Communiqué de presse |
CHAMBRES
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(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel) |
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La Haye, 6 septembre 2011
MOW/PR1437f
Le Tribunal déclare Momčilo Perišić coupable de crimes commis en Bosnie-Herzégovine et en Croatie
Momčilo Perišić |
La Chambre de première instance I du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY) a déclaré aujourd’hui Momčilo Perišić, ancien chef de l’état-major général de l’Armée yougoslave, coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Il a été condamné à 27 ans d’emprisonnement.
Momčilo Perišić, qui était le plus haut officier de l’Armée yougoslave et le chef de l’état-major général de l’Armée yougoslave (VJ) du 26 août 1993 au 24 novembre 1998, a été déclaré coupable, à la majorité des juges de la Chambre, le Juge Moloto étant en désaccord, pour avoir aidé et encouragé le meurtre, l’assassinat, les actes inhumains, les persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, et les attaques contre des civils commis à Sarajevo et à Srebrenica. Momčilo Perišić a été déclaré coupable, à la majorité des juges, le Juge Moloto étant en désaccord, pour ne pas avoir puni ses subordonnés responsables des meurtres, attaques contre des civils et atteintes à l’intégrité de la personne commis lors du bombardement à la roquette qui avait visé Zagreb les 2 et 3 mai 1995. Momčilo Perišić a été, à l’unanimité des juges, acquitté des chefs d’accusation le mettant en cause pour avoir aidé et encouragé l’extermination en tant que crime contre l’humanité à Srebrenica. Il a également été acquitté des chefs le mettant en cause en tant que supérieur hiérarchique pour les crimes perpétrés à Sarajevo et à Srebrenica.
Ce Jugement est le premier rendu par le Tribunal dans une affaire mettant en cause un haut responsable de la République fédérale de Yougoslavie pour des crimes commis en Bosnie-Herzégovine.
La Chambre de première instance a conclu que le général Perišić avait supervisé un soutien logistique de grande ampleur apporté à l’Armée de la Republika Srpska (VRS) et à l’Armée des Serbes de Krajina (SVK), l’entité serbe de Croatie autoproclamée. Ce soutien comprenait notamment la fourniture de quantités considérables de munitions d’infanterie et d’artillerie, de carburant et de pièces de rechange ainsi que des stages d’entraînement et une assistance technique. Ce soutien « est devenu plus centralisé, plus structuré et plus coordonné lorsque le général Perišić était en fonction », a déclaré le Juge Bakone Justice Moloto, Président de la Chambre, lors du prononcé du Jugement.
Le général Perišić a en outre émis et mis en pratique l’idée de créer des centres d’affectation du personnel permettant aux officiers de la VJ de conserver leur statut lorsqu’ils servaient dans la VRS (30e centre d’affectation du personnel) ou dans la SVK (40e centre d’affectation du personnel).
S’agissant des crimes commis en Bosnie-Herzégovine, il est précisé dans le Jugement que « la VRS avait coutume de ne faire aucune distinction entre les cibles civiles et les cibles militaires. En fait, elle visait délibérément les civils musulmans de Bosnie. » La Chambre a ajouté que « les crimes en cause dans cette affaire n’ont pas été commis par des soldats indisciplinés. Ils s’inscrivaient plutôt dans une campagne de grande envergure supervisée par de très hauts gradés de la VRS, comme le général Mladić, qui étaient à la solde de l’Armée yougoslave ». Outre le général Mladić, le 30e centre d’affectation du personnel assurait la gestion d’officiers de haut rang que les Chambres de première instance et d’appel du Tribunal ont déclarés coupables de crimes commis à Sarajevo (Stanislav Galić et Dragomir Milošević) et à Srebrenica (Milan Gvero, Radivoje Miletić, Ljubiša Beara, Radislav Krstić, Vujadin Popović, Vinko Pandurević et Dragan Obrenović).
La Chambre a conclu, à la majorité de ses Juges, que « le général Perišić savait que la VRS menait une campagne de tirs isolés et de bombardements dirigée contre des objectifs civils lors du siège de Sarajevo, de septembre 1992 à novembre 1995. Des centaines de civils ont été tués au cours de cette campagne et des milliers d’autres blessés. La Chambre a conclu, à la majorité de ses juges, que ces actes étaient constitutifs des crimes de meurtre (en tant que crime de guerre), d’assassinat (en tant que crime contre l’humanité) ainsi que d’actes inhumains et d’attaques contre des civils (en tant que crimes de guerre). Le général Perišić disposait de plusieurs sources de renseignement qui le tenaient informé des pratiques criminelles et de l’intention discriminatoires de la VRS à l’encontre des Musulmans. Il obtenait ces renseignements de la VJ et de la communauté internationale ainsi que dans les médias internationaux et les rapports diplomatiques.
« Le général Perišić savait qu’il était hautement probable que la VRS, animée d’une intention discriminatoire, procède au transfert forcé des Musulmans de Bosnie et commette des meurtres et d’autres exactions après la chute et la prise de contrôle de Srebrenica », indique le Jugement à propos des chefs d’accusation mettant en cause Momčilo Perišić pour avoir aidé et encouragé des meutres, des actes inhumans (atteintes graves à l’intégrité de la personne et transferts forcés) et des persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, en tant que crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis à Srebrenica en juillet 1995.
La Chambre de première instance n’a cependant pas été en mesure de conclure au-delà de tout doute raisonnable quel le général Perišić aurait dû prévoir, compte tenu de ce qu’il savait des pratiques antérieures de la VRS, que cette dernière exterminerait systématiquement des milliers de Musulmans à Srebrenica. Momčilo Perišić a par conséquent été acquitté du chef d’accusation le mettant en cause pour avoir aidé et encouragé l’extermination en tant que crime contre l’humanité à Srebrenica.
Pour pouvoir mener ses opérations à Sarajevo et à Srebrenica, la VRS dépendait en grande partie du soutien en matériel et personnel que supervisait le général Perišić. Étant donné que ces opérations impliquaient la commission systématique de crimes contre des civils, les actes du général Perišić ont eu un effet important sur la commission de ces crimes et il les a de ce fait aidés et encouragés. « Le général Perišić a, à plusieurs reprises, exercé son autorité afin d’apporter un soutien en matériel et personnel, permettant ainsi à la VRS de faire la guerre, alors qu’il savait que les opérations de la VRS impliquaient la commission systématique de crimes graves contre des civils musulmans », a conclu la Chambre de première instance à la majorité de ses juges.
Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre de première instance s’est appuyée sur des témoignages et sur de nombreuses autres sources d’information comme des bordereaux d’envoi de matériel, des dossiers individuels, des rapports militaires internes, des enregistrements de communication et des procès-verbaux de réunions du Conseil suprême de la Défense retraçant des entretiens entre le général Perišić, Slobodan Milošević, Zoran Lilić et d’autres hauts responsables.
Momčilo Perišić a été déclaré pénalement responsable pour avoir aidé et encouragé le meurtre, l’assassinat, les actes inhumains, les attaques contre des civils et les persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, à Sarajevo et à Srebrenica. Il a, toutefois, été déclaré non coupable des chefs le mettant en cause en tant que supérieur hiérarchique sur la base de l’article Article 7 3) du Statut, s’agissant de ces crimes et de l’extermination. Les éléments de preuve produits n’ont pas permis d’établir au-delà de tout doute raisonnable qu’il existait un lien de supérieur à subordonnés entre lui et les auteurs des crimes commis à Sarajevo et à Srebrenica. « Bien que le général Perišić ait coopéré avec le général Mladić et apporté une contribution importante aux opérations menées par ce dernier, les éléments de preuve présentés ne permettent pas d’établir qu’il exerçait, par l’intermédiaire du 30e centre d’affectation du personnel, un contrôle effectif sur lui ou sur tout autre officier de l’Armée yougoslave servant dans la VRS », a déclaré le Juge Moloto.
Momčilo Perišić a été déclaré coupable, en tant que supérieur hiérarchique, des crimes commis par l’Armée des serbes de Krajina, lorsque celle-ci a tiré des roquettes sur la ville de Zagreb le 2 mai 1995, faisant cinq morts et 146 blessés, et de nouveau le 3 mai, faisant deux morts et 454 blessés. La Chambre a conclu que, contrairement aux liens qui existaient entre lui et les officiers de la VRS, Momčilo Perišić exerçait un contrôle effectif sur les officiers de l’Armée yougoslave servant dans la SVK par l’intermédiaire du 40e centre d’affectation du personnel, dans la mesure où il pouvait prendre des mesures disciplinaires à leur encontre et avait le pouvoir de donner des ordres aux officiers les plus hauts gradés de la SVK, et que ces derniers considéraient être tenus de les exécuter. Par conséquent, la Chambre de première instance a, à la majorité de ses juges, déclaré Momčilo Perišić coupable pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires et raisonnables visant à punir ceux qui, parmi ses subordonnés, avaient lancés deux attaques illégales à la roquette contre Zagreb, alors qu’il en avait été immédiatement informé.
Pour déterminer la peine de 27 ans d’emprisonnement prononcée contre le général Perišić, la Chambre de première instance a souligné que « les crimes commis par l’Armée de la Republika Srpska ont été perpétrés pendant une longue période », que « les victimes étaient nombreuses et particulièrement vulnérables », et que « le général Perišić a continué à soutenir la VRS plusieurs mois après avoir été informé du massacre de Srebrenica ».
Momčilo Perišić a droit à ce que les 1 078 jours qu’il a passés en détention soient décomptés de la durée totale de la peine. Le Procureur et la Défense ont le droit de faire appel du Jugement.
L’acte d’accusation mettant en cause Momčilo Perišić a été établi le 24 février 2005. L’accusé s’est livré au Tribunal le 7 mars 2005. Son procès s’est ouvert le 2 octobre 2008 et a pris fin, avec les réquisitoire et plaidoirie, le 31 mars 2011. La Chambre de première instance a entendu plus de 100 témoins et versé au dossier 3 794 pièces à conviction.
Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 126 d’entre elles sont closes. Des procédures sont actuellement en cours concernant 35 personnes.
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Résumé du jugement
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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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