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Le témoin 50

 

… Il a fini de me violer […] et dit qu’il pouvait peut-être faire plus […] mais que j’avais pratiquement l’âge de sa fille.

 

 

Le témoin 50 (lors de sa déposition, son nom et son identité n’ont pas été divulgués au public), qui était à l’époque des faits une adolescente de Foča, raconte comment l’accusé Zoran Vuković l’a violée. Elle a témoigné le 29 et 30 mars 2000 au procès de Dragoljub Kunarac, Zoran Vuković et Radomir Kovač.

 

 

Lire son histoire et son témoignage

Le témoin 50 était une adolescente musulmane et habitait un village de la municipalité de Foča dans le sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine lorsque la guerre a éclaté en avril 1992. Elle avait peur que quelque chose de terrible ne lui arrive. Elle a expliqué aux juges : « En fait, tout ce que je craignais, eh bien, je l’ai vécu malheureusement, plus tard. »

[C]hacun d’entre eux nous a violées autant de fois qu’il le voulait.

Le témoin 50 a déclaré que, dès les premiers jours d’avril 1992, la guerre avait affecté la vie au village. Seuls les Serbes étaient armés, a-t-elle indiqué. On voyait des militaires partout et les voisins portaient à présent un uniforme. Les habitants du village ne pouvaient plus se rendre en ville pour acheter des produits de première nécessité, comme la nourriture ou les produits de toilette ou pour voir le médecin.

Au début du mois de mai 1992, le témoin 50 et sa famille se sont réfugiés dans les bois parce qu’ils avaient peur de brûler vifs dans leur maison, ce qui s’était produit dans des villages voisins, a précisé le témoin. Le 3 juillet 1992, le village du témoin 50 a été attaqué et quelques jours plus tard, quatre soldats en uniforme, dont un voisin, ont capturé le témoin et les membres de sa famille et les ont conduits dans un motel de Buk Bijela.

À leur arrivée, le témoin 50, plusieurs membres de sa famille ainsi qu’un groupe de femmes, d’enfants et de vieillards ont été emmenés dans une caserne se trouvant derrière le motel. Le témoin 50 a raconté comment Zoran Vuković, à l’époque commandant adjoint d’une unité de l’armée des Serbes de Bosnie (la « VRS ») et membre d’un groupe paramilitaire à Foča, était arrivé en armes et en uniforme et l’avait emmenée dans une chambre. Elle a déclaré que Zoran Vuković l’avait obligée à pratiquer une fellation en lui disant : « Pourquoi as-tu peur ? Tu ne sais pas ce que c’est de faire l’amour ? Tu ne l’as jamais fait. Amusons-nous. » Le témoin 50 a déclaré qu’elle était terrifiée et ne pouvait rien faire pour se défendre parce que son agresseur avait un pistolet et la menaçait.

Le témoin 50 a indiqué que, peu de temps après ce premier viol, elle avait été emmenée au lycée de Foča où elle étudiait en 1992. Le lendemain, un groupe de soldats est entré dans la salle de classe et a choisi environ huit filles, dont le témoin. L’un des soldats a emmené le témoin 50 dans une pièce et lui a ordonné de s’allonger et d’enlever son pantalon. Il l’a ensuite violée par pénétration vaginale. Le témoin 50 a indiqué qu’elle ne se souvenait pas exactement des propos qu’il lui avait tenus mais qu’à l’instar de tous les autres hommes qui l’avaient violée par la suite, il lui avait dit : « Vous, les femmes musulmanes, vous les Bule [terme péjoratif], on va vous montrer. » Lorsqu’on lui a demandé à l’audience ce qu’elle avait éprouvé, le témoin a répondu : « Il n’y a pas de mot pour décrire mes sentiments. C’est la chose la plus horrible qui me soit arrivée. »

Le témoin 50 n’a plus été emmenée à l’écart pendant qu’elle était détenue au lycée de Foča. Mais elle a affirmé avoir vu des soldats serbes venir choisir d’autres filles en les désignant du doigt : « Toi, toi ou toi. » Elle a déclaré qu’ils les emmenaient chaque fois qu’ils le voulaient. Chaque nuit, des filles étaient emmenées par des soldats. Lorsqu’elles revenaient, elles étaient en larmes et certaines saignaient du nez, hurlaient ou s’arrachaient les cheveux.

Après avoir passé 11 jours au lycée de Foča, le témoin 50 a été transférée au centre sportif Partizan où elle a été détenue avec une soixantaine d’autres personnes, des femmes et des enfants, ainsi que deux vieillards, tous des Musulmans. Le témoin 50 a indiqué que les soldats serbes venaient également au centre sportif Partizan pour y choisir des filles et a raconté les viols répétés qu’elle a subis. Parfois, a-t-elle dit, les soldats venaient la chercher tous les jours trois fois de suite, puis ils la laissaient tranquille pendant deux jours d’affilée. Parfois, ils la gardaient peu de temps, parfois pendant trois jours.

[J]’avais mal partout. Mon ventre, mon dos, mes jambes, tout me faisait mal. Mais ce qui me faisait le plus de peine, c’est de savoir qu’il avait 30 ans de plus que moi. Il devait avoir l’âge de mon père.

Un ou deux jours après son arrivée au centre sportif Partizan à la mi-juillet, le témoin 50 était cachée dans la salle de bains lorsqu’on est venu la chercher pour la première fois. Zoran Vuković, qui l’avait violée à Buk Bijela, l’a emmenée dans un appartement et l’a violée. Le témoin a déclaré : « Lorsqu’il a terminé, je veux dire le viol, […] il s’est assis, il a allumé une cigarette. Il m’a dit qu’il pouvait peut-être même faire beaucoup plus que cela et que j’avais à peu près l’âge de sa fille, et que donc, pour le moment, il ne voulait pas le faire. »

Le témoin 50 a raconté que, la deuxième fois, un groupe de soldats serbes était venu la chercher et l’avait emmenée avec trois autres filles dans une maison située en face de la gare routière de Foča. La maison était sens dessus dessous et les soldats ont ordonné aux filles d’y mettre de l’ordre avant de les violer. « [C]hacun d’entre eux nous a violées autant de fois qu’il le voulait. » Le témoin 50 a indiqué qu’elle avait été violée par trois hommes différents avant d’être ramenée au centre sportif Partizan.

Le témoin 50 a déclaré que par la suite, un autre groupe l’avait emmenée elle et au moins deux autres filles dans une maison abandonnée ayant appartenu à des Musulmans. L’un des soldats l’a violée à plusieurs reprises dans cette maison.

Le témoin 50 a rapporté qu’un homme appelé Gica l’avait emmenée près de Brod, dans un appartement qui, apparemment, lui appartenait. Le lendemain, un homme qu’elle connaissait l’a violée à cet endroit. Elle a indiqué qu’il la connaissait très bien. Ils prenaient le même bus tous les jours, lui pour aller à son travail, elle pour aller au lycée. Le témoin 50 a déclaré qu’il avait trente ans de plus qu’elle et qu’il était marié. Elle a ajouté qu’il riait pendant qu’il la violait. « J’avais le sentiment que s’il le faisait, c’était parce qu’il me connaissait et qu’il voulait vraiment me faire du mal. »

Le témoin 50 a affirmé qu’un autre homme serbe l’avait emmenée du centre sportif Partizan dans son appartement à Brod où il vivait avec sa mère. Il a présenté le témoin à sa mère en la faisant passer pour sa petite amie serbe. Il l’a obligée à utiliser un nom serbe et à dire que sa mère et son père étaient Serbes. On lui a servi du cognac, mais elle n’avait jamais bu d’alcool parce qu’elle n’avait même pas 17 ans et que les femmes musulmanes, pour la plupart, n’en buvaient pas. Il l’a emmenée ensuite dans sa chambre et l’a violée pendant quatre heures. Il était très cruel. «[C’était] inimaginable », a dit le témoin. « Je ne sais même pas comment le dire, l’expliquer. Je ne savais pas où prendre une douche. Je ne pouvais même pas me laver les mains. »

Le 2 août, Dragoljub Kunarac, à l’époque chef d’une unité de la VRS, est venu chercher le témoin 50 et trois autres filles au centre sportif Partizan pour les emmener dans une maison du quartier d’Aladža. Un soldat monténégrin, que le témoin a décrit comme âgé et « horrible », l’a emmenée dans une pièce. Il l’a menacée avec un couteau en disant : « Tu verras Musulmane, je vais te dessiner une croix dans le dos. Vous allez tous vous convertir. Vous n’allez plus être musulmans. » Le témoin 50 a déclaré que l’homme l’avait tellement menacée qu’elle pensait qu’il allait la tuer. Il l’a violée de manière si brutale qu’elle saignait. « [J]’avais mal partout. Mon ventre, mon dos, mes jambes, tout me faisait mal. Mais ce qui me faisait le plus de peine, c’est de savoir qu’il avait 30 ans de plus que moi. Il devait avoir l’âge de mon père. »

Cette nuit-là, le témoin 50 a été ramenée au centre sportif Partizan. Même si les soldats ont continué de venir chercher des filles, elle n’a plus été molestée. Le 13 août 1992, le témoin 50 et les autres détenus du centre sportif Partizan ont quitté Foča à bord d’autocars, prêtés par la police. Le témoin 50 a entendu parler de l’arrivée probable des membres du Comité international de la Croix-Rouge et elle suppose que c’était pour cette raison que la police voulait faire partir les détenus.
 

Le témoin 50 a témoigné au procès de Dragoljub Kunarac, Zoran Vuković et Radomir Kovač les 29 et 30 mars 2000. Le Tribunal a déclaré coupable Zoran Vuković, membre d’une unité de la VRS et membre d’un groupe paramilitaire à Foča, et l’a condamné à 12 ans d’emprisonnement pour le viol du témoin 50. Le Tribunal a également déclaré coupables ses coaccusés, Dragoljub Kunarac, chef d’une unité de la VRS, et Radomir Kovač, commandant adjoint de la police militaire de la VRS et chef d’une unité paramiliaire à Foča. Le Tribunal les a condamnés respectivement à 28 ans et 20 ans d’emprisonnement.

> Lire la version intégrale de la déposition du témoin 50

 

 

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