Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 25 novembre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  6   Ceci est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et

  7   Stojan Zupljanin.

  8   Merci, Messieurs les Juges.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 10   Bonjour à toutes les personnes présentes.

 11   Pouvons-nous avoir les présentations ?

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Au nom de

 13   l'Accusation, Alex Demirdjian, Tom Hannis, Belinda Pidwell et Crispian

 14   Smith pour nous assister.

 15   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Slobodan

 16   Zecevic, Slobodan Cvijetic, et Mme Claire Plumb pour la Défense de M.

 17   Stanisic.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Dragan Krgovic,

 19   Aleksandar Aleksic et Igor Pantelic pour la Défense de M. Zupljanin.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 21   On a demandé à la Défense de répondre rapidement par rapport à une requête

 22   d'ajout de six documents. A moins qu'il n'y ait de position dont vous

 23   souhaitiez faire état, Messieurs les conseils de la Défense, les Juges

 24   s'apprêtent à procéder comme s'il n'y avait pas de réponse de votre part.

 25   M. ZECEVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, à ce stade je ne suis

 26   pas en mesure de commenter, parce que je dois consulter Me O'Sullivan sur

 27   ce point particulier, et je serai en mesure de vous répondre dès que

 28   j'aurai pu le faire.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

  2   M. KRGOVIC : [interprétation] Je crois que ce vers quoi nous dirigeons,

  3   c'est une réponse conjointe des deux Défenses, Monsieur le Président, ce,

  4   aujourd'hui même.

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci --

  6   M. KRGOVIC : [interprétation] Bien.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Excusez-moi.

  8   [Problème technique]

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Concernant la requête de

 10   l'Accusation et la septième [comme interprété] requête demandant l'octroi

 11   de mesures de protection déposée le 29 octobre 2010, la Chambre fait droit

 12   à cette requête en l'état concernant les Témoins 48, 88, 145, 153, et ne

 13   fait pas droit à la requête concernant les Témoins 32 et 36.

 14   Y a-t-il d'autres questions d'intendance ou de procédure à aborder avant de

 15   faire entrer le témoin ?

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y a un

 17   certain nombre de points concernant le témoin suivant. Mais avant cela je

 18   voudrais donner la parole à Mme Pidwell afin qu'elle aborde des questions

 19   relatives au calendrier.

 20   Mme PIDWELL : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 21   Juste pour faire suite aux décisions que vous avez rendues hier concernant

 22   le calendrier. Tout d'abord, je suis en mesure de vous dire que le témoin

 23   pour lequel les Juges de la Chambre ont bien voulu faire droit à notre

 24   demande de mise en place d'un lien par vidéoconférence dans la requête de

 25   la semaine dernière, bien, je puis vous dire que ce témoin s'est remis de

 26   sa grippe. Par conséquent, il est en mesure de venir à la Haye et de

 27   témoigner viva voce sans passer par l'intermédiaire d'une vidéoconférence.

 28   Par conséquent, l'Accusation a informé de cette évolution aussi bien les

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  1   Défenses que le greffe.

  2   Deuxièmement, concernant le Témoin numéro 228 qui a également fait l'objet

  3   d'une décision de votre part hier. Je souhaiterais demander aux Juges de la

  4   Chambre de réexaminer leur décision afin de pouvoir faire venir ce témoin

  5   en décembre. Parce qu'avec tout le respect que je dois à Mme Korner, je

  6   souhaite néanmoins dire que cette dernière n'a pas fourni un tableau

  7   absolument exhaustif concernant la situation précise de ce témoin. Il

  8   s'agit de coordonner la déposition de ce témoin avec sa déposition dans un

  9   autre procès, et je voudrais que l'on le fasse brièvement à huis clos

 10   partiel, s'il vous plaît.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en huis clos

 12   partiel, Messieurs les Juges.

 13   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Krgovic, est-ce que vous avez

  9   déjà fait parvenir à la Chambre une requête à cet effet, ou bien devons-

 10   nous attendre ?

 11   M. KRGOVIC : [interprétation] C'était une requête orale qui a été consignée

 12   au compte rendu, Monsieur le Juge.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Dans ce cas, nous sommes parfaitement

 14   au courant.

 15   Mme PIDWELL : [interprétation] Juste encore une chose. Si ce témoin doit

 16   revenir -- si je ne m'abuse, c'était un témoin qui déposait sous injonction

 17   de comparaître. Par conséquent, si c'est bien le cas il faut tenir compte

 18   du temps supplémentaire dont nous aurons besoin pour prendre les

 19   dispositions nécessaires.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous nous pencherons sur cette question

 21   dans le courant de la journée.

 22   Avant de faire venir le témoin, y a-t-il quoi que ce soit d'autre à

 23   soulever ?

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien, ce qui reste concerne le témoin lui-

 25   même.

 26   Il y a deux points que je souhaite aborder.

 27   Tout d'abord, j'ai rencontré le témoin hier, et à cette occasion il a

 28   indiqué pour la première fois souhaiter bénéficier de mesures de

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  1   protection. Je souhaiterais que nous repassions à huis clos partiel afin de

  2   pouvoir aborder ce point.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Soit.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes de nouveau à huis clos

  5   partiel, Messieurs les Juges. Je vous remercie.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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  3   [Audience publique]

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Concernant le second point, dans votre

  5   décision orale rendue le 11 novembre 2010, vous nous avez accordé 30

  6   minutes d'interrogatoire pour interroger ce témoin de vive voix. Vous avez

  7   déterminé que la portée de l'interrogatoire principal devait se limiter aux

  8   faits relatifs à la mise en œuvre du couvre-feu. Et vous vous souviendrez

  9   que des éléments contradictoires sont présents au dossier concernant la

 10   mise en place du couvre-feu dans la municipalité de Doboj.

 11   Comme je vous l'ai dit, le témoin occupait un poste d'une certaine

 12   importance à l'époque et il est en mesure de fournir beaucoup

 13   d'informations concernant ce couvre-feu.

 14   Comme je l'ai déjà dit, il connaissait des membres de la cellule de

 15   Crise, ce qui vous fournira les fondements mêmes sur la base desquels il

 16   dépose.

 17   Comme indiqué dans l'e-mail que vous avez reçu, le rythme lent avec lequel

 18   le témoin a tendance à répondre pourrait nous rendre la tâche difficile

 19   pour ce qui est de finir en 30 minutes. Donc je crains que 30 minutes, ce

 20   soit un peu juste.

 21   Un autre point que vous souhaiterez peut-être examiner concerne le

 22   témoin suivant. M. Rindi m'indique que pour cet autre témoin, nous aurons

 23   peut-être besoin d'un peu moins que le temps alloué qui est d'une heure.

 24   Donc en tenant compte des temps alloués pour les deux témoins, peut-être

 25   serions-nous en mesure d'en finir avec ces deux témoins dans la journée

 26   d'aujourd'hui.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc vous auriez besoin de combien

 28   de temps en plus du temps qui vous a déjà été accordé ?

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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Trente minutes de plus, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vois.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais, Monsieur Demirdjian, nous

  5   restons dans les limites du sujet, c'est-à-dire uniquement le couvre-feu,

  6   n'est-ce pas, même s'il y a des éléments de contexte intéressants ?

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous nous concentrerons, c'est certain,

  8   sur le couvre-feu. Je devrai toutefois parler un peu de son passé - de qui

  9   il est, des fonctions qui étaient les siennes --

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien sûr.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] -- mais nous en resterons, pour

 12   l'essentiel, au couvre-feu.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc nous passons à huis clos pour la

 14   suite de l'interrogatoire du témoin.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 16   Juges, nous sommes à huis clos. Je vous remercie.

 17   [Audience à huis clos]

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 12   [Audience publique]

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

 14   Greffier.

 15   Avant de donner la parole à l'Accusation, je voudrais rendre la décision de

 16   la Chambre au sujet des mesures de la protection, et je voudrais le faire

 17   en public. Donc aux termes de cette décision, la Chambre indique qu'elle a

 18   accordé au témoin deux formes de mesures de protection : octroi d'un

 19   pseudonyme et déformation des traits du visage sur les écrans. Donc pendant

 20   toute la déposition de ce témoin, on s'adressera à lui en l'appelant ST-

 21   041.

 22   Puis j'ai encore une chose à faire avant de donner la parole à

 23   l'Accusation, c'est de demander à M. le Greffier de donner un numéro de

 24   pièce à conviction à la fiche nominative signée par le témoin.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. La

 26   fiche nominative concernant le témoin ST-041 devient la pièce à conviction

 27   P01728, Messieurs les Juges. Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

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  1   Je donne maintenant la parole à l'Accusation.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

  3   Interrogatoire principal par M. Demirdjian : 

  4   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin ST-041, bonjour.

  5   R.  Bonjour.

  6   Q.  Avant de démarrer, je tiens à vous rappeler que ce n'est en aucun cas

  7   un signe de manque de respect à votre égard, mais que nous utiliserons pour

  8   nous adresser à vous votre pseudonyme, à savoir "ST-041."

  9   Vous avez déjà dit aux Juges de la Chambre quelle était votre religion,

 10   vous avez décliné vos nom et prénom et votre date de naissance. Je vous

 11   demanderais maintenant ce qu'il en est de votre service militaire.

 12   Est-ce que vous avez fait votre service militaire ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  En quelle année ?

 15   R.  En 1966 et 1967. A Nis et à Vranje, en République de Serbie.

 16   Q.  Vous avez également indiqué quelles ont été vos fonctions. Je ne vais

 17   pas les évoquer oralement, mais je vous demande simplement s'il suffit de

 18   dire que vous exerciez des fonctions d'officier supérieur ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Quand avez-vous commencé à travailler pour l'organisation pour laquelle

 21   vous travailliez à l'époque ?

 22   R.  En 1978.

 23   Q.  Et quand avez-vous cessé de travailler pour cette organisation ?

 24   R.  Le 30 avril 1992.

 25   Q.  Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment il se fait que le

 26   30 avril ait été le dernier jour de votre travail ?

 27   R.  Oui, bien sûr.

 28   Le 30 avril 1992 était le dernier jour ouvré du mois d'avril avant la fête

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  1   qui a lieu là-bas le 1er mai.

  2   Autrement dit, le lendemain c'était un jour férié, donc on ne travaillait

  3   pas. Le 2 mai était également un jour férié, donc pas de travail. Et dans

  4   la nuit du 2 au 3 mai, Doboj a été prise par les forces serbes.

  5   Q.  Comment se fait-il que vous ayez cessé de travailler ? Pourriez-vous

  6   nous dire plus précisément dans quelles conditions la chose s'est faite ?

  7   R.  Oui. Au début mai, on m'a appelé à la caserne, qui se trouve à 2

  8   kilomètres à l'ouest, donc dans la banlieue ouest de Doboj. Un certain

  9   commandant, le commandant Krkljes [phon], m'a remis ma démission des

 10   fonctions qui étaient les miennes, démission présentée par moi.

 11   Q.  Vous nous avez parlé du début du mois de mai, mais pourriez-vous nous

 12   citer une date précise ?

 13   R.  Je crois que c'était le 8 mai.

 14   Q.  Très bien. Vous nous avez dit que dans la nuit du 2 au 3 mai, Doboj

 15   avait été prise par les forces serbes, et vous venez de faire savoir aux

 16   Juges de la Chambre que vous avez été démis de vos fonctions.

 17   Mais ce genre de chose est arrivé à d'autres personnes également qui ont

 18   aussi été démises de leurs fonctions, n'est-ce pas, à Doboj ?

 19   R.  Oui. C'était assez général. A partir du 3 mai. En dehors de

 20   l'obligation de travail qui a été mise en place dans certaines entreprises

 21   de la ville, il est certain que toute personne qui n'était pas

 22   d'appartenance ethnique serbe était démise de ses fonctions.

 23   Q.  Très bien.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Il y a un point dont j'aimerais traiter à

 25   huis clos partiel, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'il vous

 26   plaît.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

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 18   [Audience publique]

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Q.  Monsieur le Témoin, nous allons maintenant, comme l'a dit le Juge

 21   Harhoff, parler des questions du couvre-feu.

 22   Mais avant d'aborder cette question, j'aimerais vous demander

 23   d'informer les Juges de la Chambre si vous aviez connaissance d'une

 24   création d'une cellule de Crise serbe dans la municipalité de Doboj.

 25   R.  Je ne le savais pas avant la guerre. Plus tard, je l'ai appris dans la

 26   rue, d'amis, de connaissances, d'officiers également. Ils m'ont informé du

 27   fait qu'il y avait une cellule de Crise qui avait été créée, et que

 28   certaines personnes qu'il a mentionnées d'ailleurs, qu'il a mentionnées

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  1   comme étant membres de la cellule de Crise, je les connaissais. Ils m'ont

  2   également dit que la cellule de Crise dirigeait tous les événements. Et cet

  3   ami, en particulier, qui m'a parlé de ceci a dit qu'ils avaient redonné --

  4   enfin, ils avaient donné l'autorité aux civils, et il avait dit qu'ils

  5   n'auraient pas dû le faire, parce qu'ils avaient remis le tout entre les

  6   mains des autorités civiles, c'est-à-dire la cellule de Crise. Donc j'ai

  7   fait un lien entre cet événement et ce qui en a suivi.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire qui était cet officier ?

  9   R.  Cet officier s'appelait Stankovic Milovan. A l'époque, c'était le

 10   commandant Stankovic Milovan. Il était commandant, il avait un grade.

 11   Q.  Est-ce que vous connaissiez M. Stankovic depuis un certain temps à

 12   l'époque ?

 13   R.  Oui. Oui, je connaissais le commandant Stankovic, je l'ai connu en

 14   1978.

 15   Q.  Et --

 16   R.  En fait, à l'époque, vous savez, il n'était pas commandant. Je suis

 17   désolé de vous interrompre, mais c'est la même personne dont vous parlez.

 18   Q.  D'après vous, est-ce que vous savez -- enfin, est-ce que vous savez

 19   quel était le rôle qu'il jouait dans la municipalité ?

 20   R.  Le commandant Stankovic avait été resubordonné, et on l'a transféré à

 21   Sarajevo au sein du commandement de l'armée, et il a occupé certaines

 22   fonctions. Je ne peux pas vous dire précisément quel poste il occupait, car

 23   je ne veux pas faire d'erreur, je ne le sais pas exactement. Toutefois, il

 24   est arrivé à Doboj à l'automne, en 1991, comme il m'a dit lui-même, pour

 25   venir en aide au commandant de la garnison, Hadzic. Et c'est à ce moment-

 26   là, pendant la guerre, qu'il effectuait le rôle du commandant de la défense

 27   de la ville, pendant un certain temps très court, pendant un laps de temps

 28   court.

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  1   De sorte qu'après quelques semaines, le colonel Lisica Slavko l'a remplacé

  2   en tant que commandant principal, et commandant du groupe opérationnel de

  3   l'armée serbe sur ce territoire, de sorte que Stankovic n'avait plus de

  4   rôle particulier à jouer, ou tout du moins, j'ignore s'il avait un rôle

  5   dans la vie civile et militaire qui lui a été confiée, s'il jouait un rôle,

  6   je ne sais pas ce qu'il faisait.

  7   Q.  Très bien. Merci. Monsieur, n'est-il pas exact que c'est un fait admis,

  8   n'est-ce pas, que peu de temps après que le couvre-feu qui avait été

  9   instauré dans la municipalité de Doboj --

 10   Bon, premièrement, avant de vous poser la question, permettez-moi de vous

 11   demander si vous aviez connaissance de ceci.

 12   R.  Oui. J'en avais eu connaissance, l'ayant entendu par la radio locale,

 13   mais également dans la rue directement. On voyait des autocars -- des

 14   automobiles, plutôt, avec des haut-parleurs dessus, sur le toit, et ils

 15   disaient -- sur la toiture de l'automobile, ils disaient qu'un couvre-feu

 16   avait été instauré, ils informaient la population de ce que cela voulait

 17   dire.

 18   Q.  A quel moment avez-vous entendu parler pour la première fois d'un

 19   couvre-feu ?

 20   R.  Immédiatement, le 3 mai -- enfin, dans la matinée du 3 mai, tout de

 21   suite. Tout de suite quoi.

 22   Q.  Et quelles étaient les heures du couvre-feu ?

 23   R.  Il m'est beaucoup plus facile de vous dire à quel moment nous n'avions

 24   pas de couvre-feu. Enfin, le couvre-feu n'était pas en présence, donc nous

 25   ne pouvions nous déplacer librement que pendant trois heures de 24 heures.

 26   Donc nous pouvions nous déplacer librement entre 8 heures et 11 heures du

 27   matin, et c'était tout. Donc nous profitions de ces trois heures de liberté

 28   pour aller chercher de l'eau. Il n'y avait pas d'électricité, vous savez.

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  1   Donc on essayait d'aller chercher de la nourriture, de s'approvisionner en

  2   denrées de toutes sortes, et c'était pendant les trois heures en question,

  3   pendant le couvre-feu -- n'était pas en vigueur.

  4   Q.  Vous nous avez dit que des véhicules se déplaçaient dans la rue avec

  5   des haut-parleurs. Est-ce que vous savez à quelle organisation appartenait

  6   ces véhicules, et de quel type de véhicules s'agissait-il ?

  7   R.  Il s'agissait de véhicules de police, mais il y avait également

  8   certains véhicules de civils qui avaient été confisqués des civils, car

  9   nous savons très bien que là-bas, dans la ville, on avait pris les

 10   véhicules de tous les civils, et on s'en servait pour toutes sortes de

 11   choses. De façon très concrète, je ne peux pas vous dire c'était quel jour,

 12   quels étaient les véhicules, mais on se servait de ces véhicules-là, on se

 13   servait des véhicules militaires plus petits de taille. Il y avait des

 14   transporteurs militaires, des véhicules de police. Il y avait également un

 15   petit autocar qui sert d'arrestation -- plutôt, cet autocar de petite

 16   taille servait d'endroit où on plaçait les personnes qu'on arrêtait dans la

 17   rue. J'avais entendu dire que certaines personnes avaient eu des amendes et

 18   devaient payer des amendes. D'autres personnes étaient restées en prison

 19   parce qu'ils avaient été arrêtés, s'étaient fait arrêter.

 20   Q.  Est-ce que vous-même vous aviez vu de telles arrestations ?

 21   R.  Oui. Mon bâtiment donne sur un terrain vague, et en fait, les gens s'en

 22   servaient comme jardin et potager. Donc il y avait un autocar qui est

 23   arrivé, et j'ai vu qu'alors que les personnes essayaient de planter des

 24   légumes, ils se sont fait arrêter.

 25   Q.  Vous dites qu'"ils se sont fait arrêter," mais qui a procédé à

 26   l'arrestation de ces personnes ?

 27   R.  C'était la police, la police locale.

 28   Q.  Lorsque vous dites qu'il s'agissait de "la police," pensez-vous à la

Page 17801

  1   police militaire ou à la police civile ?

  2   R.  La police militaire et la police civile se distinguaient de par leurs

  3   vêtements, et également de par le type de véhicules dans lequel ils se

  4   déplaçaient.

  5   D'après leurs vêtements, la police militaire et les soldats, de toute

  6   façon, portaient des vêtements gris vert olive, alors que la police portait

  7   des uniformes de couleur bleue. C'était des uniformes de guerre qu'on

  8   appelait uniformes de guerre, mais la couleur prédominante était bleue. Et

  9   la police portait des ceinturons blancs, alors que la police civile, non,

 10   elle ne portait pas de ceinturons blancs. Ils avaient des ceinturons de

 11   couleur régulière.

 12   Q.  Vous avez dit que c'était la police locale qui procédait à

 13   l'arrestation des personnes. Nous n'avons pas toujours bien compris

 14   laquelle des deux polices procédait à l'arrestation des personnes qui

 15   étaient sous le coup du couvre-feu.

 16   R.  Je suis persuadé - et tous, nous savons de quoi il s'agit - c'étaient

 17   des membres de la police militaire et de la police civile. Et pour moi, en

 18   tant que soldat, il n'y a qu'une police, la police locale. D'après moi, ces

 19   derniers devaient protéger les citoyens et leurs biens, alors que ces

 20   derniers ne faisaient pas du tout leur travail, malheureusement.

 21   Q.  Est-ce que vous saviez qui était le chef de la police civile à Doboj ?

 22   R.  Je ne le connais pas personnellement, je sais quel était son nom. Il

 23   s'appelait Andrija Bjelosevic.

 24   Q.  Toujours en parlant du couvre-feu, pourriez-vous vous dire aux Juges de

 25   la Chambre à qui s'appliquait ce couvre-feu ?

 26   R.  En principe, il s'appliquait à tous les citoyens, d'après la

 27   proclamation, d'après l'interprétation. Mais en pratique, le couvre-feu

 28   n'était que pour les personnes qui n'étaient pas serbes. Je peux le dire

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  1   vraiment, en toute confiance, je le sais pertinemment, c'était clair comme

  2   le jour, les personnes qui n'étaient pas de nationalité serbe étaient

  3   soumises au couvre-feu.

  4   Q.  Alors, êtes-vous en train de nous dire que la plupart des non-Serbes

  5   s'étaient fait prendre ? Est-ce que vous avez vu des Serbes marcher dans la

  6   rue ?

  7   R.  Oui, oui. Oui, tous les jours, je voyais des Serbes se déplacer dans la

  8   rue. Je ne sais pas pour quelles raisons. Probablement, pour aller

  9   travailler. Mais je les voyais dans la rue, effectivement, oui.

 10   Q.  Pour être tout à fait précis, dans quelle partie de la ville de Doboj

 11   habitiez-vous ?

 12   R.  J'habitais tout près du centre, dans la partie ouest de la ville. Donc

 13   mes fenêtres donnaient sur un terrain ouvert, vague, en direction de la

 14   garnison.

 15   Q.  Et lorsque vous dites que votre appartement se trouvait près du centre,

 16   y avait-il un bâtiment qui revêtait une importance particulière et qui se

 17   trouvait tout près de l'immeuble dans lequel vous habitiez ?

 18   R.  Tout près de mon appartement, il y avait un centre secondaire, d'études

 19   secondaires, et c'était environ à 150 mètres à vol d'oiseau. Il y avait un

 20   très grand nombre de personnes qui se rassemblaient devant cette école, ou

 21   ce centre écolier, comme on l'appelait, et ils avaient été transportés vers

 22   un pays tiers. Mais je sais que ce n'est pas la question que vous m'avez

 23   posée, je suis désolé.

 24   Q.  A Doboj, il y a une route, une rue principale, il y a un tribunal, un

 25   poste de police. J'aimerais savoir, votre appartement se trouvait à quelle

 26   distance par rapport à ces deux bâtiments que je viens de donner,

 27   d'énumérer ?

 28   R.  Je pourrais me tromper, mais disons, entre 200 à 300 mètres, en

Page 17803

  1   direction ouest.

  2   Q.  Fort bien. Pour ce qui est de la longueur de l'imposition du couvre-

  3   feu.

  4   Il est un fait admis dans cette affaire que des centaines de

  5   Musulmans et de Croates avaient été détenus à Doboj, après la prise de

  6   Doboj. J'aimerais savoir si vous avez subi le même sort.

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas s'il

  8   s'agit d'une question directe, le fait de donner des opinions personnelles

  9   qui découlent des faits que nous avons entendus, et je ne crois pas que

 10   ceci convient à la procédure.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voulais simplement vous informer,

 12   Monsieur le Président, de la façon dont le témoin a pu se rendre compte de

 13   la longueur du couvre-feu. Alors, il a peut-être pu le dire, si c'était

 14   pendant qu'il était détenu ou pendant qu'il était en liberté; c'est à ça

 15   que je faisais allusion.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je ne vois pas de problème avec la

 17   question, elle ne me gêne absolument pas.

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Bien, vous savez, à la fin, mon collègue a

 19   reformulé sa question; donc il faut poser une question de façon directe. A

 20   ce moment-là moi non plus je n'ai pas de problème avec la question.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien.

 22   Q.  Avez-vous été détenu pendant une certaine période de

 23   temps ?

 24   R.  Oui. Oui, j'ai été détenu à deux reprises au poste de police, mais on

 25   m'a relâché.

 26   Et une fois, j'ai été arrêté par la police militaire, et j'avais été emmené

 27   dans l'enceinte de la garnison. C'est là que j'ai passé presque quatre

 28   jours et trois nuits. Et grâce à certains amis, entre autres - je peux vous

Page 17804

  1   donner des noms, si vous le souhaitez - j'ai été relâché et on m'a laissé

  2   partir à la maison.

  3   Q.  Bien. Merci. Je ne voulais pas entrer dans les détails de votre

  4   détention. Mais simplement pour que les Juges de la Chambre puissent

  5   comprendre exactement la situation, vous avez été détenu pendant presque

  6   quatre jours, vous nous avez dit.

  7   Pourriez-vous nous dire quand c'était ?

  8   R.  C'était au mois de mai.

  9   Q.  Par rapport au reste de l'année ou à l'année en question, est-ce que

 10   vous avez été détenu pendant une autre période de temps, pendant cette

 11   année-là ?

 12   R.  Après le mois de mai, non, je n'ai pas été détenu.

 13   Q.  D'accord. Merci. Après avoir été libéré, est-ce que vous savez si le

 14   couvre-feu était encore en vigueur ?

 15   R.  Oui, tout à fait, oui, oui.

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire jusqu'à quand ce couvre-feu était en vigueur ?

 17   R.  Malheureusement, je ne peux pas être tout à fait précis, mais je crois

 18   que c'était jusqu'à la fin de l'année. Je crois que le couvre-feu était

 19   instauré, a duré toute cette période. Je ne suis pas tout à fait si c'était

 20   pendant toute la période en entier. Je ne sais pas si c'était 21 heures de

 21   couvre-feu pendant l'ensemble de la période, ou si, plus tard, on avait

 22   relaxé un peu les heures du couvre-feu, je ne peux pas vous le dire. Mais

 23   je sais que le couvre-feu était en vigueur pendant très longtemps.

 24   Q.  Jusqu'à quand êtes-vous resté à Doboj ?

 25   R.  Je suis resté à Doboj jusqu'au 25 octobre 1993.

 26   Q.  Monsieur, vous avez mentionné un peu plus tôt le fait que M. Stankovic

 27   vous a parlé de la cellule de Crise, de la création d'une cellule de Crise.

 28   Et j'aimerais vous demander si vous savez quelles étaient les autorités qui

Page 17805

  1   avaient imposé ce couvre-feu ?

  2   R.  Je me suis entretenu avec Stankovic sur la question, car en fait, la

  3   raison pour laquelle je me suis entretenu avec lui, c'était de savoir de

  4   quelle façon nous pouvions nous assurer que nos maisons ne soient pas

  5   fouillées, que nous soyons protégés comme citoyens. C'est à ce moment-là

  6   qu'il m'a dit, on a remis trop rapidement le tout entre les mains de la

  7   cellule de Crise aux autorités civiles; donc qu'il était déçu à cause de

  8   cela parce que lui, personnellement, ne pouvait pas faire grand-chose pour

  9   venir en aide à une personne qui avait besoin d'aide.

 10   Et s'agissant de la cellule de Crise, j'ai appris son existence -- et

 11   lorsque j'ai appris son existence, j'ai estimé qu'il s'agissait d'un organe

 12   illégal, puisque après les élections multipartites, on a procédé à la

 13   création d'une autorité qui s'appelait assemblée, il y avait un président.

 14   Et à plusieurs autres niveaux, on a partagé l'autorité de cette façon-là.

 15   Et tout d'un coup cette entité est apparue qui s'appelait "cellule de

 16   Crise," et à la tête de cette cellule de Crise se trouvaient des personnes

 17   dont je me rappelle certains noms et d'autres pas.

 18   Q.  Vous avez parlé aux Juges de la Chambre du fait que dans votre

 19   appartement il y avait des potagers, et les personnes pouvaient planter des

 20   légumes dans ce potager. J'aimerais savoir de quelle façon est-ce qu'on

 21   procédait à l'irrigation de ces jardins. Est-ce qu'ils avaient accès à

 22   l'eau, par exemple ?

 23   R.  Oui.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi. Pour nous en tenir à la mise en

 25   garde du Juge Harhoff, j'aimerais demander que l'on ne s'éloigne pas trop

 26   du sujet de la cellule de Crise.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Cette question, justement, porte sur

 28   l'imposition du couvre-feu.

Page 17806

  1   M. ZECEVIC : [interprétation] Mais je ne crois pas du tout qu'on ait

  2   répondu à votre question précédente. Je crois que la question était de

  3   savoir quelle était l'autorité qui avait imposé le couvre-feu, et on n'a

  4   pas répondu, vous n'avez pas obtenu de réponse à votre question. Mais la

  5   raison principale c'était justement que dans votre question, vous avez

  6   suggéré le fait -- vous avez parlé d'une cellule de Crise. Et le témoin

  7   nous a tout expliqué sur les cellules de Crise, sur le fonctionnement de la

  8   cellule de Crise, sauf qu'il ne nous a pas donné de réponse à votre

  9   question, ce qui est pertinent pour ce qui est des faits jugés. Et

 10   maintenant, on passe aux pompes hydrauliques…

 11   Je suis désolé.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien. Alors, je vais poser une

 13   question de façon directe.

 14   Q.  Vous avez entendu l'intervention de la Défense. J'aimerais savoir si

 15   vous savez quelle était l'autorité qui avait imposé le couvre-feu ?

 16   R.  De façon concrète, je ne le sais pas. S'agissant du couvre-feu, j'en ai

 17   entendu parler, je l'ai vu, je l'ai senti sur ma propre personne. Qui a

 18   procédé à la création de cette cellule de Crise, qui siégeait lors des

 19   réunions de la cellule de Crise, qui avait décidé de la création de la

 20   cellule de Crise, je ne le sais réellement pas.

 21   Q.  Dernière question avant de passer à autre chose. Vous avez dit que vous

 22   avez entendu parler du couvre-feu à la radio. J'aimerais savoir si à la

 23   radio on avait dit que le couvre-feu avait été imposé par une certaine

 24   autorité, si vous savez par qui, qui avait créé ce couvre-feu ? Qui était

 25   derrière ce couvre-feu ?

 26   R.  Je crois que c'était la cellule de Crise. C'est la cellule de Crise qui

 27   avait décidé d'imposer le couvre-feu avec la police, de concert avec la

 28   police, puisqu'à la radio on avait dit qu'un couvre-feu avait été instauré.

Page 17807

  1   Et il y avait également les personnes qui se déplaçaient dans la rue et qui

  2   avertissaient les personnes de façon officielle. Mais à la radio on avait

  3   entendu dire que d'après les demandes et d'après une décision, on a

  4   instauré un couvre-feu, et je crois qu'on a également parlé de la cellule

  5   de Crise, d'une création de la cellule de Crise faite suite à une

  6   proposition du président du chef de la police. Il m'est bien difficile de

  7   répondre de façon plus concrète après tant d'années. Il m'est bien

  8   difficile de vous donner la chronologie des événements. Vous savez, ces

  9   événements sont des événements difficiles que l'on tente d'oublier.

 10   Q.  Très bien. Merci.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, il me reste encore

 12   deux ou trois minutes après la pause et j'en aurai terminé avec

 13   l'interrogatoire principal.

 14   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   FIN DU TEXTE

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 18   [Le témoin vient à la barre]

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant que vous ne terminiez votre

 21   interrogatoire principal, Monsieur Demirdjian, je souhaiterais revenir sur

 22   un point qui a été soulevé par l'Accusation.

 23   Au début de notre séance d'aujourd'hui, lorsque l'Accusation a

 24   demandé aux Juges de la Chambre de réexaminer la décision rendue hier

 25   concernant le Témoin 228. La Chambre, en raison du caractère insuffisant

 26   des informations disponibles à ce stade, n'est pas en mesure de prendre une

 27   décision à cet égard. Cependant, la Chambre souhaite signaler qu'elle est

 28   disposée à accéder à cette requête à condition que le témoin soit en mesure

Page 17808

  1   de se présenter à la date du 10 janvier 2011, le lundi 10 janvier donc,

  2   pour déposer dans la présente affaire. Et il en découlerait, bien entendu,

  3   que la déposition du Témoin Brown aurait à être reportée jusqu'à la semaine

  4   suivante. Mais comme je le disais, il ne s'agit en rien d'une décision

  5   finale sur ce point. C'était simplement à titre indicatif que je souhaitais

  6   le signaler.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Je souhaite profiter de l'occasion pour signaler l'arrivée dans le prétoire

  9   de M. Rindi qui interrogera le témoin suivant, ainsi que de Mme Susanti qui

 10   remplacera M. Smith la semaine prochaine.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 13   Q.  Avant la pause, en ligne 16 de la page 20, vous avez indiqué un

 14   commentaire de la part de M. Stankovic concernant le transfert du pouvoir

 15   aux autorités civiles, et quant à la raison pour laquelle ce pouvoir avait

 16   été transféré. Vous avez parlé d'un lien entre ceci et les événements qui

 17   devaient suivre. Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre quel était ce

 18   lien ?

 19   R.  Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce qu'on attend de moi

 20   concernant ce lien. (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé). Nous ne faisions pas le même travail, mais nous nous

 24   rencontrions souvent, nous nous complétions d'une certaine manière, avions

 25   de la compréhension l'un pour l'autre, et nous coopérions. Quant à la

 26   question de savoir -- enfin, si la question était de savoir si je

 27   connaissais le commandant Stankovic et de quelle manière, si c'était la

 28   question que vous me posiez.

Page 17809

  1   Q.  Juste un instant, Monsieur le Témoin. Je voudrais juste m'assurer que

  2   vous avez compris ma question.

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A la ligne 8 de la page 30, le témoin a

  4   dit : "…mon travail," puis il a dit au sein de quelle instance. Je me

  5   demande si nous ne devrions pas expurger ce passage.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] En effet.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  8   Q.  Je voudrais reformuler la question.

  9   Avant la pause, vous nous avez dit que M. Stankovic s'était adressé à

 10   vous et qu'il avait fait un commentaire portant sur le transfert du pouvoir

 11   aux autorités civiles. Vous avez dit que : "c'était la cellule de Crise…"

 12   Vous avez indiqué qu'il avait établi un lien entre le transfert du

 13   pouvoir et les événements qui devraient suivre. Et ce que je souhaite vous

 14   demander maintenant, c'est la nature de ce lien que vous avez évoqué, le

 15   lien, en tout cas, dont lui a fait état.

 16   R.  Oui, j'ai compris maintenant.

 17   Du point de vue de la sécurité des citoyens en ville, confrontés

 18   qu'ils étaient à des persécutions, harcèlement, mauvais traitements,

 19   pillages et autres événements négatifs, il m'a dit - et il l'a dit dans ce

 20   contexte-là - que c'était prématurément que lui avait transféré le pouvoir

 21   aux autorités civiles. Quand il disait, "ils" au pluriel, lui, il pensait à

 22   la JNA. Parce qu'il voulait dire qu'il n'était pas en mesure d'apporter son

 23   aide à ceux qui en avaient besoin, aux civils.

 24   Or, il était tout à fait disposé à le faire, il voulait aider, et je

 25   connais de nombreux cas où il l'a d'ailleurs fait. Il a aidé des personnes

 26   dans certains cas individuels.

 27   Q.  Très bien. Quand vous dites "il pensait à l'armée," est-ce que lui, il

 28   vous a indiqué à qui il pensait exactement lorsqu'il a parlé de transfert

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  1   du pouvoir aux autorités civiles, à qui pensait-il que ce transfert avait

  2   bénéficié ?

  3   R.  J'ai appris, sur la base d'une conversation, qu'il s'agissait, en tout

  4   cas pour ce que j'en ai compris, de l'autorité militaire qui avait été

  5   transférée au soi-disant secteur civil, c'est-à-dire à la cellule de Crise,

  6   à la police civile, et à d'autres instances civiles qui fonctionnaient à

  7   l'époque sur le territoire où je me trouvais.

  8   Q.  Très bien. Le dernier point sur lequel j'aimerais revenir c'est celui

  9   des pompes assurant l'irrigation et l'approvisionnement en eau, la fontaine

 10   qui se trouvait en face de votre appartement, en fait, Monsieur le Témoin.

 11   Est-ce que les gens pouvaient s'approvisionner en eau pendant la

 12   période dont vous avez parlé, c'est-à-dire entre 8 heures et 11 heures du

 13   matin; c'était bien ça ?

 14   R.  Oui, c'était la seule pompe disponible dans mon quartier où nous

 15   nous approvisionnions. Avant cela, cette pompe était utilisée

 16   principalement par les jardiniers, par les personnes qui cultivaient ces

 17   lopins de terre; alors qu'une fois que nous avons commencé à l'utiliser,

 18   nous, c'était principalement pour avoir accès à de l'eau potable et

 19   également pour pouvoir répondre aux besoins d'hygiène de la population.

 20   A un moment, la police nous a interdit de nous approvisionner en eau

 21   à cet endroit, indépendamment de la question de savoir si c'était pendant

 22   la période des trois heures s'étendant de 8 heures à 11 heures du matin,

 23   pendant laquelle nous étions autorisés à nous déplacer. Donc même pendant

 24   cette tranche horaire, on nous a interdit de nous approvisionner en eau à

 25   cette pompe. Elle a même été condamnée au moyen d'une sorte de chaîne, et

 26   on nous a fait partir de cet endroit.

 27   Q.  Oui, c'est ce que j'essayais d'obtenir. Vous nous avez dit que

 28   c'était indépendant du moment de la journée où les gens auraient pu

Page 17811

  1   éventuellement s'y aventurer. Mais est-ce que vous savez si quiconque a été

  2   arrêté entre 8 heures et 11 heures du matin ?

  3   R.  Non, je n'ai pas vu d'arrestation, parce qu'en fait, il était

  4   dangereux de se déplacer à tout moment de la journée. Les déplacements

  5   étaient restreints. Je ne pourrais pas vous répondre. J'étais blessé, et

  6   pourtant je ne me suis pas rendu chez le médecin, parce qu'il était plus

  7   facile de supporter la douleur que de prendre le risque de faire ce trajet

  8   de quelques centaines de mètres pour aller le médecin. En tout cas, je n'ai

  9   pas vu moi-même d'arrestations se produire devant mon appartement, à ceci

 10   près que - et je l'ai indiqué précédemment dans ma déposition - un autobus

 11   a été utilisé pour arrêter ceux qu'on retrouvait dans la rue ou à proximité

 12   -- à quelque endroit public que ce soit pendant la durée du couvre-feu. De

 13   telles personnes étaient arrêtées et emmenées. Je suppose qu'on les

 14   emmenait à la police. Parce que certains d'entre eux revenaient pour

 15   raconter qu'ils avaient payé une amende pour être ensuite relâchés et

 16   qu'ils étaient ensuite rentrés chez eux.

 17   Q.  Une dernière question encore sur ce point. Est-ce que vous

 18   connaissez le cas d'une personne qui aurait été arrêtée pour violation du

 19   couvre-feu ? Est-ce que vous en auriez au moins un exemple ?

 20   R.  Je pense que cela concerne les personnes qui étaient juste à côté

 21   de la rue sur ces lopins de terre cultivés. Que c'est à ce moment-là, en

 22   fait, que l'autobus de la police est arrivé et qu'ils ont été arrêtés et

 23   emmenés.

 24   Je me rappelle qu'il y avait un certain Radovan, de son prénom, et

 25   j'ai trouvé ça assez paradoxal, j'ai demandé pourquoi il avait été arrêté,

 26   parce que jamais on arrêtait les Serbes. On m'a expliqué qu'il n'était pas

 27   un Serbe, que c'était un Croate d'Herzégovine, et que là-bas les gens

 28   portent parfois ce type de prénoms qui feraient penser à une appartenance

Page 17812

  1   ethnique serbe.

  2   Q.  Avant de terminer, vous nous avez indiqué que vous êtes parti en

  3   octobre 1993. Est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges de la Chambre les

  4   raisons de votre départ ?

  5   R.  Je suis parti avant tout pour assurer ma sécurité personnelle et celle

  6   de ma famille. Dès le début du mois de mai 1992, et ce, jusqu'au 25 octobre

  7   1993, c'est quotidiennement que l'on assistait à des départs de la

  8   population non-serbe. Les personnes étaient regroupées devant le centre des

  9   écoles secondaires, à partir d'où elles étaient transportées par autobus.

 10   Certains, d'après ce que j'ai entendu dire, étaient transportés en passant

 11   par le poste-frontière de Gradiska, certains par la Croatie, jusqu'à des

 12   Etats tiers.

 13   Et ma sœur se trouve actuellement en Australie. C'est un fait que ma

 14   famille était éparpillée dans le monde entier. Moi, je suis aux Pays-Bas.

 15   De notre fratrie, qui comptait quatre personnes, il n'y en a plus qu'un,

 16   mon frère, qui habite sur place. Voilà de quoi il s'agit. Moi, j'appelle ça

 17   du nettoyage ethnique. Je ne sais pas comment on qualifie ça en droit. Je

 18   ne suis pas sûr de pouvoir le dire à 100 %, mais à 99 % de certitude je

 19   dirais que la normalisation et le retour n'ont pas eu lieu. Je ne crois pas

 20   que la situation l'ait permis.

 21   Enfin, j'espère c'est la question que vous me posiez en tout cas.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie. 

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Juste un instant. Avant de poser des

 25   questions au témoin, je souhaiterais que nous passions à huis clos partiel,

 26   voire, comme me l'indique Me Zecevic à l'instant, à huis clos.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] A huis clos; pour quelle raison ?

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] En fait, un huis clos partiel suffira.

Page 17813

  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Donc huis clos partiel.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  3   Messieurs les Juges.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 17814-17815 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13   [Audience publique]

 14   M. CVIJETIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Témoin, juste après la prise de la ville et son occupation,

 16   la municipalité serbe de Doboj a été constituée. A la tête de cette

 17   dernière, Drago Ljubicic a été nommé président de la municipalité, enfin --

 18   et Borislav Paravac a été nommé président du comité exécutif de la ville,

 19   alors que le commandant Stankovic a été nommé commandant de la défense de

 20   la ville. Est-ce que ce que je viens de dire est exact ?

 21   R.  Oui, c'est exact.

 22   Q.  L'état de guerre a été proclamé par la cellule de Crise précédemment

 23   mise en place, qui a également imposé un couvre-feu, a nommé des

 24   commissaires en charge de toutes les entreprises et des institutions et

 25   organes municipaux, et a également émis un ordre de mobilisation adressé à

 26   l'ensemble de la population serbe; est-ce exact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Donc vous conviendrez avec moi qu'il n'y a aucun doute quant au fait

Page 17817

  1   que c'est la cellule de Crise qui a institué ce couvre-feu, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, en tant qu'instance supérieure la plus haut placée.

  3   Q.  Oui, terminez.

  4   R.  Oui, je crois que c'était l'organe suprême de la municipalité sur le

  5   plan politique.

  6   Q.  Je disais que -- je vous disais de terminer, mais en fait, c'était ma

  7   question suivante, vous avez anticipé.

  8   Je vais maintenant vous présenter un document. Je voudrais qu'on

  9   affiche le document 1D260 à l'écran, s'il vous plaît.

 10   Q.  Je vous donnerai quelques instants pour prendre connaissance du texte

 11   avant de vous poser des questions. Ce document a un lien avec les questions

 12   que je vous ai posées jusqu'à présent. Donc veuillez en prendre

 13   connaissance.

 14   R.  Oui, je vois ce qui est écrit ici. Mais moi, bien sûr, je n'avais

 15   jamais vu ce document jusqu'à aujourd'hui, et je ne vois pas non plus qui a

 16   signé ce texte.

 17   Q.  Je supposais que vous n'aviez pas vu ce document jusqu'à aujourd'hui,

 18   mais maintenant, vous le voyez. Donc c'est la cellule de Crise qui a édicté

 19   les mesures liées aux violations du couvre-feu avec interdiction de

 20   rassemblements publics et définition d'un certain nombre de sanctions qui

 21   étaient envisagées, n'est-ce pas ? Vous voyez cela ?

 22   R.  Oui, je le vois maintenant. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure, je ne

 23   l'avais pas vu jusqu'à présent.

 24   Q.  Oui. D'ailleurs, c'était la question que je voulais vous poser.

 25   Conviendrez-vous, sans revenir sur votre réponse précédente, que la

 26   cellule de Crise était bien l'organe qui décidait tout, l'organe numéro un,

 27   s'agissant de régir la vie quotidienne au sein de la municipalité, à cette

 28   époque-là ?

Page 17818

  1   R.  Je pense que oui.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Toutes mes excuses, mais je prierais Me

  3   Cvijetic de bien vouloir nous montrer, dans ce document à quel endroit le

  4   couvre-feu est mentionné. J'ai essayé de le lire rapidement, mais je n'ai

  5   rien trouvé.

  6   M. CVIJETIC : [interprétation] Au paragraphe 1, on évoque des dispositions

  7   destinées à restreindre les déplacements, et il est indiqué que personne

  8   n'est autorisé à se trouver à l'extérieur pendant le couvre-feu. Une

  9   référence est également faite à la décision prise par la cellule de Crise.

 10   Donc le couvre-feu est mentionné au paragraphe 1. Nous avons

 11   également la déposition de ce témoin qui indique que c'est la cellule de

 12   Crise qui a imposé le couvre-feu.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je ne trouve pas le mot "couvre-feu" dans

 14   le texte, et je ne vois pas qu'il soit question d'avoir imposé un couvre-

 15   feu ou un horaire particulier pour le couvre-feu.

 16   Il est question de déplacement et de personnes qui errent dans les rues,

 17   mais aucune mention d'horaire précise ne figure dans le texte. Et il n'est

 18   pas vraiment question d'un couvre-feu en tant que tel.

 19   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Toutes mes excuses.

 20   Je suis d'accord. Mais demandons au témoin de préciser.

 21   Q.  Monsieur, dans ce document, il est précisément fait état de l'époque

 22   dont vous avez parlé, époque où se déplacer, où se retenir un certain temps

 23   dans la rue était interdit, en dehors de l'horaire autorisé pour faire ses

 24   courses.

 25   Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus ?

 26   R.  On voit que cette décision a été prise par la municipalité serbe de

 27   Doboj, dans le respect des règles permettant de faire régner le droit et

 28   l'ordre, règles qui autorisaient un certain nombre d'interdits à être

Page 17819

  1   imposés.

  2   J'affirme que les déplacements ont été restreints pendant toute la journée,

  3   en dehors de la tranche horaire, 8 à 11 heures du matin. Je ne vois pas qui

  4   a signé ce document, mais cela ne n'importe guère, parce que

  5   personnellement, j'en ai ressenti les conséquences dans ma chair.

  6   Q.  Oui, c'est clair. Mais au paragraphe 1, il est indiqué que toute

  7   personne trouvée dans les rues en dehors de ce laps de temps, tranche

  8   horaire autorisée donc pour faire ses courses, en subirait les

  9   conséquences, n'est-ce pas ? Vous voyez ce passage ?

 10   R.  Oui.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Aucune mention n'est faite à une

 12   quelconque période de temps dans le document. Aucun horaire n'est indiqué.

 13   Toutes mes excuses.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je me demandais, Maître Cvijetic, parce

 15   qu'il existe un autre document qui est le frère jumeau de celui-ci -- en

 16   effet, s'agissant des questions que vous avez posées au témoin jusqu'à

 17   présent, dans l'article 1.1, nous trouvons tous les éléments nécessaires.

 18   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai montré au témoin

 19   ce document dans la partie de sa déposition atteinte actuellement, et parce

 20   qu'il a affirmé que l'organisme principal qui régissait le déroulement de

 21   la vie au quotidien dans la municipalité de Doboj était la cellule de

 22   Crise. Par ailleurs, il a affirmé que la cellule de Crise avait imposé le

 23   couvre-feu, avait mis en place la mobilisation, et nous voyons, d'après

 24   l'intitulé de ce document, que la cellule de Crise envisageait également de

 25   punir toute personne qui serait restée dans les rues en dehors des heures

 26   autorisées pour faire ses courses. C'est ce qui a été évoqué par le témoin

 27   dans sa déposition.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais apparemment, ce n'est pas une

Page 17820

  1   réponse aux préoccupations exprimées par M. Demirdjian, si nous avons bien

  2   compris. En effet, ce dernier évoque l'article 1.1 de ce document que vous

  3   avez soumis au témoin, et indique en toute bonne foi que dans ce paragraphe

  4   1.1, il n'y a pas la moindre mention d'une tranche horaire ou d'un couvre-

  5   feu, le mot "couvre-feu" n'étant pas écrit. C'est de là que vient la

  6   difficulté.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Deuxième point, Monsieur le Président,

  8   c'est la façon dont Me Cvijetic évoque la déposition du témoin au

  9   principal. Il renvoie le témoin à une partie de sa déposition où il aurait

 10   parlé de la cellule de Crise et de la police. Mais c'est un peu une façon

 11   déformée d'évoquer la déposition du témoin. Je pense que nous devons être

 12   prudents, et éviter d'agir ainsi.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Je vais poser la question plus clairement au

 14   témoin.

 15   Q.  Monsieur, au paragraphe 1 que vous avez sous les yeux - et vous pouvez

 16   lire ce qui est écrit - est-ce qu'on trouve le moindre rapport dans ce

 17   paragraphe avec l'objet de votre déposition jusqu'à présent ? Est-ce que

 18   ceci concerne l'horaire précis pour faire ses courses, et est-ce qu'il

 19   s'agit d'un horaire bien défini ?

 20   R.  Je ne peux pas être absolument certain que ce document évoque la mise

 21   en place du couvre-feu sur le terrain.

 22   Ce document qui comporte un certain nombre de principes vient de

 23   l'organisme le plus important qui prévoyait comment chacun devait se

 24   comporter dans telle ou telle circonstance. Mais il n'y est pas question

 25   d'un horaire particulier faisant l'objet d'un interdit; il est simplement

 26   écrit que des amendes seront imposées. Alors, qui a appliqué cette

 27   décision, je crois que c'est à cette personne qu'il faudrait poser les

 28   questions. Quelqu'un a fait suivre ce texte des faits, et je crois qu'il

Page 17821

  1   serait logique que le chef de la police ait respecté ce document et que le

  2   commandant de la ville l'ait respecté également, que d'autres instances

  3   importantes participant à l'implication de cette décision, c'est-à-dire les

  4   organes sociopolitiques les plus importantes de la population aient

  5   respecté ce document sur des parties de territoire déterminées, en tout

  6   cas.

  7   Voilà ma réponse. Je ne peux pas vous dire exactement ce que l'auteur

  8   avait en tête.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Permettez-moi.

 10   Monsieur le Témoin, une question simple. Vous nous avez dit que vous aviez

 11   entendu parler du couvre-feu à la radio.

 12   Est-ce que c'est ce qui est écrit ici, au paragraphe 1 ? Est-ce que

 13   ce qui figure dans ce document, c'est ce que vous avez entendu à la radio ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends ce que vous voulez dire,

 15   Monsieur le Juge. Non, ce ne sont pas les mots exacts que j'ai entendus à

 16   la radio. Ils ont des animateurs, des speakerines qui lisent des textes

 17   officiels avec des haut-parleurs. Alors, il était question de restriction

 18   des déplacements, il était question d'imposer des amendes et des interdits

 19   à toute personne qui errerait dans les rues; et voilà, c'était assez

 20   général. Nous avons maintenant quelque chose de plus précis où il est

 21   question d'un horaire qui va de telle heure à telle heure. Les déplacements

 22   après 11 heures du matin et avant 8 heures du matin étaient interdits,

 23   autrement dit circuler dans les rues n'était autorisé au total que trois

 24   heures dans la journée, entre 8 heures et 11 heures du matin.

 25   Je ne peux pas tirer mes propres conclusions personnelles. A mon avis, ceci

 26   est simplement un projet de texte qui a été élaboré par quelqu'un pour

 27   instaurer de l'ordre dans la ville. Quant à l'identité de ceux qui l'ont

 28   appliqué et qui ont pris d'autres décisions à partir de ce projet de texte,

Page 17822

  1   je ne la connais vraiment pas. Il est logique que la police et l'armée

  2   aient participé aussi à tout cela.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation]

  4   Q.  D'accord. Alors, vous venez de parler de l'armée, est-ce que vous

  5   conviendrez avec moi que dans cette période, ou dans une partie de cette

  6   période, la ville était sous administration militaire, pratiquement ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Comment expliquez-vous cela ?

  9   R.  Après que l'armée serbe est entrée dans la ville, dans la nuit du 2 au

 10   3, disons, quelque temps après - je ne sais pas exactement combien de temps

 11   - une semaine ou deux après, l'administration militaire fonctionnait dans

 12   le respect de ses propres règles. Et moi, je ne saurais pas dire avec

 13   certitude jusqu'à quand c'est l'administration militaire qui a fonctionné,

 14   et à partir de quand ce sont les instances civiles qui ont repris le

 15   fonctionnement de la ville entre leurs mains. Mais tout cela, je l'ai

 16   découvert plus tard, et je l'ai déjà expliqué au début de ma déposition,

 17   ici. C'est un peu par hasard que j'ai entendu parler de cela par la bouche

 18   de M. Stankovic.

 19   Q.  Vous avez dit que Milovan Stankovic avait été remplacé par le colonel

 20   Lisica, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Connaissez-vous certaines des mesures qu'il a prises en tant que

 23   commandant de la ville, autrement dit certaines restrictions, certaines

 24   limitations qu'il aurait imposées en tant qu'officier de l'armée à la tête

 25   de la ville ?

 26   R.  Pas précisément. Je n'étais pas dans une position me permettant d'être

 27   informé de cela. Mais ce que je sais, c'est qu'il a déclaré à la radio que

 28   le peuple serbe était plus malheureux que les autres. Il a fait des

Page 17823

  1   déclarations incendiaires en disant que les gens avaient le droit de

  2   s'emparer d'objets ou de biens appartenant à d'autres personnes, dans leurs

  3   maisons. Et moi, j'ai interprété cela - toutes mes excuses à vous, à

  4   l'Accusation et aux Juges - mais j'ai interprété cela comme une invitation

  5   au pillage parce que la guerre faisait rage. Je suis désolé de dire cela

  6   devant les Juges de la Chambre. Mais malgré tout, il n'y avait pas encore

  7   la guerre à Doboj. Et la preuve de cela, c'est le dernier numéro du journal

  8   local qui avait pour titre à l'époque "Glasko --"

  9   L'INTERPRÈTE : Un mot que l'interprète n'a pas entendu.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] -- qui disait que Doboj avait été libéré sans

 11   qu'une seule balle ait été tirée. Donc j'ai été tout à fait choqué --

 12   M. CVIJETIC : [interprétation]

 13   Q.  Vous allez entendre des questions précises sur ce sujet. Savez-vous que

 14   le colonel Lisica a mobilisé des hommes sur le territoire de la

 15   municipalité de Doboj ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Savez-vous que lui-même a mobilisé la police civile et dépêché le chef

 18   de la police sur le front ?

 19   R.  Non. Mais ce que je sais sur la base du système de subordination et de

 20   la chaîne hiérarchique, c'est que si sur un territoire déterminé il y a des

 21   combats, ou si on s'attend à ce que des combats commencent, en principe, et

 22   dans le respect de la loi, la police civile est resubordonnée à un

 23   commandement militaire supérieur. Je crois que c'est comme ça que les

 24   choses fonctionnent dans tous les pays du monde.

 25   Quant à la mobilisation, j'ai vu comment elle s'est pratiquée au centre de

 26   la JNA et à la caserne lorsque je m'y suis trouvé en détention. Maintenant,

 27   savoir si c'est lui ou quelqu'un d'autre qui a donné les ordres pour ce

 28   faire, je ne sais pas.

Page 17824

  1   Q.  D'accord. Encore une fois, vous avez anticipé mes questions suivantes.

  2   Puisque vous faisiez le travail qui était le vôtre, vous connaissez très

  3   bien toutes ces questions.

  4   Alors, dites-moi, est-ce que Doboj a été pilonnée pendant cette période, ou

  5   en tout cas, pendant une partie de cette période ?

  6   R.  Au début, non. Cela s'est passé au milieu de l'année, la chute d'un

  7   obus ou deux. Pendant un moment, nous avons été surpris de voir arriver ces

  8   obus de l'ouest, ou plutôt, plus précisément, du nord-ouest, et nous étions

  9   certains que cet obus ne venait pas du territoire ennemi, mais de notre

 10   propre territoire.

 11   Q.  Je vais vous poser des questions plus précises --

 12   R.  Oui, pas de problème.

 13   Q.  Combien y a-t-il eu de victimes suite à ce pilonnage de Doboj ?

 14   Veuillez répondre.

 15   R.  Il y a eu des victimes, mais je n'en connais pas le nombre. Ce n'était

 16   pas un nombre important; ça, j'en suis sûr, parce qu'en général, il y avait

 17   toujours une alerte pour l'information des civils avant un pilonnage. C'est

 18   comme cela que cela fonctionnait, Messieurs les Juges.

 19   Q.  Est-ce que vous pourriez répondre précisément ?

 20   R.  On allait dans la cave, et l'obus était envoyé par la partie d'en face.

 21   Pour être précis, dans mon quartier, j'ai vu deux ou trois obus toucher le

 22   sol. L'un a atterri devant l'entrée de chez moi et a brisé une fenêtre.

 23   Personne n'a été blessé. Et un autre obus a atterri dans une cour, non loin

 24   de chez moi, et personne n'a été blessé là non plus. Je crois qu'un obus

 25   est tombé tout près du SUP, et je crois qu'un homme a été blessé à ce

 26   moment-là, un homme qui rentrait chez lui à partir de l'hôpital, il a été

 27   blessé. Mais c'est un peu une exception.

 28   Q.  Un mémorial a été élevé à la mémoire des victimes de ce pilonnage. Est-

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  1   ce que vous le savez ?

  2   R.  Il y a un mémorial devant le bâtiment du SUP à Doboj, mais je pense que

  3   c'est un mémorial en l'honneur des policiers tombés au combat, avant tout,

  4   des policiers tombés sur le front, qui ont donc été tués pendant les

  5   combats.

  6   Q.  D'accord.

  7   R.  Il y a un mémorial à Doboj. D'ailleurs, il y en a deux; un à la mémoire

  8   de la Première Guerre mondiale, et le deuxième, à la mémoire de la Seconde

  9   Guerre mondiale, également.

 10   Q.  Si vous ne le savez pas, je vais passer à autre chose.

 11   Vous avez également parlé de coupure d'électricité, n'est-ce pas ? Est-ce

 12   que cela concernait toute la municipalité ? Est-ce que tout le monde

 13   subissait ces coupures d'électricité?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vais maintenant vous soumettre une affirmation qui concorde tout à

 16   fait avec votre déposition.

 17   Le couvre-feu, tel qu'imposé, concernait tous les civils de Doboj,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et pendant le couvre-feu - je vous demande si vous savez cela - les

 21   gens qui travaillaient dans certains services indispensables étaient

 22   autorisés à continuer à se déplacer, n'est-ce pas, mais il leur fallait une

 23   autorisation spéciale. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 24   R.  Oui. J'étais moi-même dans cette situation.

 25   Q.  Donc vous aviez un permis pour circuler pendant le couvre-feu ?

 26   R.  Oui. Parce qu'il fallait que je me rende au travail et que je rentre à

 27   la maison. Et je le faisais en suivant l'itinéraire le plus court possible.

 28   Q.  Je ne vous ai pas posé cette question par hasard, parce que nous avons

Page 17826

  1   la déposition d'autres témoins qui indique que les non-Serbes qui

  2   travaillaient dans des services déterminés étaient détenteurs de tels

  3   permis et autorisés à circuler.

  4   R.  Je ne suis pas Serbe. Je vous ai dit ce que j'étais. Mais j'étais

  5   soumis à (expurgé). J'étais donc

  6   détenteur d'une décision officielle et d'un agrément obtenu de l'organe

  7   responsable qui dépendait du secrétariat de la Défense nationale et du

  8   président du tribunal indiquant que j'étais autorisé à me rendre au

  9   travail.

 10   Q.  Mais est-ce que c'était le cas dans d'autres services, pour d'autres

 11   salariés travaillant dans ces services et qui devaient se rendre à leur

 12   travail ?

 13   R.  Tout dépendait de la décision de l'endroit où je travaillais et des

 14   moments où je travaillais. Le greffe du tribunal émettait ces permis. Mais

 15   pour les autres endroits, je ne sais pas.

 16   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 17   je n'ai plus de questions à poser à ce témoin.

 18   Q.  Monsieur, je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Est-ce que vous n'avez toujours pas de questions pour le témoin, Maître

 21   Krgovic ?

 22   M. KRGOVIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, nous n'avons

 23   pas de questions à poser à ce témoin.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Questions supplémentaires de l'Accusation ?

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   Nouvel interrogatoire par M. Demirdjian : 

 28   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin -- est-ce qu'on pourrait remettre

Page 17827

  1   sur l'écran le document que Me Cvijetic vous a montré, le document 1D260,

  2   qui est une pièce à conviction, en fait. 1D260. Est-ce qu'on pourrait voir

  3   la date de parution de ce

  4   document ?

  5   R.  Si c'est la date qui figure sur le document, il s'agit du 28 mai 1992.

  6   Q.  Très bien. En page 21 du compte rendu d'aujourd'hui, vous répondiez à

  7   une de mes questions et vous avez dit que vous aviez entendu parler du

  8   couvre-feu immédiatement le 3 mai 1992; c'est bien votre position ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Et par rapport au couvre-feu, dont il n'est pas précisément question

 11   dans ce document, Me Cvijetic vous a affirmé que la cellule de Crise avait

 12   rendu une décision relative au couvre-feu.

 13   Pourriez-vous nous rappeler qui a fait en sorte que cette décision

 14   soit appliquée ?

 15   R.  Dans ma réponse au conseil de la Défense j'ai parlé de cela. J'ai dit

 16   que sur la base de ce document, dont je ne vois pas dans le texte qu'il

 17   aurait été rédigé par la cellule de Crise et pour lequel je ne vois aucune

 18   signature. Donc la simple vue de ce document m'indique simplement que des

 19   mesures ont été prises par quelqu'un, de façon tout à fait générale. Mais

 20   le couvre-feu aurait dû être appliqué par la police. Une espèce de

 21   coopérative agricole ne peut tout de même pas se charger de faire respecter

 22   un couvre-feu.

 23   Q.  Très bien. Page 42 du compte rendu d'audience, c'est-à-dire il y a à

 24   peine un instant, Me Cvijetic vous a parlé d'"administration militaire," 

 25   ce sont les termes employés par lui, comme ayant dirigé la vie à Doboj.

 26   Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelles étaient les forces

 27   responsables de la réglementation de la vie quotidienne dans la ville ?

 28   R.  Entre le 2 et le 3 mai, au moment où l'aube a point - et j'avais un

Page 17828

  1   collègue qui était venu me rendre visite chez moi à la maison, et nous

  2   étions collègues déjà depuis pas mal de temps - je rappelle que l'armée,

  3   qu'eux appelaient l'armée serbe, utilisaient la représentation de lys

  4   blancs sur un fond rouge comme emblème. C'était un emblème que leurs

  5   soldats arboraient. Et c'est en voyant cela que j'ai découvert que l'armée

  6   serbe avait pris le contrôle de la ville et que j'ai découvert que

  7   Stankovic était devenu commandant de la ville, et cetera. Tout ce qui s'est

  8   passé par la suite.

  9   Q.  On vous a interrogé au sujet de la subordination de la police à

 10   l'armée. Vous avez dit que lorsque l'on s'attendait à ce que des combats

 11   commencent, la police était resubordonnée à l'armée. Et Me Cvijetic vous a

 12   alors demandé si vous saviez que le chef de la police avait été mobilisé.

 13   Alors, savez-vous quoi que ce soit au sujet du rapport existant entre le

 14   chef de la police et l'armée ?

 15   R.  J'ai simplement répondu comme je pensais pouvoir le faire, aussi bien à

 16   vous qu'à lui.

 17   Pour autant que je connaisse les règlements en vigueur tels qu'ils étaient

 18   avant la guerre, la police était toujours resubordonnée à un commandement

 19   militaire supérieur sur des territoires où des combats éclataient. Alors,

 20   est-ce que c'est ce qui s'est passé dans le cas précis dont nous parlons,

 21   je ne sais pas. Ça, je ne sais pas. Et je ne sais pas non plus si le chef

 22   de la police a été mobilisé. Je sais qu'il est devenu chef avant la guerre,

 23   et qu'avant lui c'était quelqu'un d'autre qui était le chef de la police,

 24   que ce quelqu'un d'autre a été remplacé dès le début de la guerre, et que

 25   cela a fait l'objet de pas mal de commentaires en ville. Nous disions que

 26   ce n'était pas une bonne décision et que le nouveau régime qui avait pris

 27   le pouvoir avait décidé de le remplacer parce qu'il ne leur convenait pas.

 28   Est-ce qu'il a été mobilisé, est-ce que c'est lui qui était chargé de

Page 17829

  1   mettre en œuvre la mobilisation, est-ce qu'il a mis en œuvre la décision

  2   dont parle la Défense, dans quelle mesure il l'a mise en œuvre, bien, la

  3   seule chose que je sais, c'est que le couvre-feu a été mis en place, et je

  4   connais la pratique qui a été en vigueur à ce moment-là. Personnellement,

  5   je ne sais pas qui a signé cette décision, je ne sais pas dans quelle

  6   situation elle a été prise. Dans la pratique, c'était la guerre, les choses

  7   ne fonctionnaient pas toujours très bien, puis il y a eu des persécutions

  8   et des arrestations.

  9   Q.  Vous avez dit que le chef de la police avait été remplacé rapidement.

 10   Mais qui est l'homme dont vous avez parlé ?

 11   R.  J'ai parlé du chef de la police qui était le chef avant la guerre,

 12   avant le 3 mai 1992. Il a été remplacé par un certain Andrija Bjelosevic,

 13   qui est quelqu'un que je connais. Je ne crois même pas qu'il était

 14   originaire de la ville où je suis né et où j'ai vécu.

 15   Q.  Très bien. On vous a aussi interrogé au sujet du pilonnage et des

 16   victimes de ce pilonnage. Combien d'obus au total sont-ils tombés sur la

 17   ville de Doboj pendant le temps où vous vous y êtes trouvé ? D'après ce que

 18   vous savez.

 19   R.  Bien, c'est une question courte et ma réponse sera peut-être encore

 20   plus courte.

 21   Parce que je ne peux vraiment pas être sûr de vous répondre en ne

 22   trahissant pas la réalité de la situation. Si je vous disais qu'il en est

 23   tombé dix, je me tromperais. Si je vous disais qu'il en est tombé 50, je me

 24   tromperais aussi. Un certain nombre d'obus est tombé sur la ville pendant

 25   que je m'y trouvais, mais je ne les ai pas comptés un par un. Quand

 26   l'attaque a eu lieu, les enfants se sont mis à compter les obus. Mais Doboj

 27   n'était pas pilonnée tous les jours, et il ne s'est jamais agi de pilonnage

 28   massif contre les civils.

Page 17830

  1   Lorsque les premiers obus ont commencé à tomber, on entendait le bruit ou

  2   on voyait l'obus dans l'air, et à ce moment-là, on se disait, et c'était

  3   une habitude qu'on avait prise dans la ville : Il faut attendre que le

  4   troisième obus tombe et il n'y en a aura plus après, et à ce moment-là on

  5   pourra recommencer à circuler sans problème. Et croyez-moi, c'est à peu

  6   près comme ça que les choses se passaient.

  7   Vous pouvez me croire, Doboj n'est pas une ville détruite de fond en

  8   comble. C'est une ville bien conservée. En vérité, elle est peut-être

  9   aujourd'hui un peu plus pauvre qu'elle ne l'était à l'époque, mais elle est

 10   largement préservée. Il y a bien eu des obus, mais je ne les ai pas

 11   comptés, donc je ne saurais pas vous répondre précisément.

 12   Q.  Pas de problème, Monsieur. Pourriez-vous nous dire dans quelle partie

 13   de l'année le gros des obus est tombé ? Vous étiez présent dans la ville en

 14   1992 et 1993.

 15   R.  Je dirais que c'était au printemps et à l'été 1993 qu'un nombre un peu

 16   plus important d'obus est tombé. Et, voyez-vous, il me vient un souvenir :

 17   j'étais sur mon balcon, je regardais dans la direction de la caserne et

 18   j'ai vu passer un camion-citerne qui transportait du carburant, et je sais

 19   qu'il a été touché sur cette partie de la route que je regardais. Mais je

 20   dirais en tout cas que c'était le printemps et l'été 1993, la période où il

 21   y a eu un tout petit peu plus d'obus. Ou disons, qu'il y a eu plus de

 22   répliques aux tirs. Que personne ne m'en veuille d'évoquer cette réalité.

 23   Mais enfin, il y a eu plus de répliques aux tirs dans cette période-là. En

 24   1992, répliquer était assez rare.

 25   Q.  Très bien. Dernier sujet qui a fait l'objet de questions qui vous ont

 26   été posées, c'étaient les autorisations ou les laissez-passer délivrés par

 27   les autorités.

 28   D'abord, vous avez dit que vous travailliez  (expurgé). Combien d'autres

Page 17831

  1   non-Serbes travaillaient (expurgé)?

  2   R.  Aucun.

  3   Q.  A votre connaissance, combien de non-Serbes se sont vu délivrer des

  4   laissez-passer de ce genre ?

  5   R.  Là où je travaillais, il n'y avait pas de représentants d'autres

  6   groupes ethniques que le groupe serbe, à part moi qui n'étais pas Serbe.

  7   Donc il était impossible de se voir délivrer un laissez-passer ou un

  8   document de passage à cet endroit-là. Moi, j'en ai reçu un. J'étais né dans

  9   la ville, j'étais un habitant de la ville. Les gens me connaissaient --

 10   Q.  Monsieur --

 11   R.  -- et c'est pour ça qu'on me l'a accordé.

 12   Q.  Mais ma question était une question générale concernant l'ensemble de

 13   la ville de Doboj. Est-ce que vous savez combien de laissez-passer ou

 14   d'autorisations de circuler ont été délivrés pour la ville ?

 15   R.  Non.

 16   M. CVIJETIC : [interprétation] Je crois que le témoin a répondu. Je lui ai

 17   posé la même question et il a dit qu'il ne savait pas, qu'il ne pouvait pas

 18   répondre.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'il y a eu pas mal de personnes

 20   soumises à l'obligation de travail --

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Laissons le témoin terminer sa réponse

 22   parce qu'il avait commencé à répondre.

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   Maintenant, si nous parlons des autres lieux de travail - les entreprises

Page 17832

  1   en particulier - je ne sais pas si ces salariés-là avaient des laissez-

  2   passer, c'est cela que vous m'avez demandé, mais je sais qu'il y a des gens

  3   qui allaient au travail, parce que ces personnes étaient soumises à une

  4   obligation de travail. Il y avait des gens qui travaillaient à l'entreprise

  5   de transformation du bois, dans une usine alimentaire aussi, puis il y

  6   avait aussi l'usine de fabrication de machines. Toutes ces personnes

  7   avaient des laissez-passer, je suppose, mais je n'en suis pas sûr. Je ne

  8   voudrais pas émettre des conjectures.

  9   Q.  Pour préciser sur ce sujet. Vous venez de dire qu'un certain nombre de

 10   personnes devaient se rendre dans un certain nombre d'endroits, mais ma

 11   question portait très précisément sur les non-Serbes. Alors, les gens

 12   (expurgé)

 13   (expurgé), est-ce que c'étaient des gens qui n'étaient pas

 14   Serbes ?

 15   R.  Oui. C'étaient des gens qui allaient travailler sur ordre des

 16   autorités. Dans le sens qu'il fallait maintenir en activité les processus

 17   de fabrication et de transformation industriels. Donc ils ont continué à se

 18   rendre à leur travail pendant un certain temps, et par la suite ils ont été

 19   chassés du territoire, comme l'ont été tous les non-Serbes.

 20   Q.  Une dernière question sur ce sujet, Monsieur : quand vous a-t-on

 21   délivré ce laissez-passer ? Dans quelle partie de l'année ?

 22   R.  Il faudrait que je calcule. J'ai quitté Doboj le 25 octobre, j'ai

 23   travaillé 11 mois, donc j'ai dû recevoir ce laissez-passer à l'automne

 24   1992. Peut-être au début du mois d'octobre ou fin décembre, je pense.

 25   Q.  Peut-être pourriez-vous expliquer aux Juges comment il se fait que vous

 26   avez reçu ce laissez-passer, dans quelles conditions vous l'avez reçu, qui

 27   vous l'a donné.

 28   R.  J'étais chez moi, à la maison, comme d'habitude, puisque nous n'avions

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  1   pas la possibilité de nous déplacer. Il était interdit de nous déplacer. Il

  2   était interdit de se réunir. Il était interdit d'aller rendre visite à ses

  3   voisins. Et donc le chauffeur du commandant Stankovic, commandant à

  4   l'époque, est venu chez moi et m'a conduit à un endroit qui se trouvait de

  5   150 à 200 mètres de chez moi. Il s'agissait de la maison de l'armée. Il m'a

  6   présenté deux hommes et il m'a dit : Nous allons faire en sorte que tu

  7   travailles ici. Je ne sais pas qui l'a décidé, mais c'était là que je

  8   devais effectuer mon obligation de travail. Donc c'est à cet endroit-là

  9   qu'on m'a dit que je travaillerais.

 10   Alors qu'est-ce que je faisais ? Absolument rien. En fait, pour moi, je

 11   dois l'avouer, il m'était vraiment important que de cette façon-là j'aie

 12   été un peu plus protégé que les autres personnes qui n'avaient absolument

 13   aucun document.

 14   Q.  Merci.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 16   Juges, je remarque, à la page 50, ligne 23, que j'ai mentionné le lieu où

 17   le témoin a travaillé. Etant donné que c'était le seul non-Serbe qui

 18   travaillait à cet endroit-là, il faudrait expurger ce passage, n'est-ce pas

 19   ?

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, certainement.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Un instant, je vous prie.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur -- excusez-moi.

 27   En fait, j'ai une précision pour le compte rendu d'audience. A la page 50,

 28   ligne 18, le témoin a dit : "…de façon générale, au printemps et à l'été,"

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  1   et voilà, on peut voir la date "de 1992, il y a eu plus de pilonnages."

  2   Je crois que nous avons entendu le témoin nous dire autre chose.

  3   Monsieur, pourriez-vous nous préciser l'année ? En fait, pourriez-vous nous

  4   dire si l'année qui est inscrite au compte rendu d'audience est correcte ?

  5   R.  Non. J'ai dit que c'était en 1993. J'ai peut-être fait un lapsus, mais

  6   je suis désolé. C'était en 1993.

  7   Q.  Merci beaucoup.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur

  9   le Président, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Cvijetic.

 11   M. CVIJETIC : [interprétation] Simplement une autre correction. A la ligne

 12   14 de la page 52, il est indiqué qu'à la demande du Procureur, à savoir à

 13   quel moment le témoin a reçu son document lui permettant de se déplacer, je

 14   vois ici au compte rendu d'audience le mois de décembre 1992.

 15   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Cvijetic : 

 16   Q.  [interprétation] Je crois que le témoin a dit autre chose. Qu'est-ce

 17   que vous avez dit, Monsieur ? Je ne veux pas mettre les paroles dans votre

 18   bouche.

 19   R.  Oui. J'ai dit que je suis parti de Doboj --

 20   Q.  Non, mais dites-nous à quel moment est-ce que vous avez reçu ce

 21   document.

 22   R.  C'était vers la fin du mois de septembre, donc c'était soit vers la mi-

 23   septembre ou début octobre 1992.

 24   Q.  C'est à ce moment-là que vous avez reçu le document ?

 25   R.  Oui. J'ai reçu une décision selon laquelle j'ai obtenu une obligation

 26   de travail, et on m'a également donné un endroit où j'allais travailler, on

 27   m'a assigné un poste.

 28   Q.  Oui, merci. Vous nous l'avez déjà dit, en fait. Je ne voulais que

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  1   préciser la date.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons maintenant prendre une pause

  3   et revenir dans 20 minutes.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, je vous prie.

  5   [La Chambre de première instance se concerte] 

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Hannis, ou plutôt, Monsieur

  7   Demirdjian, avant que nous ne prenions notre pause, vous devriez peut-être

  8   vous occuper de cette question pendant la pause justement. Mme Pidwell a

  9   dit ce matin quelque chose concernant le Témoin ST-228. Mme Pidwell a dit

 10   concernant donc cette personne ce matin que le témoin ST-228 devrait, pour

 11   des raisons que nous ignorons, déposer d'abord dans l'affaire Karadzic, et

 12   par la suite elle a dit qu'on prendra une journée de repos au moins pendant

 13   que son transcript [phon] est lu par la Défense. Donc si c'est exact, ceci

 14   veut dire qu'il ne pourrait pas déposer dans cette affaire lundi, dans

 15   cette affaire-ci, dans notre affaire à nous. Ceci veut également dire que

 16   s'il déposait dans l'affaire Karadzic le lundi, et s'il y avait une pause

 17   d'une journée entre son témoignage dans Karadzic et dans notre affaire à

 18   nous, cela ne serait pas suffisant parce qu'on aurait moins de deux

 19   sessions mercredi après-midi, et donc cela ne sera pas suffi [phon]. Enfin,

 20   je ne vois vraiment pas pourquoi est-ce qu'il est absolument nécessaire

 21   qu'il dépose d'abord dans l'affaire Karadzic. En fait, on pourrait l'avoir

 22   lundi, dans la première semaine de janvier.

 23   M. HANNIS : [interprétation] Je ne sais pas. Je vais vous renseigner

 24   lorsque j'aurai plus d'information. Je sais que M. Brown devait commencer

 25   lundi le 17, et que pour ce témoin-là que vous avez mentionné il était

 26   prévu qu'il témoigne d'abord dans l'affaire Karadzic, ensuite dans notre

 27   affaire à nous. Mais je vais vérifier les raisons précises.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous devez comprendre que si ce

Page 17836

  1   témoin venait déposer mercredi, cela représenterait certainement un

  2   problème car il faudrait qu'il reste à La Haye jusqu'à lundi.

  3   M. HANNIS : [interprétation] Je vais vous renseigner là-dessus.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Car mercredi nous ne sommes pas en

  5   mesure de commencer avant 15 heures. Donc on aurait que deux sessions pour

  6   ce témoin mercredi.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et le jeudi et le vendredi nous ne

  8   siégeons pas. Il ne faut pas l'oublier.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et, bien sûr, il ne faut pas oublier non

 10   plus que si le bureau du Procureur insiste sur la séquence du passage lu

 11   par le Juge Delvoie, quelle est votre certitude que cette Chambre puisse

 12   entre le témoin qui viendrait déposer dans Karadzic lundi ?

 13   M. HANNIS : [interprétation] Voilà. Alors, Monsieur le Président, merci. Je

 14   crois que la solution la plus simple serait que nous l'entendons d'abord,

 15   qu'il vient d'abord déposer dans notre affaire à nous, et par la suite il

 16   irait déposer dans l'affaire Karadzic.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Merci.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on

 19   peut laisser le témoin rentrer ? Est-ce que nous avons terminé avec le

 20   témoin ?

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Non.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Non ? Très bien. Merci.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   --- L'audience est suspendue à 12 heures 09.

 25   [Le témoin vient à la barre]

 26   --- L'audience est reprise à 12 heures 40.

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Chambre souhaite poser quelques

 28   questions au témoin, et par la suite j'aurai une décision orale à donner.

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  1   Et par la suite, je vais m'enquérir auprès des Procureurs pour savoir s'ils

  2   peuvent répondre à la question que nous avons soulevée. Et par la suite,

  3   nous allons lever pour la journée d'aujourd'hui, puisque nous aurons

  4   terminé avec ce témoin et n'aurons plus d'autres témoins pour la journée.

  5   Questions de la Cour : 

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, s'agissant du

  7   laissez-passer que vous avez obtenu - et je crois que vous l'avez obtenu à

  8   l'automne 1992 - ceci voudrait d'abord dire dans un premier temps que vous

  9   étiez sous le coup du couvre-feu de mai jusqu'à l'automne 1992, n'est-ce

 10   pas ? Sans le laissez-passer, j'entends bien, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur le Juge, avec l'exception

 12   suivante : même après le laissez-passer, j'ai dû respecter le couvre-feu.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Voilà ce qui m'emmène

 14   à ma deuxième question qui est de savoir -- d'une part il y avait un

 15   couvre-feu. Vous avez également un laissez-passer vous permettant de faire

 16   votre obligation. Mais d'abord, permettez-moi de confirmer que cette

 17   obligation de travail c'était quelque chose qui n'avait rien à voir avec

 18   vos fonctions précédentes, fonctions desquelles vous avez été relevé. En

 19   fait, c'était une "obligation de travail," mais vous pouviez faire d'autres

 20   travaux qui ne sont pas ceux que vous faisiez avant, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui vous avez raison.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc ce laissez-passer vous

 23   permettait-il de vous déplacer librement pendant les heures

 24   pendant lesquelles vous n'auriez pas pu vous déplacer sans le laissez-

 25   passer, ou bien le laissez-passer vous permet-il seulement d'aller

 26   travailler et de rentrer immédiatement après chez vous ?

 27   R.  Monsieur le Juge, voilà ce que j'ai cru comprendre : que ce laissez-

 28   passer me permettait de me rendre au travail et de rentrer à la maison, et

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  1   rien de plus. Donc à 7 heures du matin, je partais travailler et je

  2   revenais à 15 heures. Je pouvais sans problème aller jusqu'au travail et

  3   sans problème rentrer à la maison. C'est ce que j'avais cru comprendre de

  4   par ce laissez-passer, et je me suis conformé à cette notion que j'en ai

  5   eue.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci. Maintenant une

  7   autre question. Vous nous avez dit que vous habitiez au centre-ville de

  8   Doboj, plus ou moins. Etait-ce l'endroit où vous habitiez effectivement, et

  9   dites-nous s'il s'agissait d'un quartier mixte, composé d'habitants

 10   d'origine ethnique mixte ?

 11   R.  Oui.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Maintenant, pendant le couvre-

 13   feu - et parlons de la période avant l'automne 1992 - donc à partir de 11

 14   heures du matin, il vous fallait rester dans votre appartement, vous ne

 15   pouviez plus sortir ? Vous pouviez voir ce qui se passait dans la rue,

 16   puisque vous aviez des fenêtres vous permettant de voir ce qui se passait

 17   dans la rue ?

 18   R.  C'est exact.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous, personnellement,

 20   vous avez vu des gens dans la rue alors que vous étiez contraint de rester

 21   dans votre appartement ?

 22   R.  En principe, il y avait très peu de gens qui se déplaçaient. Mais parmi

 23   ces personnes qu'on voyait dans la rue, j'en connaissais certains. Mais

 24   j'ai également vu un très grand nombre de personnes inconnues en civil et

 25   également en uniforme.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je fais plutôt référence aux

 27   personnes de votre voisinage, de votre quartier. Je crois que vous avez

 28   sans doute eu des voisins serbes ?

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  1   R.  Je dois vous dire ceci -- d'ailleurs je l'ai déjà dit dans ma

  2   déclaration - s'agissant de ce couvre-feu, c'est plutôt les non-Serbes qui

  3   devaient respecter le couvre-feu. Il y a eu des cas comme, par exemple, des

  4   voisins qui s'étaient déclarés comme étant Serbes, et eux, ils pouvaient se

  5   déplacer librement. Ils pouvaient aller jusqu'au magasin, revenir, et

  6   cetera. Alors que d'autres qui s'étaient déclarés non-Serbes ne pouvaient

  7   pas se déplacer librement.

  8   Dans mon bloc-appartements, il y avait 18 appartements. Il y avait 18

  9   familles, plus de 150 personnes. Et de ces 18 familles, il y avait dix ou

 10   11 familles qui n'étaient pas serbes. Et ces personnes devaient rester dans

 11   leur appartement. Certaines personnes au début, et d'autres vers la fin,

 12   ont dû quitter leur appartement. Ah, excusez-moi.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce qui m'intéresse plus, ce sont les

 14   personnes qui ne sont pas restées dans leur appartement pendant le couvre-

 15   feu.

 16   Vous avez dit qu'il y avait à peu près dix familles dans votre

 17   immeuble qui étaient d'appartenance ethnique musulmane et d'autres étaient

 18   d'origine serbe. Est-ce qu'ils se déplaçaient librement ? Est-ce que vous

 19   les avez vus sortir de leur appartement, rentrer, se déplacer librement ?

 20   R.  Permettez-moi de vous expliquer ceci : la majorité de la population

 21   serbe qui était majeure et en santé était déjà engagée dans la police, dans

 22   les entreprises où ils travaillaient, dans l'armée. Et leurs familles,

 23   leurs femmes, leurs enfants qui ne travaillaient pas, elles et leurs

 24   enfants pouvaient se déplacer dans le quartier librement, jouer avec eux.

 25   Même ma fille, qui était âgée de 4 ans, jouait dehors avec les autres

 26   enfants pendant la période pendant laquelle il n'y avait pas de couvre-feu.

 27   Mais pendant le couvre-feu, eux, effectivement, ils pouvaient se déplacer

 28   librement, mais pas les autres. Croyez-moi. Je ne sais pas comment mieux

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  1   vous l'expliquer.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

  4   J'ai trois questions à votre endroit.

  5   Ma première question porte sur quelque chose qu'a dit le Juge Delvoie. En

  6   fait, c'est une question que je pose à la suite d'une question posée par le

  7   Juge Delvoie, plutôt. Car vous, Monsieur le Témoin, vous nous avez dit

  8   quelque chose qui me laisse quelque peu perplexe concernant ce couvre-feu.

  9   Je n'ai pas très bien compris de quelle façon ce couvre-feu était organisé.

 10   D'une part, vous nous dites qu'il était discriminatoire. Vous nous

 11   expliquez ceci en disant que même si, de façon formelle, ce couvre-feu

 12   s'appliquait à tous, en pratique, ce couvre-feu, néanmoins, permettait aux

 13   Serbes de se déplacer librement à toute heure de la journée, alors que les

 14   non-Serbes avaient reçu pour ordre de rester à la maison après 11 heures du

 15   matin, et si jamais ils étaient aperçus dans la rue entre 11 heures du

 16   matin et 8 heures du matin le lendemain, ces derniers se faisaient arrêter.

 17   Vous nous avez également dit que les personnes qui devaient aller

 18   travailler afin de pouvoir maintenir les fonctions vitales de la ville, à

 19   savoir de faire fonctionner les usines que vous avez mentionnées plus tôt,

 20   donc pour tous ces ouvriers, ces ouvriers avaient des laissez-passer qui

 21   leur permettaient de se rendre au travail et de rentrer chez eux après le

 22   travail. Et dans ces cas-là, un très grand nombre de laissez-passer avaient

 23   été donnés aux non-Serbes.

 24   J'aimerais vous demander si je vous ai bien compris. Ai-je bien résumé vos

 25   propos ?

 26   R.  Monsieur le Juge, j'ai dit pour moi-même -- que c'était mon cas. Pour

 27   les autres employés qui avaient d'autres obligations de travail, je ne peux

 28   pas l'affirmer, je ne peux pas vous dire que ces derniers avaient reçu des

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  1   laissez-passer. Mais il est tout à fait clair que ces derniers se rendaient

  2   au travail, enfin, ils faisaient leur obligation de travail.

  3   Et je peux vous l'expliquer sur un exemple qui a trait directement à

  4   moi. Lorsque j'ai voulu aller voir ma mère qui habitait à 2 kilomètres au

  5   sud de la ville, je me suis fait arrêter au point de contrôle par la

  6   police, et ma femme était avec moi, et on m'a dit que je ne pouvais plus

  7   passer par là car je me ferais arrêter. Je n'ai plus jamais essayé de

  8   passer non plus par là, ni pendant que j'avais la possibilité de me

  9   déplacer librement ni pendant le couvre-feu.

 10   A l'exception du moment où j'ai reçu l'approbation qui me permettait

 11   d'aller au travail et de rentrer à la maison. C'était une assignation à la

 12   résidence. Moi, personnellement, j'étais tenu à garde à vue dans ma maison.

 13   Je ne sais pas, pour les autres personnes, qui leur donnait des laissez-

 14   passer. Je ne le sais pas.

 15   Mais voilà, je me souviens à l'instant d'un détail. Devant le

 16   bâtiment de la police au centre-ville, il y avait un tout petit kiosque.

 17   C'est là qu'un policier était assis, et ce dernier donnait les permissions

 18   aux personnes. Par exemple, si une personne devait faire quelque chose,

 19   devait aller quelque part, prendre quelque chose, aller chercher un

 20   médicament dans une pharmacie, ou si la personne devait sortir et aller 100

 21   mètres plus loin, elle obtenait un laissez-passer en donnant son nom et

 22   d'autres détails, et donc j'ai vu que ce dernier pouvait se déplacer.

 23   Maintenant, pour les autres personnes qui étaient dans la ville, je

 24   ne sais pas qui s'occupait de ces questions.

 25   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et ce policier qui donnait ces permis

 26   particuliers que vous venez de mentionner, est-ce que c'était nécessaire

 27   même lorsque les personnes avaient le droit de se déplacer librement, entre

 28   8 heures et 11 heures ?

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  1   R.  Oui. Mon beau-père, par exemple, devait aller à sa maison de campagne,

  2   qui se trouvait à quelques centaines de mètres de là, pour aller chercher

  3   quelque chose, des livres à cette maison de campagne, et donc lui, un jour,

  4   il a reçu ce type de permis, et ce, pendant la période pendant laquelle il

  5   n'y avait pas de couvre-feu, puisque c'était parfaitement possible de se

  6   déplacer. Ils appelaient ceci des moyens préventifs.

  7   A ce moment-là, on ne savait pas si, effectivement, cette maison était

  8   réellement la mienne ou bien si c'était une maison de quelqu'un d'autre.

  9   Alors, pour pouvoir le prouver, il fallait donner tous les détails, avoir

 10   un permis pour aller chercher quelque chose et revenir. Voilà, c'était un

 11   contrôle absolu qui était exercé sur les citoyens.

 12   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis vraiment désolé d'insister

 13   sur ce point, mais il est bien important pour que nous, les Juges de la

 14   Chambre, comprenions de quelle façon ceci fonctionnait en pratique. Alors

 15   permettez-moi de vous poser encore quelques questions relatives à cette

 16   question du couvre-feu.

 17   Par exemple, Monsieur, si vous vous trouviez dans votre appartement

 18   et qu'il était 9 heures du matin, et supposons que vous vouliez aller au

 19   magasin acheter un paquet de cigarettes, est-ce que c'était quelque chose

 20   qui vous était possible ? Pouviez-vous sortir de votre appartement,

 21   descendre les escaliers de l'immeuble, sortir dans la rue et aller jusqu'au

 22   tabac pour acheter des cigarettes, ensuite rentrer chez vous sans que l'on

 23   ne vous importune ou arrête ? Est-ce que c'était possible ?

 24   R.  Oui. En principe, oui. Justement, il m'est arrivé de sortir, comme vous

 25   le dites, mais ce n'était pas pour acheter des cigarettes. On avait entendu

 26   dire que de la viande fraîche était arrivée chez le boucher, et je suis

 27   allé acheter de la viande chez le boucher. Et justement à ce moment-là,

 28   deux policiers sont entrés dans le magasin - c'est juste en face du

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  1   bâtiment de la police - et j'ai entendu le commentaire suivant, ils se sont

  2   dit ceci entre eux : Voilà, regarde-le. Il en reste encore comme lui.

  3   Alors, j'ai compris par ces propos qu'il valait mieux de ne pas sortir. Ils

  4   ne m'ont pas arrêté, et je suis rentré à la maison.

  5   Vraiment, j'ai tenté de ne pas trop m'exposer, de ne pas sortir

  6   souvent, à moins qu'il s'agisse d'un besoin urgent. Il m'est arrivé d'avoir

  7   une enfant malade une fois, et il fallait absolument que j'aille voir le

  8   médecin, qui, lui aussi, s'était fait licencier alors qu'il était Serbe. Et

  9   donc je suis allé lui demander s'il pouvait venir à la maison pour qu'il

 10   l'examine et qu'il lui donne une injection. Ce sont des moments comme ceux-

 11   là qui étaient des moments exceptionnels.

 12   Mais outre la présence de la police, il y avait d'autres formations.

 13   Je ne sais plus à qui ces formations appartenaient. Donc en tant que

 14   soldat, personnellement, je n'arrive absolument pas à comprendre qu'il

 15   puisse exister une autre formation de ce type. Il ne suffit pas d'avoir une

 16   position, puisqu'une position oblige un homme d'être responsable envers le

 17   poste qu'il occupe, mais il fallait au moins respecter les règles telles

 18   qu'elles sont écrites. Malheureusement, la pratique nous a montré le

 19   contraire, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de cette guerre en

 20   Bosnie-Herzégovine. D'après ce que j'ai entendu dire plus tard, c'était le

 21   cas dans la plupart des villes.

 22   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Merci. Donc si je vous ai

 23   bien compris, pendant que le couvre-feu était en vigueur, la différence

 24   entre les Serbes et les non-Serbes était la suivante : alors que d'une part

 25   les non-Serbes avaient choisi de rester à l'intérieur de leur demeure dans

 26   la mesure du possible, même pendant les heures libres, entre guillemets,

 27   les Serbes ne se sont pas pliés à cette règle.

 28   Est-ce que c'est bien cela que vous nous dites ?

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  1   R.  Oui, voilà, c'est ce que je vous dis. Sauf qu'à l'extérieur de la

  2   période du couvre-feu, ce type de travaux étaient plutôt faits par les

  3   femmes, et principalement les femmes les plus âgées. Alors que les hommes,

  4   il valait mieux qu'ils restent à l'intérieur. Ce sont les femmes qui

  5   essayaient de s'occuper de leur ménage pendant les trois heures pendant

  6   lesquelles on pouvait se déplacer librement, et c'était elles qui,

  7   principalement, s'occupaient de leur famille de cette façon-là, allaient

  8   chercher des denrées alimentaires, ainsi de suite. Et j'appelle ça une

  9   discrimination.

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin --

 11   R.  Mais bon, la pratique et la théorie, ce n'était pas vraiment la même

 12   chose du tout.

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Dois-je comprendre correctement ce

 14   que vous nous avez dit, à savoir que les hommes et les femmes serbes ne se

 15   sentaient pas comme étant contraints à respecter le couvre-feu qui était

 16   imposé à Doboj au mois d'avril et au mois de mai 1992 ?

 17   R.  Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur le Juge. C'était exactement

 18   comme cela.

 19   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc les hommes et les femmes serbes

 20   quittaient leur demeure, se rendaient dans les lieux publics,

 21   indépendamment du couvre-feu, et si jamais ces derniers se faisaient

 22   arrêter par la police, on vérifiait leurs documents et ils pouvaient

 23   continuer à se déplacer sans qu'ils ne soient arrêtés.

 24   Est-ce que c'est exact ?

 25   R.  Oui. Et en plus, la plupart de ces personnes se connaissaient, et même

 26   sans vérifier leurs documents, ils se déplaçaient librement. Nous, entre

 27   nous, on s'était dit qu'il nous fallait coller avec un ruban scotch notre

 28   carte d'identité sur notre front, alors que les autres n'avaient pas besoin

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  1   de la montrer. Ce n'était pas très joli.

  2   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et vous nous indiquez également que

  3   les Serbes avaient la possibilité de se déplacer sans entrave,

  4   indépendamment de la question de savoir s'ils disposaient de laissez-passer

  5   spéciaux ou non.

  6   Est-ce exact ?

  7   R.  Oui, c'est exact, Monsieur le Juge. J'affirme qu'en général et en

  8   principe, ils pouvaient se déplacer librement, indépendamment du couvre-feu

  9   et des limitations en place. En tout cas, dans le quartier où je me

 10   trouvais. Il y avait là-bas certains bons amis à moi, mes voisins aussi,

 11   mais les restrictions devaient normalement s'appliquer à tous, et c'est la

 12   raison pour laquelle j'ai estimé être l'objet d'une discrimination.

 13   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai compris. Je voudrais passer à ma

 14   seconde question, qui porte sur les deux reprises où vous avez été arrêté.

 15   Tout d'abord, avez-vous été arrêté pendant les heures de couvre-feu ou bien

 16   avez-vous été arrêté entre 8 heures et 11 du matin ?

 17   R.  J'ai été arrêté pendant la tranche horaire où il était permis de se

 18   déplacer.

 19   J'essayais de voir ce qui se passait avec ma mère, qui vivait à deux

 20   kilomètres et demi de là. Et à une des sorties de la ville, une patrouille

 21   est passée. Ils ont commencé par me battre, ensuite ils m'ont fait monter à

 22   bord d'un camion et emmené à la police.

 23   Au bâtiment de la police, je suis tombé sur un inspecteur qui m'a

 24   reçu, qui me connaissait d'avant, en fait, et après une assez brève

 25   discussion, un entretien, il m'a relâché, il m'a laissé repartir chez moi.

 26   Et je lui ai simplement demandé de m'accompagner hors du bâtiment, parce

 27   qu'il se trouvait là une rangée d'hommes de la police qui donnaient des

 28   coups de pied et qui frappaient les gens quand ils passaient, quand ils

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  1   sortaient. Donc je lui ai demandé de m'accompagner jusqu'à l'extérieur pour

  2   ne pas être battu encore. C'est un Serbe, cet inspecteur, et c'est ce que

  3   je lui ai demandé.

  4   Mais le fait est que mon arrestation a eu lieu pendant la tranche

  5   horaire de libre mouvement, de libre circulation.

  6   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

  7   Alors, troisième et dernière question. Il s'agit de quelque chose que

  8   vous avez indiqué au tout début de votre déposition ce matin, et plus

  9   précisément il s'agit de l'ordre qui émanait de ce que vous avez qualifié

 10   de commandement supérieur, ordre en vertu duquel il convenait de collecter

 11   toutes les armes de la Défense territoriale et toutes les armes en général

 12   et de les remettre à la JNA. Vous avez indiqué que cela s'était produit à

 13   l'automne 1991.

 14   Alors, ma première question est la suivante : est-ce que vous savez

 15   qui avait émis cet ordre ?

 16   R.  C'est le secrétariat fédéral pour la Défense populaire à Belgrade qui

 17   avait émis cet ordre par l'intermédiaire du commandement le plus haut placé

 18   de la Défense territoriale en Bosnie-Herzégovine, qui était l'état-major de

 19   la république. Et un tel ordre devait également être approuvé par la

 20   présidence, à l'époque, ou plutôt, par le gouvernement de la Bosnie-

 21   Herzégovine.

 22   Donc il y a eu une imbrication de ces différentes instances pour ce

 23   qui est de la mise en œuvre de cet ordre, qui a été exécuté à 100 % à

 24   Bosnie-Herzégovine. Je sais qu'ailleurs sur le territoire cela n'a pas été

 25   entièrement le cas mais chez nous, en Bosnie, il a été entièrement

 26   appliqué.

 27   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci pour vos réponses, Monsieur le

 28   Témoin. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin, d'avoir

  2   déposé devant ce Tribunal. Vous êtes dès à présent libéré de vos

  3   obligations en qualité de témoin. Je vous remercie.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite prendre

  7   congé dès maintenant, mais mon confrère, M. Hannis, lui, reste à bord.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.

  9   Nous rendons une décision orale à présent.

 10   La Chambre a été saisie de la requête de l'Accusation du 5 novembre

 11   2010 dans laquelle cette dernière priait la Chambre de réexaminer son

 12   ordonnance du 17 septembre dans laquelle elle estimait qu'il était dans

 13   l'intérêt supérieur du public que la déposition du général Manojlo

 14   Milovanovic se fasse oralement. Dans cette requête, l'Accusation demandait

 15   que la déposition de ce témoin se fasse en application de l'article 92 bis.

 16   De plus, l'Accusation y demande l'ajout d'un de ses enquêteurs, M. Tomas

 17   Blaszczyk, ou ST-262, à la liste de ses témoins en application de l'article

 18   92 ter.

 19   La Chambre se penchera en premier sur ce dernier point et conclut à

 20   cet égard que ce témoin ne saurait être ajouté à la liste des témoins de

 21   l'Accusation. Ce témoin ne présente pas de pertinence et n'est pas en

 22   mesure de déposer quand au cœur du sujet, à savoir à l'authenticité des

 23   carnets de Mladic. La Chambre relève que ce témoin n'est pas en mesure de

 24   déposer quant à l'ensemble de la chaîne de conservation des documents. De

 25   plus, la Chambre rappelle que sa position le 17 décembre avait consisté à

 26   dire qu'un autre enquêteur du bureau du Procureur avait déposé de façon

 27   pour ainsi dire superflue quant à la chaîne de conservation desdits carnets

 28   dans le but d'établir la pertinence et l'authenticité prima facie des

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  1   carnets du général Mladic.

  2   La Chambre ne voit pas de raison de réexaminer ou de revenir sur son

  3   point de vue par rapport à des dépositions supplémentaires ayant trait à la

  4   chaîne de conservation des éléments de preuve du point de vue de la

  5   déposition du général Milovanovic, pour lequel la Chambre considère qu'il

  6   est en mesure de fournir la meilleure déposition possible quant à

  7   l'authenticité desdits carnets. Par conséquent, la requête est rejetée par

  8   rapport au Témoin ST-262.

  9   Concernant le général Milovanovic, le 17 septembre la Chambre a

 10   estimé que la déclaration du témoin dans laquelle ce dernier indique qu'il

 11   a examiné l'ensemble des carnets suffisait à établir l'authenticité, à

 12   première vue, desdits carnets. Cependant, compte tenu de ce que doit être

 13   la déposition de ce témoin, la Chambre a conclu qu'il était dans l'intérêt

 14   supérieur du public que ce témoin dépose viva voce. Cependant, la Chambre a

 15   estimé qu'elle aurait à se repencher sur la situation si jamais, au moment

 16   de la citation de ce témoin, des éléments de preuve de nature similaire

 17   auraient déjà été présentés devant ce Tribunal de vive voix et en audience

 18   publique dans d'autres procès.

 19   Alors, s'étant à présent penchée sur la déposition du général Milovanovic

 20   dans l'affaire Stanisic et Simatovic qui, par décision de la Chambre de

 21   première instance du 23 novembre dans ladite affaire, a été rendue

 22   publique, la Chambre est convaincue que ce témoin est en mesure de déposer

 23   quant à l'authenticité des carnets de Mladic ainsi que l'exige l'article

 24   89(C).

 25   La Défense continue à remettre en question à la fois l'authenticité

 26   et le contenu des carnets dans la mesure où ils ont trait aux faits

 27   incriminés dans l'espèce. La Chambre rappelle que le 17 septembre elle a

 28   estimé que l'ajout de ce témoin à la liste des témoins était susceptible de

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  1   protéger les intérêts de l'accusé en fournissant à la Défense une occasion

  2   de remettre en question l'authenticité des carnets.

  3   Par conséquent, le général Milovanovic sera en mesure de fournir à la

  4   Chambre la meilleure déposition possible concernant l'authenticité des

  5   carnets, et compte tenu de l'importance de ce sujet dans l'espèce, le fait

  6   qu'il n'y ait pas d'autres témoins disponibles qui seraient susceptibles de

  7   déposer quant à l'authenticité desdits carnets, compte tenu également de la

  8   contestation à l'origine de laquelle se trouve la Défense, la Chambre

  9   décide que le général Milovanovic sera cité à comparaître de vive voix.

 10   Le général Milovanovic déposera quant à l'authenticité des carnets,

 11   mais uniquement dans la mesure où il a une connaissance de première main

 12   des entrées se trouvant dans ces carnets et qui concernent des événements

 13   s'étant produits pendant la période couverte par l'acte d'accusation.

 14   La Chambre ordonne à l'Accusation de citer à comparaître le général

 15   Milovanovic avant la vacation judicaire d'hiver et alloue trois heures à

 16   son interrogatoire principal. La Défense se voit également enjointe

 17   d'informer la Chambre du temps dont elle souhaite bénéficier pour le

 18   contre-interrogatoire dudit témoin.

 19   Avant de lever l'audience, est-ce que le bureau du Procureur a des éléments

 20   nouveaux à signaler concernant la question soulevée avant la dernière pause

 21   ?

 22   M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.

 23   Je me suis entretenu avec Mme Pidwell, et nous avons procédé à certains

 24   aménagements concernant le Témoin ST-228. Concernant les Témoins 263 et 264

 25   que nous avons également souhaité ajouter, il y a également des questions à

 26   résoudre, mais ce à quoi nous nous attendons à ce stade, c'est que nous

 27   aurons sans doute à demander à la Chambre des injonctions de comparaître

 28   pour ces deux témoins, et compte tenu de la vacation judiciaire, j'ai

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  1   estimé nécessaire de le signaler dès maintenant.

  2   Nous souhaitons entendre la décision qui sera celle de la Chambre

  3   concernant ces deux témoins avant de nous prononcer définitivement sur le

  4   Témoin ST-228.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Hannis, s'agissant du Témoin

  7   228, je vais vous dire comment j'ai compris le problème. J'ai cru

  8   comprendre que si l'Accusation souhaite entendre ce témoin durant la

  9   première semaine qui fera suite aux vacances judiciaires, c'est-à-dire dans

 10   la semaine commençant le lundi 10 janvier 2011, la seule façon d'entendre

 11   ce témoin pendant cette semaine consisterait à l'entendre le lundi 10

 12   janvier.

 13   Et eu égard aux problèmes qui concernent les autres témoins dont vous venez

 14   de parler, bien, ces autres témoins devraient être entendus dans les autres

 15   jours de la semaine en question, en tout état de cause. Je ne suis pas en

 16   train de vous donner une position de la Chambre sur le fait de savoir si

 17   oui ou non elle va autoriser les témoins à être entendus, mais même si ces

 18   témoins devaient être entendus, ils ne pourraient l'être que durant la

 19   semaine suivante.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. HANNIS : [interprétation] Monsieur Le Juge, je comprend qu'il y a

 22   hypothétiquement une possibilité d'entendre le Témoin

 23   ST-228 le mardi 11. Et nous avons deux parties d'audience le 12, si j'ai

 24   bien compris, à notre disposition. Nous avons donc le lundi, le mardi, et

 25   deux parties d'audience du mercredi. Il y existe donc une possibilité, s'il

 26   est fait droit à notre requête pendante, d'entendre un ou deux autres

 27   témoins qui pourraient comparaître le lundi et d'entendre ST-228 le mardi.

 28   Mais tout cela, ce ne sont que des hypothèses de ma part. Je ne

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  1   connais pas les circonstances exactes qui présideront à la décision. Ce

  2   sont simplement des renseignements que j'ai obtenus ici ou là dans mes

  3   conversations avec Mme Pidwell.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc s'agissant du Témoin 228, s'il

  6   est décidé de l'entendre, il devrait se trouver ici soit le lundi, soit le

  7   mardi, respectivement 10 et 11 janvier.

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13   Donc notre objectif c'est de terminer l'audition de ST-228 pendant la

 14   semaine des 10, 11 et 12 janvier, et notre autre objectif consiste à

 15   terminer l'audition de tous les témoins qui nous restent avant la fin de la

 16   semaine suivante, celle du 17 au 21 janvier.

 17   Et on m'informe que même s'il est fait droit à notre requête et si

 18   nous entendons tous les autres témoins prévus, il nous est demandé de

 19   terminer leur audition dans le cadre de 15 jours, deux semaines, commençant

 20   le 10 janvier.

 21   M. LE JUGE HARHOFF : [hors micro]

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Donc suspension de l'audience, et nous reprendrons nos débats demain

 24   à 9 heures.

 25   --- L'audience est levée à 13 heures 18 et reprendra le vendredi 26

 26   novembre 2010, à 9 heures 00.

 27  

 28