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Sept hauts responsables serbes de Bosnie condamnés pour les crimes perpétrés à Srebrenica

COMMUNIQUÉ DE PRESSE
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 10 juin 2010
NJ/MOW/1352f


Sept hauts responsables serbes de Bosnie condamnés pour les crimes perpétrés à Srebrenica


Sept accusés serbes de Bosnie, anciens hauts responsables de l’armée et de la police, ont été aujourd’hui déclarés coupables par la Chambre de première instance II de nombreux crimes perpétrés en 1995 après la chute des enclaves de Srebrenica et de Žepa, en Bosnie-Herzégovine orientale.

Vujadin Popović, chef de la sécurité du corps de la Drina de l’Armée des Serbes de Bosnie (VRS), et Ljubiša Beara, chef de la sécurité de l’état-major principal de la VRS, ont été reconnus coupables de génocide, d’extermination, de meurtre et de persécutions. Ils ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Drago Nikolić, chef de la sécurité de la brigade de Zvornik, a été reconnu coupable pour avoir aidé et encouragé les crimes de génocide, d’extermination, de meurtre et de persécutions. Il a été condamné à 35 ans d’emprisonnement. Ljubomir Borovčanin, commandant adjoint de la brigade spéciale de police des forces de police a été reconnu coupable pour avoir aidé et encouragé les crimes d’extermination, de meurtre, de persécutions et de transferts forcés (le Juge Kwon étant en désaccord), en application de l’article 7 (1) du Statut. Il a également été reconnu coupable, en tant que supérieur hiérarchique, d’assassinat, un crime contre l’humanité, et de meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre, en application de l’article 7 (3). Ljubomir Borovčanin a été condamné à 17 ans d’emprisonnement. Radivoje Miletić, chef du service chargé des opérations et de l’instruction à l’état-major principal de la VRS, a été reconnu coupable d’assassinat par la majorité des juges, de persécutions et d’actes inhumains (transfert forcé). Il a été condamné à 19 ans d’emprisonnement. Milan Gvero, commandant adjoint chargé du moral des troupes, des affaires juridiques et du culte au sein de l’état-major principal de la VRS, a été reconnu coupable de persécutions et d’actes inhumains et a été acquitté des deux chefs d’assassinat et d’expulsion. Il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement. Vinko Pandurević, commandant de la brigade de Zvornik, a été reconnu coupable pour avoir aidé et encouragé des assassinats (le Juge Kwon étant en désaccord), des persécutions et des actes inhumains. Il a été acquitté des chefs de génocide, d’extermination et d’expulsion. Il a été condamné à 13 ans d’emprisonnement.

Le jugement rendu aujourd’hui concerne le procès où le plus grand nombre d’accusés ont été jugés ensemble devant le Tribunal. Il porte sur de nombreux crimes perpétrés par les forces serbes de Bosnie à l’encontre des Musulmans de Bosnie pendant et après la chute, en juillet 1995, de Srebrenica et de Žepa, anciennes zones protégées par les Nations Unies.

La Chambre de première instance a conclu qu’une attaque généralisée et systématique avait été lancée contre la population suite à la directive du commandement suprême prise en mars 1995 par l’ancien Président serbe de Bosnie Radovan Karadžić. La directive élaborait le projet criminel d'attaquer les zones de sécurité protégées par les Nations Unies pour forcer les Musulmans de Srebrenica et de Žepa à quitter les enclaves. Le corps de la Drina a ainsi reçu l’ordre de « créer un climat d’insécurité totale et une situation insupportable, sans espoir de survie pour les habitants de Srebrenica ou de Žepa ».

Pour la Chambre de première instance, il a été établi que les crimes suivants avaient été perpétrés par la VRS après la chute des deux enclaves en juillet 1995 : génocide ; entente en vue de commettre un génocide ; extermination, un crime contre l’humanité ; assassinat, un crime contre l’humanité ; meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre ; meurtre, traitements cruels et inhumains, usage de la terreur contre des civils et transfert forcé, crimes constitutifs de persécutions, un crime contre l’humanité ; et transfert forcé qualifié d’acte inhumain, un crime contre l’humanité. La Chambre a conclu que les éléments constitutifs de l’expulsion n'avaient pas été établis.

La Chambre a conclu que deux entreprises criminelles communes avaient existé en Bosnie orientale en juillet 1995 : l’une visait à exécuter les hommes valides de Srebrenica, et l’autre, à chasser par la force la population musulmane de Srebrenica et de Žepa.

En outre, s’agissant des crimes perpétrés à Srebrenica, la Chambre a conclu qu’au moins 5 336 personnes identifiées ont été tuées lors des exécutions qui ont suivi la chute de l’enclave. Néanmoins, la Chambre estime que le nombre des personnes tuées pendant les exécutions qui ont suivi la chute de Srebrenica pourrait atteindre 7 826, étant donné que les éléments de preuve qui lui avaient été présentés ne couvraient pas tous les faits.

« L’ampleur et la nature de l'opération meurtrière avec son nombre sidérant de tueries, la manière organisée et systématique avec laquelle elle a été menée, l'acharnement à poursuivre et à prendre les victimes pour cibles et l’intention claire qui ressort des éléments de preuve d’éliminer tout homme musulman de Bosnie capturé ou s'étant rendu prouvent au-delà de tout doute raisonnable qu’il s’agit bien ici d’un génocide », a conclu la Chambre de première instance.

« Dans le contexte de la guerre en ex-Yougoslavie, tout comme dans celui de l’histoire de l’humanité, ces événements frappent à la fois par leur envergure et par leur brutalité. »

Lorsqu’elle a tiré ses conclusions concernant chacun des accusés, la Chambre de première instance a commencé par Vujadin Popović et a jugé qu’il avait été l’un des principaux participants à l’entreprise criminelle commune visant à commettre des meurtres. La Chambre a conclu qu’il était présent sur de nombreux sites où des Musulmans de Bosnie capturés avaient été détenus ou exécutés entre le 13 et le 23 juillet.
« Vujadin Popović n’était pas un participant de seconde zone dans l’entreprise criminelle commune visant à commettre des meurtres », a conclu la Chambre. « Il savait que l’intention n'était pas simplement de tuer ceux qui étaient tombés entre les mains des forces serbes de Bosnie, mais bien d’en tuer le plus grand nombre dans le but de détruire le groupe. Sa participation déterminée à tous les aspects du plan démontre que non seulement il avait connaissance de l’intention de détruire, mais il la partageait. »

Ljubiša Beara était « la cheville ouvrière de l’entreprise meurtrière ». La Chambre de première instance a conclu qu’il « avait alors une idée claire et précise de l’ampleur de l’opération meurtrière. Il était à Bratunac la nuit du 13 juillet, il s'est personnellement rendu sur les divers lieux de détention et d'exécution et il a eu à régler toutes sortes de problèmes logistiques. En conséquence, il connaissait très bien le nombre effarant des victimes promises à l'exécution».

La Chambre a en outre conclu que les efforts énergiques déployés par Ljubiša Beara pour organiser des sites, recruter du personnel, obtenir du matériel et superviser les exécutions sont la preuve de sa détermination sinistre à tuer le plus grand nombre de personnes, le plus vite possible.

La Chambre a conclu que la connaissance que Drago Nikolić avait de l’opération meurtrière était d’une nature différente de celle qu’avaient Ljubiša Beara et Vujadin Popović. Drago Nikolić a appris l’existence du plan meurtrier dans la soirée du 13 juillet alors que l’opération avait déjà commencé et il n’a reçu que de rares informations à ce sujet. Ainsi, il avait connaissance du plan visant à commettre des meurtres à grande échelle, mais il ignorait certains des aspects essentiels de cette opération qui tendraient à établir l'intention génocidaire.

La Chambre a toutefois conclu que, s’il ne partageait pas l’intention génocidaire, il avait « participé à l'entreprise criminelle commune visant à tuer en étant animé de l’intention de persécuter, qu’il avait connaissance de l’intention génocidaire des autres membres de l’entreprise et qu’il avait apporté une contribution importance au génocide ».

S’agissant de Ljubomir Borovčanin, la Chambre de première instance a conclu que les éléments de preuve ne suffisaient pas à démontrer qu’il avait eu connaissance des plans visant à tuer et à chasser par la force la population civile de la région ni qu’il avait partagé l’intention de contribuer à la réalisation de l’objectif commun des deux entreprises criminelles communes.

S’agissant du transfert forcé, la Chambre de première instance a toutefois conclu à la majorité des juges, le Juge Kwon étant en désaccord, que le 12 juillet Ljubomir Borovčanin était à Potočari et, compte tenu de ce qu'il a vu sur place, il savait que la population civile de Srebrenica était transférée de force. « Parce que Ljubomir Borovčanin connaissait l’intention qui animait les autres, comme l’a conclu la majorité, y compris l’intention discriminatoire, les ordres qu'il a donnés à ses hommes de participer aux faits constituent une contribution importante au transfert forcé », a conclu la Chambre.

Le 13 juillet 1995, Ljubomir Borovčanin était présent à l’entrepôt de Kravica où plus de 1 000 hommes musulmans de Bosnie étaient détenus. Il a vu devant l'entrepôt les corps des passagers d’un autobus et les informations dont il disposait étaient suffisantes pour lui permettre de se rendre compte que ses subordonnés avaient commis des meurtres. Ljubomir Borovčanin n’a toutefois pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour les punir.

Après avoir vu les preuves des exécutions, Ljubomir Borovčanin a quitté l'entrepôt de Kravica en compagnie de ses hommes, aussi vite qu’il l’a pu. La Chambre a conclu qu’il avait les moyens de protéger les prisonniers restants et qu’il savait qu’il était probable que ces prisonniers seraient tués. Parce qu’il ne les a pas protégés, il a apporté une contribution importante à l’exécution à grande échelle qui a eu lieu plus tard à l’entrepôt de Kravica.

Ayant participé à la rédaction de la directive du commandement suprême, Radivoje Miletić avait parfaitement connaissance, dès le début, « du plan criminel commun visant à chasser les populations musulmanes des enclaves de Srebrenica et de Žepa, et il a joué un rôle important pour que le plan soit consigné par écrit, afin d'être diffusé ».

L’ampleur et l’envergure de l’attaque militaire contre les Musulmans de Bosnie, ainsi que les opérations visant à transférer ces derniers par la force des enclaves étaient telles qu’une coordination au niveau de l’état-major principal était essentielle. Radivoje Miletić était au cœur même de cette coordination.

La Chambre a conclu, le juge Kwon étant en désaccord, que compte tenu du degré de participation de Radivoje Miletić, de sa connaissance approfondie des faits et de sa vision d’ensemble de l’opération de grande ampleur menée à Srebrenica, « il pouvait prévoir que des meurtres seraient commis à Potočari et que ces meurtres seraient commis avec l’intention spécifique d’opérer une discrimination pour des raisons politiques, raciales ou religieuses ».

Étant l’un des officiers les plus hauts gradés de l’état-major principal de la VRS, Milan Gvero a joué un rôle important lors des opérations menées à Srebrenica et à Žepa. Comme Radivoje Miletić, Milan Gvero a participé à la rédaction de la directive et était par conséquent informé, depuis son élaboration, du plan visant à chasser par la force les populations des enclaves de Srebrenica et de Žepa.

Lors des opérations de Srebrenica et de Žepa, Milan Gvero a exécuté des fonctions essentielles relatives à la propagande extérieure et aux échanges avec les organisations internationales, dans le but d’appuyer le plan de transfert forcé des populations hors des enclaves, afin de retarder toute action des forces internationales qui aurait pu contrarier les plans de la VRS.

Il a apporté une contribution importante à la réalisation du but de l’entreprise criminelle commune visant à chasser par la force la population de Srebrenica et il partageait l’intention commune.

Si Vinko Pandurević n’a pas participé à l’entreprise criminelle commune visant à chasser les populations par la force, il a contribué, en sa qualité de commandant du groupe tactique 1, au plan visant à transférer par la force les Musulmans de Bosnie de Srebrenica en participant à l’offensive du 6 juillet et en entrant dans la ville de Srebrenica le 11 juillet. Si Vinko Pandurević a reçu des informations au sujet de la détention, de l’exécution et de l’enterrement des victimes à Pilica, Petkovci, Ročević, Orahovac et dans la ferme militaire de Branjevo, rien n’a permis de conclure qu’il avait participé à l’opération meurtrière, ordonné à ses subordonnés de le faire, autorisé ou de toute autre manière approuvé leur participation.
Toutefois, s’agissant des lieux d’exécution dans la zone de Zvornik, Vinko Pandurević avait, le 15 juillet, des raisons de savoir que ses subordonnés fournissaient une aide tactique pour l’exécution des prisonniers musulmans détenus sur place. Les éléments de preuve examinés par la Chambre de première instance montrent que Vinko Pandurević n'a pas véritablement essayé de prendre les mesures qui étaient en son pouvoir afin d’empêcher ses subordonnés de participer ou de continuer de participer à l'opération meurtrière.

La Chambre de première instance a également conclu que, le 16 juillet, Vinko Pandurević a ouvert un couloir pour permettre le passage d’une colonne de Musulmans de Bosnie sur le territoire de la brigade de Zvornik vers le territoire détenu par le 2e corps de l’Armée de Bosnie-Herzégovine, allant à l’encontre des ordres qu’il avait reçus de ses supérieurs. Des milliers d’hommes sont passés par ce couloir. Après la fermeture du couloir, des éléments de la brigade de Zvornik ont ratissé le terrain à la recherche de soldats de l’ABiH. Dix prisonniers musulmans de Bosnie blessés ont été trouvés et transférés de l’hôpital de Zvornik au dispensaire de la brigade de Zvornik.

Vinko Pandurević a demandé des instructions au corps de la Drina à propos des prisonniers musulmans de Bosnie blessés qui se trouvaient sous sa garde. Il a été informé que Vujadin Popović viendrait les chercher. Les hommes blessés ont été placés sous la garde de Vujadin Popović le 23 juillet et la Chambre de première instance a jugé que ce dernier était responsable de leur mort. Bien que la Chambre de première instance ait conclu que Vinko Pandurević n'était pas animé de l’intention de tuer les 10 hommes, elle a conclu à la majorité, le Juge Kwon étant en désaccord, qu’il savait qu’il était probable que les prisonniers blessés seraient tués une fois remis à la garde de Vujadin Popović.

« En n’intervenant pas, Vinko Pandurević a manqué à son obligation légale de protéger les prisonniers blessés et a, par conséquent, contribué de façon importante à leur meurtre », a conclu la Chambre.
 
À ce jour, ce procès est celui où le plus grand nombre d’accusés ont été jugés ensemble par le TPIY. Il s’est ouvert le 21 août 2006 et a pris fin le 15 septembre 2009. La Chambre de première instance a tenu 425 jours d’audience au total, au cours desquels elle a soit entendu directement soit admis la déposition de 315 témoins : 182 témoins pour l’Accusation, 132 témoins pour les équipes de la Défense et un témoin cité par la Chambre de première instance. La Chambre a examiné 5 383 pièces à conviction, ce qui représente un total de 87 392 pages.

Le Tribunal a mis 21 personnes en accusation pour des crimes commis à Srebrenica. Parmi elles figure Radislav Krstić qui a été le premier accusé condamné par le Tribunal, le 2 août 2001, pour avoir aidé et encouragé le génocide perpétré à Srebrenica. La Chambre d’appel l’a condamné à 35 ans d’emprisonnement le 19 avril 2004. Les procès de Radovan Karadžić, Zdravko Tolimir, Jovica Stanišić et Franko Simatović sont actuellement en cours. Ratko Mladić, qui commandait l’Armée des Serbes de Bosnie pendant la guerre et qui doit lui aussi répondre de génocide, est toujours en fuite.

Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit humanitaire perpétrées sur le territoire de l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 123 d’entre elles sont closes. Des procédures sont actuellement en cours concernant 40 personnes, 25 d’entre elles sont actuellement jugées en première instance et 11 autres sont en appel.

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Le texte du résumé du jugement est disponible (en anglais) à partir du lien suivant :
http://www.icty.org/x/cases/popovic/tjug/en/100610summary.pdf


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