Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 8 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  6   toutes les personnes présentes dans le prétoire. Ceci est l'affaire IT-08-

  7   91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 10   Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire. Pouvons-nous

 11   avoir les présentations, s'il vous plaît.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Joanna

 13   Korner, Crispian Smith et Selma Sakic pour l'Accusation. Excusez-moi.

 14   Excusez-moi.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la

 16   Défense de M. Stanisic, Slobodan Cvijetic, Tatjana Savic, et Mlle Deirdre

 17   Montgomery.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Me

 19   Krgovic et Daniella Sinobad pour la Défense de M. Zupljanin.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je rappelle au témoin qu'il est

 21   toujours lié par la déclaration solennelle qu'il a prononcée.

 22   LE TÉMOIN : SLOBODAN AVLIJAS [Reprise]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, à vous.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Interrogatoire principal par Mme Korner : [Suite]

 27   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, je voudrais revenir sur un point

 28   particulier, j'ai relu le compte rendu pendant la nuit et je voudrais

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  1   revenir sur une précision concernant le bunker que nous avons évoqué hier,

  2   le bunker de Vogosca.

  3   Vous avez dit aux Juges de la Chambre que vous avez compris que des

  4   personnes étaient détenues dans ce lieu, parce que vous avez vu des

  5   personnes en sortir et circuler autour du bunker, et certains vous ont dit

  6   qu'ils vivaient à l'intérieur du bunker. C'est ce que vous nous dites en

  7   page 15 590 du compte rendu d'audience.

  8   Mais qui étaient ces personnes ?

  9   R.  Je ne connaissais pas ces gens. J'ai simplement vu un groupe de gens

 10   devant l'entrée du bunker. C'était une belle journée, et c'était à

 11   proximité immédiat du bâtiment où nous avions notre réunion. Et ils ne

 12   cachaient rien. Ils ont dit très exactement que ces personnes étaient des

 13   prisonniers.

 14   Q.  Donc les personnes que vous avez vues à l'extérieur du bunker étaient

 15   des prisonniers.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Avez-vous réussi à déterminer à quel groupe ethnique ces prisonniers

 18   appartenaient ?

 19   R.  Non, mais on nous a dit ensuite qu'il s'agissait de Musulmans -- de

 20   Bosniens originaires de hameaux environnant dans la municipalité de

 21   Vogosca.

 22   Q.  Deuxième point, l'entrepôt d'Ilijas, et je voudrais revenir sur les

 23   personnes que vous y avez vues, est-ce qu'elles portaient des uniformes

 24   militaires ou des tenues civiles ?

 25   R.  Je n'ai vu personne en uniforme. Donc je ne peux pas vous dire quelque

 26   chose qui ne serait pas vrai. Ils étaient en tenue civile.

 27   Q.  Je voudrais examiner très rapidement les autres points sur lesquels je

 28   souhaite vous interroger, car je n'ai qu'un temps limité. Très bien.

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  1   Est-ce qu'il est exact de dire, comme vous l'avez indiqué hier, que

  2   le ministère de la Justice a pris le contrôle des centres de détention

  3   pendant la période à partir de la fin de juillet au début août ?

  4   R.  C'est la maison d'arrêt et de redressement qui en a pris contrôle.

  5   C'était un organe du ministère de la Justice. Et cet organe a mis en œuvre

  6   la décision de la présidence portant réorganisation des maisons d'arrêt et

  7   de redressement. C'était à Butmir et donc ces personnes étaient des détenus

  8   qui dépendaient également de cette institution.

  9   Q.  Oui, mais je vous demande ce qu'il en est de la date. Est-ce que

 10   c'était fin juillet, début août ?

 11   R.  Oui, fin juillet. On le voit à partir de ce document. Au moment où les

 12   policiers ont quitté Kula, ce sont les agents et les employés de la maison

 13   d'arrêt et de redressement qui ont pris le contrôle.

 14   Q.  Je ne parle pas que de Kula. Je parle de toutes les autres

 15   infrastructures de détention que vous avez inspectées ou auxquelles vous

 16   avez eu affaire. Ont-elles été reprises en charge par le ministère de la

 17   Justice fin juillet, début août ?

 18   R.  Il ne s'agit dans ce cas précis que de Kula.

 19   Q.  Nous allons examiner un certain nombre de documents. Certains vous ont

 20   déjà été présentés. Mais qui assurait la sécurité des différents lieux où

 21   des personnes étaient détenues jusqu'à fin juillet, début août ? Est-ce que

 22   cela incombait au ministère de la Justice ou à une autre entité ?

 23   R.  Les agents du ministère de la Justice et des maisons d'arrêt et de

 24   redressement n'assuraient la sécurité de personne. Alors à Foca, qui était

 25   loin de chez nous, je ne sais pas si les anciens agents de la maison

 26   d'arrêt et de redressement assuraient la sécurité ou non. Je ne peux rien

 27   vous dire de certain.

 28   Q.  Très bien. Alors, voyons rapidement certains des documents. Vous

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  1   pourriez vous pencher sur le document P165. C'est l'intercalaire numéro 22.

  2   Est-ce là un rapport rédigé par vous-même et un certain Goran Saric à

  3   l'occasion d'une autre inspection à laquelle vous avez procédé dans un

  4   centre de détention ?

  5   R.  Oui. Il s'agit du rapport concernant Bileca. Nous l'avons rédigé en

  6   nous fondant sur la décision prise par le gouvernement qui demandait à ce

  7   que l'on inspecte cette région. Nous avons inspecté les casernes de Bileca,

  8   Trebinje, Gacko, ainsi que la maison des étudiants à Bileca. Alors à Gacko,

  9   il n'y avait pas de camp. Je suis allé auprès du colonel dans la caserne de

 10   Bileca. Ce dernier m'a dit --

 11   Q.  Excusez-moi, mais je voudrais que nous nous concentrions sur ma

 12   question plutôt que sur les éléments que vous souhaitez avancer. Nous

 13   n'avons pas beaucoup de temps.

 14   Ce que je souhaite vous demander concernant ce rapport, c'est à qui vous

 15   l'avez envoyé ?

 16   R.  Très bien. Merci.

 17   Q.  A qui avez-vous fourni ce rapport ?

 18   R.  Au ministre.

 19   Q.  A Bileca, vous avez discuté avec M. Vujovic, qui était le chef du SJB

 20   sur place. Il vous a dit qu'il y avait 140 Musulmans dans ses locaux. Alors

 21   pensait-il aux locaux du SJB ? Est-ce que c'est ce que vous avez compris

 22   lorsque vous parlez de "ses locaux" ?

 23   R.  Il s'agissait du foyer des élèves, et c'étaient des agents de la

 24   police, des employés de la police qui assuraient la sécurité, pour ce qui

 25   concerne ces personnes placées en isolement.

 26   Q.  Très bien. Alors selon votre rapport, ces personnes n'avaient commis

 27   aucun crime mais étaient maintenues sur place dans ces locaux afin que leur

 28   propre sécurité soit assurée. En tout cas, c'est ce que la police vous a

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  1   dit, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. Si je peux peut-être vous proposer une réponse un peu plus

  3   détaillée, en deux phrases.

  4   Q.  Très bien.

  5   R.  A cette époque, la vallée de la Neretva, Mostar, étaient abandonnés par

  6   les groupes paramilitaires. Selon M. Vujovic, le chef du SJB, il y avait

  7   une menace sérieuse d'être victime de revanche. Il était à la tête de la

  8   municipalité et il pensait que des problèmes pourraient se présenter, donc

  9   il a placé ces personnes en isolement et il les a placées dans ce foyer des

 10   élèves. Des femmes apportaient des vivres pour ces personnes. Et lorsque

 11   j'y suis arrivé, c'était la police qui assurait la sécurité.

 12   Q.  Très bien. Alors voici ce qui m'intéresse : si, comme vous l'indiquez,

 13   le chef du SJB disait que ces personnes étaient placées là-bas pour que

 14   leur propre sécurité soit assurée, pourquoi avez-vous recommandé que les

 15   personnes âgées de plus de 60 ans soient relâchées ? Voyez le second --

 16   non, plutôt le troisième paragraphe.

 17   R.  Nous ne savions pas que nous allions trouver ceci sur place, en nous

 18   rendant sur le terrain. Concernant les prisonniers, moi, je partais de la

 19   supposition que nous trouverions des prisonniers, et normalement, dans

 20   cette catégorie, on ne doit pas trouver des personnes âgées de plus de 60

 21   ans, des enfants âgés moins de 16 ans, ni des femmes. C'étaient les

 22   instructions que nous avions reçues, et je m'y tenais.

 23   Q.  Mais d'après votre rapport, et conformément à ce que le chef du SJB

 24   vous a dit, il ne s'agit pas du tout de prisonniers. Il s'agissait de

 25   personnes retenues aux fins de leur propre sécurité. Pourquoi dans ce cas-

 26   là auriez-vous recommandé que les personnes âgées de plus de 60 ans soient

 27   relâchées dans cette zone qui était censée être dangereuse pour eux ?

 28   R.  Alors, peut-être ai-je réagi de façon, en quelque sorte, mécanique, et

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  1   que j'ai omis d'indiquer que nous n'avions trouvé personne qui soit âgé de

  2   plus de 60 ans ou de moins de 16 ans, ni de femmes d'ailleurs. Et je ne

  3   pense pas avoir eu la moindre intention de recommander qu'on relâche

  4   quiconque, notamment lorsqu'on m'a dit qu'il y avait des menaces qui

  5   pesaient sur ces personnes, que la mosquée de la ville avait été détruite

  6   par l'un des groupes paramilitaires. Je pense que les mesures qu'ils ont

  7   prises étaient tout à fait pertinentes.

  8   Q.  Très bien. Alors, paragraphe 3, dernière phrase dans votre rapport,

  9   s'il vous plaît.

 10   R.  Oui, je vois. Il est possible que j'aie dit cela. Je ne sais pas.

 11   Probablement que je me suis tenu d'un peu trop près aux instructions

 12   reçues. Votre remarque est tout à fait pertinente parce que qui pourrait-on

 13   relâcher et remettre en liberté dans de telles circonstances ?

 14   Q.  Monsieur Avlijas, vous saviez, n'est-ce pas, et la police savait

 15   également que ces personnes étaient retenues, maintenues en détention de

 16   façon illégale, uniquement parce qu'il s'agissait de Musulmans. N'est-ce

 17   pas pour cette raison que vous avez fait cette recommandation à la fin ?

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre permission,

 19   je souhaite signaler qu'il s'agit d'une question directrice et d'une façon

 20   de conduire l'interrogatoire principal -- ou on tente tout simplement de

 21   placer la réponse souhaitée dans la bouche du témoin.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je n'ai pas le sentiment qu'il

 23   s'agissait d'une question directrice, Maître, mais j'ai noté que cela

 24   pourrait faire l'objet de remarques ultérieures. Le rapport est sous nos

 25   yeux. On invite le témoin à plusieurs reprises à le commenter, et nous

 26   avons sa réponse. Donc, le reste est sujet à débat.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Tout à fait, mais je pensais que le témoin

 28   souhaiterait peut-être nous dire ce qui s'est véritablement passé. Très

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  1   bien. Avançons.

  2   Q.  Monsieur, passons au document suivant, c'est encore un rapport, un

  3   rapport que vous avez fait, je pense.

  4   On va passer au rapport suivant. C'est le document 65 ter 2825. C'est à

  5   l'intercalaire 25.

  6   Passez à la deuxième page, de sorte qu'on puisse voir la signature.

  7   Est-ce bien votre signature ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  A qui avez-vous remis ce rapport ? On va revenir sur la première page

 10   du rapport.

 11   R.  Au ministère de la Justice, notamment au ministre.

 12   Q.  Là, je vois une traduction bien étrange pour le ministère de la

 13   Justice, mais bon.

 14   Donc, il s'agissait d'une inspection supplémentaire des différents lieux de

 15   détention, et cette fois-ci ces lieux de détention se trouvaient dans la

 16   région autonome; est-ce exact ?

 17   R.  Non. C'est une réunion qui s'est tenue, il s'agissait de représentants

 18   de Banja Luka, de tous les organes de la région. Et M. Milan Trbojevic, le

 19   vice-président du gouvernement chargé de la politique intérieure, a assisté

 20   à la réunion, Dragan Kalinic, le médecin de son état, qui était ministre de

 21   la santé, et puis M. Subotic, mais je pense que je n'ai pas noté son nom.

 22   Eh bien, il était tout à fait logique de s'attendre à ce que le ministre

 23   Mandic soit présent, mais il m'a envoyé pour le représenter - c'était plus

 24   facile pour lui - de sorte que j'ai assisté à cette réunion. Et lors de la

 25   réunion, nous avons débattu des questions qui figurent dans le rapport.

 26   Q.  Donc, ici vous dites qu'il y a eu les représentants de l'armée. Le

 27   général Gvero, non ?

 28   R.  Non, non. Le général Gvero n'était pas présent. Je pense qu'un autre

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  1   général du Corps de Krajina était là, ou bien un autre officier de haut

  2   rang. Vous savez, cela s'est passé il y a bien longtemps. Maintenant, je ne

  3   me souviens plus. Et je ne l'ai pas noté à l'époque.

  4   Q.  Et puis, vous avez aussi les représentants de la municipalité. Là,

  5   c'est la police. Et Stojan Zupljanin était-il présent ?

  6   R.  Oui. M. Zupljanin était là, Simo Drljaca, ainsi que le procureur

  7   municipal, les autres, le président du tribunal de base, du tribunal

  8   municipal, le maire de Banja Luka, feu Predrag Radic, et d'autres

  9   personnes. La salle était pleine.

 10   Q.  Au cours de cette réunion, a-t-on abordé la question de meurtres qui

 11   ont eu lieu dans la région de Koricanske Stijene ?

 12   R.  Oui. Une discussion pénible s'en est suivie, et houleuse, c'est

 13   justement le maire qui était en colère, Predrag Radic, qui a commencé la

 14   discussion. Il était vraiment en colère, en disant que cela jetait le blâme

 15   sur toute la région de Banja Luka, et l'armée s'est jointe à lui. On

 16   parlait d'un crime. Le chef de la SJB de Prijedor était là alors que ces

 17   policiers ont commis le crime. Les membres de l'armée nous ont dit à quoi

 18   ressemblait la localité, puisqu'ils sont allés sur les lieux du crime. M.

 19   Zupljanin a dit qu'il a créé une équipe, qu'ils ont fait une enquête sur

 20   les lieux, qu'une plainte au pénal a été constituée. Et on peut dire de

 21   façon générale que, lors de la réunion, la conclusion à laquelle on a

 22   abouti c'est qu'il fallait absolument faire la lumière sur cette affaire.

 23   M. KRGOVIC : [interprétation] Il y a un problème de traduction. Page 9,

 24   ligne 24, le témoin a dit autre chose. Ici, on peut lire : M. Puvacic, qui

 25   était procureur au niveau du tribunal de base, a demandé à avoir la parole.

 26   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 27   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 28   Mme KORNER : [aucune interprétation] 

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  1   Q.  Oui, effectivement. Monsieur le Témoin, pourriez-vous répéter ce

  2   que vous avez dit au sujet du procureur, parce qu'apparemment ça a été mal

  3   traduit. 

  4   A.  M. Stojan Zupljanin a informé les personnes présentes du fait

  5   qu'une enquête sur les lieux a été faite au niveau de Koricanske Stijene,

  6   qu'une équipe du centre de sécurité de Banja Luka s'y est rendue, et qu'une

  7   plainte au pénal a été constituée. Je ne sais pas s'ils avaient identifié

  8   les auteurs, et que cette plainte a été remise au procureur du tribunal

  9   municipal de Banja Luka. Il était là, il était présent, et on lui a demandé

 10   : Monsieur Puvacic, qu'est-ce qui a été fait à ce sujet ?

 11   Q.  Merci. Et qu'a-t-il répondu, M. Puvacic ?

 12   R.  Eh bien, il a utilisé une phrase habituelle, idiomatique, pour ainsi

 13   dire. Il a dit que l'enquête suivait son cours, et que les auteurs étaient

 14   en fuite. Mais vous savez, c'est difficile de m'en souvenir, puisque

 15   beaucoup de temps s'est écoulé depuis. Cela étant dit, comme c'était

 16   vraiment une discussion pénible, je me souviens de certains éléments.

 17   Q.  Est-ce que c'est M. Puvacic qui a dit que les auteurs étaient en fuite

 18   ? Et M. Drljaca a-t-il dit quoi que ce soit ?

 19   R.  La situation était vraiment difficile, parce qu'il s'agissait de

 20   policiers du poste de police de Prijedor. Mais vous savez, moi, je ne suis

 21   pas un expert en la matière. Donc, j'avais du mal vraiment à avoir un point

 22   de vue précis. Mais moi, j'avais l'impression que tout cela était tourné

 23   contre M. Drljaca, et que c'était à lui de répondre, de dire ce qui s'était

 24   passé. Je pense même que Drljaca a dit qu'il avait essayé d'arrêter les

 25   auteurs, et qu'un ou deux d'entre eux étaient encore en fuite.

 26   Q.  Bien. Mais personne des personnes présentes n'avait de doute quant au

 27   fait que les auteurs du crime étaient des policiers ?

 28   R.  Non, il n'y avait pas de doute là-dessus. C'était dit clairement, et à

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  1   aucun moment, il n'y avait un doute quelconque quant aux auteurs de ce

  2   crime, on savait que c'étaient des policiers.

  3   Q.  M. Zupljanin a-t-il dit quoi que ce soit à M. Drljaca ?

  4   R.  Je n'en suis pas sûr, mais je me souviens d'une situation conflictuelle

  5   entre les deux. Il lui a dit quelque chose dans le sens : "Ce sont les

  6   tiens, tes gars. Ce n'est pas possible qu'ils soient en fuite."

  7   Je me souviens que Drljaca était vraiment en colère. Et je ne me souviens

  8   pas de sa réponse, mais il n'était pas commode, en tout cas.

  9   Q.  Bien.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Ce document peut-il être versé au dossier, et

 11   recevoir une cote.

 12   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1635.

 14   Mme KORNER : [interprétation]

 15   Q.  Pouvons-nous à présent passer à votre rapport principal. Ce rapport

 16   figure déjà parmi les pièces à conviction. Il s'agit de la pièce P393.

 17   Je sais que vous connaissez bien ce rapport, Monsieur le Témoin. Donc, le

 18   27 octobre. Qui a signé cette lettre adressée à la présidence ? Quelle est

 19   la signature que l'on voit à la première page ?

 20   R.  C'est la signature du ministre Mandic.

 21   Q.  Là, c'est un rapport que vous avez écrit, et vous l'avez adressé à M.

 22   Mandic. Est-ce M. Mandic qui vous a demandé de procéder à cette inspection

 23   ?

 24   R.  Oui, il s'agissait de réunions qu'on a eues avant mon départ, il

 25   s'agissait des conclusions du gouvernement, quelque chose de semblable, on

 26   m'a donné l'ordre de visiter toute la région entre Sarajevo et Prijedor. Ce

 27   n'est écrit nulle part, mais je pense qu'il y a eu des pressions de faites

 28   de Genève, parce que là, une réunion s'était tenue, et la présidente de la

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  1   Croix-Rouge internationale aurait dit, au moment de la réunion, que des

  2   choses terribles se produisaient sur le terrain, et que le camp de

  3   Trnopolje était à nouveau en activité, et c'est suite à tout cela que l'on

  4   m'a demandé de faire cette inspection, de visiter différents lieux qu'on a

  5   bien précisés, et de faire un rapport à la fin de la visite.

  6   Q.  Bien. Je voudrais aborder quelques questions au niveau de ce rapport.

  7   Quand vous êtes allé à Vlasenica -- excusez-moi, la page suivante en B/C/S.

  8   On peut lire :

  9   "D'après les informations de la Croix-Rouge internationale, il y aurait un

 10   camp de rassemblement à cet endroit, près de la ville, dans le lieu-dit de

 11   Luke."

 12   Est-ce que vous saviez de quoi il s'agissait là ?

 13   R.  Par la suite, j'ai appris qu'il s'agissait de Susica, et je me suis

 14   demandé si je n'avais pas confondu les deux termes, Luke et Susica. Et je

 15   me souviens que j'avais demandé qu'on me montre une photo; effectivement,

 16   on a pu identifier les camps, c'était bien le lieu que j'avais visité, et

 17   qui correspondait parfaitement à la documentation que l'on avait au sujet

 18   du Susica. Donc, j'ai pu en arriver à cette conclusion sur la base de la

 19   visite, et de la documentation présentée.

 20   Q.  Merci.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Si ceci est contesté, moi, je pourrai montrer

 22   les photos au témoin, mais cela va prendre du temps. Donc, est-ce que cela

 23   est contesté, est-ce que l'on conteste ce que le témoin a effectivement vu

 24   à Susica ?

 25   M. CVIJETIC : [interprétation] Non, non, nous ne contestons pas cela.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur Krgovic ?

 27   M. KRGOVIC : [aucune interprétation]

 28   Mme KORNER : [aucune interprétation]

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, il vous reste dix minutes,

  2   Madame Korner, vu le temps, je pense que vous --

  3   Mme KORNER : [interprétation] Oui, oui, je vais me dépêcher.

  4   Q.  Vous avez parlé de Prijedor, c'est au point numéro 4 dans votre

  5   rapport. Quatrième page en anglais, et troisième page en B/C/S.

  6   Il me faut la page suivante en B/C/S, parce que la partie du texte qui

  7   m'intéresse s'y trouve.

  8   Au niveau du deuxième paragraphe de votre rapport, la partie

  9   concernant Prijedor, vous dites qu'une réunion s'est tenue à Prijedor

 10   pendant votre inspection, et ceci, avec les représentants de la Croix-Rouge

 11   internationale et d'autres personnes. Est-ce que vous vous souvenez si le

 12   Dr Stakic avait participé à la réunion quand vous parliez avec les

 13   représentants et d'autres personnes ?

 14   R.  Oui. Dr Stakic, feu Dr Kovacevic, Simo Drljaca, Simo Srdac [phon], le

 15   président de la Croix-Rouge et député à l'assemblée de la Republika Srpska,

 16   et je pense aussi qu'il était le président du SDS municipal. De notre côté,

 17   il y avait le Dr Aleksic, l'assistant du ministre de la Santé, ainsi que le

 18   Dr Beat, qui était l'assistant --

 19   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la fonction de M. Beat.

 20   Mme KORNER : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce qu'un représentant du journal local était présent, de "Kozarski

 22   Vjesnik" ?

 23   R.  Oui. Oui, je pense qu'un journaliste était présent, parce qu'après j'ai

 24   appris qu'il y avait un article d'écrit là-dessus.

 25   Q.  Est-ce que vous l'avez lu à l'époque ?

 26   R.  Non. On me l'a montré après coup, et cela ne correspondait pas vraiment

 27   à la situation. Il avait un ton un peu provocatif dans cet article. Enfin,

 28   c'est mon opinion.

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  1   Q.  Très bien. Passons maintenant à la municipalité de Sanski Most, s'il

  2   vous plaît.

  3   Mme KORNER : [interprétation] En fait, non, je vous demande pardon. Ce

  4   qu'il nous faut c'est la page suivante en anglais, et gardons la même page

  5   en version B/C/S, s'il vous plaît.

  6   Q.  Dans votre rapport vous indiquez que "les informations qui concernent

  7   l'existence d'un camp à Sanski Most ne sont pas correctes. Quatre personnes

  8   seulement ont été emprisonnées dans cette zone et elles se sont vues

  9   transférer au cours des actions de combat vers le camp de Manjaca…" Alors,

 10   dites-moi, s'il vous plaît, qui vous a fourni cette information sur

 11   laquelle quatre prisonniers seulement existaient sur ce territoire ?

 12   R.  Je l'ai appris de la part de la personne chargée de la sécurité qui m'a

 13   fourni des informations pour Sanski Most et Kotor Varos.

 14   Q.  Qu'est-ce que vous entendez par là lorsque vous dites qu'il s'agissait

 15   d'une personne chargée de la sécurité ?

 16   R.  Il s'agissait d'un officier chargé de la sécurité au sein du Corps de

 17   Banja Luka, et qui était responsable de ces zones particulières dans le

 18   cadre du Corps de Krajina.

 19   Q.  Vous dites que vous n'avez jamais rencontré personne dans la

 20   municipalité de Sanski Most ?

 21   R.  Non, je n'ai jamais rencontré personne, et la même chose vaut, par

 22   ailleurs, pour la municipalité de Kotor Varos.

 23   Q.  Donc vous n'avez jamais essayé de vous renseigner ou de vérifier si ce

 24   que vous disait cet officier chargé de la sécurité vous disait la vérité ?

 25   R.  Je n'avais aucune raison de ne pas lui faire confiance. Par ailleurs,

 26   je n'avais pas suffisamment de temps pour me déplacer partout. Il m'était,

 27   en plus, impossible de me rendre dans les zones où les activités de combat

 28   étaient en cours, et c'est pourquoi je l'ai cru sur parole, d'autant plus

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  1   qu'il m'avait dit que tous les prisonniers avaient été transférés vers

  2   Manjaca. Mais lors de la réunion qui s'est tenue à Banja Luka au mois

  3   d'août, je crois avoir entendu dire que toutes les personnes de la région

  4   de Krajina avaient été transférées vers le camp de Manjaca, et c'est la

  5   raison pour laquelle je l'ai cru sur parole. Je n'avais aucune raison de

  6   douter de lui.

  7   Q.  Ce rapport a été rédigé suite à la tenue de cette réunion à Banja Luka

  8   au mois d'août, alors passons maintenant rapidement aux zones d'Ilidza et

  9   de Hadzici.

 10   M. KRGOVIC : [interprétation] Madame Korner, nous avons un autre problème

 11   de traduction. Le terme "plus tard" n'est pas évident à partir de la

 12   traduction de la réponse faite par le témoin.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Oui, d'accord.

 14   Q.  Vous êtes bien allé dans les municipalités d'Ilidza et de Hadzici,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous décrivez dans le rapport ce que vous avez vu, à savoir que les

 18   prisonniers d'Ilidza se trouvaient dans une prison improvisée, et qui était

 19   organisée et surveillée par le poste de police local. Cette prison

 20   improvisée se trouvait dans les locaux de l'école secondaire d'Ilidza. Et

 21   la même chose vaut pour un gymnase qui se trouvait à Hadzici, là encore

 22   c'était le poste de police qui assurait la sécurité des lieux.

 23   Alors, la police vous a-t-elle permis de faire une visite des lieux ?

 24   R.  Commençons par le village de Hadzici. Dans les installations de Hadzici

 25   se trouvaient des prisonniers musulmans qui avaient été capturés au mois de

 26   mai 1992. Ces personnes ont initialement été transférées vers la prison de

 27   Kula, où elles sont restées jusqu'au mois de septembre ou au mois d'octobre

 28   1992. C'est à ce moment-là qu'un échange de prisonniers entre les camps de

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  1   Kula et de Tarcin a été organisé. C'était un échange total.

  2   Q.  Laissez-moi vérifier ce qui est indiqué dans le compte rendu

  3   d'audience, parce que vous vous êtes emporté un petit peu.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante en version

  5   anglaise, s'il vous plaît. Non. Il faut revenir en arrière. Non, non, non.

  6   En fait, non, c'est la page qu'il nous faut qui concerne Hadzici.

  7   Q.  Dans votre rapport, vous indiquez que 90 personnes ont été hébergées

  8   dans le centre sportif de Hadzici. Alors --

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] Je pense qu'il faut permettre au témoin de

 10   terminer la phrase qu'il avait commencée. Il anticipait la question qui

 11   vient d'être posée par Mme Korner.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Le témoin avait commencé de parler des

 13   prisonniers transférés vers Kula au mois de septembre. Alors moi, je lui

 14   pose la question concernant les 90 prisonniers de guerre évoqués dans ce

 15   rapport.

 16   Q.  Etes-vous en train de nous dire qu'il s'agit des mêmes personnes ?

 17   R.  Oui, c'est précisément ce que je souhaitais vous dire. Il s'agit des

 18   mêmes personnes, puisque l'échange avait échoué, et l'échange avait échoué

 19   parce que le système de transmission ne fonctionnait pas. Donc la solution

 20   la plus simple c'était de les faire revenir à Hadzici. C'était un groupe de

 21   personnes qui ne travaillaient pas comme il le fallait, Qui les a fait

 22   venir vers Hadzici. Ils voulaient se servir de ces prisonniers pour faire

 23   chanter le personnel de Tarcin, et c'est ainsi que ces personnes se sont

 24   retrouvées à Hadzici. La sécurité étant assurée par le poste de police

 25   local. Ils vivaient des conditions minables, et les personnes qui

 26   s'occupaient d'eux souhaitaient se débarrasser de ces prisonniers dès que

 27   possible. Puisque ces prisonniers avaient souffert des choses inimaginables

 28   entre les membres de paramilitaires, c'était absolument terrible, et ils

Page 15630

  1   m'ont confié toutes ces horreurs qu'ils avaient vécues pendant qu'ils se

  2   trouvaient à la prison de Kula. Donc il s'agissait de ce groupe-là.

  3   Q.  Etes-vous en train de nous dire qu'il s'agit d'un seul et même groupe

  4   qui aurait été emprisonné au mois de mai, puis transféré vers la prison de

  5   Kula ? Mais comment se fait-il alors qu'ils ont été roués de coups par les

  6   militaires au mois de juin ?

  7   R.  Cela ne s'est pas produit au mois de juin, cela s'est produit au mois

  8   de mai. Avant leur transfert vers la prison de Kula, ils avaient subi des

  9   sévices qui leur ont été infligés par les paramilitaires à Hadzici.

 10   Q.  Donc vous avez vu ces personnes au mois d'octobre à Hadzici.

 11   R.  Non. Ces mêmes personnes qui se sont retrouvées dans le village de

 12   Hadzici, je les avais contactées aux mois de juin et de juillet pendant

 13   qu'ils se trouvaient à Kula, parce qu'à l'époque ils avaient le droit de

 14   circuler librement dans le centre de la prison. Mais comme j'avais vécu

 15   pendant de longues années dans le village de Hadzici, et comme, parmi les

 16   prisonniers, j'avais beaucoup d'amis, je me suis adressé au personnel qui

 17   assurait la sécurité et je leur ai demandé de me permettre de voir quelques

 18   prisonniers, et c'est alors que les prisonniers m'ont fait part de tous les

 19   sévices qu'ils avaient subis.

 20   Q.  A quel endroit vous ont-ils confié ces sévices et ces tortures dont ils

 21   ont fait l'objet ?

 22   R.  Ils l'ont fait dans le centre sportif au moment de leur arrestation au

 23   mois de mai, donc avant leur transfert vers la prison de Kula.

 24   Q.  Mais ce ne sont pas du tout les mêmes individus que les personnes

 25   provenant de Hadzici et avec qui vous avez parlé à Ilijas, ou s'agit-il

 26   d'un seul et même groupe de personnes ?

 27   R.  Non, les prisonniers d'Ilijas, là c'est une histoire à part. A Ilijas,

 28   j'étais bien connu parce que j'y allais dans mes fonctions officielles.

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  1   Mais quant à Hadzici, j'y avais vécu pendant 20 ans. J'y exerçais les

  2   fonctions du président de la cour municipale pendant huit ans, et

  3   j'occupais toute une série d'autres postes. Beaucoup de personnes me

  4   connaissaient, et j'ai été absolument dévasté de voir ces personnes se

  5   retrouver dans une situation pareille.

  6   Q.  Essayons d'organiser vos propos et essayons d'apporter un ordre

  7   chronologique à ce que vous dites. Alors, ces personnes qui venaient de

  8   Hadzici, et à qui vous avez parlé dans le village d'Ilijas au mois de juin

  9   --

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Monsieur, hier vous nous avez dit que vous aviez parlé aux prisonniers

 12   de Hadzici pendant que vous y étiez au mois de juin. Alors, les 90

 13   prisonniers de guerre décrits dans votre rapport, s'agit-il du même groupe

 14   ou d'un groupe différent ? Oui ou non ? C'est tout ce que je souhaite vous

 15   entendre dire.

 16   R.  Non. A Ilijas se trouvait un groupe de personnes, et à Hadzici se

 17   trouvait un autre groupe de personnes.

 18   Q.  Merci. Au mois d'octobre, la police vous a-t-elle permis de voir les

 19   prisonniers qui se trouvaient à Hadzici ?

 20   R.  Les policiers ressentaient beaucoup d'animosité à mon égard, donc

 21   l'intervention de leur chef était nécessaire pour qu'on me permette de

 22   faire un tour des lieux, de procéder à une inspection, et je vous signale

 23   que les conditions dans lesquelles ces gens étaient tenus n'étaient pas à

 24   la hauteur des normes prévues par les conventions de Genève.

 25   Q.  Et qu'en est-il de la prison d'Ilidza ? Vous a-t-on permis de pénétrer

 26   dans les locaux de l'école secondaire où se tenaient les prisonniers ?

 27   R.  Dans le village d'Ilidza, je n'ai pas eu la chance d'y entrer. Les

 28   policiers qui assuraient la sécurité ne m'ont pas permis d'entrer. Et quand

Page 15632

  1   j'ai demandé à parler à leurs supérieurs, ils ne s'y trouvaient pas, ils ne

  2   se trouvaient pas au poste de police. Tout ce que je savais, c'est qu'il y

  3   avait une école secondaire qui s'y trouvait où il y avait plusieurs salles

  4   de classe et une seule salle de toilette. Donc, les conditions dans

  5   lesquelles les prisonniers étaient tenus n'étaient pas celles qu'elles

  6   auraient dû être, et je l'ai indiqué dans mon rapport.

  7   Q.  Très bien. Et finalement, dans la conclusion de votre rapport, vous

  8   dites, c'est --

  9   Mme KORNER : [interprétation] Peut-on afficher la dernière page en B/C/S,

 10   s'il vous plaît.

 11   Q.  "Dans les cas de Zvornik, de Hadzici et d'Ilidza, nous voyons que les

 12   membres des postes de police maintiennent un certain nombre de personnes en

 13   détention alors qu'ils ne sont pas compétents de le faire et qu'il est

 14   impossible de le justifier en vue des actes commis par ces personnes. Donc,

 15   les policiers ne sont pas compétents pour détenir des personnes en prison

 16   plus de trois jours."

 17   Est-ce bien votre point de vue que vous exposez ici ?

 18   R.  Oui, tout à fait. Je me suis conformé au sens commun et aux

 19   dispositions juridiques en vigueur. Le Code sur la procédure pénale définit

 20   quelles sont les compétences de la police. La police n'a le droit de tenir

 21   des personnes en détention que pendant trois jours au maximum. Alors, je ne

 22   sais pas s'il existait d'autres conditions qui étaient en place, mais j'ai

 23   exprimé mon point de vue, puisque j'étais un juriste.

 24   Q.  Par conséquent -- en fait, je pense que ce document a déjà été versé au

 25   dossier, donc il est superflu de vous le présenter.

 26   Mais pour conclure, pour en terminer avec votre interrogatoire,

 27   Monsieur Avlijas, les centres de détention que vous avez inspectés au cours

 28   de cette période, qui va de la fin du mois de mai jusqu'au mois d'octobre

Page 15633

  1   1992, qui assurait la sécurité des personnes détenues ?

  2   R.  Cela variait d'une localité à l'autre. Dans certains endroits,

  3   c'était l'armée qui s'en chargeait, ailleurs c'était la police. Par

  4   exemple, à Zvornik, les circonstances étaient telles que c'était la police

  5   qui devait assurer la sécurité d'une quarantaine de détenus, mais ces

  6   prisonniers, la police les avait repris des mains de l'armée. Ils avaient

  7   été placés dans une salle en attendant leur échange. A Hadzici, il

  8   s'agissait de la police, à Ilidza la police, la même chose vaut pour

  9   Bileca. Donc, je l'ai indiqué dans mon rapport. Mais je ne sais pas comment

 10   cela est arrivé, quel était le concours de circonstances qui l'a provoqué.

 11   Q.  Et qu'en est-il des autres localités que vous avez inspectées et

 12   décrites, je pense notamment à Ilidza, à Ilijas, à Vogosca, dans toutes ces

 13   localités c'était la police qui assurait la sécurité, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je pense qu'il arrivait que les forces de la police et de l'armée

 15   soient combinées. A Vogosca, on savait que la personne en charge avait

 16   exercé les fonctions de policier avant la guerre. Donc, on pouvait en

 17   déduire que c'était la police qui assurait la sécurité. Pour ce qui est

 18   d'Ilijas, il me semble que c'est l'armée qui assurait la sécurité, bien que

 19   je ne sois pas tout à fait certain. Et pour ce qui est de Vogosca,

 20   certainement c'était Brano Vlaco qui s'en chargeait. C'est lui qui a

 21   assisté à la réunion que nous avons organisée, par ailleurs, et c'est ainsi

 22   que nous avons pu constater que c'était donc la police qui assurait la

 23   sécurité. Alors, je ne sais pas s'il s'est servi de la police de réserve ou

 24   de la police d'active. Là, je n'en sais rien.

 25   Q.  Et finalement, vous dites que la police vous avait interdit l'accès aux

 26   installations dans le village d'Ilidza. Avez-vous porté plainte ? Ceci

 27   n'est pas indiqué dans votre rapport. Vous êtes-vous plaint auprès de

 28   quelqu'un à ce sujet ?

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  1   R.  Eh bien, j'ai indiqué au ministère qu'il m'a été impossible de pénétrer

  2   dans les locaux, j'ai expliqué que le chef, M. Petko Budisa [phon], ne se

  3   trouvait pas au poste de police et c'est pourquoi il n'a pas pu permettre

  4   mon accès. J'ai dit au ministre à quoi ressemblait l'école de Hadzici, et

  5   je lui ai signalé qu'il serait intelligent de ne pas laisser ces

  6   prisonniers sur les lieux, parce qu'il existait un risque que les

  7   paramilitaires pouvaient se venger à leur encontre et que, par ailleurs,

  8   les conditions dans lesquelles ces personnes étaient détenues étaient

  9   absolument lamentables, et effectivement, on a suivi mon conseil un peu

 10   plus tard.

 11   Q.  Merci, Monsieur.

 12   R.  Je vous en prie.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Cvijetic, à vous.

 14   Contre-interrogatoire par M. Cvijetic : 

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Avlijas.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Commençons par la fin de votre interrogatoire, de ce que vous venez de

 18   dire à propos de Vogosca et de Brano Vlaco, dites-moi à quel moment avait-

 19   il exercé les fonctions de policier ?

 20   R.  C'était avant le début de la guerre. Et tout au début, il était, par

 21   ailleurs, toujours membre du poste de police à Vogosca.

 22   Q.  Et savez-vous qu'il avait pris sa retraite avant la guerre ?

 23   R.  Non, je ne le savais pas.

 24   Q.  Et saviez-vous que la cellule de Crise locale l'avait engagé pour

 25   assurer --

 26   Les interprètes signalent qu'il faut ménager une pause entre ma question et

 27   votre réponse.

 28   Mais permettez-moi de me retrouver dans le compte rendu d'audience.

Page 15636

  1   Voilà la question que je vous ai posée était de savoir si vous saviez

  2   qu'il avait pris sa retraite, à la veille de la guerre ?

  3   R.  C'est la première fois que j'en entends parler.

  4   Q.  Et savez-vous que la cellule de Crise locale l'avait engagé pour

  5   assurer la sécurité du bunker ? Je pense que c'est du bunker qu'il a été

  6   question tout au long.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Alors, saviez-vous que c'était la cellule de Crise locale qui l'avait

  9   engagé pour s'en occuper ?

 10   R.  Je ne pense pas que nous en ayons discuté, mais ceci est certainement

 11   vrai, parce qu'on ne pouvait rien faire sans l'aval de la cellule de Crise.

 12   Q.  Très bien. Permettez-moi de vous présenter deux documents.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Peut-on afficher à l'écran, s'il vous plaît

 14   -- veuillez patienter un instant, s'il vous plaît. 1D04- 3059, c'est

 15   l'intercalaire numéro 12 dont il s'agit.

 16   Nous avons demandé la traduction de ce document, puisqu'il s'agit

 17   uniquement de noms et de prénoms, je crois que nous n'aurons pas de

 18   problème avec ce document. Les interprètes vont nous assister, et ils me

 19   suivront. Alors, je peux donner lecture du titre de ce document, peut-être.

 20   Il est indiqué, je cite :

 21   "Liste des agents d'active du poste de police serbe de Vogosca," et

 22   ensuite, on a, entre parenthèses, une abréviation qui signifie revenu

 23   personnel ou paie pour le mois de mai 1992.

 24   Q.  Monsieur Avlijas, penchez-vous avec soin sur cette liste, s'il vous

 25   plaît. Quand vous aurez fini d'examiner cette page, dites-le-moi pour que

 26   je puisse passer à la suivante.

 27   R.  Je l'ai examinée.

 28   Q.  Dans ce cas-là, passons à l'autre page du document. Avez-vous pu voir

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  1   les noms qui figurent ici ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  M. Brano Vlaco ne figure pas sur cette liste, n'est-ce pas ?

  4   R.  En effet.

  5   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais qu'on

  6   verse ce document aux fins d'identification, en attendant la traduction qui

  7   est en cours.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Je m'attendais à ce que Me Cvijetic se livre

  9   à cette tentative. Tout d'abord, pour des raisons évidentes, il n'a pas

 10   demandé au témoin s'il avait déjà vu ce document, parce qu'il sait

 11   particulièrement que le témoin aurait répondu par la négative.

 12   Deuxièmement, je suis sûr que ceci a été fait par inadvertance, et

 13   que Me Cvijetic n'a absolument pas l'intention d'induire en erreur qui que

 14   ce soit, mais demander le versement en tant que pièce à conviction de ce

 15   document qui a été présenté dans le cadre d'un autre témoignage concernant

 16   les événements de Vogosca, donc, une liste dressée par la police de

 17   Vogosca, liste des membres d'active et de réserve datée du 28 mai, et

 18   présentée dans cette autre déposition, je voudrais que l'on n'oublie pas

 19   que dans cette liste, le nom de Brano Vlaco figure, ce que j'ai dit hier.

 20   Alors, je n'ai pas très bien compris hier si cela a été controversé ou non,

 21   parce que cela n'a pas donné lieu à la moindre objection, mais je ne vois

 22   pas comment on peut verser ce document par l'intermédiaire de ce témoin,

 23   compte tenu de ces éléments, et encore moins compte tenu du fait qu'il n'y

 24   a pas de traduction.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] De plus, outre le document auquel

 26   Mme Korner vient de faire référence, je ne suis pas sûr de voir très bien

 27   quelle est l'utilité de ce document, même en supposant que nous disposions

 28   de cette traduction. C'est un document qui, d'après vous, est censé montrer

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  1   l'absence d'un nom. Je ne vois pas quel type d'argument vous pourriez

  2   élaborer sur cette base. Donc, je ne m'attends pas à ce que ce document

  3   puisse être considéré comme pertinent, en tout cas, au mieux, il aurait une

  4   valeur vraiment très faible du fait que vous mettez en avant l'absence d'un

  5   événement dans ce document.

  6   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ce

  7   document est tout à fait clair, et j'ai l'intention de m'y référer dans les

  8   questions que je poserai au témoin.

  9   En effet, nous avons entendu un témoin qui --

 10   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, mais je souhaite vraiment

 11   connaître la position de la Défense. On est en train d'avancer quelque

 12   chose maintenant, alors que ça n'a pas du tout été avancé pendant que le

 13   témoin qui pouvait en parler était présent. Est-ce qu'on essaie de suggérer

 14   que Brano Vlaco n'était pas membre du poste de police de Vogosca au mois de

 15   mai 1992 ? Si tel est le cas, je pense que cela aurait dû être avancé de

 16   façon très claire, initialement, lors de la déposition du premier témoin.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, nous souscrivons

 18   à la position de Mme Korner. Alors, qu'en est-il ?

 19   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons

 20   utilisé ce document pendant la déposition de ce témoin, et nous avons

 21   établi ce que je m'apprête à montrer, en m'appuyant sur encore deux autres

 22   documents, et ce que nous avons établi, je ne peux pas le dire devant le

 23   témoin, tant que je ne lui présente pas les documents en question.

 24   On a utilisé trois documents, et sur la base de ces trois documents,

 25   nous avons conclu ce que le témoin vient précisément de dire. En répondant

 26   à ma question, la question de savoir si c'était la cellule de Crise qui

 27   aurait peut-être pu lui confier cette mission, le témoin précédent était en

 28   mesure de s'exprimer sur ce point, il a répondu par l'affirmative, je

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  1   m'apprêtais à utiliser ces trois documents qui ont déjà été utilisés avec

  2   le témoin précédent.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, avant de nous

  4   aventurer trop loin, la position de Mme Korner fait sens. Je crois qu'elle

  5   est tout à fait en droit de vous demander quelle est votre position. Est-ce

  6   la position de la Défense de Mico Stanisic que Brano Vlaco n'était pas un

  7   membre, un employé de la police à ce moment-là, pendant la période qui est

  8   pertinente ? Parce que comme Mme Korner l'a signalé, l'Accusation était en

  9   droit de considérer que cela n'était pas controversé jusqu'à présent, et

 10   nous vous prions de bien vouloir répondre à la question de Mme Korner sur

 11   ce point très précis.

 12   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, voilà, on vient

 13   de m'informer que ce document auquel je me réfère figure également dans la

 14   liste 65 ter. Ce n'est pas un nouveau document, il a déjà été utilisé et

 15   présenté au témoin précédent, mais avec une autre référence, apparemment.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, ce n'est pas la

 17   question qui vous est posée, mais je vais réessayer. Est-ce la position de

 18   la Défense de M. Stanisic que Brano Vlaco n'était pas policier au mois de

 19   mai 1992 à Vogosca ? Oui ou non ?

 20   M. CVIJETIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, tout ceci

 21   ressort de ce que j'ai dit, et je souhaite pouvoir présenter ces trois

 22   documents pour pouvoir l'étayer, mais on ne me le permet pas. C'est la

 23   cellule de Crise qui l'a nommé, parce qu'il avait pris sa retraite avant la

 24   guerre, et il n'était pas membre de ce poste de police. Et nous avons déjà

 25   examiné cette question avec l'un des témoins, et nous avons même un

 26   document émanant d'un tribunal, que vous n'avez pas accepté de verser sur

 27   ce point.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic, on ne vous empêche pas

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  1   de remettre en cause ceci, si c'est vraiment un élément de votre cause.

  2   Mais afin que les choses soient tout à fait claires, ce que nous disons,

  3   c'est qu'au vu de ce qui semblait être votre position jusqu'à présent, tant

  4   du point de vue de la Chambre que de l'Accusation, avant de vous aventurer

  5   sur ce terrain, nous avions l'impression que vous ne remettiez pas cela en

  6   question. Alors, est-ce que vous maintenez que vous contestez ceci, en fait

  7   ?

  8   M. CVIJETIC : [interprétation] Eh bien, je ne sais pas comment vous êtes

  9   parvenu à cette conclusion, Monsieur le Président, mais évidemment que je

 10   remets ceci en question, bien entendu. C'est tout à fait clair, au vu des

 11   réponses du témoin et de celles du témoin précédent.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maintenant, nous savons la direction que

 13   vous prenez. Veuillez poursuivre.

 14   Mme KORNER : [interprétation] Très bien. Mais nous n'avons eu de cesse de

 15   répéter ceci, Monsieur le Président -- ou plutôt, nous n'avons eu cesse de

 16   dire que Me Cvijetic doit cesser de déposer en indiquant que c'était la

 17   cellule de Crise qui avait nommé cette personne.

 18   Deuxièmement, si c'est là la cause de la Défense, je veux dire très

 19   clairement que nous aurions dû avoir un contre-interrogatoire du témoin

 20   précédent concernant ce document précis qui montre M. Brano Vlaco, au

 21   numéro 63 de cette liste, figurant comme un des membres d'active ou de la

 22   réserve de la police. Et je voudrais insister sur ceci, lorsque la Défense

 23   a un élément positif à avancer au titre de sa cause, cela devrait être fait

 24   de façon tout à fait claire et adéquate.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je pense que nous avons déjà rendu une

 26   ordonnance à cet égard. Donc, si jamais la Défense n'est pas en mesure de

 27   se conformer à cette obligation, les conséquences seront inévitables. Je ne

 28   crois pas qu'il soit nécessaire, Madame Korner, que vous preniez ce type de

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  1   position, et que vous insistiez.

  2   M. CVIJETIC : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maintenant que nous avons compris quelle

  4   était votre position, nous allons verser ce document aux fins

  5   d'identification en attendant sa traduction -- attendez, excusez-moi.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons tiré tout

  8   cela au clair. La liste que je viens de présenter au témoin a été présentée

  9   ou versée comme document du Procureur lors de la déposition d'un témoin

 10   protégé. Je vais vous donner les deux références. Il s'agit du P1504, et

 11   également, la référence P1519. Et nous avons tiré ceci au clair.

 12   M. Brano Vlaco n'a intégré le poste de police de Vogosca qu'au mois

 13   de novembre 1992, lorsqu'il a --

 14   Mme KORNER : [interprétation] Ceci est totalement absurde. Maître Cvijetic,

 15   je voudrais que vous cessiez de déposer de cette sorte, quant à ce

 16   document, une fois que nous aurons la traduction, bien entendu; nous sommes

 17   dans une situation dans laquelle bien que le témoin ne puisse rien dire de

 18   pertinent sur ce document, nous n'avons pas soulevé d'objection.

 19   Donc, cette façon de déposer par l'intermédiaire du conseil devrait

 20   maintenant cesser.

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. La décision de la Chambre, à

 22   la majorité, est que ce document ne saurait être versé, ni même versé aux

 23   fins d'identification par l'intermédiaire de ce témoin. Je suis le seul à

 24   ne pas être d'accord.

 25   M. CVIJETIC : [interprétation] Très bien. Je vais présenter le document

 26   suivant, qui est le 1D04-3601. Dans le cas de ce document, nous attendons

 27   aussi une traduction. L'intitulé indique qu'il s'agit d'une "Liste des

 28   membres d'active du poste de police de Vogosca au mois de mai 1992."

Page 15642

  1   Q.  Monsieur Avlijas, pouvez-vous examiner cette liste, et une fois que

  2   vous aurez fini, nous passerons à la page suivante.

  3   R.  J'ai fini.

  4   Q.  Voilà --

  5   R.  Un instant. Allez-y.

  6   Q.  Monsieur Avlijas, je vais vous présenter le point du vue qui est celui

  7   de la Défense. M. Brano Vlaco n'était pas membre du poste de police de

  8   Vogosca au mois de mai 1992. Si vous vous en souvenez bien, vous avez dit

  9   hier que des représentants de la cellule de Crise vous l'ont présenté, et

 10   que c'était la cellule de Crise qui l'avait nommé afin de s'acquitter de

 11   ces tâches, et vous l'avez redit aujourd'hui.

 12   Alors, après avoir examiné ce document, est-ce que vous pouvez confirmer ce

 13   que vous nous avez déjà dit, cette position qui était la vôtre ?

 14   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Avlijas.

 15   Maître, vous ne pouvez pas induire ainsi en erreur la Chambre. Si

 16   vous souhaitez présenter cette affirmation au témoin -- en fait, je devrais

 17   m'adresser plutôt aux Juges.

 18   Si Me Cvijetic souhaite avancer cette théorie, il a l'obligation de

 19   présenter des documents qui viennent contredire cette position qui est la

 20   nôtre, mais il ne peut pas se baser sur ce que le témoin a dit jusqu'à ce

 21   stade, en lui demandant s'il maintient ou s'il change sa position selon

 22   laquelle M. Vlaco aurait été officier de police, parce que c'est induire en

 23   erreur que de procéder ainsi. Il doit présenter un document, et puisqu'il

 24   présente le document P1506, puisqu'il le mentionne, ce document est daté du

 25   25 mai, il s'agit donc du poste de police de Vogosca, de la liste des

 26   membres de ce poste, membres d'active et membres de la réserve, et il doit

 27   le faire en bonne et due forme.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] Très bien. Alors, présentons donc le

Page 15643

  1   document de l'Accusation qui porte la cote P1504.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître, il me semble que vous faites

  3   face à une tâche -- non, je ne sais pas si elle est impossible, mais quelle

  4   utilité y aura-t-il à présenter au témoin deux documents contradictoires,

  5   et à lui poser ensuite une question ? Parce qu'il n'y a de conclusion ni

  6   d'un côté ni d'un autre. Et c'est la tâche des Juges de la Chambre que de

  7   peser le pour et le contre, en dernier ressort. Donc, quel intérêt y a-t-il

  8   à persister dans cette voie ?

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] Ces documents ne sont pas contradictoires.

 10   Le document qui a déjà été versé est absolument identique à celui que je

 11   viens de présenter.

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que c'est du document P1504

 13   dont il s'agit ou du document P1506 ? Lequel devons-nous examiner ?

 14   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit du document

 15   P1506, datant du 28 mai. J'ai indiqué la référence 1504 à M. Cvijetic,

 16   alors c'est moi qui lui ai indiqué. Et si l'on passe à la troisième page en

 17   anglais, nous voyons, au numéro 63, ce qu'il en est.

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si nous avons cette pièce 1504 dont

 20   ce nom est absent, et la pièce 1506 où le nom figure, il y a bien une

 21   contradiction, cette contradiction qu'évoquait le Président, non pas une

 22   contradiction entre la pièce 1504 et le document que nous n'avons pas

 23   accepté de verser, celui que vous souhaitiez verser, mais la contradiction

 24   entre les pièces P1504 et P1506.

 25   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous disposons des

 26   livres de paie de ce poste de police pour tous les mois concernés; mai,

 27   juin, juillet, août et jusqu'au mois de novembre. Nous avons tous ces

 28   livres de paie. Alors, manifestement, le témoin ne se prête pas au

Page 15644

  1   versement de ce type de document par son intermédiaire. En revanche, dans

  2   toutes ces listes, on ne retrouve pas le nom de Brano Vlaco.

  3   Nous avons tiré au clair cette question avec le témoin qui était un témoin

  4   protégé, et il a indiqué à partir de quel moment M. Brano Vlaco a commencé

  5   à être employé au poste de police. Donc, je vais me limiter avec le témoin

  6   présent à une question très précise.

  7   Q.  Monsieur Avlijas, de quelle façon ce jour-là, M. Brano Vlaco vous a-t-

  8   il été présenté, qui vous l'a présenté et en quelle qualité ?

  9   R.  A cette réunion à laquelle nous étions présents, Brano Vlaco était, lui

 10   aussi, présent, entre autres, et il nous a été dit qu'il était chargé

 11   d'assurer la sécurité des personnes détenues, tenues prisonnières. Je crois

 12   qu'il était en uniforme de camouflage et j'en ai conclu qu'il était

 13   policier. Plus tard j'ai appris à titre privé qu'il avait été officier de

 14   police précédemment, mais je n'avais jamais entendu qu'il était à la

 15   retraite.

 16   Q.  Vous avez parlé d'un uniforme de camouflage de la police plutôt qu'un

 17   uniforme de camouflage militaire ?

 18   R.  Eh bien, je ne pourrais pas en être sûr à l'époque, parce que les gens

 19   portaient toutes sortes d'uniformes.

 20   Q.  Donc, vous n'excluez pas --

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Un instant, Maître. Le compte rendu

 22   d'audience n'est pas complet. Il y a eu chevauchement de la question et de

 23   la réponse. En tout cas ce qui est consigné indique, je cite, dans la

 24   réponse du témoin : "Ultérieurement j'ai appris à titre privé qu'il avait

 25   été officier de police," et je me demande si c'est vraiment ce que le

 26   témoin a dit.

 27   Deuxièmement, je voudrais demander au témoin si ce qu'il a compris ce jour-

 28   là c'est que M. Vlaco était censé représenter le SJB de Vogosca. Est-ce que

Page 15645

  1   c'était votre compréhension de la situation, Monsieur le Témoin, au moment

  2   où vous avez rencontré M. Vlaco ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que je me suis trompé, mais c'est la

  4   façon dont j'ai compris la chose. Très franchement, aujourd'hui j'entends

  5   dire pour la première fois que Brano Vlaco aurait pris sa retraite avant la

  6   guerre. Je sais, en revanche, qu'il s'est présenté comme un policier, comme

  7   un agent employé par la police à l'époque.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, comment avez-vous

  9   appris que M. Vlaco avait pris sa retraite avant la guerre aujourd'hui ?

 10   D'où cette information vous vient-elle aujourd'hui ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai entendu de la bouche de Me Cvijetic.

 12   C'est lui qui m'a demandé si je savais qu'il avait pris sa retraite.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Et c'est vraiment la première fois que

 15   j'entends cela.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   Mme KORNER : [interprétation] C'est l'objet même de la préoccupation qui

 18   est la mienne quant à la façon dont les questions sont posées. C'est une

 19   façon pour le conseil de la Défense de fournir des éléments de témoignage

 20   que le témoin prend pour argent comptant alors qu'en fait il ne sait pas.

 21   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, il est temps, je crois,

 22   de faire la pause. Je poursuivrais après cette dernière.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

 24   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

 25   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous pouvez commencer lorsque vous serez

 27   prêt, Maître Cvijetic.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation]

Page 15646

  1   Q.  Monsieur Avlijas, hier vous avez évoqué la façon dont vous avez reçu M.

  2   Vlaco au sein du ministère, et vous avez dit que toute l'affaire a été

  3   réglée entre le ministre de la Justice et M. Vlaco ?

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Donc il n'y avait pas de rapport établi ou de contact établi entre le

  6   ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice ?

  7   R.  Non. Tout au moins s'il y a eu de tels contacts, ils n'ont pas laissé

  8   de traces écrites. Tout s'est réglé entre l'accord passé entre la cellule

  9   de Crise de Vogosca et le ministère de la Justice.

 10   Q.  Hier, à la page du compte rendu d'audience 15 587, une question vous a

 11   été posée quant aux personnes qui ont assisté à la réunion organisée à

 12   Vogosca. Puis on vous a posé la question suivante, qui représentait la

 13   municipalité de Vogosca. Et vous avez répondu :

 14   "Je ne m'en souviens pas avec exactitude. Je crois qu'un certain

 15   Blagovcanin y était. C'est un jeune homme."

 16   R.  Oui, Blagovcanin y était, et il me semble qu'un Maksimovic y était, lui

 17   aussi. Mais Blagovcanin, je m'en souviens, c'est un homme blond. 

 18   Q.  Oui, et donc vous avez évoqué le nom de ces deux personnes qui auraient

 19   représenté le poste de police de Vogosca lors de cette réunion. Ai-je

 20   raison de l'affirmer ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Puis Mme le Procureur vous a posé la question suivante, en quelle

 23   qualité M. Vlaco a-t-il a assisté à la réunion, vous y avez répondu de

 24   façon suivante : Il se présentait lui-même, comme chef de sécurité. Puis

 25   aux pages du compte rendu d'audience 15 588 et 89, on vous a posé la

 26   question de savoir quel type d'uniforme il portait. Vous avez répondu qu'il

 27   portait un uniforme, puis vous avez précisé : "Je ne me souviens plus s'il

 28   s'agissait d'un uniforme de police ou d'un uniforme militaire."

Page 15647

  1   R.  Tout à fait.

  2   Q.  Maintenez-vous cette réponse ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Très bien. Comme vous habitez Bijeljina, savez-vous qu'au sein du SJB

  5   de Vogosca il y avait un autre agent qui portait une moustache à l'époque

  6   et qui, à l'époque, faisait partie du service de la criminalité ? C'est un

  7   autre homme portant le nom de M. Vlaco.

  8   R.  Je sais qu'à la veille de la guerre cette personne travaillait à

  9   l'administration fiscale. Il est aujourd'hui le directeur général d'une

 10   filière de banque à Bijeljina. Mais je ne peux pas répondre à votre

 11   question avec précision. Je ne sais pas s'il a travaillé au sein de la

 12   police ou non.

 13   Q.  Ce n'est à vous de fournir cette réponse. Le témoin que nous avons

 14   évoqué tout à l'heure l'a déjà élucidé.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Serait-il possible de demander au

 16   témoin de citer le prénom de cet autre M. Vlaco. Quel était son prénom, le

 17   savez-vous ?

 18   M. CVIJETIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur, vous avez entendu la question posée par le Juge. Portait-il

 20   le même prénom et le même nom que l'autre M. Vlaco ?

 21   R.  Oui, il portait le même prénom et le même nom. Alors le prénom complet

 22   pouvait être différent. Il pouvait s'agir de Branislav ou de Branko, parce

 23   que -- mais en tout cas on l'appelait Brano, ce qui représente un petit

 24   nom.

 25   M. CVIJETIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je préfère ne pas

 26   m'attarder sur le sujet. Nous en avons déjà discuté avec le témoin

 27   précédent, dont je ne vais pas citer le nom, puisqu'il s'agissait d'un

 28   témoin protégé, mais en tout cas il en savait davantage que le témoin qui

Page 15648

  1   est en train de déposer à ce moment. Par ailleurs nous allons citer à la

  2   barre M. Brano Vlaco lui-même. Ce sera alors le moment opportun de tirer

  3   cette question au clair.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Oui, mais je souhaite qu'on précise dès

  5   maintenant des réponses contradictoires, semble-t-il, fournies par le

  6   témoin. A la ligne 9 du compte rendu d'audience, il lui a été suggéré que

  7   dans les rangs du SJB Vogosca on trouvait un autre M. Vlaco, qui maintenant

  8   travaille à la banque de Bijeljina, et la réponse fournie par le témoin

  9   était la suivante :

 10   "Je sais qu'à présent il est directeur général d'une filière de banque à

 11   Bijeljina. Il travaillait au poste de police à l'époque. En fait, je ne le

 12   sais pas. Je ne peux pas répondre à votre question. Je ne suis pas sûr s'il

 13   était membre de la police à l'époque ou non."

 14   Alors, je n'ai pas tout à fait compris le sens de cette réponse. M. le

 15   Témoin affirme-t-il avoir des connaissances à ce sujet ou non ? C'est un

 16   point à préciser.

 17   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 18   M. CVIJETIC : [interprétation]

 19   Q.  Pourriez-vous préciser ce point.

 20   R.  Je connais les deux personnes portant le nom de Brano Vlaco. Le Brano

 21   Vlaco qui est un bonhomme corpulent, à la moustache, travaille dans une

 22   filière de la banque Raiffeisen à Bijeljina. Alors avant la guerre il

 23   travaillait au sein de l'administration fiscale. Mais je ne peux pas

 24   prononcer sur le fait de savoir s'il travaillait au sein du poste de police

 25   de Vogosca ou non, puisque je ne le sais pas.

 26   M. CVIJETIC : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Président,

 27   Messieurs les Juges ?

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, je vous en prie.

Page 15649

  1   M. CVIJETIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Avlijas, quelques autres précisions concernant le rôle assumé

  3   par la cellule de Crise lors de la réunion que vous avez évoquée. Hier,

  4   vous avez indiqué que d'après l'impression que vous avez eue, M. Vlaco

  5   s'acquittait de ses missions sur un ordre de la cellule de Crise. Ai-je

  6   raison de l'affirmer ?

  7   R.  C'est l'impression que j'ai eue personnellement. Mais je ne sais pas si

  8   elle peut être confirmée par le document ou non.  L'impression que j'ai

  9   eue, moi, c'est que tout le monde déférait à M. Koprivica, qui se trouvait

 10   à la tête de la cellule de Crise et qui présidait la réunion.

 11   Q.  Son comportement suggérait-il qu'il se trouvait sous les ordres de la

 12   cellule de Crise ?

 13   R.  Je ne m'en souviens plus. Je ne saurais vous décrire son comportement

 14   exact à l'époque. Mais je vous ai dit quelle était la conclusion qui se

 15   dégageait à mes yeux.

 16   M. CVIJETIC : [interprétation] Il faut corriger une faute de frappe dans le

 17   compte rendu d'audience. Le nom de cette personne est bien Rajko Koprivica,

 18   et non pas Koprica [phon].

 19   Q.  Je souhaite maintenant vous présenter un autre document. Peut-on

 20   afficher le document 1D384, s'il vous plaît.

 21   Avez-vous pu examiner ce document ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous n'avez jamais pu voir ce document auparavant ?

 24   R.  C'est la première fois que je le vois.

 25   Q.  D'après ce document, il est possible de conclure que les autorités

 26   locales de la municipalité de Zvornik mettent sur pied une prison qui doit

 27   couvrir le territoire de plusieurs municipalités, celles de Bratunac, de

 28   Zvornik et de Skelani.

Page 15650

  1   Le document est élaboré à la base de la décision portant sur la

  2   proclamation de l'état de guerre. C'est ce qu'on peut voir en consultant

  3   l'en-tête. Et par ailleurs, il se réfère également aux dispositions

  4   juridiques de l'article 5, celles que vous avez évoquées vous-même pour ce

  5   qui est de la mise en place des prisons.

  6   Au moment où vous êtes allé dans cette prison, saviez-vous qui l'avait

  7   constituée ?

  8   R.  C'est la première fois que je vois cette décision. Pour ce qui est de

  9   la procédure administrative, oui, ceci est conforme à la procédure. Mais

 10   que l'on puisse faire quelque chose de ce type au cours de cette année-là,

 11   alors que la présidence de l'assemblée municipale avait déjà adopté une

 12   décision quant à la mise en place des prisons au mois d'août 1992, je

 13   trouve ça tout à fait incompréhensible. Ceci ne rime à rien. Je ne sais pas

 14   s'il y a eu vraiment un manque de communication total ou si les personnes

 15   qui ont pris cette décision ont tout simplement ignoré les accords passés.

 16   Je n'en sais rien. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je suis

 17   stupéfait.

 18   Q.  Monsieur Avlijas, vous avez déjà expliqué qu'il était possible pour

 19   vous d'envisager tous ces faits du point de vue d'un juriste, mais

 20   pourriez-vous également adopter un point de vue un peu plus réaliste pour

 21   en parler. Attendez un instant, s'il vous plaît. Je souhaite vous poser une

 22   question précise : si nous tenons compte de ce qui est advenu aux détenus

 23   qui ont été transférés d'Ilidza à Kula pour être retournés à Ilidza et y

 24   attendre l'échange, si on tiens compte des personnes qui attendaient d'être

 25   échangées dans les prisons de Kula ou de Zvornik, vous serez bien d'accord

 26   avec moi pour dire que les règles que vous avez évoquées ne peuvent

 27   s'appliquer à ces personnes-là et qu'il était impossible de régler toujours

 28   tous les problèmes concrets par le biais des dispositions juridiques en

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  1   vigueur ?

  2   R.  Oui, je suis tout à fait d'accord. Je ne parlais que des trois derniers

  3   jours, et les conditions qui prévalaient - ça, c'est une autre histoire -

  4   mais cette décision-ci est ridicule, et par ailleurs, contraire aux lois de

  5   la Republika Srpska. Toutefois, en tant qu'être humain, si elle a pu aider

  6   à sauver la vie de qui que ce soit, alors c'était une bonne décision à

  7   prendre. Si cette décision a vraiment permis de sauvent des vies, alors je

  8   ne peux que la saluer sans me livrer à d'autres observations qui seraient

  9   superflues.

 10   Q.  Dans votre rapport, vous indiquez que le chef du poste de police local,

 11   M. Lokancevic, dit ne pas savoir quoi faire avec ces prisonniers, puisque

 12   l'autre partie ne souhaite pas les recevoir en échange. Et c'est la

 13   première fois que vous avez dû faire face à tel problème, n'est-ce pas ?

 14   R.  J'ai gardé à l'esprit cet homme extrêmement professionnel. Je l'ai

 15   évoqué à de nombreuses reprises pendant la guerre et après la guerre.

 16   Lorsque je suis arrivé à Zvornik, je l'ai trouvé dans un état d'esprit très

 17   ému, et il m'a dit ce qui suit : Au moment où j'ai assumé mes fonctions au

 18   sein du présent poste de police, j'ai reçu en héritage l'obligation

 19   suivante, celle de m'occuper d'un certain nombre de prisonniers -- je ne me

 20   souviens plus de leur nombre exact. Etaient-ils 60 ou 48 ? Je me souviens

 21   en tout cas qu'ils étaient classifiés en fonction de différentes

 22   catégories. Donc lui était tenu responsable de les garder en prison, et

 23   c'est quelque chose qui lui pesait lourdement. Il avait demandé de les

 24   échanger, et il en avait informé le ministre de la Santé, M. Kalinic,

 25   puisqu'au niveau des questions humanitaires cela relevait quelque peu des

 26   compétences du ministère de la Santé. Donc il a fait tout ce qu'il pu pour

 27   se mettre à l'abri de tout méfait éventuel, et alors je lui ai dit : "S'il

 28   vous plaît, remettez-moi votre liste et je vais l'envoyer en pièce jointe

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  1   avec mon rapport. J'espère que grâce à Dieu nous serons en mesure de sauver

  2   la vie de ces gens." Et je pense, qu'effectivement, ces personnes ont été

  3   sauvées.

  4   Q.  Vous dites que vous croyez que ces personnes ont été sauvées.

  5   R.  Oui, je le crois, mais je ne l'ai jamais appris avec certitude.

  6   Q.  Très bien. Si on établit un lien entre ce qui vous a été dit à Ilidza -

  7   et je vous rappelle qu'eux non plus ne savaient quoi faire, qu'ils

  8   sentaient qu'ils faisaient face à une situation qui leur était imposée d'en

  9   haut - ai-je raison de l'affirmer ?

 10   R.  Cela ne s'est par produit à Ilidza, mais plutôt dans le village de

 11   Hadzici, parce que les mêmes prisonniers venaient d'être retournés dans la

 12   même localité au mois de septembre, si mes souvenirs sont bons. Or, dans

 13   cette localité, ils avaient vécu des sévices, ils avaient subi des tortures

 14   infligées par la paramilitaires qui se trouvaient dans cette localité. Et

 15   alors, le commandant de la police m'a dit : "Grâce à Dieu, je souhaiterais

 16   me débarrasser de ce poids qui me pèse," parce qu'il était chargé d'assurer

 17   leur sécurité. Tous les autres hommes se trouvaient sur le front et

 18   quelqu'un devait bien s'occuper de ces personnes. Donc c'est un détail qui

 19   peut intéresser tout le monde dans la salle d'audience.

 20   Q.  Oui.

 21   R.  Une fois l'échange prévu échoué, M. Amir Masovic était le président de

 22   la commission chargée de s'occuper de la population musulmane. Cela s'est

 23   passé très tard dans la nuit. Ils ne pouvaient plus revenir, et alors le

 24   commandant de la police de Hadzici, qui s'appelait Brano Mijatovic, l'a

 25   pris par la main et l'a emmené à son appartenant de Hadzici qui se trouvait

 26   à quelque 15 minutes de marche. Il lui a dit : Je garantis ta sécurité.

 27   Voilà, je te donne un pistolet. Si jamais quelque chose arrive, tu n'as

 28   qu'à me tuer le premier. Et c'est ainsi qu'il a pu sauvé la vie de cet

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  1   homme qui est retourné sain et sauf à Sarajevo.

  2   Q.  M. Masovic est devenu assez célèbre par la suite.

  3   R.  Nous avons pu travailler ensemble. Je faisais partie avec lui d'une

  4   commission chargée de la coopération qui avait été mise sur pied au niveau

  5   de la Bosnie-Herzégovine. Je pense que c'est un homme très professionnel,

  6   il n'y a rien à redire sur ses compétences.

  7   Q.  Pourriez-vous répéter à quel titre vous avez coopéré avec M. Masovic ?

  8   R.  M. Masovic et moi avons coopéré au cours de la guerre et après la

  9   guerre. Je représentais la Republika Srpska au sein d'une commission

 10   chargée de retrouver les civils et les combattants de l'armée serbe pendant

 11   la période qui va de l'année 1999 à 2001. Et par ailleurs, au cours de la

 12   guerre, à partir du mois d'avril 1993, jusqu'en 1996 ou 1997, je faisais

 13   partie de la commission centrale de la Republika Srpska chargée de

 14   l'échange des prisonniers de guerre et des corps de personnes décédées.

 15   Q.  Et pour finir, Monsieur, est-ce que vous avez eu l'impression que dans

 16   les postes de police où vous avez trouvé ces gens, est-ce que vous avez eu

 17   l'impression que les gens étaient conscients du fait qu'il n'était pas de

 18   leur responsabilité de garder ces gens, mais qu'ils ont prolongé le statu

 19   quo puisqu'ils n'avaient pas d'autre solution ?

 20   R.  Pour Hadzici, je sais qu'ils ont supplié de les dispenser de cette

 21   tâche, mais moi, je leur ai répondu qu'on n'avait pas le choix, qu'on était

 22   obligé d'assurer leur sécurité, alors qu'eux, ils auraient bien voulu se

 23   débarrasser de ce poids. Ils n'avaient pas raison.

 24   Q.  Merci d'avoir répondu à mes questions.

 25   M. CVIJETIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Krgovic.

 28   Contre-interrogatoire par M. Krgovic : 

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  1   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Avlijas.

  2   R.  Bonjour.

  3   Q.  Je m'appelle Dragan Krgovic. Au nom de la Défense de Stojan Zupljanin,

  4   je vais vous poser des questions suite à votre déposition. Tout comme pour

  5   M. Cvijetic, puisque nous parlons la même langue tous les deux, et moi, je

  6   parle, de surcroît, rapidement. Je vais vous demander de respecter un temps

  7   de pause entre mes questions et vos réponses pour permettre aux interprètes

  8   de faire leur travail.

  9   Monsieur Avlijas, je veux revenir sur un thème abordé par M. Cvijetic, vous

 10   en avez parlé avec lui et ceci concerne les responsabilités des cellules de

 11   Crise dans le territoire que vous avez visité. En répondant aux questions

 12   de M. Cvijetic, vous avez dit que vous avez remarqué que les cellules de

 13   Crise représentaient le seul pouvoir sur ce territoire et qu'elles

 14   s'appropriaient pas mal de responsabilités qui, normalement, n'étaient pas

 15   les leurs.

 16   R.  Bien, je ne voudrais pas discuter vraiment de l'étendue de leurs

 17   responsabilités, mais ce que je peux vous dire, c'est que sur le terrain,

 18   c'était eux qui décidaient de tout et on ne pouvait rien faire sans eux.

 19   Par exemple, à Ilidza, si j'étais à cours d'essence, il fallait que je me

 20   tourne vers la cellule de Crise.

 21   Q.  Je vais vous poser quelques questions au sujet des centres de détention

 22   ou de rassemblement de prisonniers, cela dépendait des côtés, puisque les

 23   termes utilisés des deux côtés n'étaient pas les mêmes, du côté des

 24   Musulmans et du côté des Serbes.

 25   Donc je vais vous montrer la pièce P391. Vous savez, n'est-ce pas, que sur

 26   le territoire de la Republika Srpska, différentes commissions ont été

 27   créées qui évaluaient la situation dans différents centres de

 28   rassemblement, pour les appeler ainsi. Ici, nous avons un rapport

Page 15656

  1   concernant le centre de Sanski Most, donc ce rapport a été fait pour la

  2   commission du centre des services de Sécurité.

  3   C'est le deuxième paragraphe que je vous demanderais d'examiner. On peut y

  4   lire :

  5   "La création des centres d'enquêtes et de rassemblement a été ordonné par

  6   la cellule de Crise de la municipalité. Dans ce sens, cette cellule de

  7   Crise a décidé que l'on allait créer une prison dans l'entreprise

  8   Betonirka. La cellule de Crise a nommé le directeur de la prison et son

  9   assistant, qui ont ensuite recruté les gens de sécurité, où l'on pouvait

 10   compter quatre à cinq policiers de réserve ainsi que des membres de la TO."

 11   Ici, à la lecture de ce document, on peut voir que ces prisons ont été

 12   créées suite à une décision prise par le ministère de la Justice ?

 13   R.  Bien, je dirais plutôt que ce sont des décisions qui émanaient de

 14   l'assemblée municipale parce que ce n'était pas prévu par la loi. C'est la

 15   première fois que je vois ce document, et je reste bouche bée.

 16   Q.  Ils ont aussi organisé la prison en entier, tout le système, toute la

 17   structure de sécurité.

 18   R.  Oui, oui. Ils se sont occupés de l'infrastructure, comme on dit, de ces

 19   prisons. Mais on va voir. La cellule de Crise a ordonné que l'on crée des

 20   centres de rassemblement et d'enquêtes. Donc ici, à la lecture de ce

 21   document, on en arrive à la conclusion qu'ils ont créé pas seulement les

 22   prisons, mais aussi les centres d'enquêtes, en recrutant des gens aussi

 23   bien de la TO que de la police de réserve sans que le tribunal municipal

 24   soit au courant de cela, alors que de par la loi, ils étaient responsables

 25   de contrôler le travail des prisons. Ils ont fait cela sans les en

 26   informer. Ils ont fait quelque chose qui est tout à fait contraire à la

 27   loi, ils ont usurpé ce pouvoir en prenant toutes ces décisions.

 28   Q.  Mais vous savez aussi que certains représentants de la cellule de Crise

Page 15657

  1   parfois se donnaient le droit d'amnistier certains prisonniers.

  2   R.  Oui, je me souviens de tels exemples. Au mois de décembre 1992, j'étais

  3   responsable d'un tribunal de délits, et à l'époque, la présidence de ce

  4   tribunal était la juge Mandic. Et c'est elle-même qui m'a dit : "Imaginez

  5   ce qui nous est arrivé, mon cher collègue, le président de la cellule de

  6   Crise a décidé d'amnistier certains détenus." J'en ai immédiatement averti

  7   le ministre.

  8   Q.  Monsieur Avlijas, le Procureur vous a montré une pièce que je vais vous

  9   montrer à mon tour, la pièce P1635.

 10   R.  Nous avons déjà parlé de ce rapport. J'ai déposé à ce sujet,

 11   effectivement.

 12   Q.  Oui. Je voudrais vous poser une question au sujet de cette réunion : M.

 13   Milan Trbojevic, qui était le vice-président du gouvernement, était en

 14   charge du contrôle et de la coordination de deux ministères, du ministère

 15   des Affaires intérieures et du ministère de la Justice; est-ce exact ?

 16   R.  Oui, c'était le vice-président qui était chargé de la politique

 17   intérieure, et cela comprend ces deux responsabilités, effectivement.

 18   Q.  En analysant ce rapport, on peut lire que les participants ont fait une

 19   réunion sur la situation et les problèmes qui existent dans les camps de

 20   détention sur ce territoire.

 21   R.  Oui, et ils ont parlé d'autres choses aussi : la coopération avec la

 22   Croix-Rouge internationale, les problèmes des tribunaux militaires, et

 23   cetera, et on a parlé d'autres problèmes aussi.

 24   Q.  M. Radic a informé les personnes présentes du nombre de camps et le

 25   nombre de personnes emprisonnées et des problèmes auxquels on doit faire

 26   face dans la région.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et si je vous ai bien compris, on a fermé Omarska et Keraterm, alors

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  1   qu'à Trnopolje, un centre de rassemblement reste, mais n'a pas le format

  2   d'un camp.

  3   R.  Oui. On nous a informés de cela. On nous a dit que Trnopolje est un

  4   foyer culturel, une école où les gens se rassemblent parce qu'ils s'y

  5   sentent en sécurité. Ils préparent leurs repas là-bas ensemble, en

  6   attendant de sortir de Prijedor ou de partir à l'étranger, à l'ouest.

  7   Q.  Et donc vous avez constaté cela dans votre rapport en disant : "Les

  8   Musulmans se sont abrités dans ces locaux en craignant la vengeance des

  9   extrémistes."

 10   On peut y entrer librement et en sortir librement. Vous, vous avez entendu

 11   cela aussi, personne n'est venu là contraint et forcé.

 12   R.  Oui, effectivement, c'est ce que j'ai entendu dire lors de la réunion.

 13   Mais deuxièmement, c'était l'information reçue là. Mais je ne suis pas allé

 14   là-bas pour m'en assurer.

 15   Q.  La deuxième page de ce document, s'il vous plaît. Le dernier

 16   paragraphe. Vous venez d'en parler. Donc :

 17   "Après cette réunion, une autre réunion s'est tenue avec les présidents des

 18   tribunaux et les procureurs et avec les représentants du ministère de la

 19   Défense. Le thème de cette réunion était l'organisation des tribunaux

 20   militaires et du procureur militaire, qui ne fonctionnent absolument pas

 21   dans la Krajina."

 22   La question des tribunaux militaires, vous avez abordé cette question, vous

 23   avez dit que cela ne fonctionnait pas correctement ?

 24   R.  C'est vrai. Car la plupart des crimes commis étaient l'œuvre des

 25   militaires. Et d'après la loi, si c'est un soldat qui commet un crime,

 26   l'institution compétente est un tribunal militaire. C'est pour cela qu'il y

 27   a eu des malentendus entre les instances militaires et civiles.

 28   Q.  Mais le résultat de tout cela c'est que les auteurs n'étaient pas

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  1   correctement poursuivis, et ceci a provoqué de nombreux problèmes dans le

  2   fonctionnement de la justice dans la région.

  3   R.  Oui. Cela a influé sur la région toute entière.

  4   Q.  Lors de la réunion, on s'est posés la question du meurtre de plusieurs

  5   personnes à Koricanske Stijene.

  6   R.  Oui. C'est surtout le maire de Banja Luka, le feu Dr Predrag Radic, qui

  7   a insisté là-dessus.

  8   Q.  Quand M. Zupljanin a pris la parole, quand il a commencé à parler de

  9   cela, vous avez dit qu'à un moment donné, en parlant du travail de la

 10   police, il a dit que la police de Banja Luka fait sa part de travail, que

 11   maintenant il appartient au procureur de faire son travail et de donner des

 12   explications pourquoi les choses n'avancent pas.

 13   R.  Oui, c'est vrai que c'était une discussion houleuse, surtout quand on a

 14   compris quel était le nombre des innocents qui ont été tués sans qu'il y

 15   ait eu d'ordre. On n'arrive même pas à comprendre les motifs de ces

 16   meurtres sauvages, c'est comme cela qu'a réagi de toute façon le maire.

 17   Toutes les personnes présentes ont insisté pour que l'on fasse la lumière

 18   sur cette affaire.

 19   Et c'est là que Stojan Zupljanin, que j'ai vu pour la première fois puisque

 20   je ne le connaissais pas, a dit qu'il a créé une équipe qui s'est rendue

 21   sur place. Il a dit ce qui a été fait; cela étant dit, mes souvenirs ne

 22   sont pas précis. Il me semble que l'armée a proposé une équipe pour

 23   secourir, pour descendre en bas dans ces fossés pour essayer de retrouver

 24   les cadavres. Je me souviens qu'il a dit que maintenant c'est au Procureur

 25   de faire son travail, et il s'est adressé à M. Puvacic et lui a posé la

 26   question directement.

 27   Q.  En ce qui concerne les auteurs de ce crime, on a dit, n'est-ce pas,

 28   qu'on pense que le crime a été commis par les gens qui accompagnaient le

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  1   convoi.

  2   R.  Mais qu'est-ce que vous voulez qu'on vous dise là ? Tout le monde dans

  3   la Republika Srpska sait que ce sont les policiers de la SJB de Prijedor

  4   placés sous le commandement de Simo Drljaca qui ont fait cela. Ce n'est pas

  5   un secret. Et je pense que même Simo Drljaca a dit que certains de ses

  6   policiers étaient en fuite et qu'il ne pouvait pas les arrêter.

  7   Q.  Est-ce que vous savez que les auteurs présumés de ces crimes ont été, à

  8   un moment donné, transférés à Han Pijesak dans la VRS justement pour éviter

  9   qu'ils soient arrêtés ?

 10   R.  C'est la première fois que j'entends parler de cela. Je n'étais pas au

 11   courant.

 12   Q.  Un élément manque à la question que je vous ai posée. Je vous ai posé

 13   la question de savoir si vous étiez au courant du fait qu'ils étaient

 14   devenus des membres de la VRS entre-temps.

 15   R.  C'est la première fois que j'en entends parler. Je ne le sais pas.

 16   Q.  Et lors de cette assemblée, M. Zupljanin s'est prononcé sur

 17   l'identification et la mise en état d'arrestation des suspects. Il s'est

 18   adressé directement à M. Drljaca, mais celui-ci a affirmé que ces personnes

 19   étaient en fuite.

 20   R.  Mais Stojan Zupljanin n'était pas le seul à lui adresser la parole.

 21   Tout le monde s'est adressé à Simo Drljaca, puisqu'ils savaient que

 22   c'étaient ses hommes qui faisaient partie de cette escorte qui, me semble-

 23   t-il, devait se rendre à Travnik. Tout le monde sait que c'était le centre

 24   de Sécurité de Prijedor qui en était responsable et que c'étaient les

 25   agents du poste de police de Prijedor - des agents d'active ou de réserve,

 26   je ne le sais pas - que c'étaient eux qui avaient perpétré ce crime.

 27   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin, les interprètes

 28   vous demandent de bien vouloir reprendre la dernière partie de votre

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  1   réponse. Par ailleurs, ayez la gentillesse de parler plus lentement lorsque

  2   vous fournissez vos réponses. Il est difficile de fournir une

  3   interprétation précise lorsque les orateurs s'expriment trop rapidement.

  4   Alors, veuillez reprendre la dernière partie de votre réponse.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci ne représente un secret pour personne.

  6   Nous le savions au moment où nous nous sommes rencontrés. La Republika

  7   Srpska tout entière en parlait. Il y avait un poste de police dans la ville

  8   de Prijedor. Je ne sais pas comment ce poste s'appelait exactement. Le

  9   poste avait reçu la tâche d'escorter un convoi composé pour la plupart de

 10   personnes d'appartenance ethnique musulmane. Je ne sais pas s'il y a eu des

 11   Croates entre eux. Ils étaient censés escorter ce convoi depuis la ville de

 12   Prijedor jusqu'au village de Travnik. Et toutes les personnes qui se sont

 13   réunies à cette assemblée savaient bien que les membres de cette escorte

 14   avaient commis le crime et qu'à leur tête se trouvait Simo Drljaca. Le seul

 15   point qui nous échappait était de savoir s'il s'agissait des membres

 16   d'active ou de réserve. Mais tout le reste était bien connu lorsque nous

 17   nous sommes rencontrés lors de cette réunion.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation]

 19   Q.  M. Drljaca, lors de cette réunion, a affirmé que ses agents étaient

 20   fuite, qu'il était impossible de les retrouver.

 21   R.  C'est désagréable à dire, mais il n'avait pas réagi aux critiques qui

 22   étaient avancées contre lui d'une façon que je jugerais comme normale.

 23   Q.  Je vous demande pardon, un petit problème de traduction. Vous avez dit

 24   que c'était désagréable à dire, et j'imagine que vous l'avez dit puisqu'il

 25   s'agissait d'une personne maintenant décédée.

 26   R.  Oui, oui, tout à fait. Il est désagréable de dire du mal de personnes

 27   décédées. C'est ce que j'ai voulu dire.

 28   Mais imaginez-vous une assemblée très importante qui se tient à Banja

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  1   Luka, tous les hommes de premier plan réunis. Tout le monde s'adresse à

  2   lui, alors que lui, pour sa part, ne fait preuve d'aucune autocritique et

  3   refuse d'en assumer la responsabilité. Voilà, c'était là le sens de mes

  4   propos.

  5   Q.  Tout le monde se trouvait réuni, le président du gouvernement, les

  6   ministres. Mais manifestement, personne ne pouvait exercer une influence ou

  7   une autorité sur Simo Drljaca ?

  8   R.  Oui, c'est bien mon avis. Si notre Etat avait été bien organisé, alors

  9   c'est Simo Drljaca qui aurait été envoyé en prison. Parce que si, vraiment,

 10   nous nous conformons aux règles de la responsabilité du commandant, la

 11   question ne se pose pas. Combien de personnes ont été tuées ? 150. Le chef

 12   de la police en est responsable, mais il affirme que les hommes qui l'ont

 13   commis sont ses hommes et qu'ils sont en fuite. Mais il n'y a plus rien à

 14   dire sur le sujet ?

 15   Q.  Monsieur Avlijas, d'après vous, vous vous êtes rendu ensuite à une

 16   autre réunion organisée dans la ville de Prijedor, et le sujet abordé lors

 17   de cette réunion concernait la ville de Trnopolje.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on présente au témoin la

 19   pièce P393, s'il vous plaît.

 20   Q.  Le document que nous avons sous les yeux, c'est le rapport que vous

 21   avez élaboré. Il date du mois d'octobre 1992.

 22   M. KRGOVIC : [interprétation] Peut-on en afficher le point 4 au témoin. Il

 23   se trouve à la page 3 en version serbe. Non, ce qu'il nous faut c'est le

 24   point 4.

 25   Q.  Dans cette partie du rapport, vous décrivez la situation prévalant à

 26   Prijedor, et vous évoquez le centre de Trnopolje. Il est indiqué :

 27   "Le centre de rassemblement qui se trouvait jusqu'à présent à Trnopolje a

 28   été débandé. Toutefois, comme il existe à Prijedor des personnes

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  1   irresponsables qui ont propagé des informations erronées dans la population

  2   musulmane --"

  3   M. KRGOVIC : [interprétation] Passons à la page suivante dans la version

  4   B/C/S, s'il-vous-plaît. Même page en anglais.

  5   Q.  "-- suivant lesquelles la seule façon de quitter le territoire de la

  6   ville consiste à se réunir dans le centre de rassemblement de Trnopolje, et

  7   d'après ces éléments d'information erronés, l'organisation de leur

  8   transfert devait être assumée par la Croix-Rouge internationale."

  9   Et puis dans la suite du texte, vous évoquez la réunion qui s'est

 10   tenue par la suite et à laquelle un représentant de la Croix-Rouge

 11   internationale a pris part. Vous souvenez-vous du nom de cette personne ?

 12   R.  Il s'agit de M. Beat. C'est en sa compagnie que je me suis rendu dans

 13   la ville de Doboj, et nous avons bien travaillé ensemble. Q.  Vous avez

 14   constaté qu'il n'y avait pas de centres de détention à Trnopolje, que les

 15   gens s'y étaient rassemblés spontanément. M. Beat l'a confirmé lui aussi.

 16   R.  Oui, M. Beat l'a confirmé lors de la réunion et a confirmé que nous

 17   n'avons rien trouvé à Trnopolje lorsque nous y sommes allés. Mais puis-je

 18   ajouter une observation ?

 19   Q.  Je vous en prie.

 20   R.  Nous avons appris que quelqu'un avait propagé ces rumeurs exprès - je

 21   ne sais pas qui l'aurait fait - tout simplement pour faire réunir les gens

 22   à Trnopolje et en profiter pour cambrioler leurs maisons entre-temps.

 23   C'était le motif principal de ces rumeurs qui se propageaient. C'est ce

 24   que, du moins, nous avons appris lors de la réunion.

 25   Q.  Peut-on afficher la page 4, s'il vous plaît, du même document. En

 26   répondant à une question posée par Mme le Procureur, vous avez expliqué que

 27   ces éléments d'information, vous les avez reçus de la part de l'officier

 28   chargé de la sécurité, mais vous avez évoqué la ville de Kotor Varos. Je

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  1   pense que vous vous êtes trompé.

  2   R.  Oui, oui. Il s'agissait bien de Teslic.

  3   Q.  Donc toute cette partie du rapport concerne la ville de Teslic, et non

  4   pas de Kotor Varos ?

  5   R.  Oui, oui, je vous présente mes excuses. Je sais qu'il était impossible

  6   d'avoir accès à toute cette zone qui se trouvait à droite de la ville de

  7   Banja Luka.

  8   Q.  Et de la part de ces officiers, vous avez appris qu'une prison aurait

  9   été mise en place sous la surveillance de l'armée serbe.

 10   R.  Oui. Oui, c'est de leur part que j'ai reçu cet élément d'information.

 11   Q.  Avez-vous entendu parler de Pribinic ? Cela vous dit-il quelque chose,

 12   pour ce qui est de la zone de Teslic ?

 13   R.  Non, ce nom n'évoque rien dans mon esprit. C'est la première fois que

 14   j'en entends parler.

 15   Q.  Passons maintenant à la question de Manjaca, qui a déjà été évoquée. Il

 16   n'y avait aucun doute qu'il s'agissait d'un camp de prisonniers de guerre

 17   qui se trouvait sous le contrôle de l'armée, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui. Ce camp relevait exclusivement des compétences de l'armée. C'est

 19   l'armée qui a assuré la sécurité des lieux. Par un concours de

 20   circonstances, j'ai été engagé pour participer aux échanges. C'est une

 21   mission qui m'avait été confiée avec le Dr Branko Dokic et une autre

 22   personne, M. Ivo Rosic. Nous avons engagé des pourparlers avec la partie

 23   croate près de Sibenik. Et lorsque j'ai parlé commandant du camp - son nom

 24   m'échappe désormais - j'ai pu apprendre que l'armée avait des compétences

 25   exclusives dans ce camp.

 26   Q.  Merci, Monsieur. Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin,

 27   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 28   R.  Je vous en prie.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, à vous.

  2   Nouvel interrogatoire par Mme Korner : 

  3   Q.  [interprétation] Excusez-moi. Je souhaite revenir un petit peu en

  4   arrière. Il y a quelques instants, Me Krgovic vous a posé la question

  5   suivante concernant M. Drljaca. Veuillez patienter quelques instants, s'il

  6   vous plaît. Il vous a suggéré que personne ne pouvait exercer une autorité

  7   sur M. Drljaca :

  8   "Réponse : Oui, c'est la conclusion à laquelle je suis arrivé, si notre

  9   Etat avait été bien organisé, Simo Drljaca aurait été placé en prison."

 10   Lors de cette réunion, il y avait un représentant du Corps d'armée de Banja

 11   Luka, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Stojan Zupljanin y assistait lui aussi ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  M. Subotic, le ministre de la Défense, a figuré parmi les personnes

 16   présentes ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  M. Trbojevic, l'adjoint du premier ministre, s'y trouvait lui aussi ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Chacune de ces personnes pouvait exercer une autorité et assurer la

 21   mise en état d'arrestation de M. Drljaca, si toutefois elle l'aurait voulu

 22   ?

 23   R.  Ma réponse a été très précise, j'ai parlé "d'un Etat bien organisé,"

 24   vous savez, et personne ne pouvait toucher M. Drljaca. C'était une sorte de

 25   shérif dans la ville de Prijedor. Et je dois vous dire ce que je crois

 26   avoir dit aux personnes chargées de l'enquête lorsqu'on m'a posé des

 27   questions sur les affaires qui touchent au personnel. On m'a posé la

 28   question de savoir si le SDS pouvait nommer quelqu'un à un poste, et j'ai

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  1   dit qu'effectivement c'était le cas, la même chose valait pour les

  2   personnes qui devaient être démises de leurs fonctions. Je sais que nous

  3   avons eu d'immenses problèmes pour remplacer M. Drljaca. Alors, de la

  4   perspective que nous avons aujourd'hui, je suis bien d'accord que c'est

  5   difficile à comprendre, mais si les choses avaient été bien organisées, M.

  6   Simo Drljaca n'aurait même pas dû assister à cette réunion; il aurait dû

  7   être placé en prison si, effectivement, il était responsable de

  8   l'assassinat de 200 personnes.

  9   Q.  Oui. Vous souvenez-vous quels étaient les effectifs du Corps d'armée de

 10   Banja Luka, c'est-à-dire du 1er Corps de Krajina ? Quels étaient leurs

 11   effectifs ?

 12   R.  Franchement, je ne le sais pas. Je sais qu'ils avaient les effectifs

 13   les plus importants dans la région, notamment au vu de la zone qu'ils

 14   couvraient.

 15   Q.  Saviez-vous que M. Zupljanin avait à sa disposition un groupe de police

 16   spéciale qui se trouvait à Banja Luka ?

 17   R.  En toute sincérité, je ne saurais vous le dire. Pour ce qui est de la

 18   question des responsabilités au sein du MUP, je ne suis pas au courant de

 19   cette question. Je ne sais pas qui était compétent de quoi.

 20   Q.  Ah. Mais d'après ce que vous dites, il y avait suffisamment d'effectifs

 21   en place pour arrêter M. Drljaca, si toutefois on souhaitait le faire ?

 22   R.  Je ne saurais me prononcer sur le sujet. Chaque cellule de Crise,

 23   chaque région fonctionnait comme un Etat indépendant, alors ce que je vous

 24   livre ici, ce sont mes réflexions personnelles. Je ne sais pas quelle est

 25   leur valeur exacte. Mais quel danger cela aurait-il suscité ? Simo Drljaca

 26   était un dirigeant incontestable dans sa région d'origine. Il figurait à

 27   titre d'idole parmi la population locale, et donc il existait une menace de

 28   révolte. C'est pourquoi on a essayé d'anticiper ce qu'il allait faire et, à

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  1   mon avis, c'est la raison pour laquelle le SDS faisait face à des problèmes

  2   aussi importants. Ces problèmes étaient le résultat du fait qu'on ne

  3   laissait pas aux professionnels de se décharger de leur mission.

  4   Q.  Vous dites qu'il était un dirigeant incontestable dans la région.

  5   Etait-il incontestable parce que peut-être personne n'a même souhaité

  6   contester son autorité ?

  7   R.  Croyez-moi, je ne saurais vous fournir une réponse à cette question. Je

  8   vous ai dit que je vous livre tout ceci à titre de réflexions personnelles.

  9   Je m'appuie également sur les éléments d'information que j'ai pu rassembler

 10   sur le terrain. Mais je ne faisais pas partie des structures politiques. Je

 11   n'étais membre d'aucun parti. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai

 12   été démis de mes fonctions en 1992.

 13   Q.  Me Cvijetic a signalé que vous avez été nommé au sein de la commission

 14   chargée des échanges en 1993, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Simo Drljaca a-t-il lui aussi été nommé au sein de cette commission ?

 17   R.  Malheureusement, oui. Simo Drljaca figurait au sein de cette

 18   commission. Le MUP cherchait une façon de se débarrasser de lui alors ils

 19   l'ont relayé dans les rangs de cette commission. Parce qu'entre-temps il

 20   avait été remplacé dans la ville de Prijedor.

 21   Q.  Donc il avait été possible de le remplacer à Prijedor. Il avait été

 22   possible de le muter de la ville de Prijedor pour le faire travailler au

 23   sein de la commission, mais il était impossible de la mettre en état

 24   d'arrestation, dites-vous.

 25   R.  Je n'ai pas de réponse à vous fournir à ce sujet. Tout ce que je peux

 26   vous dire, c'est si l'Etat avait bien fonctionné, il aurait été arrêté.

 27   Mais pourquoi n'a-t-il pas été arrêté ? Je ne saurais vous répondre. Tout

 28   ce que je peux vous dire, c'est vous décrire la manière dont j'aurais

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  1   réagi, moi, si j'avais fait partie des dirigeants politiques, si j'avais eu

  2   le pouvoir entre mes mains.

  3   Q.  Il a été nommé à la commission en tant que représentant du MUP. Est-ce

  4   que vous savez qui au sein du MUP a été responsable de cette nomination ?

  5   R.  Le ministre Ratko Adzic.

  6   Q.  On vous a montré un document de Sanski Most. Il s'agissait d'un rapport

  7   de la SJB du mois d'août, où l'on peut voir qu'au lieu de quatre

  8   prisonniers dont on vous a parlé, à Sanski Most il y avait à peu près 1 655

  9   prisonniers. Est-ce que qui que ce soit vous a jamais dit cela avant de

 10   voir ce rapport aujourd'hui ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Qui cela ? Et quand ?

 13   R.  Non, non, non. Voici ma réponse : là, il s'agit d'une information qui

 14   date du mois d'août. Elle vient de Sanski Most. Moi, j'y suis allé au mois

 15   d'octobre. Je sais que tous les prisonniers de cette partie-là de la

 16   Krajina ont tous été transportés à Manjaca. Et il est certain que l'on peut

 17   trouver des documents qui témoignent de cela.

 18   Q.  Bien, mais dans le rapport que vous avez envoyé à M. Mandic -- peut-

 19   être que c'est mieux de le montrer sur l'écran. C'est le document --

 20   R.  Au mois d'octobre 1992.

 21   Q.  Oui, oui. Excusez-moi.

 22   Mme KORNER : [interprétation] P393. C'est la partie sur Sanski Most qui

 23   m'intéresse. C'est sur la cinquième page en anglais et quatrième page en

 24   B/C/S.

 25   Q.  Ce que vous avez écrit ici c'est ce qui suit :

 26   "L'information qu'il existe un camp à Sanski Most n'est pas exacte. Dans

 27   cette région, il n'y a eu que quatre prisonniers qui ont été transférés à

 28   Manjaca pendant les activités de combat."

Page 15669

  1   Donc est-ce qu'on vous a dit avant que davantage des gens ont été

  2   emprisonnés à Sanski Most, et c'est pour cela que vous en

  3   parlez ?

  4   R.  Ces gens qui étaient au mois d'août emprisonnés à Sanski Most, qui ont

  5   été à Keraterm et à Omarska, donc toute cette région-là entre Banja Luka et

  6   Prijedor, les prisonniers de tous ces camps - et ils étaient au nombre de 4

  7   000 - ont été transférés à Manjaca. Au moment où j'ai écrit mon rapport,

  8   c'était le mois d'octobre, l'officier du corps d'armée m'a informé que

  9   quatre prisonniers sont restées derrière et que même eux, par la suite, ont

 10   été transférés à Manjaca.

 11   Q.  Je vois. Donc ce que vous vouliez dire en écrivant cela est que depuis

 12   le mois d'août on n'a arrêté que quatre personnes.

 13   R.  Entre le moment où j'ai écrit mon rapport -- au moment où j'ai écrit

 14   mon rapport, il m'a dit que seulement quatre personnes ont été arrêtées

 15   entre-temps et qu'ils ont été par la suite, eux aussi, transférés à Manjaca

 16   pour rejoindre les 3 ou 4 000 prisonniers qui se trouvaient déjà là-bas.

 17   Ceux qui ont survécu, évidemment. Et on les a transportés donc.

 18   Q.  Mais à la lecture de ce rapport, on conclut que quatre personnes ont

 19   été arrêtées pendant toute la période. Vous êtes d'accord avec moi ?

 20   R.  Non, non, je ne suis pas d'accord. Parce que moi, j'ai écrit un rapport

 21   sur la situation. Je n'ai pas compté les personnes arrêtées pendant toute

 22   la guerre. On m'a demandé d'aller constater sur les lieux pour voir où se

 23   trouvent les prisonniers et combien ils sont. C'est pour cela que j'ai

 24   visité différents endroits, tels que Vlasenica, Zvornik, et cetera, et j'ai

 25   fait ce rapport.

 26   Q.  Merci. Voilà, je n'ai plus de questions.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Avlijas, je vous remercie

 28   d'être venu déposer et nous aider ainsi. Vous pouvez disposer à présent, et

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  1   je vous souhaite un bon voyage de retour.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, où en êtes-vous avec le

  5   témoin ?

  6   Mme KORNER : [interprétation] Je n'ai jamais vu des journées aussi

  7   chamboulées, parce qu'on avait prévu quatre heures de contre-interrogatoire

  8   pour ce témoin, et c'est pour cela qu'on craignait de ne pas pouvoir

  9   terminer l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui. Mais ce que je peux

 10   vous dire d'ores et déjà, c'est que nous pouvons commencer l'interrogatoire

 11   du témoin prochain, le Témoin ST-251, à

 12   12 heures 15. C'est un témoin qui bénéficie de mesures de protection.

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Il va arriver à

 15   12 heures 15, et donc on va tabler sur 12 heures 30.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais on va jusqu'à où à partir du moment

 18   on commence son interrogatoire ? Est-ce qu'on a toujours besoin de

 19   poursuivre notre travail cet après-midi ?

 20   Mme KORNER : [interprétation] Cela nous aiderait, parce que c'est un témoin

 21   qui va être court, c'est vraiment un témoin qui est un témoin assez court,

 22   et si l'on continue à travailler cet après-midi, on va sans doute terminer

 23   son contre-interrogatoire. Enfin, je l'espère. C'est M. Hannis qui va citer

 24   ce témoin. Je pense qu'il n'a vraiment pas besoin de 30 minutes pour son

 25   interrogatoire.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Donc, nous -- M. KRGOVIC :

 27   [interprétation] Nous venons de recevoir les documents concernant ce

 28   témoin. C'est un témoin qui devait normalement témoigner lundi. Nous ne

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  1   pouvons absolument pas procéder au contre-interrogatoire de ce témoin

  2   aujourd'hui. Nous ne sommes pas en mesure de le faire, même s'il s'agit

  3   d'un témoin bref, comme vous dites, et même si l'on sait qu'il ne va parler

  4   que de choses assez limitées, à savoir on va donc vérifier les faits par

  5   rapport à une chose jugée, ou bien le Procureur peut faire son

  6   interrogatoire principal, et nous, on continue lundi.

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] Je n'ai aucun document concernant ce témoin,

  8   parce que nous, on avait prévu de travailler plus longtemps aujourd'hui

  9   pour terminer le témoin de ce matin. On pourrait peut-être compenser la

 10   séance supplémentaire d'hier par une séance abrégée d'aujourd'hui.

 11   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous avons aussi --

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous ai entendus, Maîtres, mais moi,

 13   j'ai cru comprendre que l'on a déplacé ce témoin pour lundi justement parce

 14   qu'il y a eu des changements ce matin, donc je suis assez étonné de voir

 15   qu'ils ne sont pas prêts à le contre-interroger aujourd'hui.

 16   Madame Korner.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Je vous ai dit que j'ai demandé les mesures

 18   de protection. Je ne pense pas qu'il y ait eu d'objection, mais cela étant

 19   dit, je ne me souviens pas avoir entendu une décision formelle des Juges à

 20   ce sujet.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Qu'est-ce que vous demandez ?

 22   Mme KORNER : [interprétation] Messieurs les Juges, les

 23   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 24   Mme KORNER : [interprétation] Il s'agit uniquement des photos et des

 25   cartes. Je n'ai pas d'autres documents.

 26   M. KRGOVIC : [interprétation] Je vais vous expliquer le problème. Après le

 27   témoin Avlijas, nous avions prévu d'avoir le Témoin ST-227 et pas ce

 28   témoin-ci, et c'est cela qui nous pose problème, parce que nous venons de

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  1   recevoir les notes qui ont servi pour préparer le témoin et les documents

  2   relatifs à ce témoin il y a une demi-heure, pas plus.

  3   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Krgovic, le calendrier que

  5   j'ai pour cette semaine indique clairement que le témoin prévu pour

  6   aujourd'hui était le Témoin ST-251.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Nous pouvons présenter les deux témoins, 227

  8   ou 251.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors lequel préférez-vous ?

 10   Mme KORNER : [interprétation] 251, c'est celui qui a eu le problème avec

 11   son travail. Il voudrait revenir, si c'est possible, et sa déposition va

 12   être plus courte, est prévue pour durer moins longtemps que la déposition

 13   de l'autre témoin.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maîtres, je pense que le Témoin 251

 15   est un des témoins qui va déposer sur les choses jugées.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Il va déposer, donc, sur les éléments

 18   très limités, et je me suis posé la question suivante : si on ne commence

 19   sa déposition qu'à 13 heures ou même 13 heures 30, est-ce que cela vous

 20   donnerait suffisamment de temps pour examiner ces documents et ensuite

 21   procéder au contre-interrogatoire ? Ceci va vous aider, n'est-ce pas ?

 22   M. KRGOVIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. Quand il s'agit

 23   de ce type de témoins, à savoir les types qui vont déposer au sujet des

 24   faits jugés, leur déposition ne devrait pas dépasser un quart d'heure.

 25   Et si l'on suit la proposition que vient de faire M. le Juge Harhoff,

 26   on pourrait effectivement commencer à 13 heures 30, et on va terminer ce

 27   témoin à 13 heures 45.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Attendez, ça ne marche pas. Ça ne peut pas

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  1   marcher.

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] Je me suis trompé. En fait, c'est la première

  3   version que je voulais adopter, la première démarche, à savoir commencer à

  4   13 heures.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc, avant de prendre la pause, je

  7   voudrais résumer, et corrigez-moi si j'ai tort. Donc là, on prend la pause,

  8   on recommence à 13 heures, et on continue à travailler jusqu'au plus tard

  9   14 heures 30; est-ce bien cela ?

 10   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Bien. Je remercie les accusés de

 12   leur coopération et de ceux qui s'occupent de leur sécurité, et j'espère

 13   que tout le monde a pris note de ces nouveaux horaires. Donc, nous

 14   reprenons nos travaux à 13 heures.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

 16   --- L'audience est reprise à 13 heures 12.

 17   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, je

 19   vous signale que nous siégerons cet après-midi en vertu de l'Article 15

 20   bis.

 21   Deuxième point, conformément aux Règlements de procédure et de preuve, les

 22   Juges de la Chambre confirment les mesures de protection qui avaient déjà

 23   été accordées à ce témoin.

 24   M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le pseudonyme

 25   qui avait été accordé au témoin dans l'affaire précédente était lié à cette

 26   affaire en particulier. Nous vous serions reconnaissants que le témoin

 27   utilisé dans cette affaire-ci soit ST-251.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Alors le témoin peut-il faire

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  1   la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  3   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN : ST-251 [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

  7   Je vous rappelle que la déclaration solennelle que vous venez de

  8   prononcer comporte un certain nombre d'obligations avec elle. Vous êtes

  9   tenu de fournir un témoignage véridique, faute de quoi vous pouvez vous

 10   exposer à des poursuites prévues pour faux témoignage.

 11   Le premier élément d'information que je souhaite vous communiquer, le

 12   document qui comporte votre pseudonyme vous sera remis.

 13   Alors, je vous serais reconnaissant de bien vouloir confirmer que

 14   votre nom et quelques autres éléments relatifs à votre identité y sont

 15   indiqués.

 16   Et une fois que vous vous assurez de ces faits, veuillez signer le

 17   document, s'il vous plaît.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces éléments d'information sont corrects.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Le document est admis au dossier

 20   sous pli scellé.

 21   Et je vous rappelle, qu'à titre exceptionnel, les Juges de la Chambre vous

 22   ont accordé des mesures de protection dont le pseudonyme. Par conséquent,

 23   au cours de votre interrogatoire, on vous adressera la parole en se servant

 24   soit de ce pseudonyme, soit tout simplement des mots "Monsieur le Témoin".

 25   C'est une explication que je vous fournis pour faciliter votre

 26   interrogatoire. Comme je viens de l'indiquer, c'est une mesure accordée à

 27   titre exceptionnel, parce que normalement les audiences de ce Tribunal se

 28   déroulent en public, mais la dernière fois que vous avez déposé, on vous a

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  1   accordé des mesures de protection, dont le pseudonyme -- était-ce la seule

  2   mesure de protection accordée ?

  3   M. HANNIS : [interprétation] Déformation de visage figurait aussi parmi les

  4   mesures de protection accordées, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur Hannis.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

  7   Juges, aux fins du compte rendu d'audience, je tiens à souligner que le

  8   document comportant le pseudonyme pour le Témoin ST-251 recevra la cote

  9   P01636. Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci à vous.

 11   Vous avez été cité à la barre pour ne fournir qu'un témoignage assez

 12   limité. Nous espérons, donc, que votre déposition touchera à sa fin avant

 13   la levée de séance d'aujourd'hui. Nous avons un peu plus d'une heure à

 14   notre disposition. Et sur ce, je donne la parole à M. Hannis.

 15   M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce témoin a été

 16   convoqué, il a été cité à la barre pour traiter du fait jugé 1145.

 17   Toutefois, s'il est nécessaire d'évoquer d'autres faits jugés qui le

 18   concernent, ce sera sans doute le fait numéro 1138. Les Juges de la Chambre

 19   l'ont déjà accepté. Je tiens tout simplement à vous rappeler quel est le

 20   contexte qui entoure ce témoin.

 21   Interrogatoire principal par M. Hannis : 

 22   Q.  [interprétation] Alors, Monsieur, pourriez-vous nous dire où vous

 23   habitiez au début de l'année 1992.

 24   R.  Je vivais à Sanski Most, dans le village de Hrustovo.

 25   Q.  Et vous souvenez-vous à quel moment la guerre a éclaté dans les

 26   environs de votre village, grosso modo ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous souvenez-vous en quel mois ceci a survenu ?

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  1   R.  Vers la fin du mois du mai 1992, si mes souvenirs sont bons.

  2   Q.  Qu'avez-vous fait lorsque les combats ont commencé dans votre village

  3   au mois de mai 1992 ? Ou que faisiez-vous à l'époque ?

  4   R.  J'étais au chômage et je restais à la maison.

  5   Q.  Etes-vous resté au village pendant la durée des combats ou avez-vous

  6   quitté la zone ?

  7   R.  J'ai quitté la zone du village de Hrustovo à la veille des combats.

  8   Q.  Où êtes-vous allé ?

  9   R.  Je suis allé dans le village voisin, Klijevci, où habitaient ma grand-

 10   mère et mon oncle.

 11   Q.  Ce village se trouve lui aussi dans la municipalité de Sanski Most ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Je souhaite vous communiquer un fait à juger en l'espèce, et je

 14   souhaite vous poser quelques questions qui le concernent. Il s'agit du fait

 15   jugé 1 138. Je le signale aux fins du compte rendu d'audience. Et il est

 16   indiqué, je cite :

 17   "Le 27 juin 1992, les forces de réserve composées de la population serbe

 18   locale en uniforme gris-vert sont arrivées dans le hameau musulman de

 19   Kenjari." Puis il est indiqué que deux hommes d'appartenance ethnique

 20   musulmane ont été mis en état d'arrestation et interrogés. Vlado Vrkes,

 21   président du SDS dans la municipalité de Sanski Most, les a assurés qu'ils

 22   n'avaient rien à craindre. Les soldats serbes les ont amenés dans le

 23   village de Blazevici. Ils ont jeté des matières explosives dans la maison,

 24   puis ils ont commencé à tirer sur les personnes qui essayaient de

 25   s'échapper. Leurs cadavres ont été ramenés à la maison, puis la maison a

 26   été incendiée."

 27   Savez-vous qui étaient ces vingt hommes ? Je ne vous demande pas de citer

 28   leurs noms. Je vous demande tout simplement si vous étiez au courant de

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  1   leur identité.

  2   R.  Oui, je le sais. Il s'agissait des habitants du hameau de Kenjari, puis

  3   quelques autres personnes qui habitaient dans des maisons isolées. Mais ils

  4   relevaient, en fait, tous du territoire du village de Klijevci.

  5   Q.  Et faisiez-vous partie de ce groupe qui comprenait une vingtaine

  6   d'hommes ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et qu'est-il arrivé aux autres 19 personnes qui composaient ce groupe ?

  9   R.  Elles ont été tuées.

 10   Q.  Et comment avez-vous fait pour survivre et vous enfuir ? Où êtes-vous

 11   allé ?

 12   R.  Depuis cette maison qui se trouvait à Blazevici, je me suis dirigé vers

 13   mon village, celui de Hrustovo. J'ai pensé me rendre chez moi pour voir ce

 14   qui s'y passait.

 15   Q.  Excusez-moi. Je ne crois pas vous avoir demandé quelle était votre

 16   appartenance ethnique.

 17   R.  Je suis Bosnien. Je suis Musulman.

 18   Q.  Pendant combien de temps -- non, je vous demande pardon. Ceci s'est

 19   produit le 27 juin ou vers cette date ?

 20   R.  Oui, ceci s'est produit un mois après la prise de Hrustovo par les

 21   forces serbes qui ont fait ce que l'on sait.

 22   Q.  Etes-vous allé dans le village de Tomina, dans la municipalité de

 23   Sanski Most ?

 24   R.  Oui. Après être rentré et après m'être rendu compte de la situation -

 25   je m'étais aperçu qu'il n'y avait plus personne, qu'il n'y avait plus

 26   d'habitants dans le village - je me suis dirigé vers le village de Tomina,

 27   parce que pendant que j'étais toujours à Zukici ou à Kenjari je savais que

 28   les habitants de Hrustovo et de Vrhpolje avaient été expulsés vers Tominska

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  1   Palanka. Il s'agissait d'un quartier du village de Tomina qui est habité

  2   exclusivement par les Musulmans.

  3   Q.  Et pendant combien de temps êtes-vous resté à Tomina avant d'aller

  4   ailleurs ou avant d'être amené ailleurs, plus ou moins ?

  5   R.  Je crois y avoir passé quatre jours.

  6   Q.  Et à l'issue de ces quatre jours, que s'est-il passé ?

  7   R.  Le quatrième jour, dans la matinée, nous avons entendu une voiture de

  8   police. On s'est servi d'un haut-parleur pour inviter tous les habitants de

  9   Hrustovo, de Vrhpolje et de Kamica de sortir sur la route principale qui

 10   relie Sanski Most à Kljuc. Ils nous ont demandé de nous rassembler tous à

 11   cet endroit.

 12   Q.  L'avez-vous fait; et si oui, que s'est-il passé par la suite ?

 13   R.  Oui. Nous sommes tous sortis, quel que soit le village duquel nous

 14   venions, qu'il s'agisse de Hrustovo, de Vrhpolje ou de Kamicak, nous nous

 15   sommes rassemblés à l'endroit indiqué, puis nous avons été embarqués à bord

 16   d'autobus et nous nous sommes dirigés vers Sanski Most.

 17   Q.  Et qui a organisé votre départ pour Sanski Most ? Qui vous a rassemblés

 18   ? Qui vous a incités à monter à bord d'autobus ?

 19   R.  Il s'agissait des forces de police et des forces armées serbes. Je me

 20   souviens très bien d'une voiture de la marque Golf conduite par un ancien

 21   professeur à Sanski Most. Je crois que son nom de famille était Banjac,

 22   mais je n'en suis pas sûr.

 23   Q.  Vous dites qu'il y avait là des agents de police serbes. Les forces

 24   armées étaient-elles composées de Serbes elles aussi ?

 25   R.  Oui. J'ai parlé de la police et de l'armée serbes.

 26   Q.  Où avez-vous été emmenés ?

 27   R.  Ils se sont servis d'autobus pour nous amener à une salle qui se

 28   trouvait à Sanski Most -- ou plutôt, sur la route qui relie Sanski Most et

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  1   Bosanska Krupa. C'était une zone industrielle où se trouvaient des

  2   installations assez larges, et c'est là que nous avons été forcés à entrer.

  3   Q.  Vous souvenez-vous quel était le nom de cette salle ou de ce hall qui

  4   se trouvait dans cette zone industrielle ?

  5   R.  J'ai appris par la suite que ce hall était appelé Krings. Après, j'ai

  6   appris qu'il s'agissait des installations qui avaient appartenu à une usine

  7   qui fabriquait des câbles, je crois.

  8   Q.  Et qu'est-ce qui s'est passé quand vous êtes arrivés dans ce hall qui

  9   se trouvait à Sanski Most ?

 10   R.  O on nous a obligés d'y entrer et d'attendre. Nous ne savions pas du

 11   tout ce qui se préparait.

 12   Q.  Vous a-t-on appris pourquoi vous avez été amenés à cette localité ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  A ce moment donné, à Krings, qui vous a fait descendre d'autobus et

 15   vous a fait entrer dans les locaux ?

 16   R.  C'est l'armée serbe qui composait l'escorte.

 17   Q.  Et à partir de ce moment, combien de temps êtes-vous restés à Krings

 18   avant d'être remis en liberté ?

 19   R.  Je crois qu'il s'agit de tout un mois, un jour de plus, peut-être, un

 20   jour de moins. Je ne m'en souviens plus avec précision.

 21   Q.  J'aimerais, pour commencer, vous présenter une carte. Il s'agit de la

 22   pièce P411.37. C'est un document qui a déjà été admis au dossier. Il sera

 23   affiché à l'écran dans quelques instants. Et j'aimerais qu'une fois la

 24   carte affichée, vous nous confirmiez quelques détails.

 25   Voilà, c'est une carte qui présente la zone entourant la ville de

 26   Sanski Most sur le côté nous voyons quelques localités particulières. A la

 27   gauche, près du milieu de la carte, vous verrez le chiffre 4 et le nom

 28   "Krings" au dessous. Ceci montre-t-il avec exactitude l'endroit où se

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  1   trouvaient les locaux de Krings dans la zone de Sanski Most ?

  2   R.  Je crois que oui.

  3   Q.  Et la route que nous voyons sur la carte et qui passe au dessus de

  4   Krings, savez-vous où menait cette route ? Celle qui passe de gauche vers

  5   la droite au dessus de Krings.

  6   R.  Cette route relie Sanski Most avec Bosanska Krupa en passant par Lucica

  7   Palanka.

  8   Q.  Merci. J'aimerais maintenant vous présenter la pièce P414. Pouvez-vous

  9   me dire ce qui est représenté sur cette photo ?

 10   R.  Puis-je me lever. Je ne vois pas très bien de la place où je suis

 11   assis.

 12   Q.  Oui, allez y.

 13   R.  Oui. C'est le hall où nous avons été enfermés. Mais des travaux ont été

 14   faits depuis -- je vois un certain nombre d'engins qui entourent le

 15   bâtiment, il n'y en avait pas à l'époque.

 16   Q.  Merci. Une autre photographie que je souhaite vous présenter porte la

 17   cote P415. Si vous souhaitez vous lever ou si vous préférez que je vous

 18   montre une version imprimée de la photographie, signalez-le-moi.

 19   R.  Je vois mieux si je me lève. J'imagine qu'il s'agit du même hall, mais

 20   la différence c'est que ces camions n'y étaient pas garés et ce matériel de

 21   construction en mausolée ne s'y trouvait pas non plus.

 22   Q.  Merci. A l'époque où vous vous trouviez dans les locaux de Krings,

 23   qu'est-ce qu'il y avait à l'intérieur ?

 24   R.  La salle était plutôt vide. Il n'y avait que quelques dispositifs très

 25   anciens, quelques palettes et des pièces de machinerie abandonnées.

 26   Q.  Et combien de personnes ont été emmenées dans les locaux de Krings la

 27   première fois que vous y êtes arrivés ?

 28   R.  Le premier jour, où nous sommes arrivés ?

Page 15682

  1   Q.  Oui, oui.

  2   R.  La salle était assez remplie, donc je crois que 600 à 700 personnes y

  3   étaient réunies parmi lesquelles on voyait des femmes, des personnes âgées,

  4   des enfants, des hommes aussi, des hommes adultes.

  5   Q.  Quand vous y êtes arrivés pour la première fois, est-ce que tout le

  6   monde était déjà rassemblé ou avez-vous retrouvé les locaux vides ?

  7   R.  Au moment où nous sommes arrivés, la salle était vide, puis les autobus

  8   se sont mis à arriver. Quelques camions aussi.

  9   Q.  Vous avez évoqué 6 à 700 personnes, quelle était leur appartenance

 10   ethnique, de toutes ces personnes qui ont été rassemblées ?

 11   R.  Nous étions des Bosniens, des Musulmans.

 12   Q.  Et d'où venaient toutes ces personnes ? Je sais que vous avez été

 13   amenés de Tomina, mais est-ce qu'ils provenaient du village de Tomina ou

 14   les gens ont-ils également été amenés d'autres

 15   villages ?

 16   R.  Il y avait des habitants du village de Hrustovo, Vrhpolje, et Kamicak

 17   qui avaient été expulsés vers Tomina, et Caplje. Donc nous avons tous été

 18   rassemblés et amenés dans cette grande salle.

 19   Q.  Vous avez indiqué tout à l'heure que vous y êtes restés pendant un

 20   mois. Qu'en est-il des femmes et des enfants qui avaient été amenés avec

 21   vous ? Pendant combien de temps sont-ils restés dans la salle ?

 22   R.  Nous avons tous dormi ensemble pendant une nuit, puis le lendemain des

 23   soldats sont arrivés. Ils ont déclaré que les femmes, les enfants, et les

 24   hommes plus âgés, les hommes qui avaient plus de 60 ans, et des personnes

 25   handicapées devaient monter à bord d'autobus et de camions. Puis ils ont

 26   été transportés ailleurs.

 27   Q.  J'imagine que ce sont alors les hommes qui sont restés sur place, les

 28   hommes qui avaient entre 16 et 60 ans. Combien

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  1   étiez-vous ?

  2   R.  Je ne saurais avancer un chiffre précis, mais nous étions peut-être

  3   150. Je ne connais pas le chiffre exact.

  4   Q.  Et qui assurait la sécurité pendant que vous vous y trouviez ? Qui

  5   jouait le rôle de gardien ?

  6   R.  Nous étions enfermés dans cette grande salle et des soldats serbes se

  7   trouvaient à l'extérieur.

  8   Q.  Quelqu'un vous a-t-il appris pourquoi vous avez été détenus dans cette

  9   salle au cours de ce mois que vous y avez passé ?

 10   R.  Non. Personne ne nous a rien dit.

 11   Q.  Et pendant combien de temps les soldats serbes ont continué à jouer le

 12   rôle de gardiens pendant que vous vous y trouviez ?

 13   M. KRGOVIC : [interprétation] J'ai une objection à soulever, Monsieur le

 14   Président. Quant à cette série de questions, je pense qu'il dépasse le

 15   cadre annoncé du témoignage de ce témoin. Il est question maintenant des

 16   conditions dans lesquelles les détenus vivaient. Alors, il faut tenir

 17   compte de la décision adoptée par les Juges de la Chambre. Si je l'ai bien

 18   compris, l'interrogatoire principal comme le contre-interrogatoire doivent

 19   se focaliser sur les faits à juger et éventuellement le contexte général.

 20   Mais les questions que M. Hannis est en train de poser dépassent ce cadre-

 21   là. Il ne s'agit pas du contexte, il ne s'agit pas non plus des faits

 22   jugés.

 23   M. HANNIS : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

 24   Messieurs les Juges, je ne suis pas d'accord. Je suis en train justement

 25   d'établir la base pour le fait jugé où la dernière phrase a été éliminée

 26   par les Juges de la Chambre. Je pense au fait jugé 1 145, et il est

 27   nécessaire que je pose les fondements avant de formuler ma question.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, mais gardez à l'esprit ce que M.

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  1   Krgovic vient de dire. Il a bien raison d'indiquer qu'il faut passer

  2   rapidement sur vos questions pour en arriver au fait jugé.

  3   M. HANNIS : [interprétation]

  4   Q.  Vous souvenez-vous de la dernière question que je vous ai posée ?

  5   Pendant combien de temps les soldats serbes ont-ils continué à fonctionner

  6   comme vos gardiens ? Vous ont-ils gardés pendant tout le mois que vous y

  7   avez passé ?

  8   R.  Non. Ils sont restés pendant peut-être une semaine, puis ce sont les

  9   policiers de réserve de Sanski Most qui sont arrivés -- enfin, je crois

 10   qu'il s'agissait des policiers de réserve, même si je ne peux pas me

 11   prononcer de façon décisive.

 12   M. KRGOVIC : [interprétation] Mais Monsieur le Président, Monsieur le Juge,

 13   c'était justement là la teneur de l'objection que j'ai soulevée. Le rôle

 14   assumé par la police ne fait pas partie du fait jugé.

 15   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin est censé

 16   aborder le fait jugé 1145, or cette partie donnée de ce fait a été

 17   éliminée. Je ne vois pas comment la Défense ne pouvait pas anticiper qu'il

 18   allait parler de la participation de la police aux événements.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] La Chambre est d'accord avec vous.

 20   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Hannis.

 21   M. HANNIS : [interprétation] Et je souligne, de plus, que dans notre résumé

 22   65 ter, nous indiquons que 15 jours plus tard, environ, c'est la police qui

 23   a commencé à fonctionner comme gardiens.

 24   Q.  Alors, votre traitement, la manière dont vous avez été traité a-t-elle

 25   changé lorsque la police a repris le travail précédemment effectué par

 26   l'armée ?

 27   R.  Oui. Pendant que nous avons été surveillés par l'armée, nos mères, nos

 28   épouses pouvaient nous apporter des vivres dans la salle, et nous pouvions

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  1   leur parler. En revanche, lorsque la police est arrivée, nos parents ne

  2   pouvaient plus pénétrer dans la salle où nous étions, et d'ailleurs, on a

  3   commencé à nous rouer de coups.

  4   Q.  Qui vous rouait de coups ?

  5   R.  Et bien, les policiers qui nous surveillaient.

  6   Q.  Parmi ces policiers qui vous surveillaient au cours de ces quelques

  7   dernières semaines que vous avez passées à Krings, en avez-vous reconnu

  8   quelques-uns ?

  9   R.  Oui. Il y avait un jeune homme que je connaissais. Il avait à peu près

 10   mon âge et nous étions allés à l'école ensemble. Nous n'étions pas au sein

 11   de la même classe, mais nous nous voyions souvent à l'école.

 12   Q.  Vous souvenez-vous comment il s'appelait ou quel était le surnom qu'on

 13   lui donnait ?

 14   R.  On l'appelait Srecko. Je ne sais pas si c'était son prénom véritable ou

 15   un surnom qu'on lui donnait. Mais il habitait dans le centre de Sanski

 16   Most, juste en face du lycée.

 17   Q.  Avez-vous reconnu quelqu'un d'autre parmi les policiers ?

 18   R.  Non. J'avais 20 ans à l'époque, je ne connaissais pas grand-monde dans

 19   la ville de Sanski Most.

 20   Q.  Pendant que vous étiez détenu, avez-vous été interrogé ?

 21   R.  Vers la fin de notre détention ou vers la fin de ce mois que nous y

 22   avons passé, nous avons, un jour, été interrogés par les agents de police.

 23   Q.  Et avez-vous reconnu quelqu'un parmi les policiers qui vous ont

 24   interrogés ?

 25   R.  Lors de cet interrogatoire, ce sont des officiers supérieurs qui sont

 26   venus nous voir. Il ne s'agissait plus tout simplement des policiers de

 27   réserve. Il y en avait un que je connaissais, puisque mon oncle avait été

 28   policier à Sanski Most, et c'est ainsi que j'ai reconnu un policier. Son

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  1   épouse avait travaillé dans notre école. Je pense qu'il s'appelait Drago

  2   Macura. Alors Macura, cela pouvait bien être son surnom plutôt que son nom

  3   de famille véritable. Mais c'est un homme assez corpulent et qui arborait

  4   une moustache. Je me souviens très bien de lui.

  5   Q.  Merci. Pendant que la police vous surveillait, elle vous rouait de

  6   coups, avez-vous dit. De quelle façon vous rouait-on de coups ? Comment le

  7   faisait-on ? Se servaient-ils de leurs mains, de leurs pieds, ou se

  8   servaient-ils de quelques instruments précis ?

  9   R.  Oui. Ils se servaient de bâtons, ils se servaient de la crosse de

 10   fusils, ils se servaient de leurs poings, de leurs pieds, et aussi un bâton

 11   dont on se servait pour nettoyer les fusils. Ils s'en servaient aussi pour

 12   nous passer à tabac.

 13   Q.  Et connaissiez-vous un homme qui s'appelait Ejub Masic ?

 14   R.  Masic ? Je n'avais pas connu cet homme avant ces événements. Mais en

 15   tout cas, on l'avait emmené dans la salle un soir, on l'a roué de coups.

 16   Puis le lendemain, quand nous nous sommes réveillés, nous avons constaté

 17   qu'il était mort.

 18   Q.  Et vous dites qu'il avait été jeté à l'intérieur de la salle. Qui vous

 19   surveillait au moment où cet événement s'est produit ?

 20   R.  Non, il n'a pas été jeté à l'intérieur de la salle. Il avait été

 21   d'abord sorti de la grande salle où nous nous tenions, puis il a été roué

 22   de coups et jeté dans la salle, et c'est la police qui nous surveillait à

 23   l'époque. Les représentants de l'armée étaient déjà partis.

 24   Q.  Et avez-vous vu le moment même où on l'a roué de coups devant la salle

 25   ?

 26   R.  Je n'ai pas pu le voir puisque la porte de la salle était fermée et,

 27   par ailleurs, il faisait nuit. Nous l'avons vu, en revanche, quand on l'a

 28   jeté à l'intérieur de la salle.

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  1   Q.  Merci. Vous avez passé un mois en détention dans les locaux de Krings.

  2   Que vous est-il advenu par la suite ? Où êtes-vous allé ?

  3   R.  Avant que je ne sois libéré, j'ai été interrogé. J'ai déjà dit qu'il

  4   s'agissait des policiers de haut rang. Ils m'ont posé des questions. Ils

  5   voulaient savoir si j'avais une arme, ce que je faisais, et cetera. Après,

  6   ils ont libéré les 40 personnes qui avaient été enfermées dans ce dépôt

  7   depuis le premier jour. Je pense qu'ils étaient tous sortis, puisque j'ai

  8   été parmi les derniers à être sortis.

  9   Q.  Est-ce que vous avez entendu des tirs, est-ce que vous avez participé

 10   au combat et est-ce que vous possédiez une arme ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Je n'ai plus de questions pour vous.

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Moi j'ai une question à poser.

 14   Elle concerne les interrogatoires que vous avez mentionnés. La voici : j'ai

 15   voulu savoir s'il y a eu des passages à tabac pendant les interrogatoires.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui. En ce qui me concerne,

 17   concrètement, quand j'ai été interrogé, ce policier que j'ai mentionné

 18   déjà, Drago Macura, il allait d'une pièce à une autre. Et là il y avait

 19   plusieurs policiers qui étaient en train de nous interroger en même temps.

 20   Il est venu dans la pièce où j'étais et il a posé la question au policier

 21   qui était en train de me poser des questions pour lui demander s'il avait

 22   besoin de l'aide par rapport à cet interrogatoire. Il voulait dire par là -

 23   - enfin, il voulait demander s'il était nécessaire de me passer à tabac

 24   parce qu'il avait un bâton entre les mains, et celui-ci lui a répondu que

 25   ce n'était pas nécessaire, que j'avais tout dit, et donc je n'ai pas été

 26   passé à tabac.

 27   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais est-ce que vous avez entendu des

 28   passages à tabac dans les autres pièces où l'on interrogeait les gens ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je suis revenu dans ce hall après mon

  2   interrogatoire, nous avons parlé entre nous, et il y avait des gens qui

  3   m'ont dit qu'ils avaient été passés à tabac de façon assez violente.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  5   Maître Krgovic.

  6   Contre-interrogatoire par M. Krgovic : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Je m'appelle Dragan Krgovic. Je vais vous poser quelques questions

 10   suite à votre déposition. Mais une mise en garde avant de commencer.

 11   Puisque nous parlons la même langue tous les deux, faites une petite pause

 12   entre mes questions et vos réponses pour que nos propos ne se chevauchent

 13   pas.

 14   Puis essayez de faire attention au micro, parce qu'il y a la

 15   protection -- non, excusez-moi, excusez-moi. Je me suis trompé. Parce que

 16   je pensais qu'on a déformé votre voix, mais apparemment non, donc vous

 17   n'avez pas besoin de prêter attention à cela. Oubliez ce que je viens de

 18   dire.

 19   Donc je vais enchaîner sur la dernière question qui vous a été posée par le

 20   Procureur. Si je vous ai bien compris, à Krings il n'y a pas eu

 21   d'interrogatoires dans ce hall. On vous faisait sortir pour vous interroger

 22   ?

 23   R.  Oui. Les interrogatoires se faisaient dans un petit immeuble qui était

 24   juste devant ce plus gros bâtiment, probablement un petit bâtiment

 25   administratif qui n'existe plus. On ne le voit pas sur la photo.

 26   Q.  Oui, j'avais compris la même chose. Donc les interrogatoires n'ont pas

 27   eu lieu dans ce hall. On vous faisait sortir, et c'est dans un autre

 28   bâtiment que les policiers vous interrogeaient, ensuite on vous

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  1   accompagnait pour vous faire retourner dans ce hall ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Ils voulaient savoir où êtes-vous allé au cours des quelques derniers

  4   mois, si vous possédiez une arme, si vous avez participé aux combats et si

  5   vous avez aidé de quelque façon que ce soit à la résistance dans la région

  6   où vous habitiez.

  7   R.  Ils m'ont surtout demandé si je savais qui possédait des armes. Et

  8   comme je savais que certaines personnes de mon village ont déjà été tuées,

  9   comme j'étais au courant de cela, j'ai donné leurs noms, justement.

 10   Q.  Vous avez dit que vous aviez le pistolet de votre père, que vous l'avez

 11   donné à votre voisin et vous lui avez demandé de le remettre. Est-ce que

 12   vous vous souvenez de cela ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais vraiment savoir de quoi il s'agit.

 16   Je voudrais voir la citation, parce que moi, ce que j'ai compris, c'est que

 17   son cousin avait une arme.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation]

 19   Q.  Justement, vous avez dit que votre père --

 20   M. KRGOVIC : [interprétation] A la page 8 054

 21   Q.  -- avait une arme, qui avait été confiée à un voisin et que par la

 22   suite, celui-ci l'a remise aux Serbes.

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  Oui.

 25   R.  Il l'a apportée à Klijevci. C'est là que se trouvait l'armée serbe, et

 26   cet homme a remis cette arme aux Serbes. Il n'est jamais revenu.

 27   Q.  Est-ce que vous avez été interrogé au sujet de cela ? Parce que votre

 28   père, je suppose, avait un permis ?

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  1   R.  Non, il n'avait pas un permis pour avoir cette arme. Je ne sais pas

  2   s'ils faisaient référence à cette arme-ci précisément, ou bien si, en

  3   général, ils voulaient savoir ce que j'avais fait dans cette unité, et

  4   cetera, ou si je faisais partie de l'armée.

  5   Q.  En répondant à la question du Procureur quand il vous a demandé à quel

  6   moment vous êtes arrivé à Krings -- bien, je vais vous montrer justement un

  7   document pour essayer de voir exactement depuis quel moment ce centre

  8   existe. Donc je vais vous le montrer et vous allez me dire ce que vous en

  9   pensez.

 10   M. KRGOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce P391.

 11   Q.  Je ne sais pas si vous avez déjà eu la possibilité de voir ce document.

 12   C'est un rapport qui vient du poste de sécurité publique de Sanski Most. Il

 13   porte justement sur ces centres de rassemblement. Vous étiez dans un de ces

 14   centres à la demande du centre de Sécurité de Banja Luka. Ce qu'on peut

 15   lire ici est qu'il existait un centre dans une salle de sport et qu'à

 16   partir du 1er août 1992, on a vidé ce gymnase pour déplacer le centre de

 17   rassemblement dans un hall appartenant à l'usine Krings. Donc est-ce que

 18   vous avez été détenu dans cette salle de sport ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la date de votre libération de Krings

 21   ?

 22   R.  Je pense que c'était dans ma déclaration préalable. Mais je ne me

 23   souviens pas de cette date. Je pense que j'ai quitté Sanski Most le 18

 24   août, et avant de quitter Sanski Most j'ai passé à peu près deux semaines

 25   chez une cousine à Sanski Most. Donc je dirais que cela s'est produit au

 26   début du mois d'août.

 27   Q.  Encore une question. Si l'on poursuit la lecture, on peut voir qu'une

 28   prison a été créée, qu'on a nommé les directeurs de la prison ainsi que le

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  1   personnel de sécurité, et que ces gens faisaient partie de la police de

  2   réserve. Est-ce que vous saviez qu'il y avait un directeur du centre,

  3   quelqu'un qui était responsable de tout

  4   cela ?

  5   R.  Oui. Il y avait un jeune policier qui, à la différence des autres,

  6   portait un vrai uniforme de police, mais de camouflage. Il s'est présenté,

  7   il a donné son nom et son prénom. Mais il était assez beau, cheveux bruns,

  8   et je pense qu'il a dû avoir travaillé à Bosanska Gradiska avant d'être

  9   venu là.

 10   Q.  Dans la prison de Bosanska Gradiska ?

 11   R.  Je ne sais pas s'il avait travaillé exactement dans la prison ou tout

 12   simplement au sein de la police, mais de toute façon, je pense qu'il a dû

 13   travailler comme policier.

 14   Q.  En ce qui concerne le bâtiment où vous séjourniez, veuillez examiner la

 15   deuxième page de ce document. Le quatrième paragraphe en partant d'en haut,

 16   où l'on décrit les conditions qui prévalaient à Krings.

 17   R.  Le quatrième paragraphe ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

 18   Q.  La quatrième colonne, pour ainsi dire, en partant d'en haut, où il est

 19   écrit : "Toutes les personnes ont été hébergées dans des bâtiments

 20   correspondant aux salles de sport."

 21   Justement, parce que là on parle des conditions. On peut lire que les

 22   prisonniers pouvaient se couvrir avec des couvertures.

 23   R.  Quand on est arrivé, il n'y avait que ces palettes en bois, et on les a

 24   placées par terre pour ne pas dormir à même le sol. Ensuite, on nous a fait

 25   venir des couvertures.

 26   Q.  Dans le paragraphe suivant, là on parle du gymnase, puis aussi de

 27   Krings, et ici on dit que la nourriture était fournie par les familles des

 28   détenus.

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  1   R.  Pendant que j'y étais, ma mère m'apportait de la nourriture. Je n'ai

  2   rien reçu de la Croix-Rouge. Mais il y avait de nombreuses personnes là-

  3   bas, et je ne peux pas garantir que personne n'ait rien reçu de la Croix-

  4   Rouge.

  5   Q.  "Pendant leur séjour, les personnes placées dans ce centre de

  6   rassemblement et des enquêtes recevaient une aide médicale adéquate du

  7   centre de soins de Sanski Most. Les médecins de ce centre visitaient

  8   régulièrement les prisonniers et les soignaient."

  9   Est-ce que vous avez vu un médecin ou un infirmier ?

 10   R.  Je vais vous citer un exemple. Il y avait un Musulmans qui était détenu

 11   avec nous. Je pense qu'il s'appelait Enes Karabeg. Il était médecin. Et je

 12   pense qu'il travaille encore au jour d'aujourd'hui comme médecin. Il

 13   souffrait énormément, parce que pendant qu'il dormait, un insecte lui est

 14   entré dans l'oreille et cela a provoqué des douleurs incroyables, de sorte

 15   qu'il ait frappé à la porte pour appeler à l'aide parce qu'il voulait qu'on

 16   lui enlève cet insecte. C'était très pénible. Mais ils l'ont emmené, et par

 17   la suite on a vu qu'il allait mieux. Mais cela étant dit, les médecins ne

 18   sont jamais venus nous rendre visite au centre.

 19   Q.  La dernière question que je veux vous poser : quand vous avez répondu à

 20   la question du Procureur, vous avez dit qu'on a fait introduire un homme

 21   dans l'endroit où vous étiez et qu'il est mort le lendemain, mais vous

 22   n'avez pas vu exactement qui l'a passé à tabac. Vous avez simplement vu

 23   qu'on l'a fait sortir, ensuite qu'on l'a introduit à nouveau.

 24   R.  Oui, on l'a passé à tabac juste à l'extérieur. On pouvait entendre le

 25   passage à tabac, on pouvait entendre des cris, mais on pouvait entendre

 26   aussi les cris de ceux qui les passaient à tabac. Mais moi, je n'ai pas vu

 27   les visages des personnes qui les ont introduits par la suite parce qu'il

 28   faisait noir.

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  1   Q.  Mais il n'était pas détenu avec vous dans ce hall avant cela ?

  2   R.  Non, pas avant. On l'a fait venir ce soir-là, et il est mort le

  3   lendemain matin.

  4   Q.  Et après l'interrogatoire, quand on a établi que vous n'étiez coupable

  5   d'aucune activité militaire, on vous a libéré, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui. Après l'interrogatoire, j'ai reçu une lettre de sortie et j'ai pu

  7   quitter cet endroit.

  8   Q.  Merci.

  9   M. KRGOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour ce

 10   témoin.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions pour ce témoin.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Vous avez des questions, Monsieur Hannis

 13   ?

 14   M. HANNIS : [interprétation] Quelques questions seulement, Monsieur le

 15   Président.

 16   Nouvel interrogatoire par M. Hannis : 

 17   Q.  [interprétation] Je pense à cet homme qui avait été roué de coups à

 18   l'extérieur et qui est décédé par la suite. En fait, ce que j'aimerais

 19   savoir, c'est si tout cet incident s'est déroulé à l'extérieur de cet

 20   endroit ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez fait référence à des interrogatoires. Mais pendant votre

 23   détention de 30 jours à Krings, combien de fois ou combien de jours avez-

 24   vous interrogé ?

 25   R.  J'ai été interrogé une journée, pendant dix minutes à un quart d'heure.

 26   Q.  Et lorsqu'on vous a emmené au bureau où vous étiez interrogé, qui vous

 27   y amenait, qui vous faisait rentrer à Krings ?

 28   R.  C'étaient des officiers de police. Il n'y avait plus de militaires

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  1   présents. Il y avait les gardes, puis il y avait ces personnes qui étaient

  2   venues. C'étaient peut-être des inspecteurs, en fait. Mais en tout cas,

  3   eux, ils nous interrogeaient également.

  4   Q.  Et quelle était la distance entre ces bureaux où vous étiez interrogé

  5   par rapport à l'endroit où vous étiez détenu ? Ce que j'aimerais savoir, en

  6   fait, c'est est-ce que ces bureaux se trouvaient à proximité de ce grand

  7   bâtiment que nous voyons sur la photographie ?

  8   R.  Ecoutez, ce petit bâtiment se trouvait à une dizaine ou une quinzaine

  9   de mètres du centre, mais ceci étant, il faisait partie du complexe. Bon,

 10   il y avait là des bureaux, donc je suppose que c'étaient des bureaux

 11   réservés à l'administration, mais ils ne se trouvaient qu'à, comme je vous

 12   l'ai déjà dit, une dizaine ou à une quinzaine de mètres.

 13   Q.  Et en dernier lieu, l'homme qui a été roué de coups et qui a été jeté

 14   et qui était mort le lendemain matin, je ne sais pas, est-ce que quelqu'un

 15   a demandé à ce qu'il soit soigné pendant la nuit ?

 16   R.  Non, personne parmi nous ne l'avons fait parce que nous n'osions pas le

 17   faire.

 18   Q.  Mais pourquoi pas ?

 19   R.  Parce que nous avions tous peur pour notre peau. Personne d'ailleurs ne

 20   s'attendait à ce qu'il périsse. Nous pensions qu'il allait se remettre.

 21   Q.  Je n'ai plus de questions à poser.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien, Monsieur, vous êtes arrivé au

 23   terme de votre déposition. Vous pouvez maintenant disposer. Nous vous

 24   souhaitons un bon retour chez vous, et la Chambre souhaiterait

 25   véritablement vous indiquer à quel point elle apprécie le fait que vous

 26   êtes venu déposer ici. Nous sommes tout à fait conscients des souffrances

 27   que vous avez vécues à l'époque, et nous sommes véritablement pleins de

 28   compassion pour vous.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais remercier tout le monde.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Monsieur Hannis, donc c'est tout pour

  3   aujourd'hui, si j'ai bien compris ?

  4   M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons un

  5   autre témoin qui est prêt, mais est-ce que cela vaut la peine de le faire

  6   venir juste pour 20 minutes ? Je pense qu'il vaut mieux attendre lundi

  7   matin.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Nous allons donc faire sortir le

  9   témoin du prétoire, ensuite nous allons officiellement lever l'audience en

 10   audience publique.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Merci. Merci de nous aider à faire

 13   remonter les stores.

 14   Nous allons pouvoir lever l'audience et reprendre à 9 heures lundi

 15   matin. Je vous souhaite un bon week-end.

 16   --- L'audience est levée à 14 heures 09 et reprendra le lundi 11 octobre

 17   2010, à 9 heures 00.

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