Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 1er mars 2012

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  6   Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à tous et à toutes dans la salle

  7   d'audience.

  8   Ceci est l'affaire IT-08-91-T, le Procureur contre Mico Stanisic et Stojan

  9   Zupljanin.

 10   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 11   J'aimerais que les parties au procès se présentent.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Joanna

 13   Korner, Sebastiaan van Hooydonk et M. Demirdjian représentent l'Accusation.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Slobodan

 15   Zecevic, Slobodan Cvijetic, Eugene O'Sullivan, Simon Levett, et Denis

 16   Stoychev représentent la Défense Stanisic.

 17   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Dragan

 18   Krgovic, Aleksandar Aleksic, Miroslav Cuskic, et Joyce Boekestijn et Milena

 19   Dzudovic représentent la Défense Zupljanin ce matin.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci.

 21   S'il n'y a pas de questions administratives à aborder, on pourrait peut-

 22   être introduire le témoin dans la salle d'audience.

 23   Maître Zecevic, à vous.

 24   M. ZECEVIC : [interprétation] Un petit point que j'aimerais soulever aux

 25   fins du compte rendu d'audience.

 26   Nous avons obtenu la version finale de la traduction pour le document

 27   1D265. Je tenais tout simplement à vous le signaler.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Donc cette version revue et


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  1   corrigée de la traduction sera admise au dossier.

  2   Hier, les parties au procès ont été informées par courrier électronique

  3   qu'aujourd'hui nous allons siéger un volet de plus de 3 heures à 16 heures

  4   30. Nous espérons pouvoir en terminer avec la déposition de ce témoin avant

  5   de lever la séance, demain après-midi à 13 heures 40.

  6   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant de vous asseoir, Monsieur le

  9   Témoin, veuillez donner lecture de la déclaration solennelle, s'il vous

 10   plaît.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : SLAVKO LISICA [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   Questions de la Cour :

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 17   Pour commencer, veuillez confirmer que vous pouvez suivre les débats dans

 18   une langue que vous comprenez.

 19   R.  Je vous entends bien.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pour commencer, je tiens à souligner que

 21   la déclaration solennelle que vous venez de prononcer vous impose le devoir

 22   de dire la vérité. En vertu du statut de ce Tribunal, en cas de faux

 23   témoignage, il y a des pénalités qui sont prévues.

 24   Ceci dit, je vous remercie d'avoir accepté de venir ici pour déposer devant

 25   le Tribunal et nous aider dans nos travaux. J'aimerais que maintenant vous

 26   décliniez votre identité, que vous nous indiquiez votre lieu de naissance

 27   et votre appartenance ethnique.

 28   R.  Je m'appelle Slavko Lisica. Je suis né dans la municipalité de Bosanska


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  1   Gradiska, le village de Laminci en Bosnie-Herzégovine, Republika Srpska. Je

  2   suis né le 18 février 1944.

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Et quelle est votre appartenance

  4   ethnique ?

  5   R.  Je suis Serbe.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avez-vous déjà déposé, soit devant ce

  7   Tribunal, soit devant les tribunaux nationaux de l'ex-Yougoslavie ou dans

  8   l'un des pays de l'ex-Yougoslavie ?

  9   R.  Non. J'ai été entendu par des enquêteurs dans la ville de Banja Luka et

 10   j'ai été interrogé par eux.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, nous sommes au courant de ce fait.

 12   Nous avons vu le procès-verbal de l'entretien qu'ils ont eu avec vous.

 13   Alors j'imagine qu'on vous a déjà expliqué ce que je vous ai indiqué dans

 14   ma lettre qui vous a été adressée. Vous êtes cité à la barre en tant que

 15   témoin de la Chambre, bien que la procédure prévue par le Tribunal soit de

 16   nature controversable, c'est-à-dire qu'il y a deux parties au procès qui

 17   présentent leurs moyens, le statut du Tribunal prévoit la possibilité de

 18   citer à la barre des témoins en tant que témoins de la Chambre, et c'est à

 19   ce titre-là que vous allez déposer aujourd'hui. Nous vous sommes

 20   reconnaissants d'avoir accepté de vous présenter devant les Juges de la

 21   Chambre pour élucider un certain nombre de questions. Comme nous l'avons

 22   déjà indiqué, il y a tout particulièrement deux points sur lesquels nous

 23   souhaitons vous entendre en particulier : premier point, la resubordination

 24   des forces de la police à l'armée; et numéro deux, la question de savoir

 25   qui était responsable de diligenter des enquêtes et de poursuivre les

 26   personnes soupçonnées d'infractions graves commises par les forces

 27   resubordonnées. Et ce qui nous intéresse, par ailleurs, ce sont vos

 28   contacts avec les autorités locales dans la zone concernée, y compris vos


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  1   contacts avec Andrija Bjelosevic et Milan Ninkovic.

  2   Alors, puisque vous n'avez pas déposé auparavant, je tiens à vous signaler,

  3   même si vous êtes peut-être déjà au courant de ce fait sur la base de votre

  4   expérience générale, je tiens donc à vous signaler qu'on procède à la

  5   présentation des moyens par le biais d'un interrogatoire qui se compose de

  6   questions et de réponses. Il est indispensable que les moyens soient

  7   présentés de façon efficace devant ce Tribunal.

  8   Par conséquent, bien que nous soyons du fait que chacun a son

  9   histoire à raconter et que les témoins peuvent vouloir fournir des réponses

 10   plus longues que celles anticipées dans la question, je vous serais

 11   reconnaissant de bien écouter la question qui vous est posée et de limiter

 12   vos réponses à la question posée.

 13   Comme vous avez été cité à la barre en tant que témoin de la Chambre,

 14   ce sont les Juges de la Chambre qui vous poseront des questions en premier.

 15   C'est moi qui vous interrogerai au nom de mes confrères et, une fois mes

 16   questions terminées, j'inviterai le substitut du Procureur, assis à votre

 17   droite, de vous poser des questions, des questions dit qui découlent des

 18   questions posées par les Juges de la Chambre. Et puis ce sont les conseils

 19   des deux défenses qui vous poseront des questions. Nous avons deux accusés

 20   dans cette affaire. Donc leur conseil vous posera des questions, et puis à

 21   la fin, les Juges peuvent vouloir de nouveau vous poser des questions en se

 22   basant sur les questions posées par les parties au procès.

 23   Pour ce qui est du calendrier, nous avons déjà annoncé que nous

 24   espérons que votre déposition touchera à sa fin demain avant 13 heures 40,

 25   de façon à ce que vous puissiez rentrer chez vous avant le week-end.

 26   Aujourd'hui, nous allons probablement siéger jusqu'à 16 heures 30, ce

 27   qui est quelque peu inhabituel, mais nous ne siégeons pas au continu. Nous

 28   ménageons des pauses et cela pour des raisons. En premier lieu, pour des


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  1   raisons techniques, il est nécessaire de changer les bandes vidéo et

  2   audios, qui assurent l'enregistrement du procès; et deuxièmement,

  3   évidemment, chacun a besoin d'une petite pause de temps en temps. Les

  4   pauses que nous ménageons sont de 20 minutes, de façon générale, mise à

  5   part la pause déjeuner de 13 heures 40 à 3 heures cet après-midi. Mis à

  6   part ces pauses prévues à l'avance, si à un moment donné vous souhaitez que

  7   nous fassions une petite pause, vous n'avez qu'à nous le signaler.

  8   Alors avant de poursuivre, avez-vous des questions à nous poser ?

  9   R.  Je n'ai pas de question. J'ai bien compris tout ce que vous venez de

 10   dire.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Merci. Pour commencer, vous pourriez

 12   peut-être nous dire quelques mots sur votre parcours professionnel. Et par

 13   ailleurs, dites-nous de quelle façon souhaitez-vous que nous nous

 14   adressions à vous. Est-ce que vous souhaitez être appelé "Monsieur" ou

 15   souhaitez-vous qu'on se serve du grade que vous aviez au moment de quitter

 16   l'armée ?

 17   R.  J'ai fait mes études à l'Académie militaire de Belgrade et j'ai suivi

 18   une formation à l'Académie du commandement et de l'état-major. Donc c'est à

 19   l'époque de l'ex-Yougoslavie, que j'ai prêté serment de défendre mon pays.

 20   Mais par le concours de circonstances, la Yougoslavie a été détruite

 21   par l'OTAN et elle n'existait plus, elle a cessé d'exister sur le plan

 22   juridique. Les anciennes républiques yougoslaves sont devenues des Etats

 23   indépendants. Dans les années 1990, au moment où la guerre a éclaté, je me

 24   trouvais à Knin en République de Croatie et je me trouvais à la tête des

 25   unités motorisées blindées au sein du Corps de Knin.

 26   Je me trouvais donc sur le territoire de la Croatie, sur un

 27   territoire de la Yougoslavie à l'époque, au moment où la guerre a éclaté.

 28   En tant qu'officier de la JNA, je me suis appliqué à défendre la


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  1   Yougoslavie plutôt que la République de Croatie. La population de Croatie

  2   comptait environ un million de Serbes, et dans la région de Knin vivaient

  3   notamment des Serbes. Les Serbes n'habitent plus en Croatie. Ils ont été

  4   expulsés de ce territoire, et la même chose s'est produite plus tard en

  5   Bosnie-Herzégovine. En tant que général de la JNA, j'ai défendu la

  6   Yougoslavie, mais c'est une guerre que j'ai perdue.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous propose de revenir sur les

  8   questions que j'ai déjà évoquées qui ont un intérêt tout particulier à nos

  9   yeux.

 10   Pour commencer, dites-nous, s'il vous plaît, quelles ont été les pratiques

 11   mises en œuvre dans le cadre de la théorie de resubordination, je parle

 12   évidemment de la resubordination des forces de la police à l'armée en

 13   Bosnie-Herzégovine, notamment en 1992, mais aussi de façon générale sur les

 14   territoires yougoslaves.

 15   Avez-vous compris ma question ?

 16   R.  Oui, je l'ai comprise.

 17   J'ai été un officier professionnel. Et par ailleurs, je me trouvais à la

 18   tête du Groupe opérationnel 3, du Groupe opérationnel qui opérait sur le

 19   territoire de Doboj. Il s'agissait d'une unité provisoire qui fonctionnait

 20   au sein du Corps de Doboj.

 21   Donc chacune de ces unités a sa zone de responsabilité. Dans une zone

 22   de responsabilité, l'homme numéro un c'est le commandant, et dans ma zone

 23   de responsabilité, le commandant c'était moi. La population toute entière

 24   ainsi que toutes les ressources économiques, politiques et militaires sont

 25   placées sous le commandement du commandant militaire d'une zone donnée. Les

 26   forces de police étaient subordonnées au commandant de la zone de

 27   responsabilité à la tête de laquelle je me trouvais en tant que commandant

 28   du Groupe tactique 3, le Groupe opérationnel de Doboj. Toute la population,


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  1   y compris les écoles, les écoles maternelles, et donc les forces de police,

  2   était placée sous mon commandement.

  3   Ceci est conforme aux stratégies de la défense armée que l'on m'a

  4   enseignée à l'académie militaire, ou à l'académie consacrée aux questions

  5   du commandement et de l'état-major, tout est subordonné au commandement

  6   militaire : les écoles maternelles, les maisons de retraite, les cantines,

  7   les centres médicaux, tout est placé sous le contrôle du commandant

  8   militaire d'une zone donnée.

  9   Je ne sais pas si j'ai été clair dans ma réponse. Si vous souhaitez

 10   que je vous fournisse une réponse plus détaillée, je peux le faire

 11   évidemment.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] A quel moment cette

 13   resubordination avait-elle lieu en général, procédait-on à la

 14   resubordination pour réaliser un objectif précis, ou s'agissait-il plutôt

 15   d'une resubordination générale au commandant de la zone ?

 16   Puis j'aurai une question de suivi une fois que vous aurez fourni

 17   votre réponse.

 18   R.  Mais cela va de soi. Si vous connaissez la stratégie de la

 19   défense armée de la RSFY, toutes les forces sont automatiquement

 20   resubordonnées au commandant. On parle bien évidemment du temps de guerre.

 21   En temps de paix, chacun s'acquitte de ses propres tâches. Mais en temps de

 22   guerre, tout le monde partage les mêmes objectifs, à savoir la défense de

 23   l'Etat et la défense de la population. Dans ce cas de figure précis, il

 24   s'agissait d'une guerre civile, et la stratégie de la JNA et la théorie de

 25   la JNA ne prévoyaient rien en cas de guerre civile. Les situations qui

 26   étaient prévues par les stratégies de la JNA concernaient une attaque

 27   éventuelle de l'OTAN ou une attaque éventuelle lancée par le pacte de

 28   Varsovie. Donc c'étaient là les possibilités que nous étudiions, que faire


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  1   en cas d'une attaque lancée par l'un des pays de l'OTAN ou l'un des pays du

  2   pacte de Varsovie.

  3   Je me souviens qu'en 1968 j'ai été déployé de long de la frontière

  4   bulgare pour défendre le pays en cas d'une attaque lancée par l'Union

  5   soviétique. Donc à l'époque j'étais un membre de la JNA, mais jamais nous

  6   n'avons prévu ce que nous avions à faire en cas d'une guerre civile, parce

  7   que nous croyions en égalité et fraternité. Nous nous considérions tous

  8   comme amis - Serbes, Musulmans, Croates, Monténégrins, et cetera - tous les

  9   peuples qui cohabitaient sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Donc la

 10   formation que j'ai suivie ne prévoyait pas ce que je devais faire en cas de

 11   guerre civile.

 12   Toutefois, j'ai essayé d'appliquer ce que j'ai appris à l'Académie

 13   militaire et à l'Académie du commandement et des affaires de l'état-major.

 14   Ce qui s'est produit c'est que j'ai dû traiter comme ennemis mes amis

 15   d'hier, les Croates, et cetera. Et à partir du moment où cela s'est

 16   produit, je les considérais tout simplement comme ennemis, qu'il s'agisse

 17   d'Allemands, de Croates ou de membres d'un autre groupe ethnique, cela ne

 18   m'importait peu, c'était l'ennemi tout simplement qui m'attaquait et que je

 19   contre-attaquais. Et je n'ai jamais pu comprendre comment on a pu

 20   considérer la JNA comme une armée d'agresseurs. C'est comme si les

 21   Californiens considéraient l'armée américaine comme une armée ennemie, ou

 22   si, par exemple, les Bavarois soudainement se mettaient à penser que

 23   l'armée allemande les occupait. Donc je n'ai jamais pu comprendre le type

 24   de propagande qui désignait la JNA comme une armée ennemie.

 25   Donc pour commencer, j'ai essayé de défendre la Yougoslavie. Je n'ai

 26   pas pu le faire. Alors je me suis mis à défendre mon peuple, à savoir le

 27   peuple serbe. Voilà, c'est ce que je peux vous dire de la façon la plus

 28   brève. Mais c'était une véritable tragédie et, par ailleurs, peu de gens


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  1   comprennent ce qui s'est passé dans les Balkans. Enfin, si vous avez une

  2   guerre civile, il n'y a plus rien, il n'y a plus de lois. Il n'y a plus

  3   d'armée. On peut parler d'"armée," mais on n'avait pas d'armée dans le sens

  4   vrai de ce terme. On avait tout simplement une population armée. Tout le

  5   monde s'est armé de tous les côtés. Tout le monde s'est mis à s'entretuer,

  6   les enfants dans les maternelles, les étudiants dans les universités. Je ne

  7   sais pas si vous avez saisi ce que j'essaie de vous faire comprendre.

  8   Mais en principe --

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] … permettez-moi de vous interrompre pour

 10   revenir sur la question de resubordination. Je vous ai déjà annoncé tout à

 11   l'heure une question de suivi que je souhaitais vous poser.

 12   Si des personnes sont resubordonnées au commandant militaire de la zone,

 13   est-ce que ce sont des unités qui sont resubordonnées dans leur intégralité

 14   ou est-ce qu'il s'agit plutôt des individus qui sont resubordonnés au

 15   commandement militaire ? Et est-ce que le commandant de la zone de

 16   responsabilité donnée décide tout seul de leur déploiement ?

 17   R.  La dernière chose que vous venez de dire est exacte, les forces de

 18   police qui m'étaient resubordonnées ne rendaient compte qu'à moi

 19   personnellement, je les déployais au cours des activités de combat lorsque

 20   j'étais obligé de le faire.

 21   Notre population n'est pas très nombreuse. Et la ligne du front s'étendait

 22   en longueur. Or, tout le monde partageait les mêmes objectifs, qu'il

 23   s'agisse de la police, de l'armée, de l'éducation nationale, des hommes

 24   politiques. Il s'agissait tout simplement de ne pas permettre que notre

 25   population soit anéantie par une population autre. Donc les forces de

 26   police m'étaient resubordonnées directement.

 27   Les forces qui se trouvaient dans ma zone de responsabilité étaient

 28   placées sous mes ordres directs -- non, ça ne fonctionnait pas de façon


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  1   tout à fait automatique. Disons Bjelosevic. Il se trouvait dans ma zone de

  2   responsabilité, alors il vient me voir, nous nous asseyons ensemble et nous

  3   nous mettons à discuter de la manière dont il fallait trouver une solution

  4   au problème donné. Alors, bien évidemment, il préférait que les policiers

  5   ne soient pas déployés le long de la ligne du front. Mais comme je n'avais

  6   pas suffisamment de soldats, j'étais bien obligé de les envoyer sur la

  7   ligne du front, ne serait-ce que pour assurer la sécurité de certaines

  8   zones ou pour protéger la population, pour réduire les pertes. Mais il

  9   s'agissait de discussions entre hommes. Ce n'est pas comme si moi j'étais

 10   commandant, puis je ne faisais que de donner des ordres. Non, on se mettait

 11   d'accord sur la façon dont il fallait trouver une solution au problème

 12   donné. Mais c'était moi qui avais le dernier mot dans ma zone de

 13   responsabilité. Dans une zone de responsabilité, c'est le commandant

 14   militaire qui est responsable, qui assume toute la responsabilité pour le

 15   déploiement des forces de police, des effectifs de toutes les autres

 16   institutions de police et de l'armée.

 17   Et je devrais peut-être ajouter quelque chose. Conformément à la

 18   stratégie de la JNA, les bataillons indépendants - et je ne sais pas,

 19   Messieurs, si vous êtes au courant de ces particularités militaires - mais

 20   en tout cas, on prévoit l'existence des tribunaux militaires. Les tribunaux

 21   militaires sont censés régler tous les problèmes qui arrivent au sein de

 22   l'armée et sur les territoires contrôlés par l'armée. Alors comme la

 23   Yougoslavie a été désintégrée, nous n'avions plus de tribunaux militaires

 24   compétents pour poursuivre et juger les forces armées et les forces de

 25   police placées sous le commandement du commandant de la zone. Or, les

 26   tribunaux civils n'étaient pas formés pour juger des situations où, par

 27   exemple, un militaire quitte son poste et cause ainsi de gros dégâts, ou

 28   les situations d'un grand nombre de pertes humaines à cause de négligences.


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  1   Les tribunaux civils n'étaient pas compétents pour juger de ce type

  2   d'affaires-là. Mais nous n'avions pas de tribunaux militaires puisque nous

  3   n'avions pas non plus une véritable guerre. C'était un conflit d'une

  4   population qui se déchirait avec l'autre. C'était tout simplement une

  5   population armée plutôt qu'une armée professionnelle. Donc une population

  6   s'acharnait sur une autre.

  7   Et voilà, si vous avez d'autres questions, vous pouvez les poser,

  8   mais je vous réponds en fonction de la stratégie de la défense élaborée par

  9   la JNA, et ce que je vous dis vaut pour tous les commandants de toutes les

 10   zones. Donc Bjelosevic ne pouvait pas prendre de décisions sans m'avoir

 11   consulté au préalable, et sans que je lui donne mon aval.

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie de cette réponse fort

 13   intéressante.

 14   Maintenant, nous parlions de cette subordination plutôt au passif.

 15   R.  Voilà, nous faisons un petit cours d'histoire. Je suis revenu en

 16   arrière dans le temps.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, voilà. Je vais vous poser cette

 18   question. Qui a initié la subordination ? Qui est derrière cette idée-là ?

 19   Dans chacun des cas, j'entends. Ou bien cela changeait-il au cas par cas ?

 20   R.  Le fait de faire la guerre ou de mener une opération de combat c'est

 21   quelque chose de très vivant. Vous êtes tous les jours avec les mêmes

 22   hommes, vous vous parlez. Vous avez un objectif commun. Il n'est pas

 23   possible de définir les choses autrement. Ce sont des besoins, les besoins

 24   du moment. Alors dans une situation donnée, je suis là, j'arrive moi en

 25   tant que commandant dans une situation qui me concerne, c'est moi, mais

 26   dans d'autres situations, c'est d'autres.

 27   Alors moi j'arrive et je dis à Bjelosevic : Voilà, les Oustachi et

 28   les Bérets verts nous menacent d'effectuer une attaque sur l'axe tel et tel


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  1   puisque je n'ai pas suffisamment d'effectifs. De combien d'hommes disposes-

  2   tu ? Alors lui il me répond : Voilà, j'en ai tant d'actives, j'en ai tant

  3   aussi dans mes effectifs de réserve. Alors moi je lui dis : Mettons-nous

  4   d'accord en tant qu'hommes, voilà, j'ai besoin de 500 policiers afin de

  5   pouvoir les positionner sur un axe, et avec les autres effectifs

  6   j'effectuerai une attaque sur cet autre axe, cette fois je te demanderais

  7   de garder ma position que j'ai déjà obtenue avec mes soldats.

  8   Donc c'est presque un organisme vivant, c'est une entité vivante. Vous

  9   savez, je ne suis pas sur la planète Vénus, lui il n'est pas sur la Lune.

 10   Nous appartenons aux mêmes coutumes, au même peuple. Nous sommes confrontés

 11   à la même problématique au quotidien, donc nous nous concertons. Mais comme

 12   c'est moi qui en ai la responsabilité ultime, c'est moi qui en fin de

 13   compte dis : J'ordonne ceci et cela.

 14   Je ne sais pas si je vous ai bien expliqué les choses et si j'ai

 15   répondu à votre question -- si j'ai été clair.

 16   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, merci.

 17   Maintenant, si pendant la période où une unité de la police était

 18   subordonnée à votre commandement et si un policier resubordonné commettait

 19   un crime pendant cette période de resubordination, quel était le processus

 20   à suivre, de quelle façon faisait-on rapport de ce crime ? Y avait-il une

 21   enquête, est-ce qu'on diligentait donc une enquête pour voir de quelle

 22   façon on allait faire face à ce problème, et comment les choses se

 23   passaient-elles ou quelle était la procédure à suivre ?

 24   R.  J'ai très bien saisi votre question, mais je ne sais pas si vous

 25   arriverez à saisir ma réponse.

 26   Etant donné que nous ne disposions pas de tribunaux militaires et

 27   étant donné que, si vous voulez, entre guillemets, nous avions des

 28   tribunaux civils, cette situation est contraire à la guerre. En temps de


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  1   guerre, lorsqu'on parle d'un bataillon indépendant, d'une brigade, d'une

  2   division, d'un corps d'armée, il faut absolument pouvoir avoir des

  3   tribunaux militaires. Il faut créer et former des tribunaux militaires. Et

  4   si ces derniers étaient formés, existaient, c'est eux qui devaient

  5   s'occuper de tous les crimes qui se passent sur la zone de l'unité, du

  6   bataillon, de la division, du corps d'armée. A chaque niveau, on aurait dû

  7   avoir des tribunaux militaires. Mais étant donné que le système juridique

  8   de la Yougoslavie s'est désagrégé et étant donné qu'il n'y avait plus de

  9   système juridique, ce sont les tribunaux civils qui s'occupaient de ce type

 10   de crimes. Nous les appelons tribunaux civils parce que ces derniers ne

 11   sont pas habilités à s'occuper des questions qui découlent de la ligne de

 12   front, il s'agissait de crimes de guerre, mais ces derniers n'avaient pas

 13   la compétence nécessaire pour juger des crimes de guerre commis.

 14   C'était donc plus dans la zone de compétence du commandant de

 15   diligenter une enquête, d'enfermer la personne qui a tenté de commettre un

 16   crime de guerre, même si, d'après la constitution de l'ex-Yougoslavie, ce

 17   n'était pas du tout prévu de cette façon-là. Mais je dois vous dire que

 18   nous nous sommes trouvés dans un système sans loi, et c'est le commandant

 19   qui est responsable des crimes de guerre. Donc le commandant, en tant que

 20   commandant de la zone de responsabilité, assume la responsabilité de tout

 21   ce qui se passe dans sa zone de responsabilité. Mais il est vrai que tout

 22   ceci relève de la compétence des tribunaux militaires normalement. Alors je

 23   dois vous dire qu'en tant que commandant, je devais porter la casquette de

 24   juge du tribunal militaire. Alors vous devez comprendre qu'il n'y avait

 25   plus d'Etat, l'Etat s'était désagrégé. Mais il n'existait pas non plus de

 26   système moral.

 27   Il y avait une époque où nous avions le droit coutumier, ensuite nous

 28   avions le droit civil pénal. Donc nous étions dans un vide sans loi.


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  1   C'était un état anarchique. Je ne défends personne, vous savez, mais

  2   j'essaie simplement de vous expliquer à quoi ressemblait la situation. Le

  3   commandant était responsable des crimes de guerre et des prisonniers dans

  4   sa zone de responsabilité, puisque c'est la personne ultime qui assume la

  5   responsabilité de tout ce qui se passe dans sa zone de responsabilité.

  6   J'espère que j'ai été suffisamment clair.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, vous m'avez déjà mis en garde

  8   au début que j'aurais peut-être du mal à comprendre votre réponse.

  9   Maintenant, pour ce qui est de votre explication, un petit éclaircissement.

 10   En pratique, le résultat de tout ceci était-ce que ce fut le procureur

 11   militaire ou le procureur civil, malgré les lacunes qui existaient à

 12   l'époque et malgré les problèmes - et ce sont mes propos, pas les vôtres -

 13   du système judiciaire ? Est-ce que ceci relevait de la compétence d'un

 14   procureur civil ou d'un procureur militaire ?

 15   R.  C'est le procureur militaire qui s'occupe de ce type de problématique.

 16   Car le procureur civil ne peut pas comprendre ce type de problème-là.

 17   Nous avions au niveau du corps d'armée un procureur militaire, mais c'était

 18   une sorte de procureur militaire, pour l'appeler ainsi, mais cela ne

 19   suffisait pas. Il ne s'agissait pas d'une armée professionnelle qui était

 20   en conflit avec une autre armée professionnelle. C'était le peuple contre

 21   le peuple. Une masse contre une autre masse. Donc il était bien difficile

 22   aux officiers de la JNA d'empêcher toutes ces pertes au niveau civil et au

 23   niveau militaire aussi. Il fallait s'assurer qu'il y ait le moins de pertes

 24   possible. Et la police aussi tentait de faire en sorte qu'il y ait le moins

 25   de pertes possible, mais il vous est impossible de contrôler tous les fous

 26   sur le territoire.

 27   Comment cela se fait-il que le ministre n'a pas arrêté cette personne qui a

 28   tué un si grand nombre de personnes en Norvège ? Est-ce qu'il pouvait


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  1   contrôler, pouvait-il avoir la responsabilité de cette personne qui est

  2   allée tuer tous ces enfants sur cette île en Norvège ? Eh bien, nous non

  3   plus, nous ne pouvions pas effectuer le contrôle sur tous ces forcenés qui

  4   ont endossé l'uniforme et qui venaient d'un peu partout. Chez les

  5   Musulmans, vous aviez les Moudjahidines et, je ne sais plus comment ils

  6   s'appellent, aussi il y avait les Frères musulmans, et cetera, et cetera.

  7   Tout ceci était misérable pour ce qui est de la situation, et la police et

  8   l'armée ne pouvaient empêcher ce type de comportement. Vous savez, en tant

  9   qu'homme responsable, je tentais de mettre fin à toutes ces activités,

 10   d'empêcher les activités et de les prévenir.

 11   Mais vous avez également la police de la réserve, ce n'est pas, vous

 12   savez, une police professionnelle. Il s'agissait du peuple armé. Ce n'est

 13   pas une armée professionnelle. Il n'y avait que 5 % d'effectifs

 14   professionnels dans l'armée. Et les 95 % qui restaient, c'étaient des

 15   civils, c'étaient les agriculteurs, c'étaient les travailleurs. C'étaient

 16   les simples citoyens qui avaient endossé un uniforme militaire et qui

 17   s'étaient dotés d'armes et se défendaient comme ils le pouvaient, et

 18   c'était ainsi. Et c'est très malheureux que les choses se soient déroulées

 19   de cette façon.

 20   Excusez-moi, j'espère que j'ai été suffisamment clair. Mais je suis

 21   là pour répondre à vos questions si vous avez besoin de plus

 22   d'éclaircissement.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Passons maintenant à

 24   un autre sujet. Vous souvenez-vous d'un homme qui répond au nom de Milan

 25   Ninkovic ?

 26   R.  Je me souviens très bien de tous les hommes qui se trouvaient dans ma

 27   zone de responsabilité. Eh bien, j'en ai peut-être oublié quelques-uns.

 28   Vous savez, 20 ans se sont écoulés depuis, mais je me souviens très bien de


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  1   Ninkovic.

  2   Si j'ai bien compris de par la lecture de certains documents, il était dit

  3   que nous avions des conflits. Vous savez, c'est un homme politique; et moi,

  4   je suis un homme militaire. En Europe, les choses se passent de la même

  5   façon entre les hommes politiques et les militaires : tout homme politique

  6   essaie de plaire à son peuple afin d'obtenir le plus grand nombre de voies;

  7   et moi, je suis un soldat, donc je résous les problèmes de façon militaire.

  8   Notre conflit, si vous voulez, entre guillemets, je ne parle pas de vrais

  9   guillemets, mais c'est un différend d'opinions, si vous voulez. J'estimais

 10   que jusqu'à la fin de la guerre, on ne pouvait pas du tout procéder à une

 11   privatisation puisque nous avions un système socialiste où tout appartenait

 12   au peuple. Il s'agissait d'un Etat qui avait un certain système. Et je

 13   pensais qu'il fallait que la guerre soit terminée afin de créer un Etat.

 14   Parce que, vous savez, vous jugez d'un Etat qui n'existe plus. La Republika

 15   Srpska, était-ce un Etat reconnu ? Non. La Bosnie-Herzégovine est un Etat

 16   reconnu, mais moi j'appartiens à la Republika Srpska, un Etat non reconnu.

 17   Mais à l'époque, à l'époque des événements et des crimes, par exemple,

 18   lorsqu'on parle de Sijekovac et de Doboj - je ne sais pas si vous avez une

 19   carte, je pourrais vous le montrer - enfin, il y a eu des situations dans

 20   lesquelles les effectifs croates étaient entrés dans un village et avaient

 21   tué tout le monde, depuis les tout-petits jusqu'aux plus vieux. Donc vous

 22   savez, nous n'avions pas le choix. Nous avions procédé à la création de

 23   l'armée de la Republika Srpska, et il ne s'agissait pas d'une armée

 24   professionnelle. L'OTAN avait anéanti la JNA. La JNA n'existait plus. Il y

 25   avait un certain nombre de professionnels sur le territoire qui s'étaient

 26   par hasard trouvés là, mais on parle de 5 % de soldats formés. Je vous

 27   parle des autres 95 % qui étaient composés du peuple. Ce sont des personnes

 28   qui n'ont pas suivi une formation militaire.


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  1   Et la guerre n'aurait pas duré quatre ans si nous avions une réelle

  2   armée, une armée professionnelle. Donc il s'agit de citoyens qui agissaient

  3   instinctivement. Et voilà, donc nous avons fait la guerre pendant la

  4   période pendant laquelle les forces étrangères voulaient qu'on se batte, et

  5   quand ils en ont eu assez, ils ont bombardé les positions serbes, et la

  6   guerre s'est arrêtée, et ensuite il y a eu les accords de Dayton, et tout

  7   le reste. Voilà. Donc la Yougoslavie, finalement, a été désagrégée en fin

  8   de compte.

  9   Vous savez, je ne suis pas un homme amer, je ne voudrais pas que vous

 10   pensiez cela, mais je vous parle d'une situation qui était tellement

 11   incontrôlée, qui était tellement hors de tout contrôle, vous ne pouvez pas

 12   effectuer de contrôle sur la haine. Vous pouvez éventuellement effectuer le

 13   contrôle sur certains soldats, mais la haine n'est pas quelque chose que

 14   l'on peut contrôler. Alors, il y avait Srebrenica, et on a tué 3 000 Serbes

 15   sur ce territoire autour de Srebrenica. Mais personne n'avait été tenu

 16   responsable de vos hommes, vous savez, la Belgique, votre pays, et ce

 17   bataillon se trouvait là-bas, et depuis cette zone protégée, on tuait des

 18   Serbes. Alors vous ne pouvez plus contrôler la haine. Lorsqu'ils ont

 19   attaqué Srebrenica, on a vu ce qui est arrivé ou ce qui s'est passé dans ma

 20   zone de responsabilité.

 21   Vous savez, la haine n'est pas un élément que l'on peut contrôler.

 22   Vous pouvez, encore une fois, effectuer un contrôle sur les hommes, mais

 23   pas sur la haine. Et la haine était terrible. Et toutes les guerres, et

 24   même cette guerre-ci, n'ont fait qu'augmenter et exacerber la haine. Donc

 25   nous nous haïssons plus maintenant que dans les années 1990. Et si jamais

 26   il y avait une autre guerre, on exacerberait encore plus les situations de

 27   mécontentement et de haine, et donc nous allons tous nous détruire. Alors,

 28   si vous êtes un peuple démocratique, je vous demande de bien vouloir mettre


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  1   fin à cette haine.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Un peu plus tôt, vous avez évoqué

  3   M. Bjelosevic. Souhaitez-vous ajouter quelque chose sur peut-être votre

  4   rapport avec M. Bjelosevic en 1992 s'agissant des questions que nous sommes

  5   en train d'aborder aujourd'hui ? Est-ce que vous avez quelque chose à

  6   ajouter ?

  7   R.  Non, je n'ai rien de spécial à ajouter. Nous collaborions en tant que

  8   personnes. Nous n'étions pas amis. Je ne peux pas vous dire que nous nous

  9   fréquentions. Mais nous avions des rapports professionnels, des rapports

 10   collégiaux. C'était une personne qui s'occupait des questions relatives à

 11   l'intérieur, et moi je m'occupais des questions relatives à l'armée.

 12   Les objectifs et les problèmes étaient les mêmes, et nous les résolvions de

 13   façon commune en tant qu'hommes. Il est certain qu'étant donné que je suis

 14   ce type d'homme, c'était toujours moi qui prenais les décisions finales.

 15   C'est moi qui avais le dernier mot. Bjelosevic ne pouvait pas s'opposer à

 16   mes ordres, étant donné que Bjelosevic avait sa propre chaîne de

 17   commandement, qui passait par le biais du ministère en tant que secteur

 18   chargé de l'Intérieur. Mais dans un état qui n'existe pas, le ministère ne

 19   veut rien dire, une assemblée ne veut rien dire. Le président d'une

 20   assemblée ne veut absolument rien dire quand il n'y a pas d'Etat. Comment

 21   interprète-t-on le rôle d'un juge alors qu'il n'y a pas d'Etat ? Je vous

 22   dis simplement que tous les segments de la population étaient démantelés.

 23   Bjelosevic devait exécuter mes ordres, et c'est ce qu'il faisait. Je

 24   l'écoutais, c'est bien vrai. Il me faisait des demandes et je l'écoutais

 25   également afin de pouvoir nous mettre d'accord sur la façon de résoudre les

 26   problèmes que nous avions et d'essayer de sauver le peuple et de sauver ce

 27   qui restait des institutions politiques.

 28   Donc nous étions tous des hommes qui devions résoudre les problèmes sur un


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  1   territoire donné. Nous faisions tous face à la même problématique. Mais il

  2   est certain que je me sentais quand même comme quelqu'un de responsable

  3   étant donné que j'étais le chef. C'était la guerre. En temps de paix, nous

  4   aurions peut-être pu être amis, aller boire des cafés dans des cafés.

  5   Je ne sais pas si j'ai été clair.

  6   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Ceci est fort

  7   utile. Merci.

  8   Je ne sais pas si l'huissier vous a remis une série de documents qui

  9   pourront nous aider -- vous aider s'agissant des questions que nous

 10   aimerions vous poser.

 11   R.  Oui, bien sûr. Posez-moi des questions, c'est pourquoi je suis ici. Et

 12   tout ceci, bien sûr, est dans l'intérêt du peuple.

 13   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Bien. Alors je demanderais maintenant,

 14   Monsieur le Greffier, de bien vouloir afficher la pièce P1789, s'il vous

 15   plaît.

 16   Est-ce que vous avez pu consulter le document qui se trouve à

 17   l'intercalaire 1 du dossier que l'on vous a remis ?

 18   R.  Oui, oui. J'ai pu le lire.

 19   Et étant donné que j'étais commandant, j'avais beaucoup plus de

 20   documents de ce type que ceux que vous m'avez remis ici. Il s'agissait

 21   d'une correspondance tout à fait courante entre les commandements et la

 22   police. Il s'agissait de responsabilités communes, et ainsi de suite.

 23   Donc je suis là pour répondre à vos questions.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien. Alors, pourriez-vous,

 25   s'il vous plaît, expliciter ce que vous venez de dire ? Aidez-nous à

 26   comprendre de quelle façon devons-nous interpréter cet ordre émanant du

 27   général Talic.

 28   R.  Eh bien, vous devez comprendre cet ordre justement comme c'est écrit,


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  1   c'est-à-dire que la police peut être utilisée pour tenir la ligne de front

  2   jusqu'à ce que les unités n'arrivent, et c'est justement ce que je faisais.

  3   Sur la base de cet ordre donné par le général Talic, c'est quelque chose

  4   que moi aussi j'ordonnais dans ma zone de responsabilité. L'objectif du

  5   commandant n'était pas d'engager les unités du MUP et de les déployer comme

  6   une unité de combat, mais c'était plutôt de faire en sorte que ces derniers

  7   puissent garder un territoire donné afin de créer les conditions

  8   nécessaires pour que l'armée puisse se préparer et pouvoir agir. Et donc,

  9   indépendamment de Talic ou de Mladic ou du commandant, chaque commandant,

 10   dans chaque zone de responsabilité, adopte ses propres décisions, donne ses

 11   propres ordres. Et je crois que c'est tout à fait légitime et correct de

 12   donner ce type d'ordre, puisque, lorsque nous sommes sur un territoire,

 13   notre objectif commun est de défendre le peuple et le territoire.

 14   Ai-je été suffisamment clair ?

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Justement, donc, je vous

 16   demanderais de prendre l'intercalaire 5.

 17   Et entre-temps, je vais demander au greffier de nous afficher la

 18   pièce suivante, qui porte la cote 1D543.

 19   R.  Oui. Très bien.

 20   M. LE JUGE HALL : [interprétation] J'aimerais vous demander tout d'abord de

 21   bien vouloir nous confirmer si c'est bien votre signature qui figure au bas

 22   de la page.

 23   R.  Oui, c'est bien ma signature, effectivement.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Si j'ai bien compris votre réponse par

 25   rapport au document précédent - d'une certaine façon, vous avez déjà

 26   partiellement répondu à la question que je vais vous poser maintenant -

 27   mais de quelle façon est-ce que la police aurait été informée de cet ordre,

 28   et à qui cet ordre a-t-il été adressé ?


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  1   R.  Vous voulez dire ce qui est écrit ici, formation d'un détachement pour

  2   la défense de la ville de Derventa ? Faites-vous allusion à cet ordre-ci ?

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

  4   R.  Ou bien, faites-vous allusion à l'ordre du général Talic ?

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Non, non. Je vous parle de votre ordre à

  6   vous.

  7   R.  La défense de la ville de Derventa, ordre supplémentaire.

  8   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, l'ordre qui se trouve à

  9   l'intercalaire 5.

 10   R.  Oui, oui. J'ai très bien compris. C'est donc l'ordre que j'ai signé.

 11   Eh bien, c'est mon ordre à moi. Je crois qu'il est tout à fait clair.

 12   Si vous le souhaitez, je pourrais vous en donner lecture. Cet ordre a été

 13   envoyé à toutes les unités subordonnées et au MUP de Doboj. En fait,

 14   c'était envoyé au poste de police de Derventa, mais je ne me souviens plus.

 15   Tous les postes de police de ces municipalités avaient reçu cet

 16   ordre, soit par le biais d'une estafette ou par téléfax, ou ils venaient me

 17   voir aussi pour s'enquérir de la situation. Vous savez, le territoire est

 18   très petit de taille. On ne parle pas d'un territoire aussi vaste que

 19   l'Australie. C'était très facile de venir chez moi, et moi j'allais chez

 20   eux aussi. Cela prenait cinq minutes pour parcourir le territoire.

 21   Ici, par exemple, j'emploie le mot "gendarmerie" parce que la police

 22   de réserve n'était pas toujours excellente dans la façon de faire son

 23   travail. C'est la raison pour laquelle j'avais écrit "gendarmerie". Parce

 24   que j'avais l'impression qu'en écrivant le mot "gendarmerie" cela les

 25   inciterait à être plus professionnels.

 26   Vous savez, lorsque vous libérez un territoire ou lorsque vous prenez

 27   un territoire - moi j'appelais ceci la prise du territoire, le territoire

 28   avait été pris par les Oustachi - et lorsque, avec mes unités militaires,


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  1   j'ai pris le contrôle de cette municipalité, j'ai nommé un commandant de la

  2   ville. Ce commandant était censé d'établir les structures et de permettre

  3   que la ville fonctionne jusqu'à ce que les organes professionnels ne

  4   viennent s'occuper de la ville, le président de la municipalité, la police.

  5   Il n'y avait plus personne dans cette ville qui appartenait à une autorité

  6   officielle. C'était les Oustachi qui avaient pris le contrôle de cette

  7   ville. Alors, lorsque vous entrez dans une ville - vous le savez vous-même,

  8   vous êtes Européen - d'abord, vous devez établir une autorité militaire, et

  9   ensuite vous créez les conditions afin que l'on puisse établir une autorité

 10   civile. C'est quelque chose que vous devez sans doute savoir, n'est-ce pas,

 11   vous savez comment les choses fonctionnent. Ce n'est absolument pas du tout

 12   inhabituel. C'est ainsi que les choses se passent dans toutes les armées du

 13   monde, et nous avons également fait la même chose, même si notre armée

 14   était constituée de citoyens armés seulement.

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pourriez-vous examiner l'onglet 6

 16   de votre classeur.

 17   Je demanderais au greffier de bien vouloir nous afficher la pièce

 18   1D764, un document qui porte la date qui suit deux jours plus tard la date

 19   de ce document-ci.

 20   Compte tenu de votre réponse très complète eu égard au document

 21   précédent, y a-t-il quoi que ce soit que vous souhaitiez ajouter à la

 22   lumière de ce document-ci, qui se trouve, je le disais, à l'onglet numéro 6

 23   de votre dossier ?

 24   R.  Fondamentalement, non. J'opérais dans ma zone de responsabilité

 25   en tant que commandant, à savoir la zone du Groupe tactique 3.

 26   Pour préciser : un groupe tactique était l'équivalent d'une division

 27   dans une armée occidentale.

 28   Puisqu'il s'agissait de ma zone de responsabilité, j'ai tâché


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  1   d'assurer le retour le plus rapide possible de la population. Puisqu'à

  2   Derventa il ne restait pas un seul Serbe. Et ceux qui avaient réussi à

  3   échapper aux forces oustachi ont été soit tués, soit internés dans des

  4   camps. Personne n'a jamais enquêté sur le sort des Serbes en Posavina,

  5   puisque c'est le nom de ce secteur. Les Oustachi y ont ouvert des camps

  6   dans lesquels beaucoup ont perdu la vie. De nombreuses familles ont été

  7   expulsées, détruites, et aujourd'hui les séquelles de la guerre continuent

  8   de se faire sentir. Personne n'a enquêté à ce sujet, sur les souffrances du

  9   peuple serbe. Quelqu'un a-t-il sans doute décidé que nous étions les

 10   mauvais dans ce conflit. Je regardais la télé pendant la guerre et je

 11   voyais bien qu'on nous décrivait comme des violeurs, des étrangleurs, et

 12   cetera. Mais lorsque nous sommes arrivés sur place, il n'y avait pas âme

 13   qui vive. Je ne vois pas très bien qui nous aurions pu violer puisqu'il n'y

 14   avait personne.

 15   D'abord, il y a eu l'armée de Croatie, c'est-à-dire l'armée oustachi.

 16   Ensuite, les forces musulmanes, qui s'appelaient les Bérets verts. Et puis,

 17   l'armée serbe. Il n'y avait aucun civil. Pas âme qui vive. Quelle

 18   propagande en Europe décrivant les Serbes comme des démons, violeurs et

 19   assassins, une très mauvaise propagande pour mon peuple et pour la

 20   démocratie et pour la vérité, si toutefois vous êtes en quête de la vérité.

 21   Puisque si c'est bien ce que l'on fait ici, pourquoi s'être rendu sur place

 22   et enquêté sur les massacres des civils de Zadar, Zagreb, Bijeljina et

 23   d'autres, où tout l'état-major de la JNA était tué ? Le colonel Kovacic a

 24   été tué sur mon lieu de travail. Personne n'a enquêté à ce sujet. Toutes

 25   les enquêtes ont été réalisées à charge contre les Serbes, vus comme les

 26   principaux coupables.

 27   Mais restons-en là.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous invite maintenant à


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  1   examiner le document qui se trouve à l'onglet 7 de votre classeur.

  2   Monsieur le Greffier, veuillez afficher à l'écran la pièce 1D765,

  3   s'il vous plaît.

  4   Connaissez-vous ce document ? Ou plutôt, commençons par ceci :

  5   reconnaissez-vous ce document comme étant bien un ordre du général Talic ?

  6   R.  Oui, oui. Oui, oui, je le connais.

  7   Je n'ai pas le souvenir exact de ce document, cela dit, mais il ne m'est

  8   pas totalement inconnu. Chaque commandement recevait un document écrit

  9   chaque jour. Et il y avait, je crois, au total deux tonnes de documents

 10   archivés.

 11   Celui-ci a été trouvé dans mon sac, c'est là qu'il se trouvait. Et le reste

 12   de la documentation était en possession du corps. Puisqu'un rapport était

 13   établi quotidiennement, il y avait 360 rapports pour 360 jours. Et 360 fois

 14   quatre, vous imaginez le nombre de documents au final. Il y avait un

 15   rapport qui était adressé au commandement du corps et un rapport adressé au

 16   général Mladic. Je le connaissais personnellement de l'époque où j'étais à

 17   Knin. Nous nous connaissions en tant que personnes et en tant qu'officiers

 18   également. Il a demandé à ce qu'un exemplaire de ce que j'envoyais au corps

 19   lui soit adressé également. Je ne sais pas où il se trouvait. A Han

 20   Pijesak, je crois, je crois que c'est là que se trouvait son commandement.

 21   Donc il y a environ mille documents. Et vos enquêteurs n'ont pas été en

 22   mesure de les trouver. Ou plutôt, ils n'ont pas eu très envie de passer en

 23   revue cette grosse pile de documents, et celui-ci est resté dans mon sac et

 24   je leur ai remis moi-même. Mais s'ils avaient creusé un peu plus

 25   profondément, ils auraient trouvé au moins 2 000 de ces documents signés

 26   par moi-même, le colonel Lisica. Il doit y en avoir 5 000 au commandement

 27   du corps environ. Et en examinant ces documents, vous auriez déterminé qui

 28   a fait quoi pendant cette malheureuse guerre.


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  1   Cela étant, récits arbitraires, éléments indirects, enfin, vous savez, ce

  2   document ne me dit rien en réalité. J'ai rédigé ce genre de document en

  3   tant que responsable de mes unités subordonnées et unités de police

  4   également. Et cela comprend Bjelosevic. Nous avions un bon rapport, mais

  5   c'est moi qui avais le dernier mot pendant la guerre. Aucun de mes

  6   subordonnés ne saurait être tenu responsable. Moi seulement, puisque c'est

  7   moi qui ai donné les ordres.

  8   Si un caporal commet une infraction pénale, il ne peut être tenu

  9   responsable sans que j'en sois tenu responsable également, puisque ma

 10   responsabilité est engagée. Et c'est ainsi que l'on me connaissait dans mon

 11   secteur de responsabilité. Je ne cherchais pas à esquiver ma

 12   responsabilité. Je ne faisais qu'agir conformément aux lois applicables au

 13   comportement humain et les lois de Dieu, et, bien entendu, la

 14   réglementation militaire, à savoir la réglementation de l'armée populaire

 15   yougoslave, où j'ai subi ma formation. Je n'ai pas été formé pour devenir

 16   militaire au sein de l'armée américaine.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je vous remercie. Je vous invite

 18   maintenant à examiner les onglets 2, 3 et 4. Et compte tenu des moyens

 19   techniques dont nous disposons, je ne sais pas s'il sera possible de les

 20   afficher en même temps, peut-être plutôt les uns après les autres. En tout

 21   état de cause, je donne les différentes cotes correspondantes, 1D263, 1D264

 22   et 1D265. Ma question porte sur ces trois documents.

 23   Je propose au greffier qu'il les affiche les uns après les autres.

 24   R.  Oui, je vois. Je vois. C'est bon.

 25   Retrait des forces de police des opérations de combat. C'est Bjelosevic qui

 26   l'a demandé.

 27   M. LE JUGE HALL : [aucune interprétation]

 28   R.  Nombreux de mes commandants --


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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Attendez, Monsieur, que les documents

  2   s'affichent à l'écran, et ensuite je formulerai ma question.

  3   R.  Bien sûr, bien sûr. Je comprends, bien sûr.

  4   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Voyons quelle est votre interprétation

  6   de ces documents. Examinons-les les uns après les autres, à commencer par

  7   celui qui se trouve à l'onglet 2 de votre document, et qui correspond à la

  8   pièce 263 du dossier.

  9   Lorsque vous aurez répondu, je demanderai ensuite au greffier de passer aux

 10   pièces suivantes.

 11   R.  Je l'ai lu. La teneur de cette demande m'est connue. Il s'agit d'une

 12   demande de retrait des forces de police des opérations de combat.

 13   Je vous prie de bien vouloir poser votre question.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui.

 15   Eh bien, passons au document suivant, la pièce 264.

 16   Qui se trouve à l'onglet 3 de votre classeur.

 17   R.  Oui, oui.

 18   Oui, je connais ce document.

 19   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Passons maintenant à la pièce 265, qui

 20   se trouve -- excusez-moi, donc la pièce 1D265, qui se trouve à

 21   l'intercalaire 4 de votre classeur.

 22   R.  Oui.

 23   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous avons bien, n'est-ce pas, ici un

 24   échange de correspondance entre vous-même et M. Bjelosevic.

 25   R.  Oui, oui.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Ma première question est la suivante :

 27   étiez-vous encore commandant du Groupe tactique 3 à l'époque ?

 28   R.  Oui, oui. Oui, j'étais commandant du Groupe tactique 3. Oui.


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  1   Parlons d'homme à homme. C'est une seule pièce du puzzle. Sur le papier, on

  2   a l'impression que les choses pèsent davantage parce que les documents sont

  3   archivés et que sur cette base on peut vous tenir responsable de certaines

  4   choses.

  5   Ce genre de réunions, nous les tenions quotidiennement. Et c'est là

  6   un tout petit extrait des conversations que j'ai eues avec Bjelosevic et

  7   les commandants de la police civile, des commandants de brigades et de

  8   bataillons relevant de mon secteur de responsabilité. Il a demandé

  9   officiellement, et non pas seulement verbalement, et il se peut d'ailleurs

 10   que ses subordonnés aient exercé une certaine pression sur lui parce qu'il

 11   souhaitait qu'on les retire des zones de combat.

 12   Prenons les unités motorisées de Bosanka Gradiska. Le président de la

 13   municipalité et le président du parti sont venus me voir au quotidien en me

 14   demandant de laisser partir leurs hommes de façon à ce qu'ils n'aient plus

 15   à participer aux combats. Dans une guerre civile, le sentiment de peur est

 16   permanent. Tout le monde a peur de la guerre, tout le monde a peur de

 17   mourir, et chacun essaie de rester le plus loin possible du front. Certains

 18   ont fui et déserté, et nous n'avions pas de tribunal militaire pour les

 19   sanctionner. Certains sont partis à Vienne, ailleurs, à Belgrade. Et ici

 20   peut-être même d'ailleurs où ils se trouvent peut-être toujours. Simplement

 21   pour fuir la guerre. Et maintenant c'est nous qui sommes tenus responsables

 22   des crimes commis. Mais dites-nous qui a commis ces crimes et où. Nous

 23   n'avons pas été en mesure de contrôler les gens armés, de contrôler leur

 24   haine. Nous n'avons pas pu contrôler les criminels. Nous avons essayé, mais

 25   nous n'avons pas pu. Comme ici d'ailleurs, on n'a pas pu contrôler cet

 26   homme qui a tué 80 personnes sur la plage. Et effectivement, oui, beaucoup

 27   de gens étaient armés.

 28   Mais laissez-moi vous dire autre chose. D'après la stratégie


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  1   applicable au combat armé de la Yougoslavie, que j'ai apprise dans le cadre

  2   de ma formation, si vous ordonnez à des soldats d'entrer dans une pièce et

  3   de tuer tout le monde, pour prendre un exemple, ces hommes ne sont pas

  4   tenus de respecter mon ordre, parce que s'ils le faisaient ils se

  5   rendraient coupables d'un crime et leur responsabilité pourrait se voir

  6   engagée. Ils ont donc le droit de ne pas obtempérer, dès lors qu'on leur

  7   ordonne de commettre un acte qui constitue un crime. Par exemple, on ne

  8   peut pas ordonner à qui que ce soit d'exécuter des prisonniers de guerre.

  9   Bien sûr, je pourrais être pris de folie et l'ordonner tout de même,

 10   mais celui qui est censé exécuter l'ordre en question doit savoir qu'il a

 11   le droit de refuser d'exécuter cet ordre. Et je parle ici, bien entendu, de

 12   soldats professionnels. Mais ces forces de réserve, ces gens en armes ne

 13   connaissaient pas les lois et la réglementation. Et je parle ici tant des

 14   forces musulmanes que serbes et croates.

 15   J'ai eu quelques prisonniers, des membres des forces armées croates, et ils

 16   m'ont dit les mêmes choses que les Serbes que l'on avait faits prisonniers

 17   et qui ont ensuite fait l'objet d'échanges.

 18   Si vous êtes fait prisonnier par un soldat ou un officier d'active ou un

 19   sous-officier d'active serbe, croate ou musulman, peu importe, vous avez

 20   une chance de survivre. Mais si vous êtes arrêté par un réserviste - nous

 21   les appelions ainsi parce qu'un serveur, par exemple, dans la vie civile

 22   devenant capitaine était un réserviste - donc si vous étiez arrêté par une

 23   personne telle que lui, vos chances de survie étaient minimes. Si vous êtes

 24   fait prisonnier par un officier policier d'active, vous avez une chance. Si

 25   vous êtes arrêté par un réserviste, vous n'en aviez pas. Voilà la réalité

 26   des choses. Si vous avez un autre avis, dites-le-moi et prouvez-moi que

 27   vous avez raison.

 28   Mais je suis désolé de dire que c'est très précisément ainsi que se


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  1   passaient les choses sur le terrain. Et les soldats professionnels,

  2   officiers et sous-officiers, s'inquiétaient davantage de prévenir des

  3   crimes que d'exécuter des tâches de combat.

  4   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Général, j'aimerais rebondir sur ce

  5   que vous venez de dire.

  6   Le courrier que vous avez sous les yeux a été signé par M.

  7   Bjelosevic, et il semblerait qu'il y dise que c'est parce que ses policiers

  8   avaient été envoyés sur votre ligne de front qu'il y avait maintenant de

  9   nombreux actes de pillages et des troubles à Doboj.

 10   Etes-vous d'accord avec l'analyse qu'il fait de la situation ici ? En

 11   d'autres termes, si les policiers n'avaient pas été réaffectés à la ligne

 12   de front mais qu'ils étaient restés chez eux à Doboj, les pillages et les

 13   troubles n'auraient-ils pas eu lieu ?

 14   R.  Je peux le rejoindre sur son analyse, à savoir qu'il y en aurait eu

 15   sans doute moins. Particulièrement eu égard aux policiers d'active. Mais si

 16   seuls des officiers de réserve étaient restés à Doboj, il aurait été

 17   incapable d'en faire quoi que ce soit. Même chose pour les policiers

 18   militaires. Je n'étais en mesure de faire respecter l'ordre et la loi

 19   qu'avec des policiers militaires d'active.

 20   Mais il est important que chacun comprenne bien qu'une fois qu'un

 21   Etat se délite, personne ne respecte plus les lois, tout le monde fait sa

 22   propre justice. Ici nous parlons de pillages, et seulement de cela. Il n'y

 23   a pas de responsabilité. Moi je rentrais dans un village et je demandais :

 24   Pourquoi pillez-vous ? Et ils me répondaient : De quoi parles-tu ? Il n'y a

 25   plus d'Etat. Et moi je disais : Il y a moi. Et on me demandait : Mais qui

 26   êtes-vous ? Et je répondais : Je suis officier de la JNA. Et ils me

 27   répondaient : Mais il n'y a plus de JNA.

 28   Je ne veux pas subir le même sort que le sort subi par les miens. Les gens


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  1   instruits d'Europe ont du mal à comprendre cette situation, mais nous avons

  2   perdu l'Etat dans lequel nous vivions, l'état de droit ne primait plus. Moi

  3   je suis un homme qui respecte la loi, et j'aimerais mourir dans un pays où

  4   règne l'état de droit. Je vis en Bosnie-Herzégovine aujourd'hui, mais il

  5   n'y a pas non plus d'état de droit là-bas. Certains auteurs de crimes

  6   atroces commis pendant la guerre n'ont pas à répondre de leurs actes devant

  7   les tribunaux en Bosnie-Herzégovine. Il y a votre juges là-bas, enfin un

  8   juge international, qui disait qu'une colonne de la JNA constituée de

  9   jeunes de 19 ans était une cible légitime pour les bandits qui les ont

 10   assassinés. Et cette colonne --

 11   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] … Général --

 12   R.  -- c'était une cible légitime pour les Bérets verts. Nous n'avons

 13   toujours pas de justice rendue même après 20 ans.

 14   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Général, tâchez de répondre

 15   brièvement aux questions.

 16   Il semblerait qu'il y ait une légère contradiction dans ce que vous

 17   dites. A savoir que d'un côté il y avait beaucoup de bandits, des éléments

 18   incontrôlés qui agissaient et pillaient seuls, de leur propre initiative,

 19   et qui échappaient à votre contrôle. Puis d'autre part, vous dites que ces

 20   personnes - dans une certaine mesure, en tout cas - auraient pu être

 21   contrôlées s'il y avait eu suffisamment de policiers pour assurer le

 22   maintien de l'ordre public.

 23   Ma question est donc la suivante, car nous voulons avoir une idée de la

 24   situation telle que se présentait. Dites-vous que le pillage et les

 25   troubles existaient partout et que personne n'y pouvait rien, même si des

 26   policiers avaient été disponibles ? Ou dites-vous que le pillage et les

 27   troubles auraient pu être évités dans une certaine mesure et contrôlés en

 28   tout état de cause s'il y avait eu suffisamment d'hommes qualifiés et


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  1   disponibles au sein des forces de police dans le secteur ?

  2   Alors quelle est votre réponse, la première proposition ou la seconde

  3   ?

  4   R.  Si nous avions eu suffisamment de policiers professionnels, donc déjà

  5   en temps de paix nous aurions été en mesure de prévenir le pillage. Des

  6   policiers professionnels c'est-à-dire, non pas des réservistes, des gens

  7   ayant pris les armes, mais les policiers professionnels. Il aurait été

  8   possible alors d'éviter les pillages dans une large mesure. Là où se

  9   trouvaient des officiers professionnels et des sous-officiers, il n'y a pas

 10   eu de pillages. La situation était favorable à l'injustice, l'institution

 11   avait été détruite. Les institutions d'ailleurs ne fonctionnaient plus,

 12   l'Etat n'existait plus non plus.

 13   Pendant la guerre, nous avons essayé de mettre en place un Etat, la

 14   Republika Srpska, qui n'est toujours par reconnu. Une entité au sein de la

 15   Bosnie-Herzégovine.

 16   En nous inspirant de l'expérience de l'ex-Yougoslavie, nous avons

 17   essayé de mettre en place un système. Mais l'établissement d'un système

 18   juridique prend du temps. Et même aujourd'hui, la Bosnie-Herzégovine qui

 19   est un pays internationalement reconnu - même si ce pays n'a jamais été un

 20   pays par le passé - ce pays donc n'est pas un pays où règne l'état de

 21   droit. Y avoir des juges internationaux, c'est une chose. Mais personne

 22   n'agit pour instaurer et assurer le maintien du droit. Encore aujourd'hui,

 23   des actes de pillage sont commis.

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Général.

 25   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

 26   reprendrons dans 20 minutes.

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 28   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.


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  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Avant de donner la parole au substitut

  2   du Procureur pour le contre-interrogatoire, je me demande si les autres

  3   Juges de la Chambre ont des questions à poser au témoin. Non ? Madame

  4   Korner, à vous.

  5   Contre-interrogatoire par Mme Korner : 

  6   Q.  [interprétation] Général, il y a presque précisément un an, vous avez

  7   eu un entretien avez les représentants du bureau du Procureur, n'est-ce pas

  8   ?

  9   R.  Exact.

 10   Q.  Après votre arrivée ici, vous avez reçu un exemplaire retapé de cet

 11   entretien, une transcription dans votre langue, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et puis, M. Cengic, un juriste, vous a parlé et vous a demandé si vous

 14   aviez eu l'occasion de relire la transcription de l'entretien, n'est-ce pas

 15   ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et vous avez répondu que vous avez bien lu cette transcription.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et on vous a demandé si vous vouliez apporter des modifications à cet

 20   entretien, et vous avez répondu par la négative, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Donc vous vous en tenez toujours aux réponses que vous avez données aux

 23   enquêteurs du bureau du Procureur l'année dernière à Banja Luka.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Permettez-moi de vous poser la question suivante : vous habitez dans la

 26   ville de Banja Luka depuis de longues années; connaissez-vous un monsieur

 27   qui s'appelle Mirko Bojinovic ? En 1992, il faisait partie de la SNB.

 28   R.  Non, je ne le connais pas. Ou peut-être nous connaissons-nous, mais je


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  1   n'ai pas gardé un souvenir aussi vif de lui que de Bjelosevic ou de

  2   Zupljanin. Mais il est possible que je le connaisse, mais je ne m'en

  3   souviens pas en ce moment.

  4   Q.  Bon.

  5   R.  Il me connaît sans doute, lui.

  6   Q.  J'aimerais savoir si, entre le mois de février dernier et votre arrivée

  7   à La Haye la semaine dernière, vous vous êtes entretenu avec ce M.

  8   Bojinovic ? Et puis, on parlera de M. Bjelosevic dans quelques instants.

  9   R.  Eh bien, non. De quoi aurais-je discuté avec lui ? Je ne suis pas ce

 10   genre d'homme. Moi je dis ce que je pense. Et ce que je vous ai dit à Banja

 11   Luka, je vous le répéterais ici. J'estime avoir dit la vérité. Je n'ai

 12   peut-être pas exposé tous les détails, je n'ai pas peut-être raconté tout

 13   ce que j'aurais voulu raconter puisqu'on n'avait pas suffisamment de temps,

 14   mais je m'en tiens toujours aux propos que j'ai proférés.

 15   Q.  Et qu'en est-il de M. Bjelosevic; l'avez-vous vu ou lui avez-vous parlé

 16   entre le mois de février dernier et votre arrivée ici à La Haye la semaine

 17   dernière ?

 18   R.  Je pense que nous nous sommes entretenus une fois, comme ça, de façon

 19   informelle. On parlait des affaires courantes. Il habite à Doboj, et chaque

 20   fois qu'il vient à Banja Luka, il me passe un coup de fil, puis on va

 21   prendre un petit café en amis. On parle des choses qui concernent nos

 22   familles. Il a évoqué son départ à La Haye, mais je n'ai pas trop compris

 23   quel était le type de questions qu'on lui a posées, et de toute façon ça ne

 24   m'intéressait pas. Je vous dis la vérité.

 25   Il est vrai que nous nous sommes rencontrés après l'entretien que

 26   j'ai eu avec les enquêteurs et avant mon arrivée ici à La Haye. Mais à quel

 27   moment où cet entretien a eu lieu ? Il y a trois mois, quatre mois, je ne

 28   sais plus. Chaque fois qu'il arrive à Banja Luka, il me fait signe, ça


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  1   c'est vrai, et puis on parle des choses de la vie de tous les jours. Je lui

  2   demande comment les choses vont à Doboj, quelle est la situation

  3   économique, et cetera.

  4   Q.  Oui. Très bien. Donc vous dites qu'il a évoqué à un moment donné la

  5   question de La Haye. Vous a-t-il décrit la déposition qu'il a faite ici

  6   devant le Tribunal ?

  7   R.  Non, il ne m'a rien raconté. Enfin, il a essayé de me faire un récit,

  8   mais moi je lui ai dit : Cette Haye, elle ne m'intéresse pas, puisque

  9   d'après moi il s'agit d'un tribunal partial qui ne juge que les Serbes sans

 10   juger les auteurs qui arrivent des autres régions des Balkans. Alors, est-

 11   ce que mon point de vue est subjectif ou objectif, c'est une question à

 12   débattre. Mais à mon avis, ce Tribunal n'a pas réalisé son objectif de

 13   réconciliation. Bien au contraire, les conflits entre les différents

 14   groupes ethniques n'arrêtent pas de s'approfondir, et chaque fois que

 15   j'allume la télé -- O.K., très bien.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   R.  Bon, d'accord.

 18   Q.  Il faut limiter vos réponses au sujet qui nous concerne.

 19   Ma dernière question sur le sujet : après avoir été informé par les Juges

 20   de la Chambre que vous viendriez déposer devant le Tribunal, vous êtes-vous

 21   entretenu avec M. Bjelosevic au sujet de la nature de votre future

 22   déposition ?

 23   R.  Non. Cela fait trois ou quatre mois, voire cinq mois, que je ne l'ai

 24   pas vu. On ne se voit que quand il arrive à Banja Luka, et il ne vient à

 25   Banja Luka que rarement.

 26   Q.  Oui. D'accord. Mais je ne vous ai pas demandé si vous l'avez vu. Je

 27   vous ai demandé si vous vous êtes entretenu avec lui, soit en personne,

 28   soit par téléphone.


Page 26892

  1   R.  Non. Nous ne nous sommes pas entretenus.

  2   Q.  Très bien. Alors, revenons très brièvement sur votre parcours

  3   professionnel. Des questions là-dessus vous ont déjà été posées ce matin.

  4   Entre 1988 et 1992, vous étiez chef de l'unité mécanisée blindée à Knin,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, exact.

  7   Q.  Puis, vous avez été muté en 1992 au 5e Corps de Krajina, le Corps de

  8   Banja Luka, qui existait toujours, puisque la VRS n'avait pas encore été

  9   établi ?

 10   R.  Oui, oui, oui. Mais cela s'est passé après les opérations menées à

 11   Kupres. Je me trouvais à la tête de cette opération, et puis une fois

 12   l'opération terminée, j'ai été muté vers le Corps de Banja Luka.

 13   Q.  Et puis, pendant un bref espace de temps, vous vous trouviez dans le

 14   camp de formation de Manjaca et vous participiez à la formation et la mise

 15   sur pied de la 2e Brigade blindée ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et puis, comme vous l'avez déjà dit aux Juges, vous avez été nommé

 18   commandant du Groupe tactique 3 dans la zone de Doboj. Cette affectation a

 19   eu lieu au mois de juin 1992.

 20   R.  Oui. J'ai été nommé le 24 juin.

 21   Q.  Et vous avez exercé ces fonctions jusqu'au moment où vous avez remplacé

 22   le colonel Simic au poste du commandant du groupe opérationnel de Doboj.

 23   Cela s'est produit en 1993.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Ai-je raison d'affirmer ceci : les effectifs du Groupe tactique 3

 26   allaient de 10 000 à 15 000 hommes ?

 27   R.  Oui. Tout dépendait des hommes disponibles sur le terrain. Un tiers des

 28   effectifs étaient toujours absents. Puisqu'il s'agissait d'une population


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  1   armée, donc ils quittaient leurs postes pour labourer la terre, pour donner

  2   à manger à leur bétail, et puis ils revenaient et reprenaient leurs postes.

  3   Donc ce n'était pas une armée professionnelle.

  4   Q.  Très bien. Et pourriez-vous nous donner une idée approximative de la

  5   taille du Groupe opérationnel Doboj ? Une idée approximative, ai-je dit.

  6   R.  Ce groupe comptait environ 30 000 hommes.

  7   Q.  Donc, au total, dans la zone, il y avait au moins 40 000 militaires

  8   armés en 1992 ?

  9   R.  Eh bien, il est difficile de répondre avec précision, mais je pense que

 10   c'est plus ou moins ça. Si on tient compte des forces de police d'active et

 11   de réserve et si on tient compte d'armée, il devait y avoir 4 000 hommes en

 12   uniforme. Mais ce n'étaient pas là des professionnels. C'étaient des gens

 13   du peuple, armés.

 14   Q.  Très bien. Alors j'aimerais que nous nous penchions sur votre mutation

 15   vers le Corps de Banja Luka.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Peut-on afficher à l'écran le document 20409

 17   de la liste 65 ter. Le document figure à l'intercalaire 4 dans le classeur

 18   de l'Accusation.

 19   Q.  Il s'agit d'un document du 1er Corps de la Krajina du 11 juin 1992. Il

 20   est adressé à l'état-major principal et il comprend une liste de personnes

 21   mutées de la JNA vers la VRS, et plus particulièrement vers le Corps de

 22   Banja Luka.

 23   Mme KORNER : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche la page 7 en anglais

 24   -- non. Excusez-moi, c'est plutôt la page 8. Et je pense que la page

 25   devrait être la même en B/C/S. En fait, non. Il nous faut la page 15, le

 26   haut de la page. Voilà. Merci.

 27   Q.  Est-ce que nous voyons votre nom figurer sur cette liste au regard le

 28   numéro 8 ? Je parle de la liste qui est affichée à droite.


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  1   R.  Numéro 8, oui, c'est moi, colonel Slavko Lisica. C'est ça.

  2   Q.  Réaffichons maintenant la page 1, s'il vous plaît.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Les officiers répertoriés ici, à commencer par Talic, puis nous avons

  5   le lieutenant Jovic, le colonel Kelecevic, le colonel Marcetic, Gajic,

  6   Babic, et cetera, connaissiez-vous ces officiers ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  S'agissait-il d'officiers expérimentés et qui étaient cantonnés avec

  9   vous à Knin ou, plus généralement, en Slavonie occidentale pendant le

 10   conflit en Croatie ?

 11   R.  Vous parlez du moment où les Croates ont attaqué la JNA ?

 12   Q.  Pour le moment, je vous laisserai formuler la chose en ces termes.

 13   Donc tous ces officiers, s'agissait-il d'officiers qui avaient vécu

 14   le conflit en Croatie, qui en avaient fait l'expérience ?

 15   R.  Eh bien, je ne sais pas si cela vaut pour tous les officiers

 16   répertoriés dans cette liste. Je pense que Talic était à Stara Gradiska.

 17   Jovic, je n'en sais rien. Kelesevic a réussi avec peine de s'enfuir de

 18   Zagreb. Gajic, je ne sais plus.

 19   Mais si vous parlez d'une expérience de guerre, personne n'avait vécu

 20   une guerre civile auparavant. Et ce n'est pas quelque chose que nous avions

 21   étudié lors de notre formation.

 22   Q.  Non, non. Je comprends parfaitement --

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  Attendez, s'il vous plaît, Monsieur. Je comprends parfaitement que la

 25   formation de la JNA prévoyait le combat avec un ennemi extérieur plutôt

 26   qu'avec un ennemi intérieur.

 27   Mais la question que je vous pose est fort simple : ces officiers

 28   étaient-ils des officiers expérimentés de la JNA ?


Page 26895

  1   R.  De façon générale, oui.

  2   Q.  Examinons maintenant la page suivante, s'il vous plaît. Connaissiez-

  3   vous le colonel Vukovic [comme interprété] ?

  4   R.  Oui. Il est décédé.

  5   Q.  Et qu'en est-il des lieutenants-colonels Radman et Jakupovic ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Et qu'en est-il du colonel Stevilovic, numéro 42 ?

  8   R.  Je n'ai jamais fait sa connaissance, mais j'ai entendu dire au début de

  9   la guerre qu'il avait été tué.

 10   Q.  Donc les officiers que vous connaissiez, la liste est longue, diriez-

 11   vous qu'il s'agissait des officiers bien formés et expérimentés ?

 12   R.  Oui. Je dirais que oui, c'étaient des officiers bien formés et

 13   expérimentés.

 14   Q.  Merci.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander

 16   le versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

 17   M. KRGOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, une question.

 18   De façon générale, je n'ai pas d'objection à soulever quant à la

 19   teneur de ce document. Mais ce document ne nous a été communiqué que

 20   récemment. Or, en vertu de l'article 68, il aurait dû nous être communiqué

 21   il y a très longtemps puisque ce document confirme la thèse avancée par

 22   notre expert Kovacevic concernant le nombre d'officiers.

 23   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, nous avions prévu de

 24   présenter ce document à l'un des témoins précédents, et donc il a été

 25   communiqué il y a quelque temps de cela.

 26   Mais je n'ai pas d'explications plus amples à fournir. Je souhaite demander

 27   le versement au dossier de ce document.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


Page 26896

  1   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P2455, Monsieur le

  3   Président, Messieurs les Juges.

  4   Mme KORNER : [interprétation]

  5   Q.  Très bien. Avant d'être arrivé à Doboj en tant que chef du Groupe

  6   tactique 3, avez-vous assisté à une réunion lors de laquelle il était

  7   question de l'opération Corridor ?

  8   R.  Je crois que oui.

  9   Q.  Etait-ce la première fois que vous avez rencontré M. Bjelosevic ?

 10   R.  Je ne me souviens pas de l'avoir rencontré lors de cette réunion. Je ne

 11   le connaissais pas à l'époque. Peut-être nous sommes-nous retrouvés au même

 12   endroit. J'étais arrivé depuis la ville de Banja Luka, et un grand nombre

 13   de participants assistait à cette réunion, une centaine de personnes. Et

 14   dans la foule, Bjelosevic était peut-être présent lui aussi. Mais je ne me

 15   souviens pas de l'avoir rencontré et, par ailleurs, il ne m'intéressait pas

 16   particulièrement à l'époque, il ne m'intéressait pas avant d'être nommé

 17   commandant du Groupe tactique 3. Ce n'est qu'alors que nous nous sommes

 18   rencontrés, il est venu me voir dans mon bureau.

 19   Q.  Très bien. Permettez-moi de vous rappeler ce que vous avez dit lors de

 20   l'entretien. Page 81 en anglais, page 70 en version B/C/S.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, j'ai oublié de citer la cote du

 22   document.

 23   Peut-on afficher, s'il vous plaît, le document 30012 de la liste 65 ter,

 24   s'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Peut-on avoir l'intercalaire ?

 26   Mme KORNER : [interprétation] L'intercalaire 1.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Et je pense que le document figure dans le


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  1   classeur de la Défense aussi.

  2   Q.  Voilà. Vous y voyez la question qui concerne M. Bjelosevic.

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   Q.  Quand avez-vous rencontré M. Bjelosevic pour la première fois ?

  5   Puis vous répondez :

  6   "Il est venu me voir.

  7   "Question : Depuis combien de temps vous trouviez-vous déjà à Foca ?"

  8   Et vous avez dit :

  9   "Entre deux et cinq jours." Puis vous dites : "Je pense qu'il a peut-

 10   être été présent lorsque nous nous sommes assis pour la première fois pour

 11   décider comment faire pour percer le corridor. Je me souviens que cette

 12   réunion a été organisée à la coopérative, et je me souviens que Martic y

 13   avait été présent, il était venu de la République de Srpska Krajina, donc

 14   j'imagine que le chef du CSB de Doboj avait eu son mot à dire lors de cette

 15   réunion."

 16   Peut-on à la page suivante, s'il vous plaît.

 17   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 18   M. ZECEVIC : [interprétation] C'est la même page en B/C/S.

 19   Mme KORNER : [interprétation]

 20   Q.  Puis vous dites :

 21   "Il est possible, mais je n'en suis pas certain…

 22   "Mais je pense que Bjelosevic y était. Il prenait des notes… mais il

 23   y avait toute une foule qui était présente…"

 24   Ce qui figure ici est-il correct ?

 25   R.  Oui, c'est bien ce qui est écrit. Mais, je ne m'intéressais pas à

 26   savoir qui se trouvait parmi les personnes présentes. Il y avait toute une

 27   foule de personnes, il y avait des officiers avec qui j'avais suivi une

 28   formation à l'académie. Nous étions assis ensemble dans un groupe. Les


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  1   autres, je ne les connaissais pas. Mais j'imagine qu'il a dû être présent

  2   compte tenu du poste qu'il occupait.

  3   Q.  Oui, mais cette réunion s'est déroulée à Doboj ? C'est la ville de

  4   Doboj qui a accueilli cette réunion.

  5   R.  Oui. C'était le président de la municipalité de Doboj qui a été l'hôte.

  6   Q.  Et un certain M. Ljubicic a-t-il été présent lui aussi ?

  7   R.  Oui, ce Ljubicic c'était justement le président de la municipalité, et

  8   il avait le grade de commandant de réserve.

  9   Q.  Et qu'en est-il de Nikola Perisic, qui était le président de la

 10   municipalité de Teslic ?

 11   R.  Je n'ai fait sa connaissance que par la suite. Il se peut qu'il ait été

 12   parmi les personnes présentes. Je vous dis qu'il y avait un grand nombre de

 13   personnes qui s'y sont réunies. Je ne sais pas qui a été invité par le

 14   commandant du corps d'armée. Il y a un certain nombre de personnes avec qui

 15   j'ai fait mes études, donc je leur ai serré la main et je me suis assis

 16   auprès d'eux. Mais quant aux autres, je ne sais pas s'ils ont été présents

 17   ou non. Et même si je le savais, à quoi cela vous servirait-il ?

 18   Q.  Très bien. Donc une réunion a eu lieu, c'était une réunion des

 19   militaires, des hommes politiques et de la police, et l'objectif c'était

 20   d'assurer la planification de l'opération Corridor, n'est-ce pas ?

 21   R.  Mais il n'en a été question qu'en théorie.

 22   Je ne savais même pas quel rôle me serait attribué. De façon

 23   générale, il s'agissait de régler ces problèmes lors de la réunion. Parce

 24   que le corridor entre Bijeljina et Belgrade a été coupé. Nous avons reçu

 25   des instructions à cet effet de l'état-major principal. Je vous ai tout

 26   expliqué lors de cet entretien, et je pense par ailleurs que les Juges le

 27   comprennent eux aussi.

 28   La question qui s'est posée c'était de savoir comment débloquer les


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  1   routes pour pouvoir nous rendre à Bijeljina et de là à Belgrade, ou en

  2   d'autres mots en Serbie, parce qu'à l'époque nous luttions pour défendre

  3   l'Etat yougoslave. Et cela valait pour moi aussi bien que pour ces hommes

  4   politiques.

  5   Q.  Oui. Général, permettez-moi de vous rappeler, comme les Juges l'ont

  6   déjà fait, essayez de fournir des réponses succinctes et qui ne concernent

  7   que la question posée.

  8   Ma question a été la suivante : l'objectif de cette réunion c'était

  9   de planifier l'opération Corridor, n'est-ce pas ?

 10   R.  Vous avez raison.

 11   Q.  Merci. Maintenant, je voudrais passer à un sujet qui vous a ému, on le

 12   verra bien.

 13   Au cours des années 1992 et 1993 sur le territoire de la République

 14   serbe, la guerre n'a jamais été proclamée, n'est-ce pas ?

 15   R.  La Republika Srpska n'était pas un Etat.

 16   Q.  Je ne sais pas quelle interprétation vous avez reçue, mais moi j'ai dit

 17   "sur le territoire de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, l'état de

 18   guerre n'a pas été proclamé." On n'a proclamé que l'état de menace de

 19   guerre imminente.

 20   R.  Mais je vous ai déjà répondu, seuls les Etats pouvaient proclamer

 21   l'état de guerre. Sans doute aurions-nous dû proclamer l'état de guerre sur

 22   le territoire de ce que nous appelions à l'époque la République serbe de

 23   Bosnie-Herzégovine. Pour quelle raison l'état de guerre n'a pas été

 24   proclamé, c'est une question qu'il faut poser au commandement Suprême et à

 25   Karadzic.

 26   Q.  Non. Mais c'est quelque chose qui vous concernait directement, parce

 27   que vos compétences en étaient limitées, vos pouvoirs que vous avez décrits

 28   avec tant de vivacité aux Juges de la Chambre ce matin.


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  1   R.  Certainement, lorsque l'état de guerre est proclamé, vous avez une base

  2   juridique pour vous servir de toutes les ressources disponibles sur le

  3   territoire d'une zone pour les combats armés. Et si l'état de guerre n'est

  4   pas proclamé, vous n'avez pas toutes les ressources nécessaires pour

  5   combattre. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté pour qu'on proclame

  6   l'état de guerre même si nous n'étions pas un Etat, nous n'avions pas les

  7   prérogatives d'un Etat. Et c'est quelque chose que je tenais à souligner et

  8   à communiquer à tous les présidents de municipalités. Je leur disais : Nous

  9   sommes de facto en état de guerre. Et les municipalités qui se trouvent

 10   sous mon commandement sont de facto en état de guerre.

 11   Q.  Oui. Très bien. Mais c'est quelque chose que vous avez déjà évoquée à

 12   de nombreuses reprises lors de l'entretien, le fait est que l'état de

 13   guerre n'a pas été proclamé. Donc lorsque vous avez dit aux Juges de la

 14   Chambre que tout était placé sous votre commandement, y compris les écoles

 15   maternelles, ceci n'est pas tout à fait exact, en tout cas, cela ne vaut

 16   pas pour l'année 1992 ? Et ensuite -- mais bon, répondez d'abord à cette

 17   partie de ma question.

 18   R.  La situation en pratique était pareille que si l'état de guerre avait

 19   été proclamé. En théorie, l'état de guerre n'avait pas été proclamé. Mais

 20   en pratique, tout le monde était tenu d'exécuter mes ordres, sans maudire.

 21   Q.  Oui, vous auriez bien aimé que la situation ait été telle, mais ce

 22   n'est pas ainsi que les choses se sont passées en réalité ?

 23   R.  Mais si. Est-ce que vous vous trouviez sur place pour le savoir ? Si,

 24   c'est ainsi que les choses se passaient.

 25   Q.  Très bien, je reviendrai sur vos descriptions personnelles un peu plus

 26   tard.

 27   Mais lors de l'entretien - à la page 49 de la version anglaise, page

 28   41 de la version B/C/S - vous avez déclaré ceci -- vous évoquez la guerre.


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  1   "Vous saviez qu'officiellement l'état de guerre n'avait pas été proclamé."

  2   Et vous répondez à la question en disant :

  3   "Je le savais, et c'était une décision très bizarre des dirigeants

  4   militaires et civils. Je faisais partie des personnes qui insistaient pour

  5   qu'on proclame l'état de guerre puisque je ne bénéficiais pas de soutien

  6   nécessaire, et c'est la raison pour laquelle j'ai dû me retirer."

  7   Exact ?

  8   R.  Oui. Tout à fait.

  9   Q.  Très bien. Donc là vous parlez du mois de décembre 1992. Examinons à

 10   présent un extrait du cahier de notes de Mladic, c'est la pièce P1764. Il

 11   nous faut l'intercalaire 35. L'entrée concerne le 5 décembre.

 12   Page 228.

 13   Attendez que l'on affiche la page pertinente.

 14   R.  Oui, effectivement, j'aimerais pouvoir voir la page en serbe.

 15   Q.  Oui, vous allez la voir sous peu. Elle arrive.

 16   R.  Je n'arrive pas à lire ceci.

 17   Q.  Je crois qu'il existe une copie dactylographiée.

 18   R.  Oui, cela serait mieux et plus facile à lire.

 19   Q.  Est-ce que vous connaissez l'écriture du général Mladic ?

 20   R.  Oui, tout à fait. Mais je n'ai jamais réussi à le lire.

 21   Q.  D'accord.

 22   R.  J'avais à ma disposition une estafette et je lui demandais toujours de

 23   me donner lecture de ce que Mladic avait écrit. Parce que vous savez, moi

 24   j'écris en caractères latins alors qu'ici le caractère utilisé est le

 25   cyrillique.

 26   Q.  Mais reconnaissez-vous son écriture ?

 27   R.  Oui, je crois que c'est bien son écriture. Oui, oui.

 28   Q.  Nous avons à notre disposition une copie dactylographiée, mais -- bien,


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  1   je vais vous en donner lecture…

  2   Vous dites :

  3   "Les autorités politiques et militaires à Teslic sont unies sur le fait

  4   qu'un état de guerre devrait être proclamé et un ordre devrait être donné

  5   pour couvrir la ligne de front."

  6   Vous souvenez-vous d'avoir dit ceci ? Vous souvenez-vous de cette réunion ?

  7   R.  Vous savez, j'avais des réunions de façon quotidienne. Et de toute

  8   façon, je répétais cette même phrase tous les jours. Ce n'est absolument

  9   rien de nouveau. C'était ma position.

 10   Q.  Il y a une personne qui s'appelle Popovic, Mico Stanisic, et le général

 11   Talic, et vous vous en êtes pris à eux, n'est-ce pas ?

 12   R.  Où est-ce que vous voyez cela ?

 13   M. ZECEVIC : [interprétation] Nous pourrions peut-être remettre la copie

 14   dactylographiée au témoin ou bien ce document-ci pour être tout à fait

 15   juste envers le témoin --

 16   Mme KORNER : [interprétation] Mais j'ai une copié dactylographiée. Un

 17   instant, s'il vous plaît.

 18   M. ZECEVIC : [aucune interprétation]

 19   Mme KORNER : [aucune interprétation]

 20   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Où voyez-vous cela ? Où est cet extrait que

 23   vous avez mentionné il y a quelques instants ?

 24   Mme KORNER : [interprétation]

 25   Q.  Voyez-vous que votre nom est souligné, la personne qui prend la parole

 26   ici c'est bien vous, n'est-ce pas ? Le général Mladic prend note de ce que

 27   vous lui dites ici.

 28   R.  Mais je ne connaissais pas Mico Stanisic. Il aurait été impossible que


Page 26904

  1   je vous parle d'une personne que je ne connaissais pas. D'ailleurs je ne le

  2   connais toujours pas. Je ne sais pas s'il est peut-être ici. Je n'en ai

  3   aucune idée. Je ne me souviens pas de Bubic, Goran. Je ne sais pas. C'était

  4   peut-être le président du SDS. De façon générale, j'avais déclaré que je

  5   n'étais pas d'accord avec la politique du SDS, si je l'ai dit. Mais je l'ai

  6   probablement dit. Je ne sais pas. Mais ceci ce ne sont pas mes propos. J'ai

  7   peut-être dit certaines choses et il a peut-être écrit des noms. Donc moi

  8   j'ai peut-être dit : Le SDS à Teslic ne correspond pas à ma vision, et

  9   cetera. Et lui il aurait peut-être mis des noms sachant que c'étaient des

 10   membres du SDS.

 11   Mais je ne connais pas Mico Stanisic.

 12   Q.  Oui, vous le dites maintenant. Mais l'une de vos obsessions à l'époque

 13   n'était-ce pas --

 14   R.  Je vais vous parler de Bubic --

 15   Q.  Oui, d'accord. Alors dites-moi ce que vous voulez dire sur Bubic ?

 16   R.  Je ne me souviens pas de Bubic, Goran. Nous nous connaissons peut-être

 17   de vue. Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression de connaître cette

 18   personne… Talic, oui, je le connaissais. Je connaissais Popovic. Mais bon,

 19   pour les autres, non. Je ne sais pas.

 20   Je ne connais pas certaines personnes qui sont mentionnées ici.

 21   Q.  Oui, voilà, c'est ce que vous dites maintenant. Mais l'une de vos

 22   obsessions au cours de cette période en 1992 était quelque chose que vous

 23   appeliez le pillage, donc c'était le pillage qui avait lieu sur le

 24   territoire, et c'était simplement pour s'enrichir. Les gens pillaient à

 25   gauche et à droite pour se remplir les poches.

 26   Et c'était une de vos obsessions, une de vos critiques, vous étiez

 27   terriblement en désaccord avec ce qui se passait et vous ne pouviez rien

 28   faire pour mettre fin à cela, n'est-ce pas ?


Page 26905

  1   R.  Oui, voilà. C'est tout à fait juste.

  2   Mais permettez-moi de vous dire quelque chose. Je vais vous expliquer, avec

  3   votre permission. Je vous interromps, excusez-moi. Mais --

  4   Q. -- oui, mais attendez un instant. Oui, vous voulez préciser quoi

  5   exactement ?

  6   R.  Mais voilà, je voulais vous dire pourquoi je pensais ainsi à l'époque.

  7   Pendant la guerre, il y avait une assemblée qui s'était autoproclamée.

  8   Alors l'assemblée adopte une loi selon laquelle on pouvait proclamer la

  9   privatisation pendant la guerre. C'étaient des sociétés d'Etat, alors que

 10   maintenant on disait que l'on pouvait maintenant s'approprier ces sociétés,

 11   qu'elles pouvaient devenir des sociétés privées. Mais pour moi, c'était du

 12   pillage. J'appelais tout ceci pillage. Et chaque fois qu'il y avait

 13   quelqu'un qui faisait partie d'un groupe au pouvoir, je les appelais

 14   voleurs. Pour moi, c'était du vol. Et je les appelais tous voleurs, ces

 15   gens-là. Et donc, oui, effectivement, voilà, vous avez raison, c'était une

 16   obsession qui était la mienne à l'époque. Parce que je voulais attendre que

 17   la guerre se termine pour que l'on fasse les choses correctement. Mais pas

 18   en temps de guerre.

 19   N'ai-je pas raison de dire cela ? Qu'en pensez-vous ?

 20   Q.  Très bien. Maintenant, j'aimerais passer à une autre question, qui est

 21   la suivante. Vous avez évoqué ce fait lors de divers entretiens. Vous avez

 22   parlé des différences entre un état de guerre et un état imminent de

 23   guerre.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, avant que vous ne

 25   passiez à ce sujet, je voudrais demander au témoin de nous apporter une

 26   légère précision.

 27   Premièrement, est-ce que le témoin a une copie imprimée en serbe ?

 28   Mme KORNER : [interprétation] Oui, les deux, Monsieur le Juge.


Page 26906

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je demanderais au témoin de bien

  2   vouloir nous lire la dernière partie qui commence par : "Talic". C'est le

  3   dernier paragraphe de la page. Voyez-vous cela ? C'est la dernière entrée

  4   qui se trouve sur cette page en anglais.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en ai pris connaissance.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous le lire à voix haute

  7   afin que les interprètes puissent interpréter vos propos.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] On dit pour Lisica que c'est un profiteur.

  9   C'est ce que dit Talic. Qu'il a volé le tout à Derventa, qu'il a volé le

 10   bétail et qu'il les a menés à Levita, qu'il a pillé tous les monuments et

 11   qu'il a vendu tout ceci aux fermiers, aux agriculteurs.

 12   Est-ce que vous aimeriez que je vous explique ceci ?

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non. Merci, Général. Je voulais

 14   simplement vérifier quelque chose.

 15   Madame Korner, ai-je bien compris que votre thèse est que tous ces propos

 16   appartiennent au général ?

 17   Mme KORNER : [interprétation] Oui. En fait, ça l'air un peu bizarre en

 18   anglais, mais c'est le -- nous soutenons que c'est le colonel Lisica qui

 19   parlait de toutes ces personnes, alors que le général Mladic prenait des

 20   notes. Et le colonel Lisica, à l'époque, disait : Talic est en train de

 21   dire ceci sur moi, donc il parle de lui-même à la troisième personne du

 22   singulier.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais le témoin vient de nous dire

 24   justement le contraire il y a quelques instants, n'est-ce pas ?

 25   Mme KORNER : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Oui. Oui et non.

 26   En fait, je ne suis pas d'accord avec vous.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais c'est comme cela que moi aussi

 28   j'interprète ces propos en anglais.


Page 26907

  1   Mme KORNER : [interprétation] J'espère que ceci ne sera pas enlevé du temps

  2   qui m'est imparti. Mais voici…

  3   Q.  Colonel, c'est bien vous qui vous vous plaignez que Talic est en train

  4   de dire ces choses sur vous; est-ce que c'est exact ?

  5   R.  Je peux seulement vous dire que Talic était membre du SDS, d'après ce

  6   que j'ai appris, et que nous avions des différends politiques parce que je

  7   n'appartenais à aucun parti. J'étais membre de la Ligue des Communistes de

  8   Yougoslavie.

  9   R.  Oui. Très bien. Merci. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est la façon

 10   dont les notes ont été consignées dans ce cahier. Ce n'est pas le général

 11   Talic qui parle. C'est bien vous ici dans cette entrée qui vous plaignez du

 12   fait que Talic est en train de dire du mal de vous.

 13   R.  Je bénéficie d'une grande autorité dans les circonstances qui étaient

 14   les nôtres, c'est-à-dire dans ces circonstances paysannes, si vous voulez.

 15   Alors ce dernier aimait bien dire du mal de moi parce qu'il disait que je

 16   me livrais à des activités illicites afin d'amoindrir mon autorité.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mon Général, la question est très

 18   simple. Tout ce que nous aimerions savoir, afin d'avoir une meilleure

 19   compréhension de ce que signifie cette entrée, était de savoir : est-ce que

 20   c'est bien vous qui vous plaignez du fait que Talic est en train de dire

 21   des mensonges sur vous ? Et c'est tout. C'est tout ce que l'on veut savoir

 22   ici.

 23   Est-ce que cette note porte sur vous ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement que oui.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Oui, oui, oui.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Vous savez, je me suis posée la même question

 28   lorsque j'ai lu cette entrée en anglais, mais après je me la suis fait


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  1   traduire par quelqu'un qui parle le B/C/S et c'est là que j'ai mieux

  2   compris.

  3   Lorsque vous parlez de l'état imminent de guerre.

  4   La seule raison pour laquelle vous vous êtes plaint, et ce, jusqu'en

  5   décembre 1992 et par après, votre plainte à savoir qu'aucun état de guerre

  6   imminent n'avait été proclamé, c'était parce que vous n'étiez pas en mesure

  7   de mettre en œuvre les pouvoirs qui vous étaient conférés ? Et c'est parce

  8   qu'il n'y avait pas d'état de guerre, en réalité, et vous n'aviez pas le

  9   contrôle de tous et de tout ?

 10   R.  Non. En pratique, j'avais le contrôle absolu sur tous et de tout. Mais

 11   je n'avais pas un cadre juridique pour ce faire.

 12   Q.  Justement j'en arrive. Eu égard à votre personnalité, Général, comme

 13   vous vous êtes décrit vous-même, vous dites que vous êtes un officier

 14   strict, un bon commandant, donc vous avez essayé de gérer votre zone de

 15   responsabilité comme si un état de guerre imminent avait été proclamé,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Vous avez très bien saisi. C'est exactement ceci que je voulais dire.

 18   Q.  Mais malheureusement, les choses ne se sont pas déroulées exactement

 19   comme cela, et justement j'en reviens à la question que le Président vous a

 20   posé ce matin concernant la resubordination. Mais je ne vais pas ouvrir de

 21   nouveau ce débat.

 22   Néanmoins, vous avez déclaré aux Juges de la Chambre ce matin qu'en 1992

 23   les tribunaux militaires n'étaient pas fonctionnels. Mais est-ce que vous

 24   saviez que le tribunal militaire à Banja Luka était opérationnel, et ce, à

 25   partir du 19 juillet de 1992, j'entends ?

 26   R.  Je savais qu'il existait un tribunal militaire à Banja Luka mais qu'il

 27   n'y avait pas un très grand nombre d'employés. D'après les règlements dans

 28   un cadre d'un conflit armé, chaque fois qu'il existe un bataillon


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  1   indépendant, il faut absolument qu'il existe également un tribunal

  2   militaire. Etant donné que je suis un soldat de carrière et que je parle

  3   avec un langage militaire, je ne sais pas si les Juges qui se trouvent

  4   devant nous sont des juges militaires. Je ne sais pas si ces juges sont à

  5   même de comprendre la situation de la guerre en Bosnie-Herzégovine. S'il

  6   s'agit de juges civils, ils peuvent comprendre la situation de façon

  7   intellectuelle, mais ils ne peuvent pas comprendre quelles sont les

  8   responsabilités qui incombent à un soldat, à un juge de tribunal militaire,

  9   et cetera.

 10   Q.  Oui. Très bien. Mais tout ce que je veux savoir, c'est si vous saviez

 11   qu'il existait un tribunal militaire qui était fonctionnel à partir du 19

 12   juillet, et vous avez répondu par l'affirmative. Bien.

 13   Maintenant, avez-vous jamais vu quels sont les critères selon

 14   lesquels doit opérer un procureur militaire ?

 15   R.  Non, je ne sais pas. Je ne l'ai jamais vu.

 16   Q.  Mon Général, en fait, n'est-ce pas exact de dire que vous n'avez rien à

 17   faire avec le fonctionnement des tribunaux militaires ?

 18   R.  Non, je n'avais rien à voir avec les tribunaux militaires.

 19   Q.  Fort bien. Maintenant, on vous a posé une question ce matin sur le

 20   commandement des villes. On vous a montré deux documents concernant la

 21   ville de Derventa.

 22   Justement, vous avez déclaré certaines choses dans un entretien concernant

 23   le commandement des villes.

 24   Mme KORNER : [interprétation] J'aimerais maintenant vous montrer un

 25   document qui se trouve à la page 35 en anglais et à la page 30 en B/C/S

 26   concernant justement ces mêmes questions.

 27   Le document porte le numéro 30012, c'est un document de la liste 65 ter.

 28   Q.  La question qui vous été posée ce matin portait sur des opérations


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  1   conjointes avec la police qui était resubordonnée à l'armée. Et vous avez

  2   dit ceci :

  3   "En principe, nous sommes en train de parler d'une zone peuplée,

  4   alors normalement on nomme un commandant, comme moi j'ai nommé un

  5   commandant à Derventa. Mais ceci n'a aucun impact sur les tâches confiées à

  6   la police civile, qui est censée mener à bien des opérations de maintien de

  7   la paix. Et normalement, vous, dans cette situation, nommerez un commandant

  8   de la ville. La police est censée de maintenir l'ordre public, alors que le

  9   commandant de la ville, plus précisément, est censé coordonner et organiser

 10   d'abord les opérations de ratissage sur le terrain de façon générale et de

 11   s'occuper des opérations de la ville.

 12   "Question : Donc j'aimerais savoir, un commandant de la ville effectue la

 13   prise du contrôle de la ville, il s'agit d'une municipalité ?"

 14   Et donc, vous avez dit :

 15   "Oui, à 100 %." Et vous dites que : "Un commandant de la ville est

 16   complètement séparé d'un commandant de la garnison.

 17   "Un commandant militaire est une entité temporaire qui fonctionne jusqu'à

 18   ce que la vie civile ne revienne à la normale."

 19   Ce sont les questions que l'on vous a posées, et vous avez donnez certaines

 20   réponses à ces questions que je viens de vous lire. Alors, est-ce que vous

 21   maintenez toujours ces mêmes réponses ?

 22   R.  Oui, tout à fait. Oui, voilà, je maintiens ces réponses, exactement.

 23   Oui, oui, oui, tout à fait.

 24   Q.  Merci.

 25   R.  Je suis absolument d'accord avec moi-même.

 26   Q.  Très bien. Alors une petite question très courte sur la coopération

 27   entre la police et l'armée. S'agissant d'une question relative aux

 28   prisonniers. Page suivante, s'il vous plaît, en anglais et page suivante en


Page 26911

  1   B/C/S également.

  2   Au bas de la page en anglais, une question vous a été posée, à savoir ce

  3   que vous feriez si vous aviez des prisonniers.

  4   Et vous avez dit :

  5   "D'après tout règlement militaire, et vous parlez d'un groupe de

  6   combattants ennemis, chaque fois que des soldats sont capturés, à ce

  7   moment-là il faut faire un rapport au commandant."

  8   Mme KORNER : [interprétation] Il nous faut passer à la page suivante en

  9   anglais. C'est toujours la même page en B/C/S :

 10   Q.  "Le commandant ordonne que les prisonniers soient déplacés au

 11   poste de commandement chargé de la logistique. Ce dernier les amène sur le

 12   territoire libre, le territoire libre que nous estimons être le territoire

 13   libre serbe. Ces derniers sont par la suite remis entre les mains des

 14   autorités civiles. A partir de ce moment-là, c'est eux qui s'occupent des

 15   civils en tant qu'entités juridiques."

 16   Un peu plus bas, on vous a demandé :

 17   "De quel type de prisonniers parlez-vous ? Les gens qui portent des

 18   uniformes ou des prisonniers qui sont des civils mais qui ne portent pas

 19   d'uniforme, qui portent des vêtements civils ?"

 20   Et vous avez répondu :

 21   "Les soldats qui auraient été capturés au cours des opérations de combat

 22   seraient néanmoins remis entre les mains des dirigeants de prisons civiles.

 23   C'est ainsi que les choses fonctionnaient dans ma zone de responsabilité.

 24   Je ne pouvais qu'avoir une responsabilité sur ma zone de responsabilité."

 25   Par la suite, vous expliquez comment vous n'aviez pas suffisamment de

 26   ressources pour nourrir les prisonniers.

 27   Par la suite, on vous a demandé --

 28   Mme KORNER : [interprétation] Et pour ce faire, je vais passer maintenant à


Page 26912

  1   la page suivante en anglais et à la page suivante B/C/S, page 32.

  2   Q.  Vous avez déclaré ceci en parlant des conventions de Genève que vous

  3   avez évoquées. Et vous avez déclaré que :

  4   "Les prisonniers devaient être remis entre les mains des autorités qui

  5   existent sur un territoire libre. C'était leur responsabilité. Tout ce qui

  6   se trouvait à l'extérieur de la zone de responsabilité était placé sous le

  7   contrôle des autorités civiles. Dans ma zone de responsabilité -- et ma

  8   zone de responsabilité était si petite que je n'aurais eu pas à m'occuper

  9   d'un petit nombre de soldats ennemis capturés…"

 10   Et ensuite, on vous posé une autre question --

 11   Mme KORNER : [interprétation] La page suivante en anglais.

 12   Q.  Vous avez parlé du territoire libre, et on vous a demandé :

 13   "De quel territoire parlez-vous ?"

 14   Et vous avez répondu :

 15   "Le territoire libre, ce sont tous les territoires qui sont placés sous le

 16   contrôle de l'armée de la Republika Srpska."

 17   Et ensuite, vous avez dit :

 18   "…dans mon cas plus précisément, nous parlons de Doboj. Ils étaient dotés

 19   d'une prison. Il n'y en avait pas à Derventa, ni ailleurs."

 20   Donc, est-ce que vous êtes en train de nous décrire la ville de Doboj, et

 21   non pas l'ensemble de la municipalité ? C'est la ville de Doboj qui faisait

 22   partie des territoires libres ?

 23   R.  Est-ce que c'est une question ?

 24   Q.  Oui, c'est ma question.

 25   R.  Oui. Eh bien, j'ai dit que les tribunaux militaires ne fonctionnaient

 26   pas et les choses étaient imposées de cette façon-ci. Dans mon cas à moi,

 27   et je suis tout à fait d'accord avec ce que j'ai dit, étant donné que les

 28   tribunaux militaires n'étaient pas fonctionnels, les choses étaient


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  1   différentes. Lorsque vous avez un tribunal militaire, les prisonniers sont

  2   envoyés chez le juge militaire qui se trouve derrière le poste de

  3   commandement principal, donc le poste de commandement chargé de la

  4   logistique. Et par la suite, ce dernier, le juge, établit la procédure pour

  5   envoyer ces prisonniers dans les prisons en question. Puisque nous n'avions

  6   pas de juge, nous avions un officier chargé de la sécurité au poste de

  7   commandement, à mon poste de commandement à moi ou ailleurs, il entend et

  8   il interroge les prisonniers et les envoie auprès des organes civils. Mais

  9   les organes civils ne savaient pas juger les prisonniers de guerre. Et

 10   donc, moi je ne savais pas quoi en faire. Je devais les envoyer quelque

 11   part. Mais Doboj était doté d'une prison. Oui, oui.

 12   Q.  Général, je vous prierais de bien vouloir vous concentrer et de

 13   répondre seulement aux questions que je vous pose.

 14   Je voulais simplement savoir si vous estimez que la ville de Doboj

 15   fait partie de ce que vous appelez le territoire libre.

 16   R.  Oui. Oui, oui, oui.

 17   Q.  Très bien. Et l'heure de la pause approche. Donc, dernière question

 18   avant la pause.

 19   On vous a demandé --

 20   Mme KORNER : [interprétation] La page suivante ici en anglais.

 21   Q.  Il s'agit de la page 33 dans votre langue.

 22   On vous a demandé ceci :

 23   "Est-ce que les civils étaient également interrogés lorsque vous

 24   savez qu'il s'agissait de civils ?"

 25   Et vous avez dit :

 26   "Oui, bien sûr. Mais, vous devez comprendre que les civils ne sont

 27   pas capturés. Où puis-je trouver un soldat au beau milieu d'une activité de

 28   combat ? Ceci n'est pas possible, je ne pouvais pas capturer un civil. Si


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  1   vous parlez d'une opération de combat, il n'y a pas de civils dans les

  2   opérations de combat… "

  3   Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?

  4   R.  Oui, tout à fait. J'ai dit ceci. Mais vous savez, il y avait de la

  5   propagande, on disait que nous nous livrions à des viols, mais ce n'était

  6   pas possible, il n'y avait personne. Il n'y avait pas un chat. On nous

  7   disait que nous étions entrain d'égorger, de torturer les gens, de violer

  8   les femmes, mais il n'y avait personne.

  9   Oui, vous pouvez poursuivre. Je suis très, très, très heureux de ma

 10   réponse.

 11   Q.  Oui, vous l'avez déjà mentionné dans votre entretien. Oui,

 12   effectivement. Maintenant ce que vous décrivez là, puisque l'on parle déjà

 13   sur ce sujet, vous nous parlez d'une opération de combat où deux groupes

 14   opposés se battent, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, oui. Deux groupes armés. Des non-professionnels. Un conflit qui

 16   est mené entre une partie de population armée. Il ne s'agissait pas du tout

 17   d'une armée professionnelle ni serbe, ni musulmane, ni croate. Ce sont des

 18   citoyens armés qui se battaient les uns contre les autres. Il n'y avait pas

 19   de règles militaires. C'est le plus fort qui survit. Mais le problème est

 20   que vous avez enregistré seulement ce que nous avons fait, mais vous n'avez

 21   pas du tout tenu compte de ce qu'on fait les Croates ou les Musulmans, et

 22   vous ne faites qu'attiser le feu entre ces populations.

 23   Q.  Oui, merci, vous nous avez expliqué vos sentiments, vous nous l'avez

 24   déjà dit. Oui, nous comprenons et nous vous avons entendu dire que vous

 25   estimez que ce Tribunal n'est pas impartial.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Alors, Monsieur le Président, je ne sais pas

 27   si l'heure est opportune pour prendre la pause ?

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui, nous prendrons notre pause


Page 26915

  1   maintenant, et nous reviendrons dans 20 minutes.

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 25.

  4   Mme KORNER : [interprétation]

  5   Q.  Mon Général, on m'a demandé de confirmer ce qui suit: Lorsque vous

  6   parlez d'un "territoire libre", vous parlez d'un territoire contrôlé en

  7   définitive par la VRS, n'est-ce pas ? Pourriez-vous répondre par "oui" ou

  8   par "non", s'il vous plaît.

  9   R.  Oui.

 10   Q.  J'aimerais que nous en venions maintenant à M. Ninkovic à propos duquel

 11   la Chambre de première instance vous a déjà posé quelques questions.

 12   Vous et lui ne vous entendiez pas très bien, pour le moins, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Alors, examinons maintenant l'échange, en tout cas une partie de cet

 15   échange de correspondance que vous avez eu.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Examinons le document 30028. Intercalaire 7.1

 17   [comme interprété].

 18   Q.  C'est en fait un extrait de l'un des ouvrages que vous avez écrits, Mon

 19   Général.

 20   En attendant que le document s'affiche, je préciserai que vous avez écrit

 21   deux ouvrages, n'est-ce pas, sur 1992 et vos expériences pendant la guerre

 22   ?

 23   R.  C'est exact, oui.

 24   Q.  Ceci est donc un extrait de votre ouvrage. C'est en fait la synthèse,

 25   si je puis dire, du courrier qui est publié par la suite.

 26   Vous reconnaissez cet extrait, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Maintenant, affichons la page suivante en


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  1   B/C/S et en anglais.

  2   Q.  Où l'on voit une photocopie de votre lettre dont vous parlez à la page

  3   précédente.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Elle porte la date du 4 juillet. Ensuite, on voit : adressé à la

  6   cellule de Crise de Doboj. Résumons-la puisque c'est une lettre assez

  7   longue.

  8   Vous y parlez d'accusations qu'il porte.

  9   Mme KORNER : [interprétation] Et si nous passons à la page suivante tant en

 10   anglais qu'en B/C/S.

 11   Q.  Au paragraphe 4, nous lisons :

 12   "…si ces hommes pensent que moi et mon armée vont conquérir des territoires

 13   pour eux, pendant que vous, députés du peuple, membres de la cellule de

 14   Crise de Doboj et ceux de Derventa, Bosanski Brod et Prnjavor, devenez ce

 15   que vous pensez que vous êtes et que vous êtes irremplaçables. Où emmenez-

 16   vous le peuple serbe ? Le peuple ne le permettra pas - mon adjoint."

 17   Et ensuite, vous parlez d'un Etat de droit, et non pas d'un Etat politique,

 18   et cetera, et cetera.

 19   En substance, n'est-ce pas, vous vous plaignez du fait que M.

 20   Ninkovic et le SDS essaient de se vanter de la création d'un Etat serbe,

 21   alors que, selon vous, cette création, on la devait à l'armée ?

 22   R.  En gros, c'est exact. Je peux peut-être entrer dans les détails et

 23   essayer de vous expliquer, mais vous voyez ce qui est écrit ici. Il y a

 24   toujours une distinction, que ce soit en Occident ou ailleurs, entre

 25   politiques et soldats. Ils essaient de conquérir le cœur des gens par de la

 26   démagogie, alors que la réalité de la vie c'est qu'il faut agir. Il y avait

 27   davantage un conflit de théorie, un conflit intellectuel. J'avais procédé à

 28   une mobilisation depuis un certain temps, mais il y a eu une intervention


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  1   qui est venue d'en haut selon laquelle lui, en tant que député du peuple,

  2   n'était pas censé être mobilisé.

  3   Q.  Examinons sa réponse, la réponse qu'il vous a faite. C'est en page 20

  4   044, et c'est à l'intercalaire 8.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Donc --

  7   R.  J'étais opposé aux cellules de Crise. Qu'est-ce qu'une cellule de Crise

  8   ? Tout le pays était en crise. Si vous avez un commandement et une

  9   municipalité, pourquoi une cellule de Crise ?

 10   Mais c'est un désaccord idéologique.

 11   Q.  Mon Général, je vous invite encore une fois à vous en tenir à la

 12   question.

 13   Il vous répond le 8 juillet. Il s'exprime dans le premier paragraphe après

 14   quatre lettres de votre part, bien que seule, une seule, ait été imprimée

 15   dans votre ouvrage.

 16   Au deuxième paragraphe, il dit :

 17   "Ce faisant, vous étiez sans doute en train d'essayer de voir comment le

 18   gouvernement civil de Doboj pourrait être démantelé et que, considérant

 19   qu'il ne fonctionnait pas, il devrait être remplacé par une administration

 20   militaire."

 21   Mon Général, vous estimiez, qu'en fait, tout aurait dû être dirigé par

 22   l'armée, n'est-ce pas ? Que le pays s'en serait mieux porté ?

 23   R.  Non, ce n'était pas véritablement ma position.

 24   Il y a des bons et des mauvais dirigeants partout, tout comme il y a de

 25   bons officiers et des mauvais au sein de l'armée. Mais pendant la guerre,

 26   j'ai eu le sentiment que cet homme ne réglait pas convenablement des

 27   questions néanmoins importantes, qu'il ne permettait pas à la ville de

 28   fonctionner convenablement à tous les niveaux.


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  1   Il y avait une certaine forme de direction, de gouvernement, mais les

  2   choses auraient pu fonctionner mieux, et mon intention était d'améliorer la

  3   situation. Si vous leur demandiez combien de civils étaient en captivité,

  4   attrapés par les Musulmans et les Croates, eh bien, ils n'étaient pas en

  5   mesure de fournir la moindre liste. Ils ne disposaient pas de cette

  6   information.

  7   J'espère avoir répondu convenablement à votre question.

  8   Q.  Et il se plaint ensuite que vous n'avez aucun droit ni aucune raison de

  9   signaler son nom dans le contexte de pillage et d'autres actes illicites.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Et ensuite, c'est à la page suivante en

 11   anglais, la même page en B/C/S.

 12   Q.  Il dit qu'il veut vous informer de la chose suivante :

 13   "La cellule de Crise de la municipalité serbe de Doboj n'a pas été créée

 14   pendant ou après, mais avant le début des combats pour la libération des

 15   territoires de la municipalité serbe…"

 16   Et ensuite, au point 3.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Ça sera la page suivante en B/C/S.

 18   Q.  Il est dit : "La cellule de Crise de la municipalité serbe de Doboj n'a

 19   pas été placée au pouvoir, mais plutôt, avec l'aide de l'armée et de la

 20   police du peuple serbe de la municipalité de Doboj, elle a aidé à organiser

 21   et à libérer tous les territoires serbes de la municipalité."

 22   Alors vous n'étiez pas à Doboj à l'époque, n'est-ce pas, au moment de la

 23   libération, si vous voulez ? Saviez-vous, toutefois, qu'il y avait eu une

 24   action conjointe de la part des hommes politiques, des militaires et de la

 25   police en vue de prendre le contrôle de la ville ?

 26   R.  Je ne comprends pas votre question. Doboj a été libérée en 1945. C'est

 27   à ce moment-là que Doboj a été libérée.

 28   Q.  Bien. Alors, au paragraphe suivant, il en est question :


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  1   "Même si … seul un tiers des résidents de la municipalité de Doboj étaient

  2   d'origine serbe…," et cetera.

  3   Alors, saviez-vous qu'en mai, au début du mois de mai de l'année 1992, il y

  4   a eu une action conjointe de la part de la police, de l'armée et des

  5   responsables politiques afin que les Serbes prennent le pouvoir dans la

  6   ville de Doboj ?

  7   R.  Je l'ignore. Mais aucune action ni opération n'a été nécessaire, de

  8   toute façon. Parce qu'en situation de guerre civile, ceux qui se

  9   ressemblent s'assemblent. On ne peut pas parler de nettoyage ethnique

 10   lorsque les gens, d'instinct, se rassemblent dans les secteurs dans

 11   lesquels ils sont majoritaires. Personne n'a rien organisé. Si vous

 12   pilonnez Sarajevo et que vous tuez un Serbe, eh bien, vous pouvez me pendre

 13   ici haut et court pour ce crime. Parce qu'il n'y a plus de Serbes à

 14   Sarajevo. Quatre-vingt-dix-neuf pourcents et quelques de Musulmans et

 15   quelques Croates. Même situation en Bosnie centrale. On s'enfuyait d'un

 16   groupe à l'autre sans que personne ne leur en donne l'ordre.

 17   Q.  Vous ne m'avez pas répondu. La question était simple : saviez-vous que

 18   l'on avait pris le pouvoir ?

 19   R.  Non, je l'ignore.

 20   Q.  Et, en fait, pour accélérer les choses, vous vous souvenez sans doute

 21   de la lettre de M. Ninkovic dans laquelle il se plaint du fait que vos

 22   allégations sont fausses, et il vous demande à la fin de la lettre --

 23   Mme KORNER : [interprétation] Examinons, à ce sujet, la dernière page en

 24   anglais ainsi qu'en B/C/S.

 25   Q.  Il vous demande donc -- en tout cas, il veut que vous le rencontriez de

 26   façon à ce que vous puissiez vous rendre compte des résultats du travail,

 27   et il veut que vous retiriez vos allégations.

 28   Alors, première question : une fois que vous avez reçu cette lettre, êtes-


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  1   vous allé le rencontrer ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Avez-vous retiré les allégations que vous avez formulées dans la lettre

  4   du 2 juillet ? Que, malheureusement, nous n'avons pas.

  5   R.  Non. Il est venu me voir et il a présenté ses excuses.

  6   Q.  Alors il est venu vous voir et il vous a présenté ses excuses.

  7   R.  Oui. Ils ont tous présenté leurs excuses. C'est ainsi. Je n'étais pas

  8   disposé à présenter mes excuses à qui que ce soit. Ce n'est pas moi qui ai

  9   déclenché la guerre. Je n'en voulais pas. Je me suis juste trouvé à la tête

 10   d'un groupe armé, et j'ai défendu les membres de ce groupe. Il s'agissait

 11   de différends politiques et démagogiques. Mais à l'époque, je n'étais pas

 12   prêt à avoir ce type de différends.

 13   Q.  Est-il exact de dire que du fait de votre personnalité et parce que

 14   vous étiez à la tête de l'armée dans ce secteur, MM. Ninkovic et Bjelosevic

 15   vous craignaient, dans une certaine mesure ?

 16   R.  Oui.

 17   Mme KORNER : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de ce

 18   document.

 19   M. ZECEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 20   nous ne percevons pas quelle pourrait être la pertinence de ces documents

 21   en l'espèce. Je crois que le témoin a dit qu'il s'agissait de "différends

 22   politiques et démagogiques", et que je n'avais pas le temps pour ce genre

 23   de choses. Je ne vois donc pas pourquoi Mme Korner essaie d'obtenir le

 24   versement au dossier de ce document.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 26   pourriez-vous inviter le témoin a retiré ses écouteurs un instant ?

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Veuillez retirer vos écouteurs.

 28   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,


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  1   le problème avec le général Lisica, comme il l'a dit d'ailleurs un peu lui-

  2   même, c'est que certaines de ces lettres et certains actes mentionnés sont

  3   en fait la conséquence de la personnalité du général. Et ces courriers

  4   reflètent, selon nous, tout à fait sa personnalité. Par ailleurs, ces

  5   lettres sont pertinentes vis-à-vis de ce que dit le général sur la prise de

  6   contrôle de Doboj. M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais sa réponse à

  7   votre question ne suffit-elle pas ? Et il a confirmé votre thèse,

  8   d'ailleurs, dans sa réponse.

  9   Mme KORNER : [interprétation] En effet. Toutefois, ces courriers renvoient

 10   également à la situation qui régnait à Doboj à l'époque. A notre sens, ces

 11   courriers sont tout à fait pertinents en regard du contexte et recevables.

 12   Et puis, la relation avec Ninkovic justifie en partie également la présence

 13   de ce témoin ici. Merci de l'avoir mentionné en passant vous-même.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Maître Zecevic.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Je conviens que les Juges de la Chambre ont

 17   soulevé cette question. Comme vous l'avez bien dit, ce qui figure au compte

 18   rendu montre que le témoin a fourni une confirmation. Et je ne comprends

 19   toujours pas quelle pourrait être la pertinence de ce document.

 20   C'est une lettre que Ninkovic envoie au général à propos d'un différend

 21   entre eux. Ce courrier ne saurait être considéré comme une pièce

 22   susceptible d'aider les Juges de la Chambre à faire la lumière sur les

 23   questions dont parlait Mme Korner.

 24   En outre, l'Accusation aurait pu présenter ce document au cours du

 25   contre-interrogatoire d'autres témoins qui sont venus parler de Doboj. Nous

 26   avons eu Bjelosevic et d'autres.

 27   Nous faisons donc objection à la demande de versement par

 28   l'Accusation.


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  1   Mme KORNER : [interprétation] Mais je n'aurais pas pu présenter à d'autres

  2   témoins qui ont parlé de Doboj. M. Ninkovic n'a jamais témoigné. M.

  3   Bjelosevic n'avait peut-être pas connaissance de cette correspondance.

  4   Nous avons tout à fait le droit, dans le contexte fixé par les Juges

  5   de la Chambre, nous sommes donc tout à fait autorisés à étudier certaines

  6   des questions qui ont trait directement à l'affaire qui nous occupe. Et

  7   l'une des questions, ce n'est pas seulement le lien entre le général Lisica

  8   et Ninkovic, mais la situation a Doboj. Et à cet égard, ce document est à

  9   la fois pertinent et recevable. Ce document n'a pas seulement trait à ce

 10   qu'a fait le général Lisica. Il illustre également la situation à Doboj par

 11   le biais de ce qu'a dit M. Ninkovic, Doboj étant l'une des municipalités

 12   concernée par l'acte d'accusation. Et le fait que nous ne l'ayons pas

 13   présenté dans le cadre de notre thèse est lié à une limite qui nous a été

 14   imposée. Nous n'avions pas de témoins à qui présenter ce document. Cette

 15   fois, nous en avons un.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir une fois encore.

 17   Mais cette lettre a été écrite par une tierce personne. Le général l'a dit

 18   ici : il n'a pas accepté la teneur de cette lettre et il n'a pas présenté

 19   d'excuses. C'est l'autre personne qui est venu s'excuser auprès de lui.

 20   Mme Korner propose ce document en indiquant que sa teneur est

 21   véridique.

 22   Mais en réalité, la déposition que nous avons entendue semble

 23   indiquer que ce document n'est pas crédible. Donc je ne vois pas quelle

 24   base invoquer pour demander le versement au dossier de ce document.

 25   Mme KORNER : [interprétation] Il dit qu'il ignore la prise de contrôle.

 26   C'est une déclaration qui va à l'encontre de l'intérêt de M. Ninkovic, si

 27   vous voulez, où il est dit que la cellule de Crise a été constituée avant

 28   le début des combats. C'est à la deuxième page en anglais, si l'on peut y


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  1   revenir.

  2   Alors, ici, il est dit que la cellule de Crise n'a pas été portée au

  3   pouvoir mais qu'avec l'aide de l'armée et de la police, et même si

  4   seulement un tiers des résidents de Doboj, et cetera, et cetera.

  5   Tout ceci est pertinent. Et le fait que ce document soit présenté à

  6   ce stade de la procédure n'y change rien.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Korner, de quel document

  9   parlons-nous exactement ? 7A et 8 ?

 10   Mme KORNER : [interprétation] Oui.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, si nous versions la

 13   lettre au dossier, je suppose que votre demande porte également sur

 14   l'extrait de l'ouvrage. Pourquoi devrait-on l'ajouter ?

 15   Mme KORNER : [interprétation] Le premier ?

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous parlons de l'intercalaire 8,

 17   Madame Korner.

 18   Mme KORNER : [interprétation] Oui, c'est ça. C'est l'intercalaire 8.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La question est donc la suivante : si

 20   nous versons l'intercalaire 8, voulez-vous également le versement du 7A ?

 21   Mme KORNER : [interprétation] Je vois. Non, ça ne sera pas nécessaire.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, nous allons verser la lettre au

 23   dossier. Qu'une cote lui soit attribuée.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P2456, Messieurs les Juges.

 25   Mme KORNER : [interprétation]

 26   Q.  Mon Général, brièvement, vous avez parlé de votre rapport avec M.

 27   Bjelosevic. Ce que vous nous avez dit dans l'entretien, c'est que vous

 28   entreteniez un bon rapport, n'est-ce pas ?


Page 26925

  1   C'est bien exact ?

  2   R.  Oui, c'est exact. J'étais en bons termes avec tout le monde.

  3   Q.  En page 95 - je ne vais pas demander à ce qu'on l'affiche - mais vous

  4   dites ceci :

  5   "Nous trouvions toujours une solution qui convenait à tous pour le bien de

  6   la défense du territoire et du peuple."

  7   R.  C'est exact. Nous partagions les mêmes objectifs et idées sur les

  8   tâches à accomplir, mais au sein de différentes hiérarchies ou structures.

  9   Il n'y avait aucune raison de ne pas être d'accord sur ceci ou cela. Nous

 10   faisions partie du même camp et nous ne faisions pas partie de camps

 11   opposés. Nous avions un ennemi commun. S'il y avait une différence de vue,

 12   des discussions avaient lieu, et ces discussions ne débouchaient pas

 13   nécessairement sur des disputes, des différends. Même ce qui s'est passé

 14   avec Ninkovic, je ne le vois pas nécessairement comme un conflit, sans quoi

 15   quelqu'un aurait pu finir en prison. Nous avions simplement des points de

 16   vue différents.

 17   Puisque c'est moi qui occupais le poste le plus élevé, c'est moi qui

 18   avais le dernier mot. Je leur disais que c'était la fin de la conversation

 19   et que les choses se feraient comme je le déciderais, que ce soit

 20   d'ailleurs à Ninkovic ou à Bjelosevic.

 21   Q.  Oui. Je crois que vous l'avez déjà expliqué.

 22   Vous avez dit en page 95 que vous aviez des rencontres informelles

 23   avec lui et que parfois elles avaient lieu lorsqu'il venait inspecter les

 24   policiers qui se trouvaient sur les lignes de front; c'est bien exact ?

 25   R.  Oui, oui.

 26   Q.  Et comme vous l'avez déjà indiqué à plusieurs reprises, les dirigeants

 27   politiques, la police et l'armée partageaient les mêmes objectifs de facto.

 28   Et l'objectif final était de créer un territoire qui ferait partie de


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  1   la Republika Srpska et sur lequel vous établiriez votre contrôle ?

  2   R.  Exact. Exact. Nous avons cru qu'il s'agirait d'un territoire

  3   yougoslave, or il s'est trouvé qu'il s'agissait de la Republika Srpska.

  4   Mais nous y avons été forcés par l'OTAN. Sans parler de démocratie, parce

  5   que la démocratie n'y a joué aucun rôle. Seule la force comptait.

  6   Q.  Oui, tout à fait. Bon, revenons maintenant à une des questions qui vous

  7   ont été posées un peu plus tôt par les Juges de la Chambre où il était

  8   question de la resubordination de la police à l'armée. Et penchons-nous sur

  9   ce que vous avez déclaré lors de l'entretien que vous avez eu avec les

 10   enquêteurs.

 11   Commençons par la page 28. En fait, non.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi. Peut-on afficher de nouveau le

 13   document 30012 de la liste 65 ter. Il nous faut la page 27 -- ou plutôt,

 14   commençons par la page 28 en anglais, qui correspond à la page 24 en B/C/S.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] En serbe, vous voulez dire.

 16   Mme KORNER : [interprétation]

 17   Q.  Oui, la page va être affichée dans quelques instants.

 18   R.  La langue "B/C/S" n'existe pas. Elle n'existe qu'au Tribunal. Il n'y a

 19   qu'une langue serbe.

 20   Q.  Oui, oui, oui.

 21   R.  Mais vous ne pouvez pas me priver des choses continuellement.

 22   Q.  Très bien. Alors la question commence à la page précédente, et je ne

 23   vais pas m'y attarder. On vous demande de parler de la resubordination de

 24   la police à l'armée.

 25   Et vous dites, comme vous l'avez dit ce matin par ailleurs, je cite :

 26   "Le principe général c'était que toutes les ressources disponibles

 27   soient placées sous le contrôle du commandant militaire d'une zone de

 28   responsabilité donnée. Cela comprenait le président d'assemblée municipale,


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  1   la ville de Derventa," bla-bla-bla, "y compris la police sur le territoire

  2   concerné, la police civile."

  3   Et puis, on vous a posé la question suivante :

  4   "Cela vaut-il pour le temps de guerre ou pour le temps de 

  5   paix ?"

  6   Et vous déclarez que :

  7   "C'est seulement en état de guerre que cela est applicable."

  8   Et puis, vous expliquez qu'il n'existe qu'une seule tâche, à savoir

  9   la défense du territoire et la défense du peuple.

 10   Et puis, à la page 30 en anglais et page 26 en serbe --

 11   R.  Je souscrits à tout ce qui a été écrit. Je suis bien d'accord avec moi-

 12   même. Ce n'est pas la peine de me poser des questions au sujet des choses

 13   que j'ai déjà déclarées puisque tout est exact. J'ai dit la vérité.

 14   Q.  Très bien. Alors, expliquez-moi ceci : si vous avez une ligne de front

 15   qui s'étend en longueur et vous n'avez pas suffisamment d'hommes, est-il

 16   dans l'intérêt de la police et du peuple que la police prenne des actions

 17   pour défendre le territoire ?

 18   Vous dites dans ce texte que les commandants de police qui se

 19   trouvaient sous vos ordres se sont plaints auprès de vous en disant que la

 20   police ne représentait pas une force armée. Ils ne souhaitaient pas être

 21   utilisés pour contrôler le territoire, mais vous leur avez expliqué que les

 22   forces de l'ennemi s'empareront du territoire si ce territoire n'est pas

 23   placé sous le contrôle des Serbes.

 24   Maintenant, je voudrais passer à la question de resubordination proprement

 25   dite.

 26   Page 32 en anglais, page 27 en serbe.

 27   On vous pose la question suivante :

 28   "Avez-vous envisagé à l'époque la possibilité de faire des demandes


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  1   pour pouvoir déployer la police dans les opérations de combat ?"

  2   Et vous avez répondu :

  3   "Non. J'ai tout simplement donné l'ordre dans ma zone de

  4   responsabilité. Si vous parlez de la police civile … je pense que la police

  5   devait demander l'aval des structures hiérarchiques supérieures. Citons un

  6   exemple. Disons, j'ai un chef de police à Derventa. Je lui adresse une

  7   demande. Il fait suivre cette demande à ses supérieurs hiérarchiques, puis

  8   ses supérieurs hiérarchiques transfèrent la demande à je ne sais qui, tout

  9   cela est fort possible, mais à la fin ils devaient tous faire ce que je

 10   leur disais de faire.

 11   "Question : Et vous étiez au courant du fait que même si vous donniez des

 12   ordres, la police devait les transférer le long de la chaîne du

 13   commandement puisqu'en fait vous ne vous serviez pas du terme ordre, mais

 14   du terme demande.

 15   "Réponse : Mais oui, ça a du sens. C'est le déroulement logique des

 16   événements, mais vous devez tenir compte du fait que le chaîne de

 17   commandement de l'armée qui va jusqu'à Mladic ou qui que ce soit puis la

 18   chaîne du commandement de la police sont parallèles. Mais leur objectif

 19   final est le même, et tout le monde le savait. Et c'est pourquoi nous

 20   communiquions entre nous."

 21   Donc, pour résumer ce que vous venez de dire ici, Général : il existe

 22   deux chaînes de commandement parallèles, celle de la police et celle de

 23   l'armée. Ce que vous considériez dans votre esprit comme des ordres, il

 24   fallait quand même les formuler sous forme de demandes, parce que c'était

 25   la façon de procéder dans une situation où l'état de guerre n'avait pas

 26   encore été proclamé ?

 27   R.  Dans ma zone de responsabilité, on se comportait comme si l'état de

 28   guerre avait été proclamé. En d'autres mots, je téléphonais à Bjelosevic ou


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  1   à un autre commandant d'un autre poste de police en lui donnant l'ordre de

  2   faire ceci ou cela. Et il ne pouvait pas s'opposer à ma décision. Une

  3   procédure pour le faire n'existait pas. Mais après avoir reçu un ordre de

  4   ma part, ils étaient tenus de soumettre un rapport à Bjelosevic ou au

  5   supérieur hiérarchique qui se trouvait dans le siège du ministère de

  6   l'Intérieur dans un Etat qui n'existait, en fait, pas. Et sans doute qu'on

  7   devait leur répondre : Vous n'avez qu'à faire ce que le colonel vous a dit.

  8   Autrement, on n'aurait pas pu coexister. Quelqu'un aurait dû partir. Soit

  9   moi, soit eux. Et cela aurait été impossible.

 10   J'avais une autorité indiscutable dans ma zone de responsabilité. Ce

 11   n'est pas comme si je disais une chose et en faisait une autre. Je faisais

 12   ce que je disais. Quand j'appelais le président de la municipalité pour

 13   qu'il se présente à mon bureau, il venait toujours dans cinq minutes. Je ne

 14   sais même pas comment il le faisait. Quand je demandais à Ninkovic ou à

 15   Bjelosevic de se rendrent à mon bureau, ils le faisaient. Ils n'avaient pas

 16   le choix. Ce n'est pas comme s'ils pouvaient dire : J'ai autre chose à

 17   faire, j'ai d'autres chats à fouetter. Quand je disais quelque chose, ils

 18   devaient s'y conformer.

 19   Q.  Général, je suis parfaitement d'accord que vous avez terrifié ces

 20   pauvres gens, et on verra pourquoi dans quelques instants.

 21   Mais dans la réalité des choses, vous étiez quand même obligé de formuler

 22   vos ordres comme des demandes et de les transférer le long de la chaîne du

 23   commandement, n'est-ce pas ?

 24   R.  C'est probablement vrai. Je ne me souviens pas d'avoir rédigé des

 25   demandes ou des requêtes. Je n'avais pas le temps de le faire. Peut-être

 26   que l'un de mes petits fonctionnaires, de mes petits employés le faisait.

 27   Quand je lui disais que j'avais besoin de 100 policiers le long de la ligne

 28   du front ou que j'avais besoin d'une patrouille de police, alors mon


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  1   assistant chargé de la sécurité rédigeait une demande ou une requête de ce

  2   type, qui devait être transférée à Bjelosevic pour que les ordres soient

  3   réalisés. Mais c'était mon assistant chargé de la sécurité qui se chargeait

  4   de ces choses-là, puisque de toute façon il assistait à toutes mes

  5   réunions. Et toutes ces questions, on les réglait lors des réunions. Si

  6   j'avais besoin des forces de la police, je demandais aux commandants des

  7   brigades de me prêter main-forte, et les représentants des bataillons

  8   indépendants assistaient à ces réunions, de même que Bjelosevic ou un autre

  9   représentant de la police.

 10   Q.  Très bien. Accélérons un petit peu, parce que je souhaite vous

 11   présenter quelques documents que vous évoquiez lors de l'entretien.

 12   Page suivante en anglais et la même page en B/C/S --

 13   R.  En serbe. En serbe.

 14   Q.  Très bien. Alors la question posée était la suivante :

 15   "Lorsque vous vous serviez des forces de la police, lorsque vous

 16   ordonniez à la police de participer aux opérations de combat, vous ne

 17   pouviez le faire que pour un espace de temps limité ?"

 18   Et votre réponse :

 19   "C'était à moi de décider de quelle façon je déploierais les forces

 20   de la police aux fins de combattre, et je le faisais toujours pour les

 21   espaces de temps les plus courts possible. Mais tout dépendait de la

 22   situation générale sur les lignes du front. Je voulais m'assurer que la

 23   police participe à l'exécution de toutes les tâches conformément aux lois

 24   qui régissaient leur travail. Et le fait qu'ils se trouvaient placés sous

 25   mon commandant n'a été que de nature provisoire."

 26   Mme KORNER : [interprétation] Alors, un peu plus bas en anglais, et c'est

 27   la page suivante en B/C/S -- ou en serbe, plutôt.

 28   Q.  "Est-ce que les policiers intégraient les rangs de l'armée ou étaient-


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  1   ils regroupés au sein d'une unité à part ?

  2   "Réponse : Ils constituent des unités à part.

  3   "Question : Et qui était leur commandant ?

  4   "Réponse : Les commandants du poste de police, quand ils étaient

  5   resubordonnés, ils étaient déployés dans le cadre de la zone de

  6   responsabilité de la brigade concernée et ils agissaient sur les ordres de

  7   leur commandant de brigade de police."

  8   Ceci est exact, n'est-ce pas ?

  9   R.  Précisément. Je suis bien d'accord avec moi-même et avec ce que j'ai

 10   dit lors de l'entretien.

 11   Q.  Soit.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Et j'aimerais que l'on réaffiche la page 69

 13   en anglais, qui correspond à la page 58 en serbe.

 14   Q.  Vous vous servez du terme "coordination", évoqué dans l'un des

 15   documents qui vous sont présentés, et vous dites :

 16   "Les autorités civiles avaient leurs propres missions à accomplir. La

 17   coordination est un terme utilisé si vous voulez vous servir de la police

 18   pour attaquer, pour lancer une attaque de façon coordonnée en déployant les

 19   unités militaires, donc si la police était utilisée pour combattre. Donc

 20   ceci ne concerne que les tâches de combat. Il est normal de se coordonner

 21   en disant voilà, moi je vais lancer mon attaque depuis cet axe et toi, tu

 22   le feras depuis l'autre axe."

 23   Donc la police était resubordonnée à l'armée dans votre zone de

 24   responsabilité pour combattre, n'est-ce pas, pour combattre l'autre partie

 25   ?

 26   R.  Exact. Chacun avait son propre axe le long duquel l'attaque était

 27   lancée. Chacun avait sa zone de défense ou sa ligne de défense pour éviter

 28   le feu croisé. Il fallait savoir où le reste des forces se trouve, à quel


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  1   moment l'artillerie ou l'aviation interviendrait. Donc il ne s'agissait pas

  2   pour la police ou pour l'armée d'agir indépendants. Nous avions des chars

  3   parmi nos ressources, et mon rôle, en tant que commandant, consistait à

  4   coordonner toutes les forces en présence de manière à ce que tous

  5   fonctionnent précisément comme une montre suisse.

  6   Q.  Et à la page 97 en anglais, et 82 en serbe, vous dites que tout ceci se

  7   passait suite à des accords mutuels que vous passiez avec M. Bjelosevic.

  8   R.  Mais qu'est-ce que voulez dire par là, qui aurait pu se passer ou

  9   plutôt je vais imaginer les choses qui peuvent se passer, ou plutôt

 10   j'aurais imaginé qu'il y a un tremblement de terre.

 11   Q.  Oui, d'accord. Sauf qu'il n'y a pas eu de tremblement de terre, mais il

 12   y a eu un échange de lettres. Alors j'aimerais que vous vous penchiez sur

 13   ce que vous avez déclaré à ce sujet.

 14   À la page 97, la question suivante vous a été posée :

 15   "Cette fois-ci, vos relations avec M. Bjelosevic, généralement

 16   bonnes, ont connu des problèmes. Il a dit si on me retirait de mon poste

 17   dans les rangs de la police, que ce serait-il passé ?"

 18   Et à ceci, vous répondez :

 19   "Mais nous n'en sommes jamais arrivé là. Eux, il me connaissait bien

 20   et moi je le connaissais bien. Nous avions des objectifs communs. Donc les

 21   choses ne sont jamais arrivées à ce point-là."

 22   Et puis, question suivante, je cite :

 23   "Mais disons que M. Bjelosevic dise mes supérieurs au sein du ministère de

 24   l'Intérieur m'ont donné l'ordre de retirer mes unités, et en me disant

 25   qu'ils doivent reprendre leurs tâches habituelles, donc c'est une question

 26   qui aurait due être résolue par l'état-major principal et le commandement

 27   suprême. Le ministère de l'Intérieur et de même le ministère de la Défense

 28   auraient du être impliqués en fonction des événements."


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  1   Est-ce donc ce que vous avez dit ?

  2   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit. Lorsque vous évoquez de bonnes relations

  3   entre Bjelosevic et Lisica, il ne s'agit pas de Lisica en tant que tel, ni

  4   de Bjelosevic en tant que tel. Nous représentions des instituions. Et il

  5   était nécessaire de trouver une langue commune puisque nous représentions

  6   ces différentes institutions populaires. Nous nous trouvions à la tête des

  7   commandements, à la tête des unités. C'est pourquoi tout devait fonctionner

  8   sans problème.

  9   Quant à notre coopération personnelle, comme nos rapports personnels, ils

 10   n'avaient aucune importance en temps de guerre. La situation exigeait que

 11   les deux institutions à la tête desquelles nous nous trouvions fonctionnent

 12   bien.

 13   Vous dites que des choses auraient pu se passer. Bon, pour commencer, les

 14   choses n'auraient pas pu se passer de la manière dont vous l'avez décrite,

 15   et même si les choses s'étaient passées de la manière décrite, quelqu'un

 16   aurait du partir, soit moi, soit Bjelosevic. Mais c'est une question qui

 17   aurait été réglée par le commandement Suprême de l'état-major principal.

 18   Mais on ne peut simplement pas imaginer une situation dans laquelle il

 19   refuserait d'exécuter un ordre donné par moi.

 20   Q.  Très bien. Maintenant je vais vous présenter quelques documents qui

 21   étayent ce que vous venez de dire concernant la chaîne du commandement.

 22   Et une dernière question au sujet de cet entretien.

 23   Au niveau des procédures disciplinaires ou pénales, les Juges vous ont posé

 24   une question ce matin qui a également été évoquée lors de l'entretien

 25   l'année dernière.

 26   Mme KORNER : [interprétation] Affichons, s'il vous plaît, la page 44 en

 27   anglais, qui correspond à la page 36 en serbe.

 28   Q.  On vous pose la question suivante :


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  1   "Si une unité de police civile était subordonnée à l'armée, ceci aurait-il

  2   eu un impact sur le système disciplinaire de la police ?"

  3   Et puis, vous ne répondez pas à la question posée.

  4   Mme KORNER : [interprétation] C'est pourquoi j'aimerais que nous passions à

  5   la page 45 en anglais, page 35 en serbe.

  6   Q.  Je lirai le paragraphe entier :

  7   "Imaginons qu'une unité de police est engagée dans les activités de combat,

  8   et qu'au cours de ces activités de combat la discipline est violée par un

  9   membre de la police qui participait aux activités de combat, ou alors,

 10   imaginons qu'un policier ait commis une infraction pénale grave. Qui aurait

 11   été compétent pour déclencher une procédure disciplinaire et pénale contre

 12   ce membre de la police ? Est-ce l'armée qui en serait compétente ou la

 13   police ?"

 14   Et votre réponse :

 15   "Seule la police aurait été compétente, mais il faut que vous compreniez

 16   bien la situation. Lorsqu'il est engagé dans les activités de combat, il

 17   n'a pas la possibilité de commettre une infraction pénale.

 18   "Question : Je vais vous donner un exemple. Un policier a capturé un

 19   prisonnier civil au cours des opérations du combat, et il l'a passé à tabac

 20   ou il l'a assassiné. Ceci est considéré comme un crime."

 21   Et vous dites à cela :

 22   "Eh bien, il aurait préféré d'avoir été tué parce que sinon, je l'aurais

 23   tué personnellement."

 24   Et puis nous avons la question :

 25   "Mais imaginons que quelqu'un est suffisamment bête pour ignorer ces

 26   menaces que vous leur adressiez et commettre une infraction pareille."

 27   Et vous dites :

 28   "Eh bien, cette personne aurait été placée en état d'arrestation et envoyé


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  1   à la prison. Il n'y a pas de clémence pour des crimes de ce type."

  2   Et puis question :

  3   "Mais qui ce serait occupé d'une telle personne : l'armée ou la police ?"

  4   Et vous dites :

  5   "La première instance qui réussit à s'emparer de lui."

  6   Et puis on vous propose un scénario moins dramatique.

  7   "Imaginons qu'un membre de la police refuse de se conformer aux ordres

  8   donnés par le commandant de son unité, est-ce que c'est le commandant de la

  9   police qui aurait la compétente de le poursuivre ou est-ce le commandant de

 10   l'armée ?

 11   Réponse : C'est la police qui est en responsable."

 12   Alors ceci est exact, n'est-ce pas ? Une fois resubordonné à l'armée, le

 13   policier est resté un policier ?

 14   R.  Oui, il est resté policier. Il se trouvait tout simplement placé sous

 15   les ordres de l'armée.

 16   Q.  Très bien.

 17   R.  Au lieu d'organiser des patrouilles, il se trouvait à l'étranger, mais

 18   toutefois c'est un policier. Et comme je vous l'ai déjà dit, tout le

 19   système juridique et toute la jurisprudence du pays ne fonctionnaient plus,

 20   tout était cassé en pièces. Dans une situation normale, ce sont les

 21   tribunaux militaires qui auraient dû s'occuper de l'affaire. Mais comme les

 22   tribunaux militaires n'existaient pas, nous avons établi un tribunal

 23   militaire à Banja Luka, au sein de l'armée. Il y a eu énormément de

 24   violations de la discipline, et les affaires avaient été transférées aux

 25   tribunaux militaires, mais comme les tribunaux ne fonctionnaient pas

 26   c'était moi qui, à la fin du compte, exerçais le rôle d'un juge militaire,

 27   enfin, pas moi personnellement, mais mon commandement militaire.

 28   Q.  Mais il existe un certain nombre de crimes que seul un tribunal


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  1   militaire aurait pu étudier dans les circonstances normales, n'est-ce pas ?

  2   R.  Mais en temps de guerre, ce sont les tribunaux militaires --

  3   Q.  Mais si un policier commet un crime qui n'est pas un crime normalement

  4   jugé par les tribunaux militaires pendant qu'il était resubordonné à

  5   l'armée, qui s'occupait de ce crime-là, la police ou l'armée ?

  6   R.  Je ne comprends pas votre question. Pourquoi est-ce que c'est tellement

  7   important ?

  8   Q.  Laissez de côté la question de savoir pourquoi c'est important,

  9   Général. Disons que vous avez une unité de police, disons 200 policiers de

 10   la police spéciale de Doboj. Et pendant qu'ils vous sont resubordonnés,

 11   l'un d'entre eux commet une infraction disciplinaire. Est-ce que c'est

 12   l'armée qui aurait pris des mesures disciplinaires à son encontre ou est-ce

 13   qu'on aurait laissé cette tâche à la police ?

 14   R.  Eh bien la procédure est la suivante : c'est moi qui aurais engagé une

 15   procédure contre un policier commettant une infraction pendant les

 16   activités de combat. C'est moi qui aurais été responsable jusqu'au moment

 17   où il reprenne ses tâches habituelles. Mais en tant que membre de la police

 18   déployée sur la ligne du front, il est subordonné à son commandant. C'est

 19   son commandant qui doit s'occuper de toutes les violations de la

 20   discipline. Donc s'il est subordonné à moi, c'est moi qui m'occupe de lui.

 21   S'il est subordonné à la police, c'est la police qui s'occupe de lui.

 22   C'est logique. Comment voulez-vous que je fonctionne autrement ?

 23   Q.  Bon, examinons ce que vous avez dit dans l'entretien. On vous pose la

 24   question suivante :

 25   "Si un homme est resubordonné et s'il refuse de se conformer à un ordre,

 26   qui s'occupe de lui ?"

 27   Et vous répondez :

 28   "La police."


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  1   R.  L'armée.

  2   Q.  Vous voulez dire la police militaire. Est-ce que c'est ce que vous

  3   dites ?

  4   R.  Oui, oui, la police militaire. Lorsque j'ai dit "armée", je voulais

  5   "police militaire". Pendant qu'il s'agit d'opérations de combat, c'est la

  6   police qui s'occupe des questions, mais s'il y a une patrouille dans un

  7   village, cela relève de la compétence de la police civile. Mais dans le

  8   cadre des opérations de combat, les erreurs relèvent de la compétence de

  9   l'opération militaire. Si vous me parlez d'erreur, mais il n'était pas

 10   censé avoir d'erreur. Les erreurs n'étaient pas censées se produire.

 11   Q.  En tant que commandant militaire, quel type de pouvoirs vous était

 12   conféré vous permettant de donner des mesures disciplinaires aux officiers

 13   de police qui vous étaient resubordonnés ? S'il avait fait une violation,

 14   est-ce que vous auriez pu le démettre de ses fonctions ?

 15   R.  Comme ce dernier n'a pas de grade, je ne pouvais pas le démettre, enfin

 16   le dégrader, si vous voulez. Parce qu'en temps de guerre, les choses sont

 17   tout à fait différentes. Un policier m'est subordonné, donc moi je ne veux

 18   pas entrer dans les détails. Ce qui m'intéresse, c'est que c'est un

 19   combattant qui se trouve sur la ligne de front et qui est dans ma zone de

 20   responsabilité. Après, en dehors de mes responsabilités, il ne m'intéresse

 21   pas de savoir ce qui lui arrive. Mais s'il est placé sous mes ordres, à ce

 22   moment-là c'est moi qui en suis responsable. A ce moment-là, s'il

 23   commettait une infraction, ce dernier pouvait soit être arrêté, ou bien il

 24   pouvait être démobilisé, je ne sais pas. Mais c'est Bjelosevic ou le

 25   commandant qui était le sien qui était chargé de s'occuper d'imposer des

 26   mesures disciplinaires.

 27   Q.  Très bien. Merci.

 28   Alors ce que vous dites, c'est que le policier qui, d'après vous, aurait


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  1   commis une infraction, vous pouviez dire à Bjelosevic que ce dernier avait

  2   commis donc une infraction et c'était à lui de le démobiliser, de le

  3   dégrader, est-ce que c'est ce que vous voulez dire ?

  4   R.  Vous savez, il y a ceux qui sont compétents de rédiger ce type d'ordre

  5   pour mettre en œuvre ce que moi j'ai dit de faire. En fait, qu'il s'agisse

  6   de Bjelosevic ou de mon adjoint, voilà, je ne sais pas qui était

  7   responsable, mais de toute façon cela se faisait. Lorsque vous parlez du

  8   commandement, c'est une institution, c'est le commandement. Nous avons là

  9   tous les éléments qui s'occupent des questions chargées de la sécurité, du

 10   renseignement, de la logistique, et cetera.

 11   Donc quelqu'un de mon commandement devait s'occuper de ce type de choses.

 12   Mais je ne sais pas qui était la personne qui dictait l'ordre et qui le

 13   tapait à la machine, je l'ignore. Mais de toute façon, il est certain que

 14   l'ordre était exécuté et écrit, d'abord écrit, ensuite exécuté.

 15   Q.  Très bien, merci. Je comprends. Donc, Général, vous avez dit que si ce

 16   dernier n'avait pas de grade, vous ne pouvez pas le dégrader. Mais vous

 17   dites que ce dernier, néanmoins, demeurait un policier et il était

 18   resubordonné à l'armée, cela faisait partie de ses fonctions, n'est-ce pas

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et donc s'il fallait entreprendre quelques mesures disciplinaires que

 22   ce soit, soit de le mettre en prison ou de l'exécuter contre le mur, il

 23   aurait fallu que ces mesures disciplinaires soient entreprises par la

 24   police, n'est-ce pas ?

 25   R.  S'il s'agit d'une exécution, ce n'est que le tribunal qui est habilité

 26   à rendre cette décision. Ce n'est pas une question privée où je peux

 27   prendre un revolver et tuer la personne.

 28   Mais comme il n'y avait pas de tribunaux militaires, on ne pouvait pas non


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  1   plus procéder à l'exécution de quelqu'un de cette façon-là, car cela aurait

  2   été impossible.

  3   Mme KORNER : [interprétation] Prenons maintenant quelques documents qui

  4   portent justement sur cette question de la resubordination de la police.

  5   Pour commencer, j'aimerais que l'on prenne le document qui porte le numéro

  6   30016.

  7   Ou excusez-moi plutôt, je devrais mentionner qu'il s'agit de l'intercalaire

  8   16.

  9   Q.  Voici un ordre émanant du Corps de Krajina qui porte la date du 5

 10   septembre 1992, envoyé au commandement du Corps de Krajina, du général

 11   Mladic -- excusez-moi, date : 5 septembre 1992. On y lit comme suit :

 12   "Conformément à l'ordre donné par la présidence de la République

 13   serbe, j'ordonne ceci…"

 14   Et donc, on donne pour ordre qu'un bataillon soit formé dans la région de

 15   Prijedor.

 16   Que vous soyez d'accord ou pas avec ceci, le président ou la

 17   présidence de la république avait l'autorité de donner des ordres à l'état-

 18   major principal ainsi qu'à la police, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui, oui. Alors, qu'est-ce que vous ne comprenez pas ici ? Bien sûr que

 20   oui. On appelait la présidence commandement Suprême. Moi je ne fais que

 21   vous dire que dans un Etat qui n'existe pas d'un point de vue juridique, on

 22   ne peut pas non plus avoir de commandement Suprême. Mais, nous étions dotés

 23   d'un commandement Suprême dans un Etat qui n'existait pas.

 24   Q.  Fort bien. Alors, prenons le document numéro --

 25   R.  D'autres commandants avaient également leurs zones de responsabilités

 26   alors qu'ils n'ont jamais fait l'objet de poursuites par ce Tribunal, ce

 27   qui est très malheureux, bien sûr, pour la population qui se trouve dans

 28   ces régions.


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  1   Q.  Oui.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Prenons maintenant --

  3   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Madame Korner, je voudrais vous informer

  4   que lorsque la séance sera terminée à 13 heures 45, votre temps sera

  5   écoulé.

  6   Mme KORNER : [interprétation] En fait, Monsieur le Président, j'avais

  7   espéré que vous pouviez m'accorder encore cinq minutes, car j'aimerais

  8   encore une fois que l'on passe en revue avec le témoin, très rapidement,

  9   une page du cahier de Mladic, et je crois que cela me prendra encore cinq

 10   minutes.

 11   M. LE JUGE HALL : [interprétation] D'accord. Je pensais que vous aviez

 12   terminé cette série de questions. Très bien.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Bien. Alors, nous verrons.

 14   Q.  De toute façon, maintenant j'aimerais vous demander de prendre le

 15   document du 25 août 1992. Et vous pouvez voir ici qu'il est indiqué :

 16   "Sur la base du besoin de riposter à l'offensive des Bérets verts,

 17   avec l'approbation du ministre de l'Intérieur de la République serbe de

 18   Bosnie-Herzégovine…"

 19    Donc, êtes-vous d'accord qu'il semblerait que, comme vous l'avez dit, mais

 20   pas dans votre zone de responsabilité, pour que l'on puisse se servir des

 21   effectifs de la police, le ministre devait donner son autorisation ?

 22   M. ZECEVIC : [interprétation] Le document pourrait peut-être être lu par le

 23   témoin, car je ne crois pas que la traduction soit bonne. Car ici, on

 24   mentionne le mot approbation ou autorisation, alors que ce mot ne figure

 25   pas à l'original.

 26   Mme KORNER : [interprétation]

 27   Q.  Sous "ordre", pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture de ce

 28   qui est écrit dans votre langue.


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  1   Pourriez-vous le lire à voix haute, s'il vous plaît.

  2   R.  Ah, vous voulez que je vous en donne lecture ?

  3   Q.  Oui, oui, s'il vous plaît.

  4   R.  "Sur la base des besoins pour riposter à l'offensive des Bérets verts,

  5   avec l'approbation du ministre de l'Intérieur de la République serbe de

  6   Bosnie-Herzégovine, dans l'axe partant du village de Donja Kamenica à

  7   Srpsko Snagovo, j'ordonne qu'une compagnie d'intervention de la station de

  8   sécurité publique de Zvornik soit déployée en tant que partie intégrante de

  9   la Brigade de Zvornik."

 10   Alors, je ne comprends pas ce que vous ne comprenez pas. Il s'agissait

 11   simplement d'un accord fait dans les échelons supérieurs.

 12   Q.  Non, non. Je vous arrête ici.

 13   Pour ce qui est de la Brigade de Zvornik, l'autorisation a été donnée

 14   par le ministre de l'Intérieur, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, mais ici aussi, à Doboj, il y a toujours eu une autorisation qui

 16   était nécessaire. Ils appellent au téléphone, et les autres leur disent :

 17   Oui, nous sommes d'accord, nous vous donnons l'autorisation. Et par la

 18   suite, on rédige cette correspondance.

 19   Q.  Oui. Très bien. Je comprends très bien, Général. Vous avez sans doute

 20   l'impression que je vous pose des questions un peu ridicules, mais

 21   j'aimerais que vous donniez réponse à ces questions néanmoins.

 22   Alors, pour ce qui est de ma prochaine question, je voudrais vous

 23   demander de prendre 30005. Intercalaire 34.

 24   Il s'agit ici d'un rapport envoyé au Corps de la Drina par le lieutenant-

 25   colonel Andric. Le connaissiez-vous ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Il dit dans ce document, à la page 2 en anglais, au paragraphe 5 :

 28   "Pourriez-vous résoudre la question du commandement (sur l'utilisation) de


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  1   l'unité (de la police) de sécurité des services publics depuis qu'ils ont

  2   cité la décision du ministère de l'Intérieur concernant leur déploiement

  3   (ils sont placés sous leur commandement, et seul le ministère peut les

  4   déployer)."

  5   Donc il semblerait que s'agissant des zones qui étaient hors de votre

  6   contrôle, lorsqu'il fallait obtenir l'approbation du ministre de

  7   l'Intérieur, ce système était appliqué. C'était une façon de procéder qui

  8   était appliquée.

  9   M. ZECEVIC : [interprétation] Est-ce que Mme Korner pourrait nous préciser

 10   la date.

 11   Mme KORNER : [interprétation] Certainement.

 12   Q.  Il s'agit du mois de décembre 1992.

 13   R.  Je crois que c'est l'impression qu'on en tire en lisant ce document.

 14   C'était ainsi sur papier. Ça semble un peu bizarre, mais tout se faisait

 15   par concertation. Vous savez, en temps de guerre, les commandants de la

 16   police et les commandants militaires se rencontraient tous les jours. Il

 17   s'agit d'être vivant. Et ils se mettaient d'accord sur certains points. Il

 18   est certain qu'on essayait toujours d'éviter de déployer des hommes dans

 19   des activités de combat. Et lorsque moi j'envoyais des hommes se livrer aux

 20   activités de combat, eux là-bas me disaient : Mais nous n'avons pas donné

 21   notre autorisation. Et moi je répondais : Je suis votre ministre

 22   maintenant.

 23   Les soldats de toutes les municipalités voulaient être renvoyés à la

 24   maison. Personne ne veut faire la guerre. Personne ne veut être envoyé sur

 25   la ligne de front. Mais je crois que vous, Britanniques, vous comprenez les

 26   choses. Vous avez beaucoup d'expérience pour ce qui est de la guerre.

 27   Q.  Je vais vous donner une série d'affirmations et je vais vous demander

 28   si vous êtes d'accord avec ces dernières.


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  1   Pendant toute la période de la guerre, la police civile a pris part aux

  2   activités de combat dans la région de la Republika Srpska. Etes-vous

  3   d'accord avec ceci ?

  4   R.  Oui. En principe, oui.

  5   Q.  A l'exception d'une période très brève en 1992, lorsque la police

  6   civile avait été resubordonnée au commandement de l'armée en son lieu

  7   d'opération, la police militaire a été principalement autonome s'agissant

  8   des actions ?

  9   R.  Je ne connais pas les actions de la police autonomes. Je ne sais pas de

 10   quel type d'actions il pourrait s'agir. Peut-être d'infiltrer les groupes

 11   de sabotage, par exemple, au sein d'une organisation criminelle.

 12   Q.  Mais si les opérations sur le terrain étaient planifiées par l'état-

 13   major principal de la VRS, ce dernier envoyait une demande au commandement

 14   Suprême pour que la police soit engagée; et si la planification avait été

 15   faite par le corps d'armée, son commandant envoyait une demande auprès des

 16   organes du MUP dans la région en question afin que leurs unités soient

 17   déployées.

 18   Est-ce que vous êtes d'accord avec ceci ?

 19   R.  C'est une question de procédure, et j'imagine qu'on les respectait.

 20   Ceci relève toujours de l'autorité du commandant. Si le commandant engage

 21   des effectifs de la police, ces procédures sont effectuées par les organes

 22   de la police d'un point de vue juridique. Mais ceci ne veut pas dire que

 23   l'on ne peut pas procéder à l'exécution de l'ordre.

 24   Q.  Bien. Vous avez pris part dans deux opérations, celle de Bosanski Brod

 25   et l'opération Corridor, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Etes-vous d'accord avec cette affirmation : pour les deux opérations,

 28   l'opération de Bosanski Brod et l'opération Corridor, dans le cadre de la


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  1   planification, l'état-major principal avait demandé au commandant suprême,

  2   Karadzic, pour l'approbation des membres du MUP ? Est-ce que vous êtes

  3   d'accord avec cette 

  4   affirmation ? Etes-vous au courant de ceci ?

  5   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

  6   Q.  J'aimerais maintenant vous montrer un dernier document.

  7   Mme KORNER : [interprétation] Prenons maintenant le document 30020.

  8   Intercalaire 25.

  9   Q.  Il s'agit d'un rapport émanant de M. Bjelosevic. Il porte sur la mort

 10   de M. Bijelic. Il est dit également que vous êtes arrivé au SJB de Derventa

 11   ce même jour, et c'était en octobre 1992. Vous avez arrêté la circulation,

 12   vous avez donné pour ordre au commandant de vous rendre compte, et vous

 13   expliquez que les raisons de ces actions-là étaient de montrer à la police

 14   de Derventa de quelle façon ces derniers devaient travailler.

 15   Vous souvenez-vous de ces incidents ? Est-ce que j'ai bien décrit ce

 16   qui s'est passé ?

 17   R.  Non. Je ne sais pas. C'est peut-être vrai, oui, mais j'en doute. Je

 18   doute fortement de ceci puisque vous avez dit que quelqu'un avait été tué.

 19   Et je crois que je me souviendrais s'il y avait eu des morts.

 20   Q.  Mais est-ce que cela ressemble à quelque chose que vous auriez pu

 21   faire, un comportement qui pourrait être considéré comme étant le vôtre ?

 22   R.  Je n'ai pas très saisi. J'ai arrêté qui ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

 23   Voilà, je lis. Un instant. "Trois personnes, et il a fait évacuer d'autres

 24   travailleurs du bâtiment…"

 25   Q.  Non. C'est très bien. Merci. Je voudrais vous montrer un dernier

 26   document.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Donc 00494. Intercalaire 11.

 28   Q.  Prenez, je vous prie, l'intercalaire 11. Vous avez ici un rapport


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  1   du mois de juillet 1992. Le feu colonel Vukelic en est l'auteur. Prenons

  2   maintenant le paragraphe 5, qui se trouve sur la page suivante en anglais

  3   et également en B/C/S.

  4   Voyez-vous ce qui est indiqué ici : 

  5   "Le moral des unités est très élevé, à l'exception du Groupe tactique

  6   3, où certaines érosions ont eu lieu compte tenu d'une attitude arrogante

  7   du commandant envers ses subordonnés. Il procède à l'arrestation de

  8   certaines personnes et ensuite il demande qu'elles soient relâchées le

  9   lendemain."

 10   J'imagine que vous ne serez sans doute pas d'accord avec cette

 11   affirmation. Mais il est exact de dire que vous avez procédé à

 12   l'arrestation de certaines personnes, d'après ce que vous nous avez dit,

 13   comme étant un principe qui était le vôtre, mais vous avez bel et bien

 14   donné l'ordre à plusieurs reprises de faire arrêter un certain nombre de

 15   personnes, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je suis d'accord avec cette constatation de façon générale. J'étais

 17   arrogant, oui.

 18   Q.  Et voilà, j'ai encore une dernière question.

 19   Vous avez dit aux Juges de la Chambre un peu plus tôt aujourd'hui que

 20   vos pouvoirs, d'après vous, les pouvoirs qui vous étaient conférés,

 21   découlaient du fait il existait une stratégie de conflit armé; est-ce exact

 22   ?

 23   R.  Je n'ai pas saisi votre question.

 24   Q.  Vous avez dit aux Juges un peu plus tôt ce matin, lorsque vous

 25   expliquiez aux Juges de la Chambre en détail la façon dont tout ce qui se

 26   trouvait dans votre zone de responsabilité, que les pouvoirs découlaient

 27   d'une stratégie du conflit armé.

 28   N'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Est-ce que vous seriez en mesure de vous rappeler où dans le document,

  3   et c'est un document assez volumineux, vous dites que vos pouvoirs

  4   découlent de ceci ?

  5   R.  Il s'agit d'un livre qui s'appelle "Stratégie du conflit armé", un

  6   livre du commandement supérieur de la RSFY. C'est le secrétariat fédéral

  7   pour la Défense nationale, et c'est un document qui est adopté par le

  8   Parlement, je présume.

  9   Et c'est un document tout à fait officiel qui permet aux personnes de

 10   le consulter.

 11   Mais je ne sais pas quel est le point qui me conférait tous ces pouvoirs.

 12   Mais étant donné que j'ai fait mes études à Belgrade, à l'Académie de

 13   commandement, les professeurs nous en avaient donné lecture, ils nous ont

 14   parlé de ce chapitre, mais je ne peux pas vous le dire par cœur. Je ne me

 15   rappelle plus quelle est page, quel est l'article en question.

 16   Q.  Bien.

 17   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, devrait-on maintenant prendre

 18   notre pause ?

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'ai un petit problème avec les

 20   numéros de pièces.

 21   Madame la Greffière, à la page 39, ligne 16, nous avons P2455. Et

 22   page 67, ligne 18, ensuite nous sautons immédiatement à 2466.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Juge, on

 24   devrait lire P2456.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous reprendrons nos travaux à 15

 27   heures, et ce sera au tour de la Défense de contre-interroger le témoin.

 28   Merci.


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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 49.

  3   --- L'audience est reprise à 15 heures 01.

  4   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, avant de faire entrer

  5   le témoin aux fins du contre-interrogatoire par la Défense, j'ai une

  6   requête à présenter qui consiste à rendre l'entretien qui a été mené avec

  7   le témoin -- d'en faire, plus précisément, une pièce du dossier. Pourquoi ?

  8   Au début du contre-interrogatoire que j'ai fait auprès du témoin, il a dit

  9   qu'il avait tout lu et il a confirmé la véracité de sa déclaration.

 10   Même si, dans le temps limité qui m'a été imparti, j'ai pu lui poser un

 11   certain nombre de questions à propos de certaines parties de sa

 12   déclaration, je n'ai malheureusement pas eu le temps de présenter toutes

 13   les questions que je souhaitais lui poser sur l'ensemble des parties de

 14   l'entretien où il traite d'un certain nombre de questions pertinentes. Un

 15   exemple : page 79, on lui a posé une question concernant 200 hommes à

 16   Doboj, et il a répondu en page 80. Et il y a un certain nombre d'autres

 17   exemples outre celui-ci.

 18   En de telles circonstances, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 19   demanderais, afin que vous puissiez évaluer sa déclaration d'aujourd'hui

 20   devant vous, de bien vouloir verser au dossier sa déclaration afin, donc,

 21   de comparer ce qu'il a dit aujourd'hui et les réponses données dans le

 22   cadre de cet entretien.

 23   En raison du peu de temps dont j'ai disposé, je le répète, je n'ai

 24   malheureusement pas pu entrer dans le détail de sa déclaration.

 25   M. ZECEVIC : [interprétation] Nous faisons objection, Monsieur le

 26   Président.

 27   Tout d'abord, au cours du contre-interrogatoire, l'Accusation est revenue

 28   sur tout ce qu'il a dit dans son entretien. Tout figure donc au compte


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  1   rendu d'audience. Je ne vois pas pourquoi nous voudrions verser au dossier

  2   un autre document qui, d'une manière ou d'une autre, est déjà repris de le

  3   compte rendu d'audience, puisque Mme Korner a donné lecture de certaines

  4   parties de l'entretien et a demandé au témoin de bien vouloir confirmer si,

  5   oui ou non, ces propos étaient véridiques. Toutes les parties pertinentes,

  6   à mes yeux, ont été soumises au témoin. Il ne me semble donc pas que cette

  7   demande soit justifiée.

  8   Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, si j'ai bien compris la demande,

 10   Mme Korner dit qu'elle n'a lu que certaines parties de l'entretien et que

 11   d'autres parties qui l'intéressaient ne figurent pas au compte rendu

 12   d'audience.

 13   Monsieur Krgovic, avez-vous un avis sur la question ?

 14   M. KRGOVIC : [interprétation] Mon confrère exposait la position conjointe

 15   des deux équipes de la Défense.

 16   Mme KORNER : [interprétation] Mais je précise que vous avez bien compris,

 17   Monsieur le Président, et qu'effectivement, je n'ai pas eu le temps

 18   nécessaire pour présenter au témoin toutes les parties pertinentes de la

 19   transcription de son entretien.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE HALL : [interprétation] La Chambre estime que la totalité de

 22   l'entretien au dossier ne nous aiderait pas. Par conséquent, la requête est

 23   rejetée.

 24   Mme KORNER : [interprétation] Puis-je demander si une version expurgée

 25   pourrait convenir, une version qui ne traiterait que des questions que vous

 26   souhaitiez aborder avec le témoin ? Ou est-ce un rejet catégorique ? Si

 27   vous me comprenez. Si nous retirons -- bien sûr, l'entretien contient

 28   certaines choses peut-être inutiles, mais nous pourrions présenter une


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  1   version expurgée.

  2   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais de par sa nature, l'entretien avec

  3   un témoin avant son entrée dans le prétoire a pour objet de mettre la

  4   partie qui le cite à la barre, surtout, dans une position lui permettant de

  5   savoir après récolement ce que va dire le témoin. Il demeure une

  6   distinction, toutefois, entre cette déclaration et la déposition viva voce

  7   du témoin, que privilégie au titre du Règlement la Chambre. Entre la

  8   Chambre dont c'est le témoin et les parties chargées de le contre-

  9   interroger, en dépit de la confirmation par le témoin des différentes

 10   parties intéressantes, suffisamment d'éléments sont obtenus du témoin, qui

 11   figurent ensuite au compte rendu pour ne pas rendre nécessaire le versement

 12   de l'entretien.

 13   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi, je ne suis pas là pour plaider

 14   davantage. Cette requête, je l'ai présentée du fait du peu de temps dont

 15   j'ai disposé lors de mon contre-interrogatoire, sachant que je lui aurais

 16   posé davantage de questions si j'avais su ce qu'il allait dire aux Juges de

 17   la Chambre. Toutes les parties pertinentes de son entretien n'ont pas été

 18   présentées au témoin, et c'est la raison pour laquelle j'ai présenté ma

 19   demande. Mais je ne veux pas, bien sûr, contester la décision rendue par la

 20   Chambre. Je voulais simplement savoir si vous seriez prêts à examiner les

 21   parties pertinentes de l'entretien en les versant au dossier.

 22   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Korner, la Chambre, en

 23   demandant à ce témoin de venir, avait un objectif, et nous sommes d'avis

 24   que vous avez, en réalité, couvert les parties substantielles de ce qu'il

 25   avait à dire s'agissant de la resubordination. Il est exact que vous n'avez

 26   pas couvert tous les aspects de son entretien et qu'il y a d'autres

 27   facettes de son entretien dans lequel il évoque la question. Mais ajouter

 28   ces parties à ce que nous savons déjà ne servirait pas à grand-chose.


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  1   Mme KORNER : [interprétation] Très bien, j'en resterai là.

  2   Autre note : vous vous souviendrez que ma dernière question avait

  3   trait à la stratégie de combat ou conflit armée et les pouvoirs que cette

  4   stratégie lui conférait en temps de guerre. C'est en fait une pièce à

  5   conviction versée au dossier par Me Krgovic. Il s'agit du document

  6   correspondant à la cote 2D160. Cela étant, nous avons découvert que même si

  7   tout le manuel est en B/C/S, seules trois pages ont été traduites, semble-

  8   t-il, par la Défense elle-même. Nous aimerions tenir une traduction

  9   intégrale de ce document, sous réserve de votre accord et de celui des

 10   équipes de la Défense. Puisque c'est déjà une pièce, nous nous proposerions

 11   de demander à la Défense de bien vouloir obtenir une traduction totale du

 12   manuel et demander à ce que cette traduction soit chargée dans le système

 13   de prétoire électronique.

 14   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, d'un point de vue technique, ai-

 15   je bien compris, la pièce -- ou plutôt, le document est déjà une pièce,

 16   mais par omission ou pour quelque autre raison que ce soit, la version en

 17   anglais n'est pas dans le système, et il suffit simplement de remédier à

 18   cette difficulté ?

 19   Mme KORNER : [interprétation] Tout à fait. C'est arrivé par le passé de

 20   temps en temps. Mais parce que c'est une pièce de la Défense, nous ne

 21   pouvons pas chargé la traduction. Nous devons passer par le Défense afin

 22   que la Défense s'en charge. Je voulais simplement attirer l'attention des

 23   Juges sur ce point.

 24   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Eh bien, nous ordonnons effectivement

 25   que cela soit fait, quelles que soient les modalités de correction de cette

 26   omission.

 27   Mme KORNER : [interprétation] Bien.

 28   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Alors, en attendant le témoin,


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  1   j'aimerais rappeler aux conseils de la Défense que vous disposez de deux

  2   heures conjointement et qu'il vous appartient de décider comment vous allez

  3   répartir ces deux heures entre vos équipes.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Je ne sais pas qui va commencer. Maître

  6   Cvijetic ? Allez-y.

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] C'est effectivement à moi de contre-

  8   interroger ce témoin puisque la dernière fois c'est moi qui ai disposé du

  9   moins de temps.

 10   Contre-interrogatoire par M. Cvijetic : 

 11   Q.  [interprétation] Bonjour. Avant de commencer, j'aimerais vous demander

 12   moi aussi, comme le Président l'a fait tout à l'heure, comment vous

 13   souhaitez que l'on s'adresse à vous.

 14   R.  Slavko Lisica.

 15   Q.  Que pensez-vous de général Lisica ?

 16   R.  Très bien.

 17   Q.  Merci. Mon Général, avant de vous poser les questions que j'ai

 18   l'intention de vous poser, j'aimerais que vous soit présenté ce document,

 19   un document qui vous a déjà été montré par l'Accusation.

 20   M. CVIJETIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, il s'agit

 21   de la pièce P01764, page 228.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Pendant que l'huissier apporte ce

 23   document au témoin, je rappellerais à ce dernier que lorsque le témoin et

 24   le conseil parle la même langue, il importe de ménager une pause entre les

 25   questions et les réponses afin que les interprètes aient le temps

 26   d'interpréter les deux. Par conséquent, Mon Général, je vous demanderais

 27   bien vouloir attendre un peu avant de répondre une fois que vous aurez

 28   entendu la question. Merci.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

  2   M. CVIJETIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous souvenez-vous de ce document, Mon Général ?

  4   R.  Oui.

  5   M. CVIJETIC : [interprétation] Je vois que les Juges de la Chambre n'ont

  6   pas encore ce document à l'écran. Je demande donc au Greffe de bien vouloir

  7   afficher la pièce P1764.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quel intercalaire, s'il vous plaît ?

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] Intercalaire 35 du dossier du bureau du

 10   Procureur.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 12   M. CVIJETIC : [interprétation] Le voilà.

 13   Q.  Mon Général, puisque vous êtes écrivain vous-même, j'aimerais obtenir

 14   de votre part une interprétation linguistique.

 15   Voyez le bas de la page où on lit "Talic". Après "Talic", nous avons

 16   deux points, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Dans notre langue, l'usage de cette ponctuation pourrait-elle signifier

 19   qu'il s'agit là de propos tenus par Talic et reproduits ici ?

 20   R.  Oui, effectivement. Ce sont là des mots prononcés par Talic, et non pas

 21   par Mladic comme c'est écrit ici.

 22   Q.  Si vous examinez l'original, voyez-vous des annotations en rouge qui

 23   ont été ajoutées ?

 24   R.  Oui, effectivement.

 25   Q.  Mon Général, compte tenu de ce que vous avez dit à propos de M. Mico

 26   Stanisic, vous êtes en mesure de confirmer sans aucun doute le fait que

 27   vous n'ayez jamais dit cela ?

 28   R.  Eh bien, je n'aurais pas pu dire de telles choses vu que je ne connais


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  1   pas la personne.

  2   Q.  Serait-il éventuellement possible que quelqu'un ait résumé, abrégé les

  3   discussions, de sorte qu'il est tout à fait impossible en définitive de

  4   savoir qui a dit quoi ?

  5   R.  Oui, c'est une possibilité, effectivement.

  6   Q.  Merci. J'aimerais en venir aux questions que je souhaitais vous poser.

  7   Et j'aimerais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous remettre ce

  8   classeur relativement volumineux qui contient un certain nombre de

  9   documents à votre intention.

 10   Le plus commode serait que vous ouvriez le classeur pour en tirer le

 11   document numéro 3. A droite, vous verrez le numéro de page ou

 12   l'intercalaire. Et je vous demande donc d'en sortir le document

 13   correspondant.

 14   R.  Je n'ai jamais été très doué avec les fournitures de bureau.

 15   Q.  Sortez ce document du classeur puisque je vous demanderai de bien

 16   vouloir le lire.

 17   M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi, il faut que je précise aux fins

 18   du compte rendu qu'il s'agit d'une pièce de nos archives, L00051,

 19   intercalaire 3 de notre dossier.

 20   Nous attendons encore le document, qui n'est toujours pas affiché à

 21   l'écran.

 22   L00051. Ou L51, pour plus de facilité.

 23    Q.  Le document est maintenant à l'écran. Si vous le voulez bien, je vous

 24   demanderais d'afficher directement l'article 173 de la Loi relative à

 25   l'armée, puisque c'est bien de ce document dont il s'agit, n'est-ce pas ?

 26   R.  En effet.

 27   Q.  Alors, examinez l'article 173.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] Et pour les Juges de la Chambre, il s'agit


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  1   de la page 24 en anglais et 17 en serbe.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] L'article 173 ?

  3   M. CVIJETIC : [interprétation]

  4   Q.  Oui, l'article 173.

  5   Cette partie est intitulée : Commandement.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  L'avez-vous trouvé ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Mon Général, l'article est bref, je vous invite à en donner lecture.

 10   Enfin, pas nécessairement à haute voix. Je vous demande, disons, d'en

 11   prendre connaissance, et ensuite je vous poserai une question à son sujet.

 12   C'est fait ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Vous conviendrez avec moi, n'est-ce pas, que ce sont là trois principes

 15   fondamentaux du commandement dans l'armée qui sont posés, même s'il y en a

 16   d'autres, je le sais, bien sûr, mais ce sont là trois des principes

 17   fondamentaux du commandement, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Le principe de l'unité de commandement eu égard à l'usage de forces et

 20   de moyens … pourriez-vous nous expliquer le plus brièvement possible de

 21   quoi il s'agit, et je vous remercie par avance de vos explications.

 22   R.  Un officier, ou le commandant d'une unité, émet des ordres qui doivent

 23   être exécutés. C'est ce que ce principe signifie.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on affiche à

 25   nouveau l'article 173 en anglais. Il faut donc faire défiler la page vers

 26   la gauche, parce que nous devons voir le début de l'article 173 et on ne le

 27   voit pas. On ne voit que la fin.

 28   Voilà. Cela étant, nous ne voyons plus maintenant la seconde partie.


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  1   Bien.

  2   Q.  Dans l'armée où dans la zone de combat ou encore dans le secteur de

  3   responsabilité d'une unité, il n'y a donc qu'un seul commandant.

  4   R.  Oui. Et c'est lui qui commande.

  5   Q.  Aucune armée au monde et aucun commandant militaire au monde ne

  6   permettra à qui que ce soit d'exercer un commandant parallèle dans son

  7   secteur.

  8   R.  Eh bien, s'il l'autorisait, ce serait un mauvais commandant.

  9   Q.  Si dans la zone de responsabilité de l'unité dirigée par ce commandant,

 10   imaginons que ce soit vous, apparaît un individu ou un groupe d'individus

 11   qui participe à des activités de combat mais qui refuse de se soumettre à

 12   votre commandement et qui mène ses opérations conformément à ses propres

 13   principes de commandement, vous êtes autorisé à les placer sous votre

 14   commandement, ou à les désarmer, ou encore à les arrêter si, ce faisant,

 15   ils ont commis un certain nombre d'infractions.

 16   R.  Vous avez tout à fait raison. Je ne saurais le dire mieux que vous.

 17   Q.  Permettez-moi de passer au principe suivant. Si vous occupez un poste

 18   de commandement, vous ne pouvez exercer vos fonctions que si ce troisième

 19   principe est respecté, à savoir que vous pouvez contraindre tous vos

 20   subordonnés à exécuter vos ordres, n'est-ce pas ?

 21   R.  Précisément.

 22   Q.  Si cette possibilité n'existe pas, eh bien, il n'y a pas de

 23   commandement, il n'y a pas d'armée, et toute la pyramide militaire risque

 24   l'effondrement, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui. Permettez-moi de vous fournir l'explication suivante.

 26   Q.  Allez-y.

 27   R.  Lorsque je suis devenu commandant du Groupe tactique 3, qui équivaut à

 28   une division, j'ai eu la chance de disposer d'officiers formés. Les


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  1   opérations de combat se déroulaient le long de l'axe du corridor, et j'ai

  2   été en mesure de nommer des officiers bien formés aux postes de commandants

  3   des brigades. Je n'ai donc pas eu de problèmes.

  4   Dans d'autres corps, cela dit, il y a eu de nombreux problèmes liés à

  5   la présence de forces de réserve mais au niveau de la brigade.

  6   Q.  Je vais en venir à cet aspect des choses. Donnez-moi un instant.

  7   Nous en venons au mécanisme qu'il est possible d'utiliser pour

  8   contraindre vos subordonnés à exécuter vos ordres.

  9   S'ils se rendent coupables d'un refus d'exécuter tel ou tel ordre,

 10   ils commettent une infraction pénale, et par le biais de l'organe de

 11   sécurité, la police militaire ou du bureau du procureur militaire, vous

 12   êtes habilité à saisir ces derniers afin que des poursuites soient engagées

 13   contre les auteurs de ces infractions. Je parle ici du principe. Ne me

 14   parlez pas de la réalité du terrain.

 15   R.  En effet. Sur le papier, c'est ainsi que les choses devaient se faire.

 16   Q.  Si vous estimez qu'un subordonné a commis une infraction qui n'est pas

 17   à caractère pénal, mais un simple délit mineur, vous avez le pouvoir, tout

 18   comme l'organe disciplinaire de l'armée, d'imposer une sanction

 19   disciplinaire au responsable de l'infraction ou du délit, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Ces mesures disciplinaires peuvent prendre différentes formes. Il peut

 22   s'agir d'une mise en détention, il peut s'agir également d'un transfert.

 23   Pour ceux qui sont gradés, il peut y avoir suspension de promotion.

 24   R.  Et ils peuvent également être démis de leurs fonctions.

 25   Q.  Vous pouvez aussi envoyer un soldat d'arrière sur la ligne de front,

 26   n'est-ce pas, afin qu'il vive ce qui se passe aux avant-postes ?

 27   R.  Oui, c'est aussi une possibilité.

 28   Q.  Bien. Venons-en au document suivant que je souhaitais vous montrer.


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  1   Examinez, s'il vous plaît, le document de l'intercalaire 2. Je vous

  2   demanderais encore une fois de bien vouloir l'en extraire. Et ne remettez

  3   pas le document précédent puisque nous allons en reparler par la suite, une

  4   fois que nous aurons examiné un document qui se situe à l'intercalaire 2.

  5   Il suffit d'examiner le document numéro 2. Ce n'est pas la peine de

  6   le tirer du classeur.

  7   Comparez-le maintenant avec le document numéro 3 que nous venons

  8   d'examiner, et je citerai la cote du document qui figure à l'intercalaire

  9   numéro 2 au moment où je me pencherai sur ce document. Pour le moment, nous

 10   nous intéressons toujours au document à l'intercalaire 3.

 11   Donc j'aimerais que vous reveniez à la première page de la Loi

 12   relative à l'armée. C'est la page où figure l'intitulé de la loi.

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] Donc il nous faut la première page du

 14   document L51.

 15   Q.  Mon Général, veuillez lire en votre for intérieur les articles 2, 3 et

 16   4.

 17   R.  Vous parlez du document numéro 2 ?

 18   Q.  Je parle du document qui figure à l'intercalaire 3, la Loi relative à

 19   l'armée.

 20   R.  Et quel article dites-vous que je dois lire ?

 21   Q.  Les articles 2, 3 et 4, s'il vous plaît.

 22   Avez-vous lu ces articles ?

 23   R.  Oui, oui.

 24   Q.  Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'on présente ici la structure

 25   de l'organisation militaire ?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  A l'article 4, on esquisse la hiérarchie militaire. Qui rend compte à

 28   qui, en d'autres mots.


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  1   R.  Oui, tout à fait.

  2   Q.  On parle de façon générale des militaires, mais en même temps on

  3   énumère toutes les personnes considérées comme militaires ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Les militaires de réserve, ou plutôt, les conscrits de réserve font

  6   partie des militaires à condition qu'ils soient en train de s'acquitter des

  7   tâches militaires. Le voyez-vous ? Cela figure à l'article 3.

  8   R.  Oui, je le vois.

  9   Q.  Penchez-vous maintenant sur l'article 9, s'il vous plaît.

 10   Dans cet article, on peut lire que les unités militaires peuvent

 11   parfois être complétées par les effectifs empruntés aux unités de réserve,

 12   n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  La page, suivante, s'il vous plaît.

 15   M. CVIJETIC : [interprétation] Laissez-moi vérifier tout simplement si les

 16   Juges de la Chambre ont pu voir -- oui, article 9.

 17   Q.  Cet article prévoit qu'en temps de guerre ou en temps de menace de

 18   guerre imminente, on peut recourir aux volontaires pour compléter les rangs

 19   d'une unité militaire, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je vous signale que j'ai lu tous vos livres, toutes les interviews que

 22   vous avez accordées et tous les articles que vous avez rédigés. Et je sais

 23   quelle est votre opinion personnelle sur les volontaires en général, et sur

 24   les volontaires qui ont participé à cette dernière guerre en particulier,

 25   que vous les tenez en piètre estime.

 26   Mais le fait est que les volontaires deviennent des conscrits

 27   militaires du moment où ils sont placés sous le commandement militaire ?

 28   R.  Oui.


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  1   Mme KORNER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais Me

  2   Cvijetic pourrait-il donner lecture de la définition du volontaire prévue

  3   par la loi.

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] Aucun problème. Ce sont des personnes qui

  5   n'ont pas été déployées sur le terrain et qui ne sont pas prévues par

  6   l'organigramme, mais qui ont été engagées et intégrées aux rangs de l'armée

  7   à leur propre requête.

  8   Q.  Est-ce bien ce qui est indiqué dans le texte de la loi ?

  9   R.  Oui.

 10   Mme KORNER : [interprétation] Non, excusez-moi, mais il n'est pas question

 11   de grade militaire.

 12   M. CVIJETIC : [aucune interprétation]

 13   Mme KORNER : [interprétation] On parle ici de "tâche en temps de guerre" :

 14   "Les volontaires sont les personnes qui rejoignent les rangs de

 15   l'armée à leur propre requête sans s'être vu confier une tâche en temps de

 16   guerre."

 17   M. CVIJETIC : [interprétation] Mais qu'est-ce que j'ai dit d'autre ? C'est

 18   bien l'article 9, l'alinéa 3. Je viens d'en donner lecture. Nous parlons

 19   d'une seule et même chose.

 20   Mme KORNER : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, excusez-moi, mais

 21   cela pourrait être important, vous le savez bien, sur la base des

 22   discussions que nous avons déjà eues. Dans la traduction anglaise du

 23   document, il est question de : "volontaires qui ne se sont pas vu confier

 24   une tâche en temps de guerre."

 25   Or, l'interprétation que nous avons entendue dans nos écouteurs

 26   évoquait des "tâches de nature militaire".

 27   Alors ce n'est pas une seule et même chose. Les termes utilisés ne

 28   sont pas les mêmes. Je ne sais pas à quel niveau se situe l'erreur, mais il


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  1   y a une divergence.

  2   M. CVIJETIC : [interprétation] Eh bien, je ne sais pas qui a fait l'erreur,

  3   mais dans la loi il est question des tâches confiées en temps de guerre, et

  4   je pense que c'est bien ce que j'ai lu.

  5   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine anglaise : On peut le

  6   vérifier en réécoutant les enregistrements audio.

  7   M. CVIJETIC : [interprétation]

  8   Q.  Mon Général, la loi prévoit que les personnes placées sous le

  9   commandement militaire ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les

 10   recrues militaires ?

 11   L'INTERPRÈTE : Remplacer, s'il vous plaît, le mot "conscrit" utilisé

 12   jusqu'à présent par le mot "recrue".

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, une telle personne a les mêmes

 14   droits et les mêmes devoirs.

 15   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Cvijetic, y a-t-il une

 16   différence entre le statut de recrue militaire, d'une part, et entre le

 17   fait d'avoir les mêmes devoirs et les mêmes droits - si ce sont là les

 18   termes que vous avez utilisés - qu'une recrue militaire ? Les mêmes

 19   devoirs. Je vous demande pardon.

 20   Enfin, je me demande si être recrue militaire n'est pas tout à fait

 21   la même chose qu'avoir des tâches similaires.

 22   M. CVIJETIC : [interprétation] Je dois avouer que je ne comprends pas trop

 23   votre intervention. Je ne peux que répéter la définition juridique fournie.

 24   Donc les militaires d'active et de réserve ont le statut de militaire

 25   pendant qu'ils s'acquittent des tâches de nature militaire. Les recrues

 26   militaires de réserve tombent elles aussi sous le coup de cette

 27   disposition, pourvu qu'elles soient en train de s'acquitter des devoirs

 28   militaires.


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  1   J'espère que c'était maintenant clair.

  2   Mme KORNER : [interprétation] Mais non, je suis désolée, ce n'est pas clair

  3   du tout. Qu'est-ce que vous êtes en train de lire, Monsieur Cvijetic ?

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] L'article 3, l'aliéna 2.

  5   Les effectifs de réserve sont considérés comme des militaires, pourvu

  6   qu'ils soient en train de s'acquitter des tâches de nature militaire.

  7   J'espère que c'est clair maintenant.

  8   Et, par ailleurs, nous pouvons tout préciser avec le général.

  9   Q.  Mon Général, les personnes qui composent les forces de réserve peuvent

 10   exercer toutes sortes de fonctions dans leur vie civile. Ils peuvent être

 11   des juges, des avocats, des ministres, et cetera.

 12   R.  Oui. Mais ce n'est pas exactement le type de personne qui compose les

 13   effectifs de réserve. Le plus souvent, nous avons les garçons de café. Mais

 14   en principe général, ce que vous dites est vrai.

 15   Q.  Oui, je pensais de façon générale à toutes les différentes professions

 16   civiles possibles.

 17   Toutefois, une fois proclamée la mobilisation générale suite à la

 18   proclamation d'un état de menace de guerre imminente, toutes les personnes

 19   âgées de 18 à 65 ans, ou, en d'autres mots, toutes les personnes qui

 20   composent les forces d'armée, sont tenues de se présenter à leurs unités

 21   militaires de tutelle, même si elles ne sont pas prévues par l'organigramme

 22   de guerre ?

 23   R.  Exact.

 24   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais, Maître Cvijetic, pour être

 25   désigné par le terme de réserviste militaire, il suffit de se voir confier

 26   une mission militaire, n'est-ce pas ?

 27   Donc, prenez un exemple : vous êtes un avocat et, par conséquent, en cas de

 28   mobilisation, vous feriez partie des réservistes militaires, n'est-ce pas ?


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  1   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  2   c'est justement le sujet que je souhaite approfondir avec le témoin, mais

  3   je suis en train d'effectuer mes travaux d'approche. Je travaille là-

  4   dessus. Je vais aborder cette question dès que possible, la question de la

  5   mobilisation générale.

  6   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Eh bien, il serait bon de tirer au

  7   clair avec le témoin qui ont le statut de personnes qui se voient confier

  8   des tâches militaires mais qui ne sont pas évoquées comme faisant partie

  9   des réservistes.

 10   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. L'objectif visé par

 11   mon contre-interrogatoire, c'est justement de pouvoir aborder ce sujet-là.

 12   Q.  Mon Général --

 13   R.  Oui.

 14   Q.  -- une fois toutes ces personnes mobilisées, elles perdent leur statut

 15   civil. Et, à vos yeux, aux yeux de leur commandant, ces personnes ne sont

 16   plus des avocats, des juges, et cetera. Ces personnes deviennent des

 17   recrues militaires. Ou, entre d'autres mots, des soldats.

 18   R.  En temps de paix, on met sur pied des unités. Une recrue militaire est

 19   censée se présenter à son unité de tutelle prévue par l'organigramme en

 20   temps de guerre. Donc, en temps de paix, chaque réserviste sait à quelle

 21   unité il doit être intégré, et une fois la mobilisation proclamée, il se

 22   rend sur place et se présente devant le commandant de son unité de tutelle.

 23   Voilà, c'est la façon la plus succincte de décrire la situation.

 24   Q.  Nous allons simplifier encore davantage. Tous les hommes âgés de 18 ans

 25   doivent faire leur service militaire obligatoire; exact ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Permettez-moi de vous poser des questions.

 28   Donc, une fois leur service militaire terminé, ils emportent sur eux un


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  1   document très important, à savoir leur livret militaire, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Dans leur livret militaire, on peut lire les dates où leur service

  4   militaire obligatoire a été commencé et où il a été terminé.

  5   R.  Oui. Aussi bien que la branche de l'armée à laquelle ils appartiennent.

  6   Q.  Soyez patient, s'il vous plaît.

  7   Ce qui est indiqué dans le livret militaire, par ailleurs, c'est la

  8   spécialité pour laquelle le soldat a reçu une formation au cours de son

  9   service militaire obligatoire, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et puis, dans le livret militaire, on peut lire aussi le grade du

 12   militaire. S'il a suivi une formation, alors il a le grade d'officier.

 13   R.  Non, ce n'est pas nécessairement la peine d'avoir passé par une

 14   formation destinée aux officiers de réserve. Parfois il suffit d'être un

 15   caporal exceptionnel ou un soldat exceptionnel.

 16   Q.  En d'autres mots, ce qui est évoqué dans le livret militaire, c'est le

 17   grade d'un officier ou d'un sous-officier s'il y a lieu.

 18   R.  Correct.

 19   Q.  Une fois terminé le service militaire obligatoire, chaque personne a

 20   l'obligation de se présenter devant les organes municipaux compétents qui

 21   l'inscrivent dans les registres militaires des forces de réserve, ou, en

 22   d'autres mots, il fait désormais partie des recrues militaires de réserve ?

 23   R.  Exact.

 24   Q.  Dans le livret militaire, on indique également quel sera son

 25   organigramme en temps de guerre. En d'autres mots, on y indique l'unité à

 26   laquelle la personne concernée est censée se présenter en cas de menace de

 27   guerre imminente ou en cas d'état de guerre proclamé, et on indique aussi

 28   dans le livret militaire quels sont les points de rassemblement, n'est-ce


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  1   pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Alors, ce qui m'intéresse maintenant, c'est le point suivant. Disons

  4   que l'une des recrues se décide à suivre une formation pour devenir un

  5   policier civil. On peut le faire soit en suivant une formation de policier

  6   abrégée, soit en faisant des études dans une école de police. Et voilà, on

  7   devient un agent de police civile. Donc, si une personne devient un agent

  8   de police civile, son statut de recrue militaire de réserve est suspendu.

  9   Une telle personne ne fait plus partie des recrues militaires, n'est-ce pas

 10   ?

 11   R.  Exact. Et une telle personne ne se rendra probablement pas aux

 12   exercices militaires. Mais plutôt, elle assistera aux exercices organisés

 13   par la police.

 14   [Le conseil de Défense se concerte]

 15   M. CVIJETIC : [interprétation]

 16   Q.  Toutefois, une fois proclamé l'état de menace de guerre imminente ou

 17   une fois proclamé l'état de guerre, la situation devient tout autre,

 18   Général -- non, écoutez-moi, s'il vous plaît. Dans un tel cas de figure,

 19   tous les hommes de 18 à 65 ans, y compris les agents de police civile et le

 20   ministre de l'Intérieur lui-même, doivent répondre à l'appel à la

 21   mobilisation, n'est-ce pas ?

 22   R.  Exact. C'est ainsi que les choses se déroulent.

 23   Q.  Par conséquent, au sein du ministère de l'Intérieur, qu'il s'agisse du

 24   ministre ou du salarié le plus insignifiant, tout le monde doit se

 25   conformer à la loi et devenir recrue militaire, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. C'est bien ce que la loi prévoit.

 27   Q.  Pendant qu'ils travaillent dans les rangs de la police, tous les agents

 28   de police gardent leur livret militaire, n'est-ce 


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  1   pas ?

  2   R.  Oui. A condition d'avoir fait leur service militaire. Parce que, parmi

  3   les agents de police, on en retrouve quelques-uns qui n'ont jamais fait

  4   leur service militaire.

  5   Q.  Très bien. Mon Général, si on estime que la situation prévalant est

  6   telle qu'ils sont tous nécessaires sur le front dans le cadre des

  7   opérations de combat, alors il va falloir leur livrer un uniforme et des

  8   armes et les envoyer à la guerre, n'est-ce pas ?

  9   R.  Exact.

 10   Q.  Si, en revanche, on estime que la situation n'impose pas à tout le

 11   monde l'obligation d'aller en guerre, les agents de police peuvent rester

 12   où ils sont et s'acquitter de leurs tâches habituelles, mais les organes de

 13   la Défense populaire leur donnent une décision particulière portant sur

 14   leur devoir de travailler ?

 15   R.  Tout à fait.

 16   Q.  Et cette mission qui leur est confiée, cette obligation de travailler,

 17   c'est quelque chose qui fait partie des missions confiées en temps de

 18   guerre. Donc les personnes concernées ne s'acquittent plus des tâches

 19   relatives à leur vie civile, mais plutôt elles se consacrent aux tâches qui

 20   leur sont confiées en temps de guerre par les organes chargés de la Défense

 21   populaire, n'est-ce pas ?

 22   R.  L'obligation de travailler est caractéristique de la période de paix où

 23   les gens peuvent poursuivre leur travail habituel. Ma femme, par exemple,

 24   est économiste de formation, et quand elle s'est vu confier une obligation

 25   de travailler, elle a tout simplement continué à travailler en tant

 26   qu'économiste au sein de la banque où elle travaillait déjà.

 27   Q.  Général, je suis en train de vous donner lecture de la définition

 28   portant sur l'obligation de travailler. Nous sommes bien d'accord qu'il


Page 26969

  1   s'agit là d'une tâche confiée en temps de guerre ?

  2   R.  Oui, c'est une tâche confiée en temps de guerre.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Ceci est évoqué dans notre bibliothèque

  4   juridique, et je souhaite le signaler au profit des Juges de la Chambre. Il

  5   s'agit du document L58 de notre bibliothèque juridique, article 2. C'est un

  6   décret portant sur l'organisation et le fait de s'acquitter de son

  7   obligation du travail pour des fins de la défense.

  8   Q.  Mon Général, l'obligation de travailler ne garantit pas qu'un membre du

  9   MUP ne sera pas convoqué dès le lendemain pour se présenter sur la ligne de

 10   front et s'engager dans les combats en uniforme et sous armes, n'est-ce pas

 11   ?

 12   R.  En principe général, oui.

 13   Q.  Toutefois, il est possible d'envisager la situation suivante : disons

 14   que dans un espace très limité, dans une zone de responsabilité d'une seule

 15   unité, il devient indispensable de ne mobiliser qu'un certain nombre

 16   d'agents de police et pour une période limitée. Ceci peut-il être fait ?

 17   R.  Mais oui. On peut tout faire.

 18   Q.  Général, la loi prévoit la possibilité suivante : dans de telles

 19   situations, la mobilisation est effectuée par le commandant de la zone en

 20   fonction du principe de la resubordination. En d'autres mots, vous pouvez

 21   donner l'ordre visant à faire resubordonner un certain nombre d'agents de

 22   police de façon à ce que ceux-ci puissent participer aux activités de

 23   combat, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Lorsqu'elles sont intégrées dans les rangs de votre unité pour prendre

 26   part aux opérations de combat, ces personnes n'ont plus leurs compétences

 27   civiles. Ces personnes participent à l'exécution de vos opérations au même

 28   titre que tous les autres militaires. Ils ont les mêmes droits et les mêmes


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  1   obligations, n'est-ce pas ?

  2   R.  Exactement.

  3   Q.  Avant de poursuivre, veuillez vous pencher sur le document numéro 2

  4   dans votre classeur. Le document porte la cote L1 et figure à

  5   l'intercalaire 2 de votre classeur. Il s'agit de la Loi portant sur la

  6   Défense populaire généralisée.

  7   L'avez-vous trouvé ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  C'est l'article 104 qui m'intéresse. Page 67 en anglais, page 18

 10   en serbe.

 11   R.  J'ai retrouvé l'article 104.

 12   Q.  Affichons la page 67 en version anglais et page 18 en version serbe.

 13   Je ne vais pas me répéter pour ne pas gaspiller du temps.

 14   Pendant qu'elles vous sont resubordonnées, ces personnes font partie des

 15   recrues militaires qui font partie des militaires de réserve, ils sont

 16   tenus de se conformer à vos ordres et à respecter les lois et les

 17   règlements militaires.

 18   R.  Oui, c'est exact. C'est exactement ce qui est prévu par la loi.

 19   Q.  Veuillez lire attentivement l'article 104. Il est important de voir que

 20   ce qu'on vient de dire vaut à même titre pour le temps de guerre et pour le

 21   temps de menace imminente de guerre. Ai-je raison de l'affirmer ?

 22   R.  Souhaitez-vous que j'en donne lecture ?

 23   Q.  Non. Veuillez tout simplement nous confirmer si c'est bien ce qui est

 24   indiqué dans la loi.

 25   R.  Oui, c'est ce que dit la loi à l'article 104.

 26   Q.  Mon Général, en tant que recrue militaire, si jamais ces personnes

 27   entravent le travail de l'armée, si jamais ces personnes commettent une

 28   infraction pénale ou disciplinaire, et pendant que ces personnes


Page 26971

  1   bénéficient du statut de recrues militaires, elles tombent sous le coup des

  2   autorités militaires ?

  3   R.  Oui, comme toute autre recrue militaire.

  4   M. CVIJETIC : [interprétation] Monsieur le Président, on m'avait dit que

  5   nous sommes censés terminer à 16 heures. Si ceci est exact, je peux

  6   m'arrêter ici. Sinon, je peux poursuivre.

  7   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Nous allons lever la séance à 16 heures

  8   30.

  9   M. CVIJETIC : [interprétation] Très bien. Alors, je vais continuer.

 10   Revenons maintenant au document numéro 7 qui figure dans votre classeur et

 11   qui correspond à la pièce portant la cote P1284.07.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Point 7 ?

 13   M. CVIJETIC : [interprétation]

 14   Q.  Non, non. Prenez l'article 9.

 15   Avons-nous la bonne page à l'écran ?

 16   Bien. Voilà, c'est la Loi portant sur les tribunaux militaires. Est-ce que

 17   vous voyez ceci, en haut de la page ? Est-ce bien exact, Général ?

 18   R.  Oui, je vois ici -- oui, oui, oui, c'est exact.

 19   Q.  Alors, prenez l'article 9.

 20   M. CVIJETIC : [interprétation] Je voudrais informer les Juges de la Chambre

 21   que dans les deux versions, nous sommes sur la page 2.

 22   Q.  Veuillez, je vous prie, lire l'article 9 en votre for intérieur.

 23   L'avez-vous lu ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Très bien. Alors, Mon Général, cet article établit la compétence du

 26   tribunal militaire, à savoir à qui -- enfin, qui peut-il juger, et ici, on

 27   peut lire qui sont les personnes jugées par le tribunal militaire, n'est-ce

 28   pas ?


Page 26972

  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Mais vous êtes mentionné ici aussi, j'espère que vous ne m'en voudrez

  3   pas trop de le dire, car on peut y lire qu'un officier, puisque ceci

  4   découle de votre statut, il s'agit de tribunaux qui fonctionnaient en temps

  5   de guerre et en temps de paix ?

  6   R.  Oui, tout à fait. Personne n'est au-dessus de la loi.

  7   Q.  Alors, un agent de la paix, alors qu'il est en train d'effectuer les

  8   tâches de conscrit militaire alors qu'il est placé sous votre commandement,

  9   peut être jugé par un tribunal militaire pour tout crime commis alors qu'il

 10   est en train d'exécuter ses tâches ?

 11   R.  Oui, c'est exactement ceci.

 12   Q.  Et ceci va des crimes les plus insignifiants jusqu'aux crimes de

 13   guerre, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous remercie.

 16   M. CVIJETIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je voudrais

 17   noter qu'il s'agit de pièces émanant du tribunal, 1D --

 18   Mme KORNER : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 19   M. CVIJETIC : [interprétation] Je vais simplement donner la référence afin

 20   de ne pas ouvrir cinq ou six documents en même temps.

 21   Mme KORNER : [interprétation] Non, non, non. Ceci pourrait corroborer le

 22   tout. Me Cvijetic peut montrer des documents au témoin, et nous verrons où

 23   nous en serons à ce moment-là.

 24   M. CVIJETIC : [interprétation] Très bien. Je vais en choisir un, alors.

 25   Mais permettez-moi d'en choisir un. Donnez-moi quelques instants, s'il vous

 26   plaît.

 27   Prenons l'intercalaire 22. Il s'agit du document 2D0017.

 28   Q.  Mon Général, est-ce que vous avez l'intercalaire 22 ?


Page 26973

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Il n'est composé que de deux pages. Est-ce que vous l'avez trouvé ?

  3   Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  4   j'ai abordé cette question lorsque j'ai contre-interrogé le général, et il

  5   a dit qu'il n'avait absolument aucun échange -- qu'il n'a pas eu de

  6   contacts, en réalité, avec les opérations des tribunaux militaires, et

  7   donc, je crois qu'il ne peut pas vraiment faire de commentaire de

  8   connaissance personnelle. Donc, tout ce qu'il peut faire, c'est de faire un

  9   commentaire à la suite à la lecture du document.

 10   M. CVIJETIC : [interprétation] Oui, il peut à ce moment-là nous faire des

 11   commentaires.

 12   Mme KORNER : [interprétation] Je suis vraiment désolée --

 13   M. CVIJETIC : [interprétation] C'est vous qui avez voulu que je lui montre

 14   un document. Moi, j'ai voulu lui donner lecture de certains extraits.

 15   Mme KORNER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je suis --

 16   Messieurs les Juges, je suis réellement désolée, mais le général peut

 17   effectivement lire des documents, mais il n'a pas de connaissances

 18   personnelles sur le sujet, si j'ai bien compris, donc il ne peut pas nous

 19   apporter plus de lumière à moins qu'il nous dise qu'il ait vu ces documents

 20   auparavant, mais sinon, je ne vois vraiment pas comment peut-il répondre à

 21   cette question.

 22   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais Me Cvijetic peut présenter les

 23   choses d'une façon différente. Pourquoi passeriez-vous tant de temps à

 24   aborder des documents de ce type si vous savez qu'il a déjà répondu plus

 25   tôt en disant qu'il n'en avait pas une connaissance personnelle et qu'il ne

 26   pouvait pas vraiment vous dire quelque chose de nouveau là-dessus ?

 27   M. CVIJETIC : [interprétation] C'est Mme Korner qui a insisté pour que je

 28   lui montre ce document, mais je voulais simplement poser la question


Page 26974

  1   suivante, c'est-à-dire : les tribunaux pourraient juger toutes les

  2   personnes qui figuraient à l'article 9 pour tous les crimes commis, de

  3   simples infractions jusqu'aux crimes de guerre. Mais bien, je vais me

  4   contenter, plutôt, de la réponse du témoin, et je vais continuer.

  5   Q.  Général, pendant qu'ils sont subordonnés à votre commandement, les

  6   agents de la paix, comme vous l'avez dit, en tant que conscrits militaires,

  7   sont une cible légitime militaire s'agissant du camp adverse, n'est-ce pas

  8   ?

  9   R.  Oui, tout comme moi-même, d'ailleurs.

 10   Q.  Très bien. Merci. Ces derniers ont certaines tâches et responsabilités,

 11   tout comme vous et comme d'autres conscrits militaires. Je vais en énumérer

 12   quelques-unes, et vous me confirmerez si vous êtes d'accord.

 13   Alors, des règlements militaires sont appliqués ainsi que les

 14   conventions internationales qui portent sur le statut d'un conscrit

 15   militaire; est-ce exact ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Si ces derniers sont blessés, on leur octroie le statut d'handicapé

 18   militaire ou d'invalide militaire; est-ce exact ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Si ces derniers sont tués dans le cadre des activités de combat, leurs

 21   familles reçoivent le statut de famille dont un conscrit militaire a été

 22   tué, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pendant la subordination, ces derniers doivent respecter les ordres,

 25   exécuter les ordres du commandant militaire et exécuter toutes les tâches

 26   et toutes les obligations qui découlent du statut de conscrit militaire,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


Page 26975

  1   Q.  Vous avez déjà dit un peu plus tôt que dans le cas où ces derniers ne

  2   respectaient pas les règlements militaires, ils pouvaient être reconnus

  3   coupables d'infractions ou de violations de se conformer aux obligations

  4   militaires et à la loi militaire ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Encore une chose que j'aimerais vous demander de nous confirmer.

  7   Les conscrits militaires, pendant le temps qu'ils sont placés sous

  8   votre commandement, alors qu'ils détiennent un grade de réserviste, le

  9   commandement militaire peut les promouvoir à un grade supérieur, n'est-ce

 10   pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et il me reste encore une question d'ordre pratique à vous poser. Si

 13   vous, en tant que commandant, vous évaluez la situation comme étant une

 14   situation d'infraction disciplinaire, vous pouvez même placer en détention

 15   le policier ayant commis une infraction à la discipline et vous pouvez

 16   également imposer d'autres mesures disciplinaires, un transfert également,

 17   ou le démettre de ses fonctions, ainsi de suite ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Bien. Alors, Général, je vais maintenant passer aux questions d'ordre

 20   pratique liées à la resubordination. Je ne vais pas vous demander de

 21   consulter le règlement. Je vais simplement vous demander de me dire si vous

 22   êtes d'accord avec moi.

 23   Lorsque la police dans le cadre des opérations de combat est utilisée

 24   dans les opérations de combat aux fins militaires, c'est le commandant

 25   suprême des forces armées qui décide de leur resubordination et de leur

 26   utilisation dans ce sens ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Le commandant suprême, qui est, comme nous le savons tous, la plupart


Page 26976

  1   du temps un civil, et non pas un officier de carrière militaire, il peut

  2   transférer son autorité au commandant de corps d'armée, au commandant

  3   d'état-major principal, au commandant de brigade, et je crois que ce droit

  4   sur l'emploi de la police se termine au niveau du commandement de la

  5   brigade; dites-moi si j'ai raison de dire cela ?

  6   R.  Oui, vous avez tout à fait raison de dire cela.

  7   Q.  Très bien. Je vais maintenant vous montrer un document. C'est un

  8   document qui se trouve à l'intercalaire 6 dans votre classeur -- oh,

  9   excusez-moi, c'est plutôt l'intercalaire 62. Il s'agit de 1D00406.

 10   Vous ne l'avez pas encore trouvé. Le classeur est épais,

 11   effectivement.

 12   R.  Oui, je l'ai trouvé.

 13   Q.  Passez en revue cet ordre, je vous prie. Je vous donne deux ou trois

 14   minutes pour le faire.

 15   Passez rapidement à la deuxième page, car, en fait, ici on ne voit

 16   que la façon dont les zones de responsabilité sont disposées.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc, ici, nous pouvons voir que le général Talic se sert de

 19   cette loi sur la resubordination, et dans cet ordre selon lequel il a

 20   déployé les unités dans les zones de responsabilité, vers la fin de cet

 21   ordre, il dit de façon très spécifique ceci : dans le cadre de l'exécution

 22   des activités de combat, tous les effectifs de la police doivent être

 23   placés sous le commandement du commandant de la zone de responsabilité, qui

 24   décide de leur emploi.

 25   R.  Oui, c'est exact.

 26   Q.  Donc, Général, s'agissant de toute resubordination --

 27   M. CVIJETIC : [interprétation] Excusez-moi. On m'apprend que la page

 28   suivante, mais je ne sais pas dans quelle version -- en anglais. Oui. Alors


Page 26977

  1   la page suivante en anglais est nécessaire. Voilà. Bien. Au bas de la page.

  2   Q.  Donc, s'agissant de toute resubordination effectuée par vous dans la

  3   zone de responsabilité de votre unité, vous étiez couvert par cet ordre. Et

  4   vous pouviez, de façon pratique, exécuter cet ordre en donnant pour ordre

  5   au chef du poste de sécurité publique ou au chef du centre de vous prêter

  6   un certain nombre de policiers ?

  7   R.  Oui. Mais vous savez, c'est quelque chose qui se faisait de façon orale

  8   lors des réunions.

  9   Q.  Je vous poserai des questions là-dessus un peu plus tard. Un instant,

 10   s'il vous plaît.

 11   Donc vous pouviez, vous-même, aussi donner un tel ordre même si l'ordre du

 12   général Talic n'avait pas existé; est-ce exact ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Suis-je donc en droit de dire que si vous estimez vous-même que la

 15   situation sur le terrain exige l'emploi de la police, parce que, par

 16   exemple, un territoire qui est placé sous la zone de votre responsabilité

 17   peut tomber, vous pouvez mobiliser rapidement, si cela est nécessaire, tous

 18   les effectifs du CSB, le chef et l'ensemble du centre de sécurité publique,

 19   si la situation l'exige, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est tout à fait exact.

 21   Q.  Peut-on dire qu'Andrija Bjelosevic, pendant toute la période pendant

 22   laquelle vous aviez des contacts avec lui, était resubordonné selon cet

 23   ordre de resubordination générale ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous nous avez donné plusieurs éléments d'information dans le cadre des

 26   réponses données au Procureur sur votre collaboration avec la police, et

 27   ceci n'est pas contesté. Vous ne pouvez pas donner d'ordre à un chef du CSB

 28   si ce dernier a déjà prêté ses effectifs. Il ne peut pas effectuer votre


Page 26978

  1   ordre.

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Mais en même temps, Général --

  4   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux interlocuteurs de ménager des

  5   pauses entre les questions et les réponses.

  6   M. CVIJETIC : [interprétation] Je m'en excuse.

  7   [Le conseil de la Défense se concerte]

  8   M. CVIJETIC : [interprétation]

  9   Q.  Vous ne pouvez donc pas donner un ordre à un chef du poste de sécurité

 10   publique si ce dernier ne dispose plus de policiers -- n'a plus de

 11   policiers.

 12   R.  Oui. Mais ce n'est jamais arrivé qu'il n'y ait pas un seul policier qui

 13   pouvait rester derrière au poste de police.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  En principe, oui.

 16   Q.  Donc, si ce dernier évalue que la situation exige cela, vous pouvez

 17   même engager seulement un policier, s'il n'en a pas plus.

 18   R.  En principe, oui. Mais en pratique, ce n'était pas vraiment comme cela

 19   que les choses se passaient.

 20   Q.  Justement, lié à vos contacts avec M. Andrija Bijlosevic et en rapport

 21   avec d'autres chefs du SJB.

 22   Indépendamment des communications que vous aviez, c'est vous qui

 23   aviez le dernier mot, c'est vous qui preniez les décisions finales; est-ce

 24   exact ?

 25   R.  Oui. Et c'était ainsi que les choses étaient selon la loi et en

 26   pratique.

 27   Q.  Vos décisions sont toujours prises en fonction d'ordres qui vous sont

 28   donnés, parce que vous êtes un commandant, n'est-ce pas ?


Page 26979

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et selon cet ordre, toutes les personnes sur qui porte cet ordre

  3   doivent respecter l'ordre en question, indépendamment de leurs raisons.

  4   R.  Oui, tout à fait.

  5   Q.  Il existe un vieux dicton militaire qui dit : Exécute l'ordre et

  6   plains-toi après. Vous souvenez-vous de cette règle militaire ?

  7   R.  Mais c'est justement ce que je disais. En temps de guerre, il était

  8   vrai qu'il y avait des personnes qui n'étaient pas toujours d'accord avec

  9   mes ordres. Mais c'est-ce que je disais moi aussi : Exécute l'ordre et

 10   plains-toi par la suite. C'est la vraie vie. On n'est pas dans un bureau.

 11   Q.  Mais justement, je vous pose cette question parce que c'était la vraie

 12   vie.

 13   Un chef du centre de sécurité publique peut-il avoir de sérieux problèmes

 14   lorsqu'un grand nombre de policiers quittent son poste, mais ce dernier

 15   doit néanmoins exécuter vos ordres, et par la suite il peut se plaindre

 16   soit à vous ou au commandement militaire compétent, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   Q.  Donc c'était ainsi que les choses se passaient. C'est la vie, c'est la

 19   vraie vie.

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   [Le conseil de la Défense se concerte]

 22   M. CVIJETIC : [interprétation]

 23   Q.  Général, je vais terminer en vous montrant deux documents que vous a

 24   déjà montrés Mme Korner. Ce sont des documents qui se trouvent dans

 25   l'intercalaire du Procureur, il s'agit des intercalaires 12 et 35.

 26   Je vais vous rappeler de quoi il s'agit. Il s'agit de cas de Zvornik. J'ai

 27   ici des numéros, 3014 et 3005.

 28   M. CVIJETIC : [interprétation] Je ne sais pas si c'est cela. Ceux-ci, ce


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  1   sont les numéros de documents qu'a montrés Mme Korner.

  2   Mme KORNER : [interprétation] 65 ter.

  3   M. CVIJETIC : [interprétation] Je vous remercie. Il s'agit donc des

  4   documents 65 ter 3005 et 3014. Intercalaires 12 et 34.

  5   Q.  Général, je vais vous renvoyer très rapidement à quelque chose que vous

  6   avez dit un peu plus tôt.

  7   M. CVIJETIC : [interprétation] Mais avant cela, j'aimerais simplement

  8   apporter une correction au compte rendu d'audience. Il s'agit bel et bien

  9   d'intercalaires 12 et 34. Très bien. Merci.

 10   Q.  Ces exemples de Zvornik où nous avons vu certains problèmes concernant

 11   la resubordination, vous avez dit que dans les unités subalternes, il y

 12   avait également des gens qui ne voulaient pas aller sur la ligne de front,

 13   et cetera.

 14   Mais nous parlons de principes, puisque nous sommes juristes. Alors ce cas,

 15   par exemple, qui vous a été montré ne pouvait être résolu que par un ordre

 16   du commandant compétent, n'est-ce pas, et il fallait absolument respecter

 17   ses ordres ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Général, j'en ai terminé avec mon contre-interrogatoire. Mon collègue,

 20   Me Aleksic, commencera le sien. Je vous remercie d'avoir répondu à toutes

 21   mes questions.

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   M. KRGOVIC : [interprétation] Il est presque l'heure de la pause. Doit-on

 24   commencer maintenant ?

 25   Mme KORNER : [interprétation] En fait, j'avais complètement oublié l'heure,

 26   mais je voudrais vous demander ceci : la Défense a parlé de ces deux

 27   documents, les deux documents que Me Cvijetic a montrés au témoin, le

 28   30014, et le deuxième document également, et j'aimerais que l'on montre ces


Page 26981

  1   deux documents.

  2   M. ZECEVIC : [interprétation] Si je ne m'abuse, Mme Korner avait formulé

  3   une objection car elle avait dit que le témoin n'avait aucune connaissance

  4   de ces documents. Et pourquoi les lui montrer alors ? Je ne vois vraiment

  5   pas comment est-ce que cette situation diffère. Nous étions en train

  6   d'établir un principe, et le principe a été respecté.

  7   Merci.

  8   Mme KORNER : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges, ceci porte directement sur les questions dont nous

 10   avons parlé, c'est-à-dire le commandement et l'utilisation de la police.

 11   Alors c'est quelque chose de tout à fait différent des documents militaires

 12   qui, selon le témoin, sont des documents dont il n'a aucune connaissance.

 13   Maintenant, le témoin a commencé à expliquer quelque chose. Me Cvijetic est

 14   revenu sur ces documents. Donc je crois qu'il est tout à fait approprié de

 15   montrer ces documents étant donné qu'il s'agit d'une question qui pourrait

 16   être débattue vivement, si je peux le dire ainsi.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Heureusement, nous nous trouvons à la

 19   fin de notre journée d'aujourd'hui. L'audience sera levée sous peu.

 20   Général Lisica, nous sommes sur le point de terminer le débat pour ce qui

 21   est de la journée d'aujourd'hui. Vous reviendrez demain ici, et le conseil

 22   de M. Zupljanin commencera son contre-interrogatoire demain. Maintenant,

 23   pendant la soirée, je vous enjoins de ne pas parler avec qui que ce soit de

 24   la déposition que vous avez déjà donnée ou que vous êtes sur le point de

 25   donner. Et vous n'avez pas non plus le droit de parler de votre déposition,

 26   c'est-à-dire du témoignage que vous avez rendu devant le Tribunal, avec qui

 27   que ce soit.

 28   Cela dit, nous reprendrons nos travaux demain matin à 9 heures. Pour


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  1   l'instant, la séance est levée.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   --- L'audience est levée à 16 heures 28 et reprendra le vendredi 2 mars

  4   2012, à 9 heures 00.

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