Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 61

  1   Le mercredi 16 décembre 2015

  2   [Audience publique]

  3   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 48.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes dans le prétoire.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-08-91-A, le Procureur contre

 10   Mico Stanisic et Stojan Zupljanin.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Avant de commencer, je souhaite

 12   m'assurer que les parties sont en mesure de suivre la procédure dans une

 13   langue qu'ils comprennent.

 14   Monsieur Stanisic, êtes-vous en mesure de suivre la procédure dans une

 15   langue que vous comprenez ?

 16   L'APPELANT STANISIC : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, je le peux.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Même question pour M. Zupljanin.

 18   L'APPELANT ZUPLJANIN : [interprétation] Merci beaucoup. Tout à fait. Je

 19   peux suivre la procédure.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 21   A titre préliminaire et avant de demander aux parties de se présenter, le

 22   18 novembre, M. Dragan Krgovic, conseil de M. Zupljanin, par

 23   l'intermédiaire d'un courriel envoyé au juriste de la Chambre d'appel, a

 24   demandé à ce que M. Christopher Gosnell, conseiller juridique dans l'équipe

 25   de Défense Zupljanin, ait le droit d'assister à l'audience, à savoir cette

 26   audience en appel. Il n'y a pas eu d'objection quant à cette demande. Le

 27   bureau de l'aide juridictionnelle et des questions de Défense du TPIY a

 28   confirmé que M. Gosnell est tout à fait qualifié et qu'il figure sur la


Page 62

  1   liste des conseils en vertu de l'article 45 du Règlement de procédure et de

  2   preuve. M. Gosnell a contribué, en réalité, à l'appel de M. Zupljanin en

  3   tant que conseiller juridique et connaît l'affaire.

  4   Dans ces conditions, la Chambre d'appel est convaincue que faire droit à la

  5   demande de M. Gosnell, à savoir que M. Gosnell a le droit d'assister à

  6   l'audience est dans l'intérêt de la justice et fait donc droit à ladite

  7   demande.

  8   Puis-je avoir la présentation des parties, s'il vous plaît, à commencer par

  9   l'Accusation.

 10   Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 11   Juges. Mme Laurel Baig du côté de l'Accusation. M. Todd Schneider, M.

 12   Aditya Menon, Grace Harbour, et notre commis à l'affaire, Colin Nawrot, qui

 13   m'assiste aujourd'hui.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Le conseil de M. Stanisic.

 16   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Représentant la

 17   Défense de M. Stanisic, Slobodan Zecevic, Stéphane Bourgon, James Jackson,

 18   Isabelle Martineau, Relja Radovic et Mme Claire Smith.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 20   La Défense de M. Zupljanin, s'il vous plaît.

 21   M. KRGOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Dragan Krgovic,

 22   Tatjana Cmeric et M. Christopher Gosnell, représentant les intérêts de M.

 23   Zupljanin.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. Stanisic, M. Zupljanin et le bureau du Procureur ont interjeté appel du

 26   jugement rendu par la Chambre de première instance en l'espèce le 27 mars

 27   2013 par la Chambre numéro II. Conformément à l'ordonnance portant au

 28   calendrier délivré le 30 octobre 2015, la Chambre d'appel va entendre


Page 63

  1   l'appel aujourd'hui. Avant de le faire, je vais vous fournir un bref résumé

  2   de l'affaire, ainsi que les appels respectifs de M. Stanisic, Zupljanin et

  3   de l'Accusation. Ensuite, je vais vous indiquer comment nous allons

  4   procéder aujourd'hui.

  5   Cette affaire porte sur la responsabilité de M. Stanisic et M. Zupljanin

  6   pour des crimes commis en Bosnie-Herzégovine entre le 1er avril et le 31

  7   décembre 1992. Pendant toute cette période, M. Stanisic était le ministre

  8   de l'Intérieur du ministère de l'Intérieur nouvellement établi dans la

  9   République serbe en Bosnie-Herzégovine, et un membre d'office du Conseil de

 10   sécurité nationale. M. Zupljanin était le chef du Centre régional des

 11   services de sécurité de Banja Luka, et pour une partie de la période

 12   couverte par l'acte d'accusation, il était également membre de la cellule

 13   de Crise de la Région autonome de Krajina.

 14   La Chambre de première instance a conclu qu'une entreprise criminelle

 15   commune a existé au plus tard le 24 octobre 1991, et ce, jusqu'au moins le

 16   31 décembre 1992, dont l'objectif était de déplacer pour toujours les

 17   Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie du territoire de l'Etat

 18   envisagé par la Serbie, ci-après dénommé entreprise criminelle commune.

 19   Elle a également constaté que objectif a été réalisé par la commission des

 20   crimes de persécution, transfert forcé et expulsion, déportation et actes

 21   inhumains, transferts forcés en tant que crimes contre l'humanité.

 22   La Chambre de première instance a condamné M. Stanisic pour des crimes

 23   commis dans chacune des 20 municipalités énumérés dans l'acte d'accusation;

 24   M. Zupljanin pour des crimes commis dans huit municipalités de la Région

 25   autonome de Krajina. Ces deux personnes ont été condamnées au titre de la

 26   première catégorie de l'entreprise criminelle commune pour persécutions en

 27   tant que crimes contre l'humanité, et au titre de la troisième catégorie de

 28   l'entreprise criminelle commune pour meurtres et tortures en tant que


Page 64

  1   violation des lois ou coutumes de la guerre.

  2   En outre, M. Zupljanin a été condamné en vertu de la troisième catégorie de

  3   l'entreprise criminelle commune pour extermination en tant que crimes

  4   contre l'humanité et pour avoir ordonné des persécutions par appropriation.

  5   Sur la base des principes liés au cumul des déclarations de culpabilité, la

  6   Chambre de première instance n'a pas condamné MM. Stanisic et Zupljanin

  7   pour assassinat, torture, actes inhumains, expulsion et actes inhumains

  8   (transferts forcé) en tant que crimes contre l'humanité ou pour traitement

  9   cruel en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre.

 10   La Chambre de première instance a condamné M. Stanisic et M. Zupljanin à

 11   une peine de 22 ans de réclusion.

 12   M. Stanisic présente 16 moyens d'appels; M. Zupljanin, six, qui remettent

 13   en cause les condamnations respectives et peines respectives.

 14   Dans son premier moyen d'appel 1 bis, de M. Stanisic et le sixième

 15   moyen d'appel de M. Zupljanin, les deux appelants font valoir que le droit

 16   à un procès équitable de la part d'un tribunal impartial et indépendant a

 17   été violé compte tenu de la participation du Juge Harhoff aux débats. Dans

 18   son premier moyen d'appel, M. Stanisic fait valoir que la Chambre de

 19   première instance a commis une erreur de droit en ne fournissant pas une

 20   opinion motivée pour ses condamnations de persécution, meurtres, torture au

 21   titre des première et troisième catégories de l'entreprise criminelle

 22   commune.

 23   Dans ses moyens d'appels 2 à 6, M. Stanisic remet en cause les

 24   conclusions de la Chambre de première instance concernant sa responsabilité

 25   en vertu de la première catégorie de l'entreprise criminelle commune. Dans

 26   son septième moyen d'appel, M. Stanisic remet en cause l'appréciation de la

 27   Chambre de première instance, à savoir son entretien avec l'Accusation.

 28   Dans ses moyens d'appel 8 à 11, M. Stanisic soulève un certain nombre


Page 65

  1   de points à contester liés à sa condamnation en vertu de la troisième

  2   catégorie de l'entreprise criminelle commune.

  3   Et, pour finir, dans ses moyens d'appels 12 à 15, M. Stanisic

  4   présente un certain nombre d'erreurs de droit et de faits portant sur sa

  5   peine.

  6   L'Accusation répond que l'appel de M. Stanisic doit être rejeté dans

  7   son intégralité.

  8   Dans son premier moyen d'appel, M. Zupljanin soulève un certain

  9   nombre de points à contester par rapport aux conclusions de la Chambre de

 10   première instance eu égard à sa responsabilité en vertu de la première

 11   catégorie de l'entreprise criminelle commune.

 12   Dans son deuxième moyen d'appel, M. Zupljanin remet en cause ses

 13   condamnations en vertu de la troisième catégorie de l'entreprise criminelle

 14   commune.

 15   Dans son troisième moyen d'appel, il fait valoir que des erreurs ont

 16   été commises au niveau des conclusions de la Chambre de première instance

 17   concernant la question de l'extermination. Dans son quatrième moyen

 18   d'appel, M. Zupljanin fait valoir qu'il y a eu des erreurs multiples

 19   concernant sa peine.

 20   Et pour finir, dans son cinquième moyen d'appel, M. Zupljanin fait valoir

 21   que la Chambre de première instance a commis une erreur en le déclarant

 22   responsable de persécutions par appropriation de biens.

 23   L'Accusation répond que l'appel de M. Zupljanin doit être rejeté.

 24   Je vais maintenant aborder la question de l'appel de l'Accusation.

 25   L'Accusation présente deux moyens d'appel. Le premier moyen, il conteste la

 26   peine imposée par la Chambre de première instance à MM. Stanisic et

 27   Zupljanin et demandent à ce que la Chambre d'appel remplace ces peines par

 28   des peines allant de 30 à 40 ans. Dans son deuxième moyen d'appel,


Page 66

  1   l'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance a commis une

  2   erreur lorsqu'elle a appliqué le droit qui porte sur le cumul des

  3   déclarations de culpabilité.

  4   MM. Stanisic et Zupljanin ont répliqué que la Chambre d'appel doit rejeter

  5   les moyens d'appel de l'Accusation dans leur intégralité.

  6   Au cours de cette audience, les conseils sont en droit de plaider

  7   leurs moyens d'appel dans l'ordre qu'ils jugent approprié. Cependant,

  8   j'enjoins les conseils de ne pas répéter ou résumer les arguments déjà

  9   présentés dans leurs mémoires et à propos desquels je souhaite vous

 10   rappeler que les Juges de la Chambre d'appel connaissent déjà la teneur.

 11   Je rappelle aux parties que nous les invitons à aborder des arguments

 12   oraux sur certaines questions qui ont été présentées dans l'addendum à

 13   l'ordonnance portant calendrier le 4 décembre 2015. Pour que les choses

 14   soient bien claires, je souhaite demander aux parties quelles sont les

 15   questions qu'elles souhaitent aborder, et ce, au début de la présentation

 16   de leurs arguments.

 17   En outre, j'invite les parties à citer des références précises aux

 18   documents qui étayent leurs arguments oraux.

 19   Je souhaite également vous rappeler que cet appel n'est pas un procès

 20   de novo et que les parties doivent s'abstenir de répéter la présentation ou

 21   leurs thèses qui ont été présentées au procès. Les arguments doivent être

 22   limités à des erreurs de droits allégués qui annulent ou invalident le

 23   jugement de première instance ou qui occasionne des erreurs de faits

 24   allégués qui donnent lieu à un déni de justice.

 25   Pour finir, je souhaite rappeler aux parties de faire

 26   particulièrement attention de ne divulguer aucun élément d'information

 27   susceptible d'identifier un témoin protégé ou d'autres éléments

 28   d'informations protégés.


Page 67

  1   Je vais maintenant aborder le calendrier d'aujourd'hui, tel

  2   qu'indiqué dans la décision de la Chambre d'appel et sur la requête urgente

  3   de l'Accusation aux fins de revoir le calendrier d'aujourd'hui dans le

  4   cadre de l'audience en appel le 11 décembre comme suit :

  5   Nous allons d'abord entendre les arguments du conseil de M. Stanisic

  6   pendant une heure 35. Ensuite, nous poursuivrons, nous entendrons la

  7   réponse de 15 minutes de l'Accusation. Après une pause de 20 minutes, nous

  8   reprendrons et nous entendrons le reste de la réponse de l'Accusation

  9   pendant 45 minutes, suivi de la réplique de M. Stanisic pendant 20 minutes.

 10   Ensuite, nous entendrons les arguments de M. Zupljanin pendant 55 minutes

 11   et nous aurons une pause pour le déjeuner à 13 heures cinq.

 12   Nous reprendrons à 14 heures 10 pour entendre le reste des arguments

 13   de M. Zupljanin pendant 40 minutes encore, ensuite, nous entendrons la

 14   réponse de l'Accusation pendant 60 minutes. Après quoi, M. Zupljanin aura

 15   la possibilité de répliquer pendant 20 minutes et nous aurons une pause de

 16   25 minutes. Nous reprendrons ensuite à 16 heures 35 pour entendre les

 17   arguments de l'Accusation pendant 40 minutes, ainsi que les répliques des

 18   équipes juridiques de M. Stanisic et M. Zupljanin pendant 20 minutes

 19   chacune. Ensuite, l'Accusation aura 15 minutes pour répondre à ces

 20   répliques.

 21   Et, pour finir, la Chambre d'appel, habituellement, permet aux

 22   appelants de s'adresser personnellement aux Juges de la Chambre d'appel

 23   s'ils le souhaitent. Par conséquent, à la fin de cette audience, MM.

 24   Stanisic et Zupljanin auront 10 minutes, s'ils le souhaitent, pour

 25   s'adresser personnellement aux Juges de la Chambre d'appel.

 26   Je souhaite rappeler aux parties que les Juges peuvent les

 27   interromprent à tout moment pour leur poser des questions ou eux-mêmes

 28   peuvent poser des questions suite à leurs arguments ou à la fin de


Page 68

  1   l'audience. Tout dépend ce que nous jugeons être préférable à tout moment.

  2   Nous allons maintenant entendre les arguments de l'équipe de M.

  3   Stanisic. Nous allons vérifier le temps en regardant l'horloge qui se

  4   trouve dans cette salle d'audience. Vous allez donc commencer à 9 heures

  5   cinq. Merci.

  6   Et je vous en prie, Maître Zecevic, c'est à vous.

  7   M. ZECEVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  8   estimés Juges. J'ai l'honneur de commencer la présentation de nos arguments

  9   oraux au nom de M. Stanisic concernant l'appel contre sa condamnation. Nous

 10   avons un temps limité, donc mon introduction sera brève. Vous avez déjà

 11   entendu cet argument auparavant, mais je dois dire : le cas de M. Stanisic

 12   est unique.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. J'ai

 14   remarqué que sur un des moniteurs, nous avons le compte rendu d'audience et

 15   sur l'autre écran qui est LiveNote, e-court, nous n'avons rien. Dans

 16   l'intervalle, nous pouvons continuer, parce que je suis sûr qu'on peut

 17   récupérer cela.

 18   Bien. Maître Zecevic, pardonnez-moi. C'est à vous.

 19   M. ZECEVIC : [interprétation] Pas de problème. Je comprends, Monsieur le

 20   Président.

 21   Monsieur le Président, nous avons une présentation PowerPoint qui

 22   correspond à ma présentation. J'espère que vous l'avez sur vos écrans.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous devrions l'avoir ici. Oui, je

 24   l'ai. Vous devez appuyer sur la touche prétoire électronique du côté

 25   gauche.

 26   Vous pouvez poursuivre.

 27   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 28   Comme je disais, l'affaire concernant M. Stanisic est unique. Compte tenu


Page 69

  1   de la situation impliquant le Juge Harhoff, un des Juges siégeant dans la

  2   Chambre de première instance qui, au mois de juin 2013, a fait montre d'une

  3   crainte légitime de partialité en faveur de la condamnation qui a une

  4   incidence sur le jugement rendu par la Chambre de première instance le 27

  5   mars 2013. Ceci est unique compte tenu du poste qu'occupait M. Stanisic en

  6   qualité de ministre de l'Intérieur, il faisait partie du gouvernement, dont

  7   certains membres ont été impliqués dans une entreprise criminelle commune

  8   pour transférer par la force et expulser des Musulmans et des Croates --

  9   une entreprise criminelle commune visant à transférer par la force et

 10   expulser les Musulmans et les Croates des territoires en Bosnie-

 11   Herzégovine. Ce cas est unique, parce qu'il a été conclu que M. Stanisic a

 12   contribué à l'entreprise criminelle commune, non pas sur le fondement d'un

 13   acte particulier, mais parce qu'il a omis de prendre les mesures

 14   suffisantes pour enquêter sur lesdits crimes et poursuivre les auteurs des

 15   crimes commis contre les Musulmans et les Croates.

 16   Sauf votre respect, il s'agit d'une première, d'après nous.

 17   Il s'ensuit, Monsieur le Président, que le contexte de cette affaire revêt

 18   une importance capitale, même au stade de l'appel. La façon dont cette

 19   affaire a été menée est également importante. Mico Stanisic s'est rendu, le

 20   11 mars 2005, dès qu'il a eu connaissance de l'acte d'accusation; il a

 21   donné son consentement pour avoir un entretien détaillé avec l'Accusation

 22   avant le début de son procès; il a fourni des éléments d'information à

 23   l'Accusation pendant l'entretien avant le procès; il a présenté ses

 24   arguments en clôture conformément aux éléments d'informations fournis à

 25   l'Accusation pendant l'entretien avant le procès; il a été dans

 26   l'incertitude pendant plus de dix ans.

 27   Nous faisons valoir aujourd'hui les éléments suivants :

 28   La première partie, sous le point A, la correspondance électronique du Juge


Page 70

  1   Harhoff qu'il a adressée à 56 "amis" soulève une crainte légitime de

  2   partialité, ce qui invalide les condamnations de Mico Stanisic aux chefs

  3   respectifs de l'acte d'accusation.

  4   B : Réponse de la Chambre d'appel aux questions préliminaires aux points

  5   (i) et (ii).

  6   Deuxième partie : Réponse aux questions 1(i) posée par la Chambre d'appel;

  7   B, réponse à la question 1(ii) posée par la Chambre d'appel; C, réponse à

  8   la deuxième question posée par la Chambre d'appel; en D, réponse à la

  9   question 1(ii), et 3, la Chambre d'appel.

 10   Je vais maintenant passer la parole à mon confrère qui va aborder la

 11   première partie de nos arguments.

 12   M. BOURGON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 13   Messieurs les Juges. C'est à la fois un honneur et un privilège que de me

 14   présenter devant vous pour présenter les arguments au nom de M. Stanisic

 15   aujourd'hui.

 16   Première partie de nos arguments porte sur la question impliquant M.

 17   le Juge Harhoff. Monsieur le Président, cette crainte légitime de

 18   partialité de la part du Juge Frederik Harhoff qui découle de son courriel

 19   adressé à 56 amis est une question extrêmement sensible. Nous n'avons aucun

 20   plaisir à plaider cette question devant la Chambre d'appel ce matin.

 21   Cependant, compte tenu des conséquences éventuelles pour Mico Stanisic,

 22   mais également compte tenu des conséquences que ceci peut avoir pour le

 23   TPIY, ainsi que l'incidence que ceci peut avoir pour la justice pénale

 24   internationale en tant que tel, c'est dans l'intérêt de la justice, à nos

 25   yeux, de présenter nos arguments en détail sur cette question, et ce, de

 26   façon très ouverte.

 27   Mes arguments ce matin vont être présentés de la façon suivante : 

 28   Je vais tout d'abord aborder la question de la lettre en tant que


Page 71

  1   telle ou le courriel et l'incidence que ceci a en l'espèce, autrement dit

  2   dans le procès contre Mico Stanisic. Un point que nous avons abordé dans

  3   notre mémoire en appel, au chapitre 2, section B(ii), pages 13 à 19.

  4   Ensuite, les éléments de preuve en réplique qui ont été présentés sur cette

  5   question. Et troisièmement, je vais expliquer pourquoi la décision rendue

  6   par la Chambre, constituée uniquement à cette intention, la Chambre

  7   spéciale dans l'affaire Seselj, je parle de la première décision, ainsi que

  8   la décision portant sur le réexamen, je vais expliquer pourquoi ces

  9   décisions sont pertinentes et que ces décisions ont une valeur probante

 10   permettant de conclure qu'il y a une crainte légitime de partialité de la

 11   part du Juge Harhoff en l'espèce.

 12   Je vais ensuite, bien évidemment, répondre à la première question

 13   posée par les Juges de la Chambre d'appel et je vais répondre à cette

 14   question - ce qui ne vous surprend certainement pas - en répondant par

 15   l'affirmative. Et je vais expliquer pourquoi la participation du Juge

 16   Harhoff au procès invalide la condamnation contre Mico Stanisic. Je vais

 17   également arguer dans cette section du fait que le recours aux réparations

 18   dans un cas de violation comme celui-ci n'est pas moins qu'un non-lieu, un

 19   arrêt de procédure ou un non-lieu.

 20   Dernièrement, je vais répondre à la deuxième question posée par la

 21   Chambre d'appel.

 22   Avant de présenter ces cinq arguments, j'estime qu'il est important

 23   de faire quelques remarques préliminaires qui, d'après moi, revêtent la

 24   plus grande importance, car il s'agit de déterminer si le courriel adressée

 25   par M. le Juge Frederik Harhoff à 56 amis révèle effectivement qu'il y a

 26   crainte légitime de partialité, encore une fois, dans le cadre de ce procès

 27   contre Mico Stanisic.

 28   La première observation préliminaire que je souhaite formuler se


Page 72

  1   rapporte à l'importance du droit de l'accusé à être jugé par une Chambre

  2   impartiale composée de Juges indépendants et autonomes. C'est une question

  3   de confiance, Monsieur le Juge. L'impartialité des Juges est l'aspect le

  4   plus important du système judiciaire. S'il n'y a point de confiance, s'il

  5   n'y a pas de confiance dans un Juge dans un cas ou dans cette procédure

  6   concrète, ou lorsqu'il semble qu'un Juge n'a pas été impartial aux yeux

  7   d'un observateur raisonnable, il n'y a point de justice, et c'est la raison

  8   pour laquelle il doit y avoir un arrêt de procédure.

  9   La Chambre de première instance a l'obligation de diligenter la

 10   justice de façon appropriée, et c'est une chose fort bien connue, Monsieur

 11   le Président, que la justice non seulement doit être mise en œuvre, mais il

 12   faut que cette justice soit faite de façon évidente.

 13   Ma deuxième observation préliminaire, c'est la présomption

 14   d'impartialité qui se rapporte aux Juges et le fait est que cette

 15   présomption est importante. Elle doit exister par avance et elle ne doit

 16   pas être mise en question. Nous avons parfaitement conscience de

 17   l'importance et du poids de cette présomption; et avec tout le respect qui

 18   est dû à tout un chacun, nous affirmons que la Chambre d'appel ne doit

 19   hésiter à aucun moment lorsque l'on commence à douter de façon raisonnable

 20   de l'impartialité d'un Juge. Et dans ce cas concret, les mesures se doivent

 21   d'être prises pour que dans l'opinion publique il soit rétabli la confiance

 22   en ce qui est l'administration de la justice. S'agissant des accusés, il

 23   convient de prendre des mesures afin d'entraver toute enfreinte aux droits

 24   fondamentaux.

 25   Ma troisième observation préliminaire se base sur les deux premières,

 26   bien entendu. Et, à cet effet, je voudrais dire pourquoi, avant l'audience

 27   de ce matin, nous avons décidé de déposer toute une série de documents pour

 28   ce qui est des décisions qui ont été rendues précédemment.


Page 73

  1   Monsieur le Président, on ne peut dissimuler le fait que la

  2   publication de la lettre du Juge Harhoff dans les journaux danois à la date

  3   du 13 juin est une chose qui a fortement secoué ce Tribunal, et la décision

  4   a été celle de convoquer une Chambre -- la session d'une Chambre l'a été

  5   également. Et je suis en train de peser mes mots. Le Tribunal a peut-être

  6   été secoué, mais pas choqué.

  7   Alors, les constatations de la Chambre spéciale convoquée à cet

  8   effet, et je vais donner lecture du texte comme il a été énoncé :

  9   "Référence faite à la 'pratique' de la condamnation des personnes

 10   accusées sans évaluer les éléments de preuve dans chaque cas concret, la

 11   majorité des Juges, avec une opinion dissidente du Juge Liu, considère

 12   qu'il y a des fondements pour ce qui est de conclure qu'un observateur

 13   raisonnable bien informé est susceptible de conclure de façon raisonnable

 14   le fait que le Juge Harhoff a manifesté de l'impartialité pour ce qui est

 15   d'être favorable à des jugements de condamnation. Ceci se rapporte

 16   également à ce que le Juge a déclaré dans cette Chambre.

 17   "L'apparence de la partialité est encore plus présente pour ce qui

 18   est de l'opinion du Juge Harhoff, où il y a un dilemme professionnel et

 19   moral qui se pose, de l'avis de la plupart des Juges, il y a référence

 20   faite aux difficultés auxquelles on fait face lorsqu'il s'agit de mettre en

 21   œuvre la pratique juridique de ce Tribunal et dans les circonstances

 22   données, la majorité a considéré", exception faite du Juge Liu, "que

 23   lorsque l'on prend lecture de la lettre, on met en doute la présomption

 24   d'impartialité."

 25   C'est une conclusion sans précédent. Nous avons procédé à des

 26   recherches dans ce domaine. Nous avons déjà entendu les affirmations

 27   consistant à affirmer que certains juges sont plus portés à condamner qu'à

 28   prendre des décisions autres, et on a entendu des opinions mettant en doute


Page 74

  1   l'impartialité des Juges. Mais c'est la première fois, malheureusement, que

  2   nous faisons face à ce type de situation dans la pratique. Lorsqu'un Juge

  3   manifeste une tendance à la partialité en faveur des condamnations, ceci

  4   peut, de façon générale, inciter à la nécessité d'entreprendre quelque

  5   chose.

  6   Les constatations liées à la légalité du TPIY doivent être prises en

  7   compte. Personnellement, en ma qualité de conseil de la Défense pendant de

  8   longues années durant, et on sait ce à quoi j'ai vaqué, j'ai été chef de

  9   Cabinet du Président, j'ai coopéré de façon très étroite avec les Juges, et

 10   tout un chacun sait dans quelle mesure je respecte le rôle des Juges. Mais

 11   cette lettre a eu des conséquences dévastatrices pour ce qui est de la

 12   confiance du public. Ce n'est pas une question qui se pose aujourd'hui. La

 13   question qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir ce qu'il convient de

 14   faire avec M. Stanisic, et c'est l'aspect que je vais aborder.

 15   Compte tenu de la décision qui a été prise dans le procès du

 16   Procureur contre Seselj, nous avons insisté sur la nécessité de rendre une

 17   décision à cet effet parce que cette impression de partialité se base sur

 18   la même lettre, et je vais dire qu'à quelques différences près de ce qui

 19   s'est passé dans l'affaire Seselj, il y a des similitudes avec ce qui s'est

 20   passé dans cette affaire. La Chambre d'appel a décidé de traiter de la

 21   question dans l'appel. Et c'est conformément à cette décision que je vais

 22   agir aujourd'hui.

 23   Nous insistons sur le fait que la Chambre d'appel doit tout d'abord

 24   prendre en considération ce motif d'appel avant que de passer à la partie 2

 25   de notre appel. Dans le cas où la Chambre d'appel venait à retenir ce motif

 26   d'appel, il ne serait point nécessaire de parler des autres moyens d'appel.

 27   Si ce n'est pas le cas, il nous faudra passer à la partie 2 de notre appel.

 28   Et même dans ce cas de figure-là, les propos tenus par le Juge Harhoff, par


Page 75

  1   exemple, s'agissant de la façon dont il considère que dans le cadre de

  2   l'entreprise criminelle commune on peut condamner quelqu'un partant de ce

  3   que l'on aura appris dans le procès, et ceci deviendra pertinent dans le

  4   deuxième volet de notre appel.

  5   Je vais commencer par la présentation des arguments liés aux critères

  6   adoptés par un observateur impartial et raisonnable. S'agissant du droit du

  7   TPIY, un Juge peut être disqualifié s'il se comporte de façon partiale. Et,

  8   à cet effet, je peux faire référence à l'affaire le Procureur contre

  9   Delalic, le Procureur contre Milosevic, le Procureur contre Furundzija, et

 10   je crois que c'est la première fois que ce type de critère a été formulé

 11   pour la première fois. On peut considérer que quelque chose semble être

 12   partial si l'observateur raisonnable, bien informé, peut considérer de

 13   façon raisonnable qu'il y a partialité. Ceci se trouve être l'un des

 14   critères de ce que l'on considère comme étant un observateur raisonnable.

 15   On considère que c'est :

 16   "…quelqu'un d'informé, qui a des informations relatives à toutes les

 17   circonstances pertinentes, y compris", comme l'a dit le Juge Liu dans son

 18   opinion dissidente, "s'agissant de toutes les circonstances pertinentes, y

 19   compris les traditions d'intégrité et d'impartialité qui doivent constituer

 20   la toile de fond de celui-ci."

 21   Donc, il convient de considérer qu'une personne raisonnable se doit d'être

 22   bien informée des circonstances pertinentes - et je vais y revenir - doit

 23   être au courant du fait de la tradition d'intégrité et d'impartialité en

 24   place, et cet observateur raisonnable, compte tenu de la totalité des

 25   circonstances, doit considérer comme inacceptable toute manifestation de

 26   partialité.

 27   Le problème, c'est le mot "inacceptable". Cette expression-là est quelque

 28   peu inhabituelle. Cela ne s'intègre pas dans cette définition parce qu'on


Page 76

  1   peut considérer qu'on a une apparence de partialité ou d'impartialité;

  2   c'est une espèce de double test. On peut donc considérer que quelqu'un peu

  3   paraître comme impartial ou partial. C'est une opinion qui a été formulée

  4   par la Cour suprême du Canada, où on a défini les appréhensions liées à la

  5   partialité comme suit : "…une personne se doit être considérée comme

  6   raisonnable qui s'est informée et qui s'est procuré tous les renseignements

  7   pertinents…"

  8   Donc, il y a deux critères objectifs à prendre en compte : la personne qui

  9   se penche sur les critères de partialité, cette personne doit être

 10   raisonnable, et ce qui peut être considéré comme de la partialité doit être

 11   traité comme une conséquence des circonstances dans telle ou telle autre

 12   affaire.

 13   La question qui se pose maintenant est la suivante : est-ce qu'un

 14   observateur raisonnable, qui étudie une lettre ou un courriel émanant du

 15   Juge Harhoff, se trouve être pleinement informé de la totalité des éléments

 16   du contexte, cette personne-là peut-elle tirer une conclusion raisonnable

 17   pour ce qui est d'une appréhension justifiée de partialité lorsqu'il s'agit

 18   des propos tenus par le Juge Harhoff dans cette affaire. Nous avons

 19   pleinement pris connaissance de l'opinion dissidente du Juge Afande, qui se

 20   trouve être jointe à la décision de réexamen pour ce qui est de notre

 21   motion pour ce qui est d'un déni de justice.

 22   Ce courriel suffit-il pour montrer qu'il y a une appréhension raisonnable

 23   de partialité s'agissant du Juge Harhoff ? Et la question qui se pose en

 24   fin de journée est la suivante : est-ce qu'il est plus ou moins probable

 25   que le Juge Harhoff ait véhiculé cette partialité lorsqu'il y a eu un

 26   jugement de rendu contre Mico Stanisic ? Et c'est, en fin de compte, la

 27   question à laquelle la Chambre d'appel doit répondre.

 28   Je vais me pencher d'abord sur le contexte. Nous avons un Juge qui siège au


Page 77

  1   niveau d'un Tribunal international, c'est un Juge qui a été professeur de

  2   droit et qui est réputé pour ce qui est de son contexte en matière de

  3   droit. Il a été conseil juridique au niveau des Chambres de ce Tribunal,

  4   puis il a été Juge pendant six ans. Et au moment où il a rédigé cette

  5   lettre, il était impliqué dans cinq affaires différentes devant le TPIY. Il

  6   s'agit, entre autres, de l'affaire le Procureur contre Dragomir Milosevic;

  7   le Procureur contre Delic, où il a été Juge de la Chambre de première

  8   instance; et puis, il y a l'affaire le Procureur contre Seselj; le

  9   Procureur contre Djordjevic, et il a été Juge de la mise en état, et il n'a

 10   pas siégé dans le procès en première instance; et dans cette affaire-ci, à

 11   savoir l'affaire contre Mico Stanisic et Zupljanin.

 12   Tous ces procès ont traité de la responsabilité de commandement ou de

 13   l'entreprise criminelle commune pour ce qui était aussi de savoir si les

 14   accusés ont aidé et encouragé à la perpétration de crimes. Et dans les

 15   jugements rendus, les accusés ont été déclarés coupables. Bien entendu,

 16   ceci n'a rien de mauvais en soi, mais il convient de prendre en

 17   considération le fait que dans les affaires où ce Juge-là a siégé et qui

 18   sont liées aux sujets abordés par la lettre, les accusés ont été condamnés,

 19   déclarés coupables. C'est un fait, rien de plus.

 20    Le problème, Monsieur le Président, ce n'est pas le fait que le Juge

 21   Frederik Harhoff ait réagi à certains jugements rendus; ce qui est plus

 22   problématique, c'est la façon dont il a réagi à certains jugements

 23   prononcés parce qu'il s'agit d'affaires où il était impliqué. Cependant, le

 24   contexte de sa lettre nous fait nous poser la question de savoir comment il

 25   s'est procuré des informations au sujet de deux jugements rendus par des

 26   pairs à lui.

 27   Quels sont ces jugements ? Il s'agit du jugement dans l'affaire Peresic,

 28   puis du jugement dans l'affaire Gotovina, et enfin, le jugement rendu par


Page 78

  1   la Chambre de première instance dans l'affaire Stanisic et Simatovic. C'est

  2   le contexte général. Donc, il s'est procuré un certain nombre

  3   d'informations au sujet de ces jugements rendus. Il a pu lire les articles

  4   publiés dans les médias relatifs auxdits procès et auxdites condamnations.

  5   Ayant lu bon nombre d'articles publiés par les médias au sujet des

  6   jugements rendus en question, il a réagi à la situation. Et ce courriel

  7   constitue sa réaction à trois décisions rendues, deux arrêts de la Chambre

  8   d'appel et un jugement de la Chambre de première instance.

  9   Le problème n'est pas sa réaction en tant que telle. Mais on s'attend parce

 10   qu'on s'attend à ce que les Juges se penchent sur les jugements rendus par

 11   des pairs au titre de développement et d'évolution professionnelle. Ce

 12   n'est pas là le problème. Le problème, c'est la façon dont il a réagi et ce

 13   qu'a révélé sa réaction. D'après nous, la façon dont il a réagi révèle au-

 14   delà de tout doute possible, nous fait comprendre, pour le moins, qu'il y a

 15   une appréhension de partialité pour ce qui est d'être favorable à des

 16   condamnations en faveur de tout leader ou tout accusé qui avait eu

 17   connaissance de crimes commis dans le cadre d'un objectif commun. Ce sont

 18   ses propos, et c'est ce qui figure dans la lettre qu'il a envoyée en tant

 19   que message.

 20   Alors, nous sommes d'avis que Mico Stanisic, étant donné qu'il a été

 21   ministre de l'Intérieur et qu'il a été accusé d'une participation à une

 22   entreprise criminelle commune englobant un nettoyage ethnique, chose qui

 23   est mentionnée dans sa lettre, et qu'on considère avoir contribué à la

 24   réalisation des objectifs de l'entreprise criminelle commune, en sa qualité

 25   à lui, il fait concrètement partie d'une catégorie de personnes qui, compte

 26   tenu des prédispositions qui sont celles du Juge Harhoff semblent être

 27   condamnées d'avance, indépendamment des éléments de preuve que l'on a

 28   présentés.


Page 79

  1   Le Juge Harhoff reconnaît dans a sa lettre la chose suivante, i il a

  2   dit que : "Dans toutes les affaires où il était impliqué ici, il est parti

  3   du fait qu'il était justifié de prononcer des jugements de condamnations

  4   s'agissant de leaders pour des crimes qui ont été commis dans le cadre de

  5   ce qu'ils savaient dans le cadre de leur travail pour ce qui est de

  6   l'entreprise ou d'un objectif commun." Et il fait référence à l'entreprise

  7   criminelle commune pour ce qui est des condamnations, et il explique

  8   pourquoi. Et les explications apportées montrent que le Juge Frederik est

  9   prédisposé à des jugements en condamnation partant de ce qu'il en sait.

 10   Comment le Juge Harhoff a-t-il réagi ? Nous avons appris dans sa

 11   lettre qu'il a d'abord fait passer deux articles, deux articles publiés

 12   dans la presse, et j'y reviendrai tout à fait, à ce groupe de 56 prétendus

 13   amis. Nous ne savons pas qui sont ces gens-là. Nous n'avons pas non plus pu

 14   voir quelle est la teneur du courriel qui a été envoyé avec les deux

 15   articles de presse en question. Mais nous avons appris qu'apparemment ce

 16   courrier avait pour intention de faire référence à des commentaires

 17   personnels pour ce qui est du courriel précédemment envoyé, ce qui ne doit

 18   pas en soi constituer un problème. Il a fait circuler deux articles publiés

 19   par les médias et il voulait les commenter d'un point de vue personnel.

 20   Ce qui peut paraître surprenant, c'est le fait qu'il s'agisse d'un

 21   Juge qui communique avec 56 amis pour partager ses préoccupations

 22   profondes, où il affirme que c'est partagé par ses collègues dans les

 23   Chambres. Et je ne pense pas que ceci en soi puisse faire penser à de la

 24   partialité. Mais on fait référence à une pratique. D'après lui, ce qui

 25   constitue une situation prévalant au Tribunal, et cela jusqu'à l'automne

 26   2012. Il décrit la situation comme étant une situation de "…pratique

 27   habituelle où les commandants militaires sont tenus responsables des crimes

 28   de guerre commis par leurs subordonnés pendant la guerre…", et il dit que


Page 80

  1   c'est une pratique mise en place sans pour autant faire référence aux

  2   éléments de preuve présentés.

  3   Et c'est déjà problématique. C'est en particulier le cas lorsque l'on

  4   prend lecture de ce paragraphe en corrélation avec le paragraphe suivant,

  5   où on peut lire ce qui suit : 

  6   "Dans tous les tribunaux où j'ai travaillé, je suis toujours parti du

  7   principe qu'il était juste de condamner des dirigeants pour des crimes

  8   commis et dont ils avaient connaissance dans le cadre d'un objectif

  9   commun."

 10   La confession du Juge Harhoff qui fait référence à la responsabilité

 11   pour entreprise criminelle commune révèle une prédisposition à condamner

 12   les dirigeants, quand ils le savaient, quel que soit le droit applicable,

 13   qui demande et qui exige toujours que les membres d'une entreprise

 14   criminelle commune avaient l'intention de réaliser l'objectif commun.

 15   Alors, le Juge Harhoff continue en soulignant ce qui lui semble être un

 16   changement vers le bas du droit applicable devant le Tribunal

 17   international, qui est mis en œuvre, d'après lui. La Chambre d'appel, dans

 18   deux arrêts : l'affaire Gotovina du 15 avril 2011, en première instance, et

 19   puis en appel, le 16 novembre 2012. Il parle également de l'affaire

 20   Perisic, jugement du 6 septembre 2011 et arrêt du 28 février 2013, ainsi

 21   que l'affaire Stanisic et Simatovic, et il critique l'utilisation du terme

 22   bras droit ou homme de main.

 23   Le Juge Harhoff n'a fait aucun commentaire sur l'affaire Prlic qui

 24   est tombée juste avant l'affaire Stanisic et qui a condamné six généraux

 25   croates ou responsables de haut rang. Dans sa lettre, il explique

 26   clairement son mécontentement quant à ce changement qu'il a perçu.

 27   Nous faisons valoir que les Juges devraient s'abstenir de critiquer

 28   publiquement des jugements rendus par leurs confrères. Cela est arrivé par


Page 81

  1   le passé et il n'y a eu aucune allégation de parti pris, pour autant que

  2   nous sachions, qui ait donné lieu à des allégations donnant lieu à une

  3   crainte de parti pris. Mais la situation en l'espèce est totalement

  4   différente. Les critiques du Juge Harhoff découlent de sa frustration en

  5   conséquence de ces jugements, la pratique établie de tenir responsable des

  6   commandants pour des crimes connus, car ils en avaient connaissance et de

  7   l'histoire ancienne, apparemment. Et le Juge Harhoff a explicitement dit la

  8   chose suivante dans sa lettre :

  9   "En conséquence, le Tribunal a non seulement reculé, régressé, il n'a

 10   pas continué dans la lancée de partir du principe que les dirigeants et les

 11   commandants de l'armée doivent être connus responsables pour les crimes de

 12   leurs subordonnés, sauf si on peut prouver qu'ils n'en savaient absolument

 13   rien, mais aussi du fait que la théorie de la responsabilité au titre de

 14   l'entreprise criminelle commune a été réduite d'une contribution à des

 15   crimes (d'une façon ou d'une autre) à exiger une intention directe de

 16   commettre un crime, et donc, pas uniquement d'accepter les crimes commis.

 17   Et que la plupart des affaires auront pour résultat que des commandants

 18   partiront d'ici libres."

 19   Ensuite, il explicite davantage sa frustration en disant :

 20   "Comment expliquons-nous maintenant aux milliers de victimes que le

 21   Tribunal n'est plus capable de condamner les participants de l'entreprise

 22   criminelle commune à moins que des Juges puissent justifier que les

 23   participants à la réalisation de l'objectif avaient l'intention directe et

 24   active de contribuer aux crimes ?

 25   "Jusqu'à présent, nous avons convaincu ces participants qui, d'une façon ou

 26   d'une autre, avaient montré qu'ils étaient d'accord…" et puis, bien sûr, il

 27   donne l'exemple de "l'éradication de la population non-serbe de régions que

 28   les Serbes avaient tâcher de nettoyer ou qui, d'une façon ou d'une autre,


Page 82

  1   avaient contribué à réaliser l'objectif commun, sans devoir nécessairement

  2   prouver qu'ils avaient une intention directe de commettre chaque crime pour

  3   y arriver. C'est presque impossible à prouver."

  4   Il est donc frustré, mais il est faux que nous ne puissions pas condamner;

  5   il est faux de dire qu'il y avait une pratique commune. Mais sa

  6   compréhension du droit et la façon dont il l'a appliqué est explicitée dans

  7   la lettre. Alors, si l'on tient compte du fait qu'il n'y a pas eu de

  8   modification dans le droit applicable pour le mode de responsabilité au

  9   titre de l'entreprise criminelle commune, c'est encore plus troublant.

 10   Et qui plus est, un Juge qui a avoué avoir toujours présumé qu'il était

 11   juste de condamner des dirigeants pour les crimes commis lorsqu'ils en

 12   étaient au courant, dans le cadre d'un objectif commun, révèle cette

 13   prédisposition à condamner les dirigeants sur la base de leurs

 14   connaissances, contrairement au droit applicable dans ce Tribunal.

 15   Une telle disposition, qui crée une crainte raisonnable de parti pris, à

 16   nos yeux, est étayée par sa déclaration :

 17   "Les derniers jugements m'ont mis dans un dilemme professionnel et moral,

 18   jamais rencontré auparavant. Il se peut que certains de mes collègues aient

 19   été sous des pressions politiques qui modifient totalement mon travail au

 20   service de la sagesse et du droit."

 21   Passons à présent à l'observateur raisonnable. Qu'en ferait-il s'il

 22   remarquait que le Juge Harhoff avait réagi à cela suite à trois jugements,

 23   deux en première instance et un arrêt, allant du 16 novembre 2013 au 30 mai

 24   2013 ?

 25   Tout d'abord, l'observateur raisonnable saurait que Mico Stanisic, en

 26   qualité de ministre de l'Intérieur, est sans aucun doute inclus dans la

 27   catégorie de dirigeants, dont le Juge Harhoff fait mention dans sa lettre.

 28   Deuxièmement, l'observateur raisonnable remarquerait que Mico Stanisic a


Page 83

  1   été poursuivi en application du mode de responsabilité pour entreprise

  2   criminelle commune.

  3   Troisièmement, l'observateur raisonnable remarquerait que l'entreprise

  4   criminelle commune alléguée dans l'acte d'accusation à l'encontre de Mico

  5   Stanisic inclut les crimes liés à l'expulsion de la population non-serbe de

  6   régions de la Republika Srpska, comme il le dit dans la lettre. Et il

  7   remarquerait également que Mico Stanisic a été condamné par un collège de

  8   trois Juges et que Mico Stanisic a été condamné en application du mode de

  9   responsabilité entreprise criminelle commune. Il saurait que le jugement à

 10   l'encontre de Mico Stanisic a été rendu le 27 mars 2013, c'est-à-dire 71

 11   jours avant la publication de la lettre du Juge Harhoff, le 13 juin 2013.

 12   Il saurait que le Juge Harhoff a envoyé cette lettre à 56 amis, en tenant

 13   compte du contexte dans lequel elle a été rédigée et publiée, et que cela

 14   révèle une crainte raisonnable de parti pris en faveur d'une condamnation

 15   de dirigeants, et il remarquerait également que le Juge Harhoff, à

 16   l'époque, était face à un dilemme professionnel et moral pendant la période

 17   où il délibérait sur le procès contre Mico Stanisic.

 18   En conclusion, nous faisons valoir que la lettre du Juge Harhoff révèle une

 19   crainte raisonnable de parti pris et que le Juge Harhoff, alors qu'il était

 20   nommé comme Juge dans l'affaire Mico Stanisic, n'a pas décidé

 21   équitablement.

 22   Alors, je n'ai pas abordé lors de mes arguments les allégations du Juge

 23   Harhoff à l'encontre d'autres Juges du Tribunal, le Juge Meron, l'ancien

 24   Président; le Juge Orie; le Juge zimbabwéen; ainsi que le Juge Guney, qui

 25   mettent encore plus en exergue la prédisposition du Juge Harhoff à

 26   condamner, ce qui met à mal l'héritage de ce Tribunal international.

 27   Deuxième partie, à présent. Regardons les pièces en réplique. La

 28   jurisprudence établit clairement que le critère de l'observateur


Page 84

  1   raisonnable part du postulat que cet observateur raisonnable doit être

  2   informé de façon appropriée, ce qui veut dire qu'il dispose de toutes les

  3   informations pertinentes qui pourraient avoir une incidence sur son

  4   appréciation de la situation, y compris le contexte, qui pourraient donner

  5   lieu à une crainte raisonnable de parti pris. S'agissant du contexte, il a

  6   déjà été couvert dans le mémoire en appel de Mico Stanisic et dans mes

  7   arguments de tout à l'heure. Donc, je vais me concentrer sur les pièces en

  8   réplique qui ont été admises à la demande de l'Accusation, c'est-à-dire le

  9   mémo du Juge Harhoff au Juge Antonetti et les deux articles.

 10   Les deux articles sont d'une part celui de l'"Economist", qui parle de deux

 11   jugements. Il a été publié le 1er juin. Les deux jugements sont Perisic

 12   [comme interprété], tout d'abord, où l'on aborde l'entreprise criminelle

 13   commune; et Stanisic et Simatovic.

 14   Alors, le premier article revient sur la jurisprudence des deux

 15   dernières années du Tribunal et il semble, selon l'article, que la

 16   population est choquée par les jugements qui ont été mentionnés tout à

 17   l'heure.

 18   Deuxième article, le "New York Times" a publié un article le 2 juin

 19   2013. Eric Corney l'a rédigé, il est politologue et sociologue. Il a été

 20   cité dans le premier article et il aborde la question de l'acquittement de

 21   Stanisic et Simatovic, et il parle d'un reversement dramatique du fait,

 22   encore une fois, que la population se pose des questions sur ces

 23   acquittements. Il évoque l'entreprise criminelle commune et les critères

 24   requis pour l'état d'esprit. Il parle de l'aide et de l'encouragement,

 25   d'instructions spécifiques.

 26   Et ces deux articles aide à expliquer le contexte, mais en aucun cas

 27   les critiques du Juge Harhoff et la façon dont il a critiqué les choses.

 28   Le mémo du Juge Harhoff est encore plus important. Le moment où il a


Page 85

  1   été envoyé n'est pas tellement important, parce qu'il a réagi lorsqu'il en

  2   a eu l'occasion en application de l'article 15(B) du Règlement, lors de la

  3   procédure spéciale. En tout cas, c'est ce qui a été consigné au compte

  4   rendu. Donc, le moment et le fait qu'il ait attendu est important, mais pas

  5   tellement important.

  6   Ce qui est important, c'est qu'il a eu énormément de temps pour y

  7   réfléchir avant de donner son avis au Juge Antonetti, le Président de

  8   l'affaire Seselj. Ce courriel a été envoyé aux mêmes 56 personnes du

  9   premier courriel, et il y a eu une fuite et la presse l'a eu.

 10   Alors, le Juge Harhoff insiste sur le fait qu'il n'a jamais eu

 11   l'intention de le faire publier. Alors, nous n'en sommes pas convaincus.

 12   Lorsqu'un Juge envoie un courriel à 56 personnes dans le monde

 13   d'aujourd'hui, il accepte le risque que ce document puisse devenir public.

 14   Alors, ce qui est important, c'est ce qu'il y dit. Il y dit : Le fait

 15   que je ne l'ai pas dit n'implique pas que j'ai abandonné le critère des

 16   éléments. C'est facile de le dire après les faits, mais les gens lisent la

 17   lettre. Il dit qu'il n'avait pas abandonné ce critère pour évaluer tous les

 18   faits. Mais cela aurait dû se trouver dans la lettre, si c'est ce qu'il

 19   voulait dire.

 20   La modification des conditions pour responsabilité pénale est tout à

 21   fait pertinente, parce qu'il n'y a pas eu de changements. Il n'y a pas eu

 22   d'exigences supplémentaires dans Gotovina, contrairement à ce qu'il dit

 23   dans sa lettre. Il explique, en fait, ce que constitue cette apparence de

 24   parti pris, c'est la partie la plus importante. Il explique dans ses

 25   remarques qu'il a toujours considéré que c'est juste, et je vous renvoie à

 26   son courriel où il utilise ce terme de "juste".

 27   Tout d'abord, il dit que si vous condamnez en vertu de l'entreprise

 28   criminelle commune, dans ce cas, vous avez abandonné la condition de la


Page 86

  1   mens rea, contrairement à ce qu'il dit. De la part du Juge, le contexte

  2   juridique n'est pas exact. Il faut davantage qu'un simple degré plus

  3   important d'intentions, ce qui n'est pas exact. Même dans son courriel, à

  4   la façon dont il aborde le droit, eh bien, sa manière de le faire n'est pas

  5   correcte.

  6   Encore une fois, dans son mémo, il explique que : "Il sera peut-être

  7   très difficile de condamner des commandants militaires haut gradés, que ce

  8   sera peut-être impossible de condamner des généraux à l'avenir" et qu'il

  9   n'a pas eu de changement. Même dans son courriel, il ne modifie pas sa

 10   prédisposition à la condamnation.

 11   Il ajoute un peu plus tard que :

 12   "J'ai toujours rendu mes jugement en étant sûr que les commandants

 13   supérieurs ou haut gradés viendraient ou se rendraient compte finalement à

 14   un moment donné qu'il y avait ce plan commun visant à chasser par la force

 15   'les autres' dans 'leurs propres secteurs' contredit l'ordre fondamental ou

 16   le monde de vie fondamental…"

 17   Pardonnez-moi, mais ceci laisse l'impression que l'homme a une

 18   mission à accomplir, et que sa mission consiste à condamner. Ils se

 19   rendront compte que je -- ils se rendront compte que je vais condamner sur

 20   la base de la connaissance et ils se rendront compte qu'ils se sont trompés

 21   une fois qu'ils seront en détention. C'est l'impression. Je ne dis pas que

 22   c'est ce que le Juge Harhoff pense, mais c'est certainement l'impression

 23   qui en découle. Il dit qu'il s'agit d'une déclaration politique morale et

 24   non pas d'une position juridique, ce ne correspond pas au contexte. Le

 25   contexte doit être lu de façon complètement différente dans le contexte de

 26   sa lettre et de sa déclaration. Il a toujours estimé juste de condamner sur

 27   la base de la connaissance, et cela ne peut pas échapper à un observateur

 28   raisonnable.


Page 87

  1   Le dernier commentaire est très important lorsqu'il parle du dilemme

  2   qui est le sien, je souhaite attirer votre attention sur ce paragraphe et

  3   la différence entre son mémo et son courriel. C'est un dilemme qui se

  4   présente à lui, parce que brusquement dans son mémo, il sait pertinemment

  5   quelle est cette apparence de parti pris qui découle de sa lettre. Ensuite,

  6   il essaie de repartir en arrière et il dit "le dilemme qui serait le sien".

  7   Alors, après avoir dit que c'était un véritable dilemme auquel il était

  8   confronté, mais que ce serait un dilemme pour lui dans le cas où il y

  9   aurait une ingérence de l'extérieur, une ingérence internationale. Sa

 10   tentative consistant à modifier ce paragraphe est tout à fait révélateur.

 11   La décision dans l'affaire Seselj, partie 3, troisième partie. La

 12   lettre a été publiée le 13 juin. Seselj a réagi le 1er juin, même si nous

 13   n'avons jamais eu connaissance de cela avant le 9 -- pardonnez-moi, il a

 14   réagi le 1er juillet, et ceci a été rendu public le 9 juillet en raison d'un

 15   problème de traduction. Mico Stanisic a réagi tout de suite le 2 juillet.

 16   Le 20 juin, Delic a également réagi. Zupljanin a réagi peu de temps après.

 17   Le fait est que trois accusés qui ont ou soit été jugés par le Juge Harhoff

 18   ont réagi peu de temps après la publication de la lettre du Juge Harhoff,

 19   ce qui fait qu'un observateur raisonnable ne peut pas manquer de voir.

 20   La Chambre spécialement constituée a rendu sa décision et a conclu à

 21   la majorité que le Juge Harhoff avait fait preuve de l'existence d'une

 22   apparence de parti pris. Donc, c'est la conclusion d'un observateur

 23   raisonnable qui serait bien informé, ont constaté que la présomption

 24   d'impartialité, malgré son importance, a été réfutée.

 25   Le 9 septembre, en nous fondant sur cette décision, nous avons tout

 26   de suite demandé des éléments d'information supplémentaire et que ceci soit

 27   ajouté à notre demande de présentation à nouveau de notre acte d'appel, et

 28   nous avons renvoyé à ce dépôt d'écriture parce que là, nous avons dit, dans


Page 88

  1   ce document, que nous insistons sur l'importance de la décision.

  2   Nous insistons également dans ce document qu'il n'y a pas de droit

  3   d'appel dans cette décision-là. C'est tout à fait clair. Lorsqu'il y a eu

  4   conclusion sur une prédisposition à condamner et qu'il y a une apparence de

  5   parti pris au niveau de la condamnation, il faudrait énormément d'éléments

  6   de preuve pour renverser cette impression, et il faudrait que ce soit tout

  7   à fait cohérent pour ce qui est des décisions prises par ce Tribunal.

  8   Et la majorité a rejeté la demande de l'Accusation pour un réexamen

  9   et, en raison de cette décision-là, nous avons estimé que cette décision

 10   était définitive et qu'il nous faut prononcer un jugement le plus

 11   rapidement possible. En raison de la nature même et de cette apparence de

 12   partialité, c'est la raison pour laquelle nous avons agi ainsi. Dans le cas

 13   où le parti pris du Juge Harhoff s'appliquait uniquement à l'affaire

 14   Seselj, si, par exemple, il avait participé dans d'autres affaires devant

 15   le TPIR, dans une affaire contre le Procureur, dans ce cas, évidemment,

 16   cela serait limité à l'affaire Seselj, même si cela pourrait avoir des

 17   conséquences, mais maintenant nous parlons d'une apparence de parti pris en

 18   faveur d'une condamnation.

 19   La question n'aurait pas une valeur probante aussi importante si elle

 20   n'avait pas un caractère aussi général et si elle n'était pas inhérente au

 21   rôle du Juge qui a une incidence sur l'impartialité d'un Juge en faveur de

 22   la condamnation. A de nombreuses reprises, l'indépendance et l'impartialité

 23   des Juges constitue tout élément légitime de toute institution judiciaire.

 24   Alors, y a-t-il au niveau de la décision prise ici dans l'espèce ? Le

 25   fait est que la décision a déjà été rendue. Mais nous avons expliqué dans

 26   nos arguments qu'il est évident que cette apparence de parti pris qui

 27   figure dans sa lettre a eu une incidence sur la procédure et existait au

 28   moment où il prononçait un jugement dans cette affaire-ci.


Page 89

  1   La deuxième différence, c'est que la Chambre qui a été constituée

  2   spécialement ne semble pas s'être penchée sur le mémorandum du Juge Harhoff

  3   et n'a pas tenu compte des deux articles dans la presse, qui constituent

  4   des éléments de preuve en réplique. Je sais qu'il ne s'agissait pas là

  5   d'une erreur juridique, car c'est ce que prévoit l'article 15(B), et c'est

  6   ce qui a été fait à l'époque. Mais nous nous trouvons dans deux situations

  7   différentes. Vous allez vous pencher sur le mémo du Juge Harhoff et vous

  8   allez vous pencher sur deux articles de presse, chose que la Chambre

  9   constituée à cet effet n'a pas fait. Quand bien même vous tenez compte de

 10   ces documents-là, nous faisons valoir, sauf votre respect, que vous allez

 11   conclure, en particulier compte tenu de la question du dilemme moral qui

 12   était celui du Juge Harhoff, vous allez conclure que les éléments de preuve

 13   en réplique fournissent un contexte, mais insistent sur le caractère

 14   inacceptable de la lettre, ce qui va bien au-delà du comportement d'un

 15   Juge, quel que soit le sens de cela au niveau d'un Juge. Nous parlons ici

 16   d'une apparence de parti pris en faveur de la condamnation qui met à mal la

 17   décision contre Mico Stanisic.

 18   Je conclus mes arguments en disant que dans nos arguments, ceci doit mener

 19   à l'annulation des conclusions ou des condamnations prononcées contre Mico

 20   Stanisic. C'est ma réponse à votre première question. Notre réponse à la

 21   première question est très simple. En raison du droit à être jugé par une

 22   Chambre composée de trois Juges impartiaux, ce qui n'a pas été le cas, la

 23   condamnation pour les chefs 1, 4 et 6 doit être annulée. C'est quelque

 24   chose que nous avons expliqué dans nos écritures.

 25   Ce qui est encore plus important, cependant, c'est ce que nous allons faire

 26   à partir de maintenant. Si vous annulez la condamnation, compte tenu de la

 27   gravité de la violation, ce qui n'a rien à voir avec Mico Stanisic, compte

 28   tenu de l'importance du droit d'être jugé par une Chambre composée de Juges


Page 90

  1   impartiaux et indépendants, compte tenu du fait que M. Stanisic a été

  2   incriminé pendant dix ans, en considérant que Mico Stanisic, depuis son

  3   arrivée, en tout cas depuis qu'il a coopéré, souhaitait fournir des

  4   éléments d'information, preuve en est l'interview qu'il a donnée à

  5   l'Accusation, donc il n'y a qu'une seule possibilité : il s'agit de

  6   surseoir à la procédure ou de délivrer un non-lieu et de le remettre en

  7   liberté.

  8   Dans nos écritures, nous avons insisté sur la possibilité que Mico Stanisic

  9   puisse être jugé à nouveau. Ce n'est pas à nous de décider si oui ou non il

 10   doit y avoir un procès de novo. Ce n'est pas à nous de plaider dans ce

 11   sens. Nous faisons valoir la violation, l'annulation, de surseoir ou d'un

 12   non-lieu. S'il doit y avoir un procès de novo, il revient à l'Accusation de

 13   décider si oui ou non cela est nécessaire et si c'est dans l'intérêt de la

 14   justice, et nous réagirons à ce moment-là.

 15   La deuxième question posée par les Juges de la Chambre d'appel, si les

 16   Juges de l'appel constatent qu'il y a eu violation, mais pas suffisamment

 17   pour justifier une annulation de la condamnation, dans ce cas, Monsieur le

 18   Président, il semble qu'il s'agisse ici d'une question théorique assez

 19   simple. Et dans ce cas - je ne peux pas vraiment trouver le terme exact -

 20   la réaction, disons, qu'il s'agit d'une apparence inacceptable de parti

 21   pris, ceci s'applique en l'espèce, si vous estimez que cela n'est

 22   suffisamment important, la condamnation peut être annulée.

 23   Mais vous avez posé une question, donc nous allons répondre. D'après nous,

 24   le seul recours possible en l'espèce est de maintenir la condamnation, mais

 25   vous devez réduire la peine et tenir compte du temps déjà passé au quartier

 26   pénitentiaire et le renvoyer à la maison. Le Tribunal affirme sa

 27   conviction, dans ce cas. Et dans l'intérêt de la justice, l'accusé, dans ce

 28   cas, est présenté avec l'existence d'une violation et c'est noté dans les


Page 91

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 92

  1   annales de la justice pénale internationale.

  2   Nous avons tenu compte d'une autre possibilité. Peut-être que si la

  3   violation constatée par la Chambre d'appel est quelque chose que notent les

  4   Juges de la Chambre d'appel sans examiner ce que les Juges ont fait, et

  5   apprécieront les éléments de preuve à nouveau. Dans un appel normal,

  6   certainement, la Chambre d'appel peut faire cela et analyser tous les

  7   éléments de preuve et rendre des décisions de novo, ce qui s'est déjà

  8   passé. Parce que de nombreux éléments de preuve que constituent le dossier

  9   sont les résultats des décisions rendues par ces trois Juges, ce qui

 10   signifie que la Chambre d'appel devra non seulement rendre sa décision sur

 11   la base d'éléments de preuve, mais il faudra qu'elle revienne en arrière

 12   jusqu'au début du procès, comme s'il s'agissait d'une Chambre de première

 13   instance.

 14   Quelque chose sur lequel on a insisté, cela peut être extrêmement

 15   difficile, et M. le Juge Afande a insisté là-dessus, parce qu'il a parlé du

 16   fait de remplacer le Juge Harhoff dans l'affaire Seselj. Et nous faisons

 17   valoir que la Chambre d'appel ne peut pas faire cela parce que, dans ce

 18   cas-là, la Chambre d'appel agirait comme une Chambre de première instance,

 19   et ainsi, M. Stanisic serait privé de son droit en appel. Ce serait une

 20   condamnation qui serait prononcée en appel. Le Juge Pocar a insisté là-

 21   dessus à de multiples reprises dans ses opinions dissidentes ou séparées.

 22   Ceci conclut mes arguments concernant M. le Juge Harhoff. Si vous n'avez

 23   pas d'autres questions, je vais aborder la deuxième partie de mes arguments

 24   qui concerne la première question posée par les Juges d'appel concernant la

 25   question de la resubordination des membres du MUP de la Republika Srpska.

 26   Concernant la première question, qui se lit comme suit :

 27   "Compte tenu des conclusions de la Chambre de première instance aux

 28   paragraphes 737 à 759 et, en particulier 757, des jugements rendus par la


Page 93

  1   Chambre de première instance, si la Chambre a constaté que Stanisic était

  2   responsable pour avoir omis d'enquêter sur les crimes commis par la police

  3   resubordonnée à l'armée."

  4   La réponse toute simple à cette question est oui. Si nous regardons le

  5   paragraphe 757, la Chambre de première instance a conclu que Mico Stanisic

  6   a omis d'agir de manière décisive concernant les autres crimes, tels que la

  7   détention illégale et le déplacement de Musulmans, Croates, et d'autres

  8   civils non-serbes, et les crimes qui s'en sont suivis, meurtres et

  9   traitements inhumains.

 10   Les crimes cités par la Chambre de première instance dans ce paragraphe

 11   sont les premiers et les plus importants crimes commis lors de la prise de

 12   contrôle de ces municipalités, confer le paragraphe 737 du jugement. Au

 13   paragraphe 737, où les crimes sont décrits, les auteurs sont identifiés

 14   comme étant le MUP ainsi que d'autres forces serbes. Ceci renvoie

 15   précisément à la situation où les actions conjointes ont été menées par le

 16   MUP de la RS et les autres forces serbes.

 17   Même si l'ensemble du paragraphe portant sur la contribution de Mico

 18   Stanisic à l'entreprise criminelle commune aux paragraphes 729 à 756 ne

 19   contient aucune note en bas de page, ce qui rend très difficile d'accepter

 20   les conclusions telles que présentées par la Chambre de première instance.

 21   Néanmoins, au paragraphe 737, il décrit une situation où le MUP du RS avait

 22   été resubordonné à l'armée.

 23   J'attire l'attention des Juges de la Chambre d'appel aux paragraphes 740,

 24   743, 745 et 750, ce qui précise que ces paragraphes s'appliquent aux

 25   membres de la police qui ont été resubordonnés à l'armée. En fait, le 759

 26   est plus clair encore que cela. Il parle de la responsabilité de Mico

 27   Stanisic pour ce qui est d'avoir de ne pas avoir fait ce qu'il fallait pour

 28   mettre un terme aux crimes mentionnés précédemment, et c'est ce qui a


Page 94

  1   permis aux forces du MUP à participer à des opérations conjointes aux côtés

  2   de l'armée dans les différentes municipalités en question.

  3   Donc, c'est là que se trouve la réponse à la question posée par la Chambre

  4   d'appel, que convient-il de faire maintenant ? C'est ce qui importe le

  5   plus. Et, il s'agit là des conséquences, des constatations sur lesquelles

  6   je voudrais attirer l'attention des Juges de la Chambre, et notamment

  7   s'agissant du paragraphe 342, où la Chambre de première instance a confirmé

  8   qu'elle n'était pas à même d'en arriver à des conclusions pour ce qui est

  9   de savoir si c'est l'armée ou les autorités civiles qui étaient chargées

 10   d'investiguer ou de poursuivre en justice tous crimes commis à l'égard des

 11   Musulmans et Croates qui auraient été le fait de policiers resubordonnés à

 12   l'armée.

 13   Ce qu'il convient de préciser, c'est que la Chambre de première

 14   instance a omis de se prononcer sur cette responsabilité s'agissant de

 15   savoir qui est-ce qui devait enquêter et poursuivre ce que vient d'être

 16   dit. Tout d'abord, ceci est contraire aux affirmations de la Chambre de

 17   première instance parce que ça sort du cadre de l'article 7(3) du Statut.

 18   Deuxièmement, il n'est pas exact de dire que la Chambre n'est pas

 19   capable de dire qui est responsable : soit c'est A, soit c'est B. On ne

 20   peut pas, dans ce cas de figure-là, affirmer que Mico Stanisic était

 21   coupable d'avoir omis d'enquêter ou de poursuivre en justice. Les deux

 22   choses ne vont pas ensemble.

 23   Troisièmement, ce qui est encore plus important, c'est que la Chambre

 24   de première instance a approfondi son erreur en se servant de cette

 25   conclusion-là pour affirmer que Mico Stanisic était membre d'une entreprise

 26   criminelle commune. Et cette erreur doit être redressée, et il convient

 27   d'invalider les chefs 1, 4 et 6.

 28   J'en arrive maintenant à la question suivante par la Chambre d'appel,


Page 95

  1   à savoir celle qui concerne le mens rea et l'omission de formuler une

  2   opinion raisonnable pour ce qui est de savoir à partir de quel moment Mico

  3   Stanisic avait conscience de ce qui se faisait du point de vue de

  4   l'entreprise criminelle commune.

  5   La Chambre de première instance a adopté des conclusions du point de

  6   vue du mens rea dans l'affaire Mico Stanisic aux paragraphes 766 à 769,

  7   donc il ne s'agit que de quatre ou cinq paragraphes. Alors, ce que nous

  8   estimons, c'est que nous considérons que la Chambre de première instance a

  9   commis une erreur pour ce qui est de la conclusion adoptée, à savoir que

 10   Mico Stanisic avait partagé un mens rea, une intention délictueuse.

 11   Alors, je commence maintenant à présenter nos arguments. Et je ne

 12   vais pas élaborer davantage. La Chambre d'appel est consciente du droit

 13   applicable. Et il s'agit d'un certain nombre d'erreurs commises par la

 14   Chambre de première instance pour ce qui est de la loi à mettre en œuvre,

 15   et on a procédé à des déductions en absence d'éléments de preuve directs.

 16   Et il est clairement établi qu'il convient de tirer des conclusions,

 17   compte tenu de la totalité des éléments de preuve au dossier. Deuxièmement,

 18   on a procédé à des raisonnements par déduction concernant ce qui a été

 19   présenté; or, la seule conclusion raisonnable et logique doit être tirée

 20   des circonstances telles qu'énoncées. J'attire l'attention des Juges sur

 21   les éléments de preuve dans le dossier le Procureur contre Vasiljevic et le

 22   Procureur contre Oric, mais il y a beaucoup d'autres endroits où on peut

 23   trouver des exemples similaires.

 24   Donc, nous sommes humblement d'avis que ça n'a pas été fait par la

 25   Chambre de première instance et elle n'en s'est pas tenue à ce droit et à

 26   cette règle. Ces déductions faites par la Chambre de première instance ne

 27   se basent pas sur la totalité des éléments de preuve présentés. La Chambre

 28   de première instance n'a même pas pris en considération certains éléments


Page 96

  1   de preuve pertinents. Je vais vous donner un exemple, Monsieur le

  2   Président, il s'agit d'un rapport envoyé à Karadzic le 17 juillet 1992, la

  3   pièce à conviction P427.8. Le jugement n'y fait pas du tout référence. Or,

  4   de notre avis, c'est éminemment pertinent.

  5   Dans d'autres cas de figure, la Chambre a fait référence à certaines

  6   pièces à conviction comme, par exemple, les ordres donnés par Mico

  7   Stanisic, sans pour autant prendre en considération les mêmes ordres pour

  8   ce qui est de tirer des conclusions par déduction, chose qui fait l'objet

  9   de notre appel.

 10   Par exemple, l'ordre donné le 23 juillet. Si on se penche sur le

 11   paragraphe 644 du jugement rendu : "Stanisic a donné l'ordre de prendre des

 12   mesures légales à l'égard de membres du MUP ayant commis des crimes à

 13   compter du moment où il y a eu création du MUP de la Republika Srpska."

 14   Au paragraphe 664 : "Stanisic a donné l'ordre à la totalité des

 15   centres de Sécurité publique et des postes de Sécurité publique, ainsi qu'à

 16   leurs chefs pour obtenir des informations relatives au traitement des

 17   prisonniers de guerre et aux conditions de détention de prisonniers."

 18   Au paragraphe 667 : "Dans un ordre daté du 10 août, Stanisic a donné

 19   l'ordre au chef des CSB de Sarajevo, Doboj, Trebinje, Bijeljina et Banja

 20   Luka, pour souligner la nécessité de se situer dans le cadre de la

 21   réglementation en place."

 22   Au paragraphe 668 : "Ordre du 17 août, Stanisic a donné l'ordre aux

 23   chefs des CSB, en leur indiquant la nécessité de s'en tenir aux lois

 24   régissant la guerre et aux conventions internationales."

 25   Ce n'est que quelques exemples. La Chambre de première instance

 26   mentionne les ordres en question mais ne les prend pas en considération

 27   pour ce qui est des conditions tirées au regard du mens rea. Enfin, si la

 28   Chambre avait pris en considération la totalité des éléments de preuve,


Page 97

  1   elle aurait certainement tiré une conclusion, de notre avis, qui serait

  2   celle de conclure du fait que Mico Stanisic avait partagé le mens rea des

  3   autres pour ce qui est de la participation à l'entreprise criminelle

  4   commune, ce n'est pas la seule conclusion possible à tirer.

  5   Il y a d'autres conclusions qui peuvent également être tirées, et

  6   notamment celle d'affirmer que Mico Stanisic s'en est tenu aux objectifs

  7   légitimes de la Republika Srpska mais n'a pas partagé le mens rea pour ce

  8   qui est des crimes commis.

  9   Tous nos arguments présentés dans notre mémoire se trouvent être

 10   présentés dans le mémoire. Je n'ai pris et mis en exergue que quelques-unes

 11   des conclusions relatives aux erreurs importantes.

 12   Nous considérons également que la Chambre a commis un nombre

 13   important d'erreurs de faits. La Chambre d'appel est donc conviée à se

 14   pencher une fois de plus sur notre mémoire en appel. Il y a beaucoup plus

 15   d'erreurs de signalées.

 16   On a affirmé que Stanisic était membre du SDS, ce qui est faux. Dans

 17   le mémoire en appel, on a dit à l'article 131 que Stanisic était membre de

 18   l'assemblée des Serbes de Bosnie; cela n'est pas exact non plus. On peut

 19   retrouver ce passage dans le mémoire en appel au paragraphe 125. On a

 20   affirmé également que Stanisic avait approuvé les activités d'Arkan; or,

 21   cela est faux. Stanisic n'a pas du tout approuvé ce qu'Arkan était en train

 22   de faire. Référence y a été faite aux paragraphes 140 à 146 de notre

 23   mémoire en appel. De notre avis, il convient, pour ce qui est des Juges de

 24   la Chambre d'appel de se pencher sur les éléments de preuve fournis par

 25   Bjelosevic, à titre confidentiel; le témoignage de Pejic; le témoignage

 26   d'Adnan; le témoignage de Davidovic et, en particulier, constater l'erreur

 27   commise par la Chambre de première instance, erreur de fait, en concluant

 28   de l'approbation fournie par Stanisic s'agissant des activités déployées


Page 98

  1   par Arkan.

  2   La motivation de Mico Stanisic pour ce qui est de l'arrestation des Guêpes

  3   jaunes n'avait pas été liée à la perpétration de crimes, mais c'était la

  4   motivation véritable de Stanisic qui se rapportait aux vols commis, a-t-on

  5   affirmé. C'est faux. C'est une erreur de fait. Stanisic s'était

  6   véritablement opposé aux agissements des Guêpes jaunes. Il y en a eu deux

  7   de condamnés pour crimes commis à l'extérieur de la Republika Srpska et

  8   d'autres ont également été déclarés coupables pour crimes moindres. Je

  9   convie donc les Juges de la Chambre d'appel à se pencher sur nos

 10   paragraphes 413 et 417.

 11   Nous avons quatre exemples qui font état d'erreurs de fait commises par la

 12   Chambre de première instance. La Chambre, si elle n'avait pas commis ce

 13   type d'erreurs de fait, n'aurait certainement pas tiré les conclusions

 14   erronées qu'elle a tirées.

 15   Il convient donc de se pencher sur les positions prises par la

 16   Chambre de première instance avant que de se pencher sur les éléments de

 17   preuve, les conclusions initiales, donc. Il y en a au moins trois que je

 18   voudrais mettre en exergue où on voit que la Chambre de première instance

 19   n'a pas évalué les éléments de preuve de façon appropriée.

 20   Le premier exemple se rapporte à la direction des Serbes de Bosnie. Ceci se

 21   trouve dans notre mémoire en appel au motif d'appel numéro 2. La Chambre a

 22   erré pour ce qui est de considérer qu'il y avait une entité appelée

 23   direction des Serbes de Bosnie, et cette entité aurait été constituée par

 24   les membres éminents du SDS et ceux qui avaient occupé des postes

 25   d'importance dans la Republika Srpska. La Chambre de première instance

 26   dit :

 27   "Ils ont tous partagé les agissements des Serbes de Bosnie et ils ont tous

 28   œuvré à la réalisation d'un objectif commun."


Page 99

  1   En affirmant ceci, sans pour autant se pencher sur les éléments de preuve

  2   fournis, il y a eu une création arbitraire d'une entité dont Mico Stanisic

  3   aurait fait automatiquement partie puisqu'il était ministre, et on a

  4   attribué aux membres dudit groupe l'intention d'œuvrer dans le sens de la

  5   réalisation d'un même objectif. En faisant ainsi, on a donc considéré que

  6   Mico Stanisic avait fait partie d'un mens rea sans avoir étudié les

  7   éléments de preuve avancés à cet effet.

  8   Deuxièmement, il serait intervenu dans la réalisation d'un objectif

  9   politique commun. Et si l'on se penche sur le fait que Mico Stanisic était

 10   ministre et il intervenait dans le cadre d'un gouvernement, il devait donc

 11   agir de concert avec d'autres membres du gouvernement. Certains de ces

 12   membres du gouvernement ont fait partie d'une entreprise criminelle

 13   commune. Mais le problème, c'est que lorsque la Chambre de première

 14   instance s'est penchée sur le cadre de ce qu'il a fait ou pas fait dans le

 15   cadre de la réalisation d'objectifs politiques légitimes, ils ont considéré

 16   qu'il était ministre et qu'il était intervenu dans le cadre d'un même

 17   gouvernement, pour tirer la conclusion de dire qu'il avait partagé

 18   l'intention de ceux qui faisaient partie de l'entreprise criminelle

 19   commune.

 20   Enfin, j'aborderai la question de la minorité et de ne pas avoir tenu

 21   compte qu'il y avait au moins une minorité dans les rangs de ce groupe qui

 22   n'avait pas eu l'intention d'expulser les non-Serbes au moyen de crimes.

 23   Cela se retrouve dans notre mémoire au quatrième moyen d'appel. La Chambre

 24   a reconnu l'existence d'une majorité au sein des dirigeants serbes de

 25   Bosnie, mais n'a pas tenu compte de l'existence d'une minorité dans le même

 26   groupe, dont M. Stanisic aurait pu être partie.

 27   Ensuite vient le critère de connaissance. Nous estimons que la Chambre de

 28   première instance a déduit le fait que Mico Stanisic avait partagé


Page 100

  1   l'intention de réaliser l'entreprise criminelle commune, mais elle l'a fait

  2   en utilisant le critère de connaissance incorrect. Il est bien établi que

  3   la connaissance d'un accusé ne doit pas se confiner à l'intention de

  4   l'accusé. A partir de là, si un accusé a agi d'une certaine façon, on peut

  5   remettre tous les éléments ensemble et peut-être arriver à la déduction,

  6   mais pas juste à des connaissances faites. L'accusé doit avoir agi d'une

  7   façon ou d'une autre. Il est très important de tenir compte de cela ici

  8   parce que la façon dont il a agi est contraire à l'état d'esprit de

  9   l'entreprise criminelle commune, et c'est cela qui met le doigt sur tout le

 10   problème.

 11   Lorsque Mico Stanisic a obtenu les informations sur les crimes - cela se

 12   retrouve dans le jugement et nous le reconnaissons - il a agi lorsqu'il a

 13   eu connaissance de cela. Prenons un exemple qui définit bien les événements

 14   : le 11 juillet, le premier collège du 11 juillet 1992, c'est à ce moment-

 15   là que Mico Stanisic a obtenu des informations sur le fait que des crimes à

 16   grande échelle étaient en train d'être commis. Qu'a-t-il fait ensuite ? Eh

 17   bien, le 2 juillet [comme interprété], il répond à Karadzic; le 18 juillet,

 18   il écrit une lettre au ministre Djeric. Je fais référence là, pour ma

 19   première référence, au paragraphe 427.8, pièce P00190. Le 19 juillet, il

 20   reçoit un rapport sur la question, pièce 1D00076. Le 19 juillet, Mico

 21   Stanisic a introduit le questionnaire sur les auteurs de crimes de guerre

 22   et a instruit à tous les officiers de police de faire rapport de crimes de

 23   guerre, à remplir le questionnaire contenant, entre autres, l'appartenance

 24   ethnique des auteurs et l'appartenance ethnique de la victime, pièce

 25   1D00063. Le 19 septembre, Mico Stanisic a délivré des règles sur la

 26   responsabilité disciplinaire des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur

 27   de la République serbe en temps de guerre.

 28   Malgré tout cela, si vous regardez les informations obtenues par Mico


Page 101

  1   Stanisic le 11 juillet 1992 conjointement à ses actions lorsqu'il a obtenu

  2   ces informations, on ne peut en aucun cas déduire qu'il était dans l'état

  3   d'esprit de commettre ces crimes ou d'autoriser la commission de ces

  4   crimes.

  5   A cet égard, la Chambre de première instance a établi clairement

  6   qu'elle avait commencé son appréciation de l'état d'esprit de Mico Stanisic

  7   en regardant s'il avait connaissance des crimes commis. Et, là encore,

  8   c'est très important, vous le verrez dans notre réponse à la deuxième

  9   question --

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste dix minutes, Monsieur

 11   Bourgon.

 12   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Alors, je vais passer à la question suivante qui porte sur l'état d'esprit,

 14   justement. Cela est très important et les actions entreprises pour

 15   s'opposer aux unités paramilitaires partout en Bosnie, pas seulement dans

 16   une seule région, mais partout.

 17   L'opposition de Mico Stanisic à l'utilisation de forces paramilitaires lui

 18   a coûté cher. Il s'est opposé à Biljana Plavsic et a été considéré comme un

 19   traître. Il a mis en péril sa famille. Donc, les choses ont été bien au-

 20   delà que d'être uniquement un personnage impopulaire. Un ministre qui prend

 21   de telles actions dans ces circonstances, eh bien, on ne peut pas dire de

 22   lui qu'il avait une intention de commettre une entreprise criminelle

 23   commune.

 24   Enfin, je vais regarder les ordres qui se trouvent au compte rendu et au

 25   dossier que la Chambre de première instance a cité, mais dont elle n'a pas

 26   tenu compte s'agissant de l'état d'esprit.

 27   Et pour toutes ces raisons, il est clair, en tout cas pour nous,

 28   l'état d'esprit de la déduction qu'il avait partagé est faux parce qu'il


Page 102

  1   n'y a aucune conclusion raisonnable que l'on puisse tirer à la lumière des

  2   éléments de preuve.

  3   Alors, la question de savoir, comme l'a demandé la Chambre d'appel,

  4   s'il y a eu des conclusions. Eh bien, dans l'affaire contre Zupljanin, une

  5   date a été citée à laquelle il aurait été animé de cet état d'esprit. Pour

  6   Stanisic, il n'y a pas de date qui a été fixée. Si nous essayons de trouver

  7   sur cette sur la base des éléments de preuve, nous n'en trouverons pas.

  8   Donc, il est impossible d'en établir une, et cela est essentiel. Si vous ne

  9   pouvez pas identifier la date à laquelle l'état d'esprit a commencé, eh

 10   bien, vous ne pouvez pas avoir une incidence directe sur les condamnations,

 11   en tout cas pour les chefs 1, 4 et 6.

 12   Je vais passer la parole à présent à mon confrère qui va pouvoir

 13   parler de la question numéro 2.

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je suis conscient

 15   de l'heure qu'il est. Ce n'est pas tout à fait ce que nous avons convenu,

 16   mais je vais faire de mon mieux pour y arriver.

 17   Je vais parler maintenant de l'élément 2 de la première question, à

 18   savoir indication des éléments de preuve et conclusions de la Chambre de

 19   première instance qui réfute les conclusions adoptées pour ce qui est de la

 20   contribution de Stanisic à l'entreprise criminelle commune. La Chambre de

 21   première instance n'a pas conclu directement et expressément du fait que

 22   Stanisic ait contribué de façon significative à l'entreprise criminelle

 23   commune.

 24   Je n'ai pas assez de temps, Messieurs les Juges, mais tous nos

 25   arguments oraux, pour ce qui est du motif d'appel numéro 6 dans le mémoire

 26   en appel, se trouvent dans les écrits. Je vais seulement me concentrer sur

 27   un certain nombre des éléments. Il s'agit des erreurs de fait qui ont été

 28   commises et nous avons abordé le sujet dans nos écritures.


Page 103

  1   Je vais maintenant me limiter à quatre cas concrets d'erreurs

  2   commises dans le jugement rendu. Une erreur se trouve au paragraphe 733, la

  3   Chambre a erré en constatant qu'il savait à partir du 1er avril 1992,

  4   Stanisic avait procédé à des nominations cruciales au sein du MUP de la RS

  5   et qu'il avait le seul à avoir l'autorité de procéder à des nominations de

  6   chefs de CSB et de SJB. Mico Stanisic n'avait pas été le seul à avoir cette

  7   autorité ou ces compétences-là. Tout d'abord, ces personnes ont été postées

  8   à ces fonctions par le ministre de la Bosnie-Herzégovine, à savoir M.

  9   Delimustafic, et ils seraient restés à ces postes que M. Stanisic ait fait

 10   quelque chose ou pas.

 11   Ensuite, au paragraphe 695, la Chambre de première instance a considéré

 12   qu'en vertu des règlements modifiés, en septembre 1992 par les soins de

 13   Mico Stanisic, constituent les premiers éléments de preuve du point de vue

 14   d'un raisonnement juridique qui font que Mico Stanisic avait été le seul à

 15   avoir l'autorité de prononcer des mesures de discipline ou démettre de

 16   leurs fonctions des chefs de poste. Et cela serait entré en application en

 17   septembre 1992. Je fais référence au Témoin Kovac, à la page 27 238 du

 18   compte rendu d'audience, paragraphes 14 à 695 du jugement rendu, et il

 19   s'agit notamment de la pièce 1D54.

 20   La deuxième erreur se trouve au paragraphe 739, où on a considéré que

 21   Karadzic avait demandé à Mico Stanisic le 1er juillet de le faire; or, on

 22   indique que le MUP de la RS n'était pas intervenu pour ce qui est des

 23   nominations dans les rangs de l'armée pour ce qui est d'accomplissement de

 24   missions au combat. Et la confirmation de l'erreur se trouve au justement

 25   au paragraphe 591, où l'on voit que Karadzic aurait donné des ordres à Mico

 26   Stanisic en sa qualité de commandant suprême. Par la suite, Stanisic a

 27   demandé à ce que soient ramené à leurs postes des personnes. Il s'agit des

 28   éléments de preuve 1D99, 1D100, et le témoignage du Témoin Borovcanin.


Page 104

  1   Messieurs les Juges, je vais parler maintenant d'un autre aspect. Il est

  2   question du problème d'identification d'agissements concrets. La Chambre de

  3   première instance n'a pas identifié un seul acte concret qui serait

  4   attribué à Stanisic où il serait démontrer qu'il avait contribué à la JCE,

  5   entreprise criminelle commune. Et s'agissant maintenant des agissements

  6   concrets, la Chambre s'est penchée sur le rôle qui avait été le sien, celui

  7   du ministre de l'Intérieur. Mais quand on se penche sur les agissements

  8   concrets, on voit qu'il est réfuté toute participation à l'entreprise

  9   criminelle commune.

 10   Je vais maintenant faire référence à l'argumentation présentée tout à

 11   l'heure par mon collègue. En effet, la Chambre de première instance a omis

 12   de démontrer que Stanisic avait eu l'intention de commettre ce qui fait

 13   partie de la catégorie 1 de l'entreprise criminelle commune. Pour ce qui

 14   est des autres rôles qui ont été effectués ou joués par Stanisic, il y a un

 15   élément qui est en commun : dans tout cas de figure, il s'agit

 16   d'agissements de sa part qui n'ont rien à voir avec l'entreprise criminelle

 17   commune. En sus, la Chambre a considéré que Stanisic n'avait pas fait assez

 18   pour ce qui est d'empêcher l'entreprise criminelle commune.

 19   Et la Chambre a considéré que cela avait été une omission; or,

 20   l'omission ne se trouve pas être liée à une responsabilité en soi. La

 21   Chambre, si elle avait considéré de façon appropriée les omissions dans ce

 22   contexte-ci, elle aurait pu, au plus, considérer qu'il s'agissait

 23   d'omissions punissables en soi, mais cela n'avait pas été des crimes et

 24   encore moins une contribution à l'entreprise criminelle commune.

 25   Compte tenu des conclusions pour ce qui est de la contribution de

 26   Stanisic à l'entreprise criminelle commune, en donnant toute une série

 27   d'ordres pour empêcher la perpétration de crimes, et on lui a reproché de

 28   ne pas en avoir fait assez, cela démontre que la Chambre de première


Page 105

  1   instance n'a pas démontré quel a été le cumul d'agissements ou de non-

  2   agissements pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune.

  3   Et ceci a été considéré comme étant une contribution, et c'est en

  4   ceci est unique, et c'est là que la Chambre d'appel s'est penchée sur les

  5   erreurs de fait et sur les erreurs autres commises par la Chambre de

  6   première instance. On parle d'effet cumulé des ordres de Stanisic et pour

  7   savoir quels sont les critères de contribution, et ces critères n'existent

  8   pas.

  9   Je vais maintenant me pencher sur ce que nous avons déjà présenté

 10   comme argument. Il n'est point de doute que cette contribution doit être

 11   prise en considération avec le mens rea. Par conséquent, la première des

 12   démarches à faire, c'est de savoir quel est l'état d'esprit qui a été mis

 13   en place et de quelle façon cet état d'esprit a contribué à l'entreprise

 14   criminelle commune, donc avant qu'il y ait eu formation d'un état d'esprit,

 15   il eut fallu avoir des critères pour ce qui est de l'entreprise criminelle

 16   commune.

 17   Or, la Chambre a omis d'identifier le moment où Mico Stanisic aurait

 18   formé son mens rea, et la Chambre d'appel ne saurait identifier le moment

 19   où il a commencé à contribuer à l'entreprise criminelle commune. Par

 20   conséquent, il convient d'annuler les condamnations pour ce qui est des

 21   chefs 1, 4 et 6.

 22   Messieurs les Juges, il me reste quelques minutes et, étant donné que

 23   nous avons des difficultés techniques, je pense que vous allez vous en

 24   souvenir.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais la cassette prendra fin dans

 26   quatre minutes, de toute façon.

 27   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci.

 28   Nous voudrions demander aux Juges de la Chambre d'appel de prendre en


Page 106

  1   considération nos arguments pour ce qui est des apparences de partialité

  2   pour ce qui est d'être favorable à la condamnation des leaders quant aux

  3   crimes commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune, même quand

  4   il n'y a pas de mens rea.

  5   Et lorsque la Chambre d'appel aura conclu de la présomption d'impartialité

  6   ou de partialité liée au Juge Harhoff, il est indispensable, de notre avis,

  7   de constater qu'il y a eu partialité, il ne serait point nécessaire d'aller

  8   au-delà. Or, si la Chambre de première instance estime que le Juge Harhoff

  9   n'a pas fait preuve de partialité, il va falloir prendre en considération

 10   les autres motifs d'appel.

 11   Comme vous avez pu le voir dans nos arguments d'aujourd'hui, nous

 12   nous sommes concentrés sur ce que nous avons considéré comme étant des

 13   erreurs commises par la Chambre de première instance lorsqu'elle a conclu

 14   du fait que Mico Stanisic avait partagé le mens rea nécessaire à

 15   l'entreprise criminelle commune et nous avons également pris en

 16   considération les erreurs alléguées commises par la Chambre de première

 17   instance pour ce qui est de la contribution de Mico Stanisic à l'entreprise

 18   criminelle commune.

 19   Nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur les autres fondements de

 20   notre appel, mais nous maintenons les arguments présentés par écrit, et

 21   nous demanderions aux Juges de la Chambre d'appel de se pencher sur les

 22   éléments présentés dans notre mémoire en appel.

 23   En particulier, je voudrais attirer l'attention des Juges de la

 24   Chambre d'appel sur les motifs qui ont été pris en considération pour ce

 25   qui est du prononcé de la peine. D'abord, il y a des erreurs techniques

 26   auxquelles on peut remédier et qui peuvent nous mener à une diminution de

 27   la peine prononcée; deuxièmement, la peine prononcée n'est pas

 28   raisonnablement évaluée parce que nous considérons que tous ces éléments


Page 107

  1   n'ont pas été pris en considération.

  2   La conclusion qui devrait s'imposer, au cas où la Chambre d'appel

  3   confirmerait les conclusions des Juges de la Chambre de première instance

  4   en disant que Mico Stanisic a fait partie de l'entreprise criminelle

  5   commune, nous serions d'avis qu'il ne pourrait être ignoré la prise en

  6   considération de tous les éléments de preuve au dossier et estimé que nous

  7   sommes loin d'avoir autant d'éléments de culpabilité pour ce qui est d'une

  8   peine de 22 ans, qui devrait être dramatiquement réduite.

  9   Messieurs les Juges, ceci met un terme aux motifs d'appel pour ce qui est

 10   de Mico Stanisic et, à moins qu'il n'y ait des questions à poser, nous

 11   céderions le micro à l'Accusation. Merci, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Zecevic.

 13   M. ZECEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, il n'y a pas de questions de la

 15   part des Juges de la Chambre d'appel. Nous allons faire une pause, et nous

 16   allons reprendre à 11 heures. Merci.

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.

 18   --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] L'Accusation, vous disposez de 60

 20   minutes.

 21   M. SCHNEIDER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 22   les Juges. Je m'appelle Todd Schneider, et je représente l'Accusation.

 23   Messieurs les Juges, aujourd'hui, je vais traiter de questions spécifiques

 24   relatives à Mico Stanisic en répondant aux arguments de la Défense qui

 25   viennent d'être évoqués. Ma confrère, Mme Baig, va ensuite poser des

 26   questions au sujet de la réponse par e-mail du Juge Harhoff. Quant au reste

 27   des arguments de la Défense aujourd'hui et à leur pourvoi en appel, nous

 28   nous appuierons sur notre mémoire en réponse.


Page 108

  1   Messieurs les Juges, en tant que ministère de l'Intérieur, Mico Stanisic a

  2   déployé sa police dans le but d'enfreindre la loi plutôt que de la faire

  3   respecter, en visant les non-Serbes plutôt qu'en les protégeant, et dans la

  4   poursuite de l'entreprise criminelle commune, afin d'expulser de façon

  5   permanente les non-Serbes de la Republika Srpska et de mettre en place un

  6   Etat serbe aussi pure que possible sur le plan ethnique. Il n'était pas

  7   simplement en train de remplir ses fonctions de ministre, comme la Défense

  8   l'a invoqué aujourd'hui, dans le but de réaliser un objectif politique

  9   légitime. Stanisic a joué un rôle central dans la campagne de nettoyage

 10   ethnique en même temps que les autres membres de l'entreprise criminelle

 11   commune à laquelle il appartenait, Radovan Karadzic, Stojan Zupljanin, et

 12   d'autres. La Chambre de première instance a conclu à juste titre qu'il

 13   était membre de cette entreprise criminelle commune.

 14   Je concentrerai mon propos aujourd'hui sur vos questions. Je m'écarterai

 15   légèrement de l'ordre prévu et me concentrerai d'abord sur la deuxième

 16   partie de la question 1 concernant la conclusion de la Chambre de première

 17   instance au sujet de l'intention et de la contribution de Stanisic dans le

 18   cadre de l'entreprise criminelle commune. Je consacrerai le plus gros de

 19   mon temps à répondre à cela. Ensuite, je répondrai à vos questions numéros

 20   2 et 3 au sujet des questions de calendrier, et je traiterai finalement de

 21   la première partie de la question A concernant la resubordination.

 22   Commençons donc par la deuxième partie de la première question, identifier

 23   les éléments de preuve et les conclusions à l'appui des conclusions de la

 24   Chambre de première instance dans le Volume 2, paragraphes 729 à 769,

 25   concernant la contribution de Stanisic et l'intention partagée qui était la

 26   sienne de faire progresser les objectifs de l'entreprise criminelle

 27   commune. Les conclusions de la Chambre de première instance reposaient sur

 28   toute une série d'éléments de preuve et sur des conclusions et des éléments


Page 109

  1   de preuve détaillant le rôle important joué par Stanisic au sein de

  2   l'entreprise criminelle commune. Ces éléments montraient, d'abord, la

  3   contribution importante et très vaste de Stanisic, qui a utilisé en

  4   particulier sa police pour expulser des non-Serbes; et deuxièmement, le

  5   fait qu'il partageait l'intention de l'entreprise criminelle commune.

  6   Donc, je parlerai d'abord des conclusions de la Chambre de première

  7   instance concernant sa contribution importante. Comme l'a conclu la Chambre

  8   de première instance, Stanisic a contribué à l'entreprise criminelle

  9   commune en utilisant les forces de police sous son commandement pour

 10   avancer vers l'objectif criminel commun.

 11   Je couvrirai aujourd'hui quatre exemples de ses contributions sur

 12   lesquels s'est appuyée la Chambre de première instance. D'abord, il a joué

 13   un rôle central dans la création des institutions bosno-serbes et des

 14   politiques bosno-serbes. Ensuite, il a utilisé sa police dans les prises de

 15   contrôle et les campagnes de violence qui s'en sont suivies. Ceci incluait

 16   en troisième point le fait de veiller à ce que ces groupes jouent un rôle

 17   important dans les détentions illégales de masse. Et quatrièmement, il a

 18   veillé à ce que sa police ferme les yeux sur les crimes commis contre des

 19   non-Serbes. Contrairement aux arguments de la Défense présentés

 20   aujourd'hui, sa contribution n'a pas reposé uniquement sur le rôle qui

 21   était le sien en tant que ministre.

 22   Commençons par sa première contribution, Stanisic a joué un rôle central

 23   dans la création des institutions bosno-serbes et de ses politiques. La

 24   Chambre de première instance s'est raisonnablement appuyée sur ce fait

 25   comme constituant une de ses contributions importantes parce que, par ses

 26   actions, des politiques de haut niveau ont été mises en place et la police

 27   a été créée pour appliquer l'entreprise criminelle commune; Volume 2,

 28   paragraphes 734 et 769. Stanisic était un membre crucial des autorités


Page 110

  1   douées de pouvoirs de décision au sein des Serbes de Bosnie; Volume 2,

  2   paragraphe 732. Les dirigeants bosno-serbes se sont tournés vers lui à

  3   plusieurs reprises lorsqu'ils étaient en train de mettre en place les plus

  4   importantes institutions des Serbes de Bosnie. Il a été un membre fondateur

  5   du SDS. Il était membre du Conseil des ministres de la Republika Srpska

  6   depuis le début, même chose pour le Conseil de sécurité nationale, et ce

  7   qui est encore plus important dans la présente affaire, il était ministère

  8   de l'Intérieur et chef des forces de police; Volume 2, paragraphes 144, 542

  9   et 549.

 10   Dans chaque poste qu'il a occupé, aux côtés d'autres membres de

 11   l'entreprise criminelle commune, aux fins de mettre en place des politiques

 12   et des structures destinées à l'application de l'objectif criminel commun,

 13   Stanisic a participé au premier Conseil des ministres le 11 janvier 1992,

 14   au moment où le conseil a établi en tant que priorité la "définition du

 15   territoire ethnique." Volume 2, paragraphe 551. Comme l'a conclu la Chambre

 16   de première instance, la définition d'un territoire ethnique implique de

 17   "prendre de force le contrôle sur des territoires." Volume 2, paragraphe

 18   310.

 19   Et puis, le 11 février 1992, Stanisic a participé à une réunion collégiale

 20   des Serbes, dont l'objectif consistait à créer la police de la Republika

 21   Srpska; Volume 2, paragraphe 732. Assistant avec Zupljanin et d'autres

 22   dirigeants importants à cette réunion, le but était de mettre en œuvre

 23   l'entreprise criminelle commune. A cette réunion, Stanisic a expliqué à

 24   chacun la position du Conseil des ministres de la Republika Srpska sur les

 25   territoires de Bosnie qui "sont sous contrôle serbe, et ce contrôle doit

 26   être ressenti." Volume 2, paragraphe 555. Et, en fait, la police de

 27   Stanisic a joué un rôle-clé dans l'établissement du contrôle serbe et le

 28   fait que celui-ci soit ressenti, mais afin d'agir de la sorte, il avait


Page 111

  1   besoin des bonnes personnes pour faire le travail. Il a nommé à des postes-

  2   clés un certain nombre de personnes dont la Chambre a conclu qu'ils étaient

  3   membres de l'entreprise criminelle commune, y compris Zupljanin, à partir

  4   du 1er avril 1992; Volume 2, paragraphes 579 et 744.

  5   "Les voleurs et les criminels", comme Stanisic les décrivait, ont été

  6   acceptés au sein des forces de police de réserve dès les premiers jours de

  7   la création de cette réserve; Volume 2, paragraphe 600. Et il a purgé les

  8   forces de police des Musulmans et des Croates; Volume 2, paragraphes 576 à

  9   577 et paragraphe 738. Avec les bonnes personnes en place, Stanisic était

 10   prêt --

 11   L'INTERPRÈTE : Interruption pour problème technique. Les interprètes d'une

 12   autre cabine disent qu'ils n'entendent pas l'orateur.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Je vous remercie.

 14   Eh bien, procédons à présent, puisque le problème semble réglé, et je

 15   demande à M. Zupljanin de nous faire connaître le problème s'il se

 16   reproduit.

 17   Même chose pour M. Stanisic.

 18   M. SCHNEIDER : [interprétation] Avec les bonnes personnes en place,

 19   Stanisic était prêt à utiliser sa police pour mettre en place l'entreprise

 20   criminelle commune, et c'est exactement ce qu'il a fait, ce qui m'amène à

 21   sa contribution suivante.

 22   Stanisic a utilisé sa police dans les prises de contrôle de territoires et

 23   il s'en est suivi des campagnes de persécution et de violence contre les

 24   non-Serbes. La Chambre de première instance s'est raisonnablement appuyée

 25   sur ce fait en tant que partie de sa contribution significative parce que

 26   les prises de contrôle et ces conséquences violentes ont eu pour résultat

 27   un exode de masse des non-Serbes; Volume 2, paragraphe 737.

 28   Stanisic et sa police ont été impliqués depuis le début, ils ont même joué


Page 112

  1   dès le début un rôle critique pour le succès des prises de contrôle de

  2   territoires. La police a eu le rôle central dans les instructions,

  3   variantes A et B, l'objectif principal de ces instructions était de

  4   préparer les Serbes de Bosnie de la région à la prise de pouvoir au sein

  5   des municipalités. La police, avant la création de la VRS, était également

  6   la seule force armée directement et exclusivement contrôlée par les

  7   dirigeants de la Republika Srpska, et 14 des municipalités prises en compte

  8   en l'espèce ont été reprises avant la création de la VRS. C'est la raison

  9   pour laquelle j'ai fait remarquer ce point aux paragraphes 57, 310, 731 et

 10   741 du Volume 2.

 11   Comme l'a écrit Stanisic dans une lettre du 18 avril 1992, juste trois

 12   semaines après le début des prises de contrôle, la police contrôlait déjà

 13   près de 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine; pièce à conviction

 14   P54, page 2. Et elle le faisait à la demande de Stanisic, le plus haut

 15   commandant des forces de police de la Republika Srpska.

 16   Stanisic a continuellement utilisé ses pouvoirs en tant que chef de la

 17   police pour mettre les ressources de la police au service d'une opération

 18   armée conjointe avec la VRS pendant les prises de contrôle et leurs

 19   conséquences. Par exemple, le 15 mai 1992, il a émis un ordre spécifique.

 20   Cet ordre stipulait que la police serait organisée en unités de temps de

 21   guerre et indiquait que la police participerait à une action coordonnée

 22   avec les forces armées. Cet ordre reflétait son commandement et son

 23   contrôle car il précisait que Stanisic ou un haut responsable avait

 24   autorité sur la participation de la police au combat pour l'autoriser et

 25   exigeait que le ministre soit informé des dépliements; Volume 2,

 26   paragraphes 758 et 739. Stanisic a agi en conséquence de cet ordre pendant

 27   le reste de 1992 en approuvant constamment les déploiements proposés de la

 28   police; Volume 2, paragraphes 594, 743, et des exemples de cela se trouvent


Page 113

  1   dans notre mémoire en réponse au paragraphe 128.

  2   Stanisic n'a pas admis une quelconque limite à l'utilisation de sa police

  3   dans les premières prises de contrôle. Même après que les forces serbes ont

  4   pris un certain nombre de municipalités, sa police a continué à faire

  5   partie de la campagne de violence destinée à expulser les non-Serbes, à les

  6   contraindre au départ. Je vais vous en donner un exemple. Le peloton

  7   spécial de la police de Dusko Malovic était personnellement commandé par

  8   Stanisic. En décembre 1992, cette unité a tué 21 Musulmans à Bijeljina dans

  9   le cadre d'un plan destiné à semer la terreur parmi la population

 10   musulmane. Néanmoins, comme la Chambre de première instance l'a conclu, des

 11   responsables de haut vol de la police ont essayé de couvrir ces crimes;

 12   Volume 2, paragraphes 601 à 603, et Volume 1, paragraphes 894 à 895.

 13   Donc, je vais maintenant parler de sa deuxième contribution : Stanisic a

 14   utilisé sa police pour arrêter, mettre en détention, et finalement expulser

 15   les non-Serbes. Pour être clair, ceci est une sous-partie importante de sa

 16   contribution précédente, utiliser sa police dans les prises de contrôle et

 17   les violences qui s'en sont suivies, mais il est plus aisé de discuter des

 18   deux points séparément.

 19   La Chambre de première instance a eu raison de s'appuyer sur le fait que

 20   Stanisic ait utilisé sa police dans les mises en détention illégales parce

 21   que ces détentions font partie des moyens de violation des lois qui ont

 22   provoqué l'exode de masse des non-Serbes; Volume 2, paragraphes 737 et 761.

 23   La police de Stanisic a pris sa part à des arrestations massives, à des

 24   détentions, et à des abus massifs de toutes sortes. Les ressources

 25   importantes de la police ont été consacrées à ces arrestations, détentions,

 26   et interrogatoires de milliers de non-Serbes. Des détenus ont été maintenus

 27   en détention dans au moins de 50 centres de détention sur toute la

 28   Republika Srpska. Dans certains cas, la police a placé en détention des


Page 114

  1   personnes dans les locaux de ses SJB ou dans des installations annexes des

  2   postes de police. Dans d'autres cas, la police a créé, géré et gardé avec

  3   les militaires de tels centres de détention; Volume 2, paragraphes 745, 760

  4   et 761, et nous vous renvoyons également à notre mémoire d'appel,

  5   paragraphe 10.

  6   Stanisic a directement contribué à ce système criminel de détention. Il

  7   aurait pu fermer des centres de détention à certains moments; Volume 2,

  8   paragraphe 761. Mais il a choisi de ne pas le faire. Au lieu de cela, il a

  9   attendu jusqu'à ce que la communauté internationale fasse connaître sa

 10   révolte et que celle-ci devienne si grande qu'il soit contraint de faire

 11   quelque chose et, à ce moment-là, il a émis des ordres qui n'ont jamais été

 12   suivis.

 13   Les conséquences pour les non-Serbes ont été horrifiantes. La police, aux

 14   côtés d'autres forces, a placé en détention illégalement et violemment

 15   maltraité des milliers de non-Serbes. Elle les a maintenus dans des

 16   conditions inhumaines, notamment dans des endroits qui n'avaient jamais été

 17   destinés à une détention de prisonniers. Les détenus ont été frappés de

 18   façon horrifiante, même au point d'en mourir, ou ont été simplement

 19   exécutés, et des prisonniers ont été violés et ont subi des violences

 20   sexuelles. Voir les conclusions rassemblées dans notre mémoire en appel,

 21   paragraphes 10 à 24.

 22   Je parlerai maintenant de la dernière forme de contribution qui est la

 23   sienne : la police discriminatoire de Stanisic qui a créé un climat

 24   d'impunité au sein de la police et un climat d'insécurité au sein de la

 25   population non-serbe.

 26   La Chambre de première instance a eu raison de s'appuyer sur cette partie

 27   de sa contribution importante parce que ce climat d'impunité et

 28   d'insécurité n'a laissé aucun choix aux non-Serbes autre que la fuite;


Page 115

  1   Volume 2, paragraphes 745, 757 et 758.

  2   Qu'est-ce que je veux dire lorsque je parle de "police discriminatoire" ?

  3   Eh bien, je parle de la façon dont Stanisic a établi les priorités des

  4   enquêtes liés à des crimes contre des Serbes pendant qu'ils fermaient les

  5   yeux sur des crimes commis contre les non-Serbes, qu'ils aient été commis

  6   par des membres de sa propre police ou par d'autres auteurs.

  7   Je rappelle les conclusions très vastes sur ce plan de la Chambre de

  8   première instance. Dans toute la Republika Srpska, la police et les

  9   procureurs ont opéré d'une façon discriminatoire en ne rapportant pas ou en

 10   minimisant la gravité des crimes commis par des auteurs serbes contre les

 11   non-Serbes; Volume 2, paragraphes 104 et 745. Ceci se constate également

 12   dans les registres criminels de la police de la Republika Srpska à partir

 13   de 1992, ainsi que dans les registres concernant les civils et les

 14   militaires dans la même époque, qui contiennent tous des enregistrements de

 15   ce genre de crimes; Volume 2, paragraphes 34 et 35, paragraphes 96 à 98, et

 16   paragraphe 101.

 17   Stanisic a joué un rôle important, un rôle de direction dans cette

 18   action discriminatoire de la police qui a créé l'insécurité parmi la

 19   population non-serbe. Il a émis à de nombreuses reprises des ordres

 20   destinés à ce que des enquêtes soient menées sur des crimes contre les

 21   Serbes uniquement; Volume 2, paragraphes 723, 727, et 758. Et nous venons

 22   de mettre en exergue un exemple, celui du 16 mai 1992, un ordre émanant de

 23   lui, qui constitue la pièce P173, discuté dans le Volume 2, paragraphe 723.

 24   Dans cet ordre, Stanisic écrit :

 25   "Les mesures et les activités conduites en vue de documenter les

 26   crimes de guerre exigent que soient recueillies des informations et des

 27   documents concernant les crimes de guerre commis contre les Serbes", je

 28   répète, "contre les Serbes." Parce que c'est de cela que Stanisic


Page 116

  1   s'occupait vraiment. En revanche, Stanisic n'a pas agi de façon décisive

  2   lorsque les victimes étaient des non-Serbes; Volume 2, paragraphe 757.

  3   Comme la Défense l'a fait remarquer aujourd'hui, il s'en est suivi la

  4   création d'une unité paramilitaire notoire, les Guêpes jaunes; et

  5   contrairement aux arguments de la Défense, il a suivi ce groupe parce que

  6   les membres de ce groupe refusaient de se soumettre au commandement de

  7   l'armée, et parce qu'ils ont attaqué un responsable de la Republika Srpska,

  8   qui n'a pas été poursuivi pour crime de guerre.

  9   On trouve des citations relatives aux conclusions dont je viens de discuter

 10   dans le Volume 2, paragraphe 713 à 715 et paragraphe 756.

 11   Stanisic a été chargé de recueillir des informations au sujet des Musulmans

 12   et d'autres personnes qui quittaient la Republika Srpska; Volume 2,

 13   paragraphes 627 et 650. En dépit de cela, il n'a pris aucune mesure

 14   décisive par rapport aux expulsions de masse et a omis de prendre des

 15   mesures décisives contre les crimes liées à mises en détention; Volume 2,

 16   paragraphe 757.

 17   Par ailleurs, Stanisic a promu la création d'un climat d'impunité au sein

 18   de la police, en tout cas en ce qui concernait les crimes commis contre les

 19   non-Serbes. Oui, il a imposé des mesures disciplinaires et démis de leurs

 20   fonctions des membres de sa police, mais c'était pour des vols et pour des

 21   fautes professionnelles dans le cadre de la protection d'autres personnes

 22   que les Musulmans. Il n'a pas émis de sanctions disciplinaires pour des

 23   personnes qui suivaient les objectifs de l'entreprise criminelle commune;

 24   Volume 2, paragraphes 698 à 708, et 754.

 25   A travers cette action discriminatoire, il a fait la promotion d'un crime

 26   contre l'humanité, le crime d'impunité. Contrairement à ce qu'avance la

 27   Défense, il ne s'est pas agi simplement d'omission de la part de Stanisic

 28   en l'espèce.


Page 117

  1   Pour résumer ce que je viens de dire, étant donné que Stanisic a créé les

  2   institutions et mis en place les politiques des Serbes de Bosnie, étant

  3   donné la façon dont il a utilisé sa police dans les prises de contrôle de

  4   territoire et les violences qui s'en sont suivies, étant donné les mises en

  5   détention illégales, et le fait que l'insécurité s'est répandue, il a été

  6   le promoteur d'un crime contre l'humanité, crime d'impunité et

  7   d'insécurité. La Chambre de première instance a donc eu raison de conclure

  8   que Stanisic a largement contribué à l'entreprise criminelle commune.

  9   J'aimerais maintenant, dans le cadre de votre question numéro 1, dans sa

 10   deuxième partie, parler de l'intention partagée dans le cadre de

 11   l'entreprise criminelle commune, et du fait qu'il la partageait. La Chambre

 12   de première instance a conclu que Stanisic partageait l'intention de

 13   l'entreprise criminelle commune : par la mise en place d'un certain nombre

 14   de politiques; par sa relation étroite avec Karadzic, président du SDS; par

 15   le fait que Stanisic a agi avec le criminel violent Arkan; par le fait de

 16   ses contributions de longue durée à l'entreprise criminelle commune en

 17   dépit de sa connaissance de la commission d'un crime. Contrairement aux

 18   arguments de la Défense aujourd'hui, il n'a pas été conclu automatiquement

 19   qu'il était membre de l'entreprise criminelle commune uniquement sur la

 20   base du fait qu'il était ministre. Les conclusions de la Chambre de

 21   première instance ne se sont pas appuyées uniquement sur ses connaissances

 22   de la situation.

 23   Je renvoie au premier point, première série de conclusions, qui

 24   concernent l'engagement de longue durée de Stanisic par rapport aux

 25   politiques du SDS. La Chambre de première instance a eu raison de s'appuyer

 26   sur ces éléments pour contribuer à démontrer son intention partagée; Volume

 27   2, paragraphes 767 et 769.

 28   Comme la Chambre de première instance l'a conclu, la structure du SDS


Page 118

  1   partageait et travaillait dans le sens de l'objectif consistant à établir

  2   un Etat serbe aussi pur que possible sur le plan ethnique par le truchement

  3   d'expulsions permanentes de non-Serbes; Volume 2, paragraphe 311. Les mots

  4   de Stanisic montrent qu'il partageait cet objectif et l'intention de

  5   l'entreprise criminelle commune. Comme il l'a admis lui-même dans un

  6   discours prononcé en novembre 1992, il a constamment suivi les politiques

  7   de la présidence du SDS et de ces représentants au sein de l'Etat. "Ceux

  8   qui souhaitent me séparer de ceux qui ont commis une erreur." Volume 2,

  9   paragraphe 570 et également paragraphe 734.

 10   Au moment où Stanisic a prononcé son discours du mois de novembre, la

 11   signification des politiques du SDS dans la pratique était évidente pour

 12   tous ceux qui avaient déjà été touchés par ces politiques. Plus de 100 000

 13   non-Serbes avaient été contraints au départ, des milliers avaient tués ou

 14   subi des outrages. Contrairement aux affirmations de la Défense aujourd'hui

 15   qui tentent de faire passer tout cela pour un objectif politique légitime.

 16   Mon point suivant concerne les rapports étroits entretenus par

 17   Stanisic avec Karadzic sur lesquels la Chambre de première instance s'est

 18   raisonnablement appuyée pour contribuer à démontrer qu'il partageait

 19   l'intention de l'entreprise criminelle commune; Volume 2, paragraphe 769.

 20   Karadzic présidait le SDS et était le principal décideur au sein des

 21   dirigeants des Serbes de Bosnie. Il est devenu président de la présidence;

 22   Volume 2, paragraphes 132, 136 et 137.

 23   Grâce à sa position de dirigeant, Karadzic était le personnage-clé dans la

 24   mise en place des politiques de persécution dues aux dirigeants des Serbes

 25   de Bosnie. Par exemple, il a menacé en public le peuple musulman d'une

 26   extinction possible si la Bosnie-Herzégovine déclarait son indépendance. En

 27   mars 1992, juste après le conflit, Karadzic a annoncé une guerre qui

 28   entraînerait sous la contrainte et de façon sanglante le transfert de


Page 119

  1   minorités et la création de régions ethniquement homogènes au sein de la

  2   Bosnie-Herzégovine; Volume 2, paragraphes 161 et 179.

  3   Stanisic était proche de Karadzic depuis le début de 1991. Ils étaient si

  4   proches qu'il était surnommé l'homme de Radovan. Le dévouement de Stanisic

  5   à Karadzic a servi à mettre en place les institutions de haut niveau de la

  6   Republika Srpska, telle que le Conseil de sécurité nationale; Volume 2,

  7   paragraphe 144. Et en qualité de ministère de l'Intérieur, Stanisic a

  8   souvent contourné les canaux officiels pour communiquer directement avec

  9   Karadzic et la présidence; Volume 2, paragraphes 565 à 570 et paragraphe

 10   730.

 11   Stanisic ne s'est jamais écarté de sa loyauté vis-à-vis de Karadzic et ses

 12   politiques, y compris à la suite des crimes massifs et systématiques commis

 13   sous la direction globale de Karadzic, le prouvent. Ceci est un indicateur

 14   très clair que Stanisic partageait l'intention de l'entreprise criminelle

 15   commune.

 16   Mon troisième point est le suivant, l'action de Stanisic auprès d'Arkan sur

 17   laquelle la Chambre de première instance s'est raisonnablement appuyée pour

 18   démontrer qu'il partageait l'intention de l'entreprise criminelle commune;

 19   Volume 2, paragraphe 768. Stanisic a approuvé Arkan et ses hommes dans les

 20   actes violents notoires qu'ils commettaient et a aidé aux prises de

 21   contrôle en échange de l'admission par Stanisic de l'action des hommes

 22   d'Arkan et du fait qu'ils pouvaient s'emparer de tous les biens sur

 23   lesquels ils voulaient faire main basse; Volume 2, paragraphe 710.

 24   Pendant les prises de contrôle, les hommes d'Arkan ont commis des crimes

 25   horrifiants. La Défense met en cause les éléments de preuve concernant ce

 26   point dans notre mémoire en réponse aux paragraphes 51 à 53. Etant donné

 27   que la Chambre a eu raison de conclure que Stanisic a conclu un tel accord

 28   avec Arkan et ses hommes, elle a également conclu à juste titre que c'était


Page 120

  1   un indicateur très fort du fait qu'il partageait l'intention criminelle.

  2   Le dernier point dont je parlerai, c'est la façon dont Stanisic a sans

  3   cesse contribué à l'entreprise criminelle commune pendant une période de

  4   temps prolongée, malgré le fait qu'il connaissait l'étendue des crimes

  5   commis contre les non-Serbes. La Chambre de première instance s'est appuyée

  6   à juste titre sur ce point pour prouver qu'il partageait l'intention

  7   criminelle; Volume 2, paragraphes 743, 768 et 769. J'ai déjà évoqué ses

  8   contributions importantes et multiformes.

  9   Je vais maintenant me concentrer sur ce qu'il savait des crimes

 10   contre les non-Serbes grâce à plusieurs canaux d'information, y compris les

 11   diverses sources existant au sein de la police et du gouvernement de la

 12   Republika Srpska, ainsi qu'à partir des médias internationaux et des

 13   organisations internationales; Volume 2, paragraphes 757 et 759.

 14   Avant d'évoquer les rapports spécifiques sur lesquels s'est appuyée la

 15   Chambre de première instance, j'aimerais évoquer les différents canaux

 16   d'information utilisés par Stanisic. Comme la Chambre de première instance

 17   l'a conclu, la structure de la police était telle qu'elle devait établir au

 18   quotidien, hebdomadairement, et trimestriellement des rapports destinés à

 19   informer Stanisic sur ce qui se passait au sein de la Republika Srpska;

 20   Volume 2, paragraphe 690. Le service de sécurité de la police, le SNB,

 21   maintenait le système d'information à jour et rendait compte de toutes les

 22   évolutions au sein des municipalités; Volume 2, paragraphes 26 et 689.

 23   Stanisic a assisté à des réunions communes du Conseil de sécurité nationale

 24   et du gouvernement de la Republika Srpska qui se réunissaient au quotidien

 25   pendant le mois d'avril et le début du mois de mai 1992. A ces réunions,

 26   des décisions ont été prises concernant les activités militaires et de

 27   sécurité et des rapports de combat ainsi que sur la situation politique

 28   étaient présentés; Volume 2, paragraphes 144 et 573. Stanisic faisait


Page 121

  1   également partie du gouvernement de la Republika Srpska et assistait à la

  2   plupart de ses réunions; Volume 2, paragraphe 572.

  3   Au vu des nombreux canaux d'information et de communication dont il

  4   disposait, j'aimerais maintenant évoquer les conclusions de la Chambre de

  5   première instance concernant les rapports spécifiques qu'elle a eu à

  6   connaître au sujet des crimes liés à Stanisic. Par exemple, en avril 1992,

  7   Stanisic a été informé du pillage de propriétés musulmanes par les

  8   réservistes de la police; Volume 2, paragraphe 603. Au début du mois de

  9   mai, il a eu connaissance d'un "comportement indécent" de la part des

 10   réservistes de sa police; Volume 2, paragraphe 613. Au début du mois de

 11   juin, au plus tard, il a été informé de mises en détention illégales de

 12   non-Serbes; Volume 2, paragraphe 762. Cette conclusion s'appuie, entre

 13   autres, sur le fait qu'en juin 1992, Stanisic a assisté à une réunion du

 14   gouvernement de la RS où des questions ont été discutées qui concernaient

 15   le traitement des détenus en rapport avec des plaintes qui évoquaient des

 16   mauvais traitements de la population civile; Volume 2, paragraphes 623 et

 17   763.

 18   A cette époque, les arrestations massives de milliers de Musulmans et de

 19   Croates avaient commencé et l'existence des camps était internationalement

 20   connue; Volume 2, paragraphe 763. Ensuite, le 11 juillet 1992, Zupljanin

 21   rend compte à Stanisic du fait que l'armée et les cellules de Crise avaient

 22   demandé que le plus grand nombre possible de Musulmans soient regroupés, et

 23   Zupljanin dit également que les Musulmans sont placés en détention par la

 24   police dans des camps, dans de très mauvaises conditions, qui ne respectent

 25   pas les normes internationales; Volume 2, paragraphes 631 et 633.

 26   Deux semaines après les rapports de Zupljanin à Stanisic selon lesquels la

 27   police tenait dans un certain nombre de camps plusieurs milliers de

 28   Musulmans et de Croates, y compris des mineurs, des personnes âgées et des


Page 122

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 123

  1   handicapés, Zupljanin propose que les détenus illégalement détenus et non-

  2   Serbes soient utilisés en tant qu'otages; Volume 2, paragraphes 633 et 638,

  3   entre autres.

  4   Comme la Chambre de première instance l'a conclu, les crimes violents

  5   commis contre les non-Serbes, y compris les détentions illégales et les

  6   mauvais traitements illégaux, ont abouti à un déplacement sous la

  7   contrainte de non-Serbes; Volume 2, paragraphe 737. En fait, le déplacement

  8   des non-Serbes a été si important, si massif, que le 4 juillet 1992, lors

  9   d'une réunion du gouvernement de la RS à laquelle assistait Stanisic, la

 10   question a été évoquée de savoir si "des critères faisant l'objet d'un

 11   accord concernant le déplacement de la population musulmane" avaient été

 12   mis en place par la RS. Le ministère de l'Intérieur Stanisic a été chargé

 13   de recueillir des informations sur ce point; Volume 2, paragraphe 627 et

 14   pièce à conviction P236, pages 4 et 5.

 15   Une semaine après cela, Stanisic a appris la réinstallation d'un certain

 16   nombre de "villages de citoyens" et des tentatives visant à charger de

 17   cette mission la police. Peu après, il a reçu un rapport provenant de

 18   Visegrad indiquant que plus de 2 000 Musulmans avaient été déplacés de

 19   manière organisée pendant que la police avait agi de façon manquant de

 20   professionnalisme; Volume 2, paragraphes 627, 632 et 634.

 21   Bien que Stanisic ait eu connaissance des crimes qui n'ont cessé de se

 22   multiplier dans le temps, il a choisi de continuer à contribuer à

 23   l'entreprise criminelle commune. Contrairement aux arguments proposés par

 24   la Défense aujourd'hui, ce sont bien les actions de Stanisic après qu'il

 25   ait eu connaissance de ces crimes qui confirment qu'il partageait

 26   l'intention criminelle.

 27   Donc, pour toutes ces raisons que je viens d'évoquer, la Chambre de

 28   première instance a eu raison de conclure que Stanisic partageait


Page 124

  1   l'intention de l'entreprise criminelle commune et d'émettre les diverses

  2   conclusions en appuyant les divers éléments de preuve dont elle s'est

  3   servie pour aboutir à ses conclusions selon lesquelles Stanisic était bien

  4   membre de l'entreprise criminelle commune. Ceci met un point final à la

  5   réponse de notre part à la deuxième partie de la question 1.

  6   Avant d'évoquer vos autres questions, j'aimerais revenir sur un argument

  7   évoqué par la Défense concernant à la fois le partage de l'intention et la

  8   contribution de Stanisic.

  9   La Défense a dit ici aujourd'hui que Stanisic avait essayé d'arrêter les

 10   crimes commis contre les non-Serbes par le truchement de ses ordres. La

 11   Défense a cité une série d'ordres émis par lui. La Chambre de première

 12   instance, contrairement aux arguments de la Défense, a considéré ces ordres

 13   et elle l'a fait à juste titre comme n'ayant rien qui justifie d'aller

 14   contre les conclusions qu'elle a rendues au sujet du partage de l'intention

 15   et de la contribution importante de Stanisic, et elle a indiqué qu'elle ne

 16   voyait pas pourquoi vous auriez besoin d'avoir ces ordres sous les yeux.

 17   Nombreux sont ces ordres cités aujourd'hui, ainsi que dans le mémoire

 18   en appel de la Défense, qui concernent d'autres catégories de crimes, les

 19   vols, des fautes professionnelles de la police, qui ne sont pas de crimes

 20   graves contre des non-Serbes. D'autres ordres montrent que Stanisic a

 21   transféré les criminels depuis les locaux tenus par les réservistes de la

 22   police jusqu'à des locaux de l'armée, mais comme la Chambre de première

 23   instance l'a conclu à juste titre, ce n'était pas une réponse appropriée

 24   parce que cela signifiait que des criminels notoires continueraient à agir

 25   en rapport avec les civils; Volume 2, paragraphe 751.

 26   Quant aux ordres concernant les crimes commis en détention contre des

 27   détenus, dont la Défense a parlé aujourd'hui, la pression internationale

 28   était telle que certains ordres ont été émis par Stanisic, mais la teneur


Page 125

  1   de ces ordres, les mots indiqués dans ces ordres n'ont jamais été suivi des

  2   faits dans les actions. Donc, Stanisic avait connaissance des crimes commis

  3   contre des détenus qui se sont poursuivis malgré ces ordres; Volume 2,

  4   paragraphes 752 à 753.

  5   Qu'est-ce que j'entends par "actions importantes" ? Eh bien,

  6   examinons les mesures qu'il a prises lorsque les Serbes étaient victimes,

  7   par exemple, s'agissant du groupe paramilitaire les Guêpes jaunes qu'il a

  8   poursuivi pour vols et harcèlement des Serbes, la police a lancé une

  9   opération d'importance en vue de les arrêter après que Stanisic leur avait

 10   donné instruction d'agir dans ce sens; Volume 2, paragraphes 714 et 756.

 11   Un autre exemple des fortes actions de Stanisic, c'est lorsque des

 12   Golf, des voitures de modèle Golf, Volkswagen, ont été volées dans une

 13   usine, Stanisic a organisé une unité destinée à assurer la sécurité des

 14   voitures qui étaient encore dans l'enceinte de cette usine; Volume 2,

 15   paragraphe 708. Aucune mesure de ce genre n'a été prise lorsque des actions

 16   ont été menées contre des non-Serbes, y compris des détentions illégales et

 17   abusives.

 18   Donc, je vais maintenant m'occuper des questions 2 et 3 dans

 19   lesquelles les Juges de la Chambre d'appel ont posé la question de savoir à

 20   quel moment la Chambre de première instance a conclu que Stanisic avait eu

 21   connaissance des crimes, à quel moment elle a conclu qu'il partageait

 22   l'intention de l'entreprise criminelle commune numéro 1, et à quel moment

 23   il a commencé à contribuer à l'entreprise criminelle commune de façon

 24   globale. Je vais traiter de ces questions dans l'ordre inverse, en

 25   commençant par ses contributions, puis son intention, et en évoquant enfin

 26   sa connaissance des crimes.

 27   Commençons par sa contribution. Lorsqu'on parle des contributions de

 28   Stanisic à l'entreprise criminelle commune, la première contribution à


Page 126

  1   laquelle la Chambre de première instance a conclu a été sa participation le

  2   11 février 1992 à une réunion avec Zupljanin et d'autres où des préparatifs

  3   ont été mis en place pour créer la force de police de la RS; Volume 2,

  4   paragraphes 732 et 544 à 555.

  5   Ensuite, l'intention. A quel moment la Chambre a-t-elle conclu que

  6   Stanisic partageait l'intention criminelle de l'entreprise criminelle

  7   commune, eh bien, les conclusions de la Chambre montrent que Stanisic a

  8   partagé cette intention à partir de la création même de l'entreprise

  9   criminelle commune. Comme la Chambre de première instance l'a conclu,

 10   l'entreprise criminelle commune existait à partir du 24 octobre 1991, au

 11   plus tard; Volume 2, paragraphe 313. Et lorsqu'il a été nécessaire

 12   d'établir l'élément moral lié à Stanisic, la Chambre a conclu qu'il

 13   partageait l'intention criminelle de l'entreprise criminelle commune avec

 14   d'autres de ces membres; Volume 2, paragraphe 769.

 15   Les éléments dont je viens de parler démontrent que Stanisic avait

 16   depuis longtemps l'intention qui était la sienne, depuis la création de

 17   l'entreprise criminelle commune. En particulier lorsqu'on apprécie

 18   l'intention de Stanisic, la Chambre s'est appuyée sur l'engagement de

 19   celui-ci par rapport à la politique du SDS et sur ses rapports étroits avec

 20   les principaux créateurs de la politique du SDS, Karadzic en particulier;

 21   Volume 2, paragraphes 565, 570, 767 et 769.

 22   Longtemps avant le début du conflit, il était clair que ces

 23   politiques impliquaient le déplacement sous la contrainte de non-Serbes;

 24   Volume 2, paragraphes 311, 313 et 767. En tout cas, et pour le moins, la

 25   Chambre a conclu de façon très claire que Stanisic partageait l'intention

 26   de l'entreprise criminelle commune au 1er avril 1992, moment où les crimes

 27   commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune ont commencé, parce

 28   que la Chambre a conclu à la responsabilité de Stanisic par rapport à des


Page 127

  1   crimes commis en avril 1992 et à sa participation à l'entreprise criminelle

  2   commune dans toute cette période. Je renvoie les Juges de la Chambre

  3   d'appel aux conclusions de la Chambre de première instance; Volume 2,

  4   paragraphes 801 à 885.

  5   Et puis, dans le cadre de vos questions, j'évoquerais également le

  6   moment où la Chambre a conclu que Stanisic avait eu connaissance des

  7   crimes. J'ai déjà évoqué les conclusions de la Chambre au sujet de sa

  8   connaissance des crimes et les nombres canaux d'informations qui étaient à

  9   sa disposition.

 10   Pour répondre précisément à votre question, Stanisic a été informé à

 11   partir du mois d'avril 1992 du fait que des crimes étaient utilisés comme

 12   moyens de violence destinés à contraindre les non-Serbes à partir, sous la

 13   forme de pillages et de passages à tabac; Volume 2, paragraphes 603, 610 à

 14   612.

 15   Au début du mois de juin, au plus tard, il était au courant que des

 16   détentions abusives de non-Serbes avaient lieu; Volume 2, paragraphe 762.

 17   Il disposait de rapports spécifiques concernant le déplacement de

 18   populations non-serbes depuis au moins le mois de juillet 1992; Volume 2,

 19   paragraphes 627, 632 et 634. Ces rapports envoyés à Stanisic ne font que

 20   confirmer qu'il avait l'intention de faire ce qu'il a fait à partir du

 21   moment où il a rejoint l'entreprise criminelle commune. Et ceci complète ma

 22   réponse aux questions 2 et 3.

 23   Passons maintenant à la dernière question que je vais traiter,

 24   première partie de la question 1, à savoir : est-ce que la Chambre de

 25   première instance a conclu à la responsabilité de Stanisic pour n'avoir pas

 26   enquêté sur les crimes de la façon qui convenait.

 27   Lorsque nous parlons de l'analyse de la Chambre, nous aurons besoin

 28   de distinguer entre son analyse des omissions de Stanisic par rapport à la


Page 128

  1   nécessité dans laquelle il était de satisfaire à deux devoirs principaux :

  2   d'abord, c'était son devoir en tant que supérieur d'empêcher ou de prévenir

  3   les crimes commis par ses subordonnés; deuxièmement, il avait le devoir en

  4   tant que responsable de la police de protéger la population civile; Volume

  5   2, paragraphe 754.

  6   Par rapport à son premier devoir, et pour répondre à votre question,

  7   je dirais non. Lorsque la Chambre a examiné les omissions de Stanisic par

  8   rapport à son devoir de prévention et de punition des crimes de ses

  9   subordonnés, la Chambre a conclu à juste titre son analyse de ces

 10   subordonnés en indiquant qu'ils étaient sous son autorité directe. Au

 11   nombre de ses subordonnées se trouvaient par exemple les chefs des CSB et

 12   des SJB qui lui étaient directement subordonnés, tels que Simo Drljaca à

 13   Prijedor, qui a créé le camp d'Omarska; Volume 2, paragraphe 754 à 755. Le

 14   fait que Stanisic n'a pas mené enquête sur des crimes commis par ses

 15   subordonnés de la police auprès de l'armée n'a pas été examiné.

 16   Je vais maintenant me pencher sur l'autre devoir de Stanisic, son

 17   devoir de responsable de la police de protéger la population civile. Par

 18   rapport à ce devoir, la réponse à votre question est que c'était un élément

 19   non pertinent dans l'analyse de la Chambre de première instance. Parce que

 20   le devoir de Stanisic de protéger les civils étaient d'une ampleur plus

 21   importante que son devoir de prévenir ou d'empêcher les crimes de ses

 22   subordonnés, parce que contrairement à son supérieur, Stanisic a pris des

 23   mesures pour enquêter au sujet de tous les crimes commis contre la

 24   population civile indépendamment de l'identité des auteurs. C'est en tout

 25   cas ce qu'il aurait dû faire. Et le fait de savoir si les subordonnés de

 26   Stanisic avaient été resubordonnés ou pas auprès de l'armée n'a pas

 27   pertinence, c'est la conclusion de la Chambre de première instance,

 28   conclusion correcte, selon laquelle Stanisic n'a pas protégé la population


Page 129

  1   civile; paragraphes 751 et 754 du Volume 2.

  2   Ceci complète ma réponse à la première partie de la question 1 des Juges,

  3   et je vais maintenant donner la parole à ma consœur Mme Baig.

  4   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant que vous n'agissiez ainsi, j'ai

  5   une question à vous poser, Monsieur Schneider. Je n'ai rien entendu au

  6   sujet de votre position eu égard à l'appartenance alléguée de M. Stanisic

  7   en tant que ministre du MUP à l'assemblée des Serbes de Bosnie, mais je

  8   vois dans vos arguments écrits que vous avez à ce sujet la même position

  9   que la Défense, paragraphe 125 du mémoire en appel de la Défense. Est-ce

 10   que vous avez la moindre idée du contexte juridique de cette affirmation

 11   qu'un ministre n'aurait pas dû pouvoir en même temps être ministre et

 12   membre de l'assemblée ?

 13   Même question pendant la réponse de la Défense. C'est ce que je demandais.

 14   Est-ce que vous avez une réponse, Monsieur Schneider ?

 15   M. SCHNEIDER : [interprétation] Un instant.

 16   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 17   M. SCHNEIDER : [interprétation] Merci de votre question. Nous confirmons,

 18   encore une fois, ce point dans notre mémoire en réponse, il n'était pas

 19   membre de l'assemblée des Serbes de Bosnie. Quant à la question concernant

 20   le contexte juridique, nous n'avons pour l'instant pas d'argument

 21   particulier sur ce point.

 22   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 23   Mme BAIG : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si

 24   vous m'y autorisez, je vais maintenant évoquer la question liée au Juge

 25   Harhoff et à son courriel.

 26   Un observateur raisonnable et correctement informé qui aurait connaissance

 27   de toutes les circonstances pertinentes considérerait le procès Stanisic-

 28   Zupljanin comme s'étant conclu de façon équitable grâce aux conclusions de


Page 130

  1   Juges impartiaux, s'agissant notamment du respect des droits des accusés.

  2   Ceci, parce qu'en l'espèce, les circonstances de ce procès ne donnent lieu

  3   à aucune appréhension de partialité de la part du Juge Harhoff, ni dans son

  4   courriel, ni dans le fait qu'il a expressément exprimé un désaccord

  5   juridique avec l'évolution de la jurisprudence, ni ensuite au sujet de sa

  6   position par rapport à la décision majoritaire dans la Chambre de première

  7   instance spéciale Seselj, rien ne peut nuire à cette présomption

  8   d'impartialité.

  9   Je vais d'abord traiter du courriel du Juge Harhoff dans lequel il se dit

 10   en désaccord sur des points de droit, je parlerai du contexte dans lequel

 11   il convient d'apprécier ce courriel; et puis, j'expliquerai comment et pour

 12   quelles raisons l'approche prise dans l'affaire Seselj a été erronée,

 13   incapable de convaincre, et ne doit pas être suivie. Et enfin, je

 14   m'occuperai de répondre aux questions des Juges de la Chambre d'appel

 15   concernant les remèdes possibles.

 16   Le courriel n'évoque aucune apparence de partialité en l'espèce. Un

 17   observateur raisonnable devrait considérer ce courriel au vu de son

 18   caractère informel et le resituer dans son contexte, et l'examiner

 19   également au vu du jugement rendu. Ce courriel était une forme de

 20   communication informelle. Dans ce courriel, le Juge Harhoff utilise un

 21   langage tout à fait familier et qui n'a rien de juridique, contrairement à

 22   ce que l'on aurait pu attendre d'une communication plus officielle, mais

 23   c'est le langage que l'on attend lorsqu'on communique avec un groupe

 24   d'amis. Il est déraisonnable de s'attendre à obtenir le même niveau de

 25   précision dans des observations informelles que dans une communication

 26   juridique.

 27   Lorsqu'on discute d'un sujet juridique, comme le mode de responsabilité,

 28   devant un auditoire qui n'est pas composé de juristes, le fait de ne pas


Page 131

  1   utiliser de mots très précis et très techniques juridiquement n'a rien

  2   d'étonnant, contrairement à ce que l'on peut attendre d'un écrit juridique

  3   officiel. Donc, tout cela n'a rien de surprenant, et on voit que ce

  4   courriel n'évoque en rien les différents modes de responsabilité, les

  5   formes de commandement, le fait d'aider et d'encourager, les entreprises

  6   criminelles communes de catégorie 1 et de catégorie 3 qui ont été évoquées

  7   par mes collègues ce matin.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste dix minutes.

  9   Mme BAIG : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 10   Mais le langage informel utilisé ne permet pas de penser que le Juge

 11   Harhoff n'avait pas la volonté d'appliquer correctement le droit et ne peut

 12   en aucun cas mener à une conclusion de partialité.

 13   Le contexte dans lequel ce courriel a été envoyé est d'une importance

 14   cruciale également. Dans son courriel, le Juge Harhoff commente deux

 15   articles de presse récemment parus qu'il a fait circuler vers les mêmes

 16   destinataires que ceux de son courriel et il réagit à ces deux articles en

 17   exprimant un désaccord par rapport à la tendance de la jurisprudence en

 18   l'espèce concernant le jugement Stanisic-Simatovic, c'est-à-dire qu'il se

 19   dit favorable à une condamnation de tous les dirigeants militaires de très

 20   haut niveau. C'est un désaccord sur un point de droit et c'est une tendance

 21   qu'il exprime dans une affaire juridique. Il ne parle pas de l'affaire

 22   Stanisic-Zupljanin en particulier, il ne commente aucun point de ce procès

 23   dans lequel il a servi en tant que Juge.

 24   Il serait déraisonnable de s'attendre à ce que les Juges n'aient aucun

 25   sentiment personnel sur des points de droit et sur des évolutions

 26   juridiques ou de s'attendre à ce qu'ils soient toujours d'accord avec tous

 27   les éléments d'un procès. Ce qu'un observateur raisonnable peut attendre,

 28   c'est que des Juges professionnels soient capables de mettre de côté leurs


Page 132

  1   positions personnelles lorsque le moment vient de se prononcer sur

  2   l'affaire qui leur est soumise.

  3   Et c'est la raison pour laquelle, Messieurs les Juges, il est également

  4   d'une importance cruciale pour un observateur raisonnable de se pencher sur

  5   le courriel en question et de le mettre en parallèle avec le jugement rendu

  6   en l'espèce. Le jugement en l'espèce confirme que ce courriel a été bien

  7   interprété, à savoir qu'il ne permet en aucun cas de supputer d'une

  8   partialité quelconque. C'est dans le jugement que le Juge Harhoff a

  9   enregistré sa position professionnelle en matière d'équité, sa position

 10   professionnelle sur les faits, sur les points de droit, sur le doute

 11   raisonnable, et sur la culpabilité.

 12   Dans le jugement unanime de la Chambre de première instance, le Juge

 13   Harhoff et ses deux collègues Juges ont été d'accord pour prononcer aussi

 14   bien une condamnation qu'un acquittement, tous deux prononcés à

 15   l'unanimité, et rien ne prouve qu'il y ait eu partialité en faveur de la

 16   condamnation. Le jugement ne fait preuve, donc, d'aucune prédisposition; il

 17   repose sur les éléments de preuve.

 18   Et, Messieurs les Juges, ce qui, encore une fois, prouve qu'il n'y a

 19   pas eu partialité, ce sont les registres du procès, le dossier lui-même,

 20   comme nous l'indiquons dans notre mémoire. Un observateur raisonnable qui

 21   se penche sur le courriel et qui tient compte de sa nature, du contexte

 22   dans lequel il a été envoyé, et du jugement, eh bien, cet observateur

 23   raisonnable bien informé ne peut que conclure que le jugement de la Chambre

 24   a été rendu correctement, a été juste.

 25   Et cette conclusion ne doit pas être affectée par la décision de la

 26   majorité Seselj. Cette décision n'est pas un précédent juridique, quel que

 27   soit le sens qu'on donne à ce mot. Il ne peut pas être impacté par les

 28   propos de la majorité dans l'affaire Seselj. C'est une décision en première


Page 133

  1   instance qui n'a pas autorité s'agissant de son aspect de persuasion. La

  2   majorité n'a fait connaître que le détail de ses raisonnements dans

  3   quelques paragraphes. Ce n'est certainement pas une situation dans laquelle

  4   on peut trouver une erreur.

  5   J'aimerais maintenant vous évoquer les défauts de cette décision

  6   majoritaire dans l'affaire Seselj. D'abord, il y a un défaut juridique

  7   parce qu'on présume de l'existence de partialité plutôt que de s'appuyer

  8   sur la présomption d'impartialité au départ. La conclusion indique que le

  9   Juge Harhoff aurait condamné un accusé sans prendre en compte tous les

 10   éléments de preuve qui lui ont été proposés, qu'il n'a pas fait référence à

 11   son courriel informel à un moment crucial, courriel envoyé à un groupe

 12   d'amis, ce qui n'est pas en accord avec son expérience professionnelle de

 13   longue durée en tant que Juge, et cette omission ne peut pas suffire à

 14   remettre en cause la présomption de professionnalisme des Juges qui fondent

 15   leurs décisions et leurs conclusions sur les lois et les faits qui leur

 16   sont proposés.

 17   Cette décision Seselj était également erronée sur le plan des faits. Au

 18   lieu de considérer le courriel dans sa totalité, la majorité s'est

 19   concentrée sur quelques phrases uniquement, qui ont été sorties de leur

 20   contexte et leur a donné un sens qui n'était pas le leur. Il n'y a aucun

 21   élément, aucune base permettant de prouver que la conclusion majoritaire

 22   dans l'affaire Seselj démontrerait que le Juge Harhoff a eu un comportement

 23   professionnel ou moral répréhensible et qu'il aurait été réticent à

 24   appliquer correctement le droit. Dans la phrase suivante, le Juge Harhoff

 25   indique simplement que le dilemme qu'il ressentait était lié aux soupçons

 26   qu'il nourrissait que des collègues puissent avoir subi des pressions

 27   politiques. C'est l'interprétation correcte du courriel qui est confirmée

 28   par le Juge Harhoff dans ses explications dans la pièce à conviction qui


Page 134

  1   contient ses explications et dans l'article de presse qui figure également

  2   au nombre de pièces à conviction.

  3   Donc, en dehors des erreurs de la décision Seselj, erreurs de droit et

  4   erreurs de fait, l'interprétation majoritaire de ce courriel par l'affaire

  5   Seselj était évidemment incorrecte. Le procès montre que la lecture de ce

  6   courriel, la suggestion selon laquelle le Juge Harhoff aurait pu condamner

  7   quelqu'un sans tenir correctement compte des preuves est réfutée par le

  8   jugement. Le jugement montre aussi quel interprétation donnée à ce

  9   courriel, le fait que la lecture faite de ce courriel par la majorité dans

 10   l'affaire Seselj a été erronée, les Juges de première instance, incluant

 11   les Juges Harhoff, ont appliqué correctement le droit en l'espèce.

 12   Messieurs les Juges, il y a également d'autres éléments de preuve admis en

 13   appel qui n'ont pas été pris en compte par la majorité Seselj et qui

 14   permettent de mieux situer dans le contexte les mots figurant dans le

 15   courriel en question. Vous avez deux articles de presse ainsi que les vues

 16   du Juge Harhoff au sujet de ce courriel. Vous avez son explication, vous

 17   avez son mémoire, pièce à conviction PA1, dans laquelle il explique les

 18   mots qu'il a utilisés et les motivations derrière ces mots. Cette

 19   explication n'a pas été prise en compte par la majorité Seselj. Ceci a fait

 20   l'objet de critiques. La majorité Seselj a considéré les commentaires en

 21   question comme n'était pas pertinents par rapport à la question en cause,

 22   et l'article 15, qui a été récemment modifié, stipule que "le rapport du

 23   Président de la Chambre doit inclure des commentaires sur les éléments

 24   fournis au Panel." Donc, Messieurs les Juges, la décision Seselj détermine

 25   la question à laquelle nous à répondre aujourd'hui.

 26   J'en arrive à votre question. Si vous trouvez une partialité, est-ce que

 27   ceci mettrait en cause la condamnation ? La position de l'Accusation, c'est

 28   qu'afin de maintenir la confiance publique dans l'intégrité de la présente


Page 135

  1   institution, une conclusion qui aboutirait à dire qu'il y a eu partialité

  2   sur le plan judiciaire résulterait à invalider la condamnation. Mais ceci

  3   ne doit pas signifier qu'un verdict de culpabilité doit être rendu.

  4   Dans une affaire où la condamnation est unanime par rapport à un

  5   crime d'importance internationale avec de nombreux éléments de preuve

  6   particulièrement valables prouvant la culpabilité, ce serait une injustice

  7   grave d'acquitter à cause d'un courriel ou de suspendre les charges, comme

  8   cela a été demandé. D'autres remèdes sont possibles pour répondre à votre

  9   question. On pourrait renvoyer l'affaire devant les Juges avec un Juge

 10   substitutif, comme cela a été fait dans l'affaire Seselj, pour

 11   réévaluation. Deuxième option, il s'agirait de procéder à un nouveau

 12   procès, comme la Chambre d'appel l'a ordonné hier dans l'affaire Stanisic-

 13   Simatovic. Et Zupljanin demande un nouveau procès de la part de la Chambre

 14   de première instance, comme il y voit un remède pour corriger une erreur

 15   d'équité dans un procès, une erreur de droit.

 16   Et puis, par rapport à la deuxième partie de votre question, il est très

 17   difficile d'envisager une situation où une conclusion de partialité

 18   conduirait à un remède autre que l'invalidation d'un verdict. Je ne peux

 19   que souligner que s'il y a apparence de partialité en l'espèce, ce ne

 20   serait pas une réalité de partialité, mais seulement une apparence. Il

 21   conviendrait de se pencher sur les faits. Ce serait une interprétation très

 22   limite d'une communication informelle qui ne doit pas avoir d'impact sur

 23   l'espèce, dans laquelle toutes les sauvegardes ont été appliquées.

 24   Si l'apparence hypothétique de partialité est si faible qu'elle peut être

 25   compensée par un remède qui ne consisterait pas en une modification du

 26   verdict, alors, Messieurs les Juges, la question véritable qui se pose

 27   c'est de situer le juste niveau de cette partialité. Dans les écritures de

 28   l'Accusation, c'est ce qui est fait. Disqualifier des Juges sur la base


Page 136

  1   d'allégations sans fondement relatives à une prétendue partialité est une

  2   grave menace pour la justice, qui est impartiale.

  3   Je pense que ceci conclut nos arguments.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Maître Zecevic, Maître Bourgon, vous avez 20 minutes.

  6   M. ZECEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Je commencerai, et mon confrère Me Bourgon poursuivra. D'abord, j'aimerais

  8   répondre du mieux possible à la question des Juges concernant la relation

  9   entre les membres de l'assemblée parlementaire des Serbes de Bosnie et les

 10   ministres.

 11   Monsieur le Président, selon les réglementations pertinentes, d'abord, et

 12   avant tout, la Constitution de la Republika Srpska, la Loi sur le

 13   gouvernement également, le gouvernement est responsable de son travail

 14   devant l'assemblée des Serbes de Bosnie. L'assemblée des Serbes de Bosnie

 15   nomme à leurs postes, choisit, élit le premier ministre et les autres

 16   ministres, qui ont à répondre de leur travail devant cette assemblée. Par

 17   conséquent, toutes mes excuses, mais je ne peux vous donner le détail des

 18   dispositions précises de la loi parce que je ne les connais pas par cœur,

 19   mais il est aisé de comprendre qu'il n'y aurait pas de conflit d'intérêt

 20   répréhensible si une personne devait siéger en tant que parlementaire à

 21   l'assemblée et être en même temps au poste de ministre responsable de son

 22   travail devant la même assemblée. En fait, l'assemblée a le pouvoir de

 23   démettre les ministres de leurs fonctions, ce qui a été le cas pour Mico

 24   Stanisic en novembre 1992.

 25   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. ZECEVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais encore une fois,

 27   du mieux possible, essayer de répondre de façon synthétique aux questions

 28   évoquées par mes collègues de l'Accusation.


Page 137

  1   Les propositions formulées par l'Accusation ici même aujourd'hui quant au

  2   rôle de Mico Stanisic ne se sont pas appuyées uniquement sur ses fonctions

  3   de ministre; toutefois, même si ce n'était pas son seul rôle, il avait

  4   également ce rôle. Et puis, l'Accusation a également cité les différents

  5   rôles et les différents actes de Stanisic en qualité de ministre, en

  6   particulier son pouvoir de nomination et l'usage qui a été fait dans la

  7   police dans les prises de contrôle de territoires ainsi que d'autres rôles

  8   joués par lui, qui sont cités dans le jugement, et que l'on regroupe sous

  9   le nom de contribution.

 10   Par rapport aux erreurs commises, je vais vous donner deux exemples à

 11   l'appui de notre position. Par exemple, au paragraphe 758, la Chambre a

 12   commis une erreur en concluant que les instructions ne comprenaient pas le

 13   fait d'enquêter - je parle ici des instructions provenant du MUP fédéral -

 14   n'englobait pas la nécessité d'enquêter sur tous les crimes, quelle que

 15   soit l'appartenance ethnique des victimes. Toutefois, le document qui est à

 16   votre disposition renvoie aux crimes de guerre, crimes de génocides, et

 17   autres crimes contre l'humanité et au droit international, crimes commis

 18   contre les Serbes et contre des personnes d'autres appartenances ethniques.

 19   Les éléments de preuve existent pour démontrer qu'il y a eu erreur, entre

 20   autres, sur ce point, je cite, les pièces 1D634 ainsi que l'audition du

 21   témoin de la Défense Macar, page 22 879 du compte rendu d'audience; du

 22   Témoin Tusevljak, page 22 420 du compte rendu d'audience également.

 23   Une autre erreur figure au paragraphe 764, dans lequel la Chambre a commis

 24   une erreur en concluant que sur la base de la déposition du Témoin

 25   Radulovic, des informations ont été recueillies par le SNB qui était

 26   disponible à Stanisic. Le témoin a confirmé que Stanisic n'avait pas été

 27   informé dans ses rapports. Les éléments de preuve confirmant cette erreur

 28   se trouvent, entre autres, dans les pages du compte rendu d'audience 11


Page 138

  1   014, 11 073, 11 188, 11 199, ainsi que dans les pages 8 412 et 8 470 du

  2   compte rendu Skipina.

  3   Messieurs les Juges, nous abordons maintenant la question de la

  4   connaissance que Stanisic avait des crimes, question également évoquée par

  5   l'Accusation. Je renvoie les Juges de la Chambre d'appel au paragraphe 275

  6   du mémoire final, mémoire de la Défense, qui explique la situation. La

  7   situation était telle que conformément aux conclusions et confirmé par le

  8   jugement, la totalité des dépêches qui ont été envoyées au fil de neuf mois

  9   se chiffrent à quelque 4 040 dépêches reçues par le ministère et 4 170

 10   dépêches d'envoyées. Si l'on compare ceci avec la situation d'avant la

 11   guerre ou juste après, c'est-à-dire en 1993, il s'avère que le nombre des

 12   messages, c'est-à-dire des dépêches envoyées au fil des neuf premiers mois

 13   de la guerre en Bosnie-Herzégovine se trouve être inférieur à la moyenne

 14   mensuelle des dépêches d'avant la guerre, c'est-à-dire celle de 1993.

 15   Si l'on compare donc les choses, il y a eu un total de quelque 8 500

 16   dépêches réceptionnées et envoyées, alors qu'en 1993, ce nombre a cru

 17   jusqu'à 353 215. Ceci pourrait illustrer la situation telle qu'elle s'est

 18   présentée dans le système des transmissions et des informations dont

 19   disposait tout un chacun.

 20   Il me semble que l'Accusation a affirmé ou allégué un certain nombre

 21   de choses qui ferait état d'erreurs commises par les Juges de la Chambre de

 22   première instance dans le jugement rendu. Par exemple, on dit que le

 23   dispositif des autorités civiles a été discriminé pendant la période et que

 24   c'était la faute de Mico Stanisic. Nous avons déjà demandé à un témoin de

 25   comparaître à cet effet, et il me semble que la situation était la

 26   suivante. Ce que le Procureur a laissé entendre et ce que les Juges de la

 27   Chambre ont laissé entendre, c'est que Mico Stanisic, d'une façon étrange

 28   en sa qualité de ministre, aurait eu le droit de donner des instructions


Page 139

  1   aux procureurs et aux gens de la justice comment leur travail devait être

  2   fait. Nous estimons dans -- et nous l'indiquons dans nos arguments

  3   présentés par écrit sur ce qui suit. Je peux vous donner un exemple. Pièce

  4   à conviction P1609.1, qui dit le contraire de ce que l'Accusation a affirmé

  5   du point de vue de l'aspect discriminatoire qu'avaient eu les activités de

  6   la police.

  7   Et à cet effet, je me dois de dire que les Juges de la Chambre ont

  8   constaté que Mico Stanisic était coupable du transfert des effectifs de

  9   réserve de la police dans les rangs de l'armée. Mais avant cela, la Chambre

 10   a constaté que Mico Stanisic n'avait pas d'autres possibilités à sa

 11   disposition et aucune mesure disciplinaire à pouvoir prendre, si ce n'est

 12   de faire en sorte que ces policiers de la réserve, qui n'étaient pas

 13   appropriés ou qualifiés pour faire partie de la police, devraient donc être

 14   transférés vers les rangs de l'armée. Alors, si vous me le permettez, les

 15   Juges de la Chambre de la première instance, tout comme l'Accusation,

 16   essaient d'appliquer à l'égard de Mico Stanisic des normes de superman qui

 17   était censé en faire beaucoup plus que réaliste.

 18   Alors, je vais maintenant donner la parole à mon éminent confrère, Me

 19   Bourgon. Merci.

 20   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Je me propose maintenant de parler des arguments relatifs au mens rea,

 22   c'est-à-dire à ce que mon collègue de la partie adverse a dit. On s'est

 23   centrés sur le fait que Mico Stanisic avait adhéré à la politique du SDS;

 24   deuxièmement, on a parlé de sa relation avec Karadzic; et numéro 3, il

 25   avait, dit-on, approuvé les activités d'Arkan.

 26   S'agissant maintenant de la politique du SDS, Mico Stanisic, en sa

 27   qualité de ministre, s'était conformé à la politique qui a été déterminée

 28   par la loi; c'était son travail de ministre, et nous l'avons souligné dans


Page 140

  1   l'argumentation présentée par nos soins. Le fait qu'il a suivi une

  2   politique légitime n'a rien à voir avec le mens rea.

  3   La relation qu'il avait eue avec Karadzic est abordée dans notre

  4   moyen d'appel numéro 4. Il n'était pas un proche de Karadzic. Il n'y avait

  5   pas eu de relation particulièrement bonne avec lui. Et le fait qu'il

  6   aurait, par exemple, essayé de contourner les filières normales pour

  7   s'entretenir avec Karadzic n'est tout simplement pas vrai. Il y a des

  8   rapports au quotidien qui étaient présentés par le ministère de l'Intérieur

  9   à l'intention du gouvernement.

 10   L'aspect relatif à Arkan est important, et nous l'avons déjà dit. Ce

 11   qu'on a affirmé est tout à fait erroné. Une fois que les Juges de la

 12   Chambre d'appel se mettront à analyser les témoignages des témoins et, en

 13   particulier, celui de Davidovic et la façon dont les Juges de la Chambre

 14   ont pris en considération ce témoignage, on verra clairement que Mico

 15   Stanisic n'avait pas du tout à approuver les activités d'Arkan.

 16   Quelques mots encore au sujet de ce que mon confrère a dit au sujet

 17   des Guêpes jaunes. Il a lancé une opération de grande envergure à des fins

 18   d'arrestation de ces Guêpes jaunes, mais on voit la chose dans le contexte

 19   des relations qu'il avait eues avec Plavsic. Il était en conflit avec

 20   Plavsic. Et si on met ces deux éléments l'un à côté de l'autre,

 21   indépendamment des motifs de l'arrestation, le résultat est ce qui importe

 22   pour ce qui est de la constatation du mens rea de M. Stanisic. Et si vous

 23   vous penchez sur le résultat, deux membres des Guêpes jaunes ont été

 24   poursuivis en justice pour crimes de guerre, bien que commis à l'extérieur

 25   de la Republika Srpska; et les autres ont été relâchés. Alors, mon confrère

 26   a dit qu'il attribuait plus d'importance au fait de ne pas tomber sous le

 27   commandement de l'armée, mais c'est important. Pour Stanisic, il importe de

 28   faire en sorte que les criminels et les criminels de guerre et les


Page 141

  1   criminels ordinaires ne déambulent pas où bon leur semblait. C'était

  2   important à ses yeux.

  3   Et mon confrère a dit que c'était sa contribution permanente,

  4   indépendamment des informations qui étaient les siennes. Mais on ne prend

  5   pas compte des ordres qu'il a donnés pendant cette période. Mes confrères

  6   disent que c'étaient des ordres qui n'avaient pas d'autorité ou de

  7   potentiel de faire quoi que ce soit. Mais on doit garder à l'esprit le fait

  8   que Stanisic a fait démissionner des responsables de haut niveau, y compris

  9   deux assistants de ministre. Il a démantelé les effectifs de la police

 10   spéciale. Et s'agissant de la police de réserve, il a fait ce qu'il pouvait

 11   faire dans le cadre de la loi.

 12   Mon confrère a dit en page 61, lignes 1 à 6, il a parlé du 11

 13   juillet. Mais ça a été un point tournant. Stanisic, ce qu'il a fait après

 14   le 11 juillet est crucial. Le rapport de Visegrad, page 61, lignes 21 à 24,

 15   constitue une erreur de fait. Et les Juges de la Chambre vont se pencher

 16   sur le rapport, il y a une erreur, on parle de 2 000 personnes déplacées et

 17   d'un manque de professionnalisme de la part de la police. Et ceci constitue

 18   l'un des éléments principaux qui ont été pris en compte par les Juges de la

 19   Chambre de première instance pour ce qui est de l'élément contribution.

 20   Alors, mon confrère parle de l'action du 11 février. Il ne prend pas en

 21   compte le fait que jusque-là, Mico Stanisic n'avait aucunement un élément

 22   moral à cet effet. Il faut prendre le 11 juillet comme date où il n'y avait

 23   pas eu de mens rea. Et après ? Mon confrère a dit que l'entreprise

 24   criminelle commune commence à telle date et qu'il n'était pas membre de

 25   l'entreprise criminelle commune jusque-là; mais à partir de cette date-là,

 26   il en faisait partie. Mais ce n'est pas ainsi que les choses

 27   fonctionnement.

 28   On parle de l'argument resubordination. Mon confrère a parlé de la mission


Page 142

  1   de punir les criminels et de protéger les civils, mais ce n'est pas la

  2   question. Il faut être clair. La question est celle de savoir s'il a été

  3   considéré responsable pour ce qui est des enquêtes et des punitions ? Est-

  4   ce que la Chambre a omis de dire qui avait assumé des responsabilités ? Si,

  5   elle l'a fait. Donc, elle ne s'est pas prononcée; ceci met un terme au

  6   sujet.

  7   Alors, maintenant, pour ce qui est du sujet Harhoff, mon confrère dit qu'il

  8   s'agit de quelque chose de non conforme à la pratique judiciaire, mais la

  9   situation est bien plus sérieuse que cela. Mon confrère s'appuie sur ce qui

 10   a été la décision dans l'affaire Seselj.

 11   Mais l'important, c'est de savoir si la communication du Juge Harhoff était

 12   informelle, adressée à des amis, mais ce n'est pas là la question. La

 13   question, c'est de savoir si, pour un Juge, il est raisonnable ou pas de

 14   parler dans un courriel de façon stricte ou officieuse. Ce qui importe,

 15   c'est quelle est l'impression qu'on se fait à la lecture de ce mémo. Il est

 16   question ici d'un penchant pour ce qui est de peines en condamnation, et

 17   c'est l'élément que cette lettre révèle.

 18   Mon confrère a parlé de la question au 69, lignes 7 à 8. Alors, à la

 19   lecture de ce mémo, je n'ai pas l'impression qu'il s'agit là d'un Juge qui

 20   peut mettre de côté ses opinions professionnelles. Ce courriel dit le

 21   contraire, tout à fait le contraire. Le fait est qu'il y ait une décision

 22   unanime dans l'affaire Stanisic n'a pas d'importance. C'est de savoir si le

 23   jugement a été partial ou pas, s'il a été unanime. Ce que l'on évoque ici,

 24   c'est de savoir si la lettre en question nous laisse entendre qu'il y a

 25   partialité ou impartialité et quel est son impact sur le procès. Est-ce que

 26   le procès a été équitable et est-ce que la décision a été adoptée par trois

 27   Juges de façon unanime.

 28   Alors, s'il y a apparence de partialité, il y aurait eu opinion dissidente.


Page 143

  1   Mais c'est l'apparence de la partialité qui importe. Si celle-ci est

  2   présente, un Juge ne va pas dire dans le jugement qu'il n'est pas d'accord

  3   avec la loi et que d'habitude, il condamne les gens partant de ce qu'il a

  4   appris à ce sujet. Il ne va sûrement pas le mettre dans une opinion

  5   dissidente. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent.

  6   Dans l'affaire Seselj, on a convoqué une Chambre spéciale, d'un, ils n'ont

  7   commis aucune erreur en matière légale - je l'ai déjà dit - et ils ne sont

  8   pas partis d'une présomption de partialité. Ce n'est pas ce qui y est dit.

  9   Et je vous renvoie vers la chose la plus importante, j'imagine, dans le

 10   commentaire du Juge Harhoff, c'est le dilemme, et il explique le dilemme

 11   qu'il a, il essaie de s'en éloigner parce qu'il sait exactement de quoi il

 12   s'agit et de quoi parle le dilemme dans le courriel. Alors, il dit, s'il

 13   avait eu le dilemme, il aurait agi ainsi. Or, le dilemme était évidemment

 14   présent.

 15   Maintenant, si les règles ont été changées, et il y a eu un changement de

 16   règles, il me semble que ce changement de règles coïncide avec l'opinion

 17   distincte du Juge Afande. Et dans ce cas concret, ce rapport ne fait que

 18   renforcer l'apparence de partialité.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous devez en terminer.

 20   M. BOURGON : [interprétation] Nous sommes d'accord avec l'Accusation pour

 21   dire que si apparence de partialité il y a, le seul remède juridique, c'est

 22   d'invalider la condamnation et de lui renvoyer à la maison. Et si le

 23   Procureur demande que le procès soit réitéré, eh bien, nous allons répondre

 24   à la question.

 25   Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Bourgon.

 27   Je ne sais pas si c'est M. Krgovic ou M. Gosnell qui va prendre la parole

 28   en premier. Nous allons travailler jusqu'à 13 heures 05, et par la suite,


Page 144

  1   nous allons reprendre après la pause déjeuner.

  2   M. GOSNELL : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Merci

  3   aux Juges. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Christopher

  4   Gosnell et je suis ici pour assurer la Défense de M. Zupljanin.

  5   Je parle en premier pour aborder trois questions. La première de ces

  6   questions, c'est les violations des droits de M. Zupljanin pour ce qui est

  7   du droit à un procès équitable et impartial; le deuxième fait, c'est que la

  8   Chambre de première instance s'est fondée de façon inappropriée sur la

  9   présence alléguée de M. Zupljanin à l'hôtel Holiday Inn en février 1992; et

 10   l'absence de raison ou d'omission pour ce qui est de l'actus reus et du

 11   mens rea de M. Zupljanin pour ce qui est de la perpétration de l'entreprise

 12   criminelle commune.

 13   Mon éminent confrère, M. Krgovic, va parler de l'importance de cette

 14   resubordination pour ce qui est du procès, et cela est illustré par le fait

 15   que les Juges ont demandé à des témoins de comparaître à cet effet.

 16   Et mon éminente consœur, Mme Cmeric, va parler aux Juges de la Chambre de

 17   l'aspect extermination et du jugement.

 18   Messieurs les Juges, le courriel envoyé par le Juge Harhoff à l'intention

 19   de 56 amis et connaissances a été envoyé 71 jours après la signature du

 20   jugement en condamnation de M. Zupljanin, le condamnant à 22 ans de

 21   réclusion. Or, partant de ceci, nous devons dire que ce courriel montre

 22   qu'il y a une appréhension raisonnable de partialité du fait des

 23   hésitations pour ce qui est de la mise en place de normes qui sont bien

 24   établies et bien connues, bien comprises, et longuement mises en œuvre par

 25   ce Tribunal dans les différentes affaires.

 26   Avant que de nous embarquer dans un débat sur le courriel en tant que tel,

 27   il serait peut-être utile de se pencher sur les positions qui ont été

 28   lancées et sur la doctrine qui est évoquée. Je vous convie à vous pencher


Page 145

  1   sur ce que j'ai fait sous forme de tableau PowerPoint et de présentation à

  2   cet effet.

  3   Cet aspect unique de l'entreprise criminelle commune parle d'une forme de

  4   commission où l'actus reus peut être le fait de plusieurs personnes. Ceci

  5   signifie qu'à la différence d'une personne particulière, il n'est point

  6   besoin d'avoir une personne physique pour ce qui est de l'actus reus; cet

  7   actus reus peut être étendu sur plusieurs personnes. Donc, il s'agit d'un

  8   niveau inférieur pour ce qui est du fondement de ce que l'on entend par

  9   l'actus reus.

 10   Mais en même temps, la norme relative au mens rea est la même pour ce qui

 11   est de la perpétration physique, donc l'accusé était censé avoir

 12   l'intention de commettre un crime.

 13   Il ne s'agit pas ici de parler de tout ce qui fait partie des annales de ce

 14   Tribunal pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune, parce qu'il ne

 15   s'agit pas seulement d'une position ou d'une opinion quand on parle du mens

 16   rea; c'est une intention vive et agissante de quelqu'un. Alors, si

 17   maintenant, on ramène le palier de l'actus reus, cela signifierait que les

 18   Juges disposeraient de moins d'informations pour tirer des conclusions pour

 19   ce qui est de déterminer s'il y a eu une intention véritable derrière

 20   certains agissements. Et l'analyse devient encore plus complexe lorsque

 21   nous avons des actes de violence qui sont commis pendant un conflit armé.

 22   La situation est encore plus compliquée par le fait qu'il y a des objectifs

 23   que l'on souhaite réaliser par des moyens légitimes ou d'autres moyens

 24   illégitimes, c'est-à-dire criminels.

 25   Compte tenu du contexte où il est si difficile de déterminer les

 26   faits, notamment dans le contexte d'un actus reus réduit, comment les Juges

 27   de la Chambre de ce Tribunal ont pu établir ou faire en sorte que les

 28   normes de l'intention du mens rea soient maintenues ?


Page 146

  1   Eh bien, d'abord, le premier pas, c'est de définir la finalité

  2   commune, parce qu'il peut y avoir une finalité qui n'est pas criminelle.

  3   Alors, on peut analyser le mens rea dans un cadre qui est par trop vaste.

  4   On pourrait également parler d'un mens rea qui n'est pas tout à fait

  5   criminel.

  6   Dans la pratique juridique de ce Tribunal, il est depuis longtemps

  7   indiqué que cette finalité peut englober des finalités criminelles aussi,

  8   mais ce que nous affirmons c'est qu'il convient alors de comprendre que

  9   c'est indissociable, inhérent à la finalité criminelle ou à l'objectif

 10   criminel et non pas seulement un moyen prévisible d'aboutir à la

 11   réalisation d'un objectif, parce que si l'on parle des concepts de

 12   prévisibilité, de possibilité, la norme d'intention directe se trouve être

 13   ramenée vers le bas.

 14   Quelle est, alors, la relation à mettre en place - et il en a été

 15   longuement question dans le jugement en première instance - entre donc le

 16   fait de savoir et le fait d'avoir l'intention ? Et je fais référence à un

 17   jugement à un arrêt en appel récent dans l'affaire Sainovic, où on peut

 18   partager l'intention de la perpétration d'un crime sans pour autant

 19   seulement parler de la prévisibilité. Cela n'est pas donc une chose que

 20   l'on peut mécaniquement ou automatiquement appliquer pour ce qui est de

 21   l'intention directe. On ne peut pas le mettre en œuvre même si, à l'époque,

 22   on avait connaissance des crimes commis.

 23   Une partie très importante de ce passage que vous voyez dans l'arrêt

 24   de l'affaire Krajisnik, c'est ce qui se trouve être souligné vers la fin où

 25   l'on décrit quelle est la bonne procédure de détermination des faits avant

 26   que de pouvoir tirer des conclusions relatives au mens rea. Et je cite :

 27   "Dans les cas de figure où la Chambre de première instance fait

 28   référence à un mois particulier dans le courant duquel les membres de


Page 147

  1   l'entreprise criminelle commune auraient eu vent de la perpétration de

  2   crimes de grande envergure, ça n'a pas précisé la date à laquelle ça s'est

  3   produit, et on ne dit pas que Krajisnik était parmi les membres de

  4   l'entreprise criminelle commune qui en avaient eu connaissance, et encore

  5   mois, a-t-on dit, quand est-ce que les membres directeurs de l'entreprise

  6   criminelle commune sont passés de la qualité des personnes qui avaient eu

  7   vent et qui avaient eu l'intention de commettre des crimes."

  8   Donc, cet élément est requis pour ce qui est de la détermination du

  9   mens rea. Et cette norme, ce standard est établi depuis longtemps pour ce

 10   qui est de l'analyse de ce que le Juge Harhoff a écrit 71 jours après avoir

 11   signé le jugement en première instance dans l'affaire Zupljanin.

 12   Et maintenant, il dit la chose suivante, et je me propose d'essayer

 13   d'ajouter des éléments nouveaux par rapport à ce que mes confrères ont déjà

 14   dit au sujet de ce courriel, et je vais le faire en essayant d'en donner

 15   lecture dans son intégralité pour qu'il n'y ait pas de malentendu au sujet

 16   de ce que le Juge Harhoff voulait dire dans ce courriel. Ce courriel

 17   commence par un débat au sujet de l'entreprise criminelle, et il dit :

 18   "Nous avons développé et étendu la responsabilité pénale aux

 19   ministres politiques, leaders militaires, officiers et autres, qui avaient

 20   appuyé la réalisation d'un objectif général qui visait à éradiquer des

 21   groupes ethniques de certains secteurs au travers de violence criminelle,

 22   ce qui a contribué à la réalisation d'un tel objectif; donc c'est là que

 23   consiste leur responsabilité."

 24   Je m'arrête maintenant un instant pour dire que dans les mots

 25   utilisés "pour appuyer ou soutenir un objectif général", il n'y a rien que

 26   l'on puisse interpréter comme étant une intention directe et rien qui

 27   permettrait à un observateur raisonnable de dire que le Juge Harhoff est en

 28   train de proposer un rabaissement des critères nécessaires pour ce qui est


Page 148

  1   du mens rea. Cette partie, telle qu'interprétée, telle que lue, peut être

  2   interprétée comme étant une façon de décrire le critère de l'intention

  3   directe. Mais le reste du courriel montre que ce n'est pas la façon dont il

  4   interprète l'appui ou le soutien apporté ou pas.

  5   Et il y a trois éléments que mes confrères ont mentionnés, et le Juge

  6   Harhoff dit dans la suite :

  7   "Que pouvons-nous apprendre de toute ce qui vient d'être dit ?

  8   "Eh bien on peut penser que les établissements militaires dans les

  9   Etats importants (tels que les Etats-Unis et Israël) se rapprochent de la

 10   pratique de la responsabilité des commandants militaires. Et on avait

 11   espéré que les commandants ne seraient pas tenus responsables lorsqu'ils

 12   n'encouragent pas leurs subordonnés à commettre des crimes. En d'autres

 13   termes :

 14   "Ce Tribunal est allé trop loin pour ce qui est de considérer que les

 15   officiers en commandement étaient responsables de tout crime commis par

 16   leur subordonnés, ce qui signifie qu'il y a une intention de commettre un

 17   crime qui doit être concrètement prouvée.

 18   "Mais en fait, ceci signifie", défend le Juge Harhoff cette position

 19   que :

 20   "C'est précisément la raison pour laquelle les commandants sont payés

 21   : Ils doivent s'assurer du fait que dans leur zone de responsabilité il n'y

 22   aura pas de crimes commis, et ils doivent entreprendre tout ce que qui est

 23   dans leur pouvoir pour poursuivre les criminels. Donc, il n'est pas

 24   question dans la finalité d'un nettoyage ethnique d'appuyer ou de nier la

 25   responsabilité des responsables.

 26   "Mais ceci n'est plus mis en œuvre. Il semble maintenant nécessaire

 27   pour chaque commandant d'avoir une intention directe de commettre des

 28   crimes - et non pas seulement la connaissance ou des doutes pour ce qui est


Page 149

  1   des crimes qui auraient été commis."

  2   En ce moment-ci, donc, un observateur raisonnable, d'après moi, ne

  3   peut plus éviter de voir l'impression qui se dégage de la part des propos

  4   du Juge Harhoff qui fait une distinction entre deux concepts : le standard

  5   entreprise criminel commune, d'une part, avec un appui, et le soutien à

  6   l'intention de commettre des crimes. Alors, nous ne savons pas ce qu'il

  7   sous-entend par "soutien", mais il nous semble que le pallier soit plus bas

  8   que dans le cas d'une intention directe, bien plus bas, ce qui fait que

  9   dans ce courriel, il utilise des propos très crus.

 10   Ce qu'il fait aussi, c'est qu'il rejette une norme généralement

 11   établie dans la pratique judiciaire de ce Tribunal qui n'a pas modifié les

 12   décisions auxquelles il fait référence. C'est la pratique judiciaire depuis

 13   l'affaire Tadic. Et le fait que le Juge Harhoff interprète de façon erronée

 14   ce qui a été énoncé dans les affaires précédentes est dénué de pertinence.

 15   Ce qui est important, c'est le désaccord exprimé par le Juge Harhoff pour

 16   ce qui est des normes d'intention directes dans la perpétration ou dans la

 17   conduite d'une entreprise criminelle commune.

 18   Est-ce qu'un Juge a le droit de ne pas être d'accord avec une norme ?

 19   Est-ce que c'est conforme au serment qu'il a prêté ? Oui, il a le droit

 20   d'être en désaccord. Le Juge Schomburg a également exprimé son désaccord.

 21   Il l'a dit de façon tout à fait express, explicite dans un jugement. Et

 22   cette position, exprimée clairement, a permis aux Juges de la Chambre

 23   d'appel de voir quelle est la norme qui a été mise en œuvre et de

 24   déterminer si la peine prononcée est bonne, compte tenu des standards ou

 25   des normes auxquelles les Juges s'étaient référés.

 26   Il est possible que l'on puisse dire ou présenter un argument disant que le

 27   Juge Harhoff fait référence uniquement à l'élément actus reus et que cela

 28   n'est pas nécessairement être criminel, et cela se trouve être tout à fait


Page 150

  1   exacte dans l'affaire Sainovic; l'actus reus n'est pas censé sous-entendre

  2   l'implication dans un crime. La question n'est pas contestée. Mais quand

  3   bien même dans cet actus, il n'y a pas de crime de commis, la norme d'actus

  4   reus a toujours une corrélation avec l'intention.

  5   Messieurs les Juges, je ne vais pas vous donner lecture de ce qui se trouve

  6   sur ce transparent. Ce passage en particulier est bien connu et je pense

  7   que le Juge Liu a bien résumé les choses lorsqu'il a dit, je cite, "que ces

  8   propos constituent des conjectures non-pondérées et des insinuations d'un

  9   comportement inacceptable de la part d'autres collègues d'une façon qui va

 10   au détriment d'un Juge."

 11   Sans entrer dans les détails, ce qui est important c'est les mots utilisés,

 12   le niveau d'hostilité, une usurpation du droit en conséquence des dernières

 13   affaires.

 14   Le Juge Harhoff poursuit :

 15   "La théorie de la responsabilité a été réduite et passée d'une

 16   contribution à des crimes d'une façon ou d'une autre à l'exigence d'une

 17   intention directe de commettre un crime." J'ai cité là le courriel du Juge

 18   Harhoff. Et il dit que :

 19   "La théorie de la responsabilité au titre d'une entreprise criminelle

 20   commune est donc passée à cette intention de commettre un crime et pas

 21   juste l'acceptation du fait que les crimes aient été commis."

 22   Là encore, on voit une juxtaposition de ce que nous avons vu tout à

 23   l'heure, d'une part une intention directe de commettre un crime et, d'autre

 24   part, une acceptation - acceptation - que les crimes aient été commis. Même

 25   si cela n'est pas parfait, la distinction qui semble être faite ici en

 26   termes latins semble être celle du dolus directus et du dolus eventualis,

 27   c'est-à-dire entre une intention directe et l'acceptation du risque de la

 28   possibilité d'occurrence de crimes, même distinction, qui, comme vous le


Page 151

  1   savez, se fait entre le mens rea, d'un côté, l'état d'esprit, première

  2   catégorie d'entreprise criminelle commune et troisième catégorie

  3   d'entreprise criminelle commune. Et là, on voit que le Juge Harhoff dit que

  4   le critère pour la troisième catégorie est tout à fait acceptable pour

  5   imposer une responsabilité en application de la première catégorie.

  6   Alors la distinction revient encore plus tard dans son courriel. Il dit :

  7   "J'ai toujours présumé qu'il était juste de condamner des dirigeants pour

  8   les crimes commis lorsqu'ils le savaient dans le cadre d'un objectif

  9   commun. Tout revient à établir ce distinguo entre savoir, d'une part, que

 10   les crimes étaient en train d'être commis, ou qu'ils allaient être commis,

 11   et d'autre part, la planification de la commission de ces crimes. C'est

 12   cela l'important."

 13   Alors comme vous le savez, la planification exige une intention directe. On

 14   voit encore une fois cette dichotomie, être une forme de responsabilité, la

 15   planification qui exige une intention directe et une simple connaissance du

 16   fait que les crimes auraient pu être commis ou seraient commis. Et un

 17   observateur raisonnable ne pourrait qu'en déduire de ce passage, si on le

 18   lit conjointement avec les passages que j'ai lus tout à l'heure, que c'est

 19   exactement le critère d'entreprise criminelle commune qui était appliqué

 20   dans l'affaire Zupljanin. Pourquoi est-ce que je vous le dis ? Eh bien, à

 21   la page qui est à l'écran à présent, vous voyez qu'il a dit :

 22   "Dans tous les tribunaux où j'ai travaillé, j'ai toujours présumé qu'il

 23   était juste de condamner les dirigeants," et cetera, et cetera.

 24   Donc je suis sûr que cela s'appliquait à l'affaire sur laquelle il avait

 25   travaillé, la dernière, le jugement qui avait été délivré deux mois

 26   auparavant. C'est une référence indirecte et implicite à ses travaux en

 27   tant que Juge. Donc même s'il n'y a pas de référence express dans le

 28   courriel à l'une de ces affaires sur lesquelles il travaillait, il y a


Page 152

  1   certainement une référence implicite. Mais une indication aussi au critère

  2   qu'il appliquait dans ces affaires-là.

  3   Alors, dans les passages suivants, et je pars toujours du point de départ

  4   de cet observateur, du critère d'observateur, on parle du droit applicable

  5   à ce Tribunal, et pour qu'un observateur du moins informé comprenne cette

  6   dichotomie, nous devons lire le passage suivant :

  7   "Comment pouvons-nous expliquer aux milliers de victimes à présent

  8   que le Tribunal ne peut plus condamner les participants d'entreprise

  9   criminelle commune, à moins que les Juges ne puissent justifier que les

 10   participants à l'objectif commun avaient contribué de façon active dans une

 11   intention directe à la commission des crimes ? Jusqu'à présent, nous avons

 12   condamné ces participants lorsqu'ils avaient, d'une façon ou d'une autre,

 13   montré qu'ils étaient d'accord avec l'objectif commun - sans prouver

 14   particulièrement qu'ils avaient une intention directe de commettre chaque

 15   crime pour y arriver. C'est presque impossible à prouver."

 16   Là encore, Messieurs les Juges, même distinguo, même dichotomie, même

 17   contraste entre accord et intention directe, alors que l'accord est d'un

 18   niveau plus bas.

 19   Par la suite, le Juge Harhoff déclare qu'il a eu le temps de

 20   réfléchir sur le contenu de ce courriel afin d'expliquer ses propos. Il

 21   nous dit :

 22   "En fait, et c'est clair si l'on regarde le contexte, la nouvelle

 23   pratique exigerait plus que juste le degré d'intention associée à la

 24   connaissance, c'est-à-dire que les commandants ultimes ne pourraient être

 25   condamnés à l'avenir que si un niveau supérieur, un degré supérieur

 26   d'intention pouvait être prouvé lors du procès."

 27   Messieurs les Juges, nous venons de voir dans le passage tiré de

 28   l'affaire Krajisnik qu'il était important pendant tout le procès d'analyser


Page 153

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 154

  1   les faits pour pouvoir déterminer s'il y avait intention et si l'on peut en

  2   déduire une connaissance, si les actes étaient suffisants pour indiquer que

  3   cet état d'esprit, ce mens rea existait. S'agissant des connaissances à

  4   présent, le Juge Harhoff s'est prononcé sur ce critère-là avec le recul, il

  5   avait l'avantage du recul.

  6   Mais, en fait, une référence standard est faite au cadre d'entreprise

  7   criminelle commune ou au cadre régulier de mens rea et d'actus reus qui

  8   doit être lue à la lumière de tout cela, et, en fait, nous devons relire

  9   attentivement tous les passages du courriel qui nous montrent, Messieurs

 10   les Juges, que pour le Juge Harhoff, ce cadre est celui du mens rea au sein

 11   d'une entreprise criminelle commune, avec un critère qui est moindre de

 12   l'intention directe.

 13   Alors lorsque l'Accusation a pris la parole, elle a déclaré qu'il n'y

 14   avait pas de problème majeur parce que le jugement montre que le Juge

 15   Harhoff avait appliqué le critère idoine. Il a mis de côté ses points de

 16   vue personnels sur l'entreprise criminelle commune et a participé au

 17   jugement qui a bien appliqué la norme. Est-ce bien vrai ? Y a-t-il des

 18   indications dans le jugement montrant qu'un niveau moindre que l'intention

 19   directe a été appliqué ?

 20   Et vous siégez aujourd'hui au sein d'une Chambre d'appel et vous

 21   devez étudier plusieurs questions qui ont une compétence très, très

 22   limitée. Bien sûr, vous devez certains égards au raisonnement, aux

 23   appréciations de la Chambre de première instance, mais d'autre part, à ce

 24   stade-ci du parcours du Tribunal, les Juges de première instance ne peuvent

 25   pas commettre des erreurs si évidentes sur le droit applicable, et on ne

 26   s'attend non plus à ce que vous, Messieurs les Juges, ne recherchiez aucune

 27   indication, aucun indice, aucune suggestion qui indiquerait que ce critère

 28   n'a pas été bien appliqué. Et pour le faire, vous devez regarder s'il y a


Page 155

  1   eu des omissions, s'il y a des déclarations, peut-être pas dans le

  2   jugement, mais s'il y a des indications vous disant que quelque chose a

  3   cloché, que vous aurez du mal à apprécier si, oui ou non, la norme qui a

  4   été fixée est celle qu'il fallait appliquer. Et nous faisons valoir,

  5   Messieurs les Juges, qu'il existe de telles indications et qu'il y a eu un

  6   problème quant à l'application du critère du mens rea. 

  7   Alors au paragraphe 313, Volume 2 du jugement, nous voyons une de ces

  8   indications l'objectif commun existait et il avait pour but "d'expulser de

  9   façon permanente les Musulmans de Bosnie … par la commission de crimes ou

 10   de transfert forcé … la Chambre conclut qu'il n'y a pas suffisamment

 11   d'élément de preuve pour établir que d'autres crimes allégués dans l'acte

 12   d'accusation ont fait partie de cette entreprise criminelle commune."

 13   Donc, la Chambre de première instance estimait qu'un objectif

 14   criminel commun impliquant expulsion et transfert forcé a eu lieu. Comment

 15   le transfert forcé est-il exécuté ? Le transfert forcé s'exécute via la

 16   coercition, la contrainte illégale. En général, le niveau le plus bas de

 17   coercition est celui du type de crime repris dans le statut du TPIY,

 18   persécution, discrimination contre une personne par moyens divers pour les

 19   faire sentir malvenus, pour simplifier les choses. C'est, en général, la

 20   façon la plus basique pour encourager les gens à quitter une région.

 21   Mais que nous dit la Chambre de première instance sur la persécution

 22   ? Paragraphe 528, elle rappelle, et je cite :

 23   "La Chambre de première instance rappelle ses conclusions selon

 24   lesquelles les forces serbes avaient mené à bien l'expulsion forcée… en

 25   commettant des crimes à leur encontre et en rendant les conditions de vie

 26   insupportables suite à la prise de villes et de villages. Zupljanin était

 27   également un membre de la RAK et des cellules de Crise de Banja Luka, qui

 28   ont délivré des ordres restreignant les droits des Musulmans et des Croates


Page 156

  1   à avoir certains emplois ou à limiter leur droit à la propriété. Sur cette

  2   base, la Chambre de première instance conclut que la possibilité que les

  3   forces serbes imposaient ou maintenaient des mesures restrictives ou

  4   discriminatoires contre des non-Serbes dans les municipalités de la RAK

  5   dans l'exécution du plan commun était suffisamment importante pour être

  6   prévisible à Stojan Zupljanin et qu'il a, en toute connaissance de cause,

  7   pris ce risque."

  8   Même chose, même conclusion pour la détention illégale, et tous les

  9   autres crimes qui sont repris dans l'acte d'accusation.

 10   Alors est-ce que tout cela est compatible ? Est-ce que ces

 11   conclusions sont totalement incompatibles ? Peut-être. Je dirais, Monsieur

 12   le Juge, que probablement elles ne sont pas compatibles. Mais même si elles

 13   étaient compatibles, ces conclusions sont incongrues et elles apparaissent

 14   dans le jugement sans une explication, sans une discussion, sans une

 15   tentative de dire : Voilà pourquoi nous concluons que M. Zupljanin avait

 16   l'intention directe de soumettre à une coercition la population, de les

 17   encourager à partir, et cetera, et cetera.

 18   Autre déduction de ces deux passages, c'est de les voir, en fait,

 19   complètement compatibles si vous appliquez le critère que nous voyons dans

 20   le courriel du Juge Harhoff, c'est-à-dire la connaissance, la prévisibilité

 21   qui mène à une présomption qu'il y avait quelque chose moindre qu'une

 22   intention directe, mais qu'une certaine prévisibilité existait quand même

 23   pour arriver à la conclusion des Juges.

 24   M. le Juge Liu avait soulevé des préoccupations très importantes

 25   quant à la suffisance du raisonnement de la majorité de la Chambre spéciale

 26   qui avait dessaisi le Juge Harhoff de l'affaire Seselj, ce qui ne veut pas

 27   nécessairement dire que leurs conclusions étaient mauvaises, mais d'autre

 28   part, les observations du Juge Liu justifient certainement une discussion


Page 157

  1   plus avant.

  2   Et le Juge Liu a mis le doigt sur deux facteurs particuliers qu'il

  3   avait considéré importants dans son opinion dissidente. Premier point, tout

  4   le contexte devait être pris en considération, y compris le mémo

  5   explicatoire du Juge Harhoff. Alors, comme le transparent du mémo le

  6   montre, le Juge Harhoff renforce en fait, il ne rejette pas, l'impression

  7   selon laquelle il pense que l'état de droit ou l'état de la législation

  8   aujourd'hui nous dit que l'intention directe n'est pas requise pour

  9   conclure d'une responsabilité au titre de l'ECC.

 10   Autre aspect encore important du 8 juillet, c'est le mémo

 11   explicatoire, qui aurait dû être pris en compte et, Messieurs les Juges, il

 12   doit être pris en compte dans votre analyse aujourd'hui. Il y a également

 13   les remarques très frappantes du Juge Liu sur la nature du comportement du

 14   Juge Harhoff, et dans son mémo explicatoire, le Juge Harhoff ne reconnaît

 15   pas toute déviance, tout écart des normes acceptées ou du comportement

 16   judiciaire. Il ne dit pas qu'il n'a rien fait de mal et qu'il regrette

 17   d'avoir indiqué certaines choses qu'il a indiquées dans son courriel.

 18   Deuxième point, et qui vient du désaccord du Juge Liu et qui est très

 19   pertinent pour la question de savoir si un dilemme professionnel et moral

 20   profond est réel ou potentiel. Le Juge Harhoff, dans son mémo explicatoire,

 21   estime que ce dilemme est potentiel. Dans le courriel, il dit qu'un dilemme

 22   professionnel et moral profond découle, et je cite, des "derniers jugements

 23   prononcés ici". Et il dit qu'il s'agit d'un dilemme jamais rencontré

 24   auparavant. Là encore, l'impression d'un observateur raisonnable serait de

 25   dire que le Juge Harhoff est confronté à un dilemme, et pas parce qu'il y a

 26   eu un mauvais comportement, qu'il n'y pas eu une bonne communication entre

 27   les Juges; il est face à ce dilemme parce qu'il décrit les dernières

 28   évolutions dans l'affaire Perisic.


Page 158

  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il nous reste cinq minutes,

  2   Monsieur Gosnell.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Je peux aller jusqu'à 1 heure cinq, ou nous

  4   pouvons nous arrêter maintenant.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est à vous de voir.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Alors peut-être que nous pouvons nous

  7   arrêter maintenant et revenir après la pause.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

  9   Donc nous allons faire une pause et nous reprendrons à 2 heures 05.

 10   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 59.

 11   --- L'audience est reprise à 14 heures 06.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons maintenant poursuivre et

 13   entendre les arguments de M. Zupljanin. Vous avez 60 minutes qui vous

 14   restent, si mes calculs sont exacts.

 15   Il y a un nouveau calendrier que je suis sur le point de vous expliquer.

 16   Comme je l'ai dit, les arguments de M. Zupljanin correspondent à de 14

 17   heures 05 à 15 heures 05. L'Accusation répondra encore 15 heures 05 et 16

 18   heures 05, à moins que vous ne souhaitez diminuer ce temps. Ensuite, il y

 19   aura une pause de 16 heures 05 à 16 heures 25, et la pause va être réduite

 20   et passée de une demi-heure à 20 minutes. Et ensuite, il y aura la réplique

 21   de M. Zupljanin entre 16 heures 25 et 45 minutes pour répliquer, 16 heures

 22   45. Ensuite, nous avons les arguments de l'Accusation de 16 heures 45, 40

 23   minutes pour leur appel. Ensuite, 17 heures 25 à 17 heures 45, la réplique

 24   de Stanisic, 20 minutes. Et donc, nous aurons ensuite une pause entre 17

 25   heures 45 et 18 heures 05, encore 20 minutes. Et la réplique de Zupljanin,

 26   correspondant à 20 minutes. La réponse de l'Accusation entre 18 heures 25

 27   et 18 heures 40. Et pour finir, si les appelants vont s'adresser aux Juges

 28   de la Chambre, à ce moment-là, M. Stanisic aura 10 minutes à partir de 18


Page 159

  1   heures 40, et M. Zupljanin aura dix minutes à partir de 18 heures 50, et

  2   nous terminerons à 19 heures. Bien.

  3   Alors, il nous faut coopérer, la journée est longue. Je vais vous demander

  4   de bien vouloir éviter les redites, s'il vous plaît. Nous avons entendu

  5   beaucoup de redites par rapport à ce que contiennent les mémoires en

  6   appels, malgré la suggestion que j'ai faite ce matin de ne pas procéder

  7   ainsi.

  8   Monsieur Gosnell.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de

 10   votre recommandation. Je dirais qu'il n'y a pas grand-chose d'autre à dire

 11   si ce n'est que la question de ce courriel, et je souhaite que vous vous

 12   concentriez particulièrement sur l'affaire Hoekstra, qui présente les

 13   caractéristiques analogues que celles dont nous sommes en présence

 14   aujourd'hui.

 15   Dans l'ordonnance portant au calendrier, s'il y a une apparence de

 16   parti pris, à savoir si cela invalide la condamnation de M. Zupljanin ou

 17   non, assurément, c'est le cas, Monsieur le Président. Et je vous demande de

 18   bien vouloir vous pencher sur l'affaire Medicaments, paragraphe 35;

 19   l'affaire Hatchcock, paragraphe 4; l'affaire Hoekstra, paragraphe 24; ainsi

 20   que les affaires citées par M. le Juge Afande dans son opinion dissidente

 21   concernant l'affaire Seselj, au paragraphe 11.

 22   Ensuite, deuxième question, dans le cas où la condamnation n'est pas

 23   annulée, qu'en est-il de la violation des droits à un procès équitable de

 24   M. Zupljanin. La réponse, Monsieur le Président, c'est qu'il n'y en a pas.

 25   Il n'y a aucun recours possible qui correspond au préjudice qui découle de

 26   la participation d'un Juge qui a fait montre d'une apparence de partialité.

 27   La position adoptée dans le mémoire en appel par rapport à des

 28   conclusions trouvées à nouveau était une position secondaire. En tout cas,


Page 160

  1   par rapport à la position premier. De toute façon, compte tenu de la

  2   jurisprudence, en tout cas, de la Chambre d'appel, il ne serait pas

  3   possible, en fait, de trouver de nouveaux éléments faisant porter la

  4   responsabilité à l'accusé à nouveau. Nous laissons entendre que dans un cas

  5   comme celui-ci, toutes les conclusions qui ont été faites, eh bien, même

  6   s'il y a un procès de nouveau, cela ne pourrait pas donner lieu à une

  7   déclaration de culpabilité.

  8   Vous avez demandé s'il y avait un manquement de la part de la Chambre

  9   de première instance et si la Chambre de première instance a commis une

 10   erreur en déterminant que M. Zupljanin était présent à l'hôtel Holiday Inn

 11   et s'il a participé ou s'il a présidé au comité exécutif et comité central

 12   du SDS à cet endroit, et la réponse, Messieurs les Juges, c'est que la

 13   Chambre de première instance a commis une erreur sur ce point. La question

 14   a à peine été mentionnée lors du procès. La réunion est mentionnée dans le

 15   mémoire préalable à l'appel de l'Accusation, aux paragraphes 85, 86, sans

 16   pourtant qu'il y ait une quelconque référence à la présence de M.

 17   Zupljanin. Lorsqu'un témoin est venu comparaître, alors que lui a assisté à

 18   la réunion, on ne lui a pas posé la question de savoir si M. Zupljanin

 19   était présent. On n'a même pas posé la question à ce témoin de savoir qui a

 20   assisté à cette réunion. Ensuite, la Chambre de première instance a conclu

 21   que M. Zupljanin était présent en se fondant sur un reçu de l'hôtel Holiday

 22   Inn sur lequel figurait le nom de Zupljanin, et une écoute téléphonique où

 23   un interlocuteur qui discutait avec M. Karadzic disait qu'il pouvait

 24   rencontrer une personne répondant au nom de Stojan pendant les pauses. Même

 25   si on écarte cet élément de preuve, à supposer même que ces éléments de

 26   preuve soient fiables, rien ne laisse entendre que M. Zupljanin était là

 27   lors de la réunion, qu'il a assisté au moment où la discussion s'est

 28   déroulée sur les Variantes A et B et les propositions qui ont été faites à


Page 161

  1   cette réunion, ce qui, en réalité, est important lorsqu'il s'agit de

  2   déduire l'élément moral de l'appelant.

  3   A cet égard, Messieurs les Juges, il y a peu d'éléments de preuve et ceci

  4   est assez frappant. Si on regarde ce sur quoi on s'est fondé pour arriver à

  5   cette conclusion, paragraphe 519 dans le deuxième volume, le mens rea,

  6   élément essentiel sur lequel se fondent les conclusions des Juges de la

  7   Chambre, est quelque chose qui n'a même pas été abordé lors du procès. Et

  8   tout à coup, cela se trouve être une conclusion essentielle sur laquelle

  9   repose le jugement rendu en première instance par la Chambre.

 10   Pourquoi est-ce le cas ? Pourquoi ? Pourquoi les Juges de la Chambre se

 11   sont efforcés de dire que M. Zupljanin était présent ? Monsieur le

 12   Président, c'est parce que c'est une des rares indications de mens rea, de

 13   l'élément moral, qui remonte au début du mois d'avril et que les Juges de

 14   la Chambre ont attribué à M. Zupljanin. Et comme vous le savez, Messieurs

 15   les Juges, d'après notre mémoire en appel, je ne vais pas répéter les

 16   arguments, les Juges de la Chambre se sont reposés de façon très importante

 17   sur les actes de M. Zupljanin qui se sont déroulés ou qui ont été les siens

 18   longtemps après le mois d'avril 1992, et aucune discussion n'a porté là-

 19   dessus pour savoir pourquoi ces actes qui remontaient au mois de novembre

 20   1992 ont été étayés par le fait qu'il avait cette intention et cet élément

 21   moral depuis le mois d'avril.

 22   Je me souviens, dans l'affaire Sainovic, le jugement, au paragraphe 1035,

 23   la Chambre d'appel n'a pas été convaincue par les arguments de

 24   l'Accusation, à savoir que le manquement tardif de Sainovic à encourager

 25   les personnes reprochées pour poursuivre les personnes concernées était une

 26   indication de son intention au moment où les crimes ont été commis. Il doit

 27   y avoir cette coïncidence entre le mens rea et l'actus reus, l'élément

 28   moral et l'élément matériel. Il s'agit de déclarer au-delà de tout doute


Page 162

  1   raisonnable qu'il y a effectivement un élément moral et qui correspond à

  2   l'époque en question, et la Chambre de première instance a conclu de façon

  3   indiscriminée sur tous ces événements jusqu'au mois de novembre 1992, et

  4   donc, Messieurs les Juges de la Chambre d'appel, il y a un doute qui pèse

  5   là-dessus, à savoir quand et de dire que M. Zupljanin possède cet élément

  6   moral, et donc, il y a un manque de précision au niveau du moment ou de la

  7   date à laquelle il a rejoint l'entreprise criminelle commune et le

  8   fondement sur lequel ceci a porté.

  9   Messieurs les Juges, vous avez demandé par rapport au premier moyen d'appel

 10   de M. Zupljanin, la Chambre de première instance a condamné M. Zupljanin

 11   parce qu'il manqué à son devoir d'enquêter sur les crimes commis par la

 12   police qui avait été resubordonnée à l'armée. Et je répondrai oui. Si vous

 13   regardez le paragraphe 519, que j'ai cité comme étant le paragraphe

 14   essentiel pour déterminer l'élément moral de l'accusé, les actes et

 15   omissions qui sont cités, et ensuite, au milieu du paragraphe :

 16   "La Chambre de première instance s'est également penchée sur le manquement

 17   de Zupljanin à son obligation de protéger la population non-serbe, y

 18   compris sa participation dans le détachement du SOS et son manque d'action,

 19   il n'a pas pris les mesures nécessaires par rapport aux crimes commis par

 20   cette unité et ses déclarations et actions menées en guise de réponse."

 21   Alors, voici donc les omissions. Et c'est le paragraphe 504 également, où

 22   M. Zupljanin est censé n'avoir rien fait. Paragraphe 505, il n'a pas imposé

 23   de mesures disciplinaires. Aux paragraphes 441 et 455, l'intitulé de ce

 24   paragraphe, "Un manquement alors qu'il avait l'obligation en vertu des lois

 25   et règlements applicables au MUP de protéger toute la population civile qui

 26   se trouvait dans les municipalités contrôlées par la RAK." Aux paragraphes

 27   457 à 488, encourager et faciliter la commission des crimes commis par des

 28   forces serbes en ne prenant pas les mesures nécessaires pour mener des


Page 163

  1   enquêtes, arrêter ou sanctionner les auteurs de tels crimes.

  2   Il est vrai que la Chambre de première instance n'a pas conclu de façon

  3   expresse qu'à certaines occasions, un policier qui était subordonné à

  4   l'armée n'a pas fait l'objet de mesures disciplinaires ou de sanctions de

  5   la part de M. Zupljanin et qu'on pourrait en déduire qu'il y avait une

  6   intention à cet égard. Cela est vrai, mais c'est seulement parce que la

  7   Chambre de première instance a renoncé à toute obligation ou nécessité

  8   d'expliquer ce lien de subordination à aucun moment. Et ce n'est pas -

  9   comme le fait valoir l'Accusation aux paragraphes 33 et 71 de leur mémoire

 10   en réponse - que cette question n'a pas été abordée sur un plan purement

 11   théorique ou qu'il s'agissait d'une préoccupation purement hypothétique.

 12   C'est simplement, cette question n'a pas été abordée non seulement

 13   théoriquement et hypothétiquement, cette question n'a pas été abordée du

 14   tout de façon spécifique. Il s'agit des éléments qui ont conduit à cet

 15   événement au paragraphe 519 et l'intention dont on parle.

 16   Et compte tenu du contexte, combien de temps au procès a été consacré à ces

 17   questions-là, qui ont été abordées par mon confrère Me Krgovic, la Chambre

 18   de première instance s'est intéressée de façon active au long de certains

 19   paragraphes l'implication de la question de la subordination, et donc, dans

 20   ce contexte, on peut en conclure qu'il ne s'agit pas simplement d'une

 21   préoccupation hypothétique qui est mentionnée par la Défense dans son

 22   mémoire en clôture : Non, attendez un instant, nous avons un fondement pour

 23   dire qu'il n'avait pas la compétence pour le faire. Simplement, la

 24   question, pendant toute la durée du procès, les Juges savaient qu'ils ont

 25   renoncé à la nécessité d'aborder cette question-là.

 26   Comment peut-on établir qu'une personne participe à l'entreprise criminelle

 27   commune. Nous avons des recommandations d'après le jugement Tolimir qui

 28   nous ont été présentées, au paragraphe 1117. Je renvoie ici à quatre


Page 164

  1   éléments et on renvoie ici à la responsabilité pénale pour omission en

  2   vertu de l'article 7(1). Rien ne laisse entendre ici que l'entreprise

  3   criminelle commune doit être exonérée de cette approche. L'entreprise

  4   criminelle commune est une forme de commission en vertu de l'article 7(1).

  5   Et vous pouvez analyser les quatre conditions requises : il y a

  6   l'obligation d'agir en vertu du droit public, du droit pénal, mais la

  7   personne avait la capacité d'agir pour honorer cette obligation; en outre,

  8   la personne a omis d'agir, et donc, avait pour intention la commission de

  9   ces crimes et des conséquences; et donc, ce manquement à l'obligation de

 10   réagir a conduit à la commission du crime.

 11   Et la position de l'Accusation n'est pas si différente, même si sa position

 12   est un peu plus vague. Alors, lorsque la Chambre de première instance

 13   considère que la responsabilité en vertu de l'entreprise criminelle

 14   commune, en partie en raison de l'omission, ceci est important dans

 15   l'analyse sur le mens rea d'analyser si l'accusé avait l'obligation d'agir,

 16   et donc, son manquement à agir a contribué à la mise en œuvre de

 17   l'entreprise criminelle commune.

 18   Et nous disons, bien évidemment, que ces critères sont trop bas, mais dans

 19   un sens ou dans un autre, en tout cas, il s'agit de critères qui permettent

 20   d'apprécier si oui ou non une action hypothétique qui n'a pas été réalisée

 21   par un accusé constitue en réalité une omission qui peut être considérée

 22   comme un élément qui fait partie de l'élément moral et de l'élément

 23   matériel dans le cadre de la commission de crimes en vertu de l'entreprise

 24   criminelle commune.

 25   Quelle a été la position de la Chambre de première instance sur cette

 26   question ? Avant d'aborder cette question-là, j'ai eu la possibilité, en

 27   quelques mots, de me familiariser, Messieurs les Juges, avec votre décision

 28   rendue dans l'affaire Stanisic et Simatovic, et ce que je constate au vu de


Page 165

  1   ce jugement, en l'analysant de façon superficielle, je constate que,

  2   Messieurs les Juges, vous faites très attention à l'application de

  3   l'entreprise criminelle commune, et que cette forme de responsabilité doit

  4   être étayée par des conclusions très précises, des indications précises sur

  5   la manière dont l'actus reus a été déterminé et l'élément moral a été

  6   déterminé, l'élément matériel et l'élément moral.

  7   Et comment les Juges de la Chambre ont-ils apprécié ces éléments-là,

  8   à savoir si les actions hypothétiques qui n'ont pas été prises doivent être

  9   attribuées à M. Zupljanin ? Aucune analyse, Messieurs les Juges. Aucune

 10   description. Nous n'avons qu'une série de conclusions et d'observations

 11   par-ci par-là. On précise qu'il a omis de faire X ou Y, ou de contre X et

 12   Y. Non seulement il n'y a pas de cadre correspondant à cette analyse, et si

 13   l'on ajoute cela à un manquement d'obligation à remplir son obligation par

 14   rapport à la question de la resubordination, il y a un manque de motifs qui

 15   permettraient de convaincre les Juges de la Chambre qu'effectivement

 16   l'approche correcte à la mens rea, à l'actus reus a été adoptée.

 17   Donc pour ce qui est de la question de l'appréciation de la

 18   resubordination, les Juges de la Chambre ont fait un amalgame entre la

 19   resubordination et la responsabilité du supérieur hiérarchique, comme si le

 20   premier ne pouvait être que pertinent par rapport au dernier élément, la

 21   subordination ne pouvait être que pertinente par rapport à la

 22   responsabilité du supérieur hiérarchique. Il ne s'agit pas d'équivalence

 23   ici. Les forces de police ont été soupçonnées d'avoir commis des crimes à

 24   l'époque où ils avaient été resubordonnés à l'armée, mais ceci ne s'exclut

 25   pas mutuellement l'autorité de M. Zupljanin. M. Zupljanin avait l'autorité

 26   sur eux. La Chambre de première instance reconnaît qu'ils ne pouvaient pas

 27   déterminer s'il avait l'autorité pour punir, discipliner et contrôler la

 28   police qui était resubordonnée à l'armée. Donc la Chambre de première


Page 166

  1   instance appelle cela une conclusion. Une fois que la Chambre de première

  2   instance avait conclu cela, il revenait aux Juges de la Chambre de première

  3   instance d'analyser de façon rigoureuse si des actes précis commis par les

  4   policiers ont été commis dans le cadre de cette resubordination ou non,

  5   parce que si cela n'est pas le cas, nous nous retrouverons dans une

  6   situation où la Chambre de première instance ne peut pas dire, au vu des

  7   doutes qu'elle a elle-même sur la question de la resubordination, et le

  8   fait qu'elle reconnaît la gravité de la question, que c'était essentiel

  9   d'analyser cela pour analyser l'obligation, la capacité de M. Zupljanin à

 10   agir, et qu'au vu de tous ces éléments, la Chambre de première instance n'a

 11   pas pu conclure au delà de tout doute raisonnable que différentes actions

 12   spécifiques commises par différentes personnes qui avaient été

 13   resubordonnées à l'armée peuvent être attribuées à M. Zupljanin.

 14   Monsieur le Président, avec votre permission, je vais maintenant

 15   donner la parole à M. Krgovic, qui va aborder certains des éléments de

 16   preuve très détaillés qui ont été entendus lors du procès. Je vous

 17   remercie.

 18   M. KRGOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais m'exprimer

 19   en serbe.

 20   Je vais m'exprimer en serbe, parce que je peux m'expliquer de façon

 21   plus aisée dans ma langue maternelle, et j'ai fourni une transcription de

 22   mes arguments aux cabines d'interprètes, donc vous n'aurez pas de mal à

 23   suivre ce que je vais vous dire.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la resubordination est un

 25   sujet central dont se sont occupés intensivement la Défense, l'Accusation

 26   et les Juges pendant toute la durée du procès. La question était évoquée

 27   dans le prétoire pour la première fois le 2 octobre 2009, au début du

 28   procès, deux semaines à peu près après son commencement. Nous avons passé


Page 167

  1   des mois dans ce prétoire, sinon une année entière, à discuter de la

  2   question. Des dizaines de témoin ont été entendus. Un grand nombre de

  3   documents a été soumis aux Juges, y compris deux rapports d'expert

  4   provenant de la Défense ainsi que du témoin expert. En outre, deux témoins

  5   experts de l'Accusation, un témoin de la police et un témoin de l'armée ont

  6   témoigné sur cette question. En outre, la Chambre de première instance a

  7   cité à la barre ses propres témoins proprio motu qui se sont occupés

  8   exclusivement de ce sujet.

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je tiens à appeler votre

 10   attention sur notre présentation PowerPoint, où nous entendons le Juge Hall

 11   commenter le témoignage du général Lisica dans les termes suivants :

 12   "…demandez votre aide quant à la resubordination des forces de police

 13   à l'armée et à la responsabilité d'enquêter, de poursuivre les crimes

 14   graves prétendument commis par des forces resubordonnées pendant la durée

 15   de leur resubordination."

 16   Alors, Messieurs les Juges, nous avons entamé le procès sur ce sujet

 17   et nous l'avons conclu également sur ce sujet. Quel a été le résultat de

 18   tout cela ? Suite à la synthèse de la plus grande part des dépositions de

 19   témoins et des éléments de preuve soumis à la Chambre sur ce sujet, la

 20   Chambre de première instance a d'abord déclaré qu'elle n'était pas en

 21   mesure d'établir si les autorités militaires ou autorités civiles pouvaient

 22   être tenues responsables des enquêtes à mener et des poursuites à engager

 23   en rapport avec des crimes visant des Musulmans et des Croates qui auraient

 24   été commis par des membres d'une police resubordonnée à l'armée. La Chambre

 25   de première instance a par ailleurs déclaré qu'il n'y avait pas nécessité

 26   de formuler des conclusions sur la question de la resubordination en tant

 27   que telle.

 28   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en dépit de cela, au


Page 168

  1   paragraphe 518, Volume 2 du jugement, la Chambre de première instance a

  2   conclu que Zupljanin était responsable, parce que, je cite, "il avait omis

  3   de lancer des enquêtes pénales et de prendre des mesures disciplinaires par

  4   rapport à ses subordonnés qui avaient commis des crimes contre des non-

  5   Serbes, créant ainsi un climat d'impunité."

  6   Au paragraphe 519 du Volume 2 du jugement, la Chambre de première

  7   instance conclut que Zupljanin a également omis de protéger la population

  8   non-serbe, entre autres, en omettant de prononcer des sanctions

  9   disciplinaires contre les unités qui étaient sous son contrôle. Les

 10   questions centrales auxquelles la Chambre de première instance n'a pas

 11   fourni de réponse, si elles avaient été correctement analysées dans le

 12   détail et si une réponse correcte leur avait été apportée, auraient eu une

 13   signification très importante, sinon complète, et auraient changé les

 14   conclusions de la Chambre de première instance eu égard à l'omission d'agir

 15   de la part de Zupljanin.

 16   La première question de ce genre consiste à se demander quand et dans

 17   quelle circonstance les membres de la police ont été resubordonnés à

 18   l'armée. En d'autres termes, dans quelle situation et à quelle période les

 19   membres de la police ont échappé à l'autorité et à la compétence de

 20   Zupljanin ? Et deuxièmement, il convient de se demander dans quelle mesure

 21   les crimes dont Zupljanin a été accusé étaient des crimes commis par les

 22   membres de la police pendant sa resubordination à l'armée de la Republika

 23   Srpska ?

 24   Quelle est cette question importante, Monsieur le Président,

 25   Messieurs les Juges ? Et je vais vous donner quelques exemples du jugement

 26   où les postes de police pertinents, y compris des postes de police

 27   complets, ont été totalement resubordonnés aux structures militaires. Ces

 28   exemples sont ceux de Donji Vakuf, Kljuc, Kotor Varos, les responsables de


Page 169

  1   la sécurité des camps militaires de Manjaca et de Trnopolje, ainsi que la

  2   participation de la police à toutes les activités de combat menées sur le

  3   territoire de la Région autonome de Krajina.

  4   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance

  5   a eu sous les yeux pléthore d'éléments de preuve et de dépositions sur

  6   lesquels il eut été facile de se reposer pour établir qui détenait

  7   l'autorité et qui était responsable de lancer des enquêtes et de prendre

  8   des mesures disciplinaires contre les auteurs agissant dans ces lieux et

  9   ces localités. Je voudrais simplement vous en citer quelques-uns, quelques

 10   pièces à conviction ainsi que le nom de certains témoins. Les éléments en

 11   question sont les suivants : pièces à conviction 5160, 2D159, 1D662, 1D368,

 12   P1888, P624, ainsi que les dépositions des témoins Slavko Lisica,

 13   Aleksandar Krulj, du Témoin SD172, du Témoin le général Vidosav Kovacevic,

 14   ainsi que du Témoin Nenad Krejic. Eh bien, la Chambre de première instance

 15   a ignoré tous ces éléments de preuve.

 16   Et puis, quelle est l'autre raison pour laquelle la subordination est

 17   importante, Monsieur le Président, Messieurs les Juges ? Il a été dit dans

 18   les éléments de preuve que 80 % des policiers qui étaient membres du centre

 19   de Sécurité publique de Banja Luka ont été resubordonnés à l'armée entre le

 20   4 avril 1992 et le mois de décembre 1992.

 21   Ces faits ressortent de la pièce P624, qui est un rapport de travail

 22   du CSB de Banja Luka rédigé par M. Zupljanin, et ils ressortent également

 23   du témoignage de Goran Macar, pages 23 094 à 23 095 du compte rendu

 24   d'audience.

 25   Et puis, Messieurs les Juges, Zupljanin n'avait pas compétence sur

 26   des forces qui éventuellement ont commis des crimes dans la période en

 27   question. Il avait même des difficultés à imposer son contrôle sur les

 28   niveaux inférieurs de la police qui, eux, n'étaient pas composés d'hommes


Page 170

  1   resubordonnés à l'armée, comme on peut le voir dans la pièce P624. Donc,

  2   même si Zupljanin avait essayé d'émettre un ordre aux forces qui avaient

  3   été resubordonnées à l'armée, ces individus ou ces unités n'auraient

  4   absolument eu aucune obligation d'agir en fonction de cet ordre, car à

  5   cette époque-là, ces individus et ces unités dépendaient d'une autre chaîne

  6   de commandement et de prise de décision.

  7   La décision de resubordination est également liée de très près à la

  8   question de l'obligation de Zupljanin et de sa responsabilité pénale vis-à-

  9   vis de la protection des civils dans leur ensemble. Le simple fait,

 10   Messieurs les Juges, que plus de 80 % des forces de police régulière et de

 11   réserve ont été resubordonnées à l'armée entre le mois d'avril et le mois

 12   de décembre 1992, et que Zupljanin ne pouvait exercer son autorité sur ces

 13   forces, ni compter sur elles pour remplir les missions policières

 14   régulières, explique pourquoi Zupljanin n'était pas en mesure de facto de

 15   garantir une protection suffisante à la population civile, ce qui lui a été

 16   reproché et ce pourquoi il a été jugé coupable.

 17   Par conséquent, dans la mesure où les ordres de Zupljanin ont été

 18   inefficaces, eh bien, ce fait n'est pas dû au désir de Zupljanin qu'il en

 19   soit ainsi parce qu'il protégeait les membres de la police; ce fait est dû

 20   à l'impossibilité pour lui de concevoir et de mettre en place les moyens

 21   nécessaires pour y remédier. Nous avons, à ce sujet, la déposition du

 22   Témoin SD161, pages 3 527 et 3 528 du compte rendu d'audience, ainsi que

 23   pages 3 533 à 3 535, nous avons aussi la déposition du Témoin SD007, qui a

 24   déclaré clairement que les ordres de Zupljanin n'auraient jamais pu être

 25   mis en application.

 26   Finalement, Messieurs les Juges, je voudrais aborder un point que mon

 27   confrère, Me Gosnell, a également évoqué et qui fait l'objet d'une question

 28   des Juges de la Chambre d'appel. Vous avez souhaité savoir si la Chambre de


Page 171

  1   première instance avait jugé Zupljanin responsable d'une omission à

  2   enquêter sur les crimes commis par la police resubordonnée à l'armée.

  3   Eh bien, Messieurs les Juges, sur la base de tous les éléments

  4   contenus dans notre mémoire en appel et de tous les éléments contenus dans

  5   la réponse de Zupljanin, ce que je déclare ici aujourd'hui, c'est que nous

  6   croyons que la réponse à cette question doit être positive, à savoir que la

  7   Chambre de première instance a effectivement déclaré Zupljanin coupable de

  8   n'avoir pas enquêté ou imposé des sanctions disciplinaires aux auteurs de

  9   crimes dans les cas où ces crimes ont été commis par des policiers qui, à

 10   l'époque de leur commission, étaient resubordonnés à la VRS.

 11   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces petites omissions de

 12   la part de la Chambre de première instance ne sont pas de légères erreurs

 13   techniques qui n'auraient aucun impact sur leur responsabilité vis-à-vis de

 14   la sentence infligée à l'accusé. Ces questions portent sur le cœur même des

 15   conclusions de la Chambre de première instance s'agissant d'établir la

 16   responsabilité de Stojan Zupljanin. Ce sont des erreurs graves de la part

 17   de la Chambre de première instance qui invalident le jugement à plusieurs

 18   niveaux. La Chambre de première instance a rendu ses conclusions au vu de

 19   faits qui étaient pour le moins incertains et dont on peut même en

 20   qualifier certains de déraisonnables. En tant que tel, ceci exige une

 21   intervention radicale de la part de la Chambre d'appel.

 22   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est sur ces mots que je

 23   conclus mon propos. Mme Cmeric me remplacera au micro.

 24   Mme CMERIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 25   Juges. Je m'appelle Tatjana Cmeric, et je vais traiter aujourd'hui d'une

 26   question concernant la charge d'extermination, après quoi je passerai à la

 27   sentence.

 28   Monsieur le Président, avec votre permission, j'aimerais continuer les


Page 172

  1   réponses aux questions des Juges de la Chambre d'appel concernant le

  2   troisième motif d'appel de Zupljanin; à savoir, je cite, "déterminer si la

  3   Chambre de première instance a apporté les conclusions nécessaires en

  4   indiquant que les auteurs des meurtres de 20 détenus pendant leur transport

  5   du centre de détention de Betonirka au camp de Manjaca le 7 juillet 1992

  6   possédaient l'intention requise pour prononcer une condamnation pour

  7   extermination; et si tel n'est pas le cas, déterminer si l'absence de cette

  8   conclusion permet d'invalider la conclusion de la Chambre de première

  9   instance."

 10   L'élément moral d'extermination exige que l'intention de l'auteur de tuer à

 11   grande échelle ou systématiquement un certain nombre de personnes soit

 12   soumis aux conditions qui ont pu mener à leurs morts. Dans le Volume 1,

 13   paragraphe 215 du jugement, la Chambre de première instance répond, et je

 14   cite, "les officiers de police avaient l'intention d'infliger de graves

 15   blessures physiques aux détenus qui étaient en train d'être transportés et

 16   avaient l'intention que ces blessures aboutissent à leur mort."

 17   La Chambre semble accepter dans ce même paragraphe et dans le jugement la

 18   possibilité que la mort d'une vingtaine de détenus, comme c'est indiqué

 19   dans le jugement, n'ait peut-être pas été intentionnelle; à savoir que dans

 20   le paragraphe 215 du jugement, la Chambre de première instance déclare, et

 21   je cite, "les officiers de police savaient ou auraient dû savoir que leurs

 22   actions pouvaient provoquer la mort des victimes."

 23   Dans le Volume 2, paragraphe 524 du jugement, la Chambre déclare, je cite :

 24   "Le 7 juillet 1992, 20 détenus non-serbes ont été tués dans un camion alors

 25   qu'ils étaient transportés par la police de Sanski Most."

 26   Tous les faits entourant cet incident, qu'on les considère sous un angle ou

 27   un autre, ne parviennent pas à démontrer au-delà de tout doute raisonnable

 28   que les auteurs principaux possédaient l'élément moral requis pour


Page 173

  1   prononcer qu'il y a eu extermination. Ce serait certainement une déduction

  2   déraisonnable pour tout juge des faits de se prononcer dans ce sens.

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je demande que nous passions à

  4   huis clos partiel.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à huis clos partiel. Est-ce que

  6   nous sommes à huis clos partiel ?

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  8   Monsieur le Président.

  9   [Audience à huis clos partiel]

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


Page 174

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Cmeric, nous sommes en

 22   audience publique.

 23   Mme CMERIC : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Donc, ce témoin déclare que les membres de la police qui étaient en

 25   tête de colonne n'avaient pas connaissance des conditions dans lesquelles

 26   les détenus étaient transportés à Manjaca. Et nous n'avons aucun autre

 27   élément de preuve permettant de penser qu'ils aient pu en avoir une

 28   quelconque connaissance, et encore moins qu'ils aient eu l'intention de


Page 175

  1   soumettre les détenus à des conditions qui conduiraient à leur mort. La

  2   Chambre de première instance a totalement négligé de s'intéresser à cet

  3   aspect de la question.

  4   Et de tels témoignages n'auraient pas dû être laissés de côté, mais

  5   auraient dû être pris en compte en rapport avec l'élément de preuve P486,

  6   qui est un rapport quotidien émanant du camp de Manjaca de l'équipe

  7   opérationnelle de ce camp et adressé au commandement du département de

  8   renseignement et de sécurité du 1er Corps de la Krajina en date du 8 juillet

  9   1992. Ce document évoque 24 prisonniers qui, comme on peut le lire dans le

 10   rapport, ont trouvé la mort probablement par manque d'oxygène. Le rapport

 11   émet des critiques par rapport aux organes de Sanski Most, donc pas

 12   précisément par rapport à la police ou en tout cas pas uniquement par

 13   rapport à la police et même pas du tout par rapport à la police de Sanski

 14   Most.

 15   Un rapport comparable que l'on trouve dans la pièce P487, en date du

 16   9 juillet 1992, existe. Ces deux rapports ont été envoyés à un corps de

 17   l'armée et pas à la police de Sanski Most ou de Banja Luka, pas non plus à

 18   Zupljanin. Donc, même en admettant que la police ou une autre personne

 19   impliquée dans le transport des détenus à Manjaca ait pu avoir connaissance

 20   des conditions dans lesquelles ce transport s'est déroulé, l'Accusation n'a

 21   pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que les auteurs principaux

 22   possédaient l'élément moral requis pour soit tuer à grande échelle, soit

 23   soumettre systématiquement les détenus à des conditions d'existence qui

 24   auraient conduit à leur mort. Ce qui est exigé, c'est que l'élément mental

 25   de l'auteur englobe tous les éléments objectifs du crime. L'annihilation

 26   d'une masse humaine importante et ces directives établissent le niveau de

 27   criminalité requis, à savoir qu'il y a eu négligence importante, grave

 28   négligence.


Page 176

  1   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si nous allons plus loin,

  2   si le dolus eventualis est satisfait, si l'élément moral prouvant

  3   l'extermination par rapport à Sanski Most est satisfait, la conclusion de

  4   la Chambre de première instance n'en satisfait pas pour autant ce critère

  5   inférieur par rapport à l'incident de Sanski Most. La Chambre a conclu que

  6   les officiers de police, et je vous cite une nouvelle fois les mots en

  7   question, "savaient ou auraient dû savoir que par leurs actions, ils

  8   pouvaient provoquer la mort des victimes."

  9   Donc, ce critère de la connaissance est une déclaration de négligence

 10   et d'absence d'attention, mais ne prouve pas qu'il y a eu entreprise

 11   volontaire par rapport au risque couvert par le dolus eventualis. La

 12   conclusion de la Chambre ne satisfait pas au seuil nécessaire pour établir

 13   l'élément moral d'extermination.

 14   Comme indiqué dans le paragraphe 234 du mémoire en appel de

 15   Zupljanin, les auteurs, par conséquent, n'ont pas commis le crime

 16   d'extermination, et ceci ne peut pas être imputé non plus dans le cadre de

 17   l'entreprise criminelle commune pour peu qu'il ait été prévisible. Il

 18   s'agit d'une erreur de droit qui découle d'une déclaration erronée des

 19   conclusions de la Chambre de première instance permettant d'invalider la

 20   conclusion juridique de la Chambre.

 21   Enfin, pour répondre à la première partie de la question des Juges de

 22   la Chambre d'appel, la Chambre de première instance est arrivée à une

 23   conclusion concernant les auteurs principaux quant à leurs intentions vis-

 24   à-vis de l'extermination. La question ici, par conséquent, ne réside pas

 25   dans l'absence d'une quelconque conclusion de la part de la Chambre de

 26   première instance, mais est due à la conclusion même qui ne satisfait pas

 27   l'exigence d'élément moral vis-à-vis du crime d'extermination.

 28   Et pour répondre à la deuxième partie de la question des Juges de la


Page 177

  1   Chambre d'appel, l'existence de la conclusion telle qu'elle est invalide la

  2   conclusion de la Chambre de première instance en ce que la conclusion vis-

  3   à-vis de l'extermination et de l'incident du 7 juillet 1992 ne peut pas

  4   tenir.

  5   Ceci met un point final à ce que j'avais à vous dire sur ce sujet,

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Et j'aimerais maintenant parler

  7   de la sentence.

  8   La Chambre de première instance a correctement établi le droit applicable

  9   s'agissant de la sentence, mais a omis de respecter ce droit et n'a pas

 10   exercé son pouvoir discrétionnaire afin d'établir un équilibre approprié

 11   entre le niveau de la sentence et la gravité des crimes ainsi que les

 12   circonstances individuelles dans lesquelles se trouvaient les accusés. La

 13   Chambre de première instance a commis un certain nombre d'erreurs

 14   discernables qui, qu'elles soient prises en compte séparément ou ensemble,

 15   ont causé un dommage irréparable à la sentence prononcée dans le jugement.

 16   Les sentences imposées dans les affaires précédentes ne sont pas

 17   exécutoires par les Chambres saisies ultérieurement et il y a obligation

 18   d'individualiser la peine. La Chambre, comme indiqué dans le Volume 2,

 19   paragraphe 887, doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer

 20   quelle est la sentence la plus appropriée, même si celui-ci est vaste, il

 21   n'est pas sans limite. La Chambre de première instance, en l'espèce, n'a

 22   pas accordé un poids suffisant aux considérations pertinentes. Elle a

 23   commis clairement des erreurs sur les faits au moment d'exercer son pouvoir

 24   discrétionnaire et a pris des décisions qui sont déraisonnables et

 25   injustes, décisions que la Chambre d'appel est capable d'utiliser pour

 26   déduire que la Chambre de première instance n'a pas exercé son pouvoir

 27   discrétionnaire correctement.

 28   La Chambre de première instance a surestimé la position de M. Zupljanin


Page 178

  1   ainsi que ses responsabilités et son autorité. Par ailleurs, elle a sous-

  2   évalué ses actes positifs et ses efforts. La Chambre a considéré comme

  3   situation aggravante le fait que Zupljanin n'avait pas utilisé correctement

  4   son autorité pour prévenir les crimes. Toutefois, lorsque le paragraphe 948

  5   du Volume 2 du jugement est lu avec attention, il en ressort que la Chambre

  6   s'est appuyée, en fait, sur le poste officiel de Zupljanin en tant que chef

  7   du CSB de Banja Luka, ce qui l'a amenée à commettre une erreur discernable

  8   de doublon.

  9   Dans l'affaire Stakic, la Chambre d'appel a estimé que la Chambre de

 10   première instance devait fournir des raisons convaincantes pour justifier

 11   son choix; ceci figure au paragraphe 416 du jugement. La Chambre de

 12   première instance a omis d'agir ainsi lorsqu'elle n'a pas établi que les

 13   dépêches et les ordres de Zupljanin étaient en soi criminels. En fait,

 14   aucune conclusion dans le jugement de la Chambre de première instance ne

 15   permet de démontrer que Zupljanin aurait fait mauvais usage de son autorité

 16   sur ce plan.

 17   Par ses actions directes, Zupljanin a, entre autres, réussi à sauver plus

 18   de mille vies humaines. Il est intervenu lorsque 600 personnes

 19   d'appartenance ethnique rom et musulmane étaient en cause, et il a

 20   également activement participé à la libération de plusieurs centaines de

 21   détenus non-Serbes à Teslic. Les Juges de la Chambre d'appel trouveront les

 22   arguments détaillés à ce sujet aux paragraphes 247 et 249 du mémoire en

 23   appel de Zupljanin, et également aux pages du compte rendu d'audience 27

 24   630, 27 631, ainsi que dans toutes les références qui y figurent.

 25   La Chambre n'a fait aucune mention de ces éléments dans le chapitre du

 26   jugement consacré à la sentence. En lieu de quoi, elle a estimé que

 27   Zupljanin n'avait fait que réagir et, je cite, "ne l'avait fait que dans

 28   des cas spécifiques et isolés." Volume 2, paragraphe 952 du jugement.


Page 179

  1   L'Accusation a établi, aux paragraphes 212 et 213 de son mémoire en

  2   réponse, et le répétera sans doute, que Zupljanin ne devrait pas bénéficier

  3   de circonstances atténuantes étant donné les situations qu'il a contribué à

  4   créer en participant à l'entreprise criminelle commune.

  5   Tout en contestant la position de l'Accusation, j'appelle l'attention des

  6   Juges de la Chambre d'appel sur l'affaire Krajisnik, dans laquelle la

  7   Chambre d'appel a admis en tant que condition atténuante les tentatives de

  8   Krajisnik d'apporter son aide à certains non-Serbes par rapport à leur

  9   emprisonnement et à la nécessité pour eux de recevoir de l'aide

 10   humanitaire; paragraphes 816 et 817 du jugement. La Chambre de première

 11   instance a agi ainsi en dépit de la conclusion indiquant que M. Krajisnik

 12   était, je cite, "l'architecte du nettoyage ethnique par rapport à la

 13   création des conditions d'emprisonnement."

 14   La position de la Chambre de première instance dans l'affaire Popovic et

 15   consorts selon laquelle des vies ont été sauvées et que cela constitue une

 16   circonstance atténuante, même si l'acte est motivé par des considérations

 17   militaires, cette position est étayée en note de bas de page 340 du mémoire

 18   en appel de Zupljanin et contestée par l'Accusation au paragraphe 213 de

 19   son mémoire en réplique. De sorte que la position adoptée dans l'affaire

 20   Popovic est désormais appuyée par celle de la Chambre d'appel, que l'on

 21   trouve aux paragraphes 2076 et 2077 de l'arrêt.

 22   Les actions positives de Zupljanin ne peuvent pas servir à dissimuler ces

 23   motifs néfastes, mais ne se sont pas vu accorder un poids suffisant ou même

 24   ont été totalement laissées de côté par la Chambre. Des éléments de preuve

 25   nombreux ont été présentés à la Chambre en première instance sur les

 26   conditions d'existence dans la période en question, sur le fait que les

 27   voies de communication étaient coupées et qu'il y avait des difficultés à

 28   établir des rapports et à les transmettre. Je renvoie les Juges de la


Page 180

  1   Chambre d'appel aux pièces 2D52, P595, P621, P160, 2D50, et également à la

  2   déposition du Témoin SD166 et du Témoin SD167.

  3   Il y a également eu des éléments de preuve soumis en première instance

  4   quant à la pénurie de personnel à laquelle Zupljanin a dû faire face; par

  5   exemple, vous pouvez vous pencher sur la pièce à conviction P560.

  6   Egalement, sur les risques auxquels était confronté Zupljanin, pièce à

  7   conviction 2D91 et également dans les dépositions des Témoins SD182 et

  8   SD172. Et en dépit de cela, Zupljanin a eu des difficultés en raison des

  9   problèmes à communiquer avec certains officiers s'agissant de leur

 10   comportement vis-à-vis de la population non-serbe, et puis il y avait ces

 11   conditions particulièrement difficiles dans les camps qui ont été

 12   qualifiées de violations manifestes des normes internationales, on trouve

 13   ces éléments évoqués dans les pièces P160 et 2D25, sur lesquelles il n'a

 14   pas pu communiquer non plus avec les responsables.

 15   Zupljanin a plaidé auprès de ses pairs pour que tout soit fait afin de

 16   préserver la paix. Il a déployé des efforts importants pour concevoir et

 17   mettre en œuvre un plan de travail destiné à réduire la criminalité. On

 18   trouve cela dans la pièce 1D198. Il s'est opposé ouvertement aux crimes,

 19   aux violences, et a déployé des efforts pour protéger la population non-

 20   serbe. Il a déployé des efforts répétés pour maintenir et restaurer la loi

 21   et l'ordre. Par exemple, vous pouvez vous pencher sur les pièces P601 et

 22   P595, et également sur les pièces P621 et P624 à cet égard, sans parler des

 23   nombreuses plaintes au pénal et rapports qu'il a déposés. Je renvoie les

 24   Juges de la Chambre d'appel aux pièces 2D57, 2D58, 2D59, et cetera, pour

 25   n'en citer que quelques-unes.

 26   La Chambre de première instance n'a pas non plus pris en compte ces

 27   efforts, elle est même allée plus loin en évoquant, je cite, "le rôle

 28   crucial dans la commission des crimes qui a été joué par Zupljanin pour


Page 181

  1   lesquels il doit être déclaré coupable", sans aucune référence ou mention

  2   de la nature de la participation de Zupljanin à ces crimes donnant lieu à

  3   cette sentence. Ces arguments sont détaillés dans les sous-motifs d'appel

  4   4(B) du mémoire en appel de Zupljanin.

  5   La Chambre d'appel a soutenu les conclusions factuelles sur lesquelles

  6   s'appuie la sentence imposée à Zupljanin, à savoir que cette sentence doit

  7   être réduite. Comme constaté dans l'arrêt Galic, paragraphe 455, je cite :

  8   "Bien que la Chambre de première instance n'ait commis aucune erreur dans

  9   ses conclusions factuelles et ait correctement pris en compte les principes

 10   régissant la sentence, elle a commis une erreur en concluant que la

 11   sentence imposée était suffisante à rendre compte du niveau de gravité des

 12   crimes commis par Galic et de son degré de participation."

 13   Ceci est également référencé par l'arrêt récent dans l'affaire Djordjevic,

 14   paragraphe 968.

 15   M. Zupljanin n'a peut-être pas réussi à réagir aussi promptement que

 16   nécessaire et aussi adéquatement que possible, comme on aurait pu

 17   l'attendre d'un officier respectant la loi. Il n'a pas toujours été

 18   particulièrement autoritaire dans ses réactions et il est possible qu'il

 19   n'ait pas trouvé les solutions les plus appropriées aux problèmes auxquels

 20   il était confronté. Pendant plus de 20 après la guerre et les événements en

 21   question, on peut tomber facilement dans le piège dangereux d'une

 22   simplification exagérée des circonstances de l'époque.

 23   Si l'on examine les choses depuis cette perspective, il peut apparaître

 24   facile de choisir entre plusieurs solutions et plusieurs moyens à sa

 25   disposition pour prendre les bonnes décisions, mais à l'époque des faits

 26   pendant la guerre, il s'agit, si on réfléchit ainsi, d'une simplification

 27   exagérée. Les solutions et les décisions simples étaient souvent rendues

 28   impossibles par des obstacles et des difficultés inimaginables pour un


Page 182

  1   observateur d'aujourd'hui. Et oui, dans un monde idéal, on peut faire

  2   beaucoup plus, on aurait pu faire beaucoup plus pour empêcher le

  3   déplacement des populations ou les mauvais traitements et de nombreuses

  4   vies auraient pu être sauvées.

  5    Mais les circonstances entourant les tâches quotidiennes de M. Zupljanin

  6   et ses activités étaient tout sauf idéales. Elles étaient difficiles; elles

  7   étaient chaotiques, elles étaient imprévisibles, elles étaient exigeantes.

  8   C'est la raison pour laquelle la sentence prononcée à son encontre, s'il

  9   doit y en avoir une, doit prendre en compte tous les efforts déployés par

 10   Zupljanin pour réprimer la violence, empêcher, prévenir ou forcer à rendre

 11   compte de leurs actes tous les auteurs, et encore toutes les actions

 12   entreprises par lui et les nombreuses vies d'individus et de familles qu'il

 13   a réussi à sauver. Ces actes méritent d'être pris en compte et ne devraient

 14   pas avoir été laissés de côté si légèrement. 22 ans, à savoir la sentence

 15   imposée à M. Zupljanin, est manifestement excessif et disproportionné.

 16   Outre le maintien de tous les arguments figurant dans le mémoire en appel

 17   et dans le mémoire en réplique, il est indiqué qu'un poids suffisant aurait

 18   dû être accordé aux facteurs que je viens d'évoquer et aux circonstances

 19   dont je viens de parler qui ont été, manifestement, laissés de côté,

 20   méprisés dans la partie du jugement concernant la sentence de la part de la

 21   Chambre de première instance. Par conséquent, les Juges de la Chambre

 22   d'appel sont appelés à rectifier ces erreurs et ces omissions et à réduire

 23   la sentence imposée à M. Zupljanin. 

 24   J'en ai terminé, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci, Madame Cmeric.

 26   L'Accusation va maintenant prendre la parole. Elle dispose de 60 minutes.

 27   Il est 3 heures, selon l'horloge du prétoire.

 28   M. MENON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je m'appelle M.


Page 183

  1   Aditya Menon, et je répondrai à l'appel de M. Zupljanin, avec Mme Baig.

  2   Nous allons, pendant l'après-midi, vous démontrer pourquoi la condamnation

  3   de M. Zupljanin est correcte et ne devrait pas être infirmée, pourquoi,

  4   Messieurs les Juges, vous pouvez conclure que Zupljanin a été jugé par un

  5   collège de Juges juste et impartial, et pourquoi ce collège a eu raison de

  6   le condamner. En fait, Messieurs les Juges, les arguments de la Défense

  7   remettant en question la condamnation de M. Zupljanin et sa peine

  8   s'écartent d'un fondement simple, évident et raisonnable, sur laquelle la

  9   Chambre de première instance a établi la responsabilité de Zupljanin.

 10   Zupljanin était le chef de la police, après tout. Il a créé une unité

 11   composée de criminels et a déployé cette unité encore et encore et encore,

 12   même des membres de cette unité ont victimisé des non-Serbes. C'était le

 13   chef de la police qui a dit aux non-Serbes qu'il ne pouvait pas les

 14   protéger et a tenu parole en permettant aux non-Serbes d'être victimes dans

 15   le bâtiment où il travaillait, dans la ville où il était basé, et dans la

 16   région de la RAK pour laquelle il était responsable.

 17   Il était le chef de la police qui a vu les crimes horribles que les

 18   forces serbes ont perpétré au premier plan, a entendu parler de ces

 19   derniers, a lu à propos de ces derniers dans des rapports qu'il recevait et

 20   qui, cependant, a été enhardi à protéger ces auteurs de poursuite au pénal.

 21   Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est la Défense.

 22   Et aux yeux de la Défense, on ne peut échapper aux conclusions

 23   raisonnées et raisonnables de la Chambre sur les choix que Zupljanin a

 24   faits, le comportement délibéré auquel il se prêtait, les crimes nombreux

 25   desquels il avait connaissance, et son engagement indéfectible à cette

 26   entreprise criminelle commune.

 27   Alors lors de mes arguments cet après-midi, Messieurs les Juges, je

 28   vais discuter du fondement pour les conclusions de la Chambre concernant


Page 184

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 185

  1   les contributions à l'entreprise criminelle commune de Zupljanin. Je vais

  2   commencer par le nombre énorme d'exemples de comportement actif que la

  3   Chambre a utilisé pour établir la contribution significative de Zupljanin.

  4   Ensuite, après avoir discuté de ce comportement actif de Zupljanin,

  5   je parlerai du climat d'impunité que Zupljanin a créé dans la RAK au moyen

  6   de ses actes et de son manque d'action délibéré. J'aborderai ensuite les

  7   conclusions de la Chambre sur le devoir de protéger de Zupljanin, protéger

  8   la population civile et ensuite passer à la question de la resubordination.

  9   Je répondrai aux questions que vous avez soulevées s'agissant des

 10   premier et troisième moyens d'appel de Zupljanin, et Mme Baig conclura les

 11   arguments de l'Accusation en répondant aux arguments de Zupljanin

 12   concernant le sixième moyen d'appel, la question du courriel du Juge

 13   Harhoff.

 14   Alors passant au comportement actif, la Chambre de première instance

 15   s'est fondée pour établir la contribution significative de Zupljanin sur

 16   les éléments suivants. Alors que Zupljanin avait certainement contribué à

 17   l'objectif criminel commun par son manque d'action, la Chambre de première

 18   instance a également établi des conclusions assez détaillées concernant son

 19   comportement actif, des conclusions qui établissent en elles-mêmes sa

 20   contribution significative.

 21   Qu'incluait ce comportement actif ? Eh bien, il incluait la création

 22   et le déploiement du détachement de la police spéciale, le désarmement de

 23   non-Serbes, avoir joué un rôle actif dans la campagne d'arrestation

 24   illégale et de détention, et les arguments de la Défense obscurcissent

 25   l'impact de ses actions dans la réalisation de l'objectif criminel commun.

 26   J'aimerais commencer mon argumentaire en vous parlant du comportement

 27   actif de Zupljanin à Banja Luka, parce que c'est là que toute l'histoire

 28   commence à propos de ce détachement spécial de la police.


Page 186

  1   Ayant été l'un des acteurs-clés qui avait organisé le blocus de Banja

  2   Luka par le groupe paramilitaire des forces de défense serbe, les SOS, le 3

  3   avril 1992, Zupljanin a alimenté la campagne de violence qui a suivi le

  4   blocus en créant et en déployant son détachement spécial de la police, une

  5   unité qu'il a constituée de criminels expérimentés.

  6   Qu'a fait la campagne de violence à Banja Luka ? A quoi ressemblait-

  7   elle lorsque Zupljanin a mis en place sont détachement spécial de la police

  8   ? Après le blocus, le SOS, qui avait des liens étroits avec le SDS, a mené

  9   des attaques contre les non-Serbes et leurs biens en plastiquant des

 10   maisons et des entreprises deux à trois fois par semaine. Je me fonde ici

 11   sur le Tome 1 du jugement, paragraphes 157 et 209.

 12   Les officiers de police de Zupljanin n'ont pas abordé ces crimes de

 13   façon éclairée, dirons-nous; au lieu de cela, lorsqu'ils patrouillaient

 14   dans les quartiers musulmans, ils ont saisi de l'argent et ont accueilli

 15   des informations qui avaient été utilisées pour emmener des personnes en

 16   interrogatoire au QG de Zupljanin, au bâtiment du CSB de Banja Luka; Tome

 17   1, paragraphe 157.

 18   Un groupe de Serbes qui conduisaient une camionnette rouge et qui incluait

 19   des membres des forces de police de Zupljanin était particulièrement connu.

 20   Ils rouaient de coups, harcelaient, arrêtaient et volaient des biens de

 21   non-Serbes; Tome 1, 159. Ceux qu'ils ont enlevés de façon violente étaient

 22   emmenés dans la camionnette qui était conduite autour de Banja Luka les

 23   portes ouvertes pour que les victimes soient vues de tous lors de leurs

 24   mauvais traitements. Le groupe de la camionnette rouge a lancé certaines

 25   attaques du bâtiment du CSB de Zupljanin et y est retourné avec les

 26   victimes pour que les victimes puissent encore être rouées de coups et

 27   humiliées encore plus.

 28   Pire encore, Zupljanin a octroyé à ces auteurs une impunité en annonçant


Page 187

  1   publiquement, au premier semestre du mois d'avril, qu'il ne pouvait pas

  2   garantir la sécurité physique des non-Serbes et de leurs biens. Je fais

  3   référence ici au Tome 2, 450 à 496. L'atmosphère de menace à Banja Luka

  4   suite au blocus a fait que des centaines de non-Serbes ont quitté la

  5   municipalité, et ce, semaine après semaine, dans des autocars escortés par

  6   la police; Tome 2, 499 et 512.

  7   Et c'est en plein milieu de cette vague de violence qui avait lieu

  8   autour de lui que Zupljanin a créé son détachement spécial de police de 150

  9   à 200 hommes. Zupljanin leur a fourni, en qualité de membres du

 10   détachement, de cartes d'identité qui les habilitaient à arrêter des

 11   personnes, à mener des fouilles sans mandat, et à porter et à utiliser des

 12   armes à feu; Tome 2, 390.

 13   Zupljanin a été averti des dangers s'il intégrait des criminels des

 14   SOS dans son détachement spécial de la police, mais il a balayé du revers

 15   de la main ces avertissements et a loué les SOS comme étant des chevaliers

 16   serbes; Tome 2, 388, 499; et Tome 1, 143 [comme interprété].

 17   Suite à sa création, Zupljanin a laissé le détachement à Banja Luka

 18   se déchaîner en mai 1992, où des membres de l'unité ont arrêté de façon

 19   arbitraire et ont roué de coups des non-Serbes et on pillé leurs biens.

 20   Tout comme d'autres auteurs l'avaient fait depuis le blocus, les membres du

 21   détachement ont pris les non-Serbes au QG de Zupljanin, le bâtiment du CSB

 22   de Banja Luka, et les ont battus là-bas; Tome 1, paragraphes 164 et 201.

 23   En mai 1992, des membres du détachement ont également commis de façon

 24   active des crimes en dehors de Banja Luka. Ce mois-là, Zupljanin avait

 25   envoyé les membres du détachement à Bosanski Novi et Doboj et avait appris

 26   qu'ils avaient commis des crimes dans ses municipalités également; Tome 2,

 27   paragraphes 405, 431, 440 et 502.

 28   Malgré le fait qu'il savait que ses membres avaient fait des non-


Page 188

  1   Serbes des victimes, Zupljanin a permis au détachement d'agir à Banja Luka

  2   et à déployer le détachement pour aider à la prise d'autres municipalités

  3   également. Il n'est pas surprenant d'apprendre que les membres du

  4   détachement ont continué à commettre des crimes contre des non-Serbes. Par

  5   exemple, le 13 juin, le chef du SJB de Prijedor, Simo Drljaca, a rapporté à

  6   Zupljanin que des membres du détachement avaient procédé à des arrestations

  7   arbitraires, abusaient et volaient des prisonniers au camp d'Omarska, et

  8   avaient pillé des biens pendant des opérations de nettoyage.

  9   En juin 1992, Zupljanin a également déployé le détachement à Kotor

 10   Varos à la demande de la cellule de Crise locale, et à la fin de ce mois-

 11   là, des rapports concernant la participation du détachement à des pillages,

 12   à des mauvais traitements, à des meurtres et à des viols de non-Serbes à

 13   Kotor Varos sont arrivés à Zupljanin; Tome 1, paragraphe 451; Tome 2,

 14   paragraphe 425. Au moins d'août 1992, des membres du détachement

 15   expulsaient encore des Musulmans; Tome 2, paragraphe 397.

 16   Au-delà de son rôle dans le déploiement du détachement, Zupljanin a

 17   également activement contribué à l'objectif criminel commun en ordonnant

 18   aux policiers de la RAK de coopérer avec d'autres forces serbes dans la

 19   mise en œuvre d'opérations de désarmement en mai et juin 1992, et la

 20   Chambre de première instance a conclu qu'elle a été essentielle -

 21   essentielle - pour l'expulsion de la population non-serbe; Tome 2,

 22   paragraphe 500.

 23   L'opération de désarmement a facilité les attaques sur les non-Serbes

 24   de la part des forces serbes. Par exemple, à Prijedor, un raid réussi de

 25   confiscation d'armes des Musulmans et de la population croate, y compris

 26   des fusils et des pistolets obtenus légalement, a donné lieu à une prise

 27   sans opposition que les forces serbes ont exploitée en rasant les zones

 28   non-serbes qu'ils attaquaient. Les attaques ont provoqué la fuite de la


Page 189

  1   population civile, et cette population civile s'est cachée dans des villes

  2   proches, des forêts, des vallées, où elle était traquée et arrêtée.

  3   A Prijedor, comme dans d'autres municipalités de la RAK, les

  4   arrestations de non-Serbes ont été massives et indiscriminées. Ces

  5   arrestations font partie de la ligne de conduite destinée à débarrasser la

  6   Republika Srpska de sa population non-serbe. La Chambre de première

  7   instance a conclu que Zupljanin avait joué un rôle proactif dans les

  8   arrestations massives et détention des non-Serbes, qu'il s'agit encore

  9   d'une illustration du comportement actif qui était le sien dans la

 10   réalisation de l'objectif criminel commun.

 11   Comment Zupljanin a-t-il joué un rôle actif dans les arrestations

 12   massives et les opérations de détention ? Tout d'abord, il a surveillé

 13   l'opération de très près. Souvenez-vous, Messieurs les Juges, Zupljanin

 14   avait une connaissance de première main des mauvais traitements violents

 15   infligés aux détenus au bâtiment CSB de Banja Luka, c'était son propre

 16   bâtiment CSB de Banja Luka, où la pratique communément adoptée consistait à

 17   frapper ouvertement et humilier les non-Serbes; Volume 1, paragraphes 166

 18   et 201; Volume 2, paragraphes 415 et 503.

 19   En sus de cela, Zupljanin a visité le camp d'Omarska et a vu des

 20   détenus non-serbes qui avaient l'air très malheureux et sous alimentés, qui

 21   sentaient mauvais et montraient les signes de sévices dont ils avaient fait

 22   l'objet; Volume 2, paragraphes 424 et 508. Zupljanin s'est également rendu

 23   au camp de Manjaca où il a vu des détenus qui avaient été privés des

 24   conditions sanitaires essentielles leur permettant de se laver. Ils

 25   vivaient dans des étables destinées aux animaux; Volume 1, paragraphe 182;

 26   Volume 2, paragraphe 506.

 27   Au-delà de ce qu'il a pu observer directement, Zupljanin recevait des

 28   rapports sur la détention illégale, les mauvais traitements et les meurtres


Page 190

  1   de non-Serbes; Volume 2, paragraphe 418 à 423, 425 à 427, 506 à 510.

  2   Mais, Messieurs les Juges, Zupljanin n'a pas simplement suivi de très

  3   près les événements sur le terrain, il a fourni des éléments d'information

  4   à Stanisic sur l'ampleur de l'opération de détention dans la RAK, des

  5   crimes commis, et il a également proposé des recommandations sur la manière

  6   dont l'opération devait être menée, l'opération de détention; Volume 2,

  7   paragraphes 434 à 435.

  8   Zupljanin était tellement impliqué dans l'opération de détention

  9   qu'il a même facilité le déplacement des détenus de la Republika Srpska.

 10   Par exemple, le 29 septembre 1992, Zupljanin a ordonné à la police de

 11   Prijedor d'escorter par les autocars transportant plus de 1 500 non-Serbes

 12   du camp de Trnopolje en Croatie; Volume 2, paragraphe 511.

 13   Outre son rôle dans le désarmement des non-Serbes, la création, le

 14   déploiement du détachement de la police spéciales, il a crée un climat

 15   d'impunité dans la RAK qui perpétuait le cycle de violence qui avait pour

 16   but de chasser les non-Serbes de la Republika Srpska.

 17   Comment a-t-il créé ce climat d'impunité ? Par le biais d'actions et

 18   d'inactions délibérées. Zupljanin a délibérément déposé des rapports pénaux

 19   qui induisaient en erreur les lecteurs concernant le massacre de Koricanske

 20   Stijene et les meurtres devant le camp de Manjaca pour pouvoir protéger les

 21   auteurs de poursuite pénale; Volume 2, paragraphe 519.

 22   Zupljanin a également mis sur pied un simulacre de commission pour

 23   inspecter les camps de détention et les installations de Prijedor, Sanski

 24   Most et Bosanski Samac [comme interprété]. La commission a produit un

 25   rapport que la Défense a reconnu, au paragraphe 166, c'était dans son

 26   mémoire en appel de Zupljanin, il s'agissait, en fait, de maquiller à la

 27   chaux un rapport qui servait leurs intérêts.

 28   En déposant ces rapports pénaux qui induisaient en erreur et ce simulacre


Page 191

  1   de commission, Zupljanin a protégé les auteurs. Mais comme je l'ai dit, le

  2   climat d'impunité de la RAK était dû à ses actes ainsi que son inaction

  3   délibérée, les actes de Zupljanin et son inaction délibérée.

  4   A terme, la Chambre a constaté et déterminé qu'au vu des éléments de

  5   preuve, les actes et inactions de Zupljanin étaient un choix qui était le

  6   sien, un choix qui a eu des conséquences terribles et mortelles pour les

  7   non-Serbes, le choix de ne pas protéger les non-Serbes, un choix qui

  8   émanait d'un chef de la police de la stature de Zupljanin qui a dit aux

  9   auteurs : Il n'y a pas de problème, vous pouvez terroriser les non-Serbes

 10   parce qu'il fallait poursuivre ce cycle de violence, un choix que Zupljanin

 11   savait qui contraindrait les non-Serbes à quitter les municipalités de la

 12   RAK et, effectivement, la Republika Srpska.

 13   Le choix de Zupljanin était que trop apparent au mois d'avril 1992,

 14   lorsqu'il a diffusé à Banja Luka cela en disant qu'il ne pouvait pas

 15   garantir la sécurité physique des non-Serbes ainsi que de leurs biens,

 16   confer le paragraphe 519 du Volume 2 du jugement. Zupljanin aurait pu dire

 17   qu'il ne pouvait pas protéger les non-Serbes et leurs biens, mais ce qu'il

 18   voulait vraiment dire c'est qu'il ne souhaitait pas protéger les non-Serbes

 19   et leurs biens, et, par conséquent, qu'il ne les protégerait pas.

 20   Après tout, Messieurs les Juges, vous pouvez vous poser la question de

 21   savoir qui à Banja Luka est-ce que Zupljanin pensait qu'il pouvait protéger

 22   la population non-serbe ? Etait-ce ce groupe de la camionnette rouge qui a

 23   lancé des attaques depuis le même bâtiment du CSB et où des personnes ont

 24   été victimes, qu'il l'emmenait là et qui étaient frappées ? Etait-ce le SOS

 25   qui a terrorisé les non-Serbes sur lesquels Zupljanin tarissait d'éloges en

 26   les appelant les chevaliers serbes ? Ou le détachement de la police

 27   spéciale que Zupljanin a lâché contre la population non-serbe quelques

 28   semaines après cette annonce ?


Page 192

  1   Il s'agit d'une affaire, Messieurs les Juges, où la Défense a mentionné les

  2   arguments au niveau du prononcé de la peine. Zupljanin a simplement manqué

  3   à son obligation d'agir rapidement et de façon adéquate, ce que l'on peut

  4   attendre à quelqu'un qui représente la loi; c'est une affaire, en fait, qui

  5   porte sur son choix délibéré et de chasser les non-Serbes de la RAK et de

  6   la Republika Srpska.

  7   Pendant toute l'année 1992, au paragraphe 164; Volume 1, paragraphe 164;

  8   Volume 2, 415 et 496. Lorsque les non-Serbes se plaignaient auprès de

  9   Zupljanin au sujet des sévices qu'ils subissaient, un groupe de

 10   représentants musulmans, à la mi-juillet [comme interprété] 1992, ont été

 11   encore davantage terrorisés par les polices de Zupljanin; Volume 2,

 12   paragraphe 451, 497 et 499.

 13   Comme à Banja Luka dans les jours, semaines et mois qui ont suivi l'annonce

 14   qu'il a faite au mois d'avril, lorsque Zupljanin a dit qu'il ne pouvait pas

 15   protéger les non-Serbes, il a tenu parole en omettant ou même en n'essayant

 16   même pas de mettre un terme à la vague de crimes qui prenait pour cible des

 17   non-Serbes sur l'ensemble du territoire de la RAK. Et ce choix était

 18   manifeste. D'après son manquement sur l'obligation d'enquêter et de

 19   discipliner les membres de son détachement de la police spéciale pour les

 20   crimes qu'ils avaient commis à Banja Luka et dans d'autres endroits; Volume

 21   2, paragraphes 462, 484, 504 et 505.

 22   Le choix de Zupljanin était manifeste au niveau de son mépris total

 23   lorsqu'il, à différentes occasions, a justifié les crimes épouvantables

 24   commis à Omarska, Keraterm et Teslic en indiquant qu'une guerre faisait

 25   rage; Volume 2, paragraphe 423; Volume 1, paragraphe 849.

 26   La Défense a parlé de Teslic, mais plutôt que de montrer les efforts qui

 27   étaient les siens pour protéger les non-Serbes, son comportement par

 28   rapport à Teslic illustre son comportement qui consistait à ne pas les


Page 193

  1   protéger pour que les non-Serbes quittent la RAK. Son choix était réel

  2   lorsqu'il n'a pas fait droit à Predrag Radulovic, qui souhaitait mettre en

  3   place une équipe de médecins légistes pour exhumer le groupe de Mice de

  4   victimes non-serbes à Teslic.

  5   Qu'est-ce qu'il a dit à Predrag Radulovic ? Il a dit que le moment n'était

  6   pas bon pour mener une enquête médico-légale. Inutile d'organiser des

  7   analyses médico-légales à Teslic; Volume 2, paragraphe 455. Le moment

  8   n'était pas opportun pour enquêter sur des crimes commis contre des non-

  9   Serbes à Teslic, comme cela n'était pas le bon moment pour enquêter sur les

 10   crimes commis devant le camp de Manjaca ou le massacre des non-Serbes à

 11   Koricanske Stijene, ou des milliers d'autres crimes épouvantables contre

 12   les non-Serbes.

 13   Je m'adresse à dessein à vous concernant ces crimes et ce cycle de violence

 14   qui chassait les Serbes et qui faisait partie de la campagne d'expulsion.

 15   Zupljanin a décidé de ne prendre aucune action décisive. Il a décidé de

 16   faire l'annonce de son choix pour qu'il n'y ait aucun doute sur la

 17   question, et il a fait son annonce à Banja Luka. Il a voulu protéger les

 18   auteurs et il a voulu mettre en place un simulacre de commission pour

 19   inspecter les sites de détention.

 20   Par son inaction délibérée, Zupljanin a décidé de ne pas répondre à

 21   l'obligation essentielle et élémentaire de tout officier de police, à

 22   savoir l'obligation de protéger la population civile. Ce choix a encouragé

 23   les auteurs à poursuivre la commission de leurs crimes et a découragé les

 24   victimes de rester en Republika Srpska.

 25   A Banja Luka, où des centaines de non-Serbes fuyaient la municipalité

 26   toutes les semaines suite au blocus serbe, la communauté musulmane a été

 27   anéantie par l'annonce de Zupljanin, à savoir qu'il ne pouvait pas les

 28   protéger. Ils se sont rendu compte du fait qu'on ne pouvait pu garantir


Page 194

  1   leur sécurité; Volume 2, paragraphe 450, 496. L'incidence sur l'ensemble du

  2   territoire de la RAK n'était pas différente. Paragraphe 518 Volume 2, la

  3   Chambre de première instance a constaté que le manquement de Zupljanin à

  4   son obligation de protéger les non-Serbes a exacerbé leur sentiment

  5   d'insécurité et a fortement contribué à leur fuite des municipalités de la

  6   RAK.

  7   Messieurs les Juges, il y a aucune différence entre le fait que la Chambre

  8   s'est reposée sur l'obligation de réagir conformément au droit de la

  9   Republika Srpska lorsqu'elle a apprécié l'inaction de Zupljanin. L'objectif

 10   ou lorsqu'il y a obligation, il s'agit de réagir d'une certaine façon dans

 11   certaines conditions. Il avait l'obligation de protéger la population

 12   civile. Et comme les Juges de la Chambre l'ont constaté, une décision a été

 13   prise de ne pas remplir cette obligation pour pouvoir agir de façon

 14   discriminatoire contre les non-Serbes et de les contraindre à quitter les

 15   municipalités de la RAK, et donc il a contribué à la réalisation de

 16   l'objectif criminel commun par son inaction; Volume 2, paragraphe 519.

 17   Et donc dans ces conditions, il s'agit du manquement délibéré de Zupljanin

 18   de remplir son obligation, il savait qu'il avait l'obligation d'agir, et

 19   ce, conformément à l'objectif criminel commun, s'il n'y a aucune différence

 20   à l'obligation qui était la sienne en vertu du droit national et du

 21   jugement récemment rendu dans l'affaire Butare confirme ceci; et le

 22   jugement d'appel également.

 23   La Chambre d'appel n'a jamais abordé la question de la responsabilité

 24   limitée de cette façon dans le jugement Butaré, au paragraphe 2194.

 25   Et si cette responsabilité est-elle fondée en droit pénal, ceci n'est

 26   pas pertinent parce que les contributions à l'entreprise criminelle commune

 27   n'ont pas besoin d'avoir un caractère criminel et ne font pas partie de

 28   l'actus reus ou n'est pas un élément constitutif de l'actus reus du crime.


Page 195

  1   Ce principe s'applique indépendamment qu'il y ait contribution par le biais

  2   d'un acte ou une omission.

  3   Par conséquent, s'il s'agit de contributions par omission, ceci n'a

  4   pas forcément un caractère pénal, cela ne serait pas logique d'exiger que

  5   l'obligation repose sur une contribution qui entraîne une sanction pénale.

  6   De toute façon, Messieurs les Juges, il s'agit du manquement à l'obligation

  7   d'un officier de police de remplir son obligation, ce qui avait un

  8   caractère criminel en Republika Srpska. Je vous renvoie, Messieurs les

  9   Juges, au mémoire en réponse de l'Accusation, note en bas de page 331.

 10   La première question que vous avez posée, Messieurs les Juges, concernant

 11   le premier moyen d'appel de Zupljanin, à savoir si la Chambre de première

 12   instance a constaté que Zupljanin était responsable pour avoir manqué à son

 13   obligation d'enquêter sur les crimes commis par la police qui était

 14   resubordonnée à l'armée.

 15   Messieurs les Juges, en réponse à votre question, je dois commencer par

 16   l'obligation de Zupljanin de protéger la population civile. La

 17   resubordination n'avait pas pertinence par rapport au devoir de Zupljanin

 18   de remplir ce devoir. Il était non pertinent en raison du devoir de

 19   Zupljanin de protéger la population civile qui pesait sur lui, donc un

 20   devoir de réprimer le crime contre des victimes civiles, quel que soit le

 21   statut ou l'affiliation de l'auteur. Par ailleurs, ce devoir ne consistait

 22   pas simplement à enquêter au sujet des crimes; il concernait aussi la

 23   nécessité de prendre des mesures, des mesures préventives, pour arrêter ces

 24   crimes.

 25   Aujourd'hui, il a été fait référence au paragraphe 342 du Volume 2. Les

 26   observations de la Chambre dans ce paragraphe ne concernent pas le devoir

 27   de protéger la population civile qui pesait sur Zupljanin. Le cœur de ce

 28   paragraphe porte sur la question de savoir si des policiers resubordonnés


Page 196

  1   dépendaient d'une chaîne de commandement militaire ou policière. Ces

  2   observations sont pertinentes par rapport au devoir de Zupljanin d'exercer

  3   sa mission de supérieur et de punir ses subordonnés.

  4   La Chambre a pris le soin de distinguer ce devoir, son devoir en qualité de

  5   supérieur, de son autre devoir de protéger la population civile. La Chambre

  6   a eu raison de prendre en compte le devoir de Zupljanin en qualité de

  7   supérieur car elle a raisonnablement établi qu'il exerçait son autorité sur

  8   les policiers, dont elle a estimé qu'il n'avait pas enquêté à leur sujet ou

  9   qu'il ne leur avait pas imposé de sanctions disciplinaires. Au nombre de

 10   ces policiers se trouvaient des membres du détachement de police spéciale,

 11   les policiers qui ont participé aux arrestations de masse et aux opérations

 12   de placement en détention de masse, ainsi que les chefs du SJB, tel que

 13   Simo Drljaca, qui a participé aux crimes commis contre les non-Serbes.

 14   En établissant l'autorité de Zupljanin sur ces policiers, la Chambre a

 15   manifestement décidé qu'ils n'étaient pas resubordonnés à l'armée. Aucun

 16   des arguments de la Défense s'agissant de la resubordination ne permet donc

 17   de renverser les conclusions attentives de la Chambre au sujet de

 18   l'autorité exercée par Zupljanin.

 19   J'aimerais maintenant vous donner quelques exemples qui illustreront la

 20   démarche correcte appliquée par la Chambre de première instance à la

 21   question relative à l'autorité de Zupljanin. D'abord, parlons du

 22   détachement spécial de la police. La Chambre de première instance a établi

 23   que Zupljanin avait créé ce détachement, l'avait déployé, que des crimes

 24   avaient été commis par ce détachement à Kotor Varos et au-delà, et que ces

 25   crimes lui avaient été rapportés et que les membres du détachement lui ont

 26   demandé d'intervenir au moment où ils s'écartaient de la loi; Volume 2,

 27   paragraphes 438 et 439, ainsi que paragraphes 501 et 503. La Chambre a

 28   raisonnablement conclu que Zupljanin exerçait une autorité complète sur ce


Page 197

  1   détachement et qu'il avait autorité pour en punir les membres.

  2   Deuxième exemple au sujet de l'autorité exercée par Zupljanin sur les

  3   policiers ayant participé à des arrestations et à des mises en détention

  4   massives. La Défense a présenté des arguments précis au sujet de Manjaca,

  5   Trnopolje et Keraterm, les différents camps sans définition précise que je

  6   viens de citer. Je vais maintenant me concentrer sur le contexte plus large

  7   qu'a pris en compte la Chambre de première instance pour établir que

  8   Zupljanin avait autorité pour mener des enquêtes et imposer des sanctions

  9   disciplinaires aux policiers ayant participé à des arrestations de masse et

 10   des opérations de détention.

 11   L'autorité de Zupljanin sur la police impliquait les arrestations et les

 12   opérations de détention, et elle est visible dans les commentaires qu'il a

 13   formulés lors de la réunion collégiale du 11 juillet où il a dit à Stanisic

 14   et à d'autres participants à cette réunion que l'armée et les cellules de

 15   Crise ou les présidences de Guerre demandaient que le plus grand nombre

 16   possible de Musulmans soient regroupés et où ils demandaient que "ces camps

 17   sans définition précise soient laissés à la responsabilité des organes des

 18   affaires intérieures." Ceci figure dans la pièce P160, qui est discutée

 19   dans le Volume 2, paragraphe 434 du jugement.

 20   Zupljanin ne parle pas de la resubordination des policiers aux militaires

 21   dans ce passage de la pièce P160; il parle du personnel du MUP, il parle

 22   des opérations de détention dans les camps parce qu'il a connaissance de

 23   l'existence de ces camps et il sait qu'ils ont été laissés à la

 24   responsabilité des organes des affaires intérieures. L'autorité de

 25   Zupljanin est tout à fait apparente dans le rapport qu'il adresse le 20

 26   juillet à Stanisic, qui constitue la pièce P583, évoquée dans le Volume 2,

 27   paragraphe 435 du jugement.

 28   Dans ce rapport, Zupljanin fait référence à l'arrestation de plusieurs


Page 198

  1   milliers de Musulmans et de Croates et indique que de nombreux policiers

  2   d'active et de réserve ont participé à la sécurité des installations dans

  3   lesquelles sont détenus ces prisonniers. Zupljanin demande à Stanisic de

  4   contacter les organes d'autorité et la VRS afin, je cite, de "prendre des

  5   positions décisives eu égard à leur statut futur et au traitement qui leur

  6   sera réservé."

  7   Zupljanin recommande aussi que les non-Serbes détenus illégalement soient

  8   traités en tant qu'otages et servent dans les échanges de prisonniers et

  9   que la responsabilité de la sécurité des centres de détention soit assumée

 10   par la VRS.

 11   Le rapport de Zupljanin à Stanisic, Messieurs les Juges, révèle la

 12   participation importante du MUP dans l'autorité exercée sur les centres de

 13   détention et les camps de la RAK. Zupljanin démontre son investissement

 14   dans cette opération de détention en formulant des recommandations sur la

 15   façon dont certaines questions doivent être résolues.

 16   S'agissant des militaires, Zupljanin parle de collaboration avec la VRS en

 17   vue de résoudre les problèmes liés au traitement des détenus. Il parle de

 18   transfert de responsabilité eu égard à la garde des détenus vers la VRS. Il

 19   ne laisse certainement pas entendre que les policiers travaillant dans les

 20   centres de détention et dans les camps ont été resubordonnés à la VRS.

 21   La Chambre a également eu le bénéfice des éléments de preuve qui montrent

 22   que Zupljanin a été prié d'émettre des instructions destinées aux policiers

 23   quant à la façon dont ils devaient traiter les détenus. Le 17 juin, le chef

 24   du SJB de Sanski Most se plaint au sujet du nombre de détenus qui se

 25   trouvent dans son centre du SJB et demande à Zupljanin, je cite, "d'émettre

 26   un ordre pour donner des instructions strictes au SJB eu égard au

 27   traitement des prisonniers." Ceci figure dans la pièce P411.21, qui est

 28   discutée dans le Volume 2, paragraphe 418 du jugement.


Page 199

  1   Il y a un autre problème avec ces arrestations de masse et détentions

  2   massives à Sanski Most. La demande reçue par Zupljanin du chef du SJB de

  3   Sanski Most indique, par conséquent, que c'est bien lui qui exerçait de

  4   façon générale l'autorité sur les policiers impliqués dans ces arrestations

  5   de masse et dans ces opérations de détention.

  6   J'aimerais maintenant me tourner vers la deuxième question posée par les

  7   Juges de la Chambre d'appel concernant le premier motif d'appel de

  8   Zupljanin, à savoir est-ce que la Chambre de première instance a commis une

  9   erreur en utilisant la présence de Zupljanin à la réunion de l'hôtel

 10   Holiday Inn, réunion des comités exécutifs et du comité principal du SDS

 11   pour apprécier son intention.

 12   Selon nos arguments, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la

 13   Chambre a raisonnablement établi que Zupljanin avait participé à la réunion

 14   du SDS au Holiday Inn de Sarajevo le 14 février. Le reçu de l'Holiday Inn

 15   que la Chambre a utilisé montrant qu'il était descendu à l'hôtel Holiday

 16   Inn le jour même de la réunion du conseil principal et du conseil exécutif

 17   du SDS et qu'il avait quitté l'hôtel le lendemain suffit à établir la

 18   présence de Zupljanin à cette réunion et ainsi, bien sûr, que la

 19   conversation interceptée sur laquelle s'est appuyée la Chambre à l'appui de

 20   ces conclusions. Nous déclarons, ayant convenablement établi la présence de

 21   Zupljanin à cette réunion, il était approprié pour la Chambre de première

 22   instance de s'appuyer sur cette conclusion pour établir qu'il partageait

 23   l'intention sous-jacente à l'objectif criminel commun.

 24   A la réunion du 14 février, Karadzic a demandé que l'étape finale des

 25   variantes A et B de ces instructions soient mises en œuvre; Volume 2,

 26   paragraphe 237. La Chambre a conclu que ces instructions étaient destinées

 27   à préparer les communautés locales serbes et leurs dirigeants à la prise du

 28   pouvoir dans ces municipalités; Volume 2, paragraphe 310. Et en commençant


Page 200

  1   par Banja Luka et pendant tous les déploiements du détachement spécial de

  2   la police vers d'autres municipalités, Zupljanin a joué un rôle capital

  3   dans la prise de contrôle de ces municipalités; Volume 2, paragraphes 495

  4   et 518. La présence de Zupljanin à la réunion du 14 février, prise en

  5   compte en même temps que son comportement ultérieur, démontre qu'il

  6   connaissait et qu'il était d'accord avec l'objectif criminel commun. Cela

  7   étant dit, même si, Messieurs les Juges, vous deviez conclure que la

  8   Chambre de première instance avait commis une erreur en s'appuyant sur la

  9   présence de Zupljanin à la réunion du 14 février, cette conclusion n'aurait

 10   aucun impact sur le jugement.

 11   M. Gosnell a laissé entendre que cette conclusion avait joué un rôle

 12   central quant à établir l'intention de la part de la Chambre de première

 13   instance. La conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle

 14   Zupljanin partageait l'objectif criminel commun est entièrement étayé par

 15   un certain nombre d'autres facteurs, y compris les liens étroits que

 16   Zupljanin entretenaient avec le SDS et le rôle qu'il a joué dans

 17   l'organisation du blocus de Banja Luka; Volume 2, paragraphes 495 et 519.

 18   Le rôle de Zupljanin dans la mise en œuvre d'une politique discriminatoire

 19   qui était destinée à purger les municipalités des non-Serbes dans la RAK;

 20   Volume 2, paragraphes 44, paragraphes 366, 377, 382 et 519 du jugement. Ses

 21   efforts pour créer un climat d'impunité, celui qui régnait à Banja Luka

 22   après le blocus du mois d'avril et sa promotion de ce climat d'impunité

 23   dans toute la RAK. Les ordres de Zupljanin de désarmer les non-Serbes alors

 24   qu'ils étaient attaqués à Banja Luka et juste avant cette attaque, dans

 25   d'autres municipalités de la RAK. Le rôle proactif joué par Zupljanin dans

 26   les arrestations de masse et l'opération de détention dans toute la RAK,

 27   l'ordre émanant de lui le 31 juillet au milieu de la campagne d'expulsion

 28   dans lequel il fait référence à un grand nombre de Musulmans et de Croates


Page 201

  1   qui sont en train de quitter la RAK, et il ordonne à ses subordonnés de

  2   maintenir la pression; Volume 2, paragraphes 490 et 506 [comme interprété].

  3   Et la création par lui du détachement de police spéciale, le déploiement

  4   immédiat et prolongé de ce détachement spécial, ainsi que le fait qu'il n'a

  5   pas soumis les membres de cette unité à des mesures disciplinaires, tous

  6   ces facteurs étayent de façon massive les conclusions de la Chambre de

  7   première instance quant au partage par Zupljanin de l'objectif criminel

  8   commun, en tout cas, à partir du début avril 1992.

  9   J'aimerais maintenant, si vous me le permettez, aborder la question

 10   posée par la Chambre d'appel sur le troisième motif d'appel de Zupljanin, à

 11   savoir est-ce que la Chambre de première instance a abouti aux conclusions

 12   qui s'imposaient en indiquant que les auteurs du meurtre de 20 détenus

 13   pendant leur transport depuis le centre de détention de Betonirka à Sanski

 14   Most jusqu'à Manjaca possédaient les éléments nécessaires pour prouver

 15   l'intention d'extermination. La Chambre a conclu convenablement en

 16   établissant l'intention de l'auteur vis-à-vis de l'extermination. Avant

 17   d'aboutir à sa conclusion sur le fait de savoir si cet incident était

 18   équivalent à une extermination, la Chambre a pris en compte avec attention

 19   les éléments de preuve sous-jacents, paragraphe 189 du Volume 1, en

 20   insistant sur le nombre de détenus transportés dans ce camion dans lequel

 21   les victimes ont péri. Il y avait environ 64 non-Serbes dans ce transport.

 22   Les prisonniers étaient entassés comme des sardines dans le camion dans

 23   lequel ils étaient transportés sans air pour respirer. La Chambre a pris

 24   note de la vulnérabilité particulière de certains de ces prisonniers. Elle

 25   a fait observer que certains ont péri alors qu'ils étaient âgés et en

 26   mauvaise santé.

 27   Ayant pris en compte toutes ces circonstances, la Chambre a conclu

 28   que les exigences vis-à-vis de l'extermination étaient satisfaites au


Page 202

  1   paragraphe 219 du Volume 1 du jugement. Cette conclusion implicite, dirons-

  2   nous, prouve que la Chambre a appliqué correctement le test du mens rea. En

  3   d'autres termes, la Chambre s'est convaincue que les auteurs avaient bel et

  4   bien l'intention de soumettre un grand nombre de personnes aux conditions

  5   d'existence pouvant conduire à une mort. Il est implicite que ceci est le

  6   test appliqué par la Chambre de première instance, parce que quoi qu'il en

  7   soit, la Chambre a appliqué correctement le critère du mens rea vis-à-vis

  8   de l'extermination. La seule conclusion raisonnable consistant à se

  9   prononcer quant au fait que les auteurs possédaient cette intention. Les

 10   tentatives de la Défense cet après-midi pour établir une distance par

 11   rapport à cet incident dû à la police sur la base de certains nombre

 12   d'éléments de preuve sélectifs ne prouvent aucune erreur de la part de la

 13   Chambre de première instance lorsqu'elle a déclaré que la police avait en

 14   fait joué un rôle central dans la mort de ces prisonniers non-Serbes.

 15   Avant de conclure mes arguments, je vais maintenant m'occuper de

 16   l'argument de la Défense quant à l'entreprise criminelle commune de

 17   catégorie 3 et qui concerne le partage de l'intention de Zupljanin eu égard

 18   aux transferts forcés et aux déportations. La Défense essaie d'introduire

 19   de la confusion là où les choses sont très simples.

 20   D'abord, les crimes relevant de la catégorie 3 d'entreprise

 21   criminelle commune n'englobent pas de façon exhaustive les actes coercitifs

 22   qui ont conduit les non-Serbes à fuir. Considérons, par exemple, l'annonce

 23   de Zupljanin à Banja Luka selon laquelle ils ne pouvaient pas protéger les

 24   non-Serbes et l'impact que celle-ci a eu sur la communauté musulmane. Nous

 25   en avons déjà parlé. C'est un exemple de comportements qui n'étaient pas un

 26   crime au titre de l'entreprise criminelle commune 3, mais qui ajoutait à

 27   l'atmosphère de menace, a poussé les non-Serbes à fuir la Republika Srpska.

 28   Deuxièmement, l'exclusion des crimes de catégorie 3 de l'entreprise


Page 203

  1   criminelle commune de l'ensemble de l'objectif criminel commun n'a pas

  2   pertinence par rapport aux conclusions de la Chambre de première instance

  3   selon lesquelles Zupljanin partageait l'intention d'aboutir à un transfert

  4   forcé et à des déportations. Cette conclusion sur le partage de

  5   l'intention, pour l'établir, la Chambre n'avait besoin que d'une chose, à

  6   savoir établir que Zupljanin avait l'intention d'obtenir ces déplacements

  7   forcés. En d'autres termes, que les victimes n'avaient aucun autre choix

  8   que de partir. C'est exactement ce que la Chambre a fait. J'ai déjà parlé

  9   de cette conclusion qui étaye l'existence d'une intention partagée de la

 10   part de Zupljanin. Ces conclusions prouvent que Zupljanin avait bel et bien

 11   l'intention d'obtenir des transferts forcés et des déportations et qu'il

 12   partageait cette intention avec les autres membres de l'entreprise

 13   criminelle commune.

 14   Troisième et dernier point, il concerne le fait de savoir si un

 15   accusé peut être acquitté de -- même s'il est acquitté par rapport à des

 16   transferts forcés et à des déportations, ne peut pas être acquitté par

 17   rapport à l'impact que ces transferts forcés ont pu avoir.

 18   Voilà, j'en suis arrivé aux termes de mes conclusions et je donne

 19   maintenant la parole à Mme Baig.

 20   Mme BAIG : [interprétation] Messieurs les Juges, comme je l'ai expliqué

 21   plus en détail dans ma réponse aux arguments de l'équipe de M. Stanisic ce

 22   matin, un observateur raisonnable, dûment informé et ayant eu connaissance

 23   de toutes les circonstances pertinentes, verrait le procès Stanisic et

 24   Zupljanin comme ayant été tranché de manière équitable par un collège du

 25   Juge impartial tout en respectant les droits de l'accusé. Les circonstances

 26   de l'espèce ne donnent lieu à aucune crainte de parti pris de la part du

 27   Juge Harhoff. Son courriel peut être interprété à la lumière de la nature

 28   informelle et du contexte.


Page 204

  1   Mon confrère, ce matin, a abordé le courriel et l'intention

  2   s'agissant des modes de responsabilité. Mais, là, encore, Messieurs les

  3   Juges, je dois insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un document

  4   juridique. Il s'agit d'un courriel informel envoyé à des amis. La tentative

  5   de rejeter la pierre ou de mettre le doigt sur des déclarations

  6   particulières dans ce document n'a aucun objet. Mon confrère, dans son

  7   argument, se fonde sur la prémisse que le Juge Harhoff ne parlait que d'un

  8   mode particulier de responsabilité, celui de première catégorie. Il a pris

  9   chaque déclaration en fonction ou à la lumière de ce critère exigé de

 10   première catégorie d'entreprise criminelle commune. Mais avec tout le

 11   respect que je lui dois, il s'agit d'un postulat erroné. Dans son courriel,

 12   le Juge Harhoff parle des modes de responsabilité de façon très générale.

 13   Il indique dans le courriel qu'il parle de la responsabilité de supérieur

 14   hiérarchique de la première catégorie d'entreprise criminelle commune; de

 15   l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie étendue; et de

 16   l'aide et de l'encouragement. Les articles de la presse et les affaires

 17   dont il parle, ainsi que les références à ces autres modes, rendent les

 18   choses très claires.

 19   Quoi qu'il en soit, Messieurs les Juges, même si le Juge Harhoff a

 20   commis des erreurs dans sa présentation des éléments liés en corrélation

 21   avec les modes de responsabilité, que peut-on en conclure ? Eh bien, il n'y

 22   a pas de parti pris. Cela montrerait juste une mécompréhension du droit.

 23   Les Juges, même dans leurs jugements, même dans leurs écrits juridiques

 24   formels, commettent des erreurs de droit. C'est l'un des objectifs

 25   principaux de toute la procédure d'appel. Donc, savoir s'il y a un

 26   désaccord sur le droit, comme je l'ai dit ce matin, ou une mauvaise

 27   compréhension du droit, là est la question, mais même s'il y avait une

 28   mauvaise compréhension du droit, avoir un élément moral moindre, un critère


Page 205

  1   d'élément moral moindre ne veut pas dire qu'il y a parti pris. En tout état

  2   de cause, Messieurs les Juges, le jugement confirme que l'interprétation

  3   exacte du courriel est celle qui ne montre aucun parti pris.

  4     Et pour toutes ces raisons et celles que j'ai exposées ce matin,

  5   l'équité du procès n'a pas été entachée par la décision de la majorité des

  6   Juges dans l'affaire Seselj. Et s'agissant de votre question, l'Accusation

  7   fait valoir qu'une conclusion de crainte de parti pris mènerait à invalider

  8   la condamnation, mais cela ne veut pas dire nécessairement un acquittement.

  9   Cela voudrait dire soit un réexamen du procès ou, comme Zupljanin l'a

 10   suggéré, une révision de la part de la Chambre d'appel elle-même.

 11   A moins que vous n'ayez des questions, ceci conclut la réponse de

 12   l'Accusation, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pas de question.

 14   Nous allons faire une pause, que nous avons réduite à 20 minutes au lieu de

 15   25 minutes. Il est 4 heures moins cinq, et nous reprendrons dans 20

 16   minutes. Merci.

 17   --- L'audience est suspendue à 15 heures 55.

 18   --- L'audience est reprise à 16 heures 15.

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le conseil de M. Zupljanin, vous avez

 20   20 minutes à compter de maintenant.

 21   Mme CMERIC : [interprétation] Encore une fois, je vais répondre en quelques

 22   mots aux arguments de l'Accusation aux pages 137 et 138 de l'audience

 23   d'aujourd'hui concernant la question que vous avez posée, Messieurs les

 24   Juges, au sujet du troisième moyen d'appel.

 25   Nous faisons valoir que l'Accusation n'a pas abordé la question

 26   essentielle, à savoir elle a essayé de réfuter les arguments de la Défense

 27   concernant le manque de mens rea de la part de l'auteur, et n'a pas

 28   présenté des moyens de preuve suffisants quant à la participation de la


Page 206

  1   police, l'Accusation n'a cité aucun élément indiquant le contraire au

  2   dossier, autrement dit, la participation de la police à l'événement en

  3   question. Et la raison en est simple, Messieurs les Juges, c'est que de

  4   tels éléments de preuve n'existent pas, et les arguments de la Défense

  5   fournissent une réponse exhaustive à la question posée.

  6   M. Gosnell va maintenant aborder la fin de nos arguments concernant la

  7   réponse du bureau du Procureur.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Monsieur le Président, la Défense n'a jamais laissé entendre que la Chambre

 10   de première instance ne s'est pas fondée sur des actes et omissions

 11   lorsqu'elle a parvenu à ses conclusions concernant l'entreprise criminelle

 12   commune, mais je pense que la mesure dans laquelle les omissions sont les

 13   omissions sur lesquelles la Chambre de première instance s'est fondée sont

 14   clairement précisés aux mémoires en appel aux paragraphes 61 et 62. Si vous

 15   vous penchez sur ces deux paragraphes, il y a les éléments sur lesquels se

 16   sont reposées les Chambres de première instance. La moitié des éléments sur

 17   lesquels se fonde la Chambre de première instance, ce sont les omissions,

 18   et la question qui est importante s'agissant des détails de tout ceci : si

 19   la Chambre de première instance a commis une erreur concernant les

 20   omissions, est-ce que la Chambre de première instance serait parvenue aux

 21   mêmes conclusions dans le cas de la mens rea et de l'actus reus si elle

 22   s'était reposée uniquement sur les actes cités. Et rien dans le jugement ne

 23   laisse entendre cela.

 24   Le deuxième point que je souhaite aborder, entre autres questions

 25   soulevées par l'Accusation, est la question qui concerne l'obligation

 26   ostensible qu'avait M. Zupljanin, ce qui est exposé, d'après ce que dit

 27   l'Accusation, à la note en bas de page 331 dans leur réponse, mon renvoi au

 28   droit qui précise, et il s'agit du droit pénal, qu'un représentant du


Page 207

  1   ministère peut être déclaré coupable, entre autres, de manquement de

  2   remplir ses obligations officielles.

  3   Et donc, il s'agit ici pour l'essentiel des arguments de

  4   l'Accusation, autrement dit, M. Zupljanin pourrait ou aurait dû avoir

  5   commis cette omission fort importante dont il aurait fallu tenir compte

  6   pour tout crime commis contre tout civil en Bosnie ou relevant de sa

  7   compétence, en tout cas concernant sa zone de responsabilité.

  8   Alors, réfléchissez à l'ampleur de cela, ce que vous trouverez déjà

  9   au paragraphe 520 du Volume 2 du jugement de première instance, où la

 10   Chambre de première instance estime que le manquement de Zupljanin à

 11   protéger la population non-serbe. Donc, l'étendue de cette obligation est

 12   tellement importante que cela signifierait que toute forme d'inaction

 13   s'agissant d'un crime commis et qui n'est pas empêché ou que personne n'est

 14   arrêté, peut être considéré comme une omission sur un plan juridique,

 15   omission importante.

 16   Si vous acceptez cela, Messieurs les Juges, cela signifie que toute

 17   forme d'inaction, toute forme d'inaction putative est considérée comme une

 18   action, autrement dit, a le même poids pour ce qui est de déduire l'actus

 19   reus et le mens rea à partir de cela.

 20   Alors, pourquoi est-ce si dangereux dans les conditions qui sont les

 21   nôtres et qui sont celles d'aujourd'hui et qui sont celles auxquelles était

 22   confronté M. Zupljanin ? Le paragraphe 29 du mémoire en réplique, où il est

 23   évoqué la déposition du général Lisica, qui parle de la situation telle

 24   qu'elle existait à l'époque au moment du conflit. Et ce qu'il dit, et

 25   souvenez-vous que c'est un général, un militaire, ce n'est pas un policier

 26   qui tente de faire porter la faute à quelqu'un d'autre. Et ce qu'il dit,

 27   c'est :

 28   "Toutes les forces de police étaient subordonnées au commandant de la


Page 208

  1   zone de responsabilité que j'avais en qualité de commandant du Groupe

  2   tactique numéro 3 ou commandant du Groupe opérationnel Doboj…", et ensuite,

  3   il explique plus loin que le compte rendu est truffé d'exemples de ce type.

  4   C'est la raison pour laquelle cela est si dangereux, à mon sens, et

  5   si téméraire d'utiliser des termes comme "les SPD de Zupljanin ont commis

  6   des crimes à Kotor Varos", et de supposer ensuite qu'il s'agissait d'un

  7   manquement à l'obligation de les empêcher et de les punir, et que cela doit

  8   relever de la responsabilité de M. Zupljanin. C'est tout le contraire,

  9   lorsque la Chambre de première instance n'a pas décidé cela. Mais lorsque

 10   le SPD lançait une opération de type combat, notamment à Kotor Varos, en

 11   tout cas, les éléments ont évoqué cette possibilité qu'il pouvait s'agir

 12   d'un cas de resubordination à l'armée avec tout ce que cela a comme

 13   conséquences.

 14   Moi, je ne suis pas ici pour vous convaincre d'une façon ou d'une autre si

 15   la resubordination existait bel et bien, ou de vous convaincre des

 16   incidences de cette resubordination. Je suis simplement là aujourd'hui pour

 17   attirer votre attention sur le fait que la Chambre de première instance a

 18   estimé qu'il s'agissait là d'une question importante, et que la

 19   resubordination en tant que telle était suffisamment compliquée et ne lui

 20   permettait pas de décider qui avait la responsabilité de poursuivre et

 21   d'enquêter sur les crimes lorsque cette resubordination a effectivement eu

 22   lieu, et ensuite, la Chambre de première instance n'a fourni aucune

 23   conclusion quand, par exemple, le SPD a été envoyé à Donji Vakuf et que des

 24   crimes ont été commis, ces crimes devraient-ils être imputés à M. Zupljanin

 25   d'une manière ou d'une autre ? La Chambre de première instance a agi ainsi

 26   et a attribué ces crimes à M. Zupljanin. C'est sa responsabilité, maintes

 27   et maintes fois, qu'il s'agisse de sa connaissance des crimes, qu'il

 28   s'agisse de son éventuelle capacité à enquêter sur ces crimes ou à


Page 209

  1   poursuivre ces crimes. Et, encore une fois, aucune discussion, aucun motif

  2   n'a a été avancé sur la vraie question, à savoir si oui ou non cette

  3   formation, le SPD, à l'époque des crimes relevait de sa compétence ou non,

  4   cela relevait-il de sa compétence ou non à l'époque où les crimes ont été

  5   commis ?

  6   Il ne suffit pas simplement de regrouper tout cela et de dire que, quand

  7   cela a été établi, effectivement, le SPD faisait partie de la police. Mais

  8   il y a une autre conclusion qu'il faut tirer, parce qu'il faut établir un

  9   lien entre la prétendue inaction de M. Zupljanin concernant les crimes et

 10   les crimes en tant que tels.

 11   Messieurs les Juges, je crois qu'il convient d'afficher à l'écran le 1D198,

 12   parce qu'on a dépeint M. Zupljanin d'une certaine façon, et nous faisons

 13   valoir que nous avons abordé toutes les questions factuelles qui ont été

 14   soulevées par ma consœur dans le mémoire en appel, et nous ne pouvons pas

 15   aborder toutes ces questions factuelles en quelques minutes.

 16   Je pense qu'il convient de procéder ainsi - cela n'est pas encore affiché à

 17   l'écran - et de conclure une discussion sur le caractère même de Zupljanin,

 18   un rapport rédigé par M. Zupljanin, et il s'agit là du plan de travail

 19   qu'il avait préparé et qu'il a signé, qui est daté du 25 mai 1992. Et cela

 20   est intitulé : "Plan de travail opérationnel pour trouver une solution aux

 21   problèmes de cambriolages, terrorisme, extorsion, et cetera, qui se sont

 22   intensifiés sur le territoire du SJB de Banja Luka depuis le début du mois

 23   d'avril."

 24   Ce qu'il fait dans ce rapport, c'est de décrire les crimes qui sont commis,

 25   il identifie le SOS comme étant la formation à laquelle sont affiliés des

 26   individus que l'on soupçonne d'avoir commis des crimes, et de décrire une

 27   série d'actions --

 28   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Avant de poursuivre, nous devrions


Page 210

  1   avoir la traduction anglaise à l'écran. Pour l'instant, nous n'avons que le

  2   B/C/S.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Et ensuite, il décrit les actions qui

  4   devraient être menées. Mais je vais poursuivre sans la traduction anglaise,

  5   avec votre permission, Monsieur le Juge.

  6   M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Ça y est, nous l'avons à l'écran.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Et il identifie les individus nommément. Il

  8   dit que ces personnes doivent être arrêtées ou qu'il faut enquêter sur ces

  9   personnes. On me dit qu'à la page 3, et c'est une information fiable, qu'au

 10   milieu de la page, il y a une liste de noms de personnes dont quelqu'un qui

 11   est identifié comme étant AKA Gavric [comme interprété], qui a été

 12   identifié comme étant le chauffeur de cette camionnette rouge tristement

 13   célèbre qui a commis des crimes à Banja Luka. Ce qui est important ici,

 14   c'est que M. Zupljanin a, en réalité, déployé des efforts pour mener des

 15   enquêtes, surtout près de chez lui où il était en mesure de le faire.

 16   Si nous pouvons maintenant, s'il vous plaît, regarder la page 4, et je

 17   pense que ceci permettra peut-être aux Juges de la Chambre d'avoir une idée

 18   de la situation qui prévalait à l'époque et qui était celle dans laquelle

 19   se trouvait M. Zupljanin à l'époque. Cela peut vous sembler étrange de

 20   notre point de vue, qui est assez confortable, mais si nous essayons de

 21   nous remettre dans l'ambiance de l'époque en regardant ces paragraphes,

 22   ceci peut s'avérer utile.

 23   Ce que nous pouvons lire ici, c'est que M. Zupljanin dit ceci, que de

 24   nombreux suspects ont été mobilisés par la JNA et leur arrestation doit

 25   être menée par des membres du détachement de la police spéciale, assistée

 26   de la police militaire, et cetera.

 27   "Il nous faut avoir un accord préalable avec les tribunaux militaires et

 28   réguliers pour que toutes les personnes arrêtées soient placées en


Page 211

  1   détention pour empêcher toute forme de résistance organisée. Tant que le

  2   bureau du procureur militaire et les tribunaux militaires sont en voie de

  3   création, ce plan ne peut pas être mis en œuvre parce que la plupart des

  4   contrevenants sont des conscrits et des membres de l'ancienne TO. C'est la

  5   raison pour laquelle les tribunaux civils et procureurs refusent de lancer

  6   ces poursuites."

  7   Ma consœur a dit en passant : Qui commettait ces crimes si ce n'était pas

  8   la police ? Messieurs les Juges, il y avait des milliers et des milliers de

  9   personnes, plus de 150 000 personnes mobilisées à l'époque à différents

 10   moments en Bosnie. Et ces individus ne relevaient pas de la compétence de

 11   M. Zupljanin, et c'est quelque chose sur laquelle la Chambre de première

 12   instance n'a pas rendu de décision.

 13   Je souhaite maintenant, en guise de conclusion, aborder une question qui

 14   est celle du parti pris, c'est la question de savoir si, oui ou non, il ne

 15   s'agit pas simplement dans le courriel de l'illustration d'un véritable

 16   malentendu ou d'une incompréhension au niveau du droit. Les Juges peuvent

 17   mal comprendre le droit et les avocats également.

 18   Je vous recommande de relire la décision Hoekstra, une affaire jugée en

 19   Ecosse. Le parti pris revêt toutes sortes de formes. Cela peut être d'ordre

 20   financier ou d'association avec une partie; il s'agit d'une prédisposition

 21   d'un juge par rapport à un principe juridique et qui bénéficiera l'accusé.

 22   C'est ce que dit cette affaire Hoekstra. Et c'est précisément la position

 23   qui a été adoptée par rapport à M. Zupljanin.

 24   Si on laisse de côté, Messieurs les Juges, le fait de savoir si, oui ou

 25   non, cela indique qu'il y a eu une erreur de commise au niveau du jugement,

 26   nous écartons cette question-là, néanmoins, il y a une prédisposition, il y

 27   a un ton, une hostilité eu égard à l'application de ce principe, et comme

 28   vous pouvez le constater, Messieurs les Juges, cette prédisposition est


Page 212

  1   trop forte et ne permet pas de croire qu'il peut y avoir autre chose qu'un

  2   manque de partialité lorsque ont été fournies les conclusions et les

  3   charges que l'on reproche à M. Zupljanin.

  4   Merci de votre patience.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je me tourne maintenant vers

  6   l'Accusation. Vous avez 40 minutes pour présenter vos arguments en appel.

  7   Je vous remercie.

  8   Mme BAIG : [interprétation] Merci, encore une fois. Je souhaite, aux fins

  9   du compte rendu d'audience, préciser que nous avons légèrement inversé la

 10   présentation des interlocuteurs. Nous aurons Mme Sarah Finnin au lieu de

 11   Mme Harbour, maintenant.

 12   Messieurs les Juges, avant d'aborder le moyen numéro 1 concernant une

 13   erreur au niveau du prononcé de la peine, il y a un petit point que je

 14   souhaite préciser concernant le moyen d'appel numéro 2 de l'appel de

 15   l'Accusation, cela concerne le cumul des déclarations de culpabilité.

 16   Une des questions qui est contestée entre les parties concernant le

 17   moyen d'appel numéro 2 porte sur les éléments constitutifs de persécution.

 18   Je souhaite consigner au compte rendu d'audience la position qui est celle

 19   de l'Accusation concernant une question qui a été soulevée dans l'arrêt

 20   Butare qui a été rendu lundi dernier. Dans l'arrêt Butare, le TPIR, la

 21   Chambre d'appel constate que le TPIR n'est pas compétent pour condamner

 22   pour persécution sur des bases ethniques. Je souhaite indiquer que le TPYI

 23   n'est pas limité de cette façon-là, et que le raisonnement qui sous-tend

 24   l'arrêt Butare est un raisonnement qui relève uniquement du TPIR.

 25   Comme vous le savez, la Chambre d'appel du TPIR a toujours confirmé les

 26   condamnations pour persécutions sur des bases ethniques. Comme vous le

 27   savez, dans l'affaire Djordjevic, la Chambre d'appel a condamné l'accusé

 28   pour persécution sur une base ethnique, dans Popovic, Kordic et Krnojelac,


Page 213

  1   Kvocka, Stakic, exactement, la persécution a été reconnue sur des bases

  2   ethniques. Et il n'y a pas de raisons qui permettraient de justifier que

  3   l'on s'écarte en fait de cette jurisprudence établie du TPIY, et dans

  4   l'affaire Butare, le TPYI a tenu compte de l'élément chapeau et des crimes

  5   contre l'humanité qui ne sont pas des raisons dont on peut tenir compte

  6   concernant la jurisprudence établie du TPIY.

  7   Et donc nous utilisons le terme de "groupe ethnique" comme étant synonyme

  8   d'appartenance politique et religieuse. Les Musulmans également que l'on

  9   associe au SDA; les Croates avec le HDZ, le parti politique; et les membres

 10   de l'entreprise criminelle commune. Alors, une des façons dont ils ont

 11   déplacé par la force ou pris pour cible la population non-serbe, c'était

 12   par le biais de destruction d'édifices religieux. Donc, l'élément ethnique

 13   est un terme qui chapeaute à la fois les motifs politiques et religieux

 14   discriminatoires.

 15   Alors, je vais maintenant aborder le moyen d'appel numéro 1 portant

 16   sur la peine. Mico Stanisic et Stojan Zupljanin ont été condamnés de crimes

 17   épouvantables qui ont une incidence sur les vies de plus de milliers de

 18   victimes. La Chambre de première instance a constaté qu'ils ont travaillé

 19   ensemble avec d'autres dirigeants bosno-serbes afin de déplacer à jamais

 20   les Musulmans de Bosnie, les Croates de Bosnie du territoire de l'Etat

 21   serbe envisagé au moyen de la commission de crimes et des déplacements et

 22   de persécutions forcées.

 23   Suite à leur collaboration sinistre, plus de 100 000 personnes ont

 24   été déplacées par la force de leurs maisons et villages dans la RAK, et

 25   Stanisic était responsable du déplacement de quelque 30 000 personnes

 26   d'autres municipalités de la Republika Srpska.

 27   Cette campagne d'expulsion a donné lieu au meurtre de plus de 2 300

 28   non-serbes, et 1 600 personnes dans la RAK. Des milliers d'autres victimes,


Page 214

  1   dont vous avez entendu parler aujourd'hui, ont été soumises à des

  2   traitements inhumains dans des lieux de détention, ont été violées, et ont

  3   dû subir d'autres formes de violence sexuelle, ont été passées à tabac, et

  4   ont été torturées. La peine qui convient à ce niveau, compte tenu de

  5   l'étendue des crimes, de l'ampleur des crimes, en ce qui nous concerne,

  6   doit donner lieu à un emprisonnement à vie. Compte tenu de la jurisprudence

  7   précédente, l'Accusation a demandé à ce que soit augmentée la peine, allant

  8   de 30 à 40 années d'emprisonnement; toute autre peine serait gravement

  9   inappropriée.

 10   La peine de 22 ans imposée par la Chambre de première instance montre

 11   qu'il y a eu un abus des pouvoirs discrétionnaires de la Chambre s'agissant

 12   du prononcé de la peine. Une peine de 22 ans ne correspond pas à la gravité

 13   des crimes commis pour lequel les accusés ont été condamnés, ni avec la

 14   forme ou le degré de leur participation.

 15   Je vais commencer à présenter mes arguments en démontrant que leur

 16   peine ne correspond pas à la pratique concernant le prononcé de l'appel du

 17   TPIY. Je vais ensuite attirer votre attention sur quelques éléments-clé

 18   pour vous expliquer pourquoi ces peines doivent être plus importantes. Et,

 19   finalement, je vais aborder la question de l'effet qu'ont ces peines par

 20   rapport à des peines moins importantes, qui envoient le message suivant que

 21   des dirigeants haut placés, comme Stanisic et Zupljanin, sont moins

 22   coupables que des criminels de moindre envergure qui ont œuvré pour mettre

 23   en place le plan criminel.

 24   A moins que vous n'ayez des questions, Messieurs les Juges, je n'ai

 25   pas l'intention d'ajouter quoi que ce soit au deuxième moyen d'appel

 26   concernant le cumul des déclarations de culpabilité. Je vais commencer par

 27   les trois cas qui nous intéressent devant ce Tribunal, et l'Accusation fait

 28   valoir que chaque peine doit correspondre aux circonstances individuelles


Page 215

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  


Page 216

  1   de l'espèce, où les crimes ne sont pas simplement analogues mais

  2   identiques, c'est un élément qui nous permet d'appréhender le caractère

  3   adéquat d'une peine.

  4   Donc, un des événements très graves de meurtre pour lesquels Stanisic

  5   et Zupljanin ont été condamnés était le massacre commis à Koricanske

  6   Stijene, où entre 150 et 120 [comme interprété] Musulmans civils, détenus

  7   musulmans ont été -- cela s'est produit le 21 août 1992. Darko Mrdja, un

  8   membre du l'escouade d'intervention de la police civile de Prijedor, le

  9   PIP, a plaidé coupable s'agissant de ce même événement devant la Chambre de

 10   première instance du TPIY, il a été condamné à 17 ans d'emprisonnement.

 11   Mrdja était un subordonné direct à la fois de Stanisic et Zupljanin.

 12   Concernant un événement qui s'est déroulé un jour dans une municipalité, un

 13   subordonné  subalterne a été condamné à 17 ans d'emprisonnement, après un

 14   plaidoyer de culpabilité.

 15   Mitar Vasiljevic a été condamné pour avoir aidé et encouragé le

 16   meurtre de cinq hommes non armés sur les rives de la Drina à Visegrad. Ce

 17   n'est pas lui qui a tiré; c'était un auxiliaire. Souvenez-vous que la

 18   Chambre d'appel a imposé une peine de 15 ans d'emprisonnement à cet homme.

 19   Encore une fois, ces meurtres font partie de la condamnation pénale de

 20   Stanisic. Un événement impliquant cinq morts, qui s'est déroulé en une

 21   journée, dans une municipalité, un auxiliaire subalterne qui ne partageait

 22   aucun objectif commun et qui n'a tué personne, a été condamné à une peine

 23   de 15 ans d'emprisonnement.

 24   Sredoje Lukic, qui était un officier d'active au sein de la police de

 25   Visegrad, a été condamné pour avoir aidé et encouragé l'événement qui s'est

 26   déroulé sur la rue Pionirska, en particulier l'incendie dans lequel 53

 27   personnes ont été assassinées. Et la Chambre d'appel a imposé une peine

 28   d'emprisonnement de 27 ans. Un jour dans une municipalité, un officier de


Page 217

  1   police subordonné a été condamné à une peine de 27 ans par la Chambre

  2   d'appel. On a estimé qu'il s'agissait d'une sanction appropriée pour avoir

  3   aidé, encouragé le crime.

  4   Et Stanisic, malgré le fait d'avoir été condamné pour exactement les mêmes

  5   meurtres, en sus de quelque 2 000 meurtres supplémentaires, le déplacement

  6   forcé de plus de 130 000 personnes, a été condamné à cinq ans de moins que

  7   cet officier de police subalterne qui avait été condamné pour avoir aidé et

  8   encouragé les meurtres.

  9   Ces trois cas montrent que la participation à un événement ou à un meurtre

 10   multiple justifie une peine de 15 à 27 ans, même en tant que subordonné,

 11   même en tant qu'auxiliaire, et même après un plaidoyer de culpabilité.

 12   Le cousin de Sredoje, Milan Lukic, encore une fois un membre des

 13   réservistes de la police à Visegrad et un dirigeant paramilitaire local, a

 14   également été condamné pour l'événement qui s'est déroulé sur les rives de

 15   la Drina et les meurtres commis dans la rue Pionirska, ainsi que d'autres

 16   crimes à Visegrad. Il a été condamné à vie pour crimes commis dans une

 17   municipalité, ceci a été confirmé par la Chambre d'appel.

 18   Et d'autres auteurs principaux, dont les crimes multiples font partie

 19   de la condamnation contre Stanisic, ont également reçu des peines lourdes.

 20   Par exemple, Goran Jelesic et Ranko Cesic ont été condamnés à 40 ans et 18

 21   ans respectivement après leurs plaidoyers de culpabilité concernant les

 22   crimes commis à Brcko.

 23   Alors, je vais maintenant vous parler des trois cas relatifs aux camps.

 24   Dans l'affaire Kvocka, les officiers de police impliqués dans la gestion du

 25   camp d'Omarska ont été condamnés à des peines allant de cinq à 20 ans

 26   d'emprisonnement. Zoran Zigic, un autre réserviste qui s'est rendu dans le

 27   camp pour faire subir des sévices aux détenus et de les assassiner, a reçu

 28   une peine de 25 ans, ce qui a été confirmé en appel. Stanisic et Zupljanin


Page 218

  1   ont été condamnés pour des crimes commis dans ce camp, et des crimes pour

  2   lesquels leurs subordonnés ont été déclarés responsables dans l'affaire

  3   Kvocka. Un seul camp, une seule municipalité, et un petit nombre

  4   d'événements, nous constatons que les peines rendues par la Chambre d'appel

  5   vont jusqu'à 25 ans.

  6   Le camp de Susica, dans la municipalité de Vlasenica, Dragan Nikolic a

  7   plaidé coupable et a été condamné à 20 ans pour les terribles crimes qui

  8   ont été commis à cet endroit. La condamnation de Stanisic comporte six des

  9   neuf meurtres commis par Nikolic et reprennent les autres crimes. La

 10   Chambre qui a prononcé une peine contre Nikolic a indiqué que s'il n'y

 11   avait pas eu plaidoyer de culpabilité de sa part, il aurait été condamné à

 12   vie. Encore une fois, il ne s'agit que d'une toute petite partie des

 13   convictions en l'espèce. Il s'agit d'un camp, par rapport à 50 sur

 14   l'ensemble de la Republika Srpska; une municipalité par rapport à 20; neuf

 15   meurtres par rapport à plus de 2 000.

 16   Et le camp de Keraterm, l'officier de police qui dirigeait ce camp, Dusko

 17   Sikirica, a été condamné à une peine de 15 ans d'emprisonnement après un

 18   plaidoyer de culpabilité. Il n'a pas été condamné pour une quelconque

 19   participation dans le meurtre tristement célèbre de 128 détenus dans la

 20   pièce numéro 3 où ces massacres ont eu lieu, qui font partie intégrante de

 21   la condamnation de Stanisic et Zupljanin. Encore une fois, nous parlons

 22   d'un camp, d'une municipalité, et une condamnation pénale bien moindre

 23   après plaidoyer de culpabilité, il s'agit ici d'une peine très importante.

 24   Il s'agit, en fait, de ces affaires-là qui montrent du doigt l'erreur

 25   commise au niveau du prononcé de la peine concernant Stanisic et Zupljanin.

 26   C'est la raison pour laquelle l'Accusation fait valoir que 22 ans est

 27   manifestement inapproprié, car la responsabilité pénale et l'ampleur de la

 28   responsabilité pénale de Stanisic et Zupljanin est bien plus grande que


Page 219

  1   toute autre affaire portée devant le Tribunal. Leur responsabilité

  2   représente beaucoup plus que le simple ajout de tous ces éléments; pour

  3   cette raison, sa peine doit être beaucoup plus importante.

  4   Je souhaite maintenant aborder cinq raisons pour lesquelles la

  5   responsabilité pénale de Stanisic et Zupljanin est beaucoup plus important

  6   et beaucoup plus grave et, par conséquent, requiert une peine beaucoup plus

  7   lourde.

  8   Les quatre premières raisons sont de nature quantitative. En bref, ces

  9   délits méritent des peines plus grandes du fait de l'envergure des crimes

 10   bien plus grands que lorsque nous avons eu des crimes isolés ou des camps

 11   isolés. La dernière des raisons est qualitative; Stanisic et Zupljanin

 12   méritent des peines plus grandes du fait de leur responsabilité qui est

 13   bien plus lourde.

 14   Raison numéro 1, d'abord la distinction significative, c'est le fait que

 15   Stanisic et Zupljanin ont été condamnés pour des déplacements forcés de

 16   non-Serbes depuis la Republika Srpska, et ce, vers l'extérieur des

 17   territoires réclamés par les Serbes. Les déportations sous forme de

 18   transferts forcés ne font pas partie intégrante des trois cas de meurtres

 19   et des trois camps que j'ai mentionnés. Zupljanin a été déclaré responsable

 20   au pénal pour un déplacement forcé de plus de 100 000 non-Serbes dans les

 21   municipalités de la RAK. Stanisic, qui occupait une position plus

 22   importante au niveau de la chaîne de commandement et qui assurait des

 23   responsabilités dans un secteur plus grand, a été condamné pour plus de 130

 24   000 déplacements forcés.

 25   Tout au large de la Republika Srpska, les municipalités où les Serbes

 26   avaient proclamé des droits ont d'abord fait l'objet d'une prise de pouvoir

 27   sous forme de pilonnages, puis destructions, puis intimidation de civils et

 28   opérations à l'occasion desquelles les civils ont été tués, leurs maisons


Page 220

  1   détruites, et les autre ont été forcés à fuir. Stanisic et Zupljanin

  2   avaient coopéré avec les instances militaires et civiles et la police a

  3   joué un rôle crucial dans ces expulsions.

  4   La Chambre d'appel dans l'affaire Krajisnik a qualifié les déportations,

  5   les transferts forcés et les persécutions comme étant les pires des crimes

  6   de l'humanité, et cela est indiqué au paragraphe 813 de l'appel Krajisnik.

  7   Messieurs les Juges, lorsque les victimes de ces crimes les plus graves

  8   connus de l'humanité se mesurent par des chiffres à six numéros, cela doit

  9   nécessairement impliquer des peines plus grandes; 22 ans n'est tout

 10   simplement pas suffisant.

 11   Raison numéro 2, Stanisic et Zupljanin méritent d'être punis de façon plus

 12   exemplaire parce qu'ils sont responsables de bon nombre d'incidents de

 13   meurtres. Au fil de neuf mois, Stanisic et Zupljanin ont été impliqué dans

 14   des activités ayant conduit au meurtre de 2 300 non-Serbes et plus de 1 600

 15   dans la RAK. Zupljanin a également été condamné pour des actes

 16   d'extermination comme crime contre l'humanité.

 17   Les incidents avec Mrdja, Vasiljevic et Lukic impliquent 150 victimes, ce

 18   qui est une toute petite fraction par rapport aux autres condamnations.

 19   Lorsqu'ils s'emparaient des villes, les forces serbes, y compris la police,

 20   ont utilisé une force démesurément grande qui a causé le décès de bon

 21   nombre de civils. Pendant les prises de villes, les forces du MUP ont

 22   exercé des pressions à l'égard des non-Serbes, y compris les meurtres ou

 23   meurtres en masse pour y arriver. Ceux qui ont été arrêtés ou détenus de

 24   façon autre ont, en particulier, été exposés au risque de se faire tuer.

 25   Les détenus non-serbes ont souvent été battus à mort à l'occasion des

 26   interrogatoires. A peu près 100 personnes ont été tuées à Omarska suite à

 27   des passages à tabac, exécutions, ou suite à l'asphyxie. Vingt-six détenus

 28   ont été exécutés par la police serbe, et ça a été le fait, y compris de


Page 221

  1   membres du détachement de la police spéciale de Zupljanin, qui avait pour

  2   siège Kotor Varos et son centre médical. Les forces serbes y ont tué 60

  3   non-Serbes. Et un policier a coupé la tête d'un détenu.

  4   Vingt-deux ans de réclusion ne reflètent pas de façon appropriée l'échelle

  5   des meurtres dans cette affaire.

  6   Et le fait que les condamnations ont été prononcées en application de

  7   l'entreprise criminelle commune type 3 relève de leur responsabilité pénale

  8   pour des meurtres, mais il convient de garder à l'esprit, Messieurs les

  9   Juges, que toutes ces formes d'entreprises criminelles communes avaient

 10   pour objectif des crimes et risques de meurtre - et dans le cas de

 11   Zupljanin extermination - ce qui fait que les autres crimes en application

 12   de ce qui est défini comme étant l'entreprise criminelle commune avaient

 13   forcément des conséquences prévisibles. Dans l'arrêt Babic, il est dit que

 14   la culpabilité ne se traduit pas seulement par une condamnation en

 15   application de ce qui est entendu par l'entreprise criminelle commune,

 16   paragraphes 26 et 27.

 17   On signale également que dans Vasiljevic et Sredoje Lukic, il y a eu des

 18   peines de 18 ans et plus pour avoir aidé les auteurs de meurtres isolés

 19   avec cinq ou 53 victimes.

 20   Mais la responsabilité pénale à cette échelle, avec le meurtre de plus de 1

 21   600 ou plus de 2 300 victimes dans le cas de Zupljanin, nécessite forcément

 22   une peine plus grande que celle qui a été prononcée à l'égard d'auteurs ou

 23   d'auxiliaires qui ont commis une fraction seulement de ce chiffre.

 24   Donc, ils méritent des peines plus grandes parce qu'ils ont assumé

 25   des responsabilités, non pas seulement pour un seul camp, mais pour bien

 26   des camps et pour beaucoup plus de crimes commis là-bas. Stanisic et

 27   Zupljanin ont été condamnés pour ce qui est des crimes commis dans 21

 28   installations de détention dans la RAK et Stanisic pour un total de plus de


Page 222

  1   50 sur le territoire de la RS.  Et à Prijedor seulement, la Chambre de

  2   première instance a constaté qu'il y avait eu plus de 11 000 non-Serbes

  3   détenus. Les victimes ont été malmenées dans ces centres à Omarska,

  4   Keraterm, Susica, Manjaca, Luka, et des centres de détention plus petits,

  5   tels que les postes de police, y compris le centre des services de Sécurité

  6   publique à Banja Luka qui étaient dirigés par Zupljanin.

  7   La Chambre de première instance a constaté que la police était profondément

  8   impliquée dans ces détentions contraires au droit, dans ces conditions

  9   horribles de détention, meurtre, torture, traitements cruels, mauvais

 10   traitements sadiques, et violence sexuelle.

 11   Les auteurs principaux de ces crimes dans les camps ont été punis de peine

 12   de 25 ans de réclusion. Et ces installations ont été mises en place,

 13   gardiennées par la police de Stanisic et de Zupljanin. Donc ils avaient

 14   l'autorité de faire mettre un terme à ces horribles mauvais traitements et,

 15   à la place, ils ont attribué des ressources de la police à l'attention de

 16   ces camps. Donc, le sort de ces détenus était entre leurs mains, et les

 17   peines prononcées à leur égard se trouvent être égales ou inférieures à

 18   celles de leurs subalternes. La responsabilité de tout ce réseau de camps

 19   au travers de la RAK et de la Republika Srpska nécessite des peines bien

 20   plus importantes.

 21   La raison numéro 4, formes brutales de violence sexuelle pour lesquelles on

 22   a constaté que Stanisic et Zupljanin avaient été trouvés responsables sur

 23   le plan pénal, et cela nécessite également des peines plus importantes. Les

 24   femmes détenues à Omarska ont souvent fait l'objet de viols et d'agressions

 25   sexuelles. Les gardes de Mlado Radic ont été décrits comme étant les pires

 26   et les Juges du TPIY l'ont condamné à 20 ans de prison dans l'affaire

 27   Kvocka.

 28   Le Dom de Celopek à Zvornik, avec les policiers de la réserve qui


Page 223

  1   assuraient la garde, il y a eu des conditions terribles de détention, des

  2   passages à tabac et meurtres. Les paramilitaires qui étaient assistés par

  3   les forces de la police faisaient en sorte que les pères et leurs fils

  4   devaient se violer mutuellement. Et on leur coupait le pénis, ou l'oreille,

  5   et on obligeait les autres prisonniers à les manger.

  6   Au SJB de Kotor Varos, les policiers ont obligé les détenus mâles et

  7   femelles à avoir des relations sexuelles devant les autres et devant toute

  8   une foule qui les encourageait, sous l'œil de la police et des militaires.

  9   Les membres de la police spéciale de Zupljanin ont forcé deux détenus

 10   hommes à exercer des violences sexuelles l'un et à l'égard de l'autre.

 11   Des violences sexuelles, cette cruauté, ces viols, ces viols mutuels

 12   entre membres de la même famille, viols publics, mutilation sexuelle,

 13   cannibalisme sexuel - ont mérité des peines très élevées. Vingt-deux ans ce

 14   n'est simplement pas assez.

 15   Et avant que de passer à autre chose, je voudrais dire que je n'ai

 16   pas essayé de présenter un tableau exhaustif de la totalité des délits au

 17   pénal pour lesquels ils ont été condamnés. En sus de ce que j'ai mentionné,

 18   Stanisic et Zupljanin ont également été condamnés pour des persécutions,

 19   destructions de villes et de villages, y compris édifices religieux et

 20   édifices culturels. Zupljanin a également été trouvé coupable d'avoir

 21   ordonné aux membres de sa police des appropriations de biens de non-Serbes.

 22   Ce que je voulais dire c'est tout à fait simple : Stanisic et

 23   Zupljanin ont été trouvés coupables pour bien plus qu'un incident dans un

 24   seul camp ou dans un seul cas de figure. Ceci explique en soi la raison

 25   pour laquelle ils méritent des peines bien plus élevées.

 26   Raison numéro cinq, Monsieur le Juge, est de nature qualitative. Ils

 27   méritent des peines plus grandes parce qu'ils ont, par leurs agissements,

 28   permis à des auteurs à un niveau inférieur tout ce qu'ils ont fait. Les


Page 224

  1   participants de cette entreprise criminelle commune ont mis en place une

  2   situation telle où les auteurs subalternes ont pu agir comme ils ont agi,

  3   sans être punis. Stanisic et Zupljanin ont mis en scène tout ce qu'il

  4   fallait pour que ces crimes puissent être parés. Donc, qualitativement

  5   parlant, ils sont bien plus responsables que les auteurs à un niveau

  6   inférieur qui se sont conformés à leur incitation.

  7   Stanisic et Zupljanin se sont servis des forces qui étaient placées

  8   sous leur contrôle à des fins de nettoyage ethnique. Ils ont contribué de

  9   façon significative à la réalisation de cet objectif criminel de

 10   déplacements permanents de Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie des

 11   territoires que l'on avait envisagés pour en faire un Etat serbe.

 12   Et à la place de faire en sorte que les forces de la police et les

 13   forces armées veillent à la sécurité de la population, ces mêmes forces ont

 14   été utilisées contre la population sur des bases discriminatoires. Et ce

 15   faisant, ils ont créé une atmosphère d'impunité où les crimes systématiques

 16   contre les non-Serbes non seulement étaient tolérés mais ont été

 17   officiellement encouragés.

 18   Ceci est important pour ce qui est de Stanisic et Zupljanin qui, eux,

 19   contrôlaient les effectifs de la police. La police civile opérait sur des

 20   bases discriminatoires, a utilisé sur cette base-là ses ressources en

 21   poursuivant des petits criminels contre les intérêts serbes, tout en

 22   fermant l'œil pour ce qui est des crimes bien plus graves commis à l'égard

 23   des non-Serbes, avec une participation directe de la police elle-même.

 24   Stanisic a défini les priorités pour ce qui est des effectifs de la

 25   police. Dès le début, il a fait savoir de façon claire que les crimes

 26   contre les Serbes étaient la seule priorité de son point de vue. Il a

 27   toujours agi de façon à faire en sorte que les ressources de la police

 28   aient été attribuées à des fins de nettoyage ethnique et à des fins


Page 225

  1   d'interventions illégales dans des camps de détention, en tolérant ou

  2   ignorant la perpétration systématique de crimes contre les non-Serbes par

  3   les policiers sous son commandement, y compris les crimes qui ont été

  4   commis par son propre peloton de police spéciale.

  5   Zupljanin a partagé ces mêmes priorités et les a mises en œuvre. Il a dit

  6   qu'il ne protégerait pas les Musulmans de Banja Luka. Il n'a pris aucune

  7   mesure pour ce qui est de faire répondre de leurs actes les auteurs de ces

  8   délits, y compris les membres de sa propre police spéciale. Il a protégé

  9   les auteurs de crime. Et il a permis des mauvais traitements et des

 10   brutalités à l'égard de non-Serbes dans son QG à Banja Luka. Il a donc

 11   ordonné aux policiers de voler de l'argent auprès de non-Serbes.

 12   Stanisic et Zupljanin ont créé donc une atmosphère d'impunité. Les auteurs

 13   ont été encouragés et protégés par leurs supérieurs hiérarchiques et autres

 14   leaders qui se sont servis d'eux pour commettre des crimes. Ils savaient

 15   pertinemment bien que la police, avec Stanisic et Zupljanin à leur tête, ne

 16   les arrêterait jamais. Les crimes énumérés dans cette affaire ne se

 17   seraient pas produits, n'auraient pas pu se produire s'il n'y avait pas eu

 18   participation de la direction de la police, à savoir de Stanisic et

 19   Zupljanin.

 20   C'est la raison pour laquelle la responsabilité pénale de Stanisic et

 21   Zupljanin englobe et dépasse la responsabilité pénale de chaque auteur

 22   individuel de crimes. Et en leur qualité de membres de la direction des

 23   Serbes de Bosnie, ils ont posé les bases de crimes et des atrocités

 24   massives, ce qui fait que Stanisic et Zupljanin devraient se voir condamner

 25   à des peines bien plus grandes. Et les peines prononcées dans cette affaire

 26   ne reflètent pas leur rôle étant donné qu'il y a eu délibérément tant de

 27   crimes commis et qui pouvaient être prévus, et il ne s'agit pas seulement

 28   d'un seul cas, d'un seul camp, ou un seul jour.


Page 226

  1   L'APPELANT ZUPLJANIN : [interprétation] Nous ne recevons pas

  2   d'interprétation. Nous n'entendons pas l'interprétation. Nous n'entendons

  3   pas donc les propos du Procureur.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous pouvez maintenant

  5   entendre l'interprétation ?

  6   L'APPELANT ZUPLJANIN : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous pouvons continuer.

  8   Monsieur Stanisic, vous n'avez pas de difficulté vous ? Bon. Alors allons-

  9   y. Merci.

 10   Mme BAIG : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander s'il

 11   faut revenir en arrière sur ce que j'ai déjà dit ?

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, je le ferais si j'étais vous.

 13   Vous avez le compte rendu sous les yeux.

 14   Peut-être reviendrais-je d'une phrase ou deux en arrière, et je crois que

 15   ce serait bon.

 16   Mme BAIG : [interprétation] Fort bien.

 17   Les peines prononcées dans cette affaire ne reflètent pas de façon

 18   appropriée le rôle qui a été le leur pour ce qui est de la mise en place

 19   des conditions dans lesquelles tant de crimes ont été commis

 20   intentionnellement, et les peines pouvaient être prévisibles du fait des

 21   actions déployées par eux, il ne s'agit pas seulement d'un incident, d'un

 22   seul camp, d'une seule journée ou d'une seule municipalité, mais, une fois,

 23   et encore, et encore, et encore au travers de bon nombre de municipalités

 24   et au fil de bon nombre de mois. Etant donné, donc, compte tenu de

 25   l'échelle des crimes, ces rôles qualitativement différents nécessitent des

 26   peines bien plus grandes que 22 ans de réclusion.

 27   Pour conclure, Messieurs les Juges, les peines de 22 ans ne sont

 28   manifestement pas adéquates. La Chambre de première instance a commis une


Page 227

  1   erreur en prononçant des peines qui sortent du cadre du droit

  2   discrétionnaire de la Chambre pour ce qui est du prononcé de la peine.

  3   Vingt deux ans de prison pour Stanisic et Zupljanin compte tenu de la

  4   responsabilité pénale revient à dire qu'on les ramène au niveau des petits

  5   auteurs de crimes qui ont commis tel ou tel autre délit par rapport aux

  6   quelque 100 000 crimes pour lesquels ceux-ci ont été condamnés. Donc, ces

  7   peines ont été bien plus clémentes par rapport aux peines prononcées à

  8   l'égard de leurs subordonnés directs, si elles sont plus indulgentes pour

  9   eux que pour ceux qui ont été leur bras armé pour ce qui est de la

 10   perpétration des crimes faisant partie de l'entreprise criminelle commune.

 11   C'est une erreur claire.

 12   Ces peines envoient un message erroné, le message dit que les

 13   principaux auteurs sont moins responsables que les petits responsables ou

 14   les petits délinquants. C'est une erreur. Ce n'est pas le message à faire

 15   envoyer par le droit pénal international. Les crimes à ce niveau-là, avec

 16   la participation de Stanisic et Zupljanin, n'auraient pas pu être commis

 17   sans leur soutien à ce niveau-là. Donc, quand l'appareil de l'Etat se

 18   retourne contre la population, ce n'est que là que ce type de crime devient

 19   possible. Lorsque la police devient l'auteur de crime à la place d'être une

 20   digue à l'égard de la perpétration de ces crimes, eh bien, c'est la raison

 21   pour laquelle Stanisic et Zupljanin devraient être punis.

 22   A Celebici, la Chambre d'appel a eu la sagesse de mettre en garde le

 23   public sur la nécessité de l'administration de la justice conformément à la

 24   gravité des crimes. Et quand il s'agit de cas similaires à ceci, il ne faut

 25   pas qu'il y ait une différence aussi grande entre les peines prononcées,

 26   par exemple à Celebici, dans le jugement en appel, le 20 février 2001,

 27   paragraphes 756 et 758.

 28   Il n'y a aucune justification dans l'affaire ici présente pour


Page 228

  1   laquelle Stanisic et Zupljanin se verraient prononcer des peines si peu

  2   indulgentes qu'à l'intention de ceux qui étaient des subalternes et qui ont

  3   commis des crimes dans l'exécution du plan criminel de Stanisic et

  4   Zupljanin. Donc, les peines appropriées pour les leaders de cette

  5   entreprise criminelle commune qui ont rendu possible la perpétration des

  6   crimes à si grande échelle contre l'humanité, cela devrait forcément être

  7   des peines plus grandes que pour les individus qui ont commis des petits

  8   crimes individuels. Donc, là, ces peines devraient être des peines de

  9   détention à vie et ne devraient certainement pas être inférieures aux

 10   peines qui ont été prononcées à l'égard de subalternes tels que Stakic et

 11   autres.

 12   Donc, l'Accusation demande à la Chambre d'appel, demande à celle-ci,

 13   de prononcer des peines plus lourdes à Stanisic et Zupljanin pour refléter

 14   de façon appropriée le rôle de leadership que ces hommes-là ont eu dans la

 15   perpétration des crimes horribles pour lesquels ils ont été déclarés

 16   coupables. Merci.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame Baig.

 18   Maître Zecevic ou Monsieur Bourgon, vous avez 20 minutes à compte de

 19   maintenant. Il est 5 heures 7 minutes.

 20   M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois avoir

 21   besoin de moins de 20 minutes.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Tant mieux.

 23   M. BOURGON : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi dès le

 24   début de faire référence au motif d'appel 2 de l'Accusation. S'agissant de

 25   ce motif d'appel 2, ce moyen d'appel 2, cela se rapporte aux condamnations

 26   cumulatives pour ce qui est des persécutions et autres crimes contre

 27   l'humanité, nous demandons aux Juges de la Chambre de se pencher sur notre

 28   mémoire en réponse, à savoir les paragraphes 11 à 176. Nous maintenons


Page 229

  1   notre opinion pour dire que la jurisprudence ne se prononçait pas pour ce

  2   qui est de ce type de condamnation. Nous ne pensons pas que ce type de

  3   sujet ait été adéquatement résolu. Il convient, donc, d'être équitable à

  4   l'égard des accusés et que seulement des crimes particuliers peuvent

  5   justifier des condamnations multiples.

  6   Pour ce qui est des questions importantes, je vais dire ceci.

  7   L'Accusation s'est appuyée sur deux mots-clé : quantitatif et qualitatif.

  8   Partant du fait que ces crimes ont été commis à une si grande échelle, on a

  9   considéré que les appelants étaient responsables et méritaient des peines

 10   plus grandes. C'est en substance ce qu'on a entendu aujourd'hui. Et

 11   l'Accusation a, en substance, répété son argumentation, celle du mémoire en

 12   appel, et c'est ce qui fait que notre réponse sera plutôt courte.

 13   Et lorsqu'il s'agit des crimes, il n'y a pas que l'échelle du crime,

 14   il n'y a pas que l'envergure du crime, il y a la gravité, et la question

 15   première est celle de savoir quelle a été la contribution de l'accusé à la

 16   perpétration de tel crime. De quelle façon a-t-il contribué à la

 17   perpétration d'un crime ? Et ce n'est pas nécessairement proportionnel au

 18   rang ou au grade de l'accusé, pas plus qu'aux fonctions que l'accusé était

 19   censé accomplir dans l'armée ou lorsqu'il était ministre. Monsieur le

 20   Président, Messieurs les Juges, ce qui est dit ici, c'est que l'Accusation

 21   insiste sur le fait que Stanisic avait bénéficié d'une autorité des plus

 22   éminentes au sein du MUP de la RS et Stanisic devait s'assurer de la

 23   nécessité de faire en sorte que ses forces ne participent pas à cette

 24   entreprise criminelle commune.

 25   Monsieur le Président, quand bien même on aurait rejeté la totalité

 26   des moyens d'appel, dans notre argumentation et dans notre argumentation

 27   orale présentée ce matin, nous avons clairement fait savoir que lorsqu'il

 28   s'agissait de la contribution de Mico Stanisic au dit crime, cette


Page 230

  1   contribution est loin d'être telle que décrite par l'Accusation ou par les

  2   Juges de la Chambre de première instance, et l'Accusation n'a fait

  3   qu'interpréter les conclusions des Juges de la Chambre de première

  4   instance.

  5   Alors, l'Accusation n'a pas pris en considération le fait que bon

  6   nombre des crimes commis ont été commis pendant que les membres du MUP de

  7   la RS ont été resubordonnés à l'armée. Par conséquent, la responsabilité de

  8   ces crimes ne peut pas être attribuable à Mico Stanisic du fait que la

  9   Chambre de première instance n'a pas tiré des conclusions appropriées à cet

 10   égard. Ce que nous n'avons pas entendu de la part de l'Accusation, c'est

 11   quelles sont les mesures prises par Stanisic, les licenciements de

 12   personnes impliquées dans les crimes, le démantèlement d'unités complètes

 13   qui ont été créées sans qu'il le sache, mesures de lutte contre les unités

 14   paramilitaires, et délivrance de centaines d'ordres qui, toutes et tous

 15   ensemble, avaient pour objectif d'empêcher les crimes et de s'assurer du

 16   fait que certains crimes ne soient pas commis.

 17   De notre avis, Monsieur le Président, il est tout à fait clair

 18   lorsqu'on parle de mesures prises par M. Stanisic, que l'Accusation se soit

 19   penchée sur des faits liés à des petits crimes de vols, et cetera, ce qui

 20   n'est pas exact. Ce qui est beaucoup plus important, c'est que lorsque le

 21   moment était venu de prendre des mesures, on a pris toutes les mesures qui

 22   étaient mises à disposition pour arriver à un résultat. Et le résultat est

 23   ce qui importe. Dans cette affaire-ci, lorsqu'on se penche sur les ordres

 24   donnés, et bien que ces ordres n'ont pas toujours été mis en œuvre dans

 25   leur pleine mesure, on peut noter qu'il y a eu protection de victimes, en

 26   résultante de ces ordres, et je crois que M. Stanisic était parfaitement

 27   conscient de la chose.

 28   Pour ce qui est de la pratique de prononcé de peine, je vais aller assez


Page 231

  1   vite. La pratique des peines prononcées, telles qu'énumérées par

  2   l'Accusation, indique que le facteur crucial, ce n'est pas l'envergure mais

  3   la gravité des crimes. On peut avoir un auteur individuel qui a commis un

  4   seul crime et qui se trouve être condamné à 40 ans de prison, et il se peut

  5   que son responsable ou son supérieur hiérarchique ait une peine moindre,

  6   étant donné que son rôle était plus limité ou sa contribution à

  7   l'entreprise criminelle commune ait été plus limitée, et il se peut donc

  8   qu'il se voie prononcer une peine plus indulgente.

  9   Nous estimons que la façon dont mes confrères ont décrit la jurisprudence à

 10   ce jour ne constitue pas un problème. Ce qui est un problème, c'est, à

 11   notre avis, une peine prononcée manifestement trop grande. Pourquoi ? Parce

 12   que les mesures qui ont été prises par Stanisic, compte tenu de son rôle --

 13   et vous allez voir, Monsieur le Président, que s'il a été membre de cette

 14   entreprise criminelle commune, son rôle, au vu du compte rendu, et étant

 15   donné que les Juges de la Chambre ont pu se pencher dessus, mais quand on

 16   voit tout ce qu'il a fait et tout ce qu'il pouvait entreprendre dans les

 17   circonstances données, quand on voit quelle était l'envergure de ses

 18   responsabilités, en dépit du nombre de victimes que nous reconnaissons être

 19   très grand, nous ne sommes pas ici pour diminuer le nombre des victimes ou

 20   pour atténuer l'échelle de l'exode, et nous n'allons pas affirmer qu'il n'y

 21   a pas eu beaucoup de personnes déplacées. Le problème, c'est que

 22   l'Accusation établit un lien entre M. Stanisic et ces crimes. L'Accusation

 23   affirme que ces crimes n'auraient pas pu se produire sans M. Stanisic. Or,

 24   cela est tout à fait inexact, quand bien même il aurait été membre d'une

 25   entreprise criminelle commune. Et pour cette raison-là, Monsieur le

 26   Président, nous estimons que ce moyen d'appel de l'Accusation devrait être

 27   rejeté de façon manifeste.

 28   J'ai encore un petit commentaire à faire au sujet d'une observation faite


Page 232

  1   par ma consœur pour ce qui est des crimes commis à Koricanske Stijene. Et à

  2   cet effet, je voudrais souligner que M. Stanisic a été acquitté de toute

  3   responsabilité au paragraphe 798 s'agissant d'une responsabilité de

  4   commandement pour la situation concrète en question. Nous ne sommes pas

  5   sûrs si ceci a fait partie des crimes englobés par l'entreprise criminelle

  6   commune. Dans notre documentation, ce n'est pas le cas, mais je ne peux pas

  7   être tout à fait certain. Donc, nous sommes en train de parler du type de

  8   responsabilité et du type de contribution à la perpétration de crimes, et

  9   M. Stanisic a bel et bien essayé, en sa qualité de ministère de

 10   l'Intérieur, d'empêcher ces crimes.

 11   Et c'est la raison pour laquelle nous estimons que ces motifs d'appels

 12   devraient être rejetés. J'en ai terminé, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Bourgon.

 14   Je m'adresse à l'Accusation, aux parties, aux interprètes, aux techniciens

 15   et à mes confrères pour dire que nous avons commencé cette session à 16

 16   heures et quart. La bande d'enregistrement se terminera à 18 heures et

 17   quart. Si nous utilisons à bon escient notre temps, nous aurons 20 minutes

 18   plus 15, plus deux fois dix, donc 55 minutes au total. Cela nous

 19   permettrait de terminer éventuellement à 18 heures et quart, à condition de

 20   sauter la pause. Mais il faut que tout un chacun accepte de le faire.

 21   A commencer par l'Accusation ?

 22   Mme BAIG : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 24   La Défense ?

 25   M. ZECEVIC : [interprétation] Nous sommes d'accord.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Les interprètes ? Je vois qu'on hoche

 27   de la tête dans une des cabines -- dans la troisième cabine aussi.

 28   Bon, j'imagine que mes confrères sont d'accord aussi. Le Juge Pocar, oui.


Page 233

  1   Les autres, oui.

  2   Bon, continuons. Nous allons maintenant entendre la réponse de la Défense

  3   de M. Zupljanin. Vous avez 20 minutes.

  4   Mme CMERIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais entamer

  5   la réponse à l'Accusation de la Défense Zupljanin en traitant du deuxième

  6   moyen d'appel, à savoir les condamnations cumulatives.

  7   Permettez-moi de dire d'emblée que Zupljanin maintient l'ensemble des

  8   arguments contenus dans son mémoire en réplique, qui se trouvent aux

  9   paragraphes 17 à 25 de celui-ci. Zupljanin est tout à fait conscient des

 10   positions divergentes que l'on trouve dans la jurisprudence du Tribunal

 11   quant au prononcé de condamnations pour crimes contre l'humanité qui soient

 12   également la base de condamnations pour persécutions. L'Accusation a

 13   indiqué en note en bas de page de son mémoire en appel qu'elle ne cherchera

 14   pas à accroître la sentence de Zupljanin par des condamnations

 15   supplémentaires de meurtre, torture, déportation, actes inhumains,

 16   transfert forcé, et crimes contre l'humanité.

 17   Si ce moyen d'appel, comme le comprend Zupljanin, relève plus d'une

 18   question formelle qu'elle ne concerne l'harmonisation de la jurisprudence

 19   et qu'elle n'aura aucun impact sur la sentence, Zupljanin s'abstiendra de

 20   toute intervention supplémentaire en laissant cette question à la décision

 21   de la Chambre d'appel, à sa décision très compétente.

 22   Si, toutefois, sur la base des condamnations supplémentaires, la Chambre

 23   d'appel est, pour une raison ou pour une autre, encline à envisager

 24   d'accroître la sentence imposée à M. Zupljanin, la Défense de M. Zupljanin

 25   indique qu'une telle approche équivaudrait effectivement à prononcer de

 26   nouveaux chefs d'inculpation en appel, ce qui serait contraire au droit de

 27   M. Zupljanin de se pourvoir en appel.

 28   Donc, dans le cas où la Chambre d'appel déciderait de corriger le


Page 234

  1   raisonnement et les conclusions de la Chambre de première instance,

  2   Zupljanin déclare que la méthodologie utilisée par M. le Juge Pocar dans

  3   son opinion partiellement dissidente dans l'affaire Popovic et consorts

  4   devrait être respectée, devrait être appliquée. En d'autres termes, les

  5   Juges de la Chambre d'appel sont invités à adopter la démarche qui a été

  6   appliquée dans l'affaire Krstic et dans plusieurs autres arrêts, à savoir

  7   se contenter de prononcer une erreur, mais décliner, refuser de prononcer

  8   de nouvelles condamnations contre M. Zupljanin pour meurtre, torture,

  9   déportation, actes inhumains, transfert forcé, en tant que crimes contre

 10   l'humanité. Un tel prononcé n'aurait pas d'incidence sur la sentence

 11   imposée à M. Zupljanin. De cette façon, Monsieur le Président, Messieurs

 12   les Juges, nous déclarons qu'il y aurait équité par rapport à l'accusé et

 13   les intérêts dans des condamnations qui respecteront le droit d'appel de M.

 14   Zupljanin tout en étant suffisantes.

 15   Je vais maintenant donner la parole à mon confrère, Me Gosnell, qui

 16   traitera du reste de l'appel de l'Accusation. Je vous remercie.

 17   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 18   M. Zupljanin demande qu'il soit renoncé au chef d'accusation numéro 1 en

 19   appel présenté par l'Accusation. L'Accusation vient de déclarer que la

 20   sentence appliquée à M. Zupljanin ne devrait pas être inférieure à celle

 21   qui a été prononcée dans d'autres cas impliquant des dirigeants dans des

 22   circonstances similaires ou identiques. Et, pourtant, durant le procès,

 23   l'Accusation a affirmé que M. Zupljanin n'était pas un Brdjanin, qu'il

 24   n'était pas un Vukic, qu'il n'était pas un Kalenic, et cette affirmation

 25   était une soumission mesurée qui se reflétait d'une certaine façon, que

 26   l'on pouvait voir se refléter d'une certaine façon dans l'appréciation

 27   faite par la Chambre de première instance en appréciation complète.

 28   Quant au fait qu'il y a eu une erreur de méthode de la part de la


Page 235

  1   Chambre de première instance lorsqu'elle a prononcé sa sentence. Bien au

  2   contraire, la méthodologie proposée par l'Accusation constituerait une

  3   erreur grave de méthode. En particulier, elle semble donner à entendre

  4   qu'une intention devrait ne se voir accorder aucune valeur ou pratiquement

  5   aucune valeur, alors que manifestement l'intention est le facteur premier

  6   dans une appréciation de ce type.

  7   Donc, Monsieur le Président, Monsieur les Juges, sur la base de ces

  8   argumentations et de ces déclarations qui ont été faites par mon confrère

  9   au nom de M. Stanisic, ainsi que des arguments qui ont été présentés dans

 10   le cadre du moyen de Défense numéro 4 en appel, nous demandons que le moyen

 11   d'appel numéro 1 soit rejeté.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Je vois qu'il n'y a

 13   plus d'intervention de votre côté.

 14   Réponse de l'Accusation. Vous avez 15 minutes.

 15   Mme BAIG : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président, j'ai

 16   une précision à apporter en réplique simplement. Le conseil de Stanisic

 17   s'est demandé si Stanisic était, en fait, condamné pour les événements de

 18   Koricanske Stijene, et il est certain qu'il l'est. J'appellerais

 19   l'attention des Juges de la Chambre d'appel sur les condamnations pour

 20   meurtre qui figurent au paragraphe 858, Volume 2, et ensuite aux

 21   paragraphes 855 et 856 du jugement. Le paragraphe auquel il a fait

 22   référence, le paragraphe 798, est très clair, la Chambre n'y évoque que

 23   l'extermination, et puisqu'il n'a pas été estimé qu'il avait été en mesure

 24   de prévoir l'extermination, il ne doit pas être condamné au titre de la

 25   troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune, la Chambre s'est

 26   ensuite penchée sur les autres modes de responsabilité et a conclu qu'il

 27   n'était pas responsable de l'extermination au paragraphe 734 [comme

 28   interprété] du jugement. Par conséquent, il a été condamné pour meurtre, ce


Page 236

  1   qui constitue la base de la condamnation de Mrdja.

  2   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pendant la suite de notre

  3   argumentation, nous aimerions reprendre nos mémoires. Et je vous demande un

  4   instant.

  5   J'aurais une précision simplement à demander. La citation concernant

  6   Brdjanin et Vukic à laquelle a fait référence mon honorable confrère de la

  7   Défense, on la trouve à la page 27 365 du compte rendu d'audience, et je

  8   crois qu'elle a été sortie de son contexte.

  9   S'agissant du reste de nos arguments, nous nous appuyons sur nos mémoires

 10   écrits. Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Maître Zecevic, est-ce que votre client va s'adresser à la Chambre

 13   d'appel ?

 14   M. ZECEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

 16   Monsieur Stanisic, vous avez la possibilité maintenant de vous adresser à

 17   la Chambre d'appel, et je vous demande de vous limiter à dix minutes. Je

 18   vous remercie.

 19   L'APPELANT STANISIC : [interprétation] Monsieur le Président de la Chambre,

 20   Honorables Juges de la Chambre, permettez-moi d'entamer mon propos en

 21   remerciant la Chambre pour la possibilité qui m'a été donnée de m'exprimer

 22   aujourd'hui devant elle. Etant donné que la journée a été longue, je

 23   m'engage à tenter d'être aussi bref que possible.

 24   Durant les quelques derniers mois, vous avez entendu et lu beaucoup à mon

 25   sujet dans les écrits et les déclarations de mon conseil et de

 26   l'Accusation. Toutefois, à l'exception, bien entendu, du Président de cette

 27   Chambre, c'est la première fois que vous me voyez en personne et que vous

 28   avez la possibilité d'évaluer et de comparer tout ce que vous avez entendu


Page 237

  1   ou lu à mon sujet - que ce soit bon ou mauvais - et que vous avez donc la

  2   possibilité d'apprécier ces propos d'une façon convenable et humaine.

  3   Il y a plus de dix ans - et j'ai peine à croire que tant de temps s'est

  4   écoulé depuis - j'ai appris que le TPIY avait émis un acte d'accusation à

  5   mon encontre. Bien entendu, un homme respectueux du droit et de l'éthique,

  6   or ceci décrit l'intégralité de ma personne, en tant qu'homme de cette

  7   nature j'ai immédiatement exprimé par le biais des organes pertinents de la

  8   République de Serbie mon désir de me rendre à La Haye pour répondre des

  9   accusations me concernant devant le TPIY. Je suis venu à La Haye avec un

 10   objectif clair à l'esprit : je voulais être entreprenant et m'expliquer sur

 11   les points suivants : qui je suis, quelle position j'ai prise dans la

 12   période pertinente, ce que j'ai fait, et quelles mesures j'ai prises dans

 13   les moments pertinents, pourquoi j'ai pris ces mesures, et comment j'ai agi

 14   dans des conditions à peine supportables dans la période en question.

 15   J'ai, par conséquent, accepté sans condition d'être interrogé par

 16   l'Accusation de façon à ce qu'elle puisse comprendre mes positions. J'ai

 17   répondu de façon prolongée à l'Accusation, et à partir de ce moment jusqu'à

 18   aujourd'hui, ceci a été au cœur de la bataille de ma vie. J'ai autorisé

 19   l'équipe de mon conseil à préparer ma défense conformément à toutes les

 20   informations que j'avais fournies à l'Accusation, s'agissant de ma

 21   personne, et j'ai communiqué tous les documents relatifs à la période

 22   pertinente.

 23   Depuis le premier jour du procès jusqu'aux arguments de clôture, selon une

 24   démarche identique et inchangée, mon conseil a suivi mes positions

 25   personnelles que je lui ai données depuis mon arrivée au TPIY. Mes conseils

 26   ont expliqué qui j'étais, quelles mesures j'avais prises, et comment je

 27   m'étais comporté. Inutile de dire que j'ai été particulièrement malheureux

 28   d'entendre la condamnation prononcée à la fin du procès. Toutefois, j'ai


Page 238

  1   immédiatement commencé à travailler à mon pourvoir en appel, en adoptant la

  2   même démarche ouverte et transparente.

  3   Depuis mon premier jour à La Haye jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais rien

  4   eu à cacher et cela n'a jamais changé. Même s'il est vrai que sur le

  5   conseil de mon avocat j'ai d'abord refusé de témoigner dans l'affaire

  6   Karadzic, à partir du moment où j'en ai reçu l'ordre, j'ai pleinement

  7   coopéré avec la Chambre de première instance dans cette affaire en

  8   répondant à toutes les questions au mieux de mes capacités. Je suis

  9   conscient que ce que j'ai déclaré ne fait pas partie intégrante de mon

 10   appel en l'espèce.

 11   Quoi qu'il en soit, il m'importe de souligner que ce que j'ai dit dans

 12   l'affaire Karadzic montre ma volonté de contribuer à l'établissement de la

 13   vérité, en particulier en ce qui concerne mon comportement à l'époque

 14   pertinente.

 15   J'espère que vous savez que même si j'occupais le poste de ministre de

 16   l'intérieur de la Republika Srpska, je n'ai jamais été un homme qui fait de

 17   la politique. Je me contenterais de remarquer que j'ai eu à faire face à un

 18   certain nombre de difficultés. J'aimerais vous décrire ma démarche

 19   professionnelle lorsque j'ai essayé d'obtenir que les membres du MUP

 20   s'acquittent de leurs devoirs dans des conditions difficiles, ou même

 21   impossibles, dirais-je.

 22   Je me suis opposé à Mme Plavsic, vice-présidente de la Republika Srpska,

 23   parce qu'elle avait invité diverses formations paramilitaires venues du

 24   territoire de l'ex-Yougoslavie en Republika Srpska, et que ces formations

 25   ayant commis divers crimes, y compris le plus grave d'entre eux à leur

 26   arrivée sur le territoire de la Republika Srpska. En raison de cela, avec

 27   une partie des dirigeants de la Republika Srpska, elle a lancé une campagne

 28   féroce et globale à mon encontre, m'accusant en déclarant que pendant que


Page 239

  1   les volontaires venaient défendre le peuple serbe par rapport à ces

  2   ennemis, je les ai arrêtés et persécutés avec l'aide des membres du MUP. En

  3   raison de cette accusation, ma sécurité personnelle ainsi que celle de ma

  4   famille a été mise en danger de la part d'extrémistes de notre peuple et

  5   une partie des dirigeants de la Republika Srpska est devenue mon ennemi.

  6   Après la première réunion collégiale qui a pu se tenir uniquement le 11

  7   juillet 1992, après avoir évalué que mon insistance auprès de divers

  8   départements n'avait pas suffi à imposer à ces hommes de remplir leurs

  9   devoirs, j'ai immédiatement fait ce qui était nécessaire pour les démettre

 10   de leurs fonctions. J'y ai réussi, mais en conséquence de cela, je me suis

 11   fais d'autres ennemis dans mes propres rangs.

 12   Le président Karadzic m'a deux fois démis de mes fonctions de

 13   ministre de l'Intérieur, une fois pendant les événements qui ont conduit

 14   aux accusations à mon encontre, et une fois plus tard. Dans les deux cas,

 15   j'ai renoncé à mes fonctions sans faire d'histoire et j'ai quitté la

 16   politique à laquelle je n'avais en fait jamais aspiré. Ce faisant, j'ai

 17   sacrifié ma propre sécurité, ce qui n'aurait pas été important si je

 18   n'avais pas également sacrifié la sécurité des membres de ma famille, y

 19   compris de mes quatre enfants qui étaient mineurs à l'époque. Pendant le

 20   procès, on m'a critiqué pour avoir prononcé le terme de "président" à

 21   l'égard de Radovan Karadzic, mais ce n'était qu'une question d'étiquette et

 22   une question d'éducation.

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'affirme en toute

 24   responsabilité que je n'ai jamais commis aucun crime, y compris dans la

 25   période pertinente. Il était clair à mes yeux en tant que membre du

 26   gouvernement que le démantèlement de la Yougoslavie résulterait dans la

 27   division de la Bosnie entre les parties belligérantes, mais j'affirme en

 28   toute responsabilité que je n'ai jamais souhaité que cela arrive au travers


Page 240

  1   de commission de quels que crimes que ce soient. J'affirme également que je

  2   n'étais pas le seul à détenir une position comme la mienne. Il est vrai que

  3   je ne peux pas affirmer devant vous qu'aucun des membres des plus hautes

  4   instances de notre pouvoir, que ce soit même à des niveaux inférieurs,

  5   auraient pu agir différemment, c'est-à-dire nourrir des intentions

  6   discriminantes, mais je puis affirmer en toute responsabilité que je ne

  7   faisais pas partie de ceux qui nourrissaient de telles intentions et qu'ils

  8   n'ont jamais accepté mes positions par rapport aux crimes.

  9   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je tiens à dire une chose

 10   au sujet de la lettre publiée par l'un des honorables Juges devant lesquels

 11   j'ai été amené à subir mon procès. Mon conseil m'a conseillé de m'abstenir

 12   de parler de ce sujet, et je vais le faire. Toutefois, je considère

 13   important d'exprimer mes positions. Lorsque j'ai lu cette lettre, j'ai été

 14   surpris. Je me suis demandé s'il était possible que mon sort ait déjà été

 15   scellé et que ma condamnation soit un résultat direct ou indirect des

 16   idées, des points de vue et des critères exprimés dans cette lettre. Je ne

 17   connaîtrai jamais la réponse à cette question, ce qui m'attriste et me

 18   préoccupe.

 19   Je regrette sincèrement que la guerre dont nous parlons ait eu lieu

 20   et je souhaite sincèrement qu'aucune guerre n'ait plus lieu nulle part. Je

 21   suis tout à fait désolé pour toutes les victimes qui ont péri suite à

 22   certains actes répréhensibles commis pendant la guerre par des membres de

 23   mon peuple. Je suis très attristé également, en raison de toutes les

 24   familles qui ont été déchirées suite à ces événements. Je regrette aussi de

 25   n'avoir pas pu contribuer davantage à m'assurer qu'un nombre plus important

 26   de crimes commis et d'auteurs de ces crimes aient été traduis en justice.

 27   Et finalement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me

 28   tiens devant vous aujourd'hui pour affirmer en toute responsabilité que


Page 241

  1   s'agissant des informations dont je disposais et des conditions extrêmement

  2   difficiles dans lesquelles nous travaillons, j'ai fait de mon mieux pour

  3   empêcher et mettre un frein à la commission des crimes, et que lorsque des

  4   crimes étaient commis, les auteurs soient arrêtés et traduits en justice

  5   quelle que soit leur appartenance ethnique ou leur religion. Je crois, et

  6   je suis sûr, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, que vous en avez

  7   entendu suffisant pour prononcer votre décision quant à ma condamnation et

  8   pour la changer en me renvoyant à la maison.

  9   Compte tenu de ce qui précède, si vous ne pensez pas qu'il convient

 10   d'annuler ma condamnation et que je rentre à la maison, je vous prierais de

 11   faire votre possible pour qu'un nouveau procès soit organiser devant une

 12   nouvelle Chambre de première instance de façon à ce que je puisse démontrer

 13   que je n'ai jamais eu la volonté qu'aucun crime soit commis et que je

 14   puisse m'expliquer sur ce qui suit : la position qui était la mienne à

 15   l'époque pertinente, les mesures que j'ai prises, pourquoi j'ai pris ces

 16   mesures et comment je les ai envisagées dans des conditions

 17   particulièrement difficiles dans la période pertinente. Voilà ce que je

 18   souhaitais vous dire, quel que soit le temps nécessaire pour un procès

 19   impartial, je souhaite qu'il ait lieu, et c'est de façon volontaire que je

 20   m'y soumettrai, comme je l'ai fait il y a dix ans.

 21   Je vous remercie encore une fois pour la possibilité de parler devant

 22   vous. Mon sort est entre vos mains. Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Stanisic.

 24   Monsieur Zupljanin, vous souhaitez vous exprimer ?

 25   L'APPELANT ZUPLJANIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez dix minutes.

 27   L'APPELANT ZUPLJANIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs

 28   les Juges, ce n'est pas mon intention de parler longuement, car beaucoup de


Page 242

  1   mots ont déjà été prononcés ici; toutefois, je souhaite participer au

  2   travail d'aujourd'hui afin de vous rappeler quelques détails. La guerre m'a

  3   trouvé au poste de chef du CSB de Banja Luka; par le passé, au sein du

  4   ministère de l'Intérieur de la Bosnie-Herzégovine, j'avais occupé pendant

  5   17 ans un certain nombre d'autres fonctions. Je viens d'une famille mixte

  6   dans laquelle on trouve des membres des trois groupes ethniques. Mais les

  7   membres de ma famille vivaient ensemble avant la guerre. Ils ont vécu

  8   ensemble pendant la guerre et le font encore aujourd'hui.

  9   La situation dans laquelle nous nous sommes trouvés lorsque la guerre

 10   civile a commencé était une situation grave. Il était très difficile de s'y

 11   retrouver dans l'ensemble des événements qui ont commencé à s'accumuler. Au

 12   fur et à mesure du conflit, le contrôle était de plus en plus difficile sur

 13   ces événements et la polarisation ethnique ainsi que l'exode d'un certain

 14   nombre groupes humains était de plus en plus difficile à empêcher. Dans ces

 15   conditions, être policier devenait pratiquement impossible.

 16   Mes collègues dans les rangs de mon service étaient aussi Croates et

 17   Musulmans. Ils avaient des positions différentes. Lorsque la Republika

 18   Srpska a été créée, je me suis battu pour les garder en notre sein, mais

 19   malheureusement, je n'y ai pas réussi et le CSB a été décimé. Les forces de

 20   police ont été dépassées par les événements et ont été privées d'un certain

 21   nombre de cadres professionnels. Il a été très difficile de juguler le flot

 22   des événements. Malheureusement pour l'ensemble d'entre nous, la guerre a

 23   été déclarée, les gens allaient et venaient. La désobéissance civile est

 24   devenue plus prononcée. Les incidents se sont multipliés. Des incendies ont

 25   eu lieu, des pillages, des meurtres qui ont instauré le chaos et

 26   l'insécurité pour l'ensemble de la population. Les forces qui étaient à ma

 27   disposition n'avaient pas la capacité de répondre de façon adéquate à la

 28   situation dans laquelle nous nous trouvions. J'ai rédigé plusieurs rapports


Page 243

  1   et pris la parole en public au sujet de ces événements en les appelant par

  2   leurs noms. J'ai établi des commissions et d'autres organes de travail dans

  3   le but de tenter d'établir quelle était la réalité de la situation sur le

  4   terrain; j'y ai parfois réussi et parfois, malheureusement, je n'y ai pas

  5   réussi.

  6   J'ai soumis un certain nombre de plaintes au pénal pour crimes contre

  7   des non-Serbes chaque fois que j'ai pu le faire. J'ai mis en place des

  8   plans opérationnels et procédé à des arrestations. Parfois, je suis même

  9   allé aussi loin que j'étais autorisé à le faire dans le but de faire le

 10   bien, mais je vois aujourd'hui que cela s'est retourné contre moi, car

 11   c'était une preuve, semble-t-il, que mon autorité était grande. Dans cette

 12   guerre très difficile, cette situation très difficile, des erreurs sont

 13   possibles et des erreurs ont été commises, mais sans mauvaises intentions.

 14   Il est certain que dans la perspective d'aujourd'hui, il est beaucoup plus

 15   aisé de considérer tous ces événements qu'il n'était possible de le faire à

 16   l'époque lorsqu'ils avaient lieu. C'est la raison pour laquelle je regrette

 17   sincèrement certaines choses.

 18   Je suis désolé pour les omissions dont j'ai pu être responsable. Je

 19   regrette toutes les victimes de cette période. Dans ces circonstances, dans

 20   des époques comme celles-là, est-ce que l'on aurait pu faire mieux ou plus,

 21   c'est à la Chambre d'en décider. Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur Zupljanin.

 23   Des commentaires ? Pas de commentaires.

 24   Eh bien, ceci met un point final à l'audience en appel en l'espèce. Avant

 25   de lever l'audience, je voudrais consacrer un moment à remercier toutes les

 26   parties qui ont participé à notre travail. J'aimerais également dire ma

 27   gratitude aux membres du Greffe ici dans le prétoire et hors du prétoire, à

 28   tous ceux qui ont pu faciliter notre audience d'aujourd'hui. En


Page 244

  1   particulier, je tiens à remercier les interprètes, les sténotypistes pour

  2   leur excellente assistance et les techniciens et autres personnes qui nous

  3   ont aidés pendant l'audience d'aujourd'hui.

  4   La Chambre d'appel rendra son arrêt en temps utile. La séance est levée.

  5   --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 42.

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28