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Affaire Rajić : Une Chambre de première instance établit la participation directe de la Croatie dans le conflit de Bosnie

Communiqué de presse
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye,13 septembre 1996
CC/PIO/106f


Affaire Rajić : Une Chambre de première instance établit la
participation directe de la Croatie dans le conflit de Bosnie

La Chambre confirme de nouveau l’acte d'accusation; elle délivre un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Ivica Rajić et reproche à la Fédération de Bosnie-Herzégovine et à la Croatie de ne pas s’être acquittées de leur obligation d’arrêter l’accusé.

En rendant aujourd’hui sa décision relative à l’examen de l’acte d’accusation dans l’affaire Rajić dans le cadre de la procédure prévue par l’article 61 du Règlement, la Chambre de première instance II a établi la participation, directe et indirecte, de la Croatie au conflit en Bosnie-Herzégovine. La Chambre a conclu que des troupes croates avaient participé directement au conflit et que la Croatie avait apporté en outre un soutien financier aux troupes croates de Bosnie (le « HVO »).

La Chambre de première instance II a conclu qu’il existait « des présomptions que des unités de l’armée croate étaient présentes en Bosnie centrale de la fin de l’année 1992 à  mars 1994, que ces troupes de l’armée croate ont été envoyées en Bosnie par le gouvernement de Croatie et ont participé, aux côtés des forces des Croates de Bosnie, à des combats  contre les forces du gouvernement bosniaque. »

 « Les éléments de preuve présentés dans cette affaire établissent des raisons suffisantes de croire que les Croates de Bosnie étaient des agents de la Croatie dans les affrontements avec le gouvernement bosniaque en Bosnie centrale et méridoniale, de l’automne 1992 au printemps 1993 (. . .) Les éléments de preuve établissent qu’en plus de l’assistance fournie sous la forme d’envoi de soldats de l’armée croate, la Croatie a apporté un concours financier aux Croates de Bosnie, en particulier pour les achats d’armes, et un soutien logistique sous la forme d’aide pour l’achat d’armes et l’acquisition de matériel militaire», a également conclu la Chambre de première instance.

La Chambre, à l’unanimité, a confirmé tous les chefs d’accusation retenus contre Ivica Rajić et délivré à son encontre un mandat d’arrêt international, qui sera transmis à tous les États et à la Force de mise en œuvre de l’Accord de Dayton en Bosnie-Herzégovine (IFOR). Tous les États seront ainsi soumis à l’obligation juridique d’arrêter Ivica Rajić s’il se trouve sur le territoire de leur ressort.

La Chambre de première instance a en outre souligné que le fait qu’Ivica Rajić n’a toujours pas été interpellé pouvait être imputé au refus de coopérer avec le Tribunal international de la République de Croatie et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. La Chambre a chargé le Président du Tribunal d’informer le Conseil de sécurité des Nations Unies de ce manque de coopération. 

Principales conclusions

La décision de la Chambre de première instance a porté sur trois points principaux: la question de savoir si elle a compétence pour connaître des crimes dont Ivica Rajić est accusé; la question de savoir s’il existe des raisons suffisantes de croire qu’Ivica Rajić a commis les crimes mis à sa charge; et le manquement de la Croatie et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine à l’obligation de procéder à son arrestation.

La nature du conflit

La Chambre de première instance II a confirmé qu’un conflit armé international avait eu lieu entre la République de Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie à l’époque de la commission des crimes allégués. Cette conclusion est étayée par i) la participation directe de la Croatie et ii) une relation d’agents entre le gouvernement de Croatie et les Croates de Bosnie. Cette conclusion de la Chambre de première instance lui donne compétence au regard de certains des crimes dont Ivica Rajić est accusé, à savoir des infractions graves aux Conventions de Genève, aux termes de l’article 2 du Statut du Tribunal. Ces crimes ne sont du ressort du Tribunal que s’ils sont présumés avoir été   commis pendant un conflit armé international.

Pour établir la compétence de la Chambre de première instance en matière d’ infractions graves, il est également nécessaire de montrer qu’elles étaient dirigées contre des personnes protégées aux termes de la IVème Convention de Genève, à savoir que ces personnes étaient des civils non ressortissants de l’État ou des États sous les auspices desquels les crimes ont été commis. De ce point de vue, la Chambre a conclu que « les résidents civils  du village de Stupni Do étaient, aux fins des dispositions de la IVème Convention de Genève, des personnes protégées vis-à-vis des Croates de Bosnie parce que ces derniers étaient contrôlés par la Croatie ». La Chambre a conclu en outre que le village de Stupni Do constituait également un bien protégé aux termes de la Vème Convention de Genève.

Le Tribunal a également déterminé sa compétence pour juger les crimes mis à la charge de l’accusé en vertu de l’article 3 du Statut (violations des lois ou coutumes de la guerre).

La participation d’Ivica Rajić

Afin d’établir qu’Ivica Rajić avait personnellement pris part aux crimes allégués, le Tribunal devait tout d’abord établir l’existence de ces crimes. La Chambre a conclu que « les éléments de preuve présentés par le Procureur fournissent une base suffisante pour conclure qu’il y a bien eu  destruction sans motif du village de Stupni Do, destruction de biens, homicide intentionnel de ses résidents civils et attaque délibérée contre la population civile dans son ensemble. Aucun de ces événements n’était justifié par des exigences militaires. »

La Chambre a également fait remarquer que « les éléments rattachant Ivica Rajić à l’attaque de Stupni Do sont significatifs. (. . .) Il existe des preuves qu’Ivica Rajić était informé de l’attaque et qu’il l’avait, en fait, ordonnée. (. . .)Il est également évident que les troupes du HVO dans la région reconnaissaient l’autorité d’Ivica Rajić ».

Manquement à l’obligation d’arrêter l’accusé

Enfin, la Chambre a noté que la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Croatie ne s’étaient pas acquittées de leur obligation de signifier l’acte d’accusation à Ivica Rajić en personne et d’exécuter son mandat d’arrêt. Pour la chambre, « ce manquement peut être attribué au refus de la République de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Croatie de coopérer avec le Tribunal international ». La Chambre en a dressé le constat aux fins d’en informer le Conseil de sécurité.

 


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