«Ce Tribunal, et en particulier ce procès, sont la plus éclatante démonstration que nul n’est au-dessus de la loi ou hors de portée de la justice internationale ».
Le Procureur Carla del Ponte lors de son discours liminaire dans le procès de Slobodan Milošević.
Les procédures engagées à l'encontre de Slobodan Milošević marquent un tournant pour la justice internationale, et sont d'une importance capitale pour les peuples de l'ex-Yougoslavie ayant le plus souffert des crimes dont il était accusé. Le Tribunal a démontré que même les hautes fonctions occupées par un président ne lui permettaient plus de demander l'immunité et échapper aux poursuites judiciaires, et a montré qu'il n'était plus envisageable que des sociétés refusent d'admettre, pendant des décennies, le rôle joué par leurs plus hauts dirigeants dans la perpétration de crimes. En effet, la multitude d'éléments de preuve présentés au procès Milošević, dont la plupart n’avaient jamais été exposés, peut être considérée comme la plus grande réussite du Tribunal: cela fait partie de la mémoire collective -accessible au public, et agissant comme une barrière contre toute tentative pernicieuse de modifier l'histoire.
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Le 24 mai 1999, lorsque le Tribunal mit Slobodan Milošević en accusation pour des crimes commis au Kosovo, alors qu’il était Président de la République Fédérale de Yougoslavie, il fut le premier chef d’état accusé de crime de guerre par un tribunal international. Le conflit au Kosovo faisait encore rage lorsque le procureur annonça l’acte d’accusation. De ce fait, le Tribunal est devenu la première cour de justice internationale à agir en temps réel face à des crimes commis à grande échelle. Quand le conflit prit fin quelques semaines plus tard, et que les forces internationales entrèrent au Kosovo, le Tribunal dirigea un travail d’enquête sur l'un des plus vastes lieux de crimes de l’histoire , avec l’aide d’experts médicolégaux venus d’une douzaine de pays différents. Ils exhumèrent les corps de plusieurs centaines de victimes.
Les médias du monde entier portèrent leur attention sur le Tribunal le 29 juin 2001, le jour où Slobodan Milošević fut transféré au Tribunal de La Haye pour y être détenu, quittant la République de Serbie où il avait été emprisonné durant une courte période, après avoir été accusé de détournement de fonds et d’abus de pouvoir. Son transfert surpris nombre des sceptiques qui ne pensaient pas que Milošević serait un jour amené à rendre des comptes et à faire face à la justice de La Haye.
L’ouverture du procès, le 12 février 2002, suscita tout autant d’intérêt. À ce moment-là, Slobodan Milošević devait déjà répondre de ses crimes au Kosovo, et le Tribunal avait confirmé les actes d’accusation le concernant pour des crimes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine de 1991 à 1995, alors qu’il était président de la République de Serbie. Cet acte d’accusation était le résultat de nombreuses années d’enquêtes difficiles concernant plusieurs douzaines de crimes, impliquant leurs auteurs directs, des dirigeants intermédiaires, et finalement les plus hautes autorités du pouvoir. L’Accusation leur reprochait d’avoir conspiré avec Milošević pour débarrasser de vastes portions du territoire de sa population non serbe.
Le Bureau du Procureur présenta des éléments de preuve pour montrer que Milošević était impliqué dans plusieurs douzaines de crimes perpétrés contre plusieurs milliers de victimes, dans trois pays différents et pour une période de presque dix ans. Utilisant des innovations dans la procédure, telles que le témoignage écrit d’un certain nombre de témoins, l’ Accusation présenta ses arguments en 90 jours d’audience, accomplissement remarquable pour une affaire aussi volumineuse et complexe.
Dès le début, la Chambre de première instance établit une juste mesure entre les intérêts qu’avaient les victimes à entendre les éléments de preuves d’un nombre aussi considérable de crimes et le droit de l’accusé à un procès juste et rapide. Des centaines de milliers de spectateurs qui regardaient le procès en direct de Serbie purent voir l’approche équitable de la Chambre de première instance, et ses efforts pour s’assurer que les droits de Milošević étaient pleinement respectés. Milošević avait choisi d’assurer lui-même sa défense. La Chambre de première instance lui accorda un peu plus de temps pour qu’il procède au contre-interrogatoire des témoins de l’Accusation et afin qu’il présente les éléments de preuve pour sa défense. Prenant en compte les problèmes de santé de Milošević, la Chambre écourta la durée quotidienne et hebdomadaire du procès, et en annula 76 jours pour raisons médicales. Si l’on s’en tient au calendrier, le procès dura quatre ans, mais la durée réelle de la présentation des éléments de l’Accusation et de la Défense ne fut que de 14 mois.
De Les juges du Tribunal entendirent de nombreux éléments de preuve tout à fait nouveaux. Beaucoup de témoins, issus parfois des plus hautes sphères du pouvoir des pays de l’ex-Yougoslavie et de la communauté internationale, relatèrent pour la première fois des évènements-clés des guerres des années 1990. Des douzaines de victimes eurent la possibilité de faire entendre leurs histoires douloureuses et tragiques, enregistrées pour la postérité. De nombreux documents, cassettes vidéo et conversations téléphoniques interceptées, furent utilisés pour la première fois en audience lors de ce procès. Un certain nombre de documents étaient officiels et confidentiels et n’auraient peut-être jamais été rendu public sans cette affaire.
Quand l’Accusation eut présenté ses moyens de preuve, la Chambre de première instance les examina tous et en conclut que ceux-ci pourraient suffire (s’ils étaient admis) à convaincre un juge, au-delà de tout doute raisonnable, de la culpabilité de Slobodan Milošević pour tous les chefs d’accusations, en reconnaissant toutefois qu’il n’était pas lié à certains lieux de crimes cités dans certains chefs d’accusation. Cette décision ne stipulait pas que les juges condamneraient ou devraient condamner l’accusé.
Le procès a formellement prit fin le 14 mars 2006, à la mort de Slobodan Milošević , décédé de cause naturelle le 11 mars 2006, durant sa détention au Quartier pénitentiaire du Tribunal, alors que les conclusions du procès devaient être rendues seulement quelques semaines plus tard. Une enquête approfondie menée par les autorités néerlandaises et par le Tribunal permit de déterminer de façon concluante que Milošević était décédé de cause naturelle.
La mort de slobodan Milošević n’a pas privé de justice les victimes des crimes dont il était accusé. L’Accusation a inculpé un certain nombre des coauteurs de ses crimes, qui l’avaient aidé à préparer et perpétrer ces exactions, à l’origine de tant de souffrances. Certains d’entre eux, comme les dirigeants des Serbes de Croatie Milan Martić et Milan Babić, ainsi que les dirigeants des Serbes de Bosnie Momčilo Krajišnik et Biljana plavšić, ont déjà été reconnus coupables. D’autres sont encore en procès.