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Le Tribunal condamne Ante Gotovina et Mladen Markač, et acquitte Ivan Čermak

Communiqué de presse
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 15 avril 2011
NJ/MOW/PR1402f


Le Tribunal condamne Ante Gotovina et Mladen Markač, et acquitte Ivan Čermak


 


Ante Gotovina

Ivan Čermak

Mladen Markač
 

La Chambre de première instance I du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY) a déclaré aujourd’hui deux généraux croates, Ante Gotovina et Mladen Markač, coupables de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre, perpétrés par les forces croates au cours de l’Opération Tempête, une campagne militaire menée entre juillet et septembre 1995. Ivan Čermak a été acquitté de tous ces chefs d’accusation.

Ante Gotovina, lieutenant général dans l’armée croate et commandant du district militaire de Split durant la période couverte par l’acte d'accusation, et Mladen Markač, Ministre adjoint de l’intérieur chargé des questions relatives à la police spéciale, ont tous deux été reconnus coupables de persécutions, expulsion, pillage, destruction sans motif, meurtre, assassinat, actes inhumains et traitements cruels. Ils ont été condamnés, respectivement, à 24 ans et 18 ans d’emprisonnement. Ils ont été acquittés du chef d’actes inhumains (transfert forcé). Ivan Čermak, qui commandait la garnison de Knin, a été acquitté de tous les chefs d’accusation.

La Chambre de première instance a conclu que les crimes commis avaient été perpétrés dans le cadre d’un conflit armé international se déroulant en Croatie et dans le contexte des tensions qui existaient depuis de nombreuses années entre les Serbes et les Croates dans la région de la Krajina, où un certain nombre de crimes avaient déjà été commis à l’encontre des Croates.

« Cependant, cette affaire ne concernait pas les crimes commis avant la période concernée par l’acte d'accusation, a précisé le Juge Alphonsus Orie qui présidait la Chambre de première instance, [E]lle ne concernait pas non plus la licéité du recours à la guerre et la conduite de la guerre elle-même ». « Dans cette affaire, il s’agissait d’établir si les civils serbes de la Krajina ont été la cible de crimes, et de déterminer si les Accusés devraient en être tenus responsables», a ajouté le Juge Orie.


La Chambre a conclu que les forces de l’armée croate et de la police spéciale avaient commis un très grand nombre de crimes à l’encontre de la population serbe au cours de l’Opération Tempête.

Ces crimes ont été commis dans le cadre d’une entreprise criminelle commune dont l’objectif était de chasser définitivement la population serbe de la région de la Krajina, par la force ou la menace du recours à la force, et impliquait des expulsions, des transferts forcés, des persécutions ayant pris la forme de mesures restrictives et discriminatoires, d’attaques illégales contre des civils et des objectifs civils, d’expulsions et de transferts forcés. La Chambre de première instance a conclu que cette entreprise criminelle commune avait vu le jour à la fin du mois de juillet 1995 au plus tard, à Brioni, où le Président croate Franjo Tuđman avait rencontré de hauts responsables militaires afin d’évoquer l’opération militaire lancée quelques jours plus tard, le 4 août.

La Chambre a conclu que Franjo Tuđman était un membre clé de l’entreprise criminelle commune et qu’il voulait repeupler la Krajina avec des Croates. Parmi les autres membres de l’entreprise criminelle commune figuraient Gojko Šušak, Ministre de la défense et proche collaborateur de Franjo Tuđman, et Zvonimir Červenko, chef de l’état‑major général de l’armée croate. Étaient également membres de l’entreprise criminelle commune d’autres dirigeants politiques et militaires proches de Franjo Tuđman qui prenaient part aux réunions présidentielles.

La Chambre a conclu qu’Ante Gotovina avait participé à la réunion de Brioni et avait contribué à la planification et à la préparation de l’Opération Tempête. Par son comportement, y compris par les ordres qu’il a donnés d’attaquer illégalement des civils et des objectifs civils en bombardant Benkovac, Knin et Obrovac les 4 et 5 août 1995, Ante Gotovina a participé de manière importante à l’entreprise criminelle commune. La Chambre a conclu en outre que d’autres crimes, bien que ne faisant pas partie de l’objectif commun, étaient les conséquences naturelles et prévisibles, y compris pour Ante Gotovina, de la mise en œuvre de l’entreprise criminelle commune.

Mladen Markač a également participé à la réunion de Brioni, contribuant ainsi à la planification et à la préparation de l’Opération Tempête. Au cours de cette opération et d’autres opérations ultérieures, quelque 2 200 membres de la police spéciale ont été subordonnés à l’état-major principal de l’armée croate. Mladen Markač a ordonné aux forces de la police spéciale de bombarder Gračac les 4 et 5 août 1995, ce qui constituait une attaque illégale contre des civils et des objectifs civils, et ce qui a entraîné le déplacement forcé de personnes. Il s’agissait là d’une contribution importante apportée à l’entreprise criminelle commune.

La Chambre a conclu que la police spéciale avait également participé à la destruction et au pillage de biens appartenant aux Serbes de la Krajina à Donji Lapac, les 7 et 8 août 1995. En outre, le 25 août 1995, des membres de la police spéciale ont tué plusieurs personnes âgées dans le hameau de Grubori. Ce jour-là et le jour suivant, cette même unité a brûlé des biens à Grubori et dans le village de Ramljane.

« Markač a forgé des histoires et a participé à la dissimilation des crimes commis par ses subordonnés à l’encontre des Serbes de la Krajina et de leurs biens »,a déclaré leJuge Orie. La Chambre a conclu que Mladen Markač savait que ses subordonnés avaient commis ces crimes, mais n’avait pris aucune mesure pour identifier les auteurs afin de prendre les mesures qui s’imposaient à leur encontre. Il n’a pas non plus pris de mesure pour empêcher que d’autres crimes ne soient commis.

La Chambre a conclu que, par ses actes et omissions, Mladen Markač avait créé un climat d’impunité parmi ses subordonnés, qui a encouragé la commission de crimes à l’encontre des Serbes de la Krajina et de leurs biens.

S’agissant d’Ivan Čermak, la Chambre de première instance a conclu qu’il n’exerçait aucun contrôle effectif sur les unités de l’armée croate, à l’exception de ses subordonnés dans la garnison. La Chambre a conclu qu’aucun élément de preuve fiable ne permettait d’établir que ces subordonnés avaient commis des crimes. En outre, les éléments de preuve présentés n’ont pas établi qu’Ivan Čermak était un membre de l’entreprise criminelle commune ou qu’il y avait contribué intentionnellement ou de manière importante.

S’agissant des crimes perpétrés sur le terrain, la Chambre a conclu qu’Ivan Čermak avait nié et dissimulé les crimes perpétrés à Grubori, le 25 août 1995. L’Accusation n’a cependant pas prouvé qu’Ivan Čermak avait autorisé, minimisé, nié ou dissimulé les crimes perpétrés contre les Serbes, ni qu’il avait fourni des informations fausses, incomplètes ou trompeuses à la communauté internationale ni donné à celle-ci des assurances mensongères.

La Chambre a ordonné qu’Ivan Čermak soit libéré dès que possible. Ante Gotovina et Mladen Markač ont droit à ce que la période qu’ils ont passée en détention préventive, respectivement 1 956 et 1 477 jours, soit déduite de la durée totale de leur peine. L’Accusation et la Défense ont la possibilité de faire appel du jugement.

Au cours du procès, qui s’est ouvert le 11 mars 2008 et a duré 303 jours, 4 819 pièces à conviction ont été versées au dossier. La Chambre de première instance a entendu un total de 145 témoins, 81 appelés par l’Accusation, 57 par la Défense et sept par la Chambre de première instance.

Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 125 d’entre elles sont closes. Des procédures sont actuellement en cours concernant 34 personnes.
 

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Le texte intégral du jugement est disponible (en anglais) à partir du lien suivant :
http://www.icty.org/x/cases/gotovina/tjug/en/110415_summary.pdf

Une fiche informative relative à cette affaire est disponible sur le lien suivant :
http://www.icty.org/x/cases/gotovina/cis/fr/cis_gotovina_et_al_fr.pdf

Les audiences du Tribunal peuvent être suivies sur le site Internet du Tribunal : www.icty.org

 

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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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