Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 6 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  6   toutes les personnes dans le prétoire.

  7   Ceci est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan

  8   Zupljanin.

  9   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Bonjour à toutes les personnes présentes.

 13   Avant d'entendre les présentations, je relève qu'aujourd'hui Mme Korner est

 14   aussi présente, et je vais saisir pour l'occasion qui nous est offerte pour

 15   exprimer à Mme Korner les condoléances de la Chambre suite au décès récent

 16   de son père.

 17   Pouvons-nous avoir les présentations.

 18   Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Joanna Korner,

 19   Thomas Hannis, Thomas [comme interprété] Di Fazio et Crispian Smith pour

 20   l'Accusation.

 21   Je souhaite remercier vivement les Juges de la Chambre pour l'expression de

 22   leurs condoléances.

 23   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 24   bonjour. Pour la Défense de M. Stanisic, Me Cvijetic, Tatjana Savic et

 25   Deirdre Montgomery.

 26   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Dragan

 27   Krgovic et Aleksandar Aleksic pour la Défense Zupljanin.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

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  1   On nous a signalé qu'il existait une certaine préoccupation, pour ainsi

  2   dire, de la part de la Défense concernant un des témoins qui sera appelé à

  3   déposer.

  4   Alors, Mme Korner est debout.

  5   Mme KORNER : [interprétation] Oui, je me suis levée parce qu'un échange

  6   d'e-mail a eu lieu dont j'espère qu'il a été transmis aux Juges de la

  7   Chambre. Ma compréhension de la chose est qu'il s'agit, en fait, d'une

  8   requête à laquelle l'Accusation s'oppose.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pouvez-vous entendre cette requête ? A

 10   moins qu'il n'y ait eu un changement de position.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, nous n'avons pas

 12   changé d'avis.

 13   La requête que nous avons est très claire et brève. Parce que récemment,

 14   non seulement concernant le témoin suivant que nous attendons que

 15   concernant un certain nombre de témoins précédents, nous nous sommes vu

 16   communiquer un volume important de documents juste avant la comparution du

 17   témoin, documents qui se sont avérés pertinents pour les préparatifs de la

 18   Défense aux fins du contre-interrogatoire. Et ceci s'est reproduit, nous

 19   avons reçu des documents qui correspondent à plus de 200 pages de compte

 20   rendu concernant ce témoin. Par conséquent, il était impossible d'étudier

 21   l'ensemble de ces documents et de se préparer correctement pour le contre-

 22   interrogatoire.

 23   En raison des motifs que j'ai évoqués hier et du rythme auquel nous

 24   avançons, je pense que c'est tout simplement la goutte d'eau qui fait

 25   déborder la vase en quelque sorte et qui justifie notre requête consistant

 26   à demander que la déposition de ce témoin soit reportée à une date

 27   ultérieure afin que nous puissions nous préparer comme il se doit. Je vous

 28   remercie.

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  1   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, concernant la Défense de

  2   M. Zupljanin, le témoin dont il s'agit intéresse avant tout la Défense

  3   Stanisic. Nous n'avons pas, pour notre part, eu l'occasion d'examiner ces

  4   documents non plus, donc nous souscrivons à la requête de mon éminent

  5   confrère. Et à ce jour, nous ignorons toujours le contenu de cette

  6   documentation que nous n'avons pas eu l'occasion d'étudier. Mais j'ai

  7   compris qu'il s'agissait d'une documentation très volumineuse.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous connaissons la position du

  9   Procureur concernant cet échange d'e-mail dont nous avons été avisés. Mais

 10   pourrions-nous avoir, pour le compte rendu d'audience, une formulation de

 11   la position du Procureur à ce sujet, s'il vous plaît, Madame Korner ?

 12   Mme KORNER : [interprétation] Absolument.

 13   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Défense, pendant mon

 14   absence, a déposé une requête demandant communication en application de

 15   l'article 66(B) de tout entretien que nous aurions pu avoir - quand je dis

 16   "nous," je parle du bureau du Procureur - que nous aurions pu avoir donc

 17   pendant l'année avec des membres du MUP de la Republika Srpska afin de

 18   pouvoir examiner si ces entretiens présentaient une certaine pertinence ou

 19   non. Alors pendant les recherches correspondantes, il est apparu qu'en

 20   dépit du fait que les deux entretiens communiqués par nous hier n'aient pas

 21   été des entretiens conduits avec des membres du MUP de la Republika Srpska,

 22   il s'agissait, en fait, d'entretiens avec des personnes interrogées par le

 23   bureau du Procureur il y a quelques années et le témoin qui s'apprête à

 24   déposer a témoigné devant un tribunal d'Etat de la Bosnie-Herzégovine à

 25   charge contre ces deux individus qui ont été condamnés, il s'agit de Ratko

 26   Lalovic connu également sous le sobriquet de Soniboj et d'un certain

 27   Skelaljic [phon], qui était gardien au centre de détention à la prison de

 28   Kula, et qui ne sont pas mentionnés à l'acte d'accusation.

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  1   Ce témoin a eu cette position particulière par rapport à ces deux

  2   hommes, et ce que j'ai dit dans un e-mail, au titre de notre désir de

  3   coopération qui va bien au-delà de l'application stricte du Règlement,

  4   c'est que nous avons dévoilé ces deux entretiens par précaution

  5   supplémentaire.

  6   Donc dans un des entretiens, l'homme en question est référencé 13

  7   fois, et 14 fois dans l'autre, donc dans les 279 pages de cet entretien, et

  8   je fournirai les références correspondantes à la Défense. Donc cette

  9   préoccupation est déjà apparue avec un témoin précédent, il s'agit de la

 10   page 77 de l'entretien avec Soniboj, à la date du 15 novembre, le témoin

 11   - dont je ne mentionnerai pas le nom, je crois qu'il bénéficie -- dont je

 12   ne donnerai pas le nom, je crois qu'il ne bénéficie de mesures de

 13   protection - et il dit, il m'a apporté la décision.

 14   Enfin, ce que nous disons, c'est qu'il n'y a absolument aucune raison

 15   de reporter la déposition de ce témoin. Je ne comprends pas pourquoi la

 16   Défense s'efforce à présent de retarder la déposition de tous les témoins

 17   qui présentent une certaine importance. Ewan Brown a déjà été déplacé pour

 18   ce qui est de sa déposition pour le mois de janvier, et nous persistons à

 19   affirmer que c'est sans raison valable. Je crois que nous avons un, deux,

 20   trois -- cinq avocats qui travaillent dans l'équipe de la Défense Stanisic,

 21   et je crois qu'il y en a quatre dans l'équipe de la Défense Zupljanin, et

 22   ils ne seraient pas en mesure de vérifier les références correspondantes

 23   pour voir ce qui, dans cette documentation, peut avoir une incidence sur le

 24   contre-interrogatoire du témoin.

 25   C'est en tout cas la position du bureau du Procureur qui est tout à

 26   fait prêt à poursuivre.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Madame Korner.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Défense souhaite-t-elle répondre à ce

  2   que Mme Korner vient de dire ?

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, brièvement, s'il

  4   vous plaît.

  5   La Défense ne peut pas utiliser des références déterminées par le bureau du

  6   Procureur. La Défense a le droit de préparer son contre-interrogatoire en

  7   conformité avec sa stratégie et sa tactique propres, et de décider elle-

  8   même des fragments de documents sur lesquels elle s'appuiera. Par

  9   conséquent, nous devons avoir la possibilité d'étudier l'ensemble de la

 10   documentation avant de décider nous-mêmes ce qui constitue une référence à

 11   avancer pendant le contre-interrogatoire.

 12   Et par rapport à ce que Mme Korner vient de dire, je souhaite dire que les

 13   arguments sur lesquels elle s'appuie ne sont pas valables et ne peuvent pas

 14   nous aider à préparer le contre-interrogatoire du témoin suivant.

 15   Puisque Mme Korner a pratiquement répondu d'avance à un autre doute que

 16   j'avais et dont je souhaitais vous faire part, je vais maintenant en

 17   parler. En fait, ma requête n'en est que plus fondée encore. Je pensais

 18   proposer que l'Accusation n'interroge pas ce témoin concernant les

 19   événements survenus dans l'établissement pénitentiaire de Kula, puisque ces

 20   événements ne sont pas couverts par l'acte d'accusation. Cependant, Mme

 21   Korner a indiqué que cela était inévitable qu'elle serait inévitablement

 22   conduite à se pencher sur ces événements, d'autant plus que les individus

 23   mentionnés dans ces entretiens occupaient des postes haut placés dans cet

 24   établissement pénitentiaire. L'un était gardien; l'autre, son subordonné

 25   direct.

 26   Donc je souhaitais proposer que si l'Accusation pouvait garantir de

 27   ne pas s'aventurer sur ce terrain, bien, nous pourrions peut-être arriver à

 28   une solution et nous pourrions peut-être renoncer à l'objection qui est la

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  1   nôtre.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien entendu, les Juges de la Chambre

  3   n'ont pas de commentaire à proposer concernant la seconde moitié de la

  4   réponse de Me Cvijetic. Il appartient à la partie citant à comparaître le

  5   témoin de décider des éléments de preuve qu'elle présentera.

  6   Concernant la première partie de la réplique de Me Cvijetic, nous convenons

  7   avec lui qu'il n'appartient pas en l'espèce à l'Accusation de décider de ce

  8   qui, du point de vue de la Défense et de la présentation de sa cause,

  9   pourrait être pertinent ou non. Cependant, nous n'estimons pas que les

 10   documents auxquels la Défense s'est référée présenteraient une telle

 11   pertinence ex facie qu'il serait nécessaire de reporter la citation à

 12   comparaître de ce témoin. Nous considérons, en effet, que cela fait partie

 13   de la fonction même de conseil de la Défense que de procéder à un certain

 14   nombre d'ajustements à mesure que le procès avance et de procéder à une

 15   division des tâches également entre les différents membres des équipes de

 16   la Défense.

 17   Comme je l'ai déjà dit, nous ne voyons pas de raison valable de retarder la

 18   déposition de ce témoin, et c'est au conseil qu'il appartient de décider

 19   comment l'interrogatoire sera conduit.

 20   Je vous remercie.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, merci beaucoup. Je

 22   vais maintenant laisser la parole à MM. Di Fazio et Hannis.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant que le témoin n'entre dans le

 25   prétoire, je souhaiterais corriger une information que j'ai donnée hier de

 26   façon erronée. J'ai indiqué que nous aurions déjà versé le rapport d'expert

 27   de M. Bos [comme interprété], mais cela n'a pas été le cas, parce que nous

 28   avions, en fait, décidé de ne pas verser ce rapport d'expert tant que sa

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  1   déposition ne serait pas terminée.

  2   Donc je souhaitais simplement apporter cette petite correction tout en

  3   m'excusant pour cette erreur. A ceci près, vous pouvez poursuivre.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Je souhaitais

  5   simplement signaler que les choses étaient tout à fait claires pour nous

  6   concernant ce rapport d'expert. J'en ai parlé avec M. Di Fazio.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   LE TÉMOIN : EWA TABEAU [Reprise]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Puis-je poursuivre, Messieurs les

 11   Juges ?

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

 13   Je rappelle simplement au témoin -- Madame Tabeau, je vous rappelle que

 14   vous êtes toujours liée par la déclaration solennelle que vous avez

 15   prononcée.

 16   Monsieur Di Fazio, à vous.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 18   Interrogatoire principal par M. Di Fazio : 

 19   Q.  [interprétation] Madame Tabeau, je voudrais simplement revenir

 20   rapidement sur votre qualité de témoin expert.

 21   Hier les Juges de la Chambre vous ont posé quelques questions concernant

 22   les dépositions que vous avez fournies, et je voudrais brièvement présenter

 23   un document qui nous permettra de voir les informations les plus à jour à

 24   ce sujet.

 25   Enfin, votre qualité d'expert est pleinement abordée dans le rapport

 26   Milosevic, je crois, je ne vais pas entrer dans les détails.

 27   Je crois que vous avez un doctorat en démographie ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Et dans l'annexe D du rapport Milosevic, nous avons tous les détails

  2   correspondant à votre parcours professionnel, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Certains des éléments de votre parcours de votre activité en tant

  5   qu'expert comportent les éléments suivants. Ça fait maintenant déjà dix ans

  6   que vous travaillez pour la section de démographie du bureau du Procureur,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et avant cela vous avez travaillé pendant à l'institut

 10   interdisciplinaire de démographie de La Haye, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et à l'époque du rapport Milosevic, vous aviez déjà été l'auteur

 13   d'environ 90 articles de recherche ainsi que de ce rapport d'expert. Est-ce

 14   que ce chiffre a changé ?

 15   R.  Oui, bien sûr. Maintenant il atteint environ 150 articles de recherche,

 16   articles généraux, ouvrages et rapports d'expert. Dix années se sont

 17   écoulées et j'ai eu l'occasion de présenter une quarantaine de rapports

 18   d'expert entre-temps.

 19   Q.  Merci.

 20   M. DI FAZIO : [interprétation] Pouvons-nous présenter au témoin le document

 21   10396 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 22   Q.  Avons-nous là, Madame le Témoin, une liste des rapports que vous avez

 23   préparée en qualité d'expert dans les différentes affaires où vous avez

 24   déposé ?

 25   R.  Oui. Il s'agit ici d'une sélection des rapports que j'ai préparés.

 26   Q.  Merci.

 27   M. DI FAZIO : [interprétation] Pouvons-nous avoir la page suivante, s'il

 28   vous plaît.

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  1   Q.  Il s'agit de la suite de la liste en question, n'est-ce

  2   pas ?

  3   R.  Oui. Cette liste n'est pas à jour, parce qu'elle ne mentionne pas les

  4   tous derniers rapports que j'ai eu à préparer, par exemple, dans l'affaire

  5   Karadzic, ainsi que dans d'autres affaires.

  6   Q.  Combien manquent ?

  7   R.  Une dizaine, je crois.

  8   Q.  Merci.

  9   M. DI FAZIO : [interprétation] Et dernière page à l'écran, s'il vous plaît.

 10   Q.  Ceci constitue-t-il une liste mise à jour de vos travaux et des

 11   dépositions que vous avez fournies ?

 12   R.  Oui. Ceci est une liste répertoriant toutes les dépositions que j'ai

 13   faites dans les différentes affaires; Perisic, Lukic, Prlic, et cetera.

 14   Q.  Merci.

 15   M. DI FAZIO : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

 16   de ce document.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le document est admis.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1622. Il s'agit de

 19   combler l'intervalle qui nous est restée hier, Monsieur le Président.

 20   M. DI FAZIO : [interprétation]

 21   Q.  Très bien. Revenons maintenant aux rapports.

 22   Hier nous avons indiqué qu'il sera question de trois rapports principaux au

 23   cours de votre déposition, et à les examiner il est clair que vous vous

 24   êtes servie des outils statistiques pour les élaborer. Alors, les séries de

 25   données statistiques dont vous vous êtes servie, sont-elles les suivantes ?

 26   Vous vous êtes servie du recensement effectué en 1991 en Bosnie; vous vous

 27   êtes servie des registres d'électeurs qui ont été préparés en 1997 et 1998

 28   en Bosnie, en vue des élections générales; et finalement, vous vous êtes

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  1   servie de 12 bases de données différentes répertoriant les personnes

  2   décédées et les victimes de guerre. Ces bases de données, vous les avez

  3   obtenues de la part de différentes institutions et organes de Bosnie.

  4   S'agit-il là des trois séries de données différentes dont vous vous êtes

  5   servie ?

  6   R.  Oui, c'est le carnet. Et je préfère désigner ces données par le terme

  7   de sources statistiques, et non pas tout simplement de statistiques tout

  8   court. Alors, ce sont là les sources dont je me suis servie pour élaborer

  9   les conclusions statistiques présentées dans mes rapports, et je souhaite

 10   signaler que toutes ces sources présentent des données qui concernent des

 11   individus. Donc il s'agit de fichiers individuels qui ont rapport à des

 12   personnes particulières. Il ne s'agit pas de statistiques agglomérées ou

 13   agrégées.

 14   Parfois, nous nous servons de sources statistiques qui ont été

 15   préparées par d'autres institutions, mais de façon générale nous nous

 16   servons de sources statistiques qui traitent des fichiers individuels, et

 17   les sources que vous avez indiquées ne sont pas les seules dont nous nous

 18   sommes servis, mais elles sont les plus importantes.

 19   Q.  Très bien. Concentrons-nous sur le recensement pour commencer.

 20   Dans votre rapport préparé pour l'affaire Milosevic, vous avez fourni un

 21   grand nombre de détails quant à la manière dont le recensement a été

 22   effectué. A la page 5, vous dites quelles étaient les pratiques

 23   statistiques, et vous indiquez que ce recensement de la population

 24   représentait la source d'information la plus importante et la plus complète

 25   pour juger de la population d'un pays.

 26   Est-ce que vous vous en tenez à cette déclaration ?

 27   R.  Oui, tout à fait. Il existe d'autres systèmes également, notamment dans

 28   des pays développés, dans des pays occidentaux, où il n'y a pas de

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  1   recensement organisé. Mais là, nous parlons de pays qui ont suffisamment de

  2   moyens pour tenir des registres de la population composés de fichiers

  3   individuels. Dans une telle situation, les données sont recueillies de

  4   façon systématique, et elles sont tenues dans un registre centralisé à

  5   partir duquel on peut élaborer différentes conclusions statistiques.

  6   Dans les pays qui ressemblent à celui de l'ex-Yougoslavie, il n'y a pas de

  7   ce registre central de la population, et c'est pourquoi le recensement de

  8   la population représente la source la plus importante et la plus complète

  9   d'information qui concerne la population. Les recensements sont effectués

 10   une fois par dix ans, et le dernier recensement avant la fin de la guerre a

 11   été entamé en 1991, au mois de mars.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre, mais

 14   à la page 10, ligne 6 du compte rendu d'audience, j'ai entendu le témoin

 15   dire qu'il s'agissait des "statistiques agrégées," et non "aggravées" comme

 16   cela est consigné au compte rendu d'audience.

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Alors --

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Veuillez nous préciser ce que représentent les statistiques agrégées.

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit des données statistiques qui

 25   concernent des groupes de données. Par exemple, le nombre total de la

 26   population dans un pays est une donnée statistique agrégée. Ce nombre est

 27   dérivé du décompte de fichiers individuels qui représentent les différents

 28   individus qui composent une population.

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  1   Q.  Merci de cette explication. Dans votre rapport, dans l'affaire

  2   Milosevic, vous expliquez en détail l'organisation et les techniques

  3   appliquées dans le recensement. Je pense que vous abordez également la

  4   question des différentes dispositions légales qui étaient en vigueur et qui

  5   régissaient la manière dont le recensement devait se dérouler, vous

  6   expliquez quels organes en Bosnie se sont vu confier la tâche d'effectuer

  7   le recensement, quelles méthodes de formation ont été utilisées pour former

  8   les recenseurs et les encadreurs. Alors, tout ceci est présenté dans

  9   l'annexe B3 du rapport Milosevic ?

 10   R.  Oui, tout à fait. Ces informations, je les ai reçues de la part d'une

 11   personne qui a participé au recensement effectué en Bosnie en 1991. Il

 12   s'agit d'une personne qui a participé pendant de longues années à la

 13   préparation, et à l'élaboration méthodologique du recensement. Elle était

 14   membre des commissions fédérale et républicaine chargées du recensement.

 15   Q.  Très bien. Dans le rapport Milosevic, vous parlez également des

 16   questions qui touchent à l'évaluation de la qualité, et vous expliquez

 17   quelles mesures du contrôle de la qualité avaient été mises en œuvre en

 18   Bosnie lorsque le recensement a été effectué. Alors, il existe un aspect

 19   que j'aimerais préciser au profit des Juges de la Chambre. Il s'agit du

 20   recensement des faits qui a été effectué en Bosnie.

 21   Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce que c'était que ce

 22   recensement des faits et de quelle façon il influençait la qualité des

 23   sources statistiques ?

 24   R.  Les recensements des faits sont généralement effectués quelques années

 25   avant un recensement effectif. En Bosnie, ce recensement des faits a été

 26   organisé en 1988. C'est un recensement qui s'appuie sur des questionnaires

 27   de recensement effectifs distribués par les recenseurs à un petit nombre de

 28   zones concernées par le recensement général. D'après mes souvenirs, il

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  1   s'agit de huit municipalités qui ont servi d'échantillon arbitraire et qui

  2   devait permettre d'effectuer ce recensement d'essai. Alors l'objectif de ce

  3   recensement d'essai est de vérifier la qualité du questionnaire de

  4   recensement et également de suivre l'activité de recenseur, d'encadreur,

  5   leurs pratiques, les différentes questions liées à l'organisation. Et en

  6   s'appuyant sur les résultats du recensement des faits, on procède

  7   éventuellement à des modifications des procédures prévues pour le

  8   recensement effectif.

  9   Voilà, c'est là l'objectif principal de cette action.

 10   Q.  Merci.

 11   R.  Et elle a bien été mise sur pied en Bosnie.

 12   Q.  Merci. Veuillez expliquer aux Juges de la Chambre comment s'est déroulé

 13   le processus de recensement à partir du moment où le recenseur s'est rendu

 14   à la maison de quelqu'un, s'est adressé à la personne, a recueilli tous les

 15   éléments d'information pertinente, les a consignés dans le formulaire,

 16   jusqu'au moment où ces données sont arrivées à l'unité démographique du

 17   bureau du Procureur.

 18   R.  Bien, il s'agit là d'une longue chaîne d'activités qui ont permis de

 19   mener à bien le processus de recensement. En tout cas, les recenseurs se

 20   rendaient dans toutes les maisons individuelles qui se trouvaient dans leur

 21   zone de responsabilité. Par une zone de recensement, on sous-entend une

 22   petite zone géographique, et le territoire entier du pays est composé de

 23   telles petites zones. Alors chaque recenseur a la tâche de couvrir un

 24   certain nombre de zones de ce type. Il effectue des entretiens, et il est

 25   responsable de couvrir tous les foyers qui existent sur le territoire qui

 26   relève de ses responsabilités.

 27   Une fois terminé l'entretien, la personne qui l'a effectué doit vérifier

 28   les questionnaires, vérifier s'ils sont complétés comme il le faut,

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  1   vérifier l'exactitude des réponses, et une fois cette vérification

  2   terminée, le recenseur remet la documentation à l'encadreur principal,

  3   l'instructeur principal, qui revérifie encore une fois si les données sont

  4   complètes.

  5   Alors une fois la documentation acceptée, il arrivait que le recenseur

  6   doive reprendre un certain nombre d'entretiens pour améliorer la qualité de

  7   la documentation fournie. Mais à un moment donné, les instructeurs ou les

  8   encadreurs municipaux acceptaient la documentation remise par les

  9   recenseurs, et une commission municipale revérifiait encore une fois si

 10   toute la documentation était complète au niveau de la municipalité toute

 11   entière.

 12   Puis la documentation était remise à la commission centrale chargée du

 13   recensement qui était responsable pour le territoire total de la République

 14   de Bosnie-Herzégovine. Encore une fois, on vérifiait si les questionnaires

 15   étaient bien complétés, notamment sur le plan géographique, puis on

 16   procédait à un décompte manuel des éléments d'information répertoriés dans

 17   les questionnaires. Et dès 1991, on a publié un certain nombre de données

 18   préliminaires. Ceci a été fait deux mois après la fin du recensement. On

 19   appelait ça des données statistiques préliminaires et cela voulait dire que

 20   les autorités statistiques centrales se réservaient le droit de revoir

 21   encore une fois toute la documentation une fois qu'elle avait été saisie

 22   dans le système électronique, revérifiée et traitée.

 23   Les autorités de Bosnie-Herzégovine ont décidé de procéder au

 24   téléchargement de la documentation par le biais de traitement électronique,

 25   donc les questionnaires n'étaient pas recopiés par des employés, mais ils

 26   ont tout simplement été scannés. Une fois ce processus terminé, tous les

 27   questionnaires ont encore une fois été examinés pour vérifier si tout s'est

 28   bien passé sur le plan technique et s'il était possible de les lire sous

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  1   leur forme électronique.

  2   Une fois terminé ce scanning optique - je pense que cela s'est produit au

  3   début de 1992 - une base de données électronique a été mise sur pied, et en

  4   se servant de cette base il était possible aux organes compétents de

  5   procéder à un certain nombre de vérifications. On appelait ce type de

  6   vérification contrôle de la logique, de la cohérence des données. On

  7   établissait des liens entre les différentes variables, et chaque fois qu'il

  8   était nécessaire d'apporter les corrections, on le faisait. Par exemple, on

  9   vérifiait si un enfant de 10 ans était marié ou non, parce qu'évidemment il

 10   est impossible qu'un enfant de cet âge soit marié. Donc c'était le type

 11   d'information qu'on comparait mutuellement pour établir une cohérence.

 12   Cela, en revanche, ne vaut pas pour l'aspect agricole du recensement. Le

 13   recensement comprenait trois parties différentes. Il concernait la

 14   population d'une part, le nombre de foyers d'autre part, et le nombre de

 15   fermes ou de propriétés, c'était le troisième volet. Alors les

 16   vérifications ont été faites au niveau de la population, mais pas au niveau

 17   du domaine agricole et au niveau du nombre de foyers.

 18   A ce moment-là, le travail a été suspendu à cause de la guerre. Les organes

 19   compétents n'ont jamais terminé leurs vérifications pour les deux autres

 20   volets du recensement, mais ils ont publié un certain nombre de données

 21   concernant la population. Ces données ont été divulguées dans la base de

 22   données de 1995 et fournies au Bureau de statistiques croate.

 23   Q.  Je vous serais reconnaissant de bien vouloir ralentir un petit peu.

 24   R.  Je vous présente mes excuses.

 25   Q.  Et pourriez-vous présenter d'une façon plus succincte la manière dont

 26   les données statistiques ont été recueillies et la manière dont vous les

 27   avez traitées une fois que vous les avez reçues au sein de l'Unité

 28   démographique ?

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  1   R.  Bien, nous avons reçu les données en 1991; j'essaie de vous expliquer

  2   ce qui s'était passé avec ces données entre-temps. Les organes compétents

  3   avaient effectué des travaux d'une manière assez satisfaisante et il existe

  4   un certain nombre de conclusions officielles basées sur le recensement de

  5   1991.

  6   Evidemment, un grand nombre de traitements a dû être fait pour arriver à

  7   ces résultats. Un certain nombre de données statistiques ont été divulguées

  8   au public, et c'est à ce moment-là que nous avons demandé de recevoir des

  9   copies de fichiers individuels issus du recensement. Nous avons reçu une

 10   version électronique de toutes les données et nous les avons compilées dans

 11   nos propres bases de données.

 12   Q.  Donc toutes les séries de vérifications ont été faites pour s'assurer

 13   que la documentation avait été recueillie d'une manière appropriée. Puis on

 14   a fait d'autres vérifications en Bosnie pour vérifier si ces données

 15   étaient cohérentes et logiques du point de vue interne. Puis elles ont été

 16   mises sous forme électronique, elles ont été numérisées, et finalement

 17   reçues par l'unité démographique du bureau du Procureur.

 18   Etait-ce là le déroulement chronologique des événements ?

 19   R.  Oui, tout à fait.

 20   Q.  Merci. Concentrons-nous maintenant sur le moment où la documentation

 21   est arrivée ici au sein de l'unité démographique du bureau du Procureur.

 22   Vous dites que vous avez dû faire face à toute une série de problèmes, y

 23   compris des problèmes relatifs au numéro d'identification personnel en

 24   B/C/S Maticni Broj.

 25   Un autre problème concernait les fautes d'orthographe qu'on retrouvait dans

 26   les données. Veuillez dire aux Juges de la Chambre quelle est l'importance

 27   de ces fautes d'orthographe et comment le bureau du Procureur s'est pris

 28   pour résoudre le problème.

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  1   R.  Les fautes d'orthographe, les coquilles, si vous le voulez, ont été

  2   pour nous un immense problème. Je signale qu'il n'est pas habituel que les

  3   organes chargés de statistiques fournissent des données à des personnes

  4   tierces. Ils l'ont fait pour nous à notre demande, et il était compris que

  5   toutes les informations personnelles étaient d'importance essentielle dans

  6   les travaux que nous avions à effectuer.

  7   Donc de façon générale, les organes chargés des statistiques ne s'occupent

  8   pas des noms propres. Ils ne vérifient pas leur exactitude. Ils ne sont pas

  9   obligés de traiter les noms propres, parce que ceci fait partie des

 10   informations confidentielles. C'est un élément qui est éliminé des données

 11   statistiques lorsqu'ils sont divulgués au public. Donc c'est la raison pour

 12   laquelle nous avons dû nous occuper de ce problème ici, et c'est bien ce

 13   que nous avons fait. Nous avons appliqué plusieurs procédures différentes

 14   pour apporter des corrections à ces fautes d'orthographe, à ces coquilles -

 15   et elles étaient très nombreuses - suite au scanning optique qui avait été

 16   fait, puisque même les meilleurs programmes informatiques sont susceptibles

 17   de donner lieu à ce type d'erreurs. 

 18   Pour commencer, nous avons développé un programme logiciel qui recherchait

 19   automatiquement toutes les erreurs au niveau des caractères et des

 20   combinaisons de lettres qui n'existent pas en serbo-croate, en B/C/S. Donc

 21   nous avons identifié quelles étaient les combinaisons de lettres

 22   impossibles, c'est un sujet qui avait été étudié en profondeur par les

 23   spécialistes de la langue, puis ces spécialistes ont avancé des

 24   propositions quant à la manière dont on pouvait corriger ces erreurs. Une

 25   fois ce travail fait, nous avons corrigé les noms propres dans un premier

 26   temps. Dans un deuxième temps, nous avons fait des tableaux où les noms

 27   corrigés figuraient. Donc il s'agissait à la fois des prénoms et des noms

 28   qui ont été réétudiés par les spécialistes de la langue chargés d'apporter

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  1   des corrections chaque fois que cela était nécessaire, et en faisant ce

  2   travail, ils s'appuyaient sur les traditions prévalant en Bosnie-

  3   Herzégovine. Une fois les noms corrigés, ils ont été de nouveau saisis dans

  4   les bases de données.

  5   Finalement, nous nous sommes dit qu'il fallait perfectionner le travail que

  6   nous avions déjà effectué. Alors nous avons appliqué ce que nous appelons

  7   la méthode du foyer. Nous avons vérifié la manière dont les noms personnels

  8   se distribuaient par foyer, et nous avons établi une comparaison entre les

  9   différentes façons d'orthographier le nom des personnes issues d'un même

 10   foyer. Et chaque fois que nous nous apercevions, nous apportions des

 11   corrections nécessaires.

 12   Q.  Bien. D'accord.

 13   R.  Mais nous avons également gardé les noms originels de pair avec les

 14   noms corrigés, de manière à ce qu'il ait été possible d'établir une

 15   comparaison des deux à n'importe quel moment.

 16   Q.  Merci de cette explication. Alors, c'est la manière dont vous avez

 17   procédé pour corriger les fautes d'orthographe et pour corriger les noms

 18   propres.

 19   Veuillez expliquer aux Juges de la Chambre pourquoi il était

 20   tellement important de procéder à ces corrections ?

 21   R.  L'idée principale de mon unité c'était de retrouver des individus dans

 22   ces bases de données, à commencer par les informations issues du

 23   recensement de 1991. Donc pour nous, le recensement représentait un point

 24   de départ. Et à partir de là, il s'agissait de retrouver les individus

 25   répertoriés dans le recensement et de les retrouver également dans d'autres

 26   sources de données. Si vous voulez, c'est un peu un travail d'instruction

 27   ou d'enquête. Nous voulions savoir ce qui était arrivé à ces individus.

 28   Nous voulions savoir qui est mort, qui a survécu. Si quelqu'un est mort, de

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  1   quelle façon cette personne a trouvé la mort.

  2   Et si nous retrouvions une seule et même personne dans un grand nombre de

  3   sources, il s'agissait de les comparer. Par exemple, dans une source, cette

  4   personne pouvait être recensée comme morte, et dans une autre source, elle

  5   était portée disparue, ou alors elle pouvait surmonter dans une troisième

  6   source qui répertoriait les survivants à la guerre. Donc c'est pourquoi il

  7   était essentiel, quand on essayait de retrouver des individus, de se servir

  8   des éléments d'information tels que le nom, le prénom, la date de

  9   naissance, qui apparaissent dans les différentes sources d'information.

 10   De façon générale, dans les sociétés occidentales, dans des pays

 11   développés, ceci n'aurait pas été nécessaire, puisque chaque personne

 12   possède un numéro d'identification personnelle, un numéro de sécurité

 13   sociale. Et c'est pourquoi il est possible de retrouver chaque personne,

 14   parce que ce même numéro est répertorié dans un grand nombre de registres.

 15   Mais ce n'est pas la même chose pour les numéros d'identification

 16   personnelle qui ont été utilisés en ex-Yougoslavie. Même si ces numéros

 17   avaient commencé à être utilisés au début des années 1980, ils n'ont été

 18   utilisés par la suite que dans le recensement de 1998 [comme interprété] et

 19   dans quelques autres sources. Mais par exemple, les numéros

 20   d'identification personnelle utilisés dans le registre de personnes portées

 21   disparues sont erronés, ou ne figurent pas du tout dans ce type de

 22   registres.

 23   Donc une autre façon de procéder c'était de poursuivre des recherches

 24   basées sur des noms propres. Il s'agissait donc de procéder au "couplage"

 25   de noms propres dans les différentes sources d'information.

 26   Q.  C'est pourquoi il était nécessaire de savoir quelle était

 27   l'orthographe correcte du nom propre ?

 28   R.  Le couplage concerne les individus. Il s'agissait de retrouver la

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  1   même personne dans de différentes sources données en se servant des données

  2   suivantes : nom, prénom, date de naissance, et cetera. C'était là notre

  3   méthode.

  4   Q.  Merci beaucoup.

  5   Bien entendu, le recensement fournissait beaucoup d'informations concernant

  6   un individu donné, y compris son lieu de résidence. Une autre information

  7   fournie était l'appartenance ethnique; on pouvait donc savoir si on avait

  8   affaire à un Musulman, un Croate ou autre.

  9   Tout d'abord - donnez-nous une réponse aussi brève que possible, s'il vous

 10   plaît - le recensement permettait-il à la personne interrogée de choisir

 11   entre un assez grand nombre de réponses possibles lorsqu'on lui posait une

 12   question, la question de son appartenance ethnique, je veux dire ?

 13   R.  C'était une question ouverte dans le questionnaire, donc chacun pouvait

 14   répondre selon son sentiment quant à son appartenance ethnique. Le résultat

 15   final a été que nous avons vu apparaître 98 catégories différentes

 16   correspondant, et pour trois d'entre elles, aux groupes ethniques

 17   principaux vivant en Bosnie-Herzégovine, à savoir les Musulmans, les Serbes

 18   et les Croates, alors que les catégories restantes correspondaient soit à

 19   des catégories mixtes, donc Serbo-croates, par exemple, ou bien à un

 20   certain nombre d'individus qui se considéraient comme étant Yougoslaves. Et

 21   il y avait également d'autres nationalités : des Hongrois, des Polonais,

 22   des Allemands, des Français même se sont identifiés comme tels.

 23   C'était une question ouverte, comme je l'ai dit.

 24   Q.  Je vous remercie. Donc dans l'ensemble des rapports que vous avez

 25   rédigés, la notion de l'appartenance ethnique d'une personne donnée

 26   reposait sur ce que cette personne avait pu déclarer dans le cadre du

 27   recensement, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

Page 15422

  1   Q.  Cette question de l'appartenance ethnique, est-ce que lorsque vous

  2   l'abordiez dans chacun des trois rapports qui nous intéressent, vous le

  3   faisiez toujours en vous basant sur les renseignements du recensement

  4   uniquement, ou bien avez-vous utilisé d'autres sources ou d'autres

  5   statistiques ?

  6   R.  Bien, c'était une préoccupation majeure que cette question

  7   d'appartenance ethnique, parce que d'un point de vue analytique, ce n'était

  8   peut-être pas prépondérant, mais nous souhaitions savoir comment la

  9   population avait évolué du point de vue de l'appartenance ethnique et

 10   quelle était la structure ethnique que l'on pouvait retrouver parmi les

 11   victimes. Il s'agissait de questions majeures pour nous.

 12   Bien entendu, cette question d'appartenance ethnique ne devrait pas

 13   être abordée en se fondant sur plusieurs sources, parce que la perception

 14   de l'appartenance ethnique a tendance à changer. La situation économique,

 15   sociale et même politique peut avoir une influence considérable sur la

 16   perception des gens quant à leur appartenance ethnique. Donc il convient

 17   d'éliminer tout biais analytique par rapport à cette question de

 18   l'appartenance ethnique. Dans tous les rapports que nous avons rédigés,

 19   nous en avons utilisé qu'une seule et même définition de l'appartenance

 20   ethnique, qui était celle découlant du recensement de 1991.

 21   De plus, nous avons évidemment décidé de ne pas travailler avec 98

 22   catégories, telles qu'elles pouvaient ressortir du recensement parce que

 23   c'était beaucoup trop. Nous avons donc décidé de regrouper les

 24   appartenances ethniques autres que celles des trois groupes principaux.

 25   Nous avons donc mis à part les Musulmans, les Croates et les Serbes comme

 26   les représentants des groupes ethniques principaux, du point de vue de

 27   l'objectif qui était le nôtre. Quant aux catégories restantes, quelles

 28   qu'elles soient, qu'il s'agisse de Yougoslaves ou d'autres appartenances

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  1   nationales, ont été regroupées sous une seule et même catégorie, celle des

  2   autres.

  3   Donc il en résultait quatre groupes ethniques majoritaires dans notre

  4   analyse. Et grâce au fait que les sources d'information associées, qu'il

  5   s'agisse des registres de personnes portées disparues, des registres de

  6   survivants, des registres des personnes décédées pendant la guerre, ont pu

  7   être recoupées avec les données du recensement et présentées dans le cadre

  8   de notre analyse au regard des données relatives à l'appartenance ethnique

  9   de 1991.

 10   Comme je l'ai dit, il s'agit d'une question assez complexe, puisqu'il

 11   convient de transférer certains éléments d'information du recensement de

 12   1991 en procédant au recoupement, et grâce à ce recoupement, le champ

 13   d'information concernant l'appartenance ethnique est inclus dans les

 14   sources d'information associées.

 15   Q.  Merci. Mais dans des termes très simples, aussi simples que possible,

 16   si l'appartenance ethnique d'une personne donnée pouvait varier selon la

 17   source examinée, cela n'apparaissait pas dans votre analyse, parce que --

 18   en fait, le fait que quelqu'un se soit prononcé comme étant Serbe ou

 19   Musulman apparaissait peut-être dans le recensement de 1991. Et c'est la

 20   seule source d'information que vous avez utilisée, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, vous avez compris. C'est bien ce que j'ai dit. Nous n'avons jamais

 22   utilisé d'autres sources d'information concernant l'appartenance ethnique

 23   de la population que le recensement de 1991.

 24   Q.  Très bien. Je voudrais maintenant passer brièvement aux listes

 25   électorales de l'OSCE. Je ne veux pas m'aventurer en détail sur la façon

 26   dont vous avez traité ces informations, mais je voudrais simplement que

 27   vous expliquiez très brièvement aux Juges de la Chambre ce dont il s'agit.

 28   Apparemment il s'agit des listes électorales en Bosnie.

Page 15424

  1   Mais quand ces personnes se sont-elles inscrites ?

  2   R.  Les listes électorales de 1997 ont été dressées par l'OSCE en vue des

  3   élections municipales de 1997, conjointement avec les autorités locales. Et

  4   également en vue des élections de 1998 pour lesquelles les listes

  5   électorales ont été constituées principalement sur la base des listes

  6   électorales de 199; cependant, il s'agissait, en 1998, d'élections

  7   législatives, alors qu'en 1997, il s'agissait d'élections municipales.

  8   L'enregistrement sur les listes électorales, si je me rappelle bien, a eu

  9   lieu entre mai et juin de 1997. Et pour l'élection de 1998, c'était un an

 10   plus tard. Donc les listes électorales représentent une source

 11   d'information considérable répertoriant tous les votants en droit de voter

 12   aux élections de 1997 et 1998. La notion d'être "en droit de voter"

 13   correspond, bien entendu, d'une part, à l'âge. Il faut être majeur, avoir

 14   18 ans au moins, afin de pouvoir voter. Mais un autre critère important

 15   était présent : afin de pouvoir voter à ces scrutins particuliers, donc les

 16   premières élections démocratiques qui ont pris place à cette époque-là, il

 17   était nécessaire d'avoir été enregistré comme citoyen de Bosnie-Herzégovine

 18   lors du recensement de 1991.

 19   Q.  Merci. Et cette expression que vous utilisez, le fait d'être

 20   "éligible," d'être "en droit" de voter -- c'est bien cette expression-là

 21   que vous utilisez, être "éligible," n'est-ce pas, et non pas "lisible,"

 22   comme on a pu le voir au compte rendu d'audience.

 23   R.  En effet.

 24   Q.  Et avez-vous comparé les listes de 1997 et 1998 avant de voir s'il y

 25   avait un certain recouvrement ?

 26   R.  Il y avait un large recouvrement. En fait, la liste de 1998 ne

 27   comprenait qu'environ 150 000 nouveaux votants, et tous les autres votants

 28   avaient déjà été enregistrés avant l'élection de 1997.

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  1   Q.  Donc pour l'essentiel les données issues de cette source d'information

  2   statistique correspondaient aux listes électorales de 1997, aux votants qui

  3   étaient enregistrés ?

  4   R.  Oui. En fait, nous avons fusionné les deux listes électorales. Nous

  5   avons procédé de la façon suivante : nous avons d'abord pris les votants

  6   qui s'étaient enregistrés pour la première fois dans les listes électorales

  7   de 1997, c'était le noyau de la base de données que nous avons constituée;

  8   ensuite, nous avons ajouté les nouveaux enregistrements de 1998. Donc pour

  9   l'essentiel, il s'agissait des votants inscrits en 1997. Pas exclusivement,

 10   mais majoritairement. Il s'agissait de ces votants-là, puisque la plupart

 11   des électeurs enregistrés dans ces listes électorales l'avaient déjà été en

 12   1997.

 13   Q.  Je vais reformuler ma question.

 14   Dans le cadre du rapport Milosevic et du rapport supplémentaire que vous

 15   avez préparé pour l'espèce, vous avez comparé le recensement de 1991 d'une

 16   part, et les listes électorales d'autre part, afin de voir s'il n'y avait

 17   pas eu de mouvement de population du point de vue des différents groupes

 18   ethniques. Le fait qu'il y ait eu un large recouvrement signifie que dans

 19   l'intervalle de temps entre 1991 et 1997, 1998, qu'en fait, vous avez eu

 20   deux instantanés de la situation. En 1991 d'une part, et entre 1997 et 1998

 21   d'autre part.

 22   Vous comprenez ce que je vous demande ?

 23   R.  Oui. En fait, dans le rapport Milosevic et pour le rapport

 24   supplémentaire que j'ai préparé pour la présente affaire, j'ai eu à

 25   examiner la situation en 1991, telle qu'elle ressort du recensement, et

 26   celle en 1997, telle qu'elle ressort des listes électorales fusionnées de

 27   1997 et 1998.

 28   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que nous passions aux conclusions

Page 15426

  1   principales qui ont été les vôtres dans le rapport supplémentaire pour

  2   l'affaire Stanisic et Zupljanin.

  3   M. DI FAZIO : [interprétation] Pouvons-nous avoir le document 10397 de la

  4   liste 65 ter à l'écran, s'il vous plaît.

  5   Pouvons-nous voir les chiffres qui apparaissent en haut du tableau numéro

  6   1, s'il vous plaît.

  7   Q.  Je voudrais que vous nous expliquiez -- ou plutôt, je vais reprendre.

  8   Nous avons ici le résumé des conclusions principales que vous avez préparé,

  9   conclusions auxquelles vous êtes parvenue dans le cadre du rapport

 10   supplémentaire préparé pour l'affaire Stanisic et Zupljanin, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Très bien. Donc nous avons le tableau numéro 1 sous les yeux.

 13   Alors la première colonne de ce tableau nous donne les chiffres

 14   correspondant à la zone couverte par l'acte d'accusation en l'espèce et

 15   correspondant au recensement de 1991, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, en effet, dans la première colonne, nous avons des chiffres qui

 17   sont issus des données du recensement et qui concernent la zone couverte

 18   par l'acte d'accusation en l'espèce. Je veux dire qu'il s'agit des 18

 19   municipalités concernées. Et il convient de noter qu'il s'agit ici du

 20   chiffre total de la population par groupes ethniques, mais nous n'avons ici

 21   que les individus qui étaient en droit de voter dans le cadre des élections

 22   de 1997 et 1998. Il s'agit non pas d'un échantillon, mais d'un sous-

 23   ensemble de la population enregistré dans le recensement, sous-ensemble

 24   correspondant aux individus nés après 1980. Nous avons donc pris ce sous-

 25   ensemble comme point de départ afin d'être en mesure de procéder à un

 26   recoupement avec les listes électorales de 1997 et 1998, et en nous fondant

 27   sur le regroupement auquel nous avons procédé, nous avons ensuite procédé à

 28   des comparaisons en termes d'appartenance ethnique et de lieu de résidence,

Page 15427

  1   comparaison de leur situation entre 1991 et 1997, 1998.

  2   Q.  Donc ces 817 898 personnes que nous voyons ici sont, d'une part,

  3   mentionnées dans le recensement de 1998 [comme interprété], et d'autre

  4   part, enregistrées sur les listes électorales de 1997 et 1998, n'est-ce pas

  5   ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et toutes ces personnes sont également pertinentes par rapport à la

  8   zone couverte par l'acte d'accusation en l'espèce, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Nous avons ensuite là une colonne qui s'intitule nombre minimum. De

 11   quoi s'agit-il ?

 12   R.  Il s'agit du nombre minimum de déplacés internes et de réfugiés. C'est

 13   repris dans l'intitulé du tableau. Nous avons obtenu ces chiffres en nous

 14   fondant sur les sources dont nous disposions et la méthodologie que nous

 15   avons retenue.

 16   Q.  Et ces totaux, ces nombres minimums, sont des nombres minimums

 17   d'individus, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui. Il s'agit des nombres minimums d'individus que nous avons réussi à

 19   identifier et pour lesquels nous avons réussi à déterminer qu'ils avaient

 20   changé de lieu de résidence entre 1991 et 1997 et 1998, donc entre 1991, au

 21   début de la guerre, et 1997, 1998.

 22   Q.  Donc en l'espèce, nous avons au moins 40 095 [comme interprété] Serbes

 23   qui étaient des personnes déplacées, n'est-ce

 24   pas ?

 25   R.  Oui. C'est le terme que nous avons utilisé dans nos rapports pour

 26   qualifier ces individus. Peut-être convient-il de préciser que le terme de

 27   "personnes déplacées," d'un point de vue statistiques, a la signification

 28   suivante : cela revient à dire que la personne considérée a un lieu de

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  1   résidence différent en 1997/1998 par rapport à son lieu de résidence en

  2   1991.

  3   Q.  Très bien. Et pour les Musulmans, nous avons 119 410 [comme interprété]

  4   personnes, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, c'est 119 000 personnes à peu près et c'est le chiffre le plus

  6   important, tous groupes ethniques confondus.

  7   Q.  Nous pouvons voir quels sont les chiffres correspondants par groupes

  8   ethniques, pour les Croates, pour les Musulmans, pour les Serbes. Nous

  9   voyons, comme vous l'avez dit, que le chiffre le plus important concerne

 10   les Musulmans.

 11   Ensuite, la colonne suivante s'intitule total estimé. Alors, s'agit-

 12   il d'une extrapolation à laquelle la section de démographie du bureau du

 13   Procureur serait parvenue ?

 14   R.  Oui, il s'agit d'une extrapolation à partir des chiffres

 15   minimaux, extrapolation à laquelle on procède en se basant sur les données

 16   personnelles de toutes les personnes enregistrées comme déplacées internes

 17   ou réfugiés. Donc cela résulte de notre procédure statistique

 18   d'extrapolation.

 19   Q.  Mais c'est en votre qualité de démographe que vous avez procédé à

 20   cette expertise et déterminé que ces chiffres estimés devraient être

 21   supérieurs aux chiffres minimaux.

 22   R.  Oui, parce que manifestement, pour différentes raisons, les chiffres

 23   minimaux nous donnent une vue incomplète de la situation, parce que toutes

 24   les personnes en droit de voter n'ont pas été enregistrées sur les

 25   élections ni n'ont participé aux scrutins. Il y a d'autres raisons

 26   évidemment, parce que le taux de couplage auquel nous sommes parvenus était

 27   inférieur à 100 % -- peut-être était-il approximativement de 80 %, ce qui

 28   signifie que les listes électorales n'ont pu être couplées qu'à 80 % avec

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  1   les données du recensement. Il y a eu, par exemple, 20 % des votants qui

  2   n'ont pas pu être couplés pour lesquels nous n'avons pas pu retrouver

  3   d'information dans les données du recensement, c'est-à-dire nous n'avons

  4   pas pu retrouver leur lieu de résidence, par exemple, tel qu'il était

  5   enregistré en 1991. Nous avons là certaines des principales raisons pour

  6   lesquelles les données que nous avons obtenues étaient incomplètes.

  7   Afin de compenser le caractère incomplet de ces résultats, il est

  8   nécessaire d'utiliser des techniques d'estimation statistique qui

  9   permettent de parvenir à des chiffres plus complets. Il s'agit d'une

 10   technique tout à fait habituelle en statistiques et qui consiste à procéder

 11   à une extrapolation proportionnelle sur la base d'un échantillon de

 12   déplacés internes parmi la population des personnes enregistrées sur les

 13   listes électorales en l'étendant à l'ensemble de la population du

 14   recensement de 1991. Il s'agit d'une procédure assez simple, et le résultat

 15   qui en découle est un nombre de déplacés internes qui reflètent de façon

 16   plus complète la population concernée des déplacés internes et des

 17   réfugiés.

 18   Dans le tableau numéro 1, nous avons, par exemple, un nombre minimum

 19   de quelque 41 000 pour le groupe des Serbes, et lorsque l'on passe à la

 20   colonne des déplacés internes et réfugiés estimés, ce chiffre passe à 70

 21   000. Nous avons une situation similaire dans les autres groupes ethniques;

 22   par exemple, pour les Musulmans, nous avons d'une part un nombre minimal de

 23   119 000 personnes approximativement, alors que le nombre estimé grimpe,

 24   quant à lui, à quelque 212 000 personnes.

 25   Donc les chiffres estimés sont fournis également avec un intervalle de

 26   confiance qui est fourni dans le même tableau, dans les deux colonnes

 27   suivantes.

 28   Q.  Juste un instant. Avant que nous passions à l'intervalle de confiance,

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  1   en bref, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que les chiffres

  2   minimaux concernent des chiffres réels qui découlaient de la comparaison à

  3   laquelle vous avez procédé entre les données du recensement de 1991 et les

  4   listes électorales de 1997/1998, et qu'ensuite vous avez procédé à une

  5   extrapolation à partir de ces premiers chiffres pour parvenir aux chiffres

  6   estimés, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, dans les grandes lignes, je dirais que c'est cela. Le chiffre

  8   minimum résulte d'un décompte empirique auquel nous avons procédé. Nous

  9   avons compté un certain nombre d'enregistrements que nous avons réussi à

 10   identifier, alors que les chiffres estimés proviennent d'un décompte dans

 11   le cadre d'une procédure d'échantillonnage statistique, suite à laquelle on

 12   procède à une extrapolation à la population dans son ensemble.

 13   En statistiques, il s'agit d'une façon de procéder tout à fait usuelle que

 14   de collecter des échantillons et de calculer un certain nombre de données

 15   statistiques pour ces échantillons pour ensuite extrapoler ces données à

 16   l'ensemble de la population. C'est ce que nous avons fait. Et le résultat

 17   c'est ce nombre qui apparaît dans la troisième colonne, modéré par un

 18   intervalle de confiance, qui correspond à une incertitude relative par

 19   rapport au chiffre estimé auquel nous sommes parvenus.

 20   Q.  Merci. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit lorsque vous parlez

 21   d'intervalle de confiance ?

 22   R.  Comme j'ai déjà dit, les intervalles de confiance ont pour but en

 23   statistiques d'exprimer l'incertitude inhérente aux estimations

 24   ponctuelles. Une estimation ponctuelle n'est qu'un chiffre ponctuel. En

 25   fait, nous parvenons à ces estimations en nous fondant sur un échantillon

 26   donné, mais si davantage d'échantillons avaient pu être collectés, par

 27   exemple, dix, 100 ou 1 000 échantillons, nous aurions obtenu à chaque fois

 28   des résultats et des chiffres estimés différents. Nous aurions obtenu toute

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  1   une distribution de résultats correspondants, mais notre échantillon, celui

  2   que nous avons utilisé, tomberait en tout état de cause avec un degré de

  3   certitude raisonnable à l'intérieur d'un certain intervalle. Donc avec une

  4   certitude de 95 %, les 5 % restants correspondant à la marge d'erreur,

  5   notre estimation tombe dans l'intervalle qui correspondrait aux résultats

  6   issus d'une analyse se basant sur un grand nombre d'échantillons.

  7   Q.  Donc entre les chiffres correspondants ?

  8   R.  Oui. Il est important de souligner que nous avons ici une marge

  9   d'erreur faible, c'est le cas des statistiques que nous avons ici. Etant

 10   donné la taille de notre échantillon, à savoir l'échantillon résultant des

 11   listes électorales, il convient de souligner qu'il s'agit d'un échantillon

 12   d'une taille considérable. Souvent les statisticiens travaillent avec des

 13   échantillons de 2 000 ou 3 000 personnes. Nous parlons ici de 2,7 millions

 14   d'individus qui ont été enregistrés sur les listes électorales. Il s'agit

 15   d'un échantillon considérable par rapport aux 3,2 millions de personnes en

 16   droit de voter. Nous avons donc travaillé avec un échantillon considérable.

 17   Et il n'est absolument pas surprenant que la marge d'erreur soit

 18   particulièrement faible.

 19   Q.  Merci. Je pense que cela est suffisant comme explication.

 20   Je voudrais que nous passions au tableau numéro 2, avec une représentation

 21   visuelle des chiffres qui figurent dans la table du haut.

 22   R.  Dans le tableau du haut figurent les chiffres pour les personnes

 23   déplacées et les réfugiés. Ça, c'est le premier tableau. Mais dans le

 24   deuxième tableau, il est question d'autre chose, de la structure ethnique

 25   de la population telle qu'elle existait en 1991, et puis nous avons les

 26   modifications survenues en 1997.

 27   Q.  Oui, excusez-moi. Je vous demande pardon, c'est moi qui me suis trompé.

 28   Alors, ici nous voyons que cela se rapporte à la région couverte par l'acte

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  1   d'accusation dans l'affaire Stanisic/Zupljanin; c'est ce qui est représenté

  2   dans ce tableau. Et il est clair que la population serbe a augmenté de

  3   façon significative alors que le nombre de Musulmans a été réduit.

  4   R.  Oui. De façon générale, cela est vrai. Mais j'aimerais souligner une

  5   observation. La population de 1997 ne représente qu'un échantillon, donc il

  6   ne faut pas comprendre ces chiffres au sens absolu. Ceci ne représente pas

  7   véritablement la population en 1997. Il ne s'agit ici que des chiffres

  8   minimaux. Mais si vous regardez les pourcentages, parce que la composition

  9   ethnique est exprimée en pourcentages dans la deuxième partie du tableau,

 10   il est possible de comparer les pourcentages en 1991 et en 1997. C'est ce

 11   que je vous suggère faire plutôt que de comparer les chiffres absolus.

 12   Alors, laissez de côté la population qui était censée compter 818 000

 13   personnes en 1991, alors qu'en 1997 il est question de 376 000 personnes,

 14   plus ou moins. Il s'agit d'une grande baisse du nombre absolu. Donc laissez

 15   ça de côté, parce que cela ne vous fournira qu'une image erronée.

 16   Il faut se pencher plutôt - parce qu'il ne s'agit là que d'un échantillon -

 17   il faut se pencher plutôt sur les pourcentages. Si vous regardez les

 18   pourcentages, il est possible de procéder à une comparaison directe entre

 19   ces deux années, 1991 et 1997. Alors, regardons la population musulmane

 20   pour l'année 1991. Nous voyons qu'ils constituaient 35,2 % de la population

 21   en 1991, dans la région couverte par l'acte d'accusation dans l'affaire

 22   Stanisic/Zupljanin; toutefois, en 1997, il ne restait plus que 18,4 % de

 23   Musulmans dans la zone concernée.

 24   Q.  Et vice versa, pour les Serbes --

 25   R.  [aucune interprétation]

 26   Q.  -- en 1991, ils étaient 44,7 %. En 1997, ils étaient 72,1 %.

 27   R.  Oui. Et c'est pourquoi il est possible de procéder à un recoupage

 28   direct des différents pourcentages. Nous voyons que la population serbe a

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  1   augmenté de façon significative, alors que la population non-serbe a connu

  2   une baisse très importante. Cela vaut pour les Musulmans, mais aussi pour

  3   les Croates et les représentants d'autres groupes ethniques, tandis que la

  4   population serbe a connu une augmentation dans la zone concernée en 1997

  5   par rapport à l'année 1991.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, permettez-moi de

  7   poser une question.

  8   Madame Tabeau, je souhaite préciser un point. Les chiffres qui

  9   figurent dans la première partie du tableau 2, les ai-je bien

 10   Compris; nous avons d'abord le nombre total d'habitants pour l'année 1991 ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui --

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais nous n'avons pas le nombre total

 13   d'habitants pour l'année 1997 ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Nous n'avons pour l'année 1997

 15   que le nombre d'électeurs qui figurent sur la liste électorale.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il ne s'agit que d'un échantillon.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc nous ignorons si les chiffres

 19   concernent - puisque nous n'avons pas les chiffres pour la population

 20   totale en 1991 et 1997 - alors nous ne savons pas ce qui est arrivé à ces

 21   personnes qui ne figurent dans l'échantillon des bureaux de vote et nous

 22   ignorons quelle était leur composition ethnique ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je ne suis pas d'accord avec cette

 24   constatation. En se basant sur l'échantillon fourni par les listes

 25   électorales, nous savons ce qui est arrivé à la population toute entière.

 26   Nous ne sommes pas capables de citer leur nombre à un chiffre absolu, parce

 27   que nous ne savons pas quel était exactement le nombre d'habitants à un

 28   chiffre absolu pour les années 1997 et 1998. Et nous ne le savons pas même

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  1   aujourd'hui.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, je suis d'accord avec vous.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous ne connaissez pas le nombre

  5   total d'habitants --

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- et vous êtes obligée de vous

  8   débrouiller avec l'échantillon dont vous disposez.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais est-ce que vous ne vous êtes pas

 11   dit que cet échantillon, sur le plan de sa composition ethnique, pouvait

 12   subir les conséquences du fait qu'un certain nombre de personnes a bien

 13   voulu se faire inscrire sur la liste électorale et que d'autres ne l'ont

 14   pas voulu ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le taux de participation au scrutin de 1997

 16   était extrêmement élevé. Il dépassait le chiffre de 80 % --

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Supérieur à 80 % de quoi ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je parle du taux de participation au

 19   scrutin. D'après les données de l'OSCE. Donc cela veut dire qu'un très

 20   grand nombre de personnes se sont fait inscrire sur les listes électorales.

 21   Donc cet échantillon est hautement représentatif de la population tout

 22   entière, du point de vue statistique -- oui ?

 23   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais 80 % de qui ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] 80 % de personnes inscrites sur la liste

 25   électorale ont participé au scrutin.

 26   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc ceci représente un échantillon hautement

 28   représentatif. Lorsque nous nous servons de l'expression échantillon pour

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  1   désigner la liste électorale, il s'agit tout simplement de ne pas porter

  2   préjudice aux personnes qui ne figurent pas sur ces listes. Mais sur le

  3   plan statistique, ces personnes sont insignifiantes, puisque pour 80 %

  4   d'habitants nous avons les informations très concrètes. Nous savons à quel

  5   endroit ils se sont inscrits sur la liste, nous savons où se trouvait leur

  6   domicile, quel était leur lieu de résidence.

  7   Quant à l'année 1991, nous avons le recensement de la population tout

  8   entière. Et pour les années 1997 et 1998, nous avons un échantillon très

  9   important et représentatif de la population dans sa totalité.

 10   En fait, il serait très difficile de dire quoi que ce soit sur les

 11   électeurs qui ne se sont fait inscrire sur la liste électorale, parce qu'il

 12   n'y a pas de traces les concernant, à part ce qui figure dans le

 13   recensement. Nous avons ces informations, ces renseignements recueillis à

 14   partir du recensement, mais nous ne savons pas de quelle façon les

 15   personnes qui y figurent se sont déplacées. Est-ce qu'elles font partie des

 16   personnes déplacées à l'intérieur du pays ou non, en 1997/1998. Donc de ce

 17   point de vue-là, il n'y a rien à faire au sujet de ces personnes-là.

 18   Mais je pense que notre estimation de la composition ethnique est

 19   très bonne et qu'elle n'est pas entachée d'un biais du point de vue

 20   statistique.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je pense que le moment est venu de faire

 23   une pause.

 24   Nous reprendrons nos travaux dans 20 minutes.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 27   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant de reprendre nos travaux avec le

Page 15437

  1   témoin, il reste un point à élucider depuis hier.

  2   L'Accusation a demandé, ou a annoncé qu'elle demandera des séances

  3   supplémentaires demain afin d'en terminer avec la déposition d'un des

  4   témoins prévus pour cette semaine, nous avons indiqué que nous allions

  5   demander à la Défense quelle serait leur réaction.

  6   Pour commencer, pour ce qui est de la fin de la semaine, l'Accusation

  7   maintient-elle sa position qu'il est nécessaire d'organiser des séances

  8   supplémentaires ? Je vous rappelle qu'il n'est possible d'organiser qu'une

  9   seule séance supplémentaire, demain dans l'après-midi.

 10   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 11   Juges, nous pensons qu'il serait indispensable d'organiser cette séance

 12   complémentaire pour en finir avec la déposition du témoin suivant, d'autant

 13   plus que nous avons deux autres témoins qui sont prévus pour la semaine.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pardonnez-moi. Aujourd'hui nous

 15   sommes mercredi. Un témoin vient tout juste de commencer sa déposition.

 16   Vous dites qu'il y a un autre témoin, puis deux autres témoins à suivre, et

 17   tout cela au cours de cette semaine ?

 18   M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il s'agit du ST-

 19   163.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais nous n'allons pas entendre les

 21   Témoins 227 et 251.

 22   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 23   M. HANNIS : [interprétation] Ce qui nous préoccupe avant tout c'est d'en

 24   terminer avec la déposition du Témoin ST-163 cette semaine. Pour ce qui est

 25   des deux autres témoins qui avaient été prévus pour cette semaine, il

 26   s'agit des témoins relatifs aux faits incriminés qui doivent parler des

 27   faits déjà jugés, donc leur interrogatoire devrait être relativement court.

 28   Et si nous avons du temps vendredi pour entendre l'un ou les deux, nous

Page 15438

  1   espérons pouvoir le faire. Sinon, ils peuvent être reportés à la semaine

  2   prochaine.

  3   Mais ce qui nous intéresse avant tout c'est d'avoir cette séance

  4   extraordinaire supplémentaire pour pouvoir entendre le Témoin ST-163.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et qu'en est-il de la Défense, y avez-

  6   vous pensé au cours de la nuit ?

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'allons pas

  8   poser de difficultés au sujet de cette séance supplémentaire.

  9   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 10   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cette séance

 11   supplémentaire ne nous pose pas de problème. Mais lorsque j'ai discuté avec

 12   le témoin, je me suis rendu compte que le Témoin 163 devait repartir

 13   vendredi dans la matinée. Il s'agit de prendre part à une fête familiale

 14   qui est prévue pour samedi.

 15   Alors cette séance unique supplémentaire de plus, je ne pense pas qu'elle

 16   nous sera très utile s'il est indispensable d'en terminer avec sa

 17   déposition demain.

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le fait est que nous ne pouvons

 19   organiser qu'une seule séance supplémentaire. Donc si cela ne pose de

 20   problème à personne, nous allons nous organiser en conséquence.

 21   [Le témoin vient à la barre]

 22   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Nous siégerons de

 24   14 heures 30 jusqu'à 16 heures.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je souhaite poser

 26   une autre question liée au sujet à Mme le Témoin.

 27   Madame Tabeau, les 80 % que nous avons évoqués tout à l'heure, 80 % des

 28   électeurs qui figurent sur les listes électorales. De quelle façon êtes-

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  1   vous arrivée à ce pourcentage de 80 % ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit d'une estimation avancée par l'OSCE

  3   qui suivait les élections, avait ses représentants dans tous les bureaux de

  4   vote où les électeurs étaient inscrits sur les listes d'élection, et je

  5   pense que les représentants de l'OSCE étaient également en contact avec les

  6   représentants des autorités locales.

  7   Comme je l'ai déjà expliqué, il n'y avait pas de registre compilant la

  8   population générale à l'époque.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc il s'agit d'un chiffre estimé,

 10   il n'existait pas de registre d'électeurs ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de registre, le seul registre

 12   existant est le recensement de la population. Et on savait qu'il fallait

 13   satisfaire un certain nombre de conditions, à savoir il fallait être

 14   majeur, avoir 18 ans pour participer aux élections.

 15   Mais ma théorie sera la suivante : les autorités locales avaient des

 16   éléments d'information indispensables concernant la population locale qui

 17   vivait dans des municipalités données. Sur la base du recensement, d'une

 18   part, et sur la base des registres compilant la population en droit de

 19   voter, et quand on pense également aux données qui concernent la population

 20   locale, à la base de toutes les données l'OSCE a pu avancer un tel chiffre

 21   estimé. Je ne sais pas quelles techniques ils ont appliquées pour y

 22   arriver, je ne sais pas quelle méthode ils ont retenue, mais j'imagine

 23   qu'il s'agit d'une estimation fiable puisque c'est une estimation de

 24   l'OSCE. Je vous ai déjà dit qu'il s'agissait du chiffre de 80 %, c'est le

 25   chiffre qui figure dans un rapport de l'OSCE, et dans un autre j'ai vu le

 26   taux de participation de 89 %. Donc il s'agissait plutôt de proposer des

 27   chiffres minimum et de ne pas surestimer le nombre de participants.

 28   Il s'agit de tout au moins 80 % de participants. Et par ailleurs, à en

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  1   juger par le volume du registre, il faut dire que

  2   2,6 millions de voteurs ont été enregistrés pour l'année 1997.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il s'agit tout au moins de

  5   80 % qui ont été inscrits dans les listes électorales.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  7   M. DI FAZIO : [interprétation]

  8   Q.  Dans une partie de votre rapport qui concerne directement l'affaire

  9   Stanisic/Zupljanin, vous évoquez des statistiques agrégées qui sont basées

 10   sur la documentation obtenue de la part des autorités de la Republika

 11   Srpska. Vous en fournissez un aperçu dans l'annexe 5. Ai-je raison de

 12   l'affirmer ?

 13   R.  Oui, tout à fait.

 14   Q.  J'aimerais vous présenter un document, ou plutôt deux. Pourriez-vous

 15   nous dire si ce sont là les documents dont vous vous êtes servie et que

 16   vous avez obtenus de la part des autorités compétentes de la Republika

 17   Srpska.

 18   M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on afficher la pièce P425, s'il vous

 19   plaît. Merci.

 20   Q.  Est-ce là le document dont vous vous êtes servie ?

 21   M. DI FAZIO : [interprétation] Passons peut-être à la page 1 dans les deux

 22   versions linguistiques.

 23   Q.  Vous venez d'examiner la première et la deuxième page du document,

 24   pourriez-vous me dire si c'est bien le document dont vous vous êtes servi

 25   pour tenir compte des chiffres fournis par la Republika Srpska ?

 26   R.  Oui, ceci fait partie de la documentation fournie, c'est une enquête de

 27   1993.

 28   Q.  Merci. Revenons à la page 1, le document, nous le voyons, est du 9

Page 15441

  1   [comme interprété] mai 1993. C'est un document élaboré par le service de

  2   Sécurité nationale de Banja Luka.

  3   Alors si nous nous concentrons sur la municipalité de Prijedor, nous voyons

  4   que 42 000 Musulmans ont quitté le territoire de la municipalité, et 2 000

  5   Croates. Alors vous vous êtes servie de ces données statistiques et

  6   d'autres sources de données relatives à d'autres municipalités pour

  7   préparer cette partie de votre rapport.

  8   R.  Oui. Il était important d'envisager les données dans le contexte et

  9   cette documentation couvre la période qui va de 1991 à 1997, donc ces

 10   données qui concernent l'année 1993 permettent en partie de combler

 11   l'intervalle.

 12   Q.  Merci.

 13   M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce P426,

 14   s'il vous plaît. Je crois que ce document a été enregistré aux fins

 15   d'identification.

 16   Q.  Veuillez vous pencher, pour commencer, sur la page 1.

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Puis j'aimerais que nous passions à la page

 18   6 en version anglaise. Pour ce qui est de la version B/C/S, il devrait

 19   s'agir…

 20   Il devrait s'agir de la page 6. Merci.

 21   Q.  Ce document qui vient d'être affiché à l'écran. C'est la pièce P426,

 22   enregistrée aux fins d'identification. Est-ce bien là le deuxième document

 23   dont vous vous êtes servie ?

 24   R.  Oui, tout à fait.

 25   Q.  Je signale qu'il s'agit d'un document de février 1995. Encore une fois,

 26   c'est un document élaboré par le centre de la Sécurité nationale de Banja

 27   Luka. Examinons la situation à Prijedor en 1991. Nous voyons qu'environ 47

 28   000 Serbes y résidaient, 49 000 environ de Musulmans, environ 6 000

Page 15442

  1   Croates.

  2   Et en 1995, 61 000 Serbes, 3 600 Musulmans et le nombre de Croates est

  3   également revu à la baisse.

  4   J'imagine que ce sont là les chiffres dont vous vous êtes servie pour

  5   préparer cette partie de votre rapport.

  6   R.  Oui, tout à fait.

  7   Q.  Bien.

  8   M. DI FAZIO : [interprétation] J'aimerais demander aux Juges de la Chambre

  9   d'admettre au dossier la pièce P426 à part entière comme un document qui

 10   accompagne le rapport de Mme le Témoin. La pièce a déjà été admise au

 11   dossier, mais elle était enregistrée aux fins d'identification seulement.

 12   Maintenant, j'aimerais qu'elle soit admise à part entière.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 15   M. DI FAZIO : [interprétation] Je tiens à remercier mon commis à l'affaire.

 16   Je pense que les commentaires des Juges de la Chambre à la page du compte

 17   rendu d'audience T4071 étaient les suivants :

 18   "Nous enregistrerons le document aux fins d'identification tant que nous

 19   n'aurons pas entendu la déposition de l'expert en démographie."

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Le document est admis au

 21   dossier à part entière.

 22   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Lorsque vous avez préparé la partie du rapport qui s'appuie sur ces

 24   deux documents, je pense qu'il a été admis non pas par vous, mais de façon

 25   générale, que les chiffres qui se rapportent à Sanski Most ne devaient pas

 26   figurer dans votre analyse. Ai-je raison de l'affirmer ?

 27   R.  Oui. Je crois que quelqu'un qui a sans doute tapé ou dactylographié les

 28   données a omis deux chiffres concernant Sanski Most.

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  1   Q.  Très bien. Et vous avez préparé de nouvelles pages, numéro 23, 24 et

  2   65, qui sont identiques à celles de votre rapport, mais qui comprennent

  3   maintenant les chiffres exacts pour Sanski Most, pour Banja Luka, Donji

  4   Vakuf, et cetera.

  5   R.  En effet.

  6   Q.  Merci.

  7   M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs les Juges, dans ce cas-là

  8   l'Accusation souhaiterait demander le versement du document 10399.1 de la

  9   liste 65 ter au titre des pages corrigées correspondantes à ces pages dont

 10   je viens de donner le numéro dans le rapport.

 11   Ce qui signifie qu'à présent nous pouvons revenir au document 10397

 12   de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 13   Pouvons-nous avoir ce document affiché à l'écran, s'il vous plaît.

 14   Merci. Je voudrais que nous passions à la page 2. Je vous remercie.

 15   Q.  Madame Tabeau, nous avons ici l'analyse à laquelle vous avez procédé à

 16   partir des données extraites des documents P426 et P425, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je voudrais que nous avancions assez rapidement sur ce tableau. Tout

 19   d'abord, la première colonne, chiffre de 1991, est-ce que vous voyez cette

 20   colonne ? Je voudrais que vous nous disiez où vous avez obtenu ces

 21   chiffres. Dans certains documents ?

 22   R.  Mais je voudrais commencer par la colonne des municipalités, parce

 23   qu'il n'y en a que sept qui sont mentionnées.

 24   Q.  Oui, absolument. J'aurais dû le citer. Ces chiffres ne concernent pas

 25   l'ensemble de la zone couverte par l'acte d'accusation, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. Ces sept municipalités présentent un certain recouvrement avec les

 27   -- en fait, il n'y avait que sept municipalités qui pouvaient faire l'objet

 28   d'une comparaison. Ces sept municipalités qui sont également listées dans

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  1   l'acte d'accusation en l'espèce. Donc ces sept municipalités étaient la

  2   seule intersection entre les sources de la Republika Srpska et celles que

  3   nous avons obtenues.

  4   Quant à la première colonne : l'année 1991, il s'agit là de chiffres

  5   correspondant au panel A des Musulmans qui vivaient dans ces sept

  6   municipalités conformément au recensement de 1991.

  7   Q.  Et dans les autres colonnes, nous trouvons des chiffres qui ont été

  8   obtenus auprès des organes du gouvernement, n'est-ce pas ?

  9   R.  La colonne de 1993, ceux qui ont déménagé…

 10   Q.  Oui, ceux qui ont déménagé.

 11   R.  Oui. Dans la dernière colonne nous avons des chiffres qui correspondent

 12   à une comparaison par rapport aux résultats que nous avons obtenus pour ces

 13   municipalités.

 14   Q.  Très bien.

 15   M. DI FAZIO : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 3, s'il vous

 16   plaît.

 17   Q.  Nous avons ici des histogrammes qui représentent graphiquement les

 18   chiffres que nous avons vus précédemment.

 19   R.  Oui, en effet. Les chiffres correspondant aux années 1991 à 1995 sont

 20   représentés dans ces histogrammes. La première série correspond aux

 21   Musulmans, la deuxième aux Croates, la troisième aux Serbes. Mais il faut

 22   noter que les chiffres de 1993 ne sont pas représentés dans ces

 23   histogrammes et ne figurent que dans les tableaux de la page précédente.

 24   Or, il s'agit des chiffres importants, en réalité.

 25   Q.  Oui, je vous remercie pour cette précision.

 26   R.  Parce que --

 27   Q.  Donc nous avons ici deux instantanés correspondant aux années 1991 et

 28   1995, qui se fondent sur les données dont vous avez disposé, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Alors, si nous passons à la représentation graphique qui correspond aux

  3   Musulmans, donc entre 1991 et 1995, nous voyons que leur nombre a

  4   considérablement diminué dans toutes ces municipalités, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, tout à fait. Il s'agit d'une diminution radicale du nombre de

  6   Musulmans dans toutes ces sept municipalités, conformément aux sources de

  7   la Republika Srpska telles qu'elles se présentaient en 1995.

  8   Q.  Très bien. Pouvons-nous faire défiler la page vers le bas pour voir

  9   l'histogramme relatif à la répartition des Serbes dans ces municipalités ?

 10   On voit une augmentation de la population plus marquée dans certaines

 11   municipalités que d'autres, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. C'est le tableau inverse de ce que nous avions juste à l'instant,

 13   puisque nous observons une augmentation de la population serbe dans chacune

 14   de ces sept municipalités entre 1991 et 1995.

 15   Q.  Et on peut observer la même chose concernant les Croates, n'est-ce pas,

 16   dans l'histogramme du milieu, à une exception près, qui est celle de la

 17   municipalité de Kljuc, où apparemment, pour une raison ou une autre, on

 18   observe une augmentation du nombre de Croates entre 1991 et 1995. Mais à

 19   cette exception près de la municipalité de Kljuc, on observe également dans

 20   le cas des Croates une diminution importante de la population musulmane. On

 21   a vu une diminution très importante de la population musulmane, alors qu'à

 22   l'inverse, pour les Serbes, on a vu une augmentation significative de la

 23   population dans ces mêmes sept municipalités, encore une fois en se fondant

 24   sur les données dont vous avez disposé, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Merci.

 27   M. DI FAZIO : [interprétation] Excusez-moi, mais nous devons revenir en

 28   arrière d'une page.

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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi. Juste avant, je voudrais

  2   poser une question au témoin.

  3   Madame Tabeau, les chiffres qui apparaissent dans la colonne de gauche, le

  4   long de l'axe verticale, s'agit-il de pourcentages de la population ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il s'agit du pourcentage des Musulmans

  6   par rapport à la population totale.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  8   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

  9   Nous pouvons maintenant revenir en arrière d'une page.

 10   Q.  Voyons les chiffres qui concernent les Musulmans.

 11   Voyons encore une fois la municipalité de Prijedor. Donc 42 [comme

 12   interprété] personnes ont déménagé en 1993, selon les sources dont nous

 13   disposons, en 1993 -- ou plutôt, plus précisément, en l'état des

 14   informations disponibles en mai 1993 ?

 15   R.  En effet. Les 42 000 personnes citées comme ayant déménagé en 1993, en

 16   fait, ont déménagé entre 1991 et mai 1993, de Prijedor, selon les

 17   informations fournies par la Republika Srpska.

 18   Q.  Oui, allez-y.

 19   R.  Je souhaitais simplement faire un commentaire, la population musulmane

 20   à Prijedor représentait environ 44 %, plus précisément 43,9 % du total.

 21   Nous voyons, en revanche, qu'après le déménagement de 42 000 personnes

 22   jusqu'en mai 1993, et au-delà, si nous avançons en 1995, nous voyons que le

 23   nombre de personnes encore présentes à Prijedor, en février 1995, se monte

 24   à 3 600 --

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   R.  -- qui ne représente que 5,4 % de la population de Prijedor, en 1995.

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Alors --

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  1   Q.  Donc selon ces mêmes sources de la Republika Srpska, la situation ne

  2   s'est pas améliorée pour les Musulmans du point de vue de leur lieu de

  3   résidence, à Prijedor, en tout cas. Parce qu'en 1993, il y avait encore

  4   environ 7 000 Musulmans sur place, ensuite ce chiffre a diminué pour

  5   atteindre 3 600, en 1995, n'est-ce pas ?

  6   R.  7 000 ? Où se trouvent les 7 000 ?

  7   Q.  Oui, j'ai fait la soustraction entre 49 000 et 42 000 --

  8   R.  Oui, tout à fait, c'est exact.

  9   Q.  Donc les zones surlignées en bleu, les chiffres surlignés en bleu

 10   représentent les chiffres relatifs à Sanski Most qui avait été omise, et

 11   que vous avez réintroduite récemment, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, en effet.

 13   Q.  Très bien.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Bon.

 16   R.  Et si nous passons à la dernière ligne du tableau, on voit que pour

 17   1993, on donne le chiffre de 93 470 pour les Musulmans, qui correspond à

 18   peu près à 58 % de la population initiale de la municipalité, ce qui

 19   représente environ 55 % de la population des Musulmans enregistrés au

 20   recensement de 1991. Donc ce nombre de personnes qui a déménagé est

 21   absolument considérable. Et en 1995, les 23 807 personnes encore présentes

 22   ne représentent plus que 15 % de la population initialement enregistrée

 23   comme musulmane, en 1991. Ce qui signifie que 85 % de cette population, au

 24   mois de février 1995 ne vit plus dans la municipalité.

 25   Et ceci corrobore très précisément les conclusions de notre rapport et les

 26   conclusions auxquelles ils sont parvenus quant à la composition ethnique de

 27   cette population.

 28   Q.  Est-ce que vous trouvez ici une confirmation de la conclusion à

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  1   laquelle vous êtes parvenue en examinant ces deux instantanés de la

  2   population telle qu'elle se présentait en 1991 et 1997; c'est ce que vous

  3   nous dites, n'est-ce pas ? En revanche, ici, nous trouvons la même tendance

  4   et le même type de situation dans un intervalle de temps beaucoup plus

  5   réduit, entre 1991 et 1995 [comme interprété]. Ai-je raison de dire cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et à la fin de cette page -- ou plutôt, au bas de la page, concernant

  8   les Serbes, que voyons-nous ?

  9   R.  Oui. Dans les deux dernières lignes, nous voyons qu'il y avait environ

 10   255 000 Serbes en 1995 [comme interprété]. Et en mai 1993, seul un millier

 11   environ sont enregistrés comme ayant déménagé. Et en février 1995, nous

 12   voyons un chiffre de pratiquement 300 000 personnes qui est supérieur donc

 13   à l'effectif de la population initiale tel qu'enregistré en 1991, supérieur

 14   d'environ 16 %, 16,5 %.

 15   Q.  Gardons peut-être devant nous la page 2 du résumé que nous avons déjà

 16   abordé. Je souhaiterais que vous la gardiez devant vous.

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le document

 18   3382 de la liste 65 ter.

 19   Q.  Je souhaiterais que nous examinions ceci très rapidement, et je vais

 20   essayer, s'il n'y a pas d'objection, d'avancer plus rapidement dans mes

 21   questions.

 22   Vous n'avez pas utilisé ce document, lorsque vous avez rédigé cette partie

 23   de votre rapport, n'est-ce pas ?

 24   R.  En effet.

 25   Q.  Encore une fois, nous pouvons voir de quoi il s'agit. Ici, ceci émane

 26   du centre de la Sûreté d'Etat de Banja Luka, c'est un document de la

 27   Republika Srpska.

 28   Et à la différence des autres documents, des deux autres documents,

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  1   celui-ci nous donne une vue correspondant au mois de juin 1994. Alors il y

  2   a un rapport avec les dates de mai 1993 et de 1995. Mais ici, nous avons

  3   les chiffres pour Kotor Varos, à la date de juin 1994. Et on nous donne le

  4   nombre de Serbes, de Croates et de Musulmans qui vivent à Kotor Varos.

  5   Est-ce que ces chiffres correspondent, dans l'ensemble à ceux que

  6   vous avez sous les yeux par ailleurs ?

  7   R.  Oui, dans l'ensemble, bien qu'il y ait de légères différences entre la

  8   population telles qu'il en est fait état dans ce document et la population

  9   telle qu'enregistrée avant que la guerre n'éclate.

 10   Mais dans l'ensemble, nous avons une situation qui est similaire. Les

 11   données dont il est fait état dans ce document de juin 1994 corroborent de

 12   façon tout à fait convaincante les données que j'ai encore sous les yeux,

 13   dans le tableau numéro 3 [comme interprété], que nous venons juste

 14   d'examiner. Donc le tableau qui se dessine pour 1995 est dans ses grandes

 15   lignes très semblable à celui de juin 1994.

 16   Q.  Très bien. Donc les chiffres que vous avez extraits des documents P426

 17   et P425 sont tout à fait en cohérence avec les chiffres que vous avez ici,

 18   sous les yeux, dans ce document de 3382 de la liste 65 ter, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   M. DI FAZIO : [interprétation] Dans ce cas-là, je voudrais demander le

 22   versement de ce document.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Soit.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P1625, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Très bien.

 27   Q.  Nous avons terminé avec ces sujets des déplacés internes, et nous

 28   passons aux victimes de la guerre.

Page 15451

  1   Vous avez donc rédigé ce rapport spécifiquement pour l'affaire Stanisic et

  2   Zupljanin, et en prenant en compte l'acte d'accusation, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  J'ai déjà dit plus tôt que dans le cadre de votre déposition, il y a 12

  5   bases de données que vous avez utilisées pour rédiger votre rapport, n'est-

  6   ce pas ?

  7   R.  Oui. Elles sont énumérées dans le rapport.

  8   Q.  En pages 5 et 6, je crois ?

  9   R.  Oui, en pages 5 et 6, dans la version anglaise du rapport.

 10   Q.  Très bien. Nous allons y venir. Est-ce que vous vous êtes appuyée à

 11   nouveau sur le recensement pour vérifier les données personnelles des

 12   individus enregistrés dans ces bases de données sur lesquelles vous vous

 13   êtes appuyée pour rédiger ce rapport ?

 14   R.  Oui, bien entendu. Mais ces 12 bases de données que vous venez

 15   d'évoquer représentent, en fait, 12 sources importantes d'information

 16   concernant les personnes portées disparues ou décédées pendant la guerre.

 17   Donc ce sont les sources correspondantes aux victimes de guerre. Par leur

 18   ampleur, elles dépassent le cadre de la zone couverte par l'acte

 19   d'accusation en l'espèce. Elles couvrent, en fait, le territoire de la

 20   Bosnie-Herzégovine dans son intégralité, et du point de vue temporel,

 21   l'ensemble de la période de la guerre.

 22   Ceci étant dit, pour ce rapport particulier qui a été rédigé pour

 23   l'espèce, je n'ai utilisé qu'une partie du contenu de ces bases de données,

 24   la partie qui est pertinente par rapport à l'espace et à la période de

 25   temps couverte par l'acte d'accusation. Et j'ai également utilisé, entre

 26   autres, le recensement de 1991.

 27   Q.  Comment avez-vous utilisé le recensement de 1991 et à quoi vous a-t-il

 28   servi par rapport aux données figurant dans ces 12 bases de données ?

Page 15452

  1   R.  Encore une fois, c'était à des fins d'indexation. Nous avons indexé les

  2   fichiers de victimes, ou plutôt, nous leur avons adjoint les champs de

  3   données personnelles figurant dans le recensement de 1991. De cette façon,

  4   nous avons ajouté toute une série de données personnelles qui nous ont

  5   permis de confirmer qu'il ne s'agissait pas de personnes fictives, mais qui

  6   vivaient bien juste avant que la guerre n'éclate en Bosnie-Herzégovine.

  7   Q.  Et qu'en était-il de l'appartenance ethnique ? Les informations que

  8   vous avez obtenues dans ces 12 bases de données vous ont-elles permis

  9   d'obtenir des éléments supplémentaires concernant cette question

 10   d'appartenance ethnique, ou avez-vous dû vous référer encore une fois au

 11   recensement ?

 12   R.  L'appartenance ethnique n'est pas un critère retenu dans les fichiers

 13   de victimes, donc encore une fois c'est au recensement de 1991 qu'il faut

 14   se référer.

 15   Q.  Je note en passant que j'ai aussi mentionné que votre rapport cadre

 16   dans le temps. Il couvre, certes, la période couverte par l'acte

 17   d'accusation, donc entre le mois d'avril et le mois de décembre 1992 ?

 18   C'était sur cette période-là que s'est concentré votre rapport d'expert,

 19   donc la période couverte par l'acte d'accusation et aussi le territoire

 20   pertinent à l'acte d'accusation ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  A partir des informations que vous avez obtenues de ces 12 bases de

 23   données, je pense que vous avez réussi à établir une liste des personnes

 24   tuées pendant la période que vous avez étudiée ?

 25   R.  Oui, effectivement, c'est la liste des personnes tuées et portées

 26   disparues.

 27   Q.  Mais comment avez-vous fait en sorte d'établir que les gens qui,

 28   d'après ces bases de données, figuraient en tant que personnes tuées

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  1   étaient, en réalité, tués; par exemple, est-ce que vous avez utilisé le

  2   fait qu'ils ne se seraient pas présentés aux élections en 1997 ?

  3   R.  Je vous ai dit que j'ai utilisé les 12 sources concernant les victimes.

  4   Mais aussi, je me suis basée sur le recensement de la population et

  5   d'autres sources. Par exemple, j'ai utilisé les listes électorales pour

  6   éliminer tout doublon.

  7   Par exemple, même les personnes figurant comme des personnes décédées

  8   sur des listes peuvent ensuite être retrouvées sur des listes des

  9   électeurs. Donc ce que j'essaie de dire c'est que vous ne pouvez pas tirer

 10   des conclusions directes vous basant uniquement ces bases de données.

 11   Par exemple, à Srebrenica, nous avons identifié à peu près 25 [comme

 12   interprété] victimes de Srebrenica dans la liste électorale. Ensuite, nous

 13   les avons étudiées et nous avons étudié la façon dont cette liste a été

 14   élaborée en 1997 à 1998, et avec d'autres sources d'information sur les

 15   survivants. Et donc nous avons eu ces 24 personnes, et il n'y en a que

 16   quelques-uns qui figuraient dans les trois sources. En même temps, ces

 17   personnes se trouvaient dans les listes des personnes portées disparues de

 18   Srebrenica. Pour certaines d'entre elles, nous avions déjà des analyses ADN

 19   suite aux exhumations et les analyses.

 20   Et donc nous avons étudié tout cela. Nous avons fait une distinction entre

 21   les personnes figurant dans les trois rapports, des personnes dont on a pu

 22   établir l'identification ADN. Parce qu'à partir du moment où vous aviez

 23   cette identification ADN, la mort était certaine. C'est une preuve de mort.

 24   Donc ce que j'essaie de dire, c'est que là nous avons une question

 25   très complexe. Vous avez des exemples des familles qui ont signalé les

 26   personnes décédées comme les personnes portées disparues pour obtenir plus

 27   d'aide.

 28   Et vous savez, c'est une approche pratique --

Page 15454

  1   M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est des choses qui arrivent dans les pays

  3   touchés par la guerre.

  4   Donc nous avons fait tout ce que nous avons pu pour comparer toutes

  5   les informations et sources d'information différentes. Nous avons utilisé

  6   cette méthode depuis bien longtemps. Nous appelons cela une méthodologie

  7   prouvant la mort. Brièvement, cette méthode consiste en ce qui suit : à

  8   partir du moment où nous avons la liste des victimes - qui peut venir des

  9   documents qui font partie de l'acte d'accusation - nous vérifions tout

 10   d'abord ces listes. On vérifie de quelle façon ces victimes ont été

 11   répertoriées dans nos 12 sources d'information sur les victimes de la

 12   guerre; ensuite, on fait les liens avec le recensement de la population de

 13   1991; ensuite, on regarde les listes électorales et on tire les conclusions

 14   sur la base de toutes les sources.

 15   Ça, c'est ce que l'on fait d'habitude pour essayer de recueillir le

 16   plus d'information possible sur chaque victime.

 17   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges si vous avez trouvé un nombre

 18   significatif de personnes que vous avez pu isoler des 12 bases de données

 19   et qui figuraient donc en tant que personnes tuées pendant la période

 20   couverte par l'acte d'accusation et sur le territoire couvert par l'acte

 21   d'accusation, pour lesquelles il s'est avéré que par la suite elles se sont

 22   présentées dans les bureaux de vote ?

 23   R.  Bien, je ne pense pas que ce chiffre était important, mais c'est

 24   vrai que je ne me suis pas penchée là-dessus particulièrement. Je dirais

 25   que pour Srebrenica, l'échelle était 24 potentiels et 12 acceptés sur un

 26   total de 8 000 victimes. Donc voilà l'échelle dont on parle.

 27   Mais ce sont vraiment des chiffres marginaux qui n'ont pas vraiment

 28   d'impact significatif sur les conclusions que nous avons tirées.

Page 15455

  1   Q.  Bien. Merci. Donc les victimes de guerre -- dans votre rapport

  2   sur les "Victimes de guerre," vous parlez des raisons pour lesquelles vous

  3   avez utilisé ces 12 bases de données.

  4   Donc pour quelles raisons les avez-vous utilisées exactement ?

  5   R.  Ces 12 bases de données, comme vous dites, sont au cœur de notre

  6   méthodologie. Nous n'avons pas utilisé n'importe quelle source de victimes

  7   de guerre. Nous avons considéré que ces 12 bases de données étaient les

  8   meilleures sources en Bosnie-Herzégovine sur les victimes de guerre. Parmi

  9   ces informations, nous avons aussi les identifications ADN des personnes

 10   portées disparues; nous avons aussi les informations fournies par les

 11   militaires des soldats tombés au combat et autre personnel militaire; et

 12   nous avons aussi des sources venues des différentes sources officielles,

 13   aussi bien en Bosnie-Herzégovine qu'en Republika Srpska. Et toutes ces

 14   sources, nous les avons reçues à la demande de notre unité au niveau du

 15   bureau du Procureur.

 16   Donc il s'agit de nombreuses sources, mais il y en a qui ne sont pas

 17   complètes.

 18   Vous avez des sources dont nous pouvions disposer, mais que nous

 19   n'avons pas utilisées. Par exemple, il s'agit de sources qui viennent du

 20   côté bosniaque, serbe, mais aussi croate. Mais souvent, on ne les a pas

 21   utilisées, car on considérait que la qualité du recueil d'informations dans

 22   les sources que nous avons rejetées était bien moindre que la qualité des

 23   informations recueillies dans les sources que nous avons acceptées.

 24   Ensuite, se pose la question de fiabilité. Les sources que nous avons

 25   utilisées ont un bon niveau de fiabilité, d'après nos critères.

 26   Q.  Merci.

 27   Et une dernière question au sujet de ces bases de données. Vous avez

 28   mentionné 12 bases de données. Est-ce que vous avez procédé à la

Page 15456

  1   vérification pour éviter des doublons ? Autrement dit, pour éliminer tout

  2   doublon figurant dans la base de données, est-ce que vous les avez

  3   vérifiées entre elles ?

  4   R.  Oui. On le fait toujours. Et à chaque fois que l'on combine différentes

  5   sources, quand on les compare, on essaye à chaque fois de vérifier s'il

  6   existe des doublons. Et à chaque fois que l'on trouve des doublons, on les

  7   élimine, et ce qui reste ce sont des bases de données purifiées.

  8   Q.  Et cette source que vous avez gardée, c'est ce que vous appelez "base

  9   de données intégrée" ?

 10   R.  Oui. Nous avons la base de données de mortalité intégrée, comme on l'a

 11   appelée, et qui concerne toute la Bosnie-Herzégovine. Donc nous nous sommes

 12   occupés de toute la Bosnie-Herzégovine pour pouvoir en tirer des

 13   statistiques pour toute affaire, pour tout incident qui nous intéresse. Et

 14   donc là, vous avez une base de données sur la mortalité en Bosnie-

 15   Herzégovine, et c'est sur cette base de données que nous nous sommes basés

 16   pour établir la liste des victimes dans l'affaire Stanisic/Zupljanin,

 17   concernant les municipalités concernées par l'acte d'accusation pour la

 18   période entre avril et décembre 1992. 

 19   Q.  Merci.

 20   M. DI FAZIO : [interprétation] Et maintenant, je vais vous demander

 21   d'examiner la page 8 du rapport des "Victimes de la guerre" - document 65

 22   ter 10400 - je vais les montrer sur l'écran.

 23   Q.  Je vais vous demander d'examiner tout particulièrement un tableau qui y

 24   figure.

 25   M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

 26   Q.  Je voudrais que l'on procède rapidement, si c'est possible.

 27   Le premier tableau. Les chiffres que l'on voit ici, ce sont les

 28   chiffres que vous avez obtenus de ces 12 bases de données. Est-ce qu'il

Page 15457

  1   s'agit là de chiffres concernant toute la Bosnie, pas seulement les

  2   localités couvertes par l'acte d'accusation ?

  3   R.  Oui, en effet.

  4   Q.  Donc ici, on voit qu'il n'y avait que huit bases de données alors que

  5   jusqu'à maintenant on a parlé des 12.

  6   R.  Les 12 bases de données ont été regroupées pour un problème dont on va

  7   parler par la suite. Et nous avons constitué huit groupes sur la base de

  8   ces 12 sources. On a combiné ces informations pour en arriver à huit

  9   groupes. Donc ils correspondent tous au même type d'information, même type

 10   de sources, et c'est pour cela que l'on a établi un seul groupe.

 11   Q.  Quelle est la taille de ces sources ?

 12   R.  Bien, ici, nous avons un total de 181 000 cas, et il s'agit de la

 13   totalité des fichiers que nous avons analysés.

 14   Q.  Ensuite, la colonne suivante, où on parle des chevauchements. On dit

 15   qu'ici le chevauchement est exclu ?

 16   R.  Oui, effectivement, c'est ce que cela veut dire. Il n'y a pas de

 17   chevauchement. Donc ce qui reste dans cette base de données, c'est une base

 18   unique correspondant à un chiffre de presque 90 000 cas étudiés pour toute

 19   la période de la guerre.

 20   Q.  Très bien. Donc là, vous avez "exclu tous les chevauchements;"

 21   autrement dit, vous avez éliminé les doublons pour arriver à un chiffre

 22   final ?

 23   R.  Exact.

 24   Q.  Donc là, on en arrive à un chiffre de 89 881 morts en Bosnie pour la

 25   période entre 1992 et 1995 ?

 26   R.  Oui, à nouveau il s'agit d'un chiffre minimal qu'on utilise d'habitude

 27   dans nos analyses.

 28   Q.  Donc 89 881 soldats et civils tués ?

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  1   R.  Tués, morts ou portés disparus. Exact.

  2   Q.  Il s'agit des soldats et des civils ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Ensuite, la colonne suivante. Là, vous avez établi les accords par

  5   rapport aux informations de 1991, du recensement de la population ?

  6   R.  Oui. Là, vous avez le pourcentage des informations qui ont été

  7   confirmées quand on a fait la comparaison avec le recensement de la

  8   population. On en arrive à un pourcentage de 89,5 %, le taux de couplage.

  9   Donc 89,5 %, c'est très élevé.

 10   Q.  Merci --

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant.

 12   M. DI FAZIO : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Tabeau, est-ce que cela veut

 14   dire que moins que 10 % des personnes dont les noms figurent dans ces bases

 15   de données ne figuraient pas dans le recensement de la population de 1991

 16   et qu'ils venaient d'ailleurs ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] non. D'accord.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela veut dire qu'il n'était pas possible

 20   d'établir le couplage pour 10 %. On ne pouvait pas les trouver car --

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, d'accord.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] -- il y avait des problèmes au niveau de

 23   rapport et du recueil d'informations --

 24   M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. DI FAZIO : [interprétation] Je vous remercie. C'est tout ce que j'ai

 28   voulu savoir.

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  1   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Di Fazio, puis-je vous

  2   rappeler qu'il vous reste encore cinq minutes, donc vous devriez essayer de

  3   terminer votre interrogatoire.

  4   M. DI FAZIO : [interprétation] Je trouve que finalement je suis allé plus

  5   vite que prévu. Je vous demanderais dix ou 15 minutes supplémentaires. Je

  6   vais vous dire ce que j'ai à l'esprit. Je voudrais parler des conclusions

  7   de ce rapport, et je pense que c'est finalement le sujet le plus important

  8   qu'il reste à couvrir. Mais il y a encore deux ou trois petits points que

  9   j'ai voulu aborder : la question du partage de chiffres, la façon dont les

 10   chiffres ont été répartis entre les décès liés à la guerre et les décès

 11   survenus dans la population civile.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous pouvez utiliser le temps qu'il nous

 14   reste avant la pause, à savoir 16 minutes. Seize minutes.

 15   M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Je vais demander à présent qu'on montre la pièce 65 ter 10400.2.

 17   Peut-on afficher le document à l'écran, s'il vous plaît.

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Di Fazio, on vient de nous

 20   apprendre que cette cote ne figure pas dans le système.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah.

 22   M. DI FAZIO : [interprétation] 10400.2.

 23   Patientez un instant, s'il vous plaît. Non, en fait, il s'agit du

 24   document .02. Pouvez-vous retrouver le document -- oui, c'est celui que

 25   vous venez d'afficher.

 26   Q.  Madame le Témoin, c'est le document qui réunit vos conclusions

 27   principales. Le document concerne donc vos conclusions principales

 28   auxquelles vous êtes arrivée quant au nombre total de personnes tuées dans

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  1   la région couverte par l'acte d'accusation et pendant la période qui va du

  2   mois d'avril jusqu'au mois de décembre 1992. Ai-je raison de l'affirmer ?

  3   R.  Oui, tout à fait.

  4   Q.  Le chiffre minimum qui figure en haut de la page, 12 047 [comme

  5   interprété] personnes, concerne la période et la région pertinente, et ce

  6   chiffre est basé sur des dossiers individuels ?

  7   R.  Oui. Il est basé sur des fichiers individuels qui figurent dans nos

  8   différentes sources de données. Pour chacune de ces personnes, nous pouvons

  9   donner des données personnelles, ainsi que la date de leur disparition ou

 10   de leur décès et la région où ils ont été portées disparues ou retrouvées

 11   mortes.

 12   Q.  Nous voyons également le chiffre total estimé. Nous voyons qu'il est

 13   composé d'un chiffre estimé minimal. Vous en avez déjà parlé. Par ailleurs,

 14   nous avons également ce qu'on pourrait désigner par les termes de personnes

 15   exclues et d'un sous-compte estimé.

 16   Pourriez-vous nous expliquer la signification de ces termes techniques.

 17   R.  Oui. Pour commencer, nous avons des chiffres minimaux. Ils sont appelés

 18   minimaux parce que nos sources sont incomplètes. Donc il existe une partie

 19   de données qui manque, et nous ne savons pas quelle est la partie

 20   manquante. Mais cette partie peut être estimée en se servant des outils

 21   statistiques. Et c'est cette partie-là de notre rapport que nous désignons

 22   par le terme de sous-compte estimé, donc cela désigne tout ce qui n'a pas

 23   été pris en compte.

 24   Toutefois, lorsque nous procédons à l'extrapolation de dossiers, suivant la

 25   procédure que j'ai déjà expliquée, nous nous servons de deux catégories

 26   différentes : celle de la zone et celle de l'intervalle pertinent. Il

 27   existe un certain nombre de fichiers qui ne sont pas complets dans les

 28   bases de données. Nous savons que ces fichiers se rapportent aux personnes

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  1   décédées ou portées disparues en 1992, mais nous ne savons pas exactement

  2   en quel mois de cette année. Donc de tels fichiers devaient être exclus de

  3   nos chiffres minimaux, parce que nous savions que ces fichiers concernaient

  4   la période pertinente, mais nous ne savions pas quelle municipalité ils

  5   concernaient. C'est la raison pour laquelle nous avons dû laisser de côté,

  6   exclure, ces dossiers.

  7   Par conséquent, le chiffre minimal est minimal de deux points de vue

  8   différents. D'abord, parce que nos dossiers ne comprennent pas toute la

  9   documentation pertinente; et deuxièmement, parce que nos sources sont

 10   incomplètes.

 11   Pour ce qui est du premier élément, nous avons ici notre estimation

 12   statistique des dossiers qui ne pouvaient pas être pris en compte parce

 13   qu'il y avait un certain nombre de données qui manquaient. Quant au

 14   deuxième élément, c'est le sous-compte estimé. Il se rapporte aux

 15   informations qui ne sont pas traitées de façon complète dans les sources.

 16   La méthodologie utilisée pour arriver à ces deux chiffres est

 17   précisée dans l'annexe à notre rapport. Ces annexes comprennent tous les

 18   détails indispensables, mais il faut dire que ces sous-comptes estimés se

 19   rapportent à environ 5 000 cas isolés qui ne font pas partie de nos

 20   chiffres minimaux.

 21   Donc le nombre total estimé n'est pas de 12 047 personnes, mais de 17

 22   060 personnes tuées ou portées disparues.

 23   Q.  Merci de cette explication.

 24   Alors, lorsque vous partez de la répartition des victimes entre les

 25   victimes militaires et victimes civiles, est-ce qu'il s'agit là des

 26   chiffres totaux estimés ou des chiffres minimaux ?

 27   R.  Il s'agit de chiffres minimaux. Nous avons un chiffre approximatif de

 28   12 000 personnes sur lesquelles il existe les documents nécessaires. Et

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  1   quant à leur répartition en victimes militaires et victimes civiles, cela

  2   fait partie de notre méthodologie, qui est bien décrite dans le rapport.

  3   Q.  Merci. Finalement, vous proposez une répartition de civils en fonction

  4   du critère ethnique. Alors, le nombre de civils que nous avons ici est de

  5   12 047. Donc lorsqu'on soustrait les militaires, on voit que 84 % des

  6   personnes énumérées sont d'appartenance ethnique musulmane. Ai-je raison de

  7   l'affirmer et comment êtes-vous arrivée à ce chiffre ?

  8   R.  Oui. Environ 85 % de toutes les victimes civiles appartenaient au

  9   groupe ethnique musulman. Environ 8 % étaient serbes, 3 % croates et 3,8 %

 10   appartenaient à d'autres groupes ethniques. Il s'agissait là aussi de

 11   victimes civiles. Alors, les victimes civiles répertoriées dans le tableau

 12   3, à la fin de la même page, c'est là qu'on les retrouve -- donc la

 13   première colonne, le tableau 3, nous voyons le chiffre absolu de victimes

 14   civiles et militaires. Le nombre de civils est 7 499. C'est le chiffre

 15   minimal de victimes civiles. Et environ 85 % de ces personnes appartenaient

 16   au groupe ethnique musulman.

 17   Q.  Merci.

 18   R.  C'est de quoi il est question dans ces tableaux.

 19   Q.  Merci. Alors, examinons brièvement le tableau numéro 4.

 20   Je ne sais pas comment vous appelez ce type particulier de

 21   représentation graphique.

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   Q.  Donc le chiffre minimal est bien 12 047, non pas 17 060 [comme

 24   interprété] ?

 25   R.  Oui, tout à fait.

 26   Q.  Examinons le tableau qui vient d'être affiché.

 27   Parmi tous les Musulmans qui ont trouvé la mort - et je parle d'individus

 28   répertoriés, personne par personne - donc il ne s'agit pas d'un chiffre

Page 15464

  1   agrégé ou extrapolé, on parle du chiffre minimal, donc de tous ces

  2   Musulmans qui ont été tués entre les mois d'avril et de décembre 1992 et

  3   qui habitaient dans la zone couverte par l'acte d'accusation dans l'affaire

  4   Stanisic/Zupljanin, 65 % des victimes étaient des civils ?

  5   R.  Précisément, deux tiers des victimes, 66,7 % des victimes étaient des

  6   civils, et un tiers, d'après nos sources, étaient des militaires.

  7   Q.  Et un autre point dans ce tableau qu'il est important de souligner est

  8   le nombre de Croates et de représentants d'"autres" groupes ethniques. On

  9   voit également que le nombre de civils tués est supérieur au nombre de

 10   militaires, mais c'est l'opposé qui vaut pour les Serbes.

 11   R.  Pour ce qui est des victimes serbes, la relation doit être prise à

 12   l'envers. 34 % des victimes étaient des civils, et 66 % des victimes

 13   étaient des soldats. Pour ce qui est des non-Serbes, deux tiers des

 14   victimes étaient des civils; un tiers des victimes étaient des militaires;

 15   et pour les Serbes, c'est l'inverse qui vaut, de façon générale.

 16   Q.  Merci.

 17   M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante, s'il vous

 18   plaît. Ce qu'il me faut, c'est la page 2.

 19   Q.  Veuillez vous pencher sur le tableau numéro 5, s'il vous plaît. Il

 20   concerne l'année 1992, puis nous avons également le tableau suivant qui

 21   concerne les années 1993, 1994 et 1995.

 22   R.  Oui, tout à fait.

 23   Q.  Ceci concerne-t-il la région couverte par l'acte d'accusation en

 24   l'espèce ?

 25   R.  Oui. Ce sont des données statistiques qui ne concernent exclusivement

 26   que les municipalités couvertes par l'acte d'accusation.

 27   Q.  Très bien. Donc il s'agit de la région couverte par l'acte

 28   d'accusation, mais non pas de la période couverte par l'acte d'accusation,

Page 15465

  1   parce que les années ultérieures sont également couvertes ?

  2   R.  Oui, tout à fait.

  3   Q.  Et vous avez obtenu ces chiffres de la part des études effectuées en

  4   Bosnie-Herzégovine ?

  5   R.  Tout à fait.

  6   Q.  Donc pour ce qui est des Musulmans dans la région pertinente, en 1992,

  7   on voit que la majorité a été tuée au cours de cette année ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Quant aux victimes de 1993 et 1994, on voit que c'était, pour

 10   m'exprimer ainsi, une année plutôt paisible pour ce qui est du nombre de

 11   personnes décédées. Puis nous voyons encore, en 1995, le nombre de victimes

 12   remonté ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et ici, nous avons les soldats et les civils.

 15   R.  Tout à fait.

 16   Q.  Tout compris ?

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   Q.  Peut-on se pencher sur le tableau numéro 7, s'il vous plaît.

 19   Ce tableau se concentre sur les différents mois de l'année 1992 et

 20   j'imagine que vous avez obtenu la date de décès dans les bases de données

 21   que vous avez consultées ?

 22   R.  Oui, absolument.

 23   Q.  Examinons les diagrammes qui représentent les Musulmans. On peut

 24   déduire qu'en 1992, et là, je me concentre sur le premier histogramme, dans

 25   le cadre du tableau numéro 7 qu'il ne concerne que des civils; ai-je raison

 26   de l'affirmer ?

 27   R.  Oui, tout à fait.

 28   Q.  En 1992, les civils qui couvraient dans la zone recouverte par l'acte

Page 15466

  1   d'accusation dans l'affaire Stanisic/Zupljanin ont vécu leurs pires mois,

  2   entre le mois de mai et le mois de juillet. Parce que c'est pendant cette

  3   période-là que la majorité a été tuée ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Et on voit les chiffres qui concernent les militaires en bas de la

  6   page. La dernière question que je souhaite vous poser est la suivante. Je

  7   regarde le nombre de victimes civiles, tableau 7, et je vois les chiffres

  8   suivants : il y a 2 500 civils et 1 600 militaires.

  9   R.  Oui, tout à fait. Cela signifie que le nombre de civils tués était

 10   supérieur à celui du nombre de soldats au cours de ces trois mois. Mais il

 11   existe aussi un autre point à soulever. C'est que les matrices qu'on peut

 12   distinguées ne sont pas les mêmes au niveau des civils et au niveau des

 13   soldats. Pour ce qui est des soldats, c'est le mois de juin qui a été le

 14   plus fatal, mais la même chose ne va pas pour les civils. Donc pour

 15   m'exprimer simplement, ce n'est pas simplement le nombre total de victimes

 16   qui compte, ce n'est pas seulement que le nombre de victimes civiles était

 17   supérieur à celui des victimes militaires, mais la distribution de leurs

 18   décès n'est pas la même.

 19   Q.  Au cours de ces trois mois, depuis le mois de mai jusqu'au mois de

 20   juillet, le nombre de civils tués était inférieur au nombre de soldats.

 21   Ceux-ci avaient trouvé la mort notamment au mois de juin; ai-je raison de

 22   l'affirmer ?

 23   R.  Oui, tout à fait.

 24   Q.  Merci.

 25   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 26   M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 27   mon interrogatoire principal vient de toucher à sa fin.

 28   Il ne reste qu'un seul point à aborder. Je sais que vous avez

Page 15467

  1   préalablement indiqué que vous souhaitiez prendre une décision quant aux

  2   parties du rapport préparé pour l'affaire Milosevic qui devait être admis

  3   au dossier dans l'affaire présente.

  4   Permettez-moi de vous dire ceci : pour mieux comprendre la totalité

  5   du témoignage, d'après l'Accusation, vous devriez admettre au dossier les

  6   parties suivantes : Section 1, objectif et limites du rapport Milosevic;

  7   Annexe B, aperçu des sources utilisées; Annexe C, aperçu des méthodes

  8   d'analyse appliquées; et bien évidemment, Annexe D, compétences

  9   professionnelles des auteurs.

 10   Ce sont les seules parties du rapport Milosevic qui vous sont

 11   vraiment indispensables pour comprendre la partie du rapport qui concerne

 12   les personnes déplacées. Et une fois que vous statuerez sur la question, je

 13   vous serais reconnaissant également d'admettre au dossier toutes les

 14   corrections apportées et tous les résumés.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 16   Nous allons faire une pause et nous reprenons nos travaux dans 20 minutes.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 37.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   [Le témoin vient à la barre]

 22   M. DI FAZIO : [interprétation] Messieurs les Juges, avant de poursuivre la

 23   déposition du témoin, avec votre permission, il y a un document que je n'ai

 24   pas présenté au témoin mais dont j'estime qu'il est nécessaire. Il

 25   s'agissait d'un ajout au rapport sur les victimes de guerre qui apportait

 26   des corrections à certains des chiffres figurant dans les tableaux. Cela a

 27   été ajouté avant la vacation judiciaire d'été. Mais de mon point de vue, il

 28   n'était pas nécessaire de le présenter. Il porte le numéro 10400.01 dans la

Page 15468

  1   liste 65 ter. S'il n'y a pas d'objection de la part de la Défense, je

  2   demanderais à MM. les Juges de bien vouloir se pencher sur la question du

  3   versement de ce supplément lorsque MM. les Juges examineront le cas des

  4   rapports du témoin expert.

  5   Comme je l'ai dit, il s'agit d'un supplément dans lequel un certain nombre

  6   de corrections sont incluses par rapport au rapport sur "Les victimes de la

  7   guerre."

  8   Numéro 10400.01.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, Monsieur Aleksic.

 10   M. ALEKSIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 11   Contre-interrogatoire par M. Aleksic : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

 13   Je suis Me Aleksic et je représente la Défense de M. Zupljanin.

 14   Afin de ne pas revenir sur les questions qui ont déjà été abordées par le

 15   Procureur et pour résumer. Concernant les sources, les sources de données

 16   statistiques que vous avez utilisées, vous disposiez d'une part du

 17   recensement de la population datant de 1991, et compte tenu du manque de

 18   données concernant les années s'entendant au-delà et jusqu'en 1997, vous

 19   avez recouru d'autre part aux listes électorales de 1997 afin de procéder à

 20   un couplage entre ces deux grandes catégories de données, donc le

 21   recensement de 1991 d'un côté, et les listes électorales de 1997 de

 22   l'autre, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire, en votre qualité de professionnelle,

 25   si les listes électorales sont utilisées où que ce soit ailleurs au monde

 26   en tant que documents sur lesquels on baserait des recherches scientifiques

 27   et des rapports ?

 28   R.  Oui. Les listes électorales ont été utilisées au Cambodge afin

Page 15469

  1   d'estimer le nombre de victimes du régime des Khmer rouges dans la deuxième

  2   moitié des années 1970. Elles ont été utilisées par Patrick Heuveline, un

  3   scientifique américain.

  4   Q.  A ce sujet, puis-je vous demander si ce même rapport est utilisé devant

  5   les chambres spéciales au sein des tribunaux cambodgiens ?

  6   R.  A vrai dire, cela pourrait bien être le cas. Le résultat de ces travaux

  7   a été publié dans le journal "Démographie," qui est le journal le plus en

  8   pointe dans le domaine au monde. C'est un journal qui est publié aux Etats-

  9   Unis. Et l'étude de Patrick Heuveline était une partie d'une étude de plus

 10   grande envergure à laquelle je me suis livrée concernant les victimes du

 11   régime des Khmer rouges au Cambodge. Ces résultats étaient parmi les plus

 12   fiables, par comparaison aux résultats obtenus par de nombreux autres

 13   auteurs.

 14   Donc c'est tout à fait possible, oui.

 15   Q.  Vous nous avez indiqué avoir déposé dans de nombreuses affaires et

 16   avoir rédigé de nombreux rapports pour ce Tribunal dans votre domaine de

 17   compétence, donc en démographie; est-ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Entre autres, vous avez déposé dans l'affaire Simic et consorts ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Je voudrais simplement vous rappeler une partie du compte rendu

 22   d'audience dans l'affaire Samac à la date du 10 juillet 2002, page du

 23   compte rendu 10 784, vers la fin de la page, ainsi que la page 10 785. En

 24   page 10 784, c'est le même Procureur, M. Di Fazio, qui vous demande de vous

 25   exprimer quant à la fiabilité des sources que vous avez utilisées pour

 26   rédiger votre rapport.

 27   Et à la page suivante, 10 785, vous répondez en expliquant qu'il s'agit du

 28   recensement de la population de 1995, et vous dites quelle est la fiabilité

Page 15470

  1   de cette source. Ensuite, en lignes 20 à 25, vous dites, je cite en anglais

  2   :

  3   "La deuxième source, à savoir les listes électorales, n'est pas une source

  4   que nous pouvons considérer comme étant officielle, en tout cas ce n'est

  5   pas une source qui peut être utilisée pour produire et publier des

  6   statistiques officielles. Il n'y a aucun pays où les organes en charge

  7   d'élaborer des statistiques aient utilisé ce type de sources afin

  8   d'élaborer des résultats statistiques."

  9   J'ai dit "dans aucun pays."

 10   Vous rappelez-vous avoir déclaré ceci dans l'affaire Simic ?

 11   R.  Il est possible que je l'aie dit, mais vous escamotez le contexte,

 12   Maître. Les listes électorales ne sont, en effet, pas utilisées pour

 13   produire en temps normal des analyses statistiques. Les organes et les

 14   institutions chargés de produire ces dernières utilisent d'autres sources

 15   qui sont des sources disponibles en temps normal.

 16   Cependant, en temps de guerre, les sources normales d'informations

 17   statistiques n'existent pas ou bien sont insuffisantes ou incomplètes. Donc

 18   de même, je pourrais dire qu'en temps normal, en temps de paix, les listes

 19   de personnes disparues ou de victimes de la guerre ou de personnes dont les

 20   corps ont été exhumés ne sont pas utilisées pour produire des statistiques.

 21   En temps normal, notamment dans les pays développés, et la Yougoslavie ce

 22   n'était pas parmi les plus développés, mais appartenait quand même au monde

 23   développé.

 24   Donc en temps de paix, nous n'aurions pas utilisé ce type de fichiers ou de

 25   données pour élaborer des statistiques. En revanche, lorsqu'on s'intéresse

 26   aux conséquences démographiques de la guerre, il est parfois nécessaire

 27   d'utiliser des sources qui sont un peu moins conventionnelles, comme les

 28   listes électorales.

Page 15471

  1   Q.  Très bien. Dans votre rapport, ou plutôt, pendant l'interrogatoire

  2   principal, vous avez dit que votre rapport en l'espèce est relié au rapport

  3   Milosevic, que vous avez rédigé, et que les mêmes méthodes ont été

  4   utilisées ainsi que les mêmes sources dans les deux cas, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Alors, dans le rapport que vous avez préparé dans l'affaire Milosevic,

  7   page 7 de la version serbe de ce dernier, paragraphe numéro 2, et page 6 de

  8   la version anglaise, avant-dernier paragraphe, vous dites :

  9   "Il faut garder à l'esprit que des listes électorales ne peuvent pas être

 10   utilisées afin de produire une évaluation de l'effectif de la population

 11   dans son ensemble en 1997 et 1998, parce que ce dernier était certainement

 12   plus important que les 2,7 millions de votants enregistrés dans les listes

 13   électorales. Cependant, ces listes électorales peuvent être utilisées pour

 14   élaborer des statistiques relatives à la composition ethnique de la

 15   population et aux déplacés internes et réfugiés pendant la période de 1997

 16   et 1998."

 17   Est-ce que vous vous en souvenez ?

 18   R.  Oui, il me semble, mais j'ai déjà abordé ceci aujourd'hui, comme vous

 19   vous en souviendrez, plus tôt dans la journée dans l'interrogatoire

 20   principal. Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit aujourd'hui, à

 21   savoir que nous ne pouvons pas prendre tel quel la liste des votants

 22   enregistrés comme représentant l'ensemble de la population vivant dans le

 23   pays concerné au moment des élections. Cependant, ces listes électorales

 24   représentent malgré tout un échantillon fiable de la population dans son

 25   ensemble.

 26   Q.  Mais aujourd'hui, vous avez indiqué avoir extrait des chiffres minimaux

 27   de ces liste électorales, si j'ai bien compris, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

Page 15472

  1   Q.  Alors, peut-être que vous ne serez pas d'accord avec moi, mais si l'on

  2   a affaire à des chiffres minima pour les années 1997 et 1998, est-ce que

  3   vous avez procédé à une comparaison entre, d'une part, ces chiffres minima

  4   pour 1997 et 1998, et d'autre part, le total maximal issu du recensement de

  5   1991 ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et cela ne vous a pas posé problème ?

  8   R.  Je ne suis pas sûre de bien vous comprendre.

  9   Quand vous dites comparer, est-ce que vous parlez d'une analyse ou d'une

 10   comparaison au sens strict ? Bien entendu, je suis arrivée à un certain

 11   nombre de chiffres qui concernent également la population et qui se basent

 12   sur les listes électorales. Ces chiffres figurent dans le rapport et en

 13   annexe. Il s'agit du nombre de votants, du nombre de votants enregistrés

 14   dans les listes électorales, par groupe ethnique, par municipalité, et en

 15   regard de ces chiffres, j'ai fait figurer les chiffres correspondant à

 16   l'année 1991. Comme je l'ai signalé aujourd'hui, les chiffres absolus pour

 17   1997 ne correspondent pas à l'effectif total de la population, donc il n'y

 18   a pas de comparaison possible avec la population de 1991. Et je le redis.

 19   Q.  Je vous comprends. Mais veuillez nous comprendre, nous aussi. La

 20   plupart des personnes présentes dans ce prétoire ne sont pas forcément

 21   familières de toutes vos statistiques, de vos méthodes mathématiques et

 22   autres, si bien que j'essaye de traduire ceci dans une langue plus commune

 23   afin de pouvoir comprendre.

 24   Comme vous l'avez dit déjà un certain nombre de fois, dans les listes

 25   électorales de 1997 ne figure aucune information relative à l'appartenance

 26   ethnique des votants. Vous avez dit avoir repris ce champ d'information

 27   particulier du recensement de 1991 en appliquant une méthode de comparaison

 28   ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  D'un point de vue scientifique, peut-on considérer dans ce cas-là qu'on

  3   a affaire à une source indépendante, parce que vous avez une première

  4   source d'information sur laquelle vous collez les données en provenance

  5   d'une autre source d'information ? Est-ce que dans ce cas-là il est

  6   toujours possible de parler d'une source indépendante ?

  7   R.  Je crois que la question de l'indépendance d'une source est tout à fait

  8   dénuée de pertinence ici, parce qu'il s'agit ici de deux sources liées qui

  9   concernent la même population. A ceci près que la population des votants

 10   est un sous-ensemble de la population recensée en 1991. Il n'y a aucun

 11   problème à procéder à un couplage entre les données de ces deux sources

 12   d'information en prenant un certain nombre de données personnelles de la

 13   source A afin de les intégrer dans les données de la source B à des fins

 14   statistiques. Cela ne pose absolument aucun problème ni du point de vue

 15   statistique ni du point de vue de la question de l'indépendance de telle ou

 16   telle source, qui est ici complètement hors de propos.

 17   Q.  Très bien. Concernant l'estimation du nombre d'habitants, de la

 18   population, est-ce que vous conviendrez avec moi que d'une part vous avez

 19   la population de 1991, née avant 1980, et donc il s'agit de la population

 20   susceptible d'avoir atteint l'âge de 18 ans en 1997, 1998, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je ne suis pas sûre d'avoir entendu la question à laquelle je dois

 22   répondre.

 23   Q.  Très bien. Je vais reformuler ma question.

 24   Est-ce que ces personnes nées avant 1980 et incluses dans cette population

 25   ont -- enfin, est-ce qu'il est possible de dire qu'en 1991, on a enregistré

 26   toutes les personnes qui étaient déjà majeures à ce moment-là, mais

 27   également les mineurs qui avaient peut-être 12, 13, 14 ans et qui étaient

 28   susceptibles de devenir des votants en

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  1   1997 ? Est-ce qu'eux aussi ont été enregistrés ?

  2   R.  C'est ce que nous avons fait. Nous avons extrait un sous-ensemble de la

  3   population recensée, sous-ensemble constitué par les personnes qui, à

  4   l'avenir, à partir de 1997 étaient susceptibles d'être en droit de voter.

  5   C'est un sous-ensemble de la population totale, et ceci est tout à fait

  6   exact. Si toutefois c'était votre question.

  7   Q.  Très bien.

  8   Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quelle est la population

  9   qui, en 1991, avait effectivement 18 ans ou plus, à la différence de la

 10   population mineure qui ne serait en droit de voter que plus tard ?

 11   R.  Je ne peux pas le dire de tête. Mais ceci n'est pas pertinent, parce

 12   que la méthode que nous avons employée dans notre étude est une méthode

 13   transversale. Ceci signifie que nous suivons à travers le temps le même

 14   individu. Donc l'âge de cet individu est enregistré dans le recensement de

 15   1991, mais cet âge n'est pertinent que dans la mesure où il nous permet de

 16   déterminer si en 1997 cette personne était susceptible d'être en droit de

 17   voter ou non.

 18   Ce n'est pas comme si on avait en 1991 une vue de la population âgée

 19   de 18 ans ou plus, ensuite en 1997, une autre vue similaire. Nous avons

 20   adopté une approche transversale en suivant le même individu à travers le

 21   temps. Par conséquent, la structure de la population des personnes en âge

 22   de voter en 1991 n'a aucune importance ni pertinence particulières.

 23   Si vous le souhaitez, je peux vous le fournir, en revanche.

 24   Q.  Pour faire suite à votre question, est-ce que vous avez considéré

 25   toutes les personnes qui, en 1991, étaient âgées de 75 ans ou plus comme

 26   des votants potentiels en 1997 ?

 27   R.  Je crois qu'il n'y a pas de limite d'âge pour être en droit de

 28   voter. Mais je suppose que, oui, effectivement, il est possible de

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  1   s'attendre à ce que des personnes âgées, en raison, entre autres, de leur

  2   état de santé, se montrent moins motivées pour remplir leur obligation

  3   d'électeurs. Mais en principe, il n'y a pas de limite supérieure d'âge pour

  4   être en droit de voter.

  5   Q.  J'en conviens. Question suivante : est-ce que vous avez disposé d'une

  6   base de données portant sur le phénomène de la mortalité selon la base de

  7   laquelle vous auriez pu déduire, ou en tout cas exclure du recensement de

  8   1991 toutes les personnes qui ont décédé de causes naturelles en 1992,

  9   1993, 1994 et qui, de ce fait même, n'étaient plus en mesure de voter en

 10   1997 ?

 11   R.  Bien, je disposais d'un certain nombre d'informations concernant les

 12   morts naturelles pendant la guerre. Mais pas en 1996 et 1997. Alors, je

 13   dispose de fichiers des victimes de la guerre pour l'ensemble du pays. Cela

 14   représente environ 90 000 personnes, 90 000 décès. Donc il est évident que

 15   ces personnes ne votent pas, n'est-ce pas ? Et manifestement, toutes les

 16   personnes qui, en vertu du recensement de 1991, sont susceptibles de voter

 17   en 1997 ne seront pas effectivement des votants, une fois l'année 1997

 18   arrivée, mais on enfonce ici des portes ouvertes.

 19   Q.  Je crois que vous avez dit pendant l'interrogatoire principal, qu'en

 20   2004 vous avez reçu à un moment une base de données concernant la

 21   mortalité. Alors, si vous aviez disposé de ces informations, si vous les

 22   aviez incluses, est-ce que vous auriez été en mesure de restreindre la

 23   population, telle que déterminée à partir du recensement de 1991, en

 24   utilisant la même méthode de comparaison que celle que vous avez appliquée

 25   pour déterminer cette question d'appartenance ethnique des votants, si vous

 26   ne m'avez peut-être pas compris.

 27   En tout cas, si j'ai bien compris votre travail, vous avez considéré

 28   qu'un votant enregistré sur les listes électorales en 1997, vous pouviez le

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  1   retrouver dans le recensement de 1991, pour ensuite récupérer dans ces

  2   mêmes données du recensement, l'information concernant son appartenance

  3   ethnique, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous n'étiez pas en mesure d'appliquer le même principe pour

  6   partir de la liste de tous les décès de mort naturelle et pour les exclure

  7   ensuite de la liste des votants potentiels, en 1997 ?

  8   R.  Si ces personnes sont décédées, elles ne sont pas dans les listes

  9   électorales, précisément parce qu'elles sont décédées. Donc ce n'est pas

 10   pertinent.

 11   Mais je ne crois pas que ces décès aient une incidence sur notre

 12   évaluation de la structure ethnique de la population, que ce soit en 1991

 13   ou en 1998. Cela ne donne lieu à aucun biais, qu'il s'agisse des morts

 14   naturelles ou pour causes non naturelles, ou des personnes portées

 15   disparues, cela n'a aucune incidence.

 16   Q.  Donc le recensement de la population de 1991 contient les personnes qui

 17   viennent d'avoir 18 ans, des personnes qui, en 1997, vont avoir 18 ans,

 18   ainsi qu'un certain nombre de personnes qui sont mortes entre le mois

 19   d'avril 1992 et les élections qui vont avoir lieu en 1997. Est-ce que vous

 20   êtes d'accord avec moi ?

 21   R.  Le recensement de la population inclut toutes les personnes qui

 22   vivaient en Bosnie, au moment du recensement. Certaines de ces personnes,

 23   entre-temps, sont décédées soit suite à la guerre, soit de mort naturelle.

 24   C'est un fait, c'est tout ce que je peux vous dire.

 25   Q.  Je pense que vous m'avez déjà dit que pour élaborer ce rapport, vous

 26   vous êtes servie de certains rapports de la Republika Srpska. Ceci étant

 27   dit, ils ne concernaient pas les années 1993 et 1995. Mais est-ce que vous

 28   avez eu recours aux statistiques officielles de la Republika Srpska, son

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  1   institut des statistiques, concernant la population totale en 1996 et en

  2   1997 ?

  3   R.  Non, je ne disposais pas des statistiques concernant la population

  4   venue de la Republika Srpska pour les années 1996 et 1997. Si eux, s'ils

  5   disposaient des statistiques, ils ont dû les faire suite aux évaluations,

  6   aux projections, pour ainsi dire, et pas sur la base des comptes objectifs

  7   du recensement de la population.

  8   Q.  Je suis totalement d'accord avec vous, mais je vais partager cette

  9   information avec vous. Les statistiques officielles de la Republika Srpska

 10   indiquent qu'à Banja Luka il y avait une population totale de 218 519

 11   personnes. Ensuite, on peut lire le chiffre de 86 456, mais qui correspond

 12   aux voteurs, les personnes inscrites sur la liste électorale, qui ont 18

 13   ans et plus. 

 14   Dans votre rapport, vous avez dit que toutes les personnes qui sont parties

 15   travailler à l'étranger avant la guerre, et qui, en 1997, sont revenues

 16   pour voter, qu'elles ont été considérées comme des réfugiés. Est-ce que

 17   vous êtes d'accord avec moi là-dessus ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Dans votre rapport dans l'affaire Milosevic, où vous exposez la

 20   méthodologie de votre travail, vous dites à la page 6, en anglais et en

 21   B/C/S, vous dites que : "s'il n'y avait pas eu la guerre en Bosnie-

 22   Herzégovine, l'émigration d'avant le recensement serait peut-être revenue.

 23   Mais ils se sont inscrits sur les listes électorales pour 1997. Cependant,

 24   comme ils habitaient toujours à l'étranger, nous considérons qu'il faut

 25   considérer toutes ces personnes comme des réfugiés.

 26   R.  Oui, j'ai dit exactement cela.

 27   Q.  Mais sur la base de quels faits vous tirez ces

 28   conclusions ? Autrement dit, est-ce qu'on peut classer dans une catégorie

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  1   statistique les désirs de quelqu'un, les conjectures quant à ce que

  2   quelqu'un aurait fait ou ferait ? Car là, il s'agit d'un élément

  3   exclusivement subjectif, puisque tout à l'heure vous avez parlé

  4   d'objectivité justement.

  5   R.  C'est vrai, je n'ai pas étudié les intentions, les souhaits de revenir,

  6   et cetera.

  7   Cependant, je me suis penchée sur cette question du point de vue

  8   statistique. Dans le rapport dans l'affaire Milosevic, vous avez une annexe

  9   distincte où l'on discute exclusivement de la population qui vit à

 10   l'étranger, et l'impact qu'a l'effet que cette population réside à

 11   l'étranger au moment du recensement de la population sur nos statistiques

 12   sur les réfugiés et les personnes déplacées à l'interne.

 13   Mais c'est quelque chose qui se trouve dans l'annexe de ces rapports,

 14   et je pense que c'est extrêmement pertinent par rapport à la question que

 15   vous venez de poser.

 16   Donc il y avait à peu près 420 000 personnes qui étaient enregistrées

 17   dans ces listes électorales comme des personnes résidant à l'étranger.

 18   Donc la question qui se pose est de savoir quelle est la portion de

 19   ce groupe qui a quitté le pays après le recensement de la population, et

 20   quelle portion a quitté le pays avant le recensement ?

 21   Nous nous sommes penchés là-dessus, et nous avons identifié seulement

 22   28 000 personnes qui ont quitté le pays avant le recensement de 1991. C'est

 23   un tout petit chiffre qui représente un petit pourcentage, et dans notre

 24   annexe, nous ne trouvons pas que ceci a une incidence importante sur nos

 25   statistiques sur les réfugiés, les personnes déplacées, et la composition

 26   ethnique.

 27   Vous avez deux concepts. Vous avez la population de fait et la

 28   population de jure. La population de fait, c'est la population qui,

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  1   effectivement, vit dans le territoire d'un pays, au moment du recensement.

  2   La population de jure, c'est la population qui inclut la population qui y

  3   vit de fait, ainsi que les individus qui résident à l'étranger de façon

  4   temporaire, autrement dit qui ne se trouvent pas physiquement dans le pays

  5   au moment du recensement.

  6   Dans la Bosnie-Herzégovine et toute l'ex-Yougoslavie, c'était un pays

  7   qui était connu pour avoir une grande population émigrée, et le phénomène a

  8   commencé dans les années 1970, et je pense qu'il s'est poursuivi jusqu'au

  9   début de la guerre dans les années 1990.

 10   Donc nous avons fait une comparaison entre la composition des

 11   municipalités de Bosnie-Herzégovine en tenant compte de la population de

 12   fait et de jure, autrement dit en incluant et en excluant les gens résidant

 13   à l'étranger. Le résultat de cet exercice indique qu'uniquement dans deux

 14   municipalités la composition ethnique aurait été différente, différente si

 15   nous avions basé nos statistiques sur la population de fait au lieu de les

 16   baser sur la population de jure. Donc deux municipalités sur un total de

 17   109 municipalités. Et dans ces deux municipalités, il y aurait peut-être eu

 18   une incidence.

 19   Je pense que le pourcentage d'erreur présumé c'est à peu près 5 %, et

 20   c'est un pourcentage accepté généralement dans les statistiques, la marge

 21   d'erreur qui est moindre ou égale à 5 %. Et cela se trouve dans l'annexe B.

 22   Q.  Non, non, non.

 23   R.  Et c'est là que vous pouvez trouver une réponse détaillée à la question

 24   que vous avez posée, et je peux vous dire que l'incidence n'est absolument

 25   pas significative.

 26   Et il faut quand même mentionner que le chiffre total de ces voteurs

 27   qui résident à l'étranger, qu'au moins 100 000 d'entre eux voyageaient

 28   entre leur lieu de résidence permanente en Bosnie-Herzégovine et l'endroit

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  1   où ils travaillaient, en Croatie ou en Serbie, en rentrant chez eux tous

  2   les week-ends. Donc là on parle d'une population de jure alors qu'il s'agit

  3   de gens qui, de fait, habitent dans leur pays. Ceci peut vous expliquer le

  4   problème en partie, parce que moi, je ne peux pas être d'accord avec vous

  5   pour dire que cette population qui résidait de façon temporaire à

  6   l'étranger pose problème ou a une incidence importante sur nos

  7   statistiques.

  8   Q.  Mais vous venez de dire justement que l'ex-Yougoslavie était connue

  9   pour sa population émigrée et que les gens partaient. La population

 10   yougoslave, entre les années 1960 et les années 1990, partait travailler à

 11   l'étranger. Et il faut absolument exclure cette portion là de la population

 12   générale, parce qu'ils ne partaient pas pour des raisons de guerre; c'est

 13   évident. Peut-être que c'est quelque chose qui n'a pas d'importance pour

 14   votre rapport, mais quand même…

 15   R.  Est-ce que vous me permettez un commentaire ? Pour illustrer l'échelle

 16   de l'importance de cette migration liée à la guerre, je vais vous citer un

 17   chiffre. En Bosnie-Herzégovine, vous aviez plus de 2 millions de personnes

 18   qui ont été déplacées, et l'UNHCR a évalué ce chiffre à 2,2 millions.

 19   Si vous tenez compte de la population totale en Bosnie en 1991, qui

 20   comptait à peu près 4,4 millions de personnes, et là vous en arrivez à un

 21   pourcentage de 50 % de gens qui sont déplacés à l'intérieur de la Bosnie ou

 22   qui sont partis à l'étranger. On ne peut absolument pas dire qu'il s'agit

 23   là des gens qui sont partis à l'étranger pour travailler, pour se réunir

 24   avec leur famille, et cetera. On ne peut absolument pas dire cela. En

 25   tenant compte du chiffre absolu, du chiffre total de la population avant la

 26   guerre.

 27    Q.  Je suis totalement d'accord avec vous. On va parler d'autre chose.

 28   Dans votre rapport, à la page 6 en serbe et page 7 en anglais, vous

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  1   dites : "Pour faire le lien entre ces deux bases de données individuelles

  2   et séparées," et là, on fait référence au recensement de 1991 et à la liste

  3   électorale, "nous avons procédé à un couplage complexe. Au cours de ce

  4   processus de couplage, un grand nombre de personnes qui étaient inscrites

  5   sur les listes électorales, à peu près 80 %, a été retrouvé dans le

  6   recensement de la population de 1991."

  7   Est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.   Bien, voyons voir le tableau 1M, à la page 30 en anglais.

 10   M. DI FAZIO : [interprétation] Quel est le rapport que nous sommes en train

 11   d'étudier ?

 12   M. ALEKSIC : [interprétation] Le rapport en l'espèce.

 13   M. DI FAZIO : [interprétation] Le rapport Milosevic ou l'autre ? Ah,

 14   excusez-moi, en l'espèce donc. Très bien. Excusez-moi.

 15   M. ALEKSIC : [interprétation] 65 ter 10399, page 30.

 16   Q.  Vous dites qu'au total, en 1991, tout groupe ethnique confondu, nous

 17   arrivons à un chiffre de 817 898 personnes, et vous avez couplé ces groupes

 18   avec un groupe qui comptait 376 050 personnes correspondant au recensement

 19   de 1997, ce qui correspond à 45,9 %.

 20   Pouvez-vous m'expliquer cela ?

 21   R.  Oui. Ce chiffre 376 000, ce n'est pas le chiffre des personnes couplées

 22   inscrites sur la liste électorale que l'on peut comparer directement au

 23   chiffre de 817 898. Car dans le tableau numéro 1, quand on parle de groupes

 24   de Musulmans ou un autre groupe, nous avons tenu compte des populations à

 25   partir de 1991 et à partir de 1997. Donc c'est un aperçu. La population qui

 26   habitait dans cette municipalité en 1991 et en 1997.

 27   Mais à réfléchir, si vous prenez la population de 1991 et si vous

 28   observez la façon dont ces personnes ont été déplacées ou se sont déplacées

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  1   pendant la guerre et après la guerre, pourquoi voulez-vous vous attendre à

  2   les retrouver exactement dans la même municipalité, vu les informations qui

  3   figurent dans ce tableau ?

  4   Donc ici, nous avons un tableau réparti selon les municipalités des

  5   différentes régions, les municipalités étudiées. Les personnes, par

  6   exemple, de Prijedor, qui habitaient Prijedor, et comptaient 94 000

  7   personnes, dont 40 000 Musulmans, c'est quelque chose que l'on peut lire à

  8   la page 30. Donc 94 000 au total et 40 000 Musulmans à Prijedor. Prijedor,

  9   c'est une des municipalités où il y a eu des mouvements extrêmes de la

 10   population. On en a parlé ce matin. Il y a eu d'énormes groupes de

 11   Musulmans qui ont quitté cette municipalité -- et dans quelques autres

 12   municipalités qui, bien sûr, se trouvaient sur le territoire de la

 13   fédération, et pas en Republika Srpska, selon la définition que nous avons

 14   donnée au territoire. Donc les 40 000 personnes qui vivaient à Prijedor en

 15   1991, évidemment, ce ne sont pas les mêmes personnes que vous allez

 16   retrouver en 1997. Pourquoi ? Parce que les Musulmans sont partis, les

 17   Serbes sont arrivés. Donc les statistiques de 1997, bien, on ne peut pas

 18   faire un lien direct avec la population du recensement de 1991. Aussi, on

 19   trouve la situation telle qu'elle est en 1997, effectivement. On peut faire

 20   ces comptes en nous basant sur les listes électorales.

 21   Mais quand on compare cela au tableau numéro 2, où on parle des

 22   personnes déplacées, alors là on peut faire les comparaisons et on peut

 23   faire le lien, parce que là nous avons la municipalité d'origine ainsi que

 24   le mouvement de la même population vers toutes sortes de municipalités.

 25   Et c'est comme cela qu'on peut établir le lien.

 26   Q.  Mais c'est justement la question que je voulais vous poser. Dans tous

 27   les tableaux, numéro 2, le 2M par exemple. La première colonne, où vous

 28   parlez de "La population totale identifiée en 1991," vous avancez le

Page 15484

  1   chiffre d'à peu près 600 000 personnes, alors que dans un autre tableau,

  2   vous parlez de 300 et quelque 1 000. Pourquoi on voit une telle différence

  3   ? C'est parce qu'il vous importe peu de savoir dans quelle municipalité de

  4   Bosnie-Herzégovine ils ont été retrouvés ?

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous nous montrer le tableau

  6   numéro 2 sur l'écran.

  7   M. DI FAZIO : [interprétation] Il y a une question qui fait suite à la

  8   question posée. On demande au témoin de faire la comparaison, donc là nous

  9   avons un élément de la comparaison, mais avec quoi faut-il le comparer.

 10   Quels sont les autres tableaux auxquels on fait référence ?

 11   M. ALEKSIC : [interprétation] Les tableaux de la réponse précédente. Le

 12   témoin a parlé de ces tableaux numérotés par le chiffre 1, ces différents

 13   tableaux sous 1. Donc tous les tableaux énumérés sous 1, par exemple, le

 14   tableau 1M, on peut lire l'échantillon de la population de 1997, toutes

 15   nationalités confondues, on en arrive à 376 050 personnes, alors que dans

 16   ce tableau-ci, le tableau numéro 2, ce chiffre correspond à

 17   439 601 personnes.

 18   Pourriez-vous donc nous expliquer cette différence.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous examinons le tableau 2. Veuillez

 20   indiquer la page où figure ce tableau.

 21   M. ALEKSIC : [interprétation] C'est la page 28.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 23   M. ALEKSIC : [interprétation] Je vous demande pardon.

 24   M. DI FAZIO : [interprétation] Le tableau commence à la page 37, donc

 25   s'agit-il de la page 38 ou 37 en version anglaise ?

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le tableau numéro 2, semblerait-il,

 27   vient d'être affiché à l'écran.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je commencer ma réponse ?

Page 15485

  1   M. ALEKSIC : [interprétation] Oui, je vous en prie.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour commencer, je souhaite préciser un point

  3   : les tableaux qui figurent à l'annexe A, qu'il s'agisse de l'annexe A1,

  4   A2, A3, ne peuvent pas être utilisés pour préciser le taux de couplage.

  5   Deuxième point, je souhaite préciser qu'il existe deux types de chiffres

  6   relatifs à la population qui figurent dans ce tableau. Dans la première

  7   catégorie figure la population que j'appelle la population "in," donc la

  8   population d'origine, et ce que j'appelle la population "from," donc la

  9   population qui vient d'ailleurs. Alors, qu'est-ce qu'il faut entendre par

 10   ces deux termes ? Il est toujours important de tenir compte du déplacement.

 11   De la municipalité ou de la région d'origine, et il faut tenir compte

 12   également de la municipalité d'arrivée. Donc il s'agit d'un processus à

 13   deux dimensions dont j'ai tenu compte. Et cela peut être vu dans l'annexe

 14   A.

 15   Donc l'annexe A a été élaborée du point de vue des municipalités d'origine.

 16   Là, on énumère les municipalités exactement dans le même ordre dans lequel

 17   elles figurent dans l'acte d'accusation. Ce sont les municipalités d'où les

 18   recensés tirent leur origine.

 19   Donc nous avons les chiffres du recensement pour l'année 1992 [comme

 20   interprété] qui montrent quelle population habitait dans quelles

 21   municipalités en 1991.

 22   Passons maintenant à l'échantillon de la population de 1997. Là se voit

 23   répertoriée la population relevée dans les mêmes municipalités, donc ces

 24   municipalités d'origine, mais pour l'année 1997. Donc nous avons deux

 25   images instantanées. Il est très important de comprendre que la population

 26   de 1997 comprend plusieurs éléments différents. D'une partie, nous avons la

 27   population qui n'a jamais bougé, qui est restée sur place, qui est restée

 28   dans la même municipalité, mais il y a aussi également une population

Page 15486

  1   nouvellement arrivée, qui ne sera pas inscrite dans la liste électorale

  2   dans ces municipalités-là, parce qu'elle est partie de leur municipalité

  3   d'origine. Par ailleurs, il ne s'agit ici que d'un simple échantillon de la

  4   population qu'on peut déduire à partir des listes électorales. Donc les

  5   personnes qui ne se sont pas fait inscrire sur la liste électorale ne sont

  6   pas représentées. Et c'est ce que je répète constamment : on ne peut pas

  7   estimer le nombre total d'habitants en 1997 à partir des listes

  8   électorales.

  9   Par ailleurs, pour l'année 1991, nous avons une certaine composition

 10   ethnique, mais quand nous regardons l'année 1997, ceci n'existe pas. Alors,

 11   la façon dont nous avons procédé, nous avons compilé toutes les données

 12   personnelles pour chaque individu en fonction des différentes municipalités

 13   couvertes par l'acte d'accusation.

 14   Mais si vous regardez le tableau 2, le nombre total d'habitants ne sera pas

 15   le même. Les chiffres ne seront jamais les mêmes.

 16   Q.  Je vous demande pardon. Permettez-moi de vous poser la question

 17   suivante : si je vous ai bien comprise, quand il est question du tableau

 18   numéro 1, nous avons 376 050 personnes qui y figurent, et ce sont des

 19   personnes identifiées dans les 18 municipalités où ces personnes se sont

 20   fait inscrire sur la liste d'électeurs en 1997; mais pour ce qui est des

 21   439 601 personnes, un autre chiffre que nous avons évoqué, il s'agit de

 22   toutes les personnes identifiées qui habitaient dans les 18 municipalités

 23   d'après le recensement, quelle que soit la municipalité de Bosnie-

 24   Herzégovine où vous avez pu les retrouver en 1997, en tant qu'électeurs

 25   figurant sur la liste d'élections ?

 26   Ai-je raison de l'affirmer ?

 27   R.  Pour l'année 1997, nous avons les habitants qui se sont fait inscrire

 28   sur les listes électorales en 1997 dans les municipalités données.

Page 15487

  1   Donc prenons l'exemple de la municipalité de Prijedor. Vous y avez

  2   397 Musulmans. C'est un échantillon de la population musulmane enregistrée

  3   dans la ville de Prijedor en vue de voter lors du scrutin de 1997. Donc ça,

  4   c'est le sens de cet instantané-là. Quel que soit leur lieu d'origine,

  5   c'est le nombre de Musulmans qui se sont fait inscrire sur la liste

  6   électorale en 1997 dans la ville de Prijedor. Ils sont au nombre total de

  7   397 personnes.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Peut-on afficher la page

  9   suivante à l'écran, s'il vous plaît, celle qui représente la municipalité

 10   de Prijedor ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le tableau à la page 38.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame le Témoin, pourriez-vous nous

 13   expliquer ce chiffre ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le tableau 2 est légèrement plus

 15   compliqué. Ici, nous représentons les municipalités d'origine. Donc nous

 16   avons toutes les personnes qui habitaient à Prijedor au moment du

 17   recensement, puis pour l'année 1977 [comme interprété], nous avons

 18   identifié 49 019 Musulmans, quelle que soit la municipalité. Donc 49 019

 19   personnes.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc vous parlez là de personnes qui

 21   habitent toujours dans la ville de Prijedor ou qui habitent ailleurs sur le

 22   territoire de Bosnie-Herzégovine --

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- mais ils sont tous originaires de

 25   Prijedor, ils habitaient tous à Prijedor en 1991 ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] O.K. Merci.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] -- c'est exact. Donc ils se trouvent, en 1997,

Page 15488

  1   à Prijedor, ailleurs en Bosnie-Herzégovine, ou en dehors du pays, s'il

  2   s'agit de réfugiés.

  3   Donc ceci montre le caractère transversal de ces données

  4   statistiques. C'est le nombre total de personnes qui se trouvaient dans la

  5   municipalité de Prijedor en 1991.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'aimerais que vous nous expliquiez

  7   également les autres chiffres.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le chiffre qui figure dans la première colonne

  9   c'est le nombre total d'habitants. Non, je vous présente mes excuses. Ça,

 10   c'est le nombre total d'habitants. C'est dans la deuxième colonne que l'on

 11   retrouve le nombre de Musulmans. Donc la première colonne c'est le nombre

 12   total d'habitants pour la municipalité de Prijedor, quelle que soit leur

 13   appartenance ethnique. Mais dans la deuxième colonne c'est la population

 14   musulmane identifiée en 1997.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous demande pardon. Donc à la

 16   colonne -- --

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- la première colonne répertorie le

 19   nombre total d'habitants, quelle que soit leur appartenance ethnique ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et c'est quoi ce chiffre de 21 964 ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le nombre de personnes déplacées et des

 23   réfugié, parmi le nombre total d'habitants.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] O.K.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Et la colonne suivante --

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- est-ce que nous avons le

 27   pourcentage des réfugiés ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] D'accord. Merci.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle que soit leur appartenance ethnique.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, les trois colonnes suivantes ce sont

  5   les mêmes chiffres sauf qu'ils ne concernent que les Musulmans, c'est-à-

  6   dire un seul groupe ethnique. Donc nous avons 19 658 Musulmans de Prijedor

  7   en 1991, et parmi eux, 19 290 font partie des personnes déplacées et des

  8   réfugiés, ce qui fait 98,1 %.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qui explique la structure de vote en

 11   1997.

 12   Donc nous avons deux types de chiffres relatifs à la population

 13   différents, et il est impossible de procéder à leur comparaison. Vous ne

 14   pouvez pas dire que les chiffres ne sont pas cohérents. Le fait est qu'ils

 15   ne sont pas comparables. Le tableau 1 montre quelle est la composition

 16   ethnique en 1991 et en 1997. Le tableau 2 vise un objectif tout autre. Il

 17   est censé nous montrer combien de personnes ont été déplacées en 1997 et

 18   1998. Donc c'est personnes-là, en 1997/1998, n'habitent toujours pas dans

 19   leur lieu de résidence, dans leur lieu d'origine.

 20   Donc il s'agit de deux tableaux tout à fait différents.

 21   M. ALEKSIC : [interprétation]

 22   Q.  J'ai saisi parfaitement le sens de vos propos, mais penchons-nous

 23   maintenant sur le tableau 1S. C'est à la page 37 en version serbe, et page

 24   36 en version anglaise.

 25   Première ligne, colonne numéro 5, je lis échantillon de la population

 26   en 1997, et il est indiqué que la population serbe compte 271 209

 27   personnes.

 28   Avez-vous retrouvé ce chiffre ?

Page 15490

  1   R.  Je pense que vous parlez de la zone toute entière. Donc 271 209

  2   personnes. Ceci vaut pour la zone tout entière couverte par l'acte

  3   d'accusation, n'est-ce pas.

  4   Q.  Tableau 20, qui figure à la page 39 -- je vous demande pardon, je me

  5   suis trompé. Page 45 plutôt. Pour ce qui est de la version anglaise -- ah,

  6   la voilà.

  7   Ici, nous avons encore une fois les chiffres qui concernent la zone toute

  8   entière couverte par l'acte d'accusation. Colonne numéro 4, je lis

  9   population serbe identifiée en 1997, puis je lis le chiffre de 216 009.

 10   R.  Mais là encore, vous procédez à une comparaison de choses qui ne sont

 11   pas comparables. Il s'agit de deux types de renseignements différents. Ce

 12   chiffre, 216 009, c'est le nombre dérivé à partir de la municipalité

 13   d'origine. Mais en 1997, ces personnes pouvaient être retrouvées n'importe

 14   où sur le territoire de la Bosnie ou ailleurs. Quant au nombre de 216 000,

 15   il concerne la population serbe dans sa totalité dans la zone concernée.

 16   Donc ce sont deux chiffres différents. Il ne faut pas les comparer.

 17   Je suis désolée, mais la migration c'est un processus complexe. La

 18   population commence à se déplacer depuis son lieu d'origine, puis se rend

 19   dans différents endroits et arrive à son point de destination à un moment

 20   donné et y reste. Donc c'est un processus qui a plusieurs facettes, et

 21   c'est ce qui peut être déduit à partir de nos données statistiques.

 22   Q.  Mais je veux bien croire qu'il s'agit d'un processus qui dispose de

 23   plusieurs facettes, mais veuillez comprendre que notre point d'intérêt

 24   consiste en autres choses, et c'est pourquoi nous avons besoin de vos

 25   explications.

 26   Alors, remonte au tableau numéro 1S, qui figure à la page 37 en

 27   version serbe et page 36 en version anglaise. Ce qui m'intéresse ce sont

 28   les pourcentages qui y figurent.

Page 15491

  1   D'après vous, en 1991, la population serbe montait à 44,7 % de la

  2   population majeure. En 1997, ce pourcentage était de 72,1.

  3   Veuillez nous fournir une explication. D'après moi, le pourcentage de

  4   Serbes a été revu à la hausse pour 27,4 %, et non pas plus de 60 %. Si on

  5   parle de la proportion de la population serbe. Vous trouvez peut-être mes

  6   observations ridicules, mais je vous assure que j'ai fait de mon mieux pour

  7   me soustraire aux cours de mathématique il y très longtemps. Alors,

  8   veuillez nous fournir une explication.

  9   R.  Vous avez raison au niveau des pourcentages, mais ceci n'explique pas

 10   la modification générale dans les chiffres.

 11   Donc le pourcentage de 61,3 % est ce qu'on appelle "différence

 12   relative." Donc la différence absolue entre 44,7 % et 72,1 %, vous la

 13   prenez et vous la divisez par le pourcentage initial de 44,7, et c'est

 14   alors qu'une modification dans les pourcentages peut être relevée.

 15   Je pense qu'un autre expert de la Défense avait déjà soulevé cette question

 16   qu'il avait trouvée quelque peu difficile à comprendre, mais il faut être

 17   très attentif. Donc il ne s'agit pas ici d'exprimer la hausse ou la baisse

 18   en pourcentage absolu, parce que cela ne montre pas quelle était la nature

 19   des modifications effectuées. Donc je suis désolée de vous décevoir, mais

 20   du point de vue statistique, les comptes, les décomptes que j'ai faits,

 21   sont tout à fait exacts.

 22   Q.  Je suis très heureux d'avoir une autre profession dont je m'occupe. Je

 23   ne fais que plaisanter, bien évidemment.

 24   Permettez-moi de vous poser quelques autres questions. J'aurais quelques

 25   observations à faire quant aux déplacés internes que vous évoquez dans

 26   votre rapport. Vous en avez par ailleurs également parlé lors de votre

 27   interrogatoire principal.

 28   Revenons au rapport Milosevic, donc le rapport de base. A la page 8,

Page 15492

  1   paragraphe 3 de la version serbe, qui correspond à la page 7, dernier

  2   paragraphe, en version anglaise, vous dites :

  3   "Il faut tenir compte du fait que la définition de déplacés internes

  4   et de réfugiés dont vous vous servez est de nature statistique, et non pas

  5   juridique."

  6   Vous l'avez répété aujourd'hui lors de votre déposition. Alors,

  7   pourriez-vous m'apprendre en quoi consiste cette définition statistique de

  8   personnes déplacées ou de réfugiés ?

  9   R.  Comme je l'ai indiqué déjà aujourd'hui, nous avons comparé les lieux de

 10   résidence en 1991 et au moment où le scrutin a été organisé. Nous nous

 11   sommes appuyés pour ce faire sur des listes électorales qui existaient au

 12   niveau de municipalités.

 13   Alors, il existe une définition juridique de personnes déplacées internes

 14   ou de réfugiés. Ceci implique que la personne avait ressenti une certaine

 15   terreur, parce qu'elle avait fait objet de persécution en raison de son

 16   appartenance ethnique, de sa confession, de la langue, de sa nationalité,

 17   et cetera. Ces définitions juridiques sont utilisées par les organisations

 18   telles que le HCR ou les différents gouvernements lorsqu'il s'agit de

 19   compiler des listes de personnes déplacées et de réfugiés. Pour figurer

 20   dans de telles listes, une personne doit dire que c'est en raison de la

 21   terreur ressentie qu'elle a dû s'enfuir. Une fois une personne enregistrée

 22   dans les listes, elle a le droit de bénéficier d'une certaine forme d'aide

 23   financière. Par exemple, on assure des hébergements appropriés. On fournit

 24   une aide matérielle, et cetera.

 25   Evidemment, nous ne pouvions pas nous servir de ce type de définition,

 26   parce que ce n'est pas quelque chose qui est relevé dans les données que

 27   nous avions à notre disposition. Je pense par ailleurs que même le HCR

 28   n'avait pas des données complètes à cet effet, et la même chose vaut pour

Page 15493

  1   le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Nous nous sommes servis d'une

  2   définition statistique, à savoir, nous avons comparé le lieu de résidence

  3   en 1991 et en 1997. Donc, c'était la municipalité de résidence qui comptait

  4   dans les deux cas de figure. Si elle avait changé entre 1991 et 1997, nous

  5   avons supposé, nous avons présumé, qu'il s'agissait d'une personne

  6   déplacée. Si le lieu de résidence initial avait changé, mais que la

  7   personne se trouvait en dehors de Bosnie, alors nous avons conclu qu'il

  8   s'agissait d'un réfugié.

  9   Par ailleurs, la définition juridique du terme "réfugié" veut elle aussi

 10   qu'il s'agisse d'une personne qui a quitté son pays d'origine pour se

 11   rendre dans un autre pays.

 12   Mais je souligne quand même que nous ne nous sommes pas servis de la

 13   définition juridique, mais de la définition purement statistique.

 14   M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 15   il ne nous reste que quelques minutes. Etant donné que je souhaite aborder

 16   un autre sujet et que je souhaite revoir les questions que j'ai prévues,

 17   parce que je pense que je ferais bien de réduire le nombre, je vous propose

 18   de poursuivre nos travaux demain et de lever la séance pour aujourd'hui.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous levons la séance et reprenons nos

 20   travaux demain à 9 heures.

 21   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, d'accord. On me rappelle que nous

 23   avons une séance ou un volet d'audience supplémentaire demain après-midi

 24   qui se tiendra de 14 heures 30 à

 25   16 heures dans ce même prétoire.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Aleksic, de combien de temps

 28   estimez-vous avoir encore besoin pour en finir demain

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  1   matin ?

  2   M. ALEKSIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrais dire qu'il

  3   s'agirait grosso modo d'une heure, mais je n'en suis pas sûr. Peut-être

  4   aurais-je besoin de moins de temps.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

  6   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi

  7   7 octobre 2010, à 9 heures 00.

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