Communiqué de presse |
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La Haye, 14 février 1997
CC/PIO/156f
Affaire Blaškić: le Tribunal ordonne à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine de donner suite
à la requête du Procureur aux fins de production d’éléments de preuve documentaires
Le Juge Gabrielle Kirk McDonald a rendu aujourd’hui deux ordonnances enjoignant le gouvernement de la République de Croatie et celui de la République de Bosnie-Herzégovine d’exécuter dans leur intégralité les ordonnances rendues par le Tribunal le 15 janvier 1997. Le Juge McDonald enjoint de nouveau ces gouvernements de communiquer au Bureau du Procureur du Tribunal international des éléments de preuve documentaires concernant l’affaire Blaškić.
1. Ordonnance adressée à la Croatie
Dans l’ordonnance décernée à la République de Croatie, le Juge McDonald enjoint le Ministre de la défense croate, Gojko Šušak, de communiquer au Procureur des éléments de preuve relatifs à l’affaire Blaškić. La Croatie, qui a ces éléments en sa possession, n’a toujours pas produit ces éléments malgré l’ordonnance que lui avait adressée le Tribunal. À supposer que ces documents n’aient toujours pas été communiqués le 19 février 1997, Gojko Šušak, ou une personne le représentant ainsi qu’un représentant de la République de Croatie sont enjoints de comparaître personnellement devant le juge ce jour-là afin d’exposer les motifs pour lesquels leur gouvernement a refusé d’exécuter la précédente injonction de produire (ordonnance aux fins de production de documents).
Le contexte
Le Juge McDonald a rendu, le 15 janvier 1997, une « Injonction de produire » à l’adresse de la République de Croatie et de son Ministre de la défense, Gojko Šušak, (conformément aux articles 18 2), 19 2) du Statut et aux articles 39 ii) et iv) et 54 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal). Cette ordonnance demandait que 13 catégories précises d’éléments de preuve concernant Tihomir Blaškić soient communiquées au Procureur le 14 février 1997 au plus tard.
En cas de défaut de production de ces documents, l’ordonnance enjoignait un représentant de la République de Croatie et M. Šušak ou son représentant de comparaître devant le Tribunal le 14 février 1997 à 9 heures afin d’exposer les motifs de la non exécution de l’ordonnance. La Croatie n’ayant pas remis les documents requis et aucun représentant du Gouvernement ne s’étant présenté devant le Tribunal afin d’expliquer ce refus, le Juge McDonald a adressé aujourd’hui une nouvelle ordonnance à la Croatie.
Ce qui suit est un résumé des éléments de preuve documentaires requis par le Procureur:
- Toutes les notes et écrits de Tihomir Blaškić établis par ou pour lui entre le 1er avril 1992 et le 1er janvier 1994 et envoyés au Ministère croate de la défense et à ses représentants;
- Toutes les notes et écrits de Tihomir Blaškić établis par ou pour lui au cours de la période indiquée plus haut et adressés à Mate Boban ainsi qu’au Ministère de la défense de la Communauté croate d’Herceg Bosna et à ses représentants, civils et militaires;
- Tous les ordres militaires établis au nom de Tihomir Blaškić alors qu’il était commandant de la zone d’opération de Bosnie centrale;
- Tous les ordres et directives, signés ou non, adressés à Tihomir Blaškić en son nom personnel ou en sa capacité de commandant par Mate Boban, l’état-major du HVO (le Conseil de défense croate) et le Ministère de la défense de la Communauté croate d’Herceg Bosna, entre le 27 juin 1992 et le 1er janvier 1994;
- Tous les ordres, communications et directives adressés à Mate Boban, à l’état-major du HVO et au Ministère de la défense de la Communauté croate de Herceg Bosna et à ses représentants entre le 1er avril 1992 et le 1er janvier1994 ;
- Tous les écrits, mémoires, notes, rapports et protocoles d’accord échangés entre le 1er avril 1992 et le 1er janvier 1994 par M. Gojko Šušak, et ses représentants d’une part, et Mate Boban, l’état-major du HVO et le Ministère de la défense de la Communauté croate de Herceg Bosna et ses représentants d’autre part, entre le 1er avril 1992 et le 1er janvier1994 ;
- Tous les dossiers et rapports relatifs aux enquêtes et poursuites engagées par le HVO et la HV (Armée de la République de Croatie), ou leurs représentants, à la suite des attaques et meurtres de civils perpétrés à Ahmići et dans d’autres villages de la vallée de la Lašva en avril 1993;
- Le nom de toutes les personnes poursuivies en Herceg Bosna ou en Croatie ou ayant fait l’objet de quelque sanction disciplinaire que ce soit pour les crimes perpétrés dans le cadre de ces attaques;
- Le compte rendu d’une réunion tenue par Tihomir Blaškić et des militaires et civils du HVO le 4 juillet1992 à Kruščica (Municipalité de Vitez) ;
- Tous les dossiers du Ministère croate de la défense où il est fait état de l’expédition d’armes et de munitions par la République de Croatie au HVO, à la HZ H-B (la Communauté croate de Herceg Bosna) ou à leurs représentants entre le 1er novembre 1991 et le 1er janvier 1994 ;
- Tous les documents, dossiers, rapports et ordres du Ministère croate de la défense où sont relatées la présence et les activités en Bosnie-Herzégovine entre le 1er novembre 1991 et le 1er juillet 1994 de militaires de l’armée croate ;
- Tous les documents et dossiers du Ministère croate de la défense faisant état de tués ou de blessés parmi des militaires de l’armée croate en République de Bosnie Herzégovine entre le 1er janvier 1993 et le 1er janvier 1994;
- Les relevés des communications téléphoniques passées du 1er avril 1992 au 1er janvier 1994 entre le Ministère de la défense de la République de Croatie d’une part et l’état-major et le Ministère de la défense d’Herceg Bosna d’autre part.
La position de la Croatie
Dans une lettre adressée au Greffier du Tribunal et datée du 13 février 1997, Srecko Jelinić a répondu à l’injonction de produire au nom du gouvernement de Croatie, exprimant les vues de celui-ci sur la question.
La lettre faisait remarquer que, alors que l’injonction de produire du 15 janvier était adressée tant à M. Šušak qu’à la République de Croatie, seul M. Šušak était enjoint de fournir au Procureur les éléments de preuve demandés : « La demande d’assistance peut être adressée à un État, mais non nommément à un haut responsable du gouvernement, qui est invité à comparaître au nom de l’État. (. . .) Toute demande adressée au ministre Gojko Šušak ainsi que celle adressée à tout responsable gouvernemental à titre personnel, est jugée non fondée. De même, aux termes de l’article 8 du Règlement de procédure et de preuve, toute demande de transmission d’informations pertinentes doit être adressée à un État, et non à un individu. »
Srecko Jelinić ajoute que n’est mentionnée nulle part « la possibilité d’adresser une "injonction de comparaître" à des États souverains. (. . .) Par conséquent, la République de Croatie, en tant qu’État souverain, ne peut accepter de se conformer à " l’ordonnance de soit-communiqué" (ou « injonction de produire ») mais, fidèle à ses obligations envers le Statut du Tribunal, réaffirme sa volonté d’apporter une coopération pleine et entière selon les conditions applicables à tous les États.../... » (. . .) Le nombre de renseignements et de documents [demandés] est considérable et d’autant plus surprenant que certains des documents demandés n’existent même pas; d’autres existent bien mais ne peuvent en aucun cas se rapporter à l’affaire du général Blaškić et si d’autres encore existent peut-être, ils ne sont pas en la possession des autorités de la République de Croatie car ils ont trait à ce qui s’est passé en Bosnie-Herzégovine. »
Le Gouvernement de la République de Croatie n’est compétent que sur son propre territoire, précise encore la lettre.
Srecko Jelinić conclut en déclarant que le gouvernement de la République de Croatie demeure attaché à la coopération avec le Tribunal sur la base du droit international et de la Loi constitutionnelle de la République de Croatie sur la coopération avec le Tribunal. « Il [le gouvernement de Croatie] répondra à des demandes spécifiques se rapportant à des affairesdonnées. A l’instar de tout autre État souverain, la République de Croatie se réserve le droit d’agir dans l’intérêt de la sécurité nationale dans le cadre de l’assistance à apporter au Tribunal. »
2. L’ordonnance adressée à la Bosnie-Herzégovine
Une ordonnance similaire a été adressée au gouvernement de Bosnie-Herzégovine, lequel n’a que partiellement exécuté l’injonction de produire rendue le 15 janvier 1997.
Le Ministre de la défense de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, Ante Jelavić, a été enjoint de communiquer, le mercredi 19 février 1997 avant 14 heures au plus tard, les pièces demandées dans l’ordonnance rendue le 15 janvier. À supposer que l’injonction de produire ne soit toujours pas exécutée, le juge a ordonné que M. Jelavić se présente en personne devant le Tribunal ce jour-là ou se fasse représenter par une personne qualifiée, pour décrire les lieux desdites archives centrales et ce qu’elles renferment, et pour décrire en détail les mesures prises pour se conformer à l’injonction de produire. Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a en outre été enjoint de veiller à l’exécution de ladite ordonnance à cette date.
Le contexte
L’injonction de produire a été décernée le 15 janvier 1997 à la Bosnie-Herzégovine et au dépositaire des archives centrales de ce qui était le Ministère de la défense de la Communauté croate de Herceg Bosna. Elle enjoignait ce dernier à communiquer au Procureur 19 pièces constituant des éléments de preuve documentaires dans l’affaire Blaškić, d’une nature similaire aux éléments de preuve requis auprès de la Croatie, mais comprenant des éléments supplémentaires.
Il apparaît que ces documents se trouvent dans les Archives centrales de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, qui succèdent officiellement aux archives centrales de ce qui était le Ministère de la défense de la Communauté croate de Herceg Bosna.
Le 11 février 1997, le Ministre de la défense, Anto Jelavić a écrit à Madame Vasvije Vidović, conseillère du Ministre représentant la Bosnie devant la Chambre, afin de l’informer du fait qu’il avait demandé au HVO de faciliter les contacts entre le directeur des archives de guerre de l’ancien Ministère de la défense de Herceg Bosna et le Tribunal pénal international. Il ajoutait dan sa lettre que le dépositaire des archives était décédé depuis peu et n’avait pas encore été remplacé.
Jusqu’à présent, 11 pièces, à savoir de brefs ordres rédigés par le Général Blaškić, avaient été communiquées au Procureur (comme le prévoyait le cinquième point de la requête, ou en application d’une requête de coopération émise auparavant). Mme Vidović partageait l’opinion du Procureur, selon laquelle les documents fournis jusqu’alors ne répondent que partiellement à la requête. Le Procureur a estimé que la réponse du dépositaire des archives démontrait un « manque substantiel de coopération » et a demandé que cette remarque paraisse dans l’ordonnance rendue aujourd’hui par le Juge McDonald. Le Procureur avait demandé que M. Jelavić soit enjoint de comparaître devant le Tribunal pour rendre compte de ce manque de coopération, en sa qualité de responsable exerçant un contrôle effectif sur les archives.
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Des copies de l’injonction de produire peuvent être obtenues en contactant le Bureau d’information publique.
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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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