“Le 22 mai, j’ai présenté un acte d’accusation pour confirmer l’inculpation de Slobodan Milošević et de quatre autres dirigeants serbes, pour crimes contre l'humanité- meurtres, déportations et persécutions, et également pour violations des lois ou coutumes de la guerre. L'acte d'accusation a été confirmé par un juge du Tribunal le 24 mai.”
Le Procureur Louise Arbour annonçant l’acte d’accusation contre Slobodan Milošević pour crimes commis au Kosovo (27 mai 1999).
L'acte d'accusation contre Slobodan Milošević pour crimes commis au Kosovo constituait le premier acte d'accusation jamais délivré par un tribunal international contre un chef d'état encore au pouvoir. Le 8 octobre 2001, peu de temps après le transfert de Slobodan Milošević devant la justice de La Haye, le Bureau du Procureur l’inculpa également pour crimes commis en Croatie, et le 22 novembre 2001, pour crimes commis en Bosnie-Herzégovine. Au total, Slobodan Milošević devait répondre de 66 chefs d'accusation pour des crimes perpétrés contre des milliers de victimes.
Slobodan Milošević fut accusé d'avoir mené une conspiration au Kosovo, alors qu’il était Président de la République Fédérale de Yougoslavie, visant à expulser de ce territoire une importante partie de la population albanaise, de façon à assurer le contrôle des Serbes sur la province. Il fut allégué dans l'Acte d'accusation que les forces sous ses ordres expulsèrent quelque 800 000 civils albanais du Kosovo, tuèrent des centaines d'hommes, femmes et enfants parmi cette population, infligèrent des violences sexuelles à de nombreuses femmes et détruisirent et pillèrent les propriétés des Albanais. L'Acte d'accusation allégua en outre que les forces dirigées par Milošević perpétrèrent ces crimes de façon systématique sur l’ensemble du Kosovo.
Dans ses actes d’accusation relatifs à la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, il fut allégué que Slobodan Milošević avait mené une conspiration du même type pour expulser les non-Serbes de vastes régions de ces deux pays, alors qu’il était Président de la République de Serbie. D’après l’Acte d'accusation, les forces sous ses ordres auraient attaquèrent et pris le contrôle de villages, de villes et de municipalités entières entre août 1991 et juin 1992 en Croatie et de mars 1992 à décembre 1995 en Bosnie-Herzégovine. Elles auraient alors mis en place un système de persécutions des non-Serbes visant à les chasser de ces territoires. Selon l’Acte d’accusation des hommes, femmes et enfants étaient expulsés de force de leurs maisons, rassemblés et détenus dans des camps de détention dans des conditions inhumaines, victimes de violences sexuelles, battus et torturés. Plusieurs milliers d'entre eux furent tués. Leurs propriétés et institutions culturelles furent également détruites.
L’accusation présenta des éléments de preuve pour corroborer ses allégations, et les soumit à un juge du Tribunal le 22 mai 1999. Ces pièces justificatives furent remises à Slobodan Milošević à son arrivée au Tribunal le 29 juin 2001.
Le juge confirma l’Acte d’accusation le 24 mai 1999, qui devint un document juridique officiel à partir de cette date. Du personnel de l’ONU se trouvant encore en Yougoslavie à cette époque, le procureur Louise Arbour demanda aux juges de sceller l’acte d’accusation pendant plusieurs jours pour leur permettre de quitter les lieux et d’éviter ainsi de possibles actes de vengeance. C’est ainsi que le procureur rendit l’Acte d’accusation public le 27 mai 1999, quelques jours après sa confirmation.
À cette époque le conflit au Kosovo faisait encore rage, opposant au sol les forces yougoslaves et serbes à l’Armée de libération du Kosovo, alors que les forces de l’OTAN procédaient à des bombardements aériens. Les media s’interrogeaient sur l’impact que l’acte d’accusation pourrait avoir sur l’arrêt des hostilités.
Le Procureur Arbour déclara qu’elle était convaincue –à l’instar du conseil de Sécurité qui avait créé le Tribunal et l’avait chargé à plusieurs reprises, en 1998 et 1999, des crimes commis au Kosovo- que l’Acte d’accusation contribuerait à une paix durable au Kosovo et dans la région. « Une justice crédible et durable ne peut se construire sur l’impunité et l’injustice », a-t-elle déclaré. « Le refus de traduire en justice les criminels de guerre constituerait un affront pour ceux qui se conforment au droit et une trahison pour ceux qui attendent de la justice qu'elle les protègent.»