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Jugement portant condamnation dans l’affaire « Čelebići »

Communiqué de presse
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 9 octobre 2001
P.I.S/ 628F


Jugement portant condamnation dans l’affaire « Čelebići » :

Hazim Delalić condamné à 18 ans d’emprisonnement
Esad Landžo condamné à 15 ans d’emprisonnement
Zdravko Mucić condamné à 9 ans d’emprisonnement

Vous trouverez ci-dessous le résumé du jugement portant condamnation lu par le Juge May, qui présidait la Chambre de première instance III, le mardi 9 octobre 2001.

« La présente audience est consacrée au prononcé des peines révisées ou rajustées par la Chambre de première instance en l'espèce. Ce qui suit est un résumé du jugement écrit et n'en fait pas partie.

Les accusés avaient été déclarés coupables en novembre 1998 à l'issue d'un procès dont a connu la Chambre de première instance II. La Chambre d'appel a par la suite fait droit aux appels interjetés de la condamnation et de la peine et elle a renvoyé la question de la révision éventuelle des peines prononcées en première instance à l'encontre des trois accusés à une Chambre de première instance.

Contexte

Les accusés ont été jugés en compagnie d'un quatrième homme, Zejnil Delalić, qui a été acquitté. Ils étaient tous les quatre inculpés de nombreux chefs d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 en vertu de l'article 2 du Statut du Tribunal pénal international et de violations des lois ou coutumes de la guerre, en vertu de l'article 3 du Statut. Les charges retenues avaient pour origine des faits qui s'étaient produits dans le camp de détention de Čelebići en Bosnie-Herzégovine centrale. On a déterminé que les trois accusés avaient joué les rôles suivants:

(a) Zdravko Mucić était commandant du camp et a été déclaré coupable, en tant que supérieur, des crimes commis par ses subordonnés, à savoir pour meurtres, tortures et traitements inhumains ; et il a été déclaré coupable en raison de sa responsabilité individuelle de l'emprisonnement illégal de civils (il a été condamné à une peine unique de sept ans d'emprisonnement).

(b) Hazim Delić était commandant adjoint du camp et il a été déclaré coupable au titre de sa responsabilité individuelle de crimes comprenant le meurtre, la torture et des traitements inhumains (il a été condamné à 20 ans d'emprisonnement).

(c) Esad Landžo était l'un des gardes du camp et sa responsabilité individuelle a été mise en cause pour des crimes, dont le meurtre, la torture et des traitements cruels (il a été condamné à 15 ans de prison).

La Chambre d'appel a maintenu les peines des trois accusés, prononcées en application de l'Article 2, mais elle a jugé que, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les éléments de preuve établissent la culpabilité d'un accusé pour une même conduite, à la fois au regard de l'Article 2 et de l'Article 3, les accusations en vertu de l'Article 3 devraient être rejetées, et il devrait seulement être condamné en vertu de l'Article 2. Par conséquent, la Chambre d'appel a rejeté les déclarations de culpabilité cumulative à l'encontre des trois accusés en application de l'Article 3. La Chambre a reconnu, que -je la cite-: « si la Chambre de première instance n'avait pas prononcé de doubles déclarations de culpabilité, l'issue aurait pu être différente sous le double rapport de la durée et du mode de la fixation de la peine » et elle a renvoyé la question de la fixation de la peine à une Chambre de première instance chargée de déterminer quel ajustement éventuel apporter aux peines prononcées afin de tenir compte du retrait des chefs cumulatifs. La Chambre d'appel a souligné que cela ne supposerait pas que soient de nouveau entendues les questions relatives à la fixation de la peine, mais que la Chambre de première instance examine les ajustements auxquels il conviendrait de procéder après avoir entendu les exposés des parties sur les questions pertinentes.

La Chambre d'appel a aussi annulé les condamnations de M. Delić sous deux chefs de meurtre d'un détenu mais a maintenu les déclarations de culpabilité de ce même accusé, s'agissant de chefs relatifs à d'autres faits. Elle a dit qu'il serait bon, lors du renvoi de l'affaire, que la nouvelle Chambre de première instance considère les ajustements qu'il convient d'apporter à la peine de l'accusé suite à l'infirmation de sa déclaration de culpabilité s'agissant des deux chefs.

La Chambre d'appel a également estimé que la Chambre de première instance avait fait une erreur dans la fixation de la peine en mentionnant le refus de témoigner de Zdravko Mucić de telle manière qu'il restait possible que la Chambre ait considéré ce refus comme une circonstance aggravante. La question de la révision de la peine a été renvoyée à la nouvelle Chambre de première instance avec pour instruction de déterminer s'il fallait tenir compte de l'effet éventuel de l'erreur commise par la Chambre de première instance initiale et en indiquant que la Chambre d'appel aurait prononcé une peine d'une dizaine d'années d'emprisonnement pour les crimes s'il n'avait pas été nécessaire de tenir compte d'un éventuel réajustement de la peine après le rejet de certains chefs d'accusation pour cause de cumul de qualification.

Les peines

La Chambre de première instance aborde maintenant la question des peines appropriées à prononcer à l'encontre des trois accusés, à commencer par M. Mucić. En ce qui le concerne dans l'examen du réajustement équitable de sa peine, la Chambre de première instance est liée par la décision de la Chambre d'appel disant que la peine est insuffisante et ne peut revenir sur celle-ci. Bien que la Chambre de première instance ne soit pas liée par ce que la Chambre d'appel considère comme une juste peine, elle doit manifestement en tenir compte. Dans ces circonstances, la Chambre de première instance se pose la question suivante : les parties ont-elle expliqué de quelque manière que ce soit les raisons pour lesquelles la Chambre devrait s'écarter de l'indication fournie par la Chambre d'appel ? La Chambre de première instance répond par la négative.

S'agissant du commentaire négatif de la Chambre de première instance initiale concernant le refus de Zdravko Mucić de témoigner au cours de son procès, la présente Chambre de première instance n'est pas en mesure d'en évaluer avec précision l'effet éventuel de ce commentaire sur la peine prononcée à son encontre. Cependant, la Chambre de première instance ne saurait dire que ce commentaire n'a eu aucun effet. Dans ces circonstances, la Chambre est d'avis que puisqu'il peut y avoir eu un effet, la peine initiale devrait être revue à la baisse en conséquence. Cependant, une légère réduction suffit à cette fin et la Chambre considère qu'il convient d'imposer une peine unique de neuf années d'emprisonnement.

Examinons maintenant le cas de Hazim Delić. La Chambre de première instance a reçu pour instruction d'examiner quel éventuel ajustement il convient d’apporter à la peine prononcée à l'égard de Hazim Delić, suite à l'annulation de sa déclaration de culpabilité sous les chefs 1 et 2. Ces chefs se rapportent à l'homicide intentionnel/meurtre d'un détenu, décédé des séquelles de sévices graves. Par ailleurs, l'accusé reste coupable du chef d'homicide intentionnel (à la suite de sévices graves), du chef de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de nouveau pour des sévices graves, de deux chefs de viol en tant que torture et d'un chef de traitement inhumain de détenus, du fait de l'utilisation d'un appareil émettant des décharges électriques sur des prisonniers. La peine totale imposée était de 20 ans d'emprisonnement.

Ayant examiné toutes ces circonstances, la Chambre de première instance conclut que, suite à l'appel, l'ensemble du comportement criminel de l'accusé a été réduit dans une certaine mesure. Cette réduction est toutefois légère, l'accusé étant toujours reconnu coupable d'infractions très graves. Par conséquent, la Chambre de première instance considère qu'une réduction de peine de deux années refléterait dûment l'ensemble du comportement criminel de l'accusé et qu'il convient d'imposer une peine unique de 18 années de réclusion.

Enfin, la Chambre a enfin examiné la question de l'ajustement éventuel des peines résultant du rejet du cumul des déclarations de culpabilité. Avant la présente affaire, la pratique du Tribunal a consisté à autoriser que les accusés soient déclarés coupables d'infractions multiples, mais à ordonner la confusion des peines dans un souci d'équité envers l'accusé. En l'espèce, la Chambre de première instance initiale a suivi cette pratique du cumul des condamnations mais aussi de la confusion des peines en découlant.

En renvoyant cette affaire, la Chambre d'appel a souligné que la peine finale devait rendre compte de l'ensemble du comportement criminel et de la culpabilité de l'auteur, et qu'on pouvait y parvenir en prononçant soit une peine soit plusieurs peines (cumulées ou confondues), cette question étant laissée à la discrétion de la Chambre de première instance.

La Chambre de première instance considère qu'il est irréaliste de soutenir que le nombre de déclarations de culpabilité étant réduit, la peine devrait être réduite également. En ce qui concerne ces trois accusés, l'ensemble de leur comportement criminel n'a pas été réduit du fait de l'annulation des déclarations de culpabilités cumulées. La Chambre de première instance initiale a expressément tenu compte de ce facteur en prononçant des peines qui auraient manifestement été les mêmes en l'absence d'un tel cumul. Par conséquent, les peines initiales ne seront pas réajustées pour ce motif.

Disposition

La Chambre de première instance considère que, pour résoudre de la meilleure façon la présente affaire, il faut imposer une peine unique et globale contre chacun des accusés, reflétant ainsi l'ensemble de leurs comportements criminels respectifs. Je vais demander aux trois accusés de se lever.

La Chambre de première instance par conséquent condamne les trois accusés comme suit :

Zdravko Mucić est condamné à 9 ans d'emprisonnement;

Hazim Delić est condamné à 18 ans d'emprisonnement;

et Esad Landžo est condamné à 15 ans d'emprisonnement.

La période passée en détention préventive sera déduite de la durée totale de la peine de chacun des accusés. »

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