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Le Général Blaškić reconnu coupable de tous les chefs d'accusation retenus contre lui et condamné a 45 ans d'emprisonnement.

Communiqué de presse
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 3 mars 2000
JL/P.I.S./474-F

 


Le Général Blaskic reconnu coupable de tous les Chefs d'accusation
retenus contre lui et Condamné a 45ans d'Emprisonnement.

 

Ce vendredi 3 mars 2000, la Chambre de première instance I (composée des Juges Jorda, Président, Rodrigues et Shahabuddeen) a rendu son jugement dans l’affaire Blaskic et prononcé la condamnation de l’accusé.

La Chambre a reconnu Blaskic coupable de tous les crimes dont il était accusé, à l’exception d’un chef d’accusation (No. 2), retiré par l’accusation et l’a condamné à 45 années d’emprisonment au titre de sa responsabilité pénale individuelle et en tant que supérieur.

Blaskic a été reconnu coupable d’avoir personnellement ordonné la commission de nombreuses attaques et d’avoir en outre manqué à ses devoirs de supérieur en ne punissant ni n’empêchant la commission de crimes par ses subordonnés.

Comme l’a souligné le Président Claude Jorda dans le résumé du jugement lu lors du prononcé du jugement,

"Les faits que vous avez commis, général Blaskic, sont d’une extrême gravité. Ces actions de guerre menées au mépris du droit international humanitaire dans la haine de l’autre, ces villages réduits à l’état de ruines, ces maisons et ces étables incendiées et détruites, ces personnes forcées de quitter leur foyer, ces vies perdues, brisées, sont inacceptables. "

En ce qui concerne le grand nombre de crimes commis dans la vallée de la Lasva, le juge Jorda note que,

"Le 16 avril 1993 à 5 h30 du matin, puis dans les jours qui suivirent, la Vallée de la Lasva devenait le théâtre de multiples crimes : civils tués ou blessés, maisons incendiées, minarets abattus, mosquées détruites, femmes et enfants séparés des hommes et n’ayant d’autre choix que de fuir, femmes violées, hommes emprisonnés, frappés, conduits pour creuser des tranchées jusque sur le front. "

En ce qui concerne plus spécifiquement le massacre perpétré à Ahmici,

"Les habitants croates sont partis la veille au soir. Seuls sont restés ceux qui sont armés et veulent tuer. Tuer les Musulmans affolés qui sont réveillés en pleine nuit, sortent de chez eux pour fuir et tomber sous les balles des soldats qui les attendent. Des Musulmans, femmes, enfants et vieillards compris, que l’on sort de force de chez eux pour les tuer. Des Musulmans qui se cachent sous leur lit, dans leur cave, et qui meurent brûlés vifs dans l’incendie de leur maison."

L’Affaire

Le second acte d’accusation modifié du 25 avril 1997, allègue que durant la période allant de mai 1992 à janvier 1994, des membres des forces armées croates de Bosnie (HVO) ont commis des violations graves du droit international humanitaire contre les Musulmans de Bosnie-Herzégovine. L’acte d’accusation allègue que durant cette période l’accusé était Colonel et qu’il fut ensuite nommé le 27 juin 1992 au poste de commandant de la zone opérationnelle du HVO en Bosnie centrale et a occupé ce poste durant toute la période couverte par l’acte d’accusation. Au début du mois d’août 1994, il a été promu au rang de Général et nommé commandant du HVO.

En cette qualité, sa responsabilité est engagée en vertu de l’article 7 1) du Statut (responsabilité pénale individuelle) et en vertu de l’article 7 3) du Statute (responsabilité pénale en tant que supérieur) pour les crimes suivants :

Infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 (article 2 – homicide intentionnel ; le fait de causer intentionellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé ; la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ; les traitements inhumains ; la prise de civils en otages) ;

Violations des lois ou coutumes de la guerre (article 3 – homicides ; atteintes graves à l’intégrité physique ; destruction et pillage de biens ; destruction d’édifices consacrés à l’enseignement ou à la religion ; traitements inhumains ou cruels infligés à des détenus, y compris prise d’otages et utilisation comme boucliers humanis) ; et

Crimes contre l’humanité (article 5 – persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ; assassinat ; actes inhumains).

Le procès a débuté le 24 juin 1997. L’accusation a achevé la présentation de ses moyens de preuve le 29 juillet 1998, et la défense a commencé à présenter les siens le 7 septembre 1998. Le réquisitoire et la plaidoirie ont été entendus du 26 au 30 juillet 1999. Cent-quatre témoins ont été appelés par l’accusation, quarante-six par la défense et neuf par la Chambre elle-même.

Principales Questions Juridiques

La Chambre de première instance a reconnu qu’en l’espèce, le conflit était de nature internationale, et ce du fait d’une part de l’implication directe des forces croates en Bosnie-Hérzegovine, mais également du fait du contrôle global qu’exercait la Croatie sur les forces et institutions croates de Bosnie.

Comme l’a dit le Président dans le résumé lu en audience,

"La République de Croatie ne s’est pas contentée d’un rôle de spectateur, ni même de chercher seulement à protéger ses frontières. Elle est intervenue dans le conflit opposant les Musulmans et les Croates de Bosnie centrale."

Un conflit armé de prime abord interne peut devenir international de deux façons : du fait de l’intervention directe d’un Etat étranger ou, de façon indirecte, dans la mesure où l’une des parties agit sous le contrôle global d’un Etat étranger. En l’espèce, la Chambre a déclaré que le conflit devait être considéré comme international du fait de l’intervention directe de la HV et du fait également du contrôle global exercé par la Croatie sur les autorités croates de Bosnie. Outre les preuves relatives à l’intervention directe de la HV en Bosnie, la Chambre a pris en compte divers éléments de preuve parmi lesquels: 1) les vues politiques expansionistes et nationalistes du Président de la République de Croatie Franjo Tudjman ; 2) la communauté de vues et d’intérêts entre la Croatie et les croates de Bosnie ; 3) les décisions prises ou controlées par la Croatie; 4) le partage du personnel militaire ; 5) le contrôle qu’exercait la Croatie sur toutes les nominations d’importance dans la comunauté croate de Herceg-Bosna ; 6) l’assistance financière en provenance de la Croatie.

Autres considérations juridiques importantes:
Les victimes étaient des personnes protégées au sens des Conventions de Genève. En effet, dans un conflit armé inter-ethnique, l’appartenance ethnique peut être considérée comme un facteur déterminant de l’allégeance à une nation et peut donc servir à établir le statut de personnes protégées des victimes. La Chambre estime que c’est le cas en l’espèce. S’agissant des crimes contre l’humanité, la Chambre a adopté une définition large de la "population civile". La situation concrète de la victime au moment où les crimes sont commis, plutôt que son statut, doit être pris en compte pour déterminer sa qualité de civil. De même, la présence de militaires, au sein de la population civilie qui fait l’objet d’une attaque délibérée, ne modifie pas le caractère civil de celle-ci. En ce qui concerne la responsabilité pénale individuelle de Blaskic en vertu de l’article 7 1), la Chambre a cru bon de souligner que l’accusé n’est pas poursuivi pour avoir personellement commis l’un des crimes allégués, c’est-à-dire pour avoir effectivement commis l’élément matériel (actus reus) de l’un ou l’autre des crimes. En revanche, il est tenu pour pénalement responsable des crimes commis par d’autres, au motif qu’il a ‘ordonné, planifié, incité à commettre ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter lesdits crimes’ (article 7 1) du Statut). En ce qui concerne la responsabilité pénale de Blaskic en tant que supérieur, la Chambre a estimé que si un commandant ignore pourtant que des crimes sont sur le point d’être commis ou l’ont été, cette ignorance doit être retenue contre lui dès lors que, compte tenu de sa position personnelle dans la hiérarchie et des circonstances du moment, l’ignorance résulte d’une négligence dans l’accomplissement de ses devoirs.


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