [imperceptible] et ça

 27   n'a pas duré plus longtemps en raison de la vidéo conférence. Alors est-ce

 28   que nous pourrions avoir un temps supplémentaire pour la comparution de ce

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  1   témoin. Je pense qu'au départ, vous m'aviez donné une heure et 40 minutes,

  2   mais est-ce qu'il possible d'avoir maintenant deux heures et demi ? Ce sera

  3   sans doute moins, mais vous savez que lorsqu'on a une vidéo conférence, il

  4   y a un certain retard, mais aussi ce n'est pas facile de présenter des

  5   documents à un témoin. Peut-être que vous tiendrez compte du fait qu'on a

  6   fait l'économie du témoin la semaine dernière, rappelez-vous, vous m'aviez

  7   donné trois heures et je n'ai utilisé qu'une heure. Peut-être voudrez-vous

  8   en tenir compte ?

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Chambre est convaincue par les

 11   arguments présentés par la l'Accusation qu'elle trouve convainquant et nous

 12   faisons droit à cette demande de temps supplémentaire. Nous rappelons

 13   simplement que la guillotine va tomber à 14 heures 30, vous n'aurez pas une

 14   minute de plus.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Fort bien. Je n'ai pas d'autres choses. Il

 16   nous reste 15 minutes si vous voulez parler des constats judiciaires, ce

 17   dont vous vouliez parler la semaine dernière, mais nous n'en avons pas eu

 18   le temps.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Trois ou quatre jours ont écoulés depuis

 20   que nous avons fait part de nos inquiétudes aux parties et ça serait utile

 21   d'avoir le fruit de vos réflexions. Nous vous rappelons que vous n'êtes pas

 22   sensé répété ce que vous avez dit dans votre requête, que déjà était décidé

 23   par la Chambre. Nous demandons votre aide sur les moyens pratiques de

 24   résolution de litige.

 25   Mme KORNER : [interprétation] On a bien dit jeudi ou vendredi, la solution

 26   trouvée jusqu'à présent n'est pas tellement utile. Je pense l'avoir dit

 27   déjà début de la semaine dernière. Nous disons qu'il ne suffit pas que la

 28   Défense communique au moment de la comparution du témoin une série de faits

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  1   judiciaires qui sont contestés en tout ou en partie. Il faut être averti,

  2   disons-nous, très vite, pour savoir quels sont les faits judiciaires qui

  3   sont factuellement [phon] contestés. C'est la première chose.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Me Pantelic vous répondrait qu'il vous

  5   l'a dit, qu'il vous a averti qu'il contestait tous les faits.

  6   Mme KORNER : [interprétation] Oui, mais ça c'est manifestement pas vrai. Ce

  7   n'est pas juste. Parce que c'est pas Me Zecevic qui a dit que la

  8   composition ethnique d'une municipalité n'était pas contestée, et moi j'ai

  9   rappelé que ce n'était pas contesté non plus, qu'il y avait des

 10   instructions sur les variantes A et B qui avaient été émises, parce qu'il

 11   n'y avait pas eu du tout de contestations du contre-interrogatoire à ce

 12   propos. Mais Me Krgovic nous a dit la semaine dernière que toutes les

 13   questions concernant Teslic sont contestées. C'était la première fois qu'il

 14   nous le disait. La Défense a l'obligation, à notre avis, à toutes les

 15   équipes de nous avertir au préalable, parce que ça veut dire qu'il faudra

 16   citer des témoins. Nous aimerions attendre, mais on ne peut pas attendre le

 17   moment de la réfutation dans la procédure, car que là nous avons la

 18   jurisprudence Lukic qui joue contre nous, alors qu'ici on a goutte à goutte

 19   les éléments qui sont contestés, et ce n'est pas que l'Accusation qui doit

 20   le savoir. C'est la Chambre qui doit le savoir, qui doit être avertie. Tout

 21   le monde, pour savoir s'il y a contestation, oui ou non.

 22   Voilà ce que nous avions à dire sur ce point.

 23   Maintenant, si on contestait le moindre des constats judiciaires, on

 24   pourrait les oublier, les faire passer à la trappe. Je peux vous dire que

 25   déjà, dès la semaine prochaine, nous allons déposer une requête concernant

 26   les faits que nous avons, pour ainsi dire, perdus, mais il y aura

 27   prolongation, prolongement de trois mois, si pas plus, de ce procès, s'il

 28   faut appeler des témoins pour chacun de ces faits. J'en cite un : à

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  1   Prijedor, il y a eu sept procès. Il ne faudrait plus maintenant reprendre

  2   la question de savoir si Omarska ou d'ailleurs Manjaca a été un camp de

  3   détention. La question de l'administration, la quantité des

  4   administrateurs, ça, ça peut être contesté. Mais le fait de base ne devrait

  5   plus être contesté à l'heure d'aujourd'hui.

  6   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous avez des propositions

  7   concrètes à nous faire pour nous dire comment résoudre cette situation ?

  8   Mme KORNER : [interprétation] Oui. Je dis que la Défense a l'obligation

  9   envers la Chambre de ne pas perdre de temps, et pour ce faire elle devrait

 10   nous dire d'ores et déjà quels sont les faits, et enfin l'objet de constats

 11   judiciaires, qui vont véritablement être contestés, et ne pas dire

 12   simplement que tout est contesté. Parce que là on est de retour à la case

 13   zéro, où on dit que l'Accusation doit apporter la preuve de la moindre

 14   facette de l'acte d'accusation.

 15   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je pense qu'il y a deux versants à la

 16   question. Il y a d'une part l'obligation qu'a la Défense de dire à l'avance

 17   quels sont les faits ayant fait l'objet de constats judiciaires qu'elle

 18   conteste et qu'elle veut essayer de contrer par des témoins à décharge,

 19   qu'elles devront préciser. Autre versant. Pendant l'audition d'un témoin,

 20   celui-ci dit quelque chose qui semble indiquer que ces dires vont contester

 21   un ou plusieurs constats judiciaires. C'est une situation que même la

 22   Défense n'aura pas pu prévoir, mais elle doit rester libre de contester ce

 23   fait judiciaire à la lumière de ce qu'a dit le témoin à l'audience. C'est

 24   une attitude qu'elle doit conserver.

 25   Alors d'après vous, comment va-t-on solutionner ces deux situations ? Nous

 26   allons ensuite entendre la Défense.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Le deuxième cas de figure, c'est celui du

 28   témoin qui va spontanément en interrogatoire principal ou en contre-

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  1   interrogatoire évoquer quelque chose qui va contredire un constat

  2   judiciaire, ce dont n'avait pas connaissance la Défense jusqu'à ce moment-

  3   là. A ce moment-là, effectivement, ce sera une nouvelle situation. Mais

  4   lorsque la Défense a des instructions précises données par leurs clients

  5   respectifs, ou parce que la Défense a connaissance d'autres éléments

  6   présentés par d'autres témoins, et si elle sait qu'elle veut contester ces

  7   constats judiciaires, elle a l'obligation de nous le dire dès maintenant.

  8   Nous avons donc deux cas de figure distincts.

  9   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est vrai. Je suis d'accord avec

 10   vous sur ce point. Ce sont des cas différents.

 11   Entendons la Défense. Maître O'Sullivan.

 12   M. O'SULLIVAN : [interprétation] Merci. Précisons d'abord quelle est notre

 13   position en droit. M. Zecevic vous l'a dit la semaine dernière. Il évoquait

 14   trois éléments de jurisprudence, la décision de mise en état dans la

 15   présente espèce, qui est conforme à toutes les jurisprudences en matière de

 16   constats judiciaires. Une Défense a le droit de contester des faits, des

 17   constats judiciaires, pour autant qu'elle ait des éléments de preuve

 18   crédibles. C'était confirmé par l'arrêt Kamenera [phon]. Il se cadre

 19   parfaitement aussi avec le décision Lukic et Lukic.

 20   Si vous contestez des faits, des constats judiciaires avec des

 21   éléments crédibles, ça peut se faire de deux façons au moins; en contre-

 22   interrogeant des témoins à charge. Me Krgovic menait le contre-

 23   interrogatoire, des statistiques de Teslic,  deuxième des éléments

 24   crédibles présentés par des témoins à décharge. Voilà les deux mécanismes

 25   que nous avons à notre disposition, et on peut donc contester ces faits

 26   pendant toute la durée du procès.

 27   Nous avons dit clairement quelle était notre position dans notre

 28   mémoire préalable au procès. Nous en avons un supplément, et vous avez

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  1   estimé qu'il était juste. Là, nous avons énuméré les faits dont nous

  2   convenions, et nous avons demandé à l'Accusation l'administration stricte

  3   de la preuve dans ces éléments à charge. Nous avons déjà constaté sa cause

  4   par des contre-interrogatoires, et nous poursuivrons cette tâche pendant la

  5   présentation des témoins à charge, et ceci est précisément ce qu'a dit la

  6   jurisprudence à propos des constats judiciaires, ce qui veut dire que nous

  7   n'avons aucunement perdu le temps de la Chambre.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Krgovic.

  9   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, concernant ce sujet,

 10   j'aimerais soulever une difficulté logistique concernant la Défense pour ce

 11   qui est de contester certains des faits admis, parce que ces faits admis

 12   ont été déjà jugés dans les affaires qui ne discutaient pas du tout le rôle

 13   de la police dans certains événements.  Pour ce qui est des accusés dans

 14   ces affaires, quand il s'agissait des hommes politiques ou des hommes de

 15   l'armée, ils essayaient de souligner la responsabilité de la police et ils

 16   n'ont pas contre-interrogé les témoins concernant ces aspects. Lorsque nous

 17   rencontrons un fait admis, nous devons d'abord trouver les moyens ou les

 18   éléments de preuve sur la base desquels ce fait en a été jugé et en

 19   analysant tout cela, nous avons pu constater que presque tous les faits

 20   admis du point de vue de la Défense concernant le rôle de la police ou le

 21   contexte général n'obéit pas à cette norme d'après la Défense, et c'est

 22   pour cela que Me Pantelic a dit que la Défense allait contester tous les

 23   faits admis.

 24   Récemment, lors de la séance de récolement du témoin de Teslic, nous

 25   avons pu constater que la part des faits admis concernant l'avis de Teslic

 26   a été admis sur la base de la déclaration d'un handicapé mental, d'un

 27   témoin qui est handicapé mental, et c'était la raison pour laquelle j'ai

 28   dit hier que nous allons contester tous les faits admis. Il y a d'autres

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  1   exemples où le hall de la police est mentionné et présenté d'une façon

  2   différente. Tout cela nous rend nos -- la situation difficile puisque nous

  3   devons se pencher à nouveau sur les éléments de preuve qui ont corroboré

  4   ces faits admis dans d'autres affaires, et nous ne pourrons pas faire cela

  5   en peu de temps. Cela demande beaucoup de travail et de travail sérieux, et

  6   dès que nous aurons les résultats, nous les communiqueront à l'Accusation

  7   puisqu'il y a des faits qui ne sont pas contestés aussi.

  8   Ces problèmes pragmatiques, pour ce qui est de la Défense, puisque nous

  9   devons parcourir, examiner tous les éléments de preuve, tous les moyens de

 10   preuve présentés dans telle ou telle affaire, et sur la base desquelles la

 11   Chambre de première instance, dans telle ou telle affaire, a constaté que

 12   ces faits peuvent être considérés comme admis et jugés et que la Chambre de

 13   première instance dans cette affaire donc s'est appuyée sur ces faits admis

 14   et les a considérés aussi comme étant les faits admis.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je remercie les parties. L'heure est

 16   venue de suspendre l'audience. Elle reprendra dans la salle d'audience

 17   numéro I à 9 heures demain matin.

 18   L'audience est levée.

 19   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mardi 18 mai 2010,

 20   à 9 heures 00.

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